Synesthésie : Aventure/Sci-Fi/Héros Adolescents [Histoire terminée]

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15Lina15

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Re: Synesthésie : Aventure/Sci-Fi/Héros Adolescents

Message par 15Lina15 »

Chapitre 28

— — Terre Grise — —

J’enfile correctement les bretelles de mon sac tout en traversant la pelouse. Je remets le bandeau cachant ma cicatrice en place et prend une inspiration.
— Gab, tu peux prendre la tablette s’il-te-plaît, fait Rangsei tandis que nous nous enfonçons dans la végétation. On va faire un détour à la sortie de la forêt, on suivra la route direction Est.
— Pourquoi, lui demandai-je sur le ton de la discussion en m’approchant de lui.
— Y-a-t-il toujours une raison derrière, pour faire quoi que ce soit, pour toi, me questionne-t-il.
Quand je pense à tout ce que j’ai pu faire, il y avait toujours un objectif : devenir plus forte, obéir à mon père, suivre les indications de ma mère. Mais quand je réfléchis de manière globale, les humains font parfois preuves d’actes désintéressées, c’est sur quoi repose avant tout la recherche et les organisations humanitaires et solidaires. Et puis, il y a le voyage, on n’y va pas forcément pour la destination mais parfois pour vivre des expériences nouvelles et apprendre des choses au contact de l’inattendu et d’inconnus. Alors peut-être que je me trompe et qu’on ne peut se cacher derrière une raison pour chaque action que l’on effectue. Qu’il y a une part de hasard qui dirige notre vie.
Je sens l’influence de Rangsei dans ma manière de penser, il me pousse toujours à voir d’un autre point de vue, de réfléchir sur un sujet en abordant tous ses aspects. Cela m’agace qu’il puisse me changer à ce point, mais je suis contente d’apprendre à réfléchir, comme il dit.
— Nan, c’est peut-être vrai, mais je demandais comme ça…, fais-je en regardant où je mets les pieds.
— Je te fais marcher, rit-il. On suivra la route ce sera plus simple et on évitera le chemin direct au cas où ils nous suivraient encore.
— Mais quel ! maugréé-je en lui cognant l’épaule, souriant malgré moi.
— Tu vois que je sais plaisanter, ajoute-t-il fier de lui.
Au moment où je vais nier, tout en riant, je croise le regard de Gabrielle qui se tourne devant moi. Noir et intense, elle nous fait signe de nous calmer. Je m’éloigne légèrement et me concentre sur le rythme de nos pas.

La journée se déroule lentement, de temps en temps Tia ou Gabrielle se met à parler, mais en général le groupe est très calme.
L’ennui me gagne, alors j’en profite pour faire le vide dans mon esprit. J’analyse les faits de ces derniers jours qui sont passés à une vitesse folle. Entre la finalisation de mon premier entraînement, la mission, la découverte des mercenaires, la maison et Ernesto, ça fait beaucoup. Et puis maintenant, je vais enfin rencontrer les gens qui sont derrière et donnent les ordres. Je regarde une dernière fois les autres, et me dis qu’ils ne doivent pas être des tortionnaires pour qu’ils leur fasse autant confiance.
J’essaie de penser à autre chose, en regardant autour de moi, constatant des dégâts de l’été, même en pleine montagne dans un coin reculé comme celui-ci. Les sapins n’ont plus d’épines, amaigris, les insectes dévorent des carcasses de daims ou de lapins. On croise de plus en plus d’animaux morts et d’espaces désertiques, je ne sais pas où l’on passera la vague de chaleur mais certainement pas dehors.

D’après le chemin parcouru aujourd’hui, je pense que nous sortons des montagnes. La base se situe juste après la chaine de reliefs, on va la contourner et la suivre pour y arriver au plus vite. En attendant, les monts sont de plus en plus espacés, et leur taille diminue à vue d’œil. Le sol est plus fin et souple, nous avançons plus vite en fin de journée.
Nous nous posons enfin, dans une cuve entre deux petits monts espacés de quelques centaines de mètres, à côté d’une emprunte de fleuve séchée. Je trouve un renfort dans la pierre comme abri du soleil, qui renferme une fraicheur appréciable. Chacun se fait une place, et très vite après le repas, je retourne à ma place pour me reposer.

La nuit est tombée quand je me tourne pour voir où en sont les autres. Mais je ne vois personne. Toutes les affaires sont encore là, quelques objets ont bougés de place, et un calme brutal m’accable. Je suis seule, je ne vois pas pourquoi ils seraient tous partis, si ce n’est pour me cacher autre chose. Ils devaient penser que je dormais et que je ne m’apercevrai pas qu’ils sont partis. Vexée, je sors de la grotte pour extérioriser ma rage.
Je prends un débris de rocher pour le lancer à pleine force en hurlant aux étoiles. Ils m’ont tourné le dos.
— Eh, ça va oui ?! s’énerve une voix grave venant de derrière.
Prise de stupeur, je me retourne sans parvenir à trouver quelqu’un.
— J’suis là, fait-il à mon attention.
Je découvre un grand jeune homme, un harmonica en métal brillant dans la nuit et un livre à la main perché en haut d’une roche, à quelques mètres du sol. Je m’approche lentement en essayant d’apercevoir sa posture et reconnait Idris.
— Ils sont partis ? demandé-je.
— Oui, ça me parait évident, répond-t-il.
— Oui j’ai compris, je voulais savoir pour combien de temps.
— J’en sais rien, je suis pas leur mère.
Je tape les bras le long de mon corps, exaspérée par son manque de conversation.
— Et tu es resté pour me surveiller, c’est ça ? soupçonné-je.
— Quoi ? Non, s’amuse-t-il. Je voulais lire c’est tout.

Alors que je m’entraine à des mouvements de gymnastique, un groupe apparait en haut du mont faisant face. Avec mon acuité, je parviens en me concentrant à reconnaitre Tia en premier, Rangsei et la brune.
Une demi-heure plus tard, l’adolescent au teint brun vient à ma rencontre.
— Salut, glisse-t-il aux anges avec ses yeux bleus.
— Vous étiez où, demandé-je pendant que les filles me dépassent et se rendent au camp.
— On a été voir le coucher de soleil, c’est une habitude qu’on s’est créée. Quand on arrive dans une région plate, on peut voir l’horizon, me sourit-il. Idris ne t’a pas informé ?
— Non, pourquoi, m’informais-je plus ou moins concernée.
— Tu pouvais venir, si tu voulais. Idris ne vient plus, il préfère lire, mais tu devrai essayer. Depuis que je suis devenu Synesthète, mes compétences pour repérer les plantes se sont améliorées. J’arrive à discerner des formes et des éléments qui sont habituellement invisibles à l’œil nu. Le coucher de soleil, c’est la représentation la plus parfaite du mouvement et des couleurs, un spectacle pour des individus avec un don comme le nôtre. De plus, généralement ça te permet aussi de mieux comprendre tes sens, comment ils interagissent entre eux.

Je discute ainsi avec lui quelques temps, suffisamment en tout cas pour saisir mon erreur. Ils n’ont jamais voulu me mettre à l’écart, c’est à moi de faire plus d’efforts et ne pas laisser tomber aussi vite.
Nous échangeons sur nos avis sur comment améliorer nos relations, lui au niveau de l’expression et moi sur l’écoute et la compréhension de l’autre. Il me fait comprendre que si Gabrielle était parfois sèche avec moi, ce n’était pas malveillant, bien au contraire, c’est qu’elle m'acceptait. D’après lui, elle m’apprécie beaucoup et elle attend toujours plus auprès de ceux qui compte pour elle.
Je remarque aussi les changements de couleur chez Rangsei. Il est arrivé les yeux bleus, après avoir passé du temps à rêver auprès de Gabrielle. Maintenant, il parle de ses défauts de communication et analyse le comportement de sa petite amie et ses pupilles verdissent. Je comprends que chez lui, c’est un signe d’anxiété et de concentration.
Assis tous les deux sur la terre grise, et encore chaude, je me sens à l’aise. J’hésite, puis me lance, tentant de repousser ma peur de m’ouvrir.
— J’ai, parfois quand quelqu’un me touche, un dégoût voire une frayeur de son contact. Je les évite au maximum, mais lorsque des étrangers le font, soit par convention ou sans le faire exprès, je ne peux pas y réchapper.
Je sens Rangsei se concentrer à la nuance de ses yeux, et à son habitude de se pincer le nez. Ce qui me rappelle que Gabrielle a ce même tic, reste à savoir de qui tient-t-il vraiment.
— Cela peut venir de plusieurs facteurs, annonce-t-il perplexe. Je ne suis pas un psychanalyste et je ne connais pas non plus ton passé. Cependant, si tu ressens encore aujourd’hui cette sensation, ce n’est peut-être pas lié à ta Synesthésie. C’est plus probablement lié à des expériences du passé qui t’ont laissé des marques.
Un flashback saisissant de mon père se heurte dans ma mémoire. Violent, frappant une mère indifférente à mon égard, des regards et des paroles blessantes. Des images saisissantes me reviennent sans que je parvienne à les stopper.
Perturbée, j’expédie la conversation avec Rangsei, tout en m’extirpant pour réfléchir au calme.

Je me réveille engourdie par un mauvais rêve, avec une sensation désagréable. Allongée sur le sol dur, je me redresse en restant sous mon plaid. Personne n’est levé, je respire enfin dans cette ambiance matinale. Qu’est-ce que je donnerai pour un thé sucré et bien chaud, avec un gâteau au citron.
Je soupire en me grattant quand Gabrielle s’approche de mon espace. Décoiffée, habillée en vêtements amples et détendue, la brune se pose au pied de mon lit.
— Salut, fait-elle doucement, je peux m’asseoir avec toi ?
J’acquiesce en lui laissant de l’espace.
— Je voulais savoir si tu te sentais bien avec nous. Je sais que je ne suis pas toujours facile avec vous, mais j’ai cette responsabilité et je ne veux pas vous mettre en danger en vous laissant vous relâcher, ajoute-t-elle en regardant ses pieds nus.
— Oh non, ne t’inquiètes pas pour ça surtout, glissé-je gênée en secouant la main. Et c’est vrai que je suis pas toujours à l’aise, mais je suis bien ici… enfin avec vous.
J’aimerai la rassurer, mais ces quelques mots sont déjà difficiles à prononcer. Le rouge me monte aux joues et je ne sais pas quoi faire ou dire.
— Merci, c’est gentil. Oui, je trouve que tu t’es détendue depuis quelques temps, je suis contente que tu te fasses une place, me sourit-elle.
— Dis, je me disais. Si le dernier arrivé du groupe c’est Idris, ça veut dire que vous veniez des États-Unis avant qu’on se rencontre, non ?
Elle se passe une main dans ses longs cheveux pour se recoiffer et coince une mèche derrière son oreille.
— Oui, mais ça ne se passe pas toujours comme ça. Par exemple, Tia est venue à nous. Non pas que notre groupe soit connu, mais elle était partie de son pays natal depuis un an. On l’a rencontré avec Rangsei à Londres. Elle avait déjà compris comment utiliser la Synesthésie pour parler à l’étranger. Elle était alors adepte des arts martiaux et du dessin.
— C’est vrai ? m’amusé-je, ça ne va pas trop ensemble. J’ai l’impression que vous voyagez beaucoup. Tes parents ne te manquent pas ? Je dois avouer que j’ai été un peu surprise au départ de voir des enfants se débrouiller seuls dans la nature.
Je la vois hésiter, j’espère que je n’y suis pas encore allée trop direct. De près, mal coiffée malgré la beauté de ses fins cheveux, elle parait tellement jeune.
— Je peux pas parler pour les autres, on a tous une situation différente. Pour ma part, mes parents, ma famille et mes amis de l’époque me manquent et je pense à eux régulièrement. Mais ça ne veut pas dire que je ferai marche arrière. Quand j’essayais de vivre avec mes nouveaux sens, il y avait tellement de stimuli, tout le temps et partout. D’autant que dans la région j’étais devenue célèbre, alors quand mes parents et mes amis ont vu que j’avais un problème, les choses ont empiré. J’ai essayé de leur expliquer, je suis retournée les voir l’an dernier, ils n’ont pas compris, ajoute-t-elle abattue. Et tes parents ?
— Ne t’inquiètes pas pour ça, fais-je cynique.

Je repense à ce que m’a dit Gabrielle en nouant le bandeau sur mon front. Ernesto avait dit vrai, elle semble être restée longtemps seule. Au fond, elle et moi on se ressemble un peu. C’est peut-être ce qui explique pourquoi je me méfie tant d’elle.


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louji

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Re: Synesthésie : Aventure/Sci-Fi/Héros Adolescents

Message par louji »

Hello ! ^^

"Je remet le bandeau cachant ma cicatrice en place et prend une inspiration." :arrow: C'est quelque chose que j'ai remarqué déjà dans les chapitres précédents, mais tu oublies le "s" à la fin de tes verbes ;) Même s'il s'agit de la 1ère personne, il faut quand même mettre un "s" (car ce ne sont pas des verbes du 1er groupe). Du coup, ça donne "Je remetS [...] et prendS"

Ouais, je confirme que c'est bizarre et assez brusque la jalousie de Gab :geek: Parce que, jusqu'ici, elle a été attentionnée envers Lina et n'a jamais montré de signe de jalousie :?

Boh, je pense pas qu'ils soient vraiment partis... Tranquille, Lina !

"— Salut, dit-il doucement avec ses yeux bleus." :arrow: Tu veux dire quoi "avec ses yeux bleus" ? ;)

"— Vous étiez où, demandé-je pendant que les filles me dépassent et se rendent au camp. On a été voir le coucher de soleil, c’est une habitude qu’on s’est créée. Quand on arrive dans une région plate, on peut voir l’horizon, me sourit-il. Idris ne t’a pas informé ?" :arrow: Tu as oublié de créer un changement de parole ;)

"Mais ça ne veut pas dire que je ferai arrière." :arrow: Il manque "machine" non ? ^^

C'est un peu dommage que Lina ne s'ouvre pas à Gab lorsqu'elles discutent... Ça lui aurait pas fait de mal :?

