Oneiris - Duologie + Novella [Heroic fantasy]

Postez ici tous vos écrits qui se découpent en plusieurs parties !

Question banale AF : quel est votre perso préféré ?

Alice
2
17%
Achalmy
2
17%
Mars
2
17%
Soraya
2
17%
Ace
0
Aucun vote
Zane
2
17%
Connor
1
8%
Vanä
1
8%
Wilwarin
0
Aucun vote
 
Nombre total de votes : 12
louji

Profil sur Booknode

Messages : 1724
http://tworzymyatmosfere.pl/poszewki-jedwabne-na-poduszki/
Inscription : lun. 02 sept., 2013 3:10 pm

Re: Oneiris - Tomes I (terminé) et II (en cours) [Heroic fantasy]

Message par louji »

vampiredelivres a écrit : sam. 08 mai, 2021 1:46 pm
louji a écrit : ven. 07 mai, 2021 10:04 pm Heyo ! On attaque quelques chapitres qui vont se dérouler au Château, j'espère qu'ils vous plairont.
Et déso, tout n'est pas forcément jojo 0/


Heyo !
Je me rends compte que je n'étais pas si en retard que ça en fait ! Du coup pour rattraper les quatre derniers chapitres sur lesquels je n'ai pas commenté :
1) Ça fait du bien de voir Alice de retour chez elle, après tout ce qu'elle a enduré. Par contre le pauvre petit Viktor, il m'a l'air totalement en PLS le chaton… J'espère vraiment que ça va finir par aller mieux. :arrow: Oui, c'est plaisant de la voir dans son foyer ! Viktor a clairement pris cher :'c
2) Eon est carrément space, oui, mais je l'adore :lol: Ça fait du bien de voir des Dieux déconnectés de la réalité, enfermés dans leur puissance. Les miens sont parfois un peu trop humains pour pouvoir faire ça, donc bon, avoir une entité totalement absurde, c'est cool. D'autant plus que, justement, tu gères super bien ses transitions spatiales, il y a un bon rythme dans l'ensemble du passage, même si Al en pâtit parce qu'il est paumé. :arrow: Exact, les autres dieux sont plus "accessibles", car plus habitués aux échanges avec les humains ^^ Ouep, les Dieux de LCDS c'est différent, mais d'un côté parfois plus "flippant" car tu sais qu'ils agissent de façon très égoïste au détriment des Hommes.
3) Machalmy ! ❤️ :lol: :arrow: Bon, si tu t'y mets... :lol:
Bref, on est repartis !



Chapitre 16
Alice



An 500 après le Grand Désastre, 1e mois de l’hiver, Château du Crépuscule, Terres de l’Ouest.



Trois âtres aussi larges qu’un homme chauffaient la Gran’Salle. Comme pour le reste du château, ma mère avait fait installer des pots de fleurs vivaces et d’arbustes à intervalles réguliers. J’avais toujours connu la pièce des doléances comme un endroit froid et inhospitalier. L’estrade des trônes surplombait le reste des lieux à l’aide de trois marches taillées dans une pierre d’un blanc vaporeux. Les sièges royaux étant eux-mêmes façonnés dans un bois sombre, la Gran’Salle avait été pendant des années un monochrome de gris et blanc.
À présent, des tapis colorés marchandés avec nos voisins du sud adoucissaient la pierre glacée sous nos pieds. Des tentures à l’effigie de la nature, importées depuis l’Est, décoraient les murs. Quant aux peaux de bêtes jetées sur les trônes pour casser leur rigidité, elles devaient provenir du Nord. Non seulement ma mère avait rendu les lieux plus chaleureux, mais elle avait aussi volontairement créé un pont entre nos Terres et nos voisins. C'est cool ça ! :arrow: :D
Encore chamboulée par nos retrouvailles, ma mère s’était laissée choir sur le siège royal. Plantée en bas des marches, j’embrassai la scène d’un regard interdit. Les quelques fois où mon père m’avait autorisé à participer aux doléances, j’étais restée plantée debout sur le côté de l’estrade.
— Alice, lança-t-elle avec un sourire encourageant, viens t’asseoir.
Je glissai les yeux vers le deuxième trône, légèrement en retrait. Plus petit, il était destiné au compagnon ou à l’héritier du dirigeant. Ma mère l’occupait autrefois.
Gorge nouée, je grimpai les marches. Une fois à hauteur de la reine, j’inclinai le menton et me dirigeai vers le deuxième siège. Ma mère me retint par le bras. Son sourire était doux et triste. Coupable.
— Ma petite étincelle. Ta place n’est pas dans l’ombre du souverain. Tu es la souveraine.Du coup sa mère n'a absolument aucun droit au trône, même après la mort du roi ? :arrow: Y'a eu de petites complications :lol:
Comme je restai silencieuse face à son expression mélancolique, elle soupira puis se leva. Les traînes blanches et turquoise de sa robe glissèrent sur le sol de pierre.
— Cette place te revient de droit de sang, Alice. Tu es la première-née de feu le roi Silvester.
— Mère, tu es reine, murmurai-je avec stupeur.
— Par dérogation. Seulement parce que Milash a refusé son droit.
Je déglutis péniblement, fermai les yeux puis les rouvris. Ma mère me tenait toujours le bras. C’était plus une invitation qu’une obligation.
— Où est-il ? Ash ?
Comme les iris pailletés d’argent de ma mère s’assombrissaient, j’ajoutai vivement :
— Pourquoi n’a-t-il pas récupéré le trône après la mort de notre père ? Excellente question !
— Il a été frappé très durement par la nouvelle. Il ne s’attendait pas à devoir monter sur le trône. D’ailleurs, Milash n’a pas pu s’y résoudre. Il s’enferme dans sa chambre et ne sort plus depuis des semaines.
— Comment ?
J’étais médusée. J’agrippai le poignet de ma mère, la forçai à me regarder. Ses traits s’étaient enfoncés un peu plus. La culpabilité qui suintait de son visage m’irritait autant qu’elle me peinait.
— Je ne comprends pas, mère. Je sais qu’Ash était plus proche de père que moi, mais…
Ma mère me considéra avec une expression désolée. Elle prit mes mains dans les siennes, caressa de ses doigts fins les cals que mes paumes avaient développés au cours de mes aventures.
— S’il n’y avait eu que la mort de votre père, peut-être que Milash l’aurait vécu différemment. Mais pour nous, tu avais péri aussi, Alice. Tu étais l’étoile directrice de ton frère et, sans toi… Il n’a pas pu se relever.
Lèvres pincées, je hochai la tête. Je ne devais pas oublier que mon royaume et ma famille me croyaient disparue depuis des mois. Pauvre Milash, apprendre le décès simultané de son père et de sa sœur… Je ne savais pas moi-même comment j’aurais réagi.
— Je vais aller voir Milash, assurai-je à la reine d’un ton ferme. Je ne veux pas qu’il reste cloîtré dans sa chambre. Il doit savoir que je suis vivante. Et il doit savoir pour… notre père.
— J’ai envoyé la gouvernante en cheffe s’en charger, expliqua ma mère. Elle devait aussi aller chercher le guérisseur pour le jeune scribe.
Reconnaissante, je hochai la tête. Il y avait toujours un savant du corps au Château. Soraya s’était proposée pour accompagner Viktor, nous accordant à ma mère et à moi un moment d’intimité. Comme souvent, mon amie avait su déceler avant moi ce dont j’avais besoin.
Avant que je pusse reprendre la conversation, ma mère lâcha mes mains et souffla :
— Que veux-tu dire à Milash concernant votre père ? Il est parti si brusquement quelques jours après que tu aies quitté le Château sans un mot. Que s’est-il passé ? ALORS. EN FAIT. Comment t'expliquer. :arrow: Euuuuuh :roll:
Les souvenirs qui surgirent aussi bien dans mon esprit que mon cœur me sonnèrent un moment. Même après des mois, j’étais pétrie de rancœur, de colère et d’incompréhension. Certains actes étaient difficilement pardonnables.
— Père avait des plans pour moi. Il n’a jamais considéré l’idée de me laisser hériter. C’est pour ça qu’il… était si distant avec moi ces dernières années. Il savait que sa fille ne vivrait pas longtemps. Yé, j'avais presque oublié ce passage de l'histoire. :roll: :arrow: Un p'tit rappel ça fait pas de mal au moral :lol:
Le visage de ma mère se crispa. Une ombre méfiante couvait dans sa voix quand elle s’enquit :
— Qu’est-ce que tu veux dire, Alice ? Qu'il y avait un Dieu qui s'était invité à la cour de l'Ouest et qu'il avait de sales envies de vengeance envers la famille Tharros, et que ce cher Silvester avait décidé de sacrifier sa fille pour réparer les fautes commises il y a 500 ans. J'ai oublié quelque chose ? :arrow: A vrai dire, c'était encore pire :lol: Silvester voulait même pas réparer les torts commis, il voulait des super pouvoirs divins :''''D
Déterminée à expliquer la douloureuse vérité à propos de l’ambition égoïste de mon père, j’inspirai profondément. Quelque part, j’avais encore de l’affection pour l’homme qui m’avait portée sur ses épaules, appris à manier les éclairs et à jouer aux échecs. Il n’en restait pas moins l’individu qui avait accepté de me condamner à mort pour obtenir de potentiels pouvoirs divins.
J’ouvrais la bouche pour expliquer toute la vérité à ma mère quand une présence emplit la pièce. Après avoir côtoyé plusieurs divinités, j’étais en mesure de reconnaître l’aura écrasante, indéfinissable, qui caractérisait leur venue. L’ayant sentie elle aussi, ma mère se tourna pour observer la Gran’Salle. Les flammes des âtres dansaient avec la même régularité, les rideaux ne s’agitaient d’aucun souffle. Il y avait pourtant quelque chose.
Alice Tharros.
Je sursautai, reculai d’un pas. La voix m’était inconnue. Elle n’était pas genrée comme celle de Galadriel ou d’Aion. C’était une voix fonctionnelle, instrument dérisoire pour s’adresser aux Humains.
Tu étais donc bien là. Ton compagnon n’a pas menti. Encore heureux qu'Alice et Achalmy aient le sens du timing ! À deux semaines près, on était dans la mouise :lol: :arrow: Il aurait pas eu l'air con Al :mrgreen:
Je devais être la seule à percevoir la voix, car ma mère m’observait avec des yeux ronds. Je ne lui jetai pas la pierre, car je considérais les environs avec frénésie.
— Alice ?
Je dois m’assurer que Kan a bien laissé sa promesse en toi, ajouta la voix d’un air implacable. Si ce n’est pas le cas, je repartirai.
Je ne comprenais pas grand-chose aux paroles. Qui s’adressait à moi ? Aion ? Non, il devait toujours se trouver au Noyau, où il nous attendait.
Je n’eus pas le temps de m’interroger plus longtemps. Une silhouette se matérialisa à côté de moi. Simplement, sans un bruit, sans un souffle de vie. Ma mère hurla, mais le son resta bloqué dans ma gorge. Un être se tenait face à moi, peau d’albâtre et membres lisses. Pas de pilosité, pas de sourire ou de regard. Kikou ! :mrgreen:
Sa main se leva, arracha un autre cri de frayeur à ma mère. Hypnotisée par cette présence immense, silencieuse, inhumaine, je ne bougeai pas d’un cheveu lorsqu’elle tendit le doigt vers mon front. Le contact créa une pointe de feu glacé sur ma peau. J’ouvris la bouche, mais pas un son en sortit. Que se passait-il exactem…
Kan surgit. Le fragment d’essence qu’elle avait distillé en moi avant mon départ du Kol Sak éclata dans l’air. Une pluie de fragments temporels ondula autour de nous. Aucune image ne resta assez longtemps sur ma pupille pour s’imprimer. Rhah c'est dommage pour le coup…
Ainsi c’est vrai…
La silhouette disparut. Ma mère était parvenue à garder ses appuis, mais son visage avait viré à la cendre. La couronne penchait dangereusement sur un côté de sa tête. Elle vient de voir que les derniers mois d'existence de sa fille ont été entre autres consacrés à fréquenter des Dieux. Tout va bien. :arrow: Arf les fréquentations de la princesse :?
— Qu’est-ce que…
La silhouette réapparut. Pas seule, cette fois-ci. Deux corps sombrèrent à ses pieds, couverts de neige et entourés d’un voile de vapeur. Médusée par la situation, je ne reconnus pas immédiatement les deux masses recroquevillées aux pieds de la silhouette blanche.
Occupez-vous d’eux sans tarder, intima la voix. L’un d’eux a déjà en partie rejoint Lefk.
Puis la divinité disparut, nous laissant seules ma mère et moi avec un millier de questions.


Au bout d’une demi-minute, je dus m’y résoudre : pas de pulsations. Yé. :cry: :arrow: Ouais :v
— M-Mars, bredouillai-je en tirant sur le col du concerné.
Un goût de fer dans la gorge, je contemplai la silhouette glacée et figée de Mars. Celle cassée d’Achalmy : son visage à présent tourné vers moi me laissait voir les traînées rougeâtres qui recouvraient ses traits, sans compter l’angle improbable dans lequel son bras gauche était tourné. Des détails tout ça. :arrow: Parfaitement :P
— Il faut les soigner.
Mon ton impérieux jeta une ombre sur le visage de ma mère. J’étais à deux doigts de hurler lorsqu’elle se tourna vers le savant.
— Sire Tarwell, faites venir toutes vos aides. Je vais appeler la gouvernante en cheffe, nous allons avoir besoin de main d’œuvre.
L’intéressé fronça les sourcils, gonfla les joues puis roula des yeux.
— Reine Trianna, sauf votre respect, deux étrangers ne méritent pas les soins des guérisseurs les plus éminents du Châte… On a dit quoi ? Tais-toi et obéis.
— Vous avez entendu ma fille, le coupa ma mère d’une voix sèche. C’est elle, la reine. Et la dirigeante de l’Ouest se fait obéir. Quant aux étrangers… ce sont les amis de la reine. Ce sont donc les amis de la Couronne.
Sire Tarwell s’empourpra si fort que ça en masqua presque son imposant nez rouge. Il fit demi-tour d’un pas précipité, encouragé par l’électricité qui crépitait dans l’air. Majestueuse et implacable, ma mère se tourna vers moi avant de sortir de la Gran’Salle.
— Nous ferons tout pour sauver tes amis, Alice.
Après avoir échangé un regard avec elle, je hochai la tête. Une fois seule dans la Gran’Salle, je me penchai sur le corps de Mars, agrippai la main froide d’Achalmy.
— Je suis désolée.
Aucun des deux ne réagit. Je réprimai les sanglots qui hurlaient dans ma poitrine et appelai deux brises chaudes pour qu’elles réchauffassent leurs corps. Mais y’avait-il encore une vie à ranimer ?
Bon bah c'est joyeux tout ça. Arf.
En même temps, j'étais prévenue, mais je t'avoue que je le sens mal pour Mars… même si je sais qu'on n'est pas à l'abri d'une feinte où tu nous descends Al à la fin (ou en tout cas c'est ce que j'aurais éventuellement anticipé de faire :mrgreen: ).
J'avais grignoté les chapitres précédents dans le métro, entre deux cours, et franchement, c'était super ! Je sais qu'Oneiris te prend du temps, mais crois-moi, ça en vaut la peine, je suis super fan de ce que tu nous produis. Alors prends ton temps, il n'y a pas d'urgence. En plus, j'ai cru comprendre que tu avais pu plutôt bien avancer avec le Nano, donc c'est cool :)

Bon courage dans la suite !
Ouep :'c
Effectivement, bon, ça fait un moment que j'avance le fait qu'il est pas adapté pour le voyage et qu'il en pâtit plus qu'Al. Evidemment, je laisse la suite dire ce qu'il en est de Mars (et la fin de l'histoire pour savoir ce qu'il advient d'Al, bichette :lol: ).
Merci beaucoup, ça fait super plaisir ! Surtout avec Oneiris où, j'avoue, je me casse vraiment pas la tête (sur le fond, sur la forme je me prends trop la tête et j'avance à 2 à l'heure (sans avoir quelque chose de très bien par ailleurs, bonjour l'angoisse :D )). Yes, là il me reste les 2 chapitres finaux et l'épilogue, autant dire que je suis contente (et soulagée mdr). Hâte de pouvoir fermer cette page pour me concentrer sur autre chose ^^
Merci pour ton passage et tes retours ;)
DanielPagés

Profil sur Booknode

Messages : 2595
Inscription : mer. 09 mars, 2011 4:04 pm
Localisation : France sud-ouest
Contact :

Re: Oneiris - Tomes I (terminé) et II (en cours) [Heroic fantasy]

Message par DanielPagés »

Bien... on a bien avancé, ce coup-ci ! Toute la bande est là !
Je me sens tout bête, je n'ai rien relevé de bizarre :shock: :lol:
Et j'ai lu avec grand plaisir. Je crois que tu es au point, chère écrivaine ! :lol:
Manque juste la suite ! Et tu nous fais pas une grosse cata, hein ! faut pas écouter Sarah ! :roll: J'aime quand ça finit bien !

Gros bisous
louji

Profil sur Booknode

Messages : 1724
Inscription : lun. 02 sept., 2013 3:10 pm

Re: Oneiris - Tomes I (terminé) et II (en cours) [Heroic fantasy]

Message par louji »

DanielPagés a écrit : mar. 18 mai, 2021 5:40 pm Bien... on a bien avancé, ce coup-ci ! Toute la bande est là !
Je me sens tout bête, je n'ai rien relevé de bizarre :shock: :lol:
Et j'ai lu avec grand plaisir. Je crois que tu es au point, chère écrivaine ! :lol:
Manque juste la suite ! Et tu nous fais pas une grosse cata, hein ! faut pas écouter Sarah ! :roll: J'aime quand ça finit bien !

Gros bisous
Eh oui, tous réunis :D
Écoute, je suis contente si tu as rien relevé, ma relecture a peut-être été plus efficace cette fois :roll:
T'inquiète pas, j'ai pas changé de plan entre temps, Sarah a de l'influence sur moi, mais pas trop non plus... :mrgreen:

Bisous !
louji

Profil sur Booknode

Messages : 1724
Inscription : lun. 02 sept., 2013 3:10 pm

Re: Oneiris - Tomes I (terminé) et II (en cours) [Heroic fantasy]

Message par louji »

Bonjour ! Je suis pas loin d'avoir terminé l'histoire de mon côté, il me reste 2 chapitres et un épilogue. Je vous cache pas que j'ai assez hâte de poser un point final à cette histoire :D
Bonne lecture !




Chapitre 16
Achalmy



An 500 après le Grand Désastre, 1e mois de l’hiver, Château du Crépuscule, Terres de l’Ouest.



La neige avait disparu. Le brouillard, le froid aussi. Mais pas la douleur. Elle me réveilla au milieu de songes indistincts, s’agrippa à mes muscles, s’insinua dans mes os, fourmilla sous mes paupières.
Si ma gorge était en feu, mon corps était de glace. Je n’étais pas aussi gelé qu’auparavant, mais je n’avais pas chaud. Avec un râle, je bougeai mon corps. Mes côtes protestèrent aussitôt. Ma main droite glissa le long d’un tissu doux. Quant à la gauche… Un geignement de douleur me découragea d’explorer plus loin mes fonctions motrices.
Quand j’en eus le courage, j’ouvris les yeux. Je papillotai quelques secondes, le temps de me faire à la luminosité. Elle n’était pas excessive : une clarté blafarde et morne d’hiver. Plusieurs couches d’édredons me couvraient le corps. Je sentais contre ma peau la douceur d’un tissu occidental. Malgré la douleur, l’incompréhension et ma gorge meurtrie, je souris. Ces Occidentaux… m’allonger nu sous des peaux aurait été tout aussi efficace pour lutter contre le froid.
Des Occidentaux ?
Je tournai la tête de gauche à droite, autant pour tester mes cervicales que pour inspecter la pièce. C’était sûrement une chambre d’invité : il n’y avait qu’un lit et un âtre individuel au feu mourant. Le bois lourd et ciré plombait la pièce aux parois de roche. Je tendis l’oreille, en quête de rires, de hululements et de brises, mais ne trouvai que le grincement des poutres et ma respiration pénible.
Que fabriquais-je dans l’Ouest ?

J’attendis deux nouvelles minutes avant de tenter une sortie du lit. L’idée m’échappa bien vite lorsque je pris appui sur mes coudes. Une décharge de douleur me traversa le bras gauche du poignet à l’épaule. J’avisai avec une grimace consternée l’attelle de bandages et de branches qui maintenait mon coude. Sûrement des os cassés.
Je me laissai retomber contre les oreillers. Ils sentaient la lavande. Avec un soupir, je jetai un coup d’œil à la table de chevet en bois sombre. Rien à ma disposition en dehors d’un linge à la propreté douteuse. De ma main valide, je tâtonnai mon corps. On avait retiré mes vêtements et mes affaires. Plus de besace, plus de couteau, plus de sabres.
Malgré la pulsion d’énergie nerveuse qui me secoua à l’idée de m’être fait voler mes katanas, je ne pus quitter mon couchage. Je ne savais pas à quand remontait mon dernier repas, mais je manquais de forces. Et d’eau. D’une énorme gourde d’eau.
La salive faillit me monter à la bouche. Ma sensibilité d’Élémentaliste s’aiguisa, pointa tout autour de moi, chercha la moindre parcelle humide. Quand j’eus formé une petite bulle d’eau, je l’approchai de mes lèvres. Par les Dieux, mon corps se mettait déjà à trembler sous l’effort, je n’allais pas tenir longte…
La bulle d’eau éclata au niveau de mes lèvres, m’hydrata la langue autant que le cou. Excédé, je réitérai le geste, mais je tombai rapidement à court d’énergie. Je n’avais plus rien en moi. Plus la moindre goutte de pouvoir.
Frustré, je passai la langue sur mes lèvres gercées, frottai de ma main valide ma joue couverte de poils épars. J’étais faible, à la merci de mes hôtes. Des hôtes qui me voulaient vraisemblablement du bien – je serais déjà mort dans le cas contraire. N’empêchait que la situation me déplaisait terriblement. Je devais reprendre des forces et…
Oh, Mars.
Je trouvai l’énergie de rouler sur le flanc. Le mouvement coinça mon bras blessé, m’arracha un grognement et me fit changer de position à la hâte. Le bord du lit se présenta, rapidement suivi du parquet lorsque je tombai de côté. Le choc sourd vida l’air de mes poumons. Les dents serrées, je forçai sur mes genoux et mon bras valide pour me redresser. La sueur me coulait du front, malgré le froid de la pièce.
Une fois à genoux, haletant, perclus de douleur et de fatigue, j’avisai deux fourreaux calés contre la table de nuit. Allongé, je ne les avais pas vus.
— Par les Dieux, marmonnai-je d’une voix rocailleuse.
Tenir les manches de mes armes amena un peu de lumière sous mon crâne. Je me servis d’Eon, mon plus long sabre, pour me redresser. La pièce tangua quelques instants. Un claquement dans mon dos me fit tourner les talons. La porte venait de s’ouvrir sur une jeune femme vêtue de ces étonnantes – et parfaitement inefficaces – pièces de tissu occidental. Des carrés, ronds et losanges accrochés ensemble par des boucles en métal. Les couleurs ternes de sa tenue, beige et gris, m’apprirent qu’elle n’était pas Noble. Les Élémentalistes Occidentaux aimaient se pavaner avec des ensembles aux teintes criardes.
— Bonjour, lançai-je en forçant le moins possible sur ma gorge enflammée.
En couinant, elle laissa tomber le linge qu’elle portait à l’avant-bras et partit en courant. Je cillai, fis quelques pas à l’aide d’Eon et me penchai à l’angle de la porte.
— Bonjour ?
La domestique avait disparu. Ma voix était-elle si éraillée qu’une simple salutation avait suffi à la repousser ? En ramassant le linge, je me rappelai alors ma nudité. Bon, ça n’avait pas dû la rassurer non plus. Guère désireux de semer plus de discorde chez mes hôtes, je parcourus la chambre à la recherche de vêtements. Je n’avais rien d’autre à disposition que le linge serré dans ma main droite.
Comme mes jambes se mettaient à trembler, je rejoignis le lit et me laissai choir au bord après avoir noué le tissu grossier autour de mes hanches. Ça ferait bien l’affaire en attendant de véritables vêtements.

Mes hôtes se présentèrent quelques minutes plus tard. La domestique que j’avais surprise était de retour, accompagnée d’une femme plus âgée et plus austère. Si sa tenue était plus fournie que celle de sa compagne, les couleurs restaient les mêmes. Peut-être la supérieure du personnel ?
— Sire, lança-t-elle d’une voix rigide en faisant quelques pas dans la pièce. Je suis Jenna, la domestique en chef du Château. On m’a chargée de vous fournir tout ce dont vous auriez besoin.
Malgré son port de tête sévère, ses yeux gris étaient fougueux. Une Élémentaliste. Elle essayait sûrement de le cacher, mais son regard ne mentait pas.
— Tout ce dont j’ai besoin, c’est qu’on m’appelle pas « sire » et qu’on me donne des vêtements, Noble.
Elle tressaillit, plissa les paupières.
— Nous ne sommes pas les hôtes, sire. Comment dois-je vous appeler ?
— Achalmy, soupirai-je en me passant une main sur la nuque. Pourquoi êtes-vous domestique alors que vous avez des pouvoirs ?
La deuxième domestique jeta un coup d’œil étonné à sa supérieure, mais ne pipa mot. J’étais moi-même perplexe face à la situation : dans l’Ouest, être Élémentaliste accordait le statut de Noble. Vous permettait d’avoir un titre et des terres.
— Ma vie ne regarde que moi, Sire Achalmy.
Elle ne réagit pas au rictus acide que je lui adressai. Bon sang, ces Occidentaux et leurs manières… Avant que j’eusse le temps de protester, elle déposa une pile de vêtements sur le lit à côté de moi. Jenna n’avait pas l’air embarrassée par ma presque-nudité. Elle n’était peut-être pas Occidentale jusqu’au bout des ongles.
— Merci.
— Je vous en prie. Dame Trianna et Reine Alice seront ravies de vous recevoir à la Gran’Salle. (Alors que l’information me percutait, elle enchaîna avec une grimace affligée.) Une fois que vous aurez pris un bain, si cela vous sied.
Comme je restai muet de stupéfaction, elle se tourna vers sa seconde.
— Halise, fais porter des seaux d’eau chaude à la salle des bains des invités.
— Tout de suite !
Une fois que nous fûmes seuls, Jenna planta un regard implacable sur moi.
— Si j’ai choisi de devenir domestique et non pas Noble, c’est parce que je me sens plus utile à mes souverains ainsi. Je sais bien ce qu’un Nordiste comme vous doit s’imaginer sur quelqu’un comme moi. Eh bien, sachez que je préfère gérer l’intendance du château royal qu’un lopin de terre.
Je n’avais rien à répliquer à ceci. Comme je me contentais de lui sourire d’un air entendu, elle claqua la langue et fit demi-tour. Avant qu’elle ne disparût derrière la porte, je m’enquis :
— Je comprends rien à ce qui s’est passé, mais il y avait pas quelqu’un avec moi quand je suis… arrivé ?
Les iris déjà orageux de Jenna s’assombrirent. La boule de malaise qui s’était installée dans ma gorge depuis mon réveil s’alourdit. J’avais une légère envie de vomir.
— Dame Trianna et Reine Alice vous expliqueront tout.
— Reine Alice… répétai-je dans un souffle haché.
Jenna me considéra avec dépit avant de s’éclaircir la gorge.
— Halise viendra frapper à votre porte quand le bac d’eau sera prêt. Nous laisserons des pains de savon et des serviettes.
— Merci, murmurai-je d’une voix que j’entendis à peine.
Une fois le battant fermé, je me laissai tomber en arrière sur le lit. Comment étais-je arrivé ici ? Étais-je venu seul ? Si ce n’était pas le cas, où était Mars ?

Je devais remonter le couloir lambrissé pour accéder à la salle des bains. Après avoir enfilé des chausses pour éviter de faire tourner de l’œil quelque domestique, je suivis les indications que Halise m’avait données. La salle des bains était un peu plus petite que ma chambre et chauffée par un âtre. Comme promis, un large bac d’eau fumante m’y attendait. Je déposai ma pile de vêtements sur la table d’appoint qui supportait déjà une serviette rêche. Dieux merci, la tenue était constituée des vêtements que je portais… quelques heures plus tôt ? Je n’avais pas la moindre idée du temps qui s’était écoulé depuis que j’avais discuté avec Eon.
Je plongeai un doigt dans l’eau fumante avant d’y entrer pleinement. Je n’avais guère envie de m’ébouillanter. Comme la température était trop haute à mon goût, je la diminuai de quelques degrés d’une simple pensée. L’effort se fit aussitôt ressentir : mon genou trébucha et je faillis passer cul par-dessus tête dans le bac. Par Lefk, j’étais dans un état déplorable. J’avais pourtant bu jusqu’à plus soif lorsque Halise était revenue me voir, une carafe en main.
Je restai un moment sans bouger, une fois plongé dans mon bain. En l’espace de quelques semaines, j’avais bien maigri. Notre escapade au Mont Valkovjen m’avait coûté. Mes côtes à présent visibles – et sûrement fêlées – ne m’inquiétaient en réalité pas tant que ça. J’avais l’esprit tourné vers mon ami, vers Mars.
Une fois lavé, rasé et habillé, je quittai la pièce en grimaçant. Les douleurs dans mon bras gauche s’étaient à peine dissipées avec l’eau chaude. Et mon attelle mériterait bien d’être refaite. Devant ma chambre, j’eus la surprise de retrouver Halise. Elle m’adressa un petit sourire – elle avait l’air plus à l’aise à présent que j’étais vêtu.
— On m’a chargée de vous emmener jusqu’à la Gran’Salle.
Je me contentai de lui faire signer d’avancer. Je me sentais encore trop nauséeux et engourdi pour faire la conversation. Nos pas résonnèrent contre les murs éclairés à intervalles réguliers par des lampes à huile. Malgré quelques pots de fleurs çà et là, l’odeur d’humidité était difficile à chasser. Voilà pourquoi je préférais une tente à belle étoile : j’étais peut-être plus exposé aux intempéries, mais je pouvais sentir l’odeur de la nuit tombante, de la terre chauffée par le soleil ou des bois assoupis.
Les relents de poussière s’amenuisèrent quand nous approchâmes du cœur du château. Des échos de conversation rebondissaient autour de nous. Je captais quelques mots à la volée, mais jamais assez pour reconstituer les phrases. Les regards s’attardaient sur nous tandis que Halise me menait vers une antichambre efficacement aménagée.
— Je vous laisse ici. Le valet des doléances viendra vous chercher quand la reine sera prête à vous accueillir.
Elle n’attendit pas ma réponse pour s’en aller. Deux soldats, plantés à côté des portes, me toisaient avec raideur. Je finis par comprendre qu’ils se méfiaient des deux fourreaux que je portais. Pour l’instant, ils ne m’avaient pas fait de remarque. Peut-être Alice les avait-elle prévenus de mon attachement pour mes sabres.
J’étais à deux doigts de me laisser choir de lassitude sur un fauteuil quand les gonds grincèrent. Les soldats ne cillèrent pas tandis que les battants s’écartaient. Un jeune couple les franchit sans un regard en arrière et fila vers les couloirs sans même me saluer. Comme personne ne faisait signe de bouger, j’approchai d’un pas.
— Je peux entr…
— Achalmy ?
Une femme venait d’apparaître entre les battants. Alic… non. Plus âgée, plus impérieuse. Pourtant, elle ressemblait à mon amie, avec l’ovale de son visage réhaussé par des pommettes saillantes, des fines lèvres roses bien dessinées et de grands yeux. Mais les siens étaient gris et des fils d’argent parsemaient ses cheveux noirs.
— Dame Trianna, je suppose ? lançai-je en m’efforçant d’aplanir ma voix de politesse.
Je posai ma main valide sur le manche de Kan et baissai la nuque. La mère d’Alice plissa les yeux puis inclina le menton en retour. Apparemment, elle connaissait cette tradition nordiste.
— Entrez, je vous en prie. Ma fille vous attend.
Même si mes nausées s’étaient quelque peu calmées, quelque chose me brûla les entrailles. Je n’avais jamais échangé avec Alice dans un cadre aussi formel. Quant à l’absence de réponses sur Mars… ça n’augurait rien de bon. Pourquoi mon amie n’était-elle pas venue directement me voir dans ma chambre ?

