Le Cycle du Serpent [I-III] [(Urban) Fantasy / Action / Mythologie nordique]

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TcmA

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Re: Le Cycle du Serpent [I & II] [(Urban) Fantasy / Action / Mythologie nordique]

Message par TcmA »

Hiello ~

Let's go lire ça rapidement avant que le chap8 ne sorte !

Of course, bien entendu, évidemment, tu ne peux pas laisser tes pauvres personnages tranquilles :lol: Pauvre Blade, quand même... Comme tu dis, on ne l'a pas vu beaucoup, mais il a soutenu Lily quand il le fallait. J'espère (mais bon pas trop quand même, avec Adam haha) que les ruines de Troie, ça ne va pas être du pipeau :v
Et Adam qui se croyait discret, mdr. C'est très satisfaisant de lire Lily calmer ses ardeurs.

Mh, le thé, ça me rappelle des mauvais souvenirs (coucou Kaiser, espèce de sale-).

BEN ENFIN IL SE SORT LES DOIGTS DU DERCHE.
Plus sérieusement, ça fait plaisir de voir Ekrest s'ouvrir et reconnaître qu'il a fait de la merde. Ca m'a surprise qu'il se permette enfin d'avoir des faiblesses et de les montrer à Lily, mais oui monsieur, continuez comme ça.
Avec tout ce qui lui est passé sur la tronche (+ ce qui est révélé dans ce chap), c’est pas étonnant qu’il ait eu besoin de temps pour accepter tout ça, toutes ses faiblesses et le rôle qu’il a joué dans la collab (j'ai pensé à une collab type "Lily Barbec x Fenty Thor", allez) de Lily. Mais bon, ça n’excuse pas qu’il se soit comporté comme un sale con :v
Bravo pour ce passage, il était parfait !

J'ai juste vu un petit "aux mieux" ("Le service était aux mieux passable") qui se balade au début du chapitre !

C'est toujours aussi top, j'ai rien à dire à part que j'ai hâte de voir ce que tu nous réserves avec la suite ! Courage pour tout,

La bise~
vampiredelivres

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Re: Le Cycle du Serpent [I & II] [(Urban) Fantasy / Action / Mythologie nordique]

Message par vampiredelivres »

TcmA a écrit : dim. 07 févr., 2021 2:47 pm Hiello ~

Let's go lire ça rapidement avant que le chap8 ne sorte !

Of course, bien entendu, évidemment, tu ne peux pas laisser tes pauvres personnages tranquilles :lol: Pauvre Blade, quand même... Comme tu dis, on ne l'a pas vu beaucoup, mais il a soutenu Lily quand il le fallait. J'espère (mais bon pas trop quand même, avec Adam haha) que les ruines de Troie, ça ne va pas être du pipeau :v
Et Adam qui se croyait discret, mdr. C'est très satisfaisant de lire Lily calmer ses ardeurs.

Mh, le thé, ça me rappelle des mauvais souvenirs (coucou Kaiser, espèce de sale-).

BEN ENFIN IL SE SORT LES DOIGTS DU DERCHE.
Plus sérieusement, ça fait plaisir de voir Ekrest s'ouvrir et reconnaître qu'il a fait de la merde. Ca m'a surprise qu'il se permette enfin d'avoir des faiblesses et de les montrer à Lily, mais oui monsieur, continuez comme ça.
Avec tout ce qui lui est passé sur la tronche (+ ce qui est révélé dans ce chap), c’est pas étonnant qu’il ait eu besoin de temps pour accepter tout ça, toutes ses faiblesses et le rôle qu’il a joué dans la collab (j'ai pensé à une collab type "Lily Barbec x Fenty Thor", allez) de Lily. Mais bon, ça n’excuse pas qu’il se soit comporté comme un sale con :v
Bravo pour ce passage, il était parfait !

J'ai juste vu un petit "aux mieux" ("Le service était aux mieux passable") qui se balade au début du chapitre !

C'est toujours aussi top, j'ai rien à dire à part que j'ai hâte de voir ce que tu nous réserves avec la suite ! Courage pour tout,

La bise~
Hiellow !

Yeah. Bon, j'ai corrigé la partie qui me saoulait le plus, donc ça devrait arriver soon.

Ah mais non, petit Blade était destiné à souffrir dès le départ. Il était là quand il le fallait, mais… mais. Voilà.
Cette incroyable discussion Adam Lily, je me suis teeeellement éclatée à l'écrire. Sa rage et son seum sont incroyables x)

Héhé. Mais non, cette fois, tout va bien.

On l'attendait tous ce moment. Ekrest progresse enfin !
En vrai, il en avait autant besoin que Lily. (Alled la collab, je veux :lol: ) Ça n'excuse rien, certes, mais ça démontre le progrès et le petit bout de chemin qu'il est en train d'accomplir.

Nice, je vais aller corriger ça !

Merci beaucoup pour ton retour, hâte de voir ce que tu vas penser de la suite !
La bise ~
vampiredelivres

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Le Cycle du Serpent [II] : L'Alliance des Déchus

Message par vampiredelivres »

Bonjouuuur !
On attaque avec la fin de ce chapitre la partie qui me complique la vie depuis… que j'ai commencé à écrire ce tome en fait. Je ne garantis pas de la graaande qualité pour le final de la P1 du coup, j'en serais bien incapable. Mais je vais me repencher sur les trois chapitres qui viennent dans les prochaines semaines, je n'abandonne pas encore l'idée d'en tirer quelque chose :D
D'ici-là, bonne lecture !


CHAPITRE 8


Ma nuit suivante fut plus calme, quoi que encore agitée de cauchemars. Au moins, cette fois-ci, ma dispute avec Ekrest n’y revenait plus. Je m’éveillai donc, abrutie de sommeil, épuisée malgré les huit heures de « repos », et me dirigeai comme la veille droit vers la cuisine. Izel y était déjà, assise à la petite table près de la fenêtre, une tasse de thé fumante entre les mains. Son alliance argentée scintillait sous les pâles rayons du soleil levant. En me servant mon thé, je me demandai un instant qui portait sa jumelle et où il était passé. Il n’y avait pas de vêtements masculins dans les penderies, et aucun signe d’une autre personne que la maîtresse des lieux dans les pièces communes.
Izel surprit mon regard curieux, un sourire triste étira ses lèvres minces.
— Parti là où je ne peux pas encore le rejoindre.
La tonalité définitive, fataliste et résignée, de sa voix, amena une boule dans ma poitrine. Je me servis une tasse de thé, m’assis face à elle. Izel n’était qu’un courant d’air dans ma vie, une apparition fugace que je ne recroiserais plus jamais. Ils avaient déjà été nombreux dans son cas, et je me doutais qu’ils seraient encore nombreux après elle, pour peu que je survive à ma rencontre avec Adam. Pourtant, ces rencontres éphémères, ces brèves discussions épisodiques où nous n’aurions jamais vraiment le temps de nous connaître, me laissaient toujours marquée, songeuse. Les émotions que ces voix étrangères véhiculaient une autre réalité que la mienne, tout aussi complexe, souvent tout aussi douloureuse.
— Quand ?
— Il y a huit mois.
Si peu… soupirai-je silencieusement. Pourtant, Izel ne se départissait pas de son sourire lumineux, malgré la peine qu’elle dégageait.
— Étrangement, poursuivit-elle, j’ai l’impression qu’il est encore avec moi. Je sens qu’il est parti, mais une part de lui demeure.
Je hochai la tête. Parfois, les âmes s’attardaient à Midgard, hantées par leurs actes, inquiètes pour leurs proches ou terrifiées par la mort. Bien souvent, c’était ce dernier point qui les retenait le plus. Ekrest m’avait longtemps auparavant expliqué que, autrefois, grâce aux rites funéraires, aux croyances religieuses et aux chamans, voyants et autres intermédiaires avec Helheim, les gens pouvaient savoir ce que mourir signifiait, et craignaient donc moins le trépas. Aujourd’hui cependant, avec la disparition des « vraies » religions – par vraies, il entendait essentiellement les religions polythéistes ayant précédé le christianisme – et avec l’avènement de la science, le surnaturel était devenu mystique, et l’inconnu effrayant. Ces mêmes personnes qui, par le passé, auraient accepté l’idée d’un départ le refusaient désormais, obsédées par le secret de l’immortalité, que nous demi-divins connaissions : l’immortalité n’existait pas. Tous mouraient un jour, même nos dieux qui consommaient des pommes d’Idunn pour se préserver de la vieillesse.
Izel paraissait cependant différente. Calme et composée, joyeuse malgré la perte douloureuse, elle semblait avoir accepté l’idée de devoir continuer son chemin seule un moment.
— Tu pars aujourd’hui ? demanda-t-elle après un long silence, rompant le fil de mes pensées.
J’acquiesçai, songeuse.
— Ton problème d’homme est résolu ?
— Pas vraiment… soupirai-je. Mais je vais aller le résoudre moi-même.
Elle pouffa en entendant la lassitude dans ma voix, mais s’abstint de commenter. En vérité, je me sentais moyennement sereine à l’idée de faire face à Adam, de me jeter dans la gueule du loup, avec le souvenir de Vanessa toujours présent dans un coin de mon esprit. Ekrest et moi avions certes élaboré un plan hâtif, mais il y avait tellement de probabilités que ça échoue, tant de failles potentielles…
— Hé, ne fais pas cette tête ! me glissa Izel avec un rire. Dans le pire des cas, vise entre les jambes, ça résoudra l’essentiel de tes problèmes !
Je ricanai. C’était effectivement une solution… quoique castrer Adam après avoir assassiné sa fille pouvait être très mal interprété.
— Merci.
— Pour ? releva-t-elle.
— M’avoir laissée rester une nuit de plus. Et pour la compagnie.
Elle me sourit gentiment.
— Avec plaisir. Si jamais tu as besoin de revenir un jour, n’hésite pas à me rappeler.
Sa générosité et son ton bourru me surprirent agréablement. Je bus une gorgée de thé brûlant, hochai la tête, même si j’étais déjà certaine de ne plus jamais la revoir de ma vie. Elle faisait partie de ces personnes qui passaient en coup de vent, que je détestais et appréciais tant, parce que j’aurais aimé les connaître davantage, même si je savais que nos vies étaient incompatibles.
Et elle sembla le comprendre, juste en me regardant, mutique. Quand je me redressai, elle me souhaita une bonne journée, me dit de laisser les clés sur l’étagère, et fixa la fenêtre comme si je n’étais plus là.
De retour dans ma chambre, je ramassai mes rares affaires dans mon sac-à-dos, passai ma longue robe noire par-dessus mes vêtements, me voilai à nouveau le visage, poussai un long soupir en jetant un grand regard circulaire à la pièce. Soudain, l’excitation de la veille s’effaçait pour laisser place à l’incertitude. Partir dans les Neuf Mondes était toujours un terrible pas vers l’inconnu pour moi, totalement hors de ma zone de confort. J’aimais Midgard, son instabilité, son agitation, ses immenses dédales urbains, sa folie des grandeurs. Les autres peuples, ayant probablement plus d’expérience et d’ancienneté, ne se perdaient plus autant en querelles futiles… ou du moins en théorie.
Amusée par ma propre peur, je finis par me secouer, souris. C’était si rare que je me sente si anxieuse à l’idée d’un départ alors que, depuis près de dix ans, je vivais dans une valise. C’était un jour à marquer d’une pierre blanche, tant pour mon état d’esprit que pour ce que je m’apprêtais à laisser derrière moi : Ekrest, Kaiser, la Confrérie, ma loyauté, mes appuis, ma stabilité.
Je franchis le seuil le cœur lourd, mais l’esprit léger, me retournai, agitai la main. À sa fenêtre, Izel me rendit mon salut. Puis, je m’engageai dans la rue, bouillonnant d’appréhension et d’impatience, avec la conscience aiguë d’un regard étranger qui pesait sur mon dos.

Le secteur est surveillé, m’avait dit Ekrest. Je ne sais pas si c’est parce qu’on m’a suivi ou parce qu’ils ratissaient déjà la zone avant mon arrivée, mais il y a au moins un Frigg. Pas de Loki en revanche, ou du moins je n’en ai pas perçu. Je ne lui avais pas demandé comment il l’avait su ou senti. Ekrest percevait les autres demi-divins. De ce qu’il m’avait expliqué, c’était une faculté qui s’acquérait plus facilement dans le reste de l’Yggdrasil, là où le flux magique était nettement plus perceptible, et avec beaucoup d’entraînement. J’avais appris à me fier à ses certitudes ; s’il disait qu’il y avait un Frigg dans le quartier, j’étais certaine qu’il devait être en train de me filer à l’heure actuelle, mais je ne m’en inquiétais pas vraiment. Mon but n’était pas de le semer, bien au contraire.
Deux bons kilomètres de marche plus loin, je m’arrêtai sous l’enseigne d’un café. Même si Sol n’avait pas encore amorcé sa course vers le midi, il régnait déjà une touffeur moite dans les rues étroites, où la chaleur semblait s’accrocher à l’asphalte. Dans mon niqab sombre, qui couvrait mon cou, mes épaules, mes cheveux et l’essentiel de mon visage, avec ma robe noire et ample qui me descendait jusqu’aux chevilles en dissimulant presque le bout de mes ongles, j’étouffais. Je sortis mon téléphone, vérifiai sur mon GPS que j’étais à la bonne adresse, puis m’engouffrai dans l’établissement, accueillie par une climatisation revigorante.
Exactement six minutes après que je sois entrée et me sois assise à une table au fond, la porte s’ouvrit sur un homme d’une quarantaine d’années, au teint sombre et aux cheveux courts et clairs, couleur blé. Ses yeux noirs, trop sombres pour me paraître naturels, sondèrent rapidement la pièce, me dépassèrent, revinrent sur moi, s’arrêtèrent. Nous nous reconnûmes en un regard, mais un serveur s’interposa pour prendre ma commande. Dérogeant pour une fois à mes habitudes, et parce que j’avais déjà pris le thé chez Izel, je demandai un café, sachant pertinemment qu’une longue route m’attendait. Entre temps, l’homme s’installa près de la fenêtre, et me jeta un coup d’œil peu amène, conscient de qui j’étais – ou du moins à quelle Maison j’appartenais – mais ne fit pas mine de venir me parler ou de m’attaquer, probablement peu désireux de causer un esclandre.
Il fallut bien trois quarts d’heure supplémentaires de statu quo, les secondes égrenées par la lecture d’un roman sur mon téléphone, pour qu’arrive enfin la personne que j’attendais. Une brune à la peau claire, de taille moyenne, habillée de vêtements sportifs, et dotée d’une musculature noueuse et massive que je jugeai irréprochable pour la catégorie bodybuilder féminin. J’écoutai avec un sourire les murmures qui enflaient, observai les personnes qui se tournaient une à une pour détailler la soldate de la Faction, à la fois révulsés et impressionnés. Le Frigg lui-même esquissa une moue, qui se transforma en grimace quand la femme se dirigea vers moi.
— Les Neuf Mondes ne pourront me séparer de lui, lâchai-je en anglais.
— Que si Nídhögg dévore nos âmes de parjures, compléta-t-elle, un peu hasardeuse dans sa prononciation norroise.
— Moi c’est Viper.
— Éris.
Laconique… Son attitude était stoïque, son regard noisette fixe et franc, quoique empli d’une colère refoulée. Un instant, je me demandai de quel genre de chantage avait dû user Selvigia pour convaincre la soldate de nous aider sans en parler avec ses supérieurs. Parce que je doutais fort que Lana Schneïwaser nous ait alloué une Altérée, l’une de ces fameux soldats injectés à Loki savait quels dopants, pour une mission aussi dangereuse.
— Vous les avez repérés ? demanda-t-elle sans s’embarrasser davantage de conversations futiles.
J’acquiesçai.
— Le type près de la fenêtre, mais il est seul. Et pour le moment, il ne semble pas avoir appelé de renforts.
— Il vous a reconnue ?
J’opinai à nouveau, et cette fois-ci, elle esquissa un semblant de sourire, teinté d’un amusement mesquin, qui gomma un instant sa colère.
— C’est parti alors ?
Je sortis un billet de mon sac pour payer ma consommation, sans me préoccuper de la petite monnaie, réajustai mon niqab, me redressai. Éris suivit le mouvement. Elle me seconda jusqu’à la sortie, où je m’immobilisai un moment pour lancer au Frigg un clin d’œil, puis nous émergeâmes dehors, au soleil. L’Altérée me guida vers un petit parking dissimulé dans une arrière-cour à l’abri des regards, où je retirai mon voile et ma longue robe. Puis je m’assis de manière peu orthodoxe sur le capot chaud, et ramenai mes genoux sous mon menton tandis qu’Éris fouinait dans le coffre.
— Tu te sens d’attaque pour ça ? lui lançai-je en sortant un Glock 19 de mon sac à dos.
Elle ne répondit pas tout de suite, mais enfila d’abord un épais gant de tissu rigide qui remontait jusqu’à son coude gauche, puis elle m’adressa un rictus caustique.
— J’ai déjà croisé certains d’entre vous sur le terrain. Disons que je m’inquiète plus quand je dois passer les portiques de sécurité à l’aéroport.
Je haussai un sourcil, mais n’eus pas le temps de l’interroger. Le Frigg, débarrassé de ses lentilles noires, venait d’apparaître entre les deux maisons, dans l’unique sortie de cette cour. Il s’immobilisa en voyant que nous l’attendions, darda d’abord son regard violet brillant sur Éris, qui farfouillait toujours dans mon dos, puis sur moi, négligemment affalée sur la tôle presque brûlante.
— Bien joué, tu m’as trouvée ! ricanai-je en vieux norrois en écartant les bras, mon pistolet dans la main droite. Je serais curieuse de savoir comment tu t’y es pris, ceci dit…?
Il s’approcha de quelques pas, méfiant.
— Tu ne comptes pas m’affronter ? releva-t-il.
Sa voix légère, presque fluette, contrastait avec son imposante carrure et ses yeux perçants.
— Pas si je n’y suis pas obligée. Mais réponds à ma question, veux-tu ?
Il esquissa un sourire suffisant.
— Pour un traqueur, ta trace est aussi facile à suivre que si tu utilisais ta magie en permanence.
Je fronçai le nez. Un traqueur ? Ces Frigg-là étaient à peu près aussi rares que les Élites de la Confrérie après les complots de Kaiser. Ils pouvaient percevoir les résidus de flux magique émanant d’un demi-divin encore quelques heures après qu’il ait cessé d’utiliser sa magie, là où les Frigg normaux ne ressentaient le flux que lorsque l’individu utilisait activement ses pouvoirs. En résumé, c’était des détecteurs très rares. Et très coûteux.
— Combien te paie la Confrérie pour garder ma trace ? interrogeai-je.
— Suffisamment pour éveiller mon intérêt. J’ai une question pour toi, moi aussi. Qu’as-tu fait pour être ainsi traquée ?
Il sourit à son propre jeu de mot, poursuivit :
— Et pourquoi n’es-tu pas avec les tiens de base ?
— Ça fait deux questions, mais pour répondre aux deux en une seule fois, disons que ma vision ne s’aligne plus sur celle de ma famille, ce qui ne convient pas nécessairement à tout le monde.
— Oh, une traîtresse ? Ça ne t’intéresserait pas de…?
— Non.
Il se rembrunit, et je serrai les dents pour contenir ma colère quant au terme qu’il venait d’employer. C’était vrai, certes, mais ça demeurait outrant pour l’ancienne loyaliste que j’étais. Je jetai un coup d’œil à Éris, qui venait de refermer le coffre et de se placer devant la portière avant de la voiture, entre le Frigg et moi. Elle acquiesça. Le temps que j’avais gagné lui était suffisant. Pour quoi, je n’en savais rien, mais ça, c’était son affaire, pour peu qu’elle s’en tienne au plan.
— Bon, fis-je en me redressant. Maintenant qu’on en a fini avec les formalités, je te serais extrêmement reconnaissante de venir par ici sans faire d’histoires et de ne pas essayer de contacter le reste de ta fratrie ou la Confrérie pour les rameuter.
L’homme me fixa sans comprendre.
— Considère ça comme un kidnapping non violent, explicitai-je.
Un ricanement lui échappa, il fit apparaître son téléphone. Je tendis la main, projetai du bout des doigts un puissant jet d’énergie qui frappa son bras. Le téléphone s’écrasa au sol, deux bons mètres plus loin, le Frigg écarquilla les yeux, me fixa, stupéfait.
— Qu’est-ce que…?
Je sautai du capot, me réceptionnai souplement sur le béton en position défensive. Par réflexe, il envoya un rayon dans ma direction, mais cette fois-ci, ce fut Éris qui s’interposa alors même que j’érigeais un bouclier défensif. Son bras ganté encaissa l’assaut, le tissu rigide se mit à briller de blanc par endroits, là où il semblait y avoir de minuscules LED. Je haussai un sourcil.
— Qu’est-ce que ça fait ?
— Ça absorbe l’énergie pour la redistribuer… comme ça, sourit-elle.
Elle étendit sa main gauche en avant, paume face à notre adversaire encore abasourdi. Un rayon bleuté en jaillit, percuta le Frigg de plein fouet. Il roula au sol, sonné. Je sifflotai, admirative.
— C’est encore un prototype récent.
Par récent, je compris on a enfin réussi à le faire fonctionner quand vous êtes arrivés. Ça devait certainement faire partie de l’accord qu’Ekrest avait conclu avec Lana pour financer notre garde rapprochée, parce que je ne voyais pas d’autre source d’informations que lui pour la Faction.
Le Frigg se redressait péniblement. Je refermai mes doigts sur la crosse de mon Glock, m’avançai à petits pas précautionneux. Brusquement, il fit apparaître un pistolet, tira deux fois. Je plongeai sur le côté par réflexe, mais ce n’était pas moi qu’il visait.
Un choc métallique résonna. Je pivotai vers Éris, prête à la voir s’effondrer, mais quand elle tourna la tête vers moi, elle souriait. Dans son front, entourée d’un fin liseré sanglant, était incrustée la pointe aplatie d’une cartouche de 9mm Parabellum. Je cillai, peinant à en croire mes yeux quand elle leva la main et la retira tranquillement du bout des doigts, dévoilant une plaque de fer insérée quelques millimètres en dessous de l’épiderme, à la place de la boîte crânienne. Une goutte de sang perla dans le trou. Le Frigg poussa un hoquet d’horreur étranglé, recula à croupetons.
— Whaou, lâchai-je, sonnée. Ça aussi, c’est un prototype ?
— Ne perdons pas notre sens des priorités, rétorqua-t-elle avec morgue.
Et elle chargea l’homme qui, terrorisé, roula sur le ventre, se redressa pour courir, se prit un coup du tranchant de la main soigneusement ajusté à l’arrière de la nuque, s’affala et ne bougea plus. La soldate le souleva comme une poupée de chiffon, le chargea en sac à patates sur ses épaules, revint vers la voiture. Encore stupéfaite, je me contentai de lui ouvrir la portière coulissante, puis d’aller ramasser le téléphone qui gisait sur le béton, fixai un instant l’écran déverrouillé mais fendillé en toile d’araignée, l’esprit vide. La Faction nous rattrapait, réalisai-je avec un soubresaut. Elle compensait par la technologie, les manipulations génétiques et le transhumanisme ce que nous pouvions faire avec notre magie. Et elle progressait vite, surtout avec l’aide d’Ekrest.
Je grimaçai, reportai mon regard sur le Frigg affalé sur le siège arrière, la tête tombant en avant, me secouai pour me reprendre, fis défiler la liste standardisée de contacts jusqu’au centre de coordination. Une brève sonnerie retentit quand je lançai l’appel, avant d’être remplacée par une voix claire :
— Bonjour, confirmez votre matricule ?
— Impossible, désolée. Passez-moi Jason Alvaro, je ne souhaite traiter qu’avec lui.
— Excusez-moi, bégaya le standardiste confus, qui êtes-vous ?
— Passez-moi Jason Alvaro. C’est une prise d’otage.
Silence à l’autre bout de la ligne.
— Ou plutôt, dites-lui de rappeler sur ce numéro.
Et je raccrochai. Rester en ligne était dangereux dans ces conditions, aussi grimpai-je rapidement sur la banquette arrière, bouclai ma ceinture, puis filai dans la configuration du téléphone tandis qu’Éris démarrait.
— Il restera dans les vapes combien de temps ? demandai-je distraitement, bataillant avec le système d’exploitation inconnu.
— Une petite heure si j’ai bien dosé, répondit-elle avec un fin sourire venimeux, et je devinai qu’elle était extrêmement contente d’elle-même.
Je poussai un grognement de satisfaction en mettant le doigt sur les paramètres de mise en veille, que je désactivai, puis fis de même avec la localisation et enfin, me lançai à la recherche des informations personnelles de mon nouvel otage. Trevor Kalen, pas d’âge spécifié, apparemment une épouse ou copine au vu des petits cœurs qui décoraient leurs échanges, mais je ne m’aventurai pas à creuser ni à essayer de qualifier leur relation. Satisfaite d’avoir au moins pu mettre un nom sur la personne, j’attendis l’appel qui ne tarda pas. Bientôt, le téléphone vibrait dans ma main.
— Jason Alvaro des Frigg, se présenta mon interlocuteur sur un ton qui se voulait cordial et chaud, mais que je sentis malgré tout factice et méfiant.
— Lilith Síverdín des Loki, ancienne élève d’Ekrest d’Aube-Court.
— Ah.
Je pouffai.
— Oui, il m’avait dit que vous réagiriez comme ça si j’en venais à vous contacter.
Plus exactement, il me l’avait dit la veille. Mais officiellement, il était mort aux yeux des autres Maisons, il ne s’agissait donc pas de perdre notre avantage stratégique maintenant en laissant échapper l’information.
— Ravi de vous connaître, fit Jason Alvaro après avoir digéré l’information. Que voulez-vous, Lilith ?
Je pris un instant pour exprimer clairement ma pensée, inspirai, me lançai :
— Je pensais avoir à négocier franchement, mais il s’avère que j’ai mis la main sur un traqueur, donc je vais me permettre d’être d’autant plus expéditive que mon otage a vraiment de la valeur… du moins, vivant. Ce conflit m’oppose à la Confrérie, je veux le retrait total des Frigg. Plus de traque, plus de surveillance et d’espionnage, sans même parler de vous voir combattre auprès des Loki.
De l’autre côté retentit un reniflement méprisant, comme si l’idée était totalement aberrante. Mais je savais que Synnöve Kaiser était capable de forcer n’importe quoi, même des alliances improbables.
— Et si vous pouviez faire circuler l’information auprès des autres Æsir, ce serait adorable, mais sinon, tant pis. C’est une affaire familiale et je veux que ça le reste. Votre Trevor sera libéré dans les vingt-quatre heures qui viennent, pour peu qu’il n’y ait plus aucun Frigg impliqué.
De l’autre côté, Jason sembla surpris.
— Pas de rançon, pas de menaces, d’insultes ni d’extorsions ?
— Je ne suis pas la Confrérie ! ricanai-je. Ou plus, en tout cas. Mais si vous le souhaitez, je peux toujours spécifier que ce serait dommage que votre traqueur perde ses facultés magiques, non ?
Il y eut un moment d’intense réflexion, puis le négociateur décréta :
— Ça me paraît un arrangement convenable. Pourrais-je lui parler ?
— Pour le moment, il est dans les vapes, mais je vous rappellerai d’ici une heure, en principe, il se sera réveillé. Ça vous laisse le temps de prendre les mesures nécessaires.
— Vous y êtes allée fort ! se récria-t-il.
Je pouffai, narquoise, reportai mon regard sur Éris, qui slalomait dans la circulation fluide de la banlieue. Pour une fois, je n’y étais absolument pour rien.
— J’ai essayé d’être pacifique, il a essayé de se défendre. Mais à part une bosse, il n’a rien.
— Très bien, soupira Jason Alvaro. J’attends votre appel, je commencerai à faire le nécessaire en attendant.
— Parfait ! Bonne journée ! conclus-je avec un sourire.
Et je raccrochai, satisfaite par la teneur de la négociation, presque trop calme et simple comparée à celles que je menais d’habitude. Ceci dit, ça en disait long sur l’état d’esprit des Frigg, qui n’avaient dû accepter ce partenariat avec la Confrérie qu’à contre-cœur, certainement à cause de vieilles dettes enfouies que Kaiser avait déterrées. Sinon, jamais ils n’auraient exposé l’un de leurs meilleurs éléments à un tel risque.
Je me calai plus confortablement sur le siège arrière, regardai la cité défiler par la fenêtre tandis que la soldate de la Faction nous menait prudemment en direction de l’autoroute, suivant les indications du navigateur intégré à la voiture. Pour le moment, tout se déroulait comme prévu, aussi envoyai-je un bref texto à Ekrest pour lui dire qu’on était en chemin. Puis, je pris le pouls du Frigg, évaluai son teint, me tournai vers la conductrice.
— Ton front va bien ?
— Merci pour votre…
Elle hésita un instant, me jeta un coup d’œil par le rétroviseur central. Je lui souris, amicale.
— … ta considération. Ça va.
Elle parut vouloir en dire plus, mais s’abstint quelques secondes, le temps de formuler plus correctement.
— J’avoue que cette expression surprise sur vos visages est toujours plaisante, grinça-t-elle enfin. Ça compense au moins certains désagréments qui vont avec l’équipement…
— Comme ?
— Les injections. Oh, ne fais pas cette tête, je sais que Scorpio t’en a parlé.
Il me fallut un moment pour me rappeler que Selvigia avait vaguement mentionné son nom de code dans l’un de ses messages.
— Effectivement, admis-je, elle m’en a parlé.
— A-t-elle aussi mentionné qu’elle m’a volé deux doses pour me contraindre à participer à cette expédition ?
Je ne tentai pas de dissimuler un rictus à la fois amusé et contrit.
— Elle a dû oublier. En quoi est-ce si important ?
Un soupir, une longue pause. Les traits d’Éris étaient figés en une façade froide impersonnelle. Ses joues s’étaient creusés alors qu’elle s’en mordait l’intérieur, ses biceps s’étaient imperceptiblement contractés. Sur une autre, ça ne se serait pas vu, mais sur elle, avec ses veines saillantes et ses muscles gonflés, c’était impossible à ignorer. Elle paraissait jeune, mais fatiguée, et l’entraînement intensif qu’elle avait dû subir l’avait vieillie. Son visage s’était tiré, émacié. Elle semblait avoir été plutôt frêle, avant la Faction.
Je la considérai, songeuse quant à son rôle dans ma vie. Figurante éphémère, comme Izel, ou point de contact, brèche entre les deux univers ? Elle serait l’une des rares humaines à connaître le monde mythologique, à nous avoir fréquentés sans perdre sa mémoire en conséquence. Un peu comme Blade.
Le souvenir de l’homme m’effleura, mais je le chassai, le mis de côté. J’aurais tout le temps de me pencher sur son cas quand je le retrouverais… de préférence en un seul morceau.
— C’est long à expliquer, répondit enfin Éris. Pour faire très simple, les injections empêchent les rejets des greffes.
Je notai l’emploi du pluriel, ne fis aucune remarque, car déjà, elle enchaînait :
— Mais il y a tellement plus que ça… Et puis, c’est un bon moyen pour la Faction de me garder sous contrôle.
Un pli d’amertume froissa son front, elle pinça les lèvres.
— C’est trop tard pour reculer, maintenant… et c’est toujours mieux que ce que j’avais avant, pour moi comme pour ma famille… donc je suppose que je devrais m’y accommoder.
À cela, je ne répondis rien. Il y avait toujours une raison « acceptable » de s’accommoder à une mauvaise situation, même si cette raison n’était jamais fondamentalement valable. Une maxime d’Ekrest, dont je commençais à comprendre le sens profond après ces derniers jours. Il n’y avait aucune justification qui puisse préserver une relation toxique, et surtout pas le fait que ça avait été bien par le passé, ça pouvait encore le redevenir. Certaines choses étaient immuables, et le changement des caractères en faisait partie.