Chapitre sympa, où l'on sent que le groupe se resserre petit à petit, que Lina s'intègre tant bien que mal... J'espère qu'ils auront d'autres petits moments de convivialité avant d'atteindre leur objectif ^-^
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Re: Synesthésie : Aventure/Sci-Fi/Héros Adolescents

Message par 15Lina15 »

louji a écrit :Hello ! ^^

"Je remet le bandeau cachant ma cicatrice en place et prend une inspiration." :arrow: C'est quelque chose que j'ai remarqué déjà dans les chapitres précédents, mais tu oublies le "s" à la fin de tes verbes ;) Même s'il s'agit de la 1ère personne, il faut quand même mettre un "s" (car ce ne sont pas des verbes du 1er groupe). Du coup, ça donne "Je remetS [...] et prendS"

Ouais, je confirme que c'est bizarre et assez brusque la jalousie de Gab :geek: Parce que, jusqu'ici, elle a été attentionnée envers Lina et n'a jamais montré de signe de jalousie :?

Boh, je pense pas qu'ils soient vraiment partis... Tranquille, Lina !

"— Salut, dit-il doucement avec ses yeux bleus." :arrow: Tu veux dire quoi "avec ses yeux bleus" ? ;)

"— Vous étiez où, demandé-je pendant que les filles me dépassent et se rendent au camp. On a été voir le coucher de soleil, c’est une habitude qu’on s’est créée. Quand on arrive dans une région plate, on peut voir l’horizon, me sourit-il. Idris ne t’a pas informé ?" :arrow: Tu as oublié de créer un changement de parole ;)

"Mais ça ne veut pas dire que je ferai arrière." :arrow: Il manque "machine" non ? ^^

C'est un peu dommage que Lina ne s'ouvre pas à Gab lorsqu'elles discutent... Ça lui aurait pas fait de mal :?

Chapitre sympa, où l'on sent que le groupe se resserre petit à petit, que Lina s'intègre tant bien que mal... J'espère qu'ils auront d'autres petits moments de convivialité avant d'atteindre leur objectif ^-^
Salut !!

Merci pour ton commentaire il m'a beaucoup aidé.

La jalousie de Gabrielle, c'est quelque chose que j'ai décidé au dernier moment, et c'est surement la raison pour laquelle elle semble sortir de nul part, pour cette raison je l'ai enlevé et plutôt renforcé les liens.
J'ai vérifié dans les chapitres précédents, avec la remarque que tu m'as faite, j'y penserai pour la prochaine fois ;)
Effectivement, j'ai oublié de passer la parole.

J'espère que la suite te plaira, un peu de rebondissement s'annonce :o :o
15Lina15

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Re: Synesthésie : Aventure/Sci-Fi/Héros Adolescents

Message par 15Lina15 »

Chapitre 29

— — Oiseau Bleu — —

Nous avons déjà parcouru une trentaine de kilomètres à pieds depuis que nous avons quitté Ernesto. J’espère qu’il est parti et qu’ils ne l’ont pas rattrapé. J’aimerai pouvoir lui parler à nouveau.
Le soleil est de plus en plus lourd, Gabrielle espère que l’on soit assez rapides pour atteindre le QG avant que l’air ne devienne insupportable. Encore quelques semaines comme ça et je vais m’écrouler. Mes vacances dans le froid à la montagne me manquent soudainement. Nous évitons les villes, mais quand il nous arrive d’en traverser, ce sont des petits villages pittoresques désertés depuis longtemps. Quand le vent se lève, la terre et le sable nous fouettent le visage. Nous n’avons pas croisé grand monde exceptés des hommes et femmes solitaires et errants, des gens en dehors du système. Le système de puce bionique mis en place obligatoire et standardisée dans la plupart des pays développés a créé de nombreux groupes opposant. Peu à peu, ces groupes contre cette politique se sont déchirés et on retrouve encore des familles ostracisées. Ne pas avoir de puce, est très problématique si l’on veut vivre dans ces pays là. Ne serait-ce que pour s’identifier dans les lieux publiques, avoir accès à l’éducation, les aides de l’Etat, payer dans n’importe quel magasin…
Ici, loin de toute civilisation, je peux baisser mon bandeau sur une partie de mon visage. La cicatrice sur mon front est assez reconnaissable, mais elle ne me fait plus mal.

Nous escaladons des rochers barrant le passage, surement une frontière quelconque entre deux propriétés abandonnées. Au moment de poser ma botte, j’évite de justesse d’écraser un petit oiseau. Bleu, avec une couleur brillant même à l’ombre, il semble blessé. Je m’arrête pour y prêter attention et me penche pour le ramasser.
— Ah, pose ça c’est dégoutant, surgit une voix fluette près de moi. Il pue la mort.
Tia s’éloigne de moi, révulsée. Je lève la tête, portant le corps fragile entre mes doigts. Une bourrasque survient et je m’accroupie pour protéger le petit être.
— Il faudrai lui trouver un endroit pour le soigner. L’envoyer dans une clinique, peut-être par drone, proposé-je. Je n’ai jamais eu d’animal, je ne sais pas trop comment on fait d’habitude…
— Ce n’est pas la peine, intervient Rangsei. Laisse-le.
— Quoi ? C’est tout, m’insurgé-je en pensant à ses bonnes paroles autour de la compassion pour les autres…
— Ne te vexes pas, si je te dit de le laisser c’est parce qu’il se guérira tout seul, répond-il en s’approchant pour l’observer. Il a simplement l’air de s’être froissé l’aile. Il ne peut plus voler, mais avec le temps, son corps s’en remettra et il se portera mieux. La seule chose que je puisse faire est de la remettre droite.
À peine a-t-il prononcé cette phrase qu’il s’approche de l’oiseau dans mes mains. Je n’ai pas le temps de protester, qu’il pose ses mains dessus et un craquement résonne. Je peux ressentir son aile se briser et sa douleur dans la moindre parcelle de mes mains. De surprise, je faillit le faire tomber.
J’insiste pour le garder avec moi pour le nourrir, de peur qu’il meurt seul. Alors que nous repartons, Rangsei m’explique.
— Avant, nous aussi on se soignait par nous-même. Ce n’est pas de la magie, c’est le pouvoir de la vie. C’est à cause de la bêtise des hommes, et de la puce intégrée que notre corps s’est affaibli au point de devenir impotent. À vouloir jouer à Dieu, on a perdu notre capacité vitale de base. C’est pour cette raison que tu dois faire plus attention Lina. Tu n’as plus ta puce pour te protéger, ton corps a désappris à se soigner de tous les microbes environnants. On est peut-être avantagé avec la Synesthésie, mais cela signifie aussi abandonner cette aide précieuse qui est la biotechnologie. Nos corps sont hypersensibles, pour le bon comme le pire, beaucoup de gens comme nous meurent d’infection ou de maladie. D’autant que nous utilisons deux fois plus les ressources présentes dans tout notre corps, il fatigue et cela se répercute sur notre système immunitaire.
Un frisson mortifère me vient à cette idée. Mon regard retombe sur le petit être, il est magnifique. Je dénoue mon bandeau de mon cou pour l’attacher sur mon sac. Il n’a pas l’air malheureux, ce qui me fait sourire.

Je nourris le petit oiseau avec mon propre pain et des vers que je peux trouver. Gabrielle et Rangsei m’aident aussi pour le nourrir, jouent avec et le surveillent quand je pars. Il est moins lent que je ne l’aurai cru pour s’en remettre et très vite, il se met à chanter et s’agite de plus en plus. Je l’emmène partout, même les soirs où l’on va assister au coucher de soleil. Souvent, je ne peux m’asseoir, aussi long que cela puisse prendre.
Ce soir, le ciel est pale, beige comme la peau parfaite et claire d’une actrice. Le rose est violacé et se répercute sur les nuages qui bleuissent à l’approche du crépuscule. Le beige, autrefois dominant se fond dans le rose et le ciel se transforme. Chaque soirée est différente, à chaque nouvelle couleur ou mélange je reste figée. J’observe, ébahie, absente, la beauté du phénomène dans le moindre de mes sens. Le temps s’arrête et nous plonge dans un monde de rêve.
Rangsei et Gabrielle aiment se coller l’un à l’autre quand Tia ne vient pas les embêter. J’aime les jours où ils sont calmes, je ressens que l’on partage quelque chose. Un lien se tisse lors de ces couchers, je regrette que Idris n’y participe pas.

Le lendemain, je sens l’oiseau prêt à s’envoler. Nous levons le camp à l’aube, et tout le monde assiste à son envol. Je défait le tissu, après l’avoir nourri une dernière fois, je le pose libre au creux de mes mains et il s’affole avec ses plumes bleus, déjà dans les airs. Il ne fait pas demi-tour et bientôt, il disparait.
Tia me passe une barre chocolatée et Gabrielle se met à chanter. C’est assez rare, alors je me surprend encore à constater la dimension magique de sa voix. Alors que nous marchons, je ne peux m’empêcher de fermer périodiquement les yeux pour apprécier son chant. On dirait une chanson créée par un être irréel. Elle caresse nos visages, flotte comme l’oiseau dans le ciel, fragile et solide à la fois. Pleine de couleurs, elle nous emmène dans un voyage de sens. La jeune femme nous guide par sa voix, et personne ne vient l’interrompre. Quand le silence brise la mélodie, une certaine mélancolie nous laisse démunis. Gabrielle a surtout le don de réchauffer nos cœurs.

Malgré le caractère pressant de la marche, Tia fait parfois des écarts pour visiter les alentours. Gabrielle chante de plus en plus souvent et utilise parfois la tablette. Rangsei ramasse des végétaux et fais des analyses. Quant à Idris, il lit. On a beau ne pas s’arrêter, il a toujours son livre rouge de papier à la main et ne peut s’empêcher de le feuilleter ou simplement l’avoir en main. J’ai l’impression qu’il le garde sur lui plus par attachement que pour le lire. Je me demande s’il ne vient pas quelqu’un dont il est proche.
Moi, je me contente de les suivre. J’essaie d’utiliser mes sens de toutes les manières qu’il soit en m’appuyant surtout sur mon ouïe, le sens dominant. Et puis, j’essaie d’en apprendre plus sur eux, et où l’on va. Je ne sais encore pas à quoi m’attendre, et cette attente est de plus en plus longue. Je n’ai jamais été patiente.
Si seulement j’avais un appareil photo pour m’occuper. J’aimerai pouvoir fixer dans le temps ces moments où l’on peut admirer le monde chavirer dans la nuit et les nuances se créer à partir de rien. Que ces moments passés ensemble, je puisse les revoir.

Je suis en train de laver à l’écart la casserole du diner. Les insectes sont insoutenables en fin de soirée, leur bruit, leurs gesticulations, et quand ils viennent sur nous. Je suis contente que Gabrielle ai fait venir une tente. On peut largement dormir tous dessous.
L’eau commence à manquer. On est obligé depuis avant-hier de transporter des jerricans d’eau pour notre consommation et l’entretien. Je prend une dernière fois de l’eau pour rincer en espérant ne pas en avoir trop pris.
Je me redresse pour secouer et sécher la casserole, avec la chaleur ça ne devrait pas tarder, quand un homme en costume se présente à moi.

Je ne comprends pas comment j’ai pu ne pas l’entendre. Je me maudis de n’avoir pas été assez prudente. Il ne m’attaque pas tout de suite et semble plus enclin à parler, c’est ce qui me fait hésiter. Un second puis un troisième m’encerclent. Je garde la casserole et prends promptement le couteau caché dans ma botte. Je remercierai plus tard Idris qui m’avait conseillé de toujours l’avoir sur moi.
Le temps passe et ils n’agissent pas. Loin de me détendre, je me demande ce qu’ils me veulent. Ils ne parlent pas et ont l’air de m’empêcher de partir sans vouloir me blesser. Je n’aurai pas de réponse si je préviens les autres pour m’aider à m’échapper. Je suppose que s’ils veulent quelque chose ça ne devrait pas tarder.
Soudain, j’entends un quatrième cœur battre et se rapprocher. J’entrevois une ombre entre les arbres, puis il se révèle à découvert.
Les cheveux coupés courts, avec une belle chemise. Grand, des lunettes fines posées sur un long nez et des yeux. Verts d’eau, calculateurs et froids. Je reconnais cet homme, mon père.


Dernière modification par 15Lina15 le jeu. 04 avr., 2019 11:36 am, modifié 1 fois.
15Lina15

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Re: Synesthésie : Aventure/Sci-Fi/Héros Adolescents

Message par 15Lina15 »

Salut, excusez-moi pour ce petit retard. Le prochain chapitre sortira comme prévu la semaine prochaine. Passez une bonne journée
louji

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Re: Synesthésie : Aventure/Sci-Fi/Héros Adolescents

Message par louji »

Hello ! ^^

Je trouve étrange que tu choisisses de qualifier les "outsiders" que Lina & co croisent d' "apolitiques"... Ils ont choisi une politique de vie en refusant la puce et le système, tu vois ? ;) "Politique" ne veut pas forcément dire partis, militantisme... On est tous politiques, d'une manière ou d'une autre, dans la façon dont on vit, dans ce que l'on choisit de faire...

"— Quoi ? C’est tout, m’insurgé-je en pensant à ses bonnes paroles autour de la compassion pour les autres etc." :arrow: Le "etc" ne fait pas très sérieux :lol: On dirait vraiment une pensée brute de Lina, ça casse la narration ;)

J'aime beaucoup la description des couchers de soleil, c'est très chouette :D
Mais je me demande pourquoi Idris n'y participe pas :geek:

"Tia fait parfois des écartes pour visiter les alentours" :arrow: Des écarts ;)

Wah, je l'ai pas vu venir l'homme en costume :lol: Et Lina non plus, malgré son ouïe... Comment ça se fait ? :ugeek:

Oh ben merde. Je m'attendais pas à ça :lol: Le père de Lina... Ça faisait longtemps qu'on l'avait pas vu. Je pensais jamais le revoir, comme il avait l'air pas très proche de Lina x')
Enfin, on saura bien ce qu'il veut, ce fou-furieux :roll:

Il y a quelques coquilles, mais tu pourras les repérer seule je pense ;) J'ai bien aimé les passages où tu décris le voyage, la nature... C'est doux et mélancolique ^^

A bientôt ;)
15Lina15

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Re: Synesthésie : Aventure/Sci-Fi/Héros Adolescents

Message par 15Lina15 »

Chapitre 30

— — Soirée Cocktail — —


Il est là, debout devant moi. Bien habillé, bien coiffé, comme toujours. Il est imprégné de désinfectant, en plus de son parfum et de ses effluves corporelles. Je me rappelle encore de cette odeur, le soir où j’ai décidé de lui tenir tête, où j’ai osé dire des vérités cachées. À l’instant même où j’avais relevé la tête, il m’avait enfermé, avec la complicité de ma mère. Quand j’y pense, elle doit toujours être en train de préparer des madeleines ou de jouer du piano, avec la rigueur et la sobriété qui la caractérisent.
— Bonjour Lina, tonne sa voix dans la chaleur du soir. Cela m’aura pris plus de huit mois, mais j’étais sûr que je parviendrai à te retrouver, fait-il dans un souffle. Aller, c’est parti, on y va.
— Qu…quoi ? fait-je lamentablement, la gorge coupée.
— Je te ramène au domicile. Tu as énormément à rattraper auprès de moi et de ta mère mais si tu fais bien tout ce que je te dis, je pourrai peut-être finir par m’assouplir.
En voyant que je ne réagi pas, encore sous le choc, il commence à s’impatienter et parle ou plutôt ordonne à un de ses gros bras à côté de lui. Je n’essaie même pas de comprendre ce qu’il lui dit. Je me prend le front d’une main, dépassée, une goutte de sueur perlant dans la nuque.

