Oneiris - Duologie + Novella [Heroic fantasy]

Postez ici tous vos écrits qui se découpent en plusieurs parties !

Question banale AF : quel est votre perso préféré ?

Alice
2
17%
Achalmy
2
17%
Mars
2
17%
Soraya
2
17%
Ace
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Zane
2
17%
Connor
1
8%
Vanä
1
8%
Wilwarin
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louji

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Re: Oneiris - Tomes I (terminé) et II (en cours) [Heroic fantasy]

Message par louji »

DanielPagés a écrit :Bien, bien ! Alice rentre avec sa déesse dans son sac à dos ! Et tout à coup me vient une petite angoisse : que va-t-il encore leur arriver qui leur barrera la route ? (j'ai le syndrome d'Ulysse ! :lol: )

Quelques bricoles :
- Kol Our fut de nouveau sur pieds dès le lendemain matin. - sur pied (comme à pied, toujours pied au singulier même s'il y en a deux !)
- je m’exécutai de bon entrain. - entrain exprime déjà quelque chose de positif. je ne suis pas certain que ce soit nécessaire de rajouter bon, ça fait un peu redondant...
- Aurais-je trouvé la force nécessaire si j’avais dû prêter mon corps à la Déesse le temps que nous atteignîmes Oneiris ? - "atteignîmes" m'a sauté aux yeux, :cry: ça me choque, instinctivement. Il me semble qu'il faudrait le subjonctif PqP pour concorder parfaitement : le temps que nous eussions atteint Oneiris
- Comme vous partons demain matin, je voudrais être sûre de ne pas retarder notre départ. - vous partons... :lol:
- Je ne me sens pas en danger, au contrainte. - ...


Hasta pronto !
bisoux
Dans le sac à dos, oui ! :D

Pour les bricoles, je corrige tout, merci !

Bizzouzze !
louji

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Re: Oneiris - Tomes I (terminé) et II (en cours) [Heroic fantasy]

Message par louji »

Chapitre 12
Achalmy



An 500 après le Grand Désastre, 2e mois de l’automne, Mont Valkovjen, Terres du Nord.



La pièce où se réunissait le conseil était située à l’étage d’une taverne de la place centrale. À côté du comptoir, une volée de marches en bois grinçantes permettait d’accéder à une coursive qui donnait sur la salle principale de l’auberge et sur une unique porte ouvragée. Derrière s’ouvrait une pièce assez grande pour accueillir plusieurs lits et éclaircie par deux fenêtres et quelques chandelles.
Le couple de taverniers avait allumé un feu, mais il n’avait pas encore tout à fait réchauffé l’air. Frissonnant, je me coulai près du foyer – bien moins puissant que la cheminée qui réchauffait la salle principale – en englobant d’un regard les chaises qui se faisaient face en cercle. Quinze sièges pour quinze élus Valkov. Serré près du foyer, je manquai éternuer à cause de la poussière qui avait été dérangée par l’arrivée des membres du conseil. De ce que j’avais entendu, les élus se réunissaient tous les mois ici pour discuter des problèmes et des opportunités du clan. La pièce ne devait pas servir entre chaque rencontre et le couple d’aubergistes devait se concentrer sur la grande salle pour le ménage.
Silja se tenait debout au milieu du cercle, ses cheveux noirs tressés sévèrement sur le dessus de sa tête, sa mâchoire volontaire contractée dans un visage fermé. Son bras blessé était maintenu en écharpe et, de l’autre main, elle pianotait nerveusement sur sa cuisse.
De manière visiblement aléatoire, les quinze élus s’installèrent sur les chaises et firent face à la cheffe de clan en silence. Sept femmes, huit hommes. Avec Silja, c’était la parité parfaite – voulue ou non, je n’en savais rien. Mais, d’après les profils divers qu’affichaient les élus, les Valkov devaient accorder de l’importance à ce que chacun fût représenté.
Il y avait là Ljorn, une Chasseuse que j’avais aperçue dans la troupe d’expédition de Korn, un fermier qui sentait aussi fort que ses cochons, la guérisseuse qui s’était occupée de Maëva et Jukaïs, une jeune fille au sourire intimidé et à la tenue étonnamment raffinée, un vieil homme dont les doigts encore habiles faisaient tournoyer sa canne d’appui et deux frères aux bras musclés et anormalement rougis – des forgerons ? – qui s’étaient installés près l’un de l’autre. De mon côté, proche de la cheminée, me tournaient le dos une femme au ventre rond d’un enfant à venir, un garçon à peine sorti de l’adolescence dont les mains étaient tachées d’encre, un quarantenaire au crâne couvert de vilaines balafres qui posait une main ferme sur l’épaule d’une jeune femme en habits de cuir, deux Chasseuses aux crânes rasés qui se tenaient mutuellement par la taille et un jeune homme qui devait avoir mon âge et sentait… la bière ?
La majorité des élus me jeta un coup d’œil étonné, certains me saluèrent d’un hochement de tête, d’autres me toisèrent en retroussant le nez. J’ignorai ces derniers, nonchalamment installé près de l’âtre, un sourire au coin des lèvres que je ne pouvais effacer. Shir lui-même m’avait proposé de participer au conseil, appuyé par la guérisseuse qui avait sauvé la vie de la fille de la cheffe de clan. Ljorn avait aussi approuvé du bout des lèvres, en réalité reconnaissant que j’eusse écarté son fils de son combat insensé contre sa sœur.
Les deux Valkov, contrairement à ce que je m’étais imaginé, avaient fini par s’inquiéter sincèrement pour leurs enfants et avaient mis de côté leur envie mutuelle de s’étriper. Ils étaient arrivés quelques minutes après moi sur la place centrale et s’étaient mis d’accord pour me sauter dessus afin de m’extirper des informations. Je leur avais bien évidemment indiqué où étaient leurs enfants, mais, aveuglés par la rage, la peur et la douleur, ils avaient eu le temps de me luxer l’épaule ainsi que de me couvrir d’ecchymoses et d’entailles superficielles pour plusieurs jours.
Mais ça en valait le prix pour voir leurs tronches atterrées face à Shir, songeai-je en retenant un rire, sincèrement amusé par le souvenir des mines dépitées et honteuses qu’ils avaient affichées en face de leur divinité protectrice. J’avais déjà expérimenté les colères divines, alors je n’avais pas été si impressionné par le coup de fureur qu’avait pris Shir en découvrant les blessures de Maëva et Jukaïs. Mais Korn comme Silja avaient blêmi face aux exclamations mentales du loup géant, prenant un air accablé mot après mot.
La matinée s’était écoulée dans une ambiance électrique, Silja et Ljorn tous deux assis à même le sol devant la maison de la guérisseuse qui détenait la vie de leurs enfants entre ses mains. Shir était resté lui aussi, autant pour les surveiller que pour prier Galadriel d’épargner la jeune génération de son clan. Avec le soleil d’après-midi étaient venues les bonnes nouvelles : Jukaïs n’était pas blessé grièvement à l’épaule et pouvait rentrer chez lui. L’état de Maëva était plus inquiétant, mais l’hémorragie avait été contenue et sa respiration avait retrouvé une certaine régularité.
Une fois sûrs et certains que leurs enfants allaient passer la nuit, Silja et Ljorn s’étaient de nouveau tenus face-à-face. Shir avait montré les crocs, les poils du dos hérissés des épaules à la queue, mais les deux adultes s’étaient contentés de se toiser dans un silence de haine brûlante. Puis, d’une voix étouffée par ses dents serrées, Silja avait proposé de repousser la réunion du conseil au lendemain matin. Soulagés, Ljorn et Shir avaient immédiatement approuvé avant de me proposer de participer. Silja s’était soulevée face à la décision puis ravisée lorsque la guérisseuse était intervenue pour approuver ma participation. Après tout, il aurait été déplacé qu’elle s’opposât à la volonté de la femme qui venait de sauver la vie de sa fille.

Une journée s’était écoulée depuis que Silja et Ljorn avaient combattu au milieu d’une ruelle à peine éclairée par les lueurs du jour. La colère s’était peut-être calmée, mais les ressentiments et les accusations mutuelles étaient toujours là. Frère et sœur ne se quittaient plus des yeux tandis que le calme tombait dans la salle. Bientôt, seuls le crépitement des flammes, les respirations plus ou moins discrètes et l’avenir du clan en suspens se firent entendre.
Comme le feu commençait à me brûler les joues, je m’éloignai de quelques pas et m’adossai au mur, bras croisés sur la poitrine. Sans mes sabres – les armes étaient interdites au conseil – je me sentais nu, même si la possibilité de faire appel à l’eau à tout instant me rassurait quelque peu. Sans compter que j’avais demandé à Mars d’attendre sur la coursive en lui confiant mes katanas, appréhendant un nouvel esclandre entre Ljorn et sa sœur.
— Conseil.
La voix tranchante et assurée de Silja coupa l’air comme une lame fend l’eau. Elle cessa d’agiter les doigts de sa main libre pour faire un mouvement du bras en tournant sur elle-même, englobant ainsi toute la pièce de son attention.
— Bonjour à toutes et à tous. Comme vous le savez, la réunion devait avoir lieu hier, mais certaines circonstances m’ont forcé la main. J’ai dû prendre les devants et me rendre chez Ljorn pour récupérer ma fille. (Elle conclut en plantant les yeux dans ceux de son frère, qui se raidit sur sa chaise en serrant les mâchoires.) Comme je détenais moi-même son fils, nous avons échangé nos enfants.
Les élus l’écoutaient sans broncher ni montrer signe d’approbation ou de refus. Les nouvelles avaient vite traversé le village et, à part les enfants trop jeunes pour comprendre, tout le monde devait être au courant. À vrai dire, j’étais même surpris que Silja expliquât ce qui s’était passé la veille sans omettre ses propres torts.
— La situation a dégénéré, j’ai blessé Jukaïs à l’épaule et un… une attaque déviée a touché Maëva à la poitrine. (Elle marqua une courte pause pendant laquelle ses traits se crispèrent de douleur.) Pendant que Ljorn et moi combattions… Achalmy est intervenu pour éloigner nos enfants de la zone de combat.
Comme la cheffe de clan glissait ses profonds yeux bleus vers moi, le groupe suivit son regard. Je me redressai et affrontai les expressions songeuses, reconnaissantes ou dubitatives des élus. Après m’être éclairci la gorge, je me redressai et lançai d’un ton plat :
— J’étais sorti me promener quand je suis tombé sur Silja. Je l’ai suivie et j’ai assisté à son combat avec Ljorn. Je peux donc confirmer ce qu’elle a expliqué.
Le vieil homme qui faisait tournoyer sa canne intervint avec une trace d’amusement surpris dans la voix :
— C’est le fils de Connor et Nikja ? (Comme le visage de Silja se plissait de stupéfaction, je compris que mon identité avait été gardée sous silence.) Il a la voix de son papa, mais son énergie nerveuse et impulsive ressemble en tous points à celle de sa maman.
Étrangement ému par le ton affectueux de l’homme, je l’observai plus attentivement. Ses yeux posés dans le vague et troublés par la cataracte m’apprirent qu’il était aveugle – pour ce qui était de la vision au sens commun, toutefois.
— Je suis leur fils, oui, acquiesçai-je d’un ton où perçait une pointe de fierté que je n’avais pas prévue. Et, avant que vous vous imaginiez que je viens compliquer les questions d’héritage, sachez que je suis pas intéressé pour diriger le clan Valkov.
Si la plupart des élus ne réagirent pas spécialement, une demi-douzaine soupira discrètement de soulagement. Avec un haussement d’épaules, j’enchaînai :
— J’y ai aucune légitimité : je suis pas né ici, j’ai pas grandi ici et je… j’ai même pas connu ma mère. Alors je souhaite pas m’engager auprès du clan pour espérer devenir chef un jour. (D’un regard franc, je fis le tour des seize personnes qui me faisaient face.) Tout ce que je souhaitais en venant ici, c’était apprendre à vous connaître, à mieux comprendre mon clan maternel.
Je fis une pause pour dévisager plus longuement Ljorn et Silja sans masquer mon irritation.
— Or, j’ai rapidement compris qu’il se tramait de sales choses en arrière-plan. (En redressant le menton avec hardiesse, j’affrontai sans ciller les regards luisants de colère de mon oncle et ma tante.) J’ai assisté en personne au combat de Silja et Ljorn. J’ai vu jusqu’où ils étaient prêts à aller. Faire couler le sang de son sang dans l’espoir de sauver son clan… c’est aussi tragique qu’honorable.
Je fis disparaître toutes traces d’admiration pour lâcher froidement :
— Mais impliquer mes cousins, alors qu’ils semblent tout juste saisir les enjeux qui planent au-dessus d’eux, ça a rien d’honorifique. Bien au contraire. Vous les avez inclus dans une bataille à laquelle ils n’ont pas voulu participer.
Je durcis ma voix en toisant tour à tour Ljorn et Silja du regard le plus tempétueux que je pusse arborer. D’après leurs expressions méfiantes, je compris que j’avais réussi à les rendre nerveux.
— La façon dont vous avez agi, c’est pas digne de Chasseurs. Pas digne de Nordistes. Pas digne de parents. (Je m’avançai d’un pas en projetant ma voix à travers toute la salle.) Vous devriez avoir honte. Tous les deux.
Alors que Silja me foudroyait du regard, lèvres pincées et narines frémissantes, Ljorn se leva soudainement, les épaules tendues et le visage plissé de fureur impatiente.
— Sors d’ici, gamin. Si c’est pour nous faire la morale, t’es pas le bienvenu. J’ai accepté que tu participes, car je pensais que tu pourrais faire comprendre à Silja ses erreurs grâce à ton point de vue extérieur.
— Vous vous imaginez qu’elle est la seule à porter les torts ? sifflai-je en retour, sarcastique.
Ce fut sûrement la goutte de trop, car je me retrouvai soudain avec un poignard de glace à un cheveu de la gorge. Je déglutis, ma pomme d’Adam frôlant la pointe gelée dans un frisson. Avant que j’eusse pu reprendre la parole, Silja posa une main sur le bras de son frère.
— Ljorn, arrête, tu ne…
— Lâche-moi, gronda-t-il en la repoussant brutalement.
Elle fit quelques pas en arrière pour rétablir son équilibre avec un air à la fois blessé et agacé.
— Ljorn, écoutons ce que le gamin a à dire, proposa l’une des deux Chasseuses qui s’étreignaient. Comme tu l’as toi-même relevé, il est extérieur au clan. Je suis d’avis à écouter ses propositions.
Certains élus hochèrent la tête dans un mouvement d’approbation. D’autres, moins nombreux, marmonnèrent entre leurs dents, mécontents. Silja s’approcha de nouveau vers son frère et, de force, lui fit baisser le bras. Elle ne me regardait pas, son attention fixée sur le visage tiré de Ljorn. Tous deux avaient des cernes après avoir passé une partie de la journée à se ronger les sangs pour leur progéniture. Leur nuit n’avait pas dû être plus reposante.
— Très bien, cracha Ljorn en se laissant tomber sur sa chaise. J’accepte de t’écouter, Achalmy. Considère ceci comme un remboursement de ma dette envers toi pour avoir sauvé Jukaïs.
Comme si je considérais mon cousin comme un moyen de paiement, songeai-je, amer et maussade. Je retins toutefois mes mots et me contentai de remercier mon oncle d’un hochement de tête.
— Je sais que tu as pas complètement tort, souffla Silja en grimaçant sans oser me regarder dans les yeux. J’ai agi impulsivement en allant chercher Maëva chez mon frère. J’étais tellement inquiète pour ma fille que j’aurais fouillé toutes les maisons du clan si nécessaire.
— Si vous étiez si inquiète pour votre fille, pourquoi avez-vous pas laissé tomber le combat dès que vous l’avez récupérée ?
Une étincelle de colère muette flamboya dans ses yeux d’un bleu sauvage. Sa mâchoire affirmée se contracta et sa ressemblance avec Ljorn me frappa soudain.
— Ljorn m’aurait attaquée dans le dos.
Celui-ci se redressa sur sa chaise, les yeux écarquillés d’indignation, le corps penché comme s’il allait bondir pour étrangler sa sœur. Il en rêvait sûrement.
— Silja, Ljorn, ça suffit, soupira le vieillard à la canne en fermant les paupières. Les rumeurs de votre combat ont déjà traversé tout le village. Et Achalmy est là pour les confirmer. Vous avez tous les deux eu tort : Ljorn, c’était indigne de capturer ta nièce pour en faire une otage. Silja, tu as été insensée en voulant tout régler de toi-même.
Le frère et la sœur n’osèrent piper mot face au vieil élu. L’homme avait dû connaître les chefs précédents et son âge lui accordait un respect instinctif de la part de ses cadets.
— À présent, par votre faute, Maëva et Jukaïs sont blessés. Le clan est plus déchiré que jamais. Certains continuent de penser que vous devrions garder nos traditions et laisser Maëva hériter, malgré ses capacités restreintes et le peu d’intérêt qu’elle a manifesté jusqu’ici pour la gouvernance. Mais il y a un autre courant de pensée au sein de nos gens et il serait aussi inconscient qu’indigne de l’ignorer. Ljorn en est le premier représentant.
Je remarquai sans mal les élus qui se rangèrent à cette dernière catégorie. Ils étaient sept sur les quinze, soit la moitié. La plupart avait moins de trente ans.
— Nous voulons diminuer les pouvoirs de Silja, expliqua Ljorn sans regarder sa sœur. Elle possède trop d’influence sur trop d’aspects de la vie de clan. Nombre d’entre-nous s’en sont lassés, surtout lorsque Silja est trop butée pour revenir sur des règles internes qui sont obsolètes.
— C’est notre histoire ! s’exclama la cheffe de clan en se tournant vers son frère, l’air stupéfait. L’héritage de nos ancêtres, de nos précédents chefs… Ils ont fondé le clan, instauré des principes pour nous permettre de profiter au mieux du don de Galadriel et de protéger le Mont. Comment peux-tu envisager de détruire tout ça ?
— C’est le passé, Sil, soupira l’homme en s’adoucissant un chouïa. Et ce n’est pas une question de destruction. Je parle d’adaptation. Shir… tu sais que Shir nous soutient, au fond. Lui aussi est déchiré par notre guerre civile. Sans compter sur les troubles qu’il manifeste depuis des mois.
— J’ai justement agi pour calmer ses humeurs, soupira Silja en baissant la tête. J’ai demandé à nos éclaireurs de repousser les serviteurs pour permettre à Shir de se reposer le plus possible.
Les élus échangeaient quelques messes basses entre deux échanges du frère et de la sœur. Je n’étais qu’à moitié surpris qu’ils ne prissent pas la parole à voix haute. Silja et Ljorn avaient une présence autoritaire naturelle et leur joute verbale ne favorisait pas l’intervention d’autrui. Sans compter que la cheffe de clan et son frère jetaient fréquemment des coups d’œil autour d’eux pour savoir qui les soutenait ou pas. Même s’ils ne demandaient pas directement l’avis de leurs interlocuteurs, ils s’assuraient de savoir vers qui tendaient les allégeances.
Les débats continuèrent. Je n’intervins pas spécialement, car je n’avais pas suffisamment connaissance de la situation. Je surpris quelques regards divaguer vers moi, comme pour me demander mon avis, mais on ne m’apostropha jamais directement.
Le feu avait eu le temps de n’être plus que cendres lorsque le conseil décida d’une pause. Il n’y avait pas eu d’avancées majeures, simplement les mêmes questionnements que les élus devaient débattre depuis des mois : Maëva, fille unique de l’actuelle cheffe de clan, devait-elle hériter ? Sachant que l’adolescente n’avait le goût ni des armes – elle prenait très rarement part aux expéditions en dehors du clan – ni de la politique – elle n’assistait pas au conseil et ne se prononçait pas publiquement auprès de ses pairs. Jukaïs, son cousin, était quant à lui un Chasseur reconnu et redouté au même titre que son père et sa tante. Les jeunes du village l’appréciaient, la génération d’avant le traitait comme leur fils et les anciens appréciaient son énergie. Mais il était aussi fougueux, souvent imprudent, pas toujours réfléchi. Le vieil homme à la canne avait d’ailleurs fait remarquer que Maëva et lui étaient très complémentaires. Quand le jeune homme festoyait bruyamment en prenant maladroitement des nouvelles des uns et des autres, Maëva faisait le tour des familles pour se renseigner sur leurs bonheurs ou malheurs récents. Jukaïs partait en expédition avec Ljorn, protégeait les abords du village. Sa cousine, pendant ce temps, participait aux travaux de rénovation annuels et animaient des ateliers d’arts manuels ou d’apprentissage des lettres. Malgré la remarque que lança le vieil homme, personne ne fit réellement attention à ses propos.
Dans ma tête, en revanche, des idées fleurissaient.

