Oneiris - Duologie + Novella [Heroic fantasy]

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Question banale AF : quel est votre perso préféré ?

Alice
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Achalmy
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Mars
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Soraya
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Ace
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vampiredelivres

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Re: Oneiris - Tomes I (terminé) et II (en cours) [Heroic fantasy]

Message par vampiredelivres »

louji a écrit : sam. 31 juil., 2021 1:55 pm Hello ! Bientôt la fin, l'occasion de quelques discussions pour les personnages :D



Chapitre 18
Alice



An 500 après le Grand Désastre, 1e mois de l’hiver, Terres de l’Ouest.



Le voyage se fit sans hâte ni paresse. Pour la promesse de nuits et de repas chauds, nous fîmes quelques détours par des auberges nichées au cœur des bourgs occidentaux. Ça change du speed du premier voyage Nous évitâmes de petits chemins directs au profit de voies plus sûres. Contrairement à nos péripéties des dernières semaines, nous n’avions pas à nous presser.
Soraya et Achalmy ne se plaignaient pas d’une éventuelle perte de temps. Mon amie appréciait voyager et, si l’air moite et glacé de l’hiver lui convenait mal, l’horizon infini la rassénérait :arrow: rassérénait, non ? :). Quant à Al, partager des instants en notre compagnie sans se soucier de retrouver quelque Dieu lui redonnait du poil de la bête. Son bras gauche était toujours invalide, mais il ne grimaçait plus à cause de ses côtes. Et son appétit était de retour.
Pour ma part, je croquais ces journées de liberté conditionnelle. Dans quelques semaines, je serais de retour au Château. Je serais de nouveau la dirigeante de l’Ouest, une jeune reine qui avait encore tout à apprendre. En attendant, je savourais les quelques heures de jour que nous passions à chevaucher et à discuter. Comme une pause hors du temps. J'aime bien ce petit temps mort pour les personnages, ça leur fait du bien à tous et au lecteur aussi, c'est cool :)

À mesure que les jours glissaient, l’air s’adoucissait. Quand nous fûmes à proximité de Ma’an, j’expérimentai le même voyage sensoriel qui m’avait frappée quelques mois plus tôt. Je n’en avais alors pas réellement profité, muselée par l’impatience de mon père. Cette fois-ci, j’imposai à mes deux compagnons un arrêt par le marché de la ville multiculturelle. Si Soraya y trouva tout son compte, Al préféra s’octroyer quelques heures à bord d’une barque sur le lac Ishalgen. Ça me fait toujours autant rire comme référence :lol:
Nous nous retrouvâmes sur la berge, près de la cabane de location. Les chevaux se repurent d’une brassée d’avoine tandis que Soraya et moi rangions nos trouvailles dans leurs fontes. Quand Al nous rejoignit après avoir dépensé quelques pièces de cuivre, il souriait. Sa petite balade en compagnie de l’eau semblait l’avoir revigoré.
Il ne restait que quelques heures avant le coucher de soleil. Nous reprîmes la route sans tarder, guère désireux de nous attarder à Ma’an en pleine nuit. La cité méritait sa réputation et chacun d’entre nous en avait fait les frais. Al afficha d’ailleurs une expression austère alors nous nous éloignions des faubourgs de la ville.
— Qu’est-ce qu’il y a ? lançai-je en suivant son regard.
Je ne distinguais rien de spécial au milieu des bâtisses poussiéreuses qui se serraient les unes contre les autres. Rien si ce n’étaient de mauvais souvenirs.
— Vous vous rappelez la nuit qu’on a passée à l’auberge, l’été dernier ? Quand nous revenions du Noyau ?
— Oui, grommelai-je en faisant la moue. J’avais dormi sur le fauteuil.
Soraya ricana aussitôt à cette déclaration et profita de notre attention pour rabattre avec prestance sa natte de cheveux bruns.
— Il est bien normal que l’impératrice réquisitionne le lit.
Amusée, je roulai des yeux puis talonnai ma jument. Une fois à la hauteur de mon amie, je lui assénai un coup inoffensif dans le bras.
— Tu n’étais plus impératrice, à ce moment-là.
— Pas plus que tu n’étais reine !
J’acceptai la pique de bonne grâce. Al nous observait du coin de l’œil, interdit. Je lui adressai une grimace en retour, qui finit par lui arracher un frémissement des lèvres.
— Moi qui croyais que tu avais mûri, princesse.
— Par les Dieux, Alice, gronda Soraya en jetant un regard meurtrier à notre compagnon, tu ne veux pas lui asséner un ou deux éclairs, histoire de le faire taire ?
Achalmy se contenta d’élargir son rictus.
— Je croyais que je parlais pas assez, justement. (Soraya se contenta de l’ignorer, menton dressé.) Cette fameuse nuit, pendant que vous étiez en train de ronfler à côté, je…
— Je ne ronfle pas !
— Désolé, soupira Al avant de me jeter un coup d’œil amusé. Pendant qu’Alice ronflait…
— Va droit au but, marmonnai-je avant de lever un index menaçant où papillonnaient des étincelles.
Il haussa les épaules avant de reprendre son histoire :
— Une voleuse s’est glissée dans ma chambre. Elle voulait me tuer. Ah ouiiiiiii, c'est vraiiiiiii :lol:
Stupéfaite, je me contentai de le dévisager, bercée par la marche régulière de ma monture. Soraya reprit ses esprits avant moi.
— Je pensais que tu allais nous conter une histoire d’amour… Mais avec toi, il faut toujours que ce soit brutal, hein ? C'est une brute nordiste en même temps x)
— J’ai pas choisi d’être sa cible, rétorqua Achalmy en fronçant le nez. En fait, on s’est promis de se battre à mort la prochaine fois qu’on se rencontre. Pourquoi je suis certaine qu'on va la revoir, du coup ?
Cette fois-ci, ce fut à mon tour de soupirer.
— Eh bien, il ne te reste plus qu’à espérer ne jamais la revoir. (Comme il me lorgnait d’un air perplexe, je pinçai les lèvres.) J’ai perdu suffisamment de proches ces derniers temps. Je ne veux pas t’ajouter à la liste.
Une ombre couvrit l’éclat de ses yeux. Il se détourna pour observer la route.
— Oui, moi aussi.

Nous avions atteint la Zone Morte quand la nuit fut trop dense pour être chevauchable. La lune éclairait un paysage spectral autour de nous : terre poussiéreuse et usée, pas la moindre trace de vie. Ni trace de mort, à vrai dire. Si même dans la zone morte, il n'y a pas de morts… :lol: Même si nous connaissions déjà la topologie des lieux, les frissons étaient difficiles à contenir tandis que nous mettions pied à terre. Soraya nous fournit un feu assez généreux pour cuire les côtelettes de mouton que nous avions achetées au marché. Comme elle s’occupait du repas, Al et moi entreprîmes de monter la tente. L’air était moins froid et humide que dans l’Ouest, mais l’idée de dormir à la belle étoile me déplaisait. Sans la moindre brise, le moindre bruit, j’avais l’impression d’être coincée dans un cauchemar. La toile nous offrirait une protection symbolique.
Un jeu de cartes nous occupa pour la soirée. Je fus la première à être éliminée et assistai au reste de la partie blottie sous ma couverture. Les flammes crépitaient toujours entre nous, baignant mes compagnons et notre tente d’éclats orangés.
— Celui qui gagne dort au milieu, lança Soraya an abattant sa dernière carte.
Achalmy déposa la sienne en retour, esquissa un sourire.
— Par la barbe d’Eon, grommela Soraya en croisant les bras d’un air boudeur. Laisse-moi ta place, Al. La dernière fois que tu as gagné ta place pour être au milieu, tu as fini par dormir dehors. Tu parles d’un gâchis.
— La dernière fois, Alice me ronflait dans une oreille et toi tu me tripotais. :lol:
— Que de grands mots… J’appréciais la fermeté de tes muscles. Soraya, je t'aime ♥
Al roula des yeux avant de rassembler les cartes pour les ranger avec un lien de cuir.
— Le mieux, ce serait qu’Alice dorme au milieu, déclara Soraya en m’adressant un sourire de connivence. Comme ça, je ne te toucherai plus et toi tu pourras la tripoter si tu veux. Je meurs :lol: :lol: :lol:
Il ouvrit la bouche pour protester, mais je fus plus rapide :
— Soraya ! Nous sommes en voyage pour terminer notre quête envers les Dieux. Et, même si ce n’était pas le cas, je… nous ne sommes pas des sauvages. Eh ho, Alice.
Al s’était rembruni et hochait la tête. Déçue que sa proposition fût rejetée, Soraya se dirigea vers la tente pour en soulever le voile d’entrée.
— Puisque vous refusez un peu d’amusement, je vais me coucher. Au milieu.
— Bonne nuit, lançai-je avant de retourner à la contemplation des flammes.
Sans les pouvoirs de Soraya ni l’aide du vent, elles ne tarderaient pas à disparaître. Al dut se faire la même réflexion, car il utilisa une branche saine pour remuer les autres.
— Tu n’appréhendes pas trop ? soufflai-je à mon ami après un instant de silence. L’arrivée au Noyau, la rencontre avec l’ensemble des Dieux ?
— J’ai plutôt hâte. J’ai envie d’en finir avec toute cette histoire, de reprendre ma vie… d’avant. Ou ta mort d'avant, pour peu qu'il y ait des Dieux un peu malhonnêtes.
Je resserrai les pans de ma couverture autour de mes épaules en acquiesçant.
— Qu’est-ce que tu comptes faire une fois que tout ceci sera terminé ?
Une expression songeuse glissa sur son visage. Sa mâchoire se crispa un instant.
— Je suis pas sûr, pour être honnête. Je voudrais aller voir mon ancien maître et mon père, leur dire pour Mars… Il faudrait aussi que je retourne au clan Valkov pour savoir si tout se passe bien. La fameuse collaboration des cousins qui avait causé tant de chaos.
J’approuvai d’un hochement de tête, tout aussi curieuse quant au devenir du village nordiste. Depuis que nous avions quitté le Château, nous avions eu le temps de nous narrer nos aventures respectives. Al et Mars avaient affronté des épreuves tout aussi dures que les nôtres pour parvenir à leur objectif. En vérité, ils y avaient plus que perdu. J'confirme. Al risquait d’ailleurs encore sa vie à l’instant où nous parlions.
— En réalité, reprit Achalmy en grattant la semelle de sa botte à l’aide d’une branche, je crois que je me suis lassé de courir par monts et par vaux. J’ai vu ce que les Valkov avaient réussi à faire.
— Tu voudrais les rejoindre ?
— J’en sais rien. Peut-être que je pourrais trouver quelque chose à faire ? Entraîner les enfants, participer à la protection du Mont… Prof Al, je ne suis pas sûre que ça se passe extra bien :roll:
Je lui souris à travers les flammes.
— Ça me fait plaisir de savoir que tu te projettes, Al. Je sais que tu menais ta vie comme tu le pouvais, en étant mercenaire et chasseur dans l’Ouest, mais…
— C’était instable, je sais. Ça me dérangeait pas, au fond. Mais j’ai envie de quelque chose de différent.
Nez levé au ciel, j’admirai un instant les étoiles avant d’oser reprendre la parole :
— Si tu le souhaites, le Château te sera aussi ouvert. Je crois que le Garde royale serait honorée de découvrir ton style de combat et de s’entraîner à tes côtés. Quand ton maître était venu faire une démonstration devant mes parents, les soldats avaient été ravis. Ton peuple et le mien ont beau s’entendre comme chien et chat, nous vouons l’un pour l’autre un peu d’admiration.
Je me tus, appréhendant déjà une réplique de mon ami, mais il se contenta de me fixer. Craignant de l’avoir mis mal à l’aise, je secouai les mains et repris :
— Peu importe, tu es libre, Al. Je sais que tu as besoin de cette liberté pour être heureux.
— Non, non, c’est pas ça, me rassura-t-il en grattant sa joue mal rasée. Je suis soulagé que tu me l’aies proposé, Alice. J’avais peur que… que ton nouveau statut de reine ait creusé un écart entre nous. C'est toi qui creuses l'écart, benêt.
Même si sa peur était logique, je ne pus m’empêcher de grimacer.
— Al, cet écart existe déjà… Aux yeux du peuple, je suis reine avant tout.
— Et moi, un roturier étranger ?
— Oui. Allez, bam dans ta gueule. C'est pour la fois d'avant où il lui a fait le ême coup.
Il m’adressa un sourire penaud. Je n’étais pas heureuse de lui rappeler nos statuts, surtout lorsque ses contrées ignoraient de telles constructions sociales. Toutefois, s’il désirait bel et bien s’installer dans l’Ouest…
— Comment je pourrais faire, alors ? maugréa Achalmy en tripotant nerveusement le manche de Kan. Pour être considéré comme… quelqu’un de fiable par ton peuple ?
C’était une vaste question. Et une réponse simple n’était pas à ma portée.
— Eh bien… Peut-être pourrais-tu faire comme Maître Soho ? Gagner le respect et la reconnaissance des Occidentaux grâce à ton savoir-faire guerrier ?
— C’est une idée. Tu penses que la Garde royale aurait besoin des connaissances des Chasseurs ?
— Il faudrait en discuter avec le commandant Wilson, il est mieux placé que moi pour te répondre correctement. (Je fronçai les sourcils en réalisant la précision qu’il avait instillée dans sa demande.) Tu voudrais être près du Château pour une raison particulière ? L’Ouest est grand, tu trouveras sûrement des Nobles qui désirent former une garde personnelle. Alors ouais mais… Lilice… :lol:
Achalmy me dévisagea avec une telle intensité que je crus un instant l’avoir électrisé. Une fois sorti de sa torpeur, il m’adressa un sourire tordu.
— C’était pour pas m’éloigner trop de toi que je pensais au Château, Alice. L'honnêteté, damn. Il en a fait du chemin, ce bourriquet x)
J’eus l’impression que le feu s’était jeté sur mon visage. Mon ventre se contracta et le besoin de fuir sous ma couverture me crispa la nuque. Au fond, elle reste la petite fille d'avant, mais ça fait plaisir ^^
— Je… Je pensais que tu… (Al ne cessait de me lorgner, implacable.) Tu avais été plutôt clair avec moi, cet été. Sur ton incapacité à sacrifier ta liberté.
— C’est vrai. Je veux encore de ma liberté. Mais je ne veux plus perdre de gens. Je veux rester auprès des personnes auxquelles je tiens. Mon ancien Maître, mon père et toi êtes dans l’Ouest. Alors je veux y rester. Petits pas pour Al, mais c'est du progrès. Baby steps, comme on dit.
Je fermai un instant les paupières, avalai tant bien que mal les possibilités qu’il venait de jeter entre nous. La tête bourdonnante, je m’éclaircis la gorge avant de m’enquérir :
— Achalmy, je voudrais être certaine de ce que tu me proposes. Tu souhaites rester dans l’Ouest et, même près du Château si possible, pour… parce que tu es un ami ? Bon, là elle est dans le déni. :lol:
Un drôle de sourire adoucit son visage tendu.
— Il me semblait que tu m’avais proposé d’être un peu plus. (Face à mon expression médusée, il haussa les épaules.) Ce que je ressens pour toi a changé, mais je crois que c’est en bien. Tu n’étais qu’une princesse agaçante, mais j’ai beaucoup d’admiration pour la jeune femme que tu es devenue. Awwwww ♥
J’étais si stupéfaite que mon silence permit au rire étouffé de Soraya de percer la toile de la tente. Sora ♥ Al poussa une bordée de jurons en prenant conscience que notre discussion avait été suivie depuis le début.
— Désolée ! lança notre amie depuis l’abri de fortune. Je ne voulais pas spécialement écouter aux… il n’y a pas de portes. :lol: Enfin, ce que je veux dire, c’est que ce n’était pas voulu. Je dois toutefois reconnaître que j’attendais ce moment depuis des mois.
Toujours en rogne, Al se contenta de foudroyer la tente du regard. Nan mais mec, aussi, tu assumes que la miss ragots de service va se coucher juste comme ça sans laisser traîner une oreille ? (ou deux d'ailleurs)
— Mêle-toi donc de ce qui te regarde, gronda-t-il en se relevant brusquement. Je vais dormir dehors.
— Oh, ça me regarde, Chasseur furieux, le railla Soraya d’un ton mordant. Parce que je vais devenir la ? conseillère de la reine Occidentale en matière de politique étrangère !
Même si Soraya et moi avions eu le temps d’en discuter depuis notre rencontre, l’affirmation n’avait jamais été posée. À la fois surprise et reconnaissante, je me levai à mon tour pour rejoindre la tente. Le visage narquois de mon amie en dépassait. Avant que je pusse la remercier d’avoir accepté ma proposition, elle ajouta en criant presque :
— Alors, si l’on peut jeter les bases de relations diplomatiques avec le Nord grâce à un mariage, je serais ravie. Faut peut-être pas pousser le bouchon trop loin x)
— Oh, Soraya, soupirai-je en m’agenouillant face à elle. Tu n’es pas obligée d’en faire tant.
Elle se contenta de tendre la main pour la poser sur ma joue.
— Alice, tu te rends compte ? Il y a moins d’un an, tu te battais pour ne pas épouser mon frère, un étranger Sudiste. Aujourd’hui, tu souris comme une enfant à l’idée de lier ta vie à celle d’un rustaud de Nordiste.
Nier ou détourner la conversation n’aurait pas servi à grand-chose ; je sentais mes joues plissées sous le coup d’un grand sourire. Je ne pouvais pas non plus nier la chaleur qui s’était répandue dans ma poitrine suite à l’annonce d’Achalmy. Arf. Quel duo de boulets ♥
Par les Dieux, je ne pouvais surtout pas nier les doutes qui m’envahissaient à propos de cette possible union. Mon peuple accepterait-il un étranger ? Mé oui. Al voulait-il au moins m’épouser ? Ça, ça reste à prouver avec le temps. Comment ferait-il pour concilier liberté et devoir ? Avec des compromis ^^
— Alice.
La main de Soraya sur ma joue me ramena à la nuit déserte. Son sourire s’était fait plus protecteur, moins railleur. Ses yeux dorés m’enveloppèrent d’un cocon de réconfort.
— Viens dormir, Lice. Nous aurons tout le temps d’en discuter plus tard.
— Oui. (Je jetai un coup d’œil par-dessus mon épaule, avisai la silhouette d’Achalmy enroulée dans sa couverture.) Bonne nuit, Al.
Je l’entendis grogner avant qu’il ne donnât une réponse distincte :
— Bonne, Alice.
C’était idiot, mais j’aimais toujours la façon dont son accent martelait mon prénom pour le rendre moins lisse. Une fois mes bottes délacées, je rejoignis Soraya sous la tente. Sans Al pour prendre toute une partie du couchage, nous avions bien assez de place pour dormir confortablement. Dis qu'il est gros pendant que t'y es :mrgreen:
— Si tu l’éduques un peu, il pourrait représenter un parti intéressant, chuchota Soraya d’un ton très sérieux.
— Un parti intéressant ?
Je ne pus m’empêcher de rire. Je n’avais jamais considéré Al sous cet angle.
— Eh bien, si on y réfléchit… Il provient de deux grands clans Nordistes. Il est ancien élève d’un Maître reconnu dans l’Ouest et il a enfin obtenu sa Maturité. Je pense qu’il a du potentiel. Une fois qu’il se sera débarrassé de ses manières arriérées, évidemment. Damn et moi qui rêvais de mon Soralmy… :cry: :lol:
À la fois épuisée et portée par le méli-mélo de sentiments dans mon corps, je me contentai de rire. Elle n’avait pas tort, au fond. Et son regard était définitivement plus critique que le mien.
— Bonne nuit, murmurai-je en étouffant un bâillement. Nous pourrons débattre des partis intéressants plus tard, tu veux ?
— Bien sûr. Bonne nuit, Lice.

Bien malgré moi, mes mains se crispèrent sur les rênes. L’enceinte du Noyau s’élevait face à nous, austère et inhumaine. Un cercle parfait dont la surface luisait malgré son noir profond. Des mois plus tôt, il avait fallu longer la muraille pour en repérer l’unique entrée, le Passage. Aux dernières nouvelles, il se trouvait au sud, raison pour laquelle nous étions descendus aussi loin vers les terres australes.
— Plus qu’à prier, marmonna Al en levant le nez pour observer le sommet de l’enceinte. Qu’ils aient pas bougé l’entrée. Oh tu sais, les Dieux et leur confiance absolue en l'humanité… :roll:
Soraya soupira avant de talonner sa monture. Le mieux restait de faire le tour. Si les Dieux avaient bel et bien déplacé l’entrée du Noyau, nous n’aurions plus qu’à contourner la muraille. Malheureusement, nos vivres n’étaient pas suffisants pour nous permettre de tenir plusieurs jours. Il nous faudrait faire un nouveau détour pour commercer avant de retourner à notre exploration. Sans compter que mon couronnement officiel n’allait pas tarder…
— Oh !
L’exclamation de Soraya me tira de mes songes anxieux. Un sourire spontané chassa les brumes de mon esprit tandis que nos chevaux avançaient vers la muraille. Le Passage. Les Dieux ne l’avaient pas déplacé. Simple rectangle de vide haut de trois mètres et large de deux.
Soraya ne se fit pas prier pour s’y engager en premier. Al suivit, visiblement sur ses gardes. Quant à moi, je ne pus m’empêcher de lorgner la pierre noire. Elle était lisse et pourtant brillante d’une infinité de minuscules cristaux. Une création non-humaine, étrangement divine. Pourquoi son côté divin serait étrange ?
Les changements furent nets. L’air s’épaissit, prit un goût sucré et une odeur de bois brûlé. La végétation éclata autour de nous, camaïeu de verts et de bruns ponctués çà et là de fleurs aux couleurs provocantes : orange incandescent, rouge éclatant, bleu électrique, jaune criard. Le glougloutement C'est mignon comme mot :lol: du ruisseau à la source invisible emplit l’air pour se fondre harmonieusement avec les chants d’oiseaux et les cris d’animaux inconnus.
Autrefois, avant que nos ancêtres trahissent les Divinités Primordiales, le Noyau était un lieu de rencontre entre déités et humains. Un lieu extravagant, destiné autant à charmer les Hommes qu’à les intimider. La faune et la flore que l’on y trouvait était un exutoire de création pour les Dieux.
— C’est magnifique, soupira Soraya en dévorant les environs de son regard brûlant. Dommage que nous soyons sûrement les derniers humains à le voir.
Prudemment, je me laissai tomber de ma selle puis contournai ma monture pour m’enfoncer entre les arbres. Après quelques mètres, je tombai sur une zone dégagée où les restes d’un cercle de pierre et d’une cabane en bois me serrèrent le cœur. C’était ici que nous avions campé, des mois plus tôt. Ça fait longtemps…
Derrière moi, j’entendis Al râler quand Soraya lui proposa son aide pour descendre de cheval. Je me tournai à temps pour le voir s’appuyer sur mon amie, son bras gauche serré contre lui. J’osais à peine imaginer sa frustration.
Ça ne peut pas lui faire de mal, d’apprendre à compter sur les autres.
L’idée me fit sourire. Alors que je me dirigeais mes vers compagnons, un bruit de pas froissa l’herbe tendre dans mon dos. Je m’arrêtai, frissonnai.
— Alice ?
Vêtue de haillons délavés, une silhouette longiligne à la peau d’albâtre se tenait entre deux troncs noueux. Je dus retenir les étincelles qui fusèrent dans mes veines, réponse à la souffrance que cet être avait provoquée autour de lui.
— Aion.
COUCOU CHOUPI !


Bon, cette petite session de blabla entre le trio était bien sympathique, franchement ! Ça fait plaisir de voir Al s'ouvrir aux possibilités et parler honnêtement avec Alice. Mais des trois, c'est Sora que je préfère, actuellement. :mrgreen:
Allez, on réattaque.
louji a écrit : sam. 14 août, 2021 5:35 pm Hello ! Pour ceux qui ont la chance d'en avoir, je vous souhaite de bonnes vacances !



Chapitre 18
Achalmy



An 500 après le Grand Désastre, 1e mois de l’hiver, Le Noyau



Aion se tenait face à Alice, les bras le long du corps. Pourtant, je pouvais sentir la tension qui habitait le corps de mon amie. La même qui électrisait mes muscles, éveillait mes sens. Nous avions beau être des alliés du Dieu déchu, il restait l’être fourbe qui nous avait tous impliqués dans cette quête mortelle.
— Aion, lança Alice d’une voix prudente. Nous sommes de retour. Nous avons rempli notre part du marché.
Même de loin, je devinais le regard instable de la divinité. La façon dont ses iris changeaient inlassablement de teintes. Des yeux qui me hanteraient encore des années.
— Nous avons retrouvé Kan et Eon, ajouta Alice sans perdre de sa superbe face au Dieu qui avait brisé sa vie autant que la mienne.
— Galadriel m’en a déjà informé. Toi et ta suffisance, vos gueules.
Le ton sec du Dieu me hérissa les poils de la nuque. Nous avions joué nos vies pour l’aider. Mars avait même perdu la sienne. Et il se permettait de…
— Achalmy.
Soraya venait de m’agripper le bras. Son regard d’ordinaire taquin s’était fait terne. Ouais, calme chaton.
— Même s’il n’est pas encore redevenu complètement un Dieu, il reste un être aux pouvoirs immenses. Il pourrait nous tuer sur place.
Je marmonnai dans ma barbe, laissai la poigne de Soraya apaiser ma colère. Je n’avais aucune chance face à Aion. Surtout avec un bras en écharpe. Bras en écharpe ou pas, hein. Je te rappelle la raclée qu'il t'a mise dans les tout premiers chapitres ? (Oui, je les ai relus récemment :lol: )
— Galadriel attendait votre retour, ajouta Aion en nous englobant tous d’un regard bref. Pour vous tenir au courant de l’évolution de notre marché. Évolution, évolution… moi ça m'inquiète.
Alice s’avança d’un pas dans sa direction. Un pic d’angoisse me refroidit la poitrine, mais ni elle ni Aion ne trahissaient le moindre signe d’animosité.
— Seigneur Aion, pouvez-vous implorer les autres Divinités Primordiales de venir ? Mes compagnons et moi aimerions retourner chez nous le plus rapidement possible.
L’intéressé inclina le menton, glissa son attention divine vers Soraya et moi. L’ombre d’un rictus plissa ses lèvres délicates lorsqu’il m’aperçut. Je lui rendis son sourire acide.
— Je vais les appeler, déclara Aion en daignant s’avancer vers nous. Kan nous a prévenus par le biais d’Eon qu’elle mettrait un peu de temps à arriver. Une histoire d’essences à séparer, dans les Sanctuaires des Terres au-delà des Mers. Oué, tu sais, c'est plus compliqué que tes petites galères de dieu déchu.
Alice hocha la tête comme si ces mots faisaient sens. Elle m’avait expliqué tant bien que mal ses découvertes dans les Sak aviriens, mais je devais reconnaître qu’une grande partie m’échappait. En même temps, t'es trop bourrin pour essayer de t'approprier une autre culture.
— Je suis soulagé que vous n’ayez pas mis trop longtemps pour revenir, précisa Aion en croisant les bras sur sa poitrine mince.
Malgré sa situation d’être divin déchu, il parvenait à afficher un air supérieur. La Noblesse des Occidentaux avait déteint sur lui. Quoique, je le soupçonnais d’avoir toujours été le plus arrogant des Dieux.
— Ravi de voir que tu es toujours en vie, arrière-petit-fils. Je sais même pas quoi dire, il me désespère.
Son clin d’œil déclencha des nausées au fond de ma gorge. Il savait à quel point notre lien de parenté m’exaspérait. Alice m’interrogea silencieusement, l’air inquiète. Je la rassurai d’un mince étirement des lèvres avant de tourner le dos à Aion. Moins je le regarderais, mieux j’irais. Go faire ça alors.

Nous n’eûmes pas le temps de nous reposer avant l’arrivée des Dieux. Quelques secondes après notre discussion avec la divinité déchue, la silhouette de Galadriel se devina se devina ? Le verbe me paraît bizarre dans ce contexte. entre deux troncs. Elle prit chair sous nos yeux stupéfaits. Peau d’abricot, chevelure flamboyante, nudité généreuse, orbites en feu. Notre Mère à tous.
Alice, Soraya, Achalmy.
Au moins la Déesse de la Vie daignait-elle nous appeler par nos noms. Nan mais cherche pas, l'autre c'est un abruti. Après avoir pris complètement forme, elle approcha de nous en souriant.
Je vous remercie d’être revenus au Noyau sans tarder.
— Ils ont mis bien assez de temps, grommela Aion en rejoignant la Déesse. Toi je vais te…
Elle lui jeta un regard indéchiffrable – après tout, difficile de lire quelque chose dans les flammes qui habitaient ses yeux.
Aion, leurs quêtes respectives se sont révélées plus qu’ardues. Les as-tu au moins remerciés ? BAM DANS TA… attends, j'ai l'impression de me répéter là. :lol:
Pincement des lèvres. Fuite du regard. Un rire amer me remonta la gorge. Je le coinçai contre mes gencives, serrai les poings. Alice fit alors un pas vers Aion.
— Non, il ne nous a pas remerciés. (Elle se tourna vers la Déesse, le visage fermé.) Dame Galadriel, nous avons perdu un ami pendant notre quête. Il s’appelait Mars. Est-ce qu’il a… bien rejoint Lefk ?
Le silence de Galadriel parut gelé malgré l’air tiède et sucré du Noyau, malgré les flammes dans ses orbites. Quand la Déesse finit par entrouvrir les lèvres, une voix désincarnée la précéda :
Votre compagnon m’a rejoint. N’ayez aucune crainte pour lui. Coucou toi ♥
Alice et Soraya sursautèrent, cherchèrent inconsciemment une présence tangible. Pour ma part, je me contentai de fermer les paupières. Une voix comme celle-ci, qui résonnait dans les os sans émettre le moindre son, qui tourmentait l’âme sans même la toucher…
— Il est mort pour vous, Aion, lançai-je fermement en m’avançant vers l’intéressé. Il aurait dû mourir… mourir dans d’autres…
J’avais perdu la voix. En réalité, je n’en savais rien. Je ne savais plus. S’il y avait des morts honorables, des morts justes. Choupi :cry: Lefk venait de me confirmer que Mars l’avait rejoint, mais c’était une évidence bien avant. Mars se serait sûrement fiché de savoir si l’honneur l’avait accompagné pendant ses dernières heures. Évidemment. Il est mort de froid, en même temps.
— J’en ai conscience. ALORS AGIS EN CONSÉQUENCE BORDEL DE CACAHUÈTES !
Aion avait planté l’instabilité de son regard sur moi. Il ne se détournait pas, cette fois.
— Je vous remercie pour ce que vous avez fait pour moi, reprit-il d’un ton sourd. Je vous présente aussi des excuses pour les dangers auxquels vous avez été confrontés. Mouais. J'y crois moyen.
Ça continuait à bouillir en moi. C’étaient de belles paroles. Envoyées du bout des lèvres par un être qui se fichait parfaitement de nous.
— Nous n’avions pas le choix.
L’apprêté de la voix d’Alice m’étonna. Ses yeux sombres rejetaient en bloc d’éventuelles répliques de la part d’Aion. Lilice stand up ! Je suis si fière d'elle.
— C’était un marché, rappela-t-elle en s’avançant vers moi, dans lequel la vie d’Al était en jeu. Si nous n’avions pas retrouvé les divinités jumelles, il l’aurait payé de sa vie.
Un muscle se crispa dans la joue d’Aion.
— Nous lui avons fait une fleur. Il était mort avant ça. À cause de toi ducon. Il m'exaspère.
— Il est mort pour vous ! Nous n’avons pas eu le choix de prendre part à votre petite vengeance, vous nous avez forcé la main.
— Rappelle-toi, chère princesse, qu’Achalmy n’a jamais été forcé de se rendre au Noyau.
— Je suis reine, siffla Alice en élevant la voix. Et vous vous doutiez qu’Achalmy reviendrait pour savoir ce que j’étais devenue. Vous l’aviez laissé pour mort au campement de la Maturité !
Soraya suivait la discussion de loin, prudente. Je décelai toutefois une lueur rougeoyante dans le doré de ses yeux. De la fierté. Pour Alice. Wi. Lice ♥
Je ressentais la même chose. Malgré les horreurs qu’elle avait vues et vécues sous le joug du Dieu déchu, elle lui faisait face. Je comprenais sa hargne après avoir été muselée par Aion pendant des mois.
— Je comprends que tu sois en colère, Alice, mais… Non. Juste tais-toi;
— Nous sommes tous en colère, le coupa l’intéressée d’un ton cassant. Comment voulez-vous que nous vous fassions confiance si vous nous considérez comme des êtres sacrifiables à souhait ?
La bouche du Dieu se pinça dans un mélange d’amertume et de colère. Avant qu’il pût reprendre la parole, Galadriel s’approcha d’Alice. Ses lèvres roses étaient maussades.
Tu as raison, Alice Tharros. Tes doutes sont fondés, la confiance entre Humains et Divinités a été brisée des deux côtés. Merci.
Les yeux d’Aion s’agrandirent, une étincelle s’illumina brièvement sur son épaule.
— Galadriel, tu ne vas quand même pas choyer ces… Mais on t'a dit de te taire alors tais-toi.
Aion, le coupa-t-elle en levant une main sereine, tu as comploté sur le dos des Humains. Manque un bout d'italique ici. Des innocents en ont souffert ou en sont morts. Nous ne pouvons pas l’ignorer. Lui peut. Toi un peu moins.
— C’était une juste vengeance, cracha-t-il avec tant de venin que des flammes gonflèrent sous ses doigts. MAIS JE VAIS TE… ARGH. Je l'adore pourtant. Mais il me casse les pieds, là. Chaton que je t'explique, se venger sur des gens qui ne t'ont rien fait, ça n'a aucun sens. Ce ne sont pas les descendants des abrutis qui ont comploté contre toi qui sont responsables des erreurs de leurs aïeux. Je sais que c'est dur pour quelqu'un qui n'a pas la notion du temps. Mais essaie. Je suis sûre que tu peux y arriver.
Soraya fit claquer sa langue pour ramener le silence. Les Dieux lui jetèrent un coup d’œil surpris, comme s’ils avaient oublié sa présence tout ce temps.
— Les soldats Occidentaux qui escortaient Alice étaient innocents. Alice était innocente. Achalmy était innocent. Je l’étais aussi. Certains de nos proches ont comploté avec vous, Aion, mais nous trois sommes innocents. Innocents de la trahison qui vous a frappé il y a cinq cents ans et innocents dans le plan que vous avez monté pour vous venger.
Alice et moi hochâmes la tête de concert. Galadriel écoutait avec une expression lointaine, penaude. Ce n’était pas juste pour elle non plus. Elle prenait la défense d’Aion, mais elle subissait en même temps les critiques qui étaient adressées à son égal. En même temps, elle n'a rien fait non plus pour l'aider à l'époque.
— Alors, ne vous cachez pas derrière votre prétendue vengeance pour justifier le mal que vous avez répandu autour de vous. Et les vies d’innocents qui ont été bouleversées par la suite.
Galadriel se dirigea vers Aion et posa une main sur son épaule. Ils n’échangèrent pas un mot, mais un courant de compréhension passa entre eux.
— Ce n’était pas juste, je le reconnais. Ce sont vos ancêtres qui m’ont trahi, mais pas vous. Vous ne méritiez pas les souffrances que je vous ai fait subir. J'y crois toujours pas.
Je jetai un coup d’œil à Alice et Soraya, fus soulagé en constatant leur expression morose. Nous acceptions les paroles d’Aion, mais nous ne lui pardonnions pas pour autant.
— Et je vous remercie encore pour les efforts que vous avez fournis pour trouver Kan et Eon. Mmhm, try again.
La déclaration d’Aion se ponctua d’un silence. Soraya et Alice hochèrent la tête puis se détournèrent pour s’occuper de leurs montures. Galadriel serra l’épaule de son compagnon.
— Qu’est-ce qui se passe à présent ? lançai-je aux deux Divinités Primordiales.
Nous attendons que Kan revienne complètement à Oneiris, expliqua Galadriel en se détachant du Dieu déchu. Une fois qu’elle sera de retour, Eon se montrera lui aussi. Nous pourrons alors ramener Aion avec l’aide de Lefk.
J’acquiesçai en silence, lèvres pincées. Tout semblait si facile à présent. Une petite réunion entre Dieux et le tour serait joué. Le fameux « ta gueule c'est magique » :lol: Les sacrifices que Soraya, Alice et moi avions subi semblaient dérisoires. Les mois que nous avions passés à voyager afin de retrouver des pistes infimes paraissaient risibles. C’était pourtant notre sueur, notre sang et notre détermination qui allaient permettre à Aion de retrouver son statut.
— Vous comptez changer, n’est-ce pas ? Rêve pas trop mon chaton, même si la question est justifiée.
Aion me cingla d’un regard stupéfait. Il entrouvrit les lèvres, mais je le devançai :
— Si vous voulez qu’on vous fasse de nouveau confiance, on a besoin de savoir qu’on est plus que des réceptacles à prières. Et des sacrifices dispensables à souhait.
Nous allons changer, assura Galadriel en me considérant avec attention. Nous n’étions que l’ombre de nous-mêmes ces derniers siècles. Lefk et moi assurions à deux ce que nous avions toujours assuré à cinq. À présent que nous allons bientôt tous être réunis, nous espérons être plus attentifs au devenir des Hommes. Espérons. Comme pour Al, baby steps.
Je soupirai en me calant contre un tronc. Je n’aurais sûrement pas mieux de la part des Dieux. Si je me méfiais encore d’Aion, j’avais moins de doutes concernant Galadriel. Après tout, elle avait tenu son marché avec Alice.
Je vais me retirer, annonça Galadriel d’une voix calme. Si vous le souhaitez, vous pouvez passer la nuit dans le Noyau, vous y êtes les bienvenus. Lefk, Aion et moi vous tiendrons au courant quand les Divinités jumelles seront revenues parmi nous. Nous pourrons alors redonner à Aion son statut d’antan.
— Vous aurez besoin de nous ?
La question de Soraya fit sourire la Déesse.
Non. Par ailleurs, quand le moment sera venu, vous devrez sortir du Noyau. Nos essences pures sont trop puissantes pour vos esprits, nous risquerions de vous tuer. Mais n’ayez crainte, reposez-vous aujourd’hui. Je reviendrai vous voir demain matin.
Sans un mot de plus, le corps de Galadriel se dissipa comme fumée dans le vent. L’éclat rougeoyant de ses yeux flotta un moment dans l’air avant de disparaître complètement. Bon, j'ai ragé contre Aion, mais il faut quand même dire que j'aime bien Mama Galadriel. Elle essaie, au moins.
— Je vais vous laisser, déclara Aion à son tour. Si vous avez besoin de quelque chose… vous n’aurez qu’à m’appeler. Je vous entendrai.
Comme il s’éloignait du camp, je me décollai de mon arbre et rejoignis mes amies. L’épuisement et l’appréhension avaient creusé leurs visages.
— Je ne savais pas comment ça se passerait, souffla Alice alors que nous déchargions nos montures. Je crois que j’en attendais un peu plus d’Aion. Quand nous avons voyagé ensemble il y a quelques mois, j’ai aperçu des aspects de lui qui me donnaient espoir. Choupette…
— C’est ton charme et ta faiblesse, Alice, de croire que les autres ont toujours l’envie, au fond d’eux-mêmes, d’être bons.
Je n’aurais pas pu dire mieux que Soraya. Alice ferma les yeux en soupirant lourdement. C’était peut-être elle la plus déçue d’entre nous, en fin de compte. C’était elle qui avait placé un mince espoir en Aion. Mais quelle idée d'espérer, aussi x)
— Je crois qu’il était quand même sincère quand il s’est excusé et nous a remerciés.
Soraya et moi ne prîmes pas la peine de répondre. Je ne connaissais pas les pensées qui s’agitaient sous le crâne de la Sudiste, mais les miennes étaient catégoriques. Même si Aion s’était montré honnête envers nous, ses actes passés étaient trop graves. J’étais peut-être – sûrement – borné et rancunier, mais je n’étais pas prêt à plus de miséricorde pour cet individu.
— Nous aurions dû demander aux Dieux un repas tout prêt, marmonna Soraya en tirant d’un sac une lamelle de viande séchée.
Alice rit tout bas en flattant sa monture. C’était plaisant de l’entendre rire, ça me ramenait à des flambées plus sereines et à des batailles de boules de neige. À des instants partagés sans le poids de devoirs divins.
— Peut-être que c’est pas trop tard pour exiger un repas, fis-je remarquer en tournant les talons pour scruter les environs. Excusez-moi ? Les Dieux ? Vous auriez autre chose que de la viande trop salée et des fruits trop secs à nous proposer ? Yo les gars, ça baigne ? Nous on a faim ! :lol:
La fatigue nerveuse me rendait sûrement insolent. Pourtant, les rires d’Alice et Soraya qui suivirent ma déclaration me rassénérèrent Ah, round 2 de rassénér au lieu de rasséréner ^^. Je n’étais sûrement pas le seul à perdre un peu la tête.
Une exclamation de surprise s’éleva à ma droite. Alice avait écarquillé les yeux, une main encore posée sur le flanc de sa jument. Je suivis son regard, crus que mon cerveau embrumé me jouait des tours.
— Par les Dieux, murmura Soraya avant d’émettre un sifflement ravi. Merci les Dieux !
Autour d’un feu né de nulle part reposaient des grappes de gros raisins juteux, des fraises des bois odorantes, des poignées de grosses framboise et un méli-mélo d’abricots et pêches qui formaient un camaïeu d’orange et rose. Un tas de légumes que je n’aurais même pas su nommer avait été empilé à côté.
— Eh bien, nos prières ont été entendues, soufflai-je avec un rire décontenancé. Yé. Maintenant, dis merci et mange. ^^
Alice et Soraya échangèrent un regard avant de s’avancer vers les fruits et légumes que les Dieux nous avaient offerts. Sûrement un cadeau combiné d’Aion et Galadriel.
— Viens, Al ! implora Alice en jetant dans sa bouche une framboise aussi grosse qu’une phalange.
J’aurais préféré de la viande juteuse, du pain craquant et du jogurt en guise de repas divin, mais mon estomac n’avait pas les mêmes exigences. Agenouillé face au feu, j’attrapai une pêche, la frottai contre ma veste par habitude et croquai dedans. Finalement, c’était aussi juteux, craquant et sucré que mon repas de rêve.
Boooon. Ça fait du bien. Après les galères, les voyages sempiternels et les problèmes pseudo-insolubles, on approche enfin d'une solution viable. Choupi Mars, ça fait du bien de le voir mentionné ici, il le mérite.
Maintenant, reste à voir ce qui va réellement changer. Il nous reste combien de chapitres ?
La bise ~
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Re: Oneiris - Tomes I (terminé) et II (en cours) [Heroic fantasy]

Message par louji »

vampiredelivres a écrit : jeu. 19 août, 2021 1:00 pm
louji a écrit : sam. 31 juil., 2021 1:55 pm Hello ! Bientôt la fin, l'occasion de quelques discussions pour les personnages :D



Chapitre 18
Alice



An 500 après le Grand Désastre, 1e mois de l’hiver, Terres de l’Ouest.



