Le Temps des Surplombs - Fin 3e Partie [Fantasy-Steampunk-Aventure]

Postez ici tous vos écrits qui se découpent en plusieurs parties !
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Judas_Cris

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Le Temps des Surplombs - Fin 3e Partie [Fantasy-Steampunk-Aventure]

Message par Judas_Cris »

PROLOGUE


Elle avait 9 ans lorsqu’elle lui fut présentée. Petite espiègle aux jupons poussiéreux d’escapades, elle s’était pourtant totalement immobilisée. Son père avait alors fait entrer la femme dont Marisa lui parlait depuis des mois : une véritable guerrière Dragon de l’Empire, un être dont les habitants des Surplombs osaient à peine rêver. Avec le recul, Yulia se disait qu’elle aurait dû la trouver jeune ; et pourtant ce fut un sentiment de surréalité qui la domina.

La Chasseuse Dragon semblait taillée dans un bloc brut de Contrebas, faite de brumes et de terres arides. Ses lourdes bottes cloutées résonnèrent contre le carrelage et la boucle de son ceinturon desserrée rebondit contre son flanc avec un tintement métallique alors que la jeune femme au pantalon d’armée garance écartait les pans de son large cache-poussière gris, révélant le solide plastron d’acier qu’elle portait par-dessus sa chemise de coton. Irrésistiblement attirée par le rouge sanguin de ses cheveux, et les fins mais rudes traits de son visages, Yulia croisa son regard pourpre et baissa immédiatement les yeux, impressionnée par le caractère qu’elle y devinait.

Son père salua la guerrière impériale, hésita sans doute à lui donner un salut militaire mais finit par lui serrer dignement la main. Ce fut cette poignée de main qui concentra l’attention de la jeune fille sur le bras droit de la Dragon, celui que la manche arrachée du cache-poussière dévoilait pleinement : là où sa peau tannée par le soleil s’arrêtait, brusquement, au niveau du biceps, une excroissance mécanique faite de tiges, de plaques, d’engrenages et de pistons, formait un bras de synthèse se mouvant sans bruit à la manière d’un membre organique.

Cette étrangère à sa maison rassemblait tellement d’éléments lui étant profondément inconnus que Yulia, sans la moindre parole, se tordait les doigts d’angoisse. Son père prononça quelques phrases, proposa une collation quelconque que la Chasseuse Impériale déclina. Yulia sentit l’attention de la guerrière se porter sur elle, chose à laquelle elle ne répondit rien.

Lentement, les grosses bottes de la Dragon s’avancèrent, jusqu’à s’arrêter tout près de la jeune fille. Elle, intimidée, restait tête baissée, fixant ses mains. Ce fut alors que, de sa main de chair, la Chasseuse lui prit le menton, le releva doucement, et la regarda avec bienveillance, yeux dans les yeux.

— Tu es Yulia, c’est ça ?

En arrière, son père observait, curieux. Yulia, elle, hésita. Elle hocha timidement la tête.

La femme eut un petit sourire rassurant.

— Ravie de faire ta connaissance, mon nom à moi c’est Angora. Il semblerait qu’on ait à passer un peu de temps ensembles dans les prochaines années ; tu penses qu’on pourra être amies ?

Préoccupée, la petite dévisagea un instant le singulier bras mécanique.

— C’est vrai que les Dragons descendent dans la Brume ? demanda-t-elle candidement.

Le rire clair de la Chasseuse emplit la pièce. Son sourire se teinta d’aspects malicieux lorsqu’elle dit :

— Tu es curieuse de l’extérieur, Yulia ? Je t’emmènerais peut-être y faire un tour si tu insistes.

Le rouge lui monta si vite aux joues que même son père se prit à rire. La jeune fille détourna la tête, à la fois flattée, terrifiée et fascinée par la promesse d’une pareille aventure. Elle ne dit rien de plus, pourtant Angora se releva, lui caressa les cheveux, et se retourna vers son père, solennelle.

— Amiral Ford, salua-t-elle, je vous prononce officiellement mes vœux : à compter de ce jour, et jusqu’à ce que vous révoquiez notre contrat, moi, Angora Valk’ozir, du Saint Ordre des Chasseurs Dragon, voue mes armes, mon corps et mon esprit, à la protection de votre famille et de ses intérêts. Conformément à la volonté du Sénat Impérial, je suis votre dévouée.

Elle tira alors son sabre, une longue lame, aiguisée par l’air et le sable, polie par de nombreux combats, et le présenta, pommeaux en avant, au père de Yulia. Celui-ci le prit, fit quelques moulinets, apprécia l’acier, puis le retourna à la combattante.

— Moi, Amiral Impérial Francis Ford Mangora, en mon nom et en celui de ma fille, Yulia Mangora, accepte votre service, Chasseuse Angora. Considérez-vous comme membre de ma maisonnée à partir de cet instant et veillez à son intérêt et à sa protection complète.

Elle rengaina son sabre, et salua.

Son père envoya bien vite Angora en mission, mais cette première rencontre marqua pour longtemps Yulia. L’image d’une femme si puissante, en tout point étrangère au monde qu’elle connaissait depuis l’enfance, apportait soudain à sa vie une touche singulière. Rétrospectivement, c’est à ce moment qu’elle aurait dû noter les premières transformations qui agitèrent sa vie et les premiers alliés dont son père, tout à son secret ordinaire, l’entourait judicieusement. A cet âge, elle n’avait bien entendu aucune idée du jeu terrible et dangereux auquel jouait le plus célèbre Amiral des Surplombs.

Elle grandit, à l’écart des autres enfants, partagée entre son précepteur Senex, sa gouvernante Marisa et les domestiques ; réjouie par les quelques jeux que son père daignait partager avec elle, et les courtes visites d’Angora qui lui racontait alors des histoires de Brumes. Tous les soirs, penchée au balcon de l’appartement alors que Marisa préparait sa couche, Yulia contemplait l’horizon en Contrebas, tantôt clair et désertique, tantôt parcouru de Brumes mystiques, observant la navigation aérienne des navires à vents et des navires à vapeurs, inventant qu’un jour ce serait elle, sur le pont d’un de ces fiers bâtiments, qui partirait à l’assaut de ce monde si lointain, voyageant de Surplombs en Surplombs, repoussant les limites de l’univers à l’infinis, le sabre à la main. Et la nuit, chaudement bordée dans ses draps de soie, elle ne songeait qu’au moment où tout ce confort prendrait fin et où elle pourrait suivre les traces de son père et de la Chasseuse au-dehors.

Elle ne se doutait pas un instant que ce serait ce dehors qui viendrait la chasser de sa bulle d’enfance, pas plus qu’elle ne s’imaginait repousser plus loin qu’aucun autre cet horizon qui la faisait tant rêver.


Ici commence son histoire, alors que l’Amiral Ford prend le départ vers le nouveau monde.








LE TEMPS DES SURPLOMBS

par Vincent Chibon









discord



les chapitres sur le forum sont, sauf exception, les premières versions. Les PDF, eux, sont corrigés et enrichis à partir des remarques et commentaires des lecteurs du forum


des PDF adaptés à la lecture sur smartphones sont disponibles sur le discord






PREMIÈRE PARTIE : CATHUBA

CHAPITRE 1 : De Soie, de Bois et d’Acier (part.1) & (part.2)

CHAPITRE 2 : Sources des Saisons

CHAPITRE 3 : Symphonie des Hauts et des Bas

CHAPITRE 4 : Eclat

CHAPITRE 5 : Anniversaire (part.1) & (part.2)

CHAPITRE 6 : Le croissant rouge

CHAPITRE 7 : Le ventre de la Bête (part.1) & (part.2)

CHAPITRE 8 : les voies du pirate (part.1) & (part.2)

CHAPITRE 9 : Entre les Mondes (part.1) & (part.2)


INTERLUDE :

Interlude 1


DEUXIÈME PARTIE : L'EMPIRE


CHAPITRE 10 : De Corde et d'Ether (part.1) & (part.2)

CHAPITRE 11 : Forge

CHAPITRE 12 : Danse

CHAPITRE 13 : Air

CHAPITRE 14 : Les Cavernes de Torth’uggram


INTERLUDE :
Interlude 2 (part.1), (part.2) & (part.3)


TROISIÈME PARTIE : LA CAPITALE

CHAPITRE 15 : la Capitale

CHAPITRE 16 : Au bar

CHAPITRE 17 : Vie Mondaine (part.1), (part.2) et (part.3)

CHAPITRE 18 : Nora Dihya Alvez (part.1) et (part.2)

CHAPITRE 19 : Les chiens de guerre (part.1), (part.2) & (part.3)

CHAPITRE 20 : Au grand jour

CHAPITRE 21 : le bal

CHAPITRE 22 : Raison du cœur, raison d’État

CHAPITRE 23 : Une histoire de famille

CHAPITRE 24 : Dans la toile

CHAPITRE 25 : Le rendez-vous (part.1) & (part.2)

CHAPITRE 26 : Une autre idée de la loyauté

CHAPITRE 27 : La poursuite


CHAPITRE 28 : Au bout du tunnel (part.1) & (part.2)


* * *



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Crédits :
Auteur : Vincent
Correctrice : Enora
Coach et tuteur : Daniel
Conseils et soutient : KoinKoin <3
Quotas ethniques : Dodo

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- Sahiane
- Sepchchi
- Skade
- Wayden
- Ysaya
- Zeldariche


Liste des bonus :
- Liste des membres de l’équipage de l’Éclat
- La Carte des Surplomb, V1
- premiers croquis pour Yulia et Angora
- Interlude 2, part.1 (preview)
- Correctif/Ajout au Chapitre 4
- Carte des Surplombs, V2
- Inspirations pour les costumes
- Notes de Yulia sur les Amiraux
- Organigramme politique de l'Empire
- Les six grandes Périodes Historiques des Surplombs
- Histoire de l'Empire
Dernière modification par Judas_Cris le ven. 23 avr., 2021 8:13 pm, modifié 105 fois.
Rid-kaat

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Re: Le Temps des Surplombs [Fantasy-Steampunk-Aventure]

Message par Rid-kaat »

Coucou Vince !
J'ai dû lire le prologue hier ou avant-hier, je ne sais plus, mais ça m'étonne toujours qu'il n'y ait pas eu plus de commentaires que ça, voyant la qualité d'écriture et le travail qu'on sent déjà derrière. Bon, ce n'est qu'un prologue, on peut difficilement juger, mais quand ça parle Steampunk & Fantasy, ça m'attire pas mal.
Ayant été une très très très mauvaise lectrice du Cycle de Vel (J'ai jamais rattrapé complètement mon retard, d'ailleurs... J'avais trop de train de retard >.<') je vais tâcher d'être un peu meilleure sur le Temps des Surplombs, parce que du peu que j'en ai vu c'est vachement intéressant (Et il y a l'air d'avoir des femmes fortes mises en avant, youhou \o/).
En espérant ne pas être une fois de plus une lectrice médiocre, ça me ferait grand plaisir de connaître la suite, et de voir tout le beau monde que tu as créé, voili voilou :mrgreen:
Judas_Cris

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Re: Le Temps des Surplombs [Fantasy-Steampunk-Aventure]

Message par Judas_Cris »

Rid-kaat a écrit :Coucou Vince !
J'ai dû lire le prologue hier ou avant-hier, je ne sais plus, mais ça m'étonne toujours qu'il n'y ait pas eu plus de commentaires que ça, voyant la qualité d'écriture et le travail qu'on sent déjà derrière. Bon, ce n'est qu'un prologue, on peut difficilement juger, mais quand ça parle Steampunk & Fantasy, ça m'attire pas mal.
Ayant été une très très très mauvaise lectrice du Cycle de Vel (J'ai jamais rattrapé complètement mon retard, d'ailleurs... J'avais trop de train de retard >.<') je vais tâcher d'être un peu meilleure sur le Temps des Surplombs, parce que du peu que j'en ai vu c'est vachement intéressant (Et il y a l'air d'avoir des femmes fortes mises en avant, youhou \o/).
En espérant ne pas être une fois de plus une lectrice médiocre, ça me ferait grand plaisir de connaître la suite, et de voir tout le beau monde que tu as créé, voili voilou :mrgreen:
Ahahah ! Que ce soit dit : un lecteur ne me doit rien :p Il vient lire quand il veut, au rythme qu'il veut, seulement s'il le veut. J'ai pas fait de pub sur les profils de mes amis ou des booknautes que je connais sur ce coup-là, donc c'est normal que l'armada habituelle ne soit pas encore passée :lol: Je pense laisser ce sujet dans le forum comme ça sans visibilité particulière encore un moment. En fait, je pense même poser toute la première partie (et sa dizaine de chapitre) en une seule fois, prendre une pause de la publication, publier la seconde partie d'un seul bloc, et ainsi de suite ; je ne sais pas encore si je ferais du chapitre par chapitre ou par gros bloc, on verra, mais j'y réfléchis.
Merci d'être venue lire en tout cas, ça me fait très plaisir !! :D
Et oui, des femmes fortes il y en aura, mais je préfère qu'on les considère comme des personnages forts que comme des "femmes" fortes ;) (tu vois la nuance ?)
Rid-kaat

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Re: Le Temps des Surplombs [Fantasy-Steampunk-Aventure]

Message par Rid-kaat »

dark-vince a écrit : Ahahah ! Que ce soit dit : un lecteur ne me doit rien :p Il vient lire quand il veut, au rythme qu'il veut, seulement s'il le veut. J'ai pas fait de pub sur les profils de mes amis ou des booknautes que je connais sur ce coup-là, donc c'est normal que l'armada habituelle ne soit pas encore passée :lol: Je pense laisser ce sujet dans le forum comme ça sans visibilité particulière encore un moment. En fait, je pense même poser toute la première partie (et sa dizaine de chapitre) en une seule fois, prendre une pause de la publication, publier la seconde partie d'un seul bloc, et ainsi de suite ; je ne sais pas encore si je ferais du chapitre par chapitre ou par gros bloc, on verra, mais j'y réfléchis.
Merci d'être venue lire en tout cas, ça me fait très plaisir !! :D
Et oui, des femmes fortes il y en aura, mais je préfère qu'on les considère comme des personnages forts que comme des "femmes" fortes ;) (tu vois la nuance ?)
Tant mieux parce que si je te devais quelque chose j'aurais une sacrée dette :lol:
Oui, je me doute qu'avec un peu de pub tu aurais eu un bataillon de commentateurs enthousiastes dans le coin xD
Ton format de publication ne dépend que de toi ! Après, pour le lecteur, tout mettre d'une traite à l'avantage qu'on peut lire un peu comme on veut quand on veut, mais le chapitre par chapitre fera sans doute une attente moins "brutale" entre les deux parties, donc je ne sais pas '-'
De rien =D
Haha, oui, je saisis tout à fait la nuance ^^
DanielPagés

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Re: Le Temps des Surplombs [Fantasy-Steampunk-Aventure]

Message par DanielPagés »

Bon, je me calme... j'ai failli pousser des cris d'indiens ! :lol:
Non, je n'ai pas tout lu, mais une seule phrase m'a sauté aux yeux et j'ai crié ! La Chasseuse Dragon semblait taillée dans un bloc brut de Contrebas, faite de brumes et de terres arides.
Heureux de te retrouver, Vincent, ça fait quelques jours que je pense à toi et j'allais te demander des nouvelles.
Heureux de trouver ici les coms de Salomé qui vaut aussi le détour et dont je viens de découvrir le talent. Chouette que vous soyez connectés tous les deux.
Allez, je vais lire ! ♡♡♡
Judas_Cris

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Re: Le Temps des Surplombs [Fantasy-Steampunk-Aventure]

Message par Judas_Cris »

DanielPagés a écrit :Bon, je me calme... j'ai failli pousser des cris d'indiens ! :lol:
Non, je n'ai pas tout lu, mais une seule phrase m'a sauté aux yeux et j'ai crié ! La Chasseuse Dragon semblait taillée dans un bloc brut de Contrebas, faite de brumes et de terres arides.
Heureux de te retrouver, Vincent, ça fait quelques jours que je pense à toi et j'allais te demander des nouvelles.
Heureux de trouver ici les coms de Salomé qui vaut aussi le détour et dont je viens de découvrir le talent. Chouette que vous soyez connectés tous les deux.
Allez, je vais lire ! ♡♡♡
Et mince, je voulais attendre avant de t'en parler ! X'D Je compte toujours faire des retouches sur les premiers chapitres, alors considère que ce n'est pas la version définitive :')
Mais c'est super, super, super génial de t'avoir là <3

ps : je poste la première partie du chap 1 juste après
Judas_Cris

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Re: Le Temps des Surplombs - Chap 1 (part.1) [Fantasy-Steampunk-Aventure]

Message par Judas_Cris »

PREMIÈRE PARTIE : CATHUBA





Finalement, le chapitre 1, étant plus long que les chapitres suivants, est divisé en deux pour sa publication sur le forum. Je posterais la partie 2 rapidement.
Rappel : les musiques sont facultatives, j'ai parfois écrit en musique, parfois non ; je trouve parfois les musiques pertinentes, parfois non : écoutez-les si vous voulez, en lisant ou non.


J’écris avec l’aide précieuse d’Enora (Chouquette, Minuitensanglante, DremBookeuse, etc.) qui me relie, me corrige, et me conseille avec merveille ! Allez suivre son blog, c’est du bon !





CHAPITRE 1 : De Soie, de Bois et d’Acier

Par l’ouverture du balcon entraient les éclats de l’agitation au dehors. C’était un mélange de cris, de déplacements, de courses, d’attroupements, et des grincements de bois et de métal produits par les navires qui, devinait-elle, pouvaient se compter par dizaine dans le port et au-dessus de la cité. Yulia lorgnait vers le dehors, essayant d’apercevoir l’ombre furtive d’un des bâtiments aériens, mais Marisa, d’une main ferme, lui replaçait correctement le crâne à la moindre de ses diversions. Sa gouvernante avait décidé que le monde verrait ce jour la plus belle jeune fille de la cité, et ne lésinait sur aucun moyen pour parvenir à son but. Yulia était pourtant une enfant assez aventureuse –en témoignaient les nombreux bleus et égratignures de ses bras et jambes– et c’était par l’habit qu’on voulait alors la faire passer pour autre.

Onze ans semblait à Marisa un âge plus que convenable pour porter le corset, et Yulia pouvait attester avoir vu quelques-unes de ses amies occasionnelles en porter au quotidien. Elle, cependant, alors qu’elle restait à la maison de son père, ne portait jamais d’apparat, allant en chemise, en tunique, ou en simple robe de chambre ; lorsqu’elle sortait dans la cité gambader –bien que ce fut toujours sous la surveillance indirecte d’un proche de son père– elle se mêlait aux autres enfants avec simplicité, à peine distinguée par la qualité du tissu de ses jupons, quand bien même elle réduisait en lambeaux ses frusques avec plus d’application encore que les autres jeunes. Ce quotidien-là était révolu pour la gouvernante : en ce jour si important, elle devait faire bonne impression auprès des officiels, et cette tâche requérait l’apparence d’une jeune fille noble et non d’une petite gamine aux genoux écorchés.

Elle résistait furieusement à l’envie de découper le corset de ses dents alors que sa gouvernante lui laçait consciencieusement le dos. Une taille fine était requise pour l’occasion, et Yulia rentrait le ventre. Marisa sifflotait une petite mélodie alors qu’elle s’affairait. C’était un air joyeux, vif, et la jeune fille se souvint des paroles quelques secondes avant que la femme ne les entonne avec entrain :

Enfant du nid,
Oui, aujourd’hui elle se pare
De mille et un apparats,
Enfin elle prend le départ.

Enfant du nid,
C’est par ses propres ailes,
Qu’elle découvrira les cieux
Et deviendra hirondelle.

Yulia fit une grimace. Ce n’était pas une chanson qu’elle aimait, en plus de la trouver inutilement pompeuses. Elle dû cependant trop bouger la tête, et Marisa lui saisit à nouveau le crâne pour la redresser.

— Arrête de te tortiller, tu vas faire craquer les coutures !

— Alors arrêtes de serrer ! Je ne suis pas un squelette ! répliqua vigoureusement la jeune fille en s’agitant.

Marisa lui plaqua une main sur l’épaule et sembla tirer de toutes ses forces. L’air quitta les poumons de Yulia mais la gouvernante l’avait lâchée avant qu’elle ne puisse vraiment se débattre. S’appuyant au paravent, la fille de l’Amiral repris son souffle, palpant d’une main le corset à présent bien serré autour de sa taille et de son buste.

— Ah, voilà qui est mieux ! s’exclama Marisa, fière de son travail. Viens par-là, que je passe les robes !

Encombrée par le corset qui incrustait dans sa chair le tissu de sa chemise, elle enfila le cache-corset et laissa la femme l’habiller du reste.

— Je ne vois toujours pas pourquoi j’ai à porter tous ces trucs encombrants…

— Une demoiselle bien née se doit d’être la mode ; et tu dois paraître rayonnante pour faire honneur à ton père, aujourd’hui.

— Je m’en fiche d’être à la mode, et mon père aussi, affirma-t-elle.

— Ne raconte pas de sottises !

— C’est vrai ! protesta-t-elle. Je sors dans les rues en pantalon et, même quand il y a des diplomates à la maison, papa me laisse me promener en chemise !

— C’est différent aujourd’hui, tu le sais, et tu ferais mieux de t’habituer à porter un costume convenable à présent que tu es une jeune fille. Maintenant, arrête de faire la moue et laisses-toi faire !

Ses jambes furent gainées par des bas, maintenus par une jarretière puis recouverts par une culotte fendue ; la crinoline lui fut passée par-dessus quelques jupons et fut recouverte à son tour par un ultime jupon destiné à amoindrir les marques des cerceaux sur le tissu de la jupe qu’elle dut ensuite enfiler. Elle n’avait pas été franchement consultée pour le choix du costume, mais avait tout de même refusé un modèle de crinoline trop large –beaucoup trop ridicule pour elle– aussi son accoutrement présentait une forme assez allongée qu’elle examina au miroir : des manches longues et serrées, un décolleté marqué –que le corset ne pouvait aider à remplir chez une jeune fille de onze ans– laissant voir le haut de ses épaules, le tout vraisemblablement en soie et d’une couleur violette sombre. C’était distingué mais restait plutôt sobre.