Quand certains élus commencèrent à frissonner, je sortis discrètement sur la coursive. Mars était accoudé à la balustrade, les fourreaux de mes sabres calés contre les barreaux à ses côtés. En me reconnaissant, il se redressa en souriant d’un air soulagé.
— Ils discutent depuis tellement de temps que je demandais si j’allais pas m’endormir.
— Désolé pour l’attente, grimaçai-je en m’installant près de lui sur la rambarde.
Quelques clients matinaux se remplissaient l’estomac d’omelette aux herbes et de pain frais. Derrière nous, les voix des élus nous parvenaient à travers la porte fermée, couvrant tout juste les cliquetis des couverts et des chopes. Je m’accordai deux longues minutes d’observation pour reposer mon esprit embrumé de vives discussions puis me tournai vers Mars.
— Notre feu s’est éteint, tu pourrais le rallumer ?
Il prit aussitôt un air de chien battu. Exactement le même air qui m’avait empêché de lui trancher la gorge des mois plus tôt, quand il s’en était pris à moi dans l’espoir de toucher une prime. L’idiot avait besoin d’argent pour acheter ses nécessaires de guérisseur, mais il faisait rarement payer pour ses services. En apprenant la belle somme promise par les Terres de l’Ouest pour ma capture, le bougre s’était donc lancé à ma poursuite et m’avait surpris sur le chemin de Vasilias. Son incompatibilité avec le combat et son inexpérience en termes de souffrances causées à autrui m’avaient rapidement sauté au nez. Bien que lassé par les attaques incessantes que je subissais à l’époque, je l’avais laissé en vie. Grand bien m’en avait fait, Mars m’avait sauvé la mise quelques jours plus tard en me libérant des troupes occidentales.
— Désolé, murmurai-je d’un ton sincère en baissant le nez. Mais t’inquiète pas, je retourne pas blablater au conseil. Je dois aller voir Jukaïs et Maëva.
— Ils se reposent, non ? Tu vas pouvoir les voir ?
— Je sais pas, reconnus-je en me baissant pour récupérer les fourreaux de mes katanas. Jukaïs devrait être en état de me parler. Pour Maëva… je verrai si on me laisse la voir.
Mars acquiesça avec une moue perplexe avant d’ouvrir timidement la porte du conseil. Il se figea en apercevant les regards perplexes des élus puis manqua trébucher quand je le poussai dans le dos. Avec un rictus contrit, je fis un petit signe à Silja.
— Mon ami va rallumer le feu. Pour ma part, je pense avoir assez entendu de cet échange. J’ai besoin de temps pour réfléchir et éventuellement apporter des conseils qui vous soient utiles.
La cheffe de clan ne réagit pas tout de suite, se contentant de me toiser avec raideur. Puis elle hocha la tête d’un minuscule mouvement de menton et bascula les yeux sur Mars. Mon compagnon s’était approché discrètement de l’âtre. D’un simple mouvement des doigts, il redonna vie aux flammes disparues depuis une vingtaine de minutes. La buchette de bois carbonisée s’affaissa sous le coup de la chaleur puis s’installa dans son lit de cendres pour finir de brûler.
— Merci, lança l’un des élus d’une voix soulagée alors que Mars me rejoignait.
— Avec g-grand plaisir, bredouilla ce dernier en exécutant le salut nordiste.
Je fronçai les sourcils en même temps que mes pairs puis décidai que la maladresse de mon ami était amusante. Avec un haussement d’épaules, je m’écartai pour laisser sortir Mars et englobai d’un coup d’œil l’ensemble du conseil.
— Je rendrai compte à Silja des conclusions que j’ai pu tirer. D’ici-là, je vous souhaite une bonne journée.
La plupart des élus me rendirent la politesse avant de repartir dans leurs débats. Sur la coursive, Mars était devenu aussi rouge que les braises qu’il avait ravivées quelques secondes auparavant.
— Tu t’es penché trop près du feu ? lançai-je d’un ton narquois, sachant pertinemment que c’était son embarras qui avait coloré ses joues et non la chaleur.
— La ferme, grommela-t-il dans son bouc en s’engageant derrière moi dans les escaliers grinçants. J’ai une faim de loup, on peut en profiter pour déjeuner ici ?
Je m’esclaffai alors que nous atteignions le rez-de-chaussée. Sourcils froncés et air pincé, Mars me fit face sans savoir que penser de mon expression enjouée.
— Du langage grossier, des métaphores animales… Tu deviens un vrai Nordiste, par Lefk.
Un sourire aussi gêné que crâneur redressa ses lèvres jusqu’au milieu de ses joues mal rasées.
— Du sang occidental, un pouvoir des terres australes, des techniques de guérison orientales et, bientôt, un langage du Nord… Je serai sans aucun doute un homme accompli.
Il rit à la perspective qui l’attendait, sincèrement ravi des différents horizons culturels qu’il avait explorés. Même si je savais qu’il ne se prendrait jamais réellement au sérieux, j’étais soulagé qu’il gagnât un peu confiance en lui. Il méritait qu’on reconnût sa volonté de fer et sa curiosité à toutes épreuves.
— Allez, soupirai-je en m’avançant au milieu des tables pour rejoindre le comptoir. Je te paie un petit-déjeuner, pour la cause.
Une exclamation réjouie me perça le tympan droit en me faisant grimacer. Certaines choses ne changeaient pas. Même si elles me cassaient les pieds à un moment, elles me réchauffaient le cœur à long terme. Et c’était le plus important.


Dernière modification par louji le mar. 21 déc., 2021 11:39 am, modifié 3 fois.
vampiredelivres

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Re: Oneiris - Tomes I (terminé) et II (en cours) [Heroic fantasy]

Message par vampiredelivres »

louji a écrit :Bon, bon, bon, j'ai une p'tite annonce pour Oneiris : je pense prendre une "pause estivale". À comprendre : ne rien publier jusqu'à septembre pour retirer la pression perso que je mets pour boucler mes chapitre à temps (je n'ai toujours pas terminé le chapitre que j'étais censée avoir fini il y a un mois, pour tout dire :roll: ). Je n'ai toujours pas retrouvé la motivation et l'entrain pour l'écriture d'Oneiris, malgré l'inspiration toujours présente pour cet univers. Je tiens à terminer cette histoire, à boucler cette duologie, mais je ne veux pas me forcer à écrire. Je suis plutôt contente de la forme de mon écrit pour Oneiris depuis quelques chapitres, mais garder cette aise dans la forme me demande une certaine concentration lors de l'écriture (une concentration que j'ai beaucoup moins pour SUI en comparaison). Donc mes chapitres me prennent plus de temps, j'avance à deux à l'heure, et comme je suis focalisée sur SUI qui coule beaucoup mieux, c'est pas simple ! Puis je pense que je commence à me lasser du PDV interne 1ère personne, car j'écris avec ce PDV depuis 5 ans déjà et je me sens un peu bloquée à présent.
Du coup, je prends une bonne pause de 3 mois, histoire de voir si l'absence de délais perso me permet d'être plus tranquille pour écrire. Si en septembre, c'est toujours pas ça, je continuerai de publier, mais sûrement à un rythme plus lent (un chapitre par mois, ou un truc comme ça.)
Oula je suis bavarde. Mais c'était nécessaire d'expliquer ça !
Prends ton temps ! Les délais, c'est en général la mort de l'inspi ; en tout cas, ça l'a souvent été pour moi. Bon courage pour SUI et pour Oneiris :)
TcmA

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Re: Oneiris - Tomes I (terminé) et II (en cours) [Heroic fantasy]

Message par TcmA »

Hiello~

Pas de souci, prends ton temps! :D En espérant que ça t'aide, que tu relâches la pression et que ça t'inspire!
Pour ce qui est du rythme de publi, t'inquiète pas, on sera toujours là pour lire!

De retour avec Al et sa famille dysfonctionnelle, owi ♥
Ohla, j'aimerais pas me faire engueuler par Shir :'D
Les deux chasseuses ♥ ♥
Bim, Al fait son petit effet. Il a totalement raison, Ljorn et Silja ont été irresponsables.
Mhhh, la bonne famille où la confiance et le respect règnent, un plaisir. Le papi-canne est vraiment cool (mettez leur un peu de plomb dans la tête, monsieur, s'il vous plaît).

Les conflits du clan sont bien construits, c'est vraiment intéressant. Bon, les gars, par contre, sortez vous les doigts du... ahem. Conciliez les deux pdvs, prenez 2 chefs, surtout s'ils sont si complémentaires! Comme ça, tout le monde est content.

Mars ♥ (lui aussi, il va avoir droit au cœur à chaque apparition). Il est trop mignon. (Machalmy. Fallait que ça sorte. :lol: )

J'ai vu deux petites choses:
Il y a un petit "come" qui se balade ("la génération d’avant le traitait come leur fils")!
"Désolé pour l'attendre" ;)

Yaaaaas! Un chap un peu plus calme, mais c'était nécessaire.
Le fonctionnement du clan est vraiment intéressant, le conseil est vachement cool. J'ai bien hâte de voir ce que va faire Al x)
C'est toujours un plaisir de lire Oneiris! J'espère que la pause va porter ses fruits :D

Courage pour la suite,
La bise~
louji

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Re: Oneiris - Tomes I (terminé) et II (en cours) [Heroic fantasy]

Message par louji »

vampiredelivres a écrit : Prends ton temps ! Les délais, c'est en général la mort de l'inspi ; en tout cas, ça l'a souvent été pour moi. Bon courage pour SUI et pour Oneiris :)
Ouais, là, ça commençait à me couper l'envie !
Et merci ;)

TcmA a écrit :Hiello~

Pas de souci, prends ton temps! :D En espérant que ça t'aide, que tu relâches la pression et que ça t'inspire!
Pour ce qui est du rythme de publi, t'inquiète pas, on sera toujours là pour lire!

De retour avec Al et sa famille dysfonctionnelle, owi ♥
Ohla, j'aimerais pas me faire engueuler par Shir :'D
Les deux chasseuses ♥ ♥
Bim, Al fait son petit effet. Il a totalement raison, Ljorn et Silja ont été irresponsables.
Mhhh, la bonne famille où la confiance et le respect règnent, un plaisir. Le papi-canne est vraiment cool (mettez leur un peu de plomb dans la tête, monsieur, s'il vous plaît).

Les conflits du clan sont bien construits, c'est vraiment intéressant. Bon, les gars, par contre, sortez vous les doigts du... ahem. Conciliez les deux pdvs, prenez 2 chefs, surtout s'ils sont si complémentaires! Comme ça, tout le monde est content.

Mars ♥ (lui aussi, il va avoir droit au cœur à chaque apparition). Il est trop mignon. (Machalmy. Fallait que ça sorte. :lol: )

J'ai vu deux petites choses:
Il y a un petit "come" qui se balade ("la génération d’avant le traitait come leur fils")!
"Désolé pour l'attendre" ;)

Yaaaaas! Un chap un peu plus calme, mais c'était nécessaire.
Le fonctionnement du clan est vraiment intéressant, le conseil est vachement cool. J'ai bien hâte de voir ce que va faire Al x)
C'est toujours un plaisir de lire Oneiris! J'espère que la pause va porter ses fruits :D

Courage pour la suite,
La bise~
Yes, merci !

La famille dysfonctionnelle, un plaisir de la littérature ♥
Ouais, moi non plus, un loup géant qui me hurle mentalement dessus et montre les crocs, moyen rassurant :lol:
Yes, il a fait son p'tit effet... Mine de rien, il a amené le conseil à se remettre en question et à écouter tous les avis...
Le papi-canne, je l'aime bien aussi !

Merci ! J'avais peur d'amener ça de manière pas claire ou un peu chiante, mais si c'est sympa, alors good ! Et c'est aussi ce que se dit Al, je te rassure ;)

Mars ♥ Il est très bien avec un coeur aussi. (très sincèrement Salomé, j'ai presque tourné cette scène de manière à ce que tu me souffles "Machalmy" à l'oreille MDR)

Merci, je corrige !

Marci ! J'avais bien aimé écrire ce chapitre, car c'est pas vraiment le genre de scène que j'ai beaucoup écrite, alors je m'entraîne :)

A bientôt et merci pour tout :D
TcmA

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Re: Oneiris - Tomes I (terminé) et II (en cours) [Heroic fantasy]

Message par TcmA »

louji a écrit :Yes, merci !
La famille dysfonctionnelle, un plaisir de la littérature ♥
Ouais, moi non plus, un loup géant qui me hurle mentalement dessus et montre les crocs, moyen rassurant :lol:
Yes, il a fait son p'tit effet... Mine de rien, il a amené le conseil à se remettre en question et à écouter tous les avis...
Le papi-canne, je l'aime bien aussi !
Merci ! J'avais peur d'amener ça de manière pas claire ou un peu chiante, mais si c'est sympa, alors good ! Et c'est aussi ce que se dit Al, je te rassure ;)
Mars ♥ Il est très bien avec un coeur aussi. (très sincèrement Salomé, j'ai presque tourné cette scène de manière à ce que tu me souffles "Machalmy" à l'oreille MDR)
Merci, je corrige !
Marci ! J'avais bien aimé écrire ce chapitre, car c'est pas vraiment le genre de scène que j'ai beaucoup écrite, alors je m'entraîne :)
A bientôt et merci pour tout :D

Un plaisir à partager ♥
MDRRRR non, clairement jepleur :lol:
Oui, c'est pas rien! Chapeau ;)

Noooon, du tout! Aahhh on est sur la même longueur d'onde.

Image
Je suis touchée. Je te susurrerais "Machalmy" à l'oreille tant que tu veux :lol:

Ohhh super!

La bise~
louji

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Re: Oneiris - Tomes I (terminé) et II (en cours) [Heroic fantasy]

Message par louji »

TcmA a écrit :
Un plaisir à partager ♥
MDRRRR non, clairement jepleur :lol:
Oui, c'est pas rien! Chapeau ;)

Noooon, du tout! Aahhh on est sur la même longueur d'onde.

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Je suis touchée. Je te susurrerais "Machalmy" à l'oreille tant que tu veux :lol:

Ohhh super!

La bise~
MDR j'ai hâte que tu le susurres

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Re: Oneiris - Tomes I (terminé) et II (en cours) [Heroic fantasy]

Message par DanielPagés »

Bon, pas grand chose à dire !
Écris à ton rythme... c'est un peu pour toi que tu écris tout de même ! :lol: C'est vrai que je râle parce que je voudrais la suite direct, mais bon, nous survivrons ! :lol:
Ils ont quand même une tête en pierre de Volvic ces gens du Nord ! :lol: remarque, il y a des conseils municipaux où c'est assez ressemblant dans notre beau pays !!

reste juste deux bricoles, Salomé a corrigé les deux autres :
appréhendant une nouvelle esclandre entre Ljorn et sa sœur. - un nouvel esclandre (masculin)

et son âge lui accordait un respect instinctif de la part de ses cadets. - ce n'est pas son âge qui lui accordait mais ses cadets qui lui accordaient un respect à cause de son âge. Alors vaudrait mieux écrire quelque chose comme "lui attirait-valait-procurait un respect...."


Bisous
louji

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Re: Oneiris - Tomes I (terminé) et II (en cours) [Heroic fantasy]

Message par louji »

DanielPagés a écrit :Bon, pas grand chose à dire !
Écris à ton rythme... c'est un peu pour toi que tu écris tout de même ! :lol: C'est vrai que je râle parce que je voudrais la suite direct, mais bon, nous survivrons ! :lol:
Ils ont quand même une tête en pierre de Volvic ces gens du Nord ! :lol: remarque, il y a des conseils municipaux où c'est assez ressemblant dans notre beau pays !!

reste juste deux bricoles, Salomé a corrigé les deux autres :
appréhendant une nouvelle esclandre entre Ljorn et sa sœur. - un nouvel esclandre (masculin)

et son âge lui accordait un respect instinctif de la part de ses cadets. - ce n'est pas son âge qui lui accordait mais ses cadets qui lui accordaient un respect à cause de son âge. Alors vaudrait mieux écrire quelque chose comme "lui attirait-valait-procurait un respect...."


Bisous
Oui, j'espère que la pause sera bénéfique et que je retrouverai plus de plaisir personnel à écrire ^^
Alors, j'ai bien ri en lisant cette métaphore, elle est géniale :lol: Mais oui, les idées sont difficiles à faire passer...

Oh, je savais pas du tout pour esclandre =o Ça va être dur à intégrer !
Effectivement, je l'ai tourné bizarrement... Merci

Bisous !
louji

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Re: Oneiris - Tomes I (terminé) et II (en cours) [Heroic fantasy]

Message par louji »

Reprise



Kess donc ? La reprise ?
Oui :roll:
Aled :lol:
Sans déc, Oneiris est de retour, mais pas au top de sa forme ! Je vais être honnête : j'ai écrit un chapitre en 3 mois (lolilol). Et je ne veux pas me remettre de la pression comme avant, surtout avec la rentrée en master qui arrive.
J'aurais aimé vous proposer une fréquence de publication claire comme je l'ai fait jusqu'ici, mais c'est pas franchement possible. Je pense partir sur le principe suivant : dès que j'ai terminé un chapitre de mon côté, j'en poste un ici. Ce qui veut dire que ce sera très variable.

Comme moi-même je me rappelais pas bien ce qui s'était passé dans cette moitié de tome, je vous mets un récapitulatif des événements juste après !



Récapitulatif des événements (jusqu'au chap 12 du PDV d'Achalmy) :
Spoiler
Pour permettre à Aion de retrouver pour de bon sa divinité (et à Al de garder sa 'tite tête sur ses épaules), Galadriel envoie Alice et ses compagnons en quête à Oneiris et à l'étranger. Ils ont comme mission de retrouver les Dieux jumeaux perdus du Temps et de l'Espace (qui avaient fui tels des lâches suite au Grand Désastre). Alice met de côté son droit au trône occidental et le deuil de son père pour partir dans les Terres au-delà des Mers, Mor Avi, aux côtés de Soraya. Kan, la Déesse du Temps semble s'être exilée là-bas, dans les contrées du Dieu Changeur, Rug Da. Achalmy se propose lui de rechercher Eon, Maître de l'Espace, dont la trace a été perçue loin au nord. C'est aussi pour le jeune homme l'occasion d'accomplir sa Maturité, rituel Nordiste de passage à l'âge adulte, et d'en apprendre plus sur son clan maternel, les Valkov. C'est en compagnie de Mars, le guérisseur occidento-sudiste, qu'il s'élance sur la voie de ses ancêtres en direction du Mont Valkovjen.
A Mor Avi, Alice et Soraya suivent un groupe de pèlerins qui les mènent à travers différents Sak, des Sanctuaires dédiés à différents visages de Rug Da, jusqu'à un temple dédié à Kol, une essence liée au Temps. Là-bas, elles font la connaissance de Kol Zou, une Gardienne revêche, mais serviable, et de Kol Our, un Gardien aussi jeune physiquement qu'important dans ses fonctions. Grâce à leur aide, les jeunes femmes entrent en contact avec Kan, dont l'esprit s'est mêlé à celui de Kol au fil des siècles. Leur séparation risquant de fragiliser l'essence de Kol, Kan leur exige la preuve qu'Eon soit lui aussi de retour à Oneiris pour quitter définitivement le continent étranger. Pour se faire, elle glisse une infime partie de sa conscience dans l'esprit d'Alice afin de s'assurer que les Oneiriannes respectent leur engagement.
Mars et Al, au fil des semaines, parviennent à rejoindre le clan Valkov, où ils ne sont pas reçus chaleureusement. Les Nordistes sont sous tension depuis que leur divinité gardienne, Shir (un gros louloup tout blanc), est perturbé par les traces diffuses d'une divinité inconnue. Sans compter que la guerre civile menace au sein du clan : la cheffe, Silja (sœur jumelle de feu la maman d'Al) doit choisir son héritier, or sa fille naturelle n'est pas très bonne guerrière. Elle s'oppose ainsi à son petit frère, Ljorn, qui souhaite faire de son fils Jukais le prochain chef de clan.
louji

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Re: Oneiris - Tomes I (terminé) et II (en cours) [Heroic fantasy]

Message par louji »

Après avoir échangé et validé un p'tit deal avec Kan, Soraya et Alice disent (enfin ?) adieu au Kol Sak. A présent, elles retournent au bercail ! (Ce serait cool de pouvoir écrire Oneiris sur ce ton :lol: )



Chapitre 13
Alice



An 500 après le Grand Désastre, 2e mois du printemps, Kol Sak, Mor Avi.