La Gran’Salle était éclairée par plusieurs imposantes cheminées et une multitude de lampes à huile et bougies. La lumière y était tiède et accueillante. Les tapis et les tentures murales apaisaient la rigidité de la pierre. Je ne m’attardai pas plus longtemps sur la décoration : mon regard se riva bientôt à l’estrade qui surplombait les lieux. Deux trônes y étaient installés, parés de peaux de bêtes. Alice était assise sur le plus grand.
— Fermez les battants, ordonna la voix de Trianna Tharros dans mon dos.
Le valet des doléances s’exécuta. Les talons de l’ancienne reine claquèrent lorsqu’elle grimpa l’estrade pour rejoindre le deuxième trône, plus petit. Penchée en avant sur son siège, pâle malgré les lumières dorées, Alice me dévisageait. Elle avait les lèvres entrouvertes, comme si elle s’apprêtait à dire quelque chose, mais pas un bruit n’en sortait. La couronne semblait peser des tonnes sur son crâne.
Elle s’en débarrassa rapidement. Après avoir refermé la bouche et serré les mâchoires, Alice ôta le symbole royal avec une fermeté résignée. Quand elle se leva du trône, sa tenue me surprit pendant un instant. Elle affichait les couleurs de la royauté – turquoise et blanc – et son haut était typiquement occidental. Mais elle portait des chausses claires que n’importe quel Nordiste aurait pu posséder. Quant à ses cheveux sombres, ils étaient noués en tresses serrées sur son crâne, une coupe que j’avais davantage croisée dans mes contrées que dans les siennes.
Elle fit quelques pas vers les marches de l’estrade. Ses yeux indigo bouillonnaient, l’électricité statique hérissait les poils de ma nuque. La connaissant, je me serais attendu à ce qu’elle se précipitât vers moi. Mais la Alice d’avant s’était endormie, car elle se présenta à moi sous un jour bien différent. Ses pas se firent mesurés tandis qu’elle descendait à ma rencontre. Elle avait ôté sa couronne dans une intention bien définie, mais je sentis quand même le poids de la gouvernance quand elle s’arrêta en face de moi. Son visage s’était émacié, la faisant paraître plus adulte.
— Achalmy, énonça-t-elle d’une voix claire, ni calme ni douce.
Les brumes dans ses yeux se firent plus épaisses. Sa mâchoire se crispa, mais elle ne se détourna pas de mon inspection silencieuse. Elle avait quelque chose à me dire. Quelque chose qui ne me plairait pas. Elle prenait des pincettes. Faisait de la diplomatie. Peu importait le nom, je perdais déjà patience.
— Dis-moi, Alice.
Elle hocha la tête, pinça les lèvres puis inspira.
— C’est Eon qui t’a amené ici. Tu étais inconscient et… presque mort. Nos guérisseurs ont quand même pu stabiliser ton état et t’éviter l’hypothermie.
Même si je m’étais déjà douté de ceci, je hochai la tête. Comme Alice baissait les yeux vers un point à ma droite, je lui empoignai doucement le bras.
— Alice, où est Mars ?
— Al…
Sa voix s’était effritée. Je ne savais pas depuis combien de temps elle avait embrassé son rôle pour la couronne occidentale, mais je décelais l’ancienne Alice à présent. La vulnérabilité de son regard, l’incertitude de ses mots.
— Mars est arrivé avec toi, reprit-elle en serrant ses doigts autour des miens. J’ai essayé… quand j’ai compris qu’il ne respirait plus… j’avais vu une Noble guérisseuse faire ça… des pulsions électriques dans la poitrine. Malheureusement, je n’ai pas réussi à…
— Mars est mort.
Je le déclarai sans bouger d’un cil. Alice tressaillit, enfonça ses ongles dans ma paume puis acquiesça. Je la dévisageai quelques secondes avant de m’enquérir :
— Tes guérisseurs ont pas réussi à le sauver ? Pourquoi moi et pas lui ? J’ai un bras fracassé et sûrement des côtes fêlées. Mars avait rien de tout ça. Alors pourquoi ?
L’air se condensa autour de nous en réponse à ma colère hébétée. Alice se crispa sous ma poigne, mais elle ne se déroba pas. Elle soutint mon regard, mon incompréhension, jusqu’à grimacer quand le givre se mit à couvrir nos mains emmêlées de nervosité.
— Je suis navrée, Achalmy. Mes guérisseurs n’ont pas réussi à le sauver. Moi non plus.
Je compris à son menton froissé et à ses yeux brouillés qu’elle retenait ses larmes.
— Non, c’est…
Elle retint de justesse une exclamation de douleur quand j’arrachai ma main à la sienne, cassant la fine couche de glace qui s’y était installée. Malgré le tourbillon d’émotions qui gonflaient mon crâne, je savais que la responsabilité n’incombait pas à Alice.
— C’est pas ta faute, finis-je par bredouiller en sentant mes épaules tomber.
C’était la mienne, parce que je l’avais abandonné derrière moi. Obsédé par le besoin de retrouver Eon, j’en avais oublié mon ami. Il avait dû s’enfoncer trop loin, tomber de fatigue et s’évanouir de froid. Eon s’était montré clément en nous ramenant en sûreté, mais il était alors déjà trop tard pour mon ami.
Je ne parvenais plus à bouger. Je m’en voulais, mais, surtout, je souffrais. Et c’était une sensation que je détestais, car elle entravait mon âme et me brûlait le cœur.
À travers ma vue brouillée, je finis par remarquer qu’Alice m’observait d’un air soucieux. Je pris une courte inspiration avant de murmurer :
— Désolé, Alice, je dois… faut juste que je… Je reviendrai te voir, mais attends un peu…
— Al, me coupa-t-elle en posant la main sur mon bras. Tu n’as pas à porter ta douleur tout seul.
Elle avait les doigts couverts d’engelures. À travers ma gorge nouée, l’air produisait un sifflement. En l’espace de quelques mois, elle avait peut-être mûri, mais elle n’avait ni grandi ni grossi. Sa silhouette menue n’avait pas grand-chose d’intimidant. Elle supporta pourtant mon poids sans broncher quand je la laissai m’enlacer.
Tout semblait trop petit et infiniment grand autour de moi.


Dernière modification par louji le mer. 05 janv., 2022 10:29 am, modifié 2 fois.
TcmA

Profil sur Booknode

Messages : 407
Inscription : dim. 02 sept., 2018 10:44 pm

Re: Oneiris - Tomes I (terminé) et II (en cours) [Heroic fantasy]

Message par TcmA »

Spoiler
Image











Ouch. Je. Ouais.

Fiou, va me falloir un moment :v

Bon, douleur mise à part,
les chapitres 16 étaient vraiment très bons ! L'arrivée d'Eon casse bien tout (encore une fois, je l'aime beaucoup), tu nous tiens bien en haleine par rapport au sort de Mars, c'est bien rythmé, y a ce qu'il faut, même une petite dose d'humour. Top !
Contente que tu en arrives à la fin niveau écriture ! J'ai bien hâte de voir ce que tu nous réserves ! Jépeur maintenant, bravo :c Quelle que soit la fin, ce sera bon : j'ai aucun doute là dessus.

Courage pour la fin de l'écriture ♥
La bise~
vampiredelivres

Profil sur Booknode

Messages : 2887
Inscription : dim. 03 févr., 2013 3:54 pm

Re: Oneiris - Tomes I (terminé) et II (en cours) [Heroic fantasy]

Message par vampiredelivres »

louji a écrit : sam. 22 mai, 2021 9:12 pm Bonjour ! Je suis pas loin d'avoir terminé l'histoire de mon côté, il me reste 2 chapitres et un épilogue. Je vous cache pas que j'ai assez hâte de poser un point final à cette histoire :D Hello ! Félicitations ! :D Je sais à quel point ça te prenait la tête d'avancer dans l'histoire, donc un grand bravo à toi pour avoir tenu le coup !
Bonne lecture !




Chapitre 16
Achalmy



An 500 après le Grand Désastre, 1e mois de l’hiver, Château du Crépuscule, Terres de l’Ouest.



La neige avait disparu. Le brouillard, le froid aussi. Mais pas la douleur. Elle a tendance à persister, malheureusement… Elle me réveilla au milieu de songes indistincts, s’agrippa à mes muscles, s’insinua dans mes os, fourmilla sous mes paupières.
Si ma gorge était en feu, mon corps était de glace. Je n’étais pas aussi gelé qu’auparavant, mais je n’avais pas chaud. Avec un râle, je bougeai mon corps. Mes côtes protestèrent aussitôt. Ma main droite glissa le long d’un tissu doux. Quant à la gauche… Un geignement de douleur me découragea d’explorer plus loin mes fonctions motrices.
Quand j’en eus le courage, j’ouvris les yeux. Je papillotai quelques secondes, le temps de me faire à la luminosité. Elle n’était pas excessive : une clarté blafarde et morne d’hiver. Plusieurs couches d’édredons me couvraient le corps. Je sentais contre ma peau la douceur d’un tissu occidental. Malgré la douleur, l’incompréhension et ma gorge meurtrie, je souris. Ces Occidentaux… m’allonger nu sous des peaux aurait été tout aussi efficace pour lutter contre le froid.
Des Occidentaux ? Kikou !
Je tournai la tête de gauche à droite, autant pour tester mes cervicales que pour inspecter la pièce. C’était sûrement une chambre d’invité : il n’y avait qu’un lit et un âtre individuel au feu mourant. Le bois lourd et ciré plombait la pièce aux parois de roche. Je tendis l’oreille, en quête de rires, de hululements et de brises, mais ne trouvai que le grincement des poutres et ma respiration pénible.
Que fabriquais-je dans l’Ouest ? Rhoh bah tu t'es un peu fait téléporter… juste un peu…

J’attendis deux nouvelles minutes avant de tenter une sortie du lit. L’idée m’échappa bien vite lorsque je pris appui sur mes coudes. Une décharge de douleur me traversa le bras gauche du poignet à l’épaule. J’avisai avec une grimace consternée l’attelle de bandages et de branches qui maintenait mon coude. Sûrement des os cassés.
Je me laissai retomber contre les oreillers. Ils sentaient la lavande. Avec un soupir, je jetai un coup d’œil à la table de chevet en bois sombre. Rien à ma disposition en dehors d’un linge à la propreté douteuse. De ma main valide, je tâtonnai mon corps. On avait retiré mes vêtements et mes affaires. Plus de besace, plus de couteau, plus de sabres.
Malgré le pulsion d’énergie nerveuse qui me secoua à l’idée de m’être fait voler mes katanas, je ne pus quitter mon couchage. Je ne savais pas à quand remontait mon dernier repas, mais je manquais de forces. Et d’eau. D’une énorme gourde d’eau.
La salive faillit me monter à la bouche. Ma sensibilité d’Élémentaliste s’aiguisa, pointa tout autour de moi, chercha la moindre parcelle humide. Quand j’eus formé une petite bulle d’eau, je l’approchai de mes lèvres. Par les Dieux, mon corps se mettait déjà à trembler sous l’effort, je n’allais pas tenir longte… Plouf :lol:
La bulle d’eau éclata au niveau de mes lèvres, m’hydrata la langue autant que le cou. Excédé, je réitérai le geste, mais je tombai rapidement à court d’énergie. Je n’avais plus rien en moi. Plus la moindre goutte de pouvoir. C'est quand même con pour quelqu'un qui maîtrise l'eau… :mrgreen:
Frustré, je passai la langue sur mes lèvres gercées, frottai de ma main valide ma joue couverte de poils disparates. J’étais faible, à la merci de mes hôtes. Des hôtes qui me voulaient vraisemblablement du bien – je serais déjà mort le cas contraire. N’empêchait que la situation me déplaisait terriblement. Je devais reprendre des forces et…
Oh, Mars. ALORS. À ce propos.
Je trouvai l’énergie de rouler sur le flanc. Le mouvement coinça mon bras blessé, m’arracha un grognement et me fit changer de position avec hâte. :arrow: Le "avec" me perturbe un peu… hâtivement ? à la hâte ? Le bord du lit se présenta, rapidement suivi du parquet lorsque je tombai de côté. Le choc sourd vida l’air de mes poumons. Les dents serrées, je forçai sur mes genoux et mon bras valide pour me redresser. La sueur me coulait du front, malgré le froid de la pièce.
Une fois à genoux, haletant, perclus de douleur et de fatigue, j’avisai deux fourreaux calés contre la table de nuit. Je ne les avais pas vus à cause de ma position allongée dans le lit. :arrow: La fin fait un peu lourde… "Allongé sur le lit, je ne les avais pas vus", je pense que ça transmettrait aussi bien l'idée, non ? :ugeek:
— Par les Dieux, marmonnai-je d’une voix rocailleuse.
Tenir les manches de mes armes amena un peu de lumière sous mon crâne. Je me servis d’Eon, mon plus long sabre, pour me redresser. La pièce tangua quelques instants. Un claquement dans mon dos me fit tourner les talons. La porte venait de s’ouvrir sur une jeune femme vêtue de ces étonnantes – et parfaitement inefficaces – pièces de tissu occidental. Des carrés, ronds et losanges accrochés ensemble par des boucles en métal. Inefficace, peut-être, mais j'aime beaucoup la description et l'image que j'en ai dans ma tête ! Les couleurs ternes de sa tenue, beige et gris, m’apprirent qu’elle n’était pas Noble. Les Élémentalistes Occidentaux aimaient se pavaner avec des ensembles aux teintes criardes.
— Bonjour, lançai-je en forçant le moins possible sur ma gorge enflammée.
En couinant, elle laissa tomber le linge qu’elle portait à l’avant-bras et partit en courant. Je cillai, fis quelques pas à l’aide d’Eon et me penchai à l’angle de la porte.
— Bonjour ?
La domestique avait disparu. Ma voix était-elle si éraillée qu’une simple salutation avait suffi à la repousser ? En ramassant le linge, je me rappelai alors ma nudité. Détail ça. Bon, ça n’avait pas dû la rassurer non plus. Guère désireux de semer plus de discorde chez mes hôtes, je parcourus la chambre à la recherche de vêtements. Je n’avais rien d’autre à disposition que le linge serré dans ma main droite.
Comme mes jambes se mettaient à trembler, je rejoignis le lit et me laissai choir au bord après avoir noué le tissu grossier autour de mes hanches. Ça ferait bien l’affaire an :arrow: en attendant de véritables vêtements.

Mes hôtes se présentèrent quelques minutes plus tard. La domestique que j’avais surprise était de retour, accompagnée d’une femme plus âgée et plus austère. Si sa tenue était plus fournie que celle de sa compagne, les couleurs restaient les mêmes. Peut-être la supérieure du personnel ?
— Sire, lança-t-elle d’une voix rigide en faisant quelques pas dans la pièce. Je suis Jenna, la domestique en cheffe du Château. On m’a chargée de vous fournir tout ce dont vous auriez besoin.
Malgré sa droiture, ses yeux gris étaient fougueux. Une Élémentaliste. Elle essayait sûrement de la cacher, mais son regard ne mentait pas.
— Tout ce dont j’ai besoin, c’est qu’on m’appelle pas « sire » et qu’on me donne des vêtements, Noble.
Elle tressaillit, plissa les paupières.
— Nous ne sommes pas les hôtes, sir… Comment dois-je vous appeler ?
— Achalmy, soupirai-je en me passant une main sur la nuque. Pourquoi êtes-vous domestique alors que vous avez des pouvoirs ?
La deuxième domestique jeta un coup d’œil étonné à sa supérieure, mais ne pipa mot. J’étais moi-même perplexe face à la situation : dans l’Ouest, être Élémentaliste accordait le statut de Noble. Vous permettait d’avoir un titre et des terres.
— Ma vie ne regarde que moi, Sire Achalmy. Traduction, tais-toi et passe à autre chose. J'aime beaucoup Jenna. :lol:
Elle ne réagit pas au rictus acide que je lui adressai. Bon sang, ces Occidentaux et leurs manières… Avant que j’eusse le temps de protester, elle déposa une pile de vêtements sur le lit à côté de moi. Jenna n’avait pas l’air embarrassée par ma presque-nudité. Elle n’était peut-être pas Occidentale jusqu’au bout des ongles.
— Merci.
— Je vous en prie. Dame Trianna et Reine Alice seront ravies de vous recevoir à la Gran’Salle. (Alors que l’information me percutait, elle enchaîna avec une grimace affligée.) Une fois que vous aurez pris un bain, si cela vous sied.
Comme je restai muet de stupéfaction, elle se tourna vers sa seconde.
— Halise, fais porter des seaux d’eau chaude à la salle des bains des invités.
— Tout de suite !
Une fois que nous fûmes seuls, Jenna planta un regard implacable sur moi.
— Si j’ai choisi de devenir domestique et non pas Noble, c’est parce que je me sens plus utile à mes souverains ainsi. Je sais bien ce qu’un Nordiste comme vous doit s’imaginer sur quelqu’un comme moi. Eh bien, sachez que je préfère gérer l’intendance du château royal qu’un lopin de terre. Ça se tient.
Je n’avais rien à répliquer à ceci. Comme je me contentais de lui sourire d’un air entendu, elle claqua la langue et fit demi-tour. Avant qu’elle ne disparût derrière la porte, je m’enquis :
— Je comprends rien à ce qui s’est passé, mais il y avait pas quelqu’un avec moi quand je suis… arrivé ?
Les iris déjà orageux de Jenna s’assombrirent. La boule de malaise qui s’était installée dans ma gorge depuis mon réveil s’alourdit. J’avais une légère envie de vomir. Bon. On n'est pas dans la mouise.
— Dame Trianna et Reine Alice vous expliqueront tout.
— Reine Alice… répétai-je dans un souffle haché.
Jenna me considéra avec dépit avant de s’éclaircir la gorge.
— Halise viendra frapper à votre porte quand le bac d’eau sera prêt. Nous laisserons des pains de savon et des serviettes.
— Merci, murmurai-je d’une voix que j’entendis à peine.
Une fois le battant fermé, je me laissai tomber en arrière sur le lit. Comment étais-je arrivé ici ? Étais-je venu seul ? Si ce n’était pas le cas, où était Mars ?

Je devais remonter le couloir lambrissé pour accéder à la salle des bains. Après avoir enfilé des chausses pour éviter de faire tourner de l’œil quelque domestique, je suivis les indications que Halise m’avait données. La salle des bains était un peu plus petite que ma chambre et chauffée par un âtre. Comme promis, un large bac d’eau fumante m’y attendait. Je déposai ma pile de vêtements sur la table d’appoint qui supportait déjà une serviette rêche. Dieux merci, la tenue était constituée des vêtements que je portais… quelques heures plus tôt ? Je n’avais pas la moindre idée du temps qui s’était écoulé depuis que j’avais discuté avec Eon.
Je plongeai un doigt dans l’eau fumante avant d’y entrer pleinement. Je n’avais guère envie de m’ébouillanter. Comme la température était trop haute à mon goût, je la diminuai de quelques degrés d’une simple pensée. L’effort se fit aussitôt ressentir : mon genou trébucha et je faillis passer cul par-dessus tête dans le bac. Par Lefk, j’étais dans un état déplorable. J’avais pourtant bu jusqu’à plus soif lorsque Halise était revenue me voir, une carafe en main. Avoir bu ne changera rien au fait que tu es totalement épuisé, Al.
Je restai un moment sans bouger, une fois plongé dans mon bain. En l’espace de quelques semaines, j’avais bien maigri. Notre escapade au Mont Valkovjen m’avait coûté. Mes côtes à présent visibles – et sûrement fêlées – ne m’inquiétaient en réalité pas tant que ça. J’avais l’esprit tourné vers mon ami, vers Mars.
Une fois lavé, rasé et habillé, je quittai la pièce en grimaçant. Les douleurs dans mon bras gauche s’étaient à peine dissipées avec l’eau chaude. Et mon attelle mériterait bien d’être refaite. Devant ma chambre, j’eus la surprise de retrouver Halise. Elle m’adressa un petit sourire – elle avait l’air plus à l’aise à présent que j’étais vêtu.
— On m’a chargée de vous emmener jusqu’à la Gran’Salle.
Je me contentai de lui faire signer d’avancer. Je me sentais encore trop nauséeux et engourdi pour faire la conversation. Nos pas résonnèrent contre les murs éclairés à intervalles réguliers par des lampes à huile. Malgré quelques pots de fleurs çà et là, l’odeur d’humidité était difficile à chasser. Voilà pourquoi je préférais une tente à belle étoile : j’étais peut-être plus exposé aux intempéries, mais je pouvais sentir l’odeur de la nuit tombante, de la terre chauffée par le soleil ou des bois assoupis.
Les relents de poussière s’amenuisèrent quand nous approchâmes du cœur du château. Des échos de conversation rebondissaient autour de nous. Je captais quelques mots à la volée, mais jamais assez pour reconstituer les phrases. Les regards s’attardaient sur nous tandis que Halise me menait vers une antichambre efficacement aménagée.
— Je vous laisse ici. Le valet des doléances viendra vous chercher quand la Reine sera prête à vous accueillir.
Elle n’attendit pas ma réponse pour s’en aller. Deux soldats, plantés à côté des portes, me toisaient avec raideur. Je les confrontai du regard jusqu’à que je comprisse qu’ils se méfiaient des deux fourreaux que je portais. Pour l’instant, ils ne m’avaient pas fait de remarque. Peut-être Alice les avait-elle prévenus de mon attachement pour mes sabres.
J’étais à deux doigts de me laisser choir de lassitude sur un fauteuil quand les gonds grincèrent. Les soldats ne cillèrent pas tandis que les battants s’écartaient. Un jeune couple les franchit sans un regard en arrière et fila vers les couloirs sans même me saluer. Comme personne ne faisait signe de bouger, j’approchai d’un pas.
— Je peux entr…
— Achalmy ?
Une femme venait d’apparaître entre les battants. Alic… non. Plus âgée, plus impérieuse. Pourtant, elle ressemblait à mon amie, avec l’ovale de son visage réhaussé avec des pommettes saillantes, des fines lèvres roses bien dessinées et de grands yeux. Mais les siens étaient gris et des fils d’argent parsemaient ses cheveux noirs. Mama d'Alice.
— Dame Trianna, je suppose ? lançai-je en m’efforçant d’aplanir ma voix de politesse.
Je posai ma main valide sur le manche de Kan et baissai la nuque. La mère d’Alice plissa les yeux puis inclina le menton en retour. Apparemment, elle connaissait cette tradition nordiste.
— Entrez, je vous en prie. Ma fille vous attend.
Même si mes nausées s’étaient quelque peu calmées, quelque chose me brûla les entrailles. Je n’avais jamais échangé avec Alice dans un cadre aussi formel. Quant à l’absence de réponses sur Mars… ça n’augurait rien de bon. Pourquoi mon amie n’était-elle pas venue directement me voir dans ma chambre ? Pasqu'elle est reine et que si la reine commence à rendre visite à des inconnus de la Cour dans leur chambre, ça va soulever beaucoup de questions. Déjà. Et puis bon, Mars.

Nan mais je t'ai vue venir, Coline. Je suis fière de toi, hein. Mais je t'ai vue venir. :lol:


La Gran’Salle était éclairée par plusieurs imposantes cheminées et une multitude de lampes à huile et bougies. La lumière y était tiède et accueillante. Les tapis et les tentures murales apaisaient la rigidité de la pierre. Je ne m’attardai pas plus longtemps sur la décoration : mon regard se riva bientôt à l’estrade qui surplombait les lieux. Deux trônes y étaient installés, parés de peaux de bêtes. Alice était assise sur le plus grand.
— Fermez les battants, ordonna la voix de Trianna Tharros dans mon dos.
Le valet des doléances s’exécuta. Les talons de l’ancienne reine claquèrent lorsqu’elle grimpa l’estrade pour rejoindre le deuxième trône, plus petit. Penchée en avant sur son siège, pâle malgré les lumières dorées, Alice me dévisageait. Elle avait les lèvres entrouvertes, comme si elle s’apprêtait à dire quelque chose, mais pas un bruit n’en sortait. La couronne semblait peser des tonnes sur son crâne.
Elle s’en débarrassa rapidement. Après avoir refermé la bouche et serré les mâchoires, Alice ôta le symbole royal avec une fermeté résignée. Quand elle se leva du trône, sa tenue me surprit pendant un instant. Elle affichait les couleurs de la royauté – turquoise et blanc – et son haut était typiquement occidental. Mais elle portait des chausses claires que n’importe quel Nordiste aurait pu posséder. Quant à ses cheveux sombres, ils étaient noués en tresses serrées sur son crâne, une coupe que j’avais plus croisée dans mes contrées que dans les siennes. Elle a pris un peu du meilleur des deux mondes.
Elle fit quelques pas vers les marches de l’estrade. Ses yeux indigo bouillonnaient, l’électricité statique hérissait les poils de ma nuque. La connaissant, je me serais attendu à ce qu’elle se précipitât vers moi. Mais la Alice d’avant s’était endormie, car elle se présenta à moi sous un jour bien différent. Ses pas se firent mesurés tandis qu’elle descendait à ma rencontre. Elle avait ôté sa couronne dans une intention bien définie, mais je sentis quand même le poids de la gouvernance quand elle s’arrêta en face de moi. Son visage s’était émacié, la faisant paraître plus adulte. Elle a grandi sans toi, Al.
— Achalmy, énonça-t-elle d’une voix claire, ni calme ni douce.
Les brumes dans ses yeux se firent plus épaisses. Sa mâchoire se crispa, mais elle ne se détourna pas de mon inspection silencieuse. Elle avait quelque chose à me dire. Quelque chose qui ne me plairait pas. Elle prenait des pincettes. Faisait de la diplomatie. Peu importait le nom, je perdais déjà patience.
— Dis-moi, Alice.
Elle hocha la tête, pinça les lèvres puis inspira.
— C’est Eon qui t’a amené ici. Tu étais inconscient et… presque mort. Nos guérisseurs ont quand même pu stabiliser ton état et t’éviter l’hypothermie.
Même si je m’étais déjà douté de ceci, je hochai la tête. Comme Alice baissait les yeux vers un point à ma droite, je lui empoignai doucement le bras.
— Alice, où est Mars ?
— Al…
Sa voix s’était effritée. Je ne savais pas depuis combien de temps elle avait embrassé son rôle pour la couronne occidentale, mais je décelais l’ancienne Alice à présent. La vulnérabilité de son regard, l’incertitude de ses mots. :cry:
— Mars est arrivé avec toi, reprit-elle en serrant ses doigts autour des miens. J’ai essayé… quand j’ai compris qu’il ne respirait plus… j’avais vu une Noble guérisseuse faire ça… des pulsions électriques dans la poitrine. Malheureusement, je n’ai pas réussi à… Ayaaaa… :cry:
— Mars est mort.
Je le déclarai sans bouger d’un cil. Alice tressaillit, enfonça ses ongles dans ma paume puis acquiesça. Je la dévisageai quelques secondes avant de m’enquérir :
— Tes guérisseurs ont pas réussi à le sauver ? Pourquoi moi et pas lui ? J’ai un bras fracassé et sûrement des côtes fêlées. Mars avait rien de tout ça. Alors pourquoi ? L'hypothermie tue plus vite que des os cassés, choupinou.
L’air se condensa autour de nous en réponse à ma colère hébétée. Alice se crispa sous ma poigne, mais elle ne se déroba pas. Elle soutint mon regard, mon incompréhension, jusqu’à grimacer quand le givre se mit à couvrir nos mains emmêlées de nervosité.
— Je suis navrée, Achalmy. Mes guérisseurs n’ont pas réussi à le sauver. Moi non plus.
Je compris à son menton froissé et à ses yeux brouillés qu’elle retenait ses larmes.
— Non, c’est…
Elle retint de justesse une exclamation de douleur quand j’arrachai ma main à la sienne, cassant la fine couche de glace qui s’y était installée. Malgré le tourbillon d’émotions qui gonflaient mon crâne, je savais que la responsabilité n’incombait pas à Alice.
— C’est pas ta faute, finis-je par bredouiller en sentant mes épaules tomber. Yep.
C’était la mienne, parce que je l’avais abandonné derrière moi. Obsédé par le besoin de retrouver Eon, j’en avais oublié mon ami. Il avait dû s’enfoncer trop loin, tomber de fatigue et s’évanouir de froid. Eon s’était montré clément en nous ramenant en sûreté, mais il était alors déjà trop tard pour mon ami.
Je ne parvenais plus à bouger. Je m’en voulais, mais, surtout, je souffrais. Et c’était une sensation que je détestais, car elle entravait mon âme et me brûlait le cœur.
À travers ma vue brouillée, je finis par remarquer qu’Alice m’observait d’un air soucieux. Je pris une courte inspiration avant de murmurer :
— Désolé, Alice, je dois… faut juste que je… Je reviendrai te voir, mais attends un peu…
— Al, me coupa-t-elle en posant la main sur mon bras. Tu n’as pas à porter ta douleur tout seul.
Elle avait les doigts couverts d’engelures. Ma gorge se noua jusqu’à l’air fît un drôle de bruit en s’y engouffrant. En l’espace de quelques mois, elle avait peut-être mûri, mais elle n’avait ni grandi ni grossi. Sa silhouette menue n’avait pas grand-chose d’intimidant. Elle supporta pourtant mon poids sans broncher quand je la laissai m’enlacer.
Tout semblait trop petit et infiniment grand autour de moi. J'aime beaucoup cette image ^^
Bon. Tu m'avais prévenue, je m'y attendais. Ça picote quand même, mais je suis fière de toi :mrgreen: On va fêter ça, Co a tué un personnage majeur !
Image

(Faut pas croire que je ne suis pas triste pour Mars, hein. :lol: )

Sinon, à part les petits trucs que j'ai relevés dans deux phrases au-dessus, c'était toujours aussi clean et fluide. Franchement, bravo à toi pour avoir tenu le cap, on sait que c'était dur mais Oneiris le mérite (et arrête de dénigrer cette pauvre histoire). J'ai hâte de voir ce qu'il nous reste à vivre dans cet univers, maintenant !
La bise ~
louji

Profil sur Booknode

Messages : 1724
Inscription : lun. 02 sept., 2013 3:10 pm

Re: Oneiris - Tomes I (terminé) et II (en cours) [Heroic fantasy]

Message par louji »

TcmA a écrit : dim. 23 mai, 2021 6:24 pm
Spoiler
Image






:arrow: Alucard, bébou :'c




Ouch. Je. Ouais.

Fiou, va me falloir un moment :v

Bon, douleur mise à part,
les chapitres 16 étaient vraiment très bons ! L'arrivée d'Eon casse bien tout (encore une fois, je l'aime beaucoup), tu nous tiens bien en haleine par rapport au sort de Mars, c'est bien rythmé, y a ce qu'il faut, même une petite dose d'humour. Top !
Contente que tu en arrives à la fin niveau écriture ! J'ai bien hâte de voir ce que tu nous réserves ! Jépeur maintenant, bravo :c Quelle que soit la fin, ce sera bon : j'ai aucun doute là dessus.

Courage pour la fin de l'écriture ♥
La bise~
Je suis désolée :cry:

Ouais, douleur mise à part, merci ♥
Bon, retour de karma, depuis 2 semaines c'est grand vide artistique sur tous les plans :lol: (j'ai la motivation pour rien du tout, ni lire ni écrire ni regarder des séries/films... pas pour mon mémoire non plus :roll: )

Merci beaucoup pour ton retour et ton soutien en tout cas :D

Zoubi
louji

Profil sur Booknode

Messages : 1724
Inscription : lun. 02 sept., 2013 3:10 pm

Re: Oneiris - Tomes I (terminé) et II (en cours) [Heroic fantasy]

Message par louji »

vampiredelivres a écrit : lun. 24 mai, 2021 2:04 pm
louji a écrit : sam. 22 mai, 2021 9:12 pm Bonjour ! Je suis pas loin d'avoir terminé l'histoire de mon côté, il me reste 2 chapitres et un épilogue. Je vous cache pas que j'ai assez hâte de poser un point final à cette histoire :D Hello ! Félicitations ! :D Je sais à quel point ça te prenait la tête d'avancer dans l'histoire, donc un grand bravo à toi pour avoir tenu le coup ! :arrow: Oui, merci ! J'ai un passage à vide en ce moment mais j'espère que l'inspi reviendra après !
Bonne lecture !




Chapitre 16
Achalmy



An 500 après le Grand Désastre, 1e mois de l’hiver, Château du Crépuscule, Terres de l’Ouest.