Le voyage se fit sans hâte ni paresse. Pour la promesse de nuits et de repas chauds, nous fîmes quelques détours par des auberges nichées au cœur des bourgs occidentaux. Ça change du speed du premier voyage Nous évitâmes de petits chemins directs au profit de voies plus sûres. Contrairement à nos péripéties des dernières semaines, nous n’avions pas à nous presser.
Soraya et Achalmy ne se plaignaient pas d’une éventuelle perte de temps. Mon amie appréciait voyager et, si l’air moite et glacé de l’hiver lui convenait mal, l’horizon infini la rassénérait :arrow: rassérénait, non ? :) :arrow: Oui, j'ai échangé les lettres :ugeek: .

À mesure que les jours glissaient, l’air s’adoucissait. Quand nous fûmes à proximité de Ma’an, j’expérimentai le même voyage sensoriel qui m’avait frappée quelques mois plus tôt. Je n’en avais alors pas réellement profité, muselée par l’impatience de mon père. Cette fois-ci, j’imposai à mes deux compagnons un arrêt par le marché de la ville multiculturelle. Si Soraya y trouva tout son compte, Al préféra s’octroyer quelques heures à bord d’une barque sur le lac Ishalgen. Ça me fait toujours autant rire comme référence :lol: :arrow: Oui, moi aussi :lol:

— Une voleuse s’est glissée dans ma chambre. Elle voulait me tuer. Ah ouiiiiiii, c'est vraiiiiiii :lol: :arrow: :roll:
Stupéfaite, je me contentai de le dévisager, bercée par la marche régulière de ma monture. Soraya reprit ses esprits avant moi.
— Je pensais que tu allais nous conter une histoire d’amour… Mais avec toi, il faut toujours que ce soit brutal, hein ? C'est une brute nordiste en même temps x) :arrow: Cévré
— J’ai pas choisi d’être sa cible, rétorqua Achalmy en fronçant le nez. En fait, on s’est promis de se battre à mort la prochaine fois qu’on se rencontre. Pourquoi je suis certaine qu'on va la revoir, du coup ? :arrow: 8-)

Nous avions atteint la Zone Morte quand la nuit fut trop dense pour être chevauchable. La lune éclairait un paysage spectral autour de nous : terre poussiéreuse et usée, pas la moindre trace de vie. Ni trace de mort, à vrai dire. Si même dans la zone morte, il n'y a pas de morts… :lol: :arrow: Super décevant quoi :| Même si nous connaissions déjà la topologie des lieux, les frissons étaient difficiles à contenir tandis que nous mettions pied à terre. Soraya nous fournit un feu assez généreux pour cuire les côtelettes de mouton que nous avions achetées au marché. Comme elle s’occupait du repas, Al et moi entreprîmes de monter la tente. L’air était moins froid et humide que dans l’Ouest, mais l’idée de dormir à la belle étoile me déplaisait. Sans la moindre brise, le moindre bruit, j’avais l’impression d’être coincée dans un cauchemar. La toile nous offrirait une protection symbolique.

— Je suis pas sûr, pour être honnête. Je voudrais aller voir mon ancien maître et mon père, leur dire pour Mars… Il faudrait aussi que je retourne au clan Valkov pour savoir si tout se passe bien. La fameuse collaboration des cousins qui avait causé tant de chaos. :arrow: Un autre joyeux bordel familial après tout !
J’approuvai d’un hochement de tête, tout aussi curieuse quant au devenir du village nordiste. Depuis que nous avions quitté le Château, nous avions eu le temps de nous narrer nos aventures respectives. Al et Mars avaient affronté des épreuves tout aussi dures que les nôtres pour parvenir à leur objectif. En vérité, ils y avaient plus que perdu. J'confirme. Al risquait d’ailleurs encore sa vie à l’instant où nous parlions.
— En réalité, reprit Achalmy en grattant la semelle de sa botte à l’aide d’une branche, je crois que je me suis lassé de courir par monts et par vaux. J’ai vu ce que les Valkov avaient réussi à faire.
— Tu voudrais les rejoindre ?
— J’en sais rien. Peut-être que je pourrais trouver quelque chose à faire ? Entraîner les enfants, participer à la protection du Mont… Prof Al, je ne suis pas sûre que ça se passe extra bien :roll: :arrow: On aurait vu mieux disons :v
Je lui souris à travers les flammes.
— Ça me fait plaisir de savoir que tu te projettes, Al. Je sais que tu menais ta vie comme tu le pouvais, en étant mercenaire et chasseur dans l’Ouest, mais…
— C’était instable, je sais. Ça me dérangeait pas, au fond. Mais j’ai envie de quelque chose de différent.
Nez levé au ciel, j’admirai un instant les étoiles avant d’oser reprendre la parole :
— Si tu le souhaites, le Château te sera aussi ouvert. Je crois que le Garde royale serait honorée de découvrir ton style de combat et de s’entraîner à tes côtés. Quand ton maître était venu faire une démonstration devant mes parents, les soldats avaient été ravis. Ton peuple et le mien ont beau s’entendre comme chien et chat, nous vouons l’un pour l’autre un peu d’admiration.
Je me tus, appréhendant déjà une réplique de mon ami, mais il se contenta de me fixer. Craignant de l’avoir mis mal à l’aise, je secouai les mains et repris :
— Peu importe, tu es libre, Al. Je sais que tu as besoin de cette liberté pour être heureux.
— Non, non, c’est pas ça, me rassura-t-il en grattant sa joue mal rasée. Je suis soulagé que tu me l’aies proposé, Alice. J’avais peur que… que ton nouveau statut de reine ait creusé un écart entre nous. C'est toi qui creuses l'écart, benêt.
Même si sa peur était logique, je ne pus m’empêcher de grimacer.
— Al, cet écart existe déjà… Aux yeux du peuple, je suis reine avant tout.
— Et moi, un roturier étranger ?
— Oui. Allez, bam dans ta gueule. C'est pour la fois d'avant où il lui a fait le ême coup. :arrow: Mérité, c'est clair 8-)
Il m’adressa un sourire penaud. Je n’étais pas heureuse de lui rappeler nos statuts, surtout lorsque ses contrées ignoraient de telles constructions sociales. Toutefois, s’il désirait bel et bien s’installer dans l’Ouest…
— Comment je pourrais faire, alors ? maugréa Achalmy en tripotant nerveusement le manche de Kan. Pour être considéré comme… quelqu’un de fiable par ton peuple ?
C’était une vaste question. Et une réponse simple n’était pas à ma portée.
— Eh bien… Peut-être pourrais-tu faire comme Maître Soho ? Gagner le respect et la reconnaissance des Occidentaux grâce à ton savoir-faire guerrier ?
— C’est une idée. Tu penses que la Garde royale aurait besoin des connaissances des Chasseurs ?
— Il faudrait en discuter avec le commandant Wilson, il est mieux placé que moi pour te répondre correctement. (Je fronçai les sourcils en réalisant la précision qu’il avait instillée dans sa demande.) Tu voudrais être près du Château pour une raison particulière ? L’Ouest est grand, tu trouveras sûrement des Nobles qui désirent former une garde personnelle. Alors ouais mais… Lilice… :lol: :arrow: Bon, elle se voile pas mal la face hein.
Achalmy me dévisagea avec une telle intensité que je crus un instant l’avoir électrisé. Une fois sorti de sa torpeur, il m’adressa un sourire tordu.
— C’était pour pas m’éloigner trop de toi que je pensais au Château, Alice. L'honnêteté, damn. Il en a fait du chemin, ce bourriquet x)
J’eus l’impression que le feu s’était jeté sur mon visage. Mon ventre se contracta et le besoin de fuir sous ma couverture me crispa la nuque. Au fond, elle reste la petite fille d'avant, mais ça fait plaisir ^^ :arrow: Sentimentalement parlant, oui :'D
— Je… Je pensais que tu… (Al ne cessait de me lorgner, implacable.) Tu avais été plutôt clair avec moi, cet été. Sur ton incapacité à sacrifier ta liberté.
— C’est vrai. Je veux encore de ma liberté. Mais je ne veux plus perdre de gens. Je veux rester auprès des personnes auxquelles je tiens. Mon ancien Maître, mon père et toi êtes dans l’Ouest. Alors je veux y rester. Petits pas pour Al, mais c'est du progrès. Baby steps, comme on dit.
Je fermai un instant les paupières, avalai tant bien que mal les possibilités qu’il venait de jeter entre nous. La tête bourdonnante, je m’éclaircis la gorge avant de m’enquérir :
— Achalmy, je voudrais être certaine de ce que tu me proposes. Tu souhaites rester dans l’Ouest et, même près du Château si possible, pour… parce que tu es un ami ? Bon, là elle est dans le déni. :lol:
Un drôle de sourire adoucit son visage tendu.
— Il me semblait que tu m’avais proposé d’être un peu plus. (Face à mon expression médusée, il haussa les épaules.) Ce que je ressens pour toi a changé, mais je crois que c’est en bien. Tu n’étais qu’une princesse agaçante, mais j’ai beaucoup d’admiration pour la jeune femme que tu es devenue. Awwwww ♥ :arrow: Ouais :lol:
J’étais si stupéfaite que mon silence permit au rire étouffé de Soraya de percer la toile de la tente. Sora ♥ Al poussa une bordée de jurons en prenant conscience que notre discussion avait été suivie depuis le début.
— Désolée ! lança notre amie depuis l’abri de fortune. Je ne voulais pas spécialement écouter aux… il n’y a pas de portes. :lol: Enfin, ce que je veux dire, c’est que ce n’était pas voulu. Je dois toutefois reconnaître que j’attendais ce moment depuis des mois.
Toujours en rogne, Al se contenta de foudroyer la tente du regard. Nan mais mec, aussi, tu assumes que la miss ragots de service va se coucher juste comme ça sans laisser traîner une oreille ? (ou deux d'ailleurs) :arrow: Elle en a pas perdu une miette :lol:
— Mêle-toi donc de ce qui te regarde, gronda-t-il en se relevant brusquement. Je vais dormir dehors.
— Oh, ça me regarde, Chasseur furieux, le railla Soraya d’un ton mordant. Parce que je vais devenir la ? :arrow: Je l'avais mis sans l'article exprès (car le/la roi/reine occidental peut avoir plusieurs conseillers étrangers) mais Soraya tient un rôle particulier en effet... arf je me déciderai à la correction finale ! conseillère de la reine Occidentale en matière de politique étrangère !
Même si Soraya et moi avions eu le temps d’en discuter depuis notre rencontre, l’affirmation n’avait jamais été posée. À la fois surprise et reconnaissante, je me levai à mon tour pour rejoindre la tente. Le visage narquois de mon amie en dépassait. Avant que je pusse la remercier d’avoir accepté ma proposition, elle ajouta en criant presque :
— Alors, si l’on peut jeter les bases de relations diplomatiques avec le Nord grâce à un mariage, je serais ravie. Faut peut-être pas pousser le bouchon trop loin x)
— Oh, Soraya, soupirai-je en m’agenouillant face à elle. Tu n’es pas obligée d’en faire tant.
Elle se contenta de tendre la main pour la poser sur ma joue.
— Alice, tu te rends compte ? Il y a moins d’un an, tu te battais pour ne pas épouser mon frère, un étranger Sudiste. Aujourd’hui, tu souris comme une enfant à l’idée de lier ta vie à celle d’un rustaud de Nordiste.
Nier ou détourner la conversation n’aurait pas servi à grand-chose ; je sentais mes joues plissées sous le coup d’un grand sourire. Je ne pouvais pas non plus nier la chaleur qui s’était répandue dans ma poitrine suite à l’annonce d’Achalmy. Arf. Quel duo de boulets ♥ :arrow: Ils vont bien ensemble quelque part x')
Par les Dieux, je ne pouvais surtout pas nier les doutes qui m’envahissaient à propos de cette possible union. Mon peuple accepterait-il un étranger ? Mé oui. Al voulait-il au moins m’épouser ? Ça, ça reste à prouver avec le temps. Comment ferait-il pour concilier liberté et devoir ? Avec des compromis ^^ :arrow: Ils vont devoir apprendre !
— Alice.
La main de Soraya sur ma joue me ramena à la nuit déserte. Son sourire s’était fait plus protecteur, moins railleur. Ses yeux dorés m’enveloppèrent d’un cocon de réconfort.
— Viens dormir, Lice. Nous aurons tout le temps d’en discuter plus tard.
— Oui. (Je jetai un coup d’œil par-dessus mon épaule, avisai la silhouette d’Achalmy enroulée dans sa couverture.) Bonne nuit, Al.
Je l’entendis grogner avant qu’il ne donnât une réponse distincte :
— Bonne, Alice.
C’était idiot, mais j’aimais toujours la façon dont son accent martelait mon prénom pour le rendre moins lisse. Une fois mes bottes délacées, je rejoignis Soraya sous la tente. Sans Al pour prendre toute une partie du couchage, nous avions bien assez de place pour dormir confortablement. Dis qu'il est gros pendant que t'y es :mrgreen: :arrow: Avec son voyage dans le Nord, il a même plutôt maigri mais il reste plus costaud qu'elles quand même :roll:
— Si tu l’éduques un peu, il pourrait représenter un parti intéressant, chuchota Soraya d’un ton très sérieux.
— Un parti intéressant ?
Je ne pus m’empêcher de rire. Je n’avais jamais considéré Al sous cet angle.
— Eh bien, si on y réfléchit… Il provient de deux grands clans Nordistes. Il est ancien élève d’un Maître reconnu dans l’Ouest et il a enfin obtenu sa Maturité. Je pense qu’il a du potentiel. Une fois qu’il se sera débarrassé de ses manières arriérées, évidemment. Damn et moi qui rêvais de mon Soralmy… :cry: :lol: :arrow: Malheureusement... :(

Bien malgré moi, mes mains se crispèrent sur les rênes. L’enceinte du Noyau s’élevait face à nous, austère et inhumaine. Un cercle parfait dont la surface luisait malgré son noir profond. Des mois plus tôt, il avait fallu longer la muraille pour en repérer l’unique entrée, le Passage. Aux dernières nouvelles, il se trouvait au sud, raison pour laquelle nous étions descendus aussi loin vers les terres australes.
— Plus qu’à prier, marmonna Al en levant le nez pour observer le sommet de l’enceinte. Qu’ils aient pas bougé l’entrée. Oh tu sais, les Dieux et leur confiance absolue en l'humanité… :roll:
Soraya soupira avant de talonner sa monture. Le mieux restait de faire le tour. Si les Dieux avaient bel et bien déplacé l’entrée du Noyau, nous n’aurions plus qu’à contourner la muraille. Malheureusement, nos vivres n’étaient pas suffisants pour nous permettre de tenir plusieurs jours. Il nous faudrait faire un nouveau détour pour commercer avant de retourner à notre exploration. Sans compter que mon couronnement officiel n’allait pas tarder…
— Oh !
L’exclamation de Soraya me tira de mes songes anxieux. Un sourire spontané chassa les brumes de mon esprit tandis que nos chevaux avançaient vers la muraille. Le Passage. Les Dieux ne l’avaient pas déplacé. Simple rectangle de vide haut de trois mètres et large de deux.
Soraya ne se fit pas prier pour s’y engager en premier. Al suivit, visiblement sur ses gardes. Quant à moi, je ne pus m’empêcher de lorgner la pierre noire. Elle était lisse et pourtant brillante d’une infinité de minuscules cristaux. Une création non-humaine, étrangement divine. Pourquoi son côté divin serait étrange ? :arrow: Parce que ça ressemble à rien de ce qu'ils connaissent, que c'est une esthétique étonnante et complètement inaccessible à leur savoir-faire actuel.

COUCOU CHOUPI ! :arrow: Choupi, jsp :lol:


Bon, cette petite session de blabla entre le trio était bien sympathique, franchement ! Ça fait plaisir de voir Al s'ouvrir aux possibilités et parler honnêtement avec Alice. Mais des trois, c'est Sora que je préfère, actuellement. :mrgreen:
Allez, on réattaque.

:arrow: Je comprends pour Soraya, elle est plus fun et cool qu'eux quoi :lol:
louji a écrit : sam. 14 août, 2021 5:35 pm Hello ! Pour ceux qui ont la chance d'en avoir, je vous souhaite de bonnes vacances !



Chapitre 18
Achalmy



An 500 après le Grand Désastre, 1e mois de l’hiver, Le Noyau



Je marmonnai dans ma barbe, laissai la poigne de Soraya apaiser ma colère. Je n’avais aucune chance face à Aion. Surtout avec un bras en écharpe. Bras en écharpe ou pas, hein. Je te rappelle la raclée qu'il t'a mise dans les tout premiers chapitres ? (Oui, je les ai relus récemment :lol: ) :arrow: Clairement, c'est même pas la peine d'y penser x)
— Galadriel attendait votre retour, ajouta Aion en nous englobant tous d’un regard bref. Pour vous tenir au courant de l’évolution de notre marché. Évolution, évolution… moi ça m'inquiète.
Alice s’avança d’un pas dans sa direction. Un pic d’angoisse me refroidit la poitrine, mais ni elle ni Aion ne trahissaient le moindre signe d’animosité.
— Seigneur Aion, pouvez-vous implorer les autres Divinités Primordiales de venir ? Mes compagnons et moi aimerions retourner chez nous le plus rapidement possible.
L’intéressé inclina le menton, glissa son attention divine vers Soraya et moi. L’ombre d’un rictus plissa ses lèvres délicates lorsqu’il m’aperçut. Je lui rendis son sourire acide.
— Je vais les appeler, déclara Aion en daignant s’avancer vers nous. Kan nous a prévenus par le biais d’Eon qu’elle mettrait un peu de temps à arriver. Une histoire d’essences à séparer, dans les Sanctuaires des Terres au-delà des Mers. Oué, tu sais, c'est plus compliqué que tes petites galères de dieu déchu. :arrow: Faut surtout pas lui dire...
Alice hocha la tête comme si ces mots faisaient sens. Elle m’avait expliqué tant bien que mal ses découvertes dans les Sak aviriens, mais je devais reconnaître qu’une grande partie m’échappait. En même temps, t'es trop bourrin pour essayer de t'approprier une autre culture. :arrow: Déjà, il essaie de se faire aux traditions occidentales...

Nous n’eûmes pas le temps de nous reposer avant l’arrivée des Dieux. Quelques secondes après notre discussion avec la divinité déchue, la silhouette de Galadriel se devina se devina ? Le verbe me paraît bizarre dans ce contexte. :arrow: Je vais chercher autre chose ^^ entre deux troncs. Elle prit chair sous nos yeux stupéfaits. Peau d’abricot, chevelure flamboyante, nudité généreuse, orbites en feu. Notre Mère à tous.
Alice, Soraya, Achalmy.
Au moins la Déesse de la Vie daignait-elle nous appeler par nos noms. Nan mais cherche pas, l'autre c'est un abruti. Après avoir pris complètement forme, elle approcha de nous en souriant.
Je vous remercie d’être revenus au Noyau sans tarder.
— Ils ont mis bien assez de temps, grommela Aion en rejoignant la Déesse. Toi je vais te…
Elle lui jeta un regard indéchiffrable – après tout, difficile de lire quelque chose dans les flammes qui habitaient ses yeux.
Aion, leurs quêtes respectives se sont révélées plus qu’ardues. Les as-tu au moins remerciés ? BAM DANS TA… attends, j'ai l'impression de me répéter là. :lol:
Pincement des lèvres. Fuite du regard. Un rire amer me remonta la gorge. Je le coinçai contre mes gencives, serrai les poings. Alice fit alors un pas vers Aion.
— Non, il ne nous a pas remerciés. (Elle se tourna vers la Déesse, le visage fermé.) Dame Galadriel, nous avons perdu un ami pendant notre quête. Il s’appelait Mars. Est-ce qu’il a… bien rejoint Lefk ?
Le silence de Galadriel parut gelé malgré l’air tiède et sucré du Noyau, malgré les flammes dans ses orbites. Quand la Déesse finit par entrouvrir les lèvres, une voix désincarnée la précéda :
Votre compagnon m’a rejoint. N’ayez aucune crainte pour lui. Coucou toi ♥ :arrow: Contrairement aux autres Dieux, on le voit pas vraiment mais Lefk est cool aussi :D
Alice et Soraya sursautèrent, cherchèrent inconsciemment une présence tangible. Pour ma part, je me contentai de fermer les paupières. Une voix comme celle-ci, qui résonnait dans les os sans émettre le moindre son, qui tourmentait l’âme sans même la toucher…
— Il est mort pour vous, Aion, lançai-je fermement en m’avançant vers l’intéressé. Il aurait dû mourir… mourir dans d’autres…
J’avais perdu la voix. En réalité, je n’en savais rien. Je ne savais plus. S’il y avait des morts honorables, des morts justes. Choupi :cry: Lefk venait de me confirmer que Mars l’avait rejoint, mais c’était une évidence bien avant. Mars se serait sûrement fiché de savoir si l’honneur l’avait accompagné pendant ses dernières heures. Évidemment. Il est mort de froid, en même temps. :arrow: Abandonné par son pote, trop chouette :)
— J’en ai conscience. ALORS AGIS EN CONSÉQUENCE BORDEL DE CACAHUÈTES !
Aion avait planté l’instabilité de son regard sur moi. Il ne se détournait pas, cette fois.
— Je vous remercie pour ce que vous avez fait pour moi, reprit-il d’un ton sourd. Je vous présente aussi des excuses pour les dangers auxquels vous avez été confrontés. Mouais. J'y crois moyen.
Ça continuait à bouillir en moi. C’étaient de belles paroles. Envoyées du bout des lèvres par un être qui se fichait parfaitement de nous.
— Nous n’avions pas le choix.
L’apprêté de la voix d’Alice m’étonna. Ses yeux sombres rejetaient en bloc d’éventuelles répliques de la part d’Aion. Lilice stand up ! Je suis si fière d'elle.
— C’était un marché, rappela-t-elle en s’avançant vers moi, dans lequel la vie d’Al était en jeu. Si nous n’avions pas retrouvé les divinités jumelles, il l’aurait payé de sa vie.
Un muscle se crispa dans la joue d’Aion.
— Nous lui avons fait une fleur. Il était mort avant ça. À cause de toi ducon. Il m'exaspère.
— Il est mort pour vous ! Nous n’avons pas eu le choix de prendre part à votre petite vengeance, vous nous avez forcé la main.
— Rappelle-toi, chère princesse, qu’Achalmy n’a jamais été forcé de se rendre au Noyau.
— Je suis reine, siffla Alice en élevant la voix. Et vous vous doutiez qu’Achalmy reviendrait pour savoir ce que j’étais devenue. Vous l’aviez laissé pour mort au campement de la Maturité !
Soraya suivait la discussion de loin, prudente. Je décelai toutefois une lueur rougeoyante dans le doré de ses yeux. De la fierté. Pour Alice. Wi. Lice ♥
Je ressentais la même chose. Malgré les horreurs qu’elle avait vues et vécues sous le joug du Dieu déchu, elle lui faisait face. Je comprenais sa hargne après avoir été muselée par Aion pendant des mois.
— Je comprends que tu sois en colère, Alice, mais… Non. Juste tais-toi;
— Nous sommes tous en colère, le coupa l’intéressée d’un ton cassant. Comment voulez-vous que nous vous fassions confiance si vous nous considérez comme des êtres sacrifiables à souhait ?
La bouche du Dieu se pinça dans un mélange d’amertume et de colère. Avant qu’il pût reprendre la parole, Galadriel s’approcha d’Alice. Ses lèvres roses étaient maussades.
Tu as raison, Alice Tharros. Tes doutes sont fondés, la confiance entre Humains et Divinités a été brisée des deux côtés. Merci.
Les yeux d’Aion s’agrandirent, une étincelle s’illumina brièvement sur son épaule.
— Galadriel, tu ne vas quand même pas choyer ces… Mais on t'a dit de te taire alors tais-toi. :arrow: Il est chiant, hein.
Aion, le coupa-t-elle en levant une main sereine, tu as comploté sur le dos des Humains. Manque un bout d'italique ici. :arrow: Merci ! Des innocents en ont souffert ou en sont morts. Nous ne pouvons pas l’ignorer. Lui peut. Toi un peu moins.
— C’était une juste vengeance, cracha-t-il avec tant de venin que des flammes gonflèrent sous ses doigts. MAIS JE VAIS TE… ARGH. Je l'adore pourtant. Mais il me casse les pieds, là. Chaton que je t'explique, se venger sur des gens qui ne t'ont rien fait, ça n'a aucun sens. Ce ne sont pas les descendants des abrutis qui ont comploté contre toi qui sont responsables des erreurs de leurs aïeux. Je sais que c'est dur pour quelqu'un qui n'a pas la notion du temps. Mais essaie. Je suis sûre que tu peux y arriver. :arrow: Aion, c'est clairement le personnage que je voulais comme vecteur du "tout le monde ne change pas "en bien" / "en mieux". Je voulais apporter un peu de nuance de ce PDV-là, montrer que ça reste un Dieu arrogant et qu'il va pas changer sa mentalité d'un claquement de doigts :v
Soraya fit claquer sa langue pour ramener le silence. Les Dieux lui jetèrent un coup d’œil surpris, comme s’ils avaient oublié sa présence tout ce temps.
— Les soldats Occidentaux qui escortaient Alice étaient innocents. Alice était innocente. Achalmy était innocent. Je l’étais aussi. Certains de nos proches ont comploté avec vous, Aion, mais nous trois sommes innocents. Innocents de la trahison qui vous a frappé il y a cinq cents ans et innocents dans le plan que vous avez monté pour vous venger.
Alice et moi hochâmes la tête de concert. Galadriel écoutait avec une expression lointaine, penaude. Ce n’était pas juste pour elle non plus. Elle prenait la défense d’Aion, mais elle subissait en même temps les critiques qui étaient adressées à son égal. En même temps, elle n'a rien fait non plus pour l'aider à l'époque. :arrow: Elle était un peu bloquée faut dire :v À part insuffler la vie... ben elle pas des pouvoirs immenses. Sans compter qu'après la trahison des Humains, elle craignait trop de se rendre hors du Noyau sous forme charnelle. Donc elle l'a en effet pas beaucoup aidé, mais elle pouvait pas faire masse de trucs non plus.
— Alors, ne vous cachez pas derrière votre prétendue vengeance pour justifier le mal que vous avez répandu autour de vous. Et les vies d’innocents qui ont été bouleversées par la suite.
Galadriel se dirigea vers Aion et posa une main sur son épaule. Ils n’échangèrent pas un mot, mais un courant de compréhension passa entre eux.
— Ce n’était pas juste, je le reconnais. Ce sont vos ancêtres qui m’ont trahi, mais pas vous. Vous ne méritiez pas les souffrances que je vous ai fait subir. J'y crois toujours pas.
Je jetai un coup d’œil à Alice et Soraya, fus soulagé en constatant leur expression morose. Nous acceptions les paroles d’Aion, mais nous ne lui pardonnions pas pour autant.
— Et je vous remercie encore pour les efforts que vous avez fournis pour trouver Kan et Eon. Mmhm, try again.
La déclaration d’Aion se ponctua d’un silence. Soraya et Alice hochèrent la tête puis se détournèrent pour s’occuper de leurs montures. Galadriel serra l’épaule de son compagnon.
— Qu’est-ce qui se passe à présent ? lançai-je aux deux Divinités Primordiales.
Nous attendons que Kan revienne complètement à Oneiris, expliqua Galadriel en se détachant du Dieu déchu. Une fois qu’elle sera de retour, Eon se montrera lui aussi. Nous pourrons alors ramener Aion avec l’aide de Lefk.
J’acquiesçai en silence, lèvres pincées. Tout semblait si facile à présent. Une petite réunion entre Dieux et le tour serait joué. Le fameux « ta gueule c'est magique » :lol: :arrow: Oui, si fort :lol: Les sacrifices que Soraya, Alice et moi avions subi semblaient dérisoires. Les mois que nous avions passés à voyager afin de retrouver des pistes infimes paraissaient risibles. C’était pourtant notre sueur, notre sang et notre détermination qui allaient permettre à Aion de retrouver son statut.
— Vous comptez changer, n’est-ce pas ? Rêve pas trop mon chaton, même si la question est justifiée.
Aion me cingla d’un regard stupéfait. Il entrouvrit les lèvres, mais je le devançai :
— Si vous voulez qu’on vous fasse de nouveau confiance, on a besoin de savoir qu’on est plus que des réceptacles à prières. Et des sacrifices dispensables à souhait.
Nous allons changer, assura Galadriel en me considérant avec attention. Nous n’étions que l’ombre de nous-mêmes ces derniers siècles. Lefk et moi assurions à deux ce que nous avions toujours assuré à cinq. À présent que nous allons bientôt tous être réunis, nous espérons être plus attentifs au devenir des Hommes. Espérons. Comme pour Al, baby steps. :arrow: Baby steps, oui :roll:
Je soupirai en me calant contre un tronc. Je n’aurais sûrement pas mieux de la part des Dieux. Si je me méfiais encore d’Aion, j’avais moins de doutes concernant Galadriel. Après tout, elle avait tenu son marché avec Alice.
Je vais me retirer, annonça Galadriel d’une voix calme. Si vous le souhaitez, vous pouvez passer la nuit dans le Noyau, vous y êtes les bienvenus. Lefk, Aion et moi vous tiendrons au courant quand les Divinités jumelles seront revenues parmi nous. Nous pourrons alors redonner à Aion son statut d’antan.
— Vous aurez besoin de nous ?
La question de Soraya fit sourire la Déesse.
Non. Par ailleurs, quand le moment sera venu, vous devrez sortir du Noyau. Nos essences pures sont trop puissantes pour vos esprits, nous risquerions de vous tuer. Mais n’ayez crainte, reposez-vous aujourd’hui. Je reviendrai vous voir demain matin.
Sans un mot de plus, le corps de Galadriel se dissipa comme fumée dans le vent. L’éclat rougeoyant de ses yeux flotta un moment dans l’air avant de disparaître complètement. Bon, j'ai ragé contre Aion, mais il faut quand même dire que j'aime bien Mama Galadriel. Elle essaie, au moins. :arrow: Complètement !
— Je vais vous laisser, déclara Aion à son tour. Si vous avez besoin de quelque chose… vous n’aurez qu’à m’appeler. Je vous entendrai.
Comme il s’éloignait du camp, je me décollai de mon arbre et rejoignis mes amies. L’épuisement et l’appréhension avaient creusé leurs visages.
— Je ne savais pas comment ça se passerait, souffla Alice alors que nous déchargions nos montures. Je crois que j’en attendais un peu plus d’Aion. Quand nous avons voyagé ensemble il y a quelques mois, j’ai aperçu des aspects de lui qui me donnaient espoir. Choupette…
— C’est ton charme et ta faiblesse, Alice, de croire que les autres ont toujours l’envie, au fond d’eux-mêmes, d’être bons.
Je n’aurais pas pu dire mieux que Soraya. Alice ferma les yeux en soupirant lourdement. C’était peut-être elle la plus déçue d’entre nous, en fin de compte. C’était elle qui avait placé un mince espoir en Aion. Mais quelle idée d'espérer, aussi x)
— Je crois qu’il était quand même sincère quand il s’est excusé et nous a remerciés.
Soraya et moi ne prîmes pas la peine de répondre. Je ne connaissais pas les pensées qui s’agitaient sous le crâne de la Sudiste, mais les miennes étaient catégoriques. Même si Aion s’était montré honnête envers nous, ses actes passés étaient trop graves. J’étais peut-être – sûrement – borné et rancunier, mais je n’étais pas prêt à plus de miséricorde pour cet individu.
— Nous aurions dû demander aux Dieux un repas tout prêt, marmonna Soraya en tirant d’un sac une lamelle de viande séchée.
Alice rit tout bas en flattant sa monture. C’était plaisant de l’entendre rire, ça me ramenait à des flambées plus sereines et à des batailles de boules de neige. À des instants partagés sans le poids de devoirs divins.
— Peut-être que c’est pas trop tard pour exiger un repas, fis-je remarquer en tournant les talons pour scruter les environs. Excusez-moi ? Les Dieux ? Vous auriez autre chose que de la viande trop salée et des fruits trop secs à nous proposer ? Yo les gars, ça baigne ? Nous on a faim ! :lol:
La fatigue nerveuse me rendait sûrement insolent. Pourtant, les rires d’Alice et Soraya qui suivirent ma déclaration me rassénérèrent Ah, round 2 de rassénér au lieu de rasséréner ^^ :arrow: Yas, merci ! Y'en avait plusieurs dans le roman, je les ai tous corrigés ^^ (Word me les avait pas signalés comme faute :| ). Je n’étais sûrement pas le seul à perdre un peu la tête.
Une exclamation de surprise s’éleva à ma droite. Alice avait écarquillé les yeux, une main encore posée sur le flanc de sa jument. Je suivis son regard, crus que mon cerveau embrumé me jouait des tours.
— Par les Dieux, murmura Soraya avant d’émettre un sifflement ravi. Merci les Dieux !
Autour d’un feu né de nulle part reposaient des grappes de gros raisins juteux, des fraises des bois odorantes, des poignées de grosses framboise et un méli-mélo d’abricots et pêches qui formaient un camaïeu d’orange et rose. Un tas de légumes que je n’aurais même pas su nommer avait été empilé à côté.
— Eh bien, nos prières ont été entendues, soufflai-je avec un rire décontenancé. Yé. Maintenant, dis merci et mange. ^^
Alice et Soraya échangèrent un regard avant de s’avancer vers les fruits et légumes que les Dieux nous avaient offerts. Sûrement un cadeau combiné d’Aion et Galadriel.
— Viens, Al ! implora Alice en jetant dans sa bouche une framboise aussi grosse qu’une phalange.
J’aurais préféré de la viande juteuse, du pain craquant et du jogurt en guise de repas divin, mais mon estomac n’avait pas les mêmes exigences. Agenouillé face au feu, j’attrapai une pêche, la frottai contre ma veste par habitude et croquai dedans. Finalement, c’était aussi juteux, craquant et sucré que mon repas de rêve.
Boooon. Ça fait du bien. Après les galères, les voyages sempiternels et les problèmes pseudo-insolubles, on approche enfin d'une solution viable. Choupi Mars, ça fait du bien de le voir mentionné ici, il le mérite.
Maintenant, reste à voir ce qui va réellement changer. Il nous reste combien de chapitres ?
La bise ~
Ouais, je voulais pas encore tordre trop les choses pour la fin ^^
J'ai voulu nuancer par le biais d'Aion, montrer que tout était pas si simple et qu'il y avait encore des efforts à faire, mais le ton se veut optimiste quand même !
Il reste... 2 chapitres et l'épilogue :mrgreen:

Merci beaucoup pour tes retours !
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Re: Oneiris - Tomes I (terminé) et II (en cours) [Heroic fantasy]

Message par vampiredelivres »

louji a écrit : sam. 31 juil., 2021 1:55 pm Hello ! Bientôt la fin, l'occasion de quelques discussions pour les personnages :D



Chapitre 18
Alice



An 500 après le Grand Désastre, 1e mois de l’hiver, Terres de l’Ouest.



À mesure que les jours glissaient, l’air s’adoucissait. Quand nous fûmes à proximité de Ma’an, j’expérimentai le même voyage sensoriel qui m’avait frappée quelques mois plus tôt. Je n’en avais alors pas réellement profité, muselée par l’impatience de mon père. Cette fois-ci, j’imposai à mes deux compagnons un arrêt par le marché de la ville multiculturelle. Si Soraya y trouva tout son compte, Al préféra s’octroyer quelques heures à bord d’une barque sur le lac Ishalgen. Ça me fait toujours autant rire comme référence :lol: :arrow: Oui, moi aussi :lol: En même temps, le jeu Aion quoi :roll:

— Une voleuse s’est glissée dans ma chambre. Elle voulait me tuer. Ah ouiiiiiii, c'est vraiiiiiii :lol: :arrow: :roll:
Stupéfaite, je me contentai de le dévisager, bercée par la marche régulière de ma monture. Soraya reprit ses esprits avant moi.
— Je pensais que tu allais nous conter une histoire d’amour… Mais avec toi, il faut toujours que ce soit brutal, hein ? C'est une brute nordiste en même temps x) :arrow: Cévré
— J’ai pas choisi d’être sa cible, rétorqua Achalmy en fronçant le nez. En fait, on s’est promis de se battre à mort la prochaine fois qu’on se rencontre. Pourquoi je suis certaine qu'on va la revoir, du coup ? :arrow: 8-) J'te vois avec tes smileys là x)

Nous avions atteint la Zone Morte quand la nuit fut trop dense pour être chevauchable. La lune éclairait un paysage spectral autour de nous : terre poussiéreuse et usée, pas la moindre trace de vie. Ni trace de mort, à vrai dire. Si même dans la zone morte, il n'y a pas de morts… :lol: :arrow: Super décevant quoi :| Franchement je dis -1 à l'univers, les noms des lieux ne correspondent pas :lol: Même si nous connaissions déjà la topologie des lieux, les frissons étaient difficiles à contenir tandis que nous mettions pied à terre. Soraya nous fournit un feu assez généreux pour cuire les côtelettes de mouton que nous avions achetées au marché. Comme elle s’occupait du repas, Al et moi entreprîmes de monter la tente. L’air était moins froid et humide que dans l’Ouest, mais l’idée de dormir à la belle étoile me déplaisait. Sans la moindre brise, le moindre bruit, j’avais l’impression d’être coincée dans un cauchemar. La toile nous offrirait une protection symbolique.

— Je suis pas sûr, pour être honnête. Je voudrais aller voir mon ancien maître et mon père, leur dire pour Mars… Il faudrait aussi que je retourne au clan Valkov pour savoir si tout se passe bien. La fameuse collaboration des cousins qui avait causé tant de chaos. :arrow: Un autre joyeux bordel familial après tout ! Un parmi tant d'autres…
J’approuvai d’un hochement de tête, tout aussi curieuse quant au devenir du village nordiste. Depuis que nous avions quitté le Château, nous avions eu le temps de nous narrer nos aventures respectives. Al et Mars avaient affronté des épreuves tout aussi dures que les nôtres pour parvenir à leur objectif. En vérité, ils y avaient plus que perdu. J'confirme. Al risquait d’ailleurs encore sa vie à l’instant où nous parlions.
— En réalité, reprit Achalmy en grattant la semelle de sa botte à l’aide d’une branche, je crois que je me suis lassé de courir par monts et par vaux. J’ai vu ce que les Valkov avaient réussi à faire.
— Tu voudrais les rejoindre ?
— J’en sais rien. Peut-être que je pourrais trouver quelque chose à faire ? Entraîner les enfants, participer à la protection du Mont… Prof Al, je ne suis pas sûre que ça se passe extra bien :roll: :arrow: On aurait vu mieux disons :v Patience niveau -12 :roll:

— C’est une idée. Tu penses que la Garde royale aurait besoin des connaissances des Chasseurs ?
— Il faudrait en discuter avec le commandant Wilson, il est mieux placé que moi pour te répondre correctement. (Je fronçai les sourcils en réalisant la précision qu’il avait instillée dans sa demande.) Tu voudrais être près du Château pour une raison particulière ? L’Ouest est grand, tu trouveras sûrement des Nobles qui désirent former une garde personnelle. Alors ouais mais… Lilice… :lol: :arrow: Bon, elle se voile pas mal la face hein. À ce stade, elle s'est mis un bandeau sur ses yeux toute seule x)
Achalmy me dévisagea avec une telle intensité que je crus un instant l’avoir électrisé. Une fois sorti de sa torpeur, il m’adressa un sourire tordu.
— C’était pour pas m’éloigner trop de toi que je pensais au Château, Alice. L'honnêteté, damn. Il en a fait du chemin, ce bourriquet x)
J’eus l’impression que le feu s’était jeté sur mon visage. Mon ventre se contracta et le besoin de fuir sous ma couverture me crispa la nuque. Au fond, elle reste la petite fille d'avant, mais ça fait plaisir ^^ :arrow: Sentimentalement parlant, oui :'D Pitite Lilice sentimentale *-*

— Désolée ! lança notre amie depuis l’abri de fortune. Je ne voulais pas spécialement écouter aux… il n’y a pas de portes. :lol: Enfin, ce que je veux dire, c’est que ce n’était pas voulu. Je dois toutefois reconnaître que j’attendais ce moment depuis des mois.
Toujours en rogne, Al se contenta de foudroyer la tente du regard. Nan mais mec, aussi, tu assumes que la miss ragots de service va se coucher juste comme ça sans laisser traîner une oreille ? (ou deux d'ailleurs) :arrow: Elle en a pas perdu une miette :lol: En même temps j'aurais probablement laissé traîner mes oreilles aussi, à sa place.
— Mêle-toi donc de ce qui te regarde, gronda-t-il en se relevant brusquement. Je vais dormir dehors.
— Oh, ça me regarde, Chasseur furieux, le railla Soraya d’un ton mordant. Parce que je vais devenir la ? :arrow: Je l'avais mis sans l'article exprès (car le/la roi/reine occidental peut avoir plusieurs conseillers étrangers) mais Soraya tient un rôle particulier en effet... arf je me déciderai à la correction finale ! Oh, tu verras bien ^^ conseillère de la reine Occidentale en matière de politique étrangère !
Même si Soraya et moi avions eu le temps d’en discuter depuis notre rencontre, l’affirmation n’avait jamais été posée. À la fois surprise et reconnaissante, je me levai à mon tour pour rejoindre la tente. Le visage narquois de mon amie en dépassait. Avant que je pusse la remercier d’avoir accepté ma proposition, elle ajouta en criant presque :
— Alors, si l’on peut jeter les bases de relations diplomatiques avec le Nord grâce à un mariage, je serais ravie. Faut peut-être pas pousser le bouchon trop loin x)
— Oh, Soraya, soupirai-je en m’agenouillant face à elle. Tu n’es pas obligée d’en faire tant.
Elle se contenta de tendre la main pour la poser sur ma joue.
— Alice, tu te rends compte ? Il y a moins d’un an, tu te battais pour ne pas épouser mon frère, un étranger Sudiste. Aujourd’hui, tu souris comme une enfant à l’idée de lier ta vie à celle d’un rustaud de Nordiste.
Nier ou détourner la conversation n’aurait pas servi à grand-chose ; je sentais mes joues plissées sous le coup d’un grand sourire. Je ne pouvais pas non plus nier la chaleur qui s’était répandue dans ma poitrine suite à l’annonce d’Achalmy. Arf. Quel duo de boulets ♥ :arrow: Ils vont bien ensemble quelque part x') Ouais :mrgreen:
Par les Dieux, je ne pouvais surtout pas nier les doutes qui m’envahissaient à propos de cette possible union. Mon peuple accepterait-il un étranger ? Mé oui. Al voulait-il au moins m’épouser ? Ça, ça reste à prouver avec le temps. Comment ferait-il pour concilier liberté et devoir ? Avec des compromis ^^ :arrow: Ils vont devoir apprendre ! Ayaaaa, on sait qu'Al et l'apprentissage ça fait pas bon ménage
— Alice.
La main de Soraya sur ma joue me ramena à la nuit déserte. Son sourire s’était fait plus protecteur, moins railleur. Ses yeux dorés m’enveloppèrent d’un cocon de réconfort.
— Viens dormir, Lice. Nous aurons tout le temps d’en discuter plus tard.
— Oui. (Je jetai un coup d’œil par-dessus mon épaule, avisai la silhouette d’Achalmy enroulée dans sa couverture.) Bonne nuit, Al.
Je l’entendis grogner avant qu’il ne donnât une réponse distincte :
— Bonne, Alice.
C’était idiot, mais j’aimais toujours la façon dont son accent martelait mon prénom pour le rendre moins lisse. Une fois mes bottes délacées, je rejoignis Soraya sous la tente. Sans Al pour prendre toute une partie du couchage, nous avions bien assez de place pour dormir confortablement. Dis qu'il est gros pendant que t'y es :mrgreen: :arrow: Avec son voyage dans le Nord, il a même plutôt maigri mais il reste plus costaud qu'elles quand même :roll: Il est large d'épaules on va dire :roll:
— Si tu l’éduques un peu, il pourrait représenter un parti intéressant, chuchota Soraya d’un ton très sérieux.
— Un parti intéressant ?
Je ne pus m’empêcher de rire. Je n’avais jamais considéré Al sous cet angle.
— Eh bien, si on y réfléchit… Il provient de deux grands clans Nordistes. Il est ancien élève d’un Maître reconnu dans l’Ouest et il a enfin obtenu sa Maturité. Je pense qu’il a du potentiel. Une fois qu’il se sera débarrassé de ses manières arriérées, évidemment. Damn et moi qui rêvais de mon Soralmy… :cry: :lol: :arrow: Malheureusement... :( Je reste convaincue que c'est autant une bonne idée que Al²

Bien malgré moi, mes mains se crispèrent sur les rênes. L’enceinte du Noyau s’élevait face à nous, austère et inhumaine. Un cercle parfait dont la surface luisait malgré son noir profond. Des mois plus tôt, il avait fallu longer la muraille pour en repérer l’unique entrée, le Passage. Aux dernières nouvelles, il se trouvait au sud, raison pour laquelle nous étions descendus aussi loin vers les terres australes.
— Plus qu’à prier, marmonna Al en levant le nez pour observer le sommet de l’enceinte. Qu’ils aient pas bougé l’entrée. Oh tu sais, les Dieux et leur confiance absolue en l'humanité… :roll:
Soraya soupira avant de talonner sa monture. Le mieux restait de faire le tour. Si les Dieux avaient bel et bien déplacé l’entrée du Noyau, nous n’aurions plus qu’à contourner la muraille. Malheureusement, nos vivres n’étaient pas suffisants pour nous permettre de tenir plusieurs jours. Il nous faudrait faire un nouveau détour pour commercer avant de retourner à notre exploration. Sans compter que mon couronnement officiel n’allait pas tarder…
— Oh !
L’exclamation de Soraya me tira de mes songes anxieux. Un sourire spontané chassa les brumes de mon esprit tandis que nos chevaux avançaient vers la muraille. Le Passage. Les Dieux ne l’avaient pas déplacé. Simple rectangle de vide haut de trois mètres et large de deux.
Soraya ne se fit pas prier pour s’y engager en premier. Al suivit, visiblement sur ses gardes. Quant à moi, je ne pus m’empêcher de lorgner la pierre noire. Elle était lisse et pourtant brillante d’une infinité de minuscules cristaux. Une création non-humaine, étrangement divine. Pourquoi son côté divin serait étrange ? :arrow: Parce que ça ressemble à rien de ce qu'ils connaissent, que c'est une esthétique étonnante et complètement inaccessible à leur savoir-faire actuel. Chaispas, l'adverbe me paraît bizarrement placé ici. Ou du moins pas totalement ajusté à la situation.