Nos bagages sur les épaules, Soraya et moi remontions doucement le chemin de gravillons qui menait à l’entrée du Sanctuaire. Comme je les avais fréquentés moins d’une semaine, je ne pouvais pas prétendre m’être durement attachée à Kol Zou et Kol Our, mais notre départ imminent jetait un poids dans mes semelles. Bien que familière des adieux, habituée depuis longtemps à recevoir des Nobles, la perspective de ne pas les revoir avant des années m’étreignait le cœur de regrets. De retour à Oneiris, je retrouverais ma famille et mon foyer et, avec eux, les nombreuses occupations qui allaient m’incomber. Le Kol Sak serait alors un souvenir empli de découvertes et de soulagement, mais sans doute pas la première destination de voyage vers laquelle je me tournerais.
— Alors, lança Kol Our derrière nous avec son sourire mutin d’enfant, direction Jen Si ?
À ses côtés, Kol Zou gardait les bras croisés sur la poitrine et les lèvres plissées. Même si c’était son humeur habituelle, j’étais un peu déçue qu’elle ne témoignât pas plus de chaleur à notre égard. Elle nous regardait à peine dans les yeux, chassant de temps à autre une mèche noire qui venait chatouiller son nez.
— Direction Jen Si, approuva Soraya d’une voix enthousiaste avant de préciser : nous allons prendre le chemin le plus direct jusqu’à la cité. Comme nous n’avons plus assez d’argent pour nous payer des chevaux, nous ferons le trajet à pied.
— Une dizaine de jours suffira, en effet, ajouta Kol Our en hochant la tête. Vous visiterez le Sanctuaire du Ciel ? je crois que Kol Zou vous l’a conseillé.
Cette dernière daigna lever le nez à la mention de son nom. Elle esquissa une ébauche de sourire comme Soraya et moi acquiescions.
— Je ne sais pas si nous aurons le temps de le visiter, nuança Soraya avec une moue contrite, mais ce sera notre priorité si nous avons quelques heures devant nous.
Satisfaite, Kol Zou étira un peu plus les commissures de ses lèvres, laissant ses bras tomber le long de ses flancs.
— Faites attention à vous, souffla le Gardien en chef en nous couvant tour à tour d’un regard à la fois soucieux et rassuré. Même si vous êtes dotées de pouvoirs divins, nous restons tous des mortels.
— Bien sûr. Nous allons rester sur les routes principales et, si c’est nécessaire, nous en éloigner le moins longtemps possible.
Soraya réajusta la sangle de son bagage sur son épaule puis adressa un hochement de tête appréciateur à nos interlocuteurs. Elle fouilla sa poche quelques instants avant d’en tirer une pierre polie. D’une jolie couleur ambrée, elle scintillait dans la lumière matinale grâce à de minuscules éclats figés par le temps.
— Dans mes Terres, il est rare de quitter des connaissances sans offrir quelque chose. (Soraya déposa avec désinvolture le cristal dans la petite main de Kol Our.) Ce n’est pas grand-chose, mais je vous prierais d’accepter ce morceau de Crishaqq en échange de votre accueil et de votre aide.
— C’est magnifique, s’émerveilla Kol Our en levant la pierre à la lumière pour faire jouer les reflets jaunes, bruns et dorés. Je n’ai jamais entendu ce nom, Crishaqq… C’est spécifique à vos contrées ?
— Tout à fait, sourit Soraya sans masquer la fierté qui fit luire ses yeux de miel. Les Terres du Sud sont séparées de l’Est par une frontière naturelle, le gouffre du Shaqq. Mon peuple est parvenu à inventer des monte-charges capables d’atteindre le contrebas. La pierre Crishaqq provient des grottes que l’on a découvertes dans ce gouffre.
— Fascinant, murmura le Gardien en chef en plissant les yeux pour détailler les petits cristaux brillants qui semblaient s’être fondus dans la pierre.
Avec un sourire engageant, il tendit le cristal à sa compagne, qui le récupéra avec déférence.
— Voyagez bien, lança Kol Our en croisant les mains devant lui. Que Kol et vos Dieux veillent sur vous. N’oubliez pas que vous agissez pour la sauvegarde de vos divinités et de vos contrées. Vous pouvez être fières de ce que vous avez accompli, Alice, Soraya. Vous êtes de belles âmes, quelles que soient les failles qui vous font penser le contraire.
C’était si étrange d’entendre des paroles de cette nature de la bouche rieuse d’un enfant. Si le décalage avait de quoi étonner, le sens des mots n’en était pas terni. Touchée, reconnaissante et, quelque part, persuadée de ne pas mériter ces compliments, je détournai le regard. Je devais sûrement rougir bêtement, comme souvent lorsque j’étais embarrassée, mais je décidai finalement de m’en moquer.
— Merci pour tout, conclus-je d’un ton que j’affermis tant bien que mal. Même si nous ne revenons pas avant un moment, j’espère de tout cœur recroiser votre route un jour.
Un sourire qui portait autant de mystère que le Temps lui-même courba la bouche de Kol Our. Ses yeux cuivrés luisaient avec espièglerie lorsqu’il répondit :
— Je n’en ai aucun doute, reine Alice.

Alors que nous laissions le Kol Sak derrière nous, avec ses Gardiens songeurs, ses instruments de mesure et l’esprit de Kan en osmose avec son protecteur, je me tournai vers Soraya.
— Cette pierre… tu ne me l’as jamais montrée. Tu l’avais avec toi tout ce temps ?
Un sourire mi-figue mi-raisin gagna les lèvres généreuses de mon amie tandis que nous nous enfoncions sous la canopée des arbres, prenant soin de suivre le chemin tracé par des générations de pèlerins.
— Je l’avais déjà avec moi quand nous nous sommes rencontrées à Ma’an. C’est mon frère qui me l’a offerte quand j’ai accédé à la tête de l’Empire, à douze ans. (Je ne pus m’empêcher de grimacer en me rappelant l’âge qu’avait Soraya lorsqu’elle avait été propulsée à la tête de ses Terres.) Mais, tu dois t’en douter, je n’ai guère envie de conserver le moindre souvenir de Dastan.
Elle haussa les épaules avec une moue pincée.
— Je tenais sincèrement à remercier Kol Our, Kol Zou et les autres Gardiens. Offrir un bien à une personne lorsqu’on la quitte est une réelle tradition sudiste. Je ne veux pas te donner l’impression de m’être débarrassée de cette pierre, de mon fardeau, mais… je veux prendre un nouveau départ. Oublier qui j’étais et le mal que j’ai pu faire à mon peuple. (Elle me jeta un regard furtif dans lequel baignait une mer de culpabilité.) D’une certaine façon, je me comporte toujours en égoïste, à vouloir fuir et oublier ma vie antérieure. Je crois que je ne peux changer intrinsèquement qui je suis. Mais j’ai au moins le courage de le reconnaître.
Peinée par la honte qui plissait ses traits harmonieux et les remords évidents qui assombrissaient son regard habituellement lumineux, je lui touchai le bras avec douceur.
— Soraya, même si tu estimes que ton choix est égoïste, tu as toujours conscience des erreurs que tu as commises. C’est un bon départ pour agir différemment et rattraper les années que tu penses perdues. (À voir son expression maussade, je n’étais pas certaine de l’avoir réconfortée. Je m’évertuai pourtant à demander : ) Tu voudrais prendre un nouveau chemin… mais tu sais déjà lequel ?
— Un chemin qui ne fait pas reposer le poids de milliers d’âmes sur mes épaules, répondit-elle du tac au tac. En même temps, je n’ai pas envie de tourner complètement le dos à mes Terres et à son peuple. Je ne veux pas les oublier, ou vivre loin d’eux.
Incertaine du chemin que pouvait constituer une telle vie, je soupirai en observant les fougères qui recouvraient partiellement le chemin.
— Alors, repris-je d’un ton prudent, tu ne souhaites pas que nous nous rendions dans les Terres du Sud en revenant à Oneiris ?
— Surtout pas en première destination ! s’exclama Soraya en s’arrêtant pour me dévisager avec de grands yeux sérieux. Alice, tu es la priorité.
— Pas plus que toi, répliquai-je d’une voix mi-amusée mi-lasse. Toi aussi, tu n’as plus vu tes amis ou ta famille depuis des mois.
Traits crispés et mâchoire contractée, mon amie secoua fermement la tête.
— Alice, tu as quitté ton foyer il y a plus de six mois. Ta propre mère ne sait pas si tu es encore en vie. Ton petit frère est peut-être monté sur un trône qui te revient de droit. Il est hors de question de faire un détour. Nous débarquerons à Vasilias puis nous nous hâterons au Château du Crépuscule. (Elle haussa ses sourcils sombres d’un air entendu, sourire en coin.) Alors tu reprendras ton royaume en main, petite Reine.
— Toi aussi, tu m’appelles comme ça ? grommelai-je en rougissant, toutefois touchée par la confiance qu’elle me portait.
— Il faut dire les choses, Alice : tu es vraiment petite.
Pour appuyer son propos, Soraya me tapota le dessus du crâne.

Une décade plus tard, nous nous laissâmes tomber sur un banc taillé à même une imposante roche, les jambes tremblotantes, la nuque et le front couverts de sueur. La chaleur de fin d’après-midi était amoindrie par les vents marins qui filaient entre les rues des faubourgs de Jen Si. Il était trop tard – et nous étions épuisées – pour nous enfoncer vers le cœur de la cité. Le village dans lequel nous étions arrivées était assez conséquent pour abriter des commerces et des auberges. Comme c’était exactement ce que nous recherchions en ce moment-même, Soraya et moi avions décidé de faire étape ici. À une dizaine de mètres de nous, quelques lettres en fer forgé indiquaient le nom de l’auberge : ruiz kiço, l’air ensoleillé. La bâtisse à deux étages donnait directement sur la rue et était encadrée de deux commerces : un tailleur ainsi qu’une boutique de bijoux et accessoires. Avec ses murs d’un orange chaleureux et ses volets rouges, l’auberge était difficile à manquer.
— Je ne sais pas ce que je souhaite le plus : un bon repas chaud ou un bon bain chaud, marmonna Soraya en se redressant du banc.
— Un repas, pour ma part, soupirai-je en passant une main sur mon ventre rempli de gargouillements. Je ne pense pas être très difficile après des mois sur la route, mais les rations de voyage commencent à me lasser.
Soraya me tendit la main pour m’aider à me relever. J’acceptai son aide avec un sourire puis la suivis le long des quelques mètres qui nous séparaient de l’auberge. Des rideaux d’un jaune fané masquaient les deux fenêtres qui donnaient sur la rue. Je percevais tout de même les éclats de voix et les raclements du mobilier et des couverts.
La porte en bois portait des traces de coups et d’usure, mais elle s’ouvrit sans résistance devant nous. L’odeur de bière et de choux s’accompagna d’un air moite de sueur. Des clients bruyants occupaient le comptoir et d’autres, plus discrets, s’étaient répartis dans la salle en petits groupes. Vraisemblablement, nous avions plus affaire à une taverne de village qu’à une auberge de voyageurs. Ce n’était pas très important, tant que Soraya avait droit à son bain et moi à mon repas.
Nous nous poussâmes contre un mur pour ne pas gêner les passants le temps qu’un aubergiste nous remarquât. Deux interminables minutes plus tard, un garçon blond aux taches de rousseur s’arrêta face à nous et demanda dans un avirien que je trouvai étrangement haché :
— Vous souhaitez le souper et le couchage ou simplement dîner ?
Il ne devait pas avoir plus de quinze ans. Le fils des taverniers ? Comme je ne répondais pas tout de suite, il releva les yeux des ongles qu’il se récurait pour nous dévisager. Ses yeux marron se troublèrent un instant tandis que nous échangions un long regard.
— Vous ne comprenez pas l’avirien ? soupira-t-il dans la langue en question avant de basculer aisément en oneirian : vous venez d’Oneiris ?
Cette fois-ci, ses mots étaient clairs, distingués et son accent… par les Dieux, son accent ressemblait beaucoup au mien. Stupéfaite, je clignai des yeux pour observer plus particulièrement son visage. Peau assez pâle pour un habitant d’une ville portuaire, cheveux blonds cendrés tandis que la plupart des Aviriens étaient bruns, des lobes d’oreille ronds comme les nôtres…
— Vous êtes Occidental ? soufflai-je avec hésitation alors que Soraya nous jetait un coup d’œil étonné. Vos parents ont émigré à Jen Si ?
L’air ennuyé et fatigué du serveur laissa rapidement place à la surprise puis au soulagement.
— Je… oui, je suis Occidental. Vous aussi ? Vous avez un bel accent, ma Dame.
Tandis que Soraya se retenait de pouffer face à l’air sérieux du garçon, je me figeai. Il n’y avait rien dans ma tenue qui me disait aristocrate. Avec le manque d’éclairage dans la grande salle commune, mes yeux indigo pouvaient très bien paraître bruns. Dans la mesure où le jeune homme possédait une intonation très similaire à la mienne…
— Êtes-vous Noble ? soufflai-je d’un air incertain en observant plus attentivement ses iris.
Malgré la semi-obscurité, ils me paraissaient bel et bien marron. Le serveur me coupa dans mon observation en expliquant d’une voix hachée par la précipitation :
— Ou-oui, je le suis ! En fait, ma mère l’était. Je n’ai pas hérité de ses pouvoirs, alors je devrai céder mes terres à un autre Noble, mais… (Il s’arrêta au milieu de sa phrase en secouant la tête.) Mais ça n’a aucune importance. J’ai besoin que vous m’aidiez, ma Dame !
— Que vous arrive-t-il ? m’enquis-je en serrant ses poignets avec mes mains, alarmée par la peur et la tristesse qui déformaient à présent ses traits juvéniles.
— Mes parents ont été assassinés par des bandits il y a un an, murmura-t-il d’une voix rocailleuse en baissant le nez, peut-être pour nous cacher d’éventuels yeux humides. Ma mère savait manier des éclairs, alors elle nous a protégés, papa et moi, mais… ça n’a pas suffi, ils l’ont abattue. Mon père m’a entraîné au loin, mais on s’est fait rattraper. Je ne sais pas pourquoi, mais ils ne m’ont pas suivi.
— Sûrement parce que les affaires que tes parents avaient laissées derrière ou portaient sur eux étaient les plus précieuses. Un enfant comme toi ne les intéressait pas, expliqua Soraya d’un ton si formel qu’il en était presque froid.
Le jeune homme lui jeta un regard vide, encore plongé dans ses souvenirs ensanglantés.
— J’ai erré pendant des jours et j’ai débarqué dans ce bourg. Je ne parlais pas l’avirien, je n’avais pas d’argent, mais… Yan Ruiz a accepté de m’engager en échange d’une chambre et de trois repas par jour. Il m’a appris l’avirien, le service en salle, la cuisine et la plonge et je…
Sa voix se fêla. À présent aussi raide que le mobilier en bois qui meublait la salle, il resta hagard pendant quelques secondes sans que Soraya et moi tentions de relancer la conversation. Je serrai plus fort ses poignets entre mes mains pour l’encourager à continuer. En clignant des paupières, il chassa une larme solitaire puis reprit d’un ton à peine audible au milieu du brouhaha et des cliquetis :
— Comme je reçois une paie, je mets de côté, mais en un an, je n’ai toujours pas acquis la somme nécessaire pour me payer une place au bord d’un navire appareillant pour Oneiris. Je veux juste rentrer chez moi.
Sa déclaration, simple malgré un ton suintant de lassitude, me serra si fort le cœur que je relâchai la pression sur ses poignets. Je m’étais tant répété cette phrase durant les derniers mois que j’avais fini par en oublier le sens, la consistance. Et le jeune Occidental venait de replanter en moi la douleur et l’espoir amer associés à cette supplique. Rentrer chez soi.
— Où habites-tu ? lui demandai-je en le tutoyant à présent, presque certaine que nous avions moins de trois ans d’écart.
— Ma mère possédait des terres à une trentaine de lieues du Château du Crépuscule. Rien d’incroyable, ma Dame, quelques fermes et des champs.
— C’est ce qui nourrit notre peuple, le contredis-je doucement en souriant avant d’ajouter avec une certaine gêne : comment tu t’appelles ? je n’ai même pas pensé à te demander.
— Viktor Kellis, ma Dame, se présenta-t-il en recouvrant peu à peu la bonne humeur. Et vous ?
Soraya me jeta un regard de mise en garde. J’hésitai face à la moue implorante du jeune homme. C’était un Occidental orphelin à des centaines de lieues de chez lui, dont l’unique désir était de retrouver ses terres et, peut-être, la famille qui lui restait.
— Je suis la princesse Alice, me décidai-je enfin à souffler malgré l’appréhension qui venait de m’agripper la gorge.
Il y eut un silence de la part de Viktor. Ses yeux écarquillés glissèrent vers Soraya, comme pour s’assurer que je ne plaisantais pas. Puis, plus vite que je ne l’aurais cru, il se recomposa une façade polie. Décidément, c’était bien un fils de Noble.
— Je pensais bien vous avoir déjà vue quelque part, avoua Viktor avec une petite moue amusée. Je n’osais pas y croire, car… c’est invraisemblable ! Mais vous voilà en chair et en os, ma princesse.
Je m’étais tellement habituée au ton moqueur qu’employaient Achalmy et Soraya pour me désigner avec ce surnom que l’intonation grave, respectueuse, du jeune Noble me noua l’estomac. À force de côtoyer de hautes figures comme des empereurs, des Gardiens ou même des Dieux, j’en oubliais l’importance que je pouvais revêtir pour d’autres.

Viktor nous installa promptement à l’une des meilleures tables – éloignée du centre bruyant de la salle et près de l’un des foyers aux braises encore rougeoyantes – et nous servit le menu du soir. Soraya et moi nous contentâmes humblement de la soupe au choux accompagnée de pain aux noix, bien trop affamées et lassées par nos rations de survie des derniers jours.
— J’aimerais qu’on l’emmène avec nous, annonçai-je à Soraya après qu’un autre aubergiste eût débarrassé nos bols. Nos bourses ont encore de la réserve, comme les Sanctuaires ne nous ont presque rien fait payer. Viktor a dit qu’il avait commencé à économiser… nous devons avoir assez pour compléter ce qui lui manque.
Le visage de Soraya était fermé, ses yeux de miel assombris d’un trouble méfiant. J’étais déroutée par l’air dubitatif qu’elle ne se privait pas d’afficher. Pourquoi cette réserve ?
— Qui nous dit qu’il dit la vérité ? grommela alors Soraya devant mon expression inquisitrice. Ce garçon pourrait très bien profiter de notre argent pour s’offrir un voyage gratuit à Oneiris.
— Il a dit qu’il avait déjà des économies, répliquai-je en secouant la tête. Il n’est pas question de lui offrir l’entièreté du billet. D’ailleurs, nous n’avons pas assez d’argent pour en acheter trois.
Toujours circonspecte, Soraya croisa les bras sur sa poitrine en m’observant d’un air songeur. Mâchoires serrées, je lui rendis sans regard sans ciller. J’étais déterminée à sortir Viktor de ce faubourg de Jen Si et à le ramener chez lui. Si, en tant que princesse, je n’en étais pas capable, comment pourrais-je me prétendre reine ?
— Très bien, capitula Soraya avec un gros soupir qui affaissa sa poitrine. Tu as pris ton petit air buté, je ne te ferai pas changer d’avis. Mais, je te préviens, si la marge qui nous reste après l’achat de notre traversée ne suffit pas pour compléter les économies de Viktor, on le laisse ici.
— D’accord, acceptai-je à mon tour, bien que tourmentée par l’éventualité d’abandonner le jeune Occidental derrière moi.
Satisfaite de notre accord, Soraya m’adressa un sourire et un clin d’œil complice avant de héler Viktor qui passait à deux tables de nous.
— Jeune homme, il y a une baignoire dans la chambre que tu nous as réservée ?
— Une baignoire ? répéta le garçon d’un air éberlué en accourant vers nous. Eh bien, ma Dame, je regrette, mais seule la meilleure chambre de la taverne en possède une…
Une lueur espiègle éclaira les prunelles mordorées de mon amie. Je souris à la perspective de la négociation qui s’amorçait. Nous aurions pu nous rendre aux thermes de la ville, mais je devais reconnaître qu’une baignoire bien chaude me donnait plus envie.
— Tu accueilles dans ta petite taverne de faubourg un membre de la famille royale Occidentale et tu lui refuses la meilleure chambre de ton établissement ?
Viktor vira au cramoisi en moins de temps qu’il en fallut pour le dire. Il serra son plateau contre sa poitrine, bafouilla quelques secondes en nous dévisageant tour à tour, puis secoua la tête.
— Je vais prévenir Yan Ruiz. La chambre en question est vide pour ce soir, la réservation la plus proche ne commence que demain soir.
— En voilà une bonne nouvelle, roucoula Soraya d’une voix suave en couvant le serveur d’un regard intense. À présent, Viktor, si tu veux faire plaisir à ta princesse et à sa chère amie, nous te prierons de te hâter de remplir la baignoire d’eau bien chaude parfumée aux senteurs locales.
Intimidé par l’assurance déstabilisante que dégageait Soraya, le serveur me jeta un coup d’œil, hocha la tête puis s’éloigna d’un pas. Je le rattrapai par le bras avant qu’il s’en fût pour de bon et lui annonçai d’une voix claire :
— Viktor, nous nous rendons au port demain matin pour acheter notre traversée jusqu’à Vasilias. Si tu te sens de partir en si peu de temps, nous acceptons de payer ce qui te manque pour obtenir ton propre billet. Tu pourras nous accompagner sur le chemin du retour.
Un éclat que je connaissais bien étincela dans les iris hésitants du garçon. L’espoir. L’espoir de rentrer chez soi, de rentrer chez lui, de retrouver ses repères. Nous ne lui laissions pas beaucoup de temps pour se préparer et faire ses adieux au tavernier qui l’avait recueilli. Nous n’avions malheureusement pas plus d’heures à lui accorder, tant notre retour brûlait nos entrailles, à Soraya comme à moi.
— Je vais en parler à Yan Ruiz, acquiesça Viktor d’une voix tremblotante. Je veux m’assurer que je ne lui cause pas de tort en partant si vite. Mais vous aurez ma réponse demain matin, pour sûr.
— Très bien, souris-je en le relâchant, soulagée qu’il eût accepté d’y réfléchir. Nous attendons ta réponse.
Avec une expression troublée de reconnaissance, il hocha la tête puis fila à ses occupations. Soraya et moi quittâmes notre table une quinzaine de minutes plus tard puis entreprîmes de porter nos bagages jusque dans la plus grande chambre, dans une aile éloignée de la salle commune. Un bon bain chaud nous attendait.