Que fabriquais-je dans l’Ouest ? Rhoh bah tu t'es un peu fait téléporter… juste un peu… :arrow: Ça arrive de temps en temps dans cet univers :roll:

J’attendis deux nouvelles minutes avant de tenter une sortie du lit. L’idée m’échappa bien vite lorsque je pris appui sur mes coudes. Une décharge de douleur me traversa le bras gauche du poignet à l’épaule. J’avisai avec une grimace consternée l’attelle de bandages et de branches qui maintenait mon coude. Sûrement des os cassés.
Je me laissai retomber contre les oreillers. Ils sentaient la lavande. Avec un soupir, je jetai un coup d’œil à la table de chevet en bois sombre. Rien à ma disposition en dehors d’un linge à la propreté douteuse. De ma main valide, je tâtonnai mon corps. On avait retiré mes vêtements et mes affaires. Plus de besace, plus de couteau, plus de sabres.
Malgré le pulsion d’énergie nerveuse qui me secoua à l’idée de m’être fait voler mes katanas, je ne pus quitter mon couchage. Je ne savais pas à quand remontait mon dernier repas, mais je manquais de forces. Et d’eau. D’une énorme gourde d’eau.
La salive faillit me monter à la bouche. Ma sensibilité d’Élémentaliste s’aiguisa, pointa tout autour de moi, chercha la moindre parcelle humide. Quand j’eus formé une petite bulle d’eau, je l’approchai de mes lèvres. Par les Dieux, mon corps se mettait déjà à trembler sous l’effort, je n’allais pas tenir longte… Plouf :lol:
La bulle d’eau éclata au niveau de mes lèvres, m’hydrata la langue autant que le cou. Excédé, je réitérai le geste, mais je tombai rapidement à court d’énergie. Je n’avais plus rien en moi. Plus la moindre goutte de pouvoir. C'est quand même con pour quelqu'un qui maîtrise l'eau… :mrgreen: :arrow: C'est rien de le dire :lol:
Frustré, je passai la langue sur mes lèvres gercées, frottai de ma main valide ma joue couverte de poils disparates. J’étais faible, à la merci de mes hôtes. Des hôtes qui me voulaient vraisemblablement du bien – je serais déjà mort le cas contraire. N’empêchait que la situation me déplaisait terriblement. Je devais reprendre des forces et…
Oh, Mars. ALORS. À ce propos.
Je trouvai l’énergie de rouler sur le flanc. Le mouvement coinça mon bras blessé, m’arracha un grognement et me fit changer de position avec hâte. :arrow: Le "avec" me perturbe un peu… hâtivement ? à la hâte ? :arrow: Ah oui, merci ! Le bord du lit se présenta, rapidement suivi du parquet lorsque je tombai de côté. Le choc sourd vida l’air de mes poumons. Les dents serrées, je forçai sur mes genoux et mon bras valide pour me redresser. La sueur me coulait du front, malgré le froid de la pièce.
Une fois à genoux, haletant, perclus de douleur et de fatigue, j’avisai deux fourreaux calés contre la table de nuit. Je ne les avais pas vus à cause de ma position allongée dans le lit. :arrow: La fin fait un peu lourde… "Allongé sur le lit, je ne les avais pas vus", je pense que ça transmettrait aussi bien l'idée, non ? :ugeek: :arrow: Tout à fait ! TY
— Par les Dieux, marmonnai-je d’une voix rocailleuse.
Tenir les manches de mes armes amena un peu de lumière sous mon crâne. Je me servis d’Eon, mon plus long sabre, pour me redresser. La pièce tangua quelques instants. Un claquement dans mon dos me fit tourner les talons. La porte venait de s’ouvrir sur une jeune femme vêtue de ces étonnantes – et parfaitement inefficaces – pièces de tissu occidental. Des carrés, ronds et losanges accrochés ensemble par des boucles en métal. Inefficace, peut-être, mais j'aime beaucoup la description et l'image que j'en ai dans ma tête ! :arrow: C'est esthétiquement intéressant :mrgreen: (Al s'en carre complètement du coup :roll: ) Les couleurs ternes de sa tenue, beige et gris, m’apprirent qu’elle n’était pas Noble. Les Élémentalistes Occidentaux aimaient se pavaner avec des ensembles aux teintes criardes.
— Bonjour, lançai-je en forçant le moins possible sur ma gorge enflammée.
En couinant, elle laissa tomber le linge qu’elle portait à l’avant-bras et partit en courant. Je cillai, fis quelques pas à l’aide d’Eon et me penchai à l’angle de la porte.
— Bonjour ?
La domestique avait disparu. Ma voix était-elle si éraillée qu’une simple salutation avait suffi à la repousser ? En ramassant le linge, je me rappelai alors ma nudité. Détail ça. Bon, ça n’avait pas dû la rassurer non plus. Guère désireux de semer plus de discorde chez mes hôtes, je parcourus la chambre à la recherche de vêtements. Je n’avais rien d’autre à disposition que le linge serré dans ma main droite.
Comme mes jambes se mettaient à trembler, je rejoignis le lit et me laissai choir au bord après avoir noué le tissu grossier autour de mes hanches. Ça ferait bien l’affaire an :arrow: en :arrow: Merciii attendant de véritables vêtements.


— Ma vie ne regarde que moi, Sire Achalmy. Traduction, tais-toi et passe à autre chose. J'aime beaucoup Jenna. :lol: :arrow: Yes, elle fait plaiz :mrgreen:
Elle ne réagit pas au rictus acide que je lui adressai. Bon sang, ces Occidentaux et leurs manières… Avant que j’eusse le temps de protester, elle déposa une pile de vêtements sur le lit à côté de moi. Jenna n’avait pas l’air embarrassée par ma presque-nudité. Elle n’était peut-être pas Occidentale jusqu’au bout des ongles.

Je devais remonter le couloir lambrissé pour accéder à la salle des bains. Après avoir enfilé des chausses pour éviter de faire tourner de l’œil quelque domestique, je suivis les indications que Halise m’avait données. La salle des bains était un peu plus petite que ma chambre et chauffée par un âtre. Comme promis, un large bac d’eau fumante m’y attendait. Je déposai ma pile de vêtements sur la table d’appoint qui supportait déjà une serviette rêche. Dieux merci, la tenue était constituée des vêtements que je portais… quelques heures plus tôt ? Je n’avais pas la moindre idée du temps qui s’était écoulé depuis que j’avais discuté avec Eon.
Je plongeai un doigt dans l’eau fumante avant d’y entrer pleinement. Je n’avais guère envie de m’ébouillanter. Comme la température était trop haute à mon goût, je la diminuai de quelques degrés d’une simple pensée. L’effort se fit aussitôt ressentir : mon genou trébucha et je faillis passer cul par-dessus tête dans le bac. Par Lefk, j’étais dans un état déplorable. J’avais pourtant bu jusqu’à plus soif lorsque Halise était revenue me voir, une carafe en main. Avoir bu ne changera rien au fait que tu es totalement épuisé, Al. :arrow: Laisse-le dans son déni :roll:

Même si mes nausées s’étaient quelque peu calmées, quelque chose me brûla les entrailles. Je n’avais jamais échangé avec Alice dans un cadre aussi formel. Quant à l’absence de réponses sur Mars… ça n’augurait rien de bon. Pourquoi mon amie n’était-elle pas venue directement me voir dans ma chambre ? Pasqu'elle est reine et que si la reine commence à rendre visite à des inconnus de la Cour dans leur chambre, ça va soulever beaucoup de questions. Déjà. Et puis bon, Mars.

Nan mais je t'ai vue venir, Coline. Je suis fière de toi, hein. Mais je t'ai vue venir. :lol:
:arrow: Ui. Bon, pauvre Al, il a encore du mal avec les coutumes occidentales, mais ça va venir. Faut dire que le panneau de signalisation était difficilement loupable :lol:

Quant à ses cheveux sombres, ils étaient noués en tresses serrées sur son crâne, une coupe que j’avais plus croisée dans mes contrées que dans les siennes. Elle a pris un peu du meilleur des deux mondes. :arrow: Elle commence à faire ses petits essais la Lilice
Elle fit quelques pas vers les marches de l’estrade. Ses yeux indigo bouillonnaient, l’électricité statique hérissait les poils de ma nuque. La connaissant, je me serais attendu à ce qu’elle se précipitât vers moi. Mais la Alice d’avant s’était endormie, car elle se présenta à moi sous un jour bien différent. Ses pas se firent mesurés tandis qu’elle descendait à ma rencontre. Elle avait ôté sa couronne dans une intention bien définie, mais je sentis quand même le poids de la gouvernance quand elle s’arrêta en face de moi. Son visage s’était émacié, la faisant paraître plus adulte. Elle a grandi sans toi, Al. :arrow: Eh oui, surprise :o
— Achalmy, énonça-t-elle d’une voix claire, ni calme ni douce.
Les brumes dans ses yeux se firent plus épaisses. Sa mâchoire se crispa, mais elle ne se détourna pas de mon inspection silencieuse. Elle avait quelque chose à me dire. Quelque chose qui ne me plairait pas. Elle prenait des pincettes. Faisait de la diplomatie. Peu importait le nom, je perdais déjà patience.
— Dis-moi, Alice.
Elle hocha la tête, pinça les lèvres puis inspira.
— C’est Eon qui t’a amené ici. Tu étais inconscient et… presque mort. Nos guérisseurs ont quand même pu stabiliser ton état et t’éviter l’hypothermie.
Même si je m’étais déjà douté de ceci, je hochai la tête. Comme Alice baissait les yeux vers un point à ma droite, je lui empoignai doucement le bras.
— Alice, où est Mars ?
— Al…
Sa voix s’était effritée. Je ne savais pas depuis combien de temps elle avait embrassé son rôle pour la couronne occidentale, mais je décelais l’ancienne Alice à présent. La vulnérabilité de son regard, l’incertitude de ses mots. :cry:
— Mars est arrivé avec toi, reprit-elle en serrant ses doigts autour des miens. J’ai essayé… quand j’ai compris qu’il ne respirait plus… j’avais vu une Noble guérisseuse faire ça… des pulsions électriques dans la poitrine. Malheureusement, je n’ai pas réussi à… Ayaaaa… :cry: :arrow: Ouais. Ouais :'c
— Mars est mort.
Je le déclarai sans bouger d’un cil. Alice tressaillit, enfonça ses ongles dans ma paume puis acquiesça. Je la dévisageai quelques secondes avant de m’enquérir :
— Tes guérisseurs ont pas réussi à le sauver ? Pourquoi moi et pas lui ? J’ai un bras fracassé et sûrement des côtes fêlées. Mars avait rien de tout ça. Alors pourquoi ? L'hypothermie tue plus vite que des os cassés, choupinou. :arrow: Achalmy-déni part 78
L’air se condensa autour de nous en réponse à ma colère hébétée. Alice se crispa sous ma poigne, mais elle ne se déroba pas. Elle soutint mon regard, mon incompréhension, jusqu’à grimacer quand le givre se mit à couvrir nos mains emmêlées de nervosité.
— Je suis navrée, Achalmy. Mes guérisseurs n’ont pas réussi à le sauver. Moi non plus.
Je compris à son menton froissé et à ses yeux brouillés qu’elle retenait ses larmes.
— Non, c’est…
Elle retint de justesse une exclamation de douleur quand j’arrachai ma main à la sienne, cassant la fine couche de glace qui s’y était installée. Malgré le tourbillon d’émotions qui gonflaient mon crâne, je savais que la responsabilité n’incombait pas à Alice.
— C’est pas ta faute, finis-je par bredouiller en sentant mes épaules tomber. Yep.
C’était la mienne, parce que je l’avais abandonné derrière moi. Obsédé par le besoin de retrouver Eon, j’en avais oublié mon ami. Il avait dû s’enfoncer trop loin, tomber de fatigue et s’évanouir de froid. Eon s’était montré clément en nous ramenant en sûreté, mais il était alors déjà trop tard pour mon ami.
Je ne parvenais plus à bouger. Je m’en voulais, mais, surtout, je souffrais. Et c’était une sensation que je détestais, car elle entravait mon âme et me brûlait le cœur.
À travers ma vue brouillée, je finis par remarquer qu’Alice m’observait d’un air soucieux. Je pris une courte inspiration avant de murmurer :
— Désolé, Alice, je dois… faut juste que je… Je reviendrai te voir, mais attends un peu…
— Al, me coupa-t-elle en posant la main sur mon bras. Tu n’as pas à porter ta douleur tout seul.
Elle avait les doigts couverts d’engelures. Ma gorge se noua jusqu’à l’air fît un drôle de bruit en s’y engouffrant. En l’espace de quelques mois, elle avait peut-être mûri, mais elle n’avait ni grandi ni grossi. Sa silhouette menue n’avait pas grand-chose d’intimidant. Elle supporta pourtant mon poids sans broncher quand je la laissai m’enlacer.
Tout semblait trop petit et infiniment grand autour de moi. J'aime beaucoup cette image ^^ :arrow: Merci !
Bon. Tu m'avais prévenue, je m'y attendais. Ça picote quand même, mais je suis fière de toi :mrgreen: On va fêter ça, Co a tué un personnage majeur !

(Faut pas croire que je ne suis pas triste pour Mars, hein. :lol: )

Sinon, à part les petits trucs que j'ai relevés dans deux phrases au-dessus, c'était toujours aussi clean et fluide. Franchement, bravo à toi pour avoir tenu le cap, on sait que c'était dur mais Oneiris le mérite (et arrête de dénigrer cette pauvre histoire). J'ai hâte de voir ce qu'il nous reste à vivre dans cet univers, maintenant !
La bise ~
Oui, puis j'ai essayé d'amener le truc en douceur aussi ! Je ne sais pas s'il y a vraiment des surpris par cette mort de personnage :roll:
Mais ouais, c'était un exercice intéressant (mais très fun pour le kokoro :'v) ! Ça m'était pas arrivé depuis des années de tuer un personnage secondaire important/principal.

mdr nanmaisoh léssé-mwa dénigrer cette histoire :evil:
La bise, merci beaucoup pour ton retour !!
TcmA

Profil sur Booknode

Messages : 407
Inscription : dim. 02 sept., 2018 10:44 pm

Re: Oneiris - Tomes I (terminé) et II (en cours) [Heroic fantasy]

Message par TcmA »

louji a écrit : sam. 29 mai, 2021 10:58 pm Je suis désolée :cry:

Ouais, douleur mise à part, merci ♥
Bon, retour de karma, depuis 2 semaines c'est grand vide artistique sur tous les plans :lol: (j'ai la motivation pour rien du tout, ni lire ni écrire ni regarder des séries/films... pas pour mon mémoire non plus :roll: )

Merci beaucoup pour ton retour et ton soutien en tout cas :D

Zoubi

It's oké, je comprends pourquoi tu l'as fait ;w;

MDRRRR le karma, quelle saleté ! Je te comprends, c'est pareil, j'arrive à me concentrer sur rien aled (j'arrive pas à terminer les séries que j'ai revues, j'arrive pas à lire, et coucou ma soutenance qui arrive dans pas longtemps :') ) Courage pour le mémoire !

Comme toujours, avec plaisir ! :D

La bise~

PS : nan, pas de dénigrement ici >:c
DanielPagés

Profil sur Booknode

Messages : 2595
Inscription : mer. 09 mars, 2011 4:04 pm
Localisation : France sud-ouest
Contact :

Re: Oneiris - Tomes I (terminé) et II (en cours) [Heroic fantasy]

Message par DanielPagés »

Ouais, il me semblait bien qu'il y avait un nouveau chapitre...
Rien de bien inattendu, évidemment ! Faudrait que les guérisseurs travaillent sur la cryogénisation... :evil:
Bon, sinon c'est un chapitre agréable à lire qui coule vers le moment où ils vont se prendre dans les bras l'un l'autre, bien sûr...
On se dit que s'il n'y avait pas eu le problème de Mars, elle aurait jeté la couronne à sa mère ou au premier serviteur à portée et elle aurait sauté au cou d'Achalmy... ça aurait pu être marrant ! :lol: ouais je me force à rire, mais bon...

Quelques détails :

frottai de ma main valide ma joue couverte de poils disparates. - Disparates ? t'es sûre que tu veux pas plutôt dire épars ?(Répandu de tous côtés, dispersé, en désordre.)

je serais déjà mort le cas contraire - dans le cas contraire

la domestique en cheffe - en chef (à moins que ce soit un acte militant, il n'y a a aucune raison de féminiser chef ici :) )

Malgré sa droiture, - que veux-tu dire ? droiture c'est un trait de caractère et pas le fait de se tenir droit... (droiture, intégrité -> <-fourberie, déloyauté) Je comprends pas l'opposition à "ses yeux fougueux"

Elle essayait sûrement de la cacher - de le cacher

Je les confrontai du regard - au moins la troisième fois !), on ne confronte pas quelqu'un, on se confronte à quelqu'un ou on confronte une personne à une autre

une coupe que j’avais plus croisée dans mes contrées que dans les siennes. - pour la musique de la phrase, on peut souvent remplacer "plus" par "davantage"

Ma gorge se noua jusqu’à l’air fît un drôle de bruit en s’y engouffrant - ??? relis ça !! :lol:


Hé ! tiens bon ! Et si t'as besoin d'aide...
Bisous
vampiredelivres

Profil sur Booknode

Messages : 2887
Inscription : dim. 03 févr., 2013 3:54 pm

Re: Oneiris - Tomes I (terminé) et II (en cours) [Heroic fantasy]

Message par vampiredelivres »

louji a écrit : sam. 29 mai, 2021 11:18 pm
vampiredelivres a écrit : lun. 24 mai, 2021 2:04 pm Bonjour ! Je suis pas loin d'avoir terminé l'histoire de mon côté, il me reste 2 chapitres et un épilogue. Je vous cache pas que j'ai assez hâte de poser un point final à cette histoire :D Hello ! Félicitations ! :D Je sais à quel point ça te prenait la tête d'avancer dans l'histoire, donc un grand bravo à toi pour avoir tenu le coup ! :arrow: Oui, merci ! J'ai un passage à vide en ce moment mais j'espère que l'inspi reviendra après ! Ça va aller, j'ai confiance en toi ! (J'ai failli écrire "fonciance", je crois que les fonctions en programmation me montent à la tête. :lol: )
Bonne lecture !




Chapitre 16
Achalmy



An 500 après le Grand Désastre, 1e mois de l’hiver, Château du Crépuscule, Terres de l’Ouest.


Tenir les manches de mes armes amena un peu de lumière sous mon crâne. Je me servis d’Eon, mon plus long sabre, pour me redresser. La pièce tangua quelques instants. Un claquement dans mon dos me fit tourner les talons. La porte venait de s’ouvrir sur une jeune femme vêtue de ces étonnantes – et parfaitement inefficaces – pièces de tissu occidental. Des carrés, ronds et losanges accrochés ensemble par des boucles en métal. Inefficace, peut-être, mais j'aime beaucoup la description et l'image que j'en ai dans ma tête ! :arrow: C'est esthétiquement intéressant :mrgreen: (Al s'en carre complètement du coup :roll: ) En même temps, c'est une brute nordiste :mrgreen: Plus sérieusement, faut réfléchir môssieur et penser utile en fonction des températures locales aussi x) Les couleurs ternes de sa tenue, beige et gris, m’apprirent qu’elle n’était pas Noble. Les Élémentalistes Occidentaux aimaient se pavaner avec des ensembles aux teintes criardes.

Je devais remonter le couloir lambrissé pour accéder à la salle des bains. Après avoir enfilé des chausses pour éviter de faire tourner de l’œil quelque domestique, je suivis les indications que Halise m’avait données. La salle des bains était un peu plus petite que ma chambre et chauffée par un âtre. Comme promis, un large bac d’eau fumante m’y attendait. Je déposai ma pile de vêtements sur la table d’appoint qui supportait déjà une serviette rêche. Dieux merci, la tenue était constituée des vêtements que je portais… quelques heures plus tôt ? Je n’avais pas la moindre idée du temps qui s’était écoulé depuis que j’avais discuté avec Eon.
Je plongeai un doigt dans l’eau fumante avant d’y entrer pleinement. Je n’avais guère envie de m’ébouillanter. Comme la température était trop haute à mon goût, je la diminuai de quelques degrés d’une simple pensée. L’effort se fit aussitôt ressentir : mon genou trébucha et je faillis passer cul par-dessus tête dans le bac. Par Lefk, j’étais dans un état déplorable. J’avais pourtant bu jusqu’à plus soif lorsque Halise était revenue me voir, une carafe en main. Avoir bu ne changera rien au fait que tu es totalement épuisé, Al. :arrow: Laisse-le dans son déni :roll: Nan mais aussi, là… faut vraiment penser à acheter un cerveau. Ou au moins un fragment. Dis-lui que ça peut servir. :lol:

Même si mes nausées s’étaient quelque peu calmées, quelque chose me brûla les entrailles. Je n’avais jamais échangé avec Alice dans un cadre aussi formel. Quant à l’absence de réponses sur Mars… ça n’augurait rien de bon. Pourquoi mon amie n’était-elle pas venue directement me voir dans ma chambre ? Pasqu'elle est reine et que si la reine commence à rendre visite à des inconnus de la Cour dans leur chambre, ça va soulever beaucoup de questions. Déjà. Et puis bon, Mars.

Nan mais je t'ai vue venir, Coline. Je suis fière de toi, hein. Mais je t'ai vue venir. :lol:
:arrow: Ui. Bon, pauvre Al, il a encore du mal avec les coutumes occidentales, mais ça va venir. Faut dire que le panneau de signalisation était difficilement loupable :lol: Il a du mal il a du mal… Il essaie même pas x) Ouais, je me doutais un peu que ce serait lui dès le moment où on en avait parlé, mais ça reste triste.

Quant à ses cheveux sombres, ils étaient noués en tresses serrées sur son crâne, une coupe que j’avais plus croisée dans mes contrées que dans les siennes. Elle a pris un peu du meilleur des deux mondes. :arrow: Elle commence à faire ses petits essais la Lilice Et j'espère qu'elle va continuer dans cette voie !
Elle fit quelques pas vers les marches de l’estrade. Ses yeux indigo bouillonnaient, l’électricité statique hérissait les poils de ma nuque. La connaissant, je me serais attendu à ce qu’elle se précipitât vers moi. Mais la Alice d’avant s’était endormie, car elle se présenta à moi sous un jour bien différent. Ses pas se firent mesurés tandis qu’elle descendait à ma rencontre. Elle avait ôté sa couronne dans une intention bien définie, mais je sentis quand même le poids de la gouvernance quand elle s’arrêta en face de moi. Son visage s’était émacié, la faisant paraître plus adulte. Elle a grandi sans toi, Al. :arrow: Eh oui, surprise :o En même temps, boulet qu'il est, il l'a repoussée. Il avait raison, hein, mais il l'a repoussée x)

— Mars est arrivé avec toi, reprit-elle en serrant ses doigts autour des miens. J’ai essayé… quand j’ai compris qu’il ne respirait plus… j’avais vu une Noble guérisseuse faire ça… des pulsions électriques dans la poitrine. Malheureusement, je n’ai pas réussi à… Ayaaaa… :cry: :arrow: Ouais. Ouais :'c
— Mars est mort.
Je le déclarai sans bouger d’un cil. Alice tressaillit, enfonça ses ongles dans ma paume puis acquiesça. Je la dévisageai quelques secondes avant de m’enquérir :
— Tes guérisseurs ont pas réussi à le sauver ? Pourquoi moi et pas lui ? J’ai un bras fracassé et sûrement des côtes fêlées. Mars avait rien de tout ça. Alors pourquoi ? L'hypothermie tue plus vite que des os cassés, choupinou. :arrow: Achalmy-déni part 78 Nan mais c'est plus Achalmy-déni, c'est Achalmy l'autruche, son cerveau est resté enterré x)


Oui, puis j'ai essayé d'amener le truc en douceur aussi ! Je ne sais pas s'il y a vraiment des surpris par cette mort de personnage :roll:
Mais ouais, c'était un exercice intéressant (mais très fun pour le kokoro :'v) ! Ça m'était pas arrivé depuis des années de tuer un personnage secondaire important/principal.

mdr nanmaisoh léssé-mwa dénigrer cette histoire :evil:
La bise, merci beaucoup pour ton retour !!

C'était bien amené en tout cas :)
Rhoh tout de suite… il faut des enjeux, miss, il faut des persos qui meurent :lol: (J'dis ça mais je vais finir par buter 80 % de mes personnages façon Akame Ga Kill, donc je ne suis pas non plus la référence par excellence.)

Mé non faut pas, elle est bien. Je vais te taper si tu dis encore le contraire. :twisted:
louji

Profil sur Booknode

Messages : 1724
Inscription : lun. 02 sept., 2013 3:10 pm

Re: Oneiris - Tomes I (terminé) et II (en cours) [Heroic fantasy]

Message par louji »

DanielPagés a écrit : ven. 11 juin, 2021 7:54 pm Ouais, il me semblait bien qu'il y avait un nouveau chapitre...
Rien de bien inattendu, évidemment ! Faudrait que les guérisseurs travaillent sur la cryogénisation... :evil:
Bon, sinon c'est un chapitre agréable à lire qui coule vers le moment où ils vont se prendre dans les bras l'un l'autre, bien sûr...
On se dit que s'il n'y avait pas eu le problème de Mars, elle aurait jeté la couronne à sa mère ou au premier serviteur à portée et elle aurait sauté au cou d'Achalmy... ça aurait pu être marrant ! :lol: ouais je me force à rire, mais bon...

Quelques détails :

frottai de ma main valide ma joue couverte de poils disparates. - Disparates ? t'es sûre que tu veux pas plutôt dire épars ?(Répandu de tous côtés, dispersé, en désordre.)

je serais déjà mort le cas contraire - dans le cas contraire

la domestique en cheffe - en chef (à moins que ce soit un acte militant, il n'y a a aucune raison de féminiser chef ici :) )

Malgré sa droiture, - que veux-tu dire ? droiture c'est un trait de caractère et pas le fait de se tenir droit... (droiture, intégrité -> <-fourberie, déloyauté) Je comprends pas l'opposition à "ses yeux fougueux"

Elle essayait sûrement de la cacher - de le cacher

Je les confrontai du regard - au moins la troisième fois !), on ne confronte pas quelqu'un, on se confronte à quelqu'un ou on confronte une personne à une autre

une coupe que j’avais plus croisée dans mes contrées que dans les siennes. - pour la musique de la phrase, on peut souvent remplacer "plus" par "davantage"

Ma gorge se noua jusqu’à l’air fît un drôle de bruit en s’y engouffrant - ??? relis ça !! :lol:


Hé ! tiens bon ! Et si t'as besoin d'aide...
Bisous
Coucou Danou ! Désolée pour le retard de réponse ^^

Oui, même sans Mars, j'ai quelques doutes :lol: L'ambiance était un peu pesante à l'origine !

Merci pour les corrections ;)

Bisous
louji

Profil sur Booknode

Messages : 1724
Inscription : lun. 02 sept., 2013 3:10 pm

Re: Oneiris - Tomes I (terminé) et II (en cours) [Heroic fantasy]

Message par louji »

vampiredelivres a écrit : mer. 23 juin, 2021 9:00 pm
C'était bien amené en tout cas :)
Rhoh tout de suite… il faut des enjeux, miss, il faut des persos qui meurent :lol: (J'dis ça mais je vais finir par buter 80 % de mes personnages façon Akame Ga Kill, donc je ne suis pas non plus la référence par excellence.)

Mé non faut pas, elle est bien. Je vais te taper si tu dis encore le contraire. :twisted:
Euuuh comment ça tu vas tuer 80% de tes persos ? Je suis pas du tout d'accord :evil: J'y crois pas bordel :lol:
louji

Profil sur Booknode

Messages : 1724
Inscription : lun. 02 sept., 2013 3:10 pm

Re: Oneiris - Tomes I (terminé) et II (en cours) [Heroic fantasy]

Message par louji »

Holaaaa. Je suis en méga retard. J'ai dû faire mon mémoire, alors Boonkode m'est complètement sorti de la tête, mais me voilà de retour :mrgreen: Et Oneiris T2 est presque terminé puisqu'il me reste seulement l'épilogue à écrire 8-)



Chapitre 17
Alice



An 500 après le Grand Désastre, 1e mois de l’hiver, Château du Crépuscule, Terres de l’Ouest.



