Le Temps des Surplombs - Fin 3e Partie [Fantasy-Steampunk-Aventure]

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louji

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Re: Le Temps des Surplombs - Chap 26 [Fantasy-Steampunk-Aventure]

Message par louji »

Judas_Cris a écrit : lun. 08 mars, 2021 1:25 pm
C'est ça, et puis quand je ne fais qu'écrire les déplacements dans l'espace ça... m’ennuie ? je veux dire que littérairement c'est archi pas intéressant :| l'impression de faire une liste de course "ça, puis ça, puis ça" meh quoi. Du coup je cherche des moyens de sortir un peu de "monotonie de l'action" (bel oxymore :lol: ), surtout que la ponctuation a tendance à être lapidaire et enchaîner les cours paragraphes "choc", il faut varier un peu pour avoir du relief

J'écris en Calibri 1, la police par défaut de Word :geek: L'habitude crée le confort :lol: En terme de nombres : 7.600 mots, 46.000 caractères (espaces compris), si tu veux une meilleure idée du prochain chapitre en cours d'écriture

C'est ça ! Enfin presque, puisqu'ensuite il y aura un épilogue avec un petit personnage qu'on a pas vu depuis quelques temps :mrgreen: Hâte de l'écrire d'ailleurs cet épilogue car je vais y introduire LA méchante de la fin du récit :twisted:
Nan mais je vois bien ce que tu veux dire ! Ajouter de l'ambiance, rappeler les enjeux, etc ça apporte complètement à une scène d'action :)

Ah. 7,6k mots c'est juste un chapitre. Ah. On est pas sur les mêmes standards :lol: (tu devras le couper en 2 pour la publication tu penses ?)

Aaaah Dick-Tales il me manque :mrgreen:
(wow LA méchante ? :shock: genre c'était pas assez violent Viral ? :lol: )
Judas_Cris

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Re: Le Temps des Surplombs - Chap 26 [Fantasy-Steampunk-Aventure]

Message par Judas_Cris »

louji a écrit : ven. 12 mars, 2021 9:28 am
Judas_Cris a écrit : lun. 08 mars, 2021 1:25 pm
C'est ça, et puis quand je ne fais qu'écrire les déplacements dans l'espace ça... m’ennuie ? je veux dire que littérairement c'est archi pas intéressant :| l'impression de faire une liste de course "ça, puis ça, puis ça" meh quoi. Du coup je cherche des moyens de sortir un peu de "monotonie de l'action" (bel oxymore :lol: ), surtout que la ponctuation a tendance à être lapidaire et enchaîner les cours paragraphes "choc", il faut varier un peu pour avoir du relief

J'écris en Calibri 1, la police par défaut de Word :geek: L'habitude crée le confort :lol: En terme de nombres : 7.600 mots, 46.000 caractères (espaces compris), si tu veux une meilleure idée du prochain chapitre en cours d'écriture

C'est ça ! Enfin presque, puisqu'ensuite il y aura un épilogue avec un petit personnage qu'on a pas vu depuis quelques temps :mrgreen: Hâte de l'écrire d'ailleurs cet épilogue car je vais y introduire LA méchante de la fin du récit :twisted:
Nan mais je vois bien ce que tu veux dire ! Ajouter de l'ambiance, rappeler les enjeux, etc ça apporte complètement à une scène d'action :)

Ah. 7,6k mots c'est juste un chapitre. Ah. On est pas sur les mêmes standards :lol: (tu devras le couper en 2 pour la publication tu penses ?)

Aaaah Dick-Tales il me manque :mrgreen:
(wow LA méchante ? :shock: genre c'était pas assez violent Viral ? :lol: )
C'est EX-ACT-EMENT ÇA

Ahahah non je pense pas, généralement je dois couper en deux à partir de 9k mots

bien sûr que c'est DT :mrgreen:
Eheh, Viral est un peu unidimensionnel comme méchant, même si je l'aime bien ^^ Mon cast de méchant pour l'instant je dirais que c'est aussi Caesar Russ et Japhet dans une moindre mesure, l'Amiral Rouge et l'Amiral Sanguinaire aussi mais on les a pas encore rencontré "vraiment", et bien sûr le Sénat qui agit plus comme une entité menaçante que comme un personnage
louji

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Re: Le Temps des Surplombs - Chap 26 [Fantasy-Steampunk-Aventure]

Message par louji »

Judas_Cris a écrit : lun. 15 mars, 2021 2:07 pm
C'est EX-ACT-EMENT ÇA

Ahahah non je pense pas, généralement je dois couper en deux à partir de 9k mots

bien sûr que c'est DT :mrgreen:
Eheh, Viral est un peu unidimensionnel comme méchant, même si je l'aime bien ^^ Mon cast de méchant pour l'instant je dirais que c'est aussi Caesar Russ et Japhet dans une moindre mesure, l'Amiral Rouge et l'Amiral Sanguinaire aussi mais on les a pas encore rencontré "vraiment", et bien sûr le Sénat qui agit plus comme une entité menaçante que comme un personnage
Aaaaah j'ai hâte de le retrouver ce gamin insolent, il est excellent :mrgreen:
Oui, je comprends pour Viral ;) C'est le méchant facile à détester, car il est là essentiellement pour pourrir la vie de Yulia & co. Du coup je suis plutôt curieuse à propos de cette future antagoniste... J'ai aucun doute avec toi qu'elle saura être complexe. Concernant les autres antagonistes que tu mentionnes, je t'avoue qu'effectivement l'Amiral Rouge et l'Amiral Sanguinaire sont des figures un peu lointaines pour moi. Je sais qu'ils sont pas dans notre camp, mais j'ai un peu du mal à les considérer comme de véritables menaces qui peuvent surgir brusquement (contrairement à Viral par exemple).
Judas_Cris

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Re: Le Temps des Surplombs - Chap 28 [Fantasy-Steampunk-Aventure]

Message par Judas_Cris »

Bonsoir tout le monde !
Ca fait quelques semaines que ce chapitre aurait du sortir, je suis un peu désolé du retard ^^' Mais on est enfin au bout :D Ou plutôt... presque :twisted: En effet, vu que le chapitre est trop long pour le forum, je vais le séparer en deux et poster la partie suivante la semaine prochaine ;) Mais ne t'en fais pas Louji, j'ai coupé à un moment paaas du touuuuuuuuuuut ennuyeux :mrgreen: :mrgreen:
Bon, assez rigolé, je vous laisse lire ^^
Encore un IMMENSE merci à Enora qui assure la correction, toujours la meilleure à la barre de ce navire à la dérive qu'est le Temps des Surplombs :D


La situation :

Le plan de nos héros pour rencontrer le Vice-Amiral Wöllner a marché et il leur a révélé de nombreuses informations, parmi lesquelles la dernière position de l'Amiral Ford connue au Nouveau Monde. Mais malheureusement l'Inquisition les a capturé avant qu'ils n'aient pu s'enfuir et le Sénateur Caesar a tué Wöllner. Cependant, Merriam Matthias, l'inquisitrice que Yulia avait rencontré au bal alors qu'elle se faisait passer pour une noble, déclenche un plan d'évasion avec les mercenaires de l'Amiral de Veleria. Elle libère ainsi les corsaires et abat son supérieur l'Inquisiteur Shiqqera. Une course poursuite s'engage et, alors que le groupe (mené par Merriam car Taylor a été blessé) tente de s’enfuir par les souterrains, ils sont rattrapé par Viral, l'Inquisiteur qui a ravagé Cathuba et menacé Yulia. Une explosion survient et nos amis sont renversé par un éboulement de scorie qui les entraine dans les boyaux de l’aciérie...


Pour un rafraichissement sur les personnages, référez-vous au résumé du chapitre précédent !




Chapitre 29 : Au bout du tunnel


Un poids qui écrasait tout son corps. Le goût du charbon dans la bouche.

Yulia était compressée. Aveugle. Elle voulut crier et mordit dans quelque chose qui se disloqua sur sa langue et elle réprima un haut-le-cœur. Elle n’entendait rien d’autre que le roulement ininterrompu de la multitude. Ces milliers de petits morceaux qui se déversaient sur elle, au-dessus d’elle et en-dessous d’elle. Ils étouffaient tout. Surchargeaient ses sens. La griffaient de partout. Opprimaient son petit corps.

Jusqu’à ce que le roulement cesse. Et que la fille de Ford soit immobilisée, tordue dans une position indescriptible qu’elle ne comprenait pas vraiment.

Elle sentit couler sur sa tempe un liquide inhabituel. De la sueur ? Du sang ? Panique. Où étaient ses bras ? Où étaient ses jambes ? Elle gesticula avec la force du désespoir, prise dans une nasse crayonneuse et opaque. Ses doigts s’écorchèrent sur des agrégats plus ou moins solides. Jusqu’à ce que, se retournant dans tous les sens à ne plus savoir distinguer le bas du haut, sa main perce le toit de son monde.

Elle remua l’index, le majeur et l’annulaire. Aucune résistance. La liberté au-dessus de sa tête.

Ses mouvements avaient déclenchés de nouveaux roulements, mais elle distingua malgré tout une voix. Un cri.

Et une main saisit la sienne.

La tira vers la lumière.


— Je te tiens ! Je te tiens ! Je ne voulais pas te lâcher, je le jure ! Je le jure ! Oh, par la Vapeur ! Tu vas bien ?

Yulia se plia en deux et toussa à s’en arracher les bronches. Elle cracha. Un mélange de charbon et de sang. Lorsque sa respiration eut fini de siffler, elle se passa le revers de la main contre le nez pour essuyer ce qu’elle pensait être de la morve… mais ce fut une traînée de sang qu’elle aperçut sur sa peau.

— Là, là… Laisse-moi faire.

Merriam sortit du revers de sa veste un mouchoir en papier et entreprit de lui nettoyer le visage.

La jeune fille ferma les yeux pour calmer sa respiration. Quand elle les rouvrit, elle porta enfin attention à la femme qui l’avait prise dans ses bras pendant l’éboulement. Elle ne se rappelait pas qu’elles aient été séparées. Elle ne se rappelait même pas vraiment de la chute. Il n’y avait eu… que ce roulement incessant. Comme si elle avait sauté une ligne en lisant le récit de sa vie.

Yulia voulut parler. Elle avait toujours sur la langue cette pellicule astringente et sur les dents comme de la poudre de craie.

— Je… Je vais bien. Je crois.

Elle reposait à présent contre un mur de pierres grossières. A ses pieds se terminait le gros tas de scories, mélange de reste de fontes, de terres solidifiées et de morceaux de charbon détériorés. Il y en avait partout et les déchets avaient dégringolés sur encore plusieurs mètres dans le conduit qui se tapissait de ces restes que les ouvriers devaient descendre drainer de temps à autre. L’obscurité y était presque totale si on excluait les champignons luminescents qui couvraient les plus hautes briques du bas plafond.

Penchée au-dessus de la jeune fille, il y avait Merriam Sidegard Matthias. Sœur de l’Amiral de Veleria. Lieutenante d’Inquisition. Et à présent au fond d’un trou, l’uniforme déchiré de toute part et couverte de traces de charbon. Elle avait même perdu un gant.

— Oh, ma pauvre, marmonnait-elle en frottant la frimousse de Yulia.

Quand elle examinait sa mise, l’héritière de Ford n’était pas mieux lotie. Son beau drapé de cuivre n’était plus qu’une loque, et sa tunique crème avait été éventrée par la caillasse. Sa ceinture et ses chausses cependant, pièces plus résistantes, avaient tenues bon et elle n’avait pas perdu la dague de Kella Mokrane. Il en allait autrement pour ses bracelets, bien qu’elle ne sache pas vraiment quand elle les avait perdus au cours de l’évasion.

Derrière la femme accroupie se dressa une silhouette.

— Tu peux marcher ? demanda Hikari.

L’Ātoli se tenait le bras gauche au niveau du coude. Il avait plusieurs grosses entailles sur le front, le torse et les jambes, mais aucune ne semblait vraiment profonde. Sur son conseil, Yulia remua les doigts de pieds dans ses bottes et ne perçut aucune gêne.

— Oui, affirma-t-elle. Où sont les autres ?

Dans ce souterrain, il était difficile d’y voir à plus de deux mètres devant soi. Et tout était affreusement silencieux.

— Les décombres m’ont jeté un peu plus loin et j’ai sorti la Velerienne dès que j’ai pu marcher, expliqua-t-il. J’ai bien peur qu’on ne soit les seuls à être tombé dans ce conduit-ci.

Yulia se souvenait : il y avait eu trois bouches, au fond de la cuvette dans l’usine. L’éboulement des scories devait avoir séparé leur groupe.

— Je ne sais pas où nous sommes tombés, leur avoua l’Inquisitrice. Mais ces galeries mènent aux grandes cavernes, là où les Arsenaux se débarrassent de leurs déchets sans se poser de questions. Les autres Corsaires doivent être dans des galeries parallèles.

— Donc en suivant ce couloir… on a une chance de retrouver Taylor et Nadj ? en conclut Hikari. Parfait alors. Nous devrions nous mettre en route avant que les Impériaux n’essayent de suivre.

Merriam se releva et épousseta son costume. Elle soupira.

— Une Matthias secourue par l’héritier des Nokoto… L’Histoire apprécie assurément les ironies.

— Laissons les querelles de nos lignages au passé, conseilla le jeune homme. Vous êtes une amie de l’Éclat, et l’Éclat est ma nouvelle famille.

La sœur de l’Amiral de Veleria hocha la tête, lasse. Elle marmonna cependant :

— Que penserait mon frère s’il me voyait à présent ?

Hikari aida à remettre Yulia debout et sourit.