Mon père est venu me chercher. Ok. Il avait posté cette annonce pour me rechercher, celle que j’avais vu en ville et sur la tablette de Rangsei. Ok.
Rangsei. Mais oui, j’avais oublié où et avec qui j’étais. Je n’ai pas à me recroqueviller comme une enfant à l’époque. Je ne suis pas seule, en prêtant attention je peux sentir Gabrielle et Tia gesticuler assises et peut-être parler, Idris immobile et Rangsei très concentré, certainement sur ses travaux. Comment j’ai pu oublier, je ne suis plus celle que j’étais avant de partir. J’ai grandi, j’ai perdu ma puce, j’ai découvert une nouvelle façon de voir le monde à travers de nouveaux sens et les yeux d’autres gens.
Après tout ce temps, tout ce qu’il m’est arrivé, celle que je suis devenue, je dois dire quelque chose. Il faut que je trouve la force. Ce n’est pas un choix, je me le dois. Je NOUS le dois, à ma mère et à moi.
— Espèce de fils de pute, d’où tu viens me chercher t’es vraiment qu’un sale… tu mérites de rester seul.
Non, je ne lui ai pas dit ça. Non bien sûr que non je ne peux pas.
— Enculé de ta race t’es vraiment qu’une pourriture, tu…
Non, je n’ai pas non plus dit ça. Évidemment, je ne peux pas dire une chose pareil à voix haute.
Soudain, un à un, je les sens bouger dans ma direction, plus ou moins rapidement quittant le camp. Je n’ai pas besoin de regarder pour les savoirs derrière mon dos, à me soutenir, tous. Un garde de mon père gêne mais il est vite poussé par Gabrielle. Comme seule réaction, je remarque à peine un haussement de lèvre de mon père, malgré la situation. Je tourne la tête en sentant Idris encore plus tendu que d’habitude. Est-ce qu’il peut lire dans mes pensées à cette distance ? Non, je n’espère pas. Je reprends contact à la réalité, le temps passe et je n’ai toujours pas dit un mot.
— Tu sais quoi ? dis-je d’une façon que j’espère claire et assurée.
Un léger sourire commence à naître, je parviens à me détendre et ce n’est pas bon du tout. Je ne suis pas crédible une seconde et puis, je mets beaucoup trop de temps. L’homme qui me fait face est désormais entouré de trois individus bâtis comme des athlètes de culturisme en noir. Il est crispé mais semble avoir pris une décision, à l’instant.
— Bon, c’est fini Lina. Tu dis au-revoir ou pas mais on s’en va. Je te ramène ce soir, je n’ai plus de temps à perdre, fait-il en s’avançant.
De son long bras, au tissu de la manche dernier cris, il m’empoigne. D’une main forte et agressive il me me tire avec lui. Le geste est si rapide qu’il m’entraîne sans résistance.
À cet instant, Idris et Gabrielle font un pas simultané en avant. Honteuse et écœurée de m’être fait maîtriser aussi facilement, je les rassure en me libérant d’un coup sec. Je remercie Idris et ces heures passées à me faire mémoriser des techniques de clés.
Je m’apprête à lui dire quelque chose, lui cracher au visage tant le contact de ses doigts m’ont révulsés. Le simple souvenir de son toucher me revenant en boucle menace de me faire vomir. Qu’il soit venu en personne me chercher, fait naître en moi un sourire mauvais.
Soudain, un rire explose. Je comprends avec peine qu’il vienne de moi, je semble plus rejeter la tension qu’autre chose. D’une expression d’abord étrange, tordu par le stress, plutôt compulsive ; puis je pars en une crise délirante. Incapable de me contrôler, j’en ris à oublier qui je suis et ce que je fais. Des crampes naissent quand cet homme qui se fait appeler mon père intervient.
— Je ne te reconnais plus, tu as oublié tout ce que je t’ai appris.
— Tout ce que tu m’as appris, à coup de menaces ? Tu n’es même pas mon père, lançais-je acerbe.
Cette phrase semble l’avoir pris au dépourvu, il n’a plus la même constance.
Je le vois paniquer brièvement et se reprendre avec un calme reptilien. Quel pauvre homme, que sa fille martyrise.
— C’est vrai. Je ne l’ai jamais été. Est-ce ta mère qui a fini par te l’avouer ? Tant de temps perdu à essayer de le cacher, rit-il amer en crachant par terre.
— Non. Je t’ai entendu. Le jour de mon accident, les secouristes ont vu que je perdais trop de sang, à ce moment vous me croyez inconsciente. Et pendant que j’étais allongé sur ce brancard, je t’ai entendu, j’ai compris et l’ai ressenti au fond de moi. Tu as dit, je cite : « Nous l'avons adoptée. Elle n'a pas le même groupe sanguin que nous deux, nous sommes incompatibles. ». Maman n’est pas non plus ma mère, par ailleurs, fais-je dans un ricanement dégoûté.

Ces phrases me sont restées, jamais je ne pourrai les oublier. Je me sens plus légère d’avoir dit la vérité. Puis, je remarque une lueur dans ses yeux hautains, et comprend qu’il sait quelque chose que j’ignore encore. Il va me lancer son information en couteau, je le sens venir comme un serpent qui siffle avant d’attaquer.
— On ne t’a pas adopté, tu sais, ajoute-t-il en croisant les bras. C’était pour aller plus vite que j’ai dit ça à l’infirmière, et puis, ce n’est pas très glorieux de raconter à tout le monde ce que ta mère a fait.
Tu parles, s’il a un moyen de la descendre, il n’hésite jamais à l’utiliser, bien au contraire. Ce n’est pas elle qu’il cherche à protéger, c’est lui, pensais-je.
— Ta mère m’a trompé. Ta mère a eu une relation avec un homme beaucoup plus âgé et bête que moi, alors qu’elle travaillait encore dans le domaine du show en tant que pianiste. Elle n’était pas une grande star, mais bon, elle avait quand même réussi à attirer l’attention d’un chef d’orchestre lors d’une soirée cocktail, fait-il dédaigneux en appuyant sur le dernier mot. Ils sont partis quelques mois, sans prévenir. Elle a fini par rentrer, elle l’avait quitté, enceinte, elle ne pouvait envisager sa vie sans moi.
— C’est par ta faute si elle est partie, ce n’est pas grâce à toi qu’elle est revenue, c’est parce qu’elle avait peur. Comme elle a peur aujourd’hui, j’en suis sûre. Moi je n’ai plus peur, je refuse que tu ai de l’emprise sur moi. Je ne rentrerai jamais.
Je le vois s’amuser, le nez long froncé
— Mais oui, je suis le mari cynique et violent et elle une fragile et innocente colombe. La discussion est finie, on s’en va, tranche-t-il d’une voix sombre.
— Parce que vous pensez encore qu’elle va vous suivre, intervient Gabrielle outrée.
Je vois qu’il ignore totalement l’adolescente pleine de fougue en discutant avec ses hommes de main. Je sens mon anxiété monter, s’il n’a pas réagi, il ne va pas tarder. Mon instinct me pousse à reculer, de partir loin me cacher avant qu’il s’en prenne à moi et devant eux tous. Je résiste difficilement. Je n’ai pas envie de montrer cette image de moi, surtout pas les décevoir.
Soudain, les trois gardes se mettent en action et poussent violemment Gabrielle devant qui tombe à mes pieds. Les Synesthètes se déplacent plus vite que je n’ai pu anticipé et en un rien de temps, ils frappent et neutralisent un premier garde. Je me tourne et aperçois Idris en assommer un deuxième. Le dernier homme en noir reste avec mon père, bien que celui-ci ne semble nullement avoir besoin de protection.
— Lina est avec nous, annonce Gabrielle en se relevant. Vous l’avez entendu, elle ne veut pas vous suivre. Alors vous allez repartir d’où vous êtes venu, et on vous laisse en paix.
— Espèce de sauvage, tu n’as pas ton mot à dire. Aux yeux de la loi, c’est ma fille, elle a l’obligation de m’obéir et ce n’est pas une bande de gamin qui va m’empêcher de la récupérer.
— « De la récupérer », cite la belle brune en s’approchant plus près de cet homme qui parait plus petit. Ce n’est pas un objet, c’est mon ami, lui crache-t-elle au visage.
À ces mots, mon corps entier se réchauffe et sourit. J’ai des amis, de véritables amis. Ce geste d’amitié franc me donne le courage pour retrouver mes esprits et de faire partir ces étrangers.

— Merci Gabrielle, fais-je les joues rougissant. Tu as compris ? lançais-je à l’homme au nez tranchant. Je ne rentrerai pas, j’ai trouvé ma place ici.
Il s’avance d’un pas plein de rage mais attentif à la réaction de mes amis.
— J’ai dépensé des millions pour te retrouver, tu ne me filera pas entre les doigts après tout cet investissement. Ta mère ne va pas supporter que tu partes, tu n’as pas le choix.
J’hésite à le faire, quand il s’approche encore trop de moi. Son parfum est étouffant à cette distance, je ne supporte pas qu’il soit aussi proche. Portant ma main à ma hanche, je touche du bout une lame calée dans les plis noirs de ma ceinture. Les pleurs douloureux de ma mère frappée font pulser mon cœur.
Je m’apprête à agir quand un discours de Rangsei me revient en tête. Aies toujours pitié, des malheureux, des pauvres et plus encore de ceux qui t’ont blessé. Mes poumons tellement pleins que je sens mes os vibrer, je comprends ce que je dois faire. Je ne peux pas m’en prendre à lui, je n’irai pas mieux, je ne deviendrai pas meilleure.
— Pars, fais-je les dents serrées. On s’en va aussi, si tu nous suis je me vengerai de toi. Si tu persistes tu n’en ressortira pas comme tu l’espère, je te le promets.
— Si tu crois que c’est toi qui va décider, avance-t-il borné.
Un fluide vif me monte dans tout le corps et je me jette sur mon père. Je prends une de ses mains, l’écarte et lui lève les jambes en le poussant sur les cailloux. Je me retrouve un genou sur sa poitrine, une main pour le maintenir, une autre autour de son cou. Un nuage de poussière terreuse retombe lentement.
— Plus jamais tu ne me parles comme ça, lui susurrai-je d’une voix sombre et transformée.
Je ressens toute la haine cachée et la relâche comme un animal sorti de sa cage. Ses pupilles vertes d’eau et angulaires collées aux miennes, je maintient le regard. Ma pression se resserre mais il ne se défend pas, il a l’air surpris. Peut-être n’a-t-il pas compris l’ampleur des dégâts, peut-être ne comprend-t-il pas toute la douleur et la colère que j’ai envers lui et ce que je pourrai lui faire désormais.
Peut-être ne comprendra-t-il jamais.

Je relâche d’un mouvement sec mon emprise et lui tourne le dos.
— On s’en va, fais-je en m’adressant à mes amis contrôlant leur respiration et leurs nerfs.
Je remet mon haut du corps en place et secoue mes cheveux en sueur et salis par la terre. En prenant la direction du camp, je me rappelle que le soir est tombé, qu’il fait nuit. Tant pis. Je range la vaisselle que j’étais venu laver, fais mes affaires et repars le sac sur le dos alors même que Tia apparait en souriant.

En attendant que les autres se préparent, je récupère la tablette et m’oriente pour saisir la destination où aller. La maison de leur patron, elle n’est qu’à une vingtaine de kilomètres, nous sommes tout près. On y sera avant le lever du jour.


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Re: Synesthésie : Aventure/Sci-Fi/Héros Adolescents

Message par 15Lina15 »

louji a écrit :Hello ! ^^

Je trouve étrange que tu choisisses de qualifier les "outsiders" que Lina & co croisent d' "apolitiques"... Ils ont choisi une politique de vie en refusant la puce et le système, tu vois ? ;) "Politique" ne veut pas forcément dire partis, militantisme... On est tous politiques, d'une manière ou d'une autre, dans la façon dont on vit, dans ce que l'on choisit de faire...

"— Quoi ? C’est tout, m’insurgé-je en pensant à ses bonnes paroles autour de la compassion pour les autres etc." :arrow: Le "etc" ne fait pas très sérieux :lol: On dirait vraiment une pensée brute de Lina, ça casse la narration ;)

J'aime beaucoup la description des couchers de soleil, c'est très chouette :D
Mais je me demande pourquoi Idris n'y participe pas :geek:

"Tia fait parfois des écartes pour visiter les alentours" :arrow: Des écarts ;)

Wah, je l'ai pas vu venir l'homme en costume :lol: Et Lina non plus, malgré son ouïe... Comment ça se fait ? :ugeek:

Oh ben merde. Je m'attendais pas à ça :lol: Le père de Lina... Ça faisait longtemps qu'on l'avait pas vu. Je pensais jamais le revoir, comme il avait l'air pas très proche de Lina x')
Enfin, on saura bien ce qu'il veut, ce fou-furieux :roll:

Il y a quelques coquilles, mais tu pourras les repérer seule je pense ;) J'ai bien aimé les passages où tu décris le voyage, la nature... C'est doux et mélancolique ^^

A bientôt ;)
Hey ! ^_¨
J'ai mis du temps mais tu sais pourquoi, encore désolée :lol:

Effectivement pour l'apolitisme c'était maladroit, je rectifie :roll:
J'ai corrigé toutes les bourdes que tu as relevé, contente que les couchers de soleil te plaisent ! Pour Idris tu saura plus tard, peut-être.
Que tu n'ai pas vu arriver son père est un bon point ? Le reste tu le saura bientôt.

Encore merci pour ton message, j'espère que tu aimera la suite :roll: :)
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Re: Synesthésie : Aventure/Sci-Fi/Héros Adolescents

Message par louji »

Hi ! =)
J'arrive pour le chapitre 30 (ça en fait déjà un petit nombre :geek: ) !