COUCOU CHOUPI ! :arrow: Choupi, jsp :lol: Mais si, choupi. :D


Bon, cette petite session de blabla entre le trio était bien sympathique, franchement ! Ça fait plaisir de voir Al s'ouvrir aux possibilités et parler honnêtement avec Alice. Mais des trois, c'est Sora que je préfère, actuellement. :mrgreen:
Allez, on réattaque.

:arrow: Je comprends pour Soraya, elle est plus fun et cool qu'eux quoi :lol:

Oué, team Sora ! 8-)

Hello ! Pour ceux qui ont la chance d'en avoir, je vous souhaite de bonnes vacances !



Chapitre 18
Achalmy



An 500 après le Grand Désastre, 1e mois de l’hiver, Le Noyau



Je marmonnai dans ma barbe, laissai la poigne de Soraya apaiser ma colère. Je n’avais aucune chance face à Aion. Surtout avec un bras en écharpe. Bras en écharpe ou pas, hein. Je te rappelle la raclée qu'il t'a mise dans les tout premiers chapitres ? (Oui, je les ai relus récemment :lol: ) :arrow: Clairement, c'est même pas la peine d'y penser x) Retourne faire des batailles de boules de neige, chaton x)

— Je vais les appeler, déclara Aion en daignant s’avancer vers nous. Kan nous a prévenus par le biais d’Eon qu’elle mettrait un peu de temps à arriver. Une histoire d’essences à séparer, dans les Sanctuaires des Terres au-delà des Mers. Oué, tu sais, c'est plus compliqué que tes petites galères de dieu déchu. :arrow: Faut surtout pas lui dire... Pardon, j'oubliais son égocentrisme caractéristique :roll:
Alice hocha la tête comme si ces mots faisaient sens. Elle m’avait expliqué tant bien que mal ses découvertes dans les Sak aviriens, mais je devais reconnaître qu’une grande partie m’échappait. En même temps, t'es trop bourrin pour essayer de t'approprier une autre culture. :arrow: Déjà, il essaie de se faire aux traditions occidentales... Faut pas trop lui en demander d'un coup.


Le silence de Galadriel parut gelé malgré l’air tiède et sucré du Noyau, malgré les flammes dans ses orbites. Quand la Déesse finit par entrouvrir les lèvres, une voix désincarnée la précéda :
Votre compagnon m’a rejoint. N’ayez aucune crainte pour lui. Coucou toi ♥ :arrow: Contrairement aux autres Dieux, on le voit pas vraiment mais Lefk est cool aussi :D J'l'aime bien en tant que présence immatérielle, c'est cool en vrai ^^
Alice et Soraya sursautèrent, cherchèrent inconsciemment une présence tangible. Pour ma part, je me contentai de fermer les paupières. Une voix comme celle-ci, qui résonnait dans les os sans émettre le moindre son, qui tourmentait l’âme sans même la toucher…
— Il est mort pour vous, Aion, lançai-je fermement en m’avançant vers l’intéressé. Il aurait dû mourir… mourir dans d’autres…
J’avais perdu la voix. En réalité, je n’en savais rien. Je ne savais plus. S’il y avait des morts honorables, des morts justes. Choupi :cry: Lefk venait de me confirmer que Mars l’avait rejoint, mais c’était une évidence bien avant. Mars se serait sûrement fiché de savoir si l’honneur l’avait accompagné pendant ses dernières heures. Évidemment. Il est mort de froid, en même temps. :arrow: Abandonné par son pote, trop chouette :) Yayyyy

Tu as raison, Alice Tharros. Tes doutes sont fondés, la confiance entre Humains et Divinités a été brisée des deux côtés. Merci.
Les yeux d’Aion s’agrandirent, une étincelle s’illumina brièvement sur son épaule.
— Galadriel, tu ne vas quand même pas choyer ces… Mais on t'a dit de te taire alors tais-toi. :arrow: Il est chiant, hein. Voui.
Aion, le coupa-t-elle en levant une main sereine, tu as comploté sur le dos des Humains. Manque un bout d'italique ici. :arrow: Merci ! Des innocents en ont souffert ou en sont morts. Nous ne pouvons pas l’ignorer. Lui peut. Toi un peu moins.
— C’était une juste vengeance, cracha-t-il avec tant de venin que des flammes gonflèrent sous ses doigts. MAIS JE VAIS TE… ARGH. Je l'adore pourtant. Mais il me casse les pieds, là. Chaton que je t'explique, se venger sur des gens qui ne t'ont rien fait, ça n'a aucun sens. Ce ne sont pas les descendants des abrutis qui ont comploté contre toi qui sont responsables des erreurs de leurs aïeux. Je sais que c'est dur pour quelqu'un qui n'a pas la notion du temps. Mais essaie. Je suis sûre que tu peux y arriver. :arrow: Aion, c'est clairement le personnage que je voulais comme vecteur du "tout le monde ne change pas "en bien" / "en mieux". Je voulais apporter un peu de nuance de ce PDV-là, montrer que ça reste un Dieu arrogant et qu'il va pas changer sa mentalité d'un claquement de doigts :v Ah mais je comprends, ne t'inquiète pas, et c'est très bien géré, mais il m'exaspère. Puis la mentalité générale de se venger sur les arrière-arrière-arrière…petits-enfants… bon, hein.
Soraya fit claquer sa langue pour ramener le silence. Les Dieux lui jetèrent un coup d’œil surpris, comme s’ils avaient oublié sa présence tout ce temps.
— Les soldats Occidentaux qui escortaient Alice étaient innocents. Alice était innocente. Achalmy était innocent. Je l’étais aussi. Certains de nos proches ont comploté avec vous, Aion, mais nous trois sommes innocents. Innocents de la trahison qui vous a frappé il y a cinq cents ans et innocents dans le plan que vous avez monté pour vous venger.
Alice et moi hochâmes la tête de concert. Galadriel écoutait avec une expression lointaine, penaude. Ce n’était pas juste pour elle non plus. Elle prenait la défense d’Aion, mais elle subissait en même temps les critiques qui étaient adressées à son égal. En même temps, elle n'a rien fait non plus pour l'aider à l'époque. :arrow: Elle était un peu bloquée faut dire :v À part insuffler la vie... ben elle pas des pouvoirs immenses. Sans compter qu'après la trahison des Humains, elle craignait trop de se rendre hors du Noyau sous forme charnelle. Donc elle l'a en effet pas beaucoup aidé, mais elle pouvait pas faire masse de trucs non plus. Wi wi, je sais bien, mais bon. (Non je n'ai pas d'argumentaire plus détaillé :lol: )

— Qu’est-ce qui se passe à présent ? lançai-je aux deux Divinités Primordiales.
Nous attendons que Kan revienne complètement à Oneiris, expliqua Galadriel en se détachant du Dieu déchu. Une fois qu’elle sera de retour, Eon se montrera lui aussi. Nous pourrons alors ramener Aion avec l’aide de Lefk.
J’acquiesçai en silence, lèvres pincées. Tout semblait si facile à présent. Une petite réunion entre Dieux et le tour serait joué. Le fameux « ta gueule c'est magique » :lol: :arrow: Oui, si fort :lol: :arrow: :lol: Les sacrifices que Soraya, Alice et moi avions subi semblaient dérisoires. Les mois que nous avions passés à voyager afin de retrouver des pistes infimes paraissaient risibles. C’était pourtant notre sueur, notre sang et notre détermination qui allaient permettre à Aion de retrouver son statut.

— Peut-être que c’est pas trop tard pour exiger un repas, fis-je remarquer en tournant les talons pour scruter les environs. Excusez-moi ? Les Dieux ? Vous auriez autre chose que de la viande trop salée et des fruits trop secs à nous proposer ? Yo les gars, ça baigne ? Nous on a faim ! :lol:
La fatigue nerveuse me rendait sûrement insolent. Pourtant, les rires d’Alice et Soraya qui suivirent ma déclaration me rassénérèrent Ah, round 2 de rassénér au lieu de rasséréner ^^ :arrow: Yas, merci ! Y'en avait plusieurs dans le roman, je les ai tous corrigés ^^ (Word me les avait pas signalés comme faute :| ) P'tain Word là :roll: :lol: . Je n’étais sûrement pas le seul à perdre un peu la tête.


Boooon. Ça fait du bien. Après les galères, les voyages sempiternels et les problèmes pseudo-insolubles, on approche enfin d'une solution viable. Choupi Mars, ça fait du bien de le voir mentionné ici, il le mérite.
Maintenant, reste à voir ce qui va réellement changer. Il nous reste combien de chapitres ?
La bise ~


Ouais, je voulais pas encore tordre trop les choses pour la fin ^^
J'ai voulu nuancer par le biais d'Aion, montrer que tout était pas si simple et qu'il y avait encore des efforts à faire, mais le ton se veut optimiste quand même !
Il reste... 2 chapitres et l'épilogue :mrgreen:

Merci beaucoup pour tes retours !
Ah ui. Wait. Si peu de chapitres ?
Après tu me diras, tout a été essentiellement résolu mais… je suis choquée. Puis on a vu le titre de l'épilogue, donc j'ai hâte maintenant :mrgreen: À voir si benêt Al saura apprendre l'art ô combien minutieux du compromis, maintenant x)
Tu te lances dans quel(s) projet(s) après Oneiris ? Tu avais parlé de Kyra mais tu disais qu'il faudrait encore un moment pour ça, tu as autre chose sur le feu ? SUI 2 je suppose ? ;)
louji

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Re: Oneiris - Tomes I (terminé) et II (en cours) [Heroic fantasy]

Message par louji »

Je te réponds directement Lokinette !

"En même temps j'aurais probablement laissé traîner mes oreilles aussi, à sa place." :arrow: Tout le monde, je crois :lol:

Eh oui, c'est vraiment la dernière ligne droite !
Ça va être l'heure des efforts pour Al :roll:

En théorie, oui, je voudrais reprendre Kyra ! Mais faut que je me remette dans le bain (j'y ai pas touché depuis novembre 2020 :'D ) pour retrouver la hype autour de l'univers et de l'écriture ^^ Et à côté je termine le recueil de S.U.I mais ce sera le T2 ui !

La bise !
louji

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Re: Oneiris - Tomes I (terminé) et II (en cours) [Heroic fantasy]

Message par louji »

Zaaaaluuut, voilà l'avant-dernier chapitre !



Chapitre 19
Alice



An 500 après le Grand Désastre, 1e mois de l’hiver, Le Noyau



Le lendemain matin, je fus la première debout. Après avoir quitté la tente que j’avais partagée avec Soraya, je me dirigeai vers les restes de notre festin. Al somnolait à proximité, emmitouflé dans sa couverture. J’étais toujours aussi étonnée qu’il pût dormir par terre sans broncher.
J’étais en train de rassembler les outres et les vêtements laissés de côté pour la nuit quand Achalmy émergea du sommeil. Il étira ses membres – sauf son bras blessé – puis observa la voûte céleste en silence. Je le rejoignis dans sa contemplation. Au-delà des branches aux feuilles grasses qui nous surplombaient, les étoiles pâlissaient sous l’assaut du soleil. Bientôt, Galadriel viendrait nous chercher et mettrait fin à notre quête.
— Tu as bien dormi ? soufflai-je à mon compagnon en me laissant choir près de lui. Tu n’as pas eu froid ?
— Non, l’air est resté tiède toute la nuit. (Il m’adressa une mimique narquoise.) Soraya t’a pas empêchée de dormir ? Elle avait l’air impatiente de repartir hier soir.
— Elle s’est rapidement endormie. Et elle n’est pas la seule à vouloir reprendre la route.
Al se redressa pour attraper une gourde.
— Galadriel ne devrait pas tarder. Nous allons lever le campement et partir.
Il acquiesça avant de jeter un coup d’œil à la tente.
— Au fait, ce que Soraya a dit l’autre jour, être ta conseillère ou que sais-je…
— Elle m’a proposé d’être ma conseillère en relations étrangères. Après tout, elle a le sens de la diplomatie, des échanges, dans le sang. Ensemble, j’ai bien espoir de construire des relations plus solides avec les autres Terres !
— Même avec l’Est et le Nord ?
Il y avait comme un défi dans les yeux gris-bleus d’Al. Je lui répondis par un sourire tranquille.
— Oui. Je compterai aussi sur toi pour me conseiller vis-à-vis des Nordistes. (Avant qu’il pût répliquer, je précisai : ) Tu vas te rendre au clan Valkov, n’est-ce pas ? Je te chargerai de bien vouloir transmettre mes amitiés aux deux nouveaux chefs de clan.
Mon ami garda les lèvres pincées avant d’accepter d’un hochement de tête.
— Pour l’Est, je prendrai contact avec Wilwarin. Il acceptera peut-être de servir d’intermède entre le trône et l’Épine.
— Je vois que tu y as réfléchi sérieusement.
Je me redressai, piquée au vif.
— J’ai déjà le sentiment d’être illégitime et pas assez préparée, soufflai-je d’une voix nerveuse. Alors si en plus je ne me donnais pas le temps de réfléchir au règne que je veux mener…
Al glissa ses doigts entre les miens. Je broyai ses phalanges, soulagée de passer mon angoisse sur quelque chose de tangible.
— Alice, tu ne seras pas seule. Personne ne règne seul.
— Je sais.
— Alors, je vais te rendre ton propre conseil : essaie pas de tout porter toute seule.
Je secouai la tête en le dévisageant.
— Si toi, Achalmy l’ours mal léché de Nordiste rustaud, tu te mets à faire des traits d’esprit…
— Eh, Soraya m’insulte bien assez souvent pour que tu la rejoignes.
Je m’accordai un petit rire avant de retrouver mon sérieux. J’affermis ma prise sur les doigts d’Al avant de m’enquérir :
— Concernant ma demande, je te la fais officiellement, Achalmy : est-ce que tu veux bien devenir l’un de mes conseillers ? Prendre un rôle de médiateur entre le trône occidental et les clans nordistes ?
Comme il ne répondit pas dans l’immédiat, j’ajoutai d’un ton apaisant :
— Prends le temps nécessaire pour réfléchir. Je sais que tu cherches encore ta place entre mes Terres et les tiennes. Si tu la trouves… pourras-tu me dire ce qu’il en est ?
Il rattrapa mes poignets avant que je pusse le lâcher.
— Je vais y réfléchir, Alice. Mais, tu sais, même sans devenir ton conseiller, je veux pas trop m’éloigner de tes Terres de paysans coincés.
— Tu es toujours aussi insolent, soupirai-je avant de me laisser aller contre lui. Je ne veux pas que tu partes.
Ses habits nordistes sentaient le cuir. Sa peau portait encore l’odeur sucrée des fruits d’hier.
— Nous repartirons ensemble jusqu’au Château du Crépuscule, murmura-t-il en me rendant mon étreinte. Après, j’irai voir mon maître et mon père. Puis je retrouverai le clan Valkov. Je leur annoncerai que la Reine Alice… qu’est-ce que tu souhaites faire exactement avec les Valkov ?
— Eh bien, c’est l’un des rares clans à s’être établi pour de bon dans le Nord, non ? En fonction des évolutions météorologiques, qui devraient s’apaiser maintenant que tous les Dieux sont réunis, ton peuple n’aura peut-être plus besoin d’être nomade. Pour construire des villages, il vous faudra des matériaux, des matières premières, des vivres. L’Est vous fournira du bois, le Sud apportera des arts et des techniques de création, mes Terres pourront fournir du bétail ou des céréales.
Je bougeai mes genoux de manière à me retrouver le dos calé contre sa poitrine. Il souffla dans mes cheveux, mais je ne me détournai pas de mes pensées :
— Si tu veux bien tenir le rôle de conseiller et, dans la mesure où tu n’appartiens officiellement à aucun clan, je te serais reconnaissante de planter la graine d’une véritable relation entre Nordistes et Occidentaux. Nos peuples font déjà du commerce, mais il n’y a pas de règlements précis ou de places fortes.
Ses doigts coururent sur mon avant-bras, tapotèrent mon poignet nu.
— Et tu penses que je suis bien placé pour faire tout ça ?
— Je ne te l’aurais pas proposé autrement, souris-je en basculant la tête en arrière pour l’observer. J’ai confiance en toi. Le clan Valkov t’a fait confiance. Les Nordistes te respectent. Je suis certaine que tu parviendras à te faire écouter de certains clans.
Son regard se fit lointain, ses traits soucieux. Comme ses épaules s’affaissaient, je lui pinçai gentiment la cuisse.
— Al, je n’attends pas de toi de savoir tout faire. Pour moi aussi, il me reste des années d’apprentissage. Ma mère va m’accompagner de son mieux et je serais entourée d’une dizaine de conseillers. J’imagine que tu trouveras des compagnons pour t’aider dans ta tâche.
Ses lèvres s’étirèrent en sourire penaud.
— Je vais réfléchir à tout ça pendant le voyage. Je te donnerai ma réponse avant qu’on parvienne au Château du Crépuscule.
— Merci.
Comme je glissai de nouveau ma main dans la sienne, il en profita pour incliner le menton vers mon visage. Les étoiles avaient complètement disparu. Et le ciel suivit quand Al posa ses lèvres sur les miennes.
— Oh, par les Dieux.
Je me redressai trop vite, frappai le menton d’Al de mon front. Il partit en arrière en jurant tandis que je bondissais sur mes pieds, des étincelles autour des doigts.
Ce n’était que Soraya, les cheveux ébouriffés et les yeux gonflés. Un sourire goguenard étira ses lèvres tandis qu’elle repoussait le voile d’entrée de la tente.
— Depuis des mois que je côtoie des Dieux, c’est le seul miracle que j’attendais.

Nous prîmes un rapide petit-déjeuner avant de rassembler nos affaires. Le soleil s’était levé et nimbait branches, fleurs et sentiers d’un halo chatoyant. La vue était réconfortante, mais ne suffisait pas à apaiser notre nervosité. Les Dieux se faisaient attendre.
— Peut-être qu’ils nous ont menés en bateau.
Soraya se tenait près du Passage, la moitié du corps glissé dans l’ouverture. Derrière elle, sa monture renâclait, tout aussi impatiente de s’en aller.
— Ça m’étonnerait, gronda Achalmy en jouant avec le manche de son katana. Ils n’auraient pas attendu tout ce temps.
Tandis qu’ils s’engageaient dans une joute verbale à propos de la moralité des Dieux, je gardai les yeux rivés au chemin qui serpentait entre les troncs pâles. C’était ici qu’était apparue Galadriel. Plus sereine que mes deux compagnons, je fus finalement récompensée après quelques minutes. Des silhouettes indistinctes apparurent face à moi, sans pour autant prendre chair.
— Achalmy, Soraya.
Ma voix ferme les coupa dans leur discussion stérile. Ils s’approchèrent ensemble avant de s’arrêter à mes côtés. Trois Humains face à cinq Divinités.
Bonjour, Soraya, Alice, Achalmy.
La voix de Galadriel précéda son apparition de quelques secondes. À ses côtés, les trois silhouettes translucides restèrent immobiles. J’aurais aimé trouver de belles paroles pour sceller le pacte qui nous retenait tous ici, mais mon esprit demeura vide. Je n’étais même pas certaine qu’il existât des mots adéquats pour saluer des Divinités et les inciter à se dépêcher.
— Alors, on peut y aller maintenant ?
Achalmy s’était avancé d’un pas, un rictus pincé au coin de la bouche. Parfois, ce n’était pas si mal d’être un rustaud de Nordiste. Les conventions passaient loin au-dessus de sa tête.
— Oui, vous pouvez partir.
Un sursaut collectif nous fit tourner vers Aion. Planté à l’orée des bois, il nous observait de son air suffisant. Il nous adressa un geste vague de la main tout en se déplaçant vers ses anciens égaux.
— Vous mourriez en présence de nos essences pures.
— Eh bien, allons-y, déclara Soraya d’un ton guilleret sans plus de cérémonie.
Elle tira sur la bride de sa monture en tournant les talons. Ma gorge se serra tandis qu’Aion la regardait partir, dos aux Dieux Primordiaux. Achalmy ne tarda pas à la rejoindre après avoir soupiré.
Alice ?
J’étais toujours plantée face aux divinités. Galadriel me considérait avec une moue préoccupée. Elle était sûrement celle qui imitait au mieux les émotions humaines.
— Je… je vous souhaite du courage pour votre retour parmi les Dieux, seigneur Aion.
L’intéressé cilla. Ses lèvres délicates finirent par esquisser un pâle sourire.
— Je te retourne le souhait, Alice.
Quand ses longues jambes se mirent en marche, je ne réalisai pas immédiatement qu’il venait vers moi. Il embaumait la terre humide de pluie, la rosée du matin et le bois chaud. Mes paupières voulurent se fermer lorsqu’il tendit les doigts vers mon visage, mais je serrai les dents. Hors-de-question de lui donner plus qu’il ne m’avait déjà pris.
Une rose dansait au bout de ses doigts longilignes. Intemporelle.
— Que l’Ouest règne dans la paix et la justice, souffla-t-il en glissant son présent dans le col de ma chemise. Une piètre offrande pour les sacrifices auxquels vous avez consenti, tes compagnons et toi.
En agitant à peine les doigts, il modela un loup dans un écrin de bois puis une broche d’or en forme de soleil. Alors qu’il déposait ses créations au creux de mes paumes, je sus déjà que l’une d’elles finirait perdue dans les bois. Al n’en voudrait jamais.
— Je suis encore désolé, Alice, murmura-t-il à voix basse. Peut-être que retrouver mon ancien statut et être entouré de mes compagnons me permettra de…
— Changer ?
Une étincelle malicieuse éclata brièvement dans ses yeux aux teintes changeantes. Leur couleur finit par épouser un indigo profond moucheté de parme. Mes propres pupilles.
— Pour ce qui est de l’Ouest, je n’ai aucun doute sur les changements qui opéreront sous ton règne, reine Tharros.
— J’attends des Dieux qu’ils guident mes choix et mon peuple.
Aion recula de quelques pas en hochant la tête d’un air entendu. J’étais à la fois touchée et méfiante de l’intimité qu’il me réservait. Face à Achalmy ou Soraya, il ne pouvait s’empêcher de se braquer et de brandir sa fierté. Était-ce le parcours sanglant que nous avions emprunté ensemble qui nous avait rapprochés ?
Quoi qu’il en fût, nos chemins se séparaient définitivement aujourd’hui.

Alice.
La voix claire et ferme se glissa avec prudence dans ma tête.
Dame Kan, la saluai-je en souriant doucement.
Tu peux être fière de toi. Tes compagnons aussi. Vous avez traversé montagnes et océans pour nous réunir. Vous pouvez être certains que vous avez contribué à l’avenir d’Oneiris.
Si je peux contribuer à l’avenir de mes Terres, je serais déjà comblée.
Mon souhait fit frémir la Déesse, qui s’enfonça plus profondément dans ma conscience.
Je suis la divinité protectrice de l’Ouest, jeune reine. Sois assurée que je veillerai de près au bon développement des Terres de l’Ouest.
Avant de s’en aller, elle éparpilla quelques fragments de temps au sein de mes pensées. Si le passé était déjà dessiné, ce n’était pas le cas du futur. Kan laissait à l’avenir la possibilité d’être infini. Les chemins étaient nombreux et les événements, incertains. Il y avait bien entendu des convergences, des probabilités. Kan m’en avait confié quelques-unes. Ce furent des images brèves. Certaines me poignardèrent le cœur : fumées d’incendies, récoltes infestées, funérailles en bord de mer. Oneiris souffrirait encore. Mes amis, ma famille et mon peuple aussi.
Pourtant, au cœur de ces mirages, je trouvai aussi des poignées de mains aux quatre contrées d’Oneiris, des tempêtes moins virulentes au Nord et des caravanes moins éparpillées au Sud. J’entendis les éclats de joie dans les capitales et les larmes de bonheur d’une famille fraîchement créée.
Je n’aperçus rien de personnel, mais j’en étais plus sereine ainsi. Tout comme j’avais souhaité à Aion qu’il pût changer, je me souhaitais les mêmes chances. Je voulais avoir la liberté de changer, de choisir à chaque croisement de vie.

— Alice ?
Soraya et Al m’attendaient près du Passage. Je jetai un dernier coup d’œil aux Dieux, à Aion en chair et en os, à Galadriel dans son enveloppe temporaire et aux trois silhouettes indistinctes.
— J’arrive.
D’une caresse sur le cou, je fis tourner ma monture. Ma première mission en tant que reine était achevée.


Dernière modification par louji le mer. 05 janv., 2022 10:55 am, modifié 2 fois.
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Re: Oneiris - Tomes I (terminé) et II (en cours) [Heroic fantasy]

Message par vampiredelivres »

B'jour !

J'ai une giga-flemme de faire un commentaire ligne par ligne, d'autant plus que je ne sais pas si j'aurai grand-chose à dire, donc je vais simplement te répondre comme ça pour une fois :D

Oh, on a encore le droit à du Al² dès le réveil, là ? Nice ! :mrgreen:
Je me dis qu'on n'a jamais réellement parlé de l'Est, des gens qui le peuplent. Ils y sont allés dans le T1 ou c'était juste mentionné ? Parce que j'ai des vagues souvenirs de mentions d'Enetari, mais pas beaucoup plus… D'ailleurs je ne me rappelle plus vraiment de Wilwarin, même si je sais qu'on l'a vu passer, shame on me :oops:
Ayaaaa, Alice a un petit syndrome de l'imposteur j'ai l'impression, non ? En même temps, ça se comprend, elle débarque en touriste sur le trône après quasiment un an d'absence… Par contre, pas cool de maltraiter les doigts d'Al comme ça ! :lol:
Ttention Alice, le surcharge pas de responsabilités sinon il va encore s'enfuir !
Sora c'est vraiment la meilleure :lol:

Ça aurait été con de se faire mener en bateau quand même… ou alors un truc du style "ah non, en fait, on vous avait menti depuis le début, on voulait que vous nous aidiez à nous réunir pour ASSEOIR NOTRE DOMINATION ÉTERNELLE SUR LE MONDE ET GOUVERNER EN TYRANS" :lol: (Comment ça je craque ?)
Les cadeaux c'est bien mignon, mon choupi, mais il faut qu'ils s'accompagnent d'une réelle volonté. J'attends toujours de la voir. Après, c'est vrai qu'avec Alice, il se permettait déjà avant d'être plus droit et honnête, à défaut d'être vulnérable. Mais je ne sais pas si c'était pour de bonnes raisons (massacres, maltraitance, chantage…) ou pour compenser justement ces horreurs. :roll: En tout cas c'est toujours intéressant de le voir perdre un peu de sa superbe.
Kan ! Coucou toi, ça fait un moment qu'on ne t'avait pas vue !

Bon, ça fait un très joli cheminement pour Alice en fin de compte, depuis le tout début de son parcours. Et même depuis le début du T2 d'ailleurs. Encore une fois, j'admire son évolution et ses progrès, ils sont suffisamment lents pour paraître réalisables sans pour autant la freiner dans son comportement (hein Al ? :lol: ). Aion aussi se rattrape un peu de son arrogance de la dernière fois, et ça c'est cool. On espère bien qu'il changera réellement, ce serait quand même bête d'avoir fourni autant d'efforts pour en revenir au point de départ. :roll:
Un dernier petit chapitre d'Al, probablement pour raconter le voyage retour ? Et pour une petite rencontre avec miss voleuse / tueuse, histoire de ne pas laisser d'affaires non résolues ?

La bise ~
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Re: Oneiris - Tomes I (terminé) et II (en cours) [Heroic fantasy]

Message par TcmA »

Yéyo~
Ben voilà, ils se réveillent enfin les deux cocos :roll: Ca fait plaisir, ça fait tellement longtemps qu'on attend (puis la réaction de Soraya, magique, elle dit ce que tout le monde pensait :lol: ).
Je rejoins ce que dit Lokinette sur tout dans son comm, j'ai pas grand-chose à ajouter !
A plus dans l'bus pour le dernier chap ;)
La bise~
louji

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Re: Oneiris - Tomes I (terminé) et II (en cours) [Heroic fantasy]

Message par louji »

vampiredelivres a écrit : sam. 28 août, 2021 6:15 am B'jour !

J'ai une giga-flemme de faire un commentaire ligne par ligne, d'autant plus que je ne sais pas si j'aurai grand-chose à dire, donc je vais simplement te répondre comme ça pour une fois :D

Oh, on a encore le droit à du Al² dès le réveil, là ? Nice ! :mrgreen:
Je me dis qu'on n'a jamais réellement parlé de l'Est, des gens qui le peuplent. Ils y sont allés dans le T1 ou c'était juste mentionné ? Parce que j'ai des vagues souvenirs de mentions d'Enetari, mais pas beaucoup plus… D'ailleurs je ne me rappelle plus vraiment de Wilwarin, même si je sais qu'on l'a vu passer, shame on me :oops:
Ayaaaa, Alice a un petit syndrome de l'imposteur j'ai l'impression, non ? En même temps, ça se comprend, elle débarque en touriste sur le trône après quasiment un an d'absence… Par contre, pas cool de maltraiter les doigts d'Al comme ça ! :lol:
Ttention Alice, le surcharge pas de responsabilités sinon il va encore s'enfuir !
Sora c'est vraiment la meilleure :lol:

Ça aurait été con de se faire mener en bateau quand même… ou alors un truc du style "ah non, en fait, on vous avait menti depuis le début, on voulait que vous nous aidiez à nous réunir pour ASSEOIR NOTRE DOMINATION ÉTERNELLE SUR LE MONDE ET GOUVERNER EN TYRANS" :lol: (Comment ça je craque ?)
Les cadeaux c'est bien mignon, mon choupi, mais il faut qu'ils s'accompagnent d'une réelle volonté. J'attends toujours de la voir. Après, c'est vrai qu'avec Alice, il se permettait déjà avant d'être plus droit et honnête, à défaut d'être vulnérable. Mais je ne sais pas si c'était pour de bonnes raisons (massacres, maltraitance, chantage…) ou pour compenser justement ces horreurs. :roll: En tout cas c'est toujours intéressant de le voir perdre un peu de sa superbe.
Kan ! Coucou toi, ça fait un moment qu'on ne t'avait pas vue !

Bon, ça fait un très joli cheminement pour Alice en fin de compte, depuis le tout début de son parcours. Et même depuis le début du T2 d'ailleurs. Encore une fois, j'admire son évolution et ses progrès, ils sont suffisamment lents pour paraître réalisables sans pour autant la freiner dans son comportement (hein Al ? :lol: ). Aion aussi se rattrape un peu de son arrogance de la dernière fois, et ça c'est cool. On espère bien qu'il changera réellement, ce serait quand même bête d'avoir fourni autant d'efforts pour en revenir au point de départ. :roll:
Un dernier petit chapitre d'Al, probablement pour raconter le voyage retour ? Et pour une petite rencontre avec miss voleuse / tueuse, histoire de ne pas laisser d'affaires non résolues ?

La bise ~
C'est bien la giga flemme, elle m'a aussi frappée ces derniers temps (et constitue la raison pour laquelle j'ai tardé à répondre :roll: )

L'Est c'est un peu la contrée oubliée d'Oneiris, je reconnais :( C'est seulement mentionné au fil des deux tomes (coutumes, gouvernement). On croise en effet Wilwarin, il rejoint Al pour le guider jusqu'au Noyau en gros et il participe aussi à la bataille finale du T1 !

Alice, elle laisse beaucoup parler ses doutes, oui ! Et son absence pendant un long moment aide pas à se sentir légitime yep :v

Mdr t'imagines la fin de roman toute pourrie ? :lol: On a rassemblé des Dieux pour qu'ils puissent s'unir dans une super alliance de gros bâtards :roll:
Oui, c'est clairement avec Alice qu'il se permet d'être un peu plus "accessible" et honnête, mais bon y'a quand même ce côté "compensation" qui flotte entre eux et rend les choses impossiblement saines :'D

Oui, Alice prend clairement son temps, mais les résultats sont bien visibles !

Pour miss voleuse, tu verras ! :mrgreen:

Merci beaucoup pour ton retour



TcmA a écrit : jeu. 02 sept., 2021 9:17 am Yéyo~
Ben voilà, ils se réveillent enfin les deux cocos :roll: Ca fait plaisir, ça fait tellement longtemps qu'on attend (puis la réaction de Soraya, magique, elle dit ce que tout le monde pensait :lol: ).
Je rejoins ce que dit Lokinette sur tout dans son comm, j'ai pas grand-chose à ajouter !
A plus dans l'bus pour le dernier chap ;)
La bise~
Hey !

Oui, c'est clairement l'intervention de Soraya le meilleur moment de cette scène x)

Merci pour ton retour !
louji

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Re: Oneiris - Tomes I (terminé) et II (en cours) [Heroic fantasy]

Message par louji »

Etttt nous y voilà. L'épilogue dans deux semaines et ce sera finiiii (comment ça on sent la libération de l'écrivaine ?)
Autrement, un peu de pipouness pour les Al² même si je suis nulle pour tout ce qui se rapproche +/- de la romance. Désolée si c'est tout pété :D




Chapitre 19
Achalmy



An 500 après le Grand Désastre, 1e mois de l’hiver, Le Noyau



Alice et Soraya avançaient devant moi en silence. Ce n’était pas un silence désagréable. C’était un silence de contentement, de soulagement. Les Dieux avaient été satisfaits, Aion allait retrouver ses pairs et ma tête était encore sur mes épaules.
L’année qui s’était écoulée avait été difficile. Il y aurait encore sûrement des épreuves, des désillusions et des déceptions, mais rien en rapport avec des Dieux. Je me faisais la promesse de ne plus mettre les pieds dans le bol divin.
— J’ai quelque chose pour vous.
Alice venait de se retourner sur sa selle. Elle tenait ses rênes d’une main et deux objets de l’autre. Le soleil étincela sur l’une des babioles. Soraya se pencha aussitôt dessus.
— Des cadeaux d’Aion, précisa Alice d’un ton sourd.
Notre amie Sudiste émit un grognement indistinct. Elle prit pourtant sa babiole sans rechigner.
— C’est joli.
Je talonnai doucement ma monture pour arriver à leur hauteur. Le cadeau de Soraya était de belle facture, quoiqu’un peu trop tape-à-l’œil à mon goût. Une broche en or, représentant un soleil. Soraya ne tarda pas à l’accrocher au col de son manteau.
— Est-ce que je ressemble à une conseillère en politique étrangère ?
Alice s’esclaffa avant de me tendre le deuxième objet. Une vague de chaud-froid me comprima l’abdomen. Une petite statuette de loup. Mes doigts fourmillèrent. La jeter serait si simple.
— Je suis étonnée.
J’adressai un coup d’œil interrogateur à Alice. Elle indiqua la poche dans laquelle j’avais glissé le présent d’Aion.
— J’étais persuadée que tu allais la jeter.
— J’y ai pensé.
— Et ?
— Et, moi aussi, je suis capable de changer.
Une lueur amusée dansa dans ses pupilles. Elle se permit un sourire en coin avant de retourner à la contemplation de l’horizon désolé.
Le ciel se fendit au-dessus de nos têtes. Alertés par le changement de lumière, les chevaux plantèrent les sabots dans la terre poussiéreuse. Je resserrai ma prise sur les rênes de ma monture, mais elle finit par me jeter au sol. La chute me coupa le souffle et raviva les douleurs dans mes côtes.
— Al !
Alice venait de descendre et accourait vers moi. J’acceptai son aide pour me redresser.
— C’est quoi ce bordel, grondai-je en levant le nez.
Le ciel avait recouvré sa teinte bleue. J’étais pourtant certain qu’il avait viré au jaune crémeux pendant quelques secondes. La panique qui avait saisi mon cheval en était la preuve.
— Je crois qu’Aion a rejoint les siens, supposa Soraya en approchant.
Alice avait gardé un bras dans mon dos pour s’assurer que je conservais l’équilibre. Je la rassurai d’un hochement de tête avant de faire rouler l’épaule de mon bras blessé. La chute avait peut-être fragilisé mes os déjà cassés.
— Jusqu’à la toute-fin, Aion aura trouvé le moyen de me pourrir l’existence.
Mes deux amies me considérèrent avec peine.
— Au moins, il devrait arrêter de geindre maintenant.
Elles retrouvèrent le sourire. Soraya rejoignit Alice pour m’aider à grimper en selle puis nous reprîmes la route.

Une auberge pas trop miteuse de Ma’an nous permit de faire escale pour la nuit. Les montures eurent droit à un généreux ballot de foin, mes amies et moi à un épais velouté de courge épicée. Nous commandâmes en fin de repas une liqueur de prune et deux verres d’Eau-de-mer, la spécialité vasilienne. Elle s’était exportée sans mal jusque dans le Sud. Alors que Soraya humait son eau-de-vie, Alice et moi échangeâmes un regard complice. Nous avions tous les deux bu de l’Eau-de-mer le jour de notre rencontre. Ça faisait moins d’un an, mais le temps s’était joué de nous. C’était comme si plusieurs années nous séparaient de cette soirée de printemps pluvieux.
Il ne fallut guère de temps à Soraya pour se trouver des partenaires de jeu. Alice et moi l’encourageâmes quelques parties avant de monter à l’étage. Le sommeil et l’alcool rendaient mon corps lourd et mon esprit lointain. Nous avions loué deux chambres, mais Alice me suivit dans la mienne. Quand je l’interrogeai avec un sourire méchamment goguenard, elle roula des yeux.
— Je vais juste t’aider avec tes bandages.
— Bien sûr, acquiesçai-je d’un ton innocent.
Elle ne prit même pas la peine de répondre. Tandis que j’ôtais mon manteau et mes bottes, elle apporta le broc d’eau et un linge propre sur le lit. Je dus me contorsionner à plusieurs reprises avant qu’elle eût accès aux bandes qui me compressaient le torse.
Concentrée, Alice garda les lèvres closes tandis qu’elle arrangeait les bandages. Son menton se froissait à cause de la concentration. Je ne distinguais pas grand-chose de plus à la lumière de l’unique bougie posée sur la table d’appoint.
— Et voilà, murmura-t-elle en se reculant pour apprécier son travail.
— Merci.
— Et ton bras ?
— Je vais garder l’attelle encore un moment, la chute de ce matin a pas aidé.
Elle acquiesça. Quelques mèches sombrent envahissaient le contour de son visage.
— Bonne nuit.
— Bonne nuit, répondis-je.
D’un mouvement du bras, elle effleura mon bras blessé avant de se lever.
— Merci pour tout, Alice.
Plantée devant la porte, elle se retourna avec une expression plus lasse que je m’y étais attendu.
— Je ne mérite pas plus de remerciements que toi. Ou que Soraya, ou que Mars. Nous avons tous accompli…
— Notre devoir ?
— Je n’aime pas trop ce mot, expliqua-t-elle du bout des lèvres, contrite.
— Moi non plus.
— Nous avons accompli cette quête par amour, par peur, par obligation, mais… un devoir ? Je crois que je n’aime pas trop l’idée de devoir quelque chose aux Dieux. Je leur devais cette quête pour te maintenir en vie. À l’origine, aucun de nous n’a rien exigé des Dieux. En conséquence, nous ne leur devions rien.
Je ne pus m’empêcher de sourire. De mon avis, il aurait suffi de dire que nous n’aimions pas ce mot et le sujet aurait été clos. Alice cherchait toujours les explications, les raisons. Ça m’agaçait, parfois. D’un autre côté, elle faisait plus d’efforts que la normale pour essayer de comprendre ce qui animait les gens. Une qualité d’empathie que je ne possédais pas.
— J’espère que Soraya ne va pas tarder, soupira-t-elle en ouvrant la porte. Et qu’elle ne sera pas trop saoule en rentrant. J’aimerais bien fermer l’œil toute une nuit.
— On peut échanger nos places, si tu veux. Je te laisse cette chambre. Soraya risque encore de vérifier la fermeté de mes muscles, surtout si elle est ivre, mais je devrais m’en sortir.
— Eh bien, si tu me proposes… Et je ne m’inquiète pas pour toi.
Elle n’attendit pas plus pour se jeter sur le lit, encore chaussée et vêtue de sa tenue du jour.
— Comme ça, si tu ronfles, on t’entendra pas, la narguai-je en récupérant mon tas de vêtements abandonnés.
Alice se contenta de grogner dans l’oreiller. Comme elle ne faisait pas mine de bouger, je m’installai au bout du lit et délaçai ses bottes d’équitation. Mon bras blessé rendit l’opération bien plus longue que nécessaire. Ce n’était pourtant pas désagréable d’écouter sa respiration et les plaintes du vent d’hiver derrière la fenêtre. La lumière de la bougie ondoyait sur le noir de ses cheveux et sur le blanc de sa joue. Sur son visage apaisé.
— Je te préviens, lâchai-je alors qu’elle secouait le pied que je venais de libérer, je te fais pas de massage.
Une plainte déçue franchit ses lèvres. Je me contentai de claquer la langue en attaquant la deuxième botte. Elle pouvait toujours rêver. Je ne touchais pas aux pieds des personnes qui venaient de passer une journée entière à chevaucher et à marcher.
Une fois ma tâche terminée, je me redressai avec un soupir. Le sommeil me guettait aussi.
— Juste les épaules et le dos.
Alice avait entrouvert un œil. Un petit sourire étirait ses lèvres.
— Un petit massage, monsieur le rustaud Nordiste ? Pour la pauvre princesse de l’Ouest ?
— Oh, arrête.
Elle se contenta d’agrandir son sourire et de faire jouer ses épaules. Je fronçai le nez, agrippai l’unique tabouret qui secondait la table et l’approchai du lit. Il grinça quand je me laissai tomber dessus.
— Soraya a raison, tu ferais une bonne alliance politique. (Elle frémit alors que j’apposais mes paumes sur ses épaules crispées.) Je suis impatiente de dire à mon peuple que les Nordistes sont à notre service pour des massages nocturnes.
Je ricanai en enfonçant doucement mes pouces dans les creux de sa nuque.
— Si tu dis ça à mon peuple, ils vont surtout croire que les maisons occidentales leur sont ouvertes pour pondre des gosses de partout.
— Oh, par les Dieux, je ne me ferai jamais à votre état d’esprit concernant ce sujet.
Des frissons ne tardèrent pas à envahir la peau exposée de son cou tandis que je détendais les muscles raidis de ses omoplates.
— Tu t’en sors plutôt bien.
Son ton surpris me tira un grognement.
— Pour un guerrier, savoir étirer son corps et attendrir ses muscles est une base.
— Quel guerrier, alors.
Elle pouvait bien se moquer, n’empêchait qu’elle appréciait visiblement mes gestes assurés. Quelques minutes plus tard, elle m’annonça que son dos et ses épaules étaient détendus. Je la crus sur le mot et me redressai. Ma propre colonne vertébrale me tirait à présent.
— Bonne nuit, Reine tyrannique.
Alice s’était tournée sur le dos. Ses yeux indigo paraissaient noirs, mais je devinais un éclat violet plus clair à la lueur dansante de la bougie.
— J’ai hâte que tu reviennes au Château.
Sa voix avait pris une inflexion plus douce. Je ne fis pas mine de cacher mon expression quand je pris la parole à mon tour :
— Moi aussi. (Je me penchai pour embrasser son front.) Je m’attarderai pas trop longtemps chez Zane. Dès que le printemps sera là, je retrouverai le clan Valkov. Je leur ferai part de ta proposition.
Un sourire soulagé plissa doucement ses joues.
— Je suis impatiente de travailler avec toi sur les relations occidento-nordistes.
— C’est partagé.
Alice prit appui sur ses coudes pour élever son visage vers le mien.
— Je garde précieusement la pierre de ta mère. C’est un engagement pour moi, Al.
— Ça me dérange pas que tu le considères ainsi.
— Tu es certain ?
Je pressai mon front contre le sien. Une forme de salut nordiste. En plus intime.
— Certain.
Alice souriait quand elle pressa à son tour les lèvres contre les miennes. C’était un baiser typiquement occidental, tout en retenue. C’était la première fois que j’embrassais ainsi. Ça emplissait mon corps de sérénité. Bien différent de mes précédents baisers. Pas moins vivifiant.
— Bonne nuit. Pour de vrai, cette fois.
Alice ne me retint pas lorsque je me levai. Je récupérai mes vêtements, enfilai maladroitement mes bottes puis ouvris la porte.
— À demain.
De la chaleur dans la poitrine. On ne m’avait pas souvent souhaité « à demain ».
— Oui, à demain.