Environ une heure plus tard, conformément aux prédictions d’Éris, Trevor Kalen émit un grognement sourd, battit des cils, comme émergeant d’un lourd sommeil. Le canon que je braquai immédiatement sur sa tempe le secoua néanmoins suffisamment pour réveiller un réflexe primitif : il se jeta sur le côté et chercha la poignée de la portière. Sauf que, les mains menottées dans le dos, attaché par sa ceinture, il fut coupé net dans son mouvement. Une plainte de douleur lui échappa quand il se cogna la tête contre la vitre, il me fusilla de ses yeux améthyste brillants.
— Qu’est-ce que tu veux ? fulmina-t-il.
— Ça va ? m’enquis-je, dédaignant la question.
Il cilla, me fixa sans comprendre.
— Ça importe ?
— Un minimum, je ne voudrais pas qu’Alvaro dise que je n’ai pas respecté ma part du contrat.
Un silence.
— Tu as traité avec Jason ? releva-t-il, ébahi.
Je lui souris gentiment, un brin condescendante.
— T’es qui, au juste ?
— Lilith, ancienne Élite, lâchai-je nonchalamment. Ravie de te connaître, Trevor.
Son mutisme stupéfait m’arracha un rire. Je m’adossai contre la portière pour être de biais, embrayai avant qu’il ne se ressaisisse :
— Au fait, avant que tu ne tentes quelque chose de stupide qui me ferait perdre du temps, j’ai effectivement négocié avec votre fameux Jason Alvaro. Chouette type, d’ailleurs. J’ai promis de ne pas toucher à un seul de tes cheveux si les Frigg se retirent du conflit. Tu seras libre dès que je serai au Bifröst, avec une place aux premières loges pour un spectacle sons et lumières si tu le souhaites. Je te demanderai juste d’éviter d’essayer de t’enfuir ou de nous attaquer, Éris et moi, d’ici-là.
Ma tirade lui arracha un froncement de sourcils dubitatif.
— L’autre Loki avec qui j’ai traité était vachement plus vindicatif.
Je haussai les épaules, repris le téléphone de mon otage, que j’avais glissé dans le cendrier de la portière. Trevor grimaça quand il me vit scroller pour retrouver le dernier coup de téléphone. Je relançai l’appel.
— Alvaro ? C’est encore Lilith. Tenez, je vous passe votre traqueur, il vient de se réveiller.
Je le mis en haut-parleur, tendis l’appareil entre le Frigg et moi.
— Trevor, ça va ?
— Heu… je crois… marmonna le concerné, encore sceptique. Un peu sonné. Dis, c’est quoi cette embrouille ?
— Écoute, fit le négociateur calmement, je vais te demander de rester tranquille et de ne pas faire de conneries. Je ne connais pas Lilith, mais je connaissais son prédécesseur, ça devrait bien se passer.
— Tu ne me rassures pas vraiment, là…
— Je m’en doute. Mais…
— Avouez que ça vous donne une très bonne raison de ne pas aider la Confrérie ! interrompis-je avec un rictus.
— Je m’abstiendrai de commentaires là-dessus… soupira Jason Alvaro.
— C’est gentil de votre part, souris-je. Bon, on ne va pas non plus discuter toute la journée, c’était surtout pour vous rassurer tous les deux.
— J’apprécie le geste, fit mon interlocuteur avec ce qui semblait être du respect et de la reconnaissance dans la voix. J’ai pris les mesures nécessaires pour retirer les Frigg de votre affrontement. Bon courage. Et Trevor, pas de conneries, vraiment. Je ne peux pas garantir ton état de santé si tu commences à t’opposer à elle.
Il raccrocha. Je pouffai, ramenai le téléphone à moi avant que l’otage ne tente un geste. Les contacts d’Ekrest étaient souvent bons. Il avait su, avec sa réputation de Loki droit et franc, se construire un réseau qui allait au-delà de la simple collaboration périodique. Quand il donnait sa parole, il la tenait, et ceux qui le connaissaient le savaient. Je commençais aussi à voir où voulait en venir Selvigia quand elle avait dit qu’elle comprenait la méfiance de Kaiser à l’égard d’Ekrest, et son élimination. Ce réseau qu’il s’était constitué pouvait se révéler dangereux pour la commandante. La preuve, il avait suffi d’un coup de fil, d’un bon levier et d’une confiance minimale pour que les Frigg se replient sans poser de questions, ni même mettre en doute ma bonne volonté. Ça me changeait agréablement des négociations tendues appuyées d’insultes et de haine, dont j’avais eu l’habitude à la Confrérie.
Nous gagnâmes l’autoroute, où Éris s’élança à folle allure, cinquante bons kilomètres au-dessus des limites de vitesse autorisée. Elle devait savoir que, plus tôt on arriverait à Çanakkale et plus tôt elle serait libérée de ses obligations envers Selvigia. Quant à nous, nous aurions plus de temps pour nous préparer à l’affrontement, ce qui n’était pas négligeable. Avec les Frigg de retour à l’état neutre, nous pouvions de nouveau user de nos pouvoirs sans craindre d’être repérés, mais nous avions convenu avec Ekrest de les utiliser malgré tout le moins possible par précaution.
— Eh ? lâcha le Frigg, comme frappé par une soudaine idée, après une bonne demi-heure de route silencieuse. T’as dit que t’étais une ancienne Élite, c’est ça ?
J’acquiesçai, muette.
— Comment ça se fait que t’en arrives à de telles extrémités avec ta famille ? Vous êtes censés être les héros des grands vilains, non ?
La tournure me tira un bref sourire, froissé mais amusé malgré tout. Les héros des grands vilains. C’était une jolie formulation pour les pires et les plus psychotiques des assassins que les Neuf Mondes connaissent. Et, certes, nous avions déjà croisé plus meurtrier et plus efficace que nous durant les siècles passés – Kalich le nain ou encore Evle et Tarlak les elfes – mais nous tenions les rênes la plupart du temps.
— Longue histoire, éludai-je sans en ajouter plus. Mais j’avoue que je me suis fait avoir cette fois-ci. Ça faisait combien de temps que vous me surveilliez ?
Ma question eut l’effet désiré : il changea de sujet sans rechigner, fier comme un paon de l’organisation de sa famille et de sa petite traque personnelle.
— On t’a repérée il y a une semaine. Comme on a de… bonnes relations, je suppose, avec la Confrérie, on savait qu’on n’était pas censés avoir de Loki dans le secteur. Et puis on a senti un flux. Énorme d’ailleurs, flippant.
Kirstin et moi, donc, songeai-je en souriant presque au souvenir de l’explosion de flammes. À deux, on avait réussi à déclencher des radars humains à quelques kilomètres de distance, c’était à la fois flatteur et effrayant de dangerosité.
— Depuis, on a traqué, et on t’a localisée après chaque métamorphose à force de quadriller. Même si tu nous a donné du fil à retordre avant-hier. Quel enfer pour te retrouver, même avec une trace aussi forte après toutes ces heures…
Je me permis un rictus grinçant, sans trop savoir si c’était un compliment ou un avertissement quant-à leur facilité à me repérer à cause de ma puissance.
— Et pourquoi ils n’ont envoyé que toi alors ? relevai-je.
— J’étais dans le secteur, et j’étais seulement censé te suivre, te garder à l’œil.
— Au moins, on ne peut pas dire que tu aies échoué.
Ma provocation lui tira un léger rire grinçant, quelque peu irrité.
— Mouais. Je suppose.
— Hé, dites ? lança soudain Éris à l’avant. Ça vous dirait de m’expliquer au moins un peu votre système de familles et de magie, que je sache dans quoi je m’engage ?

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Dernière modification par vampiredelivres le mar. 09 mars, 2021 12:26 pm, modifié 1 fois.
TcmA

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Re: Le Cycle du Serpent [I & II] [(Urban) Fantasy / Action / Mythologie nordique]

Message par TcmA »

vampiredelivres a écrit : lun. 08 févr., 2021 8:58 pm Hiellow !

Yeah. Bon, j'ai corrigé la partie qui me saoulait le plus, donc ça devrait arriver soon.

Ah mais non, petit Blade était destiné à souffrir dès le départ. Il était là quand il le fallait, mais… mais. Voilà.
Cette incroyable discussion Adam Lily, je me suis teeeellement éclatée à l'écrire. Sa rage et son seum sont incroyables x)

Héhé. Mais non, cette fois, tout va bien.

On l'attendait tous ce moment. Ekrest progresse enfin !
En vrai, il en avait autant besoin que Lily. (Alled la collab, je veux :lol: ) Ça n'excuse rien, certes, mais ça démontre le progrès et le petit bout de chemin qu'il est en train d'accomplir.

Nice, je vais aller corriger ça !

Merci beaucoup pour ton retour, hâte de voir ce que tu vas penser de la suite !
La bise ~

Holà~

Oyé imma read dat right now 8-)

AH. Oké, je vois comment ça se passe :lol:

Non, bien sûr, ça n'excuse rien, ça explique juste ! Tu m'étonnes qu'il en ait eu besoin, bichette (bon, bichette à qui on mettrait bien une tape à l'arrière du crâne, mais bichette quand même).

Let's go chap8~
Ben franchement, pour un truc dont t'es pas très sûre, ça pète quand même !

J'ai beaucoup aimé le calme de la première partie du chap, c'était très doux-amer, avec Izel. Même si on ne la reverra pas, ces petits moments avec elle étaient sympa !
J'ai juste remarqué une répétition : "Elle faisait partie de ces personnes qui passaient en coup de vent, que je détestais et appréciais tant, parce que j’aurais aimé les connaître davantage, même si je savais que nos vies étaient incompatibles." -> Tu en parles déjà plus haut dans le chap et à peu près dans les mêmes termes!

Les événements s'enchaînent toujours très bien, c'est vraiment plaisant à lire x)
Bon bon bon, il a pas l'air ultra fut fut, ce Frigg... La Confrérie les avaient mis au courant qu'ils traquaient un Loki ? Son petit "wesh téki" fait penser le contraire :lol:
D'ailleurs, comment est-ce que la traque fonctionne ? Tu dis dans le chap qu'ils peuvent sentir les énergies magiques, mais est-ce que chaque famille a sa propre "signature" magique ?
"Ces Frigg-là étaient à peu près aussi rares que les Élites de la Confrérie après les complots de Kaiser." je me suis étouffée. J'adore cette Lily cynique, elle me fait bien rigoler :lol:
Nyohoh, Eris ! Déesse de la Discorde, me gusta C: Elle est bien cool et c'est sympa d'en apprendre plus sur la Faction et leurs avancées !

J'ai bien hâte de voir ce que tu nous réserves avec la suite, c'est toujours aussi bien (faux, it gets better avec chaque chap), comme d'hab ! Bon courage pour tout !

La bise~
louji

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Re: Le Cycle du Serpent [II] : L'Alliance des Déchus

Message par louji »

vampiredelivres a écrit : mar. 09 févr., 2021 9:56 am Bonjouuuur !
On attaque avec la fin de ce chapitre la partie qui me complique la vie depuis… que j'ai commencé à écrire ce tome en fait. Je ne garantis pas de la graaande qualité pour le final de la P1 du coup, j'en serais bien incapable. Mais je vais me repencher sur les trois chapitres qui viennent dans les prochaines semaines, je n'abandonne pas encore l'idée d'en tirer quelque chose :D
D'ici-là, bonne lecture ! :arrow: Hey ! C'est pas grave, il y a toujours des passages comme ça qui nous cassent la tête ^^ Tu pourras y revenir plus tard au pire !


CHAPITRE 8


Ma nuit suivante fut plus calme, quoi que encore :arrow: qu'encore ? agitée de cauchemars. Au moins, cette fois-ci, ma dispute avec Ekrest n’y revenait plus. Je m’éveillai donc, abrutie de sommeil, épuisée malgré les huit heures de « repos », et me dirigeai comme la veille droit vers la cuisine. Izel y était déjà, assise à la petite table près de la fenêtre, une tasse de thé fumante entre les mains. Son alliance argentée scintillait sous les pâles rayons du soleil levant. En me servant mon thé, je me demandai un instant qui portait sa jumelle et où il était passé. Il n’y avait pas de vêtements masculins dans les penderies, et aucun signe d’une autre personne que la maîtresse des lieux dans les pièces communes.
Izel surprit mon regard curieux, un sourire triste étira ses lèvres minces.
— Parti là où je ne peux pas encore le rejoindre.
La tonalité définitive, fataliste et résignée, de sa voix, amena une boule dans ma poitrine. Je me servis une tasse de thé, m’assis face à elle. Izel n’était qu’un courant d’air dans ma vie, une apparition fugace que je ne recroiserais plus jamais. Ils avaient déjà été nombreux dans son cas, et je me doutais qu’ils seraient encore nombreux après elle, pour peu que je survive à ma rencontre avec Adam. Pourtant, ces rencontres éphémères, ces brèves discussions épisodiques :arrow: ça fait un peu pléonasme non ? :ugeek: où nous n’aurions jamais vraiment le temps de nous connaître, me laissaient toujours marquée, songeuse. Les émotions que ces voix étrangères véhiculaient une autre réalité que la mienne, tout aussi complexe, souvent tout aussi douloureuse.
— Quand ?
— Il y a huit mois.
Si peu… soupirai-je silencieusement. Pourtant, Izel ne se départissait pas de son sourire lumineux, malgré la peine qu’elle dégageait.
— Étrangement, poursuivit-elle, j’ai l’impression qu’il est encore avec moi. Je sens qu’il est parti, mais une part de lui demeure.
Je hochai la tête. Parfois, les âmes s’attardaient à Midgard, hantées par leurs actes, inquiètes pour leurs proches ou terrifiées par la mort. Bien souvent, c’était ce dernier point qui les retenait le plus. Ekrest m’avait longtemps auparavant expliqué que, autrefois, grâce aux rites funéraires, aux croyances religieuses et aux chamans, voyants et autres intermédiaires avec Helheim, les gens pouvaient savoir ce que mourir signifiait, et craignaient donc moins le trépas. Aujourd’hui cependant, avec la disparition des « vraies » religions – par vraies, il entendait essentiellement les religions polythéistes ayant précédé le christianisme – et avec l’avènement de la science, le surnaturel était devenu mystique, et l’inconnu effrayant. Ces mêmes personnes qui, par le passé, auraient accepté l’idée d’un départ le refusaient désormais, obsédées par le secret de l’immortalité, que nous demi-divins connaissions : l’immortalité n’existait pas. Tous mouraient un jour, même nos dieux qui consommaient des pommes d’Idunn pour se préserver de la vieillesse.
Izel paraissait cependant différente. Calme et composée, joyeuse malgré la perte douloureuse, elle semblait avoir accepté l’idée de devoir continuer son chemin seule un moment.
— Tu pars aujourd’hui ? demanda-t-elle après un long silence, rompant le fil de mes pensées.
J’acquiesçai, songeuse.
— Ton problème d’homme est résolu ?
— Pas vraiment… soupirai-je. Mais je vais aller le résoudre moi-même.
Elle pouffa en entendant la lassitude dans ma voix, mais s’abstint de commenter. En vérité, je me sentais moyennement sereine à l’idée de faire face à Adam, de me jeter dans la gueule du loup, avec le souvenir de Vanessa toujours présent dans un coin de mon esprit. Ekrest et moi avions certes élaboré un plan hâtif, mais il y avait tellement de probabilités que ça échoue, tant de failles potentielles…
— Hé, ne fais pas cette tête ! me glissa Izel avec un rire. Dans le pire des cas, vise entre les jambes, ça résoudra l’essentiel de tes problèmes !
Je ricanai. C’était effectivement une solution… quoique castrer Adam après avoir assassiné sa fille pouvait être très mal interprété. :arrow: Techniquement, puisqu'ils sont métamorphes... :geek: :lol:
— Merci.
— Pour ? releva-t-elle.
— M’avoir laissée rester une nuit de plus. Et pour la compagnie.
Elle me sourit gentiment.
— Avec plaisir. Si jamais tu as besoin de revenir un jour, n’hésite pas à me rappeler.
Sa générosité et son ton bourru me surprirent agréablement. Je bus une gorgée de thé brûlant, hochai la tête, même si j’étais déjà certaine de ne plus jamais la revoir de ma vie. Elle faisait partie de ces personnes qui passaient en coup de vent, que je détestais et appréciais tant, parce que j’aurais aimé les connaître davantage, même si je savais que nos vies étaient incompatibles.
Et elle sembla le comprendre, juste en me regardant, mutique. Quand je me redressai, elle me souhaita une bonne journée, me dit de laisser les clés sur l’étagère, et fixa la fenêtre comme si je n’étais plus là.
De retour dans ma chambre, je ramassai mes rares affaires dans mon sac-à-dos, passai ma longue robe noire par-dessus mes vêtements, me voilai à nouveau le visage, poussai un long soupir en jetant un grand regard circulaire à la pièce. Soudain, l’excitation de la veille s’effaçait pour laisser place à l’incertitude. Partir dans les Neuf Mondes était toujours un terrible pas vers l’inconnu pour moi, totalement hors de ma zone de confort. J’aimais Midgard, son instabilité, son agitation, ses immenses dédales urbains, sa folie des grandeurs. Les autres peuples, ayant probablement plus d’expérience et d’ancienneté, ne se perdaient plus autant en querelles futiles… ou du moins en théorie.
Amusée par ma propre peur, je finis par me secouer, souris. C’était si rare que je me sente si anxieuse à l’idée d’un départ alors que, depuis près de dix ans, je vivais dans une valise. C’était un jour à marquer d’une pierre blanche, tant pour mon état d’esprit que pour ce que je m’apprêtais à laisser derrière moi : Ekrest, Kaiser, la Confrérie, ma loyauté, mes appuis, ma stabilité.
Je franchis le seuil le cœur lourd, mais l’esprit léger, me retournai, agitai la main. À sa fenêtre, Izel me rendit mon salut. Puis, je m’engageai dans la rue, bouillonnant d’appréhension et d’impatience, avec la conscience aiguë d’un regard étranger qui pesait sur mon dos.