Dernière modification par louji le mar. 21 déc., 2021 11:44 am, modifié 2 fois.
TcmA

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Re: Oneiris - Tomes I (terminé) et II (en cours) [Heroic fantasy]

Message par TcmA »

Hiello~

Bonne reprise! Ça m'a vraiment fait plaisir de revoir la notification pour Oneiris! :D
Aucun souci pour le rythme de publication, le plus important, c'est qu'Oneiris ne devienne pas une espèce de bête noire. Puis, je trouve que ça donnera un petit plus à chaque chapitre qui sortira ;) La petite surprise de la semaine.

Merci pour le récapitulatif, il m'a fait bien rire! (Je retiens surtout Shir, le gros louloup tout blanc : totale décrédibilisation, il passe de divinité à grosse peluche, j'adore.)

Chapitre 13
"Ouais ben c'est notre duo préf Sorayal qui claque la bise à Kol Our, leur poto de toujours, puis elles se barrent revoir la mif."

Ben franchement, c'est comme si tu n'étais jamais partie! C'est toujours clair, dans la continuité des autres chapitres (certes, tu as dû écrire par petits bouts en continu et l'alternance des chapitres rendrait une petite fluctuation dans la continuité moins repérable, mais chut), et toujours autant plaisant à lire.

Ça me fait plaisir de retrouver Alice et son esprit réfléchi et humble, et Soraya et sa franchise!

Direction Jen Si et la zonmé, alors! Toute la partie à Mor Avi était bien sympa, les persos que tu as introduits sont vraiment cool (Kol Our, plus particulièrement), et mama, j'ai adoré les traditions (aviriennes, mais aussi sudistes avec ce chap!) et le monde que tu as créé et les différences avec Oneiris. On peut pas rester dans les Sanctuaires et les Temples? C'était si calme (bon, si on oublie Kan qui ramenait sa fraise de temps en temps :lol: )

On en apprend encore sur Soraya, c'est vraiment cool. 12 ans, damn, c'est jeune. Elle avait une (ou plusieurs) régente(s)?

Ho ho? Viktor nous amène un peu de tension? Ça donne bien envie de savoir dans quelle direction ça va aller! :D Il a l'air plutôt honnête, j'imagine mal le voir planter un couteau dans le dos de Sorayal, mais bon, prudence est mère de sûreté :v

Courage pour la suite!

La bise~
louji

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Re: Oneiris - Tomes I (terminé) et II (en cours) [Heroic fantasy]

Message par louji »

TcmA a écrit :Hiello~

Bonne reprise! Ça m'a vraiment fait plaisir de revoir la notification pour Oneiris! :D
Aucun souci pour le rythme de publication, le plus important, c'est qu'Oneiris ne devienne pas une espèce de bête noire. Puis, je trouve que ça donnera un petit plus à chaque chapitre qui sortira ;) La petite surprise de la semaine.

Merci pour le récapitulatif, il m'a fait bien rire! (Je retiens surtout Shir, le gros louloup tout blanc : totale décrédibilisation, il passe de divinité à grosse peluche, j'adore.)

Chapitre 13
"Ouais ben c'est notre duo préf Sorayal qui claque la bise à Kol Our, leur poto de toujours, puis elles se barrent revoir la mif."

Ben franchement, c'est comme si tu n'étais jamais partie! C'est toujours clair, dans la continuité des autres chapitres (certes, tu as dû écrire par petits bouts en continu et l'alternance des chapitres rendrait une petite fluctuation dans la continuité moins repérable, mais chut), et toujours autant plaisant à lire.

Ça me fait plaisir de retrouver Alice et son esprit réfléchi et humble, et Soraya et sa franchise!

Direction Jen Si et la zonmé, alors! Toute la partie à Mor Avi était bien sympa, les persos que tu as introduits sont vraiment cool (Kol Our, plus particulièrement), et mama, j'ai adoré les traditions (aviriennes, mais aussi sudistes avec ce chap!) et le monde que tu as créé et les différences avec Oneiris. On peut pas rester dans les Sanctuaires et les Temples? C'était si calme (bon, si on oublie Kan qui ramenait sa fraise de temps en temps :lol: )

On en apprend encore sur Soraya, c'est vraiment cool. 12 ans, damn, c'est jeune. Elle avait une (ou plusieurs) régente(s)?

Ho ho? Viktor nous amène un peu de tension? Ça donne bien envie de savoir dans quelle direction ça va aller! :D Il a l'air plutôt honnête, j'imagine mal le voir planter un couteau dans le dos de Sorayal, mais bon, prudence est mère de sûreté :v

Courage pour la suite!

La bise~
Hi !

Merci beaucoup... c'est une reprise chaotique mais bon x)
Oui, c'est pour ça que je ne veux pas me forcer avec Oneiris, faudrait pas que ça devienne une corvée plus qu'autre chose, c'est clair

(Mdr j'ai eu quelques piques de déconnade je reconnais ;-;)

Ce chapitre date du confinement, ce sera peut-être le prochain qui sera plus bizarre :geek:
Mais merci et moi aussi j'suis contente de les retrouver en vrai

Merci bien, je me suis pas mal amusée avec Rud Da et les Sanctuaires, c'est clair ! Et j'aurais aimé y rester plus longtemps aussi mais c'est pas trop possible :mrgreen:

Oui, c'est jeune ! Elle avait des régentes, mais Soraya a été élevée comme une enfant-reine et ça s'est ressenti dans sa politique malgré les conseils de son entourage (puis Dastan a fait pitit coup d'État)

Viktor était pas du tout prévu, mais je compte bien sur lui pour amener un peu de peps ouais :D Mais oui Soraya est méfiante, surtout depuis que son frère l'a trahie... :v

Merci pour ton com et les encouragements ♥
TcmA

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Re: Oneiris - Tomes I (terminé) et II (en cours) [Heroic fantasy]

Message par TcmA »

louji a écrit :Hi !

Merci beaucoup... c'est une reprise chaotique mais bon x)
Oui, c'est pour ça que je ne veux pas me forcer avec Oneiris, faudrait pas que ça devienne une corvée plus qu'autre chose, c'est clair

(Mdr j'ai eu quelques piques de déconnade je reconnais ;-;)

Ce chapitre date du confinement, ce sera peut-être le prochain qui sera plus bizarre :geek:
Mais merci et moi aussi j'suis contente de les retrouver en vrai

Merci bien, je me suis pas mal amusée avec Rud Da et les Sanctuaires, c'est clair ! Et j'aurais aimé y rester plus longtemps aussi mais c'est pas trop possible :mrgreen:

Oui, c'est jeune ! Elle avait des régentes, mais Soraya a été élevée comme une enfant-reine et ça s'est ressenti dans sa politique malgré les conseils de son entourage (puis Dastan a fait pitit coup d'État)

Viktor était pas du tout prévu, mais je compte bien sur lui pour amener un peu de peps ouais :D Mais oui Soraya est méfiante, surtout depuis que son frère l'a trahie... :v

Merci pour ton com et les encouragements ♥

Un peu de chaos n'a jamais fait de mal à personne :lol:

(J'aime, continue :lol: )

Yes, on verra !
Aw, je suis contente alors !

Carrément ! Mais il faut que l'histoire avance ;)

Oui, bien sûr, pour l'enfant-reine (coucou Dastan au passage. J'ai un doute, il est alive? Dans mes souvenirs, ui)

Yaaaas ! Oui, bien sûr :?

Avec plaisir :mrgreen:
La bise~
louji

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Re: Oneiris - Tomes I (terminé) et II (en cours) [Heroic fantasy]

Message par louji »

TcmA a écrit :
Un peu de chaos n'a jamais fait de mal à personne :lol:

(J'aime, continue :lol: )

Yes, on verra !
Aw, je suis contente alors !

Carrément ! Mais il faut que l'histoire avance ;)

Oui, bien sûr, pour l'enfant-reine (coucou Dastan au passage. J'ai un doute, il est alive? Dans mes souvenirs, ui)

Yaaaas ! Oui, bien sûr :?

Avec plaisir :mrgreen:
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Dastan est bel et bien vivant ;) Il a fui le combat quand Calamity a attaqué en dehors du Noyau. Il a laissé sa soeur et est reparti dans le Sud.
DanielPagés

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Re: Oneiris - Tomes I (terminé) et II (en cours) [Heroic fantasy]

Message par DanielPagés »

Bon ! j'ai commencé par ici... On sent qu'elles sont bien plus décontractées sur le retour...
Ah ! j'aime bien l'arrivée d'un blondinet aux taches de rousseur... Les mecs d'un côté et les filles de l'autre, j'ai du mal. Un morceau de voyage mixte ça va faire du bien. Toutefois, je me demande si ton esprit (parfois tordu) ne va pas nous faire une mauvaise surprise, et ça je crains ! :lol: Donc, à suivre !
C'est agréable à lire comme d'hab depuis longtemps. Te force pas, vas-y quand ça te chante, t'en fais pas on suit tranquillement ! ;)

Deux bricoles :
les tintements du mobilier et des couverts - t'as souvent entendu le mobilier tinter ?
pour me payer une place au bord d’un navire affrétant pour Oneiris. - on affrète un navire, mais un navire n'affrète pas... tu veux peut-être dire "appareillant pour Oneiris" ?


Bon, en ce qui concerne SUI, je me suis fait une récup-brico-livre pour pouvoir lire du 31 au 38 confortablement. C'est quand même long 164 000 signes, ça fait 109 pages livre !
Comme je file en BZH puis à Oléron dans quelques jours, je le lirai pendant ma vadrouille !
Bisous
louji

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Re: Oneiris - Tomes I (terminé) et II (en cours) [Heroic fantasy]

Message par louji »

DanielPagés a écrit : lun. 28 sept., 2020 6:51 pm Bon ! j'ai commencé par ici... On sent qu'elles sont bien plus décontractées sur le retour...
Ah ! j'aime bien l'arrivée d'un blondinet aux taches de rousseur... Les mecs d'un côté et les filles de l'autre, j'ai du mal. Un morceau de voyage mixte ça va faire du bien. Toutefois, je me demande si ton esprit (parfois tordu) ne va pas nous faire une mauvaise surprise, et ça je crains ! :lol: Donc, à suivre !
C'est agréable à lire comme d'hab depuis longtemps. Te force pas, vas-y quand ça te chante, t'en fais pas on suit tranquillement ! ;)

Deux bricoles :
les tintements du mobilier et des couverts - t'as souvent entendu le mobilier tinter ?
pour me payer une place au bord d’un navire affrétant pour Oneiris. - on affrète un navire, mais un navire n'affrète pas... tu veux peut-être dire "appareillant pour Oneiris" ?


Bon, en ce qui concerne SUI, je me suis fait une récup-brico-livre pour pouvoir lire du 31 au 38 confortablement. C'est quand même long 164 000 signes, ça fait 109 pages livre !
Comme je file en BZH puis à Oléron dans quelques jours, je le lirai pendant ma vadrouille !
Bisous
Tu m'étonnes, elles ont bien envie de rentrer chez elles, je confirme !

Je comprends pour l'absence de mixité. Je voulais justement mettre en avant l'amitié homme-homme et femme-femme mais l'amitié homme-femme n'est pas à délaisser non plus ^^
Pour mon esprit tordu, je dirais simplement qu'il faut mettre un peu de péripéties pour rendre le voyage intéressant :roll:

Merci beaucoup Danou :)

Arf, je sais pas trop quel verbe utiliser à la place de "tinter" du coup :? Raclements ?
Oulala, mais je suis une catastrophe dès qu'il s'agit du vocabulaire maritime. J'ai l'impression que j'y arriverai jamais :lol:

Quoi ? Mais c'est pas possible :lol: C'est 109p écrit très gros ?? Quand j'ai fait imprimer Oneiris et The Debt, ils ont fait ~450p et 600p (pour ~150k et ~185k mots). Alors j'avais mis la police petite pour faire une plus petite pagination et payer moins cher, mais 100p pour quelques chapitres... Ou je me rends peut-être pas compte :lol:

Aaaah j'espère qu'il va pas faire trop moche par là-bas ! M'enfin, tu vas me dire, il fait super moche chez moi aussi x)
Bisous !
DanielPagés

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Re: Oneiris - Tomes I (terminé) et II (en cours) [Heroic fantasy]

Message par DanielPagés »

louji a écrit : lun. 28 sept., 2020 9:20 pm
DanielPagés a écrit : lun. 28 sept., 2020 6:51 pm Bon ! j'ai commencé par ici... On sent qu'elles sont bien plus décontractées sur le retour...
Ah ! j'aime bien l'arrivée d'un blondinet aux taches de rousseur... Les mecs d'un côté et les filles de l'autre, j'ai du mal. Un morceau de voyage mixte ça va faire du bien. Toutefois, je me demande si ton esprit (parfois tordu) ne va pas nous faire une mauvaise surprise, et ça je crains ! :lol: Donc, à suivre !
C'est agréable à lire comme d'hab depuis longtemps. Te force pas, vas-y quand ça te chante, t'en fais pas on suit tranquillement ! ;)

Deux bricoles :
les tintements du mobilier et des couverts - t'as souvent entendu le mobilier tinter ?
pour me payer une place au bord d’un navire affrétant pour Oneiris. - on affrète un navire, mais un navire n'affrète pas... tu veux peut-être dire "appareillant pour Oneiris" ?


Bon, en ce qui concerne SUI, je me suis fait une récup-brico-livre pour pouvoir lire du 31 au 38 confortablement. C'est quand même long 164 000 signes, ça fait 109 pages livre !
Comme je file en BZH puis à Oléron dans quelques jours, je le lirai pendant ma vadrouille !
Bisous
Tu m'étonnes, elles ont bien envie de rentrer chez elles, je confirme !

Je comprends pour l'absence de mixité. Je voulais justement mettre en avant l'amitié homme-homme et femme-femme mais l'amitié homme-femme n'est pas à délaisser non plus ^^
Pour mon esprit tordu, je dirais simplement qu'il faut mettre un peu de péripéties pour rendre le voyage intéressant :roll:

Merci beaucoup Danou :)

Arf, je sais pas trop quel verbe utiliser à la place de "tinter" du coup :? Raclements ?
Oulala, mais je suis une catastrophe dès qu'il s'agit du vocabulaire maritime. J'ai l'impression que j'y arriverai jamais :lol:

Quoi ? Mais c'est pas possible :lol: C'est 109p écrit très gros ?? Quand j'ai fait imprimer Oneiris et The Debt, ils ont fait ~450p et 600p (pour ~150k et ~185k mots). Alors j'avais mis la police petite pour faire une plus petite pagination et payer moins cher, mais 100p pour quelques chapitres... Ou je me rends peut-être pas compte :lol:

Aaaah j'espère qu'il va pas faire trop moche par là-bas ! M'enfin, tu vas me dire, il fait super moche chez moi aussi x)
Bisous !
Ahaha ! effectivement si tu mets en 6 ça te fait pas beaucoup de pages ! :lol: :lol: non, là c'est du 11 sur une police assez grosse mais ça correspond à des pages standard de 1500 signes si tu fais la division... :twisted:

Sinon, côté vocabulaire maritime, ben tout s'apprend quand on en a besoin, mais en fait tu t'en sers pas beaucoup, alors suffit de me demander si un mot te manque ! J'ai bien un super glossaire, je pourrais te le passer, mais c'est une liste de mots et faut fouiller. Si un jour, toutefois, tu veux faire un stage vocabu maritime, c'est possible ! :lol:

Pour tinter, le problème c'est que tu cherches à associer un bruit à deux sortes d'objets qui ne font pas le même bruit... alors peut-être tu pourrais envisager le choc des écuelles sur la table et le tintement des couverts qu'on installe à côté... tu vois l'idée ?

Bizzzouxxx !

Je t'ai envoyé le glossaire par mail... ;)
louji

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Re: Oneiris - Tomes I (terminé) et II (en cours) [Heroic fantasy]

Message par louji »

DanielPagés a écrit : mar. 29 sept., 2020 10:53 am
Ahaha ! effectivement si tu mets en 6 ça te fait pas beaucoup de pages ! :lol: :lol: non, là c'est du 11 sur une police assez grosse mais ça correspond à des pages standard de 1500 signes si tu fais la division... :twisted:

Sinon, côté vocabulaire maritime, ben tout s'apprend quand on en a besoin, mais en fait tu t'en sers pas beaucoup, alors suffit de me demander si un mot te manque ! J'ai bien un super glossaire, je pourrais te le passer, mais c'est une liste de mots et faut fouiller. Si un jour, toutefois, tu veux faire un stage vocabu maritime, c'est possible ! :lol:

Pour tinter, le problème c'est que tu cherches à associer un bruit à deux sortes d'objets qui ne font pas le même bruit... alors peut-être tu pourrais envisager le choc des écuelles sur la table et le tintement des couverts qu'on installe à côté... tu vois l'idée ?

Bizzzouxxx !

Je t'ai envoyé le glossaire par mail... ;)
Nan quand même :lol: En soi, c'est aussi le fait que j'ai mis un format très large en limitant les marges au max pour gagner de la place aussi... Toi tu dois mettre avec de bonnes marges j'imagine !

Oui, j'ai opté mon raclements finalement :oops:

J'ai bien reçu, merci ♥
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Re: Oneiris - Tomes I (terminé) et II (en cours) [Heroic fantasy]

Message par louji »

Dernier chapitre publié : date du 04/09.
Ah.
Ben je pensais que j'avais publié entre (spoilers : non).
Bref, voilà la suite (avec mes excuses pour le temps écoulé).
J'ai écrit 2 chapitres entre temps du coup, ce qui me laisse une petite (minus) avance sur la publication du forum.
Quant à ma relation avec Oneiris... j'ose espérer qu'elle repart du bon pied ;w; S.U.I étant terminé et le NaNo m'ayant donné de bonnes habitudes d'écriture, je pense relancer un peu la machine.
Et si je joue les fous-fous, je vise même la fin avant l'été 2021 8-) (zé bô de rèvé)




Chapitre 13
Achalmy



An 500 après le Grand Désastre, 2e mois de l’automne, Mont Valkovjen, Terres du Nord.