Dernière modification par louji le mer. 05 janv., 2022 10:58 am, modifié 2 fois.
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Re: Oneiris - Tomes I (terminé) et II (en cours) [Heroic fantasy]

Message par TcmA »

Hiello~

Eh beh, dernier chapitre avant l'épilogue ! Ca fait quelque chose. Je suis vraiment contente que tu aies persévéré sur ce tome 2, parce qu'il en vaut clairement le coup. J'en dirai plus quand j'aurai lu les derniers mots, je pense ;)

Mhoooooo mais ils sont tous pipous, tes p'tits Al² ! Franchement, c'était très simple, très naturel, très doux, très eux. Y a pas besoin d'en faire des caisses niveau romance pour avoir des passages très bien. (Et puis tu me connais, la romance dans les bouquins ça me saoule si c'est too-much, et je te connais, donc je savais que tu n'allais pas faire ça.) C'est pas du tout pété, et je préfère largement ça à ce que j'ai pu lire dans d'autres livres :v J'avais un gros sourire benêt sur le visage tout le long x)

J'ai hâte de lire l'épilogue !

La bise~
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Re: Oneiris - Tomes I (terminé) et II (en cours) [Heroic fantasy]

Message par louji »

TcmA a écrit : mer. 15 sept., 2021 5:41 pm Hiello~

Eh beh, dernier chapitre avant l'épilogue ! Ca fait quelque chose. Je suis vraiment contente que tu aies persévéré sur ce tome 2, parce qu'il en vaut clairement le coup. J'en dirai plus quand j'aurai lu les derniers mots, je pense ;)

Mhoooooo mais ils sont tous pipous, tes p'tits Al² ! Franchement, c'était très simple, très naturel, très doux, très eux. Y a pas besoin d'en faire des caisses niveau romance pour avoir des passages très bien. (Et puis tu me connais, la romance dans les bouquins ça me saoule si c'est too-much, et je te connais, donc je savais que tu n'allais pas faire ça.) C'est pas du tout pété, et je préfère largement ça à ce que j'ai pu lire dans d'autres livres :v J'avais un gros sourire benêt sur le visage tout le long x)

J'ai hâte de lire l'épilogue !

La bise~
Heyo !

Oui, y'a eu des hauts et des bas (surtout des bas lel) mais je suis contente d'avoir posé les derniers mots sur cette histoire ^^

Bon, tant mieux :( Je suis clairement pas à l'aise avec la romance alors je risquerais pas de faire du too-much... Mais merci pour ton retour :D

Yas, j'ai hâte que vous le lisiez !
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Re: Oneiris - Tomes I (terminé) et II (en cours) [Heroic fantasy]

Message par vampiredelivres »

louji a écrit : ven. 10 sept., 2021 10:43 am Etttt nous y voilà. L'épilogue dans deux semaines et ce sera finiiii (comment ça on sent la libération de l'écrivaine ?)
Autrement, un peu de pipouness pour les Al² même si je suis nulle pour tout ce qui se rapproche +/- de la romance. Désolée si c'est tout pété :D

Libéréééée, délivrééééée x)
Mé non, on a confiance pour Al².



Chapitre 19
Achalmy



An 500 après le Grand Désastre, 1e mois de l’hiver, Le Noyau



Alice et Soraya avançaient devant moi en silence. Ce n’était pas un silence désagréable. C’était un silence de contentement, de soulagement. Les Dieux avaient été satisfaits, Aion allait retrouver ses pairs et ma tête était encore sur mes épaules. C'est vrai que c'est pas mal comme bilan global.
L’année qui s’était écoulée avait été difficile. Il y aurait encore sûrement des épreuves, des désillusions et des déceptions, mais rien en rapport avec des Dieux. Je me faisais la promesse de ne plus mettre les pieds dans le bol divin.
— J’ai quelque chose pour vous.
Alice venait de se retourner sur sa selle. Elle tenait ses rênes d’une main et deux objets de l’autre. Le soleil étincela sur l’une des babioles. Soraya se pencha aussitôt dessus.
— Des cadeaux d’Aion, précisa Alice d’un ton sourd.
Notre amie Sudiste émit un grognement indistinct. Elle prit pourtant sa babiole sans rechigner.
— C’est joli.
Je talonnai doucement ma monture pour arriver à leur hauteur. Le cadeau de Soraya était de belle facture, quoiqu’un peu trop tape-à-l’œil à mon goût. Une broche en or, représentant un soleil. Soraya ne tarda pas à l’accrocher au col de son manteau. En même temps, Soraya + tape à l'œil, ça ne peut que marcher x)
— Est-ce que je ressemble à une conseillère en politique étrangère ?
Alice s’esclaffa avant de me tendre le deuxième objet. Une vague de chaud-froid me comprima l’abdomen. Une petite statuette de loup. Mes doigts fourmillèrent. La jeter serait si simple.
— Je suis étonnée.
J’adressai un coup d’œil interrogateur à Alice. Elle indiqua la poche dans laquelle j’avais glissé le présent d’Aion.
— J’étais persuadée que tu allais la jeter. Tout le monde, en fait.
— J’y ai pensé.
— Et ?
— Et, moi aussi, je suis capable de changer. Ah tiens x)
Une lueur amusée dansa dans ses pupilles. Elle se permit un sourire en coin avant de retourner à la contemplation de l’horizon désolé.
Le ciel se fendit au-dessus de nos têtes. Alertés par le changement de lumière, les chevaux plantèrent les sabots dans la terre poussiéreuse. Je resserrai ma prise sur les rênes de ma monture, mais elle finit par me jeter au sol. La chute me coupa le souffle et raviva les douleurs dans mes côtes. Boulet :lol:
— Al !
Alice venait de descendre et accourait vers moi. J’acceptai son aide pour me redresser.
— C’est quoi ce bordel, grondai-je en levant le nez. Calme chaton.
Le ciel avait recouvré sa teinte bleue. J’étais pourtant certain qu’il avait viré au jaune crémeux pendant quelques secondes. La panique qui avait envahi :arrow: J'aurais plus utilisé "saisi" mais ça ne tient qu'à toi mon cheval en était la preuve.
— Je crois qu’Aion a rejoint les siens, supposa Soraya en approchant.
Alice avait gardé un bras dans mon dos pour s’assurer que je conservais l’équilibre. Je la rassurai d’un hochement de tête avant de faire rouler l’épaule de mon bras blessé. La chute avait peut-être fragilisé mes os déjà cassés.
— Jusqu’à la toute-fin, Aion aura trouvé le moyen de me pourrir l’existence. Of course chaton.
Mes deux amies me considérèrent avec peine.
— Au moins, il devrait arrêter de geindre maintenant.
Elles retrouvèrent le sourire. Soraya rejoignit Alice pour m’aider à grimper en selle puis nous reprîmes la route.

Une auberge pas trop miteuse de Ma’an nous permit de faire escale pour la nuit. Les montures eurent droit à un généreux ballot de foin, mes amies et moi à un épais velouté de courge épicée. Arrête tu me donnes faim :lol: Nous commandâmes en fin de repas une liqueur de prune et deux verres d’Eau-de-mer, la spécialité vasilienne. Elle s’était exportée sans mal jusque dans le Sud. Alors que Soraya humait son eau-de-vie, Alice et moi échangeâmes un regard complice. Nous avions tous les deux bu de l’Eau-de-mer le jour de notre rencontre. Ça faisait moins d’un an, mais le temps s’était joué de nous. C’était comme si plusieurs années nous séparaient de cette soirée de printemps pluvieux. C'est vrai qu'en termes de caractères… on est loin des deux personnages d'origine !
Il ne fallut guère de temps à Soraya pour se trouver des partenaires de jeu. Alice et moi l’encourageâmes quelques parties avant de monter à l’étage. Le sommeil et l’alcool rendaient mon corps lourd et mon esprit lointain. Nous avions loué deux chambres, mais Alice me suivit dans la mienne. Quand je l’interrogeai avec un sourire méchamment goguenard, elle roula des yeux.
— Je vais juste t’aider avec tes bandages. Mmhm. J'y crois tout à fait. :roll:
— Bien sûr, acquiesçai-je d’un ton innocent.
Elle ne prit même pas la peine de répondre. Tandis que j’ôtais mon manteau et mes bottes, elle apporta le broc d’eau et un linge propre sur le lit. Je dus me contorsionner à plusieurs reprises avant qu’elle eût accès aux bandes qui me compressaient le torse. La fatigue me faisait haleter.
Concentrée, Alice garda les lèvres closes tandis qu’elle arrangeait les bandages. Son menton se froissait légèrement à cause de la concentration. Je ne distinguais pas grand-chose de plus à la lumière de l’unique bougie posée sur la table d’appoint.
— Et voilà, murmura-t-elle en se reculant pour apprécier son travail.
— Merci.
— Et ton bras ?
— Je vais garder l’attelle encore un moment, la chute de ce matin a pas aidé.
Elle acquiesça. Quelques mèches sombrent envahissaient le contour de son visage.
— Bonne nuit.
— Bonne nuit, répondis-je.
D’un mouvement du bras, elle effleura mon bras blessé.
— Merci pour tout, Alice.
Plantée devant la porte, elle se retourna avec une expression plus lasse que je m’y étais attendu.
— Je ne mérite pas plus de remerciements que toi. Ou que Soraya, ou que Mars. Nous avons tous accompli…
— Notre devoir ?
— Je n’aime pas trop ce mot, expliqua-t-elle du bout des lèvres, contrite.
— Moi non plus.
— Nous avons accompli cette quête par amour, par peur, par obligation, mais… un devoir ? Je crois que je n’aime pas trop l’idée de devoir quelque chose aux Dieux. Je leur devais cette quête pour te maintenir en vie. À l’origine, aucun de nous n’a rien exigé des Dieux. En conséquence, nous ne leur devions rien. P'tain j'ai l'impression de t'entendre parler de Lilith-Loki là x) Mais oui, le concept de devoir est un peu bancal quand tu te fais kidnapper puis que tu dois marchander la vie de ton ami…
Je ne pus m’empêcher de sourire. De mon avis, il aurait suffi de dire que nous n’aimions pas ce mot et le sujet aurait été clos. Alice cherchait toujours les explications, les raisons. Ça m’agaçait, parfois. D’un autre côté, elle faisait plus d’efforts que la normale pour essayer de comprendre ce qui animait les gens. Une qualité d’empathie que je ne possédais pas. On sait, ne t'en fais pas. Mais tu progresses j'ai l'impression.
— J’espère que Soraya ne va pas tarder, soupira-t-elle en ouvrant la porte. Et qu’elle ne sera pas trop saoule en rentrant. J’aimerais bien fermer l’œil toute une nuit. Soraya, sobre ? Laisse-moi rire x)
— On peut échanger nos places, si tu veux. Je te laisse cette chambre. Soraya risque encore de vérifier la fermeté de mes muscles, surtout si elle est ivre, mais je devrais m’en sortir.
— Eh bien, si tu me proposes… Et je ne m’inquiète pas pour toi.
Elle n’attendit pas plus pour se jeter sur le lit, encore chaussée et vêtue de sa tenue du jour.
— Comme ça, si tu ronfles, on t’entendra pas, la narguai-je en récupérant mon tas de vêtements abandonnés.
Alice se contenta de grogner dans l’oreiller. Comme elle ne faisait pas mine de bouger, je m’installai au bout du lit et délaçai ses bottes d’équitation. Mon bras blessé rendit l’opération bien plus longue que nécessaire. Ce n’était pourtant pas désagréable d’écouter sa respiration et les plaintes du vent d’hiver derrière la fenêtre. La lumière de la bougie ondoyait sur le noir de ses cheveux et sur le blanc de sa joue. Sur son visage apaisé.
— Je te préviens, lâchai-je alors qu’elle secouait le pied que je venais de libérer, je te fais pas de massage.
Une plainte déçue franchit ses lèvres. Je me contentai de claquer la langue en attaquant la deuxième botte. Elle pouvait toujours rêver. Je ne touchais pas aux pieds des personnes qui venaient de passer une journée entière à chevaucher et à marcher. Je peux comprendre.
Une fois ma tâche terminée, je me redressai avec un soupir. Le sommeil me guettait aussi.
— Juste les épaules et le dos.
Alice avait entrouvert un œil. Un petit sourire étirait ses lèvres.
— Un petit massage, monsieur le rustaud Nordiste ? Pour la pauvre princesse de l’Ouest ? La pauvre Reine de l'Ouest plutôt.
— Oh, arrête.
Elle se contenta d’agrandir son sourire et de faire jouer ses épaules. Je fronçai le nez, agrippai l’unique tabouret qui secondait la table et l’approchai du lit. Il grinça quand je me laissai tomber dessus.
— Soraya a raison, tu ferais une bonne alliance politique. (Elle frémit alors que j’apposais mes paumes sur ses épaules crispées.) Je suis impatiente de dire à mon peuple que les Nordistes sont à notre service pour des massages nocturnes. Les occidentaux vont a-do-rer.
Je ricanai en enfonçant doucement mes pouces dans les creux de sa nuque.
— Si tu dis ça à mon peuple, ils vont surtout croire que les maisons occidentales leur sont ouvertes pour pondre des gosses de partout.
— Oh, par les Dieux, je ne me ferai jamais à votre état d’esprit concernant ce sujet.
Des frissons ne tardèrent pas à envahir la peau exposée de son cou tandis que je détendais les muscles raidis de ses omoplates.
— Tu t’en sors plutôt bien.
Son ton surpris me tira un grognement.
— Pour un guerrier, savoir étirer son corps et attendrir ses muscles est une base.
— Quel guerrier, alors.
Elle pouvait bien se moquer, n’empêchait qu’elle appréciait visiblement mes gestes assurés. Quelques minutes plus tard, elle m’annonça que son dos et ses épaules étaient détendus. Je la crus sur le mot et me redressai. Ma propre colonne vertébrale me tirait à présent.
— Bonne nuit, Reine tyrannique.
Alice s’était tournée sur le dos. Ses yeux indigo paraissaient noirs, mais je devinais un éclat violet plus clair à la lueur dansante de la bougie.
— J’ai hâte que tu reviennes au Château.
Sa voix avait pris une inflexion plus douce. Je ne fis pas mine de cacher mon expression quand je pris la parole à mon tour :
— Moi aussi. (Je me penchai pour embrasser son front.) Je m’attarderai pas trop longtemps chez Zane. Dès que le printemps sera là, je retrouverai le clan Valkov. Je leur ferai part de ta proposition.
Un sourire soulagé plissa doucement ses joues.
— Je suis impatiente de travailler avec toi sur les relations occidento-nordistes.
— C’est partagé.
Alice prit appui sur ses coudes pour élever son visage vers le mien.
— Je garde précieusement la pierre de ta mère. C’est un engagement pour moi, Al. C'est bon je fonds.
— Ça me dérange pas que tu le considères ainsi.
— Tu es certain ?
Je pressai mon front contre le sien. Une forme de salut nordiste. En plus intime.
— Certain.
Alice souriait quand elle pressa à son tour les lèvres contre les miennes. C’était un baiser typiquement occidental, tout en retenue. C’était la première fois que j’embrassais ainsi. Ça emplissait mon corps de sérénité. Bien différent de mes précédents baisers. Pas moins vivifiant.
— Bonne nuit. Pour de vrai, cette fois.
Alice ne me retint pas lorsque je me levai. Je récupérai mes vêtements, enfilai maladroitement mes bottes puis ouvris la porte. Du coup il va vraiment dormir avec Soraya cette nuit ? :lol: Yesss x)
— À demain.
De la chaleur dans la poitrine. On ne m’avait pas souvent souhaité « à demain ».
— Oui, à demain.
Bonjour !

En vrai, ça se sent que la fin est proche, mais il y a un agréable effet d'accomplissement dans ce chapitre. Et puis Al²… ils sont mignons. Posés, détendus, donc mignons. C'est cool en vrai ! Ce n'est pas too much ou trop romantique, on sent qu'ils patinent encore un peu, mais c'est aussi ça qui rend la situation plus crédible. S'ils s'étaient tombés dans les bras direct, ce ne serait pas passé.

Allez, un dernier petit épilogue et je te fais un retour sur l'ensemble du T2 :D
Bisous !
louji

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Re: Oneiris - Tomes I (terminé) et II (en cours) [Heroic fantasy]

Message par louji »

vampiredelivres a écrit : mer. 22 sept., 2021 12:57 pm
louji a écrit : ven. 10 sept., 2021 10:43 am

An 500 après le Grand Désastre, 1e mois de l’hiver, Le Noyau



Alice et Soraya avançaient devant moi en silence. Ce n’était pas un silence désagréable. C’était un silence de contentement, de soulagement. Les Dieux avaient été satisfaits, Aion allait retrouver ses pairs et ma tête était encore sur mes épaules. C'est vrai que c'est pas mal comme bilan global. :arrow: On a clairement fait pire
L’année qui s’était écoulée avait été difficile. Il y aurait encore sûrement des épreuves, des désillusions et des déceptions, mais rien en rapport avec des Dieux. Je me faisais la promesse de ne plus mettre les pieds dans le bol divin.
— J’ai quelque chose pour vous.
Alice venait de se retourner sur sa selle. Elle tenait ses rênes d’une main et deux objets de l’autre. Le soleil étincela sur l’une des babioles. Soraya se pencha aussitôt dessus.
— Des cadeaux d’Aion, précisa Alice d’un ton sourd.
Notre amie Sudiste émit un grognement indistinct. Elle prit pourtant sa babiole sans rechigner.
— C’est joli.
Je talonnai doucement ma monture pour arriver à leur hauteur. Le cadeau de Soraya était de belle facture, quoiqu’un peu trop tape-à-l’œil à mon goût. Une broche en or, représentant un soleil. Soraya ne tarda pas à l’accrocher au col de son manteau. En même temps, Soraya + tape à l'œil, ça ne peut que marcher x) :arrow: Ça me fait plaisir qu'elle ait plus de secrets pour vous :lol:
— Est-ce que je ressemble à une conseillère en politique étrangère ?
Alice s’esclaffa avant de me tendre le deuxième objet. Une vague de chaud-froid me comprima l’abdomen. Une petite statuette de loup. Mes doigts fourmillèrent. La jeter serait si simple.
— Je suis étonnée.
J’adressai un coup d’œil interrogateur à Alice. Elle indiqua la poche dans laquelle j’avais glissé le présent d’Aion.
— J’étais persuadée que tu allais la jeter. Tout le monde, en fait.
— J’y ai pensé.
— Et ?
— Et, moi aussi, je suis capable de changer. Ah tiens x) :arrow: Surpraïz
Une lueur amusée dansa dans ses pupilles. Elle se permit un sourire en coin avant de retourner à la contemplation de l’horizon désolé.
Le ciel se fendit au-dessus de nos têtes. Alertés par le changement de lumière, les chevaux plantèrent les sabots dans la terre poussiéreuse. Je resserrai ma prise sur les rênes de ma monture, mais elle finit par me jeter au sol. La chute me coupa le souffle et raviva les douleurs dans mes côtes. Boulet :lol:
— Al !
Alice venait de descendre et accourait vers moi. J’acceptai son aide pour me redresser.
— C’est quoi ce bordel, grondai-je en levant le nez. Calme chaton.
Le ciel avait recouvré sa teinte bleue. J’étais pourtant certain qu’il avait viré au jaune crémeux pendant quelques secondes. La panique qui avait envahi :arrow: J'aurais plus utilisé "saisi" mais ça ne tient qu'à toi :arrow: Tu as raison c'est plus joli ! mon cheval en était la preuve.


Une auberge pas trop miteuse de Ma’an nous permit de faire escale pour la nuit. Les montures eurent droit à un généreux ballot de foin, mes amies et moi à un épais velouté de courge épicée. Arrête tu me donnes faim :lol: :arrow: J'suis une super quiche pour trouver des repas dans les romans de fantasy, alors tant mieux :lol: Nous commandâmes en fin de repas une liqueur de prune et deux verres d’Eau-de-mer, la spécialité vasilienne. Elle s’était exportée sans mal jusque dans le Sud. Alors que Soraya humait son eau-de-vie, Alice et moi échangeâmes un regard complice. Nous avions tous les deux bu de l’Eau-de-mer le jour de notre rencontre. Ça faisait moins d’un an, mais le temps s’était joué de nous. C’était comme si plusieurs années nous séparaient de cette soirée de printemps pluvieux. C'est vrai qu'en termes de caractères… on est loin des deux personnages d'origine ! :arrow: Ces deux têtes à claques :shock:

— Nous avons accompli cette quête par amour, par peur, par obligation, mais… un devoir ? Je crois que je n’aime pas trop l’idée de devoir quelque chose aux Dieux. Je leur devais cette quête pour te maintenir en vie. À l’origine, aucun de nous n’a rien exigé des Dieux. En conséquence, nous ne leur devions rien. P'tain j'ai l'impression de t'entendre parler de Lilith-Loki là x) Mais oui, le concept de devoir est un peu bancal quand tu te fais kidnapper puis que tu dois marchander la vie de ton ami… :arrow: Ah oui, sympathique parallèle :ugeek:

— Soraya a raison, tu ferais une bonne alliance politique. (Elle frémit alors que j’apposais mes paumes sur ses épaules crispées.) Je suis impatiente de dire à mon peuple que les Nordistes sont à notre service pour des massages nocturnes. Les occidentaux vont a-do-rer. :arrow: Aucun doute :lol:

— Je garde précieusement la pierre de ta mère. C’est un engagement pour moi, Al. C'est bon je fonds. :arrow: :mrgreen:

Alice ne me retint pas lorsque je me levai. Je récupérai mes vêtements, enfilai maladroitement mes bottes puis ouvris la porte. Du coup il va vraiment dormir avec Soraya cette nuit ? :lol: Yesss x) :arrow: Mdr bah oui. Mais elle risque surtout de s'effondrer dans le lit (un peu beaucoup saoule) puis de tâter ses muscles (toujours un peu beaucoup saoule).
— À demain.
De la chaleur dans la poitrine. On ne m’avait pas souvent souhaité « à demain ».
— Oui, à demain.
Bonjour !

En vrai, ça se sent que la fin est proche, mais il y a un agréable effet d'accomplissement dans ce chapitre. Et puis Al²… ils sont mignons. Posés, détendus, donc mignons. C'est cool en vrai ! Ce n'est pas too much ou trop romantique, on sent qu'ils patinent encore un peu, mais c'est aussi ça qui rend la situation plus crédible. S'ils s'étaient tombés dans les bras direct, ce ne serait pas passé.

Allez, un dernier petit épilogue et je te fais un retour sur l'ensemble du T2 :D
Bisous !
Heyoo

Hehe, merci, je voulais que l'impression d'accomplissement ressorte en effet !
En effet, les voir se tomber dans les bras n'aurait pas été très crédible.. J'aime plutôt bien leur dynamique maintenant ^^

Oh, c'est gentil, merci beaucoup :D
Zoubi !
louji

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Re: Oneiris - Tomes I (terminé) et II (en cours) [Heroic fantasy]

Message par louji »

Eeeeeet zé la fin !!
Je crois que je commence à réaliser :ugeek: (je réalise surtout la relecture/réécriture qui arrive :evil: )
Autrement, j'ai prévu une petite surprise pour fêter la fin de la publication, ce sera à retrouver après l'épilogue !
Et j'essaierai de faire des remerciements dignes de ce nom aussi




Épilogue
Reine



An 506 après le Grand Désastre, 3e mois du printemps, Château du Crépuscule, Terres de l’Ouest.



Ce n’était pas un très beau jour de printemps. Représentatif du reste de la saison, il était froid et alourdi d’un bas ciel gris. Un vent moite – mais guère chaud – en provenance du sud faisait claquer les volets contre les façades de pierre du Château du Crépuscule. La reine Alice Tharros dut forcer sur ses bras pour repousser les battants qui obstruaient la fenêtre.
La météo n’était pas favorable pour les récoltes. On ne manquait pas d’eau, mais les températures, dignes d’une fin d’hiver, ne favorisaient pas les bourgeons. Les graines se noyaient dans les sillons des champs et les animaux rechignaient à engendrer à cause du froid.
Alice bloqua ses volets puis tourna le dos au paysage. Il était encore trop tôt pour ces questions. Toute sa journée y serait dédiée. En face du lit à baldaquins encore défait, un feu crépitait généreusement dans l’âtre. Son corps ensommeillé la faisait frissonner. Elle éprouva une bouffée de reconnaissance pour Jenna, la domestique en chef, à la vue du broc d’eau fumante posée sur sa coiffeuse. Sans se soucier d’éclabousser le miroir, elle s’aspergea le visage et la nuque.
Sa tenue était déjà prête, préparée la veille à l’aide de ses domestiques. Alice recevait l’un de ses conseillers aujourd’hui, de retour d’une négociation avec les Terres du Sud. En conséquence, elle avait opté pour un pantalon bouffant typique de la région. Son haut, assorti en termes de couleurs à défaut de la coupe, était de tradition occidentale. Avec un coup d’œil au ciel gris, la reine grimaça. Un châle par-dessus son long gilet écru ne serait pas de trop.
Une fois les vêtements enfilés, elle se planta devant le miroir de la coiffeuse. Il était couvert de gouttelettes. Alice s’assura que le mélange de couleurs qu’elle avait choisi – écru et sable – ne jurait pas avant de s’attaquer à sa chevelure. Ses mèches souples lui obéirent sans rechigner malgré l’humidité. Les couronnes de tresses dont elle avait pris l’habitude de se parer se formèrent sans mal entre ses doigts fins. Elle avait eu besoin de l’aide des domestiques dans un premier temps. Les gestes étaient rapidement devenus familiers.
Tant de gestes étaient devenus familiers : sa signature au bas des édits, ses poignées de main avec les marchands Sudistes, ses saluts envers les Occidentaux lors de ses sorties, ses petits mouvements de doigts pour appeler une brise ou une étincelle.
Alice sourit, essuya les gouttes sur le miroir à l’aide d’un linge. La coiffeuse avait appartenu à sa grand-mère, qu’elle avait toujours bien appréciée. Elle ne voulait pas en ternir l’éclat.

La journée avait déjà commencé depuis plusieurs heures pour certains membres du Château. Les cuisiniers s’affairaient pour lever les pains, garnir les tourtes et presser les fruits. Ils finiraient pourtant bien plus tôt que d’habitude. La reine avait exigé de rationner les festins, même royaux, en réponse aux mauvaises récoltes. Les temps étaient durs pour toutes les Terres, les ceintures se serraient dans chaque foyer. La famille royale avait demandé un effort à ses Nobles et, si les artistes ou invités de passage trouvaient à se plaindre, ils pouvaient toujours trouver la porte.
Alice se faufila à travers les couloirs, salua quelques domestiques affairés, s’arrêta pour discuter avec l’un des invités, une Noble, de l’état de ses terres. Leur discussion s’acheva sur une prière pour les Dieux. Les divinités avaient gagné en présence dans la vie des croyants. Elles avaient été craintes ou ignorées par une partie de la population pendant des siècles. Les prières murmurées au coin du feu, à l’orée des bois, face à l’océan ou au fond de l’esprit avaient crû depuis quelques années. Les Oneirians de toute origine s’accordaient à dire que leurs divinités s’étaient faites plus miséricordieuses. Les Sudistes avaient connu un bond économique grâce à des déserts moins cruels et des routes plus pérennes. Les Nordistes, qui souffraient d’hiver moins rudes, s’établissaient en villages. Les Orientaux chantaient plus forts les louanges de la nature et les Occidentaux se réjouissaient de prouesses technologies pour leur agriculture ou leur commerce maritime.

Alice conservait un regard pensif tandis qu’elle descendait les escaliers en direction du rez-de-chaussée. Elle pouvait se féliciter du retour des Dieux dans la vie des Oneirians. Pour autant, elle s’empêchait de s’en gorger de gloire. Les Divinités Primordiales d’Oneiris restaient des êtres dépourvus de la considération humaine. Avaient-ils conscience des changements météorologiques qu’avaient apporté l’adoucissement des hivers nordistes et la diminution du désert ? Des conséquences sur l’agriculture, l’élevage et le commerce ?
C’était trop tôt pour évaluer les dégâts à long terme, mais l’inquiétude des habitants croissait. Celle de leurs dirigeants avec eux. Quand trouveraient-ils un équilibre météorologique suffisant pour repenser les cultures ?
La jeune reine reprit ses esprits dès que son talon toucha le tapis épais sur lequel aboutissaient les escaliers. Les fleurs que chérissait sa mère embaumaient l’air matinal. Bientôt, les bougies, les lampes à huile et les commérages épaissiraient l’atmosphère du Château. En attendant, Alice inspira à pleins poumons. En resserrant les bords de son gilet contre ses flancs, elle se dirigea vers le salon de sa mère. Elles avaient pris l’habitude d’y déjeuner en tête-à-tête, alimentant leur moment d’intimité de débats autour de la lecture, de la botanique ou des meilleures montures des écuries. De tous les sujets qui pouvaient les toucher de loin, mais ne touchaient surtout pas de près la politique. Les doléances, la gouvernance et les lois occupaient le reste de leur temps.
— Bonjour.
L’ancienne reine Tharros était occupée à verser du thé noir dans une tasse quand sa fille poussa la porte. Deux causeuses d’un ocre rouge se faisaient face, séparées par une table basse en bois de cerisier. Le vent faisait trembler les vitres.
— Bonjour, Alice.
L’intéressée referma derrière elle. Un tapis aux motifs concentriques rouges et orange habillait la pièce. Une tenture assortie occupait l’un des murs. Une cheminée parée de marbre clair lui faisait face. Ce salon ne recevait jamais de voyageurs. En cela, il constituait un havre hors du temps pour la reine et sa mère.
— Je te sers du thé ? Les cuisiniers m’ont donné deux petits bains au beurre et un pot de leur dernière confiture.
Trianna Tharros adressa un sourire complice à sa fille. Les ridules au coin de ses yeux argentés s’animèrent pour égayer son visage.
— Ils comptent sur nous pour savoir si la poire est meilleure que la cerise.
Une fois installées face à face et régalées de pains au beurre garnis de confiture, les deux femmes entamèrent une discussion autour de la prochaine décoration de la Gran’Salle. La couronne occidentale faisait appel chaque année à des décorateurs et artistes pour sublimer la salle de rencontre du Château. Aucune influence n’était rejetée. La Gran’Salle était actuellement aux couleurs d’un Sanctuaire avirien, celui de la Paix. Des Gardiens avaient fait le voyage jusqu’à l’Ouest afin d’apporter tentures, vases, sculptures de bois et chandeliers.
— Je pensais que mettre les Terres du Nord à l’honneur serait une bonne idée, souffla Trianna en reposant sa tasse thé noir. Nos traités de commerce se sont considérablement multipliés ces dernières années. Pourtant, nous n’avons encore jamais habillé la Gran’Salle selon leurs coutumes.
— Ce serait une bonne idée, en effet.
Une lueur malicieuse aiguisa le regard de Trianna.
— Tu reçois Soraya en compagnie des envoyés Sudistes cet après-midi, n’est-ce pas ? Tu devrais lui soumettre l’idée. Elle pourrait éventuellement te conseiller sur d’éminents Nordistes à inviter au Château pour qu’ils nous aiguillent sur les décorations.
Alice acquiesça en souriant. La perspective de débattre sur « d’éminents Nordistes » en compagnie de Soraya réchauffait le printemps morne qui s’était abattu sur l’Ouest.
— Il me semble que cette guerrière qui nous a rendu visite en automne dernier avait un certain goût pour son environnement. Nous avons bien discuté à propos des plantes et des fleurs.
— Silja des Valkov ? La tante d’Achalmy ?
— Exact ! s’enthousiasma l’ancienne reine en remplissant sa tasse vide.
— Tu penses qu’elle prendrait le temps de rester quelques semaines sur place pour discuter de la décoration du Château ? C’est une femme plutôt… terre-à-terre. Sans compter les responsabilités qu’elle détient encore pour son clan.
Le visage de Trianna se plissa alors qu’elle se renfonçait dans la causeuse.
— Sa fille et son neveu sont à la tête du clan Valkov à présent, elle doit pouvoir compter sur leur indépendance.
— Je l’ignore. (Alice mordilla sans conviction un pain au beurre.) Je demanderai à Achalmy.
Trianna plongea le nez dans sa tasse, souffla pour former des vaguelettes à sa surface puis gonfla ses poumons. Elle agaçait sa fille avec ce sujet depuis des années, une fois de plus ne pourrait pas la tuer.
— Sais-tu au moins où il est ? Sa dernière lettre remonte à deux semaines. Sans compter qu’il n’a pas mis les pieds au Château depuis l’hiver dernier.
— Je sais bien, grommela Alice en se redressant, les épaules tendues. D’après sa lettre, il réglait des soucis à la frontière avec le Nord. Il devait aussi apporter de l’aide au Maître d’Armes Soho.
Une moue dubitative glissa sur les traits de l’ancienne reine. Alice l’ignora puis se leva avec aplomb.
— Je te remercie pour le petit-déjeuner, maman.
Alors que la reine tournait les talons pour sortir du salon, Trianna lança avec affection :
— Je serai toujours à tes côtés, mon étincelle.
La main sur la poignée, Alice tourna le cou pour lui sourire.
— Et je t’en remercie. Tes conseils m’ont toujours guidée au mieux.
Préférant ne pas laisser s’installer la nostalgie ou les craintes, Alice ouvrit le battant en grand et sortit.

Alice avisa le candélabre installé près de son trône, estima le temps qui s’était écoulé au raccourcissement des bougies. Presque une heure. De nervosité, elle entama l’ongle de son pouce gauche, s’efforça d’arrêter. Ses doigts agités se jetèrent sur son pendentif. Elle tira sur les fines mailles argentées pour lorgner le bijou. Le Saphir des Glaces qu’Achalmy lui avait confié n’avait rien perdu de sa superbe. Elle l’observa suffisamment pour apaiser son esprit puis se leva. La Gran’Salle frémissait d’être si vide. Les feux des trois âtres faisaient crépiter l’air. Mais plus une parole, plus un cri, plus un murmure. Les oreilles d’Alice semblaient bourdonner après avoir passé des heures à écouter des doléances. Le silence lui était presque pénible. Surtout lorsque son appréhension était le seul élément pour le combler.
L’un des grands battants qui donnait accès à l’antichambre s’entrouvrit. Le valet affecté à la surveillance de cette entrée s’approcha d’un pas rapide.
— Ma Reine, votre conseillère et les émissaires Sudistes sont arrivés. Puis-je les faire entrer ?
Une vague de soulagement mêlée de joie redressa le buste de la jeune femme. Elle ordonna au valet de s’exécuter tandis qu’elle rejoignait le trône d’un pas leste.
Avant même d’apercevoir son amie, Alice la reconnut aux tintements des bijoux d’or qui paraient ses poignets et son cou. Elle ne s’en séparait jamais.
— Bienvenue.
La voix d’Alice avait porté pour couvrir les froissements de vêtements, le frottement des bottes et les murmures de découverte. Cinq personnes traversèrent la pièce pour venir s’incliner face à l’estrade. La reine les observa tour à tour en les saluant chacun d’un sourire modelé. Le plus chaleureux s’adressa à Soraya, dont les boucles brunes étaient relevées en chignon lâche. Elle revenait tout juste du Sud en compagnie de quatre émissaires. La connaissant, Alice la soupçonnait d’avoir pris le temps de se faire couler un bain pour se décrasser de son voyage avant de se tenir face à sa souveraine. Soraya embaumait d’ailleurs l’atmosphère d’un parfum fleuri.
— Je vous remercie de nous recevoir en personne, Reine Alice.
L’un des émissaires, d’âge moyen, s’était avancé. Il avait la peau mate et des cheveux noirs coiffés en arrière. Alice comprit aux bijoux de belle facture et aux tissus soyeux qui le couvraient qu’il s’agissait d’un marchand. Son identité fut levée de tout mystère.
— Marchand Mahid. (Elle se leva pour descendre les marches avant de lui tendre la main.) C’est un honneur de vous rencontrer.
Le Sudiste accepta la poignée d’un air solennel. Les trois autres émissaires serrèrent à leur tour le poignet de la Reine. Un salut sudiste encore peu familier de la cour occidentale, mais qui était nécessaire aux yeux de la jeune reine. L’Ouest avait trop longtemps méprisé les traditions étrangères à son goût. L’ouverture d’esprit et l’apprentissage de nouvelles mœurs lui avait permis de rassembler les Divinités Primordiales. Elle ne comptait pas s’arrêter en si bon chemin.
Soraya ne chercha pas à masquer leur amitié. Avec un soupir de contentement, elle attira la reine dans ses bras. Ses yeux de miel sombre luisaient avec douceur quand elles se séparèrent.
— J’espère que vous avez fait bon voyage.
— Aussi bien que l’on peut avec cette pluie et ce froid, grommela Soraya en époussetant sa cape de voyage aux motifs de fleurs brodés en fil doré.
Alice lui adressa un sourire de connivence en retournant s’asseoir sur son trône. Le voyage vers l’Ouest avait dû être encore plus pénible comme ils quittaient les terres clémentes du Sud.
— Je reviens pourtant avec plusieurs très bonnes nouvelles, embraya sa conseillère en indiquant ses pairs d’un geste ample du bras. Tu as déjà fait la connaissance du marchand Mahid. Laisse-moi te présenter Nadine et Soran.
Les intéressés s’avancèrent d’un pas. Mère et fils, jugea Alice. Ils partageaient un regard d’un or pétillant et un généreux sourire à fossettes.
— Ce sont les deux volontaires dont je t’ai parlé avant d’entreprendre mon voyage, l’informa Soraya en grimpant la première marche de l’estrade.
Nadine ne quittait plus Alice des yeux. Son regard frappant ne la déstabilisa pas. Cette femme avait tous les droits de la soumettre à l’épreuve. Elle venait offrir ses compétences de Souffleuse – et celles de son fils – à la Garde Royale. En échange, deux Nobles eux aussi volontaires avaient rejoint les forces de l’armée impériale de Lissa, capitale du Sud.
— J’espère de tout cœur que votre intégration se déroulera sans accrocs, affirma Alice en inspectant la mère et le fils. Le commandant Wilson vous rencontrera personnellement afin de vous initier au fonctionnement de notre armée.
— Nous vous remercions de votre confiance, Reine Alice.
L’intéressée pianota distraitement sur l’accoudoir du trône.
— Il s’agit d’une relation entre vos Terres et les miennes née de la confiance de votre souverain en la proposition de ma conseillère.
Soraya fut bien la seule à percevoir le fiel contenu dans les paroles de la jeune reine. L’empereur Dastan avait blessé les deux amies, mais elles devaient composer avec le personnage. Le frère de Soraya avait pris les rênes de l’Empire, mais prêtait une oreille attentive à toutes les amorces de diplomatie en provenance de l’Ouest. Que sa propre sœur fût l’intermède devait aider.
— Par ailleurs, ajouta Soraya en se plaçant aux côtés du marchand, nous avons la chance de compter sur la présence de Mahid.
— Voyons, bredouilla ce dernier en agitant les mains, c’est tout à fait naturel. Votre frère va épouser ma fille, alors…
Le visage d’Alice se fendit d’un sourire. Le mariage de Milash, qui aurait lieu à l’été, amenait quelques rayons de soleil au milieu du ciel gris qui les surplombait tous. Le prince occidental avait attendu plusieurs années après sa rencontre avec la fille de Mahid avant d’annoncer à sa mère et à sa sœur son désir de fiançailles. Doretha, la fille de Mahid, était une mathématicienne logée au Palais d’Or. Elle avait rencontré le prince lors d’une expédition diplomatique. Alice s’était d’abord étonnée de l’attirance de son frère, porté sur les arts et les divertissements, pour cette jeune femme sérieuse et dédiée à sa vocation. Leur idylle, plus mesurée que leurs passions respectives pour les arts ou les mathématiques, s’était pourtant éternisée. Les fiançailles avaient alors été annoncées.
Soraya, en qualité de conseillère diplomatique, s’était évidemment réjouie de cette nouvelle. Du sang étranger dans la famille royale ferait certainement jaser, mais Doretha était une âme calme et rigoureuse. Sa solidité et sa tranquillité contrebalanceraient sans mal les ragots et rumeurs enflammés des Nobles occidentaux. Sans compter que les mariages croisés seraient de plus en plus fréquents au fil des années afin de renforcer l’unité oneirianne.