Le secteur est surveillé, m’avait dit Ekrest. Je ne sais pas si c’est parce qu’on m’a suivi ou parce qu’ils ratissaient déjà la zone avant mon arrivée, mais il y a au moins un Frigg. Pas de Loki en revanche, ou du moins je n’en ai pas perçu. Je ne lui avais pas demandé comment il l’avait su ou senti. Ekrest percevait les autres demi-divins. De ce qu’il m’avait expliqué, c’était une faculté qui s’acquérait plus facilement dans le reste de l’Yggdrasil, là où le flux magique était nettement plus perceptible, et avec beaucoup d’entraînement. J’avais appris à me fier à ses certitudes ; s’il disait qu’il y avait un Frigg dans le quartier, j’étais certaine qu’il devait être en train de me filer à l’heure actuelle, mais je ne m’en inquiétais pas vraiment. Mon but n’était pas de le semer, bien au contraire.
Deux bons kilomètres de marche plus loin, je m’arrêtai sous l’enseigne d’un café. Même si Sol n’avait pas encore amorcé sa course vers le midi, il régnait déjà une touffeur moite dans les rues étroites, où la chaleur semblait s’accrocher à l’asphalte. Dans mon niqab sombre, qui couvrait mon cou, mes épaules, mes cheveux et l’essentiel de mon visage, avec ma robe noire et ample qui me descendait jusqu’aux chevilles en dissimulant presque le bout de mes ongles, j’étouffais. Je sortis mon téléphone, vérifiai sur mon GPS que j’étais à la bonne adresse, puis m’engouffrai dans l’établissement, accueillie par une climatisation revigorante.
Exactement six minutes après que je sois entrée et me sois assise à une table au fond, la porte s’ouvrit sur un homme d’une quarantaine d’années, au teint sombre et aux cheveux courts et clairs, couleur blé. Ses yeux noirs, trop sombres pour me paraître naturels, sondèrent rapidement la pièce, me dépassèrent, revinrent sur moi, s’arrêtèrent. Nous nous reconnûmes en un regard, mais un serveur s’interposa pour prendre ma commande. Dérogeant pour une fois à mes habitudes, et parce que j’avais déjà pris le thé chez Izel, je demandai un café, sachant pertinemment qu’une longue route m’attendait. Entre temps, l’homme s’installa près de la fenêtre, et me jeta un coup d’œil peu amène, conscient de qui j’étais – ou du moins à quelle Maison j’appartenais – mais ne fit pas mine de venir me parler ou de m’attaquer, probablement peu désireux de causer un esclandre.
Il fallut bien trois quarts d’heure supplémentaires de statu quo, les secondes égrenées par la lecture d’un roman sur mon téléphone, pour qu’arrive enfin la personne que j’attendais. Une brune à la peau claire, de taille moyenne, habillée de vêtements sportifs, et dotée d’une musculature noueuse et massive que je jugeai irréprochable pour la catégorie bodybuilder féminin. J’écoutai avec un sourire les murmures qui enflaient, observai les personnes qui se tournaient une à une pour détailler la soldate de la Faction, à la fois révulsés et impressionnés. Le Frigg lui-même esquissa une moue, qui se transforma en grimace quand la femme se dirigea vers moi.
— Les Neuf Mondes ne pourront me séparer de lui, lâchai-je en anglais.
— Que si Nídhögg dévore nos âmes de parjures, compléta-t-elle, un peu hasardeuse dans sa prononciation norroise.
— Moi c’est Viper.
— Éris.
Laconique… Son attitude était stoïque, son regard noisette fixe et franc, quoique empli d’une colère refoulée. Un instant, je me demandai de quel genre de chantage avait dû user Selvigia pour convaincre la soldate de nous aider sans en parler avec ses supérieurs. Parce que je doutais fort que Lana Schneïwaser nous ait alloué une Altérée, l’une de ces fameux soldats injectés à Loki savait quels dopants, pour une mission aussi dangereuse.
— Vous les avez repérés ? demanda-t-elle sans s’embarrasser davantage de conversations futiles.
J’acquiesçai.
— Le type près de la fenêtre, mais il est seul. Et pour le moment, il ne semble pas avoir appelé de renforts.
— Il vous a reconnue ?
J’opinai à nouveau, et cette fois-ci, elle esquissa un semblant de sourire, teinté d’un amusement mesquin, qui gomma un instant sa colère.
— C’est parti alors ?
Je sortis un billet de mon sac pour payer ma consommation, sans me préoccuper de la petite monnaie, réajustai mon niqab, me redressai. Éris suivit le mouvement. Elle me seconda jusqu’à la sortie, où je m’immobilisai un moment pour lancer au Frigg un clin d’œil, puis nous émergeâmes dehors, au soleil. L’Altérée me guida vers un petit parking dissimulé dans une arrière-cour à l’abri des regards, où je retirai mon voile et ma longue robe. Puis je m’assis de manière peu orthodoxe sur le capot chaud, et ramenai mes genoux sous mon menton tandis qu’Éris fouinait dans le coffre.
— Tu te sens d’attaque pour ça ? lui lançai-je en sortant un Glock 19 de mon sac à dos.
Elle ne répondit pas tout de suite, mais enfila d’abord un épais gant de tissu rigide qui remontait jusqu’à son coude gauche, puis elle m’adressa un rictus caustique.
— J’ai déjà croisé certains d’entre vous sur le terrain. Disons que je m’inquiète plus quand je dois passer les portiques de sécurité à l’aéroport.
Je haussai un sourcil, mais n’eus pas le temps de l’interroger. Le Frigg, débarrassé de ses lentilles noires, venait d’apparaître entre les deux maisons, dans l’unique sortie de cette cour. Il s’immobilisa en voyant que nous l’attendions, darda d’abord son regard violet brillant sur Éris, qui farfouillait toujours dans mon dos, puis sur moi, négligemment affalée sur la tôle presque brûlante.
— Bien joué, tu m’as trouvée ! ricanai-je en vieux norrois en écartant les bras, mon pistolet dans la main droite. Je serais curieuse de savoir comment tu t’y es pris, ceci dit…?
Il s’approcha de quelques pas, méfiant.
— Tu ne comptes pas m’affronter ? releva-t-il.
Sa voix légère, presque fluette, contrastait avec son imposante carrure et ses yeux perçants.
— Pas si je n’y suis pas obligée. Mais réponds à ma question, veux-tu ?
Il esquissa un sourire suffisant.
— Pour un traqueur, ta trace est aussi facile à suivre que si tu utilisais ta magie en permanence.
Je fronçai le nez. Un traqueur ? Ces Frigg-là étaient à peu près aussi rares que les Élites de la Confrérie après les complots de Kaiser. :arrow: J'aime beaucoup cette expression (je pleure et je rigole en même temps dans l'idée, quoi) Ils pouvaient percevoir les résidus de flux magique émanant d’un demi-divin encore quelques heures après qu’il ait cessé d’utiliser sa magie, là où les Frigg normaux ne ressentaient le flux que lorsque l’individu utilisait activement ses pouvoirs. En résumé, c’était des détecteurs très rares. Et très coûteux.
— Combien te paie la Confrérie pour garder ma trace ? interrogeai-je.
— Suffisamment pour éveiller mon intérêt. J’ai une question pour toi, moi aussi. Qu’as-tu fait pour être ainsi traquée ?
Il sourit à son propre jeu de mot, poursuivit :
— Et pourquoi n’es-tu pas avec les tiens de base ?
— Ça fait deux questions, mais pour répondre aux deux en une seule fois, disons que ma vision ne s’aligne plus sur celle de ma famille, ce qui ne convient pas nécessairement à tout le monde.
— Oh, une traîtresse ? Ça ne t’intéresserait pas de…?
— Non.
Il se rembrunit, et je serrai les dents pour contenir ma colère quant au terme qu’il venait d’employer. C’était vrai, certes, mais ça demeurait outrant pour l’ancienne loyaliste que j’étais. Je jetai un coup d’œil à Éris, qui venait de refermer le coffre et de se placer devant la portière avant de la voiture, entre le Frigg et moi. Elle acquiesça. Le temps que j’avais gagné lui était suffisant. Pour quoi, je n’en savais rien, mais ça, c’était son affaire, pour peu qu’elle s’en tienne au plan.
— Bon, fis-je en me redressant. Maintenant qu’on en a fini avec les formalités, je te serais extrêmement reconnaissante de venir par ici sans faire d’histoires et de ne pas essayer de contacter le reste de ta fratrie ou la Confrérie pour les rameuter.
L’homme me fixa sans comprendre.
— Considère ça comme un kidnapping non violent, explicitai-je.
Un ricanement lui échappa, il fit apparaître son téléphone. Je tendis la main, projetai du bout des doigts un puissant jet d’énergie qui frappa son bras. Le téléphone s’écrasa au sol, deux bons mètres plus loin, le Frigg écarquilla les yeux, me fixa, stupéfait.
— Qu’est-ce que…?
Je sautai du capot, me réceptionnai souplement sur le béton en position défensive. Par réflexe, il envoya un rayon dans ma direction, mais cette fois-ci, ce fut Éris qui s’interposa alors même que j’érigeais un bouclier défensif. Son bras ganté encaissa l’assaut, le tissu rigide se mit à briller de blanc par endroits, là où il semblait y avoir de minuscules LED. Je haussai un sourcil.
— Qu’est-ce que ça fait ?
— Ça absorbe l’énergie pour la redistribuer… comme ça, sourit-elle.
Elle étendit sa main gauche en avant, paume face à notre adversaire encore abasourdi. Un rayon bleuté en jaillit, percuta le Frigg de plein fouet. Il roula au sol, sonné. Je sifflotai, admirative.
— C’est encore un prototype récent.
Par récent, je compris on a enfin réussi à le faire fonctionner quand vous êtes arrivés. Ça devait certainement faire partie de l’accord qu’Ekrest avait conclu avec Lana pour financer notre garde rapprochée, parce que je ne voyais pas d’autre source d’informations que lui pour la Faction.
Le Frigg se redressait péniblement. Je refermai mes doigts sur la crosse de mon Glock, m’avançai à petits pas précautionneux. Brusquement, il fit apparaître un pistolet, tira deux fois. Je plongeai sur le côté par réflexe, mais ce n’était pas moi qu’il visait.
Un choc métallique résonna. Je pivotai vers Éris, prête à la voir s’effondrer, mais quand elle tourna la tête vers moi, elle souriait. Dans son front, entourée d’un fin liseré sanglant, était incrustée la pointe aplatie d’une cartouche de 9mm Parabellum. :arrow: Elle reconnaît le modèle de la balle à distance ? :lol: Je cillai, peinant à en croire mes yeux quand elle leva la main et la retira tranquillement du bout des doigts, dévoilant une plaque de fer insérée quelques millimètres en dessous de l’épiderme, à la place de la boîte crânienne. Une goutte de sang perla dans le trou. Le Frigg poussa un hoquet d’horreur étranglé, recula à croupetons.
— Whaou, lâchai-je, sonnée. Ça aussi, c’est un prototype ?
— Ne perdons pas notre sens des priorités, rétorqua-t-elle avec morgue.
Et elle chargea l’homme qui, terrorisé, roula sur le ventre, se redressa pour courir, se prit un coup du tranchant de la main soigneusement ajusté à l’arrière de la nuque, s’affala et ne bougea plus. La soldate le souleva comme une poupée de chiffon, le chargea en sac à patates sur ses épaules, revint vers la voiture. Encore stupéfaite, je me contentai de lui ouvrir la portière coulissante, puis d’aller ramasser le téléphone qui gisait sur le béton, fixai un instant l’écran déverrouillé mais fendillé en toile d’araignée, l’esprit vide. La Faction nous rattrapait, réalisai-je avec un soubresaut. Elle compensait par la technologie, les manipulations génétiques et le transhumanisme ce que nous pouvions faire avec notre magie. Et elle progressait vite, surtout avec l’aide d’Ekrest.
Je grimaçai, reportai mon regard sur le Frigg affalé sur le siège arrière, la tête tombant en avant, me secouai pour me reprendre, fis défiler la liste standardisée de contacts jusqu’au centre de coordination. Une brève sonnerie retentit quand je lançai l’appel, avant d’être remplacée par une voix claire :
— Bonjour, confirmez votre matricule ?
— Impossible, désolée. Passez-moi Jason Alvaro, je ne souhaite traiter qu’avec lui.
— Excusez-moi, bégaya le standardiste confus, qui êtes-vous ?
— Passez-moi Jason Alvaro. C’est une prise d’otage.
Silence à l’autre bout de la ligne.
— Ou plutôt, dites-lui de rappeler sur ce numéro.
Et je raccrochai. Rester en ligne était dangereux dans ces conditions, aussi grimpai-je rapidement sur la banquette arrière, bouclai ma ceinture, puis filai dans la configuration du téléphone tandis qu’Éris démarrait.
— Il restera dans les vapes combien de temps ? demandai-je distraitement, bataillant avec le système d’exploitation inconnu.
— Une petite heure si j’ai bien dosé, répondit-elle avec un fin sourire venimeux, et je devinai qu’elle était extrêmement contente d’elle-même.
Je poussai un grognement de satisfaction en mettant le doigt sur les paramètres de mise en veille, que je désactivai, puis fis de même avec la localisation et enfin, me lançai à la recherche des informations personnelles de mon nouvel otage. Trevor Kalen, pas d’âge spécifié, apparemment une épouse ou copine au vu des petits cœurs qui décoraient leurs échanges, mais je ne m’aventurai pas à creuser ni à essayer de qualifier leur relation. Satisfaite d’avoir au moins pu mettre un nom sur la personne, j’attendis l’appel qui ne tarda pas. Bientôt, le téléphone vibrait dans ma main.
— Jason Alvaro des Frigg, se présenta mon interlocuteur sur un ton qui se voulait cordial et chaud, mais que je sentis malgré tout factice et méfiant.
— Lilith Síverdín des Loki, ancienne élève d’Ekrest d’Aube-Court.
— Ah.
Je pouffai. :arrow: Moi aussi j'ai ri.
— Oui, il m’avait dit que vous réagiriez comme ça si j’en venais à vous contacter.
Plus exactement, il me l’avait dit la veille. Mais officiellement, il était mort aux yeux des autres Maisons, il ne s’agissait donc pas de perdre notre avantage stratégique maintenant en laissant échapper l’information.
— Ravi de vous connaître, fit Jason Alvaro après avoir digéré l’information. Que voulez-vous, Lilith ?
Je pris un instant pour exprimer clairement ma pensée, inspirai, me lançai :
— Je pensais avoir à négocier franchement, mais il s’avère que j’ai mis la main sur un traqueur, donc je vais me permettre d’être d’autant plus expéditive que mon otage a vraiment de la valeur… du moins, vivant. Ce conflit m’oppose à la Confrérie, je veux le retrait total des Frigg. Plus de traque, plus de surveillance et d’espionnage, sans même parler de vous voir combattre auprès des Loki.
De l’autre côté retentit un reniflement méprisant, comme si l’idée était totalement aberrante. Mais je savais que Synnöve Kaiser était capable de forcer n’importe quoi, même des alliances improbables.
— Et si vous pouviez faire circuler l’information auprès des autres Æsir, ce serait adorable, mais sinon, tant pis. C’est une affaire familiale et je veux que ça le reste. Votre Trevor sera libéré dans les vingt-quatre heures qui viennent, pour peu qu’il n’y ait plus aucun Frigg impliqué.
De l’autre côté, Jason sembla surpris.
— Pas de rançon, pas de menaces, d’insultes ni d’extorsions ?
— Je ne suis pas la Confrérie ! ricanai-je. Ou plus, en tout cas. Mais si vous le souhaitez, je peux toujours spécifier que ce serait dommage que votre traqueur perde ses facultés magiques, non ?
Il y eut un moment d’intense réflexion, puis le négociateur décréta :
— Ça me paraît un arrangement convenable. Pourrais-je lui parler ?
— Pour le moment, il est dans les vapes, mais je vous rappellerai d’ici une heure, en principe, il se sera réveillé. Ça vous laisse le temps de prendre les mesures nécessaires.
— Vous y êtes allée fort ! se récria-t-il.
Je pouffai, narquoise, reportai mon regard sur Éris, qui slalomait dans la circulation fluide de la banlieue. Pour une fois, je n’y étais absolument pour rien.
— J’ai essayé d’être pacifique, il a essayé de se défendre. Mais à part une bosse, il n’a rien.
— Très bien, soupira Jason Alvaro. J’attends votre appel, je commencerai à faire le nécessaire en attendant.
— Parfait ! Bonne journée ! conclus-je avec un sourire.
Et je raccrochai, satisfaite par la teneur de la négociation, presque trop calme et simple comparée à celles que je menais d’habitude. Ceci dit, ça en disait long sur l’état d’esprit des Frigg, qui n’avaient dû accepter ce partenariat avec la Confrérie qu’à contre-cœur, certainement à cause de vieilles dettes enfouies que Kaiser avait déterrées. Sinon, jamais ils n’auraient exposé l’un de leurs meilleurs éléments à un tel risque.
Je me calai plus confortablement sur le siège arrière, regardai la cité défiler par la fenêtre tandis que la soldate de la Faction nous menait prudemment en direction de l’autoroute, suivant les indications du navigateur intégré à la voiture. Pour le moment, tout se déroulait comme prévu, aussi envoyai-je un bref texto à Ekrest pour lui dire qu’on était en chemin. Puis, je pris le pouls du Frigg, évaluai son teint, me tournai vers la conductrice.
— Ton front va bien ?
— Merci pour votre…
Elle hésita un instant, me jeta un coup d’œil par le rétroviseur central. Je lui souris, amicale.
— … ta considération. Ça va.
Elle parut vouloir en dire plus, mais s’abstint quelques secondes, le temps de formuler plus correctement.
— J’avoue que cette expression surprise sur vos visages est toujours plaisante, grinça-t-elle enfin. Ça compense au moins certains désagréments qui vont avec l’équipement…
— Comme ?
— Les injections. Oh, ne fais pas cette tête, je sais que Scorpio t’en a parlé.
Il me fallut un moment pour me rappeler que Selvigia avait vaguement mentionné son nom de code dans l’un de ses messages.
— Effectivement, admis-je, elle m’en a parlé.
— A-t-elle aussi mentionné qu’elle m’a volé deux doses pour me contraindre à participer à cette expédition ?
Je ne tentai pas de dissimuler un rictus à la fois amusé et contrit.
— Elle a dû oublier. En quoi est-ce si important ?
Un soupir, une longue pause. Les traits d’Éris étaient figés en une façade froide impersonnelle. Ses joues s’étaient creusés alors qu’elle s’en mordait l’intérieur, ses biceps s’étaient imperceptiblement contractés. Sur une autre, ça ne se serait pas vu, mais sur elle, avec ses veines saillantes et ses muscles gonflés, c’était impossible à ignorer. Elle paraissait jeune, mais fatiguée, et l’entraînement intensif qu’elle avait dû subir l’avait vieillie. Son visage s’était tiré, émacié. Elle semblait avoir été plutôt frêle, avant la Faction.
Je la considérai, songeuse quant à son rôle dans ma vie. Figurante éphémère, comme Izel, ou point de contact, brèche entre les deux univers ? Elle serait l’une des rares humaines à connaître le monde mythologique, à nous avoir fréquentés sans perdre sa mémoire en conséquence. Un peu comme Blade.
Le souvenir de l’homme m’effleura, mais je le chassai, le mis de côté. J’aurais tout le temps de me pencher sur son cas quand je le retrouverais… de préférence en un seul morceau.
— C’est long à expliquer, répondit enfin Éris. Pour faire très simple, les injections empêchent les rejets des greffes.
Je notai l’emploi du pluriel, ne fis aucune remarque, car déjà, elle enchaînait :
— Mais il y a tellement plus que ça… Et puis, c’est un bon moyen pour la Faction de me garder sous contrôle.
Un pli d’amertume froissa son front, elle pinça les lèvres.
— C’est trop tard pour reculer, maintenant… et c’est toujours mieux que ce que j’avais avant, pour moi comme pour ma famille… donc je suppose que je devrais m’y accommoder.
À cela, je ne répondis rien. Il y avait toujours une raison « acceptable » de s’accommoder à une mauvaise situation, même si cette raison n’était jamais fondamentalement valable. Une maxime d’Ekrest, dont je commençais à comprendre le sens profond après ces derniers jours. Il n’y avait aucune justification qui puisse préserver une relation toxique, et surtout pas le fait que ça avait été bien par le passé, ça pouvait encore le redevenir. Certaines choses étaient immuables, et le changement des caractères en faisait partie.

Environ une heure plus tard, conformément aux prédictions d’Éris, Trevor Kalen émit un grognement sourd, battit des cils, comme émergeant d’un lourd sommeil. Le canon que je braquai immédiatement sur sa tempe le secoua néanmoins suffisamment pour réveiller un réflexe primitif : il se jeta sur le côté et chercha la poignée de la portière. Sauf que, les mains menottées dans le dos, attaché par sa ceinture, il fut coupé net dans son mouvement. Une plainte de douleur lui échappa quand il se cogna la tête contre la vitre, il me fusilla de ses yeux améthyste brillants.
— Qu’est-ce que tu veux ? fulmina-t-il.
— Ça va ? m’enquis-je, dédaignant la question.
Il cilla, me fixa sans comprendre.
— Ça importe ?
— Un minimum, je ne voudrais pas qu’Alvaro dise que je n’ai pas respecté ma part du contrat.
Un silence.
— Tu as traité avec Jason ? releva-t-il, ébahi.
Je lui souris gentiment, un brin condescendante.
— T’es qui, au juste ?
— Lilith, ancienne Élite, lâchai-je nonchalamment. Ravie de te connaître, Trevor.
Son mutisme stupéfait m’arracha un rire. Je m’adossai contre la portière pour être de biais, embrayai avant qu’il ne se ressaisisse :
— Au fait, avant que tu ne tentes quelque chose de stupide qui me ferait perdre du temps, j’ai effectivement négocié avec votre fameux Jason Alvaro. Chouette type, d’ailleurs. J’ai promis de ne pas toucher à un seul de tes cheveux si les Frigg se retirent du conflit. Tu seras libre dès que je serai au Bifröst, avec une place aux premières loges pour un spectacle sons et lumières si tu le souhaites. Je te demanderai juste d’éviter d’essayer de t’enfuir ou de nous attaquer, Éris et moi, d’ici-là.
Ma tirade lui arracha un froncement de sourcils dubitatif.
— L’autre Loki avec qui j’ai traité était vachement plus vindicatif.
Je haussai les épaules, repris le téléphone de mon otage, que j’avais glissé dans le cendrier de la portière. Trevor grimaça quand il me vit scroller pour retrouver le dernier coup de téléphone. Je relançai l’appel.
— Alvaro ? C’est encore Lilith. Tenez, je vous passe votre traqueur, il vient de se réveiller.
Je le mis en haut-parleur, tendis l’appareil entre le Frigg et moi.
— Trevor, ça va ?
— Heu… je crois… marmonna le concerné, encore sceptique. Un peu sonné. Dis, c’est quoi cette embrouille ?
— Écoute, fit le négociateur calmement, je vais te demander de rester tranquille et de ne pas faire de conneries. Je ne connais pas Lilith, mais je connaissais son prédécesseur, ça devrait bien se passer.
— Tu ne me rassures pas vraiment, là…
— Je m’en doute. Mais…
— Avouez que ça vous donne une très bonne raison de ne pas aider la Confrérie ! interrompis-je avec un rictus.
— Je m’abstiendrai de commentaires là-dessus… soupira Jason Alvaro.
— C’est gentil de votre part, souris-je. Bon, on ne va pas non plus discuter toute la journée, c’était surtout pour vous rassurer tous les deux.
— J’apprécie le geste, fit mon interlocuteur avec ce qui semblait être du respect et de la reconnaissance dans la voix. J’ai pris les mesures nécessaires pour retirer les Frigg de votre affrontement. Bon courage. Et Trevor, pas de conneries, vraiment. Je ne peux pas garantir ton état de santé si tu commences à t’opposer à elle.
Il raccrocha. Je pouffai, ramenai le téléphone à moi avant que l’otage ne tente un geste. Les contacts d’Ekrest étaient souvent bons. Il avait su, avec sa réputation de Loki droit et franc, se construire un réseau qui allait au-delà de la simple collaboration périodique. Quand il donnait sa parole, il la tenait, et ceux qui le connaissaient le savaient. Je commençais aussi à voir où voulait en venir Selvigia quand elle avait dit qu’elle comprenait la méfiance de Kaiser à l’égard d’Ekrest, et son élimination. Ce réseau qu’il s’était constitué pouvait se révéler dangereux pour la commandante. La preuve, il avait suffi d’un coup de fil, d’un bon levier et d’une confiance minimale pour que les Frigg se replient sans poser de questions, ni même mettre en doute ma bonne volonté. Ça me changeait agréablement des négociations tendues appuyées d’insultes et de haine, dont j’avais eu l’habitude à la Confrérie.
Nous gagnâmes l’autoroute, où Éris s’élança à folle allure, cinquante bons kilomètres au-dessus des limites de vitesse autorisée. Elle devait savoir que, plus tôt on arriverait à Çanakkale et plus tôt elle serait libérée de ses obligations envers Selvigia. Quant à nous, nous aurions plus de temps pour nous préparer à l’affrontement, ce qui n’était pas négligeable. Avec les Frigg de retour à l’état neutre, nous pouvions de nouveau user de nos pouvoirs sans craindre d’être repérés, mais nous avions convenu avec Ekrest de les utiliser malgré tout le moins possible par précaution.
— Eh ? lâcha le Frigg, comme frappé par une soudaine idée, après une bonne demi-heure de route silencieuse. T’as dit que t’étais une ancienne Élite, c’est ça ?
J’acquiesçai, muette.
— Comment ça se fait que t’en arrives à de telles extrémités avec ta famille ? Vous êtes censés être les héros des grands vilains, non ?
La tournure me tira un bref sourire, froissé mais amusé malgré tout. Les héros des grands vilains. C’était une jolie formulation pour les pires et les plus psychotiques des assassins que les Neuf Mondes connaissent. Et, certes, nous avions déjà croisé plus meurtrier et plus efficace que nous durant les siècles passés – Kalich le nain ou encore Evle et Tarlak les elfes – mais nous tenions les rênes la plupart du temps.
— Longue histoire, éludai-je sans en ajouter plus. Mais j’avoue que je me suis fait avoir cette fois-ci. Ça faisait combien de temps que vous me surveilliez ?
Ma question eut l’effet désiré : il changea de sujet sans rechigner, fier comme un paon de l’organisation de sa famille et de sa petite traque personnelle.
— On t’a repérée il y a une semaine. Comme on a de… bonnes relations, je suppose, avec la Confrérie, on savait qu’on n’était pas censés avoir de Loki dans le secteur. Et puis on a senti un flux. Énorme d’ailleurs, flippant.
Kirstin et moi, donc, songeai-je en souriant presque au souvenir de l’explosion de flammes. À deux, on avait réussi à déclencher des radars humains à quelques kilomètres de distance, c’était à la fois flatteur et effrayant de dangerosité.
— Depuis, on a traqué, et on t’a localisée après chaque métamorphose à force de quadriller. Même si tu nous a donné du fil à retordre avant-hier. Quel enfer pour te retrouver, même avec une trace aussi forte après toutes ces heures…
Je me permis un rictus grinçant, sans trop savoir si c’était un compliment ou un avertissement quant-à leur facilité à me repérer à cause de ma puissance.
— Et pourquoi ils n’ont envoyé que toi alors ? relevai-je.
— J’étais dans le secteur, et j’étais seulement censé te suivre, te garder à l’œil.
— Au moins, on ne peut pas dire que tu aies échoué.
Ma provocation lui tira un léger rire grinçant, quelque peu irrité.
— Mouais. Je suppose.
— Hé, dites ? lança soudain Éris à l’avant. Ça vous dirait de m’expliquer au moins un peu votre système de familles et de magie, que je sache dans quoi je m’engage ? :arrow: mdr bichette Éris, si seulement tu savais

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<=
Yoss !

Pour ma part, j'ai pas trouvé de grosse faiblesse dans ce chapitre et la fin ne m'a pas sortie de la lecture non plus ^^ Je pense que c'est le côté très informationnel de la fin qui te chiffonnait un peu ? C'est vrai que les dialogues de la dernière partie sonnent un peu moins naturels mais c'est vraiment pas choquant !

Pour en revenir à l'histoire, cette petite prise d'otage pacifique était bien sympa à suivre. Comme le dit Lily, ça change clairement que d'habitude, niveau négociations aussi, et c'est pas pour me déplaire ^^ J'ai pas mal aimé aussi l'axe que tu amènes sur la confrontation Kaiser/Ekrest sur la façon de gérer la Confrérie. Une certaine forme de tyrannie sanglante et implacable d'un côté, la souplesse et l'adaptabilité de l'autre... C'est rigolo car on retrouve les contradictions de Loki là-dedans et je me demande jusqu'où tu pousseras l'idée en soi ! C'est vrai que la Confrérie pourrait vraiment évoluer au sein de leur monde si quelqu'un d'autre la dirigeait.

Bon, maintenant, je veux de la castagne avec Adam 8-) J'ai hâte de lire cette scène :mrgreen:

A plous !
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Re: Le Cycle du Serpent [II] : L'Alliance des Déchus

Message par vampiredelivres »

Bonjour ?
Je vis… enfin je crois. :lol:

TcmA a écrit : mer. 10 févr., 2021 9:13 pmHiellow !
Holà~

Oyé imma read dat right now 8-)

AH. Oké, je vois comment ça se passe :lol:

Non, bien sûr, ça n'excuse rien, ça explique juste ! Tu m'étonnes qu'il en ait eu besoin, bichette (bon, bichette à qui on mettrait bien une tape à l'arrière du crâne, mais bichette quand même).

Let's go chap8~
Ben franchement, pour un truc dont t'es pas très sûre, ça pète quand même !

J'ai beaucoup aimé le calme de la première partie du chap, c'était très doux-amer, avec Izel. Même si on ne la reverra pas, ces petits moments avec elle étaient sympa !
J'ai juste remarqué une répétition : "Elle faisait partie de ces personnes qui passaient en coup de vent, que je détestais et appréciais tant, parce que j’aurais aimé les connaître davantage, même si je savais que nos vies étaient incompatibles." -> Tu en parles déjà plus haut dans le chap et à peu près dans les mêmes termes!

Les événements s'enchaînent toujours très bien, c'est vraiment plaisant à lire x)
Bon bon bon, il a pas l'air ultra fut fut, ce Frigg... La Confrérie les avaient mis au courant qu'ils traquaient un Loki ? Son petit "wesh téki" fait penser le contraire :lol:
D'ailleurs, comment est-ce que la traque fonctionne ? Tu dis dans le chap qu'ils peuvent sentir les énergies magiques, mais est-ce que chaque famille a sa propre "signature" magique ?
"Ces Frigg-là étaient à peu près aussi rares que les Élites de la Confrérie après les complots de Kaiser." je me suis étouffée. J'adore cette Lily cynique, elle me fait bien rigoler :lol:
Nyohoh, Eris ! Déesse de la Discorde, me gusta C: Elle est bien cool et c'est sympa d'en apprendre plus sur la Faction et leurs avancées !

J'ai bien hâte de voir ce que tu nous réserves avec la suite, c'est toujours aussi bien (faux, it gets better avec chaque chap), comme d'hab ! Bon courage pour tout !

La bise~
Heyo !

Bichette x) Une tape à l'arrière du crâne serait bienvenue quand même !

C'est gentil :)
J'ai adoré écrire le passage avec Izel, c'était très très cool que Lily puisse se poser un peu avec quelqu'un, et surtout avec une personne inconnue. Puis ça traduit bien le rythme de vie de Lily et la brièveté de ses rencontres.
Ah, je note, merci !

Il a un cerveau mais il est un peu à la ramasse quand même face à un comportement aussi imprévisible. En même temps, Lily a pas exactement abordé la situation de manière traditionnelle non plus :lol: Il était au courant qu'il traquait une Loki, mais on ne lui avait pas expliqué qui il traquait vraiment.
Exact ! On reviendra dessus plus tard, mais chaque famille a une signature propre. D'où les traqueurs humains de type Frigg.
Cette petite comparaison :mrgreen:
Écoute, on va simplement dire qu'Éris porte bien son nom !

À voir ce que ça donne, la suite arrive ^^

La bise !


louji a écrit : jeu. 11 févr., 2021 6:58 pm Bonjouuuur !
On attaque avec la fin de ce chapitre la partie qui me complique la vie depuis… que j'ai commencé à écrire ce tome en fait. Je ne garantis pas de la graaande qualité pour le final de la P1 du coup, j'en serais bien incapable. Mais je vais me repencher sur les trois chapitres qui viennent dans les prochaines semaines, je n'abandonne pas encore l'idée d'en tirer quelque chose :D
D'ici-là, bonne lecture ! :arrow: Hey ! C'est pas grave, il y a toujours des passages comme ça qui nous cassent la tête ^^ Tu pourras y revenir plus tard au pire !
Ouiii, clairement !


CHAPITRE 8


Ma nuit suivante fut plus calme, quoi que encore :arrow: qu'encore ? Certes agitée de cauchemars. Au moins, cette fois-ci, ma dispute avec Ekrest n’y revenait plus. Je m’éveillai donc, abrutie de sommeil, épuisée malgré les huit heures de « repos », et me dirigeai comme la veille droit vers la cuisine. Izel y était déjà, assise à la petite table près de la fenêtre, une tasse de thé fumante entre les mains. Son alliance argentée scintillait sous les pâles rayons du soleil levant. En me servant mon thé, je me demandai un instant qui portait sa jumelle et où il était passé. Il n’y avait pas de vêtements masculins dans les penderies, et aucun signe d’une autre personne que la maîtresse des lieux dans les pièces communes.
Izel surprit mon regard curieux, un sourire triste étira ses lèvres minces.
— Parti là où je ne peux pas encore le rejoindre.
La tonalité définitive, fataliste et résignée, de sa voix, amena une boule dans ma poitrine. Je me servis une tasse de thé, m’assis face à elle. Izel n’était qu’un courant d’air dans ma vie, une apparition fugace que je ne recroiserais plus jamais. Ils avaient déjà été nombreux dans son cas, et je me doutais qu’ils seraient encore nombreux après elle, pour peu que je survive à ma rencontre avec Adam. Pourtant, ces rencontres éphémères, ces brèves discussions épisodiques :arrow: ça fait un peu pléonasme non ? :ugeek: Y'a le côté intermittent de "épisodique" que je voulais justement mettre en avant ^^ Mais ça fait peut-être un peu dense oui. où nous n’aurions jamais vraiment le temps de nous connaître, me laissaient toujours marquée, songeuse. Les émotions que ces voix étrangères véhiculaient une autre réalité que la mienne, tout aussi complexe, souvent tout aussi douloureuse.

Je ricanai. C’était effectivement une solution… quoique castrer Adam après avoir assassiné sa fille pouvait être très mal interprété. :arrow: Techniquement, puisqu'ils sont métamorphes... :geek: :lol: Alors oui mais l'honneur d'Adam va beauuucoup en souffrir :lol:

— Pour un traqueur, ta trace est aussi facile à suivre que si tu utilisais ta magie en permanence.
Je fronçai le nez. Un traqueur ? Ces Frigg-là étaient à peu près aussi rares que les Élites de la Confrérie après les complots de Kaiser. :arrow: J'aime beaucoup cette expression (je pleure et je rigole en même temps dans l'idée, quoi) Je savais que ça allait vous faire sourire x) Ils pouvaient percevoir les résidus de flux magique émanant d’un demi-divin encore quelques heures après qu’il ait cessé d’utiliser sa magie, là où les Frigg normaux ne ressentaient le flux que lorsque l’individu utilisait activement ses pouvoirs. En résumé, c’était des détecteurs très rares. Et très coûteux.

Le Frigg se redressait péniblement. Je refermai mes doigts sur la crosse de mon Glock, m’avançai à petits pas précautionneux. Brusquement, il fit apparaître un pistolet, tira deux fois. Je plongeai sur le côté par réflexe, mais ce n’était pas moi qu’il visait.
Un choc métallique résonna. Je pivotai vers Éris, prête à la voir s’effondrer, mais quand elle tourna la tête vers moi, elle souriait. Dans son front, entourée d’un fin liseré sanglant, était incrustée la pointe aplatie d’une cartouche de 9mm Parabellum. :arrow: Elle reconnaît le modèle de la balle à distance ? :lol: C'est un calibre standard ;) Je cillai, peinant à en croire mes yeux quand elle leva la main et la retira tranquillement du bout des doigts, dévoilant une plaque de fer insérée quelques millimètres en dessous de l’épiderme, à la place de la boîte crânienne. Une goutte de sang perla dans le trou. Le Frigg poussa un hoquet d’horreur étranglé, recula à croupetons.