Il n’y avait pas un bruit dans le couloir. Simplement ma respiration. Je me trouvais dans les quartiers réservés à la famille royale et, en dehors de ma mère et mon frère, personne n’y logeait. Je pris le temps d’inspirer profondément avant de m’avancer vers la porte en bois ouvragé. Des cerfs et des renards en relief se baladaient sur des collines fleuries. Je les contemplai un instant avant de frapper distinctement. Depuis deux jours que j’avais retrouvé mon foyer, c’était ma troisième tentative. Troisième tentative pour faire sortir Milash de sa chambre. Il s’isolait depuis des mois, depuis qu’il avait appris que son père et sa sœur avaient péri lors d’un voyage. Il s’était isolé pour faire son deuil, mais aussi pour fuir.
— Ash, lançai-je d’une voix forte. C’est moi.
Comme les deux tentatives précédentes, il n’y eut pas une réponse ni un mouvement. Quand j’avais essayé de lui parler ce matin, avant que ma mère ne m’obligeât à assister à des doléances, je m’étais demandé s’il avait fini par périr de solitude dans le noir. Rapidement, l’ancienne reine Trianna m’avait rassurée : on lui apportait deux repas par jour et ils les consommaient. Des domestiques avaient même expliqué l’avoir entendu se déplacer dans la nuit, sûrement pour se laver. Ainsi, c’était ce qu’était devenu mon frère jovial et curieux : un fantôme chagriné qui se laissait dépérir ?
— Oh, Ash, murmurai-je en posant le front contre les reliefs de la porte. Je t’en prie, petit frère. Maman s’est lassée de ton comportement après tous ces mois, mais moi… Je viens juste d’arriver, Milash. Je me sens complètement dépassée. Tout ce qui s’est passé en deux jours… si tu savais.
J’étais toujours appuyée contre la porte. Après le toucher glacé de la pierre, le bois me semblait tiède. Avec ce froid, Milash devait généreusement entretenir son âtre. Portée par l’idée qu’un feu accueillant palpitait derrière le battant, que mon frère écoutait en silence, je poursuivis :
— J’ai perdu un ami. Je ne le connaissais pas bien, mais il était cher au cœur d’un autre ami, dont je suis proche. Et je crains de perdre ce deuxième ami. Il n’était pas en bonne santé quand il est arrivé et… ça ne s’est pas amélioré avec la perte de son compagnon. Il est couché depuis ce matin. Comme toi, il refuse de sortir de sa chambre.
Ma voix s’était tarie sur la fin. Je m’éclaircis la gorge avant de reprendre, désireuse que Milash ne ratât pas un seul de mes mots.
— Tu as dû entendre mille choses différentes depuis que tu t’es enfermé. Peut-être que tu t’imagines que c’est moi, le fantôme. Que je ne suis pas vraiment de retour, pas vraiment vivante. Ash, je t’assure que si. Regarde sous ta porte, je vais faire passer un courant d’air.
Je m’accroupis pour réaliser mon petit tour, blague que Milash et moi faisions depuis que nous étions capables de maîtriser les éléments. Pourtant, je ne fis que remuer la poussière et de vains espoirs : pas un geste de l’autre côté du battant.
— Ash, tu me manques. Quand tu as appris ma mort, tu as dû avoir l’impression que tout s’écroulait. Je suis désolée pour cela. Je t’expliquerai tout ce qui s’est passé, mais ce serait trop long pour aujourd’hui, j’ai tant à faire… (J’avalai ma salive en fermant les yeux, le souvenir du corps pâle de Mars ancré à mes rétines.) Je veux juste te revoir, petit frère. Mon petit mulot.
Ma voix se cassa. Agrippée d’une main aux reliefs de la porte, je portai l’autre à mon visage pour étouffer mes sanglots. Que faire si ma mère ou un domestique arrivait ? Que penseraient-ils de leur nouvelle reine en larmes, assise seule dans le noir et la poussière ? Me trouveraient-ils acharnée, désireuse de sauver mon frère, ou estimeraient-ils ma dévotion insensée ?
— Milash, sors d’ici, je t’en prie. Par les Dieux, j’ai besoin de toi.
À présent, mes hoquets résonnaient distinctement dans le couloir. Je bataillai un instant avec la poche de mes chausses beiges pour en sortir mon mouchoir. Une minute ou deux s’écoulèrent le temps que je me ressaisisse.
— Je suis la nouvelle Reine, Milash, entonnai-je d’une voix qui comportait plus de fiel. Tu n’as plus à craindre un trône pour lequel tu n’as jamais été préparé.
Un rire désabusé m’échappa à ces paroles. J’étais trop lasse pour me contenir pleinement.
— Pour être honnête, ce n’est pas tout à fait vrai. Père te préparait depuis quelques temps. Il avait prévu de me sacrifier, alors tu aurais dû devenir le prochain souverain. Tu le savais, n’est-ce pas ? Tu t’en étais douté ?
La colère rendait mon ton plus rauque, les mots plus acérés.
— Milash, même si tu n’es pas le Roi, le peuple a besoin de son prince. Ils t’ont toujours aimé, car tu marquais la différence avec père. Tu souriais, tu jouais de la flûte sur les places publiques, tu organisais des courses à cheval dans les champs. Tu étais accessible et papa ne l’a pas vraiment été pour les Occidentaux. Ni pour sa famille.
Mes poings serrés contre la porte, j’inspirai un bon coup pour lâcher :
— Ash, je dois organiser les funérailles de l’ami dont je t’ai parlé. Je dois tirer mon autre ami du chagrin. Je dois continuer à assurer les doléances, je dois succéder à maman. Je dois vérifier que Soraya et Viktor vont bien, qu’ils ont été accueillis correctement par le personnel du Château. Par Kan, j’ai à peine eu le temps de les voir… (Je reculai d’un pas, soupirai.) Je dois aussi m’assurer que notre pacte avec les Dieux a été rempli.
Une brise se mit à tournoyer entre mes chevilles. Mon pantalon avait l’avantage de ne pas se soulever comme les jupes ou les robes occidentales.
— Sincèrement, je ne dirais pas non à un peu d’aide, Milash. Tu t’entendrais bien avec Viktor. Mère serait moins angoissée par la succession si elle te revoyait. Pendant que je m’acquitte de ma dette envers les Dieux, tu pourrais prévenir les Occidentaux de ton retour et les rassurer.
Je serrai les poings. Les courants enflèrent autour de moi, vinrent faire pression contre le bois de la porte. Les gonds grincèrent et ma voix claqua :
— Milash, je suis prête à forcer ton battant. Tu es mon seul frère et je t’aime. Je t’aimerai toujours. J’irai toujours faire du cheval avec toi dans les vergers, je prendrai toujours du temps pour t’écouter jouer. Toutefois, aujourd’hui, j’ai besoin de toi, parce que je ne peux pas gérer toute seule.
La pression du vent contre la porte allait bientôt en avoir raison. Comme je fermais les yeux, prête à en découdre, une force s’opposa à la mienne. Des courants inverses rencontrèrent les miens, me repoussèrent. Stupéfaite, je relâchai aussitôt mon pouvoir. Une bouffée d’air me fit reculer d’un pas et écarquiller les yeux.
— Tu allais casser la porte…
La porte en question s’ouvrit. Une silhouette, à contre-jour du feu qui crépitait dans son dos, se redressa. Les vêtements pendaient sur un corps qui avait grandi sans qu’on l’entretînt. Une masse de cheveux blond doré entourait un visage blafard. Un visage qui n’avait pas respiré l’air frais depuis des mois.
— Tu as toujours été un peu excessive, Alice, soupira Milash en frottant son bras dans un geste d’embarras.
Les lèvres plaquées l’une contre l’autre, je m’avançai à grands pas. Ash plissa les yeux, voulut reculer, mais je lui agrippai la main à temps. Il hoqueta lorsqu’un coup de jus parcourut son corps dégingandé.
— Tu es devenu insolent, sifflai-je en le foudroyant du regard.
— Et toi impatiente !
D’un mouvement d’épaule, il se dégagea de ma grippe. L’odeur dans sa chambre n’était pas aussi affreuse que je m’y étais attendu. Il devait faire l’effort d’aérer de temps à autre. Sur son bureau en bois s’étalaient des dizaines de feuilles griffonnées de mots, dessins et notes de musique.
— Je n’arrive pas à le croire…
Je me retournai, les épaules basses. Ma frustration évoluait à présent vers l’inquiétude. Les yeux argentés de Milash, qu’il avait hérités de notre mère, luisaient doucement à la lueur des flammes. Il n’avait pas encore seize ans, mais lui aussi semblait vieilli.
— Tu es vraiment vivante. (Il lâcha un rire étranglé en haussant ses épaules maigres.) Je ne parle pas à un fantôme… je ne suis pas devenu fou.
Le parquet grinça quand je m’approchai de nouveau de mon frère. Il me dépassait d’une tête, mais j’avais la très nette impression que c’était sur moi qu’il pouvait se reposer. Et pas l’inverse. Pas complètement, du moins, dans un premier temps.
— Ash…
Je l’attirai à moi, enveloppai son corps mince de mes bras. J’avais déjà écoulé mes propres larmes, alors je le laissai sangloter sans un mot sur mon épaule. Ses cheveux sentaient étonnamment bon au vu de leur état.
— Merci, Alice, murmura-t-il d’une voix rauque quand il fut en mesure de parler. Merci de ne pas m’avoir abandonné.
Nous reculâmes de concert pour nous considérer sous un nouveau jour. Il avait les cheveux hirsutes – mon coup de jus n’avait pas dû aider – les joues mangées de quelques poils juvéniles et l’air débraillé. Avec un sourire que j’espérais encourageant, je pris ses mains dans les miennes.
— Tu devrais rendre visite à Jenna, elle t’indiquera un tailleur et elle coupera tes mèches longues. Maman… il faut que tu ailles voir maman. Que tu lui présentes tes excuses. Elle ira mieux lorsque son fils lui aura montré qu’il est vaillant.
Ses yeux rougis se détournèrent, coupables.
— Je ne suis pas vaillant, Alice. J’ai fui, tu as raison. Quand j’ai appris que papa et toi… je me suis enfermé. J’étais terrorisé, je pensais qu’on m’obligerait à monter sur le trône alors que je n’en ai jamais eu envie.
— Je sais, soupirai-je en frottant mon pouce contre sa paume. Milash, tu n’auras pas le poids du Royaume sur les épaules. Cependant, j’ai besoin de toi. De ton soutien, de tes conseils.
Son menton tremblota quelques instants avant de se froncer.
— Je… vais essayer.
Satisfaite d’avoir pu lui tirer au moins cet aveu, je hochai la tête. Milash et moi nous ressemblions sur plusieurs points. Quelques mois auparavant, j’aurais eu les mêmes incertitudes. Nos changements personnels en étaient plus marqués.
— J’ai une première mission pour toi, dès que tu auras une tenue plus présentable. Je te l’ai dit il y a quelques minutes, mais l’un de mes amis a… je dois lui organiser des funérailles. Toutefois, j’ai abandonné à leur sort mes deux compagnons de voyage, Viktor et Soraya. J’aimerais que tu prennes de leurs nouvelles et que tu les guides dans leur nouvel environnement. Tu pourras le faire pour moi ?
Il acquiesça d’un mouvement de tête vigoureux. Mon expression devait le dissuader d’en demander plus, car Milash se détourna sans un mot pour rassembler ses vêtements éparpillés.
— Je te verrai ce soir au dîner, Ash.
Mon petit frère m’adressa une œillade soucieuse. Ma fatigue et ma tristesse devaient se faire plus prégnants sur mon visage.
— Bien sûr.
Avant de disparaître derrière le battant, je ralentis le pas. Il méritait les mots que mes parents m’avaient si rarement donnés.
— Je suis fière de toi, Ash.
Planté au milieu de sa chambre, les bras chargés de vêtements, il ne trouva pas l’esprit de répondre. Je ne lui en voulus pas.

Moins de cinq minutes plus tard, je me tenais face à une nouvelle porte. Aucune chaleur ne s’en dégageait. Je m’éclaircis la gorge, frappai du poing. L’hôte de la chambre ne daigna pas répondre.
— Achalmy, ouvre-moi, lançai-je d’un ton ferme en toquant de nouveau. Je sais que tu es là. Ouvre-moi.
Achalmy était resté au lit après avoir appris le décès de Mars, mais il s’était écoulé des heures depuis. Il devait être assez en forme pour se déplacer.
— J’ai besoin de ton aide, ajoutai-je d’une voix amplifiée par ma colère naissante. Je ne connaissais pas bien Mars. J’aimerais lui offrir des funérailles. Alors j’ai besoin de toi.
Il y eut un raclement de l’autre côté du battant, un pas lourd. Puis la voix à peine audible d’Al s’éleva :
— Tu veux l’enterrer ?
Son ton interrogateur me hérissa le poil. Pour qui me prenait-il ?
— Évidemment. C’était ton ami.
La porte s’ouvrit. Achalmy avait fermé les volets et laissé le feu mourir. Un mélange de renfermé et d’humidité passa entre nous. C’était désagréable.
— Pourquoi la reine de l’Ouest s’occupe de ça ? grommela-t-il en plissant les yeux.
— La reine reconnaît les sacrifices consentis pour la pérennité d’Oneiris. (Comme ma réponse crispait les traits durs de son visage, j’ajoutai d’un ton moins formel : ) Parce que je n’ai pas eu le temps de connaître Mars, mais qu’il a l’air d’avoir tenu une place particulière dans ton cœur. Je voudrais l’honorer, avec mes moyens.
Les épaules de mon ami se détendirent. Il avait maigri, vieilli, terni. Si mon voyage m’avait été bénéfique, le sien l’avait rongé. Je craignais de connaître la profondeur de cette amertume.
— Aide-moi à organiser les funérailles.
Ce n’était pas réellement une proposition. Al le comprit, me dévisagea un instant puis sourit. C’était son sourire tordu, narquois, dépité. J’avais cru un jour que c’était un signe d’assurance et je l’avais admiré pour cela. Aujourd’hui, je comprenais que c’était un sourire de fuite, un masque comme un autre.
— Bien, Reine Alice.
Il fit demi-tour et entreprit d’enfiler le manteau que les domestiques avaient lavé puis déposé sur un siège. Comme son attelle au bras gauche le gênait, j’approchai pour l’aider à défaire les bandages. Sa respiration était basse et rauque – peut-être ses côtes fêlées.
— Alice suffit, murmurai-je en me glissant dans son dos pour ajuster son manteau. Tu es toujours mon ami, Al.
Tête baissée, l’intéressé ne prit pas la peine de répondre. Il étouffa un grognement de douleur lorsque son bras glissa dans la manche. Ses remerciements semblèrent lui picoter les lèvres en s’échappant de sa bouche. Je soupirai ; Al et sa fierté de Nordiste…
Quand il se tourna de nouveau vers moi, je lui tendais ses katanas. Une ombre couvrit son regard.
— Je ne pourrai pas me servir d’Eon sans mon bras gauche. Kan suffira.
J’acquiesçai, mais gardai le deuxième sabre en main. Al m’interrogea en haussant les sourcils.
— Tu détestes t’éloigner de tes armes, expliquai-je en le suivant dans le couloir. Je peux le porter pour toi.
Il ne trouva rien à redire tandis que je claquais le battant derrière nous.

Le silence qui accompagna notre trajet jusqu’à la salle de repos du Château fut pesant. Avant que mon ami s’engouffrât dans la pièce où la toux et les gémissements ponctuaient les secondes, je lui agrippai le bras. La zone où les guérisseurs avaient déposé le corps de Mars se trouvait en sous-sol. Les traits d’Achalmy se rembrunirent un peu plus tandis que nous descendions les marches baignées d’obscurité.
— Mars…
Sa voix rauque résonna entre les murs de pierre.
— Mars aimerait pas être enterré comme ça, reprit-il d’une voix tremblante. Il voudrait pas être sous la roche. Il voudrait voir le ciel, les étoiles, sentir la pluie et le soleil.
Je ralentis le pas quand les escaliers débouchèrent sur la morgue. Elle servait avant tout pour les soldats royaux tombés au combat. C’était une zone où les corps attendaient l’enterrement, tradition funéraire effective dans l’Ouest.
La lampe à huile que je tenais à la main éclairait faiblement les lieux. C’était pourtant suffisant pour remarquer que le corps de Mars était seul. Des étagères murales poussiéreuses accueillaient des bocaux et petites boîtes à herbes. C’était la deuxième fois en deux jours que je venais ici, mais la pièce me glaçait toujours autant.
— Je vais appeler le personnel, soufflai-je en avançant de quelques pas vers la table qui supportait la silhouette enroulée d’un linceul beige. Nous ne l’enterrons pas, Al. Qu’est-ce qui… qu’est-ce qui irait, selon toi ?
Sa respiration par-dessus mon épaule se fit plus rapide. Il me frôla l’épaule en me dépassant pour se planter face à la table. Sa main droite hésita quelques instants au-dessus du linceul. Je faillis détourner le regard quand Al le souleva délicatement. Pas que j’eusse peur d’un visage figé par la mort – j’en avais déjà aperçus. J’avais peur du visage d’Al. De son chagrin, de sa honte, de son impuissance.
— Vous avez des réserves de bois ?
Le linceul recouvrait encore le visage de Mars. Achalmy ne l’avait pas soulevé suffisamment.
— Bien sûr. C’est l’hiver, nous en faisons venir chaque jour par brassées.
— Tu pourrais en réquisitionner assez pour un bûcher funéraire ?
Même si c’était assez logique comme proposition, je sursautai. En tant qu’Occidentale, brûler un corps me semblait si… irrespectueux. Seuls les Sudistes et les Nordistes pratiquaient cette coutume. En même temps, Mars n’était qu’à moitié Occidental. Et, surtout, comme l’avait signalé Achalmy, c’était un esprit du grand air, un amoureux des plantes et voyages. L’enfermer sous terre serait terriblement injuste pour lui.
— Je vais faire le nécessaire.
Quand Al leva complètement le linceul, je baissai les yeux. Ce n’était pas par crainte, finalement. C’était par pudeur.

Avec l’aide de plusieurs gardes royaux, de Soraya, et de quelques domestiques, le bûcher fut érigé sur le flanc ouest de la colline du Crépuscule. Le soleil venait de se coucher et le ciel se teintait de couleurs pastelles. Le froid nous mordait la peau, mais il n’empêcherait pas Soraya d’embraser le tas de bois pour plus tard. Malgré les gants, je sentais des ampoules me démanger les doigts. Mes orteils gelés me faisaient grimacer au moindre pas et la brise hérissait les poils de ma nuque.
— Il a l’air d’être mort avec son ami.
Soraya venait se planter à côté de moi, les bras croisés sur la poitrine. Ses yeux dorés avaient capturé la silhouette affaissée d’Al. Trois soldats avaient été réquisitionnés pour apporter le corps de Mars jusqu’au bûcher. Nous les attendions.
— Ils étaient devenus très proches pendant le voyage, expliquai-je en resserrant mon châle autour de mon cou.
— Un peu comme nous, comprit Soraya en passant un bras autour de mes épaules.
Rassérénée par sa présence chaleureuse – dans tous les sens du terme – je me laissai aller contre elle. Je l’avais abandonnée à son sort lorsque j’avais retrouvé ma mère et le Château. Les multiples responsabilités qui m’étaient tombées dessus m’avaient empêchée de lui parler ces derniers jours.
— Comment va Viktor ?
— Mieux. Il avait attrapé une cochonnerie aux poumons, mais il tousse beaucoup moins. Ce soir, il avait encore un peu de fièvre, alors il n’a pas pu venir. Il devrait être remis d’ici demain.
Je soupirai, un petit poids en moins dans la poitrine.
— Tu m’en vois soulagée. Dès qu’il sera en pleine forme, je l’introduirai au cercle des apprentis scribes. (Avec un haut-le-cœur, je me rappelai l’agression dont il avait été victime deux semaines plus tôt.) Enfin, s’il se sent de reprendre une vie sociale. Après ce qui lui est arrivé…
— Lice, tu te tracasses trop, m’interrompit Soraya en tapotant mon crâne. Tu viens de devenir reine. Un millier de choses vont t’incomber chaque jour.
Je me redressai pour lui faire face. Mon amie avait raison, mais je ne voulais pas trahir ma promesse envers Viktor.
— Laisse-moi m’occuper de lui, reprit Soraya avec un clin d’œil. Je crois que je l’ai un peu adopté et c’est réciproque. Il n’a plus de famille et moi non plus.
Consciente de la validité de sa proposition, je ne pus qu’acquiescer. Je finis par apercevoir, par-dessus l’épaule de mon amie, trois silhouettes qui transportaient un corps enroulé d’un linceul. Mon cœur remonta ma gorge, le froid descendit mon dos. Les gardes royaux dévalèrent prudemment le flanc de colline puis nous dépassèrent. Le corps de Mars semblait peser lourd et pas assez en même temps.
Achalmy rejoignit les soldats pour hisser le corps en haut du bûcher. Il resta quelques secondes penché au-dessus de son compagnon, lui murmura des paroles inaudibles pour nous. Al toucha le manche de son sabre, le front de son ami puis s’inclina. Une fois redescendu, il laissa la place à Soraya. En quelques gestes maîtrisés, la Souffleuse créa plusieurs foyers sous les branches.
Les gardes royaux et les domestiques s’éloignèrent tandis que les flammes s’élevaient vers le ciel assombri. Soraya et moi étions côte-à-côte, séparées d’Al par quelques mètres et un deuil silencieux.
Je l’entendis inspirer brusquement quand le feu atteignit le linceul. Si l’odeur était restée familière jusqu’ici, elle ne tarda pas à prendre des relents écœurants. Je restai pourtant plantée face au bûcher, figée et gelée, impuissante et déterminée. Je lui devais de rester. Mars avait trop accompli pour qu’on ignorât ses actes. Je devais rester pour Al, aussi. Au fur et à mesure que les fumées grimpaient, que la silhouette disparaissait, il se recroquevillait. J’avais l’impression d’entendre sa rage, de goûter sa douleur. Quand il bondit soudainement vers le bûcher, je criai son nom. Achalmy dérapa avant d’atteindre les flammes, brandit le couteau qu’il portait toujours à la ceinture et saisit sa tresse. Il avait eu le temps de la couper et de la jeter dans le feu quand je m’arrêtai à sa hauteur pour le tirer en arrière.
— Qu’est-ce qui te prend ? m’exclamai-je dans un mélange de peur et d’incrédulité.
— J’ai rompu ma promesse, expliqua-t-il sans quitter le bûcher du regard.
Les reflets rougeoyants dans ses yeux d’acier dénotaient avec les larmes qui gonflaient au bord de ses paupières. Je le forçai à reculer de quelques pas et, une fois certaine que nous étions en sécurité, je glissai ma main jusqu’à la sienne. Son poing était fermé en étau. Au bout de quelques secondes, il accepta d’ouvrir les doigts pour en libérer leur contenu. Une pierre bleutée scintillait à nos pieds.
— Le Saphir des Glaces de ta mère.
Je le ramassai, le glissai dans ma poche. Al l’avait retiré de sa tresse avant de la jeter au feu. Il lui restait encore un peu de bon sens malgré tout.
Sa main ne tarda pas à revenir vers la mienne. Je lui jetai un coup d’œil étonné, vis les dernières flammes mourir dans le reflet de ses yeux. La chaleur qui nous enveloppait encore quelques minutes plus tôt avait laissé place aux brises glacées. Je rentrai le cou dans les épaules dans une vaine tentative de les contrer. Al ne lâchait plus ma main et je n’avais pas le cœur à lui en vouloir.
— Alice…
Mon ami avait fermé les yeux. Les traînées salines qui couvraient ses joues ne tarderaient pas à sécher de froid sur sa peau. Ses doigts tremblaient autour des miens. Je m’approchai, glissai mon autre bras sur son visage. Il accepta ma sollicitude, enfouit le nez dans mon cou.
— Al.
Je fermai les bras autour de lui, offrit ma maigre chaleur. Je ne pouvais pas faire grand-chose de plus. Mais j’étais déjà heureuse de le sentir s’appuyer contre moi. Il ne s’était pas souvent montré faillible. J’aurais aimé que ce fût dans d’autres circonstances, mais je devais composer avec.
— Je suis là, chuchotai-je pour nous, à l’abri des étoiles et du reste du monde.


Dernière modification par louji le mer. 05 janv., 2022 10:36 am, modifié 2 fois.
TcmA

Profil sur Booknode

Messages : 407
Inscription : dim. 02 sept., 2018 10:44 pm

Re: Oneiris - Tomes I (terminé) et II (en cours) [Heroic fantasy]

Message par TcmA »

Hiello~

Wow, ça doit être l'un de mes chapitres préférés. Tout était très juste et très bien écrit !
Pauvre Milash qui a complètement perdu pied quand il a reçu la nouvelle... En même temps, pfouah, j'ose même pas imaginer toutes les attentes qui lui sont tombées dans la tronche, en plus du deuil qu'il avait à faire.
Al fait mal au cœur, et heureusement qu'il est pas seul.
Alice est tellement mature, on voyait déjà ça dans les chapitres précédents, mais ça fait... Je sais pas si plaisir est le bon mot, vu le contexte dans lequel elle a dû développer tout ça, mais c'est impressionnant. Puis elle garde les pieds sur terre et reste profondément humaine et bonne. Là où Al peut parfois encore me casser un peu les pieds (mais bon, il a un bagage émotionnel de l'enfer ce coco), Alice pas du tout. Je crois que c'est mon perso préféré, et boy, on revient de loin (je pense au début du T1 où je pouvais pas la blairer). Elle est vraiment cool.
Puis aaaaah le petit "Je peux le porter pour toi" :cry: :cry: :cry: Voui, puis pas que ton sabre, ta douleur et ton chagrin aussi aaaaah
J'apprécie Soraya de plus en plus (Sorayalice forever. Machalmy aussi, dans mon imagination, ils vont tous bien ;w; )

J'ai bien hâte de voir ce que tu vas nous faire avec la fin (coucou les Dieux, ça farte ?) !
Et encore bravo pour avoir terminé Oneiris !!!

La bise~
vampiredelivres

Profil sur Booknode

Messages : 2887
Inscription : dim. 03 févr., 2013 3:54 pm

Re: Oneiris - Tomes I (terminé) et II (en cours) [Heroic fantasy]

Message par vampiredelivres »

louji a écrit : ven. 02 juil., 2021 5:15 pm Holaaaa. Je suis en méga retard. J'ai dû faire mon mémoire, alors Boonkode m'est complètement sorti de la tête, mais me voilà de retour :mrgreen: Et Oneiris T2 est presque terminé puisqu'il me reste seulement l'épilogue à écrire 8-)
Holaaaa ! C'est pas graaaaave :)


Chapitre 17
Alice



An 500 après le Grand Désastre, 1e mois de l’hiver, Château du Crépuscule, Terres de l’Ouest.



Il n’y avait pas un bruit dans le couloir. Simplement ma respiration. Je me trouvais dans les quartiers réservés à la famille royale et, en dehors de ma mère et mon frère, personne n’y logeait. Je pris le temps d’inspirer profondément avant de m’avancer vers la porte en bois ouvragé. Des cerfs et des renards en relief se baladaient au milieu de collines fleuries. Je les contemplai un instant avant de frapper distinctement. Depuis deux jours que j’avais retrouvé mon foyer, c’était ma troisième tentative. Troisième tentative pour faire sortir Milash de sa chambre. Il s’isolait depuis des mois, depuis qu’il avait appris que son père et sa sœur avaient péri lors d’un voyage. Il s’était isolé pour faire son deuil, mais aussi pour fuir. Chaton en PLS :(
— Ash, lançai-je d’une voix forte. C’est moi.
Comme les deux tentatives précédentes, il n’y eut pas une réponse ni un mouvement. Quand j’avais essayé de lui parler ce matin, avant que ma mère ne m’obligeât à assister à des doléances, je m’étais demandé s’il avait fini par périr de solitude dans le noir. Rapidement, l’ancienne reine Trianna m’avait rassurée : on lui apportait deux repas par jour et ils les consommaient. Des domestiques avaient même expliqué l’avoir entendu se déplacer dans la nuit, sûrement pour se laver. Ainsi, c’était ce qu’était devenu mon frère jovial et curieux : un fantôme chagriné qui se laissait dépérir ?
— Oh, Ash, murmurai-je en posant le front contre les reliefs de la porte. Je t’en prie, petit frère. Maman s’est lassée de ton comportement après tous ces mois, mais moi… Je viens juste d’arriver, Milash. Je me sens complètement dépassée. Tout ce qui s’est passé en deux jours… si tu savais. Essentiellement, "j'ai ramené les dieux à Oneiris, et l'ami d'un ami est mort". Petite journée, franchement :lol:
J’étais toujours appuyée contre la porte. Le bois était étonnement tiède contre ma peau. Milash devait généreusement entretenir son âtre. La vache s'il arrive à chauffer le bois de la porte, ça doit être une fournaise à l'intérieur :o Portée par l’idée qu’un feu accueillant palpitait derrière le battant, que mon frère écoutait en silence, je poursuivis :
— J’ai perdu un ami. Je ne le connaissais pas bien, mais il était cher au cœur d’un autre ami, dont je suis proche. Et j’ai peur de perdre ce deuxième ami. Il n’était pas en bonne santé quand il est arrivé et… ça ne s’est pas amélioré avec la perte de son compagnon. Il est couché depuis ce matin. Comme toi, il refuse de sortir de sa chambre. C'que j'disais.
Ma voix s’était tarie sur la fin. Je m’éclaircis la gorge avant de reprendre, désireuse que Milash ne ratât pas un seul de mes mots.
— Tu as dû entendre mille choses différentes depuis que tu t’es enfermé. Peut-être que tu t’imagines que c’est moi, le fantôme. Que je ne suis pas vraiment de retour, pas vraiment vivante. Ash, je t’assure que si. Regarde sous ta porte, je vais faire passer un courant d’air.
Je m’accroupis pour réaliser mon petit tour, blague que Milash et moi faisions depuis que nous étions capables de maîtriser les éléments. Pourtant, je ne fis que remuer la poussière et de vains espoirs : pas un geste de l’autre côté du battant. Cette tournure est magnifique ! *-*
— Ash, tu me manques. Quand tu as appris ma mort, tu as dû avoir l’impression que tout s’écroulait. Je suis désolée pour cela. Je t’expliquerai tout ce qui s’est passé, mais ce serait trop long pour aujourd’hui, j’ai tant à faire… (J’avalai ma salive en fermant les yeux, le souvenir du corps pâle de Mars ancré à mes rétines.) Je veux juste te revoir, petit frère. Mon petit mulot. Ça fait un peu pitié comme surnom…
Ma voix se cassa. Agrippée d’une main aux reliefs de la porte, je portai l’autre à mon visage pour étouffer mes sanglots. Que faire si ma mère ou un domestique arrivait ? Que penseraient-ils de leur nouvelle reine en larmes, assise seule dans le noir et la poussière ? Me trouveraient-ils acharnée, désireuse de sauver mon frère, ou estimeraient-ils ma dévotion insensée ?
— Milash, sors d’ici, je t’en prie. Par les Dieux, j’ai besoin de toi.
À présent, mes hoquets résonnaient distinctement dans le couloir. Je bataillai un instant avec la poche de mes chausses beiges pour en sortir mon mouchoir. Une minute ou deux s’écoulèrent le temps que je me ressaisisse.
— Je suis la nouvelle Reine, Milash, entonnai-je d’une voix qui comportait plus de fiel. Tu n’as plus à craindre un trône pour lequel tu n’as jamais été préparé.
Un rire désabusé m’échappa à ces paroles. J’étais trop lasse pour me contenir pleinement.
— Pour être honnête, ce n’est pas tout à fait vrai. Père te préparait depuis quelques temps. Il avait prévu de me sacrifier, alors tu aurais dû devenir le prochain souverain. Tu le savais, n’est-ce pas ? Tu t’en étais douté ?
La colère rendait mon ton plus rauque, les mots plus acérés.
— Milash, même si tu n’es pas le Roi, le peuple a besoin de son prince. Ils t’ont toujours aimé, car tu marquais la différence avec père. Tu souriais, tu jouais de la flûte sur les places publiques, tu organisais des courses à cheval dans les champs. Tu étais accessible et papa ne l’a pas vraiment été pour les Occidentaux. Ni pour sa famille. Ni pour personne j'ai l'impression.
Mes poings serrés contre la porte, j’inspirai un bon coup pour lâcher :
— Ash, je dois organiser les funérailles de l’ami dont je t’ai parlé. Je dois tirer mon autre ami du chagrin. Je dois continuer à assurer les doléances, je dois succéder à maman. Je dois vérifier que Soraya et Viktor vont bien, qu’ils ont été accueillis correctement par le personnel du Château. Par Kan, j’ai à peine eu le temps de les voir… (Je reculai d’un pas, soupirai.) Je dois aussi m’assurer que notre pacte avec les Dieux a été rempli.
Une brise se mit à tournoyer entre mes chevilles. Mon pantalon avait l’avantage de ne pas se soulever comme les jupes ou les robes occidentales.
— Sincèrement, je ne dirais pas non à un peu d’aide, Milash. Tu t’entendrais bien avec Viktor. Mère serait moins angoissée par la succession si elle te revoyait. Pendant que je m’acquitte de ma dette envers les Dieux, tu pourrais prévenir les Occidentaux de ton retour et les rassurer.
Je serrai les poings. Les courants enflèrent autour de moi, vinrent faire pression contre le bois de la porte. Les gonds grincèrent et ma voix claqua :
— Milash, je suis prête à forcer ton battant. Tu es mon seul frère et je t’aime. Je t’aimerai toujours. J’irai toujours faire du cheval avec toi dans les vergers, je prendrai toujours du temps pour t’écouter jouer. Toutefois, aujourd’hui, j’ai besoin de toi, parce que je ne peux pas gérer toute seule. J'aime beaucoup le fait qu'elle l'admette et qu'elle soit honnête avec elle-même. ^^
La pression du vent contre la porte allait bientôt en avoir raison. Comme je fermais les yeux, prête à en découdre, une force s’opposa à la mienne. Des courants inverses rencontrèrent les miens, me repoussèrent. Stupéfaite, je relâchai aussitôt mon pouvoir. Une bouffée d’air me fit reculer d’un pas et écarquiller les yeux.
— Tu allais casser la porte…
La porte en question s’ouvrit. Une silhouette, à contre-jour du feu qui crépitait dans son dos, se redressa. Les vêtements pendaient sur un corps qui avait grandi sans qu’on l’entretînt. Une masse de cheveux blond doré entourait un visage blafard. Un visage qui n’avait pas respiré l’air frais depuis des mois.
— Tu as toujours été un peu excessive, Alice, soupira Milash en frottant son bras dans un geste d’embarras. Un peu :lol: Elle a appris des meilleurs, aussi (aka Al et Aion, essentiellement).
Les lèvres plaquées l’une contre l’autre, je m’avançai à grands pas. Ash plissa les yeux, voulut reculer, mais je lui agrippai la main à temps. Il hoqueta lorsqu’un coup de jus parcourut son corps dégingandé.
— Tu es devenu insolent, sifflai-je en le foudroyant du regard.
— Et toi impatiente !
D’un mouvement d’épaule, il se dégagea de ma grippe. L’odeur dans sa chambre n’était pas aussi affreuse que je m’y étais attendu. Il devait faire l’effort d’aérer de temps à autre. Sur son bureau en bois s’étalaient des dizaines de feuilles griffonnées de mots, dessins et notes de musique.
— Je n’arrive pas à le croire…
Je me retournai, les épaules basses. Ma frustration évoluait à présent vers l’inquiétude. Les yeux argentés de Milash, qu’il avait hérités de notre mère, luisaient doucement à la lueur des flammes. Il n’avait pas encore seize ans, mais lui aussi semblait vieilli.
— Tu es vraiment vivante. (Il lâcha un rire étranglé en haussant ses épaules maigres.) Je ne parle pas à un fantôme… je ne suis pas devenu fou.
Le parquet grinça quand je m’approchai de nouveau de mon frère. Il me dépassait d’une tête, mais j’avais la très nette impression que c’était sur moi qu’il pouvait se reposer. Et pas l’inverse. Pas complètement, du moins, dans un premier temps. En même temps, c'est toi l'aînée, par principe il devrait pouvoir se reposer sur toi, non ?
— Ash…
Je l’attirai à moi, enveloppai son corps mince de mes bras. J’avais déjà écoulé mes propres larmes, alors je le laissai sangloter sans un mot sur mon épaule. Ses cheveux sentaient étonnamment bon au vu de leur état.
— Merci, Alice, murmura-t-il d’une voix rauque quand il fut en mesure de parler. Merci de ne pas m’avoir abandonné.
Nous reculâmes de concert pour nous considérer sous un nouveau jour. Il avait les cheveux hirsutes – mon coup de jus n’avait pas dû aider – les joues mangées de quelques poils juvéniles et l’air débraillé. Avec un sourire que j’espérais encourageant, je pris ses mains dans les miennes.
— Tu devrais rendre visite à Jenna, elle t’indiquera un tailleur et elle coupera tes mèches longues. Maman… il faut que tu ailles voir maman. Que tu lui présentes tes excuses. Elle ira mieux lorsque son fils lui aura montré qu’il est vaillant.
Ses yeux rougis se détournèrent, coupables.
— Je ne suis pas vaillant, Alice. J’ai fui, tu as raison. Quand j’ai appris que papa et toi… je me suis enfermé. J’étais terrorisé, je pensais qu’on m’obligerait à monter sur le trône alors que… je n’en ai jamais eu envie.
— Je sais, soupirai-je en frottant mon pouce contre sa paume. Milash, tu n’auras pas le poids du Royaume sur les épaules. Cependant, j’ai besoin de toi. De ton soutien, de tes conseils.
Son menton tremblota quelques instants avant de se froncer.
— Je… vais essayer.
Satisfaite d’avoir pu lui tirer au moins cet aveu, je hochai la tête. Milash et moi nous ressemblions sur plusieurs points. Quelques mois auparavant, j’aurais eu les mêmes incertitudes. Nos changements personnels en étaient plus marqués.
— J’ai une première mission pour toi, dès que tu auras une tenue plus présentable. Je te l’ai dit il y a quelques minutes, mais l’un de mes amis a… je dois lui organiser des funérailles. Toutefois, j’ai abandonné à leur sort mes deux compagnons de voyage, Viktor et Soraya. J’aimerais que tu prennes de leurs nouvelles et que tu les guides dans leur nouvel environnement. Tu pourras le faire pour moi ?
Il acquiesça d’un mouvement de tête vigoureux. Mon expression devait le dissuader d’en demander plus, car Milash se détourna sans un mot pour rassembler ses vêtements éparpillés.
— Je te verrai ce soir au dîner, Ash.
Mon petit frère m’adressa un œillade soucieuse. Ma fatigue et ma tristesse devaient se faire plus prégnants sur mon visage.
— Bien sûr.
Avant de disparaître derrière le battant, je ralentis le pas. Il méritait les mots que mes parents m’avaient si rarement donnés.
— Je suis fière de toi, Ash.
Planté au milieu de sa chambre, les bras chargés de vêtements, il ne trouva pas l’esprit de répondre. Je ne lui en voulus pas. À part merci, je ne vois pas ce qu'il aurait pu dire :ugeek:

Moins de cinq minutes plus tard, je me tenais face à une nouvelle porte. Aucune chaleur ne s’en dégageait. Je m’éclaircis la gorge, frappai du poing. L’hôte de la chambre ne daigna pas répondre.
— Achalmy, ouvre-moi, lançai-je d’un ton ferme en toquant de nouveau. Je sais que tu es là. Ouvre-moi.
Achalmy était resté au lit après avoir appris le décès de Mars, mais il s’était écoulé des heures depuis. Il devait être assez en forme pour se déplacer.
— J’ai besoin de ton aide, ajoutai-je d’une voix amplifiée par ma colère naissante. Je ne connaissais pas bien Mars. J’aimerais lui offrir des funérailles. Alors j’ai besoin de toi.
Il y eut un raclement de l’autre côté du battant, un pas lourd. Puis la voix à peine audible d’Al s’éleva :
— Tu veux l’enterrer ?
Son ton interrogateur me hérissa le poil. Pour qui me prenait-il ?
— Évidemment. C’était ton ami.
La porte s’ouvrit. Achalmy avait fermé les volets et laissé le feu mourir. Un mélange de renfermé et d’humidité passa entre nous. C’était désagréable.
— Pourquoi la reine de l’Ouest s’occupe de ça ? grommela-t-il en plissant les yeux.
— La reine reconnaît les sacrifices consentis pour la pérennité d’Oneiris. Mauvaise réponse, trop officielle. (Comme ma réponse crispait les traits durs de son visage, j’ajoutai d’un ton moins formel : ) Parce que je n’ai pas eu le temps de connaître Mars, mais qu’il a l’air d’avoir tenu une place particulière dans ton cœur. Je voudrais l’honorer, avec mes moyens. C'est mieux déjà.
Les épaules de mon ami se détendirent. Il avait maigri, vieilli, terni. Si mon voyage m’avait été bénéfique, le sien l’avait rongé. J’avais peur de connaître la profondeur de cette amertume.
— Aide-moi à organiser les funérailles.
Ce n’était pas réellement une proposition. Al le comprit, me dévisagea un instant puis sourit. C’était son sourire tordu, narquois, dépité. J’avais cru un jour que c’était un signe d’assurance et je l’avais admiré pour cela. Aujourd’hui, je comprenais que c’était un sourire de fuite, un masque comme un autre. Ce genre de réalisation douce-amère, c'est la raison pour laquelle j'aime tellement Alice. Elle apprend à voir au travers des gens, à découvrir ce qu'elle prenait pour des forces et à comprendre que ce sont tout autant des faiblesses.
— Bien, Reine Alice.
Il fit demi-tour et entreprit d’enfiler le manteau que les domestiques avaient lavé puis déposé sur un siège. Comme son attelle au bras gauche le gênait, j’approchai pour l’aider à défaire les bandages. Sa respiration était basse et rauque – peut-être ses côtes fêlées.
— Alice suffit, murmurai-je en me glissant dans son dos pour ajuster son manteau. Tu es toujours mon ami, Al.
Tête baissée, l’intéressé ne prit pas la peine de répondre. Il étouffa un grognement de douleur lorsque son bras glissa dans la manche. Ses remerciements semblèrent lui picoter les lèvres en s’échappant de sa bouche. Je soupirai ; Al et sa fierté de Nordiste…
Quand il se tourna de nouveau vers moi, je lui tendais ses katanas. Une ombre couvrit son regard.
— Je ne pourrai pas me servir d’Eon sans mon bras gauche. Kan suffira.
J’acquiesçai, mais gardai le deuxième sabre en main. Al m’interrogea en haussant les sourcils.
— Tu détestes t’éloigner de tes armes, expliquai-je en le suivant dans le couloir. Je peux le porter pour toi. Aussi symbolique que matériel, ce katana. J'aime beaucoup !
Il ne trouva rien à redire tandis que je claquais le battant derrière nous.