Alice écourta la rencontre. Elle annonça aux émissaires qu’elle discuterait avec chacun d’entre eux en privé. En attendant, elle les invita à prendre place dans les chambres qu’on leur avait réservées. Tandis que les Sudistes s’éloignaient, Soraya attendit en bas des marches que son amie la rejoignît.
— J’ai une petite surprise pour toi, roucoula Soraya d’un ton bien trop satisfait.
Alice soupira, mais ne put s’empêcher de la talonner. Les surprises de son amie ne l’avaient jamais déçue. La Sudiste la précéda dans l’antichambre, où elle se tourna vers la reine.
— Ferme les yeux.
Rictus songeur aux lèvres, Alice obéit. Un animal de compagnie en provenance du Sud ? Des richesses exotiques originaires des terres mystérieuses que les Sudistes exploraient parfois ?
Des bruits de pas la firent démentir. La surprise se révélait être un Humain. Alice sentit ses lèvres se crisper. Il n’y avait pas trente personnes que Soraya pouvait lui…
— Salut.
Alice rouvrit les paupières, croisa les mains devant elle. Tendresse simple et amour froissé se percutèrent dans sa poitrine. Avec une moue accusatrice qu’elle ne chercha pas à masquer, elle s’avança vers le nouveau venu.
— Bonjour, Al.
Quelques mèches brunes s’étaient échappées de son catogan pour lui tomber devant les yeux. Elle s’étonna de lui trouver bonne mine. Sa peau habituellement claire était indéniablement bronzée.
— Où est-ce que tu étais ? s’étonna Alice en l’inspectant de la tête aux pieds. Ta dernière lettre remonte à plus de deux semaines. Où est-ce que tu as pris ces couleurs ? Il ne devait pas y avoir beaucoup de soleil à la frontière nord.
Un sourire penaud étira ses lèvres alors qu’il tendait la main pour lui frôler le poignet.
— On peut rien te cacher, petite Reine.
Alice se contenta de le dévisager. Il était son conseiller diplomatique avec le Nord depuis des années ; il ne pouvait pas se permettre de voyager par monts et par vaux sans l’avertir au préalable. Et, pour la place qu’il avait dans son cœur, elle ne pouvait s’empêcher de se montrer plus craintive qu’à l’accoutumée.
— J’étais à Ma’an, expliqua-t-il sans attendre. J’ai fait le chemin de retour en compagnie de Soraya et des envoyés Sudistes.
La stupéfaction ébranla la façade crispée de la reine. Elle se reprit sans tarder, plus pâle que les roses d’hiver tardives qui fleurissaient dans les pots décoratifs de l’antichambre.
— À Ma’an ? Tu avais une mission là-bas ? Je croyais que tu travaillais avec Maître Soho et ton père sur la sécurité des routes dans les Collines de Minosth ?
— C’était le cas. Mais j’avais une dernière chose à régler. C’est fait à présent.
Alice se contenta de respirer pendant quelques secondes. Puis elle soupira en lorgnant son compagnon d’un air irrité.
— J’imagine que c’est cette « dernière chose » qui t’a blessé ?
Achalmy tressaillit. Puis s’esclaffa.
— Par Lefk, j’ai fini par déteindre sur toi, Lice.
Le surnom, d’abord utilisé par Soraya, s’était naturellement imposé entre eux.
— Comment tu as su ? s’étonna la Sudiste en coulant un regard mi-admiratif mi-suspicieux à son amie.
— Il ne se tient pas comme d’habitude, grogna Alice en considérant Al d’une œillade critique. Le dos moins droit, le menton moins fier, plus le poids sur la jambe gauche.
Le rictus satisfait qu’afficha Achalmy tira une grimace à Alice.
— Alors, tu peux répondre à mon interrogation ? Cette « dernière chose » ?
— Alessa, une voleuse.
La jeune reine cligna des yeux sans comprendre. Soraya marmonna un juron entre ses dents avant de secouer la main.
— Je vais vous laisser ici, les tourtereaux. Je n’ai pas envie d’être électrisée si tu choisis mal tes mots, Al.
— Voyons, Soraya, grommela Alice en croisant les bras.
L’intéressée s’était déjà éloignée dans le couloir en riant.
— Tu te rappelles, quand on est rentrés du Noyau la première fois ? Après que j’aie ressuscité ?
— Bien sûr, souffla Alice en adoucissant son expression. C’était dur, à cette époque.
Achalmy s’approcha d’un pas pour combler la distance qu’elle avait instaurée entre eux.
— On a dormi dans une auberge à Ma’an. Tu avais une chambre avec Soraya. Wilwarin et moi, chacune la nôtre.
Alice leva la main d’un air autoritaire. Son compagnon se tut aussitôt.
— Je me rappelle cette histoire. Une jeune femme a cherché à te tuer. (Une ombre couvrit l’indigo de ses yeux.) Al, ne me dis pas que tu as…
— Non, elle est vivante, Alice.
Il lui avait saisi le poignet. La reine garda une posture de retrait pendant un moment avant de se détendre.
— C’est elle qui t’a blessé. Elle s’est enfuie ?
— Oui. Je ne voulais pas laisser cette menace dans ma vie. Je me suis rendu à Ma’an, je l’ai retrouvée et je l’ai défiée. Alessa est devenue cheffe de son gang. Nous nous sommes battus, mais j’ai fini par être en position de force. (Un sourire fugace plissa sa bouche.) Comme la première fois, je lui ai proposé d’en rester ici. Elle a été sage. Elle a songé au bien-être de son gang, des jeunes filles qu’elle a accueillies ces dernières années pour les protéger, plutôt qu’à sa fierté.
Alice glissa ses doigts le long du bras du jeune homme jusqu’à son épaule.
— Tu devrais en prendre de la graine, Achalmy.
Il afficha de nouveau une expression penaude. Ses yeux se firent plus vifs lorsqu’Alice se hissa sur la pointe des pieds pour déposer un baiser sur sa joue. Elle ne se permettait jamais de faire plus au milieu des couloirs du Château. Si les rumeurs couraient, leur relation n’avait rien d’officiel.
Alice aurait aimé annoncer des fiançailles au même titre que son frère. Elle avait pourtant dû se soumettre au comportement imprévisible d’Al au cours des dernières années. Il lui était arrivé de passer six mois à ses côtés comme de partir du jour au lendemain pour tout un hiver. La flamme avait plus d’une fois vacillé entre eux. Sans compter la pression grandissante qu’Alice subissait en tant que reine célibataire. Son lit marital vide et son absence d’héritiers arrachaient des grommellements à certains Occidentaux.
Elle-même avait fini par faire pression sur son compagnon. Sans mariage officiel, ils ne pouvaient se montrer au grand jour ni même laisser planer la promesse d’un héritier. Sans compter que partager la même couche les exposait à un risque d’enfant illégitime. Après plusieurs années passées au sein de la société occidentale, Al avait conscience des devoirs de sa compagne. Il avait pourtant eu du mal à les accepter.

Ils étaient toujours enlacés, plantés au milieu de l’antichambre avec la même immobilité que le mobilier. Al fut le premier à se mouvoir, se servant de ses bras pour repousser la reine avec douceur.
— J’imagine que tu as dû t’inquiéter. Je suis désolé pour ça, Lice.
— Et si tu étais mort ?
— C’était un risque, reconnut-il du bout des lèvres. Mais, à présent, je suis libéré de toute dette ou menace. Je peux…
— Je ne peux pas, Al.
La voix cassée d’Alice le fit tressaillir. Menton froissé, Alice se détournait de lui.
— Je ne peux plus subir tes absences imprévues, tes coups-de-tête potentiellement mortels ou ton manque d’engagement. Je t’aime, Achalmy, mais je suis reine.
Le dilemme n’aurait pu être plus clair. Al se contenta de sourire faiblement en prenant la main de sa compagne.
— Je t’ai donné mon amour, ma patience et ma tolérance, ajouta Alice d’une voix univoque.
— Et c’est à mon tour, acquiesça Achalmy d’un ton rauque. Je suis navré, Lice. Pour l’image que les Occidentaux ont de toi par ma faute.
— Tous ne pensent pas qu’une reine célibataire à vingt-trois ans est une tragédie, le rassura-t-elle avec un soupir. Pourtant, avec le mariage imminent d’Ash, je…
Secouée par le flot qui grimpa jusqu’à ses paupières, Alice papillonna des yeux. Si elle n’avait pas toujours pu faire confiance à Al pour sa stabilité, elle avait tiré en lui de la force et de l’assurance. Et ces dernières la quittaient brutalement alors que la perspective de leur séparation semblait imminente.
— À présent que je suis libéré de toute contrainte, reprit Achalmy d’un ton solennel, je peux t’épouser.
Quelques secondes suffirent à peine à Alice pour comprendre l’étendue des mots. Ils avaient été prononcés par la simplicité rugueuse d’Al et son héritage Nordiste.
— Tu… es sincère ?
— Un Nordiste s’encombre de fausses paroles ?
Alice s’esclaffa. Dans l’immédiat, elle ne trouvait pas d’autres réactions à la hauteur de sa tempête intérieure. Les yeux mouillés, elle agrippa les poignets de son compagnon, enfonça les ongles dans sa peau.
— Imbécile, imbécile… (Alice se laissa glisser vers l’avant jusqu’à son front tapât la poitrine d’Al.) Six ans, immense imbécile.
— Je suis un peu lent sur certains points… mais je t’aime vraiment.
Alice soupira. C’étaient des mots simples. Ils lui suffisaient amplement.
— Très bien, cher époux. Ta première mission est de me faire ta demande publiquement et officiellement. Dans une semaine, mon frère remonte du Sud en compagnie de sa fiancée.
La jeune reine se redressa, agrippa le visage de son compagnon entre ses mains. Al avait blêmi à l’annonce du « publiquement et officiellement » sans oser protester.
— Tu en profiteras pour me demander en mariage.
— Ça… ne fera pas jaser ?
Un rire à moitié sauvage roula dans la bouche de la jeune reine.
— N’importe quel prétendant ferait jaser. Si tu ne te transformes pas en loup ou que tu ne te mets pas à te lécher les mains, tout devrait bien se passer, Al.
Avec un mince sourire, il joignit ses doigts aux siens avant de les embrasser.
— Je te fais confiance, alors.
— C’est bien la moindre des choses.
Ils se serrèrent de nouveau l’un contre l’autre. S’embrassèrent sans hâte.
À l’angle du couloir, Soraya ricana.
— Vous êtes d’une prudence navrante, tous les deux.
Le jeune couple la considéra d’un air surpris. Achalmy comme Alice étaient persuadés qu’elle s’était enfoncée dans les couloirs à la suite des autres.
— Ne me regardez pas comme ça, grommela Soraya en croisant les bras. Moi aussi, j’attends depuis six ans d’organiser le mariage le plus grandiose de tout Oneiris.
— Par les Dieux, Soraya…
— Plutôt mourir, cracha Al en retroussant la lèvre.
Loin de se laisser intimider, Soraya lui adressa un clin d’œil.
— Tu me dois bien ce mariage, rustaud de Nordiste, après avoir fait patienter ta reine aussi longtemps.
Achalmy chercha de l’aide auprès d’Alice, mais elle se contenta de hausser les épaules.
— J’aime l’idée d’un mariage occidento-nordiste organisé par une Sudiste.
— Attendez que j’invite l’orchestre oriental d’Enetari.
Soraya s’était avancée pour leur empoigner à chacun un bras. Une lueur sauvage illuminait ses pupilles, réponse au sourire impatient qui déformait ses lèvres.
— Dans quoi je me suis fourré ? déplora Al en fermant les yeux.
Préférant l’ignorer, Alice le lâcha et se pencha vers son amie.
— Tu as des idées pour la cérémonie, j’imagine ? J’ai hâte de les entendre.
Comme elles s’éloignaient bras-dessus bras-dessous, Al se redressa et leur emboîta le pas.
Leurs rires carillonnaient dans le Château. Amenèrent un peu de lumière.
L’hiver prenait réellement fin.
Dernière modification par louji le ven. 24 sept., 2021 9:03 pm, modifié 1 fois.
louji

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Re: Oneiris - Tomes I (terminé) et II (en cours) [Heroic fantasy]

Message par louji »

Reeebonjour, pour "fêter" la fin du T2, voilà un petit casting des personnages réalisé à l'aide du site Picrew. C'est rien de folichon, les personnages se ressemblent tous un peu, mais ça vous donne une idée de la façon dont je me les représente !
Le modèle utilisé est le suivant : lien.

(Je vous conseille d'avoir lu les 2 tomes pour éviter de vous spoiler et/ou comprendre qui sont chacun des personnages ^^)




Casting
Picrew



Les personnages sont présentés par ordre d'apparition.


Achalmy
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Alice
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Ace
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Zane
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Connor
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Vanä
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Mars
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Soraya
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Dastan
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Wilwarin
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Alessa
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Galadriel
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Aion
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Silja
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Trianna
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Milash
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louji

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Re: Oneiris - Tomes I (terminé) et II (en cours) [Heroic fantasy]

Message par louji »

Remerciements


Je dois reconnaître que, autant pour le T1 j'étais inspirée par des remerciements, autant là...
Vide.
:roll:
L'écriture de ce T2 a été franchement chaotique. Le début est allé de bon train, la fin aussi, mais le milieu a connu plusieurs périodes de pause, de découragement, de manque d'inspiration et de motivation, de remises en question. Ça faisait longtemps que ça ne m'était pas arrivé en écriture et c'est jamais drôle. J'ai même songé à abandonner ce T2. Après tout, Oneiris a toujours été pour moi un "entraînement" au genre de la high fantasy. Une histoire avec un scénario très simple, des personnages un peu caricaturaux, un système de magie basique... j'ai toujours assumé ces points, car je voulais surtout apprendre à écrire la magie, les voyages spatio-temporels, des dialogues moins "contemporains" et apprendre le world-building. Malgré tout, je crois que ces choses "simples" m'ont lassée moi-même pendant un moment, m'ont moins donné envie de m'investir dans cette histoire.
Pourtant j'ai fini cette saloperie de roman !!
Délivrance.

Donc merci les zamis.
Sincèrement, merci à Sasa et Sarah pour leur soutien régulier et infaillible, merci à Danou pour ses conseils avisés, merci à Vincent pour les remarques toujours pertinentes (et les Picrew !! et Inkarnate !!), merci aux lecteurs ponctuels qui m'ont de temps en temps laissé des commentaires. J'imagine qu'il y a des lecteurs fantômes, alors merci à vous aussi de vous être intéressés à cette histoire :D

Je ne vais pas mentir, je suis soulagée de tourner la page Oneiris. Cette histoire me suit depuis 2017 et j'ai eu le temps de mûrir sur mon style d'écriture, mes envies d'histoire et mes futurs projets entre temps. Oneiris a servi d'entraînement, comme je disais. Je ne sais pas si je suis réellement prête pour écrire de la bonne high fantasy, mais je m'y sens mieux préparée qu'en pré-Oneiris. Cette histoire aura toujours une place particulière, c'est ma première histoire imaginaire achevée et elle ouvre sûrement la porte à plein d'autres projets.
Parmi ces projets de l'imaginaire, il y a notamment 2 univers qui plantent leurs racines dans mon esprit depuis quelques années déjà : l'Homo Mutabilis Project et la trilogie des Courants d'Antarsia. Si vous restez sur le forum pour les quelques années à venir, vous me verrez sûrement débarquer avec ces nouvelles histoires ! :mrgreen: Le HMP est un univers dans lequel j'ai envie d'écrire différentes choses, comme des nouvelles ou des romans. J'écris actuellement un one-shot intitulé Kyra qui devrait se pointer avant la fin d'année. Pour les Courants d'Antarsia, je suis encore en train de créer le world-building (histoire, géographie, langue, système de magie...), de peaufiner les personnages et surtout d'écrire un scénario un chouïa plus palpitant que celui d'Oneiris. Brefouille, ça risque de pas voir le jour de suite, mais c'est là et ça grandit.

Je parle trop comme d'hab, alors, juste, merci les gars d'être par là !

PS : j'en ai pas complètement fini avec Oneiris, pour être honnête. Il y a une petite nouvelle qui me trotte en tête depuis des années, faut que je l'écrive et que je la publie. Stay tuned 8-)
TcmA

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Re: Oneiris - Tomes I (terminé) et II (en cours) [Heroic fantasy]

Message par TcmA »

KOLÏN

Ah purée, ça fait plaisir de voir ce tome 2 se terminer !!
Bravoooooooooooooooooooooooo!

C'a été un plaisir de suivre Al², Soraya, Mars (rip bébou), Aion et tous tes autres personnages (dont les noms m'échappent là, déso les gars) dans leurs aventures :D

Comme j'avais dit à la fin du dernier chap, je suis vraiment contente que tu aies persévéré avec Oneiris et que tu l'aies terminé !

"Je voulais surtout apprendre à écrire la magie, les voyages spatio-temporels, des dialogues moins "contemporains" et apprendre le world-building" :arrow: pour moi, tu y es très bien arrivé et, quoi que tu penses d'Oneiris (ARRÊTE DE DIRE QUE C'EST NUL ESH, T'VAS VOIR CE QUE TU VAS VOIR SI TU CONTINUES), c'est deux chouettes bouquins très bien écrits (tes descriptions, mama), avec un scénar qui tient vraiment la route, une magie très cool et des personnages attachants (mis à part les deux trois connards qui jouent très bien leurs rôles). J'ai adoré découvrir ton univers à travers les voyages de nos pauvres peuchères (qui se retrouvent à la fiiiiiiiin ouiiiiiiiiiiiiii ♥).

J'ai beaucoup aimé cet épilogue plein d'humour, de douceur (mes bébéééééés ils vont se mariiiiiieeeeer aaaaaaaah) et de logique (Alice ne se jette pas dans les bras d'Al, elle pense à ses responsabilités, est-ce que je peux me marier avec elle? Ou avec Soraya ?). Puis tu nous offres un regard sur l'état du monde, c'était vraiment n o i c e.
Et nyohohohoh ? Une p'tite nouvelle, hein ? Yes please 8-)

Ton casting picrew est adorable !

Bon courage pour la relecture/réécriture !

J'ai vraiment trop trop hâte que tu puisses poster tes nouveaux projets qui vont péter des culs ♥ Je sais déjà que Kyra, ça va être de la balle (avec le teasing que tu nous avais fait sur discord 8-) ) et je ne doute pas une seule microseconde que ce ne soit pas le cas pour les autres projets ! (Pfouah la double négation, le mindfuck :lol: ) Ca va être génial ! J'ai hâte !!!

La bise~
louji

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Re: Oneiris - Tomes I (terminé) et II (en cours) [Heroic fantasy]

Message par louji »

TcmA a écrit : dim. 26 sept., 2021 6:16 pm
KOLÏN

Ah purée, ça fait plaisir de voir ce tome 2 se terminer !!
Bravoooooooooooooooooooooooo!

C'a été un plaisir de suivre Al², Soraya, Mars (rip bébou), Aion et tous tes autres personnages (dont les noms m'échappent là, déso les gars) dans leurs aventures :D

Comme j'avais dit à la fin du dernier chap, je suis vraiment contente que tu aies persévéré avec Oneiris et que tu l'aies terminé !

"Je voulais surtout apprendre à écrire la magie, les voyages spatio-temporels, des dialogues moins "contemporains" et apprendre le world-building" :arrow: pour moi, tu y es très bien arrivé et, quoi que tu penses d'Oneiris (ARRÊTE DE DIRE QUE C'EST NUL ESH, T'VAS VOIR CE QUE TU VAS VOIR SI TU CONTINUES), c'est deux chouettes bouquins très bien écrits (tes descriptions, mama), avec un scénar qui tient vraiment la route, une magie très cool et des personnages attachants (mis à part les deux trois connards qui jouent très bien leurs rôles). J'ai adoré découvrir ton univers à travers les voyages de nos pauvres peuchères (qui se retrouvent à la fiiiiiiiin ouiiiiiiiiiiiiii ♥).

J'ai beaucoup aimé cet épilogue plein d'humour, de douceur (mes bébéééééés ils vont se mariiiiiieeeeer aaaaaaaah) et de logique (Alice ne se jette pas dans les bras d'Al, elle pense à ses responsabilités, est-ce que je peux me marier avec elle? Ou avec Soraya ?). Puis tu nous offres un regard sur l'état du monde, c'était vraiment n o i c e.
Et nyohohohoh ? Une p'tite nouvelle, hein ? Yes please 8-)

Ton casting picrew est adorable !

Bon courage pour la relecture/réécriture !

J'ai vraiment trop trop hâte que tu puisses poster tes nouveaux projets qui vont péter des culs ♥ Je sais déjà que Kyra, ça va être de la balle (avec le teasing que tu nous avais fait sur discord 8-) ) et je ne doute pas une seule microseconde que ce ne soit pas le cas pour les autres projets ! (Pfouah la double négation, le mindfuck :lol: ) Ca va être génial ! J'ai hâte !!!

La bise~
MERCI BROLOMÉ

Merci merci pour tout ♥
Oui c'est pas plus mal que j'aie continué, c'est une bonne page de tournée !

Merci beaucoup, ça fait super zizir :''c C'es pas l'oeuvre dont je suis la plus fière, mais je suis quand même contente d'en être venue à bout et de l'avoir fait évoluer !

Super que l'épilogue te plaise ! Mais oui, je voulais donner un petit aperçu du monde et faire un point sur les relations entre personnages =D (mdr mais oui tu peux te marier avec elles :mrgreen: )

Yas, merci pour ton intérêt pour les futurs projets ! Je donnerai des nouvelles en temps et en heure ^^

Bisous !
louji

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Re: Oneiris - Duologie + Novella [Heroic fantasy]

Message par louji »

Annonce novella



Bonjour à tous !
Un petit message ici pour vous annoncer que la nouvelle que j'avais en tête pour Oneiris et que je souhaitais poster ici s'est un peu... transformée. D'une simple nouvelle, mon imagination a légèrement débordé et me voilà avec un plan de novella sous la main...
En gros, une novella, c'est plus long qu'une nouvelle et plus court qu'un vrai roman. Plus concrètement, la novella qui fera suite au T2 d'Oneiris fera 8 chapitres (longueur +/- similaire aux chapitres classiques) avec prologue et épilogue inclus.
Si vous avez aimé lire Oneiris et que vous avez envie de poursuivre l'univers et de connaître ce qui se trame pour le continent après la fin du T2, ça pourrait vous intéresser !

Pour vous donner une petite idée, de l'ambiance, voici une ébauche de la couverture (tire et couv provisoires) :D

Oneiris Novella - BN.jpg
Oneiris Novella - BN.jpg (250.23 Kio) Consulté 971 fois
danielpages

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Re: Oneiris - Duologie + Novella [Heroic fantasy]

Message par danielpages »

Hola !
Je ne suis pas très actif en ce moment sur BN... Je vis pas mal d'autres aventures en parallèle, profitant de vadrouiller avant qu'on nous enferme à nouveau d'une manière ou d'une autre...
Mais j'avoue que quand je lis le petit compte rendu de tes projets en cours, je me dis : cette fille est monstrueuse ! :twisted: Comment peut-elle faire tout ça en plus de son boulot ordinaire ?
Je suis en admiration devant ta capacité de travail et ton imaginaire foisonnant. ♡♡♡
Promis, je vais me réserver une matinée pour lire ce que je n'ai pas encore lu, avant que tu ne commences autre chose...
Plein de bisous !
louji

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Re: Oneiris - Duologie + Novella [Heroic fantasy]

Message par louji »

danielpages a écrit : mar. 09 nov., 2021 1:09 pm Hola !
Je ne suis pas très actif en ce moment sur BN... Je vis pas mal d'autres aventures en parallèle, profitant de vadrouiller avant qu'on nous enferme à nouveau d'une manière ou d'une autre...
Mais j'avoue que quand je lis le petit compte rendu de tes projets en cours, je me dis : cette fille est monstrueuse ! :twisted: Comment peut-elle faire tout ça en plus de son boulot ordinaire ?
Je suis en admiration devant ta capacité de travail et ton imaginaire foisonnant. ♡♡♡
Promis, je vais me réserver une matinée pour lire ce que je n'ai pas encore lu, avant que tu ne commences autre chose...
Plein de bisous !
Coucou Danou !

Pas de soucis, il faut profiter de son temps aussi ^^ Pas la peine de te forcer, il y a des périodes où on a envie de faire d'autres choses !
Mais merci pour ton soutien et tes encouragements :D
Bisous, profite bien avant l'arrivée du méchant hiver (j'aime pas l'hiver :evil: )
louji

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Re: Oneiris - Duologie + Novella [Heroic fantasy]

Message par louji »

Hello !
Juste un petit message pour dire que je commencerai à poster la novella vendredi qui arrive =)
J'espère que ça vous plaira !
À bientôt ~
louji

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Re: Oneiris - Duologie + Novella [Heroic fantasy]

Message par louji »

Hello, hello !
Et non, j'en ai toujours pas terminé avec Oneiris :roll: Pour les personnes suffisamment déterminées/intéressées pour être arrivées jusqu'ici (à comprendre, à la fin du T2), je vous propose une novella (50k mots environ, 1/3 d'un tome d'Oneiris normal quoi !) qui se déroule des dizaines d'années après le T2. À la base, ça devait être juste une nouvelle sur un personnage qui me trotte en tête depuis le début du T2. Sauf qu'évidemment le personnage a décidé que c'était pas assez et qu'il fallait que je raconte vraiment son histoire.
Donc nous voilà à la novella. Et je conseille d'avoir quand même lu les tomes 1 & 2 pour comprendre... La novella s'appuie sur les événements de la duologie et ses personnages. Vous risquez de passer à côté de pas mal d'informations si nous ne l'avez pas lue :v




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Tout plagiat est évidemment interdit. Merci pour votre compréhension.


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Oneiris, Novella : L'Enfant des Tempêtes



Résumé :
Une vingtaine d'années après la réunification des Divinités primordiales d'Oneiris, les quatre grandes contrées du continent s'efforcent de se relever. Les liens se resserrent entre les Terres, soutenus par la forte politique étrangère du trône occidental. Au sommet de celui-ci, la reine Alice doit jongler entre les attentes des pays voisins et des tensions internes. Plus imprévisible encore, une rumeur grandit au cœur de son Château. Une rumeur qui fascine et qui effraie.
L'Enfant des Tempêtes. Un nom qui se murmure dans les hautes sphères de chacune des Terres. Un nom qui déterre de vieilles craintes. L'Ouest ne peut que retenir son souffle : l'Enfant des Tempêtes signera sa chute ou son apogée.




Contenu sensible
- Violences physiques et verbales
- Combat / sang
- Deuil



Sommaire:
Prologue
Chapitre 1
Chapitre 2
Chapitre 3
Chapitre 4
Chapitre 5
Chapitre 6
Chapitre 7
Chapitre 8
Épilogue

Bonus
Récap sur le monde d'Oneiris
Remerciements
Petit jeu
Origine des noms et prononciation
Casting Picrew
Dernière modification par louji le ven. 15 avr., 2022 7:44 pm, modifié 10 fois.
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Re: Oneiris - Duologie + Novella [Heroic fantasy]

Message par louji »

Et nous voilà au prologue de la novella ! Il n'y aura pas de "parties" (comme ça correspondant +/- à une partie d'un des romans), donc on enchaînera direct sur le chapitre 1 ensuite ^^
Pour vous aider un peu, ce prologue se déroule 18 ans après les événements le début d'Oneiris (Oneiris T1 commence au printemps de l'An 500).




Prologue
Bénie des Dieux



An 518 après le Grand Désastre, 2e mois de l’été, Château du Crépuscule, Terres de l’Ouest.



La reine Alice se passa une main sur la nuque en entrant dans sa chambre. Le soleil était couché depuis moins d’une heure et l’air était encore chaud de cette longue journée d’été. Les doléances de l’après-midi avaient été particulièrement éprouvantes. La file d’Occidentaux qui souhaitaient s’entretenir avec leur souveraine s’était délitée au fil des heures. La moiteur qui s’était emparée des couloirs du Château du Crépuscule avait été plus efficace que la reine elle-même.
Les battants des fenêtres étaient grand ouverts pour laisser entrer les brises tièdes. Alice se dirigea vers l’une des deux ouvertures qui encadraient son lit pour s’y pencher. Elle inspira à pleins poumons, s’empara des vents qui roulaient contre la façade du château et les attira dans sa chambre. Les rideaux et les draps du lit s’agitèrent. La reine cessa son manège seulement lorsque la température dans la pièce eût diminué.
Une exclamation de surprise en provenance d’une pièce adjacente lui fit tourner la tête. À côté de l’imposante armoire en bois moulu qui occupait tout un pan de mur était entrouverte la porte de la salle de bains. Alice s’y avança en fronçant les sourcils puis se figea. Son mari, penché au-dessus de la baignoire en cuivre personnelle de la reine, tirait sur le col de sa chemise trempée.
— Lefkan, gronda-t-il en essorant tant bien que mal le vêtement, je t’ai déjà dit d’arrêter.
L’intéressée était plongée tout habillée dans la baignoire, de l’eau jusqu’aux épaules. Alice soupira, avança jusqu’à la bassine et s’y pencha. Sa fille leva le nez vers elle en tendant les mains.
— Maman !
— Lef, tu as encore sauté dans la baignoire avec tes vêtements sur le dos, marmonna Alice en la prenant sous les aisselles pour la hisser contre sa hanche.
La fillette dégoulina sur le jupon de sa mère, mais ça n’avait guère d’importance. La reine s’apprêtait à profiter du bon bain que son compagnon lui préparait un soir sur deux.
— Désolé, lança Achalmy en retirant sa chemise pour l’étendre sur l’une des chaises qui meublaient de la salle d’hygiène. J’ai essayé de l’attraper avant qu’elle saute, mais elle est plus vive que moi à chaque fois.
Alice contourna la bassine pour l’embrasser avec un sourire mutin.
— Ou alors c’est toi qui deviens de plus en plus lent.
Son mari fit une grimace, mais il n’eut pas le temps de répliquer que leur fille s’emparait de l’une de ses mèches de cheveux. Ça arrivait souvent à présent qu’il les portait longs. Ils étaient généralement coiffés en catogan, mais Lef sautait sur la moindre occasion de les détacher pour les tripoter. Le seul réconfort d’Achalmy était que Lef fît exactement pareil avec sa mère.
— Je peux te la confier le temps de me déshabiller ?
— Bien sûr.
Achalmy récupéra la fillette avec un sourire las. Il avait passé la journée avec la Garde Royale pour les former à l’affrontement avec des Élémentalistes. Soran, un soldat Sudiste qui avait participé à l’un des premiers échanges de forces entre le Sud et l’Ouest, l’avait secondé. Entre l’usage des éléments, les explications répétées et la synchronisation avec son coéquipier, Al avait épuisé toute sa patience et son engagement pour la couronne pour la semaine. La fatigue lui était tombée dessus à la fin de l’entraînement, en même temps que sa fille libérée de ses leçons en compagnie des précepteurs. Lefkan avait traversé l’enceinte du Château en courant pour retrouver son père près des baraquements de la Garde Royale. Il l’avait gourmandée pour son imprudence, avant d’être mouché par un flot de paroles enfantines. Lef avait entrepris de lui conter une partie de ses leçons d’écriture et de lecture – très ennuyeuses, d’après elle – avant de le supplier de lui apprendre l’épée. Achalmy avait pris sur lui, malgré les plaintes répétitives au creux de son oreille. Alice lui avait fait promettre de ne pas former leur fille aux armes avant qu’elle pût lire, écrire et calculer. La reine et son mari doutaient que la ferveur de la fille pour apprendre le plus rapidement possible provînt d’un réel intérêt. La princesse de l’Ouest avait surtout hâte de tenir des lames entre ses mains.

Lefkan s’agita suffisamment fort pour échapper aux bras engourdis de fatigue de son père. Elle se roula dans les vêtements que sa mère avait abandonnés sur le carrelage, joua avec les pains de savon, se glissa dans l’une des serviettes en coton doux puis entreprit de faire le tour de la pièce en criant.
Allongée dans son bain, la reine Alice n’ouvrit pas une paupière.
— Tu étais aussi énergique quand tu étais petit ? s’enquit-elle en tendant le bras par-dessus la bassine.
Avachi sur une chaise à côté d’elle, son mari s’empara de sa main pour la serrer.
— Je sais plus. Je voyageais beaucoup avec mon père, alors ça devait suffisamment me fatiguer pour que je me tienne tranquille le soir.
— Pour ma part, j’étais une enfant calme. Alors j’imagine que c’est ton sang bouillonnant à toi qui l’agites actuellement.
Achalmy considéra la furie qui avait retourné la pièce sens dessus dessous. Il n’avait pas eu le temps de lui retirer tous les vêtements détrempés par le bain. Ce n’était pas bien grave, comme il faisait aussi chaud dehors qu’à l’intérieur.
Il profita que sa fille passât à proximité de sa chaise pour lui agripper le bras. La serviette en coton qu’elle avait posé sur sa tête tomba à ses pieds.
— Ça suffit, mon lapin.
Vexée, Lef ne daigna pas le regarder alors qu’il lui retirait ses derniers vêtements mouillés. Une fois débarrassée de sa tunique et de ses chausses, Al la plongea dans le bain. Alice avait replié les jambes pour lui faire de place.
— Tu es toute crottée, remarqua sa mère en lui saisissant le poignet.
— Elle a traversé la cour et les baraquements pour me retrouver, expliqua Achalmy en déplaçant sa chaise de façon à être de dos à sa fille.
Il s’empara d’un pain de savon, agita les doigts pour attirer un peu d’eau et s’en servit pour mouiller les cheveux de Lefkan. La princesse grommela tandis que son père frottait son crâne et que sa mère grattait la boue sur sa peau.
— Je pourrai dormir avec vous ?
La question prit de court ses parents. Alice réagit en premier en fronçant légèrement les sourcils. Elle ne voulait pas paraître en colère ou déçue, simplement songeuse.
— Lef, c’est toi qui as décidé que tu étais assez grande pour avoir ta propre chambre.
— Oui, mais surtout je voulais plus dormir avec les autres enfants du Château.
Alors qu’elle glissait le pain de savon sur le bras de sa fille, Alice soupira.
— Lef, tu ne dors plus avec nous depuis trois ans au moins. C’est fini, à présent. Tu es trop grande. Soit tu dors seule dans ta chambre, sois tu retournes dans le dortoir avec les autres enfants.
La reine ne remarqua pas les yeux humides de sa fille dans l’immédiat. C’est Al qui, les mains sur la tête de la princesse, sentit les tremblements en premier. Il se pencha aussitôt pour déposer un baiser sur son front.
— Pleure pas, mon lapin.
Comprenant qu’elle était la raison de ces larmes, Alice attira sa fille contre elle. L’eau manqua passer par-dessus bord, mais Al la dirigea pour la ramener dans la bassine.
— Excuse-moi, mon flocon, je ne voulais pas te blesser.
La reine attendit que les sanglots de sa fille se fussent calmés pour lui demander :
— Pourquoi tu ne veux plus dormir dans ton lit ?
— Il est trop grand et les loups me font peur.
— Les loups ?
— Oui. Ils crient la nuit.
Achalmy échangea un regard perplexe avec son épouse. S’il y avait eu des loups dans l’Ouest, ils avaient été depuis longtemps chassés par les paysans et les Nobles des terres habitées.
— Je te promets qu’il n’y a pas de loups au Château, Lef, souffla sa mère en essuyant les traînées humides sur ses joues rebondies.
— Je les entends.
— Et tu as vraiment peur ?
La question de son père plongea Lefkan dans quelques secondes de silence. Après quoi, elle haussa les épaules.
— J’ai peur parce que je fais pas partie de leur meute.
Un sourire plissa le visage d’Achalmy. Alice lui fit les gros yeux alors qu’il se levait pour s’approcher d’elles.
— Alors, il faut que tu rejoignes leur meute, Lef. Cette nuit, tu vas dormir dans ton lit.
Encore lovée contre sa mère, Lefkan observa son père avec crainte. Il lui faisait penser aux loups qui venaient la tourmenter le soir. Mais son père était gentil : il jouait avec elle dans les ruisseaux en été, la calait sur sa selle pour partir en balade à cheval dans les vergers et lui apprenait à considérer son environnement comme une Nordiste. Comme une louve.
Le cœur de Lef fit une embardée alors que son père s’agenouillait à côté de la baignoire.
— Et quand les loups viendront, reprit Achalmy d’une voix basse et grave, tu leur diras que tu veux les rejoindre.
— Mais si tu as trop peur, tu recommenceras la nuit suivante, intervint Alice pour apaiser l’étincelle d’appréhension impatiente qui éclairait les prunelles grises de sa fille.
Lef hocha la tête avec vigueur.
— Et quand tu auras réussi, continua son père en lui pinçant la joue, tu pourras dire que cette meute est la tienne et qu’elle te protège. Tu en auras plus peur.
— Oui !
Lef s’écarta avec force de sa mère pour sauter dans le bain. Achalmy n’eut pas le temps de prendre le contrôle de chaque petite vague. Il se retrouva mouillé jusqu’à la ceinture.
— Heureusement que tu avais enlevé ta chemise, s’esclaffa Alice en forçant Lef à s’asseoir pour éviter de nouveaux débordements.
Lefkan n’arrivait plus à s’arrêter de bouger. Elle qui craignait quelques instants plus tôt de passer sa nuit seule dans sa chambre attendait à présent le coucher avec impatience. L’excitation agitait ses membres, accélérait son cœur et tirait sur ses entrailles. Autour d’elle, l’eau était encore en mouvement. Alice ouvrit la bouche, mais n’eut pas le temps de parler. Des bulles d’eau remontaient le fond de sa baignoire pour venir éclater à la surface. S’il n’y en avait pas eu autant, elle aurait demandé à sa fille de retenir un peu ses gaz.
— Al ? lança-t-elle d’une voix blanche, obnubilée par les bulles qui grouillaient autour d’elle. C’est toi, ça ?
Occupé à sécher son torse, Achalmy n’avait pas remarqué l’agitation dans la baignoire. Dès qu’il aperçut les bulles, il se redressa vivement et claqua des doigts.
— Non, pas moi.
Il posa une main sur le crâne de Lefkan qui s’amusait à attraper l’air capturé sous l’eau.
— Mon lapin, c’est toi qui t’amuses avec les bulles ?
— C’est drôle.
Al se retint de justesse de jurer entre ses dents. Se jouait une partie de l’avenir de leur fille sous leurs yeux. Difficile de ne pas se mettre à crier ou à la noyer de questions.
— Lef, l’appela Alice d’une voix douce. Comment tu crées les bulles ?
La fillette cessa de claquer ses mains sous l’eau pour dévisager sa mère.
— C’est pas moi.
— Si, mon flocon.
Le trouble voila les yeux de sa fille. Alice plissa les paupières, mais les bougies éclairaient que faiblement la pièce. Difficile de dire si les iris de sa fille avaient changé de couleur. Difficile donc de savoir si elle faisait actuellement appel à des pouvoirs de Chasseur ou de Noble. Du Nord ou de l’Ouest. De l’eau ou de l’air ?
Lefkan s’arrêta de bouger pour contempler l’eau autour d’elle. Les bulles avaient disparu. Perplexe, la fillette tapota la surface du liquide. Elle voulait que les bulles revinssent. Autour de ses doigts, des fourmillements agitèrent l’eau. Des cercles concentriques qui partaient de ses paumes posées à la surface et s’étirèrent jusqu’aux bords de la baignoire.
— Par les Dieux.
Hébété, Achalmy dévisagea son épouse. Elle fixait leur fille sans plus rien dire, blafarde. Il n’y avait plus de doutes à présent : Lefkan venait de faire appel à l’eau. Elle avait hérité de son père.
— Je suis désolé, lâcha aussitôt Al en posant une main sur l’épaule de sa compagne.
— Ne t’excuse pas, maugréa Alice en serrant les dents. Il y avait une chance sur deux.
Lorsque deux Élémentalistes concevaient un enfant, celui-ci ne pouvait hériter que d’un côté de façon aléatoire. Alice avait pris le risque de ne pas engendrer d’héritier capable d’utiliser les éléments occidentaux en épousant un Chasseur.
— Je-je comprends pas, bredouilla Lefkan en observant l’eau autour d’elle.
— C’est toi qui fais ça, lui apprit son père en tendant son autre bras vers sa fille. Tu es comme moi, mon lapin.
Quand Lef comprit finalement l’allusion de son père, son visage s’illumina. Ce fut un deuxième coup de poignard dans le cœur de sa mère. Elle aurait tant aimé que sa fille unique héritât d’elle.
— Je suis une Chasseuse ?
— Presque, sourit Al en lui caressant les cheveux. Quand tu seras entraînée et que tu maîtriseras les différentes formes de l’eau.
— Si elle les maîtrise, marmonna Alice d’un ton vague.
— Il y a pas de raison, mes parents et moi-même maîtrisons les trois, grogna Al d’un ton plus sec que nécessaire.
Il réalisa son erreur quand sa compagne lui adressa un rictus tordu. Avec des gestes rapides, Alice se redressa, agrippa une serviette et l’enroula autour d’elle. Ses cheveux dégoulinèrent dans son dos, mais elle se dirigea sans ralentir vers la chambre.
— Papa ?
L’air attristé de sa fille sortit Al de sa torpeur. Il s’en voulait. Ce devait être suffisamment difficile pour sa compagne de découvrir que la princesse ne maîtriserait pas les pouvoirs de ses Terres. Alors s’il en rajoutait une couche…
Lefkan se blottit dans la serviette qu’il tendit pour l’aider à se sécher. Plongé dans ses pensées, il frotta avec des gestes machinaux les cheveux et la peau de la fillette avant de lui faire enfiler ses vêtements de nuit. Lef s’agrippa à son cou quand il la hissa dans ses bras pour la porter au lit.
Dans la chambre, Alice avait enfilé sa chemise de nuit et essorait ses cheveux à l’aide de sa serviette. Son visage tiré ne daigna pas se tourner vers eux. L’ayant remarqué, la lèvre inférieure de Lefkan se mit à trembler.
— On dit bonne nuit à maman, s’exclama aussitôt son père en revenant sur ses pas.
La reine tressaillit, mais adressa un sourire doux à sa fille. Elle déposa un bisou sur sa joue, lui souhaita bonne nuit. La poitrine engourdie, Achalmy serra les mâchoires tandis qu’il rejoignait le couloir.
Cette aile du château était réservée à la famille royale et à leurs proches. À cet étage ne figuraient par ailleurs que deux chambres : celle du souverain et celle de son héritier. Le silence entre les murs lambrissés rendait les battements du cœur d’Al assourdissants. La conversation qui suivrait ne serait sûrement pas une partie de plaisir.
— Papa, maman est triste.
Al se figea devant la chambre de sa fille. Lefkan avait enfoncé les ongles dans la peau de son cou. Achalmy aurait souhaité qu’elle fût suffisamment épuisée pour ne pas y prêter attention.
— Maman est fatiguée, c’est tout.
— C’est pas vrai.
Lef lui mordit l’épaule. Plus de surprise que de douleur, Al poussa une exclamation. Il ne l’avait pas relâchée pour autant. Sa fille se transforma alors en boule de fureur. Ses dents se refermèrent sur d’autres morceaux de peau, ses ongles griffèrent et éraflèrent, ses pieds frappèrent les côtes et les hanches. Al dut la lâcher pour éviter de se retrouver éborgné. Dès que ses pieds touchèrent le sol, Lefkan s’élança vers la chambre de ses parents. Achalmy tendit le bras, essaya d’invoquer un mur de glace pour bloquer l’accès, mais une soudaine migraine le fit abandonner. Il avait fait appel à ses pouvoirs toute la journée et n’avait pas encore récupéré.
La reine Alice écarquilla les yeux quand sa fille fonça vers elle. Lef dérapa sur le tapis assorti au grand lit à baldaquins de ses parents, agita les bras pour conserver son équilibre puis se ratatina aux pieds de sa mère. Stupéfaite, Alice ne put s’empêcher de rire.
— Mon flocon, qu’est-ce qui te prend ?
Elle avait glissé un bras sous l’aisselle de la princesse pour l’aider à se redresser. Quoiqu’embarrassée par sa chute, Lef dressa le menton pour affronter sa mère du regard.
— Maman, tu es triste.
— Comment ? Non, Lef. Je ne suis pas triste.
— Tu mens.
Lefkan était terriblement déçue que ses deux parents pussent lui mentir sans vergogne.
— Si, je le sais. Je sens. Là.
Elle se tapa la poitrine puis retroussa les lèvres.
— Les loups. Ils le savent.
Malgré la situation, la reine sentit ses lèvres se recourber. Rien de tel qu’un enfant pour vous faire oublier vos tracas du moment.
— Lef, je pense à beaucoup de choses, c’est tout.
— Tu penses toujours, maman.
— C’est ce qu’on attend de moi, mon flocon.
La main gracile de la reine sur la joue rouge de sa fille apaisa quelque peu sa fureur. Lefkan observa les traits creusés de sa mère, décela le trouble lointain dans ses yeux indigo.
— Maman ? Tu veux quoi de moi ?
La question prit sa mère au dépourvu. Avec une moue peinée, elle souleva sa fille pour l’installer sur ses genoux.
— Lef, tu n’as pas à te soucier de tout ça pour l’instant. Tout ce que je veux, c’est que tu tiennes la promesse qu’on a passée avec papa.
— Pas d’armes avant la lecture, l’écriture et le calcul, récita sagement sa fille.
Avant qu’Alice pût la féliciter pour sa bonne mémoire, Lefkan se tourna vers elle pour l’observer avec sérieux. Elle pressa ses doigts potelés contre la joue de la reine.
— Tu veux que je sois une bonne princesse ?
La culpabilité étreignit Alice. Avait-elle déjà exprimé cette attente aussi clairement ? Sa fille n’avait que six ans, elle ne voulait pas l’alourdir aussi tôt de telles responsabilités.
— Mon flocon, je veux que tu sois une enfant avant to…
Lefkan décolla sa main de sa joue pour agiter le poignet. Une brise effleura la pommette d’Alice. Elle écarquilla les yeux, ouvrit et ferma la bouche.
— La fenêtre, soupira-t-elle en comprenant d’où venait le courant d’air.
Les battants encore ouverts grinçaient sous l’assaut du vent chargé de l’odeur de la pluie. Le ciel était encore clair, mais la tempête arriverait sûrement dans la fin de soirée.
— Maman, l’appela Lef d’un ton agacé.
Elle agitait les poignets en tous sens. Exténuée, Alice lui agrippa les bras pour qu’elle cessât, mais d’autres brises vinrent soulever ses cheveux.
— Al, tu peux fermer les fenêtres s’il te plaît ?
Même si elle ne l’avait pas regardé directement, elle savait qu’il se tenait sur le seuil depuis le début. Son mari s’exécuta en silence.
Alors le vent continua de tournoyer autour d’Alice.
— Oh, par les Dieux.
Lefkan jouait avec ses doigts malgré la grippe de la reine. Les yeux sévèrement plantés dans ceux de sa mère, elle attendait qu’elle réagît. Qu’elle prît conscience.
— Elle maîtrise le vent, Al, chuchota la reine d’une voix atone.
Son mari dut s’approcher pour entendre ses paroles. Alors seulement il sentit les brises douces qui tournoyaient autour de son épouse et de leur fille.
— Mais, lâcha-t-il en se laissant choir de stupéfaction sur le lit, c’est impossible.
Impossible, ça l’était.
— On peut pas, compléta Al d’un ton ahuri. On peut pas… maîtriser les éléments de deux peuples à la fois. Elle a fait appel à l’eau tout à l’heure. C’est impossible qu’elle puisse aussi maîtriser le vent.
— Impossible, répéta Alice sans quitter la princesse des yeux.
Comme l’épuisement la gagnait, Lefkan cesse d’agiter les mains et d’invoquer des courants. Satisfaite des expressions médusées de ses parents, elle posa la tête sur l’épaule de sa mère et enfonça son pouce dans sa bouche.
Une vague d’amour et de fierté envahit la poitrine de la reine. Elle pressa sa joue contre celle de sa fille et chuchota :
— C’est un miracle, Al. Rien n’est impossible avec elle.
Et son mari était bien trop stupéfait pour répliquer. Que pouvait-il dire de toute manière ? L’une des lois fondamentales qui régissait la vie des Élémentalistes depuis des siècles venait d’être brisée sous ses yeux.
— Par les Dieux.
Quand il prit conscience de sa déclaration, Al esquissa un sourire amer.
— Par Aion, surtout.
Lèvres plissées, il enroula un bras autour des épaules de sa compagne et caressa la tempe de la fillette.
— Je crois qu’elle est bénie des Dieux.