Wow, les insultes fusent :lol: Faut dire qu'il le mérite :v Juste "tu mérites de creuser seul." tu veux dire quoi par là ?? :lol:

"Un léger haussement de lèvre apparait à cette action, malgré la situation." :arrow: Je n'ai pas compris la phrase :?

"Soudain, un rire explose. Je comprends avec peine qu’il vienne de moi" Qu'il vient* ;)

Oh, j'avais oublié cette histoire d'adoption ! Mais du coup c'est pas plus mal que Lina en "discute" avec son père :roll:

"maman n’est pas non plus ma mère, par ailleurs, fais-je dans un ricanement dégoutté. " dégoûté* ;)

Oh. Oh. Oh ! :lol: Ben écoute, mon gars, si tu avais su aimer la mère de Lina de manière plus évidente et tendre, peut-être qu'elle ne t'aurait pas trompé :roll:

"Espèce de malpropre, surveilles comment tu me parles" Ça fait très langage de jeune qui fait aucun effort de langue, attention ;) :lol:

Bon. Bon, bon. Sacrée rencontre avec le père de Lina, c'est bien qu'elle lui ait dit ses quatre vérités et qu'elle se soit lâchée contre lui, afin de lui faire comprendre les choses. J'ai l'impression qu'il a saisi le message, mais j'ai quand même peur qu'il lâche pas le morceau :roll:

Quant à la fin du chapitre, la rencontre avec le boss arrive enfin !
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Re: Synesthésie : Aventure/Sci-Fi/Héros Adolescents

Message par 15Lina15 »

louji a écrit :Hi ! =)
J'arrive pour le chapitre 30 (ça en fait déjà un petit nombre :geek: ) !

Wow, les insultes fusent :lol: Faut dire qu'il le mérite :v Juste "tu mérites de creuser seul." tu veux dire quoi par là ?? :lol:

"Un léger haussement de lèvre apparait à cette action, malgré la situation." :arrow: Je n'ai pas compris la phrase :?

"Soudain, un rire explose. Je comprends avec peine qu’il vienne de moi" Qu'il vient* ;)

Oh, j'avais oublié cette histoire d'adoption ! Mais du coup c'est pas plus mal que Lina en "discute" avec son père :roll:

"maman n’est pas non plus ma mère, par ailleurs, fais-je dans un ricanement dégoutté. " dégoûté* ;)

Oh. Oh. Oh ! :lol: Ben écoute, mon gars, si tu avais su aimer la mère de Lina de manière plus évidente et tendre, peut-être qu'elle ne t'aurait pas trompé :roll:

"Espèce de malpropre, surveilles comment tu me parles" Ça fait très langage de jeune qui fait aucun effort de langue, attention ;) :lol:

Bon. Bon, bon. Sacrée rencontre avec le père de Lina, c'est bien qu'elle lui ait dit ses quatre vérités et qu'elle se soit lâchée contre lui, afin de lui faire comprendre les choses. J'ai l'impression qu'il a saisi le message, mais j'ai quand même peur qu'il lâche pas le morceau :roll:

Quant à la fin du chapitre, la rencontre avec le boss arrive enfin !
Ohlala, j'ai l'impression qu'il y a un vilain ordinateur qui vient tout corriger pour marquer n'importe quoi derrière moi, ça ne veut rien dire !! :lol: Je corrige ça ;)
Oui, c'était difficile tous ces dialogues, je corrige l'erreur de langage pour le père.
C'est ça ! :lol:
louji

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Re: Synesthésie : Aventure/Sci-Fi/Héros Adolescents

Message par louji »

15Lina15 a écrit :
Ohlala, j'ai l'impression qu'il y a un vilain ordinateur qui vient tout corriger pour marquer n'importe quoi derrière moi, ça ne veut rien dire !! :lol: Je corrige ça ;)
Oui, c'était difficile tous ces dialogues, je corrige l'erreur de langage pour le père.
C'est ça ! :lol:
Vilain monstre appelé l'inattention et la fatigue, on connaît... Mais t'inquiète, il se combat à force de relecture ;)

A bientôt ! =D
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Re: Synesthésie : Aventure/Sci-Fi/Héros Adolescents

Message par 15Lina15 »

Encore un petit retard :lol:
Bon je laisse tomber la régularité, je posterai en fin de semaine certainement. Je veux que tout soit parfait !!
Je vous préviendrai de la sortie, si vous n’avez jamais commentés et voulez être prévenus dites le moi.
Bonne journée ;)
15Lina15

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Re: Synesthésie : Aventure/Sci-Fi/Héros Adolescents

Message par 15Lina15 »

Chapitre 31

— — Painy — —


Alors que je pose mon jerrican d’eau pour me reposer, j’entends des pas qui s’agitent au loin. J’entends des bruits électriques et un bâtiment déviant le passage du vent, bien que léger. Je lève la tête et sens Gabrielle me passer devant.
— Allez, on est presque arrivés, Painy ne doit pas être debout à cette heure-là. On est attendu de pied ferme, Rangsei vient, l’encourage-t-elle avant de lui déposer un baiser sur la joue.
Il semblerait qu’il n’y ai pas que Tia qui soit en joie. C’est vrai que Gabrielle est entrée dans l'organisation très jeune, ce doit être comme une seconde famille pour elle. Je comprends mieux son empressement de la retrouver.
— C’est qui Painy, murmurais-je à Tia.
— La personne qui te dira si oui ou non tu peux rester avec nous, répond Idris en passant devant moi, la tente de couchage au bras.
Je rigole en moi, comme si c’était elle qui allait choisir pour moi. Même mon père ne l’a plus fait après j’ai décidé de vivre ma vie, que je serai celle qui en serait la maitre ; elle ne fera pas exception. Puis je me rappelle qu’il ne sert à rien de parler à voix basse. C’est vraiment une chose à laquelle je n'arrive pas à m’habituer.

Nous nous trouvons face à une pente, puis une fois montée, un sentier nous mène jusqu'à la résidence. Enfin, plutôt un agglomérat de bâtiments dont une serre végétale dans une architecture simple et pragmatique. Des plantes recouvrent les murs pour isoler de la chaleur extérieure et sont arrondis pour résister dans le temps face aux aléas météorologiques.
En nous approchant de plus près, je sors du chemin pour aller toucher les murs et je reconnais un mélange naturel de pierre et de terre ultra résistant. En dehors de cela, ce sont de grandes baies vitrées arrondies en miroir semblables à ceux dans les salles d’interrogatoires. Une véritable forteresse qui laisse ses occupants admirer le paysage tout en les cachant.
Des lumières dans le jardin éclairent le chemin sous notre passage, et petit à petit, les étoiles disparaissent derrière les nuages.
Idris et Gabrielle nous mènent jusqu'à une entrée encadrée par des piliers et deux gardes équipés de dispositifs de reconnaissance.

Après contrôle, les deux portes s’ouvrent, lourdes sur une pièce à ambiance tamisée. Un chant d’oiseau pétille à notre entrée, un immense canapé blanc et un aquarium remplissent l’espace. Un des deux gardes nous insigne à attendre et s’en va.
Gabrielle pose prestement ses affaires avant de s’affaler sur les gros coussins. Je vois la petite blonde s’approcher des poissons en s’amusant à faire des grimaces et Rangsei étonnement stressé. Idris regarde autour de lui, il semble ne pas être venu souvent, lui non plus. L’air est agréable, je me sens soudainement sale dans ces lieux, mais je m’en fiche. Je me demande qu’elle sera la procédure, tout est très carré, ce qui me laisse à penser que son dirigeant doit l’être. Un frisson me parcours, mais je garde la tête droite, encore un moment à tenir avant d’avoir des réponses à toutes mes questions. Je me frotte l’oreille en espérant que ce ne sera pas très long.
Je pensais ne jamais vouloir être au service d’une organisation aussi suspecte et cachée du monde, maintenant je ne sais plus. Si on me dit que je ne peux pas rester avec mes amis, et qu’ils préfèrent eux aussi ne pas rester avec moi, je ne sais pas ce que je pourrais faire. Je n'ai clairement plus envie de rester seule et je suis bien avec eux, je ne les laisserai pas me jeter à la rue. Vu la rigidité du protocole et la pression qu’a subit Gabrielle pour nous emmener dans ces courts délais, je doute qu’ils me laissent rester en leur compagnie en tant que simple observatrice et ça m’est bien égal.
Il faut que je me décide, je ne peux pas me pointer devant leur assemblée sans un plan.

Une pièce adjacente s’ouvre, une odeur parfumée de cigarette et de menthe montant jusqu’à nous. Alors que je viens de prendre ma décision, un guide nous accompagne dedans.
Nous entrons, un aquarium cachant d’abord les détails d’une silhouette au centre de la pièce. Le sol est d’une matière insolite, solide et souple à la fois, parfait pour un entrainement au combat. La fumée est de plus en plus importante, une voix de femme raillée et épaisse résonne. Nous faisons le tour, Gabrielle et Tia en tête. Je jette un dernier regard à Rangsei puis à Idris. Ses yeux clairs me rassurent et confirment mon choix, il n’a pas peur de son patron. Je lui souris avant de tourner pour sortir de l’ombre, en essayant de dissimuler ma curiosité.

Exceptés d’autres coussins à même le sol, la pièce n’est remplie que par deux hommes et une femme imposante et blessée. L’odeur de grillé vient d’elle, elle tient entre son index et pouce gauche une cigarette tenue par un support allongé. Son bras droit est inexistant, et son corps en morceau. Son tronc est comprimé par un exo-squelette transparent, maintenant sa colonne vertébrale qui semble elle aussi défaillante. Mais pourtant, elle dégage une force comme j’en ai jamais vu. Au premier regard, j’ai envie de me plier, ce que bien sûr je ne ferai pas.
— Tiens ! exprime-t-elle joyeusement et très libre en écartant son bras. Gaby, enfin arrivée. Essayez-vous tous, les incite-t-elle. Marco, sert leur du thé.
Je détache mon regard un instant de cette femme à la peau couleur cacao et influente vers ce Marco. Deux hommes sont autour d’elle, comme pour l’assister. L’un détient un sac d’herbe, surement du tabac, l’autre un service de thé et des gâteaux. Ce Marco n’a rien de remarquable, son voisin en revanche a un œil escamoté qui ne s’ouvre qu’à moitié, ce qui ne le rend pas plus intéressant pour autant. Cette femme, d’à peine la trentaine brille plus fort qu’une flamme dans la nuit.

— Hey ! C’est toi Lina, m’interpelle cette guerrière assise.
— Oui, bonjour, fais-je circonspect.
Un silence un peu trop long s’installe et commence à planer un léger malaise. Peut-être est-ce dû à ma tension et ma méfiance, en tout cas, cela ne la refroidit pas pour autant.
— Quoi ? C’est tout ? T’es pas très bavarde, fait-elle tandis que j’examine ses gardes et la pièce pour me préparer en cas de danger.
— Je ne pensais pas que vous étiez une femme, fais-je après avoir laissé le vide la mettre inconfortable.
Je m’assied sans sa permission, calmement, en tailleur. On m’apporte un thé que je bois sans la quitter du regard. Tandis que je sens d’autres regards, peser sur mon dos.
— Ah ! Vous auriez au moins pu lui dire mon sexe, vous, fait-elle en s’adressant à mes amis derrière moi.

Je ne les regarde pas. Je n’en ai pas besoin pour savoir où ils sont. Sur des coussins, Tia déjà en train de dévorer un muffin au coulis, que je devine à l’odeur. Je les sens détendus d’être arrivés mais suffisamment obéissant pour prendre la peine de rester. Et peut-être aussi un peu curieux.
Le sourire de leur boss est un masque, je me décide à laisser une marge de manœuvre plus molle. Ou du moins à lu faire croire.
— Vous êtes donc leur patronne, celle qui leur fournit leur matériel, que d’ailleurs je porte et leur transmet les missions à effectuer.
— C’est ça, assure-t-elle de sa voix légèrement rauque.
Elle n’est pas bête, impulsive mais pas sans cerveau. Elle sait à quoi je joue. Chaque phrase est une négociation cachée. Le moindre mot prononcé est un pas vers la défaite, vers le territoire ennemi. Je décide de casser son jeu et mettre les pieds dans le plat.
— C’est donc vous qui décidez qui fait parti du groupe des Synesthètes et qui n’en fait pas parti.
— Non, ponctue-t-elle en tirant sur sa cigarette allongée. Synesthète n’est pas un nom qu’on a déposé, à partir du moment où tu as commencé à développer tes sens après ton accident en montagne, tu es considérée comme une Synesthète. Je me charge simplement de vous recruter, comme je fais là, conclu-t-telle en relâchant des mouvements de fumée.
— Ce qui veut dire que vous me prenez, fais-je calmement en buvant une gorgée.
Elle sourit et fais tomber quelques cendres avant de boire en souriant. Malgré ses manies frétillantes, elle est moins impulsive qu’elle ne veut le faire croire.
— Hmm, il faut voir.
— Attends, intervient Gabrielle en posant sa tasse au sol. Cela fait des mois qu’on l’entraîne, qu’à nous tous on l’a teste et tu as lu les compte rendu ! Je sais quand tu en rajoutes plus que nécessaire.
— Ce n’est pas de ses tests physiques que je parle, je parle d’obéissance, de fidélité. Vu ton histoire familial, tu comprends que je sois réticente, me fait-elle en fumant.
— Sauf qu’il n’y a pas que vous qui décidiez, lançais-je simplement. Je ne suis pas une de vos employés, du moins pour l’instant. Je veux une visite et plus d’explications avant d’accepter.
Ses pupilles mi-noires s’élargissent dans un éclat et elle se met à rire. À ses côtés, ses deux hommes portant la même tenue que nous, un tissu noir fin faisant ressortir leur muscles, ne semblent pas distraits de leur posture.
— Je t’aime bien, c’est bon, t’es prise, s’exclame-t-elle de sa voix raillée en s’accoudant sur le sol. Marco sert lui à boire, à cette jeune fille et à vous deux. Lina, tu es mon invitée.
Je ricane intérieurement, si elle a cru m’influencer en me faisant oublier ma décision, c’est qu’elle ne m’a pas comprise. Alors que derrière, tous se lèvent pour partir, je m’apprête à assumer un lourd choix.
Les sourcils noirs épais et une chevelure à moitié tressée à moitié sauvage et très longue, elle devait être redoutable quand elle combattait. Je n’ose pas imaginer ce qui a pu la mettre dans cet état quand je vois le nombre de coupures sur ses bras nus.
Je récupère la tasse tendue par Marco qu’il a re-rempli avant de me concentrer sur elle.