— Jason Alvaro des Frigg, se présenta mon interlocuteur sur un ton qui se voulait cordial et chaud, mais que je sentis malgré tout factice et méfiant.
— Lilith Síverdín des Loki, ancienne élève d’Ekrest d’Aube-Court.
— Ah.
Je pouffai. :arrow: Moi aussi j'ai ri. :D

— Hé, dites ? lança soudain Éris à l’avant. Ça vous dirait de m’expliquer au moins un peu votre système de familles et de magie, que je sache dans quoi je m’engage ? :arrow: mdr bichette Éris, si seulement tu savais Ehehehe :mrgreen:

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Yoss !

Pour ma part, j'ai pas trouvé de grosse faiblesse dans ce chapitre et la fin ne m'a pas sortie de la lecture non plus ^^ Je pense que c'est le côté très informationnel de la fin qui te chiffonnait un peu ? C'est vrai que les dialogues de la dernière partie sonnent un peu moins naturels mais c'est vraiment pas choquant !

Pour en revenir à l'histoire, cette petite prise d'otage pacifique était bien sympa à suivre. Comme le dit Lily, ça change clairement que d'habitude, niveau négociations aussi, et c'est pas pour me déplaire ^^ J'ai pas mal aimé aussi l'axe que tu amènes sur la confrontation Kaiser/Ekrest sur la façon de gérer la Confrérie. Une certaine forme de tyrannie sanglante et implacable d'un côté, la souplesse et l'adaptabilité de l'autre... C'est rigolo car on retrouve les contradictions de Loki là-dedans et je me demande jusqu'où tu pousseras l'idée en soi ! C'est vrai que la Confrérie pourrait vraiment évoluer au sein de leur monde si quelqu'un d'autre la dirigeait.

Bon, maintenant, je veux de la castagne avec Adam 8-) J'ai hâte de lire cette scène :mrgreen:

A plous !
Yosh !
Ouep, c'est le côté très explicatif de la fin qui me fait grincer des dents… m'enfin bon, on verra.

Ah, les contradictions fondamentales des Loki ! C'est un truc qui me fait vraiment kiffer, parce qu'ils sont tellement tordus dans leur mentalité… :lol: Kaiser a effectivement cette implacabilité, mais d'un autre côté, on ne peut pas nier qu'elle est efficace. D'un autre côté, Lily et Ekrest sont des électrons libres, donc ça change le dynamisme de leur fonctionnement… mais est-ce que c'est mieux ? En tout cas, la question de comment la Confrérie pourrait évoluer sera abordée (un jour !).

Yé ! :twisted:
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Le Cycle du Serpent [II] : L'Alliance des Déchus

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CHAPITRE 9


À mi-chemin, Éris et moi échangeâmes nos places, et je repris le fil de mes explications. En un peu plus de trois heures, j’avais eu le temps de poser les bases de la mythologie nordique et d’expliquer les concepts fondamentaux à quelqu’un qui ne s’y était jusque là intéressé qu’en surface. J’avais également eu l’occasion de briser quelques mythes sur la culture viking, qui perduraient encore aujourd’hui au travers des Maisons les plus traditionalistes.
— Donc toi, tu es une fille de Loki de première génération…
J’approuvai d’un signe de tête distrait, focalisée sur la circulation qui se densifiait.
— Et tes pouvoirs sont la métamorphose, les illusions et la pyrokinésie, résuma-t-elle.
— Pyromagie, corrigeai-je d’instinct.
Je n’étais pas une puriste ni même une férue de la terminologie mais, pour reprendre les termes de Selvigia, la pyromagie était l’art de la pyrokinésie porté à son paroxysme. Le fondement était le même, c’était de la magie de feu, mais là où la pyrokinésie n’était que l’usage de la magie sous sa forme brute, la pyromagie requérait une connaissance parfaite des enchantements et rituels associés. Ma sœur en était d’ailleurs la spécialiste incontestée au Manoir.
— C’est pareil.
Je pouffai, mais m’abstins de la contredire. C’était un sujet pointu, requérant nombre d’années d’études, et je n’avais de surcroît pas envie de l’aborder avec mon otage à côté.
— Et toi, poursuivit Éris en pointant du canon de son pistolet ledit otage, tu es un fils de Freyja…
— Frigg.
Elle soupira.
— C’est quoi la différence, déjà ?
Son air perplexe me tira un rire amusé, auquel elle répondit par un regard torve.
— Freyja est la déesse de l’amour. Elle appartient par naissance au clan vanir. Frigg est une asyne, prophétesse et épouse d’Odin, l’Alfadir.
Elle battit des paupières à la mention du terme norrois qui signifiait « Père de tout », finit par assimiler la différence entre les deux déesses… et releva :
— Mais les deux peuvent se transformer en faucon ?
— Presque.
Éris poussa une plainte désespérée, et je rigolai doucement. La vérité était que l’asyne et la vane étaient très souvent confondues de par leurs similitudes. Toutes deux déesses de l’amour et de la fertilité, l’une capable de voyager en se métamorphosant en faucon, et l’autre grâce à un manteau en plumes de faucon, elles étaient parfois assimilées à une seule et même personne par les théologiens. Pour nous cependant, c’étaient deux divinités bien distinctes. Si Frigg avait le don de prophétie et pouvait filer les nuages, Freyja pouvait par sa seule présence influencer le cours d’une bataille et favoriser l’armée de son choix.
— Ok. Bref. Du coup, tu es un fils de F…rigg… et tu peux ressentir la présence d’autres demi-divins… et parfois voir des bribes d’avenir proche.
— C’est ça, acquiesça Trevor.
Depuis qu’il avait pu parler avec Jason Alvaro, et après avoir vaincu ses réticences à l’idée de parler de magie avec une profane, il s’était montré étonnamment coopératif, et plutôt bon professeur. J’avais cependant remarqué son bref sursaut quand l’Altérée s’était installée à côté de lui sur la banquette. Le souvenir de la pointe de la cartouche incrustée dans son front devait être encore frais dans son esprit.
Éris médita un moment sur nos parentés respectives. J’avais très vite réalisé que, même si elle avait effectivement affronté de nombreux demi-divins sur le terrain – apparemment, on l’envoyait régulièrement dans les zones d’affrontement entre Æsir et Vanir – elle n’en savait que peu sur l’origine réelle de nos pouvoirs et nos classifications. La discussion avec elle, les constantes explications que je devais fournir, m’avaient tenue éveillée. Mais, au fur et à mesure que le silence s’éternisait, je me surpris à papilloter, somnolente. Mon sommeil s’était nettement dégradé ces derniers jours.
Mes pensées dérivèrent vers le Manoir, et un sourire nostalgique effleura mes lèvres quand je songeai à tous ceux que j’y avais connus. Elisa. Karen. Les jumeaux Svaalin. Sam. Tant de personnes qui avaient fait partie de ma vie quotidienne au Manoir, et qui avaient fini par travailler avec moi. À qui étaient-ils affiliés maintenant, Levi, Adam ou quelqu’un d’autre ? Combien se rappelaient de moi, et combien gardaient de bons souvenirs de nos échanges ?
À défaut d’être populaire comme Adam, j’avais toujours essayé d’être juste. Cela ne m’avait jamais réellement valu de l’affection de la part des autres, mais au moins, certains avaient respecté le travail que je fournissais. Je n’avais jamais eu besoin de leur affection, ceci dit, simplement de leur loyauté et de leur confiance.
Mais aujourd’hui, combien de ces visages familiers devrais-je affronter, peut-être même tuer, pour sauver ma peau ?
Mon estomac se noua, je dus crisper les poings pour réprimer un début de tremblement en songeant à Vanessa. Mes frères et sœurs étaient pour la plupart aussi innocents qu’un Loki pouvait l’être, inconscients des machinations de la commandante. Ils pensaient certainement que j’étais une traîtresse, que me tuer ne serait qu’un juste châtiment pour celle qui avait trahi son serment de loyauté. Ceux qui travaillaient avec Adam depuis longtemps, et à qui j’avais bien souvent mis des bâtons dans les roues, se feraient même une joie de m’éliminer. Avant, ils n’avaient jamais pu se le permettre parce que je faisais partie de la famille. Maintenant que j’étais une paria, en revanche, ils auraient l’aval des deux Kaiser pour tirer à vue, et certains n’hésiteraient pas, j’en étais certaine.
Je serrai les dents, me focalisai sur Ekrest et les autres Élites pour m’obliger à me rappeler pourquoi je me battais. Comme je l’avais expliqué à Jason Alvaro en négociant, je n’étais pas la Confrérie… ou du moins, plus maintenant. Je devais faire face, affronter ceux qui auparavant avaient été les miens. C’est eux ou moi, Kalyan avait dit quelques jours plus tôt en reprenant mes mots. Soudain, je réalisais la force et la détermination dont il avait fait preuve en préparant mon évasion, en sachant que cela occasionnerait des morts chez les siens. Au moment où j’avais tué, il n’avait pas bronché, n’avait pas failli. Mais, contrairement à lui, qui questionnait les agissements des Thor depuis longtemps, je ne doutais de ma famille que depuis peu.
L’idée de Kalyan parvint, étrangement, à chasser mon amertume et mes regrets prématurés. Ce n’étaient pas tant les bons moments qui revenaient que les pires. La souffrance. La terreur. L’incertitude. L’abandon. Je quittai un instant la circulation des yeux pour fixer les bracelets dorés qui n’avaient plus quitté mes poignets depuis que j’avais décidé de les conserver. Leur poids, désormais familier, était quasiment imperceptible, tout comme la sensation du métal contre ma peau. Ils représentaient mes cicatrices, celles que j’avais choisies de porter, mes souvenirs, gravés au fer rouge dans ma mémoire. Je ne pouvais pas abandonner, tout comme je ne pouvais pas ignorer les conséquences de mes actes ou oublier ce que j’avais enduré. Les Kaiser voulaient ma mort. Céder sans combattre, quelle que soit la raison, serait leur accorder une victoire que je leur refusais depuis plus de quatre mois. Ils ne m’auraient pas maintenant, je ne les laisserais pas m’exécuter après tout ce que j’avais subi par leur faute.
Mon téléphone sonna soudain dans mon sac à dos. Éris me consulta brièvement du regard, puis le sortit, décrocha, et le posa à côté de moi sur l’accoudoir central, en haut-parleur.
— Hey ! salua Selvigia à l’autre bout.
— Tu t’en sors ? souris-je.
— Je suis sur place, soupira-t-elle, sa grimace perceptible dans sa voix. Et la Confrérie aussi.
— Combien, au jugé ?
— Une trentaine. Il me semble qu’on peut s’en occuper tranquillement, soupira-t-elle, mais… Je ne sais pas. Ça me rend malade de savoir que…
Elle n’acheva pas sa phrase, mais je compris l’idée générale. On allait se battre contre les nôtres. Pire encore, nous deux, nous étions les plus jeune de notre petite troupe de parias, ce qui signifiait que nous étions celles qui connaissaient le mieux nos actuels ennemis. Ils avaient été pour certains nos frères d’armes, encore six mois plus tôt.
— Je vois ce que tu veux dire, marmonnai-je.
Un panneau indiquait la ville de Çanakkale, située dans la province du même nom. Je dus louvoyer pour prendre la sortie à temps sans perdre ma vitesse, marmonnai une bordée d’injures qui fit ricaner ma sœur.
— Tu conduis ?
Je lâchai un grognement d’approbation, grincheuse. Une question me brûlait les lèvres.
— Ils n’ont pas encore fait venir Blade, non ? osai-je après un bref silence.
— Pas encore.
Je tentai d’analyser l’information. Adam pouvait aussi bien le relâcher qu’essayer de s’en servir comme appât pour m’obliger à me rendre sans faire d’histoires… en sachant pourtant pertinemment que je ne marchandais jamais ma propre vie, quels que soient les enjeux. Malgré tout, j’espérais de tout cœur qu’il aurait la patience d’attendre que je sois face à lui pour exécuter Blade, et ensuite se gausser de moi qui me jetais dans la gueule du loup en pleine connaissance de cause. C’était bien son genre, et je comptais un peu dessus. Adam avait une logique étrange, une sorte de volonté de se prouver à lui-même qu’il maîtrisait toujours la situation, ce qui donnait à ses actions une allure décousue au départ, mais produisait bien souvent les résultats escomptés. Il ne tolérait pas l’échec. Ni la troisième place à laquelle il s’était fait recaler lorsque j’étais arrivée dans l’Élite, d’ailleurs.
Son air meurtrier dans le café, quelques jours plus tôt, me revint en mémoire, et je grimaçai. Il voulait ma mort, il comptait achever le travail que les Thor avaient été chargés de faire. Je l’avais entrevu dans son attitude, ses gestes brusques, son air à fleur de peau. De plus, pour une fois, il savait où m’attendre, ça lui donnait l’avantage du terrain.
— Ok. Écoute, je te rappelle en arrivant ?
— D’accord ! Fais pas d’accident.
Et elle raccrocha. Je souris, fis disparaître mon téléphone, et poussai un soupir en me décidant à essayer de psychanalyser Adam. Il avait un compte à régler avec moi, certes, mais surtout, il était extrêmement prétentieux, et trop sûr de ses capacités. S’il n’attendait vraiment que moi, il me laisserait venir à lui, pour s’attribuer le mérite du piège qu’il m’avait tendu. Il avait besoin de se prouver qu’il était meilleur. Bien sûr, au Manoir, il avait caché cette vulnérabilité sous sa façade arrogante et cynique, mais la vérité était que je l’avais ébranlé en lui volant « sa » place. J’avais perturbé son petit équilibre parfait, et sa nature cérémonieuse l’obligeait à régler ça en public, de préférence en m’humiliant devant au moins la moitié de la Confrérie. Il ne chercherait pas à être efficace, mais théâtral. Ce qui signifiait entre autres que la scène serait potentiellement retransmise en direct ou presque.
— Hum… Viper ? Enfin, Lilith ?
— Oui ?
— Il faut que tu saches quelque chose…
Au ton de la voix d’Éris, mélange de colère et de tristesse, je devinai que la nouvelle ne me plairait pas. Elle hésita. Je repassai en flash ma conversation avec Selvigia, me doutant que c’était quelque chose que j’avais dit qui avait provoqué une réaction chez la soldate maintenant.
Or, il n’y avait qu’un seul sujet qui nous était commun. Blade.
Dans le rétroviseur, je croisai une seconde son regard noisette, y lus la réponse à la question que je venais à peine de formuler dans mon esprit. Mon sang se glaça dans mes veines.
— Il est déjà mort… articulai-je péniblement, la langue pâteuse. N’est-ce pas ?
L’Altérée acquiesça sombrement.
— Protocole de sécurité. Quand tu as signalé à Psi que Blade était irrécupérable, il a déclenché à distance l’explosion de sa micropuce.
Elle porta la main à sa nuque en un mouvement instinctif, et je compris l’idée générale. Qu’avait dit Psi, déjà ? Ils avaient enregistré un pic d’adrénaline chez Blade grâce à son implant. Si la Faction était aussi technologiquement avancée que je l’avais deviné, les puces géolocalisatrices qui mesuraient également les constantes vitales, chargées d’un explosif miniature, ne devaient pas être l’objet le plus complexe qu’ils fabriquaient.
Je battis des paupières, soufflai longuement. Cela faisait de plus en plus de sang allié sur mes mains. Pour moi qui avais toujours appris à ne laisser personne derrière, au péril de ma propre vie si nécessaire, c’était un coup dur à encaisser, même s’il n’était pas de ma famille.
Pourtant, il n’était personne. Un simple soldat, affecté à ma protection, que j’avais appris à apprécier durant cette brève semaine que nous avions passée ensemble. Il m’avait aidée à oublier, avait tenu les cauchemars à distance. Il était mort pour que je puisse fuir, même s’il n’avait pas fait ce choix de lui-même.
Merci Blade, songeai-je, la gorge nouée.

Je ne prononçai plus un mot jusqu’à ce que nous ayons dépassé la ville de Çanakkale. Ce fut une longue route silencieuse, entrecoupée de brefs échanges ponctuels entre Éris et Trevor au sujet des Maisons, mais aucun des deux n’osa m’interpeller. Pour ma part, je me perdis dans les limbes de mes souvenirs du Manoir, songeant – encore et toujours – aux deux Kaiser.
Je ne les comprenais pas. À part prendre ma place au classement et bousculer un peu l’ordre établi, jouant avec les frontières de ce qui était autorisé par les règles familiales, je n’avais jamais rien fait qui puisse me valoir une telle haine. Ce qui signifiait que, si ce n’étaient pas mes actions qui me mettaient en tort à leurs yeux, c’était ma présence. Mais en quoi mon existence aurait-elle menacé Synnöve Kaiser ?
Lasse de buter encore et toujours sur les mêmes questions sans avoir ne serait-ce qu’une piste de réponse, je finis par me garer dans une petite station-service désuète, située aux abords de l’Apollon Smintheion. Situé à une soixantaine de kilomètres du site archéologique de Troie, c’était le vestige d’un sanctuaire grec perdu au milieu de la cambrousse turque, dédié au dieu du soleil, de la musique et de la poésie. À perte de vue, il n’y avait que la mer, vers laquelle le soleil plongeait, et des broussailles verdoyantes qui viraient au brun dans la lumière rosée du couchant. Je coupai le moteur en apercevant la seule autre voiture stationnée sur le côté, sautai hors du véhicule. Ekrest, plus barbu que d’habitude, le visage dissimulé par une casquette, m’accueillit d’un sourire que je ne lui rendis pas.
— Blade est mort, lâchai-je d’emblée.
Aucune réaction. Il le savait déjà depuis longtemps, il ne m’avait juste rien dit.
— Un problème ? releva-t-il finalement d’un ton sec.
— Non. Ça aurait été sympa de me prévenir, par contre, j’aurais passé moins de temps à anticiper son évacuation et plus de temps à me préparer.
— D’accord.
Je finis par esquisser un fin sourire en soutenant son regard inquisiteur, légèrement désapprobateur, qui traduisait aisément ses pensées. Les mois au Q.G. des Thor m’avaient rendue sentimentale, vulnérable. Je m’étais attachée trop vite à la présence de quelqu’un à mes côtés. J’étais faillible, en manque de soutien et d’affection.
Mais Blade n’était plus, et rien que je fasse ne changerait ce fait.
— C’est parti ? proposai-je en levant le menton.
Ekrest acquiesça sobrement et, ensemble, nous nous dirigeâmes vers ma voiture. J’ouvris la portière du côté de Trevor Kalen, détachai sa ceinture, puis m’écartai en lui faisant signe de sortir. Il s’exécuta lentement, ses yeux violets rivés dans les miens, et un instant, je craignis qu’il ne décide de m’attaquer. Mais après ce qui sembla être un long moment d’intense réflexion, il m’adressa une sorte de rictus narquois, inspira à pleins poumons l’air chaud et sec de la région, regarda autour de lui avec une curiosité non dissimulée. De son côté, Ekrest accueillit Éris en lui tendant une fiole remplie d’un liquide bleuté, qu’elle récupéra avec méfiance et précaution.
— Merci, je suppose…? grommela-t-elle. La deuxième si je combats, c’est ça ?
Ekrest répondit par l’affirmative, et elle interrogea :
— Ils seront combien ?
— Une trentaine apparemment, en plus des gardiens du site.
Je déverrouillai les menottes de Trevor Kalen, me reculai de deux pas.
— Tu es libre, annonçai-je tranquillement.
— Vraiment ? C’était quoi l’intérêt de m’amener jusqu’ici alors ?
— Donner une excuse à ta famille pour se tenir à l’écart. Et puis, m’assurer que tu ne me pisterais pas. T’emmener avec moi tout le long, ça m’évite de me demander si tu me suis encore ou si tu m’as déjà perdue.
Il roula des yeux, poussa un long soupir en se frottant les poignets, observa les environs sans avoir l’air de reconnaître les lieux. Partout autour de nous, il n’y avait que des landes arides et rocailleuses, desséchées par l’été brûlant, parsemées de petits arbres et arbustes, cisaillées de chemins de terre battue.
— On est où ?
— Pas loin du Bifröst, répondis-je.
— Le fameux pont arc-en-ciel qui mène aux autres mondes ? releva Éris, soudain très intéressée.
Notre silence fut plutôt équivoque.
— Mon portable ? réclama Trevor.
Je lui tendis l’appareil à l’écran lézardé de toiles d’araignées. Il me fixa avec un mélange d’étonnement et d’intérêt.
— T’es bizarre.
— Je sais, dis-je en soutenant son regard sans crainte.
Après quelques secondes de face-à-face durant lequel il me sonda de ses iris violets emplis de questions muettes, il finit par hausser les épaules, baisser la tête pour pianoter sur son téléphone ce qui ressemblait à un code d’ouverture de portail. Je reculai par précaution d’un pas, il releva le nez.
— Eh bien… au plaisir de te recroiser un jour, je suppose ? hésita-t-il.
— Dans de meilleures conditions, espérons.
Il pouffa, et je ricanai doucement. Clairement, la situation le laissait perplexe. Mais il finit par se décider à accepter l’étrangeté, appuyer sur le bouton de son téléphone, et, un flash de magie plus tard, il avait disparu. Je me tournai vers Ekrest avec un sourire.
— Phase un ok.
— Phase deux, sourit-il en retour. Tu te sens prête ?
Son authentique sollicitude me tira un sourire attendri. Je lui rendis un bref clin d’œil, rivai mon regard sur son bras, chargé de bracelets tribaux multicolores, épais de la largeur de mon pouce. En y accordant un peu plus d’attention, on pouvait distinguer des losanges aux couleurs vives qui s’imbriquaient les uns dans les autres, dessinant les motifs étincelants de fines peaux de serpents. Je tendis doucement la main, effleurai la surface légèrement rugueuse de l’un des reptiles qui, soudain, s’anima. Ses crochets claquèrent brusquement dans le vide, à quelques centimètres seulement de mon doigt, et je poussai un petit cri de surprise. Ekrest pouffa.
Les iris turquoise brillants, fendus par une pupille verticale étroite, se fichèrent sur moi, le serpent siffla doucement. J’approchai à nouveau mon doigt, cette fois en me gardant de le prendre au dépourvu. Sa langue chatouilla mes phalanges. Les deux autres serpents s’animèrent eux aussi, probablement dérangés par le parfum inconnu, et imitèrent le premier. Ensuite, quand Ekrest effleura du bout de l’ongle leurs dos colorés et prit mon poignet, ils sinuèrent lentement dans ma direction pour s’enrouler l’un après l’autre autour de mon avant-bras en six rangées d’anneaux serrées.
Je m’accroupis en même temps que mon mentor, qui me donna ses dernières instructions :
— Fais attention à ne pas les toucher au moment inopportun. Un contact pour signaler un ennemi, main au sol pour nous donner le signal de la dispersion. Sinon, en cas de réel imprévu, secoue ta main deux fois.
— C’est tout ? fis-je en en considérant les trois corps sinueux.
— Il reste moi.
Sur ces mots, il se métamorphosa lui aussi. Son corps rétrécit brusquement, s’affina, s’étira, jusqu’à ne former qu’une fine corde d’un jaune vif, agressif. Je roulai des yeux en voyant la couleur qu’il s’était choisie, le laissai serpenter le long de mon bras. Il s’installa sur mon poignet, frotta sa tête contre la paume de ma main, puis se mordit la queue et ne bougea plus.
— Whaou, lâcha Éris, l’air sincèrement impressionné.

