Anglaise ǀ 17 ans ǀ 168 cm ǀ Fille d'Eole ǀ Humeur changeante ǀ Artiste
S.O.S d'un terrien en détresse
Cet après-midi comme ce soir, j’ai l’impression d’errer dans la forêt et je ne sais pas ce que je recherche. Ici, je ne me sens pas plus en paix qu’ailleurs, je ne me sens même pas plus en sécurité. Pour la troisième année, je me demande ce que je fais ici. Pourquoi je reviens chaque année ? Je ne cherche pas à voir Eole, notre seule rencontre ne m’a pas laissé un bon souvenir. Il m’a vu, il m’a parlé, il m’a donné deux éventails et il est reparti. On peut le résumer comme cela. Je n’ai même pas ouvert la bouche une seule fois, je n’ai pas prononcé un seul mot. Il n’a pas entendu le son de ma voix et comme il est fou, il ne doit même pas se rappeler notre rencontre. Cela ne change rien à ce que je ressens ou pense de lui. Je ne le considère pas comme un père. Je ne considère pas plus les enfants d’Eole comme des frères et des sœurs. Ils sont seulement des étrangers comme la plupart des demi-dieux. Il n’y a que de rares exceptions se comptant sur les doigts de la main, pourtant, je n’ai pas cherché à les approcher depuis mon arrivée, aujourd’hui. Je suis restée éloignée de tous, gardant mes distances comme toujours. Et je ne sais pas si je m’approcherai plus demain. Deux mois à passer ici m’apparait déjà bien long. Je lâche un soupir fatigué. Je le suis, je le sens. Je devrais me coucher mais je ne veux pas, mon corps se disputant à mon esprit. Et si je vais me coucher maintenant, quand les demi-dieux iront se coucher après la veillée, ils feront trop de bruits et me réveilleront. Je vais être d’une humeur massacrante, je le pressens. Je me sens irritée et ça deviendra pire. Je ne peux même pas mettre mon humeur sur le compte de la météo car pour une fois, elle n’a rien à voir avec cela. Et demain, le temps ne sera pas à l’orage, je le sais, je le ressens dans chaque fibre de mon corps. On peut appeler ça un don, un sixième sens, une aptitude génétique même si son utilité est relative. Ici, il fait chaud, plus chaud qu’à Birmingham même la nuit. J’ai échangé un pantalon contre un short à mon arrivée au bungalow. Et en cette fin de soirée, je n’ai pas froid les jambes et les bras dénudés. La température est plus agréable à cet instant. Je n’ai pas relevé mes cheveux, il fait moins chaud. Ils sont libres et colorés. J’en ai teint les pointes avant mon départ. Cette fois-ci, elles sont roses. La prochaine fois, je ne sais pas. Bleu ? Violet ? Rouge ? Vert ? Qui sait… Cela m’a pris comme ça et ce n’est pas la première fois, ni la dernière. Si je mets de la couleur dans mes cheveux, je dessine sur mon corps toujours en noir. J’ai un feutre noir dans l’une de mes poches. J’en ai toujours un, cela ne me quitte jamais. Et j’ai quelques réserves dans mon sac. Et à cet instant, ma peau est comme une toile vierge. Les derniers dessins se sont effacés avec l’eau chaude et le savon sous la douche. Je n’ai pas encore dessiné sur ma peau, pas encore… Cette envie ne s’est pas emparée de moi mais elle le fera comme toujours. C’est seulement une question de temps. Je dessine tout ce qui me passe par la tête. J’ai parfois des idées plein la tête et parfois la tête vide d’idées. Je recouvre les murs de ma chambre, bientôt ils seront entièrement tapissés par des dessins. Et peut-être qu’un jour, mon corps se remplira de dessins. Pas de tatouages, seulement des dessins éphémères. Je n’ai pas peur de me faire tatouer, je n’ai pas peur des aiguilles, je n’ai pas peur de la douleur, je n’ai pas peur d’avoir mal. La douleur physique n’est pas un problème, je la tolère bien. Mais un tatouage dure, il est ancré dans la peau, il ne disparait pas, il marque pour la vie. Mais dans la vie, rien ne dure, rien n’est immuable, rien n’est gravé dans le marbre. Tout peut s’arrêter d’un claquement de doigt, d’un battement de cœur, d’un souffle. Je ne vivrai pas éternellement, je mourrai comme n’importe quel être humain. Peut-être demain, dans un mois, dans un an, dans dix ans. Je ne sais pas. Peut-être la mort m’apportera la réponse à mes questions. Je me les pose depuis sept ans et je n’espère plus avoir de réponses à présent. L’espoir s’est éteint comme beaucoup de choses ce jour-là. J’inspire un grand coup, gonflant mes poumons d’air comme pour me donner du courage pour avancer, m’arrêtant quelques secondes au milieu de la forêt avant de reprendre mon chemin au gré de mes pas. Je n’en fais pas beaucoup quand le vent me souffle un simple mot, un ordre. Je me stoppe, je ne fais pas un pas de plus et mon regard se tourne en direction de la voix. Je ne l’aurais même pas remarqué s’il n’avait ouvert la bouche. J’aurais continué à marcher, je me serai éloignée de lui et j’aurais disparu de sa vue. Il vient de provoquer tout l’inverse qu’il souhaite. Parce qu’il me demande de dégager, je ne le fais pas. Je ne lui obéirai pas, je n’aime pas beaucoup les ordres et encore moins ceux venant de demi-dieux. Je ne lui ferai pas la satisfaction de lui obéir qu’importe qui il est. Je le toise à quelques mètres, ma voix est ferme et sans appel mais on sent qu’elle n’a pas servi depuis des heures. Elle est légèrement rauque.
- Non.