— Et que penserait mon père, lui qui a consacré sa vie à la guerre contre les vôtre ? Il n’est pas ici, et je ne lui laisse aucun droit de regard sur mes faits et geste. Commençons par survivre aujourd’hui, nous penserons demain à réparer les torts de nos ancêtres.

Merriam cilla un bref instant. Puis elle lui rendit son sourire.

— Décidément, glissa-t-elle à Yulia, Taylor sait s’entourer de gens de bien.





Un bras puissant tira la Paladin de l’éboulement. Léoda toussa, cracha et rouvrit les yeux.

Au-dessus d’elle, Ashä la Première Épée creusait avec ses mains pour la libérer de la gangue de débris. Quand enfin elle put se dégager les jambes, elle aurait pu tomber et dormir là pendant des heures, mais la sabreuse la soutint malgré son poids.

— Reste avec moi ! Reste avec moi ! lui ordonna-t-elle. J’ai besoin de ton aide !

Un peu plus loin, on entendait gémir.

Elles ne furent pas trop de deux pour secourir Taylor et Nadejda. La pilote n’avait pas lâché leur Capitaine et l’avait protégé de son corps. Léoda s’en mordit les doigts. C’était à elle qu’on l’avait pourtant confié. Dans la confusion, l’avait-elle lâché ? Avait-elle abandonné le Sans-nom ?

La déserteuse était inconsciente, mais pas Taylor. Il respirait difficilement et sa main s’accrochait encore à la manche de sa pilote. Il bredouillait sans qu’aucun de ses subordonnés ne parvienne à le comprendre. Le regard perdu, entre douleur et peur.

Ashä se pencha sur la poitrine de Nadejda.

— Elle est vivante ! annonça-t-elle au grand soulagement de la Paladin.

Elles la tirèrent de là et l’allongèrent à côté de Taylor qui finit par sombrer à nouveau dans le coma. Irïlan fut trouvé non loin et il se révéla globalement intact. Ensuite, ils eurent beau farfouiller tous les trois dans les tas de déchets, ils ne trouvèrent plus personne.

Épuisée, Léoda s’écroula contre un mur. Était-ce une galerie antique ? Un égout ? Où étaient-ils donc tombés ? Ashä vint s’installer à côté d’elle.

— Content de te voir en un seul morceau.

Cette déclaration déconcerta la Paladin. En temps normal, elle aurait gardé cet étonnement pour elle-même, mais la fatigue et le soulagement la firent parler sans réfléchir :

— Je… Je croyais que tu me détestais, pourtant.

Sa parole surprit la Première Épée plus qu’aucune des bottes qu’ait tenté la géante au cours de leurs duels. Elle bredouilla quelque chose. S’interrompit. En désespoir de cause, elle lui passa un bras autour des épaules. Cela ne fit que perturber encore plus la Paladin. Alors Ashä inspira et dit :

— Je ne te déteste pas, Paladin Léoda Klane. C’est… Je n’aurais pas dû te dénigrer, d’accord ? C’était idiot de ma part. Toi et moi on ne se comprend pas mais… On est membre du même équipage et ça veut dire quelque chose. D’accord ?

Aussitôt sa déclaration faite, la sabreuse détourna le regard, mais l’autre pouvait voir qu’elle était gênée. Quel drôle d’instant. Toutes deux exténuées, assises contre un mur dans un souterrain obscur, en plein milieu d’une tentative d’évasion ayant tournée au vinaigre. Et c’était maintenant qu’elles se décidaient à briser leurs tabous ? Ce constat lui arracha un rire âcre.

La Thamari se releva, piquée dans sa fierté.

— Comment oses-tu te moquer ? Alors que…

La grande femme leva une main en signe de paix.

— Merci pour ces mots. Inutile d’en dire plus tant que nous ne sommes pas tirés d’affaire tu ne crois pas ?

L’autre se renfrogna.

— Ne me fais pas la leçon là-dessus.

— D’accord, d’accord, sourit Léoda.

Puis elle apostropha Irïlan, qui examinait les blessures de leur Capitaine.

— Voltigeur ! Tu penses à ce que je pense ?

— Quoi ?

— Lorsque le Capitaine n’est plus en état de commander, il y a un ordre de succession hiérarchique.

Ashä voulut protester, mais Léoda ne lui laissa pas la parole.

— Le livre est très clair : en l’absence du Capitaine, c’est la Première Epée qui prend le commandement. Gros Tom pourrait le confirmer, mais il n’est pas là. A vrai dire…

Elle voulut se relever, mais le plafond était trop bas. Alors elle se tient aussi droite que possible, et couva du regard Taylor et Nadejda inconscient, Irïlan à leur côté, et la petite Ashä qui lui faisait face.

— Je crois bien qu’on soit les derniers membres de l’Éclat encore opérationnels. Alors, Capitaine Ashä, quels sont vos ordres ?

La femme aux deux sabres s’était figée. Elle se mordillait la lèvre et serrait les poings, indécise.

— Merde, chuchotait-elle. Je n’étais pas prête à ça.

— Aucun de nous ne l’était, lui assura Léoda.

Enfin, Ashä prit une grande inspiration et se ressaisit.

— Très bien, alors allons retrouver les autres. Léoda, tu portes Taylor ; moi, je m’occupe de Nad’. D’accord ?

Ses deux subordonnés opinèrent du chef sans une hésitation. Elle ajouta pour elle-même :

— J’espère qu’Angora et la petite vont bien…





Merriam fit rouler la molette de son briquet à amadou. Une étincelle. Puis une petite flamme verdâtre se dessina au creux de sa paume.

— Suivons les conduits, dit l’Inquisitrice, et on finira bien par sortir.

— Est-ce bien prudent d’allumer un feu, avec tous ces déchets de charbon autour ? demanda Hikari.

— Probablement pas, mais je préfère pouvoir regarder où je mets les pieds.

Yulia les suivait tous deux, en suivant la courbure du souterrain de la main. Son pas n’était pas encore bien assuré et elle avait peur de tomber si elle ne se tenait pas. A Hikari, elle avait assuré pouvoir se débrouiller, mais c’était surtout qu’elle ne voulait pas les retarder. Car elle souhaitait plus que quiconque s’éloigner au maximum de ceux qui les poursuivaient toujours.

A présent que Viral les avait vus ensemble, quel était le plan de Merriam ? Yulia imaginait à peine l’inquiétude qui devait s’emparer de son amie à l’idée que sa position soit compromise. Peut-être s’imaginait-elle que rien n’était perdu. Si on l’avait vu accompagnant les Corsaires fuyards, sans doute pouvait-elle encore prétendre avoir été enlevée de force ? Après tout, ce n’était pas comme si l’autre Inquisiteur avait posé la moindre question avant de lancer l’assaut.

Si quelque doute la taraudait, la femme n’en laissait rien paraître. Elle menait leur petit groupe sans se laisser une minute de répit. Yulia trouvait en elle le même courage qu’en Kella Mokrane ou, dans une certaine mesure, Taylor. Ces hommes et ces femmes qui, frappés par l’adversité, ne se permettaient aucun apitoiement et sautaient immédiatement au combat. Ce n’était pas qu’ils possédaient une solution à tous les problèmes, mais qu’ils étaient mus par la profonde conviction qu’il existait une solution à chaque problème et ils investissaient toute leur énergie dans sa recherche.

Son père avait-il été de cette trempe ? Sa fille n’aurait plus sût le dire. Elle ne l’avait pas vu depuis quoi ? Un an et demi ? Presque deux ans ? La Yulia qui l’avait connu n’était pas la même que celle qui avançait à présent dans les sous-sols de l’Arsenal. Comme si ç’avait été une personne différente qui avait évalué ses proches et forgé ses souvenirs, à l’époque où Cathuba n’était pas assiégée par l’Inquisition.

— Nous y voilà, annonça Merriam.

Et, en effet, ils y étaient. La fin du tunnel. Une bouche ouverte, au milieu d’une paroi de grès. L’écoulement des scories et déchets se poursuivaient plus bas, créant une sorte de pente irrégulière et instable. Plus loin, c’étaient les cavernes. Comme des trous dans un pain mal pétri, elles parsemaient les sous-sols du Surplomb de la Capitale. Au plafond, des stalactites et des colonies de champignons bleus. Au sol, des lacs souterrains et des algues roses. La flore irradiait d’une douce luminescence, reculant progressivement devant la virulence du briquet de l’Inquisitrice. A leur lumière, cependant, Yulia pouvait apercevoir d’autres bouches comme la leur, sur les autres parois. Parfois très hautes, parfois très basses. Certaines d’entre-elles étaient écroulées, d’autres encore reliées par des pontons et des échafaudages branlant et pourrissant.

— A l’époque où cette ville s’appelait encore Tramis, expliqua la femme, ses habitants utilisaient les cavernes pour se cacher ou s’enfuir lors des raids. Aujourd’hui, plus personne n’attaque la Capitale et ces aménagements servent la contrebande, alors l’Inquisition traque ces passages secrets pour les détruire. Les galeries officielles, comme celle de l’aciérie, sont regroupées dans une archive publique. J’aurais dû me douter que Viral y penserait aussi.

— Ce qui est fait est fait, dit Hikari. Pensons plutôt à retrouver nos camarades.

Merriam se tordit les doigts.

— Nous devrions plutôt rejoindre votre navire, jugea-t-elle. C’est un vrai labyrinthe ici, et nous ne savons même pas où les chercher.

— Vous ne savez pas où débouchent les autres tunnels ?

— Non, admit-elle. Si nous étions à la Tour, je pourrais obtenir les plans et les consulter… Mais notre chute ici est une improvisation totale, je ne suis pas préparée.

Hikari pesta en son dialecte.

— J’ai besoin de savoir, reprit Merriam. Où se trouve votre navire ? Où se trouve l’Éclat ?

Le jeune homme lui retourna un drôle de regard.

— Ce n’est pas parce que je vous accepte comme alliée que je vous prête une confiance aveugle. Vous restez une Inquisitrice.

Elle soupira.

— L’Inquisition a déjà cette information. Shiqqera le savait, j’ignore comment, mais il me le cachait encore. Les autres Inquisiteurs doivent être au courant aussi, j’ai juste besoin d’être mise à niveau pour nous guider.

— Comment savoir si vous dites vrai ? Le mensonge est…

Yulia s’avança d’un pas et coupa la parole à Hikari.

— L’Éclat stationne aux cavernes de Torth’uggram, chez le contrebandier Ravachol.

Hikari la fusilla du regard.

— Merriam nous a sauvés la vie, lui glissa-t-elle. Je lui fais confiance, et Taylor aussi.

Plutôt que de rester fâché, le jeune Ātoli grommela et haussa les épaules, comme si au final tout cela l’indifférait. Ils régleraient leurs contrariétés plus tard, quand ils se seraient définitivement tirés de ce guêpier.

Merriam, elle, remercia la jeune fille d’un signe de tête silencieux et sortit sa boussole.

— Torth’uggram… Torth’uggram, répétait-elle en alignant son aiguille. C’est vers le sud-est… le sud-est…

Quand enfin ils se mirent en route, Yulia scruta le lointain derrière eux en espérant apercevoir leurs compagnons. Ils ne devaient pas être sortis bien loin, mais les cavernes étaient nombreuses, de taille très variables, et parfois reliées entre elles par des méandres incroyablement longs par rapport à la distance théorique. A essayer de tracer un plan mental des lieux, elle se perdait déjà passé trois salles.

Merriam les guidait, avec son briquet, aussitôt suivie de la jeune fille, puis Hikari fermait la marche. Ils pataugeaient souvent dans quelques centimètres d’eau, soulevant des brouillards de vases. Jusqu’à ce que, après un temps interminable, leur guide ne leur indique une rampe, à moitié décrépie mais encore debout.

— Là, c’est le chemin d’Auberon !

Ledit chemin se composait d’un ponton suspendu à mi-hauteur des cavernes, serpentant entre les grandes stalagmites, les ouvertures et les chutes d’eau. Son bois craquelé, colonisé par la mousse, n’invitait pas à la confiance ; mais on pouvait y voir, çà et là, des traverses et des réparations qui témoignaient que quelqu’un l’entretenait encore. Yulia et Hikari en montèrent les premières marches, déclenchant un concert de grincements sans que la structure ne semble en souffrir plus que cela.
— La légende veut qu’Auberon Orsova s’enfuit de la Capitale par cette piste lorsque la Garde Impériale nomma Jørn Hoem Hjelle Empereur. Il l’aurait fait construire en secret, pour infiltrer des troupes Arkadiennes et renverser son père, mais l’aurait bien utilisée pour fuir le coup d’Etat.

Yulia, qui connaissait aussi bien ses Empereurs que les versets de son poème favoris, s’interrogea :

— Cette piste aurait deux cent ans ? Mais aucun bois ne peut durer aussi longtemps !

— L’Inquisition l’a entretenue, expliqua la concernée. C’est pratique d’avoir ses routes secrètes quand on est une police politique…

Elle voulait bien l’admettre. En suivant la boussole de l’Inquisitrice, la jeune fille en déduisit que le chemin d’Auberon devait traverser la Capitale du nord au sud. Un sentier bien caché mais fort pratique. Les contrebandiers en avaient-ils connaissance ? Si c’était le cas, elle aurait été prête à parier qu’ils s’en tenaient aussi éloignés que possible si les Inquisiteurs y descendaient à l’occasion.