Le bâtiment touristique qui bordait l’Apollon Smintheion était une petite construction de pierre trapue, aplatie, composée d’une entrée principale, d’une salle d’exposition et d’une sortie qui donnait sur le site archéologique en lui-même. Du moins aux yeux des mortels. Quand j’achevai mon enchantement et relâchai la main d’Éris, elle ne réfréna pas une exclamation stupéfaite. Soudain, un second étage était apparu, bien plus moderne, doté de larges baies vitrées qui couraient d’un bord à l’autre des longs murs, conférant aux Heimdall qui géraient le lieu une vue à trois cent soixante degrés sur les alentours. L’un d’entre eux était d’ailleurs appuyé contre une vitre et nous fixait ouvertement. Je consultai Éris du regard. Elle acquiesça, ses yeux violets lumineux scintillants dans la pénombre qui s’installait. Pour ma part, même si je savais que les Heimdall verraient au travers, j’avais posé sur moi-même une illusion qui rendait mes iris bleu électrique. Le but était simplement de les induire en erreur au sujet de l’identité d’Éris, qui portait des lentilles d’un turquoise vif en plus de l’illusion.
— Je m’occupe de ceux du haut, soufflai-je une fois à l’intérieur en tirant une porte dérobée qui donnait accès au deuxième.
L’Altérée ne dit rien, mais je discernai une lueur sauvage, vindicative, dans son regard. Le goût du sang. Un frisson courut le long de mon échine, je me demandai si c’était ce que Trevor avait vu quand elle avait chargé pour l’assommer. En tout cas, j’étais soudain certaine d’une chose : c’était là la vraie Éris, la combattante de la Faction. Tout ce que j’avais vu d’elle jusque là n’était qu’une illusion savamment tissée. Et si je ne prenais pas garde, elle serait capable de s’attaquer à moi aussi ; après tout, elle ne haïssait aucune Maison en particulier.
Je contins une grimace, songeai un instant aux risques qu’Ekrest m’avait exposés la veille, quand nous avions élaboré le plan. La soldate était un électron libre, quasiment imprévisible. La seconde fiole qu’Ekrest devait lui rendre n’était peut-être pas une motivation suffisante, et j’anticipais déjà la trahison qui menaçait.
Nous débouchâmes dans une large pièce illuminée, à l’ameublement moderne, pourvue de nombreuses cloisons qui délimitaient de petits espaces de travail. Ce soir étant – apparemment du moins – une soirée tranquille, les Heimdall n’étaient que trois à l’accueil, et probablement guère plus dans les bureaux cloisonnés qu’on entrevoyait. L’un d’entre eux était occupé à surveiller les caméras, entièrement focalisé sur sa tâche, le second se donnait un affairé en triant de la paperasse. En principe, les gérants de cette base étaient supposés représenter la neutralité, et se montrer impartiaux en toutes circonstances, qu’importent les conflits qui agitaient les Maisons. Mais quand le troisième leva ses yeux aux iris laiteux sur moi, et qu’une grimace mesquine quasiment imperceptible déforma son expression avenante, je sus que l’ordre ce soir ne serait pas respecté. Je fis un bref signe de la main, invisible aux Heimdall, à Éris, qui battit trois fois des paupières.
— Bonsoir, nous salua platement le troisième. Vous souhaitez passer aujourd’hui ?
— Exactement, m’entendis-je répondre avec une prudence non-dissimulée. Une traversée anonyme.
Les deux autres relevèrent vivement la tête un instant, puis se replongèrent dans leurs activités comme si de rien n’était.
— Malheureusement, fit le Heimdall sans une once de regret dans la voix, des mesures spécifiques ont été mises en place en raison de récents… troubles. Et malgré notre neutralité, nous ne voudrions certainement pas favoriser la fuite de… criminels.
Son sourire faussement suave me filait la nausée, ses hésitations faussement mesurées me donnaient envie de l’étriper. Mais, résolue à pousser la mascarade jusqu’au bout, j’approuvai :
— Naturellement ! Quelles sont donc ces mesures additionnelles ?
— Il nous faut vos noms et un scan rétinien.
Kaiser poussait décidément le vice trop loin, songeai-je avec un grincement de dents intérieur. Corrompre certains de nos ennemis jurés…
Je m’accoudai nonchalamment contre le comptoir d’accueil et demandai :
— Vous ne verrez aucune objection à ce que je vérifie ça avec l’un de vos supérieurs ?
Le Heimdall esquissa un rictus obséquieux.
— Je suis Edward Jackson, le gérant de la base.
Merci pour le nom, souris-je. J’effleurai du bout des doigts les fin anneaux écailleux qui entouraient mes poignets, et les reptiles s’animèrent brusquement. Ils glissèrent de mon bras à la vitesse de l’éclair, serpentèrent sur le comptoir, se propulsèrent jusqu’aux Heimdall affairés, qui ne les remarquèrent qu’à la dernière seconde. Aux cris de stupeur et d’incompréhension s’ajouta bien vite la douleur quand les serpents plantèrent leurs crochets aiguisés dans les peaux aux odeurs inconnues. Le seul qui avait filé vers Éris, en reconnaissant son parfum, s’enroula lascivement autour de sa cheville et darda sa langue bifide hors de sa gueule béante, à la recherche d’autres proies.
Je contournai le comptoir d’un pas circonspect, m’accroupis près des trois corps paralysés par le poison foudroyant, adressai un sourire narquois au dénommé Edward. Ce dernier, les yeux hagards, plié en deux par la souffrance, ne parvint qu’à émettre une plainte sourde en voyant que je coupais un enregistrement sonore sur mon téléphone et l’envoyais à Ekrest.
— Une belle ânerie cette histoire de sécurité additionnelle. Je suis certaine que tes supérieurs seront médusés quand tu vas leur expliquer comment tu t’associes à la Confrérie et trahis ton serment… si toutefois tu survis pour le leur raconter.
Ses yeux exorbités roulèrent, affolés, mais je me contentai de tendre la main pour laisser les serpents remonter le long de mon bras l’un après l’autre.
— De toute manière, on sait tous que votre rôle n’est qu’administratif, ajoutai-je, dédaigneuse. Sire Heimdall, je demande le passage !
C’était peu orthodoxe, totalement contraire aux conventions, protocoles et autres accords que les Maisons avaient signé des années auparavant, mais aux grands maux les grands remèdes. Je me redressai.
— C’est tout ? interrogea Éris, l’air dépité.
— Pour l’instant. On ne fait que neutraliser la sécurité locale.
— Ils n’étaient pas bien coriaces…
— À part voir au travers des illusions, ils n’ont pas de talent particulier, reniflai-je.
Ma haine envers les Heimdall – un trait inné à tout enfant de Loki – la fit pouffer. Je sondai la salle, fouinai dans les moindres recoins, à la recherche d’autres occupants, mais il n’y avait plus personne. Un coup d’œil au système de surveillance m’apprit que la base avait coupé le contact avec le Q.G. des Heimdall pour la soirée… probablement pour ne pas ébruiter la traîtrise de certains. Pour le moment donc, tout se déroulait comme prévu. À mes poignets, les serpents ondulaient doucement, hautement satisfaits de leur travail. Je m’approchai de la baie vitrée qui donnait sur le temple d’Apollon. Dans l’obscurité grandissante, quatre silhouettes assises se reposaient dans l’ombre des colonnes… et une trentaine d’autres, dissimulées par des illusions d’invisibilité, patrouillaient sur le périmètre. À cette distance, impossible de distinguer la couleur de leurs yeux, mais ce n’était pas nécessaire. Je fis apparaître mon M16 en bandoulière et mes Glocks dans leurs holsters, inspirai profondément.
Éris me précéda en direction des escaliers, l’air enchanté par l’idée de foncer tête baissée dans un combat où la magie serait impliquée. Une joyeuse folie meurtrière illuminait ses yeux noisette, débarrassés des lentilles et de l’illusion qui la faisait passer pour une Frigg. Elle avait tiré pour l’occasion un petit Sig Sauer de son holster, mais ne semblait pas particulièrement prône à prendre un fusil d’assaut, préférant clairement le couteau à sa ceinture. Pour ma part, je pris mon téléphone, appelai Selvigia. Elle décrocha sans tarder, avec un trémolo d’inquiétude inhabituel dans la voix.
— Ça va ?
— Ça va, la sécurité est neutralisée, souris-je. Tu es où ?
Selvigia poussa un soupir de soulagement audible, et me répondit :
— Plus loin, mais j’ai un visu. Ton arrivée n’est pas passée inaperçue, ils sont en approche.
Je me mordillai les lèvres, pensive.
— Combien ? interrogeai-je finalement.
— Huit. Plus ceux qui restent sur le site, et trois inconnus, deux Njörd et un Freyja. Il me semble qu’on peut s’en occuper tranquillement, soupira-t-elle, mais…
Un frisson courut le long de mon échine quand je m’imaginai tirer sur Sam, je repoussai l’idée avec une rare violence. Je n’avais plus le temps pour ça, aussi décidai-je de couper court à cette discussion qui menaçait de nous mettre dans un état d’esprit dangereux :
— Bref. On se retrouve sur le terrain. À toi de jouer.
Éris prit les escaliers vers le bas, moi je me dirigeai vers le haut. On savait – enfin, Ekrest savait – qu’il y avait un accès au toit du bâtiment. Une fois en haut, étalée sur le béton frais, j’adressai une brève prière à Syn, puis je fis apparaître mon set de communication de la Confrérie, et commençai à passer en revue toutes les fréquences usuelles de ma famille. La sécurité étant hors d’état de nuire, et l’Altérée prenant momentanément le rôle de distraction, j’avais quelques minutes devant moi.
La plupart des fréquences classiques ne donnèrent rien, sauf une, qui émettait une tonalité aiguë, désagréable, en continu. Je souris, fis apparaître une volute de brume turquoise dans ma main, et la dirigeai vers le petit écran qui m’indiquait la longueur d’onde qu’Adam employait. Le logiciel de reconnaissance intégré à l’appareil moulina quelques secondes avant de valider mon identité de Loki au travers de ma signature magique, puis décrypta l’encodage techno-runique. Les informations remontèrent à mes oreilles.
— Contact dans trois, deux, un… HALTE !
Silence.
— Elle a des lentilles, morphologie grande et massive, musclée.
— Vous êtes sûrs que c’est elle ? releva une voix sèche, légèrement anxieuse.
Un ton rauque, avec une pointe de fureur et d’anxiété contenues. Adam.
— Personne d’autre en vue.
— On en a vu deux entrer. Uruz, trouvez l’autre.
Je souris doucement, me positionnai sur les coudes, face à un petit trou dans le muret qui bordait le toit, sortis une lunette de tir et sondai le terrain. Un sourire m’échappa quand je vis un autre groupe de huit se détacher du paquet de silhouettes situées entre les colonnes blanches en ruines.
— Et Fehu, butez la première.

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Dernière modification par vampiredelivres le jeu. 08 avr., 2021 12:54 pm, modifié 1 fois.
louji

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Re: Le Cycle du Serpent [II] : L'Alliance des Déchus

Message par louji »

vampiredelivres a écrit : mar. 09 mars, 2021 12:05 pm
Yosh !
Ouep, c'est le côté très explicatif de la fin qui me fait grincer des dents… m'enfin bon, on verra.

Ah, les contradictions fondamentales des Loki ! C'est un truc qui me fait vraiment kiffer, parce qu'ils sont tellement tordus dans leur mentalité… :lol: Kaiser a effectivement cette implacabilité, mais d'un autre côté, on ne peut pas nier qu'elle est efficace. D'un autre côté, Lily et Ekrest sont des électrons libres, donc ça change le dynamisme de leur fonctionnement… mais est-ce que c'est mieux ? En tout cas, la question de comment la Confrérie pourrait évoluer sera abordée (un jour !).

Yé ! :twisted:
Ouais, y'a clairement plein de pistes à explorer sur la dualité des Loki. Certes, Kaiser est efficace, mais sa méthode de management la rend antipathique auprès des siens et des autres Maisons. Ekrest et Lily interagissent bien plus avec l'extérieur et s'ils ont pas forcément le leadership pour gérer toute une Confrérie (une équipe ok, la confrérie... c'est une mini-société et tout un délire) (quoique Ekrest éventuellement, s'il accepte d'écouter pour de vrai des conseillers...).
Mais bon, on verra bien :mrgreen:

J'entame la lecture du chap 9!

Héhé, j'ai bien aimé le point mythologique au début. C'est clair que quand tu te penches pas dans les méandres de ce bordel, faire toutes les différences c'est pas évident.
D'ailleurs, j'en profite pour te demander : est-ce que Freyja a déjà été à Asgard auprès des Ases ? (parce que dans le jeu auquel je joue, y'a un moment où je suis à Asgard (me demande pas trop, c'est un Assassin's Creed à la base :lol: ) er y'a Freyja qui est là, mais pas Frigg. Ca m'a fait bizarre)

" encore, nous deux, nous étions les plus jeune" :arrow: jeuneS

"Malgré tout, j’espérais de tout cœur qu’il aurait la patience d’attendre que je sois face à lui pour exécuter Blade, et ensuite se gausser de moi qui me jetais dans la gueule du loup en pleine connaissance de cause." :arrow: c'est un peu lourd, j'ai dû relire la phrase pour la comprendre dans son ensemble ^^

"— Il est déjà mort… articulai-je péniblement, la langue pâteuse. N’est-ce pas ?" :arrow: ah
arf, j'suis un peu dégoûtée j'avoue x) et j'ai encore plus envie maintenant que Lily casse la gueule d'Adam :)

Ah, ma pauvre Lily, on veut tous comprendre les Kaiser. Evidemment que y'a un truc avec toi qui les fais chier (que tu soies l'élue de Loki pour diriger ses armées au Ragnarök... maybe ? Que Kaiser-daronne soit en train d'enfumer Loki compte aussi... que Levi soit un pauvre bouche-trou, ouep. Qu'Adam pleure dans les jupes de sa mère, ouep.)

Ah oui.
Ah d'accord.
Bracelekrest.
(en vré cé stylé j'y auré jamé pensé)

"Elle acquiesça, ses yeux violets lumineux scintillants dans la pénombre qui s’installait." :arrow: Elle est pas censée avoir les yeux noisette ? :geek:
"j’avais posé sur moi-même une illusion qui rendait mes iris bleu électrique" :arrow: ah bah vuélé

Aaaaah c'est trop pas cool d'arrêter le chapitre ici :lol: J'ai un peu beaucoup hâte de lire la suite maintenant x)
En tout cas, la bataille contre Adam est très bien amorcée ! Le passage par les Heimdall était sympa aussi.
Bon, évidemment, j'attends plus ça se tape dessus 8-)

A plous !
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Re: Le Cycle du Serpent [II] : L'Alliance des Déchus

Message par vampiredelivres »

louji a écrit : ven. 12 mars, 2021 10:01 am Ouais, y'a clairement plein de pistes à explorer sur la dualité des Loki. Certes, Kaiser est efficace, mais sa méthode de management la rend antipathique auprès des siens et des autres Maisons. Ekrest et Lily interagissent bien plus avec l'extérieur et s'ils ont pas forcément le leadership pour gérer toute une Confrérie (une équipe ok, la confrérie... c'est une mini-société et tout un délire) (quoique Ekrest éventuellement, s'il accepte d'écouter pour de vrai des conseillers...).
Mais bon, on verra bien :mrgreen:

J'entame la lecture du chap 9!

Héhé, j'ai bien aimé le point mythologique au début. C'est clair que quand tu te penches pas dans les méandres de ce bordel, faire toutes les différences c'est pas évident.
D'ailleurs, j'en profite pour te demander : est-ce que Freyja a déjà été à Asgard auprès des Ases ? (parce que dans le jeu auquel je joue, y'a un moment où je suis à Asgard (me demande pas trop, c'est un Assassin's Creed à la base :lol: ) er y'a Freyja qui est là, mais pas Frigg. Ca m'a fait bizarre)

" encore, nous deux, nous étions les plus jeune" :arrow: jeuneS

"Malgré tout, j’espérais de tout cœur qu’il aurait la patience d’attendre que je sois face à lui pour exécuter Blade, et ensuite se gausser de moi qui me jetais dans la gueule du loup en pleine connaissance de cause." :arrow: c'est un peu lourd, j'ai dû relire la phrase pour la comprendre dans son ensemble ^^

"— Il est déjà mort… articulai-je péniblement, la langue pâteuse. N’est-ce pas ?" :arrow: ah
arf, j'suis un peu dégoûtée j'avoue x) et j'ai encore plus envie maintenant que Lily casse la gueule d'Adam :)

Ah, ma pauvre Lily, on veut tous comprendre les Kaiser. Evidemment que y'a un truc avec toi qui les fais chier (que tu soies l'élue de Loki pour diriger ses armées au Ragnarök... maybe ? Que Kaiser-daronne soit en train d'enfumer Loki compte aussi... que Levi soit un pauvre bouche-trou, ouep. Qu'Adam pleure dans les jupes de sa mère, ouep.)

Ah oui.
Ah d'accord.
Bracelekrest.
(en vré cé stylé j'y auré jamé pensé)

"Elle acquiesça, ses yeux violets lumineux scintillants dans la pénombre qui s’installait." :arrow: Elle est pas censée avoir les yeux noisette ? :geek:
"j’avais posé sur moi-même une illusion qui rendait mes iris bleu électrique" :arrow: ah bah vuélé

Aaaaah c'est trop pas cool d'arrêter le chapitre ici :lol: J'ai un peu beaucoup hâte de lire la suite maintenant x)
En tout cas, la bataille contre Adam est très bien amorcée ! Le passage par les Heimdall était sympa aussi.
Bon, évidemment, j'attends plus ça se tape dessus 8-)

A plous !
En soi, la gestion de Kaiser est plutôt qualitative… et elle serait presque une bonne CEO si elle n'avait pas certains de ses employés dans le viseur. :mrgreen: D'autant plus que, comme tu le dis, la frontière entre famille, entreprise et micro-société est très floue à la Confrérie, ça a tendance à rendre les rapports entre les membres plus que bordéliques. (Je… ouais. Ekrest, écouter quelqu'un d'autre que lui-même ?)

Faut bien donner un peu de contexte… surtout que tu rencontres les Frigg et les Freyja (soon). Et ouais, les nuances sont parfois subtiles, et sujettes à de nombreux débats en fonction de la source que tu choisis x)
Yep, Freyja est une Vane qui a participé à un programme d'échange entre Æsir et Vanir, donc elle squatte à Asgard. Mais elle a aussi sa propre halle Sessrúmnir, sur la plaine de Fólkvangr (que j'ai un peu aléatoirement placée au Vanaheim parce qu'il n'y a pas plus de détails dans les textes). Sinon, que Frigg ne soit pas là… soit ils ont décidé de dire que c'est une même divinité (amalgame relativement fréquent mais j'en doute un peu), soit elle est juste pas à Asgard, planquée dans sa halle, ou alors sur le trône d'Odin en train d'observer le monde, ou encore en balade dans un autre monde.

Merci pour les remarques !

Ça arrive, ça arrive x)
(D'où tu me sors qu'elle est l'Élue ? :lol: :lol: )

Bracelekrest ! :D

Si si, c'est juste que Lily a posé une illusion sur leurs yeux à toutes les deux, du coup Éris passe pour une Frigg (ou du moins pour une Loki qui essaie de douiller en se faisant passer pour une Frigg).

Ravie que ça te plaise ! C'était la partie qui allait encore, le chapitre d'après est vachement plus galère. Mais je progresse !
À pluche ^^
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Re: Le Cycle du Serpent [II] : L'Alliance des Déchus

Message par louji »

vampiredelivres a écrit : ven. 19 mars, 2021 9:18 am En soi, la gestion de Kaiser est plutôt qualitative… et elle serait presque une bonne CEO si elle n'avait pas certains de ses employés dans le viseur. :mrgreen: D'autant plus que, comme tu le dis, la frontière entre famille, entreprise et micro-société est très floue à la Confrérie, ça a tendance à rendre les rapports entre les membres plus que bordéliques. (Je… ouais. Ekrest, écouter quelqu'un d'autre que lui-même ?)

Faut bien donner un peu de contexte… surtout que tu rencontres les Frigg et les Freyja (soon). Et ouais, les nuances sont parfois subtiles, et sujettes à de nombreux débats en fonction de la source que tu choisis x)
Yep, Freyja est une Vane qui a participé à un programme d'échange entre Æsir et Vanir, donc elle squatte à Asgard. Mais elle a aussi sa propre halle Sessrúmnir, sur la plaine de Fólkvangr (que j'ai un peu aléatoirement placée au Vanaheim parce qu'il n'y a pas plus de détails dans les textes). Sinon, que Frigg ne soit pas là… soit ils ont décidé de dire que c'est une même divinité (amalgame relativement fréquent mais j'en doute un peu), soit elle est juste pas à Asgard, planquée dans sa halle, ou alors sur le trône d'Odin en train d'observer le monde, ou encore en balade dans un autre monde.

Merci pour les remarques !

Ça arrive, ça arrive x)
(D'où tu me sors qu'elle est l'Élue ? :lol: :lol: )

Bracelekrest ! :D

Si si, c'est juste que Lily a posé une illusion sur leurs yeux à toutes les deux, du coup Éris passe pour une Frigg (ou du moins pour une Loki qui essaie de douiller en se faisant passer pour une Frigg).

Ravie que ça te plaise ! C'était la partie qui allait encore, le chapitre d'après est vachement plus galère. Mais je progresse !
À pluche ^^
Oui, les rancœurs personnelles envers des membres de sa famille (de son entreprise ? aled :lol: ) ça fait pas bon ménage
OK je vois pour Freyja, je comprends mieux ! Merci pour les explications ^^

(Nan mais c'est obvious que c'est pas Levi et si elle est pas l'Élue, l'Élue, elle aura quand même sûrement un rôle à jouer dans le Ragnarök 8-) (ou alors elle décide de l'empêcher parce que YOLO mdr))

A bientôt !
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Re: Le Cycle du Serpent [II] : L'Alliance des Déchus

Message par vampiredelivres »

louji a écrit : mar. 23 mars, 2021 8:12 pm Oui, les rancœurs personnelles envers des membres de sa famille (de son entreprise ? aled :lol: ) ça fait pas bon ménage
OK je vois pour Freyja, je comprends mieux ! Merci pour les explications ^^

(Nan mais c'est obvious que c'est pas Levi et si elle est pas l'Élue, l'Élue, elle aura quand même sûrement un rôle à jouer dans le Ragnarök 8-) (ou alors elle décide de l'empêcher parce que YOLO mdr))

A bientôt !
Rhoh, famille, entreprise… c'est la même chose, non ? :mrgreen:
Pas de souci ^^

(Pfff. T'es pas drôle. Je te boude. Et je ne confirmerai ni n'infirmerai rien. :lol: )
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Le Cycle du Serpent [II] : L'Alliance des Déchus

Message par vampiredelivres »

Hello !
Vous l'avez compris, je ne maîtrise pas ce chapitre. Et je ne l'aime pas… en tout cas pas sous sa forme actuelle. Mais j'ai passé trop de temps à me prendre la tête avec, donc je vais avancer. Y'a encore plein de trucs à raconter, et il est temps qu'on change un peu de paysage.
Ah oui, aussi, vous allez découvrir Åke :D
Bonne lecture !


