Fils d’Hypnos | 15 ans | 1m80 | Rêveur | Avec Lemony dans l’Amphithéâtre
Je souris en entendant sa réponse : j’aime les automates ! C’est super cool ! Et j’adore me poser des questions d’intelligence artificielle et jusqu’où ça va… Je crois avoir vu un film, enfin pas vraiment non, j’ai plutôt assister à des scènes qui au final constituaient un film mais il s’agissait en fait d’un rêve. Un rêve sur l’intelligence artificielle, sur les droits qu’on lui accorde, sur la conscience et le fait qu’un robot soit reconnu comme « personne »… Je ne sais plus d’où étaient tirées les scènes qui ont envahi mon esprit, peut-être de plusieurs films différents, peut-être de rêves d’autres personnes, je l’ignore… Je sais juste que cette question m’a intriguée, parce que je me suis demandé comment on pouvait considérer comme « personne » quelqu’un qui ne rêve pas… Sans cerveau organique il est impossible d’entrer dans le rêve d’un robot, d’un cyborg oui – dans le cas où son cerveau aurait été conservé – mais pas dans le cas d’une machine pure. Une machine n’a pas de cerveau, elle est limitée par un disque dur, par une mémoire, par une carte, des circuits, peu importe, tandis que l’esprit organique n’a pas de limite, dans les rêves il peut aller où il veut, même dans une sorte d’espace collectif, là où les informations tournoient, tandis qu’un robot ne le peut. Alors comment le considérer comme une personne à part entière ? Parce qu’on y est attaché ? Par empathie ? Parce que les hommes sont les créateurs de ces machines ? Parce que ces machines ont des désirs et des valeurs ? Je ne sais pas. De toute façon ce n’est pas comme si nous en étions à ce stade, pour le moment nos machines ne sont pas suffisamment performantes pour qu’on se pose cette question. Mais ça m’intrigue, dans le futur, si nos machines deviennent comme… Une image me revient et le seul mot qui l’accompagne est « Sonny », certes le robot n’est pas vraiment humanoïde, mais dans ma vision il a des sortes d’émotions… Ah moins que je ne fasse erreur, je vois plutôt un petit garçon du nom de David… Un enfant d’apparence mais un robot en réalité… Bien que des émotions me viennent, des émotions liées à l’empathie, comment le considérer comme une personne puisqu’il ne rêve pas ? Ou du moins, ses rêves sont créés par un programme informatique, donc ne sont pas naturels, donc comment le voir comme une personne ? Si je ne peux pas aller dans son esprit et voir sa vérité ? Car c’est bien ce que renferment les rêves : la vérité d’une personne, qui elle est, quel est son passé, ses pensées, ses émotions, à quoi ses émotions sont liées, quelle est sa personnalité, ce qu’elle montre et ce qu’elle cache – y compris à elle-même… Un rêve n’est jamais là par hasard, on ne rêve pas d’un ciel bleu par hasard, bien que généralement on en rêve parce que c’est l’un des éléments permanents de notre réalité… Parfois en tout cas. Alors qu’un robot n’est qu’un programme au final, une machine, certes très utile et qui ressemble parfois à l’homme, mais une machine tout de même, qui ne peut être une forme de « elle » que si l’homme qui l’a créée lui a donné la possibilité d’évoluer en fonction de ses expériences, donc un programme capable d’évoluer, donc une limite. Comment j’en suis arrivé là ? Ah si ! J’ai retrouvé ! Il y avait plusieurs mots mais ceux qui m’ont frappé : « tu vois un engrenage qui traîne sur une table tu vas penser "Oh qu'est-ce qu'il est beau et qu'est-ce qu'il fonctionnerait bien avec mon nouveau projet !" tu vas pas juste avoir la tête vide, sinon c'est toi, l'automate. »
— Je suis d’accord, dis-je avec un grand sourire en le regardant plus attentivement, un automate a la tête vide, sans rêve on est vide, les rêves c’est la vie. Donc je ne suis certainement pas un automate, et toi non plus, je le sens.
Je souris ensuite, captant la suite de justesse.
— Oh si, il en fait partie, d’une certaine manière. Tu n’es pas totalement dépourvu de passé, si ? Il te reste bien quelque chose ? Chaque fois que tu te réveilles tu n’es pas une personne vierge de toute pensée ? Sans passé, désir, personnalité ? Tu n’as aucune impression ? Aucun mouvement qui te semble habituel ou connu ? Aucune émotion qui te semble familière ? Le fait que tu oublies signifie que tu ne parviens pas à forger de souvenir ou que tu ne parviens pas à les récupérer ?