Le silence qui accompagna notre trajet jusqu’à la salle de repos du Château fut pesant. Avant que mon ami s’engouffrât dans la pièce où la toux et les gémissements ponctuaient les secondes, je lui agrippai le bras. La zone où les guérisseurs avaient déposé le corps de Mars se trouvait en sous-sol. Les traits d’Achalmy se rembrunirent un peu plus tandis que nous descendions les marches baignées d’obscurité.
— Mars…
Sa voix rauque résonna entre les murs de pierre.
— Mars aimerait pas être enterré comme ça, reprit-il d’une voix tremblante. Il voudrait pas être sous la roche. Il voudrait voir le ciel, les étoiles, sentir la pluie et le soleil.
Je ralentis le pas quand les escaliers débouchèrent sur la morgue. Elle servait avant tout pour les soldats royaux tombés au combat. C’était une zone où les corps attendaient l’enterrement, tradition funéraire effective dans l’Ouest.
La lampe à huile que je tenais à la main éclairait faiblement les lieux. C’était pourtant suffisant pour remarquer que le corps de Mars était seul. Des étagères murales poussiéreuses accueillaient des bocaux et petites boîtes à herbes. C’était la deuxième fois en deux jours que je venais ici, mais la pièce me glaçait toujours autant.
— Je vais appeler le personnel, soufflai-je en avançant de quelques pas vers la table qui supportait la silhouette enroulée d’un linceul beige. Nous ne l’enterrons pas, Al. Qu’est-ce qui… qu’est-ce qui irait, selon toi ?
Sa respiration par-dessus mon épaule se fit plus rapide. Il me frôla l’épaule en me dépassant pour se planter face à la table. Sa main droite hésita quelques instants au-dessus du linceul. Je faillis détourner le regard quand Al le souleva délicatement. Pas que j’eusse peur d’un visage figé par la mort – j’en avais déjà aperçus. J’avais peur du visage d’Al. De son chagrin, de sa honte, de son impuissance.
— Vous avez des réserves de bois ?
Le linceul recouvrait encore le visage de Mars. Achalmy ne l’avait pas soulevé suffisamment.
— Bien sûr. C’est l’hiver, nous en faisons venir chaque jour par brassées.
— Tu pourrais en réquisitionner assez pour un bûcher funéraire ?
Même si c’était assez logique comme proposition, je sursautai. En tant qu’Occidentale, brûler un corps me semblait si… irrespectueux. Seuls les Sudistes et les Nordistes pratiquaient cette coutume. En même temps, Mars n’était qu’à moitié Occidental. Et, surtout, comme l’avait signalé Achalmy, c’était un esprit du grand air, un amoureux des plantes et voyages. L’enfermer sous terre serait terriblement injuste pour lui.
— Je vais faire le nécessaire.
Quand Al leva complètement le linceul, je baissai les yeux. Ce n’était pas par crainte, finalement. C’était par pudeur.

Avec l’aide de plusieurs gardes royaux, de Soraya, et de quelques domestiques, le bûcher fut érigé sur le flanc ouest de la colline du Crépuscule. Le soleil venait de se coucher et le ciel se teintait de couleurs pastelles. Le froid nous mordait la peau, mais il n’empêcherait pas Soraya d’embraser le tas de bois pour plus tard. Malgré les gants, je sentais des ampoules me démanger les doigts. Mes orteils gelés me faisaient grimacer au moindre pas et la brise hérissait les poils de ma nuque. Maintenant dis-toi ce que Mars à enduré sur le mont Valkovjen, où il devait faire sacrément plus froid x)
— Il a l’air d’être mort avec son ami.
Soraya venait se planter à côté de moi, les bras croisés sur la poitrine. Ses yeux dorés avaient capturé la silhouette affaissée d’Al. Trois soldats avaient été réquisitionnés pour apporter le corps de Mars jusqu’au bûcher. Nous les attendions.
— Ils étaient devenus très proches pendant le voyage, expliquai-je en resserrant mon châle autour de mon cou.
— Un peu comme nous, comprit Soraya en passant un bras autour de mes épaules. Voui. :cry:
Rassénérée par sa présence chaleureuse – dans tous les sens du terme – je me laissai aller contre elle. Je l’avais abandonnée à son sort lorsque j’avais retrouvé ma mère et le Château. Les multiples responsabilités qui m’étaient tombées dessus m’avaient empêchée de lui parler ces derniers jours.
— Comment va Viktor ?
— Mieux. Il avait attrapé une cochonnerie aux poumons, mais il tousse beaucoup moins. Ce soir, il avait encore un peu de fièvre, alors il n’a pas pu venir. Il devrait être remis d’ici demain.
Je soupirai, un petit poids en moins dans la poitrine.
— Tu m’en vois soulagée. Dès qu’il sera en pleine forme, je l’introduirai au cercle des apprentis scribes. (Avec un haut-le-cœur, je me rappelai l’agression dont il avait été victime deux semaines plus tôt.) Enfin, s’il se sent de reprendre une vie sociale. Après ce qui lui est arrivé…
— Lice, tu te tracasses trop, m’interrompit Soraya en soufflant une mèche folle près de mon oreille. Tu viens de devenir reine. Un millier de choses vont t’incomber chaque jour.
Je me redressai pour lui faire face. Mon amie avait raison, mais je ne voulais pas trahir ma promesse envers Viktor.
— Laisse-moi m’occuper de lui, reprit Soraya avec un clin d’œil. Je crois que je l’ai un peu adopté et c’est réciproque. Il n’a plus de famille et moi non plus. Ouch. Sora :(
Consciente de la validité de sa proposition, je ne pus qu’acquiescer. Je finis par apercevoir, par-dessus l’épaule de mon amie, trois silhouettes qui transportaient un corps enroulé d’un linceul. Mon cœur remonta ma gorge, le froid descendit mon dos. Les gardes royaux dévalèrent prudemment le flanc de colline puis nous dépassèrent. Le corps de Mars semblait peser lourd et pas assez en même temps.
Achalmy rejoignit les soldats pour hisser le corps en haut du bûcher. Il resta quelques secondes penché au-dessus de son compagnon, lui murmura des paroles inaudibles pour nous. Al toucha le manche de son sabre, le front de son ami puis s’inclina. Une fois redescendu, il laissa la place à Soraya. En quelques gestes maîtrisés, la Souffleuse créa plusieurs foyers sous les branches.
Les gardes royaux et les domestiques s’éloignèrent tandis que les flammes s’élevaient vers le ciel assombri. Soraya et moi étions côte-à-côte, séparées d’Al par quelques mètres et un deuil silencieux.
Je l’entendis inspirer brusquement quand le feu atteignit le linceul. Si l’odeur était restée familière jusqu’ici, elle ne tarda pas à prendre des relents écœurants. Je restai pourtant plantée face au bûcher, figée et gelée, impuissante et déterminée. Je lui devais de rester. Mars avait trop accompli pour qu’on ignorât ses actes.
Je devais rester pour Al, aussi. Au fur et à mesure que les fumées grimpaient, que la silhouette disparaissait, il se recroquevillait. J’avais l’impression d’entendre sa rage, de goûter sa douleur. Quand il bondit soudainement vers le bûcher, je criai son nom. Achalmy dérapa avant d’atteindre les flammes, brandit le couteau qu’il portait toujours à la ceinture et saisit sa tresse. Il avait eu le temps de la couper et de la jeter dans le feu quand je m’arrêtai à sa hauteur pour le tirer en arrière.
— Qu’est-ce qui te prend ? m’exclamai-je dans un mélange de peur et d’incrédulité.
— J’ai rompu ma promesse, expliqua-t-il sans quitter le bûcher du regard.
Les reflets rougeoyants dans ses yeux d’acier dénotaient avec les larmes qui gonflaient au bord de ses paupières. Je le forçai à reculer de quelques pas et, une fois certaine que nous étions en sécurité, je glissai ma main jusqu’à la sienne. Son poing était fermé en étau. Au bout de quelques secondes, il accepta d’ouvrir les doigts pour en libérer leur contenu. Une pierre bleutée scintillait à nos pieds.
— Le Saphir des Glaces de ta mère.
Je le ramassai, le glissai dans ma poche. Al l’avait retiré de sa tresse avant de la jeter au feu. Il lui restait encore un peu de bon sens malgré… malgré tout.
Sa main ne tarda pas à revenir vers la mienne. Je lui jetai un coup d’œil étonné, vis les dernières flammes mourir dans le reflet de ses yeux. La chaleur qui nous enveloppait encore quelques minutes plus tôt avait laissé place aux brises glacées. Je rentrai le cou dans les épaules dans une vaine tentative de les contrer. Al ne lâchait plus ma main et je n’avais pas le cœur à lui en vouloir.
— Alice…
Mon ami avait fermé les yeux. Les traînées salines qui couvraient ses joues ne tarderaient pas à sécher de froid sur sa peau. Ses doigts tremblaient autour des miens. Je m’approchai, glissai mon autre bras sur son visage. Il accepta ma sollicitude, enfouit le nez dans mon cou.
— Al.
Je fermai les bras autour de lui, offrit ma maigre chaleur. Je ne pouvais pas faire grand-chose de plus. Mais j’étais déjà heureuse de le sentir s’appuyer contre moi. Il ne s’était pas souvent montré faillible. J’aurais aimé que ce fût dans d’autres circonstances, mais je devais composer avec.
— Je suis là, chuchotai-je pour nous, à l’abri des étoiles et du reste du monde.
Bon. Ce chapitre picote. Autant la mort de Mars avait été prévisible, et ne m'avait pas affectée tant que ça, autant la manière dont tu as orchestré les funérailles est vraiment belle et triste. Dans l'ensemble, ce chapitre tape bien là où ça fait mal, d'abord avec Milash, ensuite avec Al, et enfin avec Mars. Et comme le dit Sasa, la maturité d'Alice n'en ressort que davantage. Là où Al n'a que peu progressé depuis de début de leur aventure, Alice en est vraiment ressortie grandie, et ça fait du bien de voir la femme qu'elle est devenue, par rapport à la gamine qu'elle était.
Soraya aussi, d'ailleurs, a bien évolué depuis le début.

Je vais peut-être me répéter, mais j'admire vraiment les évolutions de tes personnages. Je n'ai pas encore pensé à commenter la fin de SUI, même si je l'ai lue, mais c'est un thème qui ressort régulièrement chez toi, les progrès personnels. Al n'a pas tant avancé (je trouve, même s'il y a eu du progrès !), mais Alice, Soraya, et même Mars, avaient pris un magnifique chemin.

Je ne sais pas où tu nous emmènes pour la fin, mais j'ai hâte de voir ce que ça va donner avec les Dieux !
Bon courage dans tes autres projets, vu que tu as mis le point final à l'épilogue sur Oneiris :)
~ La bise
louji

Profil sur Booknode

Messages : 1724
Inscription : lun. 02 sept., 2013 3:10 pm

Re: Oneiris - Tomes I (terminé) et II (en cours) [Heroic fantasy]

Message par louji »

TcmA a écrit : jeu. 15 juil., 2021 11:47 am Hiello~

Wow, ça doit être l'un de mes chapitres préférés. Tout était très juste et très bien écrit !
Pauvre Milash qui a complètement perdu pied quand il a reçu la nouvelle... En même temps, pfouah, j'ose même pas imaginer toutes les attentes qui lui sont tombées dans la tronche, en plus du deuil qu'il avait à faire.
Al fait mal au cœur, et heureusement qu'il est pas seul.
Alice est tellement mature, on voyait déjà ça dans les chapitres précédents, mais ça fait... Je sais pas si plaisir est le bon mot, vu le contexte dans lequel elle a dû développer tout ça, mais c'est impressionnant. Puis elle garde les pieds sur terre et reste profondément humaine et bonne. Là où Al peut parfois encore me casser un peu les pieds (mais bon, il a un bagage émotionnel de l'enfer ce coco), Alice pas du tout. Je crois que c'est mon perso préféré, et boy, on revient de loin (je pense au début du T1 où je pouvais pas la blairer). Elle est vraiment cool.
Puis aaaaah le petit "Je peux le porter pour toi" :cry: :cry: :cry: Voui, puis pas que ton sabre, ta douleur et ton chagrin aussi aaaaah
J'apprécie Soraya de plus en plus (Sorayalice forever. Machalmy aussi, dans mon imagination, ils vont tous bien ;w; )

J'ai bien hâte de voir ce que tu vas nous faire avec la fin (coucou les Dieux, ça farte ?) !
Et encore bravo pour avoir terminé Oneiris !!!

La bise~
Heyo !

Oh, merci beaucoup :(
Milash a bien dérouillé aussi, ouep. Et c'est pas plus mal de montrer aussi des persos qui n'arrivent pas à gérer
Alice c'est tellement ma fierté d'Oneiris en vrai. Je suis partie de loin avec elle (je te rassure, la Alice du début T1, je peux pas la blairer non plus aled), mais je suis vraiment contente du perso qu'elle est devenue. Je voulais vraiment d'une "princesse" qui puisse être prise au sérieux et rassembler autour d'elle sans être "badass" ou un cliché belle/timide/amoureuse.
Al, j'ai fini par me mettre d'accord avec moi-même et comprendre qu'il pourrait pas évoluer comme Alice. Genre, ça arrive, des persos qui évoluent pas autant qu'escompté. Je dis pas qu'il le fera jamais, mais il aura clairement pas eu la même marge de progression qu'Alice !
Ouais, le coup du sabre fonctionne bien :lol:

Yees, c'est une fin "simple" elle se contente de conclure l'histoire, mais voilà ! Je me tâte à faire un petit OS qui se déroulerait plus tard, mais grosse hésitation x)

Merci à toi !
louji

Profil sur Booknode

Messages : 1724
Inscription : lun. 02 sept., 2013 3:10 pm

Re: Oneiris - Tomes I (terminé) et II (en cours) [Heroic fantasy]

Message par louji »

vampiredelivres a écrit : ven. 16 juil., 2021 11:01 am
louji a écrit : ven. 02 juil., 2021 5:15 pm Holaaaa. Je suis en méga retard. J'ai dû faire mon mémoire, alors Boonkode m'est complètement sorti de la tête, mais me voilà de retour :mrgreen: Et Oneiris T2 est presque terminé puisqu'il me reste seulement l'épilogue à écrire 8-)
Holaaaa ! C'est pas graaaaave :)


Chapitre 17
Alice



An 500 après le Grand Désastre, 1e mois de l’hiver, Château du Crépuscule, Terres de l’Ouest.




— Oh, Ash, murmurai-je en posant le front contre les reliefs de la porte. Je t’en prie, petit frère. Maman s’est lassée de ton comportement après tous ces mois, mais moi… Je viens juste d’arriver, Milash. Je me sens complètement dépassée. Tout ce qui s’est passé en deux jours… si tu savais. Essentiellement, "j'ai ramené les dieux à Oneiris, et l'ami d'un ami est mort". Petite journée, franchement :lol: :arrow: Une bonne nuit de sommeil et tout sera réglé 8-)
J’étais toujours appuyée contre la porte. Le bois était étonnement tiède contre ma peau. Milash devait généreusement entretenir son âtre. La vache s'il arrive à chauffer le bois de la porte, ça doit être une fournaise à l'intérieur :o :arrow: Ouais, j'ai un peu abusé sur l'image :lol: Je voulais dire que le bois était pas froid-froid quoi, mais c'est exagéré. Je vais peut-être m'attarder sur le contraste bis/pierre (qui elle est bien froide). Portée par l’idée qu’un feu accueillant palpitait derrière le battant, que mon frère écoutait en silence, je poursuivis :
— J’ai perdu un ami. Je ne le connaissais pas bien, mais il était cher au cœur d’un autre ami, dont je suis proche. Et j’ai peur de perdre ce deuxième ami. Il n’était pas en bonne santé quand il est arrivé et… ça ne s’est pas amélioré avec la perte de son compagnon. Il est couché depuis ce matin. Comme toi, il refuse de sortir de sa chambre. C'que j'disais.
Ma voix s’était tarie sur la fin. Je m’éclaircis la gorge avant de reprendre, désireuse que Milash ne ratât pas un seul de mes mots.
— Tu as dû entendre mille choses différentes depuis que tu t’es enfermé. Peut-être que tu t’imagines que c’est moi, le fantôme. Que je ne suis pas vraiment de retour, pas vraiment vivante. Ash, je t’assure que si. Regarde sous ta porte, je vais faire passer un courant d’air.
Je m’accroupis pour réaliser mon petit tour, blague que Milash et moi faisions depuis que nous étions capables de maîtriser les éléments. Pourtant, je ne fis que remuer la poussière et de vains espoirs : pas un geste de l’autre côté du battant. Cette tournure est magnifique ! *-* :arrow: Merci !
— Ash, tu me manques. Quand tu as appris ma mort, tu as dû avoir l’impression que tout s’écroulait. Je suis désolée pour cela. Je t’expliquerai tout ce qui s’est passé, mais ce serait trop long pour aujourd’hui, j’ai tant à faire… (J’avalai ma salive en fermant les yeux, le souvenir du corps pâle de Mars ancré à mes rétines.) Je veux juste te revoir, petit frère. Mon petit mulot. Ça fait un peu pitié comme surnom… :arrow: Chuis d'accord. Mais bon, Alice :lol:
Ma voix se cassa. Agrippée d’une main aux reliefs de la porte, je portai l’autre à mon visage pour étouffer mes sanglots. Que faire si ma mère ou un domestique arrivait ? Que penseraient-ils de leur nouvelle reine en larmes, assise seule dans le noir et la poussière ? Me trouveraient-ils acharnée, désireuse de sauver mon frère, ou estimeraient-ils ma dévotion insensée ?
— Milash, sors d’ici, je t’en prie. Par les Dieux, j’ai besoin de toi.
À présent, mes hoquets résonnaient distinctement dans le couloir. Je bataillai un instant avec la poche de mes chausses beiges pour en sortir mon mouchoir. Une minute ou deux s’écoulèrent le temps que je me ressaisisse.
— Je suis la nouvelle Reine, Milash, entonnai-je d’une voix qui comportait plus de fiel. Tu n’as plus à craindre un trône pour lequel tu n’as jamais été préparé.
Un rire désabusé m’échappa à ces paroles. J’étais trop lasse pour me contenir pleinement.
— Pour être honnête, ce n’est pas tout à fait vrai. Père te préparait depuis quelques temps. Il avait prévu de me sacrifier, alors tu aurais dû devenir le prochain souverain. Tu le savais, n’est-ce pas ? Tu t’en étais douté ?
La colère rendait mon ton plus rauque, les mots plus acérés.
— Milash, même si tu n’es pas le Roi, le peuple a besoin de son prince. Ils t’ont toujours aimé, car tu marquais la différence avec père. Tu souriais, tu jouais de la flûte sur les places publiques, tu organisais des courses à cheval dans les champs. Tu étais accessible et papa ne l’a pas vraiment été pour les Occidentaux. Ni pour sa famille. Ni pour personne j'ai l'impression. :arrow: Sur les dernières années de son règne, c'était clairement pas un joyeux luron :v
Mes poings serrés contre la porte, j’inspirai un bon coup pour lâcher :
— Ash, je dois organiser les funérailles de l’ami dont je t’ai parlé. Je dois tirer mon autre ami du chagrin. Je dois continuer à assurer les doléances, je dois succéder à maman. Je dois vérifier que Soraya et Viktor vont bien, qu’ils ont été accueillis correctement par le personnel du Château. Par Kan, j’ai à peine eu le temps de les voir… (Je reculai d’un pas, soupirai.) Je dois aussi m’assurer que notre pacte avec les Dieux a été rempli.
Une brise se mit à tournoyer entre mes chevilles. Mon pantalon avait l’avantage de ne pas se soulever comme les jupes ou les robes occidentales.
— Sincèrement, je ne dirais pas non à un peu d’aide, Milash. Tu t’entendrais bien avec Viktor. Mère serait moins angoissée par la succession si elle te revoyait. Pendant que je m’acquitte de ma dette envers les Dieux, tu pourrais prévenir les Occidentaux de ton retour et les rassurer.
Je serrai les poings. Les courants enflèrent autour de moi, vinrent faire pression contre le bois de la porte. Les gonds grincèrent et ma voix claqua :
— Milash, je suis prête à forcer ton battant. Tu es mon seul frère et je t’aime. Je t’aimerai toujours. J’irai toujours faire du cheval avec toi dans les vergers, je prendrai toujours du temps pour t’écouter jouer. Toutefois, aujourd’hui, j’ai besoin de toi, parce que je ne peux pas gérer toute seule. J'aime beaucoup le fait qu'elle l'admette et qu'elle soit honnête avec elle-même. ^^ :arrow: Pour ça, on peut clairement compter sur elle (pas comme toi Al, hein :roll: ).
La pression du vent contre la porte allait bientôt en avoir raison. Comme je fermais les yeux, prête à en découdre, une force s’opposa à la mienne. Des courants inverses rencontrèrent les miens, me repoussèrent. Stupéfaite, je relâchai aussitôt mon pouvoir. Une bouffée d’air me fit reculer d’un pas et écarquiller les yeux.
— Tu allais casser la porte…
La porte en question s’ouvrit. Une silhouette, à contre-jour du feu qui crépitait dans son dos, se redressa. Les vêtements pendaient sur un corps qui avait grandi sans qu’on l’entretînt. Une masse de cheveux blond doré entourait un visage blafard. Un visage qui n’avait pas respiré l’air frais depuis des mois.
— Tu as toujours été un peu excessive, Alice, soupira Milash en frottant son bras dans un geste d’embarras. Un peu :lol: Elle a appris des meilleurs, aussi (aka Al et Aion, essentiellement). :arrow: C'est dit :lol:
Les lèvres plaquées l’une contre l’autre, je m’avançai à grands pas. Ash plissa les yeux, voulut reculer, mais je lui agrippai la main à temps. Il hoqueta lorsqu’un coup de jus parcourut son corps dégingandé.
— Tu es devenu insolent, sifflai-je en le foudroyant du regard.
— Et toi impatiente !
D’un mouvement d’épaule, il se dégagea de ma grippe. L’odeur dans sa chambre n’était pas aussi affreuse que je m’y étais attendu. Il devait faire l’effort d’aérer de temps à autre. Sur son bureau en bois s’étalaient des dizaines de feuilles griffonnées de mots, dessins et notes de musique.
— Je n’arrive pas à le croire…
Je me retournai, les épaules basses. Ma frustration évoluait à présent vers l’inquiétude. Les yeux argentés de Milash, qu’il avait hérités de notre mère, luisaient doucement à la lueur des flammes. Il n’avait pas encore seize ans, mais lui aussi semblait vieilli.
— Tu es vraiment vivante. (Il lâcha un rire étranglé en haussant ses épaules maigres.) Je ne parle pas à un fantôme… je ne suis pas devenu fou.
Le parquet grinça quand je m’approchai de nouveau de mon frère. Il me dépassait d’une tête, mais j’avais la très nette impression que c’était sur moi qu’il pouvait se reposer. Et pas l’inverse. Pas complètement, du moins, dans un premier temps. En même temps, c'est toi l'aînée, par principe il devrait pouvoir se reposer sur toi, non ? :arrow: Oui, complètement ! Disons que le décalage actuel par rapport à leur ancienne relation très fusionnelle et assez "égale" la perturbe pas mal

Planté au milieu de sa chambre, les bras chargés de vêtements, il ne trouva pas l’esprit de répondre. Je ne lui en voulus pas. À part merci, je ne vois pas ce qu'il aurait pu dire :ugeek: :arrow: "Moi aussi, je suis fier de toi" "Merci, Alice, courage à toi" "Merci, on se voit ce soir" ... plein de possibilités :lol:


— La reine reconnaît les sacrifices consentis pour la pérennité d’Oneiris. Mauvaise réponse, trop officielle. (Comme ma réponse crispait les traits durs de son visage, j’ajoutai d’un ton moins formel : ) Parce que je n’ai pas eu le temps de connaître Mars, mais qu’il a l’air d’avoir tenu une place particulière dans ton cœur. Je voudrais l’honorer, avec mes moyens. C'est mieux déjà. :arrow: Elle a vite compris :roll:
Les épaules de mon ami se détendirent. Il avait maigri, vieilli, terni. Si mon voyage m’avait été bénéfique, le sien l’avait rongé. J’avais peur de connaître la profondeur de cette amertume.
— Aide-moi à organiser les funérailles.
Ce n’était pas réellement une proposition. Al le comprit, me dévisagea un instant puis sourit. C’était son sourire tordu, narquois, dépité. J’avais cru un jour que c’était un signe d’assurance et je l’avais admiré pour cela. Aujourd’hui, je comprenais que c’était un sourire de fuite, un masque comme un autre. Ce genre de réalisation douce-amère, c'est la raison pour laquelle j'aime tellement Alice. Elle apprend à voir au travers des gens, à découvrir ce qu'elle prenait pour des forces et à comprendre que ce sont tout autant des faiblesses. :arrow: Yes, elle qui pensait tout comprendre d'un coup comprend enfin les subtilités chez les gens qui l'entourent
— Bien, Reine Alice.
Il fit demi-tour et entreprit d’enfiler le manteau que les domestiques avaient lavé puis déposé sur un siège. Comme son attelle au bras gauche le gênait, j’approchai pour l’aider à défaire les bandages. Sa respiration était basse et rauque – peut-être ses côtes fêlées.
— Alice suffit, murmurai-je en me glissant dans son dos pour ajuster son manteau. Tu es toujours mon ami, Al.
Tête baissée, l’intéressé ne prit pas la peine de répondre. Il étouffa un grognement de douleur lorsque son bras glissa dans la manche. Ses remerciements semblèrent lui picoter les lèvres en s’échappant de sa bouche. Je soupirai ; Al et sa fierté de Nordiste…
Quand il se tourna de nouveau vers moi, je lui tendais ses katanas. Une ombre couvrit son regard.
— Je ne pourrai pas me servir d’Eon sans mon bras gauche. Kan suffira.
J’acquiesçai, mais gardai le deuxième sabre en main. Al m’interrogea en haussant les sourcils.
— Tu détestes t’éloigner de tes armes, expliquai-je en le suivant dans le couloir. Je peux le porter pour toi. Aussi symbolique que matériel, ce katana. J'aime beaucoup ! :arrow: Yas !
Il ne trouva rien à redire tandis que je claquais le battant derrière nous.


Avec l’aide de plusieurs gardes royaux, de Soraya, et de quelques domestiques, le bûcher fut érigé sur le flanc ouest de la colline du Crépuscule. Le soleil venait de se coucher et le ciel se teintait de couleurs pastelles. Le froid nous mordait la peau, mais il n’empêcherait pas Soraya d’embraser le tas de bois pour plus tard. Malgré les gants, je sentais des ampoules me démanger les doigts. Mes orteils gelés me faisaient grimacer au moindre pas et la brise hérissait les poils de ma nuque. Maintenant dis-toi ce que Mars à enduré sur le mont Valkovjen, où il devait faire sacrément plus froid x) :arrow: Autre ambiance :roll:
— Il a l’air d’être mort avec son ami.
Soraya venait se planter à côté de moi, les bras croisés sur la poitrine. Ses yeux dorés avaient capturé la silhouette affaissée d’Al. Trois soldats avaient été réquisitionnés pour apporter le corps de Mars jusqu’au bûcher. Nous les attendions.
Bon. Ce chapitre picote. Autant la mort de Mars avait été prévisible, et ne m'avait pas affectée tant que ça, autant la manière dont tu as orchestré les funérailles est vraiment belle et triste. Dans l'ensemble, ce chapitre tape bien là où ça fait mal, d'abord avec Milash, ensuite avec Al, et enfin avec Mars. Et comme le dit Sasa, la maturité d'Alice n'en ressort que davantage. Là où Al n'a que peu progressé depuis de début de leur aventure, Alice en est vraiment ressortie grandie, et ça fait du bien de voir la femme qu'elle est devenue, par rapport à la gamine qu'elle était.
Soraya aussi, d'ailleurs, a bien évolué depuis le début.

Je vais peut-être me répéter, mais j'admire vraiment les évolutions de tes personnages. Je n'ai pas encore pensé à commenter la fin de SUI, même si je l'ai lue, mais c'est un thème qui ressort régulièrement chez toi, les progrès personnels. Al n'a pas tant avancé (je trouve, même s'il y a eu du progrès !), mais Alice, Soraya, et même Mars, avaient pris un magnifique chemin.

Je ne sais pas où tu nous emmènes pour la fin, mais j'ai hâte de voir ce que ça va donner avec les Dieux !
Bon courage dans tes autres projets, vu que tu as mis le point final à l'épilogue sur Oneiris :)
~ La bise
Je vois ce que tu veux dire ! Clairement, la mort de Mars n'a été ni frontale ni lente, donc pas vraiment l'impression de "réaliser". Là, c'est clairement l'heure des conséquences et c'est pas drôle du tout :c
Mais oui, Alice elle a clairement pris en grade niveau évolution. Al c'est un pigeon :x Comme je disais à Sasa, je me suis rendu compte à l'écriture que c'était pas fait pour lui, ce bond de progression. Il a encore une marge de progression évidemment, mais ce sera moins prégnant qu'Alice.
Soraya aussi, oui ! Au début, j'avais du mal avec elle. Maintenant, je l'aime beaucoup !