CHAPITRE 10


Le site de l’Apollon Smintheion, en pleine nuit, à peine éclairé par un fin croissant de lune, avait une triste allure, indigne de son importance réelle. C’était là que l’Histoire avait débuté pour nous, c’était là que les dieux étaient descendus pour la première fois à Midgard. Aujourd’hui cependant, le lieu pittoresque n’était qu’un pâle reflet de sa grandeur d’antan. De l’immense et antique temple ne restaient que des morceaux de colonnes épars, des vestiges de marches, et des terrains herbeux irréguliers. À l’instar des ruines de Troie, où les visiteurs ne pouvaient se promener que sur des chemins prédéfinis et admirer de loin les restes d’une des plus célèbres guerres entre Æsir et Vanir, ici, l’ensemble du site archéologique avait été transformé en une sorte d’attrape-touristes géant.
Je n’y étais personnellement venue que trois ou quatre fois, à l’occasion de petites expéditions dans les autres Mondes, et je n’étais jamais arrivée par l’entrée des visiteurs. Les Maisons avaient toutes leur portail, dissimulé aux humains par une illusion permanente – le genre de service pour lequel ils payaient chèrement les magiciens de la Confrérie. Mon entrée d’aujourd’hui était une première dans ma carrière… et j’espérais bien que ce serait la dernière fois que je devrais subir ce genre de traitement. Parce que là, à voir le portail bleuté qui scintillait doucement près des ruines, je me doutais que les trente hommes que je discernais malgré leur invisibilité n’étaient qu’un avant-goût de ce que les deux Kaiser s’apprêtaient à déchaîner pour me tuer une bonne fois pour toutes. C’était à la fois extrêmement flatteur, et très frustrant.
La température était clémente, l’air sec, et le ciel dégagé, à l’exception de quelques rares nuages qui masquaient les étoiles. Quand une volée de coups de feu déchira l’air, la quiétude magique du lieu se rompit brutalement. Soudain, les trois silhouettes étrangères à la Confrérie se redressèrent brusquement, anxieuses.
Il y eut un silence dans mon oreillette, puis une plainte anxieuse :
— Attention, elle n’est pas…
La fin de la phrase se transforma en un gargouillis écœurant. Je dus détourner le regard, nauséeuse à l’idée de voir ma fratrie se faire étriper, faillis m’arracher l’écouteur, mais me contins. Je ne pouvais plus me permettre ce genre de comportement. En face, ils n’auraient aucun remords ; c’était donc à moi de faire la part des choses et d’accepter certains compromis et certains sacrifices.
— Putain, vous avez des p’tites têtes… grommela Éris après une vingtaine de secondes de hurlements paniqués.
J’entendis des bruits de frottements tandis qu’elle réajustait le casque, qu’elle avait probablement arraché à l’un des Loki. Puis, elle lança bien audiblement dans le micro :
— R.A.S en bas, Lilith.
— Magnifique, merci ! répondis-je sur les fréquences communes. Salut Adam !
Le silence se fit lourd. Dans ma poitrine, mon cœur battait fort. Adam devait ressentir les mêmes sensations que moi en ce moment même : cette pointe de peur, mêlée à une profonde colère, un peu de sueur sur les paumes, une voix qu’il fallait affermir un peu. En vérité, je n’en menais pas large. Je me souvenais de son expression, quand je l’avais vu au volant du van, dans ce café que j’avais fui à Istanbul. Sa rage intense, brûlante, dévastatrice.
— Tu pourrais te montrer quand même… maugréa-t-il finalement.
— Pour me faire tirer dessus ? Merci mais non merci. On avait un accord, je veux Blade.
Le nom faillit un instant se bloquer dans ma gorge, mais je le fis passer en y mettant un peu de volonté. Prétendre que je ne savais pas que Blade était déjà mort. C’était peut-être la raison pour laquelle Ekrest s’était d’abord gardé de me l’avouer : pour me simplifier le rôle que j’endossais.
Autant me simplifier la vie aussi.
— Mais bon, enchaînai-je, il est mort donc je suppose que ça ne fait plus aucune différence maintenant. Donc concrètement, qu’est-ce que tu as à me vendre d’intéressant pour que je me montre ?
Une rafale de coups de feu rasa le toit sans me toucher, je poussai un long soupir.
— Vraiment ?
— Descends ou on vient te chercher.
— Avec ce qui est arrivé au groupe Fehu, peu de chances que vous arriviez à monter avant que je ne me barre.
Adam lâcha une bordée de jurons aussi colorés qu’imagés. À quatre vigies près, tous ses hommes étaient maintenant tournés vers moi. Je levai la tête vers le ciel, juste à temps pour voir passer, très haut sur la gauche, une forme un peu plus sombre que la voûte étoilée.
— Et avant que tu ne décides d’envoyer tes hommes transformés en pigeons à l’assaut du toit, j’ai une proposition.
— Dis toujours, grommela-t-il.
C’était là qu’il fallait que je sorte mon plus beau jeu d’actrice.
— Ness m’avait confié quelque chose pour toi avant que je ne fuie.
Totalement faux, mais passons. Ce que j’attendais, c’était l’explosion de rage qui ne tarda pas.
— À toi ? Tu te fous de ma gueule ? Comment est-ce qu’elle aurait…
La dissonance était clairement audible, trop évidente. Il souffrait, insidieusement, profondément. Au souvenir de Vanessa, je me crispai imperceptiblement, mais m’obligeai à garder son image dans mon esprit, vivace, lumineuse. C’était le point faible d’Adam que j’avais si longtemps cherché en vain. Et, au risque de maltraiter la mémoire de la gamine, je devais m’en servir, l’exploiter, autant que possible.
— Je te rappelle que j’ai passé près de trois mois là-bas, coupai-je sèchement, j’ai eu le temps de lui parler. Et ne fais pas comme si tu n’étais pas au courant de mon emprisonnement.
Dans le coin de la zone que j’observais à la lunette, l’un des vigies près du portail de téléportation tomba sans un bruit, sans que personne ne le remarque. Les trois autres suivirent rapidement, seul le dernier se fit immédiatement remplacer par un soldat totalement identique, casqué et habillé de noir, couvert comme les autres d’une protection d’invisibilité. Totalement inconscients de ce qui se passait dans leur dos, les autres surveillaient toujours mon toit.
Il fallait que je m’approche, mais avec les Élites accrochés à mon poignet, impossible de me transformer. En outre, si j’y allais en volant, je me ferais descendre par le premier tireur venu. Il fallait que je trouve un autre moyen de réduire la distance.
— J’ai compris, grommela-t-il, j’arrive.
L’une des silhouettes se détacha du groupe et se dirigea vers le bâtiment. Je réprimai un soupir, calai mon M16 dans le trou que j’avais utilisé pour observer les alentours, attendis qu’elle arrive dans mon viseur. Le coup de feu me vrilla les oreilles. Comme au ralenti, le corps bascula lentement vers l’arrière, s’écrasa sur le sol sec en soulevant un épais nuage de poussière, et des cris de protestation s’élevèrent.
— Menteur.
Je ravalai difficilement mon haut-le-cœur quand la voix narquoise, triomphante, d’Adam revint :
— Je m’en doutais un peu. N’empêche… Quel tir ! Cette précision, cette absence d’hésitations… Bon, c’est vraiment dommage que tu viennes de tuer l’un des tiens en live devant toute ta famille ou presque, mais je suppose que, après ce que tu as déjà fait, ça ne change pas grand-chose pour toi…
Son inflexion faussement impressionnée me donnait envie de vomir, mais la nausée reflua bien vite, transformée en colère. Mon sang se fit glace dans mes veines, mon souffle s’apaisa. L’image de Vanessa était toujours omniprésente dans mes pensées, mais elle était distordue. De son visage ne restait qu’une esquisse de sourire sanglant, une boîte crânienne fracassée, son petit corps suspendu, déjà mort, dans les bras d’Emma. Ils n’étaient jamais venus la chercher, tout comme ils n’étaient jamais venus me chercher. Et c’était à moi qu’on reprochait les choix difficiles ?
— Effectivement, lâchai-je avec un à-propos glaçant. Vanessa n’était qu’un échauffement, après tout.
Les nerfs d’Adam lâchèrent.
— Brûle en Muspellheim, salope ! éructa-t-il en épaulant son fusil pour lâcher une nouvelle rafale qui ricocha contre les murs du bâtiment.
Je ricanai, l’ayant sans mal repéré dans la foule de silhouettes stoïques, amusée par la haine et l’impuissance qui suintaient par tous les pores de sa peau, contrastant avec la hargne verbale dont il faisait preuve.
— Calme ta joie, chaton, lâchai-je négligemment. Tu me laisses descendre maintenant, ou tu préfères toujours que quelqu’un d’autre me règle mon sort à ta place ? Ou pire, que je disparaisses sans que tu ne puisses plus jamais me retrouver ?
Dire que je ne ressentais rien aurait été mentir, mais j’avais enfoui profondément ce qui aurait pu m’empêcher de pousser mon avantage. J’agissais, mécaniquement, comme j’avais été habituée à le faire. J’aurais dû me sentir blessée, horrifiée, honteuse… Mais tout ce qui aurait pu me distraire de ma cible actuelle avait été écarté. Seule la rage et la tristesse persistaient, comme une ancre inamovible, une sorte de pointeur laser qui me maintenant entièrement focalisée sur un seul objectif. Dégager Adam, l’ôter de l’équation. Pas le tuer, Ekrest et moi avions convenu que ce serait plus intéressant de le garder vivant contre Synnöve Kaiser.
— Dispersez-vous, ordonna-t-il froidement.
Les soldats de la Confrérie s’exécutèrent sans un mot, s’écartèrent de leur chef et s’éloignèrent des grandes colonnes blanches. Les trois étrangers, deux Njörd et un Freyja, m’avait dit Selvigia, ne bougèrent pas d’un cheveu, aveugles à la présence des soldats invisibles.
— Et toi, descends. Je vais t’écouter, mais je ne te garantis rien d’autre.
Avec un long soupir, consciente que ce serait la plus belle chance qu’il pouvait m’offrir, je me résignai à remballer mes affaires et à me diriger vers les ruines du temple. Éris se plaça devant moi à ma sortie du bâtiment, en guise de bouclier humain. Au fur et à mesure que nous progressions sur les chemins de terre et que je m’avançais en territoire ennemi, ma colère refluait et mon pouls s’accélérait. Sur la jauge de l’émotivité, le mercure remontait doucement, je perdais cet instant de froide distance qui m’avait permis de jouer les négociations. Soudain, j’avais peur. Peur de quoi, je n’en savais rien exactement.
Au bas des marches, je m’immobilisai un bref instant, ployai le genou pour refaire mes lacets.
— Dame Syn… murmurai-je en plaquant une seconde ma main au sol.
Les serpents glissèrent souplement de mon poignet, conformément au plan, se dispersèrent dans la zone rocailleuse, rubans de couleurs invisibles dans l’obscurité. Les soldats s’agitèrent, quelque peu nerveux, semblant s’inquiéter de mes prochains gestes. Ils n’avaient pas vu les reptiles, mais ils me connaissaient. Ils savaient que je ne m’arrêtais pas en plein milieu d’un champ de bataille sans raison. Je surpris quelques mouvement anxieux, des coups d’œil jetés à la volée, mais je ne leur laissai pas trop le temps d’anticiper. Je me redressai, et avec Éris, nous grimpâmes la volée de marches en pierre puis nous immobilisâmes.
— Écarte-toi, siffla Adam.
Éris fit un pas de côté, et soudain, un canon braqué sur ma poitrine, je fis face à une paire d’iris turquoise brûlants de haine. Mon estomac remonta dans ma gorge, je déglutis péniblement.
Peur de faire face.
Peur de se souvenir.
Peur d’assumer.
Peur de mourir.
Les cheveux bruns en bataille, les yeux cernés, son visage si beau et si arrogant déformé par une mimique de souffrance et de haine. Il avait les lèvres pincées, un pli sur le front, et l’air un peu hagard. Pour peu, j’aurais presque eu mal pour lui, mais ses traits anguleux crispés, sa manière de me toiser et les années que nous avions passées à nous mettre sur la gueule par conflits politiques interposés rendaient toute forme d’empathie impossible. C’était d’Adam qu’on parlait.
— Pourquoi être venue, m’interrogea-t-il, en sachant que c’était un piège ?
— Pourquoi n’avoir jamais monté d’opération pour récupérer Vanes…
— Ta gueule.
Sa phrase claqua comme un coup de feu.
— Pourquoi ? répétai-je malgré tout.
Il grimaça.
— T’as tout foutu en l’air… des années d’entente, des siècles de collaboration…
J’esquissai un rictus froid, blasé, levai le menton pour le foudroyer du regard.
— J’aimerais bien te dire que je suis désolée, mais je n’ai aucune idée de quoi tu parles. Si tu veux, par contre, tu peux m’expliquer pourquoi j’ai fini dans une prison Thor et que personne n’a entamé de négociations en ma faveur.
Je m’adressais à lui, mais je m’adressais aussi au petit œil mat sur son casque. Une caméra. De l’autre côté du portail qui pulsait régulièrement, les renforts devaient s’être amassés, et regardaient sans doute la scène, attendant le signal pour débarquer.
Un fin sourire étira mes lèvres, Adam fronça les sourcils.
— Qu’est-ce que…
Son regard voltigea vers la gauche, il sembla capter un vague mouvement. Pour ma part, je jetai un bref regard aux trois Vanir qui se tenaient à côté de nous, à peine dérangés par le fait que je semblais parler à de l’air frais… qui me répondait avec une voix masculine. Ils avaient compris qu’il y avait des Loki dans la zone. Plus intéressant encore, quand l’un des deux Njörd accrocha mon regard, il agita légèrement la main en dressant trois doigts, puis dix, puis deux. Je fronçai légèrement le nez, songeuse, analysant tous les codes que je connaissais. Trois-cent douze : rien. Trente-et-un deux, rien à voir, c’était un protocole de défense en cas d’intrusion. Trois point douze, ça c’était intéressant. Il y avait d’une part un mouvement coordonné des troupes en cas d’infériorité numérique… mais surtout, d’autre part, c’était un code entre Ekrest et moi. Douze : alliés externes ; trois : leur nombre.
Et soudain, malgré l’obscurité qui m’empêchait de discerner leurs visages, la lumière se fit : c’étaient les deux Njörd et la Freyja qui avaient fui le Q.G. des Thor avec les autres Élites et moi.
Par un geste que j’espérais discret, je leur indiquai dix, puis dix, puis six, en espérant qu’ils comprennent que c’était le nombre d’ennemis. Comment Ekrest avait-il réussi à les convaincre de nous aider aujourd’hui, c’était un mystère. Il n’avait jamais mentionné que j’aurais du soutien externe. Mais après tout, je n’allais pas refuser de l’aide qui était déjà sur place.
— Tu sais qu’ils lui avaient retiré ses pouvoirs ? demandai-je brusquement.
La technique fonctionna ; l’espace de quelques secondes, l’attention d’Adam se focalisa sur moi, la tristesse et la haine déformèrent ses traits.
— Ils auraient payé, grommela-t-il. Plus tard.
— Ils ont déjà payé. Enfin, l’une d’entre eux.
Il haussa un sourcil.
— Qui ça ?
— Emma.
Le nom se perdit les hurlements de douleur de cinq hommes, suivis d’une brutale explosion. La panique éclata dans les rangs, qui se déchirèrent d’un seul coup. Les soldats jetèrent des coups d’œil frénétiques autour d’eux, incapables de discerner leurs adversaires, abandonnant ma surveillance. Adam, pris par surprise, regarda autour de lui pour essayer de comprendre ce qui se passait. Une seule seconde d’inattention, une seconde qui lui coûta cher. Je lui assénai mon poing fermé dans le ventre, tirai mon Glock de son holster. Son cri de souffrance se mêla au chaos ambiant, il vacilla, une main pressée sur son genou disloqué. Sans pitié, je frappai de la crosse de mon pistolet en plein front, et il s’effondra, momentanément inconscient. Je me ruai sur lui, calai mon genou entre ses omoplates, m’appuyai de tout mon poids sur son dos, et lui relevai la tête par les cheveux pour le surveiller.
Ensuite, je pris cette même seconde qu’il n’aurait pas dû prendre pour observer le carnage. Là où j’étais, figée dans l’œil du cyclone, je vis les camouflages des soldats s’évanouir un à un sous le coup du choc, de la peur ou de la douleur. Les deux Njörd et la Freyja s’étaient dispersés. La chaude clarté des flammes qui dévoraient le portail projetait une aura orangée sur le sol autour. Les Élites, auparavant transformés en serpents étaient redevenus humains, visibles. En clair désavantage numérique, ils n’usaient pas de leurs armes à feu, mais dominaient pourtant le terrain avec une aisance effrayante. Les boules de feu pleuvaient, les jets d’énergie jaillissaient de partout, les os craquaient. Les corps chutaient les uns après les autres sous leurs coups, et les rares qu’ils ne touchaient pas ou qui étaient hors de leur portée finissaient invariablement par tomber sous un assaut magique.
Il fallut une balle perdue qui frôla mon oreille pour me secouer. Je portai instinctivement la main à la blessure, tressaillis en sentant le liquide poisseux entre mes doigts. Mes phalanges se crispèrent sur mon Glock encore fumant, je pivotai en direction de l’endroit d’où semblait être venu le coup. Je croisai le regard mauvais, vicieux, d’Éris, notai l’arme dans sa main et le canon pointé dans ma direction, me figeai. Au moment où le second coup partait, je me transformai en fourmi durant deux brèves secondes, me mettant hors de portée de la balle, puis redevins humaine, cette fois-ci avec mon pistolet en main pointé droit sur elle. Elle sourit.
— Ne le prends pas mal, mais je pourrais avoir une belle récompense pour toi !
Je haussai un sourcil, puis compris. Lana. Elle avait très certainement pactisé avec Kaiser en échange d’informations et d’aide. Une peur soudaine, brûlante, se déversa dans mes veines. Éris tira une troisième fois, mais j’esquivai comme la fois précédente. Une grimace de frustration déforma son visage, elle se redressa pour charger dans ma direction. Mais, à peine s’était-elle levée qu’elle tangua. Ses yeux dardèrent à gauche, puis à droite, à la recherche d’un coupable. Je remarquai l’un des deux Njörd qui, caché derrière une demi-colonne à l’allure vaguement ionique grecque, maintenait son poing fermé comme s’il serrait un objet de valeur. Éris, toujours vacillante, porta la main à sa gorge, aspira de l’air, en vain. Son visage commençait à virer au bleu. Elle serra malgré tout ses doigts sur son pistolet et le pointa vers moi une nouvelle fois, les sourcils froncés, déterminée à m’abattre.
Cette fois-ci, je n’esquivai pas. Je pris mes appuis, bondis, lui arrachai son arme en essayant de la déstabiliser le moins possible. Je connaissais la concentration que l’action du Njörd requérait. Si je commençais à agiter sa cible, il perdrait sa prise.
L’Altérée n’opposa pas vraiment de résistance, même si un dernier coup partit dans le vent. Ensuite, elle commença à trembler, tomba à genoux, une main toujours sur sa gorge, haletant en essayant désespérément de faire passer un peu d’air dans ses poumons. Je reculai, attrapai Adam par les bras et le traînai au bas des immenses marches de pierre du temple pour réduire notre exposition. Quand je l’agrippai à nouveau par les cheveux, il feula, entre rage et douleur, mais s’interrompit en voyant la débâcle dans ses troupes. Privées de leur chef et de renforts, les Loki avaient du mal à se coordonner ; ils tombaient tous inéluctablement, souvent en essayant de fuir leurs adversaires.
— Qu’est-ce que… murmura Adam.
Au simple son de sa voix, la rage que j’avais plus ou moins réussi à maîtriser déferla dans mes veines, je lui cognai brutalement le crâne contre le sol. Il s’interrompit, sonné. Je levai la tête, repérai Ekrest qui progressait résolument entre les corps inconscients.
Les rares soldats encore debout tombèrent un à un, et, un calme irréel s’abattit sur les lieux. Éris s’était effondrée elle aussi, inerte, face contre terre, et je n’aurais su dire si elle était morte ou juste inconsciente. En toute honnêteté, je préférais peut-être ne pas savoir. En revanche, Selvigia, contournait la construction de marbre pour me rejoindre, ne s’abstint pas de poser la question.
— Vivante ?
— Aucune idée, fit le Njörd en haussant les épaules. Ça dépendra de son organisme.
— Qu’est-ce que…?
— La Faction est contre nous, lâchai-je à l’intention d’Ekrest.
Le tissu noir de sa cagoule se froissa quand il plissa les lèvres, et je soupirai.
— Il faut qu’on se bouge, les renforts doivent être déjà en route.
Je hochai la tête. Ekrest s’accroupit à mes côtés. Sa respiration régulière résonnait non loin sur ma gauche, proche, douloureusement familière. Les souvenirs de nos dizaines de missions ensemble, parfaitement exécutées, me revinrent, parvinrent à me faire brièvement sourire. Même au pire moment de notre entente, nous savions toujours nous coordonner. Nous échangeâmes un regard, il hocha la tête, sortit son téléphone, tapa un bref message, puis jeta un coup d’œil au ciel qui commençait à s’éclairer.
— Il faut qu’on tienne la position encore cinq minutes, lança-t-il à la ronde. Peut-être un peu plus
Une rangée de boucliers pare-balles couleur onyx, dotés d’épaisses visières de plexi, apparurent. Mes yeux dévièrent brièvement vers les corps inertes tout autour, une boule d’amertume et de culpabilité me coupa la respiration. Je serrai les dents, détournai le regard. Selvigia avait choisi de de tirer avec des balles paralysantes, mais je savais que certains des trois autres Élites n’avaient pas ce genre de compassion. Pour la plupart, ils avaient tué, j’en étais douloureusement certaine.
— Et lui ? demandai-je en désignant Adam, encore groggy après mon dernier coup.
— Ce serait pas mal de l’embarquer, suggéra la voix, légèrement déformée, d’Ingmar. L’utiliser comme levier.
Il y avait une colère glacée dans son ton, un non-dit dans sa manière de parler, qui suggérait d’anciennes rancœurs. Un frisson nerveux courut sur ma nuque, mais j’acquiesçai sans hésiter. Ma propre colère, temporairement étouffée, revenait à la charge, décuplée par les remords. La rage des Élites électrisait l’air. Ils avaient beau être immobiles, passifs, l’aura de leurs puissances conjointes irradiait autour d’eux comme un champ de force magnétique, brûlant. Même les deux Njörd et la Frigg qui se tenaient à quelques pas de là paraissaient en colère, alors qu’ils n’étaient pas directement impliqués dans le conflit.
— Qui est là ? marmonna Adam, la langue pâteuse.
— Personne qui t’intéresse, sifflai-je, venimeuse.
Je serrai les doigts, enfonçai mes ongles dans sa peau, puis invoquai une flamme qui carbonisa toute la chair qui se trouvait sous ma main. Adam poussa un hurlement de souffrance, et quelques rires s’élevèrent parmi les Élites. Je sentis le brusque frisson qui secoua le corps du Kaiser lorsqu’il fit une estimation mentale du nombre de personnes présentes.
— Il va être chiant, si on le laisse conscient, lâchai-je audiblement, surtout à l’intention d’Ekrest.
Mon mentor ne se fit pas prier. Au bout de trois secondes à peine, les muscles d’Adam se relâchèrent, ses yeux se révulsèrent, et sa tête cogna contre le sol. Le silence qui s’ensuivit me permit de percevoir le bruit d’un moteur et, quelques instants plus tard, ma voiture de la Faction se matérialisa loin devant, progressant rapidement sur le terrain accidenté.
Ce fut le moment que choisirent les renforts de la Confrérie pour débarquer.

Contrairement aux soldats surentraînés que je fréquentais au quotidien, les Élites n’étaient pas encore aguerris au point de réagir instinctivement sous le feu ennemi. Il y eut donc quelques trop longues secondes de flottement dans nos rangs avant que la rangée de boucliers ne s’aligne correctement. Moi-même, je n’y échappai pas : une balle me traversa la cuisse, une autre, dangereusement ajustée, le poumon. J’étouffai une plainte, bondis sur le côté au moment où la voiture amorçait un virage. Ses freins hurlèrent lorsqu’elle pila brutalement entre nos opposants et nous, le métal gémit sous les impacts de balles, mais sa carrosserie blindée fit effectivement barrage, nous accordant un bref répit.
— Fumi !
Selvigia lança deux projectiles à l’allure de grenades de chaque côté de la voiture, qui chacun crachaient une épaisse fumée noire. En moins de quelques secondes, il devint totalement impossible de discerner quoi que ce soit au-delà de deux mètres de distance. Les tirs nourris cessèrent, le calme retomba. Ekrest s’accroupit à mes côtés, palpa ma jambe, puis mon dos, jura.
— Julia ? interrogea-t-il dans un souffle.
La Freyja, repliée au centre du cercle de boucliers, leva les yeux vers lui et répondit à voix basse :
— Mon charme peut tenir encore… trois minutes. Quatre si je force, mais je préfèrerais éviter.
— Ça marche. Åke, Zeferino, Alessander, vous m’occupez ce petit groupe. Descendez-les s’il le faut.
— Mais… voulus-je protester.
Ekrest m’adressa un regard polaire, et je me tus. Il avait raison, mais je haïssais cette idée. Quelque part dans le groupe, il pouvait y avoir Sam, Elisa, Karen ou les jumeaux Svaalin. Des frères et des sœurs que j’appréciais. Mais si on ne faisait rien, on mourrait.
Je serrai les dents.
— Toi, ne bouge pas, laisse-les faire, ajouta mon mentor. Je vais aller voir s’ils ont ramené une Eir.
Un instant plus tard, il s’était couvert d’un bouclier d’invisibilité et piquait un sprint en plein milieu du no man’s land. Mon souffle se fit court dans ma poitrine. Åke m’adressa un regard froid, aussi glacé que celui d’Ekrest, puis me fit signe de me redresser pour que je libère ses bras de la charge du bouclier.
Derrière moi, Tyko et celle qui me semblait être Malika ahanaient pour hisser Adam dans la voiture. Le Kaiser était inconscient et, au vu de ce qu’Ekrest lui avait injecté – un dangereux combo de somnifères à la composition classée « top secret », même pour moi – il ne risquait pas de se réveiller avant un bon moment. Malheureusement pour les deux autres Loki, il devait peser son poids en muscles magiques.
— Dame Syn, marmonnai-je, c’est maintenant ou jamais…
J’espérais sincèrement qu’elle m’entendait, et pouvait agir, parce que la fuite était actuellement notre unique moyen de survivre. La Confrérie nous massacrerait tous jusqu’au dernier d’ici quelques minutes à peine. Nos frères paraissaient déterminés à nous abattre, n’ayant probablement aucune idée de ce que nous avions réellement traversé. Mais, heureusement, grâce à l’enchantement de la fille de Freyja, la bataille tournait à notre avantage pour le moment.
Åke poussa un grognement d’ours furieux. Vacillant sur ma jambe blessée, je m’appuyai contre le bouclier, risquai un coup d’œil méfiant à travers la vitre de plexiglass pour voir ce qu’il essayait de faire. Pour le moment, je ne voyais rien de magique.
Brusquement, son visage se fendit d’un sourire cruel, et une douzaine de points lumineux, si brillants qu’ils transperçaient les ténèbres du fumigène noir, se matérialisèrent à une trentaine de mètres de l’endroit où nous étions, un peu sur la droite. Les coups de feu reprirent brutalement, les Loki tirant probablement dans la direction des lumières en pensant qu’ils visaient ceux qui les avaient créées. Mais les éclats de lumière demeurèrent là où ils étaient, immobiles, suspendus à hauteur de torse. Quand ils comprirent que les balles ne changeraient rien, les Loki cessèrent de tirer, se consultèrent à voix basse, interloqués. Åke ricana, et fit un petit geste du poignet, une secousse nonchalante de droite à gauche. Les éclats suivirent son geste, si rapides que leur lumière laissa une traînée sur leur passage, un fil blanc brillant qui traçait leur chemin.
Des soldats hurlèrent. Des cris d’une souffrance qui dépassait ce que j’entendais habituellement dans les prisons de la Confrérie ou du Q.G. des Thor. Des plaintes qui, très vite se muèrent en râles, puis en gargouillis, puis en silence, si dévastateur, si brutal et violent, que je sentis ma peau se hérisser. Je ne voyais pas, mais j’imaginais le massacre, les corps qui s’empilaient, tremblants, secoués de frissons alors qu’ils essayaient de prendre une dernière inspiration. Je les sentais dans mes os, ces râles de fin de vie. Je les avais expirés plus d’une fois, je me rappelais la peur insidieuse qui s’instillait, puis qui se dissipait en même temps que la conscience s’éteignait.
— Qu’est-ce que…? demandai-je en me tournant vers le responsable, mais son sourire hautement satisfait m’arrêta dans ma question.
— Je voulais transmettre un message.
Je tressaillis, glacée par l’absence d’émotion dans sa voix. Il venait de tuer au moins une quinzaine des siens, et il n’en paraissait pas le moins du monde affecté. En fait, à voir les rictus qui dominaient, tous les autres étaient plutôt satisfaits. J’échangeai un bref regard stupéfait avec Selvigia, sous le choc.
Quel genre de monstres avions-nous libérés ?
Des Élites, je ne connaissais que les récits de leurs exploits. Le nombre d’ennemis qu’ils avaient abattus, leur redoutable efficacité au combat, leur puissance magique incomparable. Mais en fait, je ne savais rien de leur mentalité, de leur manière de se comporter avec les leurs. C’était le genre de souvenirs qui se perdaient après leur mort. Personne ne voulait se souvenir s’ils avaient été humains ou abjects. Ça faisait partie des habitudes de la Confrérie : on se concentrait sur les actions, pas sur ce qu’il y avait derrière. Les résultats étaient le plus importants.
Mais, s’ils étaient capables de tuer avec une telle facilité les leurs…
— Les snipers sont out aussi, glissa l’un des Njörd paisiblement.
Je grimaçai. Mon cœur soufflait le chaud et le froid aujourd’hui, mes émotions partaient en vrille. J’étais instable, incapable de me maîtriser, incapable de contrôler la situation. Heureusement que ce n’était pas à moi de la contrôler. D’ailleurs, où était-il ?
Je tournai la tête de droite à gauche, essayant de discerner quelque chose dans les ténèbres, mais mon mentor était introuvable. Sans lui, les Élites étaient des bêtes sauvages, assoiffées de sang. Quoique, avec lui aussi, puisque c’était lui qui avait ordonné ce massacre. Claudiquant sur ma jambe blessée, je m’avançai un peu en-dehors du couvert de la voiture blindée de la Faction, à la recherche de sa silhouette familière. Dans le silence qui était tombé, il n’y avait que le sifflement du doux vent qui venait de se lever, commençant lentement à dissiper la fumée noire qui nous enveloppait. Mais sinon, sur ce qui avait été un champ de bataille il y avait encore quelques dizaines de secondes, le silence régnait. L’image de Sam s’imprima brièvement devant mes paupières fermées, je grimaçai. Il aurait pu être parmi ces morts. Il l’était peut-être. Karen, Elisa… Non. Je ne pouvais pas me permettre de penser ainsi. Ça me détruirait.
Je n’avais pas lié de grandes amitiés dans le Manoir. Adam avait toujours été le populaire, Selvigia la neutre, Ekrest le menaçant. Moi… moi, j’avais essayé d’être un peu des trois. Mais, à l’exception des quelques personnes avec qui j’avais pu partager quelque chose de sensiblement personnel – une chambre, ma vie, leur affection, nos problèmes – je n’avais jamais eu réellement l’occasion de nouer des relations durables. En outre, avec les risques de mon métier, je n’avais jamais exactement pu me le permettre.
Certains de mes amis venaient peut-être de mourir. Et je n’aurais rien pu y faire sans y laisser ma peau aussi. La pensée, déchirante, destructrice, me donna le vertige, je m’immobilisai. Qui qu’ils soient dans les collines, leur sang était autant sur mes mains que sur celles des Élites. Je poussai un long soupir, fermai les yeux, des excuses sur le bout de la langue. Je les ravalai. À qui allais-je m’excuser ? Aux morts ? Ils étaient déjà partis. Aux vivants qui essayaient désespérément de prendre encore une inspiration pour ne pas rejoindre leurs camarades tout de suite ? C’était un peu tard.
— Lilith !
Je tournai la tête. Ekrest était de retour, et déposait précautionneusement au sol une femme qu’il avait portée en sac à patates sur ses épaules. La femme se redressa, réajusta son haut, fusilla mon mentor de ses yeux verts brillants puis se tourna vers moi.
— Allonge-toi.
Juste comme ça ? songeai-je, sceptique. Connaissant Ekrest, il avait négocié quelque chose. Ou alors, il l’avait menacée. Dans tous les cas, je n’allais pas faire la fine bouche. Je passai mon bouclier aux bras les plus proches, me couchai sur le dos, les yeux levés vers le ciel. Avec le fumigène qui se dispersait, je pus constater qu’une sorte de scintillement vert et rouge commençait à se faire voir.
La fille d’Eir opéra avec une facilité déroutante. Après m’avoir annoncé que les deux balles étaient sorties, elle leva ses mains au-dessus de moi et, sans même me toucher, répara toutes mes lésions en quelques battements de cœur. En moins de deux, j’étais comme neuve, remontée à bloc, et elle-même ne paraissait pas plus fatiguée que cela.
— Merci, soufflai-je.
Elle ne répondit rien, passa à Selvigia, qui avait une méchante coupure près du cou, puis aux autres – rares – blessés. Nous venions d’affronter un bataillon de la Confrérie, mais à part un mur de boucliers mal tenu qui avait causé quelques vrais dommages, il n’y avait eu que des égratignures pendant le corps à corps. Un instant, j’eus presque pitié d’Adam, somnolant dans la voiture, qui devrait faire face à ces monstres à son réveil. Puis, je levai la tête.
Les lumières vives du Bifröst s’étaient sensiblement rapprochées, et désormais, on devinait leur rapide progression dans l’atmosphère. Il faudrait cependant une quarantaine de secondes supplémentaires pour qu’elles nous atteignent.
L’un des Njörd, suivant mon regard, leva les bras. Le vent, qui jusque là s’était réduit à une simple brise iodée, gagna en force, soufflant les restes de brouillard noir loin de nous, éclaircissant notre champ de vision. Dans le bâtiment semi-touristique, les grandes baies vitrées donnaient vue sur des silhouettes en panique qui couraient de gauche à droite. Soudain, la porte du bas, par laquelle j’étais sortie quelques minutes plus tôt, s’ouvrit en grand sur ce qui semblait être un bataillon de Heimdall. Cette fois-ci, les boucliers s’alignèrent en un temps record, avant même que l’ennemi ne puisse tenter de faire feu. Åke quant-à lui, esquissa un large sourire et leva les bras. Et je vis comment il avait fait pour tuer les Loki.
L’énergie magique, que j’utilisais sous sa forme la plus primitive, en rayons directs, lui la manipulait comme des particules. Il créa d’abord entre ses mains une dizaine de boules, concentrés de puissance si forts que je sentis leur aura à trois mètres de distance, puis les modela lentement en éclats acérés, fins comme des fils d’araignée, longs d’une dizaine de centimètres. Des épingles de lumière, effarantes de brillance.
Puis, mus par sa volonté, ces éclats glissèrent lentement entre les boucliers, prirent de la vitesse dans le no man’s land, foncèrent vers les Heimdall comme une volée de flèches. Une demi-douzaine d’hommes, transpercés, s’effondrèrent sur le coup. Åke serra le poing. Les dagues d’énergie infléchirent leur course, revinrent vers la troupe paniquée, criblant de trous les corps de ceux qui étaient encore debout. Je hoquetai, stupéfaite. Les lèvres pincées en une mince ligne concentrée, les sourcils froncés, le roux sonda de ses iris turquoise sans vie la masse de corps, probablement à la recherche de survivants. Et il dut voir quelqu’un bouger encore un peu trop, parce que les éclats replongèrent pour un nouvel assaut meurtrier, cette fois-ci parmi les cadavres.
À mes côtés, la Eir se détourna pour vomir. Je ne pus m’empêcher de fermer les yeux, nauséeuse, déglutis, tant pour ravaler la bile qui montait que la peur qui me prenait à la gorge. Soudain, j’étais terrifiée par ce type qui, d’un claquement de doigts, pouvait réduire des escadrons à néant. Sa puissance était tout simplement vertigineuse.
Dans mon dos, un bref cri de triomphe retentit soudain. Je pivotai brièvement, avisai le vide où s’était auparavant trouvé mon véhicule. Il n’y était plus, ou presque. Quand l’une des portières avant s’ouvrit sur Tyko, assis au volant, les Élites esquissèrent des sourires satisfaits. Pour ma part, je haussai un sourcil, mais ne fis pas de commentaire, toujours sous le choc.
— Lilith, appelle-moi dès que tu reviendras, lâcha Ekrest. Ça vaut pour tout le monde, d’ailleurs. Maintenant, on fonce !
Mes yeux revinrent à Åke, avec qui j’étais censée faire mon voyage, et je me crispai. Mais les Élites n’avaient pas les mêmes états d’âme que moi. Ils sautèrent dans le véhicule rugissant, embarquant la Eir au passage, mon mentor me fit un signe de la main. Non-loin, le Bifröst venait de toucher le sol.
Les portes claquèrent, les petits rochers volèrent, projetés au loin par les roues qui se mettaient brusquement à tourner, et le grondement du moteur s’éloigna rapidement. Selvigia m’agrippa par le bras, me tira vers l’arc-en-ciel. Dans le bâtiment, une nouvelle troupe se rassemblait, et ce n’était certainement plus qu’une question de secondes avant qu’une autre Maison s’en mêle.
— Est-ce que je viens de voir… me murmura-t-elle, incapable de réellement accepter l’idée.
J’avalai ma salive, mettant par réflexe un pied devant l’autre, sans oser jeter un regard derrière, sur les collines caillouteuses jonchées de cadavres.
— Je ne sais pas si je veux vraiment savoir… marmonnai-je.
Je gardais mes mains serrées sur la crosse de mon M16, avançais sans vraiment réfléchir, les yeux fichés droit devant moi, là où l’eau, l’air et le feu touchaient la terre. Je préférais penser à tout plutôt que de m’interroger sur les capacités de mes compagnons à me réduire en poussière juste parce qu’ils en avaient envie.
— D’une certaine manière, c’est mieux qu’on s’éloigne de Midgard pour un moment… finis-je par souffler malgré tout.
La rage, la rancœur et l’injustice que j’avais devinées dans leur attaque, je les ressentais aussi, mais je ne pouvais pas les cautionner lorsqu’elles se retournaient contre notre propre famille. Je persistais à croire que la Confrérie dans son ensemble n’était pas notre ennemie. Elle nous attaquait parce qu’elle suivait des ordres, et ne connaissait qu’une partie de la vérité. Elle ne méritait pas de payer pour les horreurs commises par deux ou trois individus.
Parvenue au pied du Bifröst, je ne pus m’empêcher de regarder en arrière. Je savais que je n’avais pas vraiment le temps de faire ça, qu’il valait mieux que je coure, et que j’allais le regretter si je regardais, mais je le fis quand même. Mon sang se glaça dans mes veines lorsque je vis les silhouettes noires, qui se détachaient sur la terre marron sombre, s’activer autour des corps. Les plaintes et râles de douleur, que j’avais volontairement occultés jusque là, franchirent la barrière que je m’étais imposée, atteignirent mon cerveau. Je me mordis les lèvres, partagée entre l’horreur et la fureur, me détournai.
Haut dans le ciel nocturne, les chaudes flammèches de Muspellheim furent les seuls témoins de notre départ.