Mes fesses rebondirent sur la terre molle quand la flèche de Silja percuta mes sabres. Avec un grognement, je poussai sur les muscles de mes jambes pour me propulser hors d’atteinte de son prochain coup et glissai derrière un petit cabanon de rangement.
À cette heure-ci, alors que les flancs du Mont Valkovjen blanchissaient et rougeoyaient des premiers rayons, il n’y avait pas grand-monde aux abords du village. Ma tante et moi étions seuls tandis que nous louvoyions entre les rues, bondissions par-dessus les clôtures et nous jetions derrière les obstacles pour éviter les attaques de l’un et l’autre. Les vaches et les moutons dans les prés voisins qui nous lorgnaient d’un air désabusé étaient nos uniques témoins.
Les talons de Silja raclèrent sur le sol rocailleux des abords de la ferme. Prudemment, je me penchai à l’angle du mur et la trouvai prête à décocher sa flèche. Qui ne manqua pas de fuser aussitôt dans ma direction. Avec une grimace, je me jetai sur le côté. Des éclats de glace et de bois me touchèrent lorsque le projectile frappa l’angle du cabanon.
Et merde, par les bourses de Lefk, jurai-je en bondissant du côté opposé, un harpon de glace suspendu dans les airs près de moi. Je me figeai face aux prés, le corps tendu, dans l’espoir que Silja trahît son emplacement. Des éclats de lumière diffus me firent tourner la tête vers le cabanon dont je venais de fuir le couvert. L’air scintillait d’une lueur bleutée et me couvrait la peau de chair de poule. De la glace venait d’y être dissoute. Clignant des yeux, je levai le nez. Ma tante était installée sur le toit du cabanon, son visage grave éclairé par le jour naissant, son arc élémentaire pointé vers ma tête. Cette arme était définitivement son point fort. Haletant, les manches de mes katanas blottis au creux de mes mains, je capitulai en soupirant bruyamment.
— Tu as fait des escaliers de glace pour grimper là-haut ? m’enquis-je en rangeant Eon dans le fourreau accroché dans mon dos.
— Eh oui, lança-t-elle d’un ton clair en abaissant son arc. Il faut savoir faire preuve d’ingéniosité pendant un combat.
Je fis la moue, vexé par le sous-entendu. Le style de combat que m’avait enseigné Zane faisait appel à un certain sens de l’improvisation et d’exploitation de l’environnement immédiat. Je devais reconnaître que Silja venait d’en faire une parfaite démonstration.
— Les escaliers de glace, déclarai-je en l’observant redescendre par ce même moyen, c’est une fausse bonne idée.
Elle haussa un sourcil sombre qui accentua les rides qui plissaient légèrement son front.
— Tu dois utiliser beaucoup d’énergie pour les créer, ajoutai-je en glissant Kan à ma hanche gauche. Il faut faire appel à cette technique pile poil au bon moment.
— Pour qui tu me prends, gamin ? ronchonna-t-elle avec un rictus agacé. Contrairement à toi, je suis aussi très à l’aise en combat à distance. Les escaliers de glace me coupent momentanément de mes pouvoirs d’élémentaliste, c’est vrai. C’est pour ça que je bascule avec mon arc, pour abattre l’ennemi de loin.
Je m’efforçai à l’écouter sans montrer mon exaspération. Ne pouvait-elle pas m’expliquer quelque chose sans me rabaisser au passage ? Était-elle naturellement condescendante ou exerçait-elle cet art tout spécialement pour moi ?
— Le conseil ne va pas tarder, souffla ma tante en glissant son arc par-dessus son épaule. On ferait bien d’y aller.
Me tournant vers l’est pour apprécier le ciel naissant, je hochai la tête. Le précédent conseil avait eu lieu une décade plus tôt sans aboutir à quoi que ce fût de concret. Silja, Ljorn, leurs enfants et tout le clan espéraient plus de réponses pour cette fois.

Shir nous attendait devant l’auberge du conseil. En nous voyant arriver côte à côte, couverts de terre et de légères entailles, ses babines se retroussèrent.
Dix jours, c’était trop long pour vous retenir de vous attaquer mutuellement ? nous lança-t-il avec tant de hargne que je reculai d’un pas. À ma gauche, Silja afficha une moue décontenancée.
— Non, Shir, c’est pas ce que tu t’imagines, marmonna ma tante en secouant la tête. Achalmy et moi ne nous sommes pas battus, simplement entraînés.
Le loup divin reprit son calme en nous dévisageant tour à tour comme s’il refusait d’y croire. Je ne lui en voulais pas ; encore cinq jours plus tôt, Silja et moi ne pouvions nous croiser sans nous foudroyer du regard. Puis, un matin, de but en blanc, je lui avais demandé un duel amical. Nous avions partiellement détruit une cabane abandonnée à l’extrémité nord du domaine Valkov, mon œil droit avait manqué y passer et j’avais failli briser la cheville de ma tante. Depuis, nous nous entraînions chaque matin et chaque soir. Nos relations étaient bien plus cordiales.
Entrez vite, finit par répondre Shir avec un soupir mental. Le conseil vous attend.
Nous ne tardâmes pas plus. Je laissai ma tante pousser la porte de l’auberge et la suivis sans un mot. L’odeur du pain chaud et de la gelée de mûre faillirent me retenir dans la grande salle. Avec un claquement de langue agacé, Silja m’empoigna par le bras et me força à gravir les marches bancales du petit escalier. La porte ouvragée sur la coursive était entrouverte et laissait échapper quelques éclats de voix. Silja et moi étions les derniers : les quinze membres du conseil étaient déjà installés. Exceptionnellement, Jukaïs et Maëva, mes cousins, étaient aussi présents. Après tout, les Valkov devaient décider aujourd’hui qui des deux serait leur futur chef de clan.
Le premier était bon guerrier et attirait facilement la sympathie. La seconde, élémentaliste capable de faire appel à une seule forme de l’eau, s’inquiétait plutôt de la cohésion interne du village.
Pourquoi ces imbéciles de Valkov ne pouvaient-ils pas voir l’évidence sous leur nez ? Pourquoi n’avaient-ils pas encore envisagé la co-gouvernance entre mes cousins ?

Le temps que chacun fût installé, le feu revigoré et les chuchotis calmés, quelques minutes s’étaient écoulées. Installé à côté de son fils, Ljorn observait l’assemblée avec raideur. Ses yeux bleu foncé lorgnaient d’un côté à l’autre, comme s’il redoutait l’intervention de certains élus. Ceux qui étaient favorables à Silja et sa fille, ceux qui souhaitaient perpétuer les traditions héréditaires du clan, quitte à placer une jeune femme peu expérimentée à leur tête. Je comprenais leur crainte du changement, de la perte de leurs valeurs et de leur fonctionnement, mais c’était idiot et imprudent. Les Valkov devaient leur sécurité et leur bien-être aux troupes qui patrouillaient sur les flancs du Mont Valkovjen. Si les Chasseurs qui assuraient cette tâche ne se sentaient pas représentés par leur chef, il y avait un risque de déloyauté, de travail mal fait, voire de scission au sein du clan.
À l’inverse, les familles, les non-guerriers et les commerçants se sentaient plus proches de Maëva. Elle connaissait chaque membre du clan par son nom et participait activement à la vie du village. Plus attirée par les lettres et les arts que par les armes, nombre d’enfants Valkov étaient lettrés grâce à elle.
— Conseil.
Le silence gagna chaque siège un par un et étouffa même le crépitement des flammes. Adossé au mur, je glissai mon regard vers Silja, qui occupait le centre du cercle avec gravité. Comme si elle craignait qu’elles masquassent les expressions de son visage, ses tresses noires étaient remontées sur le haut de son crâne. La tension de sa mâchoire et l’éclat méfiant de ses yeux en étaient bien visibles.
— Nous avons tous eu dix jours pour réfléchir à la décision qui va être annoncée aujourd’hui. J’attends de vous que chacun intervienne, même si c’est pour simplement approuver les dires d’un autre. Vous représentez la diversité du clan Valkov et tous nos confrères et consœurs doivent se sentir écoutés et entendus.
Les élus acquiescèrent en silence, les mines graves. Cette fois-ci, ils semblaient déterminés à donner leur avis et à prendre une décision finale en fin de conseil. Après un soupir de résignation, Silja leva la main.
— Commençons. Que ceux qui soutiennent la candidature de Jukaïs au poste de futur chef de clan prennent la voix pour exposer leurs arguments.
Les discussions commencèrent. Aux côtés de Ljorn et son fils se positionnèrent six élus en faveur d’un changement des traditions. Quand vint le tour de Maëva, six Valkov lui accordèrent leur voix. Les trois derniers, le vieil homme à la canne et le couple de Chasseuses, restèrent neutres.
Une nouvelle demi-heure s’écoula sans que l’un des groupes ne prît le pas sur l’autre. Le ton montait, les gestes s’affirmaient, les regards se durcissaient. Ma tante faisait basculer son poids d’un pied à l’autre pour se tourner vers ses interlocuteurs. J’avais presque pitié pour elle. Présider le conseil en restant neutre malgré son avis bien arrêté devait être des plus frustrants. Elle conserva pourtant un sang-froid dont je ne la pensais pas capable et anima les échanges avec rigueur pendant encore de longues minutes.

Alors que deux élus se menaçaient du poing d’une chaise à l’autre, le vieil homme frappa le sol de sa canne pour ramener le silence. Les Valkov s’apaisèrent face à ses yeux aveugles et son sourire pensif.
— Nous avons un invité depuis plusieurs jours, mais jamais nous ne lui avons demandé son avis. (Silja s’assombrit en me jetant un coup d’œil, mais ne coupa pas le vieil homme.) Pour ma part, en ma qualité d’élu, j’aimerais entendre ce qu’il a à nous conseiller. Peut-être son statut d’étranger à notre clan se révélera utile.
Le regard trouble du vieux Nordiste lorgnait dans le vide, mais un vide tout à fait proche de moi. Conscient des têtes qui se tournaient vers moi, je me redressai en m’éclaircissant la gorge.
— Je suis Achalmy, le fils de votre ancienne cheffe Nikja, déclarai-je en guise de présentation, sachant pertinemment que seul ce lien familial me permettait d’assister au conseil. J’ai pas prétention d’intervenir dans votre politique clanique. Je compte pas non plus obliger ma tante et mon oncle à reconnaître ma légitimé familiale.
Quelques expressions se détendirent à ces mots. Le sourire de l’homme à la canne se fit plus encourageant. Les deux Chasseuses au crâne rasé posaient sur moi des regards brûlants d’attente et d’espoir. Elles ne s’étaient pas exprimées jusqu’ici, comme si elles craignaient que leur idée fût inconcevable. Si nous avions la même chose en tête, elles pouvaient compter sur moi pour exprimer ce qu’elles pensaient tout bas.
— J’ai effectivement une opinion sur le choix que devraient faire les Valkov pour leur avenir. J’imagine que certains d’entre vous l’ont envisagé sans oser le proposer à voix haute. Je comprends bien, c’est une solution inédite et inhabituelle pour un clan Nordiste. (L’appréhension grignota quelques visages de plus dans l’assemblée, mais je ne me laissai pas intimider.) Vous avez vous-mêmes constaté que Maëva n’est pas une bonne guerrière, qu’elle ne maîtrise qu’une seule forme de l’eau et représente ainsi pauvrement les Chasseurs du clan. D’un autre côté, elle établit facilement le contact avec les habitants, elle s’intéresse à énormément de sujets et elle s’y connaît donc dans de nombreux domaines.
Les partisans de Silja hochèrent la tête avec dévotion. Ils avaient grimacé au début de mon laïus puis s’étaient décrispés au fil des mots. Je basculai les yeux vers Jukaïs, qui m’observait avec raideur, un coude sur la jambe, la mâchoire serrée.
— Quant à Jukaïs… il a moins de subtilité et d’esprit que sa cousine, mais vous l’aimez pour sa spontanéité et son ardeur à protéger le territoire du clan, n’est-ce pas ?
Ljorn, son fils et les élus qui le soutenaient poussèrent des exclamations affirmées. Demi-sourire pendu aux lèvres, je fis le tour de l’assemblée.
— Pourquoi la solution ne vous saute pas aux yeux ? Notre monde est rempli de dualités : le jour, la nuit, le froid et le chaud, la victoire et la défaite, Lefk et Galadriel… Pourtant, ces éléments perdraient leur essence à exister seuls. (Je poussai un soupir en constatant les moues perplexes de mes interlocuteurs.) Pour faire simple, je propose que Maëva et Jukaïs deviennent tous les deux chefs. Qu’ils gouvernent conjointement.
Les flammes répondirent à ma proposition. Des sourcils se froncèrent, des bouches se plissèrent, des yeux s’agrandirent. Ljorn finit par pousser une exclamation déroutée, étrangement opposé à l’immobilité de Silja. Le vieil homme à la canne déclara que c’était une bonne idée, le couple de Chasseuses approuva puis ce fut une bataille de paroles incompréhensibles.
J’avais délivré mon message et c’était tout ce que je comptais faire. Le reste ne dépendait que des Valkov et de leur jugeote.

Je trouvai Mars chez la guérisseuse, occupé à débattre sur les remèdes contre les verrues. Charmant. La besace remplie de mon ami faisait pencher d’un côté une petite table en bois éraflée. Il avait dû se réapprovisionner avant d’entamer sa discussion. Nous aurions besoin de ses fioles et de ses bandages en partant plus loin vers le nord.
Les deux guérisseurs ne s’aperçurent de ma présence que lorsque je me cognai la tête contre une étagère de bocaux scellés et retournés. Un mélange de feuilles, d’écorce et de minerais trempait dans un liquide trouble. Je rattrapai de justesse le récipient qui dégringolait et le reposai sans un mot. Penaud, je me tournai vers la Valkov, qui me toisa avec une moue pincée.
— Cet affront vous aurait coûté cher, jeune homme.
Je lui lançai quelques excuses à mi-voix puis m’approchai de Mars. Son béret était de travers, le col de sa chemise mal boutonné et les épaules de son manteau s’élimaient. Avec ses mèches trop longues et son bouc mal taillé, il avait décidément l’air négligé. Mais bon, lui au moins avait assez de poils pour faire pousser une barbe.
— Quand tu auras terminé, retrouve-moi à l’auberge, lançai-je à mon ami avant de frotter machinalement mon menton piqueté d’une pilosité erratique et imprévisible.
Mars acquiesça avant de retourner à sa conversation. Nez en l’air, je sortis de l’échoppe et traversai la place centrale en traînant les pieds. Nous partions demain. Mes affaires étaient prêtes – j’en avais peu, en réalité – mais peut-être pas mon esprit. J’étais sorti du Conseil avant la fin des délibérations et n’étais donc pas au courant de la décision finale qui avait été assise. Qu’allait-il donc advenir du clan ? Les Valkov embrasseraient-ils pleinement les coutumes nordistes en développant leurs arts guerriers ? Respecteraient-ils leur tradition au risque de se soumettre à des clans voisins ?
Ou avaient-ils été assez ouverts, assez malins, pour s’offrir un avenir plus stable ?

En rejoignant l’auberge, je traversai un groupe de gamins qui se battaient avec des brindilles de bois, faisaient tournoyer des bulles d’eau et s’amusaient à escalader de petits blocs gelés conçus par leur soin. Quelques mètres plus loin, un couple était lové au pied d’un pin. Ils gelaient les épines pour les casser et les glisser dans un sac de toile entre deux baisers rapides. Ils en feraient sûrement une infusion ou les apporteraient à la guérisseuse. Quant aux embrassades… ils avaient peut-être un enfant parmi les marmots qui me tournaient autour.
Un frisson me remonta la colonne vertébrale tandis que la fumée de l’auberge à quelques mètres me promettait chaleur et réconfort. En songeant à ce couple, ces petits, ce village, je poussai la porte de la taverne. Ce n’était pas dans nos habitudes de Nordistes, de s’installer dans un bourg, de construire une maison, de vieillir dans les bras d’un seul être. C’était si… formel. Tellement Occidental. Des promesses, des bouts de papier, des anneaux, marqués par l’encre et le fer. J’étais aussi marqué par l’encre – ma Marque Noire, bientôt mon tatouage de la maturité – mais le reste était de sang. La mort de ma mère, l’éducation guerrière de Zane, ma prise d’indépendance en tant que chasseur et mercenaire pour les Occidentaux. Ma mort pour la vengeance d’un Dieu vicelard. Je ne comprenais pas ce qui attachait tant des êtres à un bout de terre, à un bout de chair. Et pourtant les Occidentaux, les Valkov, ils avaient l’air rassurés, maîtres de la situation. Comme si un titre, une famille, leur apportait l’assurance de ne plus jamais connaître la peur. Mais nous étions Nordistes. La peur, la douleur, étaient notre cri de guerre.
Gorge nouée, j’allai m’échouer sur l’une des chaises rembourrées installées face au feu de cheminée généreux. J’avais moi-même proposé d’aller au-delà des traditions nordistes lors du conseil. Pourquoi appliquer ces principes à ma propre personne semblait si compliqué ? Pourquoi envisager l’idée de suivre les habitudes des Valkov – une maison, un métier, une famille – me terrifiait à ce point ? Qu’avais-je à y perdre ?
Ma liberté, mon indépendance, mon goût de l’imprévisible.
Mais de la stabilité – mon enfance mouvementée m’en remercierait – de l’affection sûre et sincère – mon cœur meurtri de petit garçon palpitait toujours quelque part au fond de ma poitrine – l’assurance d’appartenir à un endroit.
Yeux fermés, je penchai la tête en arrière par-dessus le dossier de la chaise. Les Orientaux vivaient en communauté dans leurs cabanes immenses, les Sudistes se rassemblaient en caravanes, les Occidentaux se mariaient et formaient des villages.
Si les trois-quarts des peuples d’Oneiris poursuivaient de telles pratiques, était-ce si mal, si contraignant, si terrifiant ?

Mars me réveilla d’une chiquenaude sur l’épaule. Joues brûlées par les flammes, je clignai plusieurs fois des yeux puis baillai. Mon estomac m’indiqua que son heure habituelle du repas était passée.
— J’ai déjà commandé à manger, m’informa le guérisseur avec un sourire moqueur comme je me frottais le ventre en grimaçant.
— Un vrai Dieu, murmurai-je d’un ton reconnaissant en me dirigeant vers l’une des tables de la salle à manger.
— Aion serait fâché.
En m’installant, je ne pus empêcher un muscle de se crisper dans ma mâchoire. Ça semblait si facile de parler de nos divinités. Si bénin. Mais la menace qui pesait sur ma nuque, sur mon existence, me rappelait que ces noms jetés négligemment avaient un poids réel.
— Tu as un itinéraire pour grimper jusqu’au sommet du Mont Valkovjen ? s’enquit Mars en grignotant le bout de pain garni aux fruits secs qu’on nous avait laissé dans l’attente du plat chaud.
— Oui. J’ai discuté avec Silja et Shir, ils m’ont conseillé sur les voies à éviter. C’est plutôt ça, dans l’idée, des voies à éviter. Il y a pas vraiment de chemin défini ou conseillé. La topologie et la météo rendent l’établissement d’un itinéraire trop instable.
Perplexe, mon ami hocha faiblement la tête avant d’avaler une goulée de bière. Il avait pris goût à l’alcool, le filou. Peut-être même aux rencontres d’un soir – il échangeait des coups d’œil fréquents avec une Valkov assise deux tables plus loin.
Nous reçûmes chacun un bout de pintade aux herbes et une cuillère de patates dorées au beurre puis discutâmes du trajet qui nous restait, des onguents dont nous avions besoin, des jolies boucles blondes de la Chasseuse qui nous lorgnait sans gêne à présent.
L’intéressée se manifesta à la fin du repas, se déhanchant entre les tables pour venir se couler près de Mars. Elle avait de pétillants yeux verts et un nez en trompette. Elle était jolie, mais je me lassai rapidement des murmures qu’elle glissa à l’oreille de Mars. Ses pommettes étaient déjà roses du pichet de bière engloutie pendant le repas, mais il ne tarda pas à s’empourprer au fil des messes basses. Alors que je me levais pour les laisser tranquilles, la blonde m’agrippa le poignet.
— Pars pas si vite, lança-t-elle avec une intonation dans la voix qui ressemblait à celle de deux Chasseurs se défiant au combat.
D’un regard, j’avisai les cals sur les doigts repliés autour de mon poignet, les muscles dessinés de ses bras et le galbe de ses jambes. Aguicheuse peut-être, mais Chasseuse avant tout.
— Mon lit est assez grand pour trois, ajouta la femme avec un sourire entendu. J’ai pris la plus grande chambre de l’auberge.
Mars écarquilla les yeux au moment où je m’esclaffai. Ce n’était pas la première fois qu’on me proposait une aventure à plus de deux. Comme les fois précédentes, j’abaissai légèrement la tête et soufflai :
— Désolé, mais c’est pas mon truc. (J’adressai un rictus provocateur à Mars.) Mon ami devrait pouvoir vous satisfaire de lui-même.
Visiblement déçue, elle fit la moue, mais n’insista pas.
— C’est plutôt moi qui vais le satisfaire, précisa-t-elle en chipant le béret de mon ami pour l’enfoncer sur ses bouches lâches. Bonne journée à toi.
D’un mouvement leste, elle incita Mars à se lever et l’entraîna vers les escaliers. Le bougre ne renâcla pas trop à la suivre.

