@Yume : x3 ♥
Lior
Penser à Nat’ est toujours douloureux, au point que je le ressens physiquement : ma gorge se noue, mon ventre se contracte et j’en ai mal au crâne, c’est insupportable. C’en devient physiquement insupportable, et je donnerai cher pour que ça cesse, pour que j’arrête d’avoir la nette impression que je vais m’effondrer ou exploser d’un instant à l’autre tant j’ai mal. J’ai mal, p*tain, j’en souffre. P*tain, ça fait mal… Ca fait mal d’être abandonné, laissé derrière par la seule personne qu’on aime et qui… T’aime en retour… Je ne crois pas en l’amour, du genre des sentiments passionnés et tout, non, ça, ça n’existe pas. En revanche, je crois que l’amour est un état d’esprit, et mon état d’esprit, aujourd’hui, là, maintenant, tout de suite, comme il l’est depuis son départ sans avoir changé d’un iota, c’est d’être avec Nat’. Des fois, je me trouve complètement c*n et pathétique d’être transi d’amour, d’être ainsi tourmenté émotionnellement alors que je me vante d’être celui qui cherche la faille chez les gens, n’importe qui, et que je la trouve, puis m’amuse à les démolir en l’élargissant… Un paradoxe coui*lon et qui me rend dingue.
J’ai toujours cru être quelqu’un d’assez fort pour tenir, mais peut-être que ce n’est finalement pas le cas, ce qui me frustre et me mine intérieurement, mon ego en prenant un sacré coup, mais je n’en montre rien, rien du tout, me satisfaisant de le cacher au reste du monde, pour ne pas me faire démolir à mon tour par une personne aussi fêlée que moi. Mon seul souhait est que Nat’ revienne. Ou que je puisse partir et le rejoindre, le retrouver et le serrer dans mes bras. Mon seul souhait est qu’il soit réel et à mes côtés. Ce n’est pas trop compliqué, pas grand-chose de demandé, c’est même possible, mais la chance n’a jamais été avec moi et ne le sera jamais, alors je peux d’ores et déjà faire une croix sur Nat’, qui me sert de semi-copain fantomatique. Un p*tain de fantôme. Et je crains, je redoute plus que tout ce fameux jour où il le deviendra pour de vrai, où il deviendra un fantôme, parce qu’il sera…
La voix de Campbell s’élève et me pose une question inattendue, qui me tire subitement de mes pensées : il me demande ce qui me passionne, et, instantanément, ma tête se tourne à nouveau vers lui et je plante mes yeux dans les siens, les vrillant, à la fois curieux, intrigué, et suspicieux, sur mes gardes. D’habitude, on ne s’intéresse pas à moi et les gens font abstraction de mon être pour se concentrer sur ce que j’incarne, à savoir la folie, pure et dure, comme si ce simple mot lourd de sens était représentatif par moi et moi seul, comme si la folie prenait corps au travers de moi, et c’est pourquoi ils croient que je suis creux, une enveloppe vide, dénuée de logique. Ils ne vont jamais chercher bien loin quand ça me concerne, à vrai dire, ils s’en fo*tent royalement, donc entendre un mec du bahut à qui ça semble intéressant de demander ce qui me passionne a de quoi me faire décrocher la mâchoire, mais j’en fronce les sourcils à la place, méfiant, encore surpris, avant de ricaner, un petit rire contrit et amer franchissant le rempart de mes lèvres, et je lui rétorque à voix basse :
-Mon autodestruction.
Un demi-mensonge. Ca, c’est ce qui doit me passionner le plus après Nat’ et son armée. En détruisant ma famille, je me détruis avec. C’est fun. L’éclate. Ouais, je te jure. S’autodétruire, c’est comme se sauter soi-même, même si c’est impossible : t’y prends carrément ton pied, t’as l’impression de vivre et de descendre en enfer. Pour un peu, ça me ferait jouir, pour beaucoup, ça me tuerait. Au fond, c’est ça que je désire : me tuer, mourir, car sans Nat’, la vie ne vaut rien, et avec une famille pareille, il vaut mieux n’importe quoi que de vivre dans le même monde qu’elle. Mais pourquoi ne suis-je pas déjà passé à l’acte ? Qu’est-ce que je f*us encore en vie, debout, dans un cimetière, en train de « discuter » avec Campbell, un gamin qui a deux ou trois ans de moins que moi ? Trois ans, ce n’est rien, et en même temps énorme.
C’est vrai que je manque de cohérence, sur ce point, je dois être lâche, les gens n’ont pas tort, parce que j’aurais déjà dû me tuer si j’avais voulu être cohérent avec moi-même, mais je ne l’ai pas fait, va savoir pourquoi. Parce que j’ose espérer que Nat’ revienne, que je revois Diana et que ma famille se bouge enfin le c*l ? Je ferai mieux de pactiser avec le diable pour que ça arrive, mais il n’existe pas, cet enf*iré, pas plus que Dieu et son paradis de mes deux. Je leur pisse dessus, non, je leur ch*e dessus et préfère me vautrer dans la drogue, tripper sous ecstasy et me faire bouffer les neurones par ces m*rdes. Jouissif, je vous dis, orgasmique. Et j’en reste là, n’aggravant pas mon cas et me contentant de cette réponse sans rien ajouter, fixant Campbell droit dans les yeux.
