VampireAcademyTeam a écrit : ↑lun. 27 déc., 2021 2:38 pm
Bonjour à tous !
Comme annoncé je viens poster le texte que m'a inspiré le thème du mois. J'avoue que cela fait plusieurs semaines qu'il traine dans mon ordi mais je n'ai pas eu le temps de le peaufiner et de le mettre en ligne jusqu'à maintenant. J'y remédie et vous souhaite une bonne lecture !
/!\ Le texte évoque la transidentité et la difficulté de se définir dans un genre ou dans l'autre /!\
Simulâcre
Une torsion de poignet et rien de plus, jusqu'à ce que tout bascule.
Rien de plus pour illuminer sa vie de milliers de flocons, nuage virevoltant de douceur chimérique. C'était cela la magie de Noël, des grains de neige dans une boule en verre, à l'intérieur de laquelle se trouvait un bel angelot boudeur. Elle sourit et replaça doucement sur son socle le cadeau qu'elle venait tout de juste de déballer.
- Alors cela t'en fais combien depuis toutes ces années ? lui demanda, amusé, un de ses oncles qui aimait tout particulièrement se moquer de sa collection.
- Une cinquantaine je pense, répondit l'intéressée.
- Ca t'en fais des boules, dis-donc..., plaisanta-t-il en l'occurrence pour souligner le fait qu'elle était irrémédiablement femme.
Elle sourit avec une complaisance un peu forcée, tout en tirant amèrement sur ses cheveux courts et lissant du plat de la main la chemise et la veste de costume qu'elle avait revêtu pour le réveillon.
Sous le regard bienveillant de l'ange emprisonné sous le verre, elle avait décidé d'avouer ce qu'elle ressentait vraiment suite à cette blague un peu douteuse et malvenue d'un parent qu'elle ne voyait presque jamais.
- Tu aurais pu faire un effort et te maquiller un peu pour Noël ! renchérit sa tante, le regard attiré par les gestes nerveux de sa nièce. Et qu'as-tu fais à tes cheveux, toi qui les aimait si longs, si beaux ? On va finir par croire que tu es un garçon manqué.
Elle ravala sa peine, sa souffrance insoupçonnée qui faisait battre son cœur comme des ailes et aiguillonnait son malaise. Elle ne se sentait pas en phase avec elle-même. Elle, c'était il aussi, et il était temps que son être soit en accord avec lui-même. Pourtant elle n'était pas certaine de vouloir changer de genre, basculer du côté fantasmé qui la faisait tellement rêver qu'elle en avait mal. Sa dysphorie de genre venait la hanter nuit et jour de façon presque si obsessionnelle qu'elle en perdait le fil de sa propre existence. Elle se trouvait dans un brouillard épais qui la rendait morose, distante avec les autres. Quand on ne sait plus qui on est, difficile d'être soi-même avec le reste du monde, encore moins accorder l'image d'hier à celle qui se reflétait aujourd'hui dans son subconscient alors qu'ils ne l'avait connue que douce et exagérément féminine. Sauf qu'aujourd'hui, terminé tout ce cinéma, elle voulait faire corps avec sa facette masculine, mieux comprendre les raisons qui la poussait à se travestir dans le miroir. Refuser les courbes voluptueuses, espérer la dureté de muscles inexistants et croire qu'un jour tout finirait par se fondre dans une masse incolore. Pourtant au bout de tant de mois à se questionner les interrogations étaient restées sans réponses, pire, les doutes étaient devenus peu à peu des certitudes qui lui faisait peur. Mais que faire quand on a une image collée à la peau et que votre esprit, votre âme vous en souffle une autre qui est aux antipodes de ce que la société réclame de vous ? Alors elle se cachait sous les couches de maquillage, sous une chevelure longue qui balayait son visage, elle affichait sa féminité au grand jour comme pour s'affirmer dans la négation de son être profond. Refouler les instincts virils qui lui donnaient autant d'euphorie que les parfums aux accents de cuir et de tabac qui l'étourdissait. Elle voyait les mains larges dont les veines pulsaient avec volupté, les torses puissants qui se gonflaient d'adrénaline, la peau douce des avants-bras dopés de testostérone et le bas-ventre nanti d'une virilité qui imposait l'évidence dont elle était dépourvue alors que son épanouissement se trouvait dans l'autre genre. Elle appartenait à un monde marginal et la volonté farouche de faire de ce fantasme une réalité lui restait interdit. Alors pudibonde, saturée par la dysmorphophobie qui lui donnait l'impression de ne pas s'appartenir, elle camouflait ses courbes en les martyrisant par la tyrannie de sa pensée.
Bander la poitrine au lieu de bander les muscles forts d'une masculinité éclatante, remplir un sous-vêtements de chaussettes pour figurer la chatoyance virile d'un sexe fantôme. Sacrifier les longueurs brunes et traverstir sa chevelure en les coiffant du bout des doigts. Trouver la sensation réconfortante des courtes boucles qui ne la cataloguait plus automatiquement dans la case des belles aphrodites mais l'envoyait tout droit vers les limbes obscurs de l'androgynie. Accepter, encore et toujours cette ambivalence qui lui brûlaient les veines.