A mesure qu’ils progressaient en direction des cavernes du sud, le regard de Yulia se perdait parmi les merveilles du monde souterrain. Ils contournaient de grands piliers, se faufilaient par des failles naturelles et apercevaient mille choses encore. Au-dessous du ponton sillonnaient des rivières souterraines aux cours lascifs, des lacs immobiles et lumineux ou encore des cascades vives et éblouissantes. Il s’y étalait toute une myriade de champignons, algues et plantes grimpantes, chacune rayonnant d’une nuance de couleur différente. Parfois, elle surprenait un mouvement furtif ou une petite plainte étouffée.

L’une d’elle, un peu plus lointaine que les autres, l’interrogea cependant. Elle se retourna un bref instant.

— Je crois que j’entends quelque chose…

— Ne t’attarde pas, lui conseilla Merriam. Ce n’est sans doute rien. Et plus on s’attarde, plus le risque qu’on soit rattrapé est grand.

Yulia obéit. Cependant, elle ne parvint pas à s’enlever son idée de la tête et le cri lui parvint encore, déformé par la distance et indéchiffrable.

Avant qu’elle n’ait pu insister de nouveau sur ce qu’elle entendait, Merriam dressa aussi la tête.

— Qu’est-ce…

— Ah, tu vois ! Toi aussi tu l’entends !

— Planquez-vous ! cria l’Inquisitrice.

Trois petits appareils passèrent en vrombissant dans la caverne. Leur guide en lâcha son briquet et se planqua contre une rambarde. Ses deux associés furent plus lents et Yulia trébucha dans son affolement.

C’étaient de petits planeurs, propulsés à une vitesse folle par des moteurs de chasseurs. Ils laissèrent dans leur sillage une trainée grise qui retomba sur le chemin d’Auberon. Les appareils remontaient du sud. Et ils les avaient vus. Une des fumées infléchit sa course et braqua vers les trois fuyards.

Merriam jura à s’en arracher les poumons. Elle dégaina son flingue et pressa six fois la détente. Yulia se boucha les oreilles au son des détonations. Ses yeux ne quittèrent cependant pas le planeur qui trembla un instant et vrilla pour s’écraser contre une paroi. Son moteur explosa immédiatement et les flammes de l’essence consumèrent en quelques secondes la mousse de la caverne.

Les deux autres appareils avaient continué leur route. L’Inquisitrice n’en pesta que plus.

— Il faut quitter le chemin ! Vite !

Yulia, paniquée, la suivit quand elle enjamba le parapet pour se laisser tomber en contrebas.

— Qu’est-ce que c’était que ça ? hurla Hikari pour se faire entendre.

— Ça ? reprit la femme. C’était une patrouille impériale ! Viral nous a retrouvés, il faut nous cacher.

Le cœur de Yulia battait comme une gigue. Elle avait du mal à entendre ses compagnons avec ce tonnerre intérieur. C’était comme si son oreille n’était braquée que sur son souffle et son pouls. La peur lui étranglait le ventre aussi impitoyablement que les flammes léchaient la carcasse de l’éclaireur.

Les mains se posaient sur la pierre et la mousse. Dérapaient. Elle glissait pour suivre Merriam dans sa descente. Pour se rassurer, elle serrait dans son poing la perle en plomb de son collier.

Était-ce sa main ou le talisman qui la brûlait ainsi ?





Ashä portait Nadejda sur son dos. La pilote pesait plus lourd que ce qu’elle avait d’abord pensé, mais elle n’osait se plaindre à Léoda qui portait Taylor. Leur entente était encore nouvelle, mieux valait ne pas l’émousser avec des caprices. Devant, c’était Irïlan qui menait la voie.

— Comment tu sais qu’on se dirige vers le sud ? demandait la Paladin au garçon.

— Je connais cette plante, disait-il en désignant la sorte de mousse qui poussait ici sur les parois. A Tœmoy on l’appelait la boussole du mendiant ! Ses tiges pointent toujours vers le nord.

— Pratique.

— Ça ne nous sauvait pas des coups de grisous, mais quand on était séparé du groupe on avait tout de même une chance de rentrer avant que la brume ne monte.

Pratique, en effet, jugeait Ashä. Elle brûlait de partir à la recherche d’Angora et Yulia, mais ses responsabilités l’obligeaient à penser d’abord à la survie de ses hommes. Or, ils ne pouvaient se permettre de perdre du temps à fouiller les environs. L’Éclat était un point de rendez-vous tout désigné. Les survivants s’y retrouveraient. Elle ne pouvait que serrer les dents et espérer y voir la Dragon et la jeune fille.

Depuis quelques minutes, ils sillonnaient en dessous d’un drôle de passerelle. Un chemin suspendu, fait de poutres et planches envahis par la mousse. Tous l’avaient jugés trop instable pour s’y risquer, mais sa présence avait quelque chose de rassurant. Ils n’étaient pas totalement perdus. D’autres avaient suivi ces cavernes, et en étaient ressortis.

Comme Léoda s’arrêtait pour plonger sa main dans l’eau fraîche et s’éponger le visage, Ashä proclama la pause. Elle serait courte. Personne ne souhaitait s’attarder.

Nadejda fut allongée dans un parterre de petites fleurs bleues et sa porteuse put enfin retrouver son souffle. Ses oreilles sifflaient toujours un peu après l’éboulement, aussi elle ne s’en aperçût pas tout de suite. Ce fut Irïlan qui se redressa, sans prévenir, et tendit l’oreille.

— Quelque chose vient, annonça-t-il.

Et il eut raison. Un vrombissement emplit la caverne et deux traînées de fumée passèrent la faille avant de voler vers eux. Ashä plissa les yeux. C’étaient deux petits appareils, des sortes de chasseurs impériaux mais dénués de lourde carlingue ou de blindage. Légers sans doute, manœuvrables à coup sûr pour voler dans un souterrain.

Allié ou ennemi ? Avant que les Corsaires ne l’aient déterminé, les appareils ouvrirent le feu.

— Position de combat ! hurla Ashä.

Elle se précipita à couvert d’un rocher et tira Nadejda jusqu’à son couvert. Irïlan n’était déjà plus en vue. Léoda, elle, plongea dans le lac avec Taylor alors que des impacts de balles criblèrent la pierre. Une stalagmite vola en éclat.

Du huit millimètres, au moins, jugea Ashä. Ces salauds avaient des mitrailleuses de l’Inquisition ! Quelles étaient leurs armes, à eux ? Ils avaient perdu leurs fusils dans l’éboulement. Ashä avait toujours ses sabres, et Taylor sans doute son revolver à la ceinture. Mais il était inconscient. Et dans les bras de leur pire tireuse, qui plus est.

Léoda se hissait hors de l’eau, à l’abri derrière une colonne de grès. Elle tira Taylor, qui heureusement n’avait pas bu la tasse dans son sommeil.

Les appareils ennemis passèrent en trombe au-dessus d’eux. Ses yeux suivirent leur trajectoire et elle les vit amorcer une manœuvre pour revenir vers eux. Ils allaient avoir droit à une seconde salve. Que faire ? Que faire ? Que FAIRE ?

Soudain, quelque chose surgit du fond de la caverne. On aurait pu jurer qu’un oiseau prenait son envol. Mais c’était une forme un peu plus grande. Plus rapide aussi. L’ombre bondit et percuta un aéronef. La mitrailleuse rugit mais il était trop tard pour l’engin. L’aile se disloqua, comme arrachée, et la forme sauta sur le second appareil.

Ashä s’était figée de stupeur. A présent le planeur revenait vers eux, agité d’un combat interne qu’elle ne percevait pas. Une vrille. Et l’appareil piqua du nez.

Deux explosions balayèrent la caverne, coup sur coup. Du second foyer sortit une silhouette, vacillante.

Léoda agrippa la ceinture de leur capitaine et s’empara du revolver. Elle en braqua le canon droit sur la nouvelle venue dans un mouvement précipité.

— Ne tire pas ! lui ordonna Ashä.

Car elle avait reconnu la silhouette. Un sourire soulagé naquit sur son visage.

Angora sortit des ombres. De sa main couverte de sang elle tenait quelques pièces de moteurs, arrachées à la seule force de son bras. Elle haletait, visiblement éprouvée par ce combat. Ce n’était pas tous les jours que le commun des mortels pouvait admirer une Dragon Impériale en action. Ashä ne savait pas si c’était pour cette raison qu’elle souriait, béate, ou si c’était le soulagement de revoir son amie en vie. Les mots n’eurent pas à traduire son sentiment, car la femme aux cheveux rouges les prit dans ses bras.

— Où est Yulia ? demanda-t-elle quand elle eut repris son souffle.

— Pas avec toi ? s’étonna la sabreuse.

Un hochement de tête négatif lui répondit. Angora évalua leur groupe du regard.

— Alors elle est tombée dans le troisième conduit, en conclut-elle.

— Avec Hikari et l’Inquisitrice.

Hochement positif. Puis la Dragon tendit le doigt vers la passerelle qui les surplombaient tous.

— Merriam devait forcément connaître le chemin d’Auberon. Nous les trouverons plus loin.

Ashä assura sa prise sur ses sabres.

— Avec des ennemis ?

— C’est à parier.

Elle hocha la tête vigoureusement. Voilà un terrain qu’elle connaissait.

— Alors on se battra. Comme seuls des pirates savent le faire.





Yulia s’accroupit derrière Merriam. Un rocher les cachait à la vue de la passerelle.

— Vous avez des armes ? demanda en murmurant l’Inquisitrice.

— Une dague, répondit-elle.

— J’ai perdu mon fusil dans l’éboulement, avoua Hikari.

La femme grimaça.

— Il ne me reste qu’une dizaine de balles de revolver. Même pas de quoi charger deux barillets. Mon sabre ne va pas suffire.

Ils s’immobilisèrent. Depuis le passage des éclaireurs, les hommes de Viral étaient descendus dans la caverne. Les formes sombres et inquiétantes des soldats de l’Inquisition se détachaient de la ligne de la passerelle. Leurs fusils-baïonnettes chargés à l’épaule. Leurs lanternes balayant les parois de la caverne. Où était l’Inquisiteur ? Descendu avec eux ou resté à l’aciérie ? Yulia priait pour la seconde option mais ne croyait plus à sa bonne étoile.

A la pointe du revolver, Merriam écarta la feuille d’une fougère translucide. Les reflets bleus et roses dansèrent un bref instant sur son visage puis s’évanouirent dans l’obscurité.

— Par ici, chuchota-t-elle.

Ils la suivirent. Les bottes de Yulia s’enfoncèrent dans une boue visqueuse et malodorante quand elle voulut enjamber une petite mare où sinuaient des têtards. Cette vie souterraine n’était pas le royaume des hommes. Les impériaux s’en tenaient à l’écart, perchés sur le chemin d’un Empereur mort il y a deux siècles, mais les trois fugitifs y rampaient, souhaitant y disparaître à jamais. La ville avait repoussé la nature dans ces recoins sinueux, lieux de ce qui se dérobe au regard.

La femme les mena entre les bases de trois stalagmites. Il y poussait une mousse un peu plus claire qu’ailleurs, mais aucun champignon. De là, elle pointa du canon l’extrémité visible de la passerelle au-dessus d’eux :

— C’est là qu’ils sont entrés.

Il y avait un goulot d’étranglement dans la caverne. Le chemin d’Auberon y passait, mais une stalactite avait grandi jusqu’à en écraser une portion, et un nouvel échafaudage la contournait.

— On aurait la place de passer discrètement, analysa Merriam. Mais il y a un peu trop monde.

En effet, c’était une cinquantaine de soldats de l’Inquisition qui se tenait sur la voie. L’Inquisitrice leur avait désigné et Yulia la voyait à présent : la trappe par laquelle ils étaient descendus. Il s’agissait d’une valve ouverte sur la paroi la plus proche de la caverne. Une échelle métallique y grimpait, sans doute jusqu’à la surface.

Mais le plus terrorisant se trouvait droit devant eux. Le Colonel Inquisiteur Viral Azziel Kell-Ozteròn.

L’homme se tenait au milieu de ses soldats et leur dictait ses ordres en claquant la langue. Il examinait ce qui ressemblait à une carte. Celle des souterrains ? Probablement. Des patrouilles de quatre soldats partaient de ce point et remontaient le chemin. Sans doute à leur recherche. Le Colonel, après avoir organisé ses troupes, donna l’ordre de verrouiller la trappe. Que personne ne s’échappe de ce souterrain. Les trois fuyards assistèrent à la fermeture de la vanne sans intervenir. Yulia ne s’en inquiétait pas tellement. Il aurait été hors de question de sortir par-là, de toute façon. Ils devaient se faufiler dans la grotte suivante et regagner l’Éclat.

Mais cela voulait dire passer le goulet d’étranglement, solidement gardé par les soldats.

— Il faut les attirer ailleurs, conclue Merriam. Mais comment ?

— Tu as bien une dizaine de balles, c’est ça ? demanda Irïlan.

L’Inquisitrice hocha la tête mais ne comprenait pas où il venait en venir. Alors l’Ātoli exposa son plan.

Yulia se dit que ça pouvait marcher. Sa nouvelle protectrice, elle, s’autorisa quelques secondes de réflexion. Puis, constatant qu’elle n’avait rien de mieux à proposer, se rangea à l’avis du Corsaire.

— Yulia, prête-moi ta dague.

La jeune fille obéit. Merriam se saisit du cadeau de Kella Mokrane et attaqua le culot d’une de ces balles.

— Attention à ne pas toucher l’amorce de l’étui, la mit en garde Hikari.

La femme s’appliqua méticuleusement. Elle finit par ouvrir l’étui de la munition et, avec un soupir triomphant, en extraya la poudre explosive. L’opération fut répétée sur quatre autres cartouches, jusqu’à ce qu’un beau petit tas de poudre soit amassé dans la paume de sa main.