Marisa suggéra de passer au maquillage ; Yulia soupira bruyamment mais se laissa faire. Elle s’impatientait. C’était la première fois qu’on prenait tant de soin à son apparence mais, loin d’en être flattée, elle en était profondément ennuyée. Tout ceci lui semblait beaucoup trop secondaire pour mériter un tel sacrifice de temps.

— Tu changeras d’avis lorsque tu te préoccuperas du regard des autres, la prévint celle qui la pomponnait. Un jour, tu ne pourras plus sortir sans te mettre en valeur comme cela, tu verras !

Yulia préféra tirer la langue plutôt que de commenter ces bêtises : devenir une femme perdant son temps futilement n’avait rien d’attrayant, au contraire, et elle doutait que le regard des autres soit un jour sa préoccupation. Elle voulait courir, voyager de par le monde, pas se pomponner avant de faire le moindre pas en dehors de chez elle… Et peu importait l’opinion des gens bien habillés !

Marisa, d’une main ferme, remit une nouvelle fois sa petite tête droite alors même que la jeune fille, sans vraiment y faire attention, avait recommencé à laisser traîner son regard vers le balcon.

— Patience ! Tu auras tout le temps d’admirer les vaisseaux lorsque nous sortirons, d’accord ? Là maintenant j’ai juste besoin que tu restes immobile, compris, Yulia ?

La gouvernante recommençait à parler d’une voix douce, conciliante. Elle décida d’arrêter de lui casser les pieds et se laissa faire, bien qu’elle détesta l’application du mascara.

— Ne te frotte surtout pas les yeux ou ton visage finira tout noirci, conseilla Marisa.

— Comme lorsque j’ai joué avec les pierres de chauffe ?

— Ne me rappelle pas de mauvais souvenir, tu étais toute crasseuse après cette bêtise, maugréa la Matrone.

C’était un bon souvenir pour Yulia que ce jour où elle et Dick-Tales étaient passés par une des fenêtres des entrepôts de la Compagnie Marchande Impériale. Senex lui avait bien fait un cours sur le fonctionnement de combustible exceptionnel des pierres de chauffes… mais se rouler dedans et se salir de résidus noirâtres avait été bien plus amusant –même si elle s’était bien fait gronder après coup, sans doute parce que la moindre étincelle aurait pu mettre le feu à sa peau recouverte de combustible, ce qui avait terrifié Marisa lorsqu’elle était rentrée.

Elle rit intérieurement jusqu’à ce que ses tremblements n’exaspèrent la gouvernante qui lui saisit à nouveau la tête et entreprit de terminer de la badigeonner de poudres.

— Je devrais commencer à t’enseigner comme user des cosmétiques…

C’était une réflexion à haute voix, pas une offre, pourtant Yulia ne put résister à l’envie de lui tirer la langue pour signifier son refus.

— A force de trop la sortir, elle va se dessécher ! prévient Marisa sur un ton amusée.

— S’il y a bien un aspect de moi que j’ai envie de montrer aux gens, c’est bien ça, provoqua la fille de l’Amiral.

L’autre leva les yeux au ciel.

— Abstiens-toi de montrer "cet aspect de toi" aux autres Amiraux, par pitié.

— Je suis sure que ça serait drôle.

— Pour le coup, même ton père aurait du mal à en rire…

— Bon, okay, je laisse tomber l’idée.

Une dernière touche de fond de teint et ce fut finit. A l’instant même où Marisa lâcha ses pinceaux, Yulia bondit de sa chaise. Elle ouvrit les portes du balcon et passa toute sa tête au dehors.

Marisa soupira, rangeant patiemment ses cosmétiques dans sa trousse.

Visage tourné vers le ciel, les yeux grands ouverts, Yulia contemplait, continuellement émerveillée, la parade de navires aériens. Il y en avait de toutes sortes, et elle pouvait entendre les éclats de voix des matelots, deviner du regard leurs silhouettes sur ces monstres de bois et de voiles. Le balcon de l’appartement était situé à l’extrémité des galeries qui creusaient leur Surplomb, si bien que d’ici le ballet des voiliers paradant au-dessus et autour de la cité n’était visible que du bas. Pour autant, la jeune fille ne pouvait détacher le regard des immenses quilles au-dessus d’elle, tout en se perdant dans le détail des vaisseaux volant plus loin dont elle pouvait observer le Ballon à Voile aussi bien que le pont garnis.

Depuis toute petite, elle passait des heures à guetter les navires des cieux. Elle pouvait à présent instinctivement distinguer un clipper marchand d’un navire de ligne Impérial. En ce jour si particulier, la population aérienne était plus diverse que jamais : quadrillés par de lourds bâtiments de guerre Impériaux, les cieux étaient pourtant couverts d’indépendants, de marchands, de vaisseaux tels que Yulia n’en avait jamais vus venant sans doute des quatre coins de l’Empire…

— Ne fixe pas trop le vide ou tu auras le vertige, lui conseilla maternellement Marisa.

Elle répondit distraitement, toute absorbée par le spectacle. Cathuba était un Surplomb plutôt éloigné du centre Impérial, et bien que son père ait choisit d’y établir son centre politique, attirant ainsi davantage de commerce, Yulia voyait bien souvent les mêmes équipages faire escale au port ; mais aujourd’hui était différent. Aujourd’hui, il y avait tellement de vaisseaux dans le ciel qu’elle n’arrivait pas à tous les compter assurément. C’était démentiel, et la petite était plus excitée par cette effervescence que par la perspective de parader pour son père.

Marisa s’impatientait. Yulia finit par refermer le balcon, non sans avoir pris une dernière bouffée d’air du dehors, et s’amusa à faire tourner sa robe. Son enthousiasme, contrarié par les obligations vestimentaires, venait d’être restauré.

Elle se retourna vers la chambre. C’était une alcôve confortable, creusée dans la roche, aux angles arrondis et assez haute de plafond. L’appartement était la demeure quotidienne de son père, Francis Ford Mangora, bien que celui-ci exerce ses fonctions d’Amiral-régent au Bastion de la cité et y vive une grande majorité du temps. Cette dépendance, nichée au cœur de la cité, était sa retraite, son lieu de plaisance, ainsi que la résidence permanente de sa fille, Yulia Mangora, et des serviteurs qui s’occupaient de son éducation. En l’état, c’était une maison agréable bien que simple. Dans sa chambre, la jeune Yulia entassait des bibelots venus d’autres Surplombs ; son grand lit occupait la place centrale de la pièce alors qu’à ses côtés prenait place une coiffeuse peu utilisée, un bureau de travail parsemé de feuilles volantes, et une petite bibliothèque garnie d’ouvrages aux reliures abimées. Marisa l’ayant forcée il y a peu à ranger ses peluches, ses jouets et ses bibelots, le sol était suffisamment dégagé pour qu’elle se laisse aller à quelques pas de danse improvisés, faisant avec amusement virevolter les couleurs de ses jupons –plus colorés que sa robe. Sa gouvernante la regarde tourner un instant puis se décida à ouvrir la porte.

Derrière celle-ci se tenait Senex, petit homme âgé s’appuyant sur une canne et fourré dans un costume trois pièces dans lequel il semblait plutôt inconfortable. Il grimaça un sourire, faisant bouger sa barbe blanche fournie bien que trouée en quelques endroits.

— Et bien, je vois que la dame de la maison est prête pour le défilé de mode !

La petite compris immédiatement son ironie, mais plutôt que de bouder elle lui renvoya l’appareil :

— Une robe t’irait mieux que ce costume, pépé !

Elle lui tira la langue et il se mit à rire de bon cœur. Seule Marisa fit mine de s’indigner :

— Arrêtez de plaisanter avec ça, vous deux ! C’est un jour important pour l’Amiral, nous devons l’honorer !

— Bah, tempéra Senex, ce n’est rien de plus que du protocole. Tout ça n’a pas vraiment d’importance ; mais tu as raison sur un point : il est attendu que nous respections les coutumes de la cérémonie.

Yulia leva les yeux au ciel. Elle avait tendance à penser qu’on devait réagir à l’attendu par l’inattendu ; que si on lui donnait une marche à suivre c’était –non pour qu’elle la suive ou qu’elle désobéisse frontalement– pour la mettre au défi de trouver un moyen de contourner les règles. Elle trouvait cette manière de faire fort rigolote, mais c’était là une pensée peu partagée par les adultes.

Elle sortit dans le couloir qui ouvrait sur le séjour. Tout était proprement rangé et à sa place, que ce soit le carré du salon dont les fauteuils et le divan étaient organisés autour du poêle à pierres de chauffes, ou les armoires à vaisselles. Les murs de pierre recouverts de plâtre étaient ornés respectivement de peintures et de documents officiels encadrés, alors que par les grandes portes vitrées la lumière du jour parait la pièce d’une lumière douce et familière.

Yulia s’étala sur le divan, et mit les chaussures que Marisa lui avait achetées pour l’occasion. Si elle rêvait du jour où elle pourrait enfiler de grosses bottes comme celles d’Angora, elle devait pour l’instant se résigner aux petits souliers que lui achetait son père. Tout en serrant ses lacets, elle jetait de rapides coups d’œil à travers les vitres pour surveiller les avancées des navires qui, peu à peu, convergeaient vers le Surplomb où elle ne pouvait plus les observer depuis l’appartement. L’envie d’examiner plus en détail toute cette armada compensa parfaitement son déplaisir à parader en tenue de dame.

On avait donné un congé exceptionnel aux quelques serviteurs de maison, si bien qu’ils durent fermer eux-mêmes la lourde porte de l’appartement lorsqu’ils la quittèrent. Les gardes les saluèrent lorsqu’ils dépassèrent le poste de sécurité. Les pauvres ne verraient rien, ici, des superbes navires qui se pressaient au port du Surplomb : ils devaient garder la maison. Yulia était triste pour eux alors elle offrit un sourire en espérant qu’il leur remonte un peu le moral.

Une fois dans les galeries du Surplomb, ce fut un calme singulier qui s’installa. Les galeries étaient longues, le souterrain étant régulièrement creusé depuis des siècles, parcourues au plafond de tuyaux en cuivres acheminant eau et vapeur, les alcôves d’habitations s’ouvrant à droite et à gauche, closes par quelques portes de bois ou de métaux. Des puits de lumières horizontaux –sans doute aidés d’un système de miroir– dispensaient une lumière timidement chaude. Il se glissait dans les souterrains comme une rumeur de bruit de la surface que la jeune fille peinait à saisir. Les glissements du tissu de sa robe, le tintement des chaussures hautes de Marisa et de la canne de Senex, sa propre respiration, tout cela masquait avec subtilité les échos perdus de l’agitation du dehors.

Le couloir fit un coude, et ils aperçurent le Puits. Marisa sembla respirer plus sereinement, comme si elle avait craint que quelque chose ne se produise plus tôt. Senex resserra sa poigne sur sa canne et ils marchèrent un peu plus vite. Yulia était terriblement excitée à l’idée de sortir en ville aujourd’hui. Elle était même tellement excitée que ce court trajet de la maison au Puits, qu’elle faisait pourtant plusieurs fois par semaine, lui sembla ce jours-ci durer six fois plus longtemps.

A l’issue du couloir les attendait quatre Gardes du Surplomb. Yulia fit la grimace en les apercevant, car elle avait discerné une constance des quelques fois où elle avait été escortée ainsi. Une constance qui pouvait se résumer en un simulacre de "mesures de sécurité" : pas d’escapades.

Déjà le couloir s’ouvrait sur le Puits. C’était, d’après les adultes, l’ancienne cheminée volcanique qui apportait l’eau à la cité, mais pour Yulia c’était simplement un gros trou bien lisse dans lequel s’enroulait l’escalier qui permettait de gagner la surface. Déjà ici les bruits et les clameurs étaient plus perceptibles, et ce ne fit que rendre la jeune fille plus impatiente encore.

Les quatre Garde les encadrèrent et ils montèrent lentement– beaucoup trop lentement au goût de Yulia– l’escalier. Solidement chevillée à la paroi rocheuse, la structure de métal large de cinq bons mètres s’élevait de marche en marche en suivant la courbe de la pierre. La fille de l’Amiral aurait voulu, comme elle en avait l’habitude, se pencher à la balustrade pour mesurer au mieux les dimensions du Puits. Ici la lumière pouvait difficilement se frayer un chemin, et on était trop éloigné des bords du Surplomb pour envisager d’y creuser des Puitss de lumières, aussi le Puits était éclairé par une centaine de lanternes, ce qui lui donnait cet aspect fait d’ombres enchâssées que Yulia adorait. On aurait dit quelque lieu tiré des histoires fantastiques que lui contait quelques fois Marisa, empli de mystères et de forces magiques en sommeil… Mais avec quatre Garde à l’air aussi préoccupés par sa "sécurité" que Marisa, elle saisissait bien qu’on attendait d’elle une passivité totale, aussi résista-t-elle à l’appel du Puits.

D’ordinaire elle relevait les changements d’ombres et de lumières dans l’éclairage du Puits à mesure de l’ascension qu’elle effectuait généralement en trottinant joyeusement, mais, privée de ce loisir, gravir les marches les unes après les autres au même rythme d’escargot que le vieux Senex, la maïtrisée Marisa, et les pointilleux Gardes, était beaucoup, beaucoup, plus ennuyant.

Il y avait d’autres personnes empruntant l’escalier. Quelques rares domestiques le descendaient vers les quartiers de leurs employeur, mais la plupart le montaient : des familles avec enfants, engoncés dans leur habits de fêtes, avançaient à une vitesse semblable à la leur ; des groupes de jeunes, habillés comme au bal masqué, les dépassaient en courant ; quelques personnes âgées, vêtues de leurs costumes du siècle passé, grimpaient lentement en s’aidant de la rambarde. Yulia avait toujours vu du monde emprunter cet escalier –le seul desservant les quartiers des Galeries– mais aujourd’hui personne ne voulait de son propre choix rester cloitré au sous-sol. La fille de l’Amiral reconnu quelques visages parmi les grimpeurs, mais aucun d’eux ne lui accorda d’attention, soit parce qu’ils étaient entièrement concentrés sur l’ascension et la perspective de la fête en haut –ce qu’elle espérait– soit parce qu’ils ne la reconnurent pas sous les couches de jupons et de maquillages –ce qu’elle craignait.

Morose et ennuyée, elle joua un moment avec son imagination, essayant d’ignorer le reste du monde, jusqu’à ce qu’elle se rende compte qu’ils approchaient de la surface.

Les bruits s’amplifièrent. Une mélopée désorganisée et cacophonique d’instruments à vents ou à corde résonnant dans toute la cité. Ses oreilles distinguèrent bien vite les plus discrets sons de clochettes aux carrioles roulantes des échoppes. Puis ce furent les bruits de conversation qu’elle identifia, et les pas pressés ou flânant les englobant. Elle aurait pu alors affirmer avoir une meilleure idée de ce qui l’attendait en haut que si elle l’avait vu de ses propres yeux. La jeune fille fut parcourue d’un frisson d’excitation et senti les bords de sa bouche se contracter en un sourire convulsif.

Lorsque l’escalier les déversa dans la ville basse, Yulia éleva ses yeux au-dessus des terrasses et des maisons circulaires, plus haut que les hauts quartiers, plus haut même que le Temple.

Le ciel immense et bleu était parcouru de trainées de couleurs lâchées par les aéronefs.
La poudre traditionnelle de pigments de couleur zébrait le ciel, formant quadrillages, boucles, dessinant des visages, des lettres, des dessins abstraits ou construits.

Un petit delta-plane descendit alors en piqué vers eux, ce qui agita les gardes auteur de Yulia. Il redressa juste à temps et ne fit que les frôler ; mais ce fut assez près pour que la fille de l’Amiral distingue le rire enfantin de Dick-Tale. Marisa poussa un juron, et le jeune chenapan atterrit en douceur sur un toit de tuile voisin.

Yulia avait toujours été admirative de ce planeur ; elle ne savait pas au juste s’il l’avait volé, acheté ou fabriqué, mais sa voile triangulaire équipée d’une armature de bois et de poignées où s’accrocher était sans conteste la plus grande fierté du garçon. Ce n’était pas le seul à posséder pareil petit appareil, mais il était sans doute le plus agile dans son maniement.

Dick-Tale replia son aile tel un éventail, et plia ses genoux pour prendre une pose caractérielle. Son chapeau rapiécé avait beau être souillé d’une large trainée de poudre pigmentée verte, le gamin joua à la perfection la solennité ironiquement distinguée requise par la déclaration qu’il lança :

— Le Seigneur-Vagabond de cette ville souhaite la bienvenue à la Reine des Souterrains qui, en ce jour saint, a daigné nous faire l’honneur de sa présence en…

Il ne put se retenir d’éclater de rire avant la fin de se tirade. Les gardes se décrispèrent quelque peu : tout le monde ou presque connaissait ce sacripant de Dick-Tale en ville, ce chapardeur, beau parleur, gamin des toits farceur. Yulia le connaissait très bien aussi, et elle rougit de honte avant même qu’il ne s’exclame, hilare :

— Tu portes, sérieusement, une robe ? Toi ?

Les mains de la jeune fille se crispèrent sur la jupe de soie. Elle bafouilla un peu alors que le plaisantin gesticulait sur sa corniche, et lui fit remarquer que son chapeau était sali pour détourner la conversation.

Il porta les mains à sa tête, prit la pièce de feutre toute cabossée, et son visage prit une teinte préoccupée.

— Rah, ça doit être un coup de Murfing, on a fait un duel aérien tout à l’heure… Je savais qu’il viserait mes fringues, ce sale fils d’itinérant !

Yulia étouffa un rire dans sa manche. Dick-Tale tapota son chapeau avec de grands gestes ridicules, tout en pestant à voix basse. Près de la jeune fille, Marisa grommela dans son coin. Un des gardes se pencha discrètement à l’oreille de Senex et rappela qu’il n’était pas très prudent de s’attarder ainsi.

Dick-Tale se redressa, tout à sa fierté, et saisit son planeur.

— Tes gardes ont l’air plutôt pressé, Yulia, je ne vais pas te retenir plus longtemps ! Amuses-toi bien !

Avant qu’elle ait pu dire quelque chose, le garçon avait sauté du toit, voile déployée. Il s’arrêta cependant sur une terrasse voisine et se retourna brièvement, avec un clin d’œil :

— Au fait, le violet te va bien !

Elle s’empourpra, mais le vagabond était déjà hors de vu.

Autour d’eux, les passants continuèrent leurs affaires, n’ayant prêté que peu d’attention au numéro quotidien de Dick-Tale. Marisa fit la moue –elle n’appréciait pas vraiment qu’un tel garnement soit proche de la fille de l’Amiral– et les Gardes insistèrent pour qu’ils se remettent en route.

Il y avait de la musique un peu partout en ville. Que ce soit des petits orchestres de cuivres et de cordes aux angles des rues, des sons de clavecin s’échappant d’un appartement aux fenêtres ouvertes, ou quelques jeunes tapant frénétiquement sur des tambours, tous les instruments de la cité semblaient avoir été mis à contribution. Il régnait alors une ambiance bonenfant et incroyablement joyeuse, entre la musique de fête, les jets de couleurs par-ci par-là, et les sourires arborés par les habitants comme les visiteurs.

Comme Yulia l’avait devinée, on retrouvait également un grand nombre d’échoppes ambulantes en ce jour. Proposant rafraichissement, nourritures, bijoux, habits, c’était pour les commerçants un jour faste et tous avaient sorti leurs carrioles bariolées de clochettes tintantes et de draperies pimpantes. Un stand proposant des brochettes caramélisées attira fortement l’attention de Yulia, mais le regard sévère de Marisa l’informa que la moindre tache de nourriture sur sa jolie robe était à proscrire. Pas de gourmandise donc.

Marcher la tête droite au milieu de la foule qui s’amassait dans la rue devenait de plus en plus difficile pour Yulia. Non seulement beaucoup la regardait –murmurant à leur voisin ou à un étranger qu’elle était la fille de l’Amiral– mais la longueur de sa robe et la largeur réduite de la crinoline la forçait à faire des pas réguliers et pas trop longs si elle voulait éviter de se prendre les pieds dans les jupons. Elle s’aperçut également que le corset l’empêchait de reprendre facilement son souffle et la couche de maquillage autour de ses yeux la démangeait. De fait, elle se sentait dans cet accoutrement plus mal à l’aise qu’autre chose. Elle se força néanmoins à ne rien laisser paraitre, soutenue par la présence de Marisa. Et, après tout, Dick-Tale lui-même ne lui avait-il pas –à sa manière– dit qu’elle était jolie ainsi ?

Elle savait parfaitement –bien que ça ne lui plaise pas forcément– ce qu’on attendait d’elle en ce jour et, même si elle avait prétendu l’inverse, elle se souciait bel et bien de ne pas inconforter son père.

Cependant… c’était une trop belle occasion de profiter de la fête en ville, d’admirer les vaisseaux et de toucher du doigt ce monde extérieur qui la faisait tant rêver !

Son regard furetait dans tous les coins. Elle repérait sans doute les étrangers dans les ruelles adjacentes plus vite que les Gardes, étudiant avec attention leurs physiologies, leurs accoutrements, leurs équipements, leurs manières. Certaines paroles de Marisa se vérifiaient ainsi de manière surprenante : « La mode des Justiquaires du nouveau-monde se répand dans l’Empire » disait-elle, « c’est à croire que la toile et le cache-poussière sont devenus des objets de mode distingués » ; et, en effet, ils croisèrent un couple d’aristocrates –certainement originaires de la Capitale ou des colonies– dont l’homme portait, par-dessus un costume parfaitement distingué, un ample manteau de toile stylisé.