C’était bien trop tôt pour aller au lit, sans compter que si la chambre de la Chasseuse était proche de la nôtre, je n’avais pas très envie d’entendre leurs petites affaires. J’échangeai quelques mots avec le serveur de l’auberge, l’aidai à nettoyer la salle – je me sentais nerveux depuis ce matin et passer un coup de chiffon et de balai avait un effet relaxant – puis sortis me dégourdir les jambes.
Les gamins jouaient toujours sur la place, sous l’œil acéré de Shir. Allongé nonchalamment à même les pavés, il laissait une petite faire des tresses de ses longs poils blancs.
Achalmy, me salua-t-il en tournant légèrement la tête vers moi. Silja te cherche. Elle voulait discuter avec toi à propos de votre départ et du conseil.
J’acquiesçai du menton puis traversai la place, tendu. Mes pas déterminés me firent bousculer ma tante au détour d’une ruelle. Elle grogna de mécontentement et me foudroya du regard.
— Pardon, marmonnai-je en reculant d’un mètre, conscient de l’animosité qui traversait son corps. Shir m’a dit que tu voulais me voir.
— En effet. (Elle laissa un silence s’installer, tout juste coupé par les braillements des marmots un peu plus loin.) Concernant le conseil… ta proposition…
Une ombre dans les yeux, elle serra les dents puis marmonna du bout des lèvres :
— Jukaïs et Maëva l’ont acceptée.
J’ouvris la bouche, inspirai une goulée d’air frais puis soupirai. Je ne m’étais pas franchement rendu compte du poids invisible que cette attente avait jeté sur mes épaules.
— J’y avais vaguement pensé, reprit Silja avec un soupçon d’embarras – de honte ? – dans la voix. Mais j’ai vite laissé tomber ; avec Ljorn et Jukaïs, je n’y croyais pas. Mais Jukaïs est moins borné que son père. Et… Maëva peut-être plus ouverte que sa mère.
Un demi-sourire étira mes lèvres. Ma tante était encore capable de quelques surprises.
— Il reste un certain nombre de choses à déterminer… en fait, tout est à refaire dans nos lois et procédures, soupira-t-elle en serrant le pan de sa cape noire. Ce mode de gouvernance est inédit. Ljorn et moi allons encadrer nos enfants pendant leurs premières années à la tête du clan.
Son regard franc remonta jusqu’à mon visage. J’y lus un trouble, une lueur coupable, des regrets, puis une décision affirmée.
— J’irai pas jusqu’au bout, car Korn et Maëva ont besoin de moi, mais je peux vous accompagner sur la première partie du trajet. (Comme je la dévisageai, muet de stupeur, elle ajouta en grommelant : ) Je connais bien cette partie, car Nikja et moi l’avons faite pour notre Maturité. Et j’y retourne régulièrement pour m’assurer de l’état des flancs de la montagne.
Était-ce une manière de se racheter après m’avoir traité avec tant de mépris, de colère ? Quoi que ce fût, je m’en moquais un peu. J’étais reconnaissant dans tous les cas.
— Ce sera avec plaisir, soufflai-je en agrippant le manche de Kan pour incliner le cou.


Dernière modification par louji le mar. 21 déc., 2021 11:55 am, modifié 2 fois.
TcmA

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Re: Oneiris - Tomes I (terminé) et II (en cours) [Heroic fantasy]

Message par TcmA »

Hiello~

Welcome back !

Ahlala, quel plaisir de retrouver Oneiris !! Et quel bonheur de voir toutes ces bonnes nouvelles! :D Zi zé bô de révè, alor ze rèv avek toua !

Mon p'tit Al, il m'avait manqué ! ♥
Super chapitre, en tout cas! C'était vraiment facile de se remettre dans le bain : j'ai l'impression que tu n'as jamais fait de pause :D C'était toujours aussi fluide, l'écriture est toujours très propre et très belle (j'ai juste remarqué un petit "ange du cabanon" au début, mais plus rien après).
Ca fait plaisir de voir qu'Al et Silja se sont un peu rapprochés (leur façon de le faire ne m'a pas étonnée :lol: ) et d'évoluer à nouveau dans l'univers du clan x)

Bref, j'aime toujours autant et j'ai hâte de lire le prochain chap ! Bon courage pour la suite ;)
Niveau rythme de publi, tu penses rester sur le même principe qu'en ce moment ? Ou tu penses repartir sur quelque chose de plus régulier (genre un chap/mois) ?

La bise!
louji

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Re: Oneiris - Tomes I (terminé) et II (en cours) [Heroic fantasy]

Message par louji »

TcmA a écrit : dim. 06 déc., 2020 3:32 pm Hiello~

Welcome back !

Ahlala, quel plaisir de retrouver Oneiris !! Et quel bonheur de voir toutes ces bonnes nouvelles! :D Zi zé bô de révè, alor ze rèv avek toua !

Mon p'tit Al, il m'avait manqué ! ♥
Super chapitre, en tout cas! C'était vraiment facile de se remettre dans le bain : j'ai l'impression que tu n'as jamais fait de pause :D C'était toujours aussi fluide, l'écriture est toujours très propre et très belle (j'ai juste remarqué un petit "ange du cabanon" au début, mais plus rien après).
Ca fait plaisir de voir qu'Al et Silja se sont un peu rapprochés (leur façon de le faire ne m'a pas étonnée :lol: ) et d'évoluer à nouveau dans l'univers du clan x)

Bref, j'aime toujours autant et j'ai hâte de lire le prochain chap ! Bon courage pour la suite ;)
Niveau rythme de publi, tu penses rester sur le même principe qu'en ce moment ? Ou tu penses repartir sur quelque chose de plus régulier (genre un chap/mois) ?

La bise!
Heyo !

Merci beaucoup ! Et oui sé bo de rèvé

Bon, tant mieux, parce que ce chapitre, je l'ai écrit en plusieurs étapes alors j'avais peur que ça transparaisse à la lecture ^^'
Merci bien pour l'erreur je corrige !
Mdr oui, ils l'ont fait à leur manière, mais ils se sont rapprochés x)

Marci !
Je vais rester sur "un chapitre posté dès que j'en termine un" ;)

Merci pour ton com et zoubi !
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Re: Oneiris - Tomes I (terminé) et II (en cours) [Heroic fantasy]

Message par DanielPagés »

Un petit tour ici, j'avais calé dans un creux de mon cerveau qu'un chapitre était apparu, don de notre déesse Louji !
Super agréable, je me répète, mais t'es douée ! Et c'est quand même agréable quand les gens qui ressemblent à des pelotes à épingles montées sur ressorts se comportent comme des gens civilisés ! :D

Quelques bricoles, plutôt sur la fin du chapitre :
frappa l’ange du cabanon. - aïe, si en plus il y a des anges dans les coins !^^ (oui, j'ai vu que Sarah te l'a signalé aussi)
le couple de Chasseuses affirmèrent - confirmèrent ? ou alors il manque quelque chose
Son berret était de travers, le col de sa chemise mal boutonnée - béret^^ (deux fois dans le texte) et c'est le col qui est mal boutonné...
Qu’allait-il donc devenir du clan ? - "advenir du clan" ou "devenir le clan"
Songeur de ce couple - je vois ce que tu veux dire, mais écrit comme ça ça ne veut pas dire grand chose
Il avait pris à l’alcool, le filou - pris goût ?


Continue à ton rythme
Gros bisous
louji

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Re: Oneiris - Tomes I (terminé) et II (en cours) [Heroic fantasy]

Message par louji »

DanielPagés a écrit : mer. 16 déc., 2020 9:34 pm Un petit tour ici, j'avais calé dans un creux de mon cerveau qu'un chapitre était apparu, don de notre déesse Louji !
Super agréable, je me répète, mais t'es douée ! Et c'est quand même agréable quand les gens qui ressemblent à des pelotes à épingles montées sur ressorts se comportent comme des gens civilisés ! :D

Quelques bricoles, plutôt sur la fin du chapitre :
frappa l’ange du cabanon. - aïe, si en plus il y a des anges dans les coins !^^ (oui, j'ai vu que Sarah te l'a signalé aussi)
le couple de Chasseuses affirmèrent - confirmèrent ? ou alors il manque quelque chose
Son berret était de travers, le col de sa chemise mal boutonnée - béret^^ (deux fois dans le texte) et c'est le col qui est mal boutonné...
Qu’allait-il donc devenir du clan ? - "advenir du clan" ou "devenir le clan"
Songeur de ce couple - je vois ce que tu veux dire, mais écrit comme ça ça ne veut pas dire grand chose
Il avait pris à l’alcool, le filou - pris goût ?


Continue à ton rythme
Gros bisous
Les chapitres apparaissent de temps en temps au fil de ma motivation irrégulière (désolée d'ailleurs !) oui :roll: Et j'aimerais bien être une déesse tiens, une qui aurait la motivation et l'inspiration fréquentes, ce serait sympa :lol:

Merci Danou, ça fait plaisir, surtout pour cette histoire où je suis en train de perdre l'étincelle qui me fait vraiment aimer ce que je fais ;)

Merci pour les fautes (pas mal d'oublis de mots ou confondus tiens tiens :ugeek: )

Bisous !
louji

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Re: Oneiris - Tomes I (terminé) et II (en cours) [Heroic fantasy]

Message par louji »

Waouh, I'm back, je me surprends moi-même.
Il m'aura (juste) fallu 3 mois et demi pour écrire un chapitre, tout va bien :roll:
PS : ce chapitre contient des violences sexuelles, prenez garde si cette thématique vous secoue !




Chapitre 14
Alice


An 500 après le Grand Désastre, 3e mois de l’automne, océan Occidental.



Soraya grogna de mécontentement quand elle dut reconnaître sa défaite aux cartes. Deux semaines que nous voguions dans l’estomac du brick occidental qui nous ramenait à Oneiris. Deux semaines que ma compagne se rapprochait des autres voyageurs ou des matelots grâce aux cartes et aux dés.
Le trajet était plus paisible qu’à l’aller, peut-être parce que nous savions que nous rentrions, que nous avions accompli une partie de l’immense tâche qui nous avait incombé. Soraya était de plus en plus encline à sourire, à discuter, à marchander. Elle allait et venait entre les groupes avec la fluidité de l’océan contre la coque du navire. Elle avait beau refuser le trône que son sang lui octroyait, je ne pouvais m’empêcher de penser qu’elle avait un rôle à jouer dans la politique oneirianne. Même si le Sud était ses Terres de naissance, elle avait aussi appris à connaître l’Ouest grâce à moi. Le Nord et l’Est ne semblaient pas l’intriguer outre-mesure, mais je m’imaginais que c’était plutôt de la curiosité inavouée. Mon royaume et son empire se proclamaient comme les contrées les plus civilisées d’Oneiris. Il nous était déjà arrivé de mépriser nos voisins pour leurs méthodes de vie si différentes, mais ce n’était qu’une question de culture, de traditions. Nous pratiquions tous une forme de barbarie. L’Ouest et le Sud le faisaient avec plus d’élégance.
— Dame Keriff est mauvaise perdante, souffla une voix amusée près de moi.
Viktor s’installa sur une caisse en bois proche de la mienne, demi-sourire aux lèvres. Pour lui, Soraya était une simple représentante de l’empire sudiste. Je n’avais évidemment pas pu lui révéler les véritables raisons de notre voyage. À la place d’une quête pour les Dieux, j’avais prétexté une mission diplomatique à l’étranger dans l’espoir de renforcer nos alliances commerciales avec Mor Avi. Il ne s’était pas plus étonné de nos maigres affaires et de l’absence de gardes royaux. Quelques explications succinctes avaient suffi à le convaincre.
Viktor croyait son roi encore en vie et sa princesse sur les voies de l’apprentissage royal. Le choc serait grand à Vasilias, mais c’était un problème à repousser à plus tard.
— Il est possible que les autres voyageurs trichent un peu, précisai-je après coup en observant les mains qui tournoyaient au-dessus de la table, faisant voltiger les cartes et les règles de jeu.
Soraya faisait face à un seul joueur, mais il était entouré de trois compagnons de voyage. Ces derniers souriaient dans leurs barbes ou sous leurs chapeaux mal taillés. Leurs mains bougeaient beaucoup pour de simples spectateurs de jeu. Malgré mes soupçons, je restai silencieuse. Ce n’était sûrement pas moi qui allais apprendre à Soraya comment jouer aux cartes et dénicher des entourloupes. Elle était une marchande avant tout et les demi-vérités son arme favorite.
— Elle est douée, finit par murmurer Viktor après quelques minutes en écarquillant les yeux. Elle a réussi à inverser le cours du jeu malgré les cartes factices de ses adversaires.
Je me tournai vers lui en souriant.
— Il n’y a qu’en trichant qu’on s’oppose à de la triche.
Le jeune homme ouvrit la bouche de surprise puis s’esclaffa en comprenant les manigances de mon amie.
— Décidément, c’est tout un monde qui nous sépare des Sudistes. Jamais dans l’Ouest nous verrions des joueurs de cartes tricher.
— Parce qu’ils défendent leur honneur et non leurs gains, soupirai-je en frottant de la pointe de ma botte une trace d’usure.
Viktor acquiesça avec une petite moue lointaine. L’Ouest devait lui manquer. Nous discutions de nos Terres chaque jour : des plaines piquetées de fermes et de champs, de Vasilias avec ses rues pavées et son marché face à l’océan, du Château Occidental encerclé de vergers et des boutiques des meilleurs artisans occidentaux. Nous débattions des rendements agricoles des dernières années, nous délections du vin de noix et du fromage de chèvre, rêvions d’un coucher de soleil installés sur une clôture de pierre.
Au début, il avait peiné à discuter avec moi. Notre différence de rang social planait entre nous comme un nuage d’électricité statique désagréable. Petit à petit, je l’avais amené à me parler de son passé, des terres de sa mère défunte, des enfants de fermiers avec qui il jouait plus jeune. En échange, j’avais évoqué mes promenades à cheval avec Milash, mon petit frère, mes escapades nocturnes et secrètes sur les murailles du château pour apprécier une brise estivale, mes entraînements peu fructueux à l’épée avec la garde royale. Nous avions ri ensemble de nos étourderies, de nos joies simples et de nos petites fiertés. Viktor se targuait d’avoir la plus belle écriture de son village. Il m’avait fait une démonstration de sa calligraphie à l’aide d’une pointe de couteau sur un bout de bois à moitié pourri. Même avec de tels outils, j’avais dû reconnaître le soin de ses lettres, la grâce des voyelles et l’élégance des consonnes.
Comme Viktor se retrouvait sans famille, je lui avais proposé de venir suivre une formation de scribe au château. Ses taches de rousseur s’étaient noyées sous le voile rose de ses joues en guise de réponse.

Un grognement sourd m’extirpa de mon demi-sommeil. Je quittai un rêve brumeux peuplé d’étoiles sauvages et de neige fraîche pour retrouver l’obscurité et l’humidité de la cale. La tête lourde, je patientai dans mon hamac le temps d’en savoir plus sur le bruit qui m’avait réveillée. Un nouveau grondement bas suivi d’un juron étouffé. Au-dessus de moi, Soraya remuait faiblement dans son hamac. Comme je ne voyais pas grand-chose dans la pénombre, je fis crépiter quelques étincelles sur mes doigts avant de tendre le bras. Viktor n’était pas dans son couchage.
Les brumes du sommeil désertèrent mon esprit comme mon corps. Une décharge d’électricité me parcourut de la tête aux pieds, me faisant jaillir de mon hamac. Je me réceptionnai maladroitement, enfilai rapidement mes bottes de cuir souple puis me dirigeai vers les bruits indistincts. Les étincelles au bout de ma main illuminaient la cale d’une clarté surnaturelle. Des ombres m’entouraient sans un mouvement : caisses de rangement, tonneaux d’huile et d’eau, tas de vêtements et de linge sale abandonnés, table encombrée de cartes et d’assiettes, filets suspendus que je dus éviter. Parfois, un ronflement ou une main s’échappant d’un hamac me tiraient un sursaut de frayeur. Les bruits s’étaient déplacés vers la proue.
Bouche sèche, cœur furieux, j’avançai à pas prudents. Viktor était-il simplement sorti pour des besoins urgents ? Je buttai contre une caisse de rangement et poussai une exclamation de douleur. Grimaçante, mes étincelles évanouies, je me frottai les orteils dans le noir. Plongée dans l’obscurité, je pris conscience des bruits du navire : les craquements de l’armature de bois, les projections écumeuses contre la coque, le vent dans les voiles et le gréement, les respirations des âmes qui m’entouraient. Et de nouveau les grognements. Un cri étouffé qui perça brièvement dans l’obscurité de la cale.
Sans tarder, j’éclairai mes mains de quelques étincelles et repris mon chemin au milieu des paires de chaussures laissées de côté et des tas de cordages. Je ralentis le pas à proximité de la cambuse. Un marin de quart qui surveillait l’accès aux réserves du navire m’adressa un regard méfiant sous l’éclat diffus de sa lampe à huile suspendue.
— Bonsoir, soufflai-je d’un ton incertain. Vous n’auriez pas vu un garçon, à peu près mon âge, blond avec des taches de rousseur ?
Le matelot plissa les yeux pour mieux m’apercevoir.
— Et tu as quel âge, jeune fille ?
Je réprimai un rictus blessé face au ton circonspect.
— Dix-sept ans.
J’en aurai dix-huit dans quelques mois, même si les années me semblaient à présent presque dérisoires. J’avais le même âge que lorsque je m’étais enfuie de chez moi pour contester un mariage politique, mais j’avais l’impression d’être à des lieues de la jeune fille que j’étais alors.
— J’ai peut-être vu passer un jeune homme, finit par déclarer le matelot en haussant les épaules.
Son air égaré et la bouteille de rhum coincée sous son bras ne me rassurèrent pas sur l’efficacité du marin à réagir et prévenir l’équipage en cas de problème. Le second du navire ne manquerait pas de le rappeler brutalement à l’ordre demain matin. En attendant, j’avais un compagnon à retrouver.