— Parfait. Maintenant, je vais placer les leurres.

— Je m’en occupe, assura Hikari.

Et les deux filles observèrent leur compagnon s’éloigner. Il avait emporté le briquet de Merriam ainsi que toutes ses balles. Lorsqu’il se fut assez éloigné – une vingtaine de mètres, peut-être ? Yulia n’aurait pas su dire– il plaça les munitions sur une pierre, en petit tas. Puis il répandit une traînée de poudre, qu’il laissa couler à mesure qu’il reculait. L’Ātoli s’arrêta derrière un rocher, à une dizaine de mètres d’elles. Un échange de regard. Et il alluma le briquet.

Le feu fut mis à la poudre qui se mit à crépiter joyeusement. La flammèche dévora les mètres aussi vite qu’un coup de vent. Un ou deux soldats aperçurent l’étincelle et se penchèrent, à l’affut d’un intrus. Puis le feu atteint les munitions. Et un tonnerre de détonations éclata.

Les balles fusèrent dans tous les sens, au hasard. Paniqués, les soldats de l’Inquisition se planquèrent derrière le parapet. Mais Viral hurla ses ordres et ils précipitèrent, baïonnette au fusil, vers la source des tirs.

Hikari, lui, avait rejoint les filles.

— C’est notre chance !

Merriam grimpa sur un rocher plus haut et aide la petite à la suivre. Ensuite, c’était une petite faille à enjamber. Et enfin, sauter sur la partie abandonnée du chemin d’Auberon. L’Inquisitrice effectua le saut la première. Yulia la suivit, manquant de tomber, puis Hikari les imita. Tous trois se planquèrent derrière un tas de planches et de poutres laissées là pour les réparations.

Les soldats ne les avaient pas vus. Viral les inondait toujours d’insultes alors que les premiers tiraient des cordes pour descendre examiner la source des détonations. C’était inespéré. Les voilà passés derrière les soldats.

— Allons-y.

Yulia et ses compagnons s’aventurèrent sur la portion abandonnée de la passerelle. Ils avaient le sentiment d’avoir fait le plus dur. Un soulagement grisant, légèrement euphorique. Ils laissaient derrière eux l’Inquisition, quelle joie ! On ne les avait même pas vus. Les fugitifs ne relevaient pas encore tout à fait la tête, mais ils marchaient un peu plus vite. Prenaient moins de précaution.

Yulia sut qu’ils auraient dû se méfier seulement après l’accident.

Le bois était vieux. Humide. Rongé par la moisissure et tant couvert de mousse que sa structure n’était plus visible. Un grincement sinistre déchira le silence. Sous leurs pieds, une poutre s’affaissa. Et les planches cédèrent sous Hikari.

Le jeune Corsaire ne put retenir un cri lorsqu’il fut avalé par le vide.

Yulia se figea. Son regard fouillait l’endroit où avait disparu son ami.

— Cours ! lui cria Merriam.

Les soldats s’étaient retournés.





Des coups de feu avaient éclaté plus loin. Angora avait lâché l’épaule d’Ashä et commençait à courir. Un pas après l’autre. Martelant les planches.

Le chemin empruntait un méandre sombre et étroit. Puis il y avait une autre caverne. En bas, une végétation courte mais dense, aux reflets roses. En haut, des champignons et du lierre teinté de bleu. Mais son regard était braqué sur l’autre extrémité. Au bout du chemin.

Des Impériaux. Des cris. Trop nombreux.

Angora tira son sabre.





Yulia détala aussi vite qu’elle le put. Ses pieds, abîmés par les coups, les chutes et la marche, tremblaient. Ou bien était-ce ses genoux ? Elle se cogna à une paroi. Se reprit de justesse. Et continua sa course.

Derrière elle, les bruits d’une lutte acharnée. Merriam affrontait Viral. L’Inquisiteur terrible. Le bourreau de Cathuba. Yulia ne craignait rien plus que de devoir affronter son regard à nouveau. Sa vision se brouillait à cette seule idée. Pleurait-elle ? Elle battait des mains devant elle pour s’ouvrir la voie. Vers l’Eclat.

— Tu ne la toucheras pas, Viral !

— Sale garce ! Je le savais : tu es une traîtresse ! On aurait dû te trancher la gorge et renvoyer ta tête à Veleria le jour de ton arrivée. Soldat, immobilisez-la !

Un grand fracas. Des cris.

— Dragon ! s’étrangla quelqu’un.

Le cœur de Yulia battait à toute allure. Elle balaya d’une manche les larmes sur ses yeux et serra les poings. Avec cette confusion, peut-être pouvait-elle réussir à s’échapper ! Elle allait rejoindre le port de contrebande et ramener tous les pirates qu’elle trouverait. Avec les Corsaires de l’Eclat, ils pourraient gagner ce combat ! Elle en était sûre. Il fallait juste qu’elle s’accroche, qu’elle continue à courir et que…

Coup de feu.

Yulia trébucha. Un souffle d’air lui échappa. Elle voulut reprendre sa respiration. Une fois. Deux fois. Rien à faire. Mal. Tétanie. Une crampe ? Maintenant ? Déboussolée, elle porta la main à son abdomen. Ses doigts se crispèrent sur un liquide poisseux.

La jeune fille fut traversée d’un seul –long et violent– spasme.

Elle s’étrangla et tomba avant de comprendre ce qui lui arrivait.

— Non ! Maudit ! criait-on, loin derrière elle, dans un monde qui s’apparentait déjà presque au rêve.

La voix fut étouffée. Par un bâillon, peut-être ? Mais une autre voix, celle qui peuplait les cauchemars de la jeune fille, continuait d’aboyer :

— Faites-la taire, enfin ! Et vous, bataillon, reconstituez la ligne. Vite ! Battez-vous, par la Vapeur et par l’Empereur ! Mitraillez-moi cette furie ! Je la veux morte. Morte. MORTE.

Yulia, au sol, serrait dans son poing le pendentif de son père. Sa main l’avait agrippé dans sa chute, par réflexe sans doute. Elle le savait plus qu’elle ne le voyait. Car sa tête avait heurté la passerelle et ne bougeait à présent plus. Sa vision tremblait et était floue. Il n’y avait que le vide et les premières planches du chemin, couvertes de mousses et rongées par l’humidité. Elle respirait encore, à son grand étonnement, mais ce n’était guère plus qu’un sifflement, terriblement douloureux.

Tous ses membres étaient comme pris dans une gangue de goudron. Elle avait l’impression d’envoyer des ordres, de HURLER des commandes, mais qu’aucune partie de son corps n’était plus reliée à son esprit. Seule. Seule, emprisonnée dans un corps vide de volonté.

A la merci de ses cauchemars.

Un pas lourd et menaçant avança vers elle. Elle en ressentit chaque vibration, dans le bois, dans sa chair. Jusqu’à ce que son œil ne soit face à une paire de botte.

La voix siffla.

— Toujours vivante, à ce que je vois.

Viral s’accroupit sur elle.

— J’aurais été déçu autrement, je l’avoue. Tu m’auras échappé un long moment, hein, Yulia

La façon dont il prononça son prénom la terrorisa plus qu’aucune des insultes qu’on ne lui ait jamais adressées. Il y avait, dans ce susurrement, une menace. Une promesse.

— A peine nous sommes-nous retrouver que tu voulais déjà t’enfuir ? Je ne te laisserais pas faire cette fois. Tu m’appartiens, petite. Le Sénat m’a cédé ta propriété en même temps que les biens et richesses de Ford. Tu pensais être libre ? Mais tu n’apparais dans aucun registre de Temple et tu n’es même pas citoyenne. Ta misérable vie vaut bien plus entre mes mains que perdue comme un chien errant. Moi, je peux te trouver une utilité. Moi, je peux jouir de ta possession. Je peux faire de toi ce que je veux, en toute légalité, et même te blesser ou te tuer… tu vois ?

A ces mots, il enfonça sa botte sous les côtes de la jeune fille. La douleur fut fulgurante. Ses muscles se contractèrent. Elle hurla et se recroquevilla en se tenant le ventre.

— Voilà ! triompha son bourreau. Tu vois que tu peux bouger quand tu veux. Ne t’en fais pas, je connais un bon chirurgien dans la ville. Il va t’enlever cette balle, te recoudre, et je lui demanderais peut-être même de t’arranger ce vilain nez de bâtarde.

Plus aucun souffle ne quittait Yulia sans être chargé d’une plainte. Elle n’avait jamais eu aussi mal. Il lui avait tiré dessus ? Elle avait une balle dans le corps ? Sa bave se déversait sur le plancher, colorée de grumeaux de sang. Un renvoi la fit tousser. Cracher.

— La prochaine fois que tu oublieras ta place, promit-il, ce sera bien pire. Compris ?

Avec le dernier assaut de la douleur, Yulia avait retrouvé quelques sensations. Au prix d’un grand effort, elle arrivait à remuer les doigts, mais le moindre spasme les renvoyaient contre sa blessure, à serrer de toute ses forces pour arrêter l’hémorragie.

Viral se pencha un peu plus vers elle. Elle pouvait voir, mieux que jamais, la cicatrice qu’elle lui avait laissée à Cathuba. Une main écarta une mèche de cheveux de la jeune fille et il lui prit le menton entre deux doigts. Lui releva la tête.

— Compris, ma fille ?

Ses mains à elle étaient sous son corps. L’une agrippée à son collier. L’autre pressée contre son ventre. A quelques centimètres de la dague de Kella Mokrane…

— Compris ?

Il lui fit ouvrir la bouche, parodie de parole.

Bouger quelques doigts. Bouger quelques doigts…

— Com-pris ? C O M P R I S ?

Saisir le manche. Le saisir de toutes ses forces.

Elle articula autre chose :

— Je… te… HAIS…

Yulia raidit son corps tout entier. Dans un sursaut de force, ses jambes poussèrent, sa gorge cracha une insulte indiscernable et elle brandit la dague.

D’abord, elle ne sentit rien. Aucune résistance. Puis elle érafla un os. Et ses doigts touchèrent un autre sang que le sien.
Viral se releva en hurlant. Une dague enfoncée jusqu’à la garde sous la clavicule.

Yulia était debout. Presque par miracle. Ses bras et ses jambes tremblaient, mais elle ne pleurait plus. Serrant toujours son amulette, elle contemplait, interdite, l’homme qu’elle haïssait le plus au monde se tortiller de douleur. Comme une poule décapitée. Mais il n’était pas une poule. Il tenait plus du chien. Et un chien blessé est dangereux.

La fille de Ford ne le vit pas dégainer son épée. Elle était à bout de force. Quand, dans sa rage il leva l’acier pour la tuer, elle voulut se protéger de ses bras. Comme une enfant.

Le sabre lui trancha la paume. Frappa la bille de plomb.

Et brisa la gaine.

Un éclair déchira la caverne. Une rafale de vent, semblable à un jet de vapeur, balaya la passerelle entre Yulia et Viral.

Une lumière vive, si intense que le regard ne pouvait la soutenir, flottait au creux de la main de la jeune fille. Des gouttes de son sang s’aggloméraient tout autour, comme en suspension dans l’air.

Se sentant défaillir, elle referma le poing sur la lueur.

Et un second éclair la frappa.





à suivre dans le dernier chapitre de la part.3
DanielPagés

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Re: Le Temps des Surplombs - Chap 28 [Fantasy-Steampunk-Aventure]

Message par DanielPagés »

Oh purée ! :shock:
Content de te retrouver avec la bande de pirates... Je me doutais bien que ça n'allait pas s'arranger vraiment et cette courbe sinusoïdale entre soulagement et déprime... :o Juste un moment jouissif quand Yulia plante le Viral avec sa dague... mais bon pas suffisant et là tu nous fais peur. Pas bien compris ce qui se passe à la fin... mais bon, comme t'as coupé en deux, on va pas tarder à savoir... :lol:

J'espère que tu vas bien, camarade ! Que tu survis sans trop de peine.
Je t'embrasse.
louji

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Re: Le Temps des Surplombs - Chap 28 [Fantasy-Steampunk-Aventure]

Message par louji »

Judas_Cris a écrit : ven. 09 avr., 2021 8:05 pm Bonsoir tout le monde !
Ca fait quelques semaines que ce chapitre aurait du sortir, je suis un peu désolé du retard ^^' Mais on est enfin au bout :D Ou plutôt... presque :twisted: En effet, vu que le chapitre est trop long pour le forum, je vais le séparer en deux et poster la partie suivante la semaine prochaine ;) Mais ne t'en fais pas Louji, j'ai coupé à un moment paaas du touuuuuuuuuuut ennuyeux :mrgreen: :mrgreen:
Bon, assez rigolé, je vous laisse lire ^^
Encore un IMMENSE merci à Enora qui assure la correction, toujours la meilleure à la barre de ce navire à la dérive qu'est le Temps des Surplombs :D
Yosss
Je me fais pas de soucis, j'imagine que l'attente va être sympa après lecture :lol:

Ah ui, séparés en 3 groupes, ça va être pratique ça :roll:
OK, chuis contente qu'Ashä et Leoda soient moins enclines à se sauter à la gorge... Elles ont tellement à s'apprendre mutuellement :D
J'aime beaucoup cette ambiance dans les cavernes, avec l'obscurité, les plantes lumineuses, les pontons...
" Viral Azziel Kell-Ozteròn." :arrow: il a changé de nom ? J'ai l'impression qu'avant il avait un nom qui consonnait "autumn" quelque chose comme ça non ?
Bon, comment dire que je suis pas bien :lol: Ptn, Hikari, non. Et Merriam. ET YULIA SURTOUT. Ptn.
J'imagine que Merriam lui avait redonné sa dague... 8-)
QUOI. CEST KOI CETTE FIN. OU EST LA 2E PARTIE. TAVAISDIT1SEMAINEELLEESTOU. IWANTLASUITESVP
SVP SERVICE CLENT