Tout cela amusait Yulia. Promener son regard dans les allées et les ruelles, c’était s’offrir aux yeux un spectacle ubuesque digne des grands théâtres dont Marisa lui parlait sans cesse ; mais si l’on voulait vraiment sortir de l’ordinaire –et Yulia le voulait assurément– il fallait lever le nez et observer le ciel.

A cette heure, la plupart des gros navires étaient aux docks, mais un nombre encore important demeurait dans le ciel. Parmi la multitude de petits planeurs –au milieu desquels Dick-Tale devait virevolter quelque part– il y avait de grands gabares et clippers marchands, de longues et solides coques maintenus en l’air par les immenses Ballon à Voile quelques deux fois plus grands que le bâtiment. Le vent des hauteurs –dont la cité était relativement protégée par ses remparts et ses constructions– gonflait les voiles, qu’il ne fasse que s’y heurter avec celles des planeurs, ou qu’il ne soit concentré, dirigé, utilisé par les Ballon à Voile des navires imposants. C’était, pour Yulia, les plus belles choses ayant existé.

— Où a lieu la cérémonie ? se renseigna-t-elle soudain.

— Sur le port militaire, répondit Senex avec un petit sourire.

Le visage de la jeune fille s’illumina.

— On pourra passer par les docks ? s’exclama-t-elle.

Derrière lui, les gardes tirèrent une gueule longue de trois pieds, mais Senex ne leur jeta même pas un regard avant de répondre par l’affirmative, ce qui redoubla l’enthousiasme de la jeune fille qui commença à sautiller joyeusement. Marisa poussa un long soupire.

Ils sortirent bien vite des bas quartiers aux abords du Puits, et montèrent quelques rues à escaliers, suivant le dénivelé du Surplomb. Ce fut en haut de la petite colline urbaine que Yulia put avoir une vue plongeante sur la façade Ouest de la cité, sur le port.

Ses yeux s’agrandirent, et sa bouche s’entrouvrit de bonheur : il y avait encore plus de navires amarrés que dans le ciel ! Du port montaient plus d’une centaine de Ballon à Voiles !

A ce moment, passant en vrombissant au-dessus d’eux, un planeur lâcha un petit sac aux pieds de Yulia. Celle-ci recula vivement alors qu’éclatait un nuage de couleur poussiéreux. Les Gardes, paniqués, sortirent leurs épées maladroitement alors que s’éloignait le rire de ce garnement de Dick-Tale.

Essayant de calmer sa respiration encombrée par le corset, la fille de l’Amiral vérifia avec attention qu’aucun pan de sa robe n’ait été tâché. Marisa, furieuse, brandit le poing vers le ciel et cria :

— Georges Dickens Talenbourg , sale vaurien ! Avise-toi encore une fois de nous faire une frayeur et j’ordonne qu’on t’abatte au fusil !

Cela ne provoqua que l’hilarité du-dit vaurien qui repassa au-dessus d’eux juste pour le plaisir de tirer la langue à la matriarche. Yulia en était plutôt amusée. Elle devait sans doute admettre également que c’était de ce garçon qu’elle tirait son amour des grimaces.
Heureusement pour le gosse, la Matrone n’avait aucune arme à feu à sa disposition, et les Gardes se refusèrent obstinément à partir à la poursuite d’un gamin. Yulia s’efforça de ne pas rire, n’étant pas aidée par le grand sourire amusé de Senex.

Ils mirent un moment à se remettre en route, et la jeune fille en profita pour observer avec plus d’attention le paysage. Leur Surplomb, élevé de plusieurs centaines de mètre, laissait voir le Contrebas sur des lieux et des lieux. Il était tout autour de la cité un important nombre de bâtiments militaires qui, si la plupart étaient à quais, entourait le Surplomb, formant une sorte de cordon de sécurité aérien. C’étaient tous de gigantesques navires de lignes à Ballon à Voile, ceux de l’armada de son père ; mais un des bâtiments attira plus particulièrement son regard. Ce n’était pas un navire, pas vraiment, plus une sorte de citadelle volante. Il n’avait pas de Ballon à Voile, et la distance empêchait Yulia de l’identifier proprement. N’ayant jamais rien vu de tel, elle interpela Senex :

— Professeur, quel est ce navire, là-bas ?

L’instructeur se renfrogna.

— Un cuirassé Impérial. Ces choses-là ne volent pas grâce au vent, mais à une nouvelle machinerie complexe que je te ferais peut-être étudier un jour.

— Je n’en ai jamais vu mentionné dans les inventaires de la Flotte de mon père.

— C’est normal, ton père n’en a pas reçu de l’Empire. Ces nouveaux bâtiments sont encore peu nombreux, et celui-là doit appartenir à un autre Amiral Impérial.

Yulia ne demanda rien de plus, comme si la présence de ce bâtiment imposant et menaçant l’intimida. Elle appréciait les lignes courbes et l’élégance du bois des navires aériens, mais celui-ci, gigantesque et noir, même à une telle distance, n’évoquait que le métal froid. Elle frissonna.




fin de la partie 1 du chapitre 1
Dernière modification par Judas_Cris le mar. 01 nov., 2016 11:11 pm, modifié 5 fois.
DanielPagés

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Re: Le Temps des Surplombs - Part1 : Cathuba - Chapitre 1 (1/2)[Fantasy-Steampunk-Aventure]

Message par DanielPagés »

Cette semaine, entre deux séances de correction, j'ai pris un peu de temps pour explorer Booknode et ses nouveautés, c'est pour ça que je suis tombé sur ce post. Je vais attendre un peu pour lire, attendre que ça vaille le coup de se plonger dedans... ;)
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Re: Le Temps des Surplombs - Part1 : Cathuba - Chapitre 1 (1/2)[Fantasy-Steampunk-Aventure]

Message par Judas_Cris »

Voici la seconde partie du premier chapitre ! A présent qu'il est complet, le fichier .pdf sur le premier message du topic est (et seras) mis à jour pour contenir l'intégralité des chapitres du Temps des Surplombs postés sur ce forum.
Surtout n'hésitez pas à commenter le sujet : si je post ici c'est avant tout pour avoir des retours, et ça me plaira beaucoup, peut importe ce que vous dites ! Soyez constructifs ou non, inventifs ou non, amicaux ou non (enfin, évitez quand même) je veux vous lire aussi ! :mrgreen:
Enfin, si vous avez des idées de sondage sympa à mettre pour animer le topic, n'hésitez pas à me les écrire en commentaire ! Un bête sondage de popularité des personnages serait de bon goût, mais si vous avez des idées de questions plus pointues je suis preneur :mrgreen:
Enjoy !

J’écris avec l’aide précieuse d’Enora (Chouquette, Minuitensanglante, DremBookeuse, etc.) qui me relie, me corrige, et me conseille avec merveille ! Allez suivre son blog, c’est du bon !

CHAP 1 PART 2.pdf
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CHAPITRE 1 : De Soie, de Bois et d’Acier
(partie 2)



IIls descendirent vers le port sans plus de problèmes. La densité de la foule augmentait sensiblement une fois qu’ils furent aux abords des docks. Nombre souhaitaient sans doute, comme elle, contempler les bâtiments de guerre.

Alors qu’ils longeaient les quais, Yulia ne quitta pas des yeux les bâtiments alignés, encordés au Surplomb, au-dessus du vide. Si les Gardes, Marisa et Senex ne cessèrent de l’encadrer, elle n’eut plus aucune attention pour eux ou pour la foule les entourant. Dans sa tête défilèrent l’ensemble des connaissances aéromaritimes dont Senex l’avait nourri depuis des années. Elle l’entendait presque dans sa tête, alors qu’ils dialoguaient lors de son enseignement, tout au long de son enfance :

— Qu’est-ce que tu sais des navires aériens ?

— C’est des maisons géantes qui volent avec plein de canons.

Il avait beaucoup rit.

— C’est tout de même un petit peu plus compliqué que ça…

C’était bien plus compliqué que ça, oui. Lorsqu’on considère les navires aériens "classiques", la première technologie à appréhender est celle des Ballon à Voiles. C’est un ensemble de voiles –similaires à celles employées pour les planeurs– organisées de façon complexe en un ballon ovale, tirant profit des forts vents balayant les espaces aériens pour se maintenir en l’air.

La navigation au ballon à Voile compense la trop faible portance d’une voile simple en les superposant et en dirigeant les vents vers le centre de la structure au moyen de clapets, de valves et de soupapes de toile très résistantes. L’ensemble des voiles adopte ainsi une forme ovale de ballon et, de fait, peu importe la direction du vent, le navigateur a toujours un moyen de diriger la portance dans la direction de son choix, offrant une grande maniabilité à la structure, même en plein ciel.

La composition interne précise, de même que la fabrication millénaire des Ballon à Voiles, est un secret connu des seuls Artisans de Voile des Surplombs, et si le Ballon à Voile a, sous l’Empire, une forme standardisée –grâce à laquelle un navire peut remplacer son Ballon dans n’importe quel Surplomb, mais aussi changer de taille de Ballon en fonction du poids de sa cargaison– sa fabrication industrielle est considérée comme impossible du fait de la complexité de l’assemblage et de la précision de l’agencement des différentes pièces.

Le Ballon à Voile est accroché au navire par un ensemble de cordage constamment entretenus par l’équipage. Des cordelettes permettent au capitaine du navire d’ouvrir ou de fermer certains clapets afin de modifier la portance de l’appareil et ainsi moduler son altitude.

Les bâtiments à quais qu’observait Yulia stationnaient sur des aires d’atterrissages, amarrés, tous les clapés de leurs Ballon à Voile en position ouvertes. Les structures oscillaient ainsi au gré du vent, inégal si près de la terre. Ce spectacle était une pur merveille, tant la composition alambiquée de la circulation de l’air interne rend presque imprévisible les mouvements du tout.

C’était une danse fortuite et spontanée, la véritable danse du vent.

Alors que la fille de l’Amiral se rappelait toutes ses leçons, ils avaient parcouru une petite distance, avaient dépassé les navires de plaisance de taille inférieure, et arrivaient aux abords des embarcations de commerces plus massifs.

Les navires soutenus par les Ballon à Voile étaient sans doute aussi multiple que les Surplombs eux-mêmes. Chaque cité, chaque société, chaque organisation possède en quelque sorte son modèle de fabrication. Mais on pouvait bien sur catégoriser un navire selon de grands genres, ce que Yulia arrivait à faire mieux qu’aucun autre enfant du Surplomb.

A l’instant, ils passèrent par exemple devant une corvette marchande. Ce bâtiment de taille modeste comptait six canons, une soute profonde, un pont fonctionnel et une petite cabine. Mais ce qui intéressait la fille de l’Amiral ce n’était pas uniquement l’aspect pratique de ces formidables vaisseaux, c’était également le moindre détail de son existence.

Il était dans ces audacieux célestes une certaine poésie du vécu. Le flanc de la corvette était ainsi parcouru d’une longue estafilade ayant raclée la peinture et entamée le bois. Son bastingage également était écaillé par endroit, entaillé, voir manquant. Mais par-dessus ces blessures d’une vie passée entre combat et navigation, il était certaines marques de soin témoignées au vieux bagarreur, comme le nom du bâtiment, sur le tableau arrière, fraichement redoré : Virevolte. C’était un beau nom, qui résonnait bien en bouche lorsque Yulia le prononça à voix basse.

Ils dépassèrent Virevolte, et la jeune fille fut bien vite captivée par d’autres pièces de cette collection à ciel ouvert. Un jour, se promit-elle, elle possèderait son propre vaisseau. Ce ne sera pas quelque navire nouvellement sorti de l’atelier ou de l’usine –et encore moins un monstre de métal comme ce cuirassé toujours positionné au large– mais bien un authentique baroudeur, un vieux bourlingueur avec du caractère, portant fièrement ses cicatrices mais affichant toute une rangée de dents blanches, prêtes à mordre. Si elle avait un tel bâtiment, même s’il n’atteignait pas la taille d’une simple corvette, elle serait la plus heureuse des femmes.

A ses côtés, Marisa semblait mortellement s’ennuyer.

Alors qu’ils longeaient les quais, s’approchant des embarcadères de la Marine, Yulia se répéta mentalement le protocole de la cérémonie.

Marisa lui avait dit :

— N’oublies pas de te tenir bien droite.

A vrai dire, elle lui avait répété cela une bonne vingtaine de fois.

Alors que les pavés du port s’assombrirent par le passage au-dessus de leur tête d’un navire imposant, ils se présentèrent au pré-carré de la Marine. Six soldats, vêtu de l’uniforme Impérial, le fusil à l’épaule, avaient établis un cordon de sécurité, écartant la foule des solennels navires de lignes affrétés ici. Senex commença à chercher leurs papiers dans sa veste de costume, mais ce fut inutile : les soldats étaient des hommes de son père, aussi reconnurent-ils l’héritière de l’Amiral.

— Mademoiselle Mangora, saluèrent-ils, lui ouvrant un passage.

La foule attroupée en vue des navires de guerre ne pouvait plus ne pas remarquer la jeune fille, entourée de quatre Gardes du Surplomb, et à présent seule autorisée à approcher des navires faisant l’admiration de tous. Le poids des regards qu’elle sentait dans son dos fut cependant vite oublié et remplacé par le plaisir qu’elle ressentit à l’approche des navires militaires.

Ils étaient sévères, rudes, disciplinés. Hauts de ses trois ponts, le premier devant lequel elle s’arrêta affichait le nom de Crève-Sel. Cordages épais, coque solide, orné de gravures diverses, il se présentait au monde tel un pilier de granit. Mais au-delà de cette attitude inaltérable, il se devinait dans son élancement, le juste courbage de son bastingage et l’orientation de ses trois rangées de canon qu’il était plutôt un amateur de manœuvres rapides et soudaines. Yulia songea que son nom avait été mal choisi : un aussi raffiné gaillard ne pouvait être affublé d’un nom si âpre en bouche ! Si, elle, avait eu à lui confier un titre, ç’aurait été quelque chose dans un esprit plus circulaire, imprévisible. Elle pensait à plusieurs patronymes avant de trouver le bon : elle l’aurait appelé Tornade.
Senex consulta sa montre à gousset.

— La cérémonie commence dans une demi-heure. Nous avons le temps de regarder deux autres bâtiments avant de devoir presser le pas.

Marisa levait les yeux au ciel depuis un petit moment, mais elle se savait bien incapable d’enlever Yulia à son passe-temps.

— Être en retard ne serait pas convenable, prévint-elle cependant. Fais attention aux déchets par terre qui pourraient tacher ta jupe et n’oublie pas qu’on te regarde.

La jeune fille faisait mine de ne pas les écouter, mais respecta scrupuleusement leurs consignes, à commencer par envoyer balader d’un coup de pied les restes d’une calebasse échouée près d’elle.

Elle examina donc deux navires de plus.

Le premier ne possédait que deux ponts, mais paradait avec deux Ballon à Voile, chacun soumis à une barre à roue indépendante. Yulia n’avait que rarement vu des navires de lignes affichant une telle audace, et devinait dans sa figure une prédisposition naturelle pour les changements violents de directions, les esquives, les manœuvres autrement impossibles. C’était un anticonformiste, presque un artiste dans ses idéaux tout militaristes ; il méritait un nom autrement plus distingué que le furieux Interceptor revendiqué par son tableau arrière de mauvais goût. Elle hésita un instant à le baptiser, doucement moqueuse, La Folle, mais décida de lui accorder un patronyme plus à son goût et l’appela Dompte-Vent.

Le dernier, enfin, ne se distinguait par aucun aspect aisément saisissable, et c’est pour cela qu’elle choisit de s’attarder dans son ombre. C’était un vieil obtus, pour sûr. Il lui rappelait même quelques figures d’officiers aux ordres de son père, et il était assurément dans la même veine. Un fier bâtiment, dont le bois est usé par le soleil et le sable, mais se présentant toujours propre sur lui. Strict, ses cordages parfaitement réguliers ; Austère, son pont dénué de décoration. Yulia sourit un moment, et finit par trouver ce qu’elle cherchait. Sa vigie, passerelle fixée au-dessus du Ballon à Voile et qu’elle distinguait à peine, était équipée de grandes loupes amovibles dont les bras mécaniques s’élevaient discrètement. Le vieux professionnel dissimulait une sacrée vue ! Son nom était tout trouvé, et la jeune fille ne chercha même pas à faire le tour du bâtiment pour consulter son patronyme officiel. Le vieil oiseau entretenait fort bien ses plumes grises, mais sa nature était encore vive ; il s’appelait Faucon.

Toute fière d’elle, Yulia se retourna.

— On peut y aller ! lança-t-elle.




Perché sur les longues barges de parade, l’orchestre se mit à jouer.

Le Prélude étant entamé, le silence se fit progressivement parmi la foule. Sur l’estrade tournée face à l’immensité du Contrebas et au soleil couchant, Yulia n’avait plus ni Senex ni Marisa à ses côtés. Serrée dans sa robe de parade, la fille de l’Amiral était coincée entre les deux Administrateurs du Surplomb : Smath, dans son manteau de velours jaune, était le chef des Gardes de la ville ; Juno, vêtue à la manière des riches marchands du Nord-Est, était la gardienne des clés de la cité et l’intendante économique. On ne pouvait pas faire plus différents et complémentaires que ces deux-là qui, en cet instant, se tenaient solennellement droits. Le premier, fier soldat, était large et musculeux, d’un tempérament noble et au code moral solide ; l’autre, femme lascive, sujette à l’embonpoint, était bien plus ambigüe, souple et négociatrice que son homologue masculin. Ils venaient de temps en temps à la maison, s’entretenir avec son père lorsqu’il était dans ses quartiers de repos, mais la jeune fille les connaissait, à vrai dire, très peu.

Le reste de l’estrade composait le Conseil de la ville, fait de représentants des grandes familles de la cité ainsi que de la grande Prêtresse Gardienne du Temple de l’eau. Celle-ci, une belle et noble femme parée de la toge cérémonielle, ne lui jeta pas un regard, et Yulia s’en voulu de l’observer avec tant de curiosité. Le tableau fut complet lorsque, montant de la foule, le délégué plébéien vient les rejoindre, toujours vêtu de son bleu de travail.
Ayant fini de s’accorder, l’orchestre entama la marche Impériale.

Dominés par les éclats des cuivres et la cadence des caisses claires, les soldats amorcèrent leur manœuvre. L’espace pavé entre la scène du forum portuaire et les quais leur était réservé et, du haut de l’estrade, Yulia les regardait parader au pas, rangés, se chassant, se croisant, se saluant, jusqu’à ce qu’enfin il se dessine une colonne, dégageant une rangée centrale en guise de haie d’honneur. Scrutant leurs visages, la jeune fille ne parvint à y lire aucune expression. Elle les avait observé s’entrainer à cet exercice des jours durant : aujourd’hui était la quintessence de leur maitrise.

Ils firent claquer leurs bottes à la dernière note du morceau et s’immobilisèrent, solennels.
La foule applaudit avec enthousiasme et lança des acclamations. La fille de l’Amiral sentit l’estrade vibrer sous la liesse populaire qui agitait le pavé. Les instruments au-dessus d’eux entamèrent un air dansant, et on se mit à lancer des fleurs et des couleurs depuis les balcons. Yulia laissa ses yeux trainer vers le ciel, et elle le vit dégagé : pour la durée de la cérémonie, tout vol civil avait été interdit.

Ce fut alors qu’un escadron survola la foule, lâchant des confettis et trainant de longues banderoles aux couleurs de l’Empire et de la famille de l’Amiral. Manœuvrant rapidement au-dessus des toits, ces navires composèrent une petite danse céleste qui ravit aussi bien le peuple que la jeune Yulia, parfaitement charmée.

Un cœur, quelque part, entonna un refrain :

Ô Joie
Guide donc le vent !

Ô Fortune
Mène donc leur cœur !


Les violons s’endiablèrent et la danse se finit sur une cabriole rythmique. Ce fut alors un instant de calme planant, tenu en haleine par les violons à l’unisson et les pulsations d’un profond tambour.

Tous, même Yulia, fixèrent l’horizon.

Quelques cordes brodèrent un début de mélodie qui se fit de plus en plus insistant. Un cor entonna des notes lointaines. Un autre lui répondit à l’octave.

Sur ce fond de suspense mystique monta alors la nef, s’élevant du lointain, glissant vers le Surplomb.

On annonça son arrivée par un retour des cuivres, discrets tout d’abord, puis fortement présent dans la rythmique qui suivit. Le travail de thème se mit en place alors que la nef approchait : on reconnut des transpositions de la marche impériale, quelques bouts de la danse populaire, et des aspects plus solaires dans certaines envolées soudaines des cors.
Yulia se tenait plus droite que jamais, ne sachant si elle devait être impressionnée, extraordinairement heureuse, ou impatiente.

Alors que la nef n’était plus qu’à quelques mètres du Surplomb, on ouvrit ses rideaux dans une explosion de cuivre.

Yulia vit son père.

L’Amiral Francis Ford Mangora.

Bâti dans son uniforme d’Amiral de laine bleu nuit, la rosace d’or et les médailles au niveau du cœur, l’officier affichait un air auguste, une courte barbe grisonnante, et une paire de fines lunettes derrières lesquelles tranchait un regard bleu vif. Solidement constitué, il croisait les bras avec autorité, dégageant une aura d’assurance et de calme puissance bien qu’il soit dénué d’arme ou de cortège. Sur ses épaules et dans son dos tombait le manteau brodé d’or que lui avait offert l’Empereur lui-même.

Ce grand homme descendit de la nef sans ciller, et remonta la haie d’honneur de ses soldats. L’orchestre jouait ses thèmes les plus grandioses alors que le Héraut, soignant sa voix, annonçait le nom du prestigieux Amiral. La foule s’était presque tue, subjuguée. Un à un, les militaires relevaient leurs armes sur passage de leur supérieur, créant ce qui semblait être une vague se dressant dans son sillage.

Voyant avancer vers elle son père, en cet instant si majestueux, Yulia senti un discret sourire lui étirer le visage. Comment pourrait-elle jamais faire honte à un homme pareil ? En cet instant, il lui semblait que cet homme pouvait se dresser contre le monde entier et lui dicter ses convenances sans que personne n’y trouve à redire.