Plus tard, quand la princesse fût endormie dans son lit, ses parents s’installèrent côte à côte au bord du leur. Les événements de la soirée les avaient vidés de leurs dernières traces d’énergie. Si l’air n’avait pas été si tiède, ils en auraient frissonné.
— J’ai encore du mal à y croire, marmonna Al en se levant pour contourner le lit et s’y allonger.
Il ne prit pas la peine de soulever la couette légère ; il aurait bien assez chaud avec un simple drap plat. Même s’il s’était habitué au confort occidental après tant d’années, son corps souffrait rapidement des couches de literie. Sans parler du nombre d’oreillers, coussins et traversins que les domestiques plaçaient à la tête du lit.
— Peut-être les Dieux se rattrapent-ils, suggéra sa compagne d’un ton songeur.
Comme Al s’était couché, elle se décida à le rejoindre et soupira de contentement en appuyant sa nuque contre un généreux coussin.
— Tu penses qu’Aion aurait pu… intervenir d’une façon ou d’une autre ?
— Je n’en sais rien. (Alice jeta à son mari un regard inquisiteur.) As-tu connaissance d’Élémentalistes qui n’aient pas été des Chasseurs dans ta famille ?
— Aucun, non. Mes deux clans sont Nordistes jusqu’aux bouts des ongles.
— Peut-être est-ce le sang des Dieux dans tes veines, souffla la reine en s’allongeant sur le flanc pour faire face à son époux. Après tout, tu es un descendant de Sereanda, la fille d’Aion. Tu as aussi du sang de Galadriel par le biais du clan Valkov.
— Qu’est-ce que ça changerait pour Lef ?
— Ça changerait que c’est peut-être la première fois qu’un Chasseur avec un héritage comme le tien a un enfant avec une Élémentaliste occidentale.
L’idée n’était pas si mauvaise. Al n’avait en effet pas connaissance d’un métissage dans sa famille. Les Nordistes étaient aussi têtus que les Occidentaux sur ce point : ils n’aimaient pas mêler leur sang. Peu d’enfants occidento-nordistes voyaient le jour.
— Tu crois pas que ce serait déjà arrivé avant ? Un enfant métissé avec deux pouvoirs d’Élémentaliste ?
— Peut-être les conditions n’étaient-elles pas réunies. Nous avons tous les deux côtoyé un certain nombre de divinités. On ne peut pas nier que cela a dû affecter notre essence.
Alice jouait avec le coin d’un oreiller. Elle était encore sous le coup de la surprise. Mais déjà se dessinaient sous la surface la crainte et la fierté. Son peuple serait ravi d’apprendre que leur prochaine souveraine avait hérité des pouvoirs de sa mère. Mais accepterait-il aussi son héritage Nordiste ? Comment réagiraient l’ensemble des Oneirians face à une femme dotée de tels pouvoirs ? Verraient-ils en elle une menace plus anormale qu’humaine ?
Une femme capable de provoquer des tempêtes et des catastrophes ? Serait-elle considérée comme l’héritière de la divinité des désastres ?
— Je crains qu’elle soit stigmatisée à cause de ses pouvoirs.
Al lui tapota distraitement la main, les paupières fermées.
— Il faudra qu’on apprenne à Lef à contrôler ses capacités. Si elle prouve qu’elle n’est pas un danger tout en étant capable de se défendre, il y aura pas de problème.
Angoissée pour l’avenir de sa fille, la reine ne répondit pas tout de suite. Après quelques secondes de silence, elle finit par murmurer :
— Tu as raison. Mais je n’arrive à imaginer que le pire. Une fillette capable de transformer l’eau en glace et en brume, et qui arrive aussi à s’entourer de vents et d’éclairs ? Tu penses que les gens ne la craindront pas ? Elle a déjà un caractère particulier, alors…
— C’est une ancienne princesse vagabonde qui dit ça ?
Un sourire affleura aux lèvres de la reine, qui mit une tape amicale dans l’épaule de son mari.
— Je sais que nous devrions attendre de voir comment évolue la situation avant de s’inquiéter, mais je préfère anticiper. On ne sait jamais ce qui peut arriver.
— Je te taquine, Alice, mais tu as raison au fond.
Achalmy se pencha pour l’embrasser sur la tempe.
— C’est notre unique petite fille, chuchota-t-il en positionnant l’oreiller sous sa tête. Il y a de quoi être inquiet.
La boule d’angoisse dans la gorge de la reine glissa lentement jusqu’à son ventre. Depuis la naissance de Lefkan, elle n’était plus jamais tombée enceinte. Même si l’arrivée de sa fille l’avait comblée au point de ne pas spécialement désirer d’autre enfant, les peurs subsistaient. La mort infantile survenait vite et souvent.
Mais le corps d’Alice avait trop donné et trop sacrifié. Mener une grossesse à terme lui avait demandé six longues années. Les grossesses et fausses couches s’étaient enchaînées. Elle s’était crue infertile pendant un moment et s’était même résolue à laisser son frère prendre la succession. Après tout, le prince Milash et son épouse Doretha avaient eu un fils deux ans avant l’arrivée de Lef. Alors que l’entourage du couple royal s’était résigné à ne jamais leur souhaiter les bonheurs d’une naissance, le ventre de la reine s’était arrondi de la future princesse. Elle était née robuste et l’était restée toute son enfance. À six ans, l’héritière énergique de l’Ouest faisait déjà parler d’elle dans les autres Terres.
Et Alice ne pouvait s’empêcher de se demander quelles paroles seraient prononcées à propos de sa fille dans les années à venir. Elle pressentait qu’elle n’aurait pas d’autres enfants, alors la sécurité de Lefkan était primordiale.
Alors que son mari avait fini par s’endormir, que l’unique bougie de la chambre épuisait sa cire inévitablement, la reine pria. Les Dieux avaient béni, même indirectement, sa fille. Elle leur intima de veiller sur elle lorsque ses parents ne seraient plus en mesure de le faire. Elle exigea qu’on respectât la future reine, non dans la crainte, mais dans l’amitié et l’admiration.
Quand Alice rouvrit les paupières, la chambre était plongée dans l’obscurité. Après tous les sacrifices qu’elle avait consentis avec Achalmy, les Dieux pouvaient bien veiller sur leur unique enfant. La laisser embrasser sa nature de fille des tempêtes sans pour autant faire d’elle un monstre.
Quelques mètres plus loin, une fillette rêva d’une meute de loups, d’une couronne et d’un soir d’orage.



Suite
Dernière modification par louji le jeu. 23 déc., 2021 6:01 pm, modifié 1 fois.
louji

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Re: Oneiris - Duologie + Novella [Heroic fantasy]

Message par louji »

Hello ! Je poste un chouïa en avance, car je sais pas si j'aurai le temps demain de m'en occuper ^^
Bonne lecture =)




Chapitre 1
La meute



An 523 après le Grand Désastre, 2e mois de l’automne, Château du Crépuscule, Terres de l’Ouest.



La princesse de l’Ouest rampa sur la branche du chêne en haut de la colline. L’arbre avait failli être coupé quand les baraquements de la Garde Royale s’étaient agrandis au printemps dernier. Les efforts combinés de la princesse et de Soran avaient pourtant fait céder la reine. Les soldats de la couronne s’étaient même mis d’accord pour affirmer que l’arbre apportait un abri bienvenu lors des fortes chaleurs ou des orages.
Et c’était bien entendu la cachette préférée de Lef. Le chêne présentait des caractéristiques idéales : de branches basses trop peu solides pour que les adultes s’y risquassent, un tronc qui se scindait en deux pour offrir plus de parcours acrobatiques et un feuillage suffisamment dense pour qu’elle s’y cachât. À cette époque de l’année, il ne restait qu’une dizaine de feuilles éparses, mais Lef trouvait d’autres façons de se faufiler. Elle enfilait ses vêtements les plus ternes, grimpait le tronc dès l’aurore et se positionnait sur les branches hautes afin de se cacher.
Alors le défilée commençait. Depuis le chêne, elle avait bien entendu une vision d’ensemble des baraquements de la Garde Royale, mais aussi un aperçu des toits du Château, du sommet des murailles et des contreforts de la colline. Avant elle s’étaient déjà levés les cuisiniers, les palefreniers et quelques domestiques, mais le plus gros était à venir. Dans les cabanes de pierre et de bois qui entouraient son arbre, les gardes royaux s’éveillaient, grognaient, baillaient. Les rondes étaient levées au sommet des murailles du Château et quelques fenêtres s’ouvraient doucement pour laisser entrer les premiers rayons de soleil. On entendait les chevaux hennir depuis les écuries, impatients de recevoir caresses et ballots de foin.
Au pied de la colline qui supportait le Château royal et les baraquements de la Garde, le village sortait de sa nuit en frissonnant. Les invités Nobles de passage, les artistes en quête de gloire et les gros buveurs étaient encore au lit. Contrairement à eux, artisans, paysans et parents poussaient leurs portes pour commencer la journée. Lef était bien trop loin pour les apercevoir, mais les bruits et les odeurs des faubourgs montaient jusqu’au chêne. Oreilles et narines grandes ouvertes, la princesse se laissa bercer par le métal, la fumée, les cris étouffés et la rosée du matin.
— Salut, Lef.
L’intéressée baissa les yeux, adressa un signe à l’homme planté quelques mètres en-dessous. Soran, capitaine de la Garde Royale, s’était couvert d’une pèlerine en peau de bête pour apprécier les lueurs naissantes. Comme Lef, il était plutôt matinal. L’une des raisons pour lesquelles il avait accepté de la former. Ils profitaient du petit matin pour s’entraîner sans être dérangés.
— Aujourd’hui, je peux pas, lâcha-t-elle sans mettre les formes à sa déclaration.
— Je sais. Tes parents reçoivent des émissaires Orientaux.
— Des singes. Ils vivent dans les arbres.
— Exactement comme toi.
Tante Soraya lui avait raconté des histoires à propos des singes que l’on croisait parfois dans les Terres du Sud. Et elle avait toujours affirmé que Lef était l’un de leurs proches cousins. Décidée à s’enorgueillir, la princesse avait accepté cette nouvelle parenté. Elle se fendit d’un sourire insolent.
— J’ai jamais dit le contraire.
Le capitaine roula des yeux en riant sous cape. Quand les premiers soldats daignèrent sortir des cabanes chaudes et douillettes, Soran s’appuya contre le tronc et se désintéressa de sa jeune apprentie. Lef n’aurait jamais dû se trouver perchée en haut d’un arbre, à l’extérieur de la muraille du Château, alors même que le soleil ne chauffait pas encore la terre crispée de froid. Dans moins d’une heure, sa perceptrice s’engouffrerait dans sa chambre pour la préparer à la rencontre diplomatique.
Lef s’accorda encore quelques minutes d’observation. C’était son père qui lui avait appris à considérer son environnement avec attention, à repérer les zones dangereuses et celles qui pourraient l’avantager. À vrai dire, plus une parcelle de terre ne recelait le moindre mystère pour la princesse après tant d’années d’excursion. Elle échappait à la surveillance de ses parents, des précepteurs et des gardes depuis l’âge de sept ans, quand ses pouvoirs d’Élémentaliste s’étaient éveillés pour de bon. Quatre ans plus tard, tous avaient fini par se résigner.
Quand le brouhaha en provenance de l’enceinte du Château se fit de plus en plus intense, Lef se décida à descendre. De ses mains gantées de cuir souple, elle saisit les branches les plus solides et glissa le long du tronc. Elle avait enfilé des chaussons taillés dans la même matière et, si ses orteils n’étaient pas vraiment au chaud, elle conservait toute son agilité. Ses dents claquèrent quand elle atterrit sur la terre dure. À moins de trois mètres, deux soldats en plein petit-déjeuner se tournèrent dans sa direction. Avant qu’ils pussent la rattraper – c’était devenu un jeu entre la princesse et les gardes – elle agita le poignet. L’eau contenue dans les bols des soldats se jeta à leurs pieds. Le temps qu’ils réagissent, Lef avait transformé le liquide en glace et piégé leurs chevilles.
— Vas-y, princesse ! s’exclama l’une des deux gardes d’un ton enjoué malgré ses pieds glacés de bon matin.
Lef sourit en esquivant un autre soldat. Du haut de ses onze ans, elle faisait partie des enfants les plus grands du Château, mais elle était encore loin d’égaler un adulte. Ils se cassaient le dos, s’empêtraient les jambes et se tordaient les doigts pour essayer de l’attraper. Les gardes participaient de bon cœur au défi et quelques domestiques se joignaient parfois à eux. Après tout, la reine et son mari avaient promis de lever les fonctions du gagnant pour la journée si on leur ramenait leur princesse vagabonde.

Quand les deux gardes qui venaient de prendre leur poste de surveillance à l’entrée principale l’aperçurent, Lef ralentit. Ils étaient armés de lances. Ils ne pointaient jamais leur princesse de leurs piques, mais elle préférait se méfier. Les soldats s’avancèrent tandis qu’elle courait inexorablement vers eux. Lef ne tarda pas à planter les talons dans le chemin de pavés humides pour serrer les poings et fermer les yeux. Ses entrailles se contractèrent lorsqu’elle partit explorer mentalement les environs. Ses sens d’Élémentaliste explosèrent sous son crâne, manquant la déstabiliser. Elle avait beau s’entraîner depuis quatre ans, ses capacités ne lui étaient pas encore familières.
— Nous allons vous attraper, princesse ! s’exclama un garde dans son dos.
L’intéressée se permit un sourire d’anticipation alors que le tiraillement dans son ventre grandissait. Les soldats de faction autour d’elle poussèrent des exclamations étonnées quand un épais voile de brume tomba sur la colline. Les toits du Château disparurent dans le brouillard opaque et les premiers rayons du soleil parurent soudain dérisoires.
Quand Lef rouvrit les yeux, nauséeuse, le silence était aussi lourd que la brume. Elle attendit que retentissent les premières protestations agacées des domestiques et des badauds avant de reprendre son chemin. Le brouillard la cachait aux yeux des gardes et les voix masquaient son pas souple d’enfant cachotière.
Lef franchit la muraille du Château en se retenant de jubiler. Elle était de plus en plus douée à ce petit jeu. Et si faire appel à ses capacités lui donnait des maux de tête ou de ventre, ils disparaissaient en quelques minutes. Ça en valait la chandelle.
— Lefkan !
Le cri sévère traversa la brume et se répercuta dans l’enceinte du Château. Avant que la princesse pût rappeler à elle le brouillard, le voile opaque se leva. Elle fut bientôt nimbée par le soleil levant, plantée honteusement au pied du Château.
— Tu vas finir par t’évanouir, ajouta la voix qui provenait d’une fenêtre ouverte quelques mètres au-dessus de sa tête. Tu es comme un faon trop imprudent. Enivré par les grandes foulées, mais instable sur ses frêles jambes.
Lefkan se tapa les cuisses et répliqua en haussant le ton :
— Je suis pas frêle !
Son père s’accouda à la fenêtre pour l’observer. Même de loin, elle devinait son rictus mutin. Il lui avait volé le contrôle du brouillard. Elle n’était décidément pas encore à sa hauteur.
— Je sais, mon lapin.
Lef retroussa les lèvres pour montrer ses dents.
— Je suis pas un lapin.
Le compagnon de la reine agita la main comme pour chasser sa vaine rébellion.
— D’accord, mon louveteau. Et dépêche-toi, maman est déjà en colère.
Avec une grimace, Lef se hâta vers l’une des portes secondaires destinées aux domestiques. Si un Noble un peu matinal la croisait dans les couloirs, avec sa tenue de Nordiste et ses cheveux emmêlés, ses parents seraient furieux. Les habitués du Château connaissaient la passion de la princesse pour les escapades matinales, mais elle avait promis à son père et à sa mère de se faire discrète.
La princesse manqua renverser une domestique chargée d’un broc d’eau en remontant les couloirs étroits destinés au service des invités. Elle s’attira d’autres regards noirs et des grommellements avant d’atteindre l’étage où elle résidait. La chambre principale, occupée par ses parents, était entrouverte au fond de la galerie. Des éclats de voix en provenaient.
— Ma reine, vous n’avez aucune idée de l’heure à laquelle la princesse va rentrer ? Je dois faire quelques ajustements sur sa tenue pour la rencontre.
Lef gonfla ses joues en remontant la galerie en direction de la chambre royale. Jenna, l’ancienne domestique en chef devenue sa préceptrice, était trop méticuleuse à son goût. La jeune fille était agacée par l’idée même de se retrouver sur un tabouret à se faire piquer par les aiguilles des couturières.
— Jenna, fit la voix de sa mère d’un ton mesuré, Achalmy l’a vue il y a cinq minutes dans la cour. Elle arrive.
Lef entendit la préceptrice grommeler dans sa barbe alors qu’elle parvenait à hauteur de la pièce. Elle s’avança les yeux baissés, préparée aux remontrances habituelles.
— Mon louveteau.
Les paupières encore plissées, Lef sursauta quand la main de son père s’enroula autour de son épaule. Ni sa mère ni Jenna n’avaient eu le temps de grogner à propos de son retard. Intimidée, la princesse cligna des yeux.
— Le brouillard que tu as invoqué, reprit son père en s’accroupissant à côté d’elle, il était plutôt impressionnant. Depuis quand tu sais faire ça ?
— Tout à l’heure, répondit-elle du tac au tac. J’avais déjà essayé un jour, mais j’arrivais à l’invoquer sur quelques mètres autour de moi seulement.
Son père ne dit rien, mais échangea un regard la reine. Lef les observa sous ses mèches folles. Ils ne se regardaient pas vraiment comme les Nobles enamourés qui passaient au Château. Ni comme les artistes fous de leurs muses. Pas même comme les jeunes paysans des environs qui venaient chercher la bénédiction de la reine en compagnie de leurs promis et promises.
Ils parlaient en silence et Lefkan aimait ça. On aurait dit une meute. Sa mère n’était pas de tradition Nordiste, mais son mari avait indéniablement déteint sur elle. L’inverse était vrai : son père ne partait plus en voyage solitaire comme il avait pu le faire les années qui avaient suivi la rencontre de ses parents. Il avait planté ses griffes dans le foyer du Château.
Lefkan était fière de sa meute. C’était une petite meute, mais y appartenir lui apprenait plus que n’importe quelle leçon ou rencontre.
— Je ne sais pas ce qui vous fait sourire, Dame Lefkan, entama Jenna d’un ton sec en traversant la pièce à grandes foulées, alors que vous devriez déjà être lavée et coiffée.
Comme sa mère n’avait pas encore pris la parole, Lef leva les yeux vers elle. La reine affichait une moue à la fois préoccupée et amusée. La princesse se retint de lui adresser une mimique de connivence. Elle devinait les pensées de sa mère : elle aurait aimé que sa fille prît plus au sérieux son rôle d’héritière, mais ne lui en voulait pas réellement de mener sa vie d’enfant.
— Qu’allons-nous faire de vous ? soupira Jenna d’un air fataliste en passant une main dans la tignasse emmêlée de Lef.
Celle-ci gonfla de nouveau les joues en aplatissant ses cheveux. Si elle avait les traits fins de sa mère, ses épais cheveux bruns ondulés lui venaient de son père.
— Faites-lui des tresses nordistes, intima la reine en approchant de son pas mesuré. Elle portera une tenue occidentale, alors il faudra compenser.
— Ma reine, la princesse Lefkan est avant tout l’héritière de l’Ouest. En tant que telle, elle doit pouvoir représenter ses Terres.
— Bien entendu. Mais elle est à moitié-Nordiste et j’ai toujours eu à cœur de ne pas lui retirer cet héritage.
Toujours planté à côté de Lef, le compagnon de la reine lui posa de nouveau une main apaisante sur l’épaule. Lef ne l’avait jamais entendu se plaindre auprès de sa mère d’un éventuel favoritisme entre ses deux cultures. Elle non plus d’ailleurs ne se sentait pas forcée d’embrasser l’une de ses origines avec plus d’ardeur. Ses parents avaient fait appel à des précepteurs de toutes origines pour lui enseigner les mœurs, cultures et habitudes des quatre cultures oneiriannes. Sa mère lui enseignait la politique occidentale, son père les traditions d’honneur et de combat nordistes. Soran, son professeur en arts de la guerre, était d’origine sudiste.
— Très bien, capitula sa préceptrice après quelques secondes de silence. Je vais faire de mon mieux pour rendre votre fille présentable.
Lef adressa un regard misérable à son père, mais il se contenta d’un clin d’œil. Jenna dut agripper sa princesse par le bras afin qu’elle sortît de la chambre. Avant de disparaître dans la sienne pour subir des tortures, Lef jeta un coup d’œil à ses parents. Ils discutaient, séparés l’un de l’autre par quelques mètres. Mais Lefkan sentait le lien. Le lien qui les unissait eux d’eux et qui les reliait à leur progéniture.
La meute.

Lefkan perdit des cheveux, des peaux mortes, des bouts d’ongles trop longs et toute la patience qu’elle possédait du haut de ses onze ans. Jenna et les couturières venaient de sortir de sa chambre avec leurs aiguilles et leurs paniers sous le bras. Dans le miroir de la coiffeuse qu’elle avait hérité de sa mère, la princesse se jaugea. Disparus ses cheveux lâches. Disparus le cuir et la fourrure dont elle se parait le matin pour aller chaparder. Disparue son allure de petite louve.
Elle avait plutôt l’air d’une colombe avec ses tresses soignées remontées sur son crâne et sa robe occidentale blanche. Les anneaux qui reliaient la pièce de tissu principal à ses manches détachées et à son tour-de-cou étaient turquoise. Elle avait dédaigné l’or traditionnellement réservé aux membres de la famille royale pour peindre des pièces de fer qu’elle avait achetées au forgeron des faubourgs. Le turquoise et le blanc, couleurs de la famille royale. Sur ses épaules nues reposait une fourrure de loup. Quant aux bottines cachées par la traîne de la robe, elles étaient rembourrées. Lefkan ne pouvait pas se passer complètement des vêtements chauds et confortables des Nordistes.
Pour s’assurer que la colombe ne prendrait pas son envol de sitôt, elle retroussa les lèvres et grogna à l’intention du miroir. Elle apprécia le visage fripé, nez plissé et yeux à demi-fermés, que lui renvoya son reflet. La petite louve était toujours là.
— Lef ?
Celle-ci se redressa abruptement pour se tourner vers l’entrée de sa chambre.
— Maman, bredouilla-t-elle en perdant son expression sauvage. Tu es belle.
Sa mère était une louve particulière. Plutôt discrète et douce. Mais elle dirigeait la meute et personne n’avait jamais remis ça en question. C’était elle qui dictait le rythme du groupe et en apportait la structure. Lef l’avait rarement vue montrer les crocs, mais le souvenir de l’électricité statique dans ces moments-là lui hérissait encore le poil.
— Merci, mon flocon.
Lefkan fronça le menton en s’avançant vers sa mère. Elle ressemblait à une belle louve parée du turquoise et blanc royal. Le Saphir des Glaces qu’elle portait en pendentif n’avait pas perdu de son éclat au fil des années. Lefkan s’était promis, dès qu’elle avait appris pour le Rituel de la Maturité, de s’en procurer un largement aussi gros.
Quoiqu’intimidée par l’aura tranquille et impérieuse de sa mère, Lef se plante face à elle.
— Maman, je t’ai déjà dit d’arrêter de m’appeler comme ça.
— Je vais essayer, promis. (La reine tendit la main pour caresser ses cheveux tressés.) Tu es magnifique.
— Je veux être impressionnante.
— L’un ne s’oppose pas à l’autre.
Quand sa mère lui ouvrit les bras, Lefkan s’y engouffra aussitôt. La reine était une femme petite et menue. Bientôt, Lef la rattraperait en taille. Et la dépasserait sûrement : son physique robuste rappelait plutôt son père. En attendant, elle huma son parfum de rosée, frissonna dans la tiédeur de son étreinte. C’était sa mère-louve, la cheffe de la meute. Et Lef se promit de continuer à la serrer dans ses bras même lorsqu’elle serait plus grande qu’elle.
— Comment tu te sens ? s’enquit sa mère en la relâchant.
— Un peu inquiète, marmonna Lefkan en haussant les épaules. J’ai un peu peur des Orientaux. Tu crois qu’ils vont faire pousser des orties dans mes oreilles ?
Un rire incrédule échappa à sa mère.
— Mais qui t’a mis cette idée dans la tête ? Lef, ils ne te toucheront pas.
— Tu promets ? bredouilla-t-elle en baissant le nez.
— Sur les Dieux. Papa et moi sommes là pour te protéger. (Sa mère glissa la main sous la fourrure dont elle était vêtue avec un sourire complice.) Et puis, si je ne m’abuse, tu as de quoi te défendre, n’est-ce pas ?
Lefkan lui retourna son rictus quand a mère trouva la lame d’une demi-douzaine de centimètres cachée dans la fourrure.
— Fais attention à ne pas te couper.
— J’ai le droit d’utiliser mes pouvoirs ?
— Non, on en a déjà discuté, Lef. Tu ne te contrôles pas encore assez.
L’intéressée serra les dents pour ravaler ses protestations. Elle ne pouvait pas réfuter. Ce matin encore, elle découvrait qu’elle était capable d’envelopper le Château entier dans un voile de brouillard. Parfois, ses propres capacités l’effrayaient. Lef n’avait touché aucune de ses limites. Et elle n’avait aucune idée si elle en aurait l’occasion. Pour rire, son père disait parfois que rien ne pourrait l’arrêter. Et Lefkan savait au fond qu’il avait en partie raison. Elle était anormale.
Après tout, Lef était la seule enfant connue à maîtriser deux éléments qui n’allaient normalement pas ensemble. L’eau, sous ses trois formes, combinée à la foudre et au vent. Une Élémentaliste unique, plus puissante que l’on ne pouvait l’imaginer.
Bénie des Dieux. Bénie d’un Dieu en particulier, à vrai dire. Ses parents le nommaient rarement, car cette divinité les avait blessés et méprisés. Pourtant, Lef les avait déjà entendus le remercier dans leurs rares prières. Si son nom était une combinaison de Kan et Lefk, les Dieux protecteurs des Terres natales de sa mère et de son père, ses pouvoirs lui venaient du Maître de la Matière et des Éléments. Aion.

La reine s’installa en premier sur le trône qui dominait l’estrade et la Gran’Salle. Le second trône, occupé par diverses figures au fil des règnes et des préférences, accueillit la princesse. Le compagnon de la reine et sa mère prirent place sur des sièges placés sur le côté de l’estrade. Il faisait assez frais dehors pour que les valets eussent pensé à allumer les imposantes cheminées.
— J’aime pas la décoration, commenta Lefkan en zieutant les alentours.
Alors que la Gran’Salle avait été aux couleurs des Terres du Nord ces six derniers mois, les tapis, tentures et bibelots étaient à présent de provenance orientale. Lef préférait largement les peaux de bêtes, les tissus chauds et les morceaux de Saphir des Glaces exposés en vitrines.
— Lefkan, la gourmanda sa mère en jetant un coup d’œil par-dessus son épaule. Nous recevons deux Gardiens. Des membres l’Épine, le gouvernement de l’Est. Il était primordial de les accueillir dignement. Et, par les Dieux, cesse de parler comme ton père.
L’intéressé se redressa sur son siège comme pour protester. Lefkan le trouva très élégant, avec son catogan impeccable, sa peau de loup en travers de l’épaule et ses bottes cirées. Elle regretta aussitôt d’être vêtue d’une légère robe blanche. Quand son père remarqua son regard admiratif, il se calma et lui fit un clin d’œil.
— Tu dois te comporter comme une princesse de l’Ouest, reprit sa mère d’un ton ferme. Au moins pour quelques heures.
Lefkan gonfla les joues en s’enfonçant dans son siège. Quelques mètres derrière elle, sa grand-mère étouffa un rire.
— On dirait Alice quand elle était petite.
La reine et sa fille se tournèrent vers Trianna. Ses soixante ans avaient blanchi entièrement ses cheveux et creusé son visage de pattes d’oie et ridules. Si elle se montrait parfois encore plus intransigeante que sa mère, Lefkan aimait quand même passer du temps avec elle. Trianna lui apprenait la monte à cheval, les lettres et lui racontait les ragots du Château. Ces derniers se transformaient généralement en discussions tout à fait sérieuses à propos des futures grandes figures du paysage occidental. Lefkan y prêtait une oreille attentive. Elle se devait de connaître les futurs cartes avec lesquelles elle devrait composer.
— Maman, soupira la reine avant de revenir à sa fille. Lefkan, quelques heures. Tu pourras ensuite retourner t’entraîner avec le capitaine Soran ou jouer dans les vergers.
Lef inclina le menton tout en redressant le buste. Elle copia le port de tête assuré de sa mère, les épaules droites de son père et le sourire confiant de sa grand-mère. Elle aurait peut-être l’air d’une louve ainsi.
— Mes Dames, Sire, lança le valet de l’antichambre en poussant l’un des grands battants de bois, vos invités sont arrivés.
— Merci, Duncan. Faites-les entrer.
Dans leur dos, Trianna et le père de Lef s’étaient levés. Comme la princesse s’apprêtait à les imiter, sa mère lui fit signe de rester assise.
— Ils sont du même statut politique que nous, lui expliqua-t-elle rapidement, alors tu ne dois te lever pour les saluer que lorsqu’ils le feront.
Lef se dévissa le cou pour guetter l’arrivée des Orientaux. Elle en avait déjà aperçu à la cour. Leurs longues tuniques brodées et leurs bâtons, de marche comme de combat, l’intriguaient. Avaient-ils des chausses en-dessous de leurs tuniques ? Se baladaient-ils les fesses à l’air ? L’idée la fit sourire.
Un homme et une femme dépassèrent le valet pour s’avancer vers l’estrade. Lefkan retint sa respiration : l’homme lui était familier. Ses cheveux blonds-roux étincelèrent à la lueur des cheminées et des candélabres. La femme qui l’accompagnait était plus âgée, mais pas autant que sa grand-mère. Son crâne chauve laissait apparaître des tatouages indistincts.
— Reine Alice, lança la femme en s’avançant jusqu’à la première marche de l’estrade. Princesse Lefkan.
Lef réagit quelques secondes après sa mère quand elle se leva. Le rouge lui envahit les joues alors que les iris marron de la Gardienne lui perçaient le front.
— La jeune fille bénie des Dieux, souffla-t-elle avec un sourire entendu. L’enfant des tempêtes.
La princesse fronça les sourcils sans oser détourner les yeux. Elle connaissait cette formulation. La première fois qu’elle l’avait entendue, c’était de la bouche de cet expert Élémentaliste qui avait affirmé en riant qu’elle serait une enfant de la tempête, avec sa maîtrise de l’eau, du vent et de la foudre. À l’époque, Lefkan et ses parents l’avaient accompagné dans son enthousiasme. Aujourd’hui, sa mère foudroyait des yeux quiconque prononçait ces mots. S’ils recelaient un grand pouvoir, ils sonnaient aussi comme une malédiction. La reine Alice avait toujours refusé que sa fille fût associée à un héraut de malheur et de catastrophes.
— Pourquoi m’appelez-vous ainsi ? tonna Lef en descendant d’une marche.
Sa mère s’élança promptement pour la rattraper par l’épaule.
— Lefkan, susurra-t-elle sans quitter ses invités des yeux. Tu oublies ta place. Tu te dois de les saluer, comme je te l’ai appris.
Comme pour lui montrer l’exemple, la reine se redressa, inspira et réalisa les gestes de salut typiquement orientaux.
— Reine Alice, gouvernante du trône occidental.
Le menton de Lef tremblota le temps qu’elle reprît ses esprits. Gorge nouée par la frustration, elle tapa du pied gauche au sol en portant la main droite à son cœur. Les échos de ce dernier traversaient les couches de vêtements pour vibrer entre ses doigts. La vie. Galadriel.
— Princesse Lefkan, héritière du trône occidental et fière fille du Nord.
— Gardienne Vanä, prononça l’intéressée en répétant les mêmes gestes. Éminente représentante de l’Épine, protégée et confidente de Galadriel.
À ses côtés, l’homme armé d’un bâton presque aussi grand que lui frappa le sol à son tour.
— Gardien Wilwarin. Éminent représentant de l’Épine, protégé et confident de Galadriel.
La lumière se fit. Wilwarin avait rendu visite à ses parents un an plus tôt, pour les conseiller dans la culture de nouvelles plantes plus résistantes au changement climatique qui frappait Oneiris depuis vingt-trois ans. Intimidée par ses yeux qui changeaient de couleur toutes les heures et par son attitude de sage mystérieux, la princesse s’était tenue éloignée. Aujourd’hui, elle devait leur faire face. Pourvu qu’ils ne fissent pas pousser d’orties dans ses oreilles.
Derrière la reine et sa fille, Trianna s’éclaircit la gorge.
— Dame Trianna, mère de la reine actuelle.
À sa gauche, le père de Lef imita les gestes d’un air solennel.
— Achalmy, compagnon de la reine et conseiller diplomatique.
Lefkan s’étonna du silence pesant qui tomba sur la Gran’Salle une fois les salutations passées. Elle se permit de détourner les yeux des Gardiens pour observer ses parents. Une étincelle éclairait le regard sombre de sa mère. Un rictus planait sur les lèvres de son père.
— On va prétendre encore longtemps ? lança ce dernier en se dirigeant vers le bord de l’estrade.
Alors qu’il venait se glisser aux côtés de son épouse, Lef écarquilla les paupières. La compagne ou le compagnon du souverain en place n’avait le droit de le rejoindre au sommet de l’estrade que s’il y était formellement autorisé.
— Je dois reconnaître que tu l’as bien dressé, Alice, lança Vanä avec un sourire narquois.
— Un travail de longue haleine, acquiesça l’intéressée en tapotant le bras de son époux.
Lef eut l’impression d’être expédiée dans une nouvelle dimension. Ses parents, qui ne se permettaient presqu’aucune familiarité en public, riaient ensemble en se tenant par la main. Vanä et Wilwarin grimpèrent les marches pour discuter plus aisément avec les souverains.
Les souvenirs et anecdotes fusèrent dans la conversation. Lefkan se sentit rapidement dépassée par les histoires que se racontaient les adultes. Inconscients de son trouble, Lef put s’éclipser de leur vue et reculer librement jusqu’au bord de l’estrade. Ça lui donnait mal à la tête. Ces rires, ces sourires, qu’elle ne saisissait pas. Ce n’était pas sa meute.
La boule dans sa gorge s’accentua. L’enfant des tempêtes. Pourquoi des étrangers connaissaient-ils ce terme ? L’héritière du trône occidental aux pouvoirs inégalés était-elle un mystère pour les autres Terres ?
Pire, était-elle une menace ?

Lefkan se transforma en louve. Elle se para d’un manteau blanc capable de la camoufler, détendit ses muscles et s’élança. Ses membres souples la firent bondir de marche en marche. Ses griffes se plantèrent dans le bois pour lui ouvrir un passage. Des cris retentirent par-dessus ses épaules, lui intimant de s’arrêter. Sa meute l’appelait. Elle l’ignora. Les loups avaient parfois besoin d’être seuls. De s’isoler pour se retrouver. Hurler leur mécontentement à la lune, gronder après les nuages et danser dans la nuit.
Lefkan courait, grimpait, bondissait. C’était son territoire ici. Elle en connaissait les dénivelés, les pièges et les raccourcis. Sa petite taille lui permit de se faufiler dans les recoins et à travers les murs cachés qui servaient autrefois aux assassins des rois. Elle finit par s’arrêter au milieu de l’un d’eux pour souffler un moment. Lef tendit l’oreille, calma sa respiration puis attendit.
Attendit encore. Encore. Que les bruits se tassassent, que les souris vinrent lui chatouiller les doigts. La louve se montra patiente. Alors elle s’étira, déplia son corps nerveux et remonta le couloir secret. Elle gonflait au minimum ses poumons pour éviter de tousser dans la poussière. Ses cheveux remontés accueillirent peut-être quelques araignées, mais aucune ne s’aventura sur son corps. Il faisait noir entre les murs, mais Lef avait tracé des entailles dans le bois vieilli au fil des années. Quand enfin la marque qu’elle cherchait glissa sous ses doigts, elle sourit. Elle y était.
D’une main prudente, Lefkan tâta le cache dans le mur. Une fois qu’elle l’eût entrouvert, elle se pencha pour écouter. Pas une voix. Avec un grognement de soulagement, elle rentra les épaules et franchit la trappe. Elle apparut derrière le miroir de sa chambre. Avec prudence, elle déplaça l’objet puis s’étira. La lumière, bien que faible en ce milieu d’après-midi, lui brûla les rétines.
Lefkan ne s’attarda pas. Une fois débarrassée de sa peau de loup, elle tira sur les anneaux de fer qui retenaient les pièces de sa robe ensemble. Elle fit coulisser les boucles, décrocha les tissus et se retrouva bientôt en maillot-de-corps devant son miroir. Avec des doigts experts, elle se rhabilla de son ensemble de cuir souple, décrocha ses tresses pour les laisser pendre librement dans son dos avant de se draper dans sa peau de loup. Avec un sourire féroce à l’adresse du miroir, elle gronda :
— Je suis Lefkan, je suis une louve.
Le premier éclair éclata derrière sa fenêtre. Surprise, Lef se redressa et poussa le battant. Une bourrasque chargée de gouttes de pluie lui fouetta les joues. Au loin, l’océan devait leur cracher des rouleaux de vents gorgés de foudre.
— La tempête, marmonna-t-elle pour elle-même. Elle arrive.
Lefkan referma sa fenêtre en forçant sur ses bras. Elle devrait graisser les gonds sans tarder. Elle non plus ne devait pas tarder. Lef s’assura que sa dague était toujours logée dans sa peau de loup avant de se rendre prudemment dans le couloir. Ses parents avaient sûrement prévenu les domestiques et précepteurs. Lefkan devait s’attendre à de la résistance.