Bon. C'était beaucoup trop stylax comme scène, mais voilà mon petit kokoro fragile veut la suite :(
svp ? ♥ :mrgreen:

(Yulia beaucoup trop cool au passage 8-) )

Des petites coquilles :
- "à la guerre contre les vôtre" :arrow: les vôtreS
- "mes faits et geste" :arrow: gesteS
- "Ashä vint s’installer à côté d’elle.
— Content de te voir en un seul morceau." :arrow: contentE ?
- "en plein milieu d’une tentative d’évasion ayant tournée au vinaigre" :arrow: je crois pas que "tourné" puisse être accordé ici ^^
- "Si on l’avait vu accompagnant les Corsaires fuyards" :arrow: vuE
- "de taille très variables" :arrow: variable
- "d’un drôle de passerelle" :arrow: unE non ?
- " fait de poutres et planches envahis" :arrow: envahiEs
- " Tous l’avaient jugés" :arrow: jugÉ
- "Elle se précipita à couvert d’un rocher et tira Nadejda jusqu’à son couvert." :arrow: répétition couvert ;)
- "plongea dans le lac avec Taylor alors que des impacts de balles criblèrent la pierre" :arrow: après des tandis que/lorsque je trouve que ça sonne mieux d'utiliser l'imparfait que le passé simple (mais je sais pas si c'est une "règle" grammaticale ou une simple préférence de style :lol: )
- "lieux de ce qui se dérobe au regard." :arrow: lieu
- "Mais il y a un peu trop monde." :arrow: un mot manquant ;)
- "— Il faut les attirer ailleurs, conclue Merriam. Mais comment ?" :arrow: concluT
- "Yulia la suivit, manquant de tomber," :arrow: on peut se passer de "de" quand "manquer" précède un verbe :)
-
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Re: Le Temps des Surplombs - Chap 28 [Fantasy-Steampunk-Aventure]

Message par Judas_Cris »

louji a écrit : jeu. 22 avr., 2021 11:20 am
Judas_Cris a écrit : ven. 09 avr., 2021 8:05 pm Bonsoir tout le monde !
Ca fait quelques semaines que ce chapitre aurait du sortir, je suis un peu désolé du retard ^^' Mais on est enfin au bout :D Ou plutôt... presque :twisted: En effet, vu que le chapitre est trop long pour le forum, je vais le séparer en deux et poster la partie suivante la semaine prochaine ;) Mais ne t'en fais pas Louji, j'ai coupé à un moment paaas du touuuuuuuuuuut ennuyeux :mrgreen: :mrgreen:
Bon, assez rigolé, je vous laisse lire ^^
Encore un IMMENSE merci à Enora qui assure la correction, toujours la meilleure à la barre de ce navire à la dérive qu'est le Temps des Surplombs :D
Yosss
Je me fais pas de soucis, j'imagine que l'attente va être sympa après lecture :lol:

Ah ui, séparés en 3 groupes, ça va être pratique ça :roll:
OK, chuis contente qu'Ashä et Leoda soient moins enclines à se sauter à la gorge... Elles ont tellement à s'apprendre mutuellement :D
J'aime beaucoup cette ambiance dans les cavernes, avec l'obscurité, les plantes lumineuses, les pontons...
" Viral Azziel Kell-Ozteròn." :arrow: il a changé de nom ? J'ai l'impression qu'avant il avait un nom qui consonnait "autumn" quelque chose comme ça non ?
Bon, comment dire que je suis pas bien :lol: Ptn, Hikari, non. Et Merriam. ET YULIA SURTOUT. Ptn.
J'imagine que Merriam lui avait redonné sa dague... 8-)
QUOI. CEST KOI CETTE FIN. OU EST LA 2E PARTIE. TAVAISDIT1SEMAINEELLEESTOU. IWANTLASUITESVP
SVP SERVICE CLENT

Bon. C'était beaucoup trop stylax comme scène, mais voilà mon petit kokoro fragile veut la suite :(
svp ? ♥ :mrgreen:

(Yulia beaucoup trop cool au passage 8-) )

Des petites coquilles :
- "à la guerre contre les vôtre" :arrow: les vôtreS
- "mes faits et geste" :arrow: gesteS
- "Ashä vint s’installer à côté d’elle.
— Content de te voir en un seul morceau." :arrow: contentE ?
- "en plein milieu d’une tentative d’évasion ayant tournée au vinaigre" :arrow: je crois pas que "tourné" puisse être accordé ici ^^
- "Si on l’avait vu accompagnant les Corsaires fuyards" :arrow: vuE
- "de taille très variables" :arrow: variable
- "d’un drôle de passerelle" :arrow: unE non ?
- " fait de poutres et planches envahis" :arrow: envahiEs
- " Tous l’avaient jugés" :arrow: jugÉ
- "Elle se précipita à couvert d’un rocher et tira Nadejda jusqu’à son couvert." :arrow: répétition couvert ;)
- "plongea dans le lac avec Taylor alors que des impacts de balles criblèrent la pierre" :arrow: après des tandis que/lorsque je trouve que ça sonne mieux d'utiliser l'imparfait que le passé simple (mais je sais pas si c'est une "règle" grammaticale ou une simple préférence de style :lol: )
- "lieux de ce qui se dérobe au regard." :arrow: lieu
- "Mais il y a un peu trop monde." :arrow: un mot manquant ;)
- "— Il faut les attirer ailleurs, conclue Merriam. Mais comment ?" :arrow: concluT
- "Yulia la suivit, manquant de tomber," :arrow: on peut se passer de "de" quand "manquer" précède un verbe :)
-
Merci pour ton com :D
Ooooooh c'est ça que j'ai oublié de dire en intro aussi :lol: Oui il a changé de nom :roll: quand j'ai fait mes fiches d'ethnies j'ai remis à plat les noms de certains personnages (Smath ne s'appellera plus comme ça par exemple) et pour Viral j'ai écrit son nouveau nom dans le chapitre sans penser à vous prévenir :? Désolé... mais bon maintenant c'est fait je crois ? :lol:

Ahahahahah :twisted:
Bon, pour être honnête j'attendais que ton commente pour poster la suite :twisted: j'avais trop envie d'avoir cette réaction c'est un peu sadique désolé :roll:

Bon ça ARRIVE TOUT DE SUITE :mrgreen:
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Re: Le Temps des Surplombs - Chap 28 [Fantasy-Steampunk-Aventure]

Message par Judas_Cris »

DanielPagés a écrit : mar. 20 avr., 2021 5:12 pm Oh purée ! :shock:
Content de te retrouver avec la bande de pirates... Je me doutais bien que ça n'allait pas s'arranger vraiment et cette courbe sinusoïdale entre soulagement et déprime... :o Juste un moment jouissif quand Yulia plante le Viral avec sa dague... mais bon pas suffisant et là tu nous fais peur. Pas bien compris ce qui se passe à la fin... mais bon, comme t'as coupé en deux, on va pas tarder à savoir... :lol:

J'espère que tu vas bien, camarade ! Que tu survis sans trop de peine.
Je t'embrasse.
Merci Danou ! Mais j'avais loupé ton comm nooooooon :o keur keur
La suite arrive ^^
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Re: Le Temps des Surplombs - Chap 28 [Fantasy-Steampunk-Aventure]

Message par Judas_Cris »

Chapitre 28, suite et fin



Angora se battait au centre du chemin d’Auberon. Embourbée dans une cohorte de soldat. Elle levait son sabre et l’abattait à deux mains, ignorant les baïonnettes qui lui perçaient la peau de part en part. Elle en tua quelques-uns, sans tenir de compte.

Puis une escouade forma une ligne, cinq mètres plus loin. Ils portèrent leur fusil à l’épaule et ouvrirent le feu, sans compassion pour leurs camarades engagés dans la mêlée. Ce n’étaient pas des mousquets comme la Dragon s’y était attendue, mais des fusils à répétitions. Les balles tracèrent des sillons de sang en quatre salves. Personne ne s’en releva. A l’exception Angora.

La femme au bras d’acier hurla. La douleur était un canalisateur. Elle se concentra sur ses blessures. Trop nombreuses. C’était à peine si elle pouvait encore tenir debout. Son sang en sortait sans discontinuer. Elle ne devait pas mourir ici. Mais il était trop tard pour économiser ses forces. Si cette bataille devait être sa dernière, elle ne devait pas penser aux conséquences.

Alors elle lâcha la bride à ses pouvoirs.

Les ruisseaux de sang se transformèrent en serpents. Ils fouettèrent l’air en claquant. Quand elle s’élança sur les impériaux, cette vision d’un démon aux fouets pourpre fut la dernière qu’ils emportèrent auprès de la Vapeur.

Ne pouvant maintenir autant de contrôle que quelques secondes, Angora laissa son sang retomber quand elle eut tué le dernier soldat à lui barrer le passage. Ses jambes refusèrent de la porter plus et elle tomba à genoux. Ses plaies continuaient de suinter, mais elles finiraient par guérir. Elles finissaient toujours par guérir. Après suffisamment de repos et de souffrance.

La Dragon serra les dents. Elle ne devait pas se relâcher. Yulia était en danger et il y avait encore des soldats de l’Inquisition, plus loin, qui se battaient contre…

Un grand flash illumina toute la caverne et coupa court à ses pensées.

Une onde de choc la percuta, qu’elle ressentit grâce à son deuxième cœur. C’était un souffle immatériel. La grande et première inspiration d’un nouveau-né.

Angora en lâcha son sabre.





Merriam se débattait. Viral l’avait désarmée avant qu’elle ait pu se battre. Puis ses soldats s’étaient jetés sur elle. Elle l’avait vu se mettre en joue. Viser Yulia. Et n’avait pas pu l’arrêter.

Horreur.


Puis la lutte l’avait entraînée plus loin. Les tirailleurs la saisissaient aux poignets et aux chevilles. Ils voulaient lui passer les menottes. Elle connaissait les méthodes d’arrestation de l’Inquisition. On les lui avait enseignées aussi.

Alors elle donnait des coups de coudes et genoux. Pas assez pour se libérer, mais ce qu’il fallait pour leur compliquer la tâche. Elle entendait des tirs, des cris, mais ne pouvait rien voir. On luttait avec elle au sol et tout ce qu’elle distinguait c’était des figures furieuses et des faciès fielleux. Un amas de bras, de jambes et de tronches déplaisantes.

Et puis ses adversaires avaient reculé. Merriam ne comprit pas pourquoi avant de se redresser et de constater le carnage :

Angora avançait seule, couverte de sang, son sabre à la main. Derrière elle, une trentaine de corps éparpillés sur les planches. Un amas de chair, parfois déchiquetés comme s’ils étaient passés dans une broyeuse à viande.

Et la Dragon marchait à présent vers eux. Épuisée, elle boitait, fermait un œil de douleur et ne pouvait plus lever que son bras mécanique. Mais son regard brûlait de colère. Plus menaçant qu’un canon chargé.

Il se rejouait en Merriam les terreurs nocturnes de son enfance. Lorsqu’elle croyait apercevoir des monstres sous son lit ou à sa fenêtre. Quand elle rêvait qu’une bête du Contrebas la saisissait de ses griffes et l’entraînait dans son affreuse gueule. Puis lui revinrent ses lectures adolescentes, du temps où elle raffolait des histoires de Dragon et fantasmait sur leurs fantastiques pouvoirs…

Deux facettes d’une même crainte. A vingt-cinq ans, la cinquième fille des Mathias eut la certitude glaçante qu’aucun récit ne rendait justice à la terreur primale qui saisissait le cœur de ceux qui se trouvaient face à un de ces monstres.

Angora murmurait quelque chose.

Yu… lia…

Merriam se redressa avec l’énergie du désespoir. Yulia ! La petite ! Elle était tombée plus loin. Viral lui avait tiré dessus. L’avait-il touchée ? Était-elle blessée ? Il fallait arrêter le Colonel Inquisiteur !

Les soldats restant tentaient de reformer une ligne. Mais la peur et l’horreur du massacre affaiblissait leur cohésion. La Lieutenante ramassa son sabre et se tourna vers la Dragon qui ne semblait pas l’avoir encore vue.

— Viens avec moi ! Je sais où est la petite, tu…

Au moment où elle allait finir de parler, un éclair aveugla l’assistance et un tremblement secoua la passerelle. Merriam crut que le chemin d’Auberon allait s’effondrer, mais elle ne perdit pas l’équilibre et la secousse passa vite. Ça avait été… étrange. Pas comme un tremblement de terre, plutôt comme lorsqu’un navire perd soudainement de l’altitude.

Déboussolée, la jeune femme chercha un soutien du côté de la Dragon.

Mais Angora avait lâché son sabre. La bouche grande ouverte. Les yeux interloqués.

Avant que Merriam n’ait pu dire quoi que ce soit, l’expression de sa camarade tourna à la rage. Et la Dragon poussa le plus terrible hurlement qu’il ait été donné d’entendre à un être humain.

— Yulia !





Yulia n’avait plus mal. Ses jambes avaient cessé de trembler.

Elle baignait dans un halo blanc et cotonneux. Comme lorsqu’elle se tenait jadis à la fenêtre de sa chambre et que le soleil frappait sa vitre. Inondée d’une lumière chaude et apaisante. Mais celle-ci ne venait pas d’un astre extérieur, perdu dans l’éther à des millions de kilomètres comme le décrivait la science. Plutôt de l’intérieur de son corps. Tout aussi lointain en elle que le soleil, et pourtant qu’elle pouvait sentir juste là, quelque part, près de son cœur. Et ses rayons irradiaient à travers sa peau, agglomérant l’air pour la bercer de ses bras de fumées.