Il était l’Amiral Francis Ford Mangora et, sous la tutelle de cet homme, elle ne souffrirait d’aucune contrainte. C’est ce qu’il sembla lui dire alors qu’ils se croisèrent du regard.

Il monta à l’estrade, leur adressa à tous, individuellement, un salut de la tête, et se retourna vers les quais.

Vinrent alors ses officiers.

Deux slaouts s’amarrèrent de part et d’autres de l’arche de l’Amirauté. Sur fond d’orchestration guerrière, les gradés débarquèrent. Si une ligne de militaires se positionna en arc de cercle face à la place, ce furent les Lieutenants seulement qui s’avancèrent, en carré, remontant à leur tour la haie d’honneur des soldats.

Ils étaient quatre, les armes ostensiblement visibles, et Yulia reconnu immédiatement celle qui en occupait l’angle avant-droit. Angora, le Dragon Impérial, sa protectrice, arborait une tunique Impériale ceinturée de cuir et une courte cape d’apparat satinée. Sur son épaule, un large fusil était nonchalamment maintenu par son bras d’acier. Sa face, dont les yeux rouges pétillaient dans l’ombre de sa casquette d’officier, affichait un sourire certain. Yulia verrouilla son regard au sien, et senti en elle une fierté toute sereine, ce qui l’aida grandement à se rassurer elle-même.

A côté de la jeune femme aux cheveux rouges marchait tranquillement, glissé dans un pantalon serré et une simple chemise, un homme agréable dont les pans de l’ample manteau et du large chapeau à plumes dissimulaient à peine les traits exotiques. Glissés, avec ses mains, dans le tissu noué lui servant de ceintures, deux longs pistolets —pièces unique d’orfèvrerie raffinée— lui battaient les flans.

Derrière ces deux figures de proue pimpantes venaient deux Lieutenants plus mesurés. Yulia connaissait de vue la femme venant derrière le pistolero : c’était Vera Ramirez, navigatrice et duelliste renommée. D’une trentaine d’année, le crâne ras, elle avait enfilé, par-dessus son pantalon bouffant et son torse bandé, un veston de cuir où brillaient les cartouchières et les médailles. Son père disait d’elle que, dans le ciel, elle était la seule à avoir sa pleine confiance.

L’autre était un grand jeune homme, rasé de près, dont les plis de l’uniforme tombaient parfaitement. Sa face anguleuse et ses larges épaules correspondaient parfaitement à ce style strict et droit tel que la Marine en rêve. Yulia ne prit pas un grand risque en supposant qu’il s’agissait là d’un jeune officier étant monté en grade rapidement ; peut-être le rejeton d’une famille noble de la région…

L’orchestre, à ce moment-là, tenait apparemment beaucoup à présenter le carré de Lieutenant sous un jour martial, tant il multipliait les figures dramatiques, ascendantes, et faisait marcher les basses au rythme des bottes. L’Amiral son père, suivant leur progression, posait sur eux un regard satisfait, et sa fille pouvait presque lire dans les yeux de chacun de ses seconds la fierté qui était alors la leur. Son père était un grand homme, Yulia le considérait plus encore que le tout-venant, et elle aurait alors tout donné pour être à la même place qu’Angora et voir sa force et ses aptitudes reconnues ainsi.

Le Héraut, de son haut-parleur, annonça alors :

— Lieutenant Angora Valk’ozir, Chasseur Dragon, Lige de la famille Ford-Mangora ! Lieutenant Miwok Amory, Meneur des escouades d’assaut, Premier Cartographe et Aide de l’Amirauté ! Lieutenant Vera Ramirez, Capitaine d’Artillerie, Premier Capitaine de la Flotte ! Lieutenant Marc Friedrich Wöllner, Commandeur de l’Infanterie, Régisseur Général !

Les Lieutenants arrivèrent à l’estrade, paradant aux yeux de tout le Surplomb : Angora piquante, Miwok désinvolte, Vera austère, Friedrich strict, formant un quartet présentant une synthèse éloquente de la puissance de son père, l’Amiral Francis Ford Mangora.

Celui-ci les accueillit sur l’estrade, les laissa prendre place face à lui et aux officiels. Yulia, à présent face à Angora, échangea avec elle quelques sourires discrets. L’Amiral ouvrit les bras, sa voix portant presque autant que celle du Héraut :

— Peuple de Cathuba !
Il n’y eu alors plus ni musique ni éclats de voix dans l’assistance. L’officier à la tête de trois divisions, d’une flotte de sept mil navires, et dont dépendait l’administration de six circonscriptions de Surplombs, avait pris la parole.

— Je suis votre Amiral ! Je vous ai servi pendant près de dix ans en tant qu’Administrateur ! Mes chers amis, le Capitaine Smath et Dame Juno, m’ont secondé ici, dans ce superbe Surplomb de Cathuba !

Il désigna le Capitaine des Gardes et l’Intendante du bras. Ils furent acclamés par la foule.

— J’ai célébré, à votre service, chaque institution de la cité ! La Religion, fondement de notre unité sociale, a été préservée !

Il se courba devant la Grand Prêtresse du Temple, que le peuple applaudit. La Gardienne resta stoïque, visiblement peu émue, si ce n’était carrément indifférente.

— Nos nobles familles, sentinelles de notre histoire, honorées !

Il s’inclina devant les dignitaires nobles, que la masse applaudit sans retenue. Les aristocrates en furent flattés, lançant des saluts à la foule du bras, remerciant en l’air.

— Le parti travailleur a gagné sous ma gouverne une représentation au Conseil de la ville, afin que nous soyons, tous ensemble, unis dans notre gouvernance collective !

Il serra la main du délégué plébéien qui, s’il restait de marbre face aux autres invités, lui sourit franchement. Ce fut cette poignée de main qui fut, sans aucun doute, la plus acclamée.

— Ma propre fille elle-même, entonna l’Amiral, n’a-t-elle pas grandi ici, avec vos enfants ? Je constate à présent que cette cité a fait d’elle une jeune fille digne de grandes œuvres !

Yulia ne s’attendait surement pas à être directement nommée, encore moins à ce que son père, se penchant soudain vers elle, ne l’étreigne de ses bras, sous les acclamations de l’assemblée. Alors qu’elle demeurait béate, il lui murmura à l’oreille :

— Je suis fier de toi, Yulia, et ta mère l’aurait été encore plus.

Il se releva, et reprit son discours, captivant la foule. La jeune fille, elle, rougissait, embarrassée, faisant un immense effort pour ne pas bouger. Face à elle, Angora lui sourit et s’employa à lui envoyer des regards apaisants, ce qui finit par faire effet alors que la petite, expirant profondément, arrêta de trembler.

Son père n’était pas coutumier des déclarations d’affection, et Yulia n’était pas à l’aise lorsqu’elle était observée par des milliers d’inconnus ; ce geste l’avait surprise et paniquée plus que de raison.

De son côté, l’Amiral avait continué son discours sous l’attention de toutes les personnes présentes.

— Je t’aime comme un fils, Cathuba, et pourtant aujourd’hui je pars ! L’Empereur lui-même m’a confié une mission que je dois mener au Nouveau Monde !

Même si aucune déclaration officielle n’en avait fait état, c’était là le fait : son père avait reçu un ordre Impérial, il y avait un mois de cela. Mais c’était un secret de polichinelle, et l’annonce même d’une cérémonie de départ de l’armée était suffisamment explicite pour que tous comprennent de quoi il était question : l’Amiral, après des années à administrer la Région sous sa tutelle, s’en allait remplir ses obligations militaires.

Yulia avait beaucoup pleuré et un peu boudé en l’apprenant, sachant très bien qu’il ne l’emmènerait pas avec lui. Francis Ford, avec l’aide de Marisa, avait réussi à la calmer, non sans lui faire une promesse :

— Je serais de retour dans un an, chérie. Même si la guerre fait encore rage, même si je dois rejoindre Cathuba en bac, même si je dois déléguer mon commandement à un autre pour ça, je reviendrais te voir. Dans un an, nous nous reverrons. Alors ne pleure, d’accord ? Nous ne serons séparés que pour quelques mois, et il y aura de charmantes personnes pour prendre soin de toi, je te le promets.

Elle s’était bien fait une raison mais, à présent, à la pensée que l’étreinte qu’elle venait de recevoir serait peut-être la dernière, elle sentait son ventre se serrer. Il lui avait fait une promesse, cependant, et c’était là une petite lueur réconfortante dans son cœur qui suffisait à tenir la tristesse à l’écart.

— Je pars aujourd’hui même ! proclama-t-il. Je te remercie, peuple du Surplomb, d’être venu si nombreux saluer nos fiers soldats que je mène à la guerre !

Tapant de la botte contre le pavé, les militaires se mirent alors au garde-à-vous, l’arme fièrement dressée, dans un tonnerre impressionnant qui étouffa jusqu’au dernier applaudissement.

— Il est temps, Cathuba, que je te remette à d’autres mains que les miennes !

Il fit face au Capitaine des gardes et à l’Intendante, solennel.

— Smath, Juno, vous avez mon entière confiance pour ce qui est des choses de la ville. Puissiez-vous régnez ici en tant que mes Consuls, dans le respect du Conseil et de ses différents partis.

Les personnes présentes sur l’estrade, de la Prêtresse au délégué plébéien, parurent tous satisfait de ces nominations. Sans doutes avaient-ils crains que son père ne se fasse remplacer par un étranger en son domaine ; aussi voir les deux Administrateurs être conférés du pouvoir de l’Amiral devait être un soulagement

— A vous, membres du Conseil, je souhaite prospérité et bonheur ! Je vous prie de veiller à l’intérêt du Surplomb ainsi qu’à l’épanouissement de ma fille que je laisse entre vos mains.

Les acclamations trépidèrent un moment, et l’Amiral Ford s’adressa à sa fille :

— A toi, ma fille, Yulia de la maison Mangora, je souhaite la bonne fortune et la sérénité. Prends le temps de grandir, écoutes les conseils qui te seront donnés, et garde l’esprit alerte et vif.

Yulia hocha la tête gravement. Son père lui sourit tendrement, et se détourna, prêt à passer à la suite de la cérémonie. Il avait énoncé ses adieux au Surplomb, il allait à présent s’adresser à ses Lieutenants.
Ce fut alors qu’une gigantesque ombre se fit sur la place.

Éberlués, tous levèrent la tête.

Dans le ciel, le gigantesque Cuirassé Impérial, qui jusque-là croisait au large du Surplomb, venait de prendre position au-dessus de la ville, à quelques mètres des barges de l’orchestre, obstruant complètement le soleil sur la place de la cérémonie.

Sa colossale masse métallique, dont on pouvait à présent voir l’armature, les tuyaux, les soupapes, les nacelles, les canons, pesait sur Yulia comme sur tout habitant présent à proximité de ce monstre. Presque silencieux malgré les huit énormes hélices le maintenant en l’air, il lâchait à présent de longs souffles de vapeur, créant son propre orchestre de cuivre et d’acier.

Pourquoi était-il positionné ainsi ? Il n’était pas directement au-dessus d’eux, mais s’était placé bien en vue, de toute sa puissance, de toute sa masse, les privant des rayons de l’astre solaire. Yulia eu un long frisson. Peut-être était-ce censé montrer la puissance de l’Empire pour lequel son père se battait ? Une armée capable d’assembler de telles machines de guerre devait assurément imposer le respect. D’ailleurs, au bas de l’estrade, la fille de l’Amiral constata que les gens du commun, captivés par la forteresse volante, posaient sur elle des yeux admiratifs. C’était un fleuron technologique, la force la plus brute de la civilisation Impériale. Pourtant, Yulia ne pouvait éprouver pour cette chose aucun autre sentiment qu’une horreur froide, inhumaine.

Etait-ce donc cela, la guerre à laquelle était promis son père ?

L’Amiral, imperturbable, jaugea un instant le monstre mécanique — sans doute ses pilotes avaient-ils mal temporisé leur entrée. Suivant son regard, sa fille aperçut, en tête du cuirassé, une passerelle sur laquelle se tenait un individu, seul, dans un grand manteau bleu de la Marine, qui suivait avec attention la cérémonie.

Avant que la jeune fille ne put se poser plus de questions, son père repris la parole.

— Par l’autorité militaire m’étant confiée, je tiens à vous exprimer, vous mes Lieutenants, toute ma gratitude pour votre dévotion dans les batailles que nous avons déjà livrées. Celles qui s’annoncent au Nouveau Monde et sur son chemin seront bien plus ardues encore, et me savoir entouré d’hommes de votre trempe me réconforte et ne me fait craindre aucune défaite ! Je vais à présent vous confier votre ordre de mission que vous suivrez jusqu’à nouvel ordre !

Il fit face au jeune et strict officier que le Héraut avait désigné sous les titres de Commandeur de l’Infanterie et Régisseur Général :

— Marc Friedrich Wöllner, je vous nomme Vice-Amiral par Intérim. Vous assurerez dans la Région les fonctions que j’occupais avant mon départ. Les forces armées Impériales que je n’emmène pas en campagne sont à présent sous votre commandement, et j’attends de vous que vous préserviez la paix et les intérêts de l’Empire dans la Région.

C’était une petite surprise : Yulia avait pensé naïvement que tous les officiers accompagneraient son père en guerre. Mais peut-être le fait qu’un noble doté de la tria-nomina remplisse les fonctions d’Amiral en son absence était un calcul politique ?

— A vos ordres, Amiral ! répondit celui-ci, énergique et sérieux.

Francis Ford Mangora continua sa revue et s’adressa ensuite à l’homme exotique dont Yulia avait retenu les titres de Meneur des escouades d’assaut et de Premier Cartographe :

— Miwok Amory, mon ami, tu dirigeras le Prodige à mes côtés ; tu seras mon conseiller et mon bras droit pour cette campagne ! Sers-moi par tes capacités et je serais satisfait.

Le Prodigue était le vaisseau-Amiral de son père, un majestueux et puissant navire de ligne, le plus grand de sa flotte, un vrai quartier général volant. Yulia ne l’avait pas encore vu au port aujourd’hui, mais elle n’avait jamais douté que ce serait à son bord que son paternel prendrait le large. Ce Miwok devait décidément avoir la confiance de son père pour qu’il lui fasse cet honneur, lui qui d’habitude n’acceptait de partager son autorité sur un navire qu’avec Ramirez…

— A vos ordres, Amiral.

La voix, posée et sereine de l’étranger au style éclectique, était assurément charmante.

On passa ensuite à la crâne-ras, et Yulia se demande ce que lui préparait son père jusqu’à ce qu’il énonce :

— Vera Ramirez, en votre qualité de Premier Capitaine de mes navires, je vous confie le commandement exclusif du Flot-Sang ! Vous assurerez en outre le commandement sans concession de la moitié de la Flotte dans notre prochaine scission stratégique. Amenez mes navires au point de rendez-vous, montrez-vous digne de la Marine ainsi que vous l’avez toujours fait, et vous me ferez honneur, Lieutenant !

L’artilleuse et pilote se tordit en un sourire. Elle semblait satisfaite. Le Flot-Sang était le vaisseau le plus rapide et sans doute celui possédant le plus de puissance de feu de la flotte de l’Amiral. Assurer son pilotage était un honneur en soi, mais le fait qu’il lui confit également le plein commandement d’une moitié de la flotte faisait d’elle, dans les faits sinon dans le titre, l’égal d’un Amiral.

— A vos ordres, Amiral !

Yulia fixait à présent Angora alors que son père se dirigeait vers elle. La femme et son père étaient de taille équivalente, et un observateur ignorant n’aurait pu aisément dire qui avait ici le plus de pouvoir, tant le charme naturel et l’expérience du Contrebas de la Chasseuse soutenait au grade et au charisme de son père. Quelle responsabilité allait occuper la Dragon sous ce commandement ? Cela faisait plus de deux ans qu’elle était entrée au service de l’Amiral et que la jeune fille la voyait passer périodiquement à la maison. Pour Yulia, la guerrière était tout ce qu’elle rêvait d’être : libre, puissante, respectée, et par cela hors des normes sociales. C’était une ressource inestimable pour son père que les services d’un Dragon Impérial. Comment allait-il l’employer ? Quelle tâche allait-elle accomplir pour la guerre ? Qu’est-ce…

— Angora Valk’ozir, Chasseur Dragon, en votre qualité de Lige, je vous ordonne de veiller sur ma fille en mon absence. Vous assisterez son éducation et la protègerez des périls, quel qu’ils soient.

Elle ouvrit la bouche, la referma, et articula enfin :

— A vos ordres, Amiral…

Elle parut un instant sur le point d’ajouter quelque chose, mais se retient. Elle retrouva son port de tête et salua avec détermination. Yulia ne réalisa pas tout de suite ce que cela signifiait.

L’orchestre se remit à jouer. C’était un air enjoué, audacieux, poussant à l’aventure.

L’Amiral salua ses hommes. Friedrich vint se placer aux côtés des Administrateurs du Surplomb alors qu’Angora prit position à côté d’elle. Francis Ford, suivit de Miwok et de Vera, remonta les colonnes de soldats. Au-dessus d’eux volait toujours le Cuirassé et son mystérieux observateur. La nef s’en était allé et, alors que l’Amiral et ses deux Lieutenants descendaient l’allée, un plus grand navire apparut lentement, glissant le long des quais jusqu’à s’immobiliser. Haut de ses cinq ponts, fier et magistral dans tout l’art des Surplombs, c’était le fameux Prodige, vaisseau de son père. Dans l’ombre du gigantesque Cuirassé, sa superbe était contestée, diminuée ; mais Yulia lui trouva plus de charme qu’il n’y en aurait jamais dans un tas de boulons mécanisé. A ses côtés, Angora jeta un regard noir au navire à vapeur, comme si elle lui en voulait également de voler la vedette au préféré de l’Amiral.

Les rangées de soldats occupant la place recommencèrent alors à manœuvrer. La foule les acclamant, encouragée par la musique, ils firent une dernière parade avant d’entrer, deux par deux, à bord du Prodige. L’Amiral, à présent sur le pont supérieur de son navire, saluait de la main. Le cœur de Yulia se serra à nouveau de voir son départ plus imminent que jamais, mais la promesse dans son cœur et la main d’Angora dans la sienne l’aida à surmonter ce sentiment.

Lentement, le Cuirassé s’éloigna alors que l’embarquement prenait fin et que le morceau s’éternisait. Voir la citadelle volante et son occupant reprendre le large soulagea Yulia qui sentit un grand poids quitter le sommet de son crâne, même si elle continua à surveiller la structure du coin de l’œil. Sur l’estrade, les invités commençaient à se détendre, le nouvel Amiral par intérim engageant même un bavardage avec les Administrateurs, eux-mêmes échangeant quelques propos avec les composants du Conseil.

La foule envahit peu à peu l’espace dégagé par les militaires, et on se pressa pour admirer le Prodige tant qu’il était à quais. L’équipage, lentement, prenait place à bord du vaisseau, suivant les ordres de son père qui s’installa lui-même aux commandes de l’impressionnant Ballon à Voile. Yulia était, bien sûr, trop loin pour en être certaine, mais elle crut le voir agiter la main pour lui dire au revoir.

Le Héraut énonça un poème d’adieu dans son haut-parleur. Les amarres furent larguées, et le Prodige quitta le surplomb.
On distingua encore longtemps sa silhouette alors que du Surplomb s’élançaient les navires prenant sa suite, vers le Nouveau Monde. Les navires marchands se remirent à voler au-dessus et autour de la ville. On se remit à voltiger, à lancer des couleurs et des fleurs. Le cuirassé disparut à l’horizon. Les deux tiers de la Flotte ayant suivi le Prodige, les militaires demeurant se dispersaient, certains navires rentrant en ville, d’autres regagnant leur Surplomb de garnison.
La fête continuerait jusqu’au soir dans la cité, mais Yulia ne se sentait plus d’humeur. Alors que Senex et Marisa les retrouvèrent, elle se rapprocha d’Angora, piteuse.

Elle aurait aimé avoir droit à des adieux plus intimes.

Angora s’agenouilla à sa hauteur. Les yeux de la Dragon étaient aussi humides que les siens.

— Moi aussi, dit-elle, j’aurais aimé partir avec lui.

Avec le doigt, elle lui cueillit une larme sur la joue.

Yulia prit sa main, et elles rentrèrent à la maison.


fin du Chapitre 1
Dernière modification par Judas_Cris le mar. 01 nov., 2016 11:22 pm, modifié 3 fois.
hyppie

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Re: Le Temps des Surplombs - Part1 : Cathuba - Chapitre 1 [Fantasy-Steampunk-Aventure]

Message par hyppie »

Sali~salut !

Je suis super méga emballée par ton nouveau projet ! :D Il me manque la deuxième partie du chapitre 1 à lire mais c'est déjà top ^^ J'aime beaucoup Yulia (d'ailleurs ça se lit Yulia ou Youlia ?) qui m'a l'air d'être un personnage tout à fait intéressant à suivre :3 Il y a pas mal de descriptions mais elles ne sont pas lourdes donc c'est agréable à lire.
C'est aussi intéressant de mettre des musiques suivant les passages et elles correspondent plutôt bien ! (Sauf la première j'ai trouvé qu'elle ne cadrait pas vraiment mais bon c'est un avis très personnel ^^.)
J'ai vraiment hâte de lire la deuxième partie et je pense que d'ici la fin de la semaine ce sera bon ! :D
Judas_Cris

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Re: Le Temps des Surplombs - Part1 : Cathuba - Chapitre 1 [Fantasy-Steampunk-Aventure]

Message par Judas_Cris »

hyppie a écrit :Sali~salut !