Elle se montra prudente en poussant sa porte. Avec un peu de chance, ses poursuivants la cherchaient à l’extérieur du Château, où elle passait le plus clair de son temps. On ne la soupçonnerait peut-être pas de se rendre dans la chambre de ses parents. Les battants étaient à demi-fermés. Les flashs irréguliers des éclairs créaient des ombres dans le couloir. À pas de loups, Lefkan s’avança jusqu’à la pièce pour y jeter un coup d’œil. Elle n’en percevait qu’un bout de sa position, mais décida de prendre le risque. Connaissant ses parents, ils ne seraient pas rentrés dans leur chambre pour la rechercher.
Le feu mourant du foyer avait maintenu une certaine tiédeur dans la chambre, mais Lef ne put s’empêcher de frissonner. La pièce était deux fois plus grande que la sienne, avec un espace de travail agrémenté d’un bureau et d’une bibliothèque. Des papiers traînaient sur le plateau, aplatis par une bouteille d’encre. Lef ne s’y intéressa pas et pivota directement vers l’imposante armoire en bois ouvragé. Sur une étagère murale tout proche reposait son objectif.
La princesse dut tirer l’une des chaises de l’espace de travail pour atteindre l’étagère. Puis elle sourit en s’emparant du sabre de son père. L’un de ses sabres, du moins : Kan, la lame la plus courte. Eon était bien trop long et lourd pour qu’elle pût s’en servir aisément. Les armes élémentaires de son père étaient rangées ici depuis des années. Ils ne les récupéraient que pour participer à des batailles ou partir dans le Nord en expédition diplomatique. Les Occidentaux n’étaient pas à l’aise avec le port d’une arme au sein des foyers et bâtiments. Lef avait quelques souvenirs brumeux de ses parents en train de se disputer à ce propos. Il avait fallu des années à son père pour parvenir à délaisser ses sabres sur des étagères. Un gâchis, estimait Lef, bien qu’elle comprît la volonté de sa mère de ne pas vouloir effrayer ses invités.
— Salut Kan, murmura Lef en glissant la lame hors de son fourreau.
Le katana était lourd au bout de son bras. Elle était encore trop petite pour s’entraîner avec, mais Lefkan aimait son simple contact. Kan n’était pas comme les autres armes. Le sabre élémentaire était capable de se connecter avec son porteur. La princesse avait déjà vu son père à l’œuvre : lors des combats, il chuchotait à ses katanas.
— Dans quelques années, tu seras à moi. Papa m’a promis que j’hériterai d’Eon et toi.
La lame luisit sous les éclats de lumière provoqués au loin par les éclairs. Considérant ceci comme un signe d’assentiment, Lef rangea Kan dans son fourreau et la glissa dans sa ceinture de cuir. C’était inconfortable, car son accessoire n’avait pas d’accroche prévue à cet effet, mais le rendu dans le miroir était satisfaisant. Sa grand-mère s’amusait parfois du temps que Lef passait en face de son reflet en dépit de son inintérêt pour la mode, la coiffure ou le maquillage. La princesse avait bien essayé de lui expliquer que se regarder dans le miroir n’était pas un simple acte de vanité, mais Trianna était restée perplexe.
Lefkan observait tout dans un miroir. Sa position : suffisamment intimidante ? Sa garde : trop haute, trop basse ? Ses vêtements : bien ajustés, pour ne pas la gêner lors de ses entraînements ou escapades ? Son expression : assez féroce ? Et, oui, aussi, sa silhouette et son visage. La façon dont son corps grandissant, la satisfaction que ça lui procurait. Elle devenait une grande, une fille capable de se battre par elle-même et pour elle-même. Et son visage. Lef voulait s’assurer de ressembler à ses parents en grandissant. Elle voulait les traits de sa mère, car c’était la cheffe de la meute et qu’on l’écoutait malgré sa silhouette peu imposante. Quant à son regard, leur aspect métallique rappelait celui de son père. Et le compagnon de la reine avait déjà fait taire d’un simple coup d’œil implacable.
Le miroir projetait ses attentes et ses espoirs. Peut-être un jour prendrait-elle aussi plaisir à apprécier un maquillage sur lequel elle s’était attardée des heures. Ou à admirer un vêtement qui lui seyait particulièrement bien. En attendant, Lef rabattit ses tresses en arrière et se redressa.
Puisque ses parents avaient décidé d’être coincés dans le passé en compagnie des représentants de l’Est, Lef escomptait bien s’amuser.



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Dernière modification par louji le ven. 07 janv., 2022 6:36 pm, modifié 1 fois.
louji

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Re: Oneiris - Duologie + Novella [Heroic fantasy]

Message par louji »

Helloo
J'ai entamé mon stage de fin d'étude et je ne sais pas encore à quel point ça va impacter mon rythme d'écriture (et par conséquence le rythme de publication). Quoi qu'il en soit, je donnerai des infos ici s'il y a du changement ^^




Chapitre 2
Le louveteau



An 523 après le Grand Désastre, 2e mois de l’automne, Château du Crépuscule, Terres de l’Ouest.



Lefkan était retournée dans le passage des assassins. Comme elle voulait à tout prix protéger son secret, elle n’avait jamais parlé de ces murs étroits et poussiéreux qui couraient dans certaines parties du Château. À vrai dire, même si elle en avait informé ses parents, seule sa mère aurait pu se glisser sous les trappes. Ces passages n’étaient définitivement pas conçus pour des personnes robustes ou assez grandes. Elle s’imaginait de temps en temps divers scénarios pour expliquer leur présence. L’Ouest avait-il autrefois formé des enfants à espionner les Nobles de passage ? Cette idée plaisait à Lef. On sous-estimait les enfants. Il n’y avait qu’à la voir, en train de tâtonner dans le noir, au milieu des toiles d’araignées et des moutons de poussière. Le sabre glissé dans sa ceinture tapait contre les parois, mais Lef préférait provoquer éventuellement des frayeurs aux badauds de l’autre côté du mur plutôt que de perdre son chemin. Les marques qu’elle avait gravées lui évitaient de se perdre aux intersections.
Il aurait évidemment été plus pratique d’emprunter les escaliers puis la coursive pour redescendre dans la partie commune du Château. Mais des soldats étaient constamment positionnés aux accès qui menaient aux appartements de la famille royale. Ils auraient arrêté la princesse et l’auraient ramenée à ses parents.
Pas question, se promit Lefkan en chassant une toile d’araignée de sa joue.
Mais il fallait que la louve prît rapidement l’air. Elle n’était pas destinée à se terrer dans l’ombre. Ses poumons devaient se gonfler de vent, ses membres se déplier et ses poils se hérisser pour contrer le froid. Elle accéléra la cadence et se cogna le coude à deux reprises avant de trouver la trappe qui l’intéressait. Dans sa précipitation, elle faillit la pousser alors que des badauds passaient à proximité. Lefkan se réprimanda en silence avant de tendre l’oreille. C’était la trappe la plus proche d’une porte de sortie. Elle donnait sur un couloir de domestique relié aux cuisines. C’était malheureusement l’effervescence dans ce passage. Était-ce la préparation du déjeuner en compagnie des deux émissaires Orientaux qui causait tant de grabuge ? Des soldats à la recherche de la princesse fugitive ?
Frustrée, Lef revint sur ses pas, prit un couloir différent à la première intersection et grimpa une volée d’escaliers étroits. La pointe de sa chaussure buta contre une marche, mais elle se réceptionna à temps pour éviter la chute. Elle dut continuer de monter et suivre le rond gravé dans le bois grossier avant d’avancer dans le passage qui l’intéressait. Puisqu’elle ne pouvait pas sortir dans l’immédiat, autant se faire un avis de ce qui se tramait du côté de ses parents et des Gardiens.
Elle se cala contre le mur et tâtonna de nouveau dans le noir jusqu’à trouver la fente incisée dans le bois. Elle coulissa avec difficulté et se bloqua avant de s’être entièrement rétractée. Tant pis, Lef pouvait quand même voir à travers. Elle ne venait pas souvent ici, car c’était plutôt ennuyeux de surveiller la Gran’Salle en temps normal. Mais aujourd’hui, son regard tomba directement sur sa mère, assise au bord de son trône, et sur son interlocutrice. Le Gardien qu’elle connaissait, celui avec le grand bâton et les cheveux dorés, s’était éclipsé. Tout comme son père. Peut-être étaient-ils à sa recherche.
— Ils vont la retrouver, Alice.
L’autre Gardienne, la grande femme à l’allure sèche et au crâne rasé, était positionnée sur l’une des marches qui menaient à l’estrade des trônes. Même si la reine était installée sur son imposant siège et plus en hauteur, elle ne dominait clairement pas la situation. Cette constatation troubla Lefkan. Était-elle responsable de la posture avachie de sa mère ?
— Je suis encore navrée, Vanä, affirma-t-elle d’une voix engourdie. Lefkan est une habituée des escapades et des bêtises, mais c’est la première fois qu’elle fuit une rencontre diplomatique. C’était peut-être trop tôt pour elle.
— Je n’en sais rien. Nous partageons les torts dans cette histoire. Si nous n’avions pas exclu ta fille de notre discussion, elle n’aurait peut-être pas cherché à fuir.
Lef, perchée en hauteur par rapport aux deux femmes, grimaça derrière la fente. Cette Vanä avait raison. Elle s’en était allée, car l’échange entre ses parents et les Gardiens ni ne l’intéressait ni ne la concernait. Pourquoi participerait-elle à une discussion où l’on ne requerrait pas son avis ?
— J’espère qu’Al et Wilwarin la retrouveront rapidement.
Le mélange d’inquiétude et d’épuisement qui modulaient la voix de sa mère jeta une pierre de culpabilité dans l’estomac de la princesse. Avait-elle exagéré en fuyant dans la précipitation ?
— Je crains d’être incapable de lui enseigner les responsabilités du trône.
L’aveu de sa mère retint Lefkan à son point d’observation.
— Elle n’a que onze ans, Alice.
— Et j’en ai quarante, Vanä. Je ne suis pas immortelle.
Le caillou dans le ventre de Lefkan se mua en roc écrasant. Lef n’avait vraiment songé à la mort de ses parents. Son père avait reçu plus d’une blessure depuis sa naissance, mais jamais rien de grave. Quant à sa mère, elle régnait par temps de paix et n’avait subi aucune maladie grave.
— Lef doit se préparer. Je dois la préparer.
— Tu es dure envers toi. Ta fille n’est ni idiote ni peureuse. Je l’ai vu dans son regard, dans sa posture. Pour autant, je crois qu’elle a conscience de vivre une période protégée de sa vie. Elle est assez grande pour qu’on la laisse mener ses propres aventures, mais trop jeune pour qu’on l’étouffe des responsabilités. Al et toi avez plutôt su vous jouer de cet équilibre, jusqu’ici. Continuez.
— J’ai essayé de lui apprendre les différentes mœurs d’Oneiris, reprit Alice en se levant de son trône. Je lui ai trouvé des précepteurs d’origines diverses, elle vit dans l’Ouest depuis sa naissance, mais… je crois qu’elle est amoureuse du Nord. Le jour où elle a posé les yeux sur les sabres de son père et été en mesure de comprendre leur utilité, elle a été fascinée. Elle a appris à lire, à écrire et à calculer plus vite que la plupart des enfants. Simplement parce qu’on lui avait promis de lui apprendre à se battre si elle réussissait dans les autres disciplines. (Alice descendit les marches pour se rapprocher de son interlocutrice.) Vanä, je crains qu’elle n’ait jamais d’intérêt profond pour les Terres de l’Ouest. Depuis toute petite, elle me parle de loups, de voyage et de combats.
— Alice, tu te focalises trop sur certaines choses. Ça ne te semble pas évident qu’une enfant n’ait pas envie de parler de politiques, de gestion des terres et du trésor national ?
— Je suis perdue, confessa sa mère avec amertume. Je ne sais pas ce que je dois attendre de Lef. J’essaie de la protéger, mais je ne veux pas l’enfermer. C’est pour ça que je la laisse sortir de sa chambre avant les lueurs de l’aube. C’est pour ça que je ne dis rien de ses entraînements matinaux avec un capitaine de la Garde Royale. Je ne veux pas qu’elle ait le sentiment que je l’empêche de vivre sa vie comme elle l’entend.
— Et, à présent, tu crains d’avoir été trop laxiste ? Tu penses vraiment que cette liberté l’a amenée à penser comme une Nordiste et n’avoir aucun intérêt pour l’Ouest ?
Plongée dans un brouillard de questions confuses, Lefkan n’avait aucune réponse à apporter à sa mère ou à la Gardienne. Elle n’avait jamais songé à sa vie en des termes aussi clairs.
— Peut-être. Lefkan sera reine. Un jour, elle se sera assise à ma place. Elle doit y être préparée.
— Et tu la prépares, Alice. L’éducation que tu lui as offerte est d’une richesse rare. On discute de la princesse de l’Ouest, à l’Épine. Après tout, elle sera un jour notre interlocutrice directe. Et nous sommes reconnaissants qu’elle ait eu l’occasion d’en apprendre sur l’Est et nos coutumes.
Sa mère observa la Gardienne pendant quelques secondes avant souffler :
— J’espère que tu as raison. J’espère que, par désir de laisser Lef mener sa vie, je ne l’ai pas transformée en véritable enfant des tempêtes.
Lefkan faillit ne pas entendre ces derniers mots, car sa mère avait baissé le ton. Malgré tout, ils s’élevèrent jusqu’à elle et la couvrirent d’une chappe de peur et de honte. C’était ainsi que sa mère la voyait ? Comme une enfant incapable de se contrôler, aussi fugueuse et imprévisible qu’une tempête ?
La princesse de l’Ouest ne pouvait en entendre plus. Le cœur au bord des lèvres, elle fit coulisser la fente, se redressa et s’enfonça dans l’obscurité.

Le couloir des domestiques était plus calme. Positionnée derrière le mur, oreille tendue, Lef attendit encore une longue minute avant de pousser timidement la trappe. Un brouhaha lointain provenait des cuisines, mais la princesse ne s’en inquiéta pas. Il y avait toujours du remue-ménage dans cette partie du Château. Elle dut rentrer les épaules et ramper à moitié pour sortir de sa cache.
Lefkan comprit son erreur seulement lorsqu’elle aperçut les souliers lustrés à quelques centimètres de son nez. Avant d’avoir pu repartir en arrière, on l’attrapa par le col de sa chemise pour la mettre debout. Une femme se dressait face à elle.
— J’étais certaine de te trouver ici, petit singe.
La tête rentrée dans les épaules, Lef osa tout juste rencontrer le regard impérieux de son interlocutrice.
— Tata Sora. C’est pas… je faisais que… Qu’est-ce que tu fais ici ?
Obnubilée par sa culpabilité, la princesse en avait oublié que la conseillère en relations étrangères était censée être dans le Sud.
— Je voulais faire une surprise à tes parents, expliqua Soraya en époussetant distraitement les vêtements de la jeune fille. Je m’attendais à un accueil chaleureux, avec des bouchées feuilletées, du vin de noix et les dernières fleurs du jardin.
La Sudiste posa un regard implacable sur Lefkan, qui se renfrogna un peu plus.
— Et voilà qu’on m’annonce que la princesse de l’Ouest a disparu. Ta mère est dans tous ses états, ton père oublie tout forme de politesse – ce n’est déjà pas spécialement inné chez lui – et les domestiques ne savent plus où donner de la tête.
La femme la considéra de la tête aux pieds sans masquer sa lassitude. Distraitement, elle caressa la surface dorée de la broche épinglée au col de sa chemise.
— Toute cette effervescence pour une simple princesse qui joue à se rouler dans la poussière.
Le rouge de la honte mordit les joues de Lefkan, qui serra les dents et contra :
— C’est le passage secret qui est poussiéreux. Je veux juste aller dehors.
Lef orienta le menton en direction de la porte de service qui donnait sur l’une des cours arrière du Château. Soraya soupira, croisa les bras sur la poitrine puis fronça le nez.
— Passons un marché, jeune fille. (Lef sentit ses lèvres s’étirer en rictus satisfait ; rien de tel que de marchander avec des Sudistes.) Je te donne une heure pour trouver et me ramener mon Vann. Si tu réussis, je prétexterais ne pas connaître ton petit secret.
Soraya avait tapoté ses jointures contre le mur. Comment avait-elle su ? Depuis combien de temps ? Lefkan s’en voulut de ne pas avoir été suffisamment prudente. Elle se détourna pourtant de cette menace pour s’exclamer :
— Vann est ici ?
— Évidemment, petit singe. Ce chenapan me suit de partout.
L’excitation agita les jambes de Lef. Elle n’en pouvait plus d’attendre.
— D’accord, je le retrouve et je le ramène ! Où est-ce que vous vous êtes séparés ?
— Avant les murailles du Château. Il doit être près des baraquements ou dans les vergers. Il risque de dévorer la moitié du raisin.
Alors que Lefkan était sur le point de déguerpir, elle se retourna pour demander :
— Et Sana ?
— Dans le Sud, souffla Soraya avec un sourire teinté de regret. Elle a quatorze ans à présent et son père a réclamé sa présence au sein de sa caravane pour qu’elle commence son apprentissage.
— Alors elle va devenir marchande ?
— Elle en a toujours rêvé, expliqua Soraya d’une voix douce. Je ne vais pas l’empêcher d’accomplir ses désirs parce qu’elle me manque.
Perturbée, Lef dévisagea la Sudiste sans oser répondre. L’idée d’être séparée de ses parents par des centaines de lieues jetait un froid dans son dos. Même si Sana était bien entendu en compagnie de son père marchand, sa mère devait lui manquer.
— Allez, va me chercher mon fils, intima la femme avec un clin d’œil. Quitte à l’avoir avec moi, autant qu’il évite de partir par monts et par vaux.
La princesse s’élança avant que Soraya eût le temps de changer d’avis.

À l’extérieur, le ciel était menaçant. La bruine chatouillait le visage de Lef et rendait sa vision plus difficile, mais elle avança d’un pas déterminé. Avant de traverser la cour pour franchir l’entrée de la muraille, elle inspira profondément. L’humidité de l’air rendit bien plus facile d’appeler le brouillard à elle. Elle s’efforça de le faire tomber sur le Château avec plus de douceur et de subtilité qu’elle en avait montré le matin. Les gardes devaient croire à un phénomène météorologique, pas à une princesse en fugue missionnée pour retrouver le fils d’une conseillère.
Quelques minutes plus tard, une fois le Château plongé dans une nappe de brume, Lef reprit sa route. Elle était en nage. Elle s’obligea à calmer sa respiration avant d’approcher du poste de garde. Elle ne voulait pas se faire repérer si près du but. Son cœur battait de façon assourdissante contre ses tempes lorsqu’elle franchit la muraille du Château. Autour d’elle, les soldats se plaignaient de la météo. La tempête était prévue depuis le matin, mais ce brouillard était une vraie plaie. Quand l’orage gronda au loin, Lef en profita pour bondir et s’éloigner en courant.
Les baraquements et les terrains d’entraînement de la Garde Royale n’étaient guère animés. Les soldats de repos devaient profiter de leur famille ou de leurs amis. Ceux en poste pestaient sous la pluie et ceux qui attendaient leur quart observaient le ciel d’un air maussade. Lefkan n’avait aucun mal à se les imaginer. Elle-même grimaçait de l’eau dans son cou et de la boue sous ses pieds.
La princesse se faufila près des baraquements, sans réel espoir d’y trouver Vann. Son ami d’enfance avait dû trouver refuge dans leur petite cabane habituelle. Par acquis de conscience, elle vérifia que Vann n’était pas perché dans son chêne favori avant d’opérer un demi-tour. Les vignes occupaient tout un pan de la colline qui accueillait le Château du Crépuscule et les bâtiments de la Garde Royale. La princesse dérapa dans les pentes boueuses et s’écorcha les paumes en se rattrapant aux branchages avant d’aviser au loin une petite cabane branlante entre deux rangées d’arbres fruitiers. C’était essentiellement un espace de stockage pour les paysans, où étaient entreposés des outils, une brouette en bois et des tas de caisses aussi poussiéreuses que mystérieuses.
Un nouveau coup de tonnerre au loin pressa Lefkan. Ses cheveux étaient trempés quand elle poussa la porte branlante de la cabane. Un cri strident la stoppa net. Quand une flamme bondit face à elle, la jeune fille ne put que remercier ses entraînements matinaux en compagnie de Soran. Son corps se déporta en arrière avant qu’elle eût le temps de réaliser. Ses pieds glissèrent sur le sol inégal et, les poils du nez roussis, la princesse se retrouva couchée dans la boue.
— Lef ?
Sonnée, Lefkan ne vit qu’un ciel gris chargé de pluie pendant quelques secondes. Après quoi, le visage constellé de taches de rousseur de Vann apparut. Aussi vive qu’une vipère, Lef agrippa la mèche longue qu’il portait à l’arrière du crâne et le fit basculer. Sa chute produisit un son spongieux.
— Pourquoi t’as fait ça ? geignit Vann en frottant la terre molle qui maculait ses chausses.
— Tu as essayé de me brûler, expliqua la princesse d’un ton cassant.
— Tu m’as fait peur ! (Face à la moue renfrognée de son amie, Vann se tordit les mains.) Désolé, Lef, je pensais pas que tu allais apparaître comme ça.
Toujours vexée, elle se contenta de grommeler en se redressant. Ses vêtements de cuir et sa belle peau de loup étaient tachés de boue. Jenna allait la massacrer.
— Je croyais que tu étais au Château, souffla Vann en se précipitant dans la cabane pour éviter la pluie. Maman m’a dit que tu rencontrais des Gardiens.
— J’ai assisté à la rencontre, oui, éluda Lefkan en le suivant. C’était ennuyeux.
Vann secoua sa touffe de cheveux d’un roux sombre en faisant la moue. Lef poussa le verrou rouillé de la porte pour s’assurer qu’un coup de vent ne l’ouvrirait pas.
— La rencontre était ennuyeuse ? Ou les Gardiens ?
— Un peu les deux.
— Les Gardiens sont impressionnants, contra son ami en fronçant les sourcils. Mon père m’en a déjà présenté un. Il était incroyable.
Lefkan lui adressa un rictus moqueur.
— Tu gobes tout ce que te dit ton père, Vann. T’as hérité de sa naïveté d’Oriental.
— Il est bien plus sympa que le tien, en tout cas.
Lefkan plissa les paupières avant d’asséner un coup dans les côtes du jeune adolescent. Le souffle coupé, Vann s’éloigna de la princesse en titubant.
— T’es vraiment une sauvageonne ! Tu te moques de mes origines orientales, mais t’es exactement comme ton rustre de père.
— Mon père est pas un rustre, répliqua Lefkan en haussant le ton. Tu parles exactement comme Tata Sora. Franchement, tu voudrais pas sortir un peu des basques de tes parents ?
Avec sa peau mate héritée de sa mère, Vann rougissait de façon moins voyante que son amie. Pourtant, elle n’eut guère de mal à déceler le rose vif sur ses joues. Ses yeux dorés lui lancèrent des éclairs alors que grondait l’orage au-dessus de la cabane.
— On s’est pas vus depuis deux mois, reprit Vann en pointant un doigt accusateur dans sa direction, et tout ce que tu fais c’est m’embêter et te moquer de moi.
— C’est toi qui as commencé, gronda Lefkan en retroussant les lèvres.
Un rire moqueur franchit les lèvres de son ami.
— Et voilà, tu te comportes comme un animal.
Un bruit sourd empêcha Lef de répliquer. Nez levé au plafond, elle se demanda brièvement s’ils se retrouveraient bloqués jusqu’au soir par la tempête. Le tonnerre martelait le ciel sans répit. Lef tressaillit instinctivement quand un nouveau choc ébranla la cabane.
— C’était quoi ? chuchota Vann en se rapprochant d’elle.
— L’orage, crétin.
— Mais non. J’ai entendu des coups.
Lefkan se tourna vers lui pour s’assurer qu’il ne plaisantait pas. Quand un nouveau choc secoua la porte de la cabane, les deux amis sursautèrent.
— Par les Dieux, bredouilla Vann en lui agrippant le poignet.
Le ventre noué d’angoisse, Lef posa une main tremblante sur le manche du sabre à sa ceinture. Elle s’y reprit plusieurs fois avant de le sortir de son étui.
— Ouvre cette porte, bon sang ! beugla une voix à l’extérieur de la cabane.
Vann couina et se réfugia derrière son amie, au milieu d’un tas de caisse. Une partie de Lef aurait aimé le rejoindre. L’eau qui dégoulinait de ses cheveux gênait sa vue. Elle lâcha brièvement son katana pour s’essuyer le front.
— Qui va là ?
La princesse eut honte de la voix enfantine qui s’échappa de sa gorge. Elle resserra sa prise sur son sabre, le sentit vibrer en réponse à sa peur.
— On sait que vous êtes là, les morveux.
Lefkan jeta un bref coup d’œil à Vann, qui secoua la tête d’incompréhension. Les deux amis avaient déjà croisé les paysans qui s’occupaient de ces terres. Dans la mesure où ils ne dérangeaient rien, ils avaient autorisé la princesse et son ami à vadrouiller dans les champs.
— Qui êtes-vous ?
Avec l’appréhension qui comprimait ses cordes vocales et l’orage au loin, Lef n’était même pas certaine qu’ils l’eussent entendue. Elle n’eut pas le temps de réitérer sa question qu’une volée de coups s’abattait sur la porte branlante. L’unique verrou rouillé par le temps se brisa. Une bourrasque chargée de pluie et de haine s’engouffra dans la cabane. Vann couina, Lef eut le souffle coupé. Trois hommes leur faisaient face, éclairés brièvement par les éclairs que crachait le ciel.
— J’en étais sûr, roucoula l’un des inconnus en poussant son compère pour s’introduire dans la pièce de stockage. Des jours que je surveille les environs. J’avais bien vu la gamine venir ici.
Le troisième homme patientait à l’extérieur, sec et froidement impassible. Lefkan dut cligner des yeux pour s’assurer de ce qu’elle voyait. La pluie n’atteignait pas l’inconnu.
— Des Chasseurs, murmura-t-elle dans un élan d’incompréhension et d’angoisse.
— La morveuse a l’œil, ricana celui qui s’était avancé.
— Elle est à moitié Nordiste, rappela l’homme qui se tenait en retrait.
— Tu parles, cracha le troisième en la toisant d’un air mauvais. Rien qu’une Bâtarde.
L’homme qui était le plus proche de Lefkan poussa une petite exclamation quand elle agita le sabre dans sa direction. Elle le manqua d’un cheveu avant d’être déséquilibrée par le poids peu familier de Kan. La brute qui s’était moquée d’elle dégaina un large couteau.
— La petite Bâtarde veut jouer ?
Le Chasseur s’avança d’un pas rapide pour lui bloquer le bras.
— On touche pas à la princesse.
La peur faisait trembler les genoux de Lef et affolait son cœur, mais elle se tenait toujours droite face aux trois ravisseurs. En arrière-plan de sa concentration immédiate, son esprit comprenait sans mal les événements. Ces Nordistes étaient là pour l’enlever.
Derrière elle, Vann trouva le courage de se lever. Même s’il ne se positionna pas aux côtés de son amie, il posa une main sur son épaule.
— Oh, mais qui voilà, s’amusa le Chasseur en avançant d’un pas prudent. Tu ressembles drôlement au fils cadet de Soraya Samay.
— Encore un autre Bâtard, maugréa l’homme au coutant d’un ton dégoulinant de mépris. À moitié singe, en plus.
Lefkan échangea un regard avec son ami. Peu importaient les paroles des trois hommes. Leurs actes étaient le plus important. Et ils venaient de les encercler en bloquant la seule entrée.
— Vous faites pas le poids, leur apprit le Chasseur d’une voix posée. Laissez-vous faire.
Le menton de la princesse tremblotait. Sa meute, dont Vann faisait partie, était en danger. Mère-louve et son père étaient absents, mais les louveteaux avaient eux aussi des crocs. Lef se pressa contre Vann, tourna le cou vers lui. Son ami croisa son regard apeuré, hocha subrepticement la tête.
— Très bien, souffla le Chasseur quand Lef lâcha Kan d’une main pour laisser la pointe reposer par terre.
La princesse ne se leurrait pas : elle était incapable de manier le katana de son père. Pour autant, elle n’était pas dénuée de griffes.
Quand l’homme au couteau s’avança pour récupérer l’arme, Vann tendit la main à plat pour créer une flamme. Il était jeune et apprenait à manier ses pouvoirs, mais cela suffit amplement à repousser l’adversaire en arrière. Alors que le Chasseur invoquait de l’eau pour éteindre l’attaque, Lefkan jeta les mains devant elle comme pour repousser un mur invisible. Une bourrasque violente fit reculer les trois hommes et amplifia le feu.
— Faites gaffe ! s’exclama le Chasseur en s’entourant d’une bulle d’eau pour se protéger des flammes. Ils sont Élémentalistes.
Électrifiée par une énergie nerveuse, Lef s’avança et balaya le sol. Une plaque de glace s’élança vers ses adversaires, emprisonna leurs chevilles. Le seul Élémentaliste du groupe parvint à se dégager et dressa une paroi glacée entre lui et la princesse. Lef tenta de pulvériser le mur, mais la volonté du Chasseur en face d’elle était plus forte.
— Tu es plutôt douée, s’étonna le Nordiste en posant les doigts sur sa protection.
La gorge se Lef se noua quand un millier d’épines de glace se dressèrent face à elle en suspension. Sa force n’était pas encore suffisante pour voler le contrôle sur l’eau de son ennemi. Son regard glissa vers les deux hommes qui tailladaient les blocs de glace à leurs chevilles à grands coups de couteaux. Avant d’avoir pu réfléchir plus longtemps, elle repoussa Vann derrière elle, tapa du pied sur la plaque gelée pour la transformer en eau et appela la foudre à elle. De tous les éléments qu’elle maîtrisait, l’électricité était celui qui l’effrayait le plus. L’eau était souple, le vent plus fougueux, mais les éclairs… sa mère la mettait souvent en garde contre leur sournoiserie.
Sur sa peau, l’électricité se mit à crépiter. Le Chasseur écarquilla les yeux, bondit hors de la cabane, mais Lef avait déjà orienté l’élément vers le bas. Quand les mini arcs électriques touchèrent l’eau, les deux Nordistes qui étaient encore en contact avec la flaque poussèrent des cris inarticulés avant de s’effondrer. Lefkan aurait bien ri de leurs cheveux hirsutes si la situation n’avait pas été si dramatique.
— Eh bien, les rumeurs mentent pas.
Épuisée par son usage des éléments, Lef dut cligner furieusement de ses yeux embués. Le Chasseur, entouré de ses centaines d’aiguilles de glace, était de nouveau entré dans la cabane.
— L’enfant des tempêtes, la protégée d’Aion.
Le ton presque rêveur de l’homme engourdit Lefkan de la tête aux pieds. Elle n’était la protégée de personne. Aion, le Dieu de la Matière et des Éléments, ne s’était jamais adressé à elle d’une quelconque manière. Elle n’avait fait qu’hériter de la puissance de ses parents.
— Laissez-moi, implora-t-elle d’une voix tremblante de fatigue.
Un sourire désolé se peignit sur les lèvres de son ennemi. Avec des mouvements agiles des doigts, il enveloppa la princesse et son ami d’un nuage d’aiguilles glacées. Aucune échappatoire.
— Je suis désolé, petite, mais j’ai des ordres. Je recevrai pas la deuxième partie de mon paiement si je te ramène pas. (Il jeta un coup d’œil à Vann.) Quant à ton ami très courageux, il me fera gagner quelques pièces de plus.
Un sanglot étouffé s’éleva derrière Lef. De sa main libre, elle saisit celle de son ami.
— Lâche cette arme, ordonna le Chasseur d’une voix froide. Levez tous les deux les mains au-dessus de votre tête.
Vann dut supplier son amie au creux de l’oreille pour qu’elle obéît. Mortifiée, Lefkan se vit, à travers un voile brumeux, céder sa prise sur le manche de Kan. La lame s’enfonça dans la terre rendue boueuse par la flaque d’eau. Quelque chose se déchira en Lef.
— C’est bien.
Sans en avoir réellement conscience, elle avait levé les mains au-dessus de la tête. Vann pleurait à côté d’elle, tête basse. Des gouttes coulaient aussi sur le visage de la princesse, mais ses yeux étaient secs. C’étaient l’eau et la sueur qui souillaient sa peau. La honte, la peur, l’engourdissement.
Toujours protégé par ses aiguilles mortelles, le Chasseur fouilla dans sa besace pour en tirer un tissu ainsi qu’une fiole. Les hoquets de Vann se firent plus persistants. Formé par son père Oriental aux plantes et aux soins, il devait avoir une meilleure connaissance de ce qui les attendait. Lefkan n’était pas naïve ; elle se doutait que la décoction les mettrait hors d’état de nuire.
— Restez tranquilles.
Le Chasseur fit signe à Vann d’approcher. Il renifla bruyamment et gémit entre ses dents avant d’obéir. L’homme avait imbibé son tissu à l’aide de la fiole. En approchant, une odeur peu engageante saisit Lef à la gorge. Vann se laissa faire avec une docilité qui alluma un éclair de rage dans la poitrine de la princesse. Son regard se troubla, sa respiration se fit hachée pendant un moment. Et il s’effondra entre les bras du Chasseur.
— À ton tour, louveteau.
Lefkan recula, se cogna le genou contre une caisse. Elle avait baissé les bras pour rétablir son équilibre, si bien qu’elle se retrouva avec une aiguille de glace entre les deux yeux.
— Calme-toi, intima l’homme en tendant le chiffon vers son visage.
Lef avait bloqué sa respiration. Elle ne tiendrait pas indéfiniment, mais la proximité du Chasseur le rendrait plus vulnérable à une attaque surprise. Tête baissée dans un semblant de soumission, la princesse attendit qu’il soit le plus près possible. Son instinct la fit pourtant reculer quand le tissu odorant effleura son visage.
— Complique pas les choses, princesse.
Derrière l’homme, son compère au gros couteau s’était redressé, l’air hagard. Lefkan jura mentalement, adressa un regard suppliant au Chasseur.
— Allez, une ou deux respirations et c’est fini.
Le tissu fut plaqué contre son nez et sa bouche. Sa glotte remonta dans sa gorge, mais Lefkan tint bon. La pression dans sa poitrine augmenta alors que les secondes s’écoulaient. Quand le Chasseur remarqua son manège, il claqua la langue contre son palais.
— Princesse, princesse.
Il lui agrippa le bras, prenant soin de ne pas mettre en contact direct leurs épidermes, puis la projeta contre un mur de la cabane. Lefkan reprit une courte respiration avant de fermer de nouveau la bouche.
Quand le Chasseur revint avec son chiffon, elle se tenait prête. Sa main projeta la lame de glace qu’elle avait forgée dans son dos à toute vitesse. En même temps, le Chasseur recula hors de portée et son allié abattit son couteau pour le défendre.
La lame de glace pénétra le bras de l’homme. La lame de fer s’enfonça dans l’épaule de Lef.
— Non !
Le cri du Chasseur les stoppa tous les deux. Il repoussa violemment son compagnon et glissa un bras sous l’aisselle de la princesse avant qu’elle ne s’effondrât. La douleur cuisante avait fait oublier à Lef son plan. Que devait-elle faire ? Quelque chose de chaud coulait sur sa poitrine. Pourquoi Vann était-il prostré au sol ?
Quelles étaient cette odeur enivrante et cette pression contre sa bouche ?



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Dernière modification par louji le ven. 21 janv., 2022 11:23 pm, modifié 1 fois.
TcmA

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Re: Oneiris - Duologie + Novella [Heroic fantasy]

Message par TcmA »

Hiello~

N'empêche, ça fait plaisir de retrouver ce petit duo devenu trio ! Lef est très attachante, je l'apprécie beaucoup (bon, j'ai noté que c'était un petit démon, mais elle reste choupie et forte).
Alors, doubles pouvoirs, ah oué. Elle va être surpuissante quand elle arrivera bien à les contrôler. Déjà qu'elle est vachement vive, ça va pas être funny fun fun pour les gens en face d'elle :v
Alice me fait mal au coeur dans le prologue, c'est terrible ce qu'elle a vécu. Elle était déjà pas servie avec son passé, mais wow. Et maintenant sa petite est blessée + enlevée, ouch. Elle se met beaucoup la pression alors qu'elle est une bonne mère (après, ses craintes sont légitimes), elle est si tendre (et ferme quand il faut !) avec Lef... Bwouarf.
Al est super cute en papa dépassé par sa p'tite boule d'énergie. Ca a pas dû être facile entre Al², mais ça fait plaisir de voir que leurs difficultés n'ont fait que les rapprocher.
J'ai craqué au "Tata Sora", c'est tellement adorable !
(Of course, je suis excédée par toutes ces merdes d'élitisme et de non mixité, mais haha, c'normal. Franchement, les gars, un p'tit bâtard par-ci, par-là, ça n'a jamais fait de mal à personne. Surtout si vous avez été finis à la pisse. Voilà, c'est sorti, ça fait du bien.)

Bon, blagues à part, on rentre dans l'histoire tout de suite et l'intrigue est vraiment top (puis les métaphores filées sur les loups dans les chaps, yeeeeees) ! J'ai hâte de voir ce que tu réserves à tes (pauvres) persos !

J'ai remarqué 2-3 petits trucs :
- Chap 1 : on a un "perceptrice" au lieu de préceptrice
- Chap 2 : un petit e s'est fait la malle dans "oublie tout forme de politesse"

La bise~
louji

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Re: Oneiris - Duologie + Novella [Heroic fantasy]

Message par louji »

TcmA a écrit : sam. 08 janv., 2022 5:42 pm Hiello~

N'empêche, ça fait plaisir de retrouver ce petit duo devenu trio ! Lef est très attachante, je l'apprécie beaucoup (bon, j'ai noté que c'était un petit démon, mais elle reste choupie et forte).
Alors, doubles pouvoirs, ah oué. Elle va être surpuissante quand elle arrivera bien à les contrôler. Déjà qu'elle est vachement vive, ça va pas être funny fun fun pour les gens en face d'elle :v
Alice me fait mal au coeur dans le prologue, c'est terrible ce qu'elle a vécu. Elle était déjà pas servie avec son passé, mais wow. Et maintenant sa petite est blessée + enlevée, ouch. Elle se met beaucoup la pression alors qu'elle est une bonne mère (après, ses craintes sont légitimes), elle est si tendre (et ferme quand il faut !) avec Lef... Bwouarf.
Al est super cute en papa dépassé par sa p'tite boule d'énergie. Ca a pas dû être facile entre Al², mais ça fait plaisir de voir que leurs difficultés n'ont fait que les rapprocher.
J'ai craqué au "Tata Sora", c'est tellement adorable !
(Of course, je suis excédée par toutes ces merdes d'élitisme et de non mixité, mais haha, c'normal. Franchement, les gars, un p'tit bâtard par-ci, par-là, ça n'a jamais fait de mal à personne. Surtout si vous avez été finis à la pisse. Voilà, c'est sorti, ça fait du bien.)

Bon, blagues à part, on rentre dans l'histoire tout de suite et l'intrigue est vraiment top (puis les métaphores filées sur les loups dans les chaps, yeeeeees) ! J'ai hâte de voir ce que tu réserves à tes (pauvres) persos !

J'ai remarqué 2-3 petits trucs :
- Chap 1 : on a un "perceptrice" au lieu de préceptrice
- Chap 2 : un petit e s'est fait la malle dans "oublie tout forme de politesse"

La bise~
Hello !

Merci beaucoup pour ton com, ça me fait super plaisir ♥

Je suis contente que t'apprécies Lef, parce que c'est clairement une p'tite démone mais elle est chou aussi :lol:
Mais oui Alice elle fait trop de peine :( Mais, ouais, c'est Alice, elle se met la pression x') Et l'enlèvement de Lef va pas aider, clairement !
Ça a pas été simple (déjà dans l'épilogue du T2 héhé la tension est là) mais ils ont fini par s'accorder sur le long-terme et par former un foyer stable, c'est le + important ^^
Pour la question des bâtards, c'est clairement de la discrimination anti-occidental car les Nordistes ont un concept de la famille très particulier et peuvent avoir des gosses avec 15 partenaires différents :lol: Mais bon Lef est à moitié Occidentale donc trop la honte pour une Nordiste quoi :")

Mais merci beaucoup pour ton enthousiasme en tout cas ! Pour les métaphores filées, on va l'avoir encore un moment mais c'est l'idée du délire mdr

Merci pour les coquilles je corrige !

Zoubi
vampiredelivres

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Re: Oneiris - Tomes I (terminé) et II (en cours) [Heroic fantasy]

Message par vampiredelivres »

louji a écrit : ven. 24 sept., 2021 7:01 pm Eeeeeet zé la fin !!
Je crois que je commence à réaliser :ugeek: (je réalise surtout la relecture/réécriture qui arrive :evil: )
Autrement, j'ai prévu une petite surprise pour fêter la fin de la publication, ce sera à retrouver après l'épilogue !
Et j'essaierai de faire des remerciements dignes de ce nom aussi

Bonsoir. Fin bonjour. Fin je suis à la bourre.
Donx. Je réalise que je voulais commenter la novella… et que je n'ai même pas encore commenté la fin. Donc let's go.





Épilogue
Reine



An 506 après le Grand Désastre, 3e mois du printemps, Château du Crépuscule, Terres de l’Ouest.



Ce n’était pas un très beau jour de printemps. Représentatif du reste de la saison, il était froid et alourdi d’un bas ciel gris. Un vent moite – mais guère chaud – en provenance du sud faisait claquer les volets contre les façades de pierre du Château du Crépuscule. La reine Alice Tharros dut forcer sur ses bras pour repousser les battants qui obstruaient la fenêtre. Volets : 1 - Alice : 0
La météo n’était pas favorable pour les récoltes. On ne manquait pas d’eau, mais les températures, dignes d’une fin d’hiver, ne favorisaient pas les bourgeons. Les graines se noyaient dans les sillons des champs et les animaux rechignaient à engendrer à cause du froid. Ça m'a l'air d'être le début d'une excellente année pour les standards médiévaux ça :roll:
Alice bloqua ses volets puis tourna le dos au paysage. Il était encore trop tôt pour ces questions. Toute sa journée y serait dédiée. En face du lit à baldaquins encore défait, un feu crépitait généreusement dans l’âtre. Son corps ensommeillé la faisait frissonner. Elle éprouva une bouffée de reconnaissance pour Jenna, la domestique en chef, à la vue du broc d’eau fumante posée sur sa coiffeuse. Sans se soucier d’éclabousser le miroir, elle s’aspergea le visage et la nuque.
Sa tenue était déjà prête, préparée la veille à l’aide de ses domestiques. Alice recevait l’un de ses conseillers aujourd’hui, de retour d’une négociation avec les Terres du Sud. Sora ? :)En conséquence, elle avait opté pour un pantalon bouffant typique de la région. Son haut, assorti en termes de couleurs à défaut de la coupe, était de tradition occidentale. Avec un coup d’œil au ciel gris, la reine grimaça. Un châle par-dessus son long gilet écru ne serait pas de trop.
Une fois les vêtements enfilés, elle se planta devant le miroir de la coiffeuse. Il était couvert de gouttelettes. Alice s’assura que le mélange de couleurs qu’elle avait choisi – écru et sable – ne jurait pas avant de s’attaquer à sa chevelure. Ses mèches souples lui obéirent sans rechigner malgré l’humidité. Les couronnes de tresses dont elle avait pris l’habitude de se parer se formèrent sans mal entre ses doigts fins. Elle avait eu besoin de l’aide des domestiques dans un premier temps. Les gestes étaient rapidement devenus familiers.
Tant de gestes étaient devenus familiers : sa signature au bas des édits, ses poignées de main avec les marchands Sudistes, ses saluts envers les Occidentaux lors de ses sorties, ses petits mouvements de doigts pour appeler une brise ou une étincelle.
Alice sourit, essuya les gouttes sur le miroir à l’aide d’un linge. La coiffeuse avait appartenu à sa grand-mère, qu’elle avait toujours bien appréciée. Elle ne voulait pas en ternir l’éclat.