Merci beaucoup :D Yes, la fin de SUI elle est assez significative pour certains persos !

Le chemin devrait pas être trop escarpé pour la fin, je rassure :lol: J'ai voulu faire simple et droit au but !
Merci, je vais pouvoir m'attaquer à d'autres morceaux maintenant ^^

Bizouz
louji

Profil sur Booknode

Messages : 1724
Inscription : lun. 02 sept., 2013 3:10 pm

Re: Oneiris - Tomes I (terminé) et II (en cours) [Heroic fantasy]

Message par louji »

Holaaaa. Je peux officiellement vous annoncer qu'Oneiris T2 est terminé :mrgreen: Je me tâte à écrire un petit OS qui me trotte en tête depuis un moment et qui se passerait après les événements du T2. Bon, en réalité, je l'écrirai sûrement mais bon 8-)



Chapitre 17
Achalmy



An 500 après le Grand Désastre, 1e mois de l’hiver, Château du Crépuscule, Terres de l’Ouest.



Je ne dormis pas beaucoup la nuit qui suivit les funérailles. Une fois le bûcher complètement affaissé, Alice s’était servie de ses pouvoirs pour rassembler les cendres dans une bulle d’air. Mon sabre toujours dans une main et l’autre guidant ses courants, mon amie m’avait suivi le long des remparts. La lune avait guidé nos pas jusqu’au bord de la colline, qu’un éboulement ancien avait rendu abrupt. J’avais demandé à Alice de déverser les cendres ici. Elles partiraient dans l’air, en direction des champs, des vergers et de l’océan. Elles voleraient là où elles le souhaiteraient, se séparant si nécessaire.
Libérées, les cendres avaient rapidement disparu de notre champ de vision, avalées par le vent et la nuit. J’avais dit au revoir à mon ami. Salué Mars en tradition nordiste une dernière fois. Puis nous étions partis.

L’agitation ne tarda pas à s’élever dans les couloirs. J’enfilai mes bottes, rassemblai les vêtements propres qu’un domestique avait déposés la veille et me dirigeai vers la salle des bains. À présent que j’avais récupéré en partie, je pouvais moi-même chauffer mon eau. Des bacs avaient été poussés contre le mur près d’un âtre. J’en récupérai un, pris mon temps pour en augmenter la température sans m’épuiser puis entamai ma toilette. Je ne voulais pas faire peur à Alice ou sa mère en les croisant.
Je gardai mes sabres à la main pour me rendre vers la Gran’Salle. Quelques soldats me jetèrent un regard soupçonneux, mais je devais être trop amorphe pour les inquiéter. L’antichambre était déjà bien remplie quand j’y arrivai. Une vingtaine d’Occidentaux en tenues diverses – des fermiers, des Nobles, des artistes aux accoutrements improbables – patientaient en bavardant. Étonné, je m’approchai d’un groupe de trois personnes pour en apprendre plus.
Apparemment, la nouvelle du retour miraculeux – divin disaient certains – de la princesse Alice s’était répandue dans l’Ouest. À vrai dire, au fur et à mesure des conversations, on ne disait plus princesse Alice.
Reine Alice.
Un sourire m’étira les lèvres. C’était vrai, qu’elle avait son allure de petite reine. Pas bien intimidante de prime abord, mais acharnée et solide en-dessous. J’en avais eu la preuve depuis que j’étais arrivé au Château.

Quand les portes de la Gran’Salle daignèrent s’ouvrir, le valet des doléances attendit que le calme fût revenu parmi les impatients pour déclarer :
— Mesdames, messieurs, je vous remercie de votre patience et de votre sollicitude envers notre nouvelle reine. Je suis toutefois dans le regret de vous annoncer que la reine Alice ne pourra pas vous recevoir dans l’immédiat. Les doléances en sa présence ne commenceront que dans deux semaines, une fois que la succession sera assurée. (Tandis que les murmures s’élevaient dans la petite foule, le valet ajouta en gonflant sa voix : ) En attendant son retour, Dame Trianna et le prince Milash prendront de leur temps pour vous écouter.
Les murmures s’éteignirent d’un coup. Puis, comme s’ils avaient été accordés sur les cordes d’un même instrument, les Occidentaux éclatèrent. Il me fallut quelques secondes pour vérifier qu’il s’agissait bien de joie et non pas de colère. Stupéfait, je dus reculer de quelques pas pour éviter une Noble qui enlaçait son époux en scandant « Reine Alice » d’une voix portante. À ses côtés, deux jeunes filles s’agrippèrent les bras pour tournoyer, le prénom de « Milash » ressortant de temps à autre entre leurs cris enthousiastes.
Assommé par les éructations, je me retirai dans le couloir. Les Occidentaux m’étonnaient encore. M’étonneraient sûrement toujours. Mais, aujourd’hui, j’avais l’impression que ça pouvait être positif. Instructif.
— Achalmy des Dillys ?
Je dressai la nuque, clignai des yeux face à la jeune femme au sourire mordant qui me faisait face. Son expression confiante n’avait pas changé, comme l’éclat doré de ses yeux.
— Soraya Samay.
Elle rit doucement avant de me tendre la main. Salut Sudiste. Je l’acceptai avant de regretter aussitôt. La bougre me broyait les os. Quand je finis par grimacer, elle ricana et me lâcha.
— C’était pour Alice, expliqua-t-elle en haussant ses épaules rondes. Tu ressembles à un fantôme des contes de mon enfance : aigri, muet et invisible. Il me semble bien que le Chasseur qui a traversé la moitié d’un continent pour sauver une princesse qui ne lui a rien demandé était un peu plus vivace. Je dois reconnaître que j’en attendais plus.
Ébahi par ses propos, je n’eus pas l’esprit de réagir à temps. Elle profita de mon silence pour enchaîner avec agacement :
— Par la barbe d’Eon, je sais bien que vous autres Nordistes n’êtes qu’une bande d’ours grossiers et…
— Eon a pas de barbe.
Soraya se tut, les yeux écarquillés. Ses lèvres charnues se pincèrent une seconde.
— Qu’est-ce que tu dis ?
— Mars disait souvent ça aussi « par la barbe d’Eon ». Ça doit être un truc de Sudiste. Mais Eon a pas de barbe, il est même complètement imberbe.
— Oh.
Un silence étonnant tomba entre nous. Puis l’ombre de quelque chose naquit sur la bouche de Soraya. Sur la mienne aussi. Quand nous commençâmes à rire, ce fut discret. Puis plus vraiment.
Des domestiques finirent par se montrer, alertés par les rires qui nous faisant larmoyer, Soraya et moi. Elle les rassura entre deux hoquets, une main sur mon épaule et l’autre en pleine agitation. Ça ne m’aurait pas surpris qu’elle mît le feu aux roses d’hiver qui décoraient le couloir. Mon ventre contracté et mes joues trop sollicitées me tiraillaient, mais c’était étonnamment agréable. Je ne savais pas à quand remontait la dernière fois où un fou-rire m’avait tiré quelques larmes. Sûrement une soirée avec Mars, alors que l’alcool diluait nos pensées. Merde, il me manquait. L’idée de lui, de son rire, de sa voix, de son feu, de ses protestations me manquait.
— Merci, soufflai-je à Soraya alors qu’elle reprenait son souffle, les yeux bouffis. Et désolé.
— Je t’en prie, ours mal léché. Toutefois, ce n’est pas vraiment à moi que tu dois des excuses.
Je fermai les paupières, inspirai. Mes poumons se gonflèrent malgré la douleur dans mes côtes. Je me sentais vivant.
— Je sais. (J’observai Soraya de biais, l’air penaud.) Tu sais où elle est ?
— Aux écuries. Elle prépare notre voyage. Nous ne devons pas tarder et elle m’a chargée de te retrouver.
— Quel voyage ? marmonnai-je en fronçant les sourcils. Je… vous… on vient juste de rentrer.
Elle roula des yeux puis claqua la langue d’irritation.
— Vers le Noyau. Tu as oublié la raison pour laquelle nous avons dû tous partir et risquer nos vi…
Elle s’arrêta à temps, jura tout bas. Mars. Je la rassurai d’un petit sourire et l’incitai à reprendre.
— Aion, gronda-t-elle en menant la marche. Nous devons repartir au Noyau, nous assurer qu’Eon et Kan ont bien retrouvé les leurs. Mettre fin à cette foutue…
Soraya claqua la langue comme elle ne trouvait pas de mot adéquat. Je la laissai me guider le long du couloir. Nous ne tardâmes pas à tomber sur la porte d’entrée, d’un étonnant rouge-orangé.
— Par la même occasion, lever la menace qui te pèse dessus, imbécile, trouva-t-elle bon d’ajouter en faisant signe aux gardes de nous ouvrir.
Oh oui, avec tous les événements récents, j’en étais venu à oublier que ma vie dépendait de notre réussite. Que Galadriel, la Vie, et Lefk, la Mort, s’étaient réservés le droit de reprendre ce qui était leur.
Comme nous traversions une cour salie de boue malgré les pavés, je haussai un sourcil. Soraya ne s’était pas plaint que la terre allait abîmer ses sandales. À vrai dire, elle portait des bottes. Plus appropriées pour voyager dans l’Ouest en plein hiver. L’odeur des écuries nous signala leur emplacement quelques mètres avant leur apparition, calées contre un pan de murailles. Trois chevaux attachés à une barre de bois renâclaient, impatients de partir sur la route – ou de rentrer dans leur stable.
Des écuyers vaquaient à leurs occupations, à peine perturbés par la silhouette agile d’Alice qui voguait entre les écuries et les trois montures. Concentrée sur sa tâche, elle ne nous avait pas encore aperçus. Soraya me tapota l’épaule avec un sourire en coin.
— Je te laisse parler avec elle, je vous rejoindrai plus tard.
Elle ne manqua pas de me donner une tape sur les fesses en repartant.

Ma glotte avait l’air d’être tombée au fond de ma gorge quand j’approchai des chevaux. Alice s’était glissée au milieu de l’un d’eux pour vérifier le mors. J’attendis qu’elle eût fini sa tâche et qu’elle se retournât. La surprise agrandit brièvement ses yeux.
— Bonjour.
— Bonjour, Al. (Elle enfila le gant qu’elle avait retiré pour vérifier le harnachement.) Comment tu vas ?
— Un peu sonné.
Je reculai d’un pas pour la laisser passer. Elle ne me regardait pas, le nez levé vers le ciel gris.
— Moi aussi, souffla-t-elle d’une voix lointaine avant de m’adresser un mince sourire. Je suis contente de te revoir. Nous n’avons pas vraiment pu nous parler correctement depuis que tu es arrivé.
Avant que je pusse acquiescer, elle farfouilla dans la poche de son imposant manteau doublé de fourrure. Je ne distinguais pas grand-chose d’autre de sa tenue, mais ses chausses épaisses devaient la protéger du froid. Ses bottes d’équitation en cuir étaient elles aussi fourrées de laine et lacées jusqu’en-dessous des genoux. Son accoutrement n’avait pas grand-chose d’occidental, mais ça n’avait pas l’air de la gêner.
— Tiens, reprends cette pierre, lâcha Alice en me glissant quelque chose entre les doigts.
C’était le Saphir de ma mère. Il y eut comme une décharge électrique dans ma poitrine.
— Garde-la.
Alice fronça les sourcils, ouvrit la bouche pour répliquer.
— J’ai trouvé mon propre Saphir, expliquai-je en enfonçant la main dans ma besace. Sur le Mont Valkovjen, peu de temps avant… de tomber sur Eon.
Les yeux luisants de curiosité, Alice se pencha sur le joyau que je lui présentais. Il n’était pas aussi ciselé que celui de ma mère, mais d’une taille plus conséquente.
— Magnifique, acquiesça-t-elle en redressant le cou. Tu es un adulte à présent, si j’ai bien compris ?
En toute logique, oui, j’avais accompli la Maturité. Il ne me restait qu’à me faire tatouer le symbole qui le prouverait au reste de mes semblables. Mais je ne me sentais pas très adulte en face de la jeune femme qui avait supporté mon amertume et mon silence pendant des heures.
— Eh bien… oui. (Comme Alice observait le Saphir des Glaces entre ses doigts avec une moue dubitative, j’ajoutai : ) Garde celui-ci. Ça me ferait plaisir.
Une confusion embarrassée se peignit sur ses traits.
— C’est que… tu es certain, Al ? C’est l’un des seuls souvenirs que tu as de ta mère.
— Sûr et certain. Tu le mérites. Plus que moi.
Comme une ombre recouvrait l’indigo de ses iris, je soupirai.
— C’est un pauvre gage de remerciement, Alice. Pour Mars. Et pour moi aussi.
— Très bien. Ça ne te dérange pas si je le porte en pendentif ?
— Pas du tout. (Je fronçai aussitôt les sourcils, perplexe.) Mais… les gens vont pas trouver ça bizarre ? Vous ne portez pas beaucoup de bijoux très voyants dans l’Ouest.
Un sourire mutin se dessina sur ses lèvres. Tout en caressant la pierre de ses doigts, elle haussa les épaules. Une mèche de cheveu sombre échappée de son chignon bas glissa sur sa joue rougie par le froid.
— Peu importe. Je crois que ce ne sera pas la première étrangeté de mon règne. Un tas d’autres changements arriveront.
À voir sa mâchoire douce serrée et ses grands yeux plissés, je n’en doutais pas. Un drôle de silence glissa sur nous, s’étendit à la cour puis passa les murailles. Même le vent s’était tu. Puis l’un des cheveux renâcla et Alice sortit de sa torpeur. Avec un sourire discret, elle glissa sa nouvelle possession dans sa poche et tapota la croupe de sa jument baie.
— Tu es prêt à partir ?
— Oui. (Je jetai un coup d’œil par-dessus mon épaule. Soraya discutait avec un soldat quelques mètres plus loin.) Je vais aller chercher Sora…
Je me tus. Par les Dieux, je reconnaissais le garde. Taille imposante. Épaules imposantes. Regard imposant. Force imposante. Un frisson ne remonta la nuque, mon estomac se tordit légèrement. Malgré l’appréhension qui grandissait en moi, un sourire me fendit les lèvres.
— Neil Wilson, soufflai-je avec un goût de fer sur la bouche. Le commandant de la garde royale.
Alice me jeta un regard à la dérobée.
— Il m’a foutu une sacrée raclée cet été, quand j’étais à ta recherche.
Soraya s’esclaffa au milieu de sa discussion. Son rire se répercuta sur les murailles qui nous surplombaient. Elle échangea quelques mots de plus avec le commandant avant de nous remarquer.
— Reine Alice, lança aussitôt Neil Wilson en s’approchant d’un pas affirmé.
Mon amie lui tendit la main pour qu’il frôlât son gant de ses lèvres. Lorsqu’il redressa le cou, son regard violacé me perça la nuque. Un rictus crispé remonta sa joue, mais il se retint du moindre commentaire. Se souvenait-il au moins de moi ?
— Achalmy, soufflai-je en exécutant le salut nordiste.
— Je me rappelle de toi. Surtout de ton escapade qui a réduit notre camp en fumée.
Je ne pus retenir un sourire fugace. Mars avait joué avec le feu, ce jour-là. Soraya m’adressa un regard suspicieux quand elle nous rejoignit dans la discussion. Elle attendait sûrement que nous fûmes seuls pour m’interroger sur mon échange avec Alice. Peut-être qu’elle me grillerait les sourcils.
Comme j’avais raté une partie de la discussion, la demande que prononça Neil Wilson à sa nouvelle reine me laissa muet un instant :
— Vous en êtes certaine, ma reine ? Voyager avec deux étrangers comme seuls renforts…
Alice lui adressa un sourire qui se voulait rassurant. L’image de la jeune reine, pas plus haute que le garrot d’un grand poney, et de son commandant aussi large qu’une cheminée avait de quoi dérouter.
— Les deux étrangers en question ont déjà fait leurs preuves, commandant Wilson.
— Oui, peut-être, mais laissez-moi envoyer quelques soldats avec vous.
— Sans vouloir vous vexer, je crois qu’il vaut mieux terminer cette quête divine avec les personnes qui ont connu son début.
— Et votre mère ? Votre frère ? Ma reine, vous venez juste de rentrer, votre famille et le peuple ont besoin de vous.
Alice tenta d’amoindrir ses craintes en lui tapotant le bras. On aurait dit une souris face à un loup. Mais une souris qui balançait de fourbes petits éclairs.
— J’ai chargé Ash et ma mère de s’occuper des doléances en mon absence. Et de prévenir le peuple de l’Ouest que leur nouvelle reine s’efforcera de redorer la foi oneirianne en leurs Divinités Primordiales.
Neil Wilson soupira quand il comprit que rien ne la ferait changer d’avis. Son regard ferme et soucieux nous considéra tous les trois, la jeune reine, la Sudiste exilée et le Chasseur blessé.
— Bien. Je n’ai plus qu’à vous souhaiter bon voyage et bonne chance, dans ce cas.
Soraya acquiesça d’un air satisfait tandis qu’Alice remerciait l’homme de sa sollicitude et de sa confiance. Comme les deux jeunes femmes s’éloignaient pour les derniers préparatifs, il me retint par le bras.
— J’ai assisté de loin aux funérailles d’hier. Ton ami devait être un valeureux guerrier.
— Il était maladroit, répondis-je d’un ton engourdi. Mais, valeureux, oui. Sûrement un peu trop.
Neil Wilson me considéra en silence, avec un respect pour mon deuil. Je m’en sentis étrangement reconnaissant. Avant que je pusse le saluer pour de bon, il empoigna le manche de son épée et baissa le cou. Stupéfait, je restai quelques secondes bouche bée face à lui.
— J’aimerais que tu me pardonnes du mal que je t’ai causé il y a quelques mois. Tu as essayé de m’expliquer la vérité et je ne t’ai pas cru.
— N-Non, bredouillai-je en secouant ma main valide. Je m’excuse aussi. Je… je sais que des soldats…
— Oui, tu as tué certains de mes compagnons. Je n’oublierai jamais, Chasseur. Pour espérer te faire pardonner, je te prierais de faire attention à notre reine.
— Notre ? Je suis pas…
— Tu lui dois la vie, si je ne m’abuse. Dame Alice est en mesure de se protéger, je crois que ses voyages loin du Château lui ont beaucoup appris. Mais personne n’est infaillible. Alors, si nécessaire…
— Je sais, le coupai-je en grommelant, irrité. J’ai une dette envers elle. Une dette de vie. Je sais.
Son expression s’apaisa et un sourire d’une étonnante douceur étira ses lèvres.
— Eh bien, je te confie notre reine, alors.
Avant que je pusse lui rappeler pour de bon que, par les Dieux, je n’étais Occidental, il tourna les talons et s’éloigna. Notre reine. N’importe quoi.

Alice était déjà en selle quand je retrouvai mes deux amies. Soraya attendait appuyée contre la barre d’attache, l’air ennuyé. Ses yeux mordorés ne me quittèrent pas tandis que je m’emparais des rênes de la monture restante. C’était un hongre à la robe noir et aux balzanes blanches. Une belle bête. Alors que je m’interrogeais sur la façon dont j’allais me hisser sur son dos avec un bras invalide, un coup sur les fesses me fit sursauter. Dans mon dos, Soraya ricana. Elle avait un problème avec mon arrière-train.
— Tu veux récupérer ce sabre, Chasseur mal-léché ?
Je me retournai en fronçant les sourcils. Je n’avais pas remarqué en arrivant le fourreau à son poing. Je reconnus aussitôt l’arme.
— Non, c’est pas mon sabre. C’est celui de Mars.
— Je sais bien. Mais je te demande si tu le veux. Les guérisseurs l’avaient mis de côté.
— J’en veux pas, assénai-je avec plus de virulence que nécessaire. J’ai déjà mes propres armes…
Par réflexe, je frôlai des doigts le manche de Kan et agitai les épaules. Dans mon dos, Eon bougea dans son étui. Je me tournai vers Alice, qui avait déjà grimpé sur sa jument. Elle pencha légèrement la tête de côté en remarquant mon attention braquée sur elle.
— Tu voudrais prendre Eon pour le voyage ? Je peux pas m’en servir à cause de ma fracture.
— Cette lame est bien trop grande pour moi, souffla-t-elle avec un sourire désolé. Cependant… peut-être que l’attacher à la selle me rendra plus intimidante.
Ni une ni deux, elle s’empara du fourreau que je lui tendais pour l’accrocher près de sa jambe. La lame était définitivement trop grande pour elle, mais l’effet était au rendez-vous. Derrière nous, Soraya poussa un grognement excédé.
— Très bien, puisque personne n’en veut, je récupère le sabre.
Alice et moi jetâmes un regard ébahi à Soraya, qui se dépêtrait pour renter l’étui de l’arme dans sa ceinture de cuir. Comme nous n’émettions pas le moindre son, notre compagne nous lorgna avec une moue vexée.
— Je ne sais pas manier, je sais. (Elle haussa les épaules avec un regard de défi dans ma direction.) Le Chasseur mal-léché m’apprendra.
Apparemment, je n’avais pas le choix sur la question.

Soraya dut m’aider pour monter à cheval. Une fois ses bras ankylosés et ma fierté en miettes, nous nous mîmes en route. Une bonne semaine de voyage nous attendait. L’hiver qui s’était installé s’adoucirait à proximité des terres australes, mais nous avions un paquet de lieues à traverser avant.
Les domestiques, les soldats et la famille d’Alice nous saluèrent alors que nous franchissions les portes. C’était étrange, d’être acclamé par ces étrangers. Soraya était à son aise, lumineuse, frimeuse, et Alice avait cette contenance un peu intimidée. Je me contentai de saluer la reine et son fils, qui n’avait d’ailleurs pas grand-chose en commun avec Alice, et observai le dos de mes compagnes. Elles marchaient devant moi et riaient ensemble tandis que nous descendions le chemin de pavés qui menait au village en contrebas.
J’étais serein. Encore un peu engourdi, très hésitant, mais calme. Apaisé par la confiance de Soraya, par la complicité d’Alice. Par le respect de Neil Wilson, la considération de la famille royale.
Complété par les souvenirs de Mars, par l’affection et l’admiration qu’il avait eues pour moi.
Prêt.


Dernière modification par louji le mer. 05 janv., 2022 10:41 am, modifié 2 fois.
vampiredelivres

Profil sur Booknode

Messages : 2887
Inscription : dim. 03 févr., 2013 3:54 pm

Re: Oneiris - Tomes I (terminé) et II (en cours) [Heroic fantasy]

Message par vampiredelivres »

louji a écrit : sam. 17 juil., 2021 9:42 pm Holaaaa. Je peux officiellement vous annoncer qu'Oneiris T2 est terminé :mrgreen: Je me tâte à écrire un petit OS qui me trotte en tête depuis un moment et qui se passerait après les événements du T2. Bon, en réalité, je l'écrirai sûrement mais bon 8-) Toujours plus d'Oneiris, moi je ne dis pas non !



Chapitre 17
Achalmy



An 500 après le Grand Désastre, 1e mois de l’hiver, Château du Crépuscule, Terres de l’Ouest.



Je ne dormis pas beaucoup la nuit qui suivit les funérailles. Une fois le bûcher complètement affaissé, Alice s’était servie de ses pouvoirs pour rassembler les cendres dans une bulle d’air. Mon sabre toujours dans une main et l’autre guidant ses courants, mon amie m’avait suivi le long des remparts. La lune avait guidé nos pas jusqu’au bord de la colline, qu’un éboulement ancien avait rendu abrupt. J’avais demandé à Alice de déverser les cendres ici. Elles partiraient dans l’air, en direction des champs, des vergers et de l’océan. Elles voleraient là où elles le souhaiteraient, se séparant si nécessaire.
Libérées, les cendres avaient rapidement disparu de notre champ de vision, avalées par le vent et la nuit. J’avais dit au revoir à mon ami. Salué Mars en tradition nordiste une dernière fois. Puis nous étions partis. Au revoir Mars :cry:

L’agitation ne tarda pas à s’élever dans les couloirs. J’enfilai mes bottes, rassemblai les vêtements propres qu’un domestique avait déposés la veille et me dirigeai vers la salle des bains. À présent que j’avais récupéré en partie, je pouvais moi-même chauffer mon eau. Des bacs avaient été poussés contre le mur près d’un âtre. J’en récupérai un, pris mon temps pour en augmenter la température sans m’épuiser puis entamai ma toilette. Je ne voulais pas faire peur à Alice ou sa mère en les croisant.
Je gardai mes sabres à la main pour me rendre vers la Gran’Salle. Quelques soldats me jetèrent un regard soupçonneux, mais je devais être trop amorphe pour les inquiéter. L’antichambre était déjà bien remplie quand j’y arrivai. Une vingtaine d’Occidentaux en tenues diverses – des fermiers, des Nobles, des artistes aux accoutrements improbables – patientaient en bavardant. Étonné, je m’approchai d’un groupe de trois personnes pour en apprendre plus.
Apparemment, la nouvelle du retour miraculeux – divin disaient certains – de la princesse Alice s’était répandue dans l’Ouest. À vrai dire, au fur et à mesure des conversations, on ne disait plus princesse Alice.
Reine Alice. Elle en a parcouru du chemin, depuis la petite princesse fuyarde…
Un sourire m’étira les lèvres. C’était vrai, qu’elle avait son allure de petite reine. Pas bien intimidante de prime abord, mais acharnée et solide en-dessous. J’en avais eu la preuve depuis que j’étais arrivé au Château. Un petit roseau, souple mais solide ^^

Quand les portes de la Gran’Salle daignèrent s’ouvrir, le valet des doléances attendit que le calme fût revenu parmi les impatients pour déclarer :
— Mesdames, messieurs, je vous remercie de votre patience et de votre sollicitude envers notre nouvelle reine. Je suis toutefois dans le regret de vous annoncer que la reine Alice ne pourra pas vous recevoir dans l’immédiat. Les doléances en sa présence ne commenceront que dans deux semaines, une fois que la succession sera assurée. (Tandis que les murmures s’élevaient dans la petite foule, le valet ajouta en gonflant sa voix : ) En attendant son retour, Dame Trianna et le prince Milash prendront de leur temps pour vous écouter.
Les murmures s’éteignirent d’un coup. Puis, comme s’ils avaient été accordés sur les cordes d’un même instrument, les Occidentaux éclatèrent. Il me fallut quelques secondes pour vérifier qu’il s’agissait bien de joie et non pas de colère. Stupéfait, je dus reculer de quelques pas pour éviter une Noble qui enlaçait son époux en scandant « Reine Alice » d’une voix portante. À ses côtés, deux jeunes filles s’agrippèrent les bras pour tournoyer, le prénom de « Milash » ressortant de temps à autre entre leurs cris enthousiastes.
Assommé par les éructations, je me retirai dans le couloir. Les Occidentaux m’étonnaient encore. M’étonneraient sûrement toujours. Mais, aujourd’hui, j’avais l’impression que ça pouvait être positif. Instructif. Oui, il faudrait que tu prennes le temps d'apprendre d'eux, espèce de sauvage :mrgreen:
— Achalmy des Dillys ?
Je dressai la nuque, clignai des yeux face à la jeune femme au sourire mordant qui me faisait face. Son expression confiante n’avait pas changé, comme l’éclat doré de ses yeux.
— Soraya Samay.
Elle rit doucement avant de me tendre la main. Salut Sudiste. Je l’acceptai avant de regretter aussitôt. La bougre me broyait les os. Ça me rappelle mes patrons d'entreprise, ça :lol: Quand je finis par grimacer, elle ricana et me lâcha.
— C’était pour Alice, expliqua-t-elle en haussant ses épaules rondes. Tu ressembles à un fantôme des contes de mon enfance : aigri, muet et invisible. Il me semble bien que le Chasseur qui a traversé la moitié d’un continent pour sauver une princesse qui ne lui a rien demandé était un peu plus… vivace. Je dois reconnaître que j’en attendais un peu plus. Et BAM dans ta face x)
Ébahi par ses propos, je n’eus pas l’esprit de réagir à temps. Elle profita de mon silence pour enchaîner avec agacement :
— Par la barbe d’Eon, je sais bien que vous autres Nordistes n’êtes qu’une bande d’ours grossiers et…
— Eon a pas de barbe. Certes.
Soraya se tut, les yeux écarquillés. Ses lèvres charnues se pincèrent une seconde.
— Qu’est-ce que tu dis ?
— Mars disait souvent ça aussi « par la barbe d’Eon ». Ça doit être un truc de Sudiste. Mais Eon a pas de barbe, il est même complètement imberbe. Certes. Mais ce n'est pas le propos. :lol:
— Oh.
Un silence étonnant tomba entre nous. Puis l’ombre de quelque chose naquit sur la bouche de Soraya. Sur la mienne aussi. Quand nous commençâmes à rire, ce fut discret. Puis plus vraiment.
Des domestiques finirent par se montrer, alertés par les rires qui nous faisant larmoyer, Soraya et moi. Elle les rassura entre deux hoquets, une main sur mon épaule et l’autre en pleine agitation. Ça ne m’aurait pas surpris qu’elle mît le feu aux roses d’hiver qui décoraient le couloir. Ce serait bête quand même.
Mon ventre contracté et mes joues trop sollicitées me tiraillaient, mais c’était étonnamment agréable. Je ne savais pas à quand remontait la dernière fois où un fou-rire m’avait tiré quelques larmes. Sûrement une soirée avec Mars, alors que l’alcool diluait nos pensées. Merde, il me manquait. L’idée de lui, de son rire, de sa voix, de son feu, de ses protestations me manquait.
— Merci, soufflai-je à Soraya alors qu’elle reprenait son souffle, les yeux bouffis. Et désolé.
— Je t’en prie, ours mal léché. Toutefois, ce n’est pas vraiment à moi que tu dois des excuses.
Je fermai les paupières, inspirai. Mes poumons se gonflèrent malgré la douleur dans mes côtes. Je me sentais vivant.
— Je sais. (J’observai Soraya de biais, l’air penaud.) Tu sais où elle est ?
— Aux écuries. Elle prépare notre voyage. Nous ne devons pas tarder et elle m’a chargée de te retrouver.
— Quel voyage ? marmonnai-je en fronçant les sourcils. Je… vous… on vient juste de rentrer.
Elle roula des yeux puis claqua la langue d’irritation.
— Vers le Noyau. Tu as oublié la raison pour laquelle nous avons dû tous partir et risquer nos vi…
Elle s’arrêta à temps, jura tout bas. Mars. Je la rassurai d’un petit sourire et l’incitai à reprendre.
— Aion, gronda-t-elle en menant la marche. Nous devons repartir au Noyau, nous assurer qu’Eon et Kan ont bien retrouvé les leurs. Mettre fin à cette foutue… Ouais. Entièrement d'accord.
Soraya claqua la langue comme elle ne trouvait pas de mot adéquat. Je la laissai me guider le long du couloir. Nous ne tardâmes pas à tomber sur la porte d’entrée, d’un étonnant rouge-orangé.
— Par la même occasion, lever la menace qui te pèse dessus, imbécile, trouva-t-elle bon d’ajouter en faisant signe aux gardes de nous ouvrir. Détail ça.
Oh oui, avec tous les événements récents, j’en étais venu à oublier que ma vie dépendait de notre réussite. Que Galadriel, la Vie, et Lefk, la Mort, s’étaient réservés le droit de reprendre ce qui était leur.
Comme nous traversions une cour salie de boue malgré les pavés, je haussai un sourcil. Soraya ne s’était pas plaint que la terre allait abîmer ses sandales. À vrai dire, elle portait des bottes. Plus appropriées pour voyager dans l’Ouest en plein hiver. L’odeur des écuries nous signala leur emplacement quelques mètres avant leur apparition, calées contre un pan de murailles. Trois chevaux attachés à une barre de bois renâclaient, impatients de partir sur la route – ou de rentrer dans leur stable.
Des écuyers vaquaient à leurs occupations, à peine perturbés par la silhouette agile d’Alice qui voguait entre les écuries et les trois montures. Concentrée sur sa tâche, elle ne nous avait pas encore aperçus. Soraya me tapota l’épaule avec un sourire en coin.
— Je te laisse parler avec elle, je vous rejoindrai plus tard.
Elle ne manqua pas de me donner une tape sur les fesses en repartant. SORALMYYYY :lol:

Y'aurait une vague chance que ça marche en vrai ?