Ou de brume, peut-être.

La jeune fille –qui n’était plus vraiment une jeune fille– rouvrit les yeux en comprenant qu’elle les avait fermés. Qu’est-ce qui l’avait effrayée ? Elle ne se souvenait plus tout à fait. Baissant le regard, elle aperçut au sol trois petits doigts. Ils avaient été les siens. Elle examina ses mains, car elle pressentait que quelque chose n’était pas normal. Ses deux paumes remuèrent sans plainte. Avait-elle tenu quelque chose ? Oui, une dague et un collier. La première elle l’avait lâchée, c’était sûr. Mais le second ? Son pendentif ? Disparu. A sa place, sa paume avait été sectionnée, ouverte par un coup de sabre. Et il lui manquait bien trois doigts. Mais, déjà, elle ne saignait plus.

Mue par un sentiment neuf, Yulia se concentra sur cette main abîmée. Non. Elle ne voulait pas de cette blessure. Alors ses chairs se refermèrent. Elle aurait pu employer du fil et une aiguille, mais à la place elle utilisa un pouvoir nouveau qu’elle se découvrait. Comme dans un rêve, ses plaies disparurent. Et ses doigts réapparurent, à la manière d’une jeune pousse qui sort de terre après avoir profité de l’eau. Un regard au sol, sur les planches, et elle ne voyait plus ses anciens doigts. Comme s’ils s’étaient évaporés.

Elle palpa son flanc, car des bribes de ce qui était arrivé lui revenaient. On lui avait tiré dessus. Elle s’était prise une balle et était tombée. Mais elle ne trouva rien, si ce n’est un petit trou dans son vêtement. Pas de trace de la plaie. Sa peau était aussi douce que lorsqu’elle sortait du bain.

Quelqu’un veillait sur elle. Quelque chose. Non. Ce n’était pas ça. Cet amour, c’était le sien. Elle s’aimait. Elle s’étreignait. Elle se guérissait et elle se réconfortait. Car elle se découvrait.

Son corps, sa peau, son visage, c’était nouveau. Et pourtant elle l’avait toujours connue. Ce pouvoir, ce battement sœur, cette lumière, c’était nouveau. Et pourtant elle l’avait toujours connue.

Deux réalités. Deux êtres. Elles avaient été séparées longtemps. Mais à présent que la gaine avait rompue et qu’elles s’étaient touchées… Leur passé se confondait. Leur futur également.

Des larmes de joie coulèrent sur ses joues, silencieuses et tonitruantes. Elle se découvrait multiple et indivisible. De l’amour passait entre ses deux cœurs. Elle couvrait le pouvoir de murmures amoureux, et le pouvoir couvrait le corps de caresses tendres. Son pouvoir. Son corps.

Alors le halo cotonneux se dissipa.



La double-Yulia fut à nouveau dans la caverne. Sur les planches du chemin d’Auberon.

Face à Viral l’Inquisiteur.

Ce dernier ouvrait des yeux grands comme des hublots. Il avait retiré la dague de son épaule et l’avait jeté au loin. Mais il se tenait encore la clavicule. Elle pouvait voir la douleur lui agiter les lèvres.

Seul, le corps de Yulia n’aurait jamais pu soutenir son regard. Il l’avait terrorisée trop longtemps. Avait peuplé trop de ses cauchemars. Mais la jeune fille n’était plus seule. Et le pouvoir l’inondait d’amour.

Un murmure grandissait en elle. Des mots qui se solidifiaient immédiatement en conviction. Le cœur disait :

Il n’a aucun droit sur toi. Tu es plus forte que lui. A présent, c’est à lui d’avoir peur.

Alors elle se tint droite. Et ses yeux s’ancrèrent à ceux de son bourreau.

Elle lui provoqua un long frisson. Viral se passa la langue sur les lèvres et tira ses cheveux en arrière. Son sourire tressaillait. Dément. Passant de la rage à la jubilation. Ce qu’il disait n’avait plus aucun sens.

— Parfait… PAR-FAIT… Il ne suffisait pas que tu résistes, hein ? NON, tu es bien trop rebelle pour ça ! Tu compliques tout, tu le sais ça ? Qu’est-ce que je suis sensé faire moi, maintenant ? La mission était simple : t’arrêter et trouver la gemme. Le Sénat aurait eu sa babiole et moi ma Yulia… MAIS NON, HEIN ? Il fallait que tu fasses encore ton intéressante ! Maintenant le Sénat ne voudra jamais que je te garde. Quel déplaisir. Mais… Mais… Mais…

Il tremblait et se balançait d’un pied sur l’autre. Sa main agrippait toujours son sabre. Ses yeux fous s’y posèrent et il ramena sa lame devant son visage.

Mais je peux encore leur mentir. Désolé patron, aucun trace de votre machin, je le jure sur la Vapeur. Oh oui ! Et après, après, je t’aurais pour moi seul. Et je n’aurais plus à craindre de t’abîmer. Oh non ! Je pourrais te couper les bras, les jambes, t’entailler où je veux, et tu ne mourrais plus. Le jouet parfait. Ô Vapeur, j’ai tant cherché ma Yulia

Ces paroles arrachèrent à la jeune fille à sa béatitude. Voilà que la haine ressurgissait. C’était certain à présent : elle n’avait jamais cessé de haïr cet homme. De souhaiter sa mort. Et elle n’était plus cette petite fille qui craignait de saisir un revolver. Elle ne l’était plus depuis que, lui, l’Inquisiteur, l’avait changée.

Aussi, quand il s’élança droit sur elle, le sabre haut, elle se réjouit. Une joie malsaine. Sombre. Un soulagement paradoxal.

Tout allait enfin prendre fin.

Quelque chose frappa le sabre de Viral avant qu’il n’atteigne la jeune fille. Ce n’était pas Yulia, mais ses protectrices. Deux sabres contre un.

— Tu ne la toucheras PAS, sale monstre ! rugit Merriam

Angora enchaîna avec un coup de pied qui frappa l’Inquisiteur sous le sternum et l’envoya rouler plus loin sur le chemin. Il cracha du sang en se relevant.

En duel, peut-être aurait-il battu Merriam. Mais seul face à sa rivale et à un Dragon Impérial, la tâche devenait impossible. Même pour un être aussi affreux que Viral Azziel Kell-Ozteròn.

Il le savait. Il le savait forcément.

Pourtant, il repartit au combat un sourire aux lèvres, avec une ultime insulte :

— Les Monstres sont de ton côté, Matthias ! Je SUIS un Inquisiteur, ma lame est sainte par la Vapeur ! Je mourrai en Juste !

Il chargea Angora. Blessée, à bout de force, la Dragon recula sous ses coups. Une botte d’arme se faufila sur sa garde. Elle lui arracha une oreille mais lui se jeta contre elle. Et il lui enfonça son sabre dans le thorax. Lui traversa la poitrine de part en part, jusqu’à la garde de son épée. Yulia poussa un hurlement.

Sa protectrice gémit mais ne lâcha pas. Elle contracta ses muscles et Viral eut beau tirer, tirer et tirer encore… Sa lame ne bougea plus.

Angora le frappa au visage.

Puis Merriam surgit derrière lui. La lueur du sabre de la Velerienne dut être sa dernière vision.

D’un coup furieux, l’Inquisitrice trancha de bas en haut et lui décolla le chef.

Un ultime gargouillis et la tête de l’homme roula sur les planches jusqu’à s’immobiliser devant Yulia. Les traits déformés par la douleur et la folie.




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Lorsque les Corsaires atteignirent le bout du chemin d’Auberon, ils massacrèrent les quelques soldats restant. Mais la bataille était déjà terminée.

Ashä peinait à reprendre son souffle, gênée à la fois par le poids de Nad sur son dos et par le macabre spectacle qui s’étendait sur les planches. Elle avait perdu Angora de vue avant l’entrée de la caverne quand la Dragon s’était mise à courir. Puis quand ils n’avaient plus été très loin, un éclair aveuglant les avait poussés à se cacher. Ils s’étaient imaginé une explosion ou une machine de l’Inquisition. Mais maintenant qu’ils avançaient parmi les cadavres, la sabreuse revoyait ses spéculations.

Les Dragons maîtrisaient-ils la foudre ? Même sous terre ?

Elle s’était inquiétée pour Angora. Elle s’inquiétait toujours, à vrai dire. Mais elle frissonnait en remontant les rangées de soldats éventrés. Ça ne pouvait être qu’elle. Ashä ne l’avait jamais vue combattre de très près et –même si elle avait deviné l’étendue de ses pouvoirs aux nombreuses légendes qui courraient sur les Dragons Impériaux– doutait à présent en avoir l’envie.

Derrière elle, Leoda et Irïlan essayaient de ne pas vomir. Compréhensible.

Un cri attira leur attention en contrebas. En se penchant à la balustrade, ils purent distinguer Hikari, empêtré dans du lierre et de la boue.

— Je crois que j’ai une jambe cassée, gémissait-il.

Irïlan se porta volontaire pour descendre l’aider et le remonter tant bien que mal. Le pauvre Ātoli était tombé un peu plus loin, puis avait roulé dans la boue jusqu’à une petite marre où il avait bien faillit se noyer.

— Au moins tu as échappé aux combats, jugea son ami.

— Je ne sais pas ce que j’aurais préféré…

Mais Ashä en avait assez des bavardages. Une fois qu’elle fut certaine qu’Hikari n’allait pas lui claquer entre les pattes, elle lui posa la question qui lui brûlait les lèvres :

— Où sont les autres ? Angora et la gamine ?

Il tendit le doigt vers l’extrémité du chemin, derrière un goulet. Là d’où était venue la grande lumière. L’estomac de la sabreuse se serra soudainement. Là-bas, il n’y avait que le silence.

Elle avait rangé ses sabres, mais préféra avancer une main sur le pommeau. Que s’attendait-elle à trouver ? Son esprit imaginait qu’elles étaient peut-être déjà parties sans les attendre, qu’un ennemi les avait prises en otage et l’attendait, ou encore qu’elles étaient tombées comme Hikari. Une multitude de scénarios qui reflétait son angoisse.

Elle avait déjà cru les perdre, elle ne voulait pas que ses espoirs de réunion s’évanouissent dans la vapeur.

Aussi, quand elle dépassa le goulot, elle s’immobilisa.

Yulia était là, debout et immobile. Merriam, l’Inquisitrice qui les avait fait évader, également. Un homme gisait entre elles. Décapité. Et enfin, Angora. À terre.

La Dragon de Ku’rum était étendue sur les planches du chemin, comme si on avait accompagné sa chute pour ne pas qu’elle se fasse mal. Elle avait clos ses yeux et ses traits exprimaient une profonde fatigue. Une sorte de soulagement aussi. Ses cheveux en bataille avaient perdu la plupart du charbon dont elle se badigeonnait à la Capitale et retrouvaient quelques mèches de son rouge naturel. A moins qu’il ne s’agisse d’éclaboussures de sang. Ses habits étaient en lambeaux. Ses brais ne lui couvraient plus guère les jambes et sa tunique faite de bandes de cuir à la façon des mercenaires du Szávar se délitait car beaucoup de ses sangles et lacets avaient été sectionnés. Elle avait les flancs couverts de trous, de la taille d’une balle ou d’une lame. Du sang séché en flétrissait les commissures. Ses bras se couvraient d’ecchymoses et son épaule gauche avait été ouverte jusqu’à l’os par un coup de lame. Figés dans le blanc, on y voyait des plombs.

Mais, pire que tout, il y avait ce sabre qui lui traversait le buste. Sa garde d’or plantée si profondément entre ses seins qu’on en voyait plus l’acier. La lame lui sortait par le dos, quelque part du côté du cœur après avoir ricoché sur la colonne. Aussi Angora reposait-elle à moitié de biais, à cause de cette froide béquille.

Ashä en lâcha ses sabres.

Elle courut à son chevet avant que Yulia ou Merriam ne lui adressent le moindre mot.

Elle cria quelque chose. Des paroles, sans doute, mais elle ne les compris pas elle-même. Quand elle saisit entre ses mains la tête de la femme de ses rêves, elle sentit avec horreur que toute chaleur l’avait quittée.

Les larmes brouillèrent sa vision.

Ashä avait-elle déjà pleuré pour quelqu’un ? Pas depuis qu’elle avait quitté son foyer en tout cas. De cela elle était certaine. Pourquoi pleurait-elle maintenant ? La réponse à cette question flottait quelque part, à la frontière de sa conscience.

La peine fit plus mal qu’aucune blessure physique qu’elle ait jamais reçue. De sa bouche sortaient des mots, des cris, qu’elle ne comprenait pas mais qu’il fallait qu’elle fasse sortir. Car les garder aurait été pire que mourir.

De désespoir, elle saisit la garde du sabre. Et tira. Tira à s’en meurtrir les mains.

Sors ! Sors d’elle ! Hors de mon aimée !

Avec un flot de sang, la lame jaillit hors de la chair d’Angora. Ashä la jeta au loin, rageuse, furieuse. Le corps de la Dragon fut mut d’une violente convulsion et toutes ses plaies crachèrent de concert.