Je suis super méga emballée par ton nouveau projet ! :D Il me manque la deuxième partie du chapitre 1 à lire mais c'est déjà top ^^ J'aime beaucoup Yulia (d'ailleurs ça se lit Yulia ou Youlia ?) qui m'a l'air d'être un personnage tout à fait intéressant à suivre :3 Il y a pas mal de descriptions mais elles ne sont pas lourdes donc c'est agréable à lire.
C'est aussi intéressant de mettre des musiques suivant les passages et elles correspondent plutôt bien ! (Sauf la première j'ai trouvé qu'elle ne cadrait pas vraiment mais bon c'est un avis très personnel ^^.)
J'ai vraiment hâte de lire la deuxième partie et je pense que d'ici la fin de la semaine ce sera bon ! :D
Merci !! :D
La prononciation se fait en fonction des accents :) (d'ailleurs dans la suite certains personnages prononceront d'une façon ou d'une autre) A Cathuba (dans le Sud-Est de l'Empire) les gens prononcent généralement "Yulia".
(la première musique a été choisit vraiment pas dépit, j'arrivais pas à en trouver de vraiment accrocheuses pour lancer l'histoire :/)
hyppie

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Re: Le Temps des Surplombs - Part1 : Cathuba - Chapitre 1 [Fantasy-Steampunk-Aventure]

Message par hyppie »

Merci pour ce petit point "Prononciation" ^^
dark-vince a écrit :(la première musique a été choisit vraiment pas dépit, j'arrivais pas à en trouver de vraiment accrocheuses pour lancer l'histoire :/)
Si on a une idée on peut faire une suggestion ?

***


Bon et du coup je me suis permise de relever les quelques fautes que j'ai remarqué. Y en a pas énormément et ce sont surtout des fautes de conjugaison ;P
dark-vince a écrit :ou de fermer certains clapés
C'est pas "clapet" plutôt ?
(8ème + 10 ème + 11 ème paragraphe après Escape -en comptant les phrases de chaque dialogue comme un paragraphe-)
dark-vince a écrit :A l’instant, ils passèrent par exemple devant une corvette marchande. Ce bâtiment de taille modeste comptait six canons, une soute profonde, un pont fonctionnel et une petite cabine. Mais ce qui intéresser la fille de l’Amiral
Là il me semble que c'est "intéressait" ^^
dark-vince a écrit :A vrai dire, elle lui avait répétée cela une bonne vingtaine de fois.
Ici je crois qu'il n'y a pas de "e" mais à vérifier.
dark-vince a écrit : une courte barde grisonnante
Ce ne serait pas "barbe" par hasard ? :p
(Description de l'Amirale, avant The Decisive Battle)
dark-vince a écrit :Yulia ne s’attendait surement pas à être directement nommée, encore moins à ce que son père, se penchant soudain vers elle, ne l’éteigne de ses bras sous les acclamations de l’assemblée.
Tu as voulu dire "étreigne" non ?
(Pendant le discours de l'Amiral)
dark-vince a écrit :Sa colossale masse métallique, dont on pouvait à présent voir l’armature, les tuyaux, les soupapes, les nacelles, les canons, pesait sur Yulia comme sur tout habitant présent à proximité de ce monstre.
Là c'est pesaient
dark-vince a écrit :— Par l’autorité militaire m’étant confié, je tiens à vous exprimer, vous mes Lieutenants, toute ma gratitude pour votre dévotion dans les batailles que nous avons déjà livrés. Celles qui s’annoncent au Nouveau Monde et sur son chemin seront bien plus ardus encore, et me savoir entourer d’hommes de votre trempe me réconforte et ne me fait craindre aucune défaite !
confiée, livrées, ardues, entouré
dark-vince a écrit :— Vera Ramirez, en votre qualité de Premier Capitaine de mes navires, je vous confie le commandement exclusif du Flot-Sang ! Vous assurez en outre le commandement sans concession de la moitié de la Flotte dans notre prochaine scission stratégique. Amenez mes navires au point de rendez-vous, montez-vous digne de la Marine ainsi que vous l’avez toujours fait, et vous me ferez honneur, Lieutenant !
assurerez (c'est du futur), montrez-vous
dark-vince a écrit :L’Amiral salua ses hommes. Friedrich vient se placer aux côtés des Administrateurs du Surplomb alors qu’Angora prit position à côté d’elle.
Vint (sinon c'est du présent)

Voilà ça fait une petite dizaine il me semble, c'est pas énorme ^^ J'ai essayé de rendre de rendre ça plus facile à retrouver dans le texte histoire que tu ne galères pas trop ^^

***



Sinon j'ai beaucoup aimé cette deuxième partie ! Bon je m'attendais un peu (spoil) à ce que Angora reste avec Yulia mais ça reste quand même cool :D Puis vraiment, je vais me répéter mais tes descriptions sont très légères et elles passent toutes seules pendant la lecture ! Les musiques aident un peu je pense ^^ D'ailleurs en parlant de ça j'ai particulièrement apprécié la dernière partie avec Collapse and Rescue, la musique s'accord tout particulièrement avec ce passage.

Enfin voilà déjà le premier chapitre fini, j'ai hâte de lire la suite ♥
Judas_Cris

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Re: Le Temps des Surplombs - Part1 : Cathuba - Chapitre 1 [Fantasy-Steampunk-Aventure]

Message par Judas_Cris »

Bien entendu que vous pouvez suggérer !! :mrgreen: Ce que je voudrais pour l'introduction, c'est une musique de fête mais, contrairement aux musiques suivantes du chapitre, dans un cadre intimiste : il y a la fête au Surplomb dehors, mais on est encore dans la maison, à découvrir les personnages, il faudrait que la musique rende compte de cet aspect, qu'elle donne l'impression que les choses se déroulent dehors mais que nous sommes dedans, tout en étant assez colorée pour correspondre au thème de l'habillement et à l'impatience joyeuse de Yulia.
Hum... ça fait un peu beaucoup de critères, non ? Pas étonnant que j'ai pas vraiment trouvé ce que je voulais ! :lol:

Un ÉNORME merci pour les corrections !! :D Quelques fautes d'inattention (et pourtant le prototype de ce chapitre est écrit depuis 6 mois, je l'ai beaucoup relu) et toujours mes approximation sur les accords des participes :lol: (et ça, même le programme Voltaire a pas réussit à me faire comprendre comment ça marchait exactement)
Et merci, c'était super pratique pour corriger !! :D

ps : pour "Sa colossale masse métallique, dont on pouvait à présent voir l’armature, les tuyaux, les soupapes, les nacelles, les canons, pesait sur Yulia comme sur tout habitant présent à proximité de ce monstre." c'est la colossale masse métallique qui pèse sur Yulia ; dont on peut voir l'armature, les tuyaux, etc.

Merci beaucoup !! Je pense poster le second chapitre dans deux ou trois jours maximums ^^
DanielPagés

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Re: Le Temps des Surplombs - Part1 : Cathuba - Chapitre 1 [Fantasy-Steampunk-Aventure]

Message par DanielPagés »

Vincent, tu sais que si tu as besoin, je suis là... Et la prochaine fois qu'on se voit je te fais une séance participes passés ! :D
Franchement, même s'il reste des fautes, tu as fait d'énormes progrès côté orthographe. Pour le reste tu es devenu un Maître ! ;)
Petitesplumes

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Re: Le Temps des Surplombs - Part1 : Cathuba - Chapitre 1 [Fantasy-Steampunk-Aventure]

Message par Petitesplumes »

Pour le moment j'ai lu le prologue, je ne suis pas très fantasy en règle général mais j'aime le steampunk donc je me suis lancée. J'ai donc pour le moment apprécié ma lecture c'est fluide, agréable, la plume est très bonne, et l'univers me plait. Le début est bien compréhension c'est un point positif car beaucoup de livre fantasy type le seigneurs des anneaux (avec généalogie à ralonge, trop de lieux ou personnages cités font penser à du chinois). On ressent du potentiel au niveau des personnage et de la trame dès le début, c'est plus que prometteur et j'ai envie de connaitre la suite je lirais le chapitre 1 dès que j'aurais un peu plus de temps.
Le bras mécanique est bien dépeint et s’intègre bien avec le personnage J'ai hâte de voir la couverture.
Judas_Cris

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Re: Le Temps des Surplombs - Part1 : Cathuba - Chapitre 1 [Fantasy-Steampunk-Aventure]

Message par Judas_Cris »

DanielPagés a écrit :Vincent, tu sais que si tu as besoin, je suis là... Et la prochaine fois qu'on se voit je te fais une séance participes passés ! :D
Oh nooooooon, j'en ait soupé toute l'année déjà aux cours de soutiens d'orthographe de ma fac ! :lol:
DanielPagés a écrit :Franchement, même s'il reste des fautes, tu as fait d'énormes progrès côté orthographe. Pour le reste tu es devenu un Maître ! ;)
J'ai beaucoup pensé à toi au moment d'écrire les descriptions des navires par Yulia, j'espère que tu les as aimé ! :D J'essaye vraiment de donner un caractère à chaque vaisseau, je tiens à les traiter comme des personnages ;) (mais on en verra plus par la suite, y'en a un nouveau qui débarque vers le chapitre 5)
Judas_Cris

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Re: Le Temps des Surplombs - Part1 : Cathuba - Chapitre 1 [Fantasy-Steampunk-Aventure]

Message par Judas_Cris »

queenregina a écrit :Pour le moment j'ai lu le prologue, je ne suis pas très fantasy en règle général mais j'aime le steampunk donc je me suis lancée. J'ai donc pour le moment apprécié ma lecture c'est fluide, agréable, la plume est très bonne, et l'univers me plait. Le début est bien compréhension c'est un point positif car beaucoup de livre fantasy type le seigneurs des anneaux (avec généalogie à ralonge, trop de lieux ou personnages cités font penser à du chinois). On ressent du potentiel au niveau des personnage et de la trame dès le début, c'est plus que prometteur et j'ai envie de connaitre la suite je lirais le chapitre 1 dès que j'aurais un peu plus de temps.
Le bras mécanique est bien dépeint et s’intègre bien avec le personnage J'ai hâte de voir la couverture.
Quand j'écrivais de la Fantasy avant de me lancer dans ce projet c'était exactement ce que je faisais : dès les premiers chapitres il y a avait 12 personnages importants qui se ramenaient, je balançais plein de noms, de références random, et si on arrivait à suivre c'était surtout du teasing incompréhensible... Là justement je vais me concentrer pour la première partie sur un cadre plus intimiste, à plus petite échelle, celle de la cité de Cathuba, afin de poser mes personnages en nuance (enfin, je vais essayer) et faire juste le minimum niveau teasing d'univers (on en découvrira les différentes parties en temps voulu). Merci beaucoup ! :D C'est vrai que certains auteurs que j'apprécie particulièrement ont tendance à passer vite pour parler chinois (notamment Brandon Sanderson, et dans ses derniers livres c'est encore pire) alors je vais essayer d'éviter cet écueil ^^
Moi aussi j'ai hâte de voir cette couverture, je vais passer une semaine de vacance avec mon amie, on devrait bosser dessus assez vite ;)
Judas_Cris

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Re: Le Temps des Surplombs - Part1 : Cathuba - Chapitre 2 [Fantasy-Steampunk-Aventure]

Message par Judas_Cris »

Voici le second chapitre ! On pose bien le cadre et les personnages, il se peut que certains trouvent ça un peu lent mais c'est ainsi que doit être le début de mon histoire.
ps : n'hésitez pas à jouer en boucle la première musique, le passage est assez long
Et surtout, postez un commentaire si vous avez aimé ! C'est ça qui me motive ! :D




CHAPITRE 2 : Sources des Saisons

Yulia eut douze ans.

Les mois passèrent.

Angora s’installa définitivement à la maison. Marisa insista pour qu’elle prit la petite chambre de l’Amiral, mais la Dragon n’y restait jamais longtemps : elle se levait tôt, s’habillait simplement, préparait le petit-déjeuner avec les domestiques, discutait avec Senex le temps que Yulia se lève, puis accompagnait cette dernière dans ses activités de la journée. On aurait pu la croire passive, mais pour Yulia la guerrière aux cheveux rouges s’était véritablement intégrée à la famille. Bien que Senex lui expliquait que cette notion se référait à des liens du sang, la jeune fille considérait que sa famille ne pouvait se réduire à son père et à quelques oncles qu’elle n’avait jamais vu, aussi avait-elle promulgué sa propre définition : la famille, c’était l’ensemble des gens qui vivaient avec elle, et cela incluait Marisa, Senex, et à présent Angora.

La Chasseuse Impériale était souvent passée à la maison depuis leur première rencontre à ses dix ans. Elle arrivait, restait deux ou trois jours pendant lesquels Yulia la bombardait de questions, puis son père lui donnait un nouvel ordre de mission, et elle repartait pour un mois ou deux. Depuis qu’elles vivaient constamment ensemble, leur relation avait évolué. Pas que la Dragon ait jamais été distante avec elle, mais leur proximité s’était faite plus naturelle. Angora était un personnage calme, paisible. Pendant ses leçons avec Senex ou ses corvées avec Marisa, elle s’asseyait souvent sur un tabouret, dans un coin de la pièce, croisait les jambes, le dos en arrière, et surveillait ce qui se passait avec bienveillance, parfois malice, et intervenait même quelques fois de manière brève — ce qui arrivait régulièrement lorsque Senex lui faisait cours de géographie : la Dragon aimait raconter une anecdote de voyage sur le Surplomb en question ; ou, du moins, elle savait que Yulia aimait qu’elle le fasse.

Lorsque la jeune fille partait arpenter la ville, la guerrière l’accompagnait. Sous sa tutelle, elle bénéficiait d’une plus grande liberté : si auparavant elle devait s’assurer de rester en vue des gardes du Surplomb, Angora avait instauré son propre deal : elles marcheraient ensembles, discuteraient, et si Yulia avait envie de partir jouer avec d’autres enfants, elle était libre d’y aller, elle-même se débrouillerait pour la surveiller à distance en restant discrète. La fille de l’Amiral avait ainsi pu suivre les folles courses des gamins dans les rues, se faufiler dans le zouk, fureter dans les ruelles, comme tous les autres enfants de son âge. Sans doute essayait-elle de temps en temps de perdre Angora mais, dès qu’elle quittait la compagnie de ses copains, cette dernière apparaissait à ses côtés, comme si elle ne l’avait jamais quittée. Yulia la repérait bien quelques fois, trainant parmi la foule ou la surveillant depuis les toits, mais Dick-Tale fut le seul à un jour se rendre compte de la présence de la guerrière Impériale, et Yulia eu du mal à le convaincre de ne pas aller l’assommer de questions comme elle le faisait en son temps.

De plus en plus régulièrement, cependant, Yulia passait l’ensemble de la journée avec Angora. C’était une compagnie agréable, et la jeune fille se faisait un plaisir de lui faire découvrir le Surplomb. Elles discutaient longuement, Angora l’interrogeant sur ses cours avec Senex ou sur un sujet que la petite adorait. Elles allaient d’ailleurs régulièrement sur les quais, et là Yulia dissertait sur chacun des navires amarrés, la Dragon lui donnant souvent la réplique.

Par contre la jeune fille demeurait suffisamment intimidée pour ne pas interroger Angora sur les missions que lui avait confié son père ou sur sa vie de Dragon, et c’était par une forme de réciprocité que cette dernière ne lui demandait jamais de choses s’étant déroulées avant leur rencontre. Leur relation était basée sur le présent, et cela convenait manifestement à l’une comme à l’autre.

La seule exception à cette règle implicite fut un après-midi, à peine plus d’un mois après que l’Amiral les ait quittés. Alors qu’elles grimpaient la colline centrale, suivant une rue en escalier, elles passèrent devant une entrée du Temple de la ville. Comme toujours, Yulia fit un effort pour ne pas regarder dans sa direction, mais Angora s’en aperçut et alors, désignant du doigt le haut et riche édifice surplombant la cité, l’interrogea sur ce qu’elle avait déjà remarquée mais jusqu’alors jamais abordé :

— Pourquoi ne vas-tu jamais au Temple ?

C’était un sujet compliqué. Dans les Surplombs civilisés, le Temple a un rôle essentiel : battit sur la cheminée de vapeur du Surplomb, le Temple possède plusieurs chambres à condensation qui recueillent son eau, ainsi que des chambres thermales où la vapeur est conservée. Le Surplomb entier est relié au Temple par des canalisations assurant la distribution de l’eau, mais le Temple en lui-même est un haut lieu de la vie civique puisqu’il abrite des amphithéâtres pour les festivals ainsi que les thermes publiques où les habitants vont se laver, discuter, profiter des hammams de vapeur… Yulia n’avait droit à rien de tout cela.

Les Temples sont entretenus et dirigés par les Gardiennes, une caste exclusivement féminine, dirigée par la grande Prêtresse du Temple de l’Eau aux côtés de laquelle se tenait Yulia lors de la cérémonie de départ de l’Amiral. S’il y avait un ordre avec lequel son père n’avait pas droit au dialogue, c’était celui des Gardiennes.

— Ma mère s’appelait Gwella Mangora, et c’était une Gardienne.

Angora dit qu’elle l’ignorait.

— L’ordre des Gardiennes a plusieurs privilèges, et ce sont les seules femmes dont le nom se transmet à leur enfant, mais aussi à leur mari. Mon père s’appelait uniquement Ford à cette époque, et c’est avec son mariage qu’il est devenu Francis Ford Mangora.

— Où vit ta mère ? demanda Angora. Elle vit au Temple ou…

— Non, tu n’y es pas, la reprit immédiatement Yulia. Ma mère est morte à son accouchement. Comme je suis son enfant, je porte son nom, mais la grande Prêtresse a interprété sa mort comme un signe sinistre. Être Gardienne est héréditaire : en tant que fille j’aurais dû être élevée par le Temple, mais comme on m’a déclaré sinistre j’ai été exclue de l’ordre.

Elle baissait les yeux.

— On m’a dit que la grande Prêtresse voulait également bannir mon père, et que c’est qu’une lettre de l’Empereur en personne qui a pu l’en dissuader. Quoi qu’il en soit, je porte le nom de Mangora, mais je suis bannie des Temples : j’ai interdiction d’y entrer. Voilà pourquoi je… pourquoi je ne vais jamais au Temple.

Angora n’avait plus prononcé un mot. Elle resta silencieuse un moment, la mine grave, sans qu’elles ne reprirent leur marche.

— Oh, se sentit obliger de préciser Yulia, ce n’est pas grave, tu sais ! Je peux me laver dans une bassine sans aller aux thermes, et puis mon père a financé la construction de l’Agora et du Forum, comme ça je n’ai pas besoin d’aller au Temple pour les fêtes ! Il n’y a rien qui me manque, vraiment rien…

— Tu n’as jamais pris de bain de vapeur ? demanda Angora du bout des lèvres.

Yulia explosa de rire. A voir la Dragon réfléchir si longtemps, elle s’était attendue à une question plus importante !

— C’est tout ce qui te préoccupe ? se moqua-t-elle un peu. Non, jamais, jamais, mais ça ne me manque pas, tu sais ! Bon, on reprend la marche ? On devait aller voir le fauconnier, souviens-toi !

La Dragon repartit avec un sourire forcé.

— Je suis désolé pour ta mère, finit-elle par dire.

— Bah, c’est pas à moi qu’il faut dire ça, je ne l’ai pas connue, ça ne me fait rien.

Angora sembla accepter cette réponse, et elles repartirent vers un autre coin de la ville.

Cependant, une fois rentrée, la guerrière au bras d’acier pendit son long manteau à un clou, et appela Marisa à qui elle chuchota des instructions. Intriguée, Yulia se demanda un moment ce qu’elle avait en tête, jusqu’à ce que la matrone ne sorte la grande bassine de cuivre du placard. La femme aux cheveux rouges se tourna alors vers elle, le sourire aux lèvres, et annonça, fière :

— Les vieilles illuminées peuvent bien dire ce qu’elles veulent, ça ne t’empêchera pas de goûter à la vapeur !

On plaça la grande bassine dans un petit débarras de l’appartement que l’on vida de ses ornements. Marisa raccorda l’arrivée d’eau et commença à la remplir alors qu’Angora et deux servantes procédaient à une razzia sur les draperies de la maison. Tandis que Yulia, perplexe, assistait à ce chahut, la Dragon supervisait l’installation. Marisa piocha dans la réserve à Pierre de Chauffes et alluma des foyers sous la bassine et trois autres récipients de taille plus modeste. Attendant que l’eau chauffe dans la baignoire, on recouvrit les petits réservoirs d’un drap et on commença à calfeutrer la pièce. N’y tenant plus, la fille de l’Amiral demanda :

— Mais enfin, qu’est-ce que vous faites ?

Angora se retourna, les mains pleines de tissus commençant à être humidifiés par la vapeur d’eau envahissant la pièce.

— Pourquoi prendre des bains quand on peut prendre des bains à vapeur ? Cette installation est un peu improvisée, mais ça fera très bien l’affaire.

Si la jeune fille resta sans voix, Marisa affichait son plus beau sourire alors qu’elle réalisait la demande d’Angora. On ferma la porte de la pièce, laissant la chaleur s’amasser. La matrone alla chercher le paravent de la chambre de Yulia et le positionna sur le seuil de l’ancien placard à balais.

— Allez, fit-elle, ne perd pas de temps : déshabille-toi et vas profiter !

— Eh ! J’ai pas dit que…

— Allez, les filles, déshabillez-là ! précipita sa gouvernante, coupant court à ses protestations avant qu’elle les ait formulés.

Les deux assistantes de Marisa lui hottèrent sa chemise —en veillant bien à être cachées par le paravent, des fois que Senex sorte le nez de son vestibule et de ses rouleaux— puis ses bas, et elle fut expédiée dans la salle avant d’avoir eu le temps d’exprimer son avis.
Alors que la porte claquait, Yulia, nue comme à l’heure de la toilette, poussa un long soupir. Elle ne bougea pas pendant quelques secondes, et la vapeur l’entoura complètement. Respirer semblait plus lourd, étrangement, et elle se décida enfin à rejoindre la bassine. L’eau étant presque bouillante, elle s’y glissa à tout petits pas, frémissante. Les parois internes de la bassine en cuivre étaient doublées de grosse toile, si bien que la chaleur brulante du métal sous le feu ne se retrouva que de manière diffuse lorsqu’elle y appuya son dos et se laissa aller, fermant les yeux. Elle se dit que, décidément, lorsque les Dragon avaient une idée en tête, ils étaient des plus rapides à l’exécution.