La journée avait déjà commencé depuis plusieurs heures pour certains membres du Château. Les cuisiniers s’affairaient pour lever les pains, garnir les tourtes et presser les fruits. Ils finiraient pourtant bien plus tôt que d’habitude. La reine avait exigé de rationner les festins, même royaux, en réponse aux mauvaises récoltes. Les temps étaient durs pour toutes les Terres, les ceintures se serraient dans chaque foyer. La famille royale avait demandé un effort à ses Nobles et, si les artistes ou invités de passage trouvaient à se plaindre, ils pouvaient toujours trouver la porte. J'aime beaucoup la mentalité :lol:
Alice se faufila à travers les couloirs, salua quelques domestiques affairés, s’arrêta pour discuter avec l’un des invités, une Noble, de l’état de ses terres. Leur discussion s’acheva sur une prière pour les Dieux. Les divinités avaient gagné en présence dans la vie des croyants. Elles avaient été craintes ou ignorées par une partie de la population pendant des siècles. Les prières murmurées au coin du feu, à l’orée des bois, face à l’océan ou au fond de l’esprit avaient crû depuis quelques années. Les Oneirians de toute origine s’accordaient à dire que leurs divinités s’étaient faites plus miséricordieuses. Les Sudistes avaient connu un bond économique grâce à des déserts moins cruels et des routes plus pérennes. Les Nordistes, qui souffraient d’hiver moins rudes, s’établissaient en villages. Les Orientaux chantaient plus forts les louanges de la nature et les Occidentaux se réjouissaient de prouesses technologies pour leur agriculture ou leur commerce maritime. Et tout ça grâce à qui ? x)

Alice conservait un regard pensif tandis qu’elle descendait les escaliers en direction du rez-de-chaussée. Elle pouvait se féliciter du retour des Dieux dans la vie des Oneirians. Pour autant, elle s’empêchait de s’en gorger de gloire. Les Divinités Primordiales d’Oneiris restaient des êtres dépourvus de la considération humaine. Avaient-ils conscience des changements météorologiques qu’avaient apporté l’adoucissement des hivers nordistes et la diminution du désert ? Des conséquences sur l’agriculture, l’élevage et le commerce ? Non, m'enfin vous avez survécu jusque là avec un Calamity sauvage qui se baladait entre deux prés quand ça lui chantait, donc je pense que vous survivrez bien à un petit changement climatique, surtout s'il se fait en douceur…
C’était trop tôt pour évaluer les dégâts à long terme, mais l’inquiétude des habitants croissait. Celle de leurs dirigeants avec eux. Quand trouveraient-ils un équilibre météorologique suffisant pour repenser les cultures ? Après quelques années de recul certainement.
La jeune reine reprit ses esprits dès que son talon toucha le tapis épais sur lequel aboutissaient les escaliers. Les fleurs que chérissait sa mère embaumaient l’air matinal. Bientôt, les bougies, les lampes à huile et les commérages épaissiraient l’atmosphère du Château. En attendant, Alice inspira à pleins poumons. En resserrant les bords de son gilet contre ses flancs, elle se dirigea vers le salon de sa mère. Elles avaient pris l’habitude d’y déjeuner en tête-à-tête, alimentant leur moment d’intimité de débats autour de la lecture, de la botanique ou des meilleures montures des écuries. De tous les sujets qui pouvaient les toucher de loin, mais ne touchaient surtout pas de près la politique. Les doléances, la gouvernance et les lois occupaient le reste de leur temps. Ouais, je pense qu'elles sacrifient déjà bien assez de temps à la gestion du royaume pour en plus en faire leur sujet de conversation au p'tit dej.
— Bonjour.
L’ancienne reine Tharros était occupée à verser du thé noir dans une tasse quand sa fille poussa la porte. Deux causeuses d’un ocre rouge se faisaient face, séparées par une table basse en bois de cerisier. Le vent faisait trembler les vitres.
— Bonjour, Alice.
L’intéressée referma derrière elle. Un tapis aux motifs concentriques rouges et orange habillait la pièce. Une tenture assortie occupait l’un des murs. Une cheminée parée de marbre clair lui faisait face. Ce salon ne recevait jamais de voyageurs. En cela, il constituait un havre hors du temps pour la reine et sa mère.
— Je te sers du thé ? Les cuisiniers m’ont donné deux petits bains au beurre et un pot de leur dernière confiture.
Trianna Tharros adressa un sourire complice à sa fille. Les ridules au coin de ses yeux argentés s’animèrent pour égayer son visage.
— Ils comptent sur nous pour savoir si la poire est meilleure que la cerise.
Une fois installées face à face et régalées de pains au beurre garnis de confiture, les deux femmes entamèrent une discussion autour de la prochaine décoration de la Gran’Salle. La couronne occidentale faisait appel chaque année à des décorateurs et artistes pour sublimer la salle de rencontre du Château. Aucune influence n’était rejetée. La Gran’Salle était actuellement aux couleurs d’un Sanctuaire avirien, celui de la Paix. Des Gardiens avaient fait le voyage jusqu’à l’Ouest afin d’apporter tentures, vases, sculptures de bois et chandeliers. Lilice qui gère son règne :mrgreen: Ça fait plaisir à voir en vrai qu'elle récupère un petit bout de chaque.
— Je pensais que mettre les Terres du Nord à l’honneur serait une bonne idée, souffla Trianna en reposant sa tasse thé noir. Nos traités de commerce se sont considérablement multipliés ces dernières années. Pourtant, nous n’avons encore jamais habillé la Gran’Salle selon leurs coutumes.
— Ce serait une bonne idée, en effet.
Une lueur malicieuse aiguisa le regard de Trianna.
— Tu reçois Soraya en compagnie des envoyés Sudistes cet après-midi, n’est-ce pas ? Tu devrais lui soumettre l’idée. Elle pourrait éventuellement te conseiller sur d’éminents Nordistes à inviter au Château pour qu’ils nous aiguillent sur les décorations.
Alice acquiesça en souriant. La perspective de débattre sur « d’éminents Nordistes » en compagnie de Soraya réchauffait le printemps morne qui s’était abattu sur l’Ouest.
— Il me semble que cette guerrière qui nous a rendu visite en automne dernier avait un certain goût pour son environnement. Nous avons bien discuté à propos des plantes et des fleurs.
— Silja des Valkov ? La tante d’Achalmy ?
— Exact ! s’enthousiasma l’ancienne reine en remplissant sa tasse vide.
— Tu penses qu’elle prendrait le temps de rester quelques semaines sur place pour discuter de la décoration du Château ? C’est une femme plutôt… terre-à-terre. Sans compter les responsabilités qu’elle détient encore pour son clan.
Le visage de Trianna se plissa alors qu’elle se renfonçait dans la causeuse.
— Sa fille et son neveu sont à la tête du clan Valkov à présent, elle doit pouvoir compter sur leur indépendance.
— Je l’ignore. (Alice mordilla sans conviction un pain au beurre.) Je demanderai à Achalmy.
Trianna plongea le nez dans sa tasse, souffla pour former des vaguelettes à sa surface puis gonfla ses poumons. Elle agaçait sa fille avec ce sujet depuis des années, une fois de plus ne pourrait pas la tuer. C'est bien une mentalité de parent ça :lol:
— Sais-tu au moins où il est ? Sa dernière lettre remonte à deux semaines. Sans compter qu’il n’a pas mis les pieds au Château depuis l’hiver dernier.
— Je sais bien, grommela Alice en se redressant, les épaules tendues. D’après sa lettre, il réglait des soucis à la frontière avec le Nord. Il devait aussi apporter de l’aide au Maître d’Armes Soho.
Une moue dubitative glissa sur les traits de l’ancienne reine. Alice l’ignora puis se leva avec aplomb.
— Je te remercie pour le petit-déjeuner, maman.
Alors que la reine tournait les talons pour sortir du salon, Trianna lança avec affection :
— Je serai toujours à tes côtés, mon étincelle.
La main sur la poignée, Alice tourna le cou pour lui sourire.
— Et je t’en remercie. Tes conseils m’ont toujours guidée au mieux.
Préférant ne pas laisser s’installer la nostalgie ou les craintes, Alice ouvrit le battant en grand et sortit.

Alice avisa le candélabre installé près de son trône, estima le temps qui s’était écoulé au raccourcissement des bougies. Presque une heure. De nervosité, elle entama l’ongle de son pouce gauche, s’efforça d’arrêter. Ses doigts agités se jetèrent sur son pendentif. Elle tira sur les fines mailles argentées pour lorgner le bijou. Le Saphir des Glaces qu’Achalmy lui avait confié n’avait rien perdu de sa superbe. Elle l’observa suffisamment pour apaiser son esprit puis se leva. La Gran’Salle frémissait d’être si vide. Les feux des trois âtres faisaient crépiter l’air. Mais plus une parole, plus un cri, plus un murmure. Les oreilles d’Alice semblaient bourdonner après avoir passé des heures à écouter des doléances. Le silence lui était presque pénible. Surtout lorsque son appréhension était le seul élément pour le combler.
L’un des grands battants qui donnait accès à l’antichambre s’entrouvrit. Le valet affecté à la surveillance de cette entrée s’approcha d’un pas rapide.
— Ma Reine, votre conseillère et les émissaires Sudistes sont arrivés. Puis-je les faire entrer ?
Une vague de soulagement mêlée de joie redressa le buste de la jeune femme. Elle ordonna au valet de s’exécuter tandis qu’elle rejoignait le trône d’un pas leste.
Avant même d’apercevoir son amie, Alice la reconnut aux tintements des bijoux d’or qui paraient ses poignets et son cou. Elle ne s’en séparait jamais.
— Bienvenue.
La voix d’Alice avait porté pour couvrir les froissements de vêtements, le frottement des bottes et les murmures de découverte. Cinq personnes traversèrent la pièce pour venir s’incliner face à l’estrade. La reine les observa tour à tour en les saluant chacun d’un sourire modelé. Le plus chaleureux s’adressa à Soraya, dont les boucles brunes étaient relevées en chignon lâche. Elle revenait tout juste du Sud en compagnie de quatre émissaires. La connaissant, Alice la soupçonnait d’avoir pris le temps de se faire couler un bain pour se décrasser de son voyage avant de se tenir face à sa souveraine. Soraya embaumait d’ailleurs l’atmosphère d’un parfum fleuri.
— Je vous remercie de nous recevoir en personne, Reine Alice.
L’un des émissaires, d’âge moyen, s’était avancé. Il avait la peau mate et des cheveux noirs coiffés en arrière. Alice comprit aux bijoux de belle facture et aux tissus soyeux qui le couvraient qu’il s’agissait d’un marchand. Son identité fut levée de tout mystère.
— Marchand Mahid. (Elle se leva pour descendre les marches avant de lui tendre la main.) C’est un honneur de vous rencontrer.
Le Sudiste accepta la poignée d’un air solennel. Les trois autres émissaires serrèrent à leur tour le poignet de la Reine. Un salut sudiste encore peu familier de la cour occidentale, mais qui était nécessaire aux yeux de la jeune reine. L’Ouest avait trop longtemps méprisé les traditions étrangères à son goût. L’ouverture d’esprit et l’apprentissage de nouvelles mœurs lui avait permis de rassembler les Divinités Primordiales. Elle ne comptait pas s’arrêter en si bon chemin.
Soraya ne chercha pas à masquer leur amitié. Avec un soupir de contentement, elle attira la reine dans ses bras. Ses yeux de miel sombre luisaient avec douceur quand elles se séparèrent.
— J’espère que vous avez fait bon voyage.
— Aussi bien que l’on peut avec cette pluie et ce froid, grommela Soraya en époussetant sa cape de voyage aux motifs de fleurs brodés en fil doré.
Alice lui adressa un sourire de connivence en retournant s’asseoir sur son trône. Le voyage vers l’Ouest avait dû être encore plus pénible comme ils quittaient les terres clémentes du Sud.
— Je reviens pourtant avec plusieurs très bonnes nouvelles, embraya sa conseillère en indiquant ses pairs d’un geste ample du bras. Tu as déjà fait la connaissance du marchand Mahid. Laisse-moi te présenter Nadine et Soran.
Les intéressés s’avancèrent d’un pas. Mère et fils, jugea Alice. Ils partageaient un regard d’un or pétillant et un généreux sourire à fossettes.
— Ce sont les deux volontaires dont je t’ai parlé avant d’entreprendre mon voyage, l’informa Soraya en grimpant la première marche de l’estrade.
Nadine ne quittait plus Alice des yeux. Son regard frappant ne la déstabilisa pas. Cette femme avait tous les droits de la soumettre à l’épreuve. Elle venait offrir ses compétences de Souffleuse – et celles de son fils – à la Garde Royale. En échange, deux Nobles eux aussi volontaires avaient rejoint les forces de l’armée impériale de Lissa, capitale du Sud. Très bonne idée ça !
— J’espère de tout cœur que votre intégration se déroulera sans accrocs, affirma Alice en inspectant la mère et le fils. Le commandant Wilson vous rencontrera personnellement afin de vous initier au fonctionnement de notre armée.
— Nous vous remercions de votre confiance, Reine Alice.
L’intéressée pianota distraitement sur l’accoudoir du trône.
— Il s’agit d’une relation entre vos Terres et les miennes née de la confiance de votre souverain en la proposition de ma conseillère.
Soraya fut bien la seule à percevoir le fiel contenu dans les paroles de la jeune reine. L’empereur Dastan avait blessé les deux amies, mais elles devaient composer avec le personnage. Le frère de Soraya avait pris les rênes de l’Empire, mais prêtait une oreille attentive à toutes les amorces de diplomatie en provenance de l’Ouest. Que sa propre sœur fût l’intermède devait aider. Il mérite des claques lui. Mais s'il gère son Empire mieux que Sora l'aurait fait, je veux bien le tolérer. Vaguement.
— Par ailleurs, ajouta Soraya en se plaçant aux côtés du marchand, nous avons la chance de compter sur la présence de Mahid.
— Voyons, bredouilla ce dernier en agitant les mains, c’est tout à fait naturel. Votre frère va épouser ma fille, alors…
Le visage d’Alice se fendit d’un sourire. Le mariage de Milash, qui aurait lieu à l’été, amenait quelques rayons de soleil au milieu du ciel gris qui les surplombait tous. Le prince occidental avait attendu plusieurs années après sa rencontre avec la fille de Mahid avant d’annoncer à sa mère et à sa sœur son désir de fiançailles. Doretha, la fille de Mahid, était une mathématicienne logée au Palais d’Or. Elle avait rencontré le prince lors d’une expédition diplomatique. Alice s’était d’abord étonnée de l’attirance de son frère, porté sur les arts et les divertissements, pour cette jeune femme sérieuse et dédiée à sa vocation. Leur idylle, plus mesurée que leurs passions respectives pour les arts ou les mathématiques, s’était pourtant éternisée. Les fiançailles avaient alors été annoncées.
Soraya, en qualité de conseillère diplomatique, s’était évidemment réjouie de cette nouvelle. Du sang étranger dans la famille royale ferait certainement jaser, mais Doretha était une âme calme et rigoureuse. Sa solidité et sa tranquillité contrebalanceraient sans mal les ragots et rumeurs enflammés des Nobles occidentaux. Sans compter que les mariages croisés seraient de plus en plus fréquents au fil des années afin de renforcer l’unité oneirianne.

Alice écourta la rencontre. Elle annonça aux émissaires qu’elle discuterait avec chacun d’entre eux en privé. En attendant, elle les invita à prendre place dans les chambres qu’on leur avait réservées. Tandis que les Sudistes s’éloignaient, Soraya attendit en bas des marches que son amie la rejoignît.
— J’ai une petite surprise pour toi, roucoula Soraya d’un ton bien trop satisfait. Sora entremetteuse jusqu'au bout x)
Alice soupira, mais ne put s’empêcher de la talonner. Les surprises de son amie ne l’avaient jamais déçue. La Sudiste la précéda dans l’antichambre, où elle se tourna vers la reine.
— Ferme les yeux.
Rictus songeur aux lèvres, Alice obéit. Un animal de compagnie en provenance du Sud ? Des richesses exotiques originaires des terres mystérieuses que les Sudistes exploraient parfois ? Tiens je serais curieuse de savoir quelles terres il y a en-dehors d'Oneiris et Mor-Avi…
Des bruits de pas la firent démentir. La surprise se révélait être un Humain. Alice sentit ses lèvres se crisper. Il n’y avait pas trente personnes que Soraya pouvait lui…
— Salut. Wesh. La politesse môssieur.
Alice rouvrit les paupières, croisa les mains devant elle. Tendresse simple et amour froissé se percutèrent dans sa poitrine. Avec une moue accusatrice qu’elle ne chercha pas à masquer, elle s’avança vers le nouveau venu.
— Bonjour, Al.
Quelques mèches brunes s’étaient échappées de son catogan pour lui tomber devant les yeux. Elle s’étonna de lui trouver bonne mine. Sa peau habituellement claire était indéniablement bronzée.
— Où est-ce que tu étais ? s’étonna Alice en l’inspectant de la tête aux pieds. Ta dernière lettre remonte à plus de deux semaines. Où est-ce que tu as pris ces couleurs ? Il ne devait pas y avoir beaucoup de soleil à la frontière nord.
Un sourire penaud étira ses lèvres alors qu’il tendait la main pour lui frôler le poignet.
— On peut rien te cacher, petite Reine.
Alice se contenta de le dévisager. Il était son conseiller diplomatique avec le Nord depuis des années ; il ne pouvait pas se permettre de voyager par monts et par vaux sans l’avertir au préalable. Et, pour la place qu’il avait dans son cœur, elle ne pouvait s’empêcher de se montrer plus craintive qu’à l’accoutumée.
— J’étais à Ma’an, expliqua-t-il sans attendre. J’ai fait le chemin de retour en compagnie de Soraya et des envoyés Sudistes.
La stupéfaction ébranla la façade crispée de la reine. Elle se reprit sans tarder, plus pâle que les roses d’hiver tardives qui fleurissaient dans les pots décoratifs de l’antichambre.
— À Ma’an ? Tu avais une mission là-bas ? Je croyais que tu travaillais avec Maître Soho et ton père sur la sécurité des routes dans les Collines de Minosth ?
— C’était le cas. Mais j’avais une dernière chose à régler. C’est fait à présent.
Alice se contenta de respirer pendant quelques secondes. Puis elle soupira en lorgnant son compagnon d’un air irrité.
— J’imagine que c’est cette « dernière chose » qui t’a blessé ?
Achalmy tressaillit. Puis s’esclaffa.
— Par Lefk, j’ai fini par déteindre sur toi, Lice.
Le surnom, d’abord utilisé par Soraya, s’était naturellement imposé entre eux.
— Comment tu as su ? s’étonna la Sudiste en coulant un regard mi-admiratif mi-suspicieux à son amie.
— Il ne se tient pas comme d’habitude, grogna Alice en considérant Al d’une œillade critique. Le dos moins droit, le menton moins fier, plus le poids sur la jambe gauche.
Le rictus satisfait qu’afficha Achalmy tira une grimace à Alice.
— Alors, tu peux répondre à mon interrogation ? Cette « dernière chose » ?
— Alessa, une voleuse.
La jeune reine cligna des yeux sans comprendre. Soraya marmonna un juron entre ses dents avant de secouer la main.
— Je vais vous laisser ici, les tourtereaux. Je n’ai pas envie d’être électrisée si tu choisis mal tes mots, Al.
— Voyons, Soraya, grommela Alice en croisant les bras.
L’intéressée s’était déjà éloignée dans le couloir en riant.
— Tu te rappelles, quand on est rentrés du Noyau la première fois ? Après que j’aie ressuscité ?
— Bien sûr, souffla Alice en adoucissant son expression. C’était dur, à cette époque.
Achalmy s’approcha d’un pas pour combler la distance qu’elle avait instaurée entre eux.
— On a dormi dans une auberge à Ma’an. Tu avais une chambre avec Soraya. Wilwarin et moi, chacune la nôtre.
Alice leva la main d’un air autoritaire. Son compagnon se tut aussitôt.
— Je me rappelle cette histoire. Une jeune femme a cherché à te tuer. (Une ombre couvrit l’indigo de ses yeux.) Al, ne me dis pas que tu as…
— Non, elle est vivante, Alice.
Il lui avait saisi le poignet. La reine garda une posture de retrait pendant un moment avant de se détendre.
— C’est elle qui t’a blessé. Elle s’est enfuie ?
— Oui. Je ne voulais pas laisser cette menace dans ma vie. Je me suis rendu à Ma’an, je l’ai retrouvée et je l’ai défiée. Alessa est devenue cheffe de son gang. Nous nous sommes battus, mais j’ai fini par être en position de force. (Un sourire fugace plissa sa bouche.) Comme la première fois, je lui ai proposé d’en rester ici. Elle a été sage. Elle a songé au bien-être de son gang, des jeunes filles qu’elle a accueillies ces dernières années pour les protéger, plutôt qu’à sa fierté.
Alice glissa ses doigts le long du bras du jeune homme jusqu’à son épaule.
— Tu devrais en prendre de la graine, Achalmy.
Il afficha de nouveau une expression penaude. Ses yeux se firent plus vifs lorsqu’Alice se hissa sur la pointe des pieds pour déposer un baiser sur sa joue. Elle ne se permettait jamais de faire plus au milieu des couloirs du Château. Si les rumeurs couraient, leur relation n’avait rien d’officiel.
Alice aurait aimé annoncer des fiançailles au même titre que son frère. Elle avait pourtant dû se soumettre au comportement imprévisible d’Al au cours des dernières années. Il lui était arrivé de passer six mois à ses côtés comme de partir du jour au lendemain pour tout un hiver. La flamme avait plus d’une fois vacillé entre eux. Sans compter la pression grandissante qu’Alice subissait en tant que reine célibataire. Son lit marital vide et son absence d’héritiers arrachaient des grommellements à certains Occidentaux.
Elle-même avait fini par faire pression sur son compagnon. Sans mariage officiel, ils ne pouvaient se montrer au grand jour ni même laisser planer la promesse d’un héritier. Sans compter que partager la même couche les exposait à un risque d’enfant illégitime. Après plusieurs années passées au sein de la société occidentale, Al avait conscience des devoirs de sa compagne. Il avait pourtant eu du mal à les accepter.

Ils étaient toujours enlacés, plantés au milieu de l’antichambre avec la même immobilité que le mobilier. Al fut le premier à se mouvoir, se servant de ses bras pour repousser la reine avec douceur.
— J’imagine que tu as dû t’inquiéter. Je suis désolé pour ça, Lice.
— Et si tu étais mort ?
— C’était un risque, reconnut-il du bout des lèvres. Mais, à présent, je suis libéré de toute dette ou menace. Je peux…
— Je ne peux pas, Al.
La voix cassée d’Alice le fit tressaillir. Menton froissé, Alice se détournait de lui.
— Je ne peux plus subir tes absences imprévues, tes coups-de-tête potentiellement mortels ou ton manque d’engagement. Je t’aime, Achalmy, mais je suis reine.
Le dilemme n’aurait pu être plus clair. Al se contenta de sourire faiblement en prenant la main de sa compagne.
— Je t’ai donné mon amour, ma patience et ma tolérance, ajouta Alice d’une voix univoque.
— Et c’est à mon tour, acquiesça Achalmy d’un ton rauque. Je suis navré, Lice. Pour l’image que les Occidentaux ont de toi par ma faute.
— Tous ne pensent pas qu’une reine célibataire à vingt-trois ans est une tragédie, le rassura-t-elle avec un soupir. Pourtant, avec le mariage imminent d’Ash, je…
Secouée par le flot qui grimpa jusqu’à ses paupières, Alice papillonna des yeux. Si elle n’avait pas toujours pu faire confiance à Al pour sa stabilité, elle avait tiré en lui de la force et de l’assurance. Et ces dernières la quittaient brutalement alors que la perspective de leur séparation semblait imminente.
— À présent que je suis libéré de toute contrainte, reprit Achalmy d’un ton solennel, je peux t’épouser.
Quelques secondes suffirent à peine à Alice pour comprendre l’étendue des mots. Ils avaient été prononcés par la simplicité rugueuse d’Al et son héritage Nordiste.
— Tu… es sincère ?
— Un Nordiste s’encombre de fausses paroles ?
Alice s’esclaffa. Dans l’immédiat, elle ne trouvait pas d’autres réactions à la hauteur de sa tempête intérieure. Les yeux mouillés, elle agrippa les poignets de son compagnon, enfonça les ongles dans sa peau.
— Imbécile, imbécile… (Alice se laissa glisser vers l’avant jusqu’à son front tapât la poitrine d’Al.) Six ans, immense imbécile.
— Je suis un peu lent sur certains points… mais je t’aime vraiment. Ça y est, je craque *-*
Alice soupira. C’étaient des mots simples. Ils lui suffisaient amplement.
— Très bien, cher époux. Ta première mission est de me faire ta demande publiquement et officiellement. Dans une semaine, mon frère remonte du Sud en compagnie de sa fiancée.
La jeune reine se redressa, agrippa le visage de son compagnon entre ses mains. Al avait blêmi à l’annonce du « publiquement et officiellement » sans oser protester.
— Tu en profiteras pour me demander en mariage.
— Ça… ne fera pas jaser ?
Un rire à moitié sauvage roula dans la bouche de la jeune reine.
— N’importe quel prétendant ferait jaser. Si tu ne te transformes pas en loup ou que tu ne te mets pas à te lécher les mains, tout devrait bien se passer, Al.
Avec un mince sourire, il joignit ses doigts aux siens avant de les embrasser.
— Je te fais confiance, alors.
— C’est bien la moindre des choses.
Ils se serrèrent de nouveau l’un contre l’autre. S’embrassèrent sans hâte.
À l’angle du couloir, Soraya ricana.
— Vous êtes d’une prudence navrante, tous les deux.
Le jeune couple la considéra d’un air surpris. Achalmy comme Alice étaient persuadés qu’elle s’était enfoncée dans les couloirs à la suite des autres.
— Ne me regardez pas comme ça, grommela Soraya en croisant les bras. Moi aussi, j’attends depuis six ans d’organiser le mariage le plus grandiose de tout Oneiris.
— Par les Dieux, Soraya…
— Plutôt mourir, cracha Al en retroussant la lèvre.
Loin de se laisser intimider, Soraya lui adressa un clin d’œil.
— Tu me dois bien ce mariage, rustaud de Nordiste, après avoir fait patienter ta reine aussi longtemps.
Achalmy chercha de l’aide auprès d’Alice, mais elle se contenta de hausser les épaules.
— J’aime l’idée d’un mariage occidento-nordiste organisé par une Sudiste. Aled. x)
— Attendez que j’invite l’orchestre oriental d’Enetari. ALED x)
Soraya s’était avancée pour leur empoigner à chacun un bras. Une lueur sauvage illuminait ses pupilles, réponse au sourire impatient qui déformait ses lèvres.
— Dans quoi je me suis fourré ? déplora Al en fermant les yeux.
Préférant l’ignorer, Alice le lâcha et se pencha vers son amie.
— Tu as des idées pour la cérémonie, j’imagine ? J’ai hâte de les entendre.
Comme elles s’éloignaient bras-dessus bras-dessous, Al se redressa et leur emboîta le pas.
Leurs rires carillonnaient dans le Château. Amenèrent un peu de lumière.
L’hiver prenait réellement fin.
Bon. Alors.

Aled.

J'ai un brain-freeze c'est terrible.

C'est fini.

Attends comment ça c'est fini ?

Wait.

Plus de dieux à sauver ? Plus d'Aion relou à supporter ?

Ça va pas du tout dis-moi !

Bon plus sérieusement, cet épilogue en jette. On sent bien qu'Alice a grandi (six ans… wahhh !) et qu'elle gratte des éléments de culture et de morale à droite et à gauche. J'aime bien le règne que ça laisse présager pour elle, avec beaucoup d'ouverture d'esprit et de bienveillance envers les traditions des autres régions, royaumes ou même continents.
Al est toujours un benêt, mais ça a l'air d'aller de mieux en mieux. Sora est toujours une gamine de première quand il s'agit de jouer les entremetteuses, mais j'adore x)

C'est une jolie conclusion à toute cette aventure. Tu laisses présager pas mal de choses pour la suite du monde d'Oneiris. Du côté de nos Al², ils apprennent enfin à se poser ensemble j'ai l'impression, même si ça se sent que la cohabitation va demander des efforts des deux côtés. Mais, au vu de ce qu'ils ont déjà vécu ensemble, personne ne doute qu'ils en seront capables, et qu'ils le feront.

J'ai vaguement lu en diagonale les premiers chapitres de l'Enfant des Tempêtes (ça en jette !), je te ferai un comm plus propre là-dessus après, mais d'ici-là, je veux finir sur Oneiris. Ça a beau être un entraînement pour toi (et ça a été une galère à certains moments, on l'a tous vu), mais tu nous a transportés dans ton univers, et c'était vraiment, vraiment, vachement bien. Donc bravo à toi pour avoir achevé cette saloperie de roman x) ça en valait totalement le coup. Et merci de nous avoir embarqués avec Al² dans les galères spatio-temporelles, les voyages, les rencontres avec des divinités toutes plus instables les unes que les autres, pour un bel univers qui, mine de rien, s'est pas mal étoffé au fur et à mesure… bref, merci ♥

À bientôt quand je mettrai enfin des mots sur la lecture de la novella !
Zoubisous !
louji

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Re: Oneiris - Tomes I (terminé) et II (en cours) [Heroic fantasy]

Message par louji »

vampiredelivres a écrit : mar. 18 janv., 2022 2:27 pm
louji a écrit : ven. 24 sept., 2021 7:01 pm Eeeeeet zé la fin !!

Bonsoir. Fin bonjour. Fin je suis à la bourre.
Donx. Je réalise que je voulais commenter la novella… et que je n'ai même pas encore commenté la fin. Donc let's go.
:arrow: Haha pas de soucis !




Épilogue
Reine



An 506 après le Grand Désastre, 3e mois du printemps, Château du Crépuscule, Terres de l’Ouest.



Ce n’était pas un très beau jour de printemps. Représentatif du reste de la saison, il était froid et alourdi d’un bas ciel gris. Un vent moite – mais guère chaud – en provenance du sud faisait claquer les volets contre les façades de pierre du Château du Crépuscule. La reine Alice Tharros dut forcer sur ses bras pour repousser les battants qui obstruaient la fenêtre. Volets : 1 - Alice : 0
La météo n’était pas favorable pour les récoltes. On ne manquait pas d’eau, mais les températures, dignes d’une fin d’hiver, ne favorisaient pas les bourgeons. Les graines se noyaient dans les sillons des champs et les animaux rechignaient à engendrer à cause du froid. Ça m'a l'air d'être le début d'une excellente année pour les standards médiévaux ça :roll: :arrow: mdr oui une bonne année en perspective :roll:


La journée avait déjà commencé depuis plusieurs heures pour certains membres du Château. Les cuisiniers s’affairaient pour lever les pains, garnir les tourtes et presser les fruits. Ils finiraient pourtant bien plus tôt que d’habitude. La reine avait exigé de rationner les festins, même royaux, en réponse aux mauvaises récoltes. Les temps étaient durs pour toutes les Terres, les ceintures se serraient dans chaque foyer. La famille royale avait demandé un effort à ses Nobles et, si les artistes ou invités de passage trouvaient à se plaindre, ils pouvaient toujours trouver la porte. J'aime beaucoup la mentalité :lol: :arrow: Clairement Alice a la flemme x)
Alice se faufila à travers les couloirs, salua quelques domestiques affairés, s’arrêta pour discuter avec l’un des invités, une Noble, de l’état de ses terres. Leur discussion s’acheva sur une prière pour les Dieux. Les divinités avaient gagné en présence dans la vie des croyants. Elles avaient été craintes ou ignorées par une partie de la population pendant des siècles. Les prières murmurées au coin du feu, à l’orée des bois, face à l’océan ou au fond de l’esprit avaient crû depuis quelques années. Les Oneirians de toute origine s’accordaient à dire que leurs divinités s’étaient faites plus miséricordieuses. Les Sudistes avaient connu un bond économique grâce à des déserts moins cruels et des routes plus pérennes. Les Nordistes, qui souffraient d’hiver moins rudes, s’établissaient en villages. Les Orientaux chantaient plus forts les louanges de la nature et les Occidentaux se réjouissaient de prouesses technologies pour leur agriculture ou leur commerce maritime. Et tout ça grâce à qui ? x) :arrow: Pas à Aion :ugeek:

Alice conservait un regard pensif tandis qu’elle descendait les escaliers en direction du rez-de-chaussée. Elle pouvait se féliciter du retour des Dieux dans la vie des Oneirians. Pour autant, elle s’empêchait de s’en gorger de gloire. Les Divinités Primordiales d’Oneiris restaient des êtres dépourvus de la considération humaine. Avaient-ils conscience des changements météorologiques qu’avaient apporté l’adoucissement des hivers nordistes et la diminution du désert ? Des conséquences sur l’agriculture, l’élevage et le commerce ? Non, m'enfin vous avez survécu jusque là avec un Calamity sauvage qui se baladait entre deux prés quand ça lui chantait, donc je pense que vous survivrez bien à un petit changement climatique, surtout s'il se fait en douceur… :arrow: Mdr clairement ils vont gérer je pense !
. Des Gardiens avaient fait le voyage jusqu’à l’Ouest afin d’apporter tentures, vases, sculptures de bois et chandeliers. Lilice qui gère son règne :mrgreen: :arrow: Elle y tenait ! Ça fait plaisir à voir en vrai qu'elle récupère un petit bout de chaque.
— Je pensais que mettre les Terres du Nord à l’honneur serait une bonne idée, souffla Trianna en reposant sa tasse thé noir. Nos traités de commerce se sont considérablement multipliés ces dernières années. Pourtant, nous n’avons encore jamais habillé la Gran’Salle selon leurs coutumes.
— Ce serait une bonne idée, en effet.
Une lueur malicieuse aiguisa le regard de Trianna.
— Tu reçois Soraya en compagnie des envoyés Sudistes cet après-midi, n’est-ce pas ? Tu devrais lui soumettre l’idée. Elle pourrait éventuellement te conseiller sur d’éminents Nordistes à inviter au Château pour qu’ils nous aiguillent sur les décorations.
Alice acquiesça en souriant. La perspective de débattre sur « d’éminents Nordistes » en compagnie de Soraya réchauffait le printemps morne qui s’était abattu sur l’Ouest.
— Il me semble que cette guerrière qui nous a rendu visite en automne dernier avait un certain goût pour son environnement. Nous avons bien discuté à propos des plantes et des fleurs.
— Silja des Valkov ? La tante d’Achalmy ?
— Exact ! s’enthousiasma l’ancienne reine en remplissant sa tasse vide.
— Tu penses qu’elle prendrait le temps de rester quelques semaines sur place pour discuter de la décoration du Château ? C’est une femme plutôt… terre-à-terre. Sans compter les responsabilités qu’elle détient encore pour son clan.
Le visage de Trianna se plissa alors qu’elle se renfonçait dans la causeuse.
— Sa fille et son neveu sont à la tête du clan Valkov à présent, elle doit pouvoir compter sur leur indépendance.
— Je l’ignore. (Alice mordilla sans conviction un pain au beurre.) Je demanderai à Achalmy.
Trianna plongea le nez dans sa tasse, souffla pour former des vaguelettes à sa surface puis gonfla ses poumons. Elle agaçait sa fille avec ce sujet depuis des années, une fois de plus ne pourrait pas la tuer. C'est bien une mentalité de parent ça :lol: :arrow: Mdrrr oui tellement


Nadine ne quittait plus Alice des yeux. Son regard frappant ne la déstabilisa pas. Cette femme avait tous les droits de la soumettre à l’épreuve. Elle venait offrir ses compétences de Souffleuse – et celles de son fils – à la Garde Royale. En échange, deux Nobles eux aussi volontaires avaient rejoint les forces de l’armée impériale de Lissa, capitale du Sud. Très bonne idée ça ! :arrow: Soran on le revoit dans la novella en plus 8-)
— J’espère de tout cœur que votre intégration se déroulera sans accrocs, affirma Alice en inspectant la mère et le fils. Le commandant Wilson vous rencontrera personnellement afin de vous initier au fonctionnement de notre armée.
— Nous vous remercions de votre confiance, Reine Alice.
L’intéressée pianota distraitement sur l’accoudoir du trône.
— Il s’agit d’une relation entre vos Terres et les miennes née de la confiance de votre souverain en la proposition de ma conseillère.
Soraya fut bien la seule à percevoir le fiel contenu dans les paroles de la jeune reine. L’empereur Dastan avait blessé les deux amies, mais elles devaient composer avec le personnage. Le frère de Soraya avait pris les rênes de l’Empire, mais prêtait une oreille attentive à toutes les amorces de diplomatie en provenance de l’Ouest. Que sa propre sœur fût l’intermède devait aider. Il mérite des claques lui. Mais s'il gère son Empire mieux que Sora l'aurait fait, je veux bien le tolérer. Vaguement. :arrow: Dastan c'est clairement un personnage qu'on croise pas bcp alors qu'il a un gros poids dans le lore d'Oneiris... Mais ouais disons que Soraya était une telle cata qu'il peut un peu "que faire mieux".

Alice écourta la rencontre. Elle annonça aux émissaires qu’elle discuterait avec chacun d’entre eux en privé. En attendant, elle les invita à prendre place dans les chambres qu’on leur avait réservées. Tandis que les Sudistes s’éloignaient, Soraya attendit en bas des marches que son amie la rejoignît.
— J’ai une petite surprise pour toi, roucoula Soraya d’un ton bien trop satisfait. Sora entremetteuse jusqu'au bout x) :arrow: C'est un running gag à ce point
Alice soupira, mais ne put s’empêcher de la talonner. Les surprises de son amie ne l’avaient jamais déçue. La Sudiste la précéda dans l’antichambre, où elle se tourna vers la reine.
— Ferme les yeux.
Rictus songeur aux lèvres, Alice obéit. Un animal de compagnie en provenance du Sud ? Des richesses exotiques originaires des terres mystérieuses que les Sudistes exploraient parfois ? Tiens je serais curieuse de savoir quelles terres il y a en-dehors d'Oneiris et Mor-Avi… :arrow: Haha bah écoute quand j'ai commencé à réfléchir à Oneiris, c'était une trilogie et le scénar était bien différent. Et les Al² descendaient loiiin au Sud et entraient en contact avec d'autres peuples 8-)
Des bruits de pas la firent démentir. La surprise se révélait être un Humain. Alice sentit ses lèvres se crisper. Il n’y avait pas trente personnes que Soraya pouvait lui…
— Salut. Wesh. La politesse môssieur. :arrow: Nordiste un jour, Nordiste toujours


Alice s’esclaffa. Dans l’immédiat, elle ne trouvait pas d’autres réactions à la hauteur de sa tempête intérieure. Les yeux mouillés, elle agrippa les poignets de son compagnon, enfonça les ongles dans sa peau.
— Imbécile, imbécile… (Alice se laissa glisser vers l’avant jusqu’à son front tapât la poitrine d’Al.) Six ans, immense imbécile.
— Je suis un peu lent sur certains points… mais je t’aime vraiment. Ça y est, je craque *-* :arrow: Faut bien un peu de sweetness
Bon. Alors.

Aled.

J'ai un brain-freeze c'est terrible.

C'est fini.

Attends comment ça c'est fini ?

Wait.

Plus de dieux à sauver ? Plus d'Aion relou à supporter ?

Ça va pas du tout dis-moi !

Bon plus sérieusement, cet épilogue en jette. On sent bien qu'Alice a grandi (six ans… wahhh !) et qu'elle gratte des éléments de culture et de morale à droite et à gauche. J'aime bien le règne que ça laisse présager pour elle, avec beaucoup d'ouverture d'esprit et de bienveillance envers les traditions des autres régions, royaumes ou même continents.
Al est toujours un benêt, mais ça a l'air d'aller de mieux en mieux. Sora est toujours une gamine de première quand il s'agit de jouer les entremetteuses, mais j'adore x)

C'est une jolie conclusion à toute cette aventure. Tu laisses présager pas mal de choses pour la suite du monde d'Oneiris. Du côté de nos Al², ils apprennent enfin à se poser ensemble j'ai l'impression, même si ça se sent que la cohabitation va demander des efforts des deux côtés. Mais, au vu de ce qu'ils ont déjà vécu ensemble, personne ne doute qu'ils en seront capables, et qu'ils le feront.

J'ai vaguement lu en diagonale les premiers chapitres de l'Enfant des Tempêtes (ça en jette !), je te ferai un comm plus propre là-dessus après, mais d'ici-là, je veux finir sur Oneiris. Ça a beau être un entraînement pour toi (et ça a été une galère à certains moments, on l'a tous vu), mais tu nous a transportés dans ton univers, et c'était vraiment, vraiment, vachement bien. Donc bravo à toi pour avoir achevé cette saloperie de roman x) ça en valait totalement le coup. Et merci de nous avoir embarqués avec Al² dans les galères spatio-temporelles, les voyages, les rencontres avec des divinités toutes plus instables les unes que les autres, pour un bel univers qui, mine de rien, s'est pas mal étoffé au fur et à mesure… bref, merci ♥

À bientôt quand je mettrai enfin des mots sur la lecture de la novella !
Zoubisous !
Hellooo
Et tout d'abord merci beaucoup pour ce commentaire ♥ Ça m'a fait super plaisir de le lire

Mais ouais c'est fini (si on oublie la novella) et je me suis sentie nostalgique en lisant ton com x)

Pour Alice, c'était plaisant de l'écrire en "vraie" adulte aussi ! Et son règne sera bien différent de celui de son père ui
Ouais Al c'est un ours il peut pas changer de fond en comble non plus !

Yes la fin est à demi-ouverte, on peut complètement s'arrêter là en comprenant où vont les persos et l'histoire, mais ça m'a permis d'enchaîner sur la novella quoi ^^

Yees pas de soucis pour la novella, merci !
"pour avoir achevé cette saloperie de roman x)" :arrow: haha cette phrase a résonné si fort en moi c'est beau. Mais ouais, je regrette pas du tout Oneiris, ça m'a appris plein de trucs, tant sur l'écriture en elle-même que des méthodes d'écriture (prendre une pause ça m'était encore jamais arrivé par ex). Et si j'ai pu proposer une aventure sympa à côté pour les lecteurs c'est vraiment cool. Je te remercierai jamais assez d'avoir mis ton nez sur le sujet en 2017 (oui, déjà x)) ce qui a mené à beaaucoup de discussions et d'enrichissements persos !

On se retrouve sur un autre sujet du fofo 8-)

Zoubi et encore merci ♥
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