Ma glotte avait l’air d’être tombée au fond de ma gorge quand j’approchai des chevaux. Alice s’était glissée au milieu de l’un d’eux pour vérifier le mors. J’attendis qu’elle eût fini sa tâche et qu’elle se retournât. La surprise agrandit brièvement ses yeux.
— Bonjour.
— Bonjour, Al. (Elle enfila le gant qu’elle avait retiré pour vérifier le harnachement.) Comment tu vas ?
— Un peu sonné.
Je reculai d’un pas pour la laisser passer. Elle ne me regardait pas, le nez levé vers le ciel gris.
— Moi aussi, souffla-t-elle d’une voix lointaine avant de m’adresser un mince sourire. Je suis contente de te revoir. Nous n’avons pas vraiment pu nous parler correctement depuis que tu es arrivé.
Avant que je pusse acquiescer, elle farfouilla dans la poche de son imposant manteau doublé de fourrure. Je ne distinguais pas grand-chose d’autre de sa tenue, mais ses chausses épaisses devaient la protéger du froid. Ses bottes d’équitation en cuir étaient elles aussi fourrées de laine et lacées jusqu’en-dessous des genoux. Son accoutrement n’avait pas grand-chose d’occidental, mais ça n’avait pas l’air de la gêner. Contrairement à toi, elle a appris à ne plus se prendre la tête avec ce genre de détails ^^
— Tiens, reprends cette pierre, lâcha Alice en me glissant quelque chose entre les doigts.
C’était le Saphir de ma mère. Il y eut comme une décharge électrique dans ma poitrine.
— Garde-la.
Alice fronça les sourcils, ouvrit la bouche pour répliquer.
— J’ai trouvé mon propre Saphir, expliquai-je en enfonçant la main dans ma besace. Sur le Mont Valkovjen, peu de temps avant… de tomber sur Eon.
Les yeux luisants de curiosité, Alice se pencha sur le joyau que je lui présentais. Il n’était pas aussi ciselé que celui de ma mère, mais d’une taille plus conséquente.
— Magnifique, acquiesça-t-elle en redressant le cou. Tu es un adulte à présent, si j’ai bien compris ?
En toute logique, oui, j’avais accompli la Maturité. Il ne me restait qu’à me faire tatouer le symbole qui le prouverait au reste de mes semblables. Mais je ne me sentais pas très adulte en face de la jeune femme qui avait supporté mon amertume et mon silence pendant des heures.
— Eh bien… oui. (Comme Alice observait le Saphir des Glaces entre ses doigts avec une moue dubitative, j’ajoutai : ) Garde celui-ci. Ça me ferait plaisir.
Une confusion embarrassée se peignit sur ses traits.
— C’est que… tu es certain, Al ? C’est l’un des seuls souvenirs que tu as de ta mère.
— Sûr et certain. Tu le mérites. Plus que moi.
Comme une ombre recouvrait l’indigo de ses iris, je soupirai.
— C’est un pauvre gage de remerciement, Alice. Pour Mars. Et pour moi aussi.
— Très bien. Ça ne te dérange pas si je le porte en pendentif ?
— Pas du tout. (Je fronçai aussitôt les sourcils, perplexe.) Mais… les gens vont pas trouver ça bizarre ? Vous ne portez pas beaucoup de bijoux très voyants dans l’Ouest.
Un sourire mutin se dessina sur ses lèvres. Tout en caressant la pierre de ses doigts, elle haussa les épaules. Une mèche de cheveu sombre échappée de son chignon bas glissa sur sa joue rougie par le froid.
— Peu importe. Je crois que ce ne sera pas la première étrangeté de mon règne. Un tas d’autres changements arriveront.
À voir sa mâchoire douce serrée et ses grands yeux plissés, je n’en doutais pas. Un drôle de silence glissa sur nous, s’étendit à la cour puis passa les murailles. Même le vent s’était tu. Puis l’un des cheveux renâcla et Alice sortit de sa torpeur. Avec un sourire discret, elle glissa sa nouvelle possession dans sa poche et tapota la croupe de sa jument baie.
— Tu es prêt à partir ?
— Oui. (Je jetai un coup d’œil par-dessus mon épaule. Soraya discutait avec un soldat quelques mètres plus loin.) Je vais aller chercher Sora…
Je me tus. Par les Dieux, je reconnaissais le garde. Taille imposante. Épaules imposantes. Regard imposant. Force imposante. Un frisson ne remonta la nuque, mon estomac se tordit légèrement. Malgré l’appréhension qui grandissait en moi, un sourire me fendit les lèvres.
— Neil Wilson, soufflai-je avec un goût de fer sur la bouche. Qui ça ? Le commandant de la garde royale.
Alice me jeta un regard à la dérobée.
— Il m’a foutu une sacrée raclée cet été, quand j’étais à ta recherche. Ah ouiiiiii… Je me rappelle :lol:
Soraya s’esclaffa au milieu de sa discussion. Son rire se répercuta sur les murailles qui nous surplombaient. Elle échangea quelques mots de plus avec le commandant avant de nous remarquer.
— Reine Alice, lança aussitôt Neil Wilson en s’approchant d’un pas affirmé.
Mon amie lui tendit la main pour qu’il frôlât son gant de ses lèvres. Lorsqu’il redressa le cou, son regard violacé me perça la nuque. Un rictus crispé remonta sa joue, mais il se retint du moindre commentaire. Se souvenait-il au moins de moi ?
— Achalmy, soufflai-je en exécutant le salut nordiste.
— Je me rappelle de toi. Surtout de ton escapade qui a réduit notre camp en fumée. Mars-choupi
Je ne pus retenir un sourire fugace. Mars avait joué avec le feu, ce jour-là. Soraya m’adressa un regard suspicieux quand elle nous rejoignit dans la discussion. Elle attendait sûrement que nous fûmes seuls pour m’interroger sur mon échange avec Alice. Peut-être qu’elle me grillerait les sourcils.
Comme j’avais raté une partie de la discussion, la demande que prononça Neil Wilson à sa nouvelle reine me laissa muet un instant :
— Vous en êtes certaine, ma reine ? Voyager avec deux étrangers comme seuls renforts…
Alice lui adressa un sourire qui se voulait rassurant. L’image de la jeune reine, pas plus haute que le garrot d’un grand poney, et de son commandant aussi large qu’une cheminée avait de quoi dérouter.
— Les deux étrangers en question ont déjà fait leurs preuves, commandant Wilson.
— Oui, peut-être, mais laissez-moi envoyer quelques soldats avec vous.
— Sans vouloir vous vexer, je crois qu’il vaut mieux terminer cette quête divine avec les personnes qui ont connu son début.
— Et votre mère ? Votre frère ? Ma reine, vous venez juste de rentrer, votre famille et le peuple ont besoin de vous.
Alice tenta d’amoindrir ses craintes en lui tapotant le bras. On aurait dit une souris face à un loup. Mais une souris qui balançait de fourbes petits éclairs.
— J’ai chargé Ash et ma mère de s’occuper des doléances en mon absence. Et de prévenir le peuple de l’Ouest que leur nouvelle reine s’efforcera de redorer la foi oneirianne en leurs Divinités Primordiales.
Neil Wilson soupira quand il comprit que rien ne la ferait changer d’avis. Son regard ferme et soucieux nous considéra tous les trois, la jeune reine, la Sudiste exilée et le Chasseur blessé.
— Bien. Je n’ai plus qu’à vous souhaiter bon voyage et bonne chance, dans ce cas.
Soraya acquiesça d’un air satisfait tandis qu’Alice remerciait l’homme de sa sollicitude et de sa confiance. Comme les deux jeunes femmes s’éloignaient pour les derniers préparatifs, il me retint par le bras.
— J’ai assisté de loin aux funérailles d’hier. Ton ami devait être un valeureux guerrier. Guerrier peut-être pas, mais valeureux, oui.
— Il était maladroit, répondis-je d’un ton engourdi. Mais, valeureux, oui. Sûrement un peu trop.
Neil Wilson me considéra en silence, avec un respect pour mon deuil. Je m’en sentis étrangement reconnaissant. Avant que je pusse le saluer pour de bon, il empoigna le manche de son épée et baissa le cou. Oh ! Stupéfait, je restai quelques secondes bouche bée face à lui.
— J’aimerais que tu me pardonnes du mal que je t’ai causé il y a quelques mois. Tu as essayé de m’expliquer la vérité et je ne t’ai pas cru.
— N-Non, bredouillai-je en secouant ma main valide. Je m’excuse aussi… je… je sais que des soldats…
— Oui, tu as tué certains de mes compagnons. Je n’oublierai jamais, Chasseur. Pour espérer te faire pardonner, je te prierais de faire attention à notre reine.
— Notre ? Je suis pas…
— Tu lui dois la vie, si je ne m’abuse. Dame Alice est en mesure de se protéger, je crois que ses voyages loin du Château lui ont beaucoup appris. Mais personne n’est infaillible. Alors, si nécessaire…
— Je sais, le coupai-je en grommelant, irrité. J’ai une dette envers elle. Une dette de vie. Je sais.
Son expression s’apaisa et un sourire d’une étonnante douceur étira ses lèvres.
— Eh bien, je te confie notre reine, alors.
Avant que je pusse lui rappeler pour de bon que, par les Dieux, je n’étais Occidental, il tourna les talons et s’éloigna. Notre reine. N’importe quoi. Espèce de vieux bougon :lol:

Alice était déjà en selle quand je retrouvai mes deux amies. Soraya attendait appuyée contre la barre d’attache, l’air ennuyé. Ses yeux mordorés ne me quittèrent pas tandis que je m’emparais des rênes de la monture restante. C’était un hongre à la robe noir et aux balzanes blanches. Une belle bête. Alors que je m’interrogeais sur la façon dont j’allais me hisser sur son dos avec un bras invalide, un coup sur les fesses me fit sursauter. Dans mon dos, Soraya ricana. Elle avait un problème avec mon arrière-train. Je ne vais rien dire mais je n'en pense pas moins. 8-)
— Tu veux récupérer ce sabre, Chasseur mal-léché ?
Je me retournai en fronçant les sourcils. Je n’avais pas remarqué en arrivant le fourreau à son poing. Je reconnus aussitôt l’arme.
— Non, c’est pas mon sabre. C’est celui de Mars.
— Je sais bien. Mais je te demande si tu le veux. Les guérisseurs l’avaient mis de côté.
— J’en veux pas, assénai-je avec plus de virulence que nécessaire. J’ai déjà mes propres armes…
Par réflexe, je frôlai des doigts le manche de Kan et agitai les épaules. Dans mon dos, Eon bougea dans son étui. Je me tournai vers Alice, qui avait déjà grimpé sur sa jument. Elle pencha légèrement la tête de côté en remarquant mon attention braquée sur elle.
— Tu voudrais prendre Eon pour le voyage ? Je ne peux pas m’en servir à cause de ma fracture.
— Cette lame est bien trop grande pour moi, souffla-t-elle avec un sourire désolé. Cependant… peut-être que l’attacher à la salle me rendra plus intimidante.
Ni une ni deux, elle s’empara du fourreau que je lui tendais pour l’accrocher près de sa jambe. La lame était définitivement trop grande pour elle, mais l’effet était au rendez-vous. Derrière nous, Soraya poussa un grognement excédé.
— Très bien, puisque personne n’en veut, je récupère le sabre.
Alice et moi jetâmes un regard ébahi à Soraya, qui se dépêtrait pour renter l’étui de l’arme dans sa ceinture de cuir. Comme nous n’émettions pas le moindre son, notre compagne nous lorgna avec une moue vexée.
— Je ne sais pas manier, je sais. (Elle haussa les épaules avec un regard de défi dans ma direction.) Le Chasseur mal-léché m’apprendra.
Apparemment, je n’avais pas le choix sur la question. C'est bien mieux si tu n'as pas ton mot à dire.

Soraya dut m’aider pour monter à cheval. Une fois ses bras ankylosés et ma fierté en miettes, nous nous mîmes en route. Une bonne semaine de voyage nous attendait. L’hiver qui s’était installé s’adoucirait à proximité des terres australes, mais nous avions un paquet de lieues à traverser avant.
Les domestiques, les soldats et la famille d’Alice nous saluèrent alors que nous franchissions les portes. C’était étrange, d’être acclamé par ces étrangers. Soraya était à son aise, lumineuse, frimeuse, et Alice avait cette contenance un peu intimidée. Je me contentai de saluer la reine et son fils, qui n’avait d’ailleurs pas grand-chose en commun avec Alice, et observai le dos de mes compagnes. Elles marchaient devant moi et riaient ensemble tandis que nous descendions le chemin de pavés qui menait au village en contrebas.
J’étais serein. Encore un peu engourdi, très hésitant, mais calme. Apaisé par la confiance de Soraya, par la complicité d’Alice. Par le respect de Neil Wilson, la considération de la famille royale.
Complété par les souvenirs de Mars, par l’affection et l’admiration qu’il avait eues pour moi.
Prêt.
Heyo !
J'aime bien ce chapitre, il a un écho d'accomplissement pour Al. C'est toujours un ours mal léché, comme le dit si bien Soraya, mais au moins, il commence à réfléchir à nouveau et ça fait du bien.
Et j'adore réellement la progression de notre petite Reine, elle fait plaisir à voir. Elle a gagné en confiance, en force, en détermination, et ça commence aussi à déteindre sur Al, même si tu le disais, il va plutôt monter en pente douce, lui.
Je n'ai pas relevé de d'erreur dans ce chapitre, donc franchement, à part te dire bravo et attendre la suite, aujourd'hui, je n'ai plus rien à dire :)
Bisoux ~
TcmA

Profil sur Booknode

Messages : 407
Inscription : dim. 02 sept., 2018 10:44 pm

Re: Oneiris - Tomes I (terminé) et II (en cours) [Heroic fantasy]

Message par TcmA »

Heyoooo~

Yesss encore un chapitre bien cool, on se rapproche d'Aion et de la fin, j'ai hâte !
Encore une fois, l'évolution des personnages est vraiment super, que ce soit Alice, Al, ou Soraya, franchement bravo !

J'ai juste vu un petit truc qui est sûrement une erreur de frappe (ou alors j'y connais r :lol: ) : "Cependant… peut-être que l’attacher à la salle me rendra plus intimidante." !

Voili voilou, bien hâte de lire la suite !

La bise~
louji

Profil sur Booknode

Messages : 1724
Inscription : lun. 02 sept., 2013 3:10 pm

Re: Oneiris - Tomes I (terminé) et II (en cours) [Heroic fantasy]

Message par louji »

vampiredelivres a écrit : mar. 20 juil., 2021 10:10 am
louji a écrit : sam. 17 juil., 2021 9:42 pm Holaaaa. Je peux officiellement vous annoncer qu'Oneiris T2 est terminé :mrgreen: Je me tâte à écrire un petit OS qui me trotte en tête depuis un moment et qui se passerait après les événements du T2. Bon, en réalité, je l'écrirai sûrement mais bon 8-) Toujours plus d'Oneiris, moi je ne dis pas non !



Chapitre 17
Achalmy



An 500 après le Grand Désastre, 1e mois de l’hiver, Château du Crépuscule, Terres de l’Ouest.



L’agitation ne tarda pas à s’élever dans les couloirs. J’enfilai mes bottes, rassemblai les vêtements propres qu’un domestique avait déposés la veille et me dirigeai vers la salle des bains. À présent que j’avais récupéré en partie, je pouvais moi-même chauffer mon eau. Des bacs avaient été poussés contre le mur près d’un âtre. J’en récupérai un, pris mon temps pour en augmenter la température sans m’épuiser puis entamai ma toilette. Je ne voulais pas faire peur à Alice ou sa mère en les croisant.
Je gardai mes sabres à la main pour me rendre vers la Gran’Salle. Quelques soldats me jetèrent un regard soupçonneux, mais je devais être trop amorphe pour les inquiéter. L’antichambre était déjà bien remplie quand j’y arrivai. Une vingtaine d’Occidentaux en tenues diverses – des fermiers, des Nobles, des artistes aux accoutrements improbables – patientaient en bavardant. Étonné, je m’approchai d’un groupe de trois personnes pour en apprendre plus.
Apparemment, la nouvelle du retour miraculeux – divin disaient certains – de la princesse Alice s’était répandue dans l’Ouest. À vrai dire, au fur et à mesure des conversations, on ne disait plus princesse Alice.
Reine Alice. Elle en a parcouru du chemin, depuis la petite princesse fuyarde…
Un sourire m’étira les lèvres. C’était vrai, qu’elle avait son allure de petite reine. Pas bien intimidante de prime abord, mais acharnée et solide en-dessous. J’en avais eu la preuve depuis que j’étais arrivé au Château. Un petit roseau, souple mais solide ^^ :arrow: Exactement ! :D


Elle rit doucement avant de me tendre la main. Salut Sudiste. Je l’acceptai avant de regretter aussitôt. La bougre me broyait les os. Ça me rappelle mes patrons d'entreprise, ça :lol: :arrow: Toujours fermes les poignées de main :lol: Quand je finis par grimacer, elle ricana et me lâcha.
— C’était pour Alice, expliqua-t-elle en haussant ses épaules rondes. Tu ressembles à un fantôme des contes de mon enfance : aigri, muet et invisible. Il me semble bien que le Chasseur qui a traversé la moitié d’un continent pour sauver une princesse qui ne lui a rien demandé était un peu plus… vivace. Je dois reconnaître que j’en attendais un peu plus. Et BAM dans ta face x) :arrow: ...mérité...
Ébahi par ses propos, je n’eus pas l’esprit de réagir à temps. Elle profita de mon silence pour enchaîner avec agacement :
— Par la barbe d’Eon, je sais bien que vous autres Nordistes n’êtes qu’une bande d’ours grossiers et…
— Eon a pas de barbe. Certes.
Soraya se tut, les yeux écarquillés. Ses lèvres charnues se pincèrent une seconde.
— Qu’est-ce que tu dis ?
— Mars disait souvent ça aussi « par la barbe d’Eon ». Ça doit être un truc de Sudiste. Mais Eon a pas de barbe, il est même complètement imberbe. Certes. Mais ce n'est pas le propos. :lol: :arrow: Il est un peu déphasé le bougre


Elle ne manqua pas de me donner une tape sur les fesses en repartant. SORALMYYYY :lol:

Y'aurait une vague chance que ça marche en vrai ?
:arrow: Leur relation pourrait être drôle :lol: Je sais pas si ce serait stable sur le long-terme, mais ce combo feu/glace pourrait clairement donner quelque chose :D


— Neil Wilson, soufflai-je avec un goût de fer sur la bouche. Qui ça ? Le commandant de la garde royale.
Alice me jeta un regard à la dérobée.
— Il m’a foutu une sacrée raclée cet été, quand j’étais à ta recherche. Ah ouiiiiii… Je me rappelle :lol: :arrow: Oui, lui :roll:

Avant que je pusse lui rappeler pour de bon que, par les Dieux, je n’étais Occidental, il tourna les talons et s’éloigna. Notre reine. N’importe quoi. Espèce de vieux bougon :lol: :arrow: Il est terrible

Heyo !
J'aime bien ce chapitre, il a un écho d'accomplissement pour Al. C'est toujours un ours mal léché, comme le dit si bien Soraya, mais au moins, il commence à réfléchir à nouveau et ça fait du bien.
Et j'adore réellement la progression de notre petite Reine, elle fait plaisir à voir. Elle a gagné en confiance, en force, en détermination, et ça commence aussi à déteindre sur Al, même si tu le disais, il va plutôt monter en pente douce, lui.
Je n'ai pas relevé de d'erreur dans ce chapitre, donc franchement, à part te dire bravo et attendre la suite, aujourd'hui, je n'ai plus rien à dire :)
Bisoux ~
Hey !
Yes, tout à fait ! Il est lent à la détente, mais il est sur la bonne voie ^^
Alice, c'est clairement ma petite fierté ♥ Je l'aime beaucoup à présent !
Merci beaucoup :D Et merci pour ton retour !
Bisouz
louji

Profil sur Booknode

Messages : 1724
Inscription : lun. 02 sept., 2013 3:10 pm

Re: Oneiris - Tomes I (terminé) et II (en cours) [Heroic fantasy]

Message par louji »

TcmA a écrit : mer. 21 juil., 2021 10:04 am Heyoooo~

Yesss encore un chapitre bien cool, on se rapproche d'Aion et de la fin, j'ai hâte !
Encore une fois, l'évolution des personnages est vraiment super, que ce soit Alice, Al, ou Soraya, franchement bravo !

J'ai juste vu un petit truc qui est sûrement une erreur de frappe (ou alors j'y connais r :lol: ) : "Cependant… peut-être que l’attacher à la salle me rendra plus intimidante." !

Voili voilou, bien hâte de lire la suite !

La bise~
Yoss !

Merci pour les perso ! Ça fait clairement plaisir de les mettre en scène avec ce gain de maturité ^^

Ah non c'est une erreur, merci !

Bizouz !
vampiredelivres

Profil sur Booknode

Messages : 2887
Inscription : dim. 03 févr., 2013 3:54 pm

Re: Oneiris - Tomes I (terminé) et II (en cours) [Heroic fantasy]

Message par vampiredelivres »

louji a écrit : lun. 26 juil., 2021 8:25 pm
louji a écrit : sam. 17 juil., 2021 9:42 pm Holaaaa. Je peux officiellement vous annoncer qu'Oneiris T2 est terminé :mrgreen: Je me tâte à écrire un petit OS qui me trotte en tête depuis un moment et qui se passerait après les événements du T2. Bon, en réalité, je l'écrirai sûrement mais bon 8-) Toujours plus d'Oneiris, moi je ne dis pas non !



Chapitre 17
Achalmy



An 500 après le Grand Désastre, 1e mois de l’hiver, Château du Crépuscule, Terres de l’Ouest.



Elle rit doucement avant de me tendre la main. Salut Sudiste. Je l’acceptai avant de regretter aussitôt. La bougre me broyait les os. Ça me rappelle mes patrons d'entreprise, ça :lol: :arrow: Toujours fermes les poignées de main :lol: Quand je finis par grimacer, elle ricana et me lâcha.
— C’était pour Alice, expliqua-t-elle en haussant ses épaules rondes. Tu ressembles à un fantôme des contes de mon enfance : aigri, muet et invisible. Il me semble bien que le Chasseur qui a traversé la moitié d’un continent pour sauver une princesse qui ne lui a rien demandé était un peu plus… vivace. Je dois reconnaître que j’en attendais un peu plus. Et BAM dans ta face x) :arrow: ...mérité... Nan mais on parle d'Al, évidemment que c'est mérité x)
Ébahi par ses propos, je n’eus pas l’esprit de réagir à temps. Elle profita de mon silence pour enchaîner avec agacement :
— Par la barbe d’Eon, je sais bien que vous autres Nordistes n’êtes qu’une bande d’ours grossiers et…
— Eon a pas de barbe. Certes.
Soraya se tut, les yeux écarquillés. Ses lèvres charnues se pincèrent une seconde.
— Qu’est-ce que tu dis ?
— Mars disait souvent ça aussi « par la barbe d’Eon ». Ça doit être un truc de Sudiste. Mais Eon a pas de barbe, il est même complètement imberbe. Certes. Mais ce n'est pas le propos. :lol: :arrow: Il est un peu déphasé le bougre Il est pas un peu déphasé, il est totalement à l'ouest :mrgreen:


Elle ne manqua pas de me donner une tape sur les fesses en repartant. SORALMYYYY :lol:

Y'aurait une vague chance que ça marche en vrai ?
:arrow: Leur relation pourrait être drôle :lol: Je sais pas si ce serait stable sur le long-terme, mais ce combo feu/glace pourrait clairement donner quelque chose :D J'avuoe que je serais très curieuse de voir ça ! ;)


Avant que je pusse lui rappeler pour de bon que, par les Dieux, je n’étais Occidental, il tourna les talons et s’éloigna. Notre reine. N’importe quoi. Espèce de vieux bougon :lol: :arrow: Il est terrible C'est grave, on dirait un vieux grand-père…

Hey !
Yes, tout à fait ! Il est lent à la détente, mais il est sur la bonne voie ^^
Alice, c'est clairement ma petite fierté ♥ Je l'aime beaucoup à présent !
Merci beaucoup :D Et merci pour ton retour !
Bisouz
Eh, comme quoi c'est pas (totalement) un cas désespéré !
Et tu as de quoi être fière, elle est incroyable. Il me semble que tu ne l'aimais pas vraiment au début de Oneiris, donc c'est génial si tu as réussi à en faire un personnage que tu aimes.
Bisouz
louji

Profil sur Booknode

Messages : 1724
Inscription : lun. 02 sept., 2013 3:10 pm

Re: Oneiris - Tomes I (terminé) et II (en cours) [Heroic fantasy]

Message par louji »

Hello ! Bientôt la fin, l'occasion de quelques discussions pour les personnages :D



Chapitre 18
Alice



An 500 après le Grand Désastre, 1e mois de l’hiver, Terres de l’Ouest.



Le voyage se fit sans hâte ni paresse. Pour la promesse de nuits et de repas chauds, nous fîmes quelques détours par des auberges nichées au cœur des bourgs occidentaux. Nous évitâmes de petits chemins directs au profit de voies plus sûres. Contrairement à nos péripéties des dernières semaines, nous n’avions pas à nous presser.
Soraya et Achalmy ne se plaignaient pas d’une éventuelle perte de temps. Mon amie appréciait voyager et, si l’air moite et glacé de l’hiver lui convenait mal, l’horizon infini la rassérénait. Quant à Al, partager des instants en notre compagnie sans se soucier de retrouver quelque Dieu lui redonnait du poil de la bête. Son bras gauche était toujours invalide, mais il ne grimaçait plus à cause de ses côtes. Et son appétit était de retour.
Pour ma part, je croquais ces journées de liberté conditionnelle. Dans quelques semaines, je serais de retour au Château. Je serais de nouveau la dirigeante de l’Ouest, une jeune reine qui avait encore tout à apprendre. En attendant, je savourais les quelques heures de jour que nous passions à chevaucher et à discuter. Comme une pause hors du temps.

À mesure que les jours glissaient, l’air s’adoucissait. Quand nous fûmes à proximité de Ma’an, j’expérimentai le même voyage sensoriel qui m’avait frappée quelques mois plus tôt. Je n’en avais pas réellement profité, muselée par l’impatience de mon père. Cette fois-ci, j’imposai à mes deux compagnons un arrêt par le marché de la ville multiculturelle. Si Soraya y trouva tout son compte, Al préféra s’octroyer quelques heures à bord d’une barque sur le lac Ishalgen.
Nous nous retrouvâmes sur la berge, près de la cabane de location. Les chevaux se repurent d’une brassée d’avoine tandis que Soraya et moi rangions nos trouvailles dans leurs fontes. Quand Al nous rejoignit après avoir dépensé quelques pièces de cuivre, il souriait. Sa petite balade en compagnie de l’eau semblait l’avoir revigoré.
Il ne restait que quelques heures avant le coucher de soleil. Nous reprîmes la route sans tarder, guère désireux de nous attarder à Ma’an en pleine nuit. La cité méritait sa réputation et chacun d’entre nous en avait fait les frais. Al afficha d’ailleurs une expression austère alors nous nous éloignions des faubourgs de la ville.
— Qu’est-ce qu’il y a ? lançai-je en suivant son regard.
Je ne distinguais rien de spécial au milieu des bâtisses poussiéreuses qui se serraient les unes contre les autres. Rien si ce n’étaient de mauvais souvenirs.
— Vous vous rappelez la nuit qu’on a passée à l’auberge, l’été dernier ? Quand nous revenions du Noyau ?
— Oui, grommelai-je en faisant la moue. J’avais dormi sur le fauteuil.
Soraya ricana aussitôt à cette déclaration et profita de notre attention pour rabattre avec prestance sa natte de cheveux bruns.
— Il est bien normal que l’impératrice réquisitionne le lit.
Amusée, je roulai des yeux puis talonnai ma jument. Une fois à la hauteur de mon amie, je lui assénai un coup inoffensif dans le bras.
— Tu n’étais plus impératrice, à ce moment-là.
— Pas plus que tu n’étais reine !
J’acceptai la pique de bonne grâce. Al nous observait du coin de l’œil, interdit. Je lui adressai une grimace en retour, qui finit par lui arracher un frémissement des lèvres.
— Moi qui croyais que tu avais mûri, princesse.
— Par les Dieux, Alice, gronda Soraya en jetant un regard meurtrier à notre compagnon, tu ne veux pas lui asséner un ou deux éclairs, histoire de le faire taire ?
Achalmy se contenta d’élargir son rictus.
— Je croyais que je parlais pas assez, justement. (Soraya se contenta de l’ignorer, menton dressé.) Cette fameuse nuit, pendant que vous étiez en train de ronfler à côté, je…
— Je ne ronfle pas !
— Désolé, soupira Al avant de me jeter un coup d’œil amusé. Pendant qu’Alice ronflait…
— Va droit au but, marmonnai-je avant de lever un index menaçant où papillonnaient des étincelles.
Il haussa les épaules avant de reprendre son histoire :
— Une voleuse s’est glissée dans ma chambre. Elle voulait me tuer.
Stupéfaite, je me contentai de le dévisager, bercée par la marche régulière de ma monture. Soraya reprit ses esprits avant moi.
— Je pensais que tu allais nous conter une histoire d’amour… Mais avec toi, il faut toujours que ce soit brutal, hein ?
— J’ai pas choisi d’être sa cible, rétorqua Achalmy en fronçant le nez. En fait, on s’est promis de se battre à mort la prochaine fois qu’on se rencontre.
Cette fois-ci, ce fut à mon tour de soupirer.
— Eh bien, il ne te reste plus qu’à espérer ne jamais la revoir. (Comme il me lorgnait d’un air perplexe, je pinçai les lèvres.) J’ai perdu suffisamment de proches ces derniers temps. Je ne veux pas t’ajouter à la liste.
Une ombre couvrit l’éclat de ses yeux. Il se détourna pour observer la route.
— Oui, moi aussi.