Rouvrant ses paupières alourdies, elle contempla, émerveillée, son bras, qu’elle avait laissé hors de l’eau, et sur la peau duquel se formait peu à peu des gouttelettes d’eau par condensation. Pour une enfant à jamais bannie des Temples, pouvoir alors observer ce phénomène sacré fut une émotion solennelle, et dès lors elle n’osa plus bouger de peur de stopper ce processus mystique. Elle retint même son souffle jusqu’à ce qu’une goutte, grossissante, grossissante, ne finisse par lui couler le long du coude et rejoindre l’eau du bain après une chute glorieuse. Sentant peu à peu chacun de ses muscles se délier, décrispant des nerfs qu’elle ignorait jusque-là posséder, Yulia se détendit enfin, étendit ses jambes dans la baignoire, et soupira, cette fois de bien-être.

Elle commençait à comprendre pourquoi les gens aimaient tant aller au Temple…

On ouvrit la porte, et une main se glissa dans l’ouverture.

— Je peux te rejoindre ?

C’était la voix d’Angora. Yulia bredouilla une réponse, et elle entra.

La Dragon s’était dévêtue sur le seuil, laissant de côté sa tunique. Yulia détourna les yeux lorsqu’elle vit, surprise, qu’elle avait également enlevé son bras mécanisé, chose qui ne s’était jusqu’alors jamais produite en sa présence.

Angora, après un examen rapide, attrapa le soufflet et attisa les flammes sous la cuve. Elle rentra dans l’eau en s’aidant de son seul bras, et Yulia replia ses jambes pour lui faire de la place alors qu’elle enfouissait sa tête jusqu’au nez dans l’eau chaude, intimidée.

— Désolé, commença-t-elle par dire, je réalise que j’ai été un peu brusque avec ces thermes de fortune… j’aurais dû t’en parler avant de demander à Marisa de monter tout ça.

Se redressant, remontant sa bouche hors de l’eau, elle lui répondit poliment :

— C’est une gentille surprise, merci. C’est très… agréable.

Contrairement à elle, Angora n’avait de l’eau qu’au-dessous des seins, et le regard de la jeune fille se mit à parcourir son corps, étudiant discrètement chacune de ses cicatrices — nombreuses mais propres et bien soignées. Elle rougit lorsqu’elle s’aperçut que la guerrière la regardait faire. Elle voulut tourner la tête, mais se retrouva bien vite à examiner le moignon du bras droit de sa protectrice. Proprement sectionné au milieu du biceps, les boursouflures de cicatrices entouraient deux courtes tiges d’acier qui, sortant de sa chair, semblaient continuer les os du membre incomplet. C’était sur ces deux tiges que devait se cheviller le mécanisme reproduisant un bras, maintenu par des attaches de cuir à l’épaule dont elle pouvait voir les marques à la différence de bronzage. Ce handicap —et plus encore sa compensation métallique— impressionnait Yulia, et ce ne fut qu’en cet instant qu’elle osa demander, du bout des lèvres :

— Comment tu as perdu ton bras ?

La Dragon tourna la tête, semblant examiner son membre fantôme, avant de s’étendre un peu plus dans la baignoire, lasse.

— Ce n’est pas une histoire très propice à la détente… Je te le raconterais un jour, mais aujourd’hui profitons simplement de la vapeur, d’accord ?

La fille de l’Amiral, un peu honteuse, replongea sa bouche dans l’eau, voulant éviter de sortir une nouvelle idiotie. Angora se redressa un peu, cueillit de l’eau dans la paume de sa main et la fit couler sur son épaule droite. La condensation commençait à se faire sur sa personne également et, écartant les mèches qui lui collaient au visage, elle tira ses cheveux en arrière avant de les nouer avec une ficelle qui trainait au sol. La guerrière avait des cheveux à la couleur éclatante. Grossièrement coupés, ils lui arrivaient aux épaules, tombant par grosses mèches comme s’ils étaient empoissés d’une pègue semblable à celle dont les marins enduisent les cordages pour s’assurer une adhérence. Yulia avait longtemps cru que c’était une teinture mais, au fils des semaines, Angora ne les avait jamais recolorés et les racines gardaient la même vivacité que les pointes alors que les cheveux poussaient bel et bien, si bien que la jeune fille avait fini par admettre que c’était là leur couleur originelle.

Attrapant un pavé de savon, la femme aux cheveux de sang lui dit :

— Je peux te laver les cheveux et le dos si tu fais la même chose, ça te dit ?

Yulia opina du chef rapidement et, bien droite, dos à Angora, se laissa faire. Sa propre chevelure était plus conventionnelle —pas qu’elle s’en réjouisse— c’était Marisa qui lui coupait les cheveux, et si plus jeune elle proposait des coupes excentriques, cela faisait quelques années qu’elle avait compris que cela ne changeait rien : sa gouvernante lui taillait la tignasse comme une tignasse de dame devrait l’être, pas autrement, et il en serait allé sans doute du même principe pour sa garde-robe si son père ne la laissait pas se servir dans le zouk lorsqu’ils s’y promenaient jadis.

Lorsque vint son tour et que la guerrière lui exposa son dos, elle promena librement ses mains sur les longues cicatrices la parcourant : c’était comme un étrange quadrillage de zébrures minuscules, organisé au hasard, témoignage d’une vie telle que la mènent ceux qui descendent parfois en Contrebas… Yulia ne posa aucune question, supposant que la réponse serait la même, que ce n’était pas le moment d’en parler et, quelque part, elle le pensait aussi. L’eau chaude et la vapeur tout autour créaient un cadre encourageant à la détente, au bien-être, au repos réparateur. Yulia dénoua les cheveux de sa protectrice, fit mousser le savon, et se mit à les frotter.

— Je ne t’ai jamais vraiment vu te laver les cheveux, dit-elle pour occuper.

— Je le fais parfois, pas très souvent, mais plus régulièrement depuis que je vis ici. J’ai passé la majorité de ma vie au dehors, exposée à la poussière, au vent et tout un tas de matières volatiles, et pourtant j’ai l’impression que mes cheveux se graissent plus rapidement lors que je suis dans une maison que sur le pont d’un navire. Je vais finir par croire que l’oisiveté rend sale, plaisanta-t-elle.



Elles parlèrent de tout et de rien alors que le feu sous la bassine s’éteignait lentement et qu’elles faisaient leur toilette. Apaisée et sans doute somnolente, Yulia se laissa aller.

— Senex tient absolument à m’apprendre les alphabets anciens ! A quoi tout ça va-t-il me servir, à la fin ?

— Tu ne trouves pas ça intéressant ? l’interrogea Angora qui avait ramené les jambes et posé les pieds sur les bords de la cuve.

— Ça l’est toujours un peu, mais je préfèrerais apprendre d’autres choses. L’autre jour, Dick-Tale a sorti sa boite à trésor devant moi : il y avait une petite collection de fossiles, des bouts de rochers de toutes les tailles en forme d’escargots ! Lorsque je l’ai interrogé, Senex m’a juste dit qu’on appelait ça des ammonites et que c’étaient des animaux d’avant, mais il a refusé de m’en dire plus : soit disant que c’est un programme d’étude trop avancé pour mon âge et qu’il faudra que j’attende encore un an ou deux… tu vois ce que je veux dire ?

— Pas vraiment…

— Senex ne m’enseigne pas ce qui m’intéresse : il m’enseigne ce qu’il pense qui est bon pour moi. Quelque part, il est comme Marisa : il ne pense pas à moi.

Angora rit tendrement.

— Je ne pense pas qu’on puisse dire ça. C’est justement parce qu’il pense à toi qu’il veut t’enseigner ça, même si ce n’est pas ce qui t’intéresse tout de suite. Quant à Marisa… disons que vous ne partagez pas la même définition de ce qui est bon pour toi.

Une idée vint à l’esprit de la jeune fille alors qu’elle surveillait la propreté de ses ongles :

— Tu as eu une éducation, toi ?

La majorité des enfants avec qui elle pouvait trainer en journée —Dick-Tale compris— n’en recevaient pas et travaillaient parfois avec leurs parents aux ateliers, aux bazars ou aux serres, lorsqu’ils n’étaient pas employés par l’Administration de son père.

— En quelque sorte, mais je n’ai jamais appris tout ce que Senex peut t’enseigner. Je ne sais même pas ce qu’était un fossile, et pourtant j’ai déjà vu pas mal d’ossements devenus pierres en Contrebas.

La petite s’anima :

— Oh ! Des gros ?

Elle prit la pose, les deux mains en serre des côté de sa mâchoire grande ouverte :

— Des crânes E-NOR-MES !

Yulia eut des étoiles dans les yeux. Elle imaginait déjà les monstres arpentant le Contrebas ! D’impressionnantes, de féroces, de terrifiantes créatures ! Angora plongea ses mains dans l’eau, les fit onduler…

— Attention, petite fille, ils pourraient… se réveiller… et… attaquer !

L’attaque en question fut menée à coup de chatouilles, et elles se débattirent tellement que l’eau gicla dans toute la pièce jusqu’à renverser un des récipients à vapeur par terre. Alors que Yulia était d’humeur à repartir à l’assaut, Angora décida de temporiser et, en riant, elles se calmèrent toutes les deux.

Reprenant son souffle et rigolant par saccades, la fille de l’amiral se rendit compte qu’elles avaient vidé près de la moitié de la marmite et elle eut du mal à recueillir assez d’eau dans ses mains pour se rincer le dos —elle s’était, lors du chahut, frotté au savon. Elle songea encore au moment aux restes des grandes créatures en Contrebas… Quelque part, même de si vaillants dévoreurs d’hommes succombaient à la Brume, en bas.

Angora sortit la première de la bassine. Il n’y avait presque plus de vapeur, et l’eau s’accumulait au sol, retenue par les torchons et les serviettes calfeutrant le bas de la porte. La température était moins élevée, bien que toujours très agréable, et Yulia frissonna un peu dans sa baignoire à moitié vide.

— Je sors demander des serviettes sèches à Marisa, annonça Angora. Rince-toi une dernière fois, je reviens.

Le reste de vapeur et de surplus de chaleur partit avec l’ouverture de la porte mais, lorsque la Dragon revint, elles eurent droit à des serviettes toutes chaudes : Marisa les avaient suspendues au tuyau du poêle alors qu’elles profitaient du bain. Ce soir-là, Yulia eu droit à un chocolat chaud et à un câlin devant le feu. On avait fermé les porte-fenêtres du balcon : le temps rafraichissait. On se préparait à l’arrivée de l’hiver.

Il y eu une semaine de températures négatives le second mois où même Yulia resta à l’intérieur, s’occupant à lire ou apprenant à jouer à des jeux de cartes et de dés que lui montrait Angora —sous le regard légèrement désapprobateur de Marisa—, puis ce fut l’établissement d’un temps plutôt doux qui dura le reste du mois et deux de plus. La fille de l’Amiral fut moins endiablée, et passa plus de temps à la maison lors de son temps-libre. Angora avait promis de lui trouver des livres d’images venant de la Capitale, et elle passa commande auprès de marchands de sa connaissance. Marisa l’obligea à porter une robe un jour et, Angora lui ayant dit que cela lui allait plutôt bien, elle accepta l’idée d’en porter à nouveau pour quelques occasions.



Une nuit, le troisième mois, Angora vint la réveiller sans bruit. Yulia la suivit, silencieuse, alors que la maison était endormie. Elles ouvrirent le balcon, et alors la petite fille en chemise de nuit put observer une immense aurore boréale. Les lueurs vertes, rouges et roses voguaient au-dessus du Surplomb et de la nuit, s’entortillant vers l’Ouest en un long serpent. Elle en resta bouche-bée.

— C’est un phénomène très rare, commenta tout bas la guerrière à côté d’elle. On n’en voit guère qu’une ou deux par année... Tu dois être fatiguée, mais j’ai pensé que tu voudrais voir ça.

C’était le cas. Elle resta totalement silencieuse, subjuguée. Les lueurs célestes ondulaient doucement, mystiquement, et le monde entier était silencieux, totalement captivé par l’événement majestueux.

Angora alla leur chercher deux couvertures. Alors que la jeune fille était captivée par le spectacle poétique, la Dragon laissa s’élever quelques paroles d’une chanson qu’elle semblait avoir jadis oubliée :


Je demandais à ma mère

Si l’horizon pouvait se toucher du doigt

Elle me disait à sa manière

Que tout était une question de choix

L’avenir est-il brillant, mère ?

Les étoiles seules te répondront

Ne te fis pas à tes pairs,

Tes yeux seuls sauront

Mais dis-moi, mère, dis-moi

Comment atteindre mes rêves ?

Ne reconnais aucun roi,

Et alors, mon enfant, tu sauras

Ma mère est une sage femme

Elle est la lueur lunaire

Et celle qui guide mon âme

Ma mère, enfant, sait fort bien jouer cet air

Mais ma mère, enfant, est plus qu’une dame

C’est une inspiration, un goût du dénouement

C’est une envie d’accomplissement

Une certaine idée du Temps

Les hommes sont faussement confiants,

Et bien peu te le dirons,

Mais saches, mon enfant,

Que ma mère est l’amante de ton âme



Elles restèrent sur le balcon, la tête vers le ciel, jusqu’à ce que, sans s’en rendre compte, Yulia s’endorme paisiblement.



Elle se réveilla dans son lit et ne parla pas de l’aurore boréale le lendemain. La jeune fille garda pour elle le souvenir de sa nuit aux côtés de la Dragon, comme un secret précieux. Elle ne dit rien de la semaine, mais essaya d’interroger Senex qui lui expliqua vaguement ce qu’était le phénomène sans réussir à en ôter l’aspect mystique qu’en avait retenu la jeune fille. A cette période, on la prit souvent à se lever la nuit alors qu’elle allait regarder vers le balcon, mais elle arrêta ses escapades dès le mois suivant.

Arriva la fête du printemps où, bien que les températures ne daignent toujours pas remonter pour que l’on ait chaud, la ville se prépara à retrouver l’activité estivale qui lui était coutumière. L’hiver n’engourdissait les membres que trois mois par an à Cathuba : on était bien trop au sud pour connaitre les tourments d’une saison véritablement froide.

Ce fut avec empressement que les gamins jetèrent les lourds pulls que leurs parents les obligeaient à porter la veille, et Yulia fit de même. Marisa lui suggéra une robe, et elle s’autorisa une petite robe verte légère qui la laissait libre de ses mouvements. Angora se sentit presque obligée d’enfiler un uniforme pour l’accompagner ce jour-là.

On avait presque retrouvé l’agitation de la cérémonie de départ de l’Amiral. Les gens étaient joyeux, souriants, échangeant des nouvelles au coin des échoppes et au détour des ruelles du zouk. Chacun avait enfilé ses plus beaux habits, et on essayait d’éviter l’ombre, délaissant les froides allées étriquées au profit des boulevards plus ensoleillés.

Dick-Tale couru toute la journée après un groupe de saltimbanques de passage, aussi Yulia, boudeuse, resta-t-elle aux côtés de sa protectrice. Il y eu un spectacle de mime à l’Agora, et les gardes du Surplomb organisèrent un petit défilé où Smath mena deux colonnes de fusiliers du Bastion administratif au Forum. Ils saluèrent Yulia lorsqu’elle s’arrêta pour les regarder, et cela la mit mal à l’aise aussi demanda-elle à Angora d’aller autre pars. Elle n’aimait pas vraiment les hommages qu’on lui rendait parfois : c’était son père vers qui était dirigé ce respect ; lorsqu’il était à ses côtés, rendre hommage à sa fille était pour lui plaire, mais à présent qu’il était parti ces témoignages de respect lui semblaient déplacés sans qu’elle sut dire précisément ce qui avait changé. Angora lui avait peut-être conseillée de rendre ces saluts, cela ne l’aidait pas à se sentir légitime.

Elles déambulèrent en ville le reste de la journée. Trois filles de sa connaissance l’invitèrent à prendre le thé avec elles en terrasse d’un restaurant, et elles y restèrent une petite heure jusqu’à ce que, les demoiselles commençant à parler des garçons, Yulia ne prétexte une obligation pour s’esquiver. Elle ne manqua pas de se rendre sur les quais afin de passer en revue les navires faisant escale mais, à part la bicoque alambiquée des saltimbanques, cela faisait plusieurs mois qu’aucun nouveau bâtiment n’était apparu. C’était à croire que depuis le départ de son père, Cathuba était redevenu un Surplomb secondaire…

Elle eut besoin de courir et —Dick-Tale collant toujours aux basques des nomades— proposa à Angora de faire la course jusqu’au Puit. La Dragon la laissa sans doute gagner, mais la fille de l’Amiral rentra à la maison avec le sourire.

C’était le printemps.


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cochyo

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Re: Le Temps des Surplombs - Chapitre 2 : Sources des Saisons [Fantasy-Steampunk-Aventure]

Message par cochyo »

Salut, je trouve ton histoire super. L'écriture est fluide, beaucoup de descriptions, et l'histoire est entraînante. Bravo ! Et j'attend la suite avec impatience !
Judas_Cris

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Re: Le Temps des Surplombs - Chapitre 2 : Sources des Saisons [Fantasy-Steampunk-Aventure]

Message par Judas_Cris »

cochyo a écrit :Salut, je trouve ton histoire super. L'écriture est fluide, beaucoup de descriptions, et l'histoire est entraînante. Bravo ! Et j'attend la suite avec impatience !
Merci beaucoup !! :D
La suite arrive dans une petite semaine ! ;) (je te posterais une update sur ton mur)
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Re: Le Temps des Surplombs - Chapitre 2 : Sources des Saisons [Fantasy-Steampunk-Aventure]

Message par hyppie »

dark-vince a écrit :Bien entendu que vous pouvez suggérer !! :mrgreen: Ce que je voudrais pour l'introduction, c'est une musique de fête mais, contrairement aux musiques suivantes du chapitre, dans un cadre intimiste : il y a la fête au Surplomb dehors, mais on est encore dans la maison, à découvrir les personnages, il faudrait que la musique rende compte de cet aspect, qu'elle donne l'impression que les choses se déroulent dehors mais que nous sommes dedans, tout en étant assez colorée pour correspondre au thème de l'habillement et à l'impatience joyeuse de Yulia.
Hum... ça fait un peu beaucoup de critères, non ? Pas étonnant que j'ai pas vraiment trouvé ce que je voulais ! :lol:
Effectivement xD Mais ça doit pouvoir se trouver !
dark-vince a écrit :Un ÉNORME merci pour les corrections !! :D Quelques fautes d'inattention (et pourtant le prototype de ce chapitre est écrit depuis 6 mois, je l'ai beaucoup relu) et toujours mes approximation sur les accords des participes :lol: (et ça, même le programme Voltaire a pas réussit à me faire comprendre comment ça marchait exactement)
Et merci, c'était super pratique pour corriger !! :D

Merci beaucoup !! Je pense poster le second chapitre dans deux ou trois jours maximums ^^
Pas de soucis, ça arrive ! Y a un truc que notre prof' de français nous avait donné pour éviter les fautes : relier ce qu'on a écrit phrase par phrase depuis la fin du texte ^^
C'est qu'ils sont fourbes ces accords xD
dark-vince a écrit :ps : pour "Sa colossale masse métallique, dont on pouvait à présent voir l’armature, les tuyaux, les soupapes, les nacelles, les canons, pesait sur Yulia comme sur tout habitant présent à proximité de ce monstre." c'est la colossale masse métallique qui pèse sur Yulia ; dont on peut voir l'armature, les tuyaux, etc.

Et pour le chapitre 2 même s'il y a moins d'action dans ce chapitre je l'ai préféré au premier :3 En plus il ne me semble pas avoir trouvé de fautes, bravo ! :D
Judas_Cris

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Re: Le Temps des Surplombs - Chapitre 2 : Sources des Saisons [Fantasy-Steampunk-Aventure]

Message par Judas_Cris »

Je suis toujours preneur :3

La méthode serious business O.O (ouais sauf que je réécris souvent des passages que je trouve moyennement formulés quand je corrige, donc peut-être en dernière relecture alors :3 )

Qu'est-ce que l'action au final ? :mrgreen: Il y a des choses bien plus intéressantes que plein de monde qui courent partout ;)
hyppie

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Re: Le Temps des Surplombs - Chapitre 2 : Sources des Saisons [Fantasy-Steampunk-Aventure]

Message par hyppie »

Si je trouve quelque chose qui pourrait convenir je te fais signe :3

T'as vu ça xD Oui bien sûr seulement en dernière relecture ^^ Ca permet d'éviter toutes les fautes que tu vois pas en te relisant, puisqu'au bout d'un moment tu connais ce que tu as écrit donc la relecture est moins efficace.