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Dernière modification par vampiredelivres le ven. 30 avr., 2021 11:23 am, modifié 1 fois.
louji

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Re: Le Cycle du Serpent [II] : L'Alliance des Déchus

Message par louji »

vampiredelivres a écrit : jeu. 08 avr., 2021 12:53 pm Hello !
Vous l'avez compris, je ne maîtrise pas ce chapitre. Et je ne l'aime pas… en tout cas pas sous sa forme actuelle. Mais j'ai passé trop de temps à me prendre la tête avec, donc je vais avancer. Y'a encore plein de trucs à raconter, et il est temps qu'on change un peu de paysage.
Ah oui, aussi, vous allez découvrir Åke :D
Bonne lecture !
:arrow: Helloooo. Bon, le fameux chapitre :D On va bien voir tout ça 8-)


CHAPITRE 10


Le site de l’Apollon Smintheion, en pleine nuit, à peine éclairé par un fin croissant de lune, avait une triste allure, indigne de son importance réelle. C’était là que l’Histoire avait débuté pour nous, c’était là que les dieux étaient descendus pour la première fois à Midgard. Aujourd’hui cependant, le lieu pittoresque n’était qu’un pâle reflet de sa grandeur d’antan. De l’immense et antique temple ne restaient que des morceaux de colonnes épars, des vestiges de marches, et des terrains herbeux irréguliers. À l’instar des ruines de Troie, où les visiteurs ne pouvaient se promener que sur des chemins prédéfinis et admirer de loin les restes d’une des plus célèbres guerres entre Æsir et Vanir, ici, l’ensemble du site archéologique avait été transformé en une sorte d’attrape-touristes géant. :arrow: J'aime beaucoup cette perspective historique avec les éléments mythologiques exposés au goût du jour (si j'ose dire) !
Je n’y étais personnellement venue que trois ou quatre fois, à l’occasion de petites expéditions dans les autres Mondes, et je n’étais jamais arrivée par l’entrée des visiteurs. Les Maisons avaient toutes leur portail, dissimulé aux humains par une illusion permanente – le genre de service pour lequel ils payaient chèrement les magiciens de la Confrérie. Mon entrée d’aujourd’hui était une première dans ma carrière… et j’espérais bien que ce serait la dernière fois que je devrais subir ce genre de traitement. Parce que là, à voir le portail bleuté qui scintillait doucement près des ruines, je me doutais que les trente hommes que je discernais malgré leur invisibilité n’étaient qu’un avant-goût de ce que les deux Kaiser s’apprêtaient à déchaîner pour me tuer une bonne fois pour toutes. C’était à la fois extrêmement flatteur, et très frustrant.
La température était clémente, l’air sec, et le ciel dégagé, à l’exception de quelques rares nuages qui masquaient les étoiles. Quand une volée de coups de feu déchira l’air, la quiétude magique du lieu se rompit brutalement. Soudain, les trois silhouettes étrangères à la Confrérie se redressèrent brusquement, anxieuses.
Il y eut un silence dans mon oreillette, puis une plainte anxieuse :
— Attention, elle n’est pas…
La fin de la phrase se transforma en un gargouillis écœurant. Je dus détourner le regard, nauséeuse à l’idée de voir ma fratrie se faire étriper, faillis m’arracher l’écouteur, mais me contins. Je ne pouvais plus me permettre ce genre de comportement. En face, ils n’auraient aucun remords ; c’était donc à moi de faire la part des choses et d’accepter certains compromis et certains sacrifices.
— Putain, vous avez des p’tites têtes… grommela Éris après une vingtaine de secondes de hurlements paniqués. :arrow: BWAHAHA C'EST RUDE
J’entendis des bruits de frottements tandis qu’elle réajustait le casque, qu’elle avait probablement arraché à l’un des Loki. Puis, elle lança bien audiblement dans le micro :
— R.A.S en bas, Lilith.
— Magnifique, merci ! répondis-je sur les fréquences communes. Salut Adam ! :arrow: omg T-T l'insolence
Le silence se fit lourd. Dans ma poitrine, mon cœur battait fort. Adam devait ressentir les mêmes sensations que moi en ce moment même : cette pointe de peur, mêlée à une profonde colère, un peu de sueur sur les paumes, une voix qu’il fallait affermir un peu :arrow: répétition. En vérité, je n’en menais pas large. Je me souvenais de son expression, quand je l’avais vu au volant du van, dans ce café que j’avais fui à Istanbul. Sa rage intense, brûlante, dévastatrice.
— Tu pourrais te montrer quand même… maugréa-t-il finalement.
— Pour me faire tirer dessus ? Merci mais non merci. On avait un accord, je veux Blade.
Le nom faillit un instant se bloquer dans ma gorge, mais je le fis passer en y mettant un peu de volonté. Prétendre que je ne savais pas que Blade était déjà mort. C’était peut-être la raison pour laquelle Ekrest s’était d’abord gardé de me l’avouer : pour me simplifier le rôle que j’endossais.
Autant me simplifier la vie aussi.
— Mais bon, enchaînai-je, il est mort donc je suppose que ça ne fait plus aucune différence maintenant. Donc concrètement, qu’est-ce que tu as à me vendre d’intéressant pour que je me montre ?
Une rafale de coups de feu rasa le toit sans me toucher, je poussai un long soupir.
— Vraiment ?
— Descends ou on vient te chercher.
— Avec ce qui est arrivé au groupe Fehu, peu de chances que vous arriviez à monter avant que je ne me barre.
Adam lâcha une bordée de jurons aussi colorés qu’imagés. À quatre vigies près, tous ses hommes étaient maintenant tournés vers moi. Je levai la tête vers le ciel, juste à temps pour voir passer, très haut sur la gauche, une forme un peu plus sombre que la voûte étoilée.
— Et avant que tu ne décides d’envoyer tes hommes transformés en pigeons :arrow: Oh yé sexy à l’assaut du toit, j’ai une proposition.
— Dis toujours, grommela-t-il.
C’était là qu’il fallait que je sorte mon plus beau jeu d’actrice.
— Ness m’avait confié quelque chose pour toi avant que je ne fuie.
Totalement faux, mais passons. Ce que j’attendais, c’était l’explosion de rage qui ne tarda pas.
— À toi ? Tu te fous de ma gueule ? Comment est-ce qu’elle aurait… :arrow: Aie.
La dissonance était clairement audible, trop évidente. Il souffrait, insidieusement, profondément. Au souvenir de Vanessa, je me crispai imperceptiblement, mais m’obligeai à garder son image dans mon esprit, vivace, lumineuse. C’était le point faible d’Adam que j’avais si longtemps cherché en vain. Et, au risque de maltraiter la mémoire de la gamine, je devais m’en servir, l’exploiter, autant que possible.
— Je te rappelle que j’ai passé près de trois mois là-bas, coupai-je sèchement, j’ai eu le temps de lui parler. Et ne fais pas comme si tu n’étais pas au courant de mon emprisonnement.
Dans le coin de la zone que j’observais à la lunette, l’un des vigies :arrow: c'est fémini vigie non ? près du portail de téléportation tomba sans un bruit, sans que personne ne le remarque. Les trois autres suivirent rapidement, seul le dernier se fit immédiatement remplacer par un soldat totalement identique, casqué et habillé de noir, couvert comme les autres d’une protection d’invisibilité. Totalement inconscients de ce qui se passait dans leur dos, les autres surveillaient toujours mon toit.
Il fallait que je m’approche, mais avec les Élites accrochés à mon poignet, impossible de me transformer. En outre, si j’y allais en volant, je me ferais descendre par le premier tireur venu. Il fallait que je trouve un autre moyen de réduire la distance.
— J’ai compris, grommela-t-il, j’arrive.
L’une des silhouettes se détacha du groupe et se dirigea vers le bâtiment. Je réprimai un soupir, calai mon M16 dans le trou que j’avais utilisé pour observer les alentours, attendis qu’elle arrive dans mon viseur. Le coup de feu me vrilla les oreilles. Comme au ralenti, le corps bascula lentement vers l’arrière, s’écrasa sur le sol sec en soulevant un épais nuage de poussière, et des cris de protestation s’élevèrent.
— Menteur.
Je ravalai difficilement mon haut-le-cœur quand la voix narquoise, triomphante, d’Adam revint :
— Je m’en doutais un peu. N’empêche… Quel tir ! Cette précision, cette absence d’hésitations… Bon, c’est vraiment dommage que tu viennes de tuer l’un des tiens en live devant toute ta famille ou presque, mais je suppose que, après ce que tu as déjà fait, ça ne change pas grand-chose pour toi…
Son inflexion faussement impressionnée me donnait envie de vomir, mais la nausée reflua bien vite, transformée en colère. Mon sang se fit glace dans mes veines, mon souffle s’apaisa. L’image de Vanessa était toujours omniprésente dans mes pensées, mais elle était distordue. De son visage ne restait qu’une esquisse de sourire sanglant, une boîte crânienne fracassée, son petit corps suspendu, déjà mort, dans les bras d’Emma. Ils n’étaient jamais venus la chercher, tout comme ils n’étaient jamais venus me chercher. Et c’était à moi qu’on reprochait les choix difficiles ?
— Effectivement, lâchai-je avec un à-propos glaçant. Vanessa n’était qu’un échauffement, après tout.
Les nerfs d’Adam lâchèrent.
— Brûle en Muspellheim, salope ! éructa-t-il en épaulant son fusil pour lâcher une nouvelle rafale qui ricocha contre les murs du bâtiment. :arrow: ah ouais, c'est savage tout ça :cry:
Je ricanai, l’ayant sans mal repéré dans la foule de silhouettes stoïques, amusée par la haine et l’impuissance qui suintaient par tous les pores de sa peau, contrastant avec la hargne verbale dont il faisait preuve.
— Calme ta joie, chaton, lâchai-je négligemment. Tu me laisses descendre maintenant, ou tu préfères toujours que quelqu’un d’autre me règle mon sort à ta place ? Ou pire, que je disparaisses sans que tu ne puisses plus jamais me retrouver ?
Dire que je ne ressentais rien aurait été mentir, mais j’avais enfoui profondément ce qui aurait pu m’empêcher de pousser mon avantage. J’agissais, mécaniquement, comme j’avais été habituée à le faire. J’aurais dû me sentir blessée, horrifiée, honteuse… Mais tout ce qui aurait pu me distraire de ma cible actuelle avait été écarté. Seule la rage et la tristesse persistaient, comme une ancre inamovible, une sorte de pointeur laser qui me maintenant entièrement focalisée sur un seul objectif. Dégager Adam, l’ôter de l’équation. Pas le tuer, Ekrest et moi avions convenu que ce serait plus intéressant de le garder vivant contre Synnöve Kaiser.
— Dispersez-vous, ordonna-t-il froidement.
Les soldats de la Confrérie s’exécutèrent sans un mot, s’écartèrent de leur chef et s’éloignèrent des grandes colonnes blanches. Les trois étrangers, deux Njörd et un Freyja, m’avait dit Selvigia, ne bougèrent pas d’un cheveu, aveugles à la présence des soldats invisibles.
— Et toi, descends. Je vais t’écouter, mais je ne te garantis rien d’autre.
Avec un long soupir, consciente que ce serait la plus belle chance qu’il pouvait m’offrir, je me résignai à remballer mes affaires et à me diriger vers les ruines du temple. Éris se plaça devant moi à ma sortie du bâtiment, en guise de bouclier humain. Au fur et à mesure que nous progressions sur les chemins de terre et que je m’avançais en territoire ennemi, ma colère refluait et mon pouls s’accélérait. Sur la jauge de l’émotivité, le mercure remontait doucement, je perdais cet instant de froide distance qui m’avait permis de jouer les négociations. Soudain, j’avais peur. Peur de quoi, je n’en savais rien exactement.
Au bas des marches, je m’immobilisai un bref instant, ployai le genou pour refaire mes lacets.
— Dame Syn… murmurai-je en plaquant une seconde ma main au sol.
Les serpents glissèrent souplement de mon poignet, conformément au plan, se dispersèrent dans la zone rocailleuse, rubans de couleurs invisibles dans l’obscurité. Les soldats s’agitèrent, quelque peu nerveux, semblant s’inquiéter de mes prochains gestes. Ils n’avaient pas vu les reptiles, mais ils me connaissaient. Ils savaient que je ne m’arrêtais pas en plein milieu d’un champ de bataille sans raison. :arrow: seems susp hein :evil: Je surpris quelques mouvement anxieux, des coups d’œil jetés à la volée, mais je ne leur laissai pas trop le temps d’anticiper. Je me redressai, et avec Éris, nous grimpâmes la volée de marches en pierre puis nous immobilisâmes.
— Écarte-toi, siffla Adam.
Éris fit un pas de côté, et soudain, un canon braqué sur ma poitrine, je fis face à une paire d’iris turquoise brûlants de haine. Mon estomac remonta dans ma gorge, je déglutis péniblement.
Peur de faire face.
Peur de se souvenir.
Peur d’assumer.
Peur de mourir.
Les cheveux bruns en bataille, les yeux cernés, son visage si beau et si arrogant déformé par une mimique de souffrance et de haine. Il avait les lèvres pincées, un pli sur le front, et l’air un peu hagard. Pour peu, j’aurais presque eu mal pour lui, mais ses traits anguleux crispés, sa manière de me toiser et les années que nous avions passées à nous mettre sur la gueule par conflits politiques interposés rendaient toute forme d’empathie impossible. C’était d’Adam qu’on :arrow: ça fait très familier... dont on ? Mais je comprends que t'en perdes tes mots, Lily :( parlait.
— Pourquoi être venue, m’interrogea-t-il, en sachant que c’était un piège ?
— Pourquoi n’avoir jamais monté d’opération pour récupérer Vanes…
— Ta gueule. :arrow: En vrai, je rigole, c'est incroyable ce moment :lol:
Sa phrase claqua comme un coup de feu.
— Pourquoi ? répétai-je malgré tout.
Il grimaça.
— T’as tout foutu en l’air… des années d’entente, des siècles de collaboration…
J’esquissai un rictus froid, blasé, levai le menton pour le foudroyer du regard.
— J’aimerais bien te dire que je suis désolée, mais je n’ai aucune idée de quoi tu parles. Si tu veux, par contre, tu peux m’expliquer pourquoi j’ai fini dans une prison Thor et que personne n’a entamé de négociations en ma faveur.
Je m’adressais à lui, mais je m’adressais aussi au petit œil mat sur son casque. Une caméra. De l’autre côté du portail qui pulsait régulièrement, les renforts devaient s’être amassés, et regardaient sans doute la scène, attendant le signal pour débarquer.
Un fin sourire étira mes lèvres, Adam fronça les sourcils.
— Qu’est-ce que…
Son regard voltigea vers la gauche, il sembla capter un vague mouvement. Pour ma part, je jetai un bref regard aux trois Vanir qui se tenaient à côté de nous, à peine dérangés par le fait que je semblais parler à de l’air frais… qui me répondait avec une voix masculine. Ils avaient compris qu’il y avait des Loki dans la zone. Plus intéressant encore, quand l’un des deux Njörd accrocha mon regard, il agita légèrement la main en dressant trois doigts, puis dix, puis deux. Je fronçai légèrement le nez, songeuse, analysant tous les codes que je connaissais. Trois-cent douze : rien. Trente-et-un deux, rien à voir, c’était un protocole de défense en cas d’intrusion. Trois point douze, ça c’était intéressant. Il y avait d’une part un mouvement coordonné des troupes en cas d’infériorité numérique… mais surtout, d’autre part, c’était un code entre Ekrest et moi. Douze : alliés externes ; trois : leur nombre.
Et soudain, malgré l’obscurité qui m’empêchait de discerner leurs visages, la lumière se fit : c’étaient les deux Njörd et la Freyja qui avaient fui le Q.G. des Thor avec les autres Élites et moi. :arrow: AH BAH.
Par un geste que j’espérais discret, je leur indiquai dix, puis dix, puis six, en espérant qu’ils comprennent que c’était le nombre d’ennemis. Comment Ekrest avait-il réussi à les convaincre de nous aider aujourd’hui, c’était un mystère. Il n’avait jamais mentionné que j’aurais du soutien externe. Mais après tout, je n’allais pas refuser de l’aide qui était déjà sur place.
— Tu sais qu’ils lui avaient retiré ses pouvoirs ? demandai-je brusquement.
La technique fonctionna ; l’espace de quelques secondes, l’attention d’Adam se focalisa sur moi, la tristesse et la haine déformèrent ses traits.
— Ils auraient payé, grommela-t-il. Plus tard.
— Ils ont déjà payé. Enfin, l’une d’entre eux.
Il haussa un sourcil.
— Qui ça ?
— Emma.
Le nom se perdit les hurlements de douleur de cinq hommes, suivis d’une brutale explosion. La panique éclata dans les rangs, qui se déchirèrent d’un seul coup. Les soldats jetèrent des coups d’œil frénétiques autour d’eux, incapables de discerner leurs adversaires, abandonnant ma surveillance. Adam, pris par surprise, regarda autour de lui pour essayer de comprendre ce qui se passait. Une seule seconde d’inattention, une seconde qui lui coûta cher. Je lui assénai mon poing fermé dans le ventre, tirai mon Glock de son holster. Son cri de souffrance se mêla au chaos ambiant, il vacilla, une main pressée sur son genou disloqué :arrow: il a été disloqué par quoi ? Une balle ?. Sans pitié, je frappai de la crosse de mon pistolet en plein front, et il s’effondra, momentanément inconscient. Je me ruai sur lui, calai mon genou entre ses omoplates, m’appuyai de tout mon poids sur son dos, et lui relevai la tête par les cheveux pour le surveiller.
Ensuite, je pris cette même seconde qu’il n’aurait pas dû prendre pour observer le carnage. Là où j’étais, figée dans l’œil du cyclone, je vis les camouflages des soldats s’évanouir un à un sous le coup du choc, de la peur ou de la douleur. Les deux Njörd et la Freyja s’étaient dispersés. La chaude clarté des flammes qui dévoraient le portail projetait une aura orangée sur le sol autour. Les Élites, auparavant transformés en serpents étaient redevenus humains, visibles. En clair désavantage numérique, ils n’usaient pas de leurs armes à feu, mais dominaient pourtant le terrain avec une aisance effrayante. Les boules de feu pleuvaient, les jets d’énergie jaillissaient de partout, les os craquaient. Les corps chutaient les uns après les autres sous leurs coups, et les rares qu’ils ne touchaient pas ou qui étaient hors de leur portée finissaient invariablement par tomber sous un assaut magique.
Il fallut une balle perdue qui frôla mon oreille pour me secouer. Je portai instinctivement la main à la blessure, tressaillis en sentant le liquide poisseux entre mes doigts. Mes phalanges se crispèrent sur mon Glock encore fumant, je pivotai en direction de l’endroit d’où semblait être venu le coup. Je croisai le regard mauvais, vicieux, d’Éris, notai l’arme dans sa main et le canon pointé dans ma direction, me figeai. Au moment où le second coup partait, je me transformai en fourmi durant deux brèves secondes, me mettant hors de portée de la balle, puis redevins humaine, cette fois-ci avec mon pistolet en main pointé droit sur elle. Elle sourit.
— Ne le prends pas mal, mais je pourrais avoir une belle récompense pour toi ! :arrow: Mais nan, je suis dégoûtée ptn :lol: Laaaaanaaaaaa. Bon ok tu t'en fous des conflits entre Maisons, mais fallait rester du côté de Lily & co ARF :mrgreen:
Je haussai un sourcil, puis compris. Lana. Elle avait très certainement pactisé avec Kaiser en échange d’informations et d’aide. Une peur soudaine, brûlante, se déversa dans mes veines. Éris tira une troisième fois, mais j’esquivai comme la fois précédente. Une grimace de frustration déforma son visage, elle se redressa pour charger dans ma direction. Mais, à peine s’était-elle levée qu’elle tangua. Ses yeux dardèrent à gauche, puis à droite, à la recherche d’un coupable. Je remarquai l’un des deux Njörd qui, caché derrière une demi-colonne à l’allure vaguement ionique grecque :arrow: ionique grecque ?, maintenait son poing fermé comme s’il serrait un objet de valeur. Éris, toujours vacillante, porta la main à sa gorge, aspira de l’air, en vain. Son visage commençait à virer au bleu. Elle serra malgré tout ses doigts sur son pistolet et le pointa vers moi une nouvelle fois, les sourcils froncés, déterminée à m’abattre.
Cette fois-ci, je n’esquivai pas. Je pris mes appuis, bondis, lui arrachai son arme en essayant de la déstabiliser le moins possible. Je connaissais la concentration que l’action du Njörd requérait. Si je commençais à agiter sa cible, il perdrait sa prise.
L’Altérée n’opposa pas vraiment de résistance, même si un dernier coup partit dans le vent. Ensuite, elle commença à trembler, tomba à genoux, une main toujours sur sa gorge, haletant en essayant désespérément de faire passer un peu d’air dans ses poumons. Je reculai, attrapai Adam par les bras et le traînai au bas des immenses marches de pierre du temple pour réduire notre exposition. Quand je l’agrippai à nouveau par les cheveux, il feula, entre rage et douleur, mais s’interrompit en voyant la débâcle dans ses troupes. Privées de leur chef et de renforts, les Loki avaient du mal à se coordonner ; ils tombaient tous inéluctablement, souvent en essayant de fuir leurs adversaires.
— Qu’est-ce que… murmura Adam.
Au simple son de sa voix, la rage que j’avais plus ou moins réussi à maîtriser déferla dans mes veines, je lui cognai brutalement le crâne contre le sol. :arrow: Savage :lol: Il s’interrompit, sonné. Je levai la tête, repérai Ekrest qui progressait résolument entre les corps inconscients.
Les rares soldats encore debout tombèrent un à un, et, un calme irréel s’abattit sur les lieux. Éris s’était effondrée elle aussi, inerte, face contre terre, et je n’aurais su dire si elle était morte ou juste inconsciente. En toute honnêteté, je préférais peut-être ne pas savoir. En revanche, Selvigia, contournait la construction de marbre pour me rejoindre, ne s’abstint pas de poser la question.
— Vivante ?
— Aucune idée, fit le Njörd en haussant les épaules. Ça dépendra de son organisme.
— Qu’est-ce que…?
— La Faction est contre nous, lâchai-je à l’intention d’Ekrest.
Le tissu noir de sa cagoule se froissa quand il plissa les lèvres, et je soupirai.
— Il faut qu’on se bouge, les renforts doivent être déjà en route.
Je hochai la tête. Ekrest s’accroupit à mes côtés. Sa respiration régulière résonnait non loin sur ma gauche, proche, douloureusement familière. Les souvenirs de nos dizaines de missions ensemble, parfaitement exécutées, me revinrent, parvinrent à me faire brièvement sourire. Même au pire moment de notre entente, nous savions toujours nous coordonner. Nous échangeâmes un regard, il hocha la tête, sortit son téléphone, tapa un bref message, puis jeta un coup d’œil au ciel qui commençait à s’éclairer.
— Il faut qu’on tienne la position encore cinq minutes, lança-t-il à la ronde. Peut-être un peu plus
Une rangée de boucliers pare-balles couleur onyx, dotés d’épaisses visières de plexi, apparurent. Mes yeux dévièrent brièvement vers les corps inertes tout autour, une boule d’amertume et de culpabilité me coupa la respiration. Je serrai les dents, détournai le regard. Selvigia avait choisi de de :arrow: tirer avec des balles paralysantes, mais je savais que certains des trois autres Élites n’avaient pas ce genre de compassion. Pour la plupart, ils avaient tué, j’en étais douloureusement certaine.
— Et lui ? demandai-je en désignant Adam, encore groggy après mon dernier coup.
— Ce serait pas mal de l’embarquer, suggéra la voix, légèrement déformée, d’Ingmar. L’utiliser comme levier.
Il y avait une colère glacée dans son ton, un non-dit dans sa manière de parler, qui suggérait d’anciennes rancœurs. Un frisson nerveux courut sur ma nuque, mais j’acquiesçai sans hésiter. Ma propre colère, temporairement étouffée, revenait à la charge, décuplée par les remords. La rage des Élites électrisait l’air. Ils avaient beau être immobiles, passifs, l’aura de leurs puissances conjointes irradiait autour d’eux comme un champ de force magnétique, brûlant. Même les deux Njörd et la Frigg qui se tenaient à quelques pas de là paraissaient en colère, alors qu’ils n’étaient pas directement impliqués dans le conflit.
— Qui est là ? marmonna Adam, la langue pâteuse. :arrow: C'EST MAMAN MON ADAMOU-CHOUPINOU D'AMOUR. TU VEUX UN GATEAU ADAMOU-CHOUPINOU ? TU ES LE BON FI-FILS A SA MAMAN. (pardon)
— Personne qui t’intéresse, sifflai-je, venimeuse.
Je serrai les doigts, enfonçai mes ongles dans sa peau, puis invoquai une flamme qui carbonisa toute la chair qui se trouvait sous ma main. Adam poussa un hurlement de souffrance, et quelques rires s’élevèrent parmi les Élites. Je sentis le brusque frisson qui secoua le corps du Kaiser lorsqu’il fit une estimation mentale du nombre de personnes présentes.
— Il va être chiant, si on le laisse conscient, lâchai-je audiblement, surtout à l’intention d’Ekrest.
Mon mentor ne se fit pas prier. Au bout de trois secondes à peine, les muscles d’Adam se relâchèrent, ses yeux se révulsèrent, et sa tête cogna contre le sol. :arrow: C'est Ekrest qui lui a fait perdre connaissance ?? Il a fait komen ce bogoss ? Le silence qui s’ensuivit me permit de percevoir le bruit d’un moteur et, quelques instants plus tard, ma voiture de la Faction se matérialisa loin devant, progressant rapidement sur le terrain accidenté.
Ce fut le moment que choisirent les renforts de la Confrérie pour débarquer.