Une fois face à celle qui me sert de génitrice, Campbell la salue et non, je n’en reviens pas, car il vient de saluer une sous-m*rde, un déchet, c’est-à-dire ma mère. Elle ne mérite aucun salut, cette co*ne, seulement des torgnoles, elle ne mérite que ça, que d’être raillée et blessée, parce qu’elle blesse sa famille en ne fo*tant absolument rien, si ce n’est encore br*nler son mari, voire uniquement sa b*te sans que ça ne le comble, ce qui me fait devenir fou. Pas un pour rattraper l’autre. Mon père est quelque peu respectable, car lui, il fait au moins quelque chose, un boulot de m*rde, mais quelque chose, alors que ma mère, elle passe son temps à la maison, en train de la nettoyer de fond en comble de manière à ce que ce soit encore dégueulasse même en ayant fini le ménage. Même s’occuper de la maison, elle ne sait pas faire correctement, et je refusais que Campbell se retrouve nez-à-nez avec cette… Dépravée. Manque de bol pour moi, c’est ce qui s’est produit et je l’en ai immédiatement éloigné. Franchement, je m’en contrecarre de ce que les gens pensent de ma famille, parce qu’ils ne connaîtront jamais sa vérité profonde et dérangeante, mais en attendant, ça ne signifie pas que j’ai assez confiance en Campbell pour la lui montrer.
Il en sait presqu’autant que Diana et je ne veux pas qu’il en sache plus, ce qui est déjà bien trop et me compresse le cerveau, et j’en pète un câble, perdant mon sang-froid tandis que Campbell demeure calme, ce qui me donne envie de lui en coller une juste pour lui rappeler qu’on n’est pas dans le monde des Bisounours et encore moins dans cette ville où a sévi un tueur en série, et, au mieux, je lui crie après, puisque la violence physique me répugne, Campbell m’ayant ordonné de regarder sur la boîte s’il n’y avait pas un expéditeur indiqué quelque part, comme un membre de ma famille, et je lui objecte que je n’ai pas d’autre famille, véhément, ce qui le surprend et me fait m’énerver davantage, et Campbell reste toujours aussi calme pendant que mon côté sanguin s’exprime, avant qu’on ne découvre tous deux qu’il s’agit d’une arme à feu dans la boîte. Et là, Campbell agit autrement et sort son téléphone de la poche de son pantalon, ce qui me fait paniquer et je l’empêche d’aller plus loin en lui saisissant le poignet relié à la main qui tient son téléphone, m’interdisant tacitement tout geste brusque, et Campbell est olympien, ce qui exacerbe ma colère, et me précise que ce n’est pas une question de me vendre, mais de prévenir la police, exactement la même chose, quoi. Et il continue en affirmant des trucs tous plus débiles les uns que les autres de petit gars issu des milieux riches qui n’a aucune idée de comment ça marche en bas, dans la m*rde où il ne trempe au grand jamais ses pieds et il m’interroge, me jurant que la meilleure chose à faire est d’appeler la police, mais je ne me retiens plus et attrape son téléphone de mon autre main sans le lâcher, mes yeux harponnant les siens, et je baisse d’un ton, lui parlant d’une voix basse, dure et menaçante :
-Ecoute-moi bien, Campbell, parce que je vais pas le répéter deux fois, donc ouvre grand tes oreilles : c’est pas comme ça que ça marche dans ce milieu, ok ? Je vais te dire, moi, comment ça marche : si jamais t’en parles à la police, ce sera une preuve de mon implication dans le trafic de drogue et je vais me faire descendre, tu piges ? Et je crois pas que t’aies spécialement envie d’avoir ma mort sur la conscience même si on se connaît pas et qu’on est pas pote. T’as l’air d’être un mec sérieux et sympa, réglo et cool, alors reste-le en me laissant gérer ça à ma façon. Je sais lire et à ce que je lis, la boîte ne t’était pas adressée, mais à moi, et sans expéditeur. Ca peut venir de n’importe qui. Il n’y a que trois options à ce stade : ou c’est effectivement une blague, ou ça vient d’un fournisseur, ou du tueur. Bah ouais, le tueur, c’est pas ce fils de p*te de Tyler, mais quelqu’un d’autre, tu peux me croire, et il est hors de question que ça revienne à la police si c’est un de mes fournisseurs. Je revends pas, je consomme juste et en garde, ça me permet de survivre, alors t’as pas intérêt à m’envoyer croupir en taule, ou ça se retournera contre toi et je plaisante pas, capiche ?
Je lui rends son téléphone et me recule de quelques pas sans le quitter des yeux, fulminant, avant de faire volte-face, sauter auprès de la boîte, m’accroupir et reprendre le pistolet en main, l’examinant : je ne suis pas très calé en arme, mais celle-ci est banale, car elle est reconnaissable : c’est un Glock. Est-ce que c’est un de mes fournisseurs ? Ou le tueur ? Il va falloir que je mène l’enquête en appelant mes fournisseurs et les mecs qu’ils fréquentent, ce qui sera longuet et casse-co* ille à faire. Au fait, si Campbell s’obstine, il y aura une balle de perdue.