— Je sais que ce vous me proposez est très risqué, j’ai l’impression que l’espérance de vie est pas très élevée quand on fait votre métier, murmuré-je en insistant sur son armature de corps, une forte odeur de menthe dans le nez. Mais je n’ai pas envie d’un avenir ordinaire non plus, pensais-je. Je ne vous fais pas confiance, mais je resterai avec mes amis. Si j’estime que la mission que vous me confirez est trop louche, ou que vous vous servez de moi pour…
— C’est bon, détends-toi. Allez, je vous offre une semaine de vacances. Profites du complexe autant que tu veux, tu es ici, chez toi. Bienvenue en Suisse ! dit-elle dans un mouvement de bras.
— Quoi ? On est en Suisse ?! m’étranglé-je avec mon thé.


Dernière modification par 15Lina15 le dim. 04 oct., 2020 9:50 am, modifié 4 fois.
louji

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Re: Synesthésie : Aventure/Sci-Fi/Héros Adolescents

Message par louji »

Hello ! :)

Hou, enfin le chapitre de la rencontre avec la boss... C'est super intéressant ^-^ J'aime bien que tu passes pas par 4 chemins avant de la présenter (sans oublier pour autant de décrire l'environnement).
Quant au sexe du boss, j'étais déjà persuadée que c'était une femme :shock: Je me demande si l'un d'eux ne l'avait pas déjà dit ? :geek:
Elle est bien cool, en tout cas, j'apprécie son côté un peu cabossé :D (en revanche, 30 ans, c'est très jeune ! :o )
Bon, j'aime bien cette Painy, même si elle est presque trop directe pour une organisation pareille :geek:

J'ai relevé quelques fautes, que tu devrais pouvoir corriger sans souci :)
Question dialogue, je les trouve pas toujours évidents, un peu alambiqués ou pas assez développés... Essaie de les relire et de te demander si vraiment les personnages pourraient dire ça ;)

A présent, je me demande bien ce que Lina va faire en Suisse pour profiter de sa semaine de repos :geek:

A bientôt !
15Lina15

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Re: Synesthésie : Aventure/Sci-Fi/Héros Adolescents

Message par 15Lina15 »

louji a écrit :Hello ! :)

Hou, enfin le chapitre de la rencontre avec la boss... C'est super intéressant ^-^ J'aime bien que tu passes pas par 4 chemins avant de la présenter (sans oublier pour autant de décrire l'environnement).
Quant au sexe du boss, j'étais déjà persuadée que c'était une femme :shock: Je me demande si l'un d'eux ne l'avait pas déjà dit ? :geek:
Elle est bien cool, en tout cas, j'apprécie son côté un peu cabossé :D (en revanche, 30 ans, c'est très jeune ! :o )
Bon, j'aime bien cette Painy, même si elle est presque trop directe pour une organisation pareille :geek:

J'ai relevé quelques fautes, que tu devrais pouvoir corriger sans souci :)
Question dialogue, je les trouve pas toujours évidents, un peu alambiqués ou pas assez développés... Essaie de les relire et de te demander si vraiment les personnages pourraient dire ça ;)

A présent, je me demande bien ce que Lina va faire en Suisse pour profiter de sa semaine de repos :geek:

A bientôt !
Salut !
Merci de ton aide, oui je savais que tu savais qu'elle était une femme, tu l'avais dit dans un ancien com :lol: Je pense qu'il y a eu une gaffe et que j'ai corrigé par la suite.
C'est sur, mais c'est une fille d'action, elle avait déjà étudié le profil de Lina depuis au moins 6mois… :lol:
Pour les dialogues, je relirai :roll:
Oui, ça va être à la cool 8-) :arrow:
À bientôt !
louji

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Re: Synesthésie : Aventure/Sci-Fi/Héros Adolescents

Message par louji »

15Lina15 a écrit : Salut !
Merci de ton aide, oui je savais que tu savais qu'elle était une femme, tu l'avais dit dans un ancien com :lol: Je pense qu'il y a eu une gaffe et que j'ai corrigé par la suite.
C'est sur, mais c'est une fille d'action, elle avait déjà étudié le profil de Lina depuis au moins 6mois… :lol:
Pour les dialogues, je relirai :roll:
Oui, ça va être à la cool 8-) :arrow:
À bientôt !
D'acc, je comprends mieux ;)
Pour les dialogues, si tu as du mal, tu peux toujours essayer d'écrire des scènes au pif (qui ne seront pas inclues dans l'histoire) avec les personnages et t'entraîner comme ça à les faire discuter sur divers sujets ^^
A plus !
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Re: Synesthésie : Aventure/Sci-Fi/Héros Adolescents

Message par 15Lina15 »

Salut !
Je travaille sur ce chapitre, mais je ne sais pas encore si je vais pouvoir continuer d’écrire (étant rentrée à la Fac j’ai peu de temps libre :? )...
15Lina15

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Re: Synesthésie : Aventure/Sci-Fi/Héros Adolescents

Message par 15Lina15 »

Je viens aux nouvelles !
Je continue à écrire Syn mais je préfère avoir tout fini pour pouvoir vous montrer la fin. Si je prends autant de temps, c’est qu’en parallèle j’écris des petits mots de poésie, ça m’aide beaucoup en ce moment. Comme je ne voyais pas si ça pouvais intéresser je ne les ai pas posté mais si jamais ça vous dit je créerai une page pour.
Il ne me reste plus que quatre chapitres à écrire, alors si vous trouvez le temps trop long faites le moi savoir et je posterai un chapitre en attendant ;)
Merci et à bientôt
louji

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Re: Synesthésie : Aventure/Sci-Fi/Héros Adolescents

Message par louji »

15Lina15 a écrit :Je viens aux nouvelles !
Je continue à écrire Syn mais je préfère avoir tout fini pour pouvoir vous montrer la fin. Si je prends autant de temps, c’est qu’en parallèle j’écris des petits mots de poésie, ça m’aide beaucoup en ce moment. Comme je ne voyais pas si ça pouvais intéresser je ne les ai pas posté mais si jamais ça vous dit je créerai une page pour.
Il ne me reste plus que quatre chapitres à écrire, alors si vous trouvez le temps trop long faites le moi savoir et je posterai un chapitre en attendant ;)
Merci et à bientôt
Hello !

Très contente de lire tout ça, tant mieux si tu trouves le temps et l'envie d'écrire ! ;)
Je survivrai le temps de 4 chapitres, il y a pas de soucis, prends ton temps, je serai là ^^

A bientôt !
15Lina15

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Re: Synesthésie : Aventure/Sci-Fi/Héros Adolescents

Message par 15Lina15 »

louji a écrit :
Hello !

Très contente de lire tout ça, tant mieux si tu trouves le temps et l'envie d'écrire ! ;)
Je survivrai le temps de 4 chapitres, il y a pas de soucis, prends ton temps, je serai là ^^

A bientôt !
Super sympa :D merci !
15Lina15

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Re: Synesthésie : Aventure/Sci-Fi/Héros Adolescents

Message par 15Lina15 »

Bonjour à tous !

J'annonce fièrement et avec grande joie la reprise de la publication de Synesthésie !! Wouhou ! :D :lol:
Le chapitre 32 sera publié dimanche prochain. Et les autres seront publiés le dimanche toutes les deux semaines (environ). De ce fait, notre aventure touchera à sa fin avant 2021 ^^
En espérant que la suite vous plaira. Je serai contente de pouvoir discuter avec ceux qui ont suivi l'histoire, alors laissez un commentaire ;)

À bientôt !

P.S. : j'ai pris le temps de réécrire des parties des derniers chapitres, si vous les relisez ça vous permettrai de vous rafraichir la mémoire :lol:
louji

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Re: Synesthésie : Aventure/Sci-Fi/Héros Adolescents

Message par louji »

15Lina15 a écrit : sam. 26 sept., 2020 3:37 pm Bonjour à tous !

J'annonce fièrement et avec grande joie la reprise de la publication de Synesthésie !! Wouhou ! :D :lol:
Le chapitre 32 sera publié dimanche prochain. Et les autres seront publiés le dimanche toutes les deux semaines (environ). De ce fait, notre aventure touchera à sa fin avant 2021 ^^
En espérant que la suite vous plaira. Je serai contente de pouvoir discuter avec ceux qui ont suivi l'histoire, alors laissez un commentaire ;)

À bientôt !

P.S. : j'ai pris le temps de réécrire des parties des derniers chapitres, si vous les relisez ça vous permettrai de vous rafraichir la mémoire :lol:
Hello !

Yes, je suis super contente de cette nouvelle, bravo à toi déjà ! :D

Je vais aller relire les quelques chapitres précédents en effet pour me remettre dans le bain =)

Au plaisir de te lire de nouveau !
15Lina15

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Re: Synesthésie : Aventure/Sci-Fi/Héros Adolescents

Message par 15Lina15 »

Chapitre 32

— — Un Lapin Face À Un Loup — —


Nous rangeons les affaires laissées dans l’entrée, Tia sautillant. Je ne sais pas où elle trouve toute cette énergie, nous n’avons pas dormi de la nuit et le jour va se lever. Les amoureux sont collés l’un à l’autre, je sens qu’ils vont pas tarder à nous laisser. Je demande à Idris où on va mettre la tente et tout ces jerricans et déchets, il me fait signe de le suivre. Je remarque alors qu’une légère barbe couvre maintenant son menton carré. Rien de bien formé, mais suffisamment pour que je vois que ses poils sont plus sombres, contrairement à ses cheveux.
— Pourquoi tu as accepté, me demande-t-il en marchant. Si tu n’as pas confiance en l’organisation, tu savais que tu pouvais refuser, alors pourquoi ?
En rougissant, j’hésite quoi lui répondre. Il n’a pas tort de me poser la question, je ne sais juste pas comment lui dire sans…
— Parce que je vous aime bien, et je voulais pas… rester seule. Depuis que je vous ai rejoins, je m’amuse plus, me remémoré-je en souriant. Et puis, j’apprends pas mal de trucs intéressant, j’ai l’impression d’avancer, de faire quelque chose d’utile.
Je tremble de dire des choses aussi vraies, c’est difficile d’avouer que je suis heureuse et que j’ai besoin d’eux.
En oubliant une seconde mes émotions, je sens un cœur battre tout près, dans mon dos. Ils sont tous là, la honte me monte au nez en remarquant que les deux adolescents et la petite blonde nous suivaient. Je fais une grimace prête à me prendre des brimades. Sauf qu’ils me sourient bêtement, ce qui est encore plus gênant. Je retourne à ce que je faisais en tentant d’oublier.

Tandis qu’une lueur faible éclaire peu à peu le bâtiment, nous entrons dans une salle à l’écart, une essence naturelle de fleurs bleues flottant dans l’air. N’aimant pas trop les odeurs, je me pose dans le coin le moins bleu de la pièce. Ces fleurs créant des petites spirales éclatant de partout me perturbent la vue.
Je me cache derrière un lit pour retirer mon legging noir pour un short en coton offert par leur boss. Une expiration de soulagement me surprend quand je change de vêtement. Mes jambes fatiguées sont heureuses de sentir l’air frais et un tissu souple et doux. Qu’est-ce que je vais profiter de ce moment de répit, ahhhh …!
Remplis de lits, hamacs et matelas, ce dortoir est cosy et nous enlace comme des naufragés après la tempête. Alors que je m’allonge sur un lit en hauteur, je vois les autres rassembler des lits pour discuter en groupe.
— Lina, viens ! m’appelle Tia.
Je saute pour aller m’asseoir avec eux, en cachant plus ou moins, un sourire radieux. Tous sont plus ou moins en cercle, alors que la brune aux longs cheveux se penche en arrière pour récupérer quelque chose de caché sous un lit. Elle en ressort victorieuse avec un jeu de Cluedo numérique. En ouvrant le paquet, elle nous propose de faire une partie. Ses mains fines passent tandis qu’elle distribue les dispositifs. Ces derniers servent pour jouer en connectant le jeu à une puce individuelle.
Appareillés de puces, nous paramétrons la partie. À ma grande surprise, je me retrouve déguisée virtuellement et ma voix en est modifiée pour correspondre au personnage. Jouer à ce type de jeu n’était pas la coutume des écoles que j’ai fréquenté, et je ne l’ai pas non plus expérimenté en famille.
Excitée par cette découverte, des flashs de cette longue nuit me reviennent alors en regardant chacun d’entre eux s’amuser et discuter.
— Je voulais vous remercier, quand même, les coupé-je les yeux rivés sur mes pieds nus croisés. Pour être intervenus, alors que je ne vous avais rien dit, vous être mis en danger pour moi. Pour… mon père.
— Ne t’inquiètes pas, ils n’auraient rien pu nous faire, me rassure doucement Gabrielle.
— Tout de même, une question me taraude, fait l’adolescent brun, perplexe. Comment tu as pu ne pas les entendre ? Tu étais concentrée sur quelque chose ? ajoute-t-il en tournant son dispositif dans les mains.
— C’est vrai que je ne pensais à rien et je n’avais rien pour me perturber émotionnellement, réfléchis-je. Je me rappelle m’être dit que les insectes faisaient beaucoup de bruit et…
La petite blonde aux cheveux gras montre à Idris comment se servir du dispositif avec la puce, tandis que Gabrielle nous écoute. Étonnant qu’il ne sache pas s’en servir. Je me gratte la nuque en écoutant l’idée de Rangsei.
— C’est possible que tu aies entendu et même reconnu son emprunte cardiaque, mais que tu aies préféré l’occulter de ta conscience, l’associant à un mouvement d’insecte.
Je ris d’abord, un tel comportement me semble surfait. Je ne vois pas comment j’aurai pu le faire sans même m’en rendre compte.
Et puis, je repense à ce moment à l’hôpital où il est venu me voir, la seule fois. Il avait une de ces rages en lui, j’étais comme un lapin face à un loup, piégée et figée. Peut-être que ça a été un mécanisme de défense. Je ne sais pas, je ne suis pas Freud mais j’admets que ce soit possible.
Dans ce cas, ce serait la pire réponse à ma peur, à cause de cet instinct de lâche j’ai faillit... y retourner.

Tandis que Gabrielle joue la maitresse de jeu en véritable Colonel Moutarde, nous choisissons chacun nos personnages.
— Je suis Mademoiselle Rose, fait Tia en imitant faussement une pinope avant d’éclater de rire.
Naturellement Rangsei préfère le Professeur Violet et Idris le Révérend Olive et je prends le dernier restant avec un rictus ironique. Mme Pervenche, femme déterminée venant d’un milieu riche et cachant ses sentiments.