La Thämari comprenait à présent ce qu’elle soufflait dans ses lamentations :

— Non, non, non… Reste avec moi, reste avec moi… Tu ne peux pas partir, pas encore. On a… J’ai encore besoin de toi. Tu… Tu ne peux pas…

Sa gorge se serrait d’émotion. Certaines paroles se bloquaient, qu’elle ne comprenait qu’à peine. Certaines paroles qu’elle regretterait à tout jamais de ne pas avoir dites. Car il était trop tard à présent. Il était… Elle était…

Une main chancelante se porta à sa joue. De la paume, elle écarta ses larmes. Et Ashä put voir le visage de celle qu’elle tenait dans ses bras. Un iris, rouge et vivant, se fixait au sien. Et un petit sourire, bravant la douleur, anima ces mots :

— Ne t’en fais pas, je reste. Ce monde n’en a pas fini avec moi…

Ashä cessa de psalmodier. Ses mains remontèrent des blessures d’Angora jusqu’à son visage. Elle caressa aussi sa joue. Puis quand elle se remit à pleurer, ce n’étaient plus des larmes de supplice.

Délivrance. Joie.

Peu importe le goût du sang. Peu importe la fatigue et les crampes. Peu importe le monde.

Elle l’embrassa.





Lorsqu’Angora rouvrit les yeux, Yulia eut l’impression de sortir d’un rêve. Ni les pleurs d’Ashä, la stupeur de Merriam ou la vue du corps mutilé de son amie ne l’avait émue. Elle se rendait compte à présent qu’elle aurait dû s’inquiéter, craindre le pire et se porter au chevet de la Dragon. Pourtant, après que la tête de Viral ait roulé à ses pieds, la fille de Ford avait été toute entière envahie d’une grande lassitude. Même quand sa Protectrice avait chuté, inconsciente, elle ne s’était pas alarmée. Elle savait désormais –elle comprenait– que la vie des êtres comme Angora n’était pas menacée par les blessures du commun.

C’était qu’une drôle de conscience du monde s’était ajoutée à ses sens. Quelque chose qui n’était ni une odeur ni un son, qu’elle n’identifiait pas grâce à un signal qu’elle recevrait. Elle avait plus simplement conscience de l’existence d’une nouvelle énergie et la percevait dans le corps d’Angora d’une façon aussi abstraite que concrète. C’était cette énergie miraculeuse, venue du cœur, qui animait leur anatomie tout autant que les muscles, les tendons et leur cerveau.

Elle avait néanmoins conscience que le phénomène demandait beaucoup plus de ressources à Angora que ce qu’elle-même avait expérimenté. Ses réserves avaient été quasiment entièrement consommées car elle en avait énormément utilisé pour rester debout et continuer à se battre malgré ses blessures. Yulia, elle, avait brûlé avec l’ardeur d’un feu de bois sec, comme si elle avait amassé toute sa vie un combustible inconnu pour que sa première étincelle allume un foyer qui ne puisse être soufflé.

Alors que les deux femmes s’embrassaient, Yulia perçut enfin un regain chez sa protectrice. Son deuxième cœur –celui qui était lumineux– récupéra un peu de force et se remit à battre. Il envoya plusieurs vagues d’énergies à travers son hôte : dès que la lumière atteignait une lésion, une plaie ou une fracture, elle s’y imprégnait à la manière d’une pommade ou d’une crème. Et alors débutait la guérison spectaculaire.

La jeune fille remua sa main gauche. Cette régénération s’était produite dans son propre corps. Elle avait récupéré ses doigts et sa blessure par balle était totalement oubliée. C’était une chose que de laisser son instinct la guider, mais une tout autre que de rationaliser ce qu’il s’était passé avec des mots. Le temps de l’émerveillement touchait à sa fin. Débutait celui des questions.

Merriam rengaina son sabre et se tourna vers elle. Du regard, elle surveilla la tête de l’Inquisiteur. La jeune fille n’y avait pas touché. Cette chose la dégouttait presque autant morte que vivante. Ou peut-être plus, car elle craignait encore qu’il se relève.

— J’ai volé ta vengeance. Pardonne-moi, demanda-t-elle.

Yulia dut cligner des yeux trois fois avant de bien comprendre.

— Une mort ne vaut jamais une vie, répondit-elle.

Une citation de Rochamour, qu’elle avait sans doute apprise auprès de Senex. C’était un mensonge néanmoins. Elle était contente qu’il soit mort. Soulagée, mais peut-être aussi joyeuse. Une joie bien sombre dont elle préférait mieux ne pas se vanter.

Suite à ces formalités, les yeux de la Velerienne changèrent d’aspect. Elle n’était plus si assurée de la marche à suivre.

— Ce que… Qu’est-ce qu’il s’est passé au juste ? Je… C’est… Angora est un Dragon Impérial. Les légendes et les récits sont nombreux et mon frère m’avait parlé de leurs pouvoirs mais je ne pensais pas… Par la Vapeur, c’est extraordinaire !

Elle fit quelques pas en arrière, comme si elle voulait prendre une grande respiration et ne pas prendre leur air. Puis elle adressa un regard troublé à la jeune fille qu’elle avait tirée des griffes de l’Inquisition.

— Et toi alors ? Yulia, tu n’es pas un Dragon. Tu n’es encore qu’une enfant, alors pourquoi… ?

La question, et ses implications, frappèrent de plein fouet. Pourquoi. Pourquoi s’était-elle éveillée à la conscience de ces énergies lumineuses qu’elle ne savait décrire ? Pourquoi s’était-elle régénérée à la surnaturelle façon de sa protectrice ? Pourquoi n’était-elle plus une mais deux dans une, ou plutôt deux est une ?

Une sensation étrange la poussa à se baisser et à sonder le sol. Elle se sentait étrangement à nue. Il lui manquait un vêtement. Ou une couverture. Une coquille.

Ses doigts passèrent entre les planches et en sortirent une cordelette rompue, au bout de laquelle se balançaient deux morceaux d’une boule en plomb brisée net. Ses fins ornements, ciselés à l’argent, la rendait reconnaissable entre tous les pendentifs.

Mais il ne s’agissait pas d’un bijou, Yulia le découvrait à présent. C’était une gangue. A l’intérieur de la bille, il y avait eu quelque chose. Quelque chose qui n’était plus là. Ou plutôt, plus sous sa forme en sommeil.

Angora s’était redressé douloureusement avec l’aide d’Ashä. Elle répondit à la fille Matthias, car Yulia en était bien incapable.

— Ça, c’est le plus grand secret de l’Empire.

Merriam s’immobilisa, nerveuse. La Dragon parlait lentement pour ménager son souffle. Mais aussi car le moindre mot décidait peut-être leur avenir.

— Nos pouvoirs ne sont pas exagérés. Ils ne nous sont pas confiés et nous ne pouvons pas les rendre. Nous naissons deux fois : la première fois en tant qu’être humain, et la seconde… lorsque nous devenons Symbiote.

— Alors vous êtes… en symbiose avec des trucs ?

— Les Dragons les appellent des gemmes, expliqua Angora. Nous tirons nos pouvoirs d’elles, mais je ne n’en sais pas plus. Ni d’où elles viennent, ni comment elles fonctionnent exactement.

La fille de Ford réprouva une grimace et pointa du doigt la tête de Viral :

Lui, il savait. A Cathuba, c’était ce qu’il venait chercher. Et il m’en a encore parlé avant de mourir. Il disait… Il disait qu’il devait me remettre au Sénat.

Angora tiqua

— Non. Remettre la gemme, corrigea-t-elle.

Yulia s’interrogeait. Pourquoi avait-elle parlé de « me remettre » ? Drôle de lapsus.

— Alors les Colonels Inquisiteurs sont au courant de la source des pouvoirs de symbiotes ? grinça Merriam. Encore quelque chose dont Shiqqera souhaitait me garder éloignée !

Sa colère s’évanouit vite. Elle était trop fatiguée pour ça. Ils étaient tous trop fatigués.

Yulia balaya du regard leur petite troupe. Les autres Corsaires avaient suivi Ashä et s’attroupaient à présent derrière Angora. La jeune fille fut soulagée d’y apercevoir Hikari. Il évitait de s’appuyer sur une de ses jambes mais semblait sauf. Elle était heureuse de retrouver l’Ātoli. Taylor était toujours inconscient, rejoint par Nadejda. Leoda et Irïlan se débrouillaient pour les porter comme ils le pouvaient. Ashä, elle, avait rangé le sabre de Viral et soutenait la Dragon. Ce fut cette dernière qui brisa le silence :

— Quelle est la suite du plan ?

Merriam soupira. Elle avait pris le temps d’examiner le champ de bataille et de compter les cadavres.

— Vous avez décimé une escouade complète. Il n’y aura pas de témoins de cette scène.

Elle pointa ensuite vers le ciel.

— Là-haut, une autre escouade doit sécuriser la zone et surveiller le passage qu’a emprunté Viral. D’autres encore doivent arriver en renfort. Le Cuirassé était un grave imprévu de ma part, mais au moins il n’a pu débarquer que peu de soldats… Ça nous a sauvés, quelque part.

L’Inquisitrice se passa une main dans la nuque. Plus que de la fatigue, il y avait une profonde fatigue. Une tristesse certaine.

— Nos chemins se séparent ici, annonça-t-elle. Je vais remonter par le passage qu’a pris Viral et je vais leur faire un faux compte-rendu. Viral m’a libérée des vilains pirates évadés mais on est tombé dans un piège et il a été tué avec tous ses hommes. Ensuite vous –les vilains pirates– avez été pris à bord d’un navire clandestin et avez filé vers le nord. Je suis la seule survivante.

Cette improvisation rejoignait les grandes lignes du plan qu’elle leur avait partagé. Elle n’en finit cependant pas ici :

— Je pensais que Viral serait envoyé arrêter les contrebandiers et stopper les navires. S’il était ici, c’est qu’une autre attaque est en cours dans les cavernes de Torth’uggram.

— Là où est l’Éclat ? s’étrangla Irïlan.

— Ravachol a des moyens de défense, grogna Ashä. On a vu ses gros bras, ses tireurs et ses barricades. Il a de quoi survivre à un siège.

— Face aux canons et aux soldats de l’Inquisition, ils ne tiendront pas plus d’une journée, affirma leur bienfaitrice.
Un silence pesant tomba sur l’assemblée. Jusqu’à ce qu’elle ne reprenne la parole.

— Je vais mettre fin à cette attaque.

— Tu vas quoi ? s’étonna Léoda. Et comment ?

— Je vais donner des ordres. Viral mort, il n’y a plus de Colonels Inquisiteurs présents à la Capitale. Je fais désormais partie des plus gradés. Alors je dirais que les cavernes étaient une fausse information et que les corsaires s’enfuient au nord. Réorientation stratégique, rappel des troupes et l’attaque sur les cavernes prend fin. Aussi simple que de cueillir une aubépine.

Quelques hésitations parcoururent le groupe de Corsaires mais ils se rangèrent tous vite à cette proposition. Angora seule émit une condition :

— Avant qu’on ne se quitte, Merriam… Merci pour tout ce que tu as fait pour nous. Taylor pourrait en dire plus que moi mais…

Ashä vint à sa rescousse.

— Au nom de l’Eclat et de son équipage, merci.

— Voilà. Mais j’ai encore quelque chose à te demander.

Ça, l’Inquisitrice ne l’avait pas vu venir.

— Quoi donc ?

— Garde le secret. Ce qui est arrivé à Yulia… Je ne le comprends pas vraiment moi-même mais je sais que c’est important. Les Impériaux lui voudront du tort. Alors garde le secret, ne dis rien. Je ne connais pas ton frère. Je ne lui fais pas confiance. Mais je te connais toi. Alors j’ai besoin d’une promesse.

Un long moment, Merriam sembla réfléchir. Yulia se demandait si elle avait déjà menti à son frère. Fille unique, elle ne pouvait connaître son dilemme. Finalement, elle releva la tête et hocha du chef, fatiguée :

— C’est promis. Angora Valk’ozir, je le jure sur mon sang, sur le sang des Matthias et l’honneur de ma famille. Je garderai secret le destin de Yulia Mangora.

La jeune fille lui fut plus reconnaissante que jamais. Ses deux cœurs frappèrent de concert une vague de joie. Sans attendre, elle se jeta dans ses bras.

— Merriam ! Tu vas me manquer !

L’Inquisitrice ne s’attendait certainement pas à ça, ni aucun des corsaires visiblement. Seule Angora souriait et la rejoignit pour l’étreinte. D’abord hésitante, la Velerienne se laissa aller et serra Yulia dans ses bras.

— Sois forte, lui dit-elle. Angora peut être forte pour deux, mais il viendra un temps où tu devras être forte pour elle aussi.

La jeune fille opina du chef. Pour la première fois depuis qu’ils avaient quitté Cathuba, elle se sentait à la hauteur d’une telle tâche.

— J’espère que tu retrouveras ton père, lui souhaita-t-elle enfin.




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La colonne des Corsaires avait marché plus de deux heures encore. La fatigue et la douleur vissées aux chevilles. Quand finalement ils approchèrent de la cache clandestine, ils furent repérés par un vigile qui alluma un feu. Il y eu un branle-bas de combat sur les pontons mais Taylor avait repris conscience entre temps et fit donner trois coups d’un sifflet. Le code fut compris et on fit descendre une nacelle à leur intention.

Sigrid les accueillis, un fusil sur l’épaule et une attelle de fortune au bras gauche.

— On pensait que c’était l’Inquisition qui revenait pour un second round ! leur dit-elle. Content de vous voir tous en vie.

Le port secret avait été ravagé. Certaines alvéoles s’étaient écroulées, touchées par des coups de canon, et avaient emporté avec elles des pans entiers de maisons. Des flammes consumaient encore des entrepôts que les contrebandiers avaient abattus pour contenir les feux. Il y avait des barricades, dressées en travers des avenues et des places.