Oui effectivement vu comme ça :lol:
DanielPagés

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Re: Le Temps des Surplombs - Chapitre 2 : Sources des Saisons [Fantasy-Steampunk-Aventure]

Message par DanielPagés »

hyppie a écrit : T'as vu ça xD Oui bien sûr seulement en dernière relecture ^^ Ca permet d'éviter toutes les fautes que tu vois pas en te relisant, puisqu'au bout d'un moment tu connais ce que tu as écrit donc la relecture est moins efficace.
:
C'est une technique des correcteurs : corriger en partant de la fin pour ne pas se laisser embarquer par l'histoire. J'avoue que ça rend la correction très désagréable.
Moi je relis à voix haute en prononçant bien avec une bonne intonation, comme si je le lisais à quelqu'un... et je trouve ça très efficace. On est bien mieux concentré et on entend certaines coquilles, le mot qui manque ou en trop, le temps qui va de travers, les répétitions... etc.
Je fais ça pour mes romans à moi systématiquement quand j'ai écrit un chapitre par exemple. Ça me permet aussi d'entendre la musique de mes phrases.
Judas_Cris

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Re: Le Temps des Surplombs - Chapitre 3 : Symphonie des Hauts et des Bas [Fantasy-Steampunk-Aventure]

Message par Judas_Cris »

Et hop, le chapitre 3 est là ! (et le fichier .pdf du topic enfin édité !) Un peu plus long, il est assez particulier et contient pas mal de passages que je qualifierais de "sensibles", j'espère que vous l'apprécierez !
Encore une fois les musiques sont optionnelles, et si vous préférez lire en silence pour mieux comprendre le texte, vous faites un bon choix. Pour indication, la première partie du chapitre a été écrites sans musique, les deux dernières avec. C'est un chapitre où on retrouve des musiciens dont je suis très fan : Boards of Canada, Chet Faker, et Radiohead ont tous composés des albums que je peux écouter en boucle pendant des journées entières. Trouver les deux premiers morceau a été beaucoup plus long, mais j'ai finis par trouver exactement ce que je cherchais avec un morceau composé pour Homestuck (que j'ai trouvé parmi les 32 albums du webcomic, mais j'avais son thème en tête depuis un moment grâce au superbe remix qu'en a fait Toby Fox) et du Mozart : ça colle parfaitement aux ambiances des passages en question ;)
N'hésitez pas à commenter et dire ce que vous en pensez surtout ! ça me motive et me fait plaisir ! :mrgreen: (et si vous avez une question, même -ou plutôt surtout- sur un sujet délicat, posez-là ! Je réponds franchement et sans mordre :D De même, si vous voulez réagir à des propos de mes personnages, surtout dans des chapitres nécessitant beaucoup de nuances et parfois des explications, comme celui-ci, faites-le !)
Sur ce... enjoy !





CHAPITRE 3 : Symphonie des Hauts et des Bas




Une fois que les températures furent suffisamment remontées et qu’on ne frissonnait plus lorsque le soleil nous était caché, le caractère agité de Yulia reprit le dessus. Si, avec le passage des saisons, certaines jeunes filles avaient décrété être trop grandes pour jouer à la balle ou pour courir la cité en faisant des cabrioles, ce n’était certainement pas le cas de la fille de l’Amiral ! Toujours fourrée dans les coups les plus fumeux, la petite provoquait souvent l’exaspération de Marisa en revenant à la maison après avoir déchiré une robe ou un pantalon. La Dragon Angora, qui la surveillait au dehors, ne prêtait attention qu’à son intégrité physique, et Marisa n’avait pas encore osé lui reprocher un manque de vigilance.

Une chose avait pourtant évolué : désormais, une fois rentrée de la ville, Yulia investissait la petite pièce aménagée en salle de bain. Elle se récurait des pointes de cheveux aux ongles des pieds, comme si elle ne supportait plus d’être salle à la maison. Cela ne l’empêchait bien sûr pas de se rouler dans les tas de pailles ou de pierre de chauffes, pas plus qu’elle avait renoncé à se trainer sur les toits et le long des murs mais, du moins en intérieur, elle se montrait plus soignée, ce qui faisait dire à Marisa qu’on réussirait peut-être à en faire une dame. La petite, bien entendu, ne voyait pas cela ainsi, et chaque fois qu’une idée de ce genre était exprimé par sa gouvernante, elle soupirait bruyamment, levait les yeux au ciel, et précisait longuement que, si elle aimait prendre des bains de vapeur et se laver, elle n’allait pas pour autant enfiler des jupons ou porter du maquillage.

L’apparat des dames ne l’intéressait nullement : les quelques fois où Marisa essaya de refaire sa garde-robe, elle s’obstina à afficher un air de désintérêt obtus. Angora la surpris par contre quelques fois à lorgner en cachette sur ses habits masculins lorsque ceux-ci séchaient sur la corde au balcon, mais n’en dit rien à personne.
Inspirée par la floraison des jardins de la ville, Yulia voulut mettre sur pied sa propre plantation. Elle réquisitionna le balcon, et Angora lui procura des graines. Senex lui fit quelques cours théoriques sur l’agriculture, Marisa lui confectionna une robe de jardinage, et on installa des pots qu’on fertilisa quelques jours avant que Yulia ne s’en désintéresse. Marisa prit alors le relais et ils eurent un jour au diner trois carottes biscornues provenant de leur mini jardin sur le balcon. C’était d’ailleurs une des seules fois où Yulia put voir Marisa faire elle-même la cuisine.

Le service à la maison était assuré par des domestiques obéissant à la Matrone. C’était généralement des jeunes femmes citoyennes de la cité que l’on engageait pour quelques mois. Logeant à l’extérieur, Marisa leur ouvrait tôt le matin et les renvoyaient en début de soirée une fois que les corvées étaient assurées. Yulia était régulièrement placée sous leur direction lorsque sa gouvernante voulait qu’elle prenne part aux tâches ménagères, mais n’avait jamais eu l’occasion de développer de vraies relations : les filles étaient sérieuses, taciturnes, et ne restaient jamais plus de trois mois. Elles faisaient la cuisine, nettoyaient le séjour, entretenaient le feu dans le poêle, et se pliaient aux volontés de la maitresse de maison. Senex lui avait dit un jour que c’étaient de jeunes filles dont les familles avaient besoin d’argent, et qu’elle ne devait pas gêner leur travail ou leur manquer de respect.

Les carottes du balcon n’étaient pas très bonnes, et Yulia se dit que ça n’allait pas encourager Marisa à retenter une préparation culinaire. Elle avait rarement à se plaindre de la nourriture servie par les domestiques, mais participait elle-même peu aux menus —Marisa refusant de manger des biscuits tous les jours. Senex avait bien tenté de lui faire un cours sur l’équilibre dans l’alimentation, mais la fille de l’amiral avait réfléchi à autre chose tout du long.

La plantation sur le balcon ne fut pas reconduite, et la jardinière demeura stérile dans un coin le reste de l’année.

A la demande de son précepteur, Yulia commença à étudier des parchemins seule. Elle lisait déjà beaucoup —une lourde bibliothèque trônait dans sa chambre— mais c’était pour les plupart des livres de contes ou d’images écrits en langue Impériale moderne, rien en rapport avec les lourds volumes d’érudits écrits dans des dialectes archaïques. Avant l’avènement de l’Empire et la mondialisation des échanges, les Surplombs communiquaient uniquement avec leurs plus proches voisins, si bien que chaque région avait sa propre façon d’écrire, ses propres anciens parlers, dans une déclinaison chromatique folle. Ce à quoi l’avait entrainé Senex, c’était à s’adapter au style de langue auquel elle était confrontée : tous les dialectes de l’Empire archaïques partageaient une proche parenté, si bien qu’avec quelques notions de base on pouvait parfaitement appréhender un texte ancien. Les personnes ayant grandi avec le système Impérial n’en étaient pas tout à fait capables, et Yulia en tirait profit pour jouer des tours à Dick-Tale ou à Marisa.

La Dragon lui demandait parfois ce qu’elle étudiait le soir, penchée dans un bouquin, et la plupart du temps ce n’était pas bien folichon : quelque obscure traité, des textes philosophiques… mais parfois Senex lui confiait des textes sympathiques : elle avait ainsi parcouru un ancien recueil de nouvelles fantastiques, et un dictionnaire des superstitions. Elle demanda à étudier plus de fiction et, à partir du début de l’été, elle étudiait tour à tour un texte savant et un texte littéraire.

Peu à peu, elle remplaçait les petits livres d’enfant qu’elle ne lisait plus par des volumes d’adultes, et sa bibliothèque eut un air plus respectable. En faisant ses inventaires, la jeune fille constata l’absence de deux livre d’images qu’elle retrouva, à sa grande surprise, dans le fauteuil d’Angora, sur la terrasse…

Elle sourit et les laissa à leur place.



Peu après, Yulia mis la main sur la transcription d’une pièce de théâtre. Sa gouvernante lui parlait souvent des grands théâtres de la Capitale, aussi lui proposa-t-elle de jouer la pièce avec elle. Marisa fit la moue et expliqua que ce qui comptait dans les théâtres n’était pas tant le spectacle que la fréquentation des gens importants : aller au théâtre était un divertissement mondain, la pièce avait peu d’importance en elle-même. La jeune fille fut très déçue par cette réponse, elle qui s’imaginait enfin avoir trouver une activité qui pourrait les intéresser toutes les deux… Pour lui remonter le moral, Senex et Angora se proposèrent au jeu.

Personne n’ayant vraiment lu le texte, on se distribua les feuilles et décida d’improviser une représentation. Si elle refusait de jouer, Marisa fit préparer un rideau de soie rouge dans le séjour afin de recréer une scène —même si Yulia pensait que c’était une manœuvre pour se faire pardonner, ou du moins compenser en s’impliquant. La jeune fille déclama son texte avec quelques hésitations, mais n’hésita pas à prendre des voix et des poses dramatiques. C’était un jeu qu’elle trouvait déjà amusant, et elle multipliait à loisir les interprétations à l’envolée. Les premières scènes, courtes, présentaient son personnage, un jeune noble éprit d’une jeune femme dont le serviteur le renseigne en secret sur sa belle. Senex, incarnant ce serviteur malin, lui donnait la réplique, et était dans un jeu plus subtil, arrivant à jouer l’ironie dès la première lecture. Lorsque des personnages tiers apparurent dans l’intrigue, ce fut le tour d’Angora de prendre le texte, mais son jeu se révéla vite… peu convaincu. Son rythme de lecture était non seulement beaucoup plus lent que celui de Yulia et Senex, mais elle semblait avoir beaucoup de mal à vraiment jouer les personnages. Elle essaya bien une ou deux grimaces, mais ce ne fut pas convainquant. On ne s’en formalisa pas —ce n’étaient que des personnages tiers, après tout— Yulia s’amusant déjà assez à jouer son prince crédule et romantique à outrance. A la fin de l’histoire, elle fut envoyée en exil par le gouverneur du Surplomb —et père de la belle que le prince convoitait— sans avoir jamais pu entrapercevoir la belle, malgré toutes les promesses du serviteur…

Marisa fit tomber le rideau, et applaudie. Yulia se dit qu’elle devait jouer le public, et reconnaissait qu’elle était convaincante dans son rôle.

— C’était amusant, reconnu Angora, mais je ne le referais pas souvent, je n’ai pas l’air très douée pour le théâtre…

Yulia eut beau démentir fortement, elle ne fit que confirmer ce que pensait la Dragon qui retourna à sa posture indolente.

Senex ne put s’empêcher de lui faire un petit cours sur le théâtre classique. Marisa confirma que les femmes n’avaient pas le droit de jouer sur une scène, considéré comme dégradant, et que c’était sans doute pour cela que, dans la pièce qu’ils venaient de jouer —ils l’avaient plus lus que jouée, mais elle ne releva pas le choix du terme—, tous les rôles étaient masculins, et que la princesse évoquée à maintes reprises n’apparaissait jamais. Yulia fit part de son incompréhension : pourquoi donc considérer que les femmes n’avaient pas le droit de jouer la comédie si des garçons le faisaient ?

— Il est des conventions qui régissent nos vies, ma petite, lui dit Marisa d’un ton résigné. Une femme se doit d’être digne, c’est un impératif que nous dicte notre sexe, et il nous serait plus immorale qu’à quiconque de nous montrer dans des matières favorisant la débauche ou la légèreté.

Sa gouvernante lui fit comprendre qu’en tant qu’enfant elle était autorisée à se montrer légère, à jouer innocemment, mais que cet âge prendrait fin un jour, et qu’elle devait s’y préparer.

Yulia repensa à ses amies des années précédentes qui, à la fin de l’hiver, avaient refusé de revenir s’amuser avec elle. Elle vit également en Marisa l’enfant qu’elle avait dû être jadis, et la prise de conscience de cette lente métamorphose d’une jeune fille joueuse en vieille femme digne lui causa une sourde angoisse.
Lorsqu’elle eut ses premières règles les semaines qui suivirent, ce fut un vrai drame.

Elle fut trouvée au matin, en pleur, les draps de son lit déchirés et balancés aux quatre coins de sa chambre. Marisa fut la seule au courant. Elle se montra rassurante, lui expliquant longuement le phénomène et lui disant qu’elle pouvait en parler à Senex si elle voulait des détails sur la biologie de son corps. C’était naturellement les Gardiennes du Temple qui s’occupaient de ce genre de choses, mais en l’occurrence Yulia n’eut que Marisa pour soutient, et cette dernière remplit admirablement son rôle, la réconfortant et la rassurant.

Il y avait cependant une incompréhension fondamentale entre elles : Yulia n’avait pas vraiment peur de son corps qui commençait à changer, mais elle avait peur de ce que ces changements allaient impliquer dans sa vie.

Les journées qui suivirent furent moroses, et elle ne sorti pas. Elle fureta à la maison, triste, grappillant des livres, faisant les travaux que lui réclamait Senex sans que Marisa ne lui demande rien. Elle se couchait tôt et mangeait peu.

Angora finit par, un jour, la prendre par la main, et la forcer à sortir en sa compagnie. Elles longèrent le port sans que la vue des navires ne puisse réchauffer le moral de la fille de l’Amiral. Alors qu’elles remontaient l’avenue du Forum, la Dragon lui avoua :

— Marisa m’a dit que tu avais eu tes premières règles, mais depuis tu t’es beaucoup renfermée. Ça te fait mal ?

— Ce n’est pas ça, soupira la jeune fille qui trouva la question stupide mais refusa d’en dire plus.

— Qu’est-ce que c’est alors ?

— C’est juste que…

Elle soupira, puis inspira et pesta :

— Rah ! C’est trop injuste ! Je ne veux pas grandir !

Les sourcils de la Dragon s’élevèrent bien au-dessus de ses yeux.

— Quoi… c’est tout ?

— Oui ! ragea-t-elle. J’ai pas envie de grandir ! Pourquoi mon corps commence-t-il à devenir celui d’une femme alors que je veux rester une petite fille ? C’est trop nul ! Les grandes personnes n’ont plus le droit de courir partout, on doit porter des robes tous les jours, et on a plus le droit d’être amis avec les garçons ! C’est nul, je ne veux pas de ça, moi ! Je ne veux pas devenir une dame mais…

Elle serra les points et baissa les yeux.

— … mais j’ai peur de devenir comme ça malgré moi.

Angora ne dit rien. Elles s’assirent sur un accotement et elle écouta alors que la petite reprenait.

— Quand je regarde mes amies de l’été dernier, que je connais depuis des années, je vois bien qu’on était pareilles petites : on courait ensembles, on parlait des mêmes choses, on avait les mêmes… idées. Quand on discutait des grands, on se moquait d’eux, on se moquait des dames qui se maquillaient trop, on se moquait du fait qu’elles ne pouvaient rien faire sans leurs hommes… Mais quand j’y repense, il s’est opéré une transformation lente chez elles, et elles n’en ont même pas eu conscience. Peu à peu, elles se sont habituées à agir comme les adultes et, peu à peu, elles sont devenues ces mêmes adultes dont on se moquait quand on était enfant. A la fin de l’hiver, quand je les aie revu, quand on a pris le thé ou qu’on a discuté, c’était comme… comme si on ne pouvait définitivement plus se comprendre, comme si elles étaient passé de l’autre côté.

Elle inspira longuement. Une larme perlait dans son œil mais elle la retint.

— Et, avec ce qui m’est arrivé cette semaine, je me rends compte que je grandis moi aussi, et j’ai peur qu’il m’arrive la même chose qu’à ces filles. J’ai peur que, sans m’en rendre compte, je change petit à petit et, qu’au final, je ne sois plus moi-même. J’ai… J’ai peur de grandir.

Elle s’arrêta, se triturant les pouces. Angora réfléchit un moment, la tête levée, le dos appuyé contre la souche d’un arbre. Lorsqu’elle reprit la parole, elle ne baissa pas la tête, mais conserva la même attitude, celle qui était familière à Yulia.

— Grandir ce n’est pas devenir quelqu’un d’autre. Ton corps se transforme, c’est vrai, mais il est toujours le tien et c’est avec toi qu’il change. On change dans sa tête au cours d’une vie, je ne vais pas te mentir, mais jamais, je dis bien jamais, tu ne perds le contrôle. La société est une force : elle est composée de milliers d’individus qui se formatent entre eux, comme une manufacture géante où les ouvriers fabriquent d’autres ouvriers qui vont calibrer les ouvriers suivants. Tes anciennes amies, c’est exactement ça : on leur a mis dans la tête depuis toute petite ce qu’une dame devait être, et elles ont suivis ce schéma parce que, d’une certaine manière, c’est le plan de calibrage qu’emploi leur famille et leurs amis, le seul système de valeur dans lequel on leur a permis d’évoluer, et c’est aussi le cas de Marisa. Cela n’en fait pas de mauvaises personnes, c’est juste que c’est ainsi qu’on leur a appris à penser, ainsi que la manufacture les a calibré.

Elle se redressa, les coudes sur les genoux, fixant toujours droit devant elle :

— Mais toi, Yulia, tu as une chance que n’ont pas eu ces filles : tu es en dehors de la manufacture. Tu en connais les représentations et les systèmes de valeurs, bien sûr, mais d’un autre côté tu en connais d’autres : il y a celui de Senex, la connaissance du passé, l’érudition, le savoir critique qu’il essaye de t’apporter ; il y a aussi, en quelque sorte, le mien, que je n’essaye pas de définir ; et bien sur celui des enfants : un système où ne compte que l’amusement, sans notion de genres ou d’âges… Ce dernier, tu l’as partagé avec tes amies, mais sais-tu pourquoi elles sont devenues des dames ?

Yulia fit non de la tête.

— Parce qu’en rentrant, tous les soirs, chez elles, tes amies entendaient leurs parents dire « prends soin de ta robe », « tu ne devrais pas trainer avec ces gens », « prends conscience de ta classe », « pense à ta condition de femme », et tout un tas de choses aussi horribles, répétées soir après soir. Et tes amies ont fini par le croire, par se dire que la norme était d’être une dame, et qu’être un enfant s’amusant était une voie sans issue, parce qu’on leur a dit qu’elle n’arriveraient à rien si elles ne devenaient pas des dames. Et tout ça, Yulia, tu ne l’entendras jamais à la maison. Ni moi ni Senex ni Marisa ne te dirons « cela est mieux que cela », « si tu n’es pas cela, tu ne deviendras rien ». On ne te privera jamais du contrôle que tu exerces sur ta propre vie, contrairement à ces filles. Ce n’est pas parce que tu vois des gens adopter un mode de pensé que tu vas les suivre, je peux te l’assurer : on ne devient que ce que l’on se permet de devenir.

Elle la regarda dans les yeux.

— Et toi, Yulia, tu peux devenir tout, j’y veillerais personnellement.

Yulia, émue et embarrassée à la fois, murmura un merci et réfléchit un moment, baissant la tête, alors que le vent chaud de l’été agitait doucement le feuillage sous lequel elles avaient terminé leur balade. Angora ouvrit un bouton supplémentaire de sa chemise et se rallongea, paisible, entre la pierre des bordures pavées et l’herbe au pied de l’arbre.

Des petits enfants passèrent, tenant dans leurs bras des cerfs-volants, et alors la fille de l’Amiral se ranima.

— Tu penses que si Dick-Tale me prête son Voltigeur, je pourrais essayer de voler un peu ?

— Hé, rit sa protectrice, ce n’est pas parce que je te remonte le moral que tu as le droit de faire n’importe-quoi !

— Allez ! Ce ne sera pas dangereux !

— Hum… J’imagine que tant que Marisa n’est pas au courant…

Sa figure s’illumina, et elles rirent toutes les deux, promettant de mettre en place ce plan au plus vite.

Angora l’emmena manger une glace chez un artisan du coin, et elles rentrèrent alors que le soleil déclinait. Yulia était à présent pleinement confiante : sa parenthèse d’angoisse avait pris fin. Elle grandissait et certaines choses changeaient en elle et autour d’elle mais, quoi qu’il arrive, elle sentait qu’elle avait la capacité de les maitriser tous. Elle prit la main d’Angora sur le chemin du retour, et demanda :

— Quand tu as dit tout à l’heure que tu assurais ma liberté… c’est en tant que ma protectrice officielle, ou en tant qu’amie ?

Cela lui arracha un sourire.

— Quel est ton avis sur la question ?




L’été touchait à sa fin, et Yulia surveillait l’horizon.

Cela faisait plus de onze mois que son père été parti, et aucune nouvelle du Nouveau Monde n’arrivait au Surplomb. En période de guerre, les correspondances et les compte-rendus de la presse étaient contrôlés attentivement, mais de toute manière Cathuba était à l’autre bout du monde, et aucun journal ne desservait leur Surplomb, tout au plus avait-on droit aux nouvelles contées par les marins de passages, souvent approximatives et rarement pleinement véridiques. Le trafic autour du Surplomb s’était d’ailleurs fait beaucoup moins important depuis le départ de son père

Initialement, Cathuba était un Surplomb secondaire, mais l’Amiral y ayant installé son administration et son régiment personnel, la cité avait pris de l’importance en quelques années. Avec la fin de son mécénat, l’attractivité avait chuté cette année, et Yulia avait pu voir de nombreux commerces fermer leur porte, le zouk s’était fait plus clairsemé et les ruelles plus calmes.

La bureaucratie de la Région s’était décentralisée progressivement, et seul le régiment d’Amirauté était resté, au grand désespoir de Juno qui voyait ses influences économiques fuir petit à petit, alors que Smath devait gérer les limites de juridiction des militaires et des gardes de la ville dont il assurait également le commandement. Les Administrateurs du Surplomb ne s’en tiraient pas trop mal, et il n’y eut pas d’incident majeur avec le Conseil de la cité qui continuait, cahin-caha, d’organiser la vie dans le Surplomb.

Yulia, elle, se préoccupait assez peu de tout cela. Son père lui avait fait une promesse qu’elle n’oubliait pas : il devait revenir la voir au bout d’un an.

Pendant une semaine, sans rien en dire, elle compta les jours. Le soir, avant d’aller au lit, elle faisait un détour par le balcon, et discutait avec Angora, de tout et de rien, en surveillant le ciel. Son père devait revenir, et elle guettait son armada. A mesure que les journées défilaient, elle passait plus de temps sur le port, à regarder au loin, au balcon, puis à la fenêtre de sa chambre, repoussant parfois beaucoup l’heure de son couché.