Idris remporte la partie en dévoilant le meurtre perpétué par Tia avec la corde dans le salon. Je le soupçonne vivement d’avoir triché en lisant dans nos intentions, mais en le regardant je me dis que ce n’est pas son genre.
Tia se lève en exigeant de pouvoir manger avant qu’on ne se dirige vers une sorte de réfectoire. Un espace de la même taille que notre chambre mais rempli de quelques tables en vrai bois sur lesquelles sont gravées des noms et des dates. Alors qu’on s’installe un homme d’une vingtaine d’année habillé de blanc vient vers nous et se présente comme chef cuisinier de la structure.
C’est vrai que j’aurai bien apprécié une bonne sieste, là. Mais malgré la fatigue, je les suis en me disant qu’une fois repue, je pourrai mieux dormir. Tandis que les autres se lèvent pour le saluer ou aller chercher des couverts, il nous présente le menu du soir, bien que le soleil soit prêt à pointer nez. Rangsei objecte alors et insiste pour qu’il me fasse gouter la spécialité.
— Très bien les jeunes, ce sera une fondue pour cinq, répond-t-il doucement. J’en ai pour dix à quinze minutes, glisse-t-il avant de partir.

Quand le plat arrive, une énorme casserole rempli d’un liquide épais et jaunâtre, nous sommes en pleine discussion.
— …le pingouin s’assoit et il meurt, éclate Tia de rire.
Je me marre en découvrant que ce plat a vraiment bon goût. En trempant du pain dedans, c’est vraiment ce qu’il me fallait à cette heure.
C’est en posant quelques questions de plus en plus précises que Gabrielle a finit par m’expliquer. Leur boss s’appelle Maryn Pain, elle a plus ou moins grandit avec elle. Cette femme est chargée de monter une équipe de Synesthètes : il n’y en a que cinq pour les cinq sens au monde, c’est donc très rare que tous soient réunis et bien qu’elle l’ai cachée, Maryn a été impressionnée d’enfin me rencontrer et accomplir enfin l’objectif premier de l’organisation. Avant qu’ils ne me rencontrent, ils avaient presque réussis à réunir les cinq Synesthètes, il étaient en chemin pour retrouver Idris quand ils se sont fait attaquer et un de leur coéquipier est mort. Je pense que je suis sensée remplacer ce coéquipier, ce qui ne me met vraiment pas à l’aise. D’après ce que j’ai compris, il était le mentor de Gabrielle, et prenait le rôle de chef d’équipe très à cœur. Je n’ai pas eu son nom, Rangsei a dû me résumer parce que Gabrielle n’avait pas envie d’en parler, et je ne voulais pas leur rappeler de vieux souvenirs.
J’avoue que j’ai encore du mal à compatir. Je sais que je devrai ressentir plus d’émotions, au moins un peu. Mais à force de les oppresser, elles ont fini par s’enfuir. Je sais ce que je dois faire et pour l’instant, si je ne me mets pas trop la pression, ça devrait aller.

Nous finissons le repas, le tee-shirt un peu relevé pour faire passer la nourriture, sur des blagues de Tia et Rangsei (bien qu’il ai du mal à montrer le comique dans ses histoires).
Je comprends que s’ils étaient un peu fermés et peut-être même agressif quand j’y repense, c’était surement dû à ce décès. Ils doivent s’en vouloir et être rancunier pour ce qu’il s’est passé. Et devoir accueillir quelqu’un, comme pour « remplacer » leur ami, ça n’a pas dû être facile. Surtout avec quelqu’un comme moi.
D’après ce qu’ils m’ont sous-entendu, il a été comme le père adoptif de Gabrielle et il assumait aussi ce rôle au sein de leur groupe. Entre la perte et le manque d’expérience, Gabrielle ne savait pas trop comment se placer, en tant que nouvelle cheffe. Elle s’en est excusée, car elle pense qu’elle est responsable pour toutes ces fois où je me suis méfiée d’eux et que je ne comprenais pas. Bien que je ne la tienne pas responsable, c’est vrai qu’en parler m’a aidée, je me sens beaucoup mieux maintenant. Comme si un poids, une ombre s’était envolée de ce côté là. Je sens que je peux entièrement leur faire confiance, et apprendre à les découvrir chaque jour me rempli. J’ai trouvé ma place. Je suis avec eux, chez moi. Peu m’importe ce qu’ils font comme travail.

Je m’endors sans même me souvenir être entrée dans la pièce. Le drap léger sur ma poitrine, se soulevant à mon souffle, créé un rythme qui m’entraîne dans les rêves. Le calme du dortoir, le ventre bien rempli, tous ces moments partagés, la température agréable…



Dernière modification par 15Lina15 le mar. 27 oct., 2020 10:54 am, modifié 1 fois.
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Re: Synesthésie : Aventure/Sci-Fi/Héros Adolescents

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Chapitre 33

— — La Sarbacane — —

Un éclat de rire, ou plutôt un fou rire me tire du sommeil. J’ai dans les yeux comme un feu d’artifice de couleurs, et des vagues douces qui remontent. Ils dansent, dans la musique et Tia éclate de rire sous les chatouillements de Gabrielle.
— Ahh Linaa ! s’écrit Tia en remarquant que je me réveille. Tu viens à la piscine avec moi ? On y a été tout à l’heure mais les autres veulent pas y retourner avec moi.
— Attends cinq minutes, elle vient de se réveiller, la gronde Gabrielle.
— Il est quelle heure, leur demandais-je.
— Bientôt dix heures, du soir, précise Rangsei tout en ne décrochant pas de sa tablette.
Vu comment il est posé il ne doit pas être du genre à danser, je l’imagine bien choisir les musiques pour ne pas avoir à le faire.
Je finis de me réveiller en entendant Tia trépigner et saute du lit en faisant une acrobatie.
— Promis j’irai demain avec toi.

Le reste de la soirée se passe hors du temps. Rangsei remet la musique et Idris revient même et se met à jouer de l’harmonica. La musique prend des formes et des couleurs fantastiques qui nous enlace et nous entraîne dans son propre monde. Nous sommes comme des enfants cachés qui ont créé leur univers en faisant des cabanes à partir de couettes et de bouts de bois.
Je peux entendre les mots en voyant les lèvres bouger lorsque Tia chante et Idris fredonne. Je peux sentir les vibrations d’un son traverser mon corps. Comme s’il m’investissait, prenait partie de ma peau et mes membres et l’habitait tout entier. Quand Idris tape en résonance sur ses jambes ou un meuble, je sens les battements de mon cœur y adhérer. La musique est dans l’air, c’est une onde de mouvement qui s’approche et s’éloigne de nous en permanence. La danse est l’expression de la connexion des sons et des mouvements.
J’esquive dans les lits, en hauteur, en rythme. Et à l’étonnement flottant chez Idris, je m’explique ma passion pour l’escalade.
— Quand je grimpais la Tour, je pensais à quand je montais sur le toit de ma maison. Je ne voulais pas faire la maligne, j’aime juste les hauteurs et grimper, lui répondais-je honnêtement en haussant les épaules.

Alors que je me laisse entraîner par un nouvel air entêtant qu’a lancé Rangsei dans les basses de la pièce, Gabrielle se met à chanter.
La mélodie de cette voix qui, venue des tréfonds, se fait douce et aiguë, monte dans le train de cette mélodie. C’est un ange qui pose sur les notes de musiques ses doigts dorés. Avec légèreté, elle sautille et sublime le rythme. Ses yeux qui sont d’un brun musqué ont l’iris qui éclate et c’est dans sa précieuse voix, que s’exprime sa féminité, basculant sans répit entre force et fragilité. On n’entend presque plus les basses, elle prend subtilement le dessus. J’oublie tout. J’oublie où je suis, et je reste estomaquée par sa prestation. Des millions de papillons m’envahissent, naissant de sa bouche, et je ne veux plus jamais partir. Je ne veux plus jamais mourir si ce n’est de sa voix. Elle me nourrit.
La chanson parle d’une histoire d’amour entre un être augmenté, c’est-à-dire à moitié cyborg — grâce à des implants technologiques — et celui d’un être pur, intouché. Ils veulent faire un enfant mais la famille de l’être pur refuse. Le cyborg veut alors retirer tous ses implants, au risque de mourir, pour être accepté à ses côtés, mais sa moitié le repousse pour le sauver. C’est cet être, qui chante son désespoir d’être touché, embrassé.
Les paroles sont tristes, mais Gabrielle nous les transmet avec tant de beauté. Je peux sentir sa fragilité quand elle parle de cette famille, que l’être seul, hait. Elle dit des mots d’amour à pleine bouche et je sens tout le bonheur qu’elle ressent. Je suis comme connectée à ses émotions et son histoire. Ses sons m’emportent au climax des notes, et je m’allonge en gardant les yeux fermés, pour ressentir et garder en souvenir dans mon corps, cet instant de pur musique. Cet instant de couleurs uniques.

Nous avons fait de la musique toute la soirée et je me suis couchée sans faire un seul repas. Je me réveille affamée et retrouve de mémoire le chemin vers la cantine, sans faire de bruits. Je profite du calme, en dégustant un plat d’oeufs poilés avec des céréales et du yaourt. Le soleil de l’aube tombe sur la verrière entourant la salle, et me plonge dans un bain apaisant. Les quelques employés matinaux que je croise restent discrets. Je me demande vaguement s’il savent qui je suis. Puis j’essaie d’oublier de m’inquiéter. Je rentre au dortoir le pas léger, le ventre plein et l’œil curieux. Mais je traine en rentrant apaisée.

Je frôle des doigts le tissu maintenant rêche et usé de mon sac. Sa couleurs vert-beige a blanchie vers un beige clair et le cuir marron, usé, est tout plissé. Je défais la fermeture du devant et tends la main dans ce petit sac. Mis à part des provisions de nourriture, l’Immerseur, je redécouvre ma couverture avec nostalgie. Je repense à mon livre d’images, celui qui contenait tout mes rêves, et maintenant, je me dis que je n’en ai plus besoin. Puisque je les vis, je vais les vivres mes rêves, je n’ai plus besoin de ce livre.
Je sors alors mon appareil photo, celui qu’ils m’ont offert. J’ai toujours pensé à en avoir un. J’ai pu prendre pas mal de photos, de moments que je voulais garder pour toujours avec moi et ne jamais oublier. Ces moments qui me guérissent.
C’était à l’anniversaire de Rangsei, il nous a raconté que dans sa famille au Cambodge, ils avaient une tradition. Le jour de son anniversaire, il devait non pas recevoir, mais offrir des cadeaux, à tous ceux qu’il aime et qui le soutiennent.
C’est ainsi que Gabrielle a reçu un bracelet en tissu, avec des petits coquillages. Que Tia s’est vu affublée d’une casquette et Idris d’un second livre. Je me souviens même que Gabrielle a rigolé et que j’ai entendu son rire mi-grave parfaitement fluide. Je m’étais dit que je ne l’entendais pas souvent rire.

Tout le monde est levé, je n’ai pas vu Idris ce matin. Gabrielle aide Tia à attacher son maillot de bain et Rangsei est encore plongé dans sa tablette.
— Aller, arrête de regarder ça, le réclame Gabrielle. Viens te détendre un peu, ça te fera pas de mal. C’est pas comme si c’était urgent.
— Non, j’ai besoin de vérifier de multiples paramètres dans cette phase. J’ai loin d’avoir terminé et je ne veux pas repartir sans avoir parfaitement complété ce travail ci. Il faut que je me rende à la serre pour transmettre mes données et apprécier la nouvelle structure. Il paraît qu’ils ont réussi à faire pousser une espèce d’oranges qui n’existait plus depuis un siècle et demi et qui est gorgée de vitamines, je me demande si…
— Oui c’est bon tu peux y aller, souffle Gabrielle encore patiente. Bon ! fait-elle en claquant ses mains sur ses côtes, on va pouvoir y aller. Lina je te montre où sont les maillots de bain ?
— Je veux bien, s’il te plaît, fais-je en souriant.

Nous longeons des couloirs et des couloirs au même parquet boisé, j’ai déjà oublié d’où nous venons. Je me dis que ce n’est pas grave puisque je peux me repérer avec mes sens pour les retrouver si je me perds. Il n’empêche que le bâtiment ne me paraissait pas si grand. A-t-il été conçu spécifiquement pour nous perdre ? Mon esprit s’embrouille d’autant plus quand nous arrivons face à un ascenseur. J’ai beau savoir que beaucoup de bâtiments sont majoritairement construits en sous-sol pour se protéger de la chaleur, venant de la campagne, je suis toujours aussi surprise. Il doit y avoir cinq niveaux. Et Gabrielle clique sur le dernier bouton, avec des doigts impeccables et vernis. Le repos lui va bien, elle resplendit.