Les brigands, marins et commerçants qui vivaient là s’attroupaient sur le passage des nouveaux venus. Ils portaient tous les stigmates de la bataille qui avait eu lieu ici. Leur regard alternait entre désespoir et fatalisme. Ils n’étaient plus bien nombreux.

— Je pensais que ce serait Ravachol qui nous accueillerait, avoua Taylor. Où est-il ?

Sigrid secoua la tête.

— Les premiers soldats sont arrivés par les galeries du nord. Rav’ et ses gros bras y sont montés combattre presque immédiatement… mais on ne les a pas vus revenir. Des gars nous ont ramené son cadavre, il y a moins d’une heure.

Leur Capitaine garda le silence.

— On s’est organisé comme on a pu ici, continua son interlocutrice. Heureusement, ils se sont repliés avant d’avoir pu nous porter le coup fatal. On a eu beaucoup de pertes, mais le bilan aurait été bien plus lourd sans l’aide de tes Corsaires.

Elle tendit le doigt vers le toit d’une conserverie. Posté sur sa pointe, une silhouette à grand chapeau lâcha son fusil pour leur faire signe. Soulagé, Taylor rendit le salut à son vieil ami Hellshima.

— Je n’avais jamais vu un tireur aussi redoutable, admit la charpentière. Et puis, votre Chirurgien a sauvé la vie de pas mal de blessés aussi.

— Simon est là ? demanda Yulia.

— Oui, mais il a demandé à ce qu’on ne le dérange pas. Il opère un contremaître qui a perdu sa jambe.

Il était étrange pour la jeune fille de retrouver ces noms familiers. C’était comme si elle avait quitté l’Éclat il y a des années. A vrai dire, elle n’avait plus rien de semblable à la jeune fille qui avait foulé ces planches il y deux semaines. Elle avait vécu milles vies différentes, s’était découverte Nora, puis maintenant… Maintenant, une lueur brillait en elle qui la changeait à jamais.

Quand les Corsaires approchèrent des amarres, il se pressait autour de l’Éclat toute une foule hagarde. Kash Noir-corbeaux fut le premier à venir les accueillir. Il serra Taylor dans ses bras sans se préoccuper de ses cris de douleur. Puis sortirent Gros Tom, Jun Mphu, San Milony, Farid Corde-au-cou, Qui, Luce, Dimitri, Feulh et tous les autres, des gabiers aux mousses.

On porta Taylor à bord et on l’installa dans son lit. Sigrid fut la seule de l’attroupement à monter à bord. Elle négocia un moment à huis clos, pendant que Yulia et Angora attendaient sur le pont. Ashä, elle, donnait ses ordres pour que l’on prépare le départ. Irïlan fut envoyé chercher Simon, qui revint en courant quand il eut appris que Taylor avait été blessé. Il fut le seul à entrer dans la cabine pendant que leur Capitaine discutait avec l’ancienne propriétaire du navire.
Puis il fit venir Gros Tom et celui-ci annonça la nouvelle aux Corsaires. Une grande partie des contrebandiers des cavernes souhaitaient prendre la fuite. L’Inquisition avait attaqué une fois, elle allait revenir. Pour eux, c’était la fin d’une époque. Il fallait se reconvertir et Sigrid s’était faite leur porte-parole. L’Eclat était un moyen… et le seul disponible dans cette heure troublée.

Bien évidemment, Taylor avait accepté.

Alors on chargea à bord tout ce qu’il restait de vivres, de biens et d’effets personnels aux habitants de Torth’uggram. On embarqua également du cordage, des matériaux et des coffres qui appartenaient jadis à Ravachol. Chacun reçut une part du trésor pour refaire sa vie et une part fut réservée aux Corsaires.

A présent fort d’une centaine d’âmes, l’Eclat largua les amarres sans regret, abandonnant la coquille vide d’une cité morte.

Yulia et Angora retrouvèrent leurs amis sur le gaillard arrière, autour de la barre à roue.

— Je devrais piloter, se plaignait Taylor. C’est mon navire.

Mais Simon le Chirurgien pestait en serrant ses attelles. Quelques semaines allaient s’écouler avant que le Sans-Nom puisse à nouveau conduire quoi que ce soit.

— Ne dis pas de bêtises, le sermonna Sigrid. Je ne suis pas là pour usurper ta propriété. Et puis ta seconde pilote est aussi blessée que toi, alors laisses-moi faire.

Et en effet, la contrebandière pilotait d’une main souple et menait sans effort le navire au travers des cavernes.

— J’espère que les Impériaux ne vont pas nous attendre à la sortie, grimaçait Ashä.

— Merriam nous a dégagé la voie, rappela Yulia.

— Tu lui fais confiance ?

— Oui, répondit-elle sans hésiter.

— Oui, affirma également Angora qui lui posait la main sur l’épaule.

Alors la sabreuse se rangea à leur avis en soupirant. Taylor s’était fait raconter les évènements du chemin d’Auberon et –s’il restait perplexe– avait jugé comme ses associés. Yulia ne lui avait pas encore parlé de sa… transformation. C’était une conversion qu’ils auraient en privé. Elle ne craignait pas qu’il l’abandonne, mais sa nouvelle nature changerait quelque peu leur rapport.

Elle se demandait ce que dirait son père. Savait-il ce que contenait le collier quand il le lui avait offert ? Si oui, pourquoi lui faire ce cadeau ? Cette gemme dans le collier avait attiré les Inquisiteurs et constituait, selon Viral, une preuve de sa trahison à l’Empire. Sa fille avait encore du mal à assimiler ces informations.

Mais après ces intrigues à la Capitale, la voilà plus proche que jamais de son objectif. Wöllner était mort. Viral était mort. Elle avait un lieu. Elle avait une date. De quoi retrouver son père.

Au Nouveau Monde.


Fin de la partie 3 du Temps des Surplombs
louji

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Re: Le Temps des Surplombs - Chap 28 [Fantasy-Steampunk-Aventure]

Message par louji »

Judas_Cris a écrit : jeu. 22 avr., 2021 4:57 pm
Merci pour ton com :D
Ooooooh c'est ça que j'ai oublié de dire en intro aussi :lol: Oui il a changé de nom :roll: quand j'ai fait mes fiches d'ethnies j'ai remis à plat les noms de certains personnages (Smath ne s'appellera plus comme ça par exemple) et pour Viral j'ai écrit son nouveau nom dans le chapitre sans penser à vous prévenir :? Désolé... mais bon maintenant c'est fait je crois ? :lol:

Ahahahahah :twisted:
Bon, pour être honnête j'attendais que ton commente pour poster la suite :twisted: j'avais trop envie d'avoir cette réaction c'est un peu sadique désolé :roll:

Bon ça ARRIVE TOUT DE SUITE :mrgreen:
OK, je suis pas devenue folle, tu me rassures :lol: Pas de soucis, c'est juste que ça m'a fait bizarre sur le coup !

Oui, j'ai vu du coup :lol: Y'a que des auteurs sadiques sur ce forum je crois hein :D J'essaie de passer rapidement lire !
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Re: Le Temps des Surplombs - Fin 3e Partie [Fantasy-Steampunk-Aventure]

Message par Animia8 »

Hellooooooo :D

Avec quelques semaines de retard, j'ai enfin fini et WOOOOOW
J'avoue que je ne m'attendais pas du tout à ça. Je crois que je te l'ai déjà dit mais on ne s'ennuie vraiment pas avec toi ! Les événements s'enchaînent et ne nous laissent pas le temps de nous reposer. Déjà quand ils sont tombés j'ai cru qu'ils allaient atterrir au Contrebas, ce qui aurait pu être drôle haha (¬‿¬) La fin est très très surprenante, on a vraiment envie de connaître ce qu'il va se passer et ce que ce nouveau "pouvoir" de Yulia implique.

J'ai remarqué des toutes petites fautes de frappe mais je ne sais plus où elles sont (ಥ﹏ಥ) mais je crois qu'à la toute fin tu a écris "C’était une conversion qu’ils auraient en privé", je me demande si ce ne serait pas "conversation" à la place de "conversion" ?

Boooon, du coup c'est quoi la suite du programme ? Une partie 4 ? Ou peut-être on passe au tome 2 ? A moins que tu veuilles réécrire la partie 1 si je me souviens bien :) Et après ça t'aimerais essayer de le faire éditer, non ?

Enfin bref, que du positif, j'ai du te le dire au début mais tu as une qualité d'écriture superbe, un univers et une histoire très prometteuse, sans parler de tous les efforts que tu as mis dans la création des annexes. Bravo pour tout ce travail !
Judas_Cris

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Re: Le Temps des Surplombs - Fin 3e Partie [Fantasy-Steampunk-Aventure]

Message par Judas_Cris »

Animia8 a écrit : jeu. 06 mai, 2021 10:06 pm Hellooooooo :D

Avec quelques semaines de retard, j'ai enfin fini et WOOOOOW
J'avoue que je ne m'attendais pas du tout à ça. Je crois que je te l'ai déjà dit mais on ne s'ennuie vraiment pas avec toi ! Les événements s'enchaînent et ne nous laissent pas le temps de nous reposer. Déjà quand ils sont tombés j'ai cru qu'ils allaient atterrir au Contrebas, ce qui aurait pu être drôle haha (¬‿¬) La fin est très très surprenante, on a vraiment envie de connaître ce qu'il va se passer et ce que ce nouveau "pouvoir" de Yulia implique.

J'ai remarqué des toutes petites fautes de frappe mais je ne sais plus où elles sont (ಥ﹏ಥ) mais je crois qu'à la toute fin tu a écris "C’était une conversion qu’ils auraient en privé", je me demande si ce ne serait pas "conversation" à la place de "conversion" ?

Boooon, du coup c'est quoi la suite du programme ? Une partie 4 ? Ou peut-être on passe au tome 2 ? A moins que tu veuilles réécrire la partie 1 si je me souviens bien :) Et après ça t'aimerais essayer de le faire éditer, non ?

Enfin bref, que du positif, j'ai du te le dire au début mais tu as une qualité d'écriture superbe, un univers et une histoire très prometteuse, sans parler de tous les efforts que tu as mis dans la création des annexes. Bravo pour tout ce travail !
Hooooo j'ai oublié de te répondre, je suis désolé ! :oops: J'ai du travail en ce moment, donc je suis moins attentif à ce qui se passe ici, même si je surveillais l'arrivée des premiers lecteurs du chapitre :D Merci beaucoup d'être passée lire et d'avoir commenté, ça me fait super plaisir !!

Oh oui ahah, ça c'est sûr que tomber en Contrebas ça aurait été rigolo :lol: Ou pas du tout, bien sûr :twisted:
Cette fin d'arc est prévue depuis le tout début de mes brouillons (il y a... cinq ans ?). C'est aussi un enjeux majeur des réécritures que je veux faire : introduire une relation de Yulia à son collier plus "naturel", progressif et intime. Ce qui n'est pas du tout le cas actuellement dans les chapitres, où je trouve que je mentionne son collier trop rarement et où je n'ai pas de véritable scène pour y développer son attachement :?
Donc OUI pour répondre à tes interrogations, je planifie de réécriture en grande partie les 2 premières parties pendant l'été :lol: J'aimerais voir s'il est possible d'en faire 1 seul tome (partie1+2) mais sinon garder juste le premier et le proposer à l'édition.

Merci pour la faute ! Oui c'est bien évidement "conversation", c'est une faute de frappe que je fait souvent étonnamment :shock: Enora me la frappe en rouge, mais je ne sais pas d'où ça me vient :lol: Une mémoire musculaire de prêtre catholique peut-être ? :roll:

La partie 4 est entièrement scénarisée, mais elle ne sera pas pour tout de suite, ça c'est sûr malheureusement :? Je veux d'abord retravailler les débuts. PAR CONTRE il y a un Interlude qui arrive, avec notre gamin des rues préféré :mrgreen: Enfin, il n'est plus vraiment dans les rues... mais vous verrez 8-) écrit aux 3/4 je dirais, je le termine quand je me serais libéré un peu de temps :)

Merci merci merci beaucoup à toi :oops: Et à très bientôt :mrgreen:
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Re: Le Temps des Surplombs - Fin 3e Partie [Fantasy-Steampunk-Aventure]

Message par Mensonges »

Yo, comment va ?
Lu ton dernier chapitre !
J'avoue que j'avais tout à fait oublié cette histoire de collier :oops: Pour le coup, oui, c'était surprenant alors !
Spoiler
Curieuse de voir ce que ces nouveaux pouvoirs vont donner, j'espère que tu nous donnera une explication dans les suites, parce que là, le mystère est complet !
Sinon, j'ai apprécié l'action, tu as réussi à créer un bon suspens dans cet espèce de dédale souterrain, avec des rebondissements et tout !
Spoiler
Contente de ce bisou lesbien aussi hihi
Continue à nous faire vivre ces émotions, D4RK V1NCE ! 🤭
DanielPagés

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Re: Le Temps des Surplombs - Fin 3e Partie [Fantasy-Steampunk-Aventure]

Message par DanielPagés »

J'ai bien fait de venir vérifier : je n'avais pas lu la dernière partie du dernier chapitre.
T'imagines pas comment ça fait du bien de quitter le roman en sachant tout le monde (ou presque) en bon état et prêt pour la suite des aventures... ouais j'aime toujours quand ça se termine à peu près bien ! :twisted:
Je retire tout ce que j'ai pensé de toi et de ta méchanceté envers tes héro-ïne-s :lol:
J'en ressors tout de même un peu essoufflé, après avoir lu le chapitre entier.

Bravo...

J'espère que tu vas bien...
Donne des nouvelles...
Sinon, t'es toujours invité à la montagne, hein ?
Je t'embrasse.
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