Je dépassai le marin de quart et m’enfonçai dans la cavité obscure qui côtoyait la cambuse. Le silence relatif fut bientôt percé par de nouveaux sons étouffés. En éteignant mes étincelles, je remarquai une source de lumière ternie par une voile dressée sur la hauteur de la cale. Nerveuse, je soulevai le pan et affrontai la scène qui me faisait face.
Viktor était recroquevillé par terre, le coton de sa chemise déchiré au col. Le sang qui maculait son visage avait éclaboussé ses bras et taché jusqu’à son pantalon. Qu’il avait sur les cuisses.
— Vik…
Ma voix s’étrangla sur la réalité brutale de la scène. Ils étaient trois hommes, la trentaine bien entamée. L’un d’eux tenait Viktor par les cheveux, tandis que ses compères se dressaient au-dessus de leur victime. Celui plus en retrait avait la main dans le pantalon et le dernier les poings en sang. Viktor parvint à ouvrir un œil pour me fixer d’un air hébété. Ses lèvres boursoufflées ne parvenaient plus à contenir la salive ensanglantée qui coulait sur son menton.
— Viktor…
Comme le souffle me manquait, le prénom du jeune homme ne fut qu’un chuchotement inaudible. Les trois hommes me lorgnèrent en silence avant d’échanger un regard. Celui qui avait des mouches de sang jusqu’aux coudes m’adressa un sourire conciliant.
— Mademoiselle, si vous cherchez de quoi casser la croûte, c’est juste à côté.
L’un de ses camarades lâcha un rire goguenard en se tapotant le ventre.
— Maig’ichonne comme elle est, c’clair qu’faut qu’elle mange p’us.
L’homme avec la main glissée dans ses hauts-de-chausses ne me quittait plus des yeux, la lèvre inférieure coincée entre ses dents. Un haut-le-cœur fit tourner mon estomac.
— Laissez-le.
De nouveau un ridicule filet de voix. Ma mâchoire tremblotait, mes genoux menaçaient de s’effondrer sous moi. Le voyageur qui maintenait la tête de Viktor redressée par ses mèches de cheveux pencha le cou vers moi. Ses yeux globuleux luisaient à l’éclat de la lampe à huile calée sur le couvercle d’un tonneau.
— Laissez ce garçon ou je…
L’homme aux mains ensanglantées enjamba le corps à demi dénudé de Viktor pour s’approcher de moi. Il me dépassait d’une tête et demie.
— Mademoiselle, entonna-t-il d’un ton étrangement posé, grave. Vous devriez vraiment faire demi-tour.
Ses yeux ternes, morts, me promettaient la même destinée que celle de Viktor. La gorge si nouée que j’en peinais à respirer, je fis un pas en arrière. Je levai le bras, prête à éclairer le chemin qui me ramènerait à mon hamac. La respiration lourde du voyageur dans mon dos égrenait les battements terrifiés de mon cœur.
Les coudes éclaboussés de sang du voyageur crépitèrent furieusement quand je plaquai ma paume sur son bras. Le réseau de ses veines m’apparut brièvement. Il s’effondra, sonné, tandis que je glissai sous le pan de voile d’un pas souple. Viktor retomba sans douceur au sol quand son tortionnaire lui lâcha les cheveux pour me balancer son poing fermé.
— Salopé ! cracha-t-il alors que je me jetais sur le côté pour esquiver.
Je laissai mon corps projeter une bulle électrique dans toutes les directions. Au contact de l’électricité, les poils de mon agresseur se hérissèrent puis roussirent. Il se crispa, écarquilla les yeux et grogna de douleur quand je jetai une flambée d’étincelles dans sa direction. Il s’affaissa à mes pieds, inconscient.
Haletante, je plantai les yeux dans ceux avides du dernier homme. Il avait retiré sa main de son vêtement et se tenait dangereusement au-dessus de la silhouette immobile de Viktor.
— Petite coquine, murmura-t-il d’un ton suave en me détaillant de la tête aux pieds. Tu aimes les étincelles ?
À ces mots, ses propres mains se mirent à fourmiller d’électricité. Stupéfaite, je reculai instinctivement et me cognai le dos contre un mur. Une pointe en bois m’érafla la peau en déchirant ma chemise de nuit. Je pris cruellement conscience du peu de vêtements que je portais.
— Tu es surprise ? roucoula l’Élémentaliste en faisant quelques pas prudents dans ma direction. Tu te pensais la seule Occidentale capable de faire des tours de passe-passe sur ce rafiot ?
Je ne les avais pas remarqués dans la faible clarté, mais ses iris avaient en effet un éclat surnaturel. Un bleu clair un peu trop intense.
Le sourire provocateur de mon adversaire tourna au mépris.
— Mademoiselle, c’est bien courageux de venir en aide à ton ami, mais si tu es incapable d’aller jusqu’au bo…
Il cessa brusquement de parler. Je savais qu’il avait par ailleurs arrêté de respirer. Il fronça les sourcils, ouvrit grand la bouche, haleta comme un chien en nage. Ses étincelles disparurent alors que son visage rougissait sous la montée du sang au cerveau.
Je ne maîtrisais pas que l’électricité. Et la femme qui m’avait appris la maîtrise des éléments quand j’étais plus jeune m’avait enseigné une technique particulière. Une technique rare, car prohibée. Je pouvais appeler au vent, orienter les courants, dresser les brises, jouer dans les souffles imprévisibles. Je pouvais aussi vider une zone précise de son air et n’y laisser que du vide.

Mon sang glacé raidissait tout mon corps tandis que l’Occidental étouffait à mes pieds. Un goût de fer me titillait la langue, les muscles de mes épaules envoyaient des tensions nerveuses jusque dans mes cervicales. Cet homme avait abusé de Viktor, de son corps et de son âme. Il aurait fait pareil avec moi si j’avais été incapable de l’arrêter.
Je pris une brusque inspiration, traversée par des courants contraires. L’homme à mes pieds se plia brutalement sous l’accès d’une quinte de toux. L’océan n’était pas une place de jugement. Et je n’étais pas la justice. Le sort de cet homme attendrait qu’on eût atteint l’Ouest.
Par mesure de précaution, j’assommai l’Occidental d’une décharge sur la nuque et assemblai des bouts de corde pour lier ses poings et ses pieds. Je fis de même avec ses deux compères puis me penchai vers Viktor. Il avait remonté son pantalon et essuyé sa bouche sur le col de sa chemise. Il n’était pas pour autant en meilleur état. Son visage ressemblait au gruau qu’on nous avait servi quelques heures auparavant.
— Viktor.
Cette fois, ma voix s’était affermie. J’agrippai son bras et l’aidai à se relever. Ses jambes étaient faibles, sa poitrine secouée de sanglots silencieux. Je n’avais pas la moindre idée de la nature des paroles qui pourraient le réconforter. Y en avait-il, au moins ?
— Alice.
Mon prénom ressemblait à un bâillement étouffé entre ses lèvres gonflées et ses gencives malmenées. J’affermis ma prise autour de son bras et le fis sortir de l’espace exigu où il avait été battu et violenté.
Les étincelles qui éclairaient notre chemin faisaient paraître mon ami plus pâle qu’il ne l’était vraiment. Le sang continuait de couler de sa bouche et les larmes de ses yeux. Il gémit faiblement quand je l’aidai à rejoindre son hamac. Je fouillai mes affaires à la recherche de ma gourde presque vide et d’un bout de tissu. Je le laissai se rincer la bouche, cracher, puis boire prudemment. Avec douceur, je tapotai ensuite ses lèvres de mon mouchoir propre. J’en profitai pour sécher ses larmes et l’étreindre brièvement. Ma bouche dans ses cheveux poisseux, je chuchotai des mots dénués de sens, mais remplis de tendresse. Les mêmes mantras que m’avaient chuchoté mes parents quand j’étais enfant.
— Alice.
Les bras de Viktor tremblaient autour de mes épaules. Il n’y avait plus de rang social, de conventions, de politesses. Simplement un jeune homme et une jeune femme témoins de l’avidité et de l’inhumanité de leurs pairs.
Je le laissai pleurer contre moi le reste de la nuit.


Dernière modification par louji le mar. 21 déc., 2021 11:59 am, modifié 2 fois.
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Re: Oneiris - Tomes I (terminé) et II (en cours) [Heroic fantasy]

Message par TcmA »

Bonzoir~

Pfiou... Quel chap. Je sais pas trop trop quoi dire, j'ai un peu le même état d'esprit qu'Alice.
Ca fait une bonne piqûre de rappel, Oneiris n'est pas un monde peuplé de paillettes et d'arcs-en-ciel.

Malgré la situation, c'est intéressant de voir un peu plus des pouvoirs d'Alice et son côté plus violent (avec Al, on est servis mdr, et je ne me souviens plus bien du T1) !

Ca fait toujours plaisir de recevoir des notifs pour Oneiris en tout cas ! Je me demande où tu vas nous amener x)
J'ai hâte de lire le prochain chap et de retrouver Al, Mars, et la bonne mif !

La bise~
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Re: Oneiris - Tomes I (terminé) et II (en cours) [Heroic fantasy]

Message par louji »

TcmA a écrit : mer. 10 févr., 2021 9:34 pm Bonzoir~

Pfiou... Quel chap. Je sais pas trop trop quoi dire, j'ai un peu le même état d'esprit qu'Alice.
Ca fait une bonne piqûre de rappel, Oneiris n'est pas un monde peuplé de paillettes et d'arcs-en-ciel.

Malgré la situation, c'est intéressant de voir un peu plus des pouvoirs d'Alice et son côté plus violent (avec Al, on est servis mdr, et je ne me souviens plus bien du T1) !

Ca fait toujours plaisir de recevoir des notifs pour Oneiris en tout cas ! Je me demande où tu vas nous amener x)
J'ai hâte de lire le prochain chap et de retrouver Al, Mars, et la bonne mif !

La bise~
Hello~

Ouais, il est pas franchement fun, mais bon c'est quand même quelque chose qui me semblait important de rappeler, maladroitement.

Mais oui ça permet à Alice aussi d'être un peu dans l'action, même si on aimerait évidemment que ce soit dans d'autres situations :?

Merci pour ton soutien, comme toujours ♥
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Re: Oneiris - Tomes I (terminé) et II (en cours) [Heroic fantasy]

Message par vampiredelivres »

louji a écrit : dim. 07 févr., 2021 10:56 am Waouh, I'm back, je me surprends moi-même.
Il m'aura (juste) fallu 3 mois et demi pour écrire un chapitre, tout va bien :roll: Rhoh toute suite. :D En vrai ça va, je galère depuis un an sur LCDS 2, donc bon :lol:
PS : ce chapitre contient des violences sexuelles, prenez garde si cette thématique vous secoue ! Ha, super.




Chapitre 14
Alice


An 500 après le Grand Désastre, 3e mois de l’automne, océan Occidental.



Soraya grogna de mécontentement quand elle dut reconnaître sa défaite aux cartes. Deux semaines que nous voguions dans l’estomac du deux-mâts occidental qui nous ramenait à Oneiris. Deux semaines que ma compagne se rapprochait des autres voyageurs ou des matelots grâce aux cartes et aux dés. Sora-politi-marchande :D Elle m'avait manqué.
Le trajet était plus paisible qu’à l’aller, peut-être parce que nous savions que nous rentrions, que nous avions accompli une partie de l’immense tâche qui nous avait incombé. Soraya était de plus en plus encline à sourire, à discuter, à marchander. Elle allait et venait entre les groupes avec la fluidité de l’océan contre la coque du navire. J'aime beaucoup cette image ! Elle avait beau refuser le trône que son sang lui octroyait, je ne pouvais m’empêcher de penser qu’elle avait un rôle à jouer dans la politique oneirianne. Même si le Sud était ses Terres de naissance, elle avait aussi appris à connaître l’Ouest grâce à moi. Le Nord et l’Est ne semblaient pas l’intriguer outre-mesure, mais je m’imaginais que c’était plutôt de la curiosité inavouée. Mon royaume et son empire se proclamaient comme les contrées les plus civilisées d’Oneiris. Il nous était déjà arrivé de mépriser nos voisins pour leurs méthodes de vie si différentes, mais ce n’était qu’une question de culture, de traditions. Nous pratiquions tous une forme de barbarisme. L’Ouest et le Sud le faisaient avec plus d’élégance. Ou plus de discrétion :mrgreen:

— Dame Keriff est mauvaise perdante, souffla une voix amusée près de moi.
Viktor s’installa sur une caisse en bois proche de la mienne, demi-sourire aux lèvres. Pour lui, Soraya était une simple représentante de l’empire sudiste. Je n’avais évidemment pas pu lui révéler les véritables raisons de notre voyage. À la place d’une quête pour les Dieux, j’avais prétexté une mission diplomatique à l’étranger dans l’espoir de renforcer nos alliances commerciales avec Mor Avi. Il ne s’était pas plus étonné de nos maigres affaires et de l’absence de gardes royaux. Quelques explications succinctes avaient suffi à le convaincre. Ouais, c'est un pigeon quoi.
Viktor croyait son roi encore en vie et sa princesse sur les voies de l’apprentissage royal. Le choc serait grand à Vasilias, mais c’était un problème à repousser à plus tard. "Alors en fait je t'ai menti depuis le début.", ça va tellement bien passer.
— Il est possible que les autres voyageurs trichent un peu, précisai-je après coup en observant les mains qui tournoyaient au-dessus de la table, faisant voltiger les cartes et les règles de jeu.
Soraya faisait face à un seul joueur, mais il était entouré de trois compagnons de voyage. Ces derniers souriaient dans leurs barbes ou sous leurs chapeaux mal taillés. Leurs mains bougeaient beaucoup pour de simples spectateurs de jeu. Malgré mes soupçons, je restai silencieuse. Ce n’était sûrement pas moi qui allais apprendre à Soraya comment jouer aux cartes et dénicher des entourloupes. Elle était une marchande avant tout et les demi-vérités son arme favorite.
— Elle est douée, finit par murmurer Viktor après quelques minutes en écarquillant les yeux. Elle a réussi à inverser le cours du jeu malgré les cartes factices de ses adversaires.
Je me tournai vers lui en souriant.
— Il n’y a qu’en trichant qu’on s’oppose à de la triche.
Le jeune homme ouvrit la bouche de surprise puis s’esclaffa en comprenant les manigances de mon amie.
— Décidément, c’est tout un monde qui nous sépare des Sudistes. Jamais dans l’Ouest nous verrions des joueurs de cartes tricher. Rhoooh, tout de suite.
— Parce qu’ils défendent leur honneur et non leurs gains, soupirai-je en frottant de la pointe de ma botte une trace d’usure.
Viktor acquiesça avec une petite moue lointaine. L’Ouest devait lui manquer. Nous discutions de nos Terres chaque jour : des plaines piquetées de fermes et de champs, de Vasilias avec ses rues pavées et son marché face à l’océan, du Château Occidental encerclé de vergers et des boutiques des meilleurs artisans occidentaux. Nous débattions des rendements agricoles des dernières années, nous délections du vin de noix et du fromage de chèvre, rêvions d’un coucher de soleil installés sur une clôture de pierre.
Au début, il avait peiné à discuter avec moi. Notre différence de rang social planait entre nous comme un nuage d’électricité statique désagréable. Petit à petit, je l’avais amené à me parler de son passé, des terres de sa mère défunte, des enfants de fermiers avec qui il jouait plus jeune. En échange, j’avais évoqué mes promenades à cheval avec Milash, mon petit frère, Est-ce qu'on aura l'occasion de le croiser, lui ? mes escapades nocturnes et secrètes sur les murailles du château pour apprécier une brise estivale, mes entraînements peu fructueux à l’épée avec la garde royale. Nous avions ri ensemble de nos étourderies, de nos joies simples et de nos petites fiertés. Viktor se targuait d’avoir la plus belle écriture de son village. Il m’avait fait une démonstration de sa calligraphie à l’aide d’une pointe de couteau sur un bout de bois à moitié pourri. Même avec de tels outils, j’avais dû reconnaître le soin de ses lettres, la grâce des voyelles et l’élégance des consonnes.
Comme Viktor se retrouvait sans famille, je lui avais proposé de venir suivre une formation de scribe au château. Ses taches de rousseur s’étaient noyées sous le voile rose de ses joues en guise de réponse.

Un grognement sourd m’extirpa de mon demi-sommeil. Je quittai un rêve brumeux peuplé d’étoiles sauvages et de neige fraîche pour retrouver l’obscurité et l’humidité de la cale. La tête lourde, je patientai dans mon hamac le temps d’en savoir plus sur le bruit qui m’avait réveillée. Un nouveau grondement bas suivi d’un juron étouffé. Au-dessus de moi, Soraya remuait faiblement dans son hamac. Comme je ne voyais pas grand-chose dans la pénombre, je fis crépiter quelques étincelles sur mes doigts avant de tendre le bras. Viktor n’était pas dans son couchage.
Les brumes du sommeil désertèrent mon esprit comme mon corps. Une décharge d’électricité me parcourut de la tête aux pieds, me faisant jaillir de mon hamac. Je me réceptionnai maladroitement, enfilai rapidement mes bottes de cuir souple puis me dirigeai vers les bruits indistincts. Les étincelles au bout de ma main illuminaient la cale d’un clarté surnaturelle. Des ombres m’entouraient sans un mouvement : caisses de rangement, tonneaux d’huile et d’eau, tas de vêtements et de linge sale abandonnés, table encombrée de cartes et d’assiettes, filets suspendus que je dus éviter. Parfois, un ronflement ou une main s’échappant d’un hamac me tiraient un sursaut de frayeur. Les bruits s’étaient déplacés vers la proue.
Bouche sèche, cœur furieux, j’avançai à pas prudents. Viktor était-il simplement sorti pour des besoins urgents ? Je buttai contre une caisse de rangement et poussai une exclamation de douleur. Grimaçante, mes étincelles évanouies, je me frottai les orteils dans le noir. Plongée dans l’obscurité, je pris conscience des bruits du navire : les craquements de l’armature de bois, les projections écumeuses contre la coque, le vent dans les voiles et le gréement, les respirations des âmes qui m’entouraient. Et de nouveau les grognements. Un cri étouffé qui perça brièvement dans l’obscurité de la cale.
Sans tarder, j’éclairai mes mains de quelques étincelles et repris mon chemin au milieu des paires de chaussures laissées de côté et des tas de cordages. Je ralentis le pas à proximité de la cambuse. Un marin de quart qui surveillait l’accès aux réserves du navire m’adressa un regard méfiant sous l’éclat diffus de sa lampe à huile suspendue.
— Bonsoir, soufflai-je d’un ton incertain. Vous n’auriez pas vu un garçon, à peu près mon âge, blond avec des taches de rousseur ?
Le matelot plissa les yeux pour mieux m’apercevoir.
— Et tu as quel âge, jeune fille ?
Je réprimai un rictus blessé face au ton circonspect.
— Dix-sept ans. J'avais oublié qu'elle était aussi jeune… elle est vachement plus mature que beaucoup de gens à 17 :lol:
J’en aurai dix-huit dans quelques mois, même si les années me semblaient à présent presque dérisoires. J’avais le même âge que lorsque je m’étais enfuie de chez moi pour contester un mariage politique, mais j’avais l’impression d’être à des lieues de la jeune fille que j’étais alors.
— J’ai peut-être vu passer un jeune homme, finit par déclarer le matelot en haussant les épaules.
Son air égaré et la bouteille de rhum coincée sous son bras ne me rassurèrent pas sur l’efficacité du marin à réagir et prévenir l’équipage en cas de problème. Le second du navire ne manquerait pas de le rappeler brutalement à l’ordre demain matin. En attendant, j’avais un compagnon à retrouver.