Nous avions atteint la Zone Morte quand la nuit fut trop dense pour être chevauchable. La lune éclairait un paysage spectral autour de nous : terre poussiéreuse et usée, pas la moindre trace de vie. Ni trace de mort, à vrai dire. Même si nous connaissions déjà la topologie des lieux, les frissons étaient difficiles à contenir tandis que nous mettions pied à terre. Soraya nous fournit un feu assez généreux pour cuire les côtelettes de mouton que nous avions achetées au marché. Comme elle s’occupait du repas, Al et moi entreprîmes de monter la tente. L’air était moins froid et humide que dans l’Ouest, mais l’idée de dormir à la belle étoile me déplaisait. Sans la moindre brise, le moindre bruit, j’avais l’impression d’être coincée dans un cauchemar. La toile nous offrirait une protection symbolique.
Un jeu de cartes nous occupa pour la soirée. Je fus la première à être éliminée et assistai au reste de la partie blottie sous ma couverture. Les flammes crépitaient toujours entre nous, baignant mes compagnons et notre tente d’éclats orangés.
— Celui qui gagne dort au milieu, lança Soraya an abattant sa dernière carte.
Achalmy déposa la sienne en retour, esquissa un sourire.
— Par la barbe d’Eon, grommela Soraya en croisant les bras d’un air boudeur. Laisse-moi ta place, Al. La dernière fois que tu as gagné ta place pour être au milieu, tu as fini par dormir dehors. Tu parles d’un gâchis.
— La dernière fois, Alice me ronflait dans une oreille et toi tu me tripotais.
— Que de grands mots… J’appréciais la fermeté de tes muscles.
Al roula des yeux avant de rassembler les cartes pour les ranger avec un lien de cuir.
— Le mieux, ce serait qu’Alice dorme au milieu, déclara Soraya en m’adressant un sourire de connivence. Comme ça, je ne te toucherai plus et toi tu pourras la tripoter si tu veux.
Il ouvrit la bouche pour protester, mais je fus plus rapide :
— Soraya ! Nous sommes en voyage pour terminer notre quête envers les Dieux. Et, même si ce n’était pas le cas, je… nous ne sommes pas des sauvages.
Al s’était rembruni et hochait la tête. Déçue que sa proposition fût rejetée, Soraya se dirigea vers la tente pour en soulever le voile d’entrée.
— Puisque vous refusez un peu d’amusement, je vais me coucher. Au milieu.
— Bonne nuit, lançai-je avant de retourner à la contemplation des flammes.
Sans les pouvoirs de Soraya ni l’aide du vent, elles ne tarderaient pas à disparaître. Al dut se faire la même réflexion, car il utilisa une branche saine pour remuer les autres.
— Tu n’appréhendes pas trop ? soufflai-je à mon ami après un instant de silence. L’arrivée au Noyau, la rencontre avec l’ensemble des Dieux ?
— J’ai plutôt hâte. J’ai envie d’en finir avec toute cette histoire, de reprendre ma vie d’avant.
Je resserrai les pans de ma couverture autour de mes épaules en acquiesçant.
— Qu’est-ce que tu comptes faire une fois que tout ceci sera terminé ?
Une expression songeuse glissa sur son visage. Sa mâchoire se crispa un instant.
— Je suis pas sûr, pour être honnête. Je voudrais aller voir mon ancien maître et mon père, leur dire pour Mars… Il faudrait aussi que je retourne au clan Valkov pour savoir si tout se passe bien.
J’approuvai d’un hochement de tête, tout aussi curieuse quant au devenir du village nordiste. Depuis que nous avions quitté le Château, nous avions eu le temps de nous narrer nos aventures respectives. Al et Mars avaient affronté des épreuves tout aussi dures que les nôtres pour parvenir à leur objectif. En vérité, ils y avaient plus que perdu. Al risquait d’ailleurs encore sa vie à l’instant où nous parlions.
— En réalité, reprit Achalmy en grattant la semelle de sa botte à l’aide d’une branche, je crois que je me suis lassé de courir par monts et par vaux. J’ai vu ce que les Valkov avaient réussi à faire.
— Tu voudrais les rejoindre ?
— J’en sais rien. Peut-être que je pourrais trouver quelque chose à faire ? Entraîner les enfants, participer à la protection du Mont…
Je lui souris à travers les flammes.
— Ça me fait plaisir de savoir que tu te projettes, Al. Je sais que tu menais ta vie comme tu le pouvais, en étant mercenaire et chasseur dans l’Ouest, mais…
— C’était instable, je sais. Ça me dérangeait pas, au fond. Mais j’ai envie de quelque chose de différent.
Nez levé au ciel, j’admirai un instant les étoiles avant d’oser reprendre la parole :
— Si tu le souhaites, le Château te sera aussi ouvert. Je crois que le Garde royale serait honorée de découvrir ton style de combat et de s’entraîner à tes côtés. Quand ton maître était venu faire une démonstration devant mes parents, les soldats avaient été ravis. Ton peuple et le mien ont beau s’entendre comme chien et chat, nous vouons l’un pour l’autre un peu d’admiration.
Je me tus, appréhendant déjà une réplique de mon ami, mais il se contenta de me fixer. Craignant de l’avoir mis mal à l’aise, je secouai les mains et repris :
— Peu importe, tu es libre, Al. Je sais que tu as besoin de cette liberté pour être heureux.
— Non, non, c’est pas ça, me rassura-t-il en grattant sa joue mal rasée. Je suis soulagé que tu me l’aies proposé, Alice. J’avais peur que… que ton nouveau statut de reine ait creusé un écart entre nous.
Même si sa peur était logique, je ne pus m’empêcher de grimacer.
— Al, cet écart existe déjà. Aux yeux du peuple, je suis reine avant tout.
— Et moi, un roturier étranger ?
— Oui.
Il m’adressa un sourire penaud. Je n’étais pas heureuse de lui rappeler nos statuts, surtout lorsque ses contrées ignoraient de telles constructions sociales. Toutefois, s’il désirait bel et bien s’installer dans l’Ouest…
— Comment je pourrais faire, alors ? maugréa Achalmy en tripotant nerveusement le manche de Kan. Pour être considéré comme quelqu’un de fiable par ton peuple ?
C’était une vaste question. Et une réponse simple n’était pas à ma portée.
— Eh bien… Peut-être pourrais-tu faire comme Maître Soho ? Gagner le respect et la reconnaissance des Occidentaux grâce à ton savoir-faire guerrier ?
— C’est une idée. Tu penses que la Garde royale aurait besoin des connaissances des Chasseurs ?
— Il faudrait en discuter avec le commandant Wilson, il est mieux placé que moi pour te répondre correctement. (Je fronçai les sourcils en réalisant la précision qu’il avait instillée dans sa demande.) Tu voudrais être près du Château pour une raison particulière ? L’Ouest est grand, tu trouveras sûrement des Nobles qui désirent former une garde personnelle.
Achalmy me dévisagea avec une telle intensité que je crus un instant l’avoir électrisé. Une fois sorti de sa torpeur, il m’adressa un sourire tordu.
— C’était pour pas m’éloigner trop de toi que je pensais au Château, Alice.
J’eus l’impression que le feu s’était jeté sur mon visage. Mon ventre se contracta et le besoin de fuir sous ma couverture me crispa la nuque.
— Je… Je pensais que tu… (Al ne cessait de me lorgner, implacable.) Tu avais été plutôt clair avec moi, cet été. Sur ton incapacité à sacrifier ta liberté.
— C’est vrai. Je veux encore de ma liberté. Mais je veux plus perdre de gens. Je veux rester auprès des personnes auxquelles je tiens. Mon ancien Maître, mon père et toi êtes dans l’Ouest. Alors je veux y rester.
Je fermai un instant les paupières, avalai tant bien que mal les possibilités qu’il venait de jeter entre nous. La tête bourdonnante, je m’éclaircis la gorge avant de m’enquérir :
— Achalmy, je voudrais être certaine de ce que tu me proposes. Tu souhaites rester dans l’Ouest et, même près du Château si possible, pour… parce que tu es un ami ?
Un drôle de sourire adoucit son visage tendu.
— Il me semblait que tu m’avais proposé d’être un peu plus. (Face à mon expression médusée, il haussa les épaules.) Ce que je ressens pour toi a changé, mais je crois que c’est en bien. T’étais qu’une princesse agaçante, mais j’ai beaucoup d’admiration pour la jeune femme que tu es devenue.
J’étais si stupéfaite que mon silence permit au rire étouffé de Soraya de percer la toile de la tente. Al poussa une bordée de jurons en prenant conscience que notre discussion avait été suivie depuis le début.
— Désolée ! lança notre amie depuis l’abri de fortune. Je ne voulais pas spécialement écouter aux… il n’y a pas de portes. Enfin, ce que je veux dire, c’est que ce n’était pas voulu. Je dois toutefois reconnaître que j’attendais ce moment depuis des mois.
Toujours en rogne, Al se contenta de foudroyer la tente du regard.
— Mêle-toi donc de ce qui te regarde, gronda-t-il en se relevant brusquement. Je vais dormir dehors.
— Oh, ça me regarde, Chasseur furieux, le railla Soraya d’un ton mordant. Parce que je vais devenir conseillère de la reine Occidentale en matière de politique étrangère !
Même si Soraya et moi avions eu le temps d’en discuter depuis notre rencontre, l’affirmation n’avait jamais été posée. À la fois surprise et reconnaissante, je me levai à mon tour pour rejoindre la tente. Le visage narquois de mon amie en dépassait. Avant que je pusse la remercier d’avoir accepté ma proposition, elle ajouta en criant presque :
— Alors, si l’on peut jeter les bases de relations diplomatiques avec le Nord grâce à un mariage, je serais ravie.
— Oh, Soraya, soupirai-je en m’agenouillant face à elle. Tu n’es pas obligée d’en faire tant.
Elle se contenta de tendre la main pour la poser sur ma joue.
— Alice, tu te rends compte ? Il y a moins d’un an, tu te battais pour ne pas épouser mon frère, un étranger Sudiste. Aujourd’hui, tu souris comme une enfant à l’idée de lier ta vie à celle d’un rustaud de Nordiste.
Nier ou détourner la conversation n’aurait pas servi à grand-chose ; je sentais mes joues plissées sous le coup d’un grand sourire. Je ne pouvais pas non plus nier la chaleur qui s’était répandue dans ma poitrine suite à l’annonce d’Achalmy.
Par les Dieux, je ne pouvais surtout pas nier les doutes qui m’envahissaient à propos de cette possible union. Mon peuple accepterait-il un étranger ? Al voulait-il au moins m’épouser ? Comment ferait-il pour concilier liberté et devoir ?
— Alice.
La main de Soraya sur ma joue me ramena à la nuit déserte. Son sourire s’était fait plus protecteur, moins railleur. Ses yeux dorés m’enveloppèrent d’un cocon de réconfort.
— Viens dormir, Lice. Nous aurons tout le temps d’en discuter plus tard.
— Oui. (Je jetai un coup d’œil par-dessus mon épaule, avisai la silhouette d’Achalmy enroulée dans sa couverture.) Bonne nuit, Al.
Je l’entendis grogner avant qu’il ne donnât une réponse distincte :
— Bonne nuit, Alice.
C’était idiot, mais j’aimais toujours la façon dont son accent martelait mon prénom pour le rendre moins lisse. Une fois mes bottes délacées, je rejoignis Soraya sous la tente. Sans Al pour prendre toute une partie du couchage, nous avions bien assez de place pour dormir confortablement.
— Si tu l’éduques un peu, il pourrait représenter un parti intéressant, chuchota Soraya d’un ton très sérieux.
— Un parti intéressant ?
Je ne pus m’empêcher de rire. Je n’avais jamais considéré Al sous cet angle.
— Eh bien, si on y réfléchit… Il provient de deux grands clans Nordistes. Il est ancien élève d’un Maître reconnu dans l’Ouest et il a enfin obtenu sa Maturité. Je pense qu’il a du potentiel. Une fois qu’il se sera débarrassé de ses manières arriérées, évidemment.
À la fois épuisée et portée par le méli-mélo de sentiments dans mon corps, je me contentai de rire. Elle n’avait pas tort, au fond. Et son regard était définitivement plus critique que le mien.
— Bonne nuit, murmurai-je en étouffant un bâillement. Nous pourrons débattre des partis intéressants plus tard, tu veux ?
— Bien sûr. Bonne nuit, Lice.

Bien malgré moi, mes mains se crispèrent sur les rênes. L’enceinte du Noyau s’élevait face à nous, austère et inhumaine. Un cercle parfait dont la surface luisait malgré son noir profond. Des mois plus tôt, il avait fallu longer la muraille pour en repérer l’unique entrée, le Passage. Aux dernières nouvelles, il se trouvait au sud, raison pour laquelle nous étions descendus aussi loin vers les terres australes.
— Plus qu’à prier, marmonna Al en levant le nez pour observer le sommet de l’enceinte. Qu’ils aient pas bougé l’entrée.
Soraya soupira avant de talonner sa monture. Le mieux restait de faire le tour. Si les Dieux avaient bel et bien déplacé l’entrée du Noyau, nous n’aurions plus qu’à contourner la muraille. Malheureusement, nos vivres n’étaient pas suffisants pour nous permettre de tenir plusieurs jours. Il nous faudrait faire un nouveau détour pour commercer avant de retourner à notre exploration. Sans compter que mon couronnement officiel n’allait pas tarder…
— Oh !
L’exclamation de Soraya me tira de mes songes anxieux. Un sourire spontané chassa les brumes de mon esprit tandis que nos chevaux avançaient vers la muraille. Le Passage. Les Dieux ne l’avaient pas déplacé. Simple rectangle de vide haut de trois mètres et large de deux.
Soraya ne se fit pas prier pour s’y engager en premier. Al suivit, visiblement sur ses gardes. Quant à moi, je ne pus m’empêcher de lorgner la pierre noire. Elle était lisse et pourtant brillante d’une infinité de minuscules cristaux. Une création non-humaine, étrangement divine.
Les changements furent nets. L’air s’épaissit, prit un goût sucré et une odeur de bois brûlé. La végétation éclata autour de nous, camaïeu de verts et de bruns ponctués çà et là de fleurs aux couleurs provocantes : orange incandescent, rouge éclatant, bleu électrique, jaune criard. Le glougloutement du ruisseau à la source invisible emplit l’air pour se fondre harmonieusement avec les chants d’oiseaux et les cris d’animaux inconnus.
Autrefois, avant que nos ancêtres trahissent les Divinités Primordiales, le Noyau était un lieu de rencontre entre déités et humains. Un lieu extravagant, destiné autant à charmer les Hommes qu’à les intimider. La faune et la flore que l’on y trouvait était un exutoire de création pour les Dieux.
— C’est magnifique, soupira Soraya en dévorant les environs de son regard brûlant. Dommage que nous soyons sûrement les derniers humains à le voir.
Prudemment, je me laissai tomber de ma selle puis contournai ma monture pour m’enfoncer entre les arbres. Après quelques mètres, je tombai sur une zone dégagée où les restes d’un cercle de pierre et d’une cabane en bois me serrèrent le cœur. C’était ici que nous avions campé, des mois plus tôt.
Derrière moi, j’entendis Al râler quand Soraya lui proposa son aide pour descendre de cheval. Je me tournai à temps pour le voir s’appuyer sur mon amie, son bras gauche serré contre lui. J’osais à peine imaginer sa frustration.
Ça ne peut pas lui faire de mal, d’apprendre à compter sur les autres.
L’idée me fit sourire. Alors que je me dirigeais mes vers compagnons, un bruit de pas froissa l’herbe tendre dans mon dos. Je m’arrêtai, frissonnai.
— Alice ?
Vêtue de haillons délavés, une silhouette longiligne à la peau d’albâtre se tenait entre deux troncs noueux. Je dus retenir les étincelles qui fusèrent dans mes veines, réponse à la souffrance que cet être avait provoquée autour de lui.
— Aion.


Dernière modification par louji le mer. 05 janv., 2022 10:46 am, modifié 2 fois.
TcmA

Profil sur Booknode

Messages : 407
Inscription : dim. 02 sept., 2018 10:44 pm

Re: Oneiris - Tomes I (terminé) et II (en cours) [Heroic fantasy]

Message par TcmA »

Hiello~
Ahlala, c'est doux-amer de s'approcher de la fin. J'ai l'impression qu'on suit Al² depuis un long moment, ça va faire bizarre de leur dire au revoir !
Le chap était bien sympa, c'est très agréable de voir ce petit groupe partager des moments calmes (même si le retour au Noyau pèse quand même sur eux).
Puis EN-FIN Al et Alice commencent à se dire les choses :lol: Merci Soraya de t'en mêler un petit peu et de jouer les entremetteuses :lol:
Hâte de voir comment la réunion avec Aion va se passer !
La bise~
louji

Profil sur Booknode

Messages : 1724
Inscription : lun. 02 sept., 2013 3:10 pm

Re: Oneiris - Tomes I (terminé) et II (en cours) [Heroic fantasy]

Message par louji »

TcmA a écrit : dim. 08 août, 2021 2:32 pm Hiello~
Ahlala, c'est doux-amer de s'approcher de la fin. J'ai l'impression qu'on suit Al² depuis un long moment, ça va faire bizarre de leur dire au revoir !
Le chap était bien sympa, c'est très agréable de voir ce petit groupe partager des moments calmes (même si le retour au Noyau pèse quand même sur eux).
Puis EN-FIN Al et Alice commencent à se dire les choses :lol: Merci Soraya de t'en mêler un petit peu et de jouer les entremetteuses :lol:
Hâte de voir comment la réunion avec Aion va se passer !
La bise~
Oui, je comprends pour le côté doux-amer ! Clairement, j'ai pas encore réalisé non plus :lol:
Yes, en-fin :roll: Soraya, clairement, elle fait du bon job
louji

Profil sur Booknode

Messages : 1724
Inscription : lun. 02 sept., 2013 3:10 pm

Re: Oneiris - Tomes I (terminé) et II (en cours) [Heroic fantasy]

Message par louji »

Hello ! Pour ceux qui ont la chance d'en avoir, je vous souhaite de bonnes vacances !



Chapitre 18
Achalmy



An 500 après le Grand Désastre, 1e mois de l’hiver, Le Noyau



Aion se tenait face à Alice, les bras le long des flancs. Pourtant, je pouvais sentir la tension qui habitait le corps de mon amie. La même qui électrisait mes muscles, éveillait mes sens. Nous avions beau être des alliés du Dieu déchu, il restait l’être fourbe qui nous avait tous impliqués dans cette quête mortelle.
— Aion, lança Alice d’une voix prudente. Nous sommes de retour. Nous avons rempli notre part du marché.
Même de loin, je devinais le regard instable de la divinité. La façon dont ses iris changeaient inlassablement de teintes. Des yeux qui me hanteraient encore des années.
— Nous avons retrouvé Kan et Eon, ajouta Alice sans perdre de sa superbe face au Dieu qui avait brisé sa vie autant que la mienne.
— Galadriel m’en a déjà informé.
Le ton sec du Dieu me hérissa les poils de la nuque. Nous avions joué nos vies pour l’aider. Mars avait même perdu la sienne. Et il se permettait de…
— Achalmy.
Soraya venait de m’agripper le bras. Son regard d’ordinaire taquin s’était fait terne.
— Même s’il n’est pas encore redevenu complètement un Dieu, il reste un être aux pouvoirs immenses. Il pourrait nous tuer sur place.
Je marmonnai dans ma barbe, laissai la poigne de Soraya apaiser ma colère. Je n’avais aucune chance face à Aion. Surtout avec un bras en écharpe.
— Galadriel attendait votre retour, ajouta Aion en nous englobant tous d’un regard bref. Pour vous tenir au courant de l’évolution de notre marché.
Alice s’avança d’un pas dans sa direction. Un pic d’angoisse me refroidit la poitrine, mais ni elle ni Aion ne trahissaient le moindre signe d’animosité.
— Seigneur Aion, pouvez-vous implorer les autres Divinités Primordiales de venir ? Mes compagnons et moi aimerions retourner chez nous le plus rapidement possible.
L’intéressé inclina le menton, glissa son attention divine vers Soraya et moi. L’ombre d’un rictus plissa ses lèvres délicates lorsqu’il m’aperçut. Je lui rendis son sourire acide.
— Je vais les appeler, déclara Aion en daignant s’avancer vers nous. Kan nous a prévenus par le biais d’Eon qu’elle mettrait un peu de temps à arriver. Une histoire d’essences à séparer, dans les Sanctuaires des Terres au-delà des Mers.
Alice hocha la tête comme si ces mots faisaient sens. Elle m’avait expliqué tant bien que mal ses découvertes dans les Sak aviriens, mais je devais reconnaître qu’une grande partie m’échappait.
— Je suis soulagé que vous n’ayez pas mis trop longtemps pour revenir, précisa Aion en croisant les bras sur sa poitrine mince.
Malgré sa situation d’être divin déchu, il parvenait à afficher un air supérieur. La Noblesse des Occidentaux avait déteint sur lui. Quoique, je le soupçonnais d’avoir toujours été le plus arrogant des Dieux.
— Ravi de voir que tu es toujours en vie, arrière-petit-fils.
Son clin d’œil déclencha des nausées au fond de ma gorge. Il savait à quel point notre lien de parenté m’exaspérait. Alice m’interrogea silencieusement, l’air inquiète. Je la rassurai d’un mince étirement des lèvres avant de tourner le dos à Aion. Moins je le regarderais, mieux j’irais.

Nous n’eûmes pas le temps de nous reposer avant l’arrivée des Dieux. Quelques secondes après notre discussion avec la divinité déchue, la silhouette de Galadriel se dessina entre deux troncs. Elle prit chair sous nos yeux stupéfaits. Peau d’abricot, chevelure flamboyante, nudité généreuse, orbites en feu. Notre Mère à tous.
Alice, Soraya, Achalmy.
Au moins la Déesse de la Vie daignait-elle nous appeler par nos noms. Après avoir pris complètement forme, elle approcha de nous en souriant.
Je vous remercie d’être revenus au Noyau sans tarder.
— Ils ont mis bien assez de temps, grommela Aion en rejoignant la Déesse.
Elle lui jeta un regard indéchiffrable – après tout, difficile de lire quelque chose dans les flammes qui habitaient ses yeux.
Aion, leurs quêtes respectives se sont révélées plus qu’ardues. Les as-tu au moins remerciés ?
Pincement des lèvres. Fuite du regard. Un rire amer me remonta la gorge. Je le coinçai contre mes gencives, serrai les poings. Alice fit alors un pas vers Aion.
— Non, il ne nous a pas remerciés. (Elle se tourna vers la Déesse, le visage fermé.) Dame Galadriel, nous avons perdu un ami pendant notre quête. Il s’appelait Mars. Est-ce qu’il a… bien rejoint Lefk ?
Le silence de Galadriel parut gelé malgré l’air tiède et sucré du Noyau, malgré les flammes dans ses orbites. Quand la Déesse finit par entrouvrir les lèvres, une voix désincarnée la précéda :
Votre compagnon m’a rejoint. N’ayez aucune crainte pour lui.
Alice et Soraya sursautèrent, cherchèrent inconsciemment une présence tangible. Pour ma part, je me contentai de fermer les paupières. Une voix comme celle-ci, qui résonnait dans les os sans émettre le moindre son, qui tourmentait l’âme sans même la toucher…
— Il est mort pour vous, Aion, lançai-je fermement en m’avançant vers l’intéressé. Il aurait dû mourir… mourir dans d’autres…
J’avais perdu la voix. En réalité, je n’en savais rien. Je ne savais plus. S’il y avait des morts honorables, des morts justes. Lefk venait de me confirmer que Mars l’avait rejoint, mais c’était une évidence bien avant. Mars se serait sûrement fiché de savoir si l’honneur l’avait accompagné pendant ses dernières heures.
— J’en ai conscience.
Aion avait planté l’instabilité de son regard sur moi. Il ne se détournait pas, cette fois.
— Je vous remercie pour ce que vous avez fait pour moi, reprit-il d’un ton sourd. Je vous présente aussi des excuses pour les dangers auxquels vous avez été confrontés.
Ça continuait à bouillir en moi. C’étaient de belles paroles. Envoyées du bout des lèvres par un être qui se fichait parfaitement de nous.
— Nous n’avions pas le choix.
L’apprêté de la voix d’Alice m’étonna. Ses yeux sombres rejetaient en bloc d’éventuelles répliques de la part d’Aion.
— C’était un marché, rappela-t-elle en s’avançant vers moi, dans lequel la vie d’Al était en jeu. Si nous n’avions pas retrouvé les divinités jumelles, il l’aurait payé de sa vie.
Un muscle se crispa dans la joue d’Aion.
— Nous lui avons fait une fleur. Il était mort avant ça.
— Il est mort pour vous ! Nous n’avons pas eu le choix de prendre part à votre petite vengeance, vous nous avez forcé la main.
— Rappelle-toi, chère princesse, qu’Achalmy n’a jamais été forcé de se rendre au Noyau.
— Je suis reine, siffla Alice en élevant la voix. Et vous vous doutiez qu’Achalmy reviendrait pour savoir ce que j’étais devenue. Vous l’aviez laissé pour mort au campement de la Maturité !
Soraya suivait la discussion de loin, prudente. Je décelai toutefois une lueur rougeoyante dans le doré de ses yeux. De la fierté. Pour Alice.
Je ressentais la même chose. Malgré les horreurs qu’elle avait vues et vécues sous le joug du Dieu déchu, elle lui faisait face. Je comprenais sa hargne après avoir été muselée par Aion pendant des mois.
— Je comprends que tu sois en colère, Alice, mais…
— Nous sommes tous en colère, le coupa l’intéressée d’un ton cassant. Comment voulez-vous que nous vous fassions confiance si vous nous considérez comme des êtres sacrifiables à souhait ?
La bouche du Dieu se pinça dans un mélange d’amertume et de colère. Avant qu’il pût reprendre la parole, Galadriel s’approcha d’Alice. Ses lèvres roses étaient maussades.
Tu as raison, Alice Tharros. Tes doutes sont fondés, la confiance entre Humains et Divinités a été brisée des deux côtés.
Les yeux d’Aion s’agrandirent, une étincelle s’illumina brièvement sur son épaule.
— Galadriel, tu ne vas quand même pas choyer ces…
Aion, le coupa-t-elle en levant une main sereine, tu as comploté sur le dos des Humains. Des innocents en ont souffert ou en sont morts. Nous ne pouvons pas l’ignorer.
— C’était une juste vengeance, cracha-t-il avec tant de venin que des flammes gonflèrent sous ses doigts.
Soraya fit claquer sa langue pour ramener le silence. Les Dieux lui jetèrent un coup d’œil surpris, comme s’ils avaient oublié sa présence tout ce temps.
— Les soldats Occidentaux qui escortaient Alice étaient innocents. Alice était innocente. Achalmy était innocent. Je l’étais aussi. Certains de nos proches ont comploté avec vous, Aion, mais nous trois sommes innocents. Innocents de la trahison qui vous a frappé il y a cinq cents ans et innocents dans le plan que vous avez monté pour vous venger.
Alice et moi hochâmes la tête de concert. Galadriel écoutait avec une expression lointaine, penaude. Ce n’était pas juste pour elle non plus. Elle prenait la défense d’Aion, mais elle subissait en même temps les critiques qui étaient adressées à son égal.
— Alors, ne vous cachez pas derrière votre prétendue vengeance pour justifier le mal que vous avez répandu autour de vous. Et les vies d’innocents qui ont été bouleversées par la suite.
Galadriel se dirigea vers Aion et posa une main sur son épaule. Ils n’échangèrent pas un mot, mais un courant de compréhension passa entre eux.
— Ce n’était pas juste, je le reconnais. Ce sont vos ancêtres qui m’ont trahi, mais pas vous. Vous ne méritiez pas les souffrances que je vous ai fait subir.
Je jetai un coup d’œil à Alice et Soraya, fus soulagé en constatant leur expression morose. Nous acceptions les paroles d’Aion, mais nous ne lui pardonnions pas pour autant.
— Et je vous remercie encore pour les efforts que vous avez fournis pour trouver Kan et Eon.
La déclaration d’Aion se ponctua d’un silence. Soraya et Alice hochèrent la tête puis se détournèrent pour s’occuper de leurs montures. Galadriel serra l’épaule de son compagnon.
— Qu’est-ce qui se passe à présent ? lançai-je aux deux Divinités Primordiales.
Nous attendons que Kan revienne complètement à Oneiris, expliqua Galadriel en se détachant du Dieu déchu. Une fois qu’elle sera de retour, Eon se montrera lui aussi. Nous pourrons alors ramener Aion avec l’aide de Lefk.
J’acquiesçai en silence, lèvres pincées. Tout semblait si facile à présent. Une petite réunion entre Dieux et le tour serait joué. Les sacrifices que Soraya, Alice et moi avions subi semblaient dérisoires. Les mois que nous avions passés à voyager afin de retrouver des pistes infimes paraissaient risibles. C’était pourtant notre sueur, notre sang et notre détermination qui allaient permettre à Aion de retrouver son statut.
— Vous comptez changer, n’est-ce pas ?
Aion me cingla d’un regard stupéfait. Il entrouvrit les lèvres, mais je le devançai :
— Si vous voulez qu’on vous fasse de nouveau confiance, on a besoin de savoir qu’on est plus que des réceptacles à prières.
Nous allons changer, assura Galadriel en me considérant avec attention. Nous n’étions que l’ombre de nous-mêmes ces derniers siècles. Lefk et moi assurions à deux ce que nous avions toujours assuré à cinq. À présent que nous allons bientôt tous être réunis, nous espérons être plus attentifs au devenir des Hommes.
Je soupirai en me calant contre un tronc. Je n’aurais sûrement pas mieux de la part des Dieux. Si je me méfiais encore d’Aion, j’avais moins de doutes concernant Galadriel. Après tout, elle avait tenu son marché avec Alice.
Je vais me retirer, annonça Galadriel d’une voix calme. Si vous le souhaitez, vous pouvez passer la nuit dans le Noyau, vous y êtes les bienvenus. Lefk, Aion et moi vous tiendrons au courant quand les Divinités jumelles seront revenues parmi nous. Nous pourrons alors redonner à Aion son statut d’antan.
— Vous aurez besoin de nous ?
La question de Soraya fit sourire la Déesse.
Non. Par ailleurs, quand le moment sera venu, vous devrez sortir du Noyau. Nos essences pures sont trop puissantes pour vos esprits, nous risquerions de vous tuer. Mais n’ayez crainte, reposez-vous aujourd’hui. Je reviendrai vous voir demain matin.
Sans un mot de plus, le corps de Galadriel se dissipa comme fumée dans le vent. L’éclat rougeoyant de ses yeux flotta un moment dans l’air avant de disparaître complètement.
— Je vais vous laisser, déclara Aion à son tour. Si vous avez besoin de quelque chose… vous n’aurez qu’à m’appeler. Je vous entendrai.
Comme il s’éloignait du camp, je me décollai de mon arbre et rejoignis mes amies. L’épuisement et l’appréhension avaient creusé leurs visages.
— Je ne savais pas comment ça se passerait, souffla Alice alors que nous déchargions nos montures. Je crois que j’en attendais un peu plus d’Aion. Quand nous avons voyagé ensemble il y a quelques mois, j’ai aperçu des aspects de lui qui me donnaient espoir.
— C’est ton charme et ta faiblesse, Alice, de croire que les autres ont toujours l’envie, au fond d’eux-mêmes, d’être bons.
Je n’aurais pas pu dire mieux que Soraya. Alice ferma les yeux en soupirant lourdement. C’était peut-être elle la plus déçue d’entre nous, en fin de compte. C’était elle qui avait placé un mince espoir en Aion.
— Je crois qu’il était quand même sincère quand il s’est excusé et nous a remerciés.
Soraya et moi ne prîmes pas la peine de répondre. Je ne connaissais pas les pensées qui s’agitaient sous le crâne de la Sudiste, mais les miennes étaient catégoriques. Même si Aion s’était montré honnête envers nous, ses actes passés étaient trop graves. J’étais peut-être – sûrement – borné et rancunier, mais je n’étais pas prêt à plus de miséricorde pour cet individu.
— Nous aurions dû demander aux Dieux un repas tout prêt, marmonna Soraya en tirant d’un sac une lamelle de viande séchée.
Alice rit tout bas en flattant sa monture. C’était plaisant de l’entendre rire, ça me ramenait à des flambées plus sereines et à des batailles de boules de neige. À des instants partagés sans le poids de devoirs divins.
— Peut-être que c’est pas trop tard pour exiger un repas, fis-je remarquer en tournant les talons pour scruter les environs. Excusez-moi ? Les Dieux ? Vous auriez autre chose que de la viande trop salée et des fruits trop secs à nous proposer ?
La fatigue nerveuse me rendait sûrement insolent. Pourtant, les rires d’Alice et Soraya qui suivirent ma déclaration me rassérénèrent. Je n’étais sûrement pas le seul à perdre un peu la tête.
Une exclamation de surprise s’éleva à ma droite. Alice avait écarquillé les yeux, une main encore posée sur le flanc de sa jument. Je suivis son regard, crus que mon cerveau embrumé me jouait des tours.
— Par les Dieux, murmura Soraya avant d’émettre un sifflement ravi. Merci les Dieux !
Autour d’un feu né de nulle part reposaient des grappes de gros raisins juteux, des fraises des bois odorantes, des poignées de grosses framboise et un méli-mélo d’abricots et pêches qui formaient un camaïeu d’orange et rose. Un tas de légumes que je n’aurais même pas su nommer avait été empilé à côté.
— Eh bien, nos prières ont été entendues, soufflai-je avec un rire décontenancé.
Alice et Soraya échangèrent un regard avant de s’avancer vers les fruits et légumes que les Dieux nous avaient offerts. Sûrement un cadeau combiné d’Aion et Galadriel.
— Viens, Al ! implora Alice en jetant dans sa bouche une framboise aussi grosse qu’une phalange.
J’aurais préféré de la viande juteuse, du pain craquant et du jogurt en guise de repas divin, mais mon estomac n’avait pas les mêmes exigences. Agenouillé face au feu, j’attrapai une pêche, la frottai contre ma veste par habitude et croquai dedans. Finalement, c’était aussi juteux, craquant et sucré que mon repas de rêve.


Dernière modification par louji le mer. 05 janv., 2022 10:51 am, modifié 3 fois.
TcmA

Profil sur Booknode

Messages : 407
Inscription : dim. 02 sept., 2018 10:44 pm

Re: Oneiris - Tomes I (terminé) et II (en cours) [Heroic fantasy]

Message par TcmA »

Hiello~

Yassss encore un bon chap. Damn, Alice est vraiment badass, ça fait plaisir ! Et Soraya aussi ! Et hahaha, j'aime voir les Dieux (Aion, surtout, ce petit abruti) se faire rabattre le caquet, ils en avaient besoin.
Puis MDR, Aion qui les remercie même pas, qui s'excuse tout penaud... Monsieur, vous êtes gentil, mais vous pouvez mieux faire.

J'ai bien hâte de voir ce qui se passera ensuite !

La bise~
louji

Profil sur Booknode

Messages : 1724
Inscription : lun. 02 sept., 2013 3:10 pm

Re: Oneiris - Tomes I (terminé) et II (en cours) [Heroic fantasy]

Message par louji »

TcmA a écrit : lun. 16 août, 2021 3:02 am Hiello~

Yassss encore un bon chap. Damn, Alice est vraiment badass, ça fait plaisir ! Et Soraya aussi ! Et hahaha, j'aime voir les Dieux (Aion, surtout, ce petit abruti) se faire rabattre le caquet, ils en avaient besoin.
Puis MDR, Aion qui les remercie même pas, qui s'excuse tout penaud... Monsieur, vous êtes gentil, mais vous pouvez mieux faire.

J'ai bien hâte de voir ce qui se passera ensuite !

La bise~
B'soir !

Ouiii, elle prend en grade la tite Alice, ça fait plaiz ! Moi-même j'étais choquée de son assurance en écrivant le chapitre ("C'est mon Alice, ça ??? Wow, j'aimerais pas être en face d'elle").
Ca fait clairement du bien de remettre les points sur les i avec les dieux... qu'on leur rappelle que leur puissance provient en partie de la foi des Hommes, après tout 8-)

Yas, merci beaucoup !!
Répondre

Revenir à « Essais et créations en plusieurs parties »