Je suis particulièrement curieux et d’autant plus que je me dis que je pourrais en apprendre tellement en venant le visiter. J’ai normalement accès à plus ou moins tout dans un cerveau, il n’est qu’un espace de rangement et j’y observe ce que je désire, dont les souvenirs, parfois je vois même des souvenirs enfouis dont la personne ne se souvient pas, mais ils sont bien là, enregistrés par son cerveau, encodés, il suffit de savoir lire ce code. Ce qui n’est pas toujours simple, plus un souvenir est lointain plus le code est complexe, c’est pourquoi une personne qui invoque un souvenir n’y parvient pas toujours où ne peut le voir que partiellement, mais moi je le vois, parce que sais le lire. Il n’y a pas des bols remplis de l’eau du Léthé pour rien dans notre bungalow. Et même si un passé n’est pas accessible à une personne, il fait partie d’elle et la forge, car si la personne ne se souvient pas, son subconscient, lui, se souvient. Et puis même, nous pourrons toujours visiter ce que j’appelle la mémoire collective, en soi ce n’est pas vraiment ça, c’est plutôt un espace commun où tout se rencontre, je sais qu’Hypnos s’y trouve constamment, dans ce lieu commun, où il peut avoir accès à tout d’une certaine manière, même si ce n’est pas aussi simple. Peut-être qu’ainsi je pourrais tracer les souvenirs ayant un rapport avec le demi-dieu et ainsi j’en apprendrais plus sur lui.
En revanche pour la suite j’ai totalement perdu le fil. On parlait de quoi cette fois ? Je ne sais pas non plus qui sont les gens dont je viens de parler. Je retrouverai peut-être ce souvenir quand je dormirai tiens ! Tout est plus clair quand je dors, j’ai accès à tout sans devoir me concentrer plus que ça, alors qu’ici… C’est différent. Oh ! Bob ! Qui est Bob ? Je lui demande un éclaircissement et il dit que c’est un faucon géant ! Mais c’est trop bien ! Moi aussi je veux un Bob ! Oh ! En plus comme ça je pourrais voler sur son dos ! Il faut que je lui demande où il l’a trouvé ! Et il me dit qu’il vient de la plage. Ok ! J’irai voir ! Mais je ne l’appellerai pas Bob, hmmm peut-être Jeff, oui c’est bien ça, Jeff le faucon ! Et il pourra m’emmener sur son dos et je pourrai m’y endormir… sur ses douces plumes… avec le doux son du vent… et le soleil couchant… Je baille longuement avant de reposer ma joue dans ma paume et de légèrement entrouvrir les paupières. Elles étaient fermées ? Je regarde l’être en face de moi. Ce n’est pas Jeff. C’est un humain. Il n’a pas de plumes. Il n’a pas l’air particulièrement confortable pour dormir. Certains sont confortables pourtant, je crois avoir déjà dormi sur quelqu’un… Ou sur plusieurs personnes… Mais lui ne semble pas assez large pour que je puisse me vautrer… Ce n’est pas grave, j’attendrai de retrouver Jeff.
— Hmhm, dis-je en acquiesçant lentement, une vie différente… tu peux en avoir une si tu le souhaites, il suffit de rêver !
Toujours ! Les rêves libèrent du monde tangible ! Ils permettent de s’évader, de vivre différemment, comme il le dit. Il pourrait y arborer un autre visage, ou même plusieurs, il pourrait faire ce qu’il désire sans conséquence, il pourrait rencontrer qui il veut, faire ce qu’il veut sans la logique incompréhensible du monde tangible, il pourrait voir et entendre tout ce qui est possible, il pourrait avoir une vie en à peine un instant, un battement de cils de la vie tangible, voire moins.
Le garçon rit. Je ne sais pas pourquoi mais c’est communicatif, alors je fais la même chose. J’aime rire. C’est agréable. La conversation est perdue, tant pis, au moins on se comprend : le monde tangible est vraiment trop complexe pour que tout puisse être capté et retenu. Le fait de rire m’a un peu réveillé, si bien que je capte la suite. Une photo ? J’acquiesce sans bouger, un sourire sur le visage.
— Bien sûr, tu peux prendre ta photo. Héhé évidemment que je suis ouvert d’esprit, sinon comment ferais-je pour entrer dans ceux des autres ou pour les laisser entrer dans le mien ?
Si mon esprit était fermé je ne pourrais jamais rien intégrer aux rêves des autres ! Je serais seul, enfin, seul dans l’espace commun j’imagine. Enfin non, personne n’est seul dans l’espace commun, c’est impossible, mais du coup je ne peux pas être fermé d’esprit, voilà tout, personne ne peut l’être, chacun rêve et est ouvert, donc ce qu’il dit est parfaitement évident.