Je dépassai le marin de quart et m’enfonçai dans la cavité obscure qui côtoyait la cambuse. Le silence relatif fut bientôt percé par de nouveaux sons étouffés. En éteignant mes étincelles, je remarquai une source de lumière ternie par une voile dressée sur la hauteur de la cale. Nerveuse, je soulevai le pan et affrontai la scène qui me faisait face.
Viktor était recroquevillé par terre, le coton de sa chemise déchiré au col. Le sang qui maculait son visage avait éclaboussé ses bras et taché jusqu’à son pantalon. Qu’il avait sur les cuisses.
— Vik…
Ma voix s’étrangla sur la réalité brutale de la scène. Ils étaient trois hommes, la trentaine bien entamée. L’un d’eux tenait Viktor par les cheveux, tandis que ses compères se dressaient au-dessus de leur victime. Celui plus en retrait avait la main dans le pantalon et le dernier les poings en sang. Viktor parvint à ouvrir un œil pour me fixer d’un air hébété. Ses lèvres boursoufflées ne parvenaient plus à contenir la salive ensanglantée qui coulait sur son menton. Ah, yesssss.
— Viktor…
Comme le souffle me manquait, le prénom du jeune homme ne fut qu’un chuchotement inaudible. Les trois hommes me lorgnèrent en silence avant d’échanger un regard. Celui qui avait des mouches de sang jusqu’aux coudes m’adressa un sourire conciliant.
— Mademoiselle, si vous cherchez de quoi casser la croûte, c’est juste à côté.
L’un de ses camarades lâcha un rire goguenard en se tapotant le ventre.
— Maig’ichonne comme elle est, c’clair qu’faut qu’elle mange p’us.
L’homme avec la main glissée dans ses hauts-de-chausses ne me quittait plus des yeux, la lèvre inférieure coincée entre ses dents. Un haut-le-cœur fit tourner mon estomac.
— Laissez-le.
De nouveau un ridicule filet de voix. Ma mâchoire tremblotait, mes genoux menaçaient de s’effondrer sous moi. Le voyageur qui maintenait la tête de Viktor redressée par ses mèches de cheveux pencha le cou vers moi. Ses yeux globuleux luisaient à l’éclat de la lampe à huile calée sur le couvercle d’un tonneau.
— Laissez ce garçon ou je…
L’homme aux mains ensanglantées enjamba le corps à demi dénudé de Viktor pour s’approcher de moi. Il me dépassait d’une tête et demie.
— Mademoiselle, entonna-t-il d’un ton étrangement posé, grave. Le calme de l'eau qui dort. Méfie-toi Lilice. Vous devriez vraiment faire demi-tour.
Ses yeux ternes, morts, me faisaient promettre :arrow: "me promettaient" plutôt, non ? la même destinée que celle de Viktor. La gorge si nouée que j’en peinais à respirer, je fis un pas en arrière. Je levai le bras, prête à éclairer le chemin qui me ramènerait à mon hamac. La respiration lourde du voyageur dans mon dos égrenait les battements terrifiés de mon cœur.
Les coudes éclaboussés de sang du voyageur crépitèrent furieusement quand je plaquai ma paume sur son bras. Le réseau de ses veines m’apparut brièvement. Il s’effondra, sonné, tandis que je glissai sous le pan de voile d’un pas souple. Viktor retomba sans douceur au sol quand son tortionnaire lui lâcha les cheveux pour me balancer son poing fermé.
— Salopé ! cracha-t-il alors que je me jetais sur le côté pour esquiver.
Je laissai mon corps projeter une bulle électrique dans toutes les directions. Au contact de l’électricité, les poils de mon agresseur se hérissèrent puis roussirent. Il se crispa, écarquilla les yeux et grogna de douleur quand je jetai une flambée d’étincelles dans sa direction. Il s’affaissa à mes pieds, inconscient.
Haletante, je plantai les yeux dans ceux avides du dernier homme. Il avait retiré sa main de son vêtement et se tenait dangereusement au-dessus de la silhouette immobile de Viktor.
— Petite coquine, murmura-t-il d’un ton suave en me détaillant de la tête aux pieds. Tu aimes les étincelles ?
À ces mots, ses propres mains se mirent à fourmiller d’électricité. Stupéfaite, je reculai instinctivement et me cognai le dos contre un mur. Une pointe en bois m’érafla la peau en déchirant ma chemise de nuit. Je pris cruellement conscience du peu de vêtements que je portais.
— Tu es surprise ? roucoula l’Élémentaliste en faisant quelques pas prudents dans ma direction. Tu te pensais la seule Occidentale capable de faire des tours de passe-passe sur ce rafiot ?
Je ne les avais pas remarqués dans la faible clarté, mais ses iris avaient en effet un éclat surnaturel. Un bleu clair un peu trop intense. Le bleu décidément caractéristique, dans ton histoire comme dans la mienne :roll:
Le sourire provocateur de mon adversaire tourna au mépris.
— Mademoiselle, c’est bien courageux de venir en aide à ton ami, mais si tu es incapable d’aller jusqu’au bo…
Il cessa brusquement de parler. Je savais qu’il avait par ailleurs arrêté de respirer. Il fronça les sourcils, ouvrit grand la bouche, haleta comme un chien en nage. Ses étincelles disparurent alors que son visage rougissait sous la montée du sang au cerveau.
Je ne maîtrisais pas que l’électricité. Et la femme qui m’avait appris la maîtrise des éléments quand j’étais plus jeune m’avait enseigné une technique particulière. Une technique rare, car prohibée. Je pouvais appeler au vent, orienter les courants, dresser les brises, jouer dans les souffles imprévisibles. Je pouvais aussi vider une zone précise de son air et n’y laisser que du vide. Yeaaaah. Nice ! J'aime beaucoup en vrai :twisted:

Mon sang glacé raidissait tout mon corps tandis que l’Occidental étouffait à mes pieds. Un goût de fer me titillait la langue, les muscles de mes épaules envoyaient des tensions nerveuses jusque dans mes cervicales. Cet homme avait abusé de Viktor, de son corps et de son âme. Il aurait fait pareil avec moi si j’avais été incapable de l’arrêter.
Je pris une brusque inspiration, traversée par des courants contraires. L’homme à mes pieds se plia brutalement sous l’accès d’une quinte de toux. L’océan n’était pas une place de jugement. Et je n’étais pas la justice. Le sort de cet homme attendrait qu’on eût atteint l’Ouest.
Par mesure de précaution, j’assommai l’Occidental d’une décharge sur la nuque et assemblai des bouts de corde pour lier ses poings et ses pieds. Je fis de même avec ses deux compères puis me penchai vers Viktor. Il avait remonté son pantalon et essuyé sa bouche sur le col de sa chemise. Il n’était pas pour autant en meilleur état. Son visage ressemblait au gruau qu’on nous avait servi quelques heures auparavant.
— Viktor.
Cette fois, ma voix s’était affermie. J’agrippai son bras et l’aidai à se relever. Ses jambes étaient faibles, sa poitrine secouée de sanglots silencieux. Je n’avais pas la moindre idée de la nature des paroles qui pourraient le réconforter. Y en avait-il, au moins ?
— Alice.
Mon prénom ressemblait à un bâillement étouffé entre ses lèvres gonflées et ses gencives malmenées. J’affermis ma prise autour de son bras et le fis sortir de l’espace exigu où il avait été battu et violenté. Pauvre chat. :(
Les étincelles qui éclairaient notre chemin faisaient paraître mon ami plus pâle qu’il ne l’était vraiment. Le sang continuait de couler de sa bouche et les larmes de ses yeux. Il gémit faiblement quand je l’aidai à rejoindre son hamac. Je fouillai mes affaires à la recherche de ma gourde presque vide et d’un bout de tissu. Je le laissai se rincer la bouche, cracher, puis boire prudemment. Avec douceur, je tapotai ensuite ses lèvres de mon mouchoir propre. J’en profitai pour sécher ses larmes et l’étreindre brièvement. Ma bouche dans ses cheveux poisseux, je chuchotai des mots dénués de sens, mais remplis de tendresse. Les mêmes mantras que m’avaient chuchoté mes parents quand j’étais enfant.
— Alice.
Les bras de Viktor tremblaient autour de mes épaules. Il n’y avait plus de rang social, de conventions, de politesses. Simplement un jeune homme et une jeune femme témoins de l’avidité et de l’inhumanité de leurs pairs.
Je le laissai pleurer contre moi le reste de la nuit.
Yo !

Booon, pour un petit retour à Oneiris, c'est extrêmement joyeux dis-moi !
C'est toujours aussi bien écrit, je n'ai absolument rien à dire là-dessus. Le pdv d'Alice m'avait manqué, tout comme celui d'Al d'ailleurs, mais c'était relativement calme et évident dans le chapitre précédent. D'ailleurs je me suis doutée dès le début de ce qu'il allait proposer, ça sautait aux yeux.
Viktor est mignon, le pauvre. Il mérite un hug squad à ce stade, juste pour ce dernier chapitre. Mais ttention, hein, il ne s'agirait pas de transformer ça en triangle amoureux, parce que Al² forever !
Bref, je raconte des bêtises, il est tôt et j'ai failli ne pas me lever pour le cours de ce matin. Mais j'espère que tu arriveras doucement à progresser ; même si ça te prend trois mois par chapitre, nous on ne bouge pas. ^^

La bise ~
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Re: Oneiris - Tomes I (terminé) et II (en cours) [Heroic fantasy]

Message par louji »

vampiredelivres a écrit : ven. 12 févr., 2021 9:30 am
louji a écrit : dim. 07 févr., 2021 10:56 am Waouh, I'm back, je me surprends moi-même.
Il m'aura (juste) fallu 3 mois et demi pour écrire un chapitre, tout va bien :roll: Rhoh toute suite. :D En vrai ça va, je galère depuis un an sur LCDS 2, donc bon :lol: :arrow: En avril, ça fera 2 ans que je galère sur le T2 :cry:
PS : ce chapitre contient des violences sexuelles, prenez garde si cette thématique vous secoue ! Ha, super.




Chapitre 14
Alice


An 500 après le Grand Désastre, 3e mois de l’automne, océan Occidental.



Soraya grogna de mécontentement quand elle dut reconnaître sa défaite aux cartes. Deux semaines que nous voguions dans l’estomac du deux-mâts occidental qui nous ramenait à Oneiris. Deux semaines que ma compagne se rapprochait des autres voyageurs ou des matelots grâce aux cartes et aux dés. Sora-politi-marchande :D Elle m'avait manqué.
Le trajet était plus paisible qu’à l’aller, peut-être parce que nous savions que nous rentrions, que nous avions accompli une partie de l’immense tâche qui nous avait incombé. Soraya était de plus en plus encline à sourire, à discuter, à marchander. Elle allait et venait entre les groupes avec la fluidité de l’océan contre la coque du navire. J'aime beaucoup cette image ! :arrow: Merci ! Elle avait beau refuser le trône que son sang lui octroyait, je ne pouvais m’empêcher de penser qu’elle avait un rôle à jouer dans la politique oneirianne. Même si le Sud était ses Terres de naissance, elle avait aussi appris à connaître l’Ouest grâce à moi. Le Nord et l’Est ne semblaient pas l’intriguer outre-mesure, mais je m’imaginais que c’était plutôt de la curiosité inavouée. Mon royaume et son empire se proclamaient comme les contrées les plus civilisées d’Oneiris. Il nous était déjà arrivé de mépriser nos voisins pour leurs méthodes de vie si différentes, mais ce n’était qu’une question de culture, de traditions. Nous pratiquions tous une forme de barbarisme. L’Ouest et le Sud le faisaient avec plus d’élégance. Ou plus de discrétion :mrgreen: :arrow: C'est ça x)

— Dame Keriff est mauvaise perdante, souffla une voix amusée près de moi.
Viktor s’installa sur une caisse en bois proche de la mienne, demi-sourire aux lèvres. Pour lui, Soraya était une simple représentante de l’empire sudiste. Je n’avais évidemment pas pu lui révéler les véritables raisons de notre voyage. À la place d’une quête pour les Dieux, j’avais prétexté une mission diplomatique à l’étranger dans l’espoir de renforcer nos alliances commerciales avec Mor Avi. Il ne s’était pas plus étonné de nos maigres affaires et de l’absence de gardes royaux. Quelques explications succinctes avaient suffi à le convaincre. Ouais, c'est un pigeon quoi. :arrow: Spoilers : oui
Viktor croyait son roi encore en vie et sa princesse sur les voies de l’apprentissage royal. Le choc serait grand à Vasilias, mais c’était un problème à repousser à plus tard. "Alors en fait je t'ai menti depuis le début.", ça va tellement bien passer. :arrow: :roll: :lol:
— Il est possible que les autres voyageurs trichent un peu, précisai-je après coup en observant les mains qui tournoyaient au-dessus de la table, faisant voltiger les cartes et les règles de jeu.
Soraya faisait face à un seul joueur, mais il était entouré de trois compagnons de voyage. Ces derniers souriaient dans leurs barbes ou sous leurs chapeaux mal taillés. Leurs mains bougeaient beaucoup pour de simples spectateurs de jeu. Malgré mes soupçons, je restai silencieuse. Ce n’était sûrement pas moi qui allais apprendre à Soraya comment jouer aux cartes et dénicher des entourloupes. Elle était une marchande avant tout et les demi-vérités son arme favorite.
— Elle est douée, finit par murmurer Viktor après quelques minutes en écarquillant les yeux. Elle a réussi à inverser le cours du jeu malgré les cartes factices de ses adversaires.
Je me tournai vers lui en souriant.
— Il n’y a qu’en trichant qu’on s’oppose à de la triche.
Le jeune homme ouvrit la bouche de surprise puis s’esclaffa en comprenant les manigances de mon amie.
— Décidément, c’est tout un monde qui nous sépare des Sudistes. Jamais dans l’Ouest nous verrions des joueurs de cartes tricher. Rhoooh, tout de suite.
— Parce qu’ils défendent leur honneur et non leurs gains, soupirai-je en frottant de la pointe de ma botte une trace d’usure.
Viktor acquiesça avec une petite moue lointaine. L’Ouest devait lui manquer. Nous discutions de nos Terres chaque jour : des plaines piquetées de fermes et de champs, de Vasilias avec ses rues pavées et son marché face à l’océan, du Château Occidental encerclé de vergers et des boutiques des meilleurs artisans occidentaux. Nous débattions des rendements agricoles des dernières années, nous délections du vin de noix et du fromage de chèvre, rêvions d’un coucher de soleil installés sur une clôture de pierre.
Au début, il avait peiné à discuter avec moi. Notre différence de rang social planait entre nous comme un nuage d’électricité statique désagréable. Petit à petit, je l’avais amené à me parler de son passé, des terres de sa mère défunte, des enfants de fermiers avec qui il jouait plus jeune. En échange, j’avais évoqué mes promenades à cheval avec Milash, mon petit frère, Est-ce qu'on aura l'occasion de le croiser, lui ? :arrow: Yes ! mes escapades nocturnes et secrètes sur les murailles du château pour apprécier une brise estivale, mes entraînements peu fructueux à l’épée avec la garde royale. Nous avions ri ensemble de nos étourderies, de nos joies simples et de nos petites fiertés. Viktor se targuait d’avoir la plus belle écriture de son village. Il m’avait fait une démonstration de sa calligraphie à l’aide d’une pointe de couteau sur un bout de bois à moitié pourri. Même avec de tels outils, j’avais dû reconnaître le soin de ses lettres, la grâce des voyelles et l’élégance des consonnes.
Comme Viktor se retrouvait sans famille, je lui avais proposé de venir suivre une formation de scribe au château. Ses taches de rousseur s’étaient noyées sous le voile rose de ses joues en guise de réponse.


Je réprimai un rictus blessé face au ton circonspect.
— Dix-sept ans. J'avais oublié qu'elle était aussi jeune… elle est vachement plus mature que beaucoup de gens à 17 :lol: :arrow: Bah ouais, son voyage l'a fait grandir 8-)
J’en aurai dix-huit dans quelques mois, même si les années me semblaient à présent presque dérisoires. J’avais le même âge que lorsque je m’étais enfuie de chez moi pour contester un mariage politique, mais j’avais l’impression d’être à des lieues de la jeune fille que j’étais alors.
— J’ai peut-être vu passer un jeune homme, finit par déclarer le matelot en haussant les épaules.
Son air égaré et la bouteille de rhum coincée sous son bras ne me rassurèrent pas sur l’efficacité du marin à réagir et prévenir l’équipage en cas de problème. Le second du navire ne manquerait pas de le rappeler brutalement à l’ordre demain matin. En attendant, j’avais un compagnon à retrouver.


L’homme aux mains ensanglantées enjamba le corps à demi dénudé de Viktor pour s’approcher de moi. Il me dépassait d’une tête et demie.
— Mademoiselle, entonna-t-il d’un ton étrangement posé, grave. Le calme de l'eau qui dort. Méfie-toi Lilice. Vous devriez vraiment faire demi-tour.
Ses yeux ternes, morts, me faisaient promettre :arrow: "me promettaient" plutôt, non ? :arrow: Oui, merci ! la même destinée que celle de Viktor. La gorge si nouée que j’en peinais à respirer, je fis un pas en arrière. Je levai le bras, prête à éclairer le chemin qui me ramènerait à mon hamac. La respiration lourde du voyageur dans mon dos égrenait les battements terrifiés de mon cœur.
Les coudes éclaboussés de sang du voyageur crépitèrent furieusement quand je plaquai ma paume sur son bras. Le réseau de ses veines m’apparut brièvement. Il s’effondra, sonné, tandis que je glissai sous le pan de voile d’un pas souple. Viktor retomba sans douceur au sol quand son tortionnaire lui lâcha les cheveux pour me balancer son poing fermé.
— Salopé ! cracha-t-il alors que je me jetais sur le côté pour esquiver.
Je laissai mon corps projeter une bulle électrique dans toutes les directions. Au contact de l’électricité, les poils de mon agresseur se hérissèrent puis roussirent. Il se crispa, écarquilla les yeux et grogna de douleur quand je jetai une flambée d’étincelles dans sa direction. Il s’affaissa à mes pieds, inconscient.
Haletante, je plantai les yeux dans ceux avides du dernier homme. Il avait retiré sa main de son vêtement et se tenait dangereusement au-dessus de la silhouette immobile de Viktor.
— Petite coquine, murmura-t-il d’un ton suave en me détaillant de la tête aux pieds. Tu aimes les étincelles ?
À ces mots, ses propres mains se mirent à fourmiller d’électricité. Stupéfaite, je reculai instinctivement et me cognai le dos contre un mur. Une pointe en bois m’érafla la peau en déchirant ma chemise de nuit. Je pris cruellement conscience du peu de vêtements que je portais.
— Tu es surprise ? roucoula l’Élémentaliste en faisant quelques pas prudents dans ma direction. Tu te pensais la seule Occidentale capable de faire des tours de passe-passe sur ce rafiot ?
Je ne les avais pas remarqués dans la faible clarté, mais ses iris avaient en effet un éclat surnaturel. Un bleu clair un peu trop intense. Le bleu décidément caractéristique, dans ton histoire comme dans la mienne :roll: :arrow: Oui ! :D
Le sourire provocateur de mon adversaire tourna au mépris.
— Mademoiselle, c’est bien courageux de venir en aide à ton ami, mais si tu es incapable d’aller jusqu’au bo…
Il cessa brusquement de parler. Je savais qu’il avait par ailleurs arrêté de respirer. Il fronça les sourcils, ouvrit grand la bouche, haleta comme un chien en nage. Ses étincelles disparurent alors que son visage rougissait sous la montée du sang au cerveau.
Je ne maîtrisais pas que l’électricité. Et la femme qui m’avait appris la maîtrise des éléments quand j’étais plus jeune m’avait enseigné une technique particulière. Une technique rare, car prohibée. Je pouvais appeler au vent, orienter les courants, dresser les brises, jouer dans les souffles imprévisibles. Je pouvais aussi vider une zone précise de son air et n’y laisser que du vide. Yeaaaah. Nice ! J'aime beaucoup en vrai :twisted: :arrow: Je m'y attendais :lol:
Yo !

Booon, pour un petit retour à Oneiris, c'est extrêmement joyeux dis-moi !
C'est toujours aussi bien écrit, je n'ai absolument rien à dire là-dessus. Le pdv d'Alice m'avait manqué, tout comme celui d'Al d'ailleurs, mais c'était relativement calme et évident dans le chapitre précédent. D'ailleurs je me suis doutée dès le début de ce qu'il allait proposer, ça sautait aux yeux.
Viktor est mignon, le pauvre. Il mérite un hug squad à ce stade, juste pour ce dernier chapitre. Mais ttention, hein, il ne s'agirait pas de transformer ça en triangle amoureux, parce que Al² forever !
Bref, je raconte des bêtises, il est tôt et j'ai failli ne pas me lever pour le cours de ce matin. Mais j'espère que tu arriveras doucement à progresser ; même si ça te prend trois mois par chapitre, nous on ne bouge pas. ^^

La bise ~
Hey !

Ouais, ce chapitre aurait peut-être moins brut dans la "continuité" mais bon x)
Merci beaucoup ♥ Ouais, pour le chap d'Al, c'était clairement obvious !
Ouais, un gros hug squad... Mdr il a 15 ans, j'crois qu'il est un peu jeune pour Alice (surtout par rapport à sa mentalité qui a bien évolué comme tu as remarqué)
J'espère aussi que j'arriverais à mieux plonger dedans au fil de l'année...
DanielPagés

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Re: Oneiris - Tomes I (terminé) et II (en cours) [Heroic fantasy]

Message par DanielPagés »

J'étais sûr que je n'avais pas lu le dernier chapitre... C'est fait !
Mais j'ai été obligé de relire l'avant avant dernier pour retrouver qui était Victor.
Evidemment ce gamin est plutôt mignon et, à la place d'Alice, avec ses étincelles, j'aurais fait quelques dégâts dans les pantalons de ces messieurs jusqu'à ce qu'il ne leur reste qu'un morceau de charbon... :evil: J'aime pas qu'on fasse du mal aux persos qui sont sympas... (je sais, je pourrais être barbare ! en oubliant mon humanisme légendaire)

Quelques bricoles qui restent !
Deux semaines que nous voguions dans l’estomac du deux-mâts occidental qui nous ramenait à Oneiris. J'aime bien l'idée de l'estomac qui malaxe et digère... mais on ne dit pas en principe un deux-mâts (contrairement au trois-mâts qui a un qualificatif après (genre trois-mâts barque, trois-mâts carré, ...) On a un nom pour chaque type de bateau à deux mâts Goélette, brick, brigantin, ...

Nous pratiquions tous une forme de barbarisme. - le barbarisme est une faute de langage, un mot qui n'existe pas. Ne pas
confondre avec "barbarie"


Allez ! Continue ! :D
Bizoux
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