L’espace aquatique est littéralement une immense grotte souterraine aménagée. Les murs sont indissociables du plafond, tout en arrondis et contre-formes. Les bassins sont creusés dans le sol, telles des cavités de la grotte de la même couleur que les murs et le plafond, ce même gris-marron de minéraux, de sable et de terres. Des petites pastilles et des traits circulaires grisés et même bleutés viennent remplir l’espace. Je vois des tâches d’eau un peu partout sur les bords d’eau, le long des quelques cascades artificielles et même près du bar hawaïen et des transats.
Gabrielle me guide en expliquant les différents bassins chauds, froids, à remous…
— Eh ben, faut vraiment aimer l’eau, c’est un vrai parc aquatique ici, remarque-je. Impressionnant !
— Oui, me sourit la belle brune aux cheveux glissants sur des bretelles de maillot de bain et au dos nu à la couleur dorée. Painy vient d’Hawaï, alors les bains japonais et la plage c’est son dada. Elle voulait se sentir chez elle, ce que je comprends. Et maintenant, elle a la gentillesse de nous laisser y aller, mais en vérité les employés n’y ont pas accès.
— Ahh, fais-je penseur. Donc on est tous seuls.
— Tiens, il y a un local là. Tu trouveras des maillots de bain à toutes les tailles et tu pourra te changer. À tout à l’heure, fait-elle dans un signe de main et elle se retourne, le paréo blanc à franges voletant.
Je rentre dans le cabanon en bois repeint en bleu plage pour y trouver des rangées de maillots. Je ressors en y laissant mes vêtements, avec un maillot une pièce. De couleurs bleu marine avec des motifs azurés qui me donnent une sensation de fraîcheur dans ses souterrains malgré tout un peu étouffant.
Tia est déjà en train de descendre un toboggan en tube et je sens que ce n’est pas la première fois. Idris est aussi arrivé entre temps et l’accompagne. Je retrouve Gabrielle en train de se faire un cocktail au bar.
— Il est sympa ton maillot, ça te va bien ! s’exclame-t-elle en me voyant.
Je rougis en m’approchant, il y a longtemps que je ne me suis pas vue. J’arrive à imaginer mes cheveux à la taille d’un bol, mais pas le reste. Je chercherai un miroir, et puis, j’adorerai prendre une vraie douche.
— Avant y’avait le robot Mikkel qui nous faisait ce qu’on voulait, ajoute-t-elle en replaçant ses lunettes de soleil dans les cheveux, mais j’ai trouvé des recettes derrière le comptoir. Je peux te faire un virgin mojito, si tu veux. Tia a déjà une limonade.
— J’ai jamais goûté mais je veux bien, pourquoi pas, fais-je en suivant son rythme extasié de vacances.
Avec ses lunettes et son collier hawaïen en fleurs, je vois qu’elle s’amuse et qu’elle peut être elle-même, comme à la maison. C’est peut-être ce qui s’en rapproche le plus pour elle.
— En gros c’est du citron et de la menthe avec des bulles, précise-t-elle. Normalement on met de l’alcool mais si t’en veux je peux en ajouter.
— Non ça me va très bien comme ça, lui souriait-je. Merci !
Des frissons me viennent et le bruit des éclaboussements de Idris sautant du plongeoir dans mon dos.
— Vous avez le droit de boire ? lui demande-je en prenant le verre qu’elle me tend alors que je m’assois au tabouret.
— Bien sûr, Painy n’interdirait jamais ça, rigole-t-elle pour elle-même. En fait, c’est surtout que ça nous déconcentre en mission et avant tout on n’a que 14-16 ans pour Idris au max. Mais tu devrai essayer, une fois, conclut-elle malicieuse emportant son cocktail à un transat.

Mon corps ne sent pas les produits de piscine, ces bassins sont gérés naturellement. Je préfère pourtant me rincer. Tandis que Gabrielle fait sa centième longueur de natation, je m’engage dans l’ascenseur pour explorer les couloirs. La serviette chaude sur les épaules, me balader en maillot ne me dérange pas. Je suis à l’aise. La porte s’ouvre à l’étage juste au-dessus des bains. Pas de fenêtre à ce niveau. Il n’y a que quelques pièces en surfaces, les serres biologiques que j’ai vu en arrivant de nuit.
Le sol est un mélange de pousses naturelles tressées, l’éclairage assuré par des lumières diffuses au plafond qui s’allument sur mon passage. Pieds nus, j’ouvre porte après porte, je sens de toute manière qu’il n’y a personne à cette étage. Aucune flamme de couleur. Finalement je retourne à l’ascenseur, que des bureaux basiques avec aucune information. J’essaie de me concentrer pour sentir si j’arrive à voir ce qui se trouve au-dessus de moi. Un laboratoire avec beaucoup de monde qui circule, sur trois niveaux, encore des bureaux, des salles d’entraînement, dont une entièrement vide. Je choisis en donnant le numéro à voix haute.
À peine la sensation de me déplacer dans l’espace, j’arrive à hauteur avant d’avoir même respiré.
Je passe rapidement, trainant mes doigts sur les murs de pierre. Une porte typique du japon de l’époque edo que je fais glisser m’ouvre sur des mètres de tatamis. Accrochés sur les murs, des sabres du plus petit au plus grand, posés sur leur socle. Arbalètes, arc simple et technologiquement avancé, une armurerie avec les munitions appropriées à tout type de situation. Je reconnais un mannequin d’entraînement que j’ai vu sur des vidéos pour les militaires. Il suffit de sélectionner son niveau et pour quel type d’intervention et on peut interagir avec pour se défendre de la personne créée par l’IA, l’intercepter, la sauver…
Je longe les praticables et différents obstacles, derrière les sacs de frappe, je trouve un espace dédié à la survie dans les espaces tropicaux. La seule arme d’attaque qui s’y trouve est une unique sarbacane en métal brillant avec un kit de flèches et de la poudre. Je lit qu’une goutte d’eau sur la poudre produit une pâte tranquillisante et mortelle pour les petites bêtes à appliquer sur le bout des flèches. Mes doigts glissent touts seuls sur les fines tiges de bois et la sarbacane, ressortant une vibration entêtante. Une envie irrésistible de l’essayer m’appelle. Je me vois grimper à un arbre, l’arme dans le dos pour viser et maîtriser n’importe quoi sans être visible. Un sourire m’attrape, il va falloir que je demande à l’avoir celui-là. Il est déjà mien.
Alors que je m’apprête à retourner en direction de l’élévateur, je remarque un renfoncement et j’entends de l’eau dans les tuyaux. Une pièce carrelée et de bois clair lisse sert de vestiaire. Une douche ! C’est vraiment mon niveau préféré. Je cherche un savon quand je sens à ma droite une lumière sombre, je me tourne et aperçois pour la première depuis longtemps, mon reflet dans le miroir.


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Re: Synesthésie : Aventure/Sci-Fi/Héros Adolescents

Message par 15Lina15 »

Hey ! ;)
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J'espère que vous allez tous bien. Un rapide mot juste pour demander si je devrais pas faire un résumé, histoire que ce soit plus facile pour vous à rattraper ? Je voulais aussi vous annoncer une surprise pour mardi, j'aurai un cadeau pour la St Lina :lol:

À très bientôt les amis,
merci !
louji

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Re: Synesthésie : Aventure/Sci-Fi/Héros Adolescents

Message par louji »

Heyo ! J'espère que ça va ;)

Ça fait plaisir de retrouver Lina et les autres ! C'était frustrant de ne pas connaître la suite et ce qu'ils allaient devenir, alors je suis contente de reprendre ma lecture ;)

Le chap 32, de transition, est bien agréable pour se remettre dans le bain et refaire un point sur les relations au sein du groupe.
Quant aux 5 synesthètes... je m'attendais à ce qu'ils soient plus ! Il y aurait donc que 5 synesthètes dans le monde ?? (ou c'est juste que Painy voulait en rassembler 5 ayant un sens plus développé ? parce que les 5 synesthètes rassemblés aussi jeunes et aussi proches géographiquement, ça fait bizarre ^^)

J'ai vu un "Ulrich" passer dans le texte, ça devait sûrement être un "Rangsei" erroné ;)

Il y a quelques fautes et répétitions, mais tu devrais pouvoir les corriger facilement ^-^

Chap 33 :

"Ses yeux qui sont d’un brun masculin" :arrow: masculin ?? Je ne vois pas comment la couleur peut être associée à un genre ? :geek:

C'est sympa de découvrir plus en profondeur le complexe où ils se trouvent... J'aime bien l'idée de l'espace aquatique souterrain :D Je m'interroge un peu sur le reste de l'organisation : son fonctionnement, d'où elle tire son financement, qui travaille aux côtés de Painy...

Je retrouve quelques maladresses au niveau de la forme : des fautes d'inattention et parfois des phrases qui font très "orales" ou assez lourdes ;) N'hésite pas à te relire (voire à haute voix !)

Bravo pour cette reprise en tout cas ! Je me demande ce que tu nous as prévu comme surprise ^^
15Lina15

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Re: Synesthésie : Aventure/Sci-Fi/Héros Adolescents

Message par 15Lina15 »

louji a écrit : lun. 19 oct., 2020 11:08 pm Heyo ! J'espère que ça va ;)

Ça fait plaisir de retrouver Lina et les autres ! C'était frustrant de ne pas connaître la suite et ce qu'ils allaient devenir, alors je suis contente de reprendre ma lecture ;)

Le chap 32, de transition, est bien agréable pour se remettre dans le bain et refaire un point sur les relations au sein du groupe.
Quant aux 5 synesthètes... je m'attendais à ce qu'ils soient plus ! Il y aurait donc que 5 synesthètes dans le monde ?? (ou c'est juste que Painy voulait en rassembler 5 ayant un sens plus développé ? parce que les 5 synesthètes rassemblés aussi jeunes et aussi proches géographiquement, ça fait bizarre ^^)

J'ai vu un "Ulrich" passer dans le texte, ça devait sûrement être un "Rangsei" erroné ;)

Il y a quelques fautes et répétitions, mais tu devrais pouvoir les corriger facilement ^-^

Chap 33 :

"Ses yeux qui sont d’un brun masculin" :arrow: masculin ?? Je ne vois pas comment la couleur peut être associée à un genre ? :geek:

C'est sympa de découvrir plus en profondeur le complexe où ils se trouvent... J'aime bien l'idée de l'espace aquatique souterrain :D Je m'interroge un peu sur le reste de l'organisation : son fonctionnement, d'où elle tire son financement, qui travaille aux côtés de Painy...

Je retrouve quelques maladresses au niveau de la forme : des fautes d'inattention et parfois des phrases qui font très "orales" ou assez lourdes ;) N'hésite pas à te relire (voire à haute voix !)

Bravo pour cette reprise en tout cas ! Je me demande ce que tu nous as prévu comme surprise ^^
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Salut :D
Ça fait trop plaisir de te voir ! ^^

Tant mieux si le chapitre a fait une bonne transition (c'était pas voulu :roll: ) parce que vu le temps qui a passé depuis, je comprends que ce soit compliqué de se remettre dans le bain :roll: :roll: :roll:
Et oui, il n'y en a que 5 au monde, mais je ne me suis peut-être pas assez arrêtée dessus vu ta question, merci !
Oups, j'ai mis Ulrich :roll: pour l'explication : au début je voulais mettre un perso qui s'appelait Ulrich et puis j'ai changé d'avis et Rangsei est né. Pourtant je n'arrive pas à oublier ce personnage, c'est marrant, un beau lapsus.

Pour les yeux "masculins" j'ai une idée précise en tête mais je l'ai mal exprimé, je pense. Pour les détails de l'organisation, ça viendra ;) J'adore aussi ce genre de "onsen" caché ^^.

Tes commentaires me motivent à me relire, merci beaucoup pour ton attention :)

À bientôt et bonne semaine ;) :D
15Lina15

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Re: Synesthésie : Aventure/Sci-Fi/Héros Adolescents

Message par 15Lina15 »

Bonjour !!! :D :D

Aujourd'hui c'est la St Lina, et pour fêter ça, une petite surprise : je refais la couverture de Synesthésie, elle sera publiée pour Noël ou en même temps que le dernier chapitre (ce qui devrait être à peu près similaire).

Bonne journée à tous ^v^
louji

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Re: Synesthésie : Aventure/Sci-Fi/Héros Adolescents

Message par louji »

15Lina15 a écrit : mar. 20 oct., 2020 12:37 am
Salut :D
Ça fait trop plaisir de te voir ! ^^

Tant mieux si le chapitre a fait une bonne transition (c'était pas voulu :roll: ) parce que vu le temps qui a passé depuis, je comprends que ce soit compliqué de se remettre dans le bain :roll: :roll: :roll:
Et oui, il n'y en a que 5 au monde, mais je ne me suis peut-être pas assez arrêtée dessus vu ta question, merci !
Oups, j'ai mis Ulrich :roll: pour l'explication : au début je voulais mettre un perso qui s'appelait Ulrich et puis j'ai changé d'avis et Rangsei est né. Pourtant je n'arrive pas à oublier ce personnage, c'est marrant, un beau lapsus.

Pour les yeux "masculins" j'ai une idée précise en tête mais je l'ai mal exprimé, je pense. Pour les détails de l'organisation, ça viendra ;) J'adore aussi ce genre de "onsen" caché ^^.

Tes commentaires me motivent à me relire, merci beaucoup pour ton attention :)

À bientôt et bonne semaine ;) :D
Avec plaisir ! ;)

En vrai, ça va, je suis allée relire le dernier chapitre posté puis j'ai enchaîné sur les 2 nouveaux et ça s'est bien passé :D (je me rappelle plutôt bien de mes lectures de manière générale, mais peut-être que faire un résumé explicatif pour les chapitres précédemment postés aiderait !)
Ah oui ça fait vraiment pas beaucoup ! Et effectivement qu'ils se retrouvent tous en Europe et aient à peu près le même âge, ça peut faire bizarre ;)
Je vois, pas de soucis !

Hâte d'en apprendre plus en tout cas sur cette fameuse organisation ^^

Je t'en prie !

Pour la couverture, on verra à Noël du coup ! :)
15Lina15

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Re: Synesthésie : Aventure/Sci-Fi/Héros Adolescents

Message par 15Lina15 »

Chapitre 34

— — Ne Pars Pas — —

Dans ce miroir carré, une jeune fille à la peau tannée, les cheveux courts en bataille me regarde. Je m’approche pour regarder ma cicatrice au front, le temps de m’habituer à mon reflet. Le temps que je me dise, c’est bien moi. Je suis cette fille. Cette fille aux grands yeux noirs.
Je retire le bandeau noir que m’a passé Gabrielle et je vois les dégâts. Une coupure large, mais propre. Rangsei a bien fait son travail, je n’ai même plus de croûte, c’est une partie de peau rosée. Je passe mes doigts dessus, ce n’est pas tout à fait lisse.
En me reculant, je vois à quel point j’ai bronzé et mes cheveux ont poussé. Je les ai pourtant coupés au couteau ils sont plus ou moins en rond autour de ma tête, en dégradé. Je pousse mes cheveux fins et noirs sur le côté, c’est pas trop mal. Je scrute chaque parcelle pour voir les traces du soleil et me déshabille.
L’eau perle sur ma peau, elle rafraîchit mes épaules, mon cou, et finit sa course dans mon dos. Je prends un savon à disposition et me lave plusieurs fois pour profiter longtemps du plaisir de sentir bon. Je me débarrasse de toutes ces semaines de douleur, pour me créer un nouveau corps.
Je ressors me sécher, une serviette autour d’une poitrine qui commence méchamment à pousser. Le miroir change, je suis plus vieille et ne reflète pas mon expression. Je suis vêtue d’un kimono, ou d’une sorte de drap, plié d’une façon à ce que je sois libre de mes mouvements.
– Je t’ai vue la dernière fois. À la gare, murmuré-je en frissonnant.
Cette… femme acquiesce. J’ai du mal à croire que je vais ressembler à ça : les cheveux au carré avec une franche particulière, le visage et la mâchoire plus accentués. Les membres ressortant du drap aux muscles saillants mais abimés. Je peine à la regarder, ses yeux ne sont pas les miens, c’est une autre personne. Une sensation de vertige me prend, c’est comme si mon corps ne m’appartenait plus. Je ne sens plus mes doigts, et une feu se chamboule dans mon thorax. Il m’empêche de respirer pleinement.
Elle n’a pas bougé, ce qui accentue l’illusion. Comment cela pourrait réellement être moi ? Mais en même temps, je n’aurai jamais pu concevoir une moi future si unique, originale et vivante. Je ne sais plus ce que je dois croire, alors que je vais m’en détourner, elle s’anime.
— Ne pars pas.
Je sursaute de peur, figée. Cette vision dans le miroir est bien réelle, elle n’est pas là pourtant je la vois.
— Tu ne dois pas rester. Écoute-moi, hausse-t-elle le ton quand je remue ma tête.
Sa voix est la mienne, dans ses moindres recoins. Elle a juste une nuance en plus, celle de l’autorité, de la force et de l’expérience.
— Tu dois suivre ton instinct, fais ce qui te semble bon. Pas ce que les autres te disent de faire, tu as un meilleur flaire qu’eux tous réunis. Mais n’oublies pas d’être bonne envers les autres, tu ne devrai jamais regretter un geste de bonté, désintéressé.
Elle n’a pas besoin de préciser qui sont eux, je perçois dans sa voix une fragilité, de la tendresse. Je comprends que pour discuter avec soi, on a besoin de moins de mots.
— Et si je ne le fais pas, lui répondis-je presque que pour moi même et non ce reflet.
— Tu les mettra en danger, répond-t-elle en s’évaporant dans la nuée du miroir.