Elle était à la fois fébrile et enthousiaste. Cela faisait une année qu’elle n’avait pas vu son père. Sa barbe avait-elle poussée ? Avait-il reçut des blessures à la guerre ? Quels exploits pourrait-il lui raconter ? Lui avait-il ramené un cadeau ? Tout un tas de questions s’amassaient dans sa tête qu’elle n’osait pas expliciter.

A la maison, tous devaient avoir remarqué son impatience, mais on n’en disait rien, sans doute pour préserver l’effet de surprise. On la rappelait à table lorsqu’elle la quittait précipitamment pour aller à la fenêtre, et Angora lui dit un soir qu’elle devait dormir plus. La fille de l’Amiral était intenable pendant les leçons de Senex, et il lui donna encore plus de travail et de lecture, sans doute pour l’occuper. La petite n’écoutait pas, ou du moins pas vraiment.

On arriva à la fin de la semaine, où une chaleur écrasante s’était abattue sur le Surplomb. Yulia refit ses calculs, demanda confirmation à des marchands, vérifia discrètement le calendrier des scribes, mais tout était correct. Son père n’allait plus tarder, car il n’avait jamais été en retard. La jeune fille s’attendait à chaque instant à voir apparaitre les Ballons à Voile sur la ligne d’horizon.

Le dernier jour, sentant l’épilogue proche, elle resta toute la journée au balcon, demandant à Senex de lui épargner le travail de la journée. Elle y resta toute la matinée et, en début d’après-midi, Angora vint jouer aux cartes avec elle et resta à ses côtés.

Le ciel était d’un bleu doré, lourd, chaud. Des petites bandes de Brume s’étendaient, lascives, en Contrebas. La ligne d’horizon ondulait lentement au loin, sensible à la montée de chaleur, et les Surplombs voisins à peine visibles prenaient des formes insensées. L’astre solaire assommait les crânes de ses flammes. Marisa avait obligé Yulia et Angora à enfiler de larges chapeaux d’ombrage, et leur servit du thé glacé qu’elles sirotèrent en jouant. Elles bavardèrent peu, Angora fit une sieste dans le hamac qu’elles avaient installé, et la jeune fille ne détachait jamais vraiment son regard du lointain.

Mais rien n’apparut.

Le soir tomba, et elles rentrèrent souper. C’était un potage de légumes frais, et une fois qu’elle eut finit son assiette, Yulia partit dans sa chambre.

Son père devait arriver absolument le lendemain, il avait promis. Elle pensait qu’il aurait débarqué au plus tard la vieille, mais elle s’était apparemment trompée.

Elle dormi difficilement.



Le jour J, des nuages gris voilèrent le soleil, mais l’atmosphère n’en fut pas moins étouffante. Yulia se leva, et passa toute la matinée sans jeter un coup d’œil dehors. Personne ne fit de remarque, mais Senex ne lui confia à nouveau aucun travail, et Marisa la laissa tranquille. La jeune fille s’enfonça dans un des fauteuils du salon et parcouru des livres d’image.

A midi, elle demanda timidement si un navire avait accosté au port. Elle en connaissait la réponse, bien entendu : si son père était arrivé, il serait immédiatement venu la voir…

Le reste de la journée passa horriblement lentement. Le temps s’obscurcit, et on dit redouter un orage. Yulia finit par se poster à sa fenêtre, assise sur une chaise, les bras croisés sur le montant, le menton dans les coudes. Elle écoutait distraitement l’horloge mécanique du séjour frapper les heures, mais resta comateuse, les yeux figés vers l’horizon à présent caché par les nuages.

En début de soirée, il se mit à pleuvoir, d’abord timidement, puis de plus en plus fort. Angora lui demanda si elle voulait aller jouer sous l’eau, mais elle répondit à peine. La pluie était assez rare dans la Région, et c’était généralement un soulagement au Surplomb lorsqu’elle tombait. Les plantations et les habitations étaient approvisionnées en eau par le Temple qui la puisait de la cheminée du Surplomb, mais la pluie décrassait les rues, humidifiait la terre, et c’était alors jour de grand nettoyage pour les navires de la flotte.

A l’appartement, on ferma les fenêtres, et Yulia fut bercer par les picotements de l’averse jusqu’à ce que la nuit tombe.

Marisa vint la voir :

— Mademoiselle Yulia Mangora, il faut aller vous coucher.

Elle ne décolla pas son museau de la vitre, l’air échappant de ses narines embuant le verre.

— Mon père n’est pas venu, dit-elle simplement, las.

— L’Amiral Ford est sans doute très occupé, bredouilla sa gouvernante, il doit avoir quelques jours de retard…

— Non, je ne penses pas, répondit-elle. Si mon père avait voulu venir, il aurait tout fait pour être là déjà hier… S’il n’est pas venu, c’est qu’il ne voulait pas. Il devait avoir… plus important à faire, j’imagine.

Une petite goute coula sur sa joue, mais elle ne cilla pas.

— Ne dis pas ça… Ton père t’aime énormément, mais il n’a pas pu venir te voir cette fois-ci. Un peu de patience…

Elle eut un rictus qui écrasa son petit nez contre la vitre.

— Je ne suis pas très douée pour attendre apparemment, hein, Marisa ?

— Ne sois pas cynique, mon enfant, ce n’est pas bon pour tes humeurs…

Yulia ne dit plus rien, retombant dans son mutisme. Marisa resta un peu, rangea quelques vêtement trainant au sol, redressa mécaniquement une paire de fleurs dans leur vase, et finit par sortir, non sans avoir soufflée les bougies autour du bureau.

Plongée dans le noir, Yulia laissa couler ses larmes. Ce n’était pas une tragédie, et elle se demandait même pourquoi elle était si triste, mais… Son père n’était pas venu. Il avait promis d’être de retour avant la fin de l’année, et il n’était revenu. Et s’il était partit pour toujours ? C’était une idée stupide bien entendu, mais quelque part Yulia se sentait réellement abandonnée.

Elle pleura longtemps, en silence.



De l’autre côté de la porte, Angora levait trois doigts, presque prête à frapper pour entrer… Mais sa main de chair s’immobilisa, et retomba tristement. A quoi bon, si elle n’avait rien à lui dire ? Elle était sa protectrice, une guerrière, elle ne pouvait pas guérir les peines de cœur, quand bien même elle en éprouvait de semblables…

Silencieuse, la Dragon se retira.





Yulia rangea la chaise, se déshabilla lentement, et se glissa dans ses draps glacés. Ses yeux avaient séchés, et elle se trouvait léthargique. Le sommeil la prit rapidement, réparateur.

Elle rêva.

Des songes obscurs, menaçants, sourds.







Elle se réveilla, étourdie, engourdie.

Un glissement feutre était dans la pièce, presque aussi silencieux qu’elle. Il en était ainsi des rêves, sans doute. Quelque impression fugace aux cœurs des ombres, et puis le retour du sommeil ? Il lui sembla distinguer quelques bruits de pas sur ses tapis, mais elle n’y prêta pas attention.

A ces heures de la nuit, ce genre de choses de comptait plus : peu importait son nom, peu important sa vie, elle voulait juste se reposer, plonger dans cette apathie du sommeil lourd qui l’étourdissait. Déjà ses sens se montraient contradictoires. Tombait-elle ? Flottait-elle ? Etait-elle dans ce lit ou déjà autre part ? Elle se laissa aller, libre et fatiguée…
Jusqu’à ce que l’on craque une allumette et allume une bougie sur son bureau.

Les ombres se mirent à danser au plafond, suivant les ondoiements de la flammèche. Yulia avait les yeux à moitié ouvert, mais ne réagit pas tout de suite. Deux silhouettes se formèrent progressivement dans le clair-obscur.

On murmura son nom.

Yulia se redressa dans le lit, relevant ses fines couvertures d’été. Il semblait y avoir là deux personnes, debout. Encore somnolente, la petite n’en fut pourtant pas effrayée, plongée dans une sorte d’aphasie émotionnelle, encore captive de ses rêves. Celle qui avait parlé prit la bougie et la porta près de son visage, révélant des lunettes fines et une courte barbe.

La jeune fille vit son père.

Il lui sourit tendrement, et parla tout bas :

— Nous n’avons pas beaucoup de temps, Yulia, mais je ne comptais pas rater notre rendez-vous. Comment s’est passé cette année ma fille ?

Les larmes lui virent. Sans voix, elle tira les draps à elle. L’Amiral s’assit en bout du lit, la couva d’un regard paternel.

— Ne parle pas trop fort, précisa-t-il, je ne voudrais pas réveiller les autres, ils dorment si paisiblement…

Elle lui dit tout, sans retenue, entre larmes et rires.

Son père l’écouta tout du long, attentif, souriant. Lorsqu’elle s’arrêta, il la prit dans ses bras.

La jeune fille huma longuement son odeur. Elle y sentait mille et une chose, du végétal, du vent, du métallique… Et son père l’embrassa sur le front.

Il lui dit alors :

— Prends toujours soin des gens que tu aimes, ma fille. La vie ne sera pas tendre, je le sais. Tu dois te préparer à traverser des épreuves, Yulia. Je ne pensais pas que tout irait si vite, et que je ne serais pas auprès de toi dans cette situation…

La petite serra du poing le manteau du grand homme.

— Pardonne-moi, ma fille, je suis en train d’impliquer ma famille dans quelque chose qui vous dépasse. Peut-être me fais-je seulement des idées mais… C’est une bonne chose que tu sois restée à Cathuba, je préfère te savoir ici que sur le Nouveau Monde : au moins, tu es en sécurité.

Il la couva du regard. La jeune fille sentait la fatigue la reprendre lentement.

— J’aimerais te faire un cadeau, Yulia. Ouvre ta main.

Elle lui présenta sa paume, et il déposa un collier. C’était une bille métallique ouvragée, parcourue de fines gravures, crochetée à une cordelette.

— Nous n’avons pas pu fêter ensemble ton anniversaire cette année, ma chérie, alors considère ceci comme mon présent.

Il lui referma le poing sur collier, et elle le colla à sa poitrine, émue. Son père l’embrassa à nouveau et se releva.

— Il faut que tu me promettes, Yulia, de ne parler de ma visite à personne. Je ne suis pas censé être là, et je ne veux pas qu’on le sache. Ce sera notre petit secret, d’accord ? Tu n’en diras rien, pas même à Marisa, d’accord ?

Elle promit.

Alors son père se retourna vers son acolyte. Pendant que la jeune fille était concentré sur l’Amiral, il avait allumé d’autres bougies et brulait quelques herbes dans un encensoir dont la fumée se répandait dans la pièce. Se concentrant sur lui, Yulia sut l’avoir déjà rencontrée : c’était Miwok Amory, le lieutenant…

L’Amiral lui fit un petit signe de la tête, et il commença à éteindre, une à une, les bougies. Alors que sa fille se renfonçait dans le lit, il réarrangea son couchage, veillant à lisser ses couvertures, et la borda avant de l’embrasser une dernière fois.

— Je suis heureux de t’avoir revu, ma fille, lui dit alors son père. Prends soin de toi et des autres, et n’oublie jamais que je serais là pour toi. Je te souhaite du bonheur, Yulia, mon enfant. Dors bien.

Alors que la fumée enivrante la poussait au sommeil, la dernière bougie fut soufflée, et ils s’évanouirent dans l’obscurité.

Yulia, déjà, était retournée aux domaines oniriques...





Lorsque le soleil matinal vient taper à sa fenêtre, la jeune fille entrouvrit les paupières. Rien, dans sa chambre, n’avait bougée. Ni les bougies de son bureau si la barre à sa porte.

Se relevant, encore brumeuse, elle s’aperçut que ses mains étaient vides.

Aurait-elle rêvé ? Les souvenirs qu’elle avait de la nuit étaient confus, très vagues… Anxieuse, elle se leva, inspecta le sol, souleva les tapis, ouvrit ses tiroirs. Elle retourna ses oreillers, et farfouilla frénétiquement dans ses couvertures.

Finalement, glissé tout au fond de ses draps, elle trouva le collier.

Le cueillant au creux de sa main, elle en examina les formes. La bille était lourde —sans doute était-ce du fer ou du plomb— mais sur sa surface courrait des petits sillons dessinant des spirales et des lignes. Yulia le regarda avec émotion, le caressa et l’embrassa, avant de se décider à le porter. Le pendentif vint se loger au creux de sa poitrine, chaud et apaisant.

Elle se jura de ne s’en séparer jamais.

Marisa frappa à sa porte. Apparemment, elle avait dormi plus que de coutume. Le sourire aux lèvres, la fille de l’Amiral enfila sa chemise et courut prendre le petit-déjeuner, son secret autour du cou.



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chapitre 4 à venir en fin de semaine prochaine !
Judas_Cris

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Re: Le Temps des Surplombs - Chapitre 2 : Sources des Saisons [Fantasy-Steampunk-Aventure]

Message par Judas_Cris »

DanielPagés a écrit :
hyppie a écrit : T'as vu ça xD Oui bien sûr seulement en dernière relecture ^^ Ca permet d'éviter toutes les fautes que tu vois pas en te relisant, puisqu'au bout d'un moment tu connais ce que tu as écrit donc la relecture est moins efficace.
:
C'est une technique des correcteurs : corriger en partant de la fin pour ne pas se laisser embarquer par l'histoire. J'avoue que ça rend la correction très désagréable.
Moi je relis à voix haute en prononçant bien avec une bonne intonation, comme si je le lisais à quelqu'un... et je trouve ça très efficace. On est bien mieux concentré et on entend certaines coquilles, le mot qui manque ou en trop, le temps qui va de travers, les répétitions... etc.
Je fais ça pour mes romans à moi systématiquement quand j'ai écrit un chapitre par exemple. Ça me permet aussi d'entendre la musique de mes phrases.
De plus en plus, j'aime lire mes textes à voix haute. Non seulement je trouve ça met en évidence la structure des phrases, mais je trouve ça vraiment plaisant de pouvoir ressentir soi-même son rythme, sa ponctuation, c'est quelque chose qui apporte beaucoup :D
Après, pour tout te dire, j'ai même envisager très sérieusement de m'enregistrer en lisant : il me fallait juste un bon micro, j'aurais lu, puis j'aurais habillé le fond sonore avec les musiques que j'ai sélectionné, et j'aurais monté la vidéo avec mon petit logiciel. Je réfléchissais déjà à caster mes amis pour doubler mes personnages avec des vrais voix ! Le projet est toujours vif dans ma tête mais j'ai deux impasses majeurs : 1) je n'ai pas de bon micro, et pas d'argent à y investir 2) mon bégaiement (même léger) rend très difficile une prise correcte sans coupure, j'ai essayé de lire et d'enregistrer le prologue et je confirme : il faudrait vraiment que je m'entraine pour être plus à l'aise et éviter les trébuchements répétés et les bégaiements. Mais du coup imaginer tout ça m'a donné envie de réaliser une série animé pour faire les doublages x) du coup si je deviens pote avec des graphistes, des musiciens, et des comédiens dans les années à venir, je pense que je vais essayer de tenter un projet dans le genre ! (oui,tout est parti de mon envie de faire une version audio de mes histoires, oui, je pars assez loin, mais ça fait bien six mois que j'y réfléchis)
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Re: Le Temps des Surplombs - Chapitre 3 : Symphonie des Hauts et des Bas [Fantasy-Steampunk-Aventure]

Message par berton »

J'ai lu la partie 1 du chapitre 1(je lirais la suite plus tard quand j'aurai plus de temps!),est c'est plus que prometteur!!
J'adore cette histoire,cette ambiance ,et aussi les personnages.
Je crois que pour l'instant mon personnages préférés et Dick-Tale (j'adore ce type de personnages,et rien que le fait qu'il ait un deltaplane et qu'il le maîtrise, je suis son idole. :o )
Senex aussi à l'air d'être sympathique,quand à l’héroïne,elle est du genre intrépide,non? :lol:
Mais j'aime bien les héroïnes du genre intrépides,il me tarde de la voir grandir(si elle grandit,mais je crois que oui)pour voir si elle reste comme elle est ou si elle change radicalement de caractère.
Des navires qui volent!!(oui,je sais,changement radical de sujet)
J'adore le concept,et je m'imagine pleins d'images,de scènes par rapport à ton texte (point très positif par rapport à moi).
Bref,je lirais la suite avec joie,et je veux bien que tu me prévienne,même si c'est inutile,puisque je n'ai pas encore rattrapé tout mon retard(un peu pour dire "je continue à te lire à 100% vu que c'est trop bien!!)
Ce message était très long,et désolé s'il ne te fait pas avancé ou s'il est trop enfantin... :roll:
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Re: Le Temps des Surplombs - Chapitre 2 : Sources des Saisons [Fantasy-Steampunk-Aventure]

Message par hyppie »

DanielPagés a écrit :C'est une technique des correcteurs : corriger en partant de la fin pour ne pas se laisser embarquer par l'histoire. J'avoue que ça rend la correction très désagréable.
Moi je relis à voix haute en prononçant bien avec une bonne intonation, comme si je le lisais à quelqu'un... et je trouve ça très efficace. On est bien mieux concentré et on entend certaines coquilles, le mot qui manque ou en trop, le temps qui va de travers, les répétitions... etc.
Je fais ça pour mes romans à moi systématiquement quand j'ai écrit un chapitre par exemple. Ça me permet aussi d'entendre la musique de mes phrases.
Je suis tout à fait d'accord, c'est hautement désagréable, mais pour le coup c'était un conseil pour le bac... Donc relire à voix haute aurait été un peu compliqué ^^
Et la technique de lire à voix haute est efficace pour la musicalité mais pas pour les fautes d'orthographe ou de conjugaison. En tous cas personnellement je n'entend pas mes fautes quand je me relis.


Roooh, Vincent avec ton préambule tu m'as trop donné envie de lire ce chapitre :'( Mais je ferai ça un autre jour il est trop tard ><
Judas_Cris

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Re: Le Temps des Surplombs - Chapitre 3 : Symphonie des Hauts et des Bas [Fantasy-Steampunk-Aventure]

Message par Judas_Cris »

Marjogch a écrit :Ayé, j'ai tout lu. Bon en tout premier lieu, l'histoire est très bien, vraiment très bien.
J'ai peu de mauvais points à dire. Je dirais plutôt des bémols.
Tout d'abord, les chapitres me semblent un petit peu long à chaque fois. Néanmoins, je sais comme il est plutôt difficile de stopper son histoire pour en faire un chapitre.
Second petit bémol, j'ai noté un peu de fautes d'orthographe mais, vu tout ce que tu écris, il est normal que certaines puissent t'échapper, d'où le travail de relecture par nous. ;)
Enfin, j'ai noté certaines phrases qui pourraient être tournées différemment mais sans choquées pour autant.

Points positifs maintenant:

Ton écriture est très fluide et agréable à lire. Tu alternes très bien entre ta narration et tes échanges. Je n'ai pas senti de lourdeur et j'ai trouvé une juste mesure dans tes passages descriptifs. On sent une grande culture générale dans ton écrit et un travail de recherche, ce qui est très bien.
Tes personnages sont très attachants et bien imaginés. C'est bien de pouvoir les suivre ainsi et s'imprégner ainsi de leur histoire personnelle.
Concernant l'histoire en elle-même, ton prologue met en haleine, ce qui est très bien, donnant ainsi envie aux lecteurs de deviner la suite. Tu as commencé à tisser la toile de ton intrigue, tout en douceur, donnant juste ce qu'il faut pour nous donner envie de continuer à te lire.
Je note également que tu prends le temps de nous présenter l'histoire, son contexte et les personnages, nous permettant ainsi de nous familiariser avec ce qui compose ton intrigue.

Voici mes quelques pensées avec cette première lecture. Concernant les fautes, souhaites-tu une correction (auquel cas j'imprime tes textes) ou tu as déjà quelqu'un qui le fait?
En résumé, tu as une très bonne histoire et j'aimerais être prévenue de la suite. Continue comme ça, c'est vraiment bien.
Marjorie :)
Il y a une époque où je considérais qu'un très bon chapitre était un chapitre très long, heureusement que tu ne m'as pas lu à cette époque là ! :lol: Aujourd'hui je pense qu'un bon chapitre fait la taille qu'il faut, ni plus ni moins, mais c'est vrai que j'ai tendance à les faire longs, ce qui n'est pas le plus adapté à la publication hebdomadaire... J'y ai beaucoup réfléchis (j’hésitai à poster tous mes chapitres découpés en fragments plus courts, ou à poster uniquement mes grandes parties d'une dizaine de chapitre : ça correspond à deux types de lecture différentes) mais j'ai préféré garder cet entre-deux qui n'est pas si mal à mon avis :mrgreen:
Du travail de recherche, il y en a eu oui... demandez à Koinkoin : je suis même allé vérifier comme fabriquer de la poudre à canon pour être certain que ce soit possible dans mon monde (où il n'y a que très peu de terre en Surplomb, donc des ressources limitées) Et bien il se trouve que dans mon monde on récure les murs des chambres à condensation de vapeur du Temple pour récolter du salpêtre (les vapeurs d'eaux ayant certains ions qui rendent ça possible) et qu'on l'assemble à de la pierre de chauffe et à du soufre qu'on trouve naturellement dans les sols des régions volcaniques... exactement comme un Surplomb donc :D (je détaillerais sans doute jamais le processus de fabrication de la poudre à canon dans un chapitre, alors j'en fait profiter, c'est gratos). Bref, oui, j'aime beaucoup faire des recherches, c'est presque aussi kiffant que d'écrire :3 D'ailleurs il y a certains noms de matière ou de vêtements qui pourraient vous être inconnu dans les prochains chapitres, désolé si ça gène un peu à la lecture mais il n'y a pas de synonyme non-anachronique.
Je me relis moi-même, et sur le forum on me signale déjà les fautes gênantes :) Pour ce qu'il reste, inutile de te fatiguer : si je veux un jour faire quelque chose de cette histoire (ce qui est le cas) il faudra que je la retravaille complètement lorsque la première version sera écrite ^^
Merci beaucoup Marjorie ! :D
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