Les cils allégés d'un mascara depuis longtemps démaquillés, elle s'inclina devant l'offense, couvrit son visage d'un masque de cire pour qu'un sourire sarcastique vienne bâlafrer ses lèvres. Le regard pétillant elle goûta à la gêne ambiante pour la faire sienne et en retirer la sérénité chèrement acquise.
- Elisabeth ! Qu'as-tu à répondre ?
- Rien, dit-elle, maussade en réfléchissant toujours.
Trop féminin. Encore et toujours trop rose et sucré à son goût. La dysphorie jamais éteinte couvait dans son corps qui ne lui convenait plus. Lubie ? Caprice ? Ou mal-être en latence depuis tellement d'années qu'elle s'en était accomodée comme on se résigne à bien des choses ? Les papilles rendues amères elle se mordit la langue pour ne pas répliquer ce qui lui brûlait les lèvres.
Je ne suis pas seulement une fille. Je suis autre chose, j'évolue dans une dimension qui m'est propre et ce prénom ne colle plus à l'identité que je me suis accordée de ressentir après toutes ces douleurs qui m'ont empêché d'avancer, songea-t-elle.
Iel, ce pronom rendu à la mode par cette vague de la transidentité ne lui disait rien qui vaille, trop tendance pour qu'il soit durable peut-être ? Trop médiatisé aussi sans que les raisons inhérentes à ces nouveautés soient explicitement revendiquées. Tout lui paraissait faux, jusqu'à sa propre personne puisqu'elle ne rentrait dans une aucune case de cette société bien-pensante. Après tout, de quoi se plaignait-elle ? Elle n'avait jamais rien vécu, jamais rien fait qui puisse lui permettre de s'exprimer de la sorte, les conventions avaient plus de ténacité que les pensées en arborescences qui viciaient son existence. Elle n'avait jamais connu l'amour, peut-être parce qu'elle n'était pas en adéquation avec son corps et qu'elle ne voulait pas craindre qu'une autre personne arrive à la cerner ou au contraire, qu'il ou elle puisse aimer ses courbes à sa place. Qu'on ancre dans sa tête l'idée qu'elle était femme et n'en changerait plus. Elle pouvait très bien avoir une bispiritualité qui n'entâcherait pas l'image que l'on avait de la jolie fille, mal dans sa peau, qui n'aurait pourtant pas dû l'être et rayonner au lieu de se poser trop de questions.
Gabriele.
C'était bien se dit-elle, à l'image de l'ange qui portait ce prénom il était aussi asexué qu'elle, ce qui ne l'empêchait pas de désirer un corps quand elle en voyait un, quand ce n'était pas la couleur de peau qui l'attirait. Cette consonnance italienne aussi était tout à fait adorable, en plus du fait que George Sand en avait fait une œuvre radicalement innovante sur la transidentité. Une femme qui se travestissait en homme, quelle inélégance, quelle absurdité ! Quelle audace !
Pourtant elle ne rejetait pas tout à fait les moments bénis où elle se trouvait suffisamment à l'aise ave sa féminité pour qu'elle en joue un peu, qu'elle s'accomode de cette sensualité qui lui titillait les veines de temps à autre. Elle n'avait pas su que le genre pouvait fluctuer ainsi, se modeler au gré de l'humeur, des événements. Courir après l'acception d'un double je qui lui donnait des migraines et des élans de désespoirs qu'elle rayait d'un trait de plume pour ne pas se faire trop passer pour une victime, consentante de sa propre malédiction : elle se créait des problèmes toute seule.
Et bien non ! Elle refusait de croire qu'il fallait absolument appartenir à une catagorie de genre, à une case à cocher dès la naissance, alors que c'est en réfléchissant, en se documentant, en expérimentant que l'on se façonne. Il n'y avait rien de mal à vouloir un jour s'habiller dans les rayons des hommes et un autre à apprécier se faire belle.
Portant sa croix et décochant les flèches, elle arborait le symbole de la transidentité avec fierté sur sa peau et éludait le prénom qui lui avait été accordé à l'état civil pour murmurer le seul qui avait désormais son importance.
- Gabriele. Appelez-moi Gabriele, finit-elle par déclarer avec un temps de retard.
D'un coup de poignet elle retourna la boule de Noël, la secoua avec énergie et contempla les flocons qui tombaient sur l'ange asexué, sans se soucier des regards ébahis que tous lui lançaient. Gabriele souriait enfin, c'était ça la magie des fêtes, s'accepter tel que l'on est sans se soucier du reste du monde. Comme autant de paillettes faisant ondoyer l'eau de la boule de Noël, la vie pouvait être pleine de douceur et de couleurs exactement comme un arc-en-ciel.
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Bonnes fêtes à tous !