– … mais non ! T’es bête, c’est pas possible, clame la voix claire de Tia.
– C’est une question de perspective, Tia. Écoute…
La discussion des filles me ramène à la réalité. J’ai du mal à faire face aujourd’hui, je me sens vaseuse.
Exposée sur l’étagère, je la revois brillante presque translucide. Ses cliquetis que je peux entendre, les trous, sa structure, je ne peux me sortir l’image de la sarbacane. Mes mains et mon dos me brulent de l’avoir. Je les sens pulser.
Ma conversation avec ce fantôme de moi-même m’inquiète. Je n’ai pas l’esprit assez clair pour y réfléchir, et je préfère l’oublier pour profiter du moment présent.

– Tu n’es pas obligé, tu sais, me dit Rangsei en transportant une caisse verte.
– Quoi, questionnais-je surprise de mes pensées en traversant la rivière, sur un petit pont pour aller vers les piles de cagets.
J’attends en vain la poursuite de la conversation.
– Tu peux me répondre, aussi, lui fais-je en le voyant, les sourcils froncés perturbé par ses pensés. Allô…
Je saute à pieds joints entre les plantes sibériennes si précieuses à Rangsei. Les sandalettes noires que j’ai trouvé à l’entrée me tiennent bien, c’est agréable de se balader les pieds libres. À tour de rôle, nous l’aidons dans la serre. Il participe à recenser les espèces végétales partout où il passe pour transmettre les données à un organisme mondial.
– Quand tu as dit que tu restais, c’était pour nous. Mais on restera amis, quoi que tu choisisse. Je sais que tu saurai très bien te débrouiller sans l’organisation. Comme ce que tu faisais avant de nous voir. Et pour ce qui est du danger, tu as appris à l’éviter.
Je rougis en pensant à mes séances de médium pathétiques.
– Comment tu sais ? Dis-moi que t’as pas vu mes vidéos. S’il te plait, dis-je inaudible ment en fixant des gros yeux sur le sol.
– Non, je n’ai pas regardé. J’ai entendu Tia en parler.
Je me plaque la main sur le visage, et dire qu’elle ne m’a rien dit. Tia, ne pas commérer, je suis pas au bout de mes peines, pensais-je en m’esclaffant.
– J’apprends, je grandis bien mieux à vos côtés, et aussi grâce à tes cours de réflexion, dis-je. Et je fais ce qui me plaît, c’est vrai. Vous avez une bonne influence sur moi, sourie-je.
En sueur, il soulève deux autres caisses avant de partir, libérant dans le vent son empreinte d’épices amères, de gingembre, qui forment son odeur.
– Ça te dérangerai de me répondre, encore une fois, m’énervais-je en haussant le ton.
Le fin basané se casse la figure, surpris par une pierre. Il rit honteusement en ramassant le contenu renversé. Je le rejoins et après avoir rit de lui, ce dernier finit de ramasser les caisses pour les déposer en silence quelques centaines de mètre plus loin.
– Tu nous fais grandir.
Un sourire discret et modeste, monte alors malgré moi.
– Gab a beau être à un cycle bien plus avancé psychologiquement et mentalement, elle n’arrivera jamais à ton niveau. Bien qu’elle me détesterait si elle m’entendait dire ça… Ta capacité d’analyser et de prévoir la dépasse, elle n’a pas ton originalité de pensée. À ta place, elle n’aurait jamais osé remettre en cause la boss dans la position où elle t’a accueillie. Moi le premier, j’étais trop heureux de faire quelque chose que j’aimais pour la remettre en question.
– J’aurai jamais cru que tu pensais ça, fais-je dans une basse exclamation, au début je paraissais si naïve face à vous. Je suis sure qu’elle non plus ne l’a pas pris à la légère. Mais je n’ai jamais aimé cette capacité que tu dis, même si tu exagères. Je la tiens de mon père. Il arrivait à voir absolument toutes les situations avec un recul froid pour pouvoir agir et parler de façon à manipuler la personne qu’il a en face, à son avantage. Je déteste cette idée. J’admire pour ça les gens francs, comme Tia.
– Tu as tord. C’est une force. L’intelligence est une force et tu devrais pouvoir t’en servir fièrement comme n’importe quelle arme. Gab le pense et je pense Painy aussi. De même que Idris…
J’acquiesce moyennement convaincue.
– C’est une arme, ajoute-t-il en haussant les épaules, un avantage qu’il faut que tu apprennes absolument à tirer à ton avantage. Il faut te faire confiance, pour savoir si c’est la bonne chose à faire quand tu l’utilises , sinon tu ne fera rien. Et tu pourrai le regretter.
Je me demande s’il pense à un souvenir, ce qu’il regrette.
– Parce que quand tu agis dans un monde spontané, tu n’as pas le choix, soit tu as tord, soit tu as raison, mais c’est fait, c’est trop tard et tu ne peux pas le contrôler, finis le jeune homme brun à la coupe brossée.
Je secoue la tête en souriant encore de travers.
– C’est vrai que des fois, je préfère être dans le contrôle…, fais-je.
– Tu sais pourquoi il est toujours avec un livre, me fait remarquer Rangsei.
Je comprends immédiatement de qui il parle et lève les yeux vers lui.
– Le livre rouge, c’est un livre de sa famille. Je crois qu’il en a un attachement sentimental, c’est tout ce qu’il lui reste et se joindre à nous a été plus compliqué pour lui. Parce qu’il a dû quitter sa famille et sa maison avec qui il se sentait bien. Mais j’ai parfois l’impression aussi, que c’est pour compenser, je pense au fond qu’il se sent idiot et qu’en lisant ce livre il pourra comprendre plus de choses. Je pense qu’il se fait des idées sur moi et le monde. Il ne voit pas que l’intelligence ce n’est pas savoir lire des livres, accumuler des connaissances, mais c’est être bon dans ce que l’on fait. Là je participe à une recherche que je partage avec des centaines de chercheurs tous meilleurs que moi. Alors que dans son cas, je n’ai jamais vu quelqu’un comme lui se battre si bien, apprendre aussi vite les techniques de combat, se déplacer aussi bien.
Et il continue à me parler de lui encore quelques minutes avec tout autant d’admiration. Je ne sais pas lequel des deux inspire le plus l’autre. Quand je repense à Rangsei, trébucher et me demander des conseils en regardant en coin le plus grand s’entrainer, je comprends mieux leur discrète amitié.
Pendant que nous finissons de ranger la serre, je parle à mon ami de ma visite dans les sous sols. Il ne relève pas mes interrogations sur l’occupation des étages, peut-être que lui-même ne sait pas. Et il me promet de parler à Gabrielle pour organiser une séance d’entraînement dans la salle adéquate.

Les paroles de mon esprit miroir m’embrument l’esprit. Dans l’eau, je tente à nouveau de les étouffer. Mais c’est peine perdue. J’en ressort tout aussi nerveuse, et m’enquit de l’absence d’Idris auprès de Gabrielle. Ce dernier est parti s’entrainer, sa ténacité et force de travail m’étonnent autant à chaque fois. J’enfile un short de bain qui traine, par dessus mon maillot une pièce encore humide.

Le tintement léger de la sonnerie d’ascenseur me sors de ma torpeur. Je suis le même couloir emprunté hier, pour bientôt rejoindre la salle où je sens Idris s’entrainer. Alors que j’arrive, il met un dernier coup de pied retourné dans un robot humanisé, qui s’écroule au sol.
Je reste aux abords du tatami, tandis qu’il prend sur une table de victuailles une bulle d’eau. La bulle tient dans sa main grâce au gélifiant, puis s’éclate dans la large mâchoire de mon ami. Il se tue vraiment à la tache. Personnellement, je suis trop vannée pour faire autre chose que flâner.
Ce matin, Gabrielle nous a emmené dans cette salle et on a pu tous utiliser quelques armes après une séance de musculation. Rangsei a pris une arbalète, qu’il semble bien maitriser, Idris plusieurs armes à feu. Tia se jeta sur plusieurs armes blanches qu’elle manipula avec une aisance vertigineuse et Gabrielle alla récupérer son arc, personnalisé. On me proposa de tester plusieurs armes, au poids de l’arbalète et des armes à feu, j’ai faillit blesser quelqu’un. Je choisis donc un sabre léger et court, que j’avais déjà repéré, puisqu’on me demandait de m’entrainer au combat rapproché.
— Tu devrais regarder des vidéos de maitres japonais pour utiliser ton sabre, me lance Idris depuis la salle de bain.
L’étuis noir avait des liserés brillants gravés à des niveaux de détails impressionnants, le katana appelé « wakizashi ». Ma manière de le manier était un peu brutale mais j’ai bien aimé la sensation d’une lame comme un prolongement de mon bras.
Je le rejoins, pensant qu’il se rince simplement le visage. L’odeur de la lame de rasoir cachée par celle des armes dans la pièce, je suis surprise d’en voir un dans sa main.
— Et moi qui pensait que vous n’aviez pas besoin de vous raser, sourit-je en pensant au menu Rangsei.
Torse nu, l’adolescent aux yeux noisettes est penché, concentré à couper ses poils blonds châtains. Je rigole en lui racontant une blague que m’a faite Tia en allant à la piscine. Cette sensation d’aise et de confiance que je peux ressentir avec eux tous est vraiment agréable, je me sens en sécurité. Je suis si heureuse de savoir que je peux compter sur des personnes, de leur faire confiance. Une famille. C’est ce qui pour moi, qualifierait le mieux nos liens.

L’obscurité ralentissant les corps, chacun est parti se coucher tôt. Paradoxalement, le bonheur m’empêche de dormir, ou peut-être est-ce autre chose.
Je me réveille soudain en sueurs, un vague souvenir de ma mère me collant à la peau. Mal à l’aise, j’enfile mes vieilles bottes, je sors discrètement et franchit la porte extérieure avec méfiance. J’aimerai être en hiver et pouvoir me rafraichir en allant simplement dehors, tout en regardant les étoiles, c’est ce qui me sied le mieux. Je sens néanmoins de l’air rentrer et sortir de mes poumons. L’esprit clarifié, je rentre et décide de faire un détour avant d’aller me recoucher.
Je ne sais pas combien de portes du Centre je franchit, avant de tomber face à un escalier en spirale s’enfonçant dans le noir.
Je longe les veilleuses descendant, et me retrouve dans une pièce sombre, bas de plafond et une baie vitrée sur ma droite. Alors que je retire mes chaussures pour sentir le parquet craquer, je distingue un bar, en face d’un canapé épais en angle. Il y a aussi un écran avec une scène et un micro, j’imagine des soirées karaoké, comme dans les films où les jeunes adultes font des fêtes. Et enfin, encore plus dans l’obscurité, un magnifique piano à queue trônant au centre.
Cet objet renforce mon sentiment de chaleur et de confort, je me sens à l’aise au point de ne plus penser à rien. Je m’assois sur le piano et commence à jouer quelques accords instinctivement. Le son des touches est léger, mélodieux, nostalgique. Je m’arrête pour apprécier cet instant de silence, hors du temps. J’aime la nuit. Mes oreilles semblent s’ouvrir et mes bras frissonnent tandis que je rouvre les yeux pour regarder le ciel par la vitre, les bras le long du corps. Les nuages passent sur la lune et je ramène mon attention sur le piano. Admirant les éclats de lumières éparses et faibles de la pièce, sur les reflets du piano. Mes mains en position, je repense à ma mère et cette balade qu’elle avait tant aimé. Je lui avait fait découvrir, l’apprenant en secret pour lui faire une surprise. Tandis que mes premières notes sortent, mes doigts s’électrisent à chaque contact du clavier. Les bulles de couleurs s’envolent dans les airs, flottent et éclatent en suivant le rythme. Je répète cette mélodie, entêtante. Je peux sentir la solitude, mais aussi le réconfort. La douleur et les souvenirs heureux. L’enfance. La vie. Cette musique, c’est ma mère. Je répète encore et encore, jusqu’à ne plus sentir mes doigts, jusqu’à ne plus faire d’erreur, jusqu’à pouvoir la jouer les yeux fermés.
Ma voix, d’abord chuchotant les paroles, s’élève suffisamment pour que je chante doucement. Je ne cherche pas à impressionner, je n’ai pas une belle voix. Mais je ressors délicatement tout ce que j’ai, j’expire mes regrets, mes sentiments et mon amour. L’odeur de la farine et des madeleines dans le four emplit mes narines. Je suis la funambule, jouant de mon bâton entre une force intense et une faiblesse qui me casserait en deux. Cette union que me donne ce chavirement sans cesse, donne un écho incessant, portant en lui une vague de rébellion.
— Ouhou..., fais-je encore une fois à peine inaudible.
Un craquement sec m’interrompe, je me retourne et sens Idris suspendu aux marches derrière moi.


Dernière modification par 15Lina15 le dim. 20 déc., 2020 4:20 pm, modifié 1 fois.
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