Contrairement aux soldats surentraînés que je fréquentais au quotidien, les Élites n’étaient pas encore aguerris au point de réagir instinctivement sous le feu ennemi. Il y eut donc quelques trop longues secondes de flottement dans nos rangs avant que la rangée de boucliers ne s’aligne correctement. Moi-même, je n’y échappai pas : une balle me traversa la cuisse, une autre, dangereusement ajustée, le poumon. J’étouffai une plainte, bondis sur le côté au moment où la voiture amorçait un virage. Ses freins hurlèrent lorsqu’elle pila brutalement entre nos opposants et nous, le métal gémit sous les impacts de balles, mais sa carrosserie blindée fit effectivement barrage, nous accordant un bref répit.
— Fumi !
Selvigia lança deux projectiles à l’allure de grenades de chaque côté de la voiture, qui chacun crachaient une épaisse fumée noire. En moins de quelques secondes, il devint totalement impossible de discerner quoi que ce soit au-delà de deux mètres de distance. Les tirs nourris cessèrent, le calme retomba. Ekrest s’accroupit à mes côtés, palpa ma jambe, puis mon dos, jura.
— Julia ? interrogea-t-il dans un souffle.
La Freyja, repliée au centre du cercle de boucliers, leva les yeux vers lui et répondit à voix basse :
— Mon charme peut tenir encore… trois minutes. Quatre si je force, mais je préfèrerais éviter.
— Ça marche. Åke, Zeferino, Alessander, vous m’occupez ce petit groupe. Descendez-les s’il le faut.
— Mais… voulus-je protester.
Ekrest m’adressa un regard polaire, et je me tus. Il avait raison, mais je haïssais cette idée. Quelque part dans le groupe, il pouvait y avoir Sam, Elisa, Karen ou les jumeaux Svaalin. Des frères et des sœurs que j’appréciais. Mais si on ne faisait rien, on mourrait.
Je serrai les dents. :arrow: Nooooooo
— Toi, ne bouge pas, laisse-les faire, ajouta mon mentor. Je vais aller voir s’ils ont ramené une Eir.
Un instant plus tard, il s’était couvert d’un bouclier d’invisibilité et piquait un sprint en plein milieu du no man’s land. Mon souffle se fit court dans ma poitrine. Åke m’adressa un regard froid, aussi glacé que celui d’Ekrest, puis me fit signe de me redresser pour que je libère ses bras de la charge du bouclier.
Derrière moi, Tyko et celle qui me semblait être Malika ahanaient pour hisser Adam dans la voiture. Le Kaiser était inconscient et, au vu de ce qu’Ekrest lui avait injecté – un dangereux combo de somnifères à la composition classée « top secret », :arrow: AH. même pour moi – il ne risquait pas de se réveiller avant un bon moment. Malheureusement pour les deux autres Loki, il devait peser son poids en muscles magiques.
— Dame Syn, marmonnai-je, c’est maintenant ou jamais…
J’espérais sincèrement qu’elle m’entendait, et pouvait agir, parce que la fuite était actuellement notre unique moyen de survivre. La Confrérie nous massacrerait tous jusqu’au dernier d’ici quelques minutes à peine. Nos frères paraissaient déterminés à nous abattre, n’ayant probablement aucune idée de ce que nous avions réellement traversé. Mais, heureusement, grâce à l’enchantement de la fille de Freyja, la bataille tournait à notre avantage pour le moment.
Åke poussa un grognement d’ours furieux. Vacillant sur ma jambe blessée, je m’appuyai contre le bouclier, risquai un coup d’œil méfiant à travers la vitre de plexiglass pour voir ce qu’il essayait de faire. Pour le moment, je ne voyais rien de magique.
Brusquement, son visage se fendit d’un sourire cruel, et une douzaine de points lumineux, si brillants qu’ils transperçaient les ténèbres du fumigène noir, se matérialisèrent à une trentaine de mètres de l’endroit où nous étions, un peu sur la droite. Les coups de feu reprirent brutalement, les Loki tirant probablement dans la direction des lumières en pensant qu’ils visaient ceux qui les avaient créées. Mais les éclats de lumière demeurèrent là où ils étaient, immobiles, suspendus à hauteur de torse. Quand ils comprirent que les balles ne changeraient rien, les Loki cessèrent de tirer, se consultèrent à voix basse, interloqués. Åke ricana, et fit un petit geste du poignet, une secousse nonchalante de droite à gauche. Les éclats suivirent son geste, si rapides que leur lumière laissa une traînée sur leur passage, un fil blanc brillant qui traçait leur chemin.
Des soldats hurlèrent. Des cris d’une souffrance qui dépassait ce que j’entendais habituellement dans les prisons de la Confrérie ou du Q.G. des Thor. Des plaintes qui, très vite se muèrent en râles, puis en gargouillis, puis en silence, si dévastateur, si brutal et violent, que je sentis ma peau se hérisser. Je ne voyais pas, mais j’imaginais le massacre, les corps qui s’empilaient, tremblants, secoués de frissons alors qu’ils essayaient de prendre une dernière inspiration. Je les sentais dans mes os, ces râles de fin de vie. Je les avais expirés plus d’une fois, je me rappelais la peur insidieuse qui s’instillait, puis qui se dissipait en même temps que la conscience s’éteignait.
— Qu’est-ce que…? demandai-je en me tournant vers le responsable, mais son sourire hautement satisfait m’arrêta dans ma question.
— Je voulais transmettre un message.
Je tressaillis, glacée par l’absence d’émotion dans sa voix. Il venait de tuer au moins une quinzaine des siens, et il n’en paraissait pas le moins du monde affecté. En fait, à voir les rictus qui dominaient, tous les autres étaient plutôt satisfaits. J’échangeai un bref regard stupéfait avec Selvigia, sous le choc.
Quel genre de monstres avions-nous libérés ? :arrow: C'est ce que j'étais en train de me dire :cry: Selvie et Lily elles connaissent pas mal des membres de la Confrérie, mais j'imagine que les têtes ont dû un peu tourner au fil des années... Donc en plus d'être assez fracassés psychologiquement, les anciennes Élites connaissent pas forcément les soldats en face nan ? Donc encore moins de raisons de les épargner...
Des Élites, je ne connaissais que les récits de leurs exploits. Le nombre d’ennemis qu’ils avaient abattus, leur redoutable efficacité au combat, leur puissance magique incomparable. Mais en fait, je ne savais rien de leur mentalité, de leur manière de se comporter avec les leurs. C’était le genre de souvenirs qui se perdaient après leur mort. Personne ne voulait se souvenir s’ils avaient été humains ou abjects. Ça faisait partie des habitudes de la Confrérie : on se concentrait sur les actions, pas sur ce qu’il y avait derrière. Les résultats étaient le plus importants.
Mais, s’ils étaient capables de tuer avec une telle facilité les leurs…
— Les snipers sont out aussi, glissa l’un des Njörd paisiblement.
Je grimaçai. Mon cœur soufflait le chaud et le froid aujourd’hui, mes émotions partaient en vrille. J’étais instable, incapable de me maîtriser, incapable de contrôler la situation. Heureusement que ce n’était pas à moi de la contrôler. D’ailleurs, où était-il ?
Je tournai la tête de droite à gauche, essayant de discerner quelque chose dans les ténèbres, mais mon mentor était introuvable. Sans lui, les Élites étaient des bêtes sauvages, assoiffées de sang. Quoique, avec lui aussi, puisque c’était lui qui avait ordonné ce massacre. Claudiquant sur ma jambe blessée, je m’avançai un peu en-dehors du couvert de la voiture blindée de la Faction, à la recherche de sa silhouette familière. Dans le silence qui était tombé, il n’y avait que le sifflement du doux vent qui venait de se lever, commençant lentement à dissiper la fumée noire qui nous enveloppait. Mais sinon, sur ce qui avait été un champ de bataille il y avait encore quelques dizaines de secondes, le silence régnait. L’image de Sam s’imprima brièvement devant mes paupières fermées, je grimaçai. Il aurait pu être parmi ces morts. Il l’était peut-être. Karen, Elisa… Non. Je ne pouvais pas me permettre de penser ainsi. Ça me détruirait.
Je n’avais pas lié de grandes amitiés dans le Manoir. Adam avait toujours été le populaire, Selvigia la neutre, Ekrest le menaçant. Moi… moi, j’avais essayé d’être un peu des trois. Mais, à l’exception des quelques personnes avec qui j’avais pu partager quelque chose de sensiblement personnel – une chambre, ma vie, leur affection, nos problèmes – je n’avais jamais eu réellement l’occasion de nouer des relations durables. En outre, avec les risques de mon métier, je n’avais jamais exactement pu me le permettre.
Certains de mes amis venaient peut-être de mourir. Et je n’aurais rien pu y faire sans y laisser ma peau aussi. La pensée, déchirante, destructrice, me donna le vertige, je m’immobilisai. Qui qu’ils soient dans les collines, leur sang était autant sur mes mains que sur celles des Élites. Je poussai un long soupir, fermai les yeux, des excuses sur le bout de la langue. Je les ravalai. À qui allais-je m’excuser ? Aux morts ? Ils étaient déjà partis. Aux vivants qui essayaient désespérément de prendre encore une inspiration pour ne pas rejoindre leurs camarades tout de suite ? C’était un peu tard.
— Lilith !
Je tournai la tête. Ekrest était de retour, et déposait précautionneusement au sol une femme qu’il avait portée en sac à patates sur ses épaules. La femme se redressa, réajusta son haut, fusilla mon mentor de ses yeux verts brillants puis se tourna vers moi.
— Allonge-toi.
Juste comme ça ? songeai-je, sceptique. Connaissant Ekrest, il avait négocié quelque chose. Ou alors, il l’avait menacée. Dans tous les cas, je n’allais pas faire la fine bouche. Je passai mon bouclier aux bras les plus proches, me couchai sur le dos, les yeux levés vers le ciel. Avec le fumigène qui se dispersait, je pus constater qu’une sorte de scintillement vert et rouge commençait à se faire voir.
La fille d’Eir opéra avec une facilité déroutante. Après m’avoir annoncé que les deux balles étaient sorties, elle leva ses mains au-dessus de moi et, sans même me toucher, répara toutes mes lésions en quelques battements de cœur. En moins de deux, j’étais comme neuve, remontée à bloc, et elle-même ne paraissait pas plus fatiguée que cela.
— Merci, soufflai-je.
Elle ne répondit rien, passa à Selvigia, qui avait une méchante coupure près du cou, puis aux autres – rares – blessés. Nous venions d’affronter un bataillon de la Confrérie, mais à part un mur de boucliers mal tenu qui avait causé quelques vrais dommages, il n’y avait eu que des égratignures pendant le corps à corps. Un instant, j’eus presque pitié d’Adam, somnolant dans la voiture, qui devrait faire face à ces monstres à son réveil. Puis, je levai la tête.
Les lumières vives du Bifröst s’étaient sensiblement rapprochées, et désormais, on devinait leur rapide progression dans l’atmosphère. Il faudrait cependant une quarantaine de secondes supplémentaires pour qu’elles nous atteignent.
L’un des Njörd, suivant mon regard, leva les bras. Le vent, qui jusque là s’était réduit à une simple brise iodée, gagna en force, soufflant les restes de brouillard noir loin de nous, éclaircissant notre champ de vision. Dans le bâtiment semi-touristique, les grandes baies vitrées donnaient vue sur des silhouettes en panique qui couraient de gauche à droite. Soudain, la porte du bas, par laquelle j’étais sortie quelques minutes plus tôt, s’ouvrit en grand sur ce qui semblait être un bataillon de Heimdall. Cette fois-ci, les boucliers s’alignèrent en un temps record, avant même que l’ennemi ne puisse tenter de faire feu. Åke quant-à lui, esquissa un large sourire et leva les bras. Et je vis comment il avait fait pour tuer les Loki.
L’énergie magique, que j’utilisais sous sa forme la plus primitive, en rayons directs, lui la manipulait comme des particules. Il créa d’abord entre ses mains une dizaine de boules, concentrés de puissance si forts que je sentis leur aura à trois mètres de distance, puis les modela lentement en éclats acérés, fins comme des fils d’araignée, longs d’une dizaine de centimètres. Des épingles de lumière, effarantes de brillance. :arrow: Je me retiens fort de mettre mon GIF préféré. Je crois que ce serait pas approprié :?
Puis, mus par sa volonté, ces éclats glissèrent lentement entre les boucliers, prirent de la vitesse dans le no man’s land, foncèrent vers les Heimdall comme une volée de flèches. Une demi-douzaine d’hommes, transpercés, s’effondrèrent sur le coup. Åke serra le poing. Les dagues d’énergie infléchirent leur course, revinrent vers la troupe paniquée, criblant de trous les corps de ceux qui étaient encore debout. Je hoquetai, stupéfaite. Les lèvres pincées en une mince ligne concentrée, les sourcils froncés, le roux sonda de ses iris turquoise sans vie la masse de corps, probablement à la recherche de survivants. Et il dut voir quelqu’un bouger encore un peu trop, parce que les éclats replongèrent pour un nouvel assaut meurtrier, cette fois-ci parmi les cadavres.
À mes côtés, la Eir se détourna pour vomir. Je ne pus m’empêcher de fermer les yeux, nauséeuse, déglutis, tant pour ravaler la bile qui montait que la peur qui me prenait à la gorge. Soudain, j’étais terrifiée par ce type qui, d’un claquement de doigts, pouvait réduire des escadrons à néant. Sa puissance était tout simplement vertigineuse.
Dans mon dos, un bref cri de triomphe retentit soudain. Je pivotai brièvement, avisai le vide où s’était auparavant trouvé mon véhicule. Il n’y était plus, ou presque. Quand l’une des portières avant s’ouvrit sur Tyko, assis au volant, les Élites esquissèrent des sourires satisfaits. Pour ma part, je haussai un sourcil, mais ne fis pas de commentaire, toujours sous le choc.
— Lilith, appelle-moi dès que tu reviendras, lâcha Ekrest. Ça vaut pour tout le monde, d’ailleurs. Maintenant, on fonce !
Mes yeux revinrent à Åke, avec qui j’étais censée faire mon voyage, et je me crispai. Mais les Élites n’avaient pas les mêmes états d’âme que moi. Ils sautèrent dans le véhicule rugissant, embarquant la Eir au passage, mon mentor me fit un signe de la main. Non-loin, le Bifröst venait de toucher le sol.
Les portes claquèrent, les petits rochers volèrent, projetés au loin par les roues qui se mettaient brusquement à tourner, et le grondement du moteur s’éloigna rapidement. Selvigia m’agrippa par le bras, me tira vers l’arc-en-ciel. Dans le bâtiment, une nouvelle troupe se rassemblait, et ce n’était certainement plus qu’une question de secondes avant qu’une autre Maison s’en mêle.
— Est-ce que je viens de voir… me murmura-t-elle, incapable de réellement accepter l’idée.
J’avalai ma salive, mettant par réflexe un pied devant l’autre, sans oser jeter un regard derrière, sur les collines caillouteuses jonchées de cadavres.
— Je ne sais pas si je veux vraiment savoir… marmonnai-je.
Je gardais mes mains serrées sur la crosse de mon M16, avançais sans vraiment réfléchir, les yeux fichés droit devant moi, là où l’eau, l’air et le feu touchaient la terre. Je préférais penser à tout plutôt que de m’interroger sur les capacités de mes compagnons à me réduire en poussière juste parce qu’ils en avaient envie.
— D’une certaine manière, c’est mieux qu’on s’éloigne de Midgard pour un moment… finis-je par souffler malgré tout.
La rage, la rancœur et l’injustice que j’avais devinées dans leur attaque, je les ressentais aussi, mais je ne pouvais pas les cautionner lorsqu’elles se retournaient contre notre propre famille. Je persistais à croire que la Confrérie dans son ensemble n’était pas notre ennemie. Elle nous attaquait parce qu’elle suivait des ordres, et ne connaissait qu’une partie de la vérité. Elle ne méritait pas de payer pour les horreurs commises par deux ou trois individus.
Parvenue au pied du Bifröst, je ne pus m’empêcher de regarder en arrière. Je savais que je n’avais pas vraiment le temps de faire ça, qu’il valait mieux que je coure, et que j’allais le regretter si je regardais, mais je le fis quand même. Mon sang se glaça dans mes veines lorsque je vis les silhouettes noires, qui se détachaient sur la terre marron sombre, s’activer autour des corps. Les plaintes et râles de douleur, que j’avais volontairement occultés jusque là, franchirent la barrière que je m’étais imposée, atteignirent mon cerveau. Je me mordis les lèvres, partagée entre l’horreur et la fureur, me détournai.
Haut dans le ciel nocturne, les chaudes flammèches de Muspellheim furent les seuls témoins de notre départ.


| † | † |


<=
Ah ui. OK, Okê est un grand malade :lol: Arf, c'est super intéressant d'avoir fait des anciennes Élites des figures aussi imprévisibles et dangereuses. C'est cool d'avoir ces figures grises (qui tendent vachement vers le noir) aux côtés de la protagoniste. Et c'est amusant car je trouve que plus le temps passe et plus Lily devient ""humaine"" et accessible. Une forme de vulnérabilité qu'elle a toujours eue, dès le début, mais qui à présent est de plus en plus visible. Je trouve que tu as très bien géré cet aspect-là justement et tous ses remords, ses regrets, sa honte, son horreur... Ça fait un sacré mix à gérer avec les fous-furieux qui l'entourent. J'en viens à me demander comment ça va se passer sur le long-terme. Après tout, ça servirait à rien de déloger Kaiser pour la remplacer par un tyran mélomane (franchement, c'est horrible, mais... j'ai des idées qui me traversent la tête omg, gépeur :cry: quand je vois les réactions différentes de Lily, Selvie et Ekrest vis-à-vis des Élites libérées, je me demande si Ekrest pourrait pas franchement péter un câble). Bref, pour le coup ce chapitre m'a autant happée sur le question des Élites vengeresses et incontrôlables que sur la question des Kaiser. C'était évidemment super plaisant de recroiser Adam et, même si Lily fait remarquer que l'empathie est impossible au risque d'échouer, la considération pour ce personnage est toujours là. Bon, je m'attendais pas à ce qu'il tombe entre les mains du camp de Lily, j'avoue :lol: J'ai à la fois hâte et peur de savoir ce qui va lui arriver x)
J'ai juste un peu bugué sur la fin, je me rappelais plus que Lily et Selvie devaient faire route séparée avec le reste du groupe, mais j'imagine que c'est la lecture coupée qui a fait ça !
Pour la Faction, tu as vu ma réaction :lol: Je m'y attendais pas non plus, mais c'est assez logique quand on y pense x) Mais je reste dégoûtée ptn :roll:

Autrement, qu'est-ce que tu aimes pas dans ce chapitre ? Pour ma part, j'ai pas eu de soucis pour le lire. Il y avait peut-être des phrases un chouïa longues, des idées répétées... 2-3 mouvements qui n'étaient pas hyper clairs, mais je le trouve tout à fait correct ! J'imagine que la difficulté vient en partie du nombre d'acteurs et d'événements à gérer en un seul chapitre ? C'est vrai qu'il se passe beaucoup de choses d'un coup ! Mais bon, j'ai pas été perdue pour autant ^^

Maintenant, j'ai hâte de voir comment ça va se passer pour Lily 8-)
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Re: Le Cycle du Serpent [II] : L'Alliance des Déchus

Message par vampiredelivres »

louji a écrit : ven. 09 avr., 2021 10:40 am
CHAPITRE 10


Le site de l’Apollon Smintheion, en pleine nuit, à peine éclairé par un fin croissant de lune, avait une triste allure, indigne de son importance réelle. C’était là que l’Histoire avait débuté pour nous, c’était là que les dieux étaient descendus pour la première fois à Midgard. Aujourd’hui cependant, le lieu pittoresque n’était qu’un pâle reflet de sa grandeur d’antan. De l’immense et antique temple ne restaient que des morceaux de colonnes épars, des vestiges de marches, et des terrains herbeux irréguliers. À l’instar des ruines de Troie, où les visiteurs ne pouvaient se promener que sur des chemins prédéfinis et admirer de loin les restes d’une des plus célèbres guerres entre Æsir et Vanir, ici, l’ensemble du site archéologique avait été transformé en une sorte d’attrape-touristes géant. :arrow: J'aime beaucoup cette perspective historique avec les éléments mythologiques exposés au goût du jour (si j'ose dire) ! Tu sais que j'aime bien :D Surtout quand je peux croiser les légendes !

— Attention, elle n’est pas…
La fin de la phrase se transforma en un gargouillis écœurant. Je dus détourner le regard, nauséeuse à l’idée de voir ma fratrie se faire étriper, faillis m’arracher l’écouteur, mais me contins. Je ne pouvais plus me permettre ce genre de comportement. En face, ils n’auraient aucun remords ; c’était donc à moi de faire la part des choses et d’accepter certains compromis et certains sacrifices.
— Putain, vous avez des p’tites têtes… grommela Éris après une vingtaine de secondes de hurlements paniqués. :arrow: BWAHAHA C'EST RUDE Éris, quoi. Un boulet de démolition :lol:
J’entendis des bruits de frottements tandis qu’elle réajustait le casque, qu’elle avait probablement arraché à l’un des Loki. Puis, elle lança bien audiblement dans le micro :
— R.A.S en bas, Lilith.
— Magnifique, merci ! répondis-je sur les fréquences communes. Salut Adam ! :arrow: omg T-T l'insolence Lily qui se pointe en mode
Image
Le silence se fit lourd. Dans ma poitrine, mon cœur battait fort. Adam devait ressentir les mêmes sensations que moi en ce moment même : cette pointe de peur, mêlée à une profonde colère, un peu de sueur sur les paumes, une voix qu’il fallait affermir un peu :arrow: répétition Mici !. En vérité, je n’en menais pas large. Je me souvenais de son expression, quand je l’avais vu au volant du van, dans ce café que j’avais fui à Istanbul. Sa rage intense, brûlante, dévastatrice.

— Et avant que tu ne décides d’envoyer tes hommes transformés en pigeons :arrow: Oh yé sexy à l’assaut du toit, j’ai une proposition.
Image
— Dis toujours, grommela-t-il.
C’était là qu’il fallait que je sorte mon plus beau jeu d’actrice.
— Ness m’avait confié quelque chose pour toi avant que je ne fuie.
Totalement faux, mais passons. Ce que j’attendais, c’était l’explosion de rage qui ne tarda pas.
— À toi ? Tu te fous de ma gueule ? Comment est-ce qu’elle aurait… :arrow: Aie. Ouais.
La dissonance était clairement audible, trop évidente. Il souffrait, insidieusement, profondément. Au souvenir de Vanessa, je me crispai imperceptiblement, mais m’obligeai à garder son image dans mon esprit, vivace, lumineuse. C’était le point faible d’Adam que j’avais si longtemps cherché en vain. Et, au risque de maltraiter la mémoire de la gamine, je devais m’en servir, l’exploiter, autant que possible.
— Je te rappelle que j’ai passé près de trois mois là-bas, coupai-je sèchement, j’ai eu le temps de lui parler. Et ne fais pas comme si tu n’étais pas au courant de mon emprisonnement.
Dans le coin de la zone que j’observais à la lunette, l’un des vigies :arrow: c'est fémini vigie non ? Voui :oops: près du portail de téléportation tomba sans un bruit, sans que personne ne le remarque. Les trois autres suivirent rapidement, seul le dernier se fit immédiatement remplacer par un soldat totalement identique, casqué et habillé de noir, couvert comme les autres d’une protection d’invisibilité. Totalement inconscients de ce qui se passait dans leur dos, les autres surveillaient toujours mon toit.

— Brûle en Muspellheim, salope ! éructa-t-il en épaulant son fusil pour lâcher une nouvelle rafale qui ricocha contre les murs du bâtiment. :arrow: ah ouais, c'est savage tout ça :cry: Il perd un peu les pédales :roll:

Les serpents glissèrent souplement de mon poignet, conformément au plan, se dispersèrent dans la zone rocailleuse, rubans de couleurs invisibles dans l’obscurité. Les soldats s’agitèrent, quelque peu nerveux, semblant s’inquiéter de mes prochains gestes. Ils n’avaient pas vu les reptiles, mais ils me connaissaient. Ils savaient que je ne m’arrêtais pas en plein milieu d’un champ de bataille sans raison. :arrow: seems susp hein :evil: À peine ! Je surpris quelques mouvement anxieux, des coups d’œil jetés à la volée, mais je ne leur laissai pas trop le temps d’anticiper. Je me redressai, et avec Éris, nous grimpâmes la volée de marches en pierre puis nous immobilisâmes.

Les cheveux bruns en bataille, les yeux cernés, son visage si beau et si arrogant déformé par une mimique de souffrance et de haine. Il avait les lèvres pincées, un pli sur le front, et l’air un peu hagard. Pour peu, j’aurais presque eu mal pour lui, mais ses traits anguleux crispés, sa manière de me toiser et les années que nous avions passées à nous mettre sur la gueule par conflits politiques interposés rendaient toute forme d’empathie impossible. C’était d’Adam qu’on :arrow: ça fait très familier... dont on ? Mais je comprends que t'en perdes tes mots, Lily :( Je pense que je vais laisser comme ça, pour le coup, mais la remarque est pertinente ^^ parlait.
— Pourquoi être venue, m’interrogea-t-il, en sachant que c’était un piège ?
— Pourquoi n’avoir jamais monté d’opération pour récupérer Vanes…
— Ta gueule. :arrow: En vrai, je rigole, c'est incroyable ce moment :lol: Ah bah :lol: On l'attendait depuis longtemps, ce moment !

Et soudain, malgré l’obscurité qui m’empêchait de discerner leurs visages, la lumière se fit : c’étaient les deux Njörd et la Freyja qui avaient fui le Q.G. des Thor avec les autres Élites et moi. :arrow: AH BAH. Coucouuuuu :mrgreen:

Le nom se perdit les hurlements de douleur de cinq hommes, suivis d’une brutale explosion. La panique éclata dans les rangs, qui se déchirèrent d’un seul coup. Les soldats jetèrent des coups d’œil frénétiques autour d’eux, incapables de discerner leurs adversaires, abandonnant ma surveillance. Adam, pris par surprise, regarda autour de lui pour essayer de comprendre ce qui se passait. Une seule seconde d’inattention, une seconde qui lui coûta cher. Je lui assénai mon poing fermé dans le ventre, tirai mon Glock de son holster. Son cri de souffrance se mêla au chaos ambiant, il vacilla, une main pressée sur son genou disloqué :arrow: il a été disloqué par quoi ? Une balle ? Yé, c'est pas clair ! Merci !. Sans pitié, je frappai de la crosse de mon pistolet en plein front, et il s’effondra, momentanément inconscient. Je me ruai sur lui, calai mon genou entre ses omoplates, m’appuyai de tout mon poids sur son dos, et lui relevai la tête par les cheveux pour le surveiller.

Il fallut une balle perdue qui frôla mon oreille pour me secouer. Je portai instinctivement la main à la blessure, tressaillis en sentant le liquide poisseux entre mes doigts. Mes phalanges se crispèrent sur mon Glock encore fumant, je pivotai en direction de l’endroit d’où semblait être venu le coup. Je croisai le regard mauvais, vicieux, d’Éris, notai l’arme dans sa main et le canon pointé dans ma direction, me figeai. Au moment où le second coup partait, je me transformai en fourmi durant deux brèves secondes, me mettant hors de portée de la balle, puis redevins humaine, cette fois-ci avec mon pistolet en main pointé droit sur elle. Elle sourit.
— Ne le prends pas mal, mais je pourrais avoir une belle récompense pour toi ! :arrow: Mais nan, je suis dégoûtée ptn :lol: Laaaaanaaaaaa. Bon ok tu t'en fous des conflits entre Maisons, mais fallait rester du côté de Lily & co ARF :mrgreen: Bah disons que c'est plus rentable pour Lana d'avoir Kaiser comme alliée… malheureusement.
Je haussai un sourcil, puis compris. Lana. Elle avait très certainement pactisé avec Kaiser en échange d’informations et d’aide. Une peur soudaine, brûlante, se déversa dans mes veines. Éris tira une troisième fois, mais j’esquivai comme la fois précédente. Une grimace de frustration déforma son visage, elle se redressa pour charger dans ma direction. Mais, à peine s’était-elle levée qu’elle tangua. Ses yeux dardèrent à gauche, puis à droite, à la recherche d’un coupable. Je remarquai l’un des deux Njörd qui, caché derrière une demi-colonne à l’allure vaguement ionique grecque :arrow: ionique grecque ? Je sais plus pourquoi j'ai mis ça là comme ça :roll: , maintenait son poing fermé comme s’il serrait un objet de valeur. Éris, toujours vacillante, porta la main à sa gorge, aspira de l’air, en vain. Son visage commençait à virer au bleu. Elle serra malgré tout ses doigts sur son pistolet et le pointa vers moi une nouvelle fois, les sourcils froncés, déterminée à m’abattre.

Au simple son de sa voix, la rage que j’avais plus ou moins réussi à maîtriser déferla dans mes veines, je lui cognai brutalement le crâne contre le sol. :arrow: Savage :lol: Lily pas contente :lol: Il s’interrompit, sonné. Je levai la tête, repérai Ekrest qui progressait résolument entre les corps inconscients.

— Il faut qu’on tienne la position encore cinq minutes, lança-t-il à la ronde. Peut-être un peu plus Tiens, y'a un point qui manque ici, je viens de le remarquer.
Une rangée de boucliers pare-balles couleur onyx, dotés d’épaisses visières de plexi, apparurent. Mes yeux dévièrent brièvement vers les corps inertes tout autour, une boule d’amertume et de culpabilité me coupa la respiration. Je serrai les dents, détournai le regard. Selvigia avait choisi de de :arrow: Ça bug dans le cerveau de Lilith ! tirer avec des balles paralysantes, mais je savais que certains des trois autres Élites n’avaient pas ce genre de compassion. Pour la plupart, ils avaient tué, j’en étais douloureusement certaine.

— Qui est là ? marmonna Adam, la langue pâteuse. :arrow: C'EST MAMAN MON ADAMOU-CHOUPINOU D'AMOUR. TU VEUX UN GATEAU ADAMOU-CHOUPINOU ? TU ES LE BON FI-FILS A SA MAMAN. (pardon) KESKE ??? Tu m'expliques ce qui vient de se passer dans ton cerveau ? :lol:
— Personne qui t’intéresse, sifflai-je, venimeuse.
Je serrai les doigts, enfonçai mes ongles dans sa peau, puis invoquai une flamme qui carbonisa toute la chair qui se trouvait sous ma main. Adam poussa un hurlement de souffrance, et quelques rires s’élevèrent parmi les Élites. Je sentis le brusque frisson qui secoua le corps du Kaiser lorsqu’il fit une estimation mentale du nombre de personnes présentes.
— Il va être chiant, si on le laisse conscient, lâchai-je audiblement, surtout à l’intention d’Ekrest.
Mon mentor ne se fit pas prier. Au bout de trois secondes à peine, les muscles d’Adam se relâchèrent, ses yeux se révulsèrent, et sa tête cogna contre le sol. :arrow: C'est Ekrest qui lui a fait perdre connaissance ?? Il a fait komen ce bogoss ? ^^ Le silence qui s’ensuivit me permit de percevoir le bruit d’un moteur et, quelques instants plus tard, ma voiture de la Faction se matérialisa loin devant, progressant rapidement sur le terrain accidenté.
Ce fut le moment que choisirent les renforts de la Confrérie pour débarquer.

Ekrest m’adressa un regard polaire, et je me tus. Il avait raison, mais je haïssais cette idée. Quelque part dans le groupe, il pouvait y avoir Sam, Elisa, Karen ou les jumeaux Svaalin. Des frères et des sœurs que j’appréciais. Mais si on ne faisait rien, on mourrait.
Je serrai les dents. :arrow: Nooooooo Ah bah.

Derrière moi, Tyko et celle qui me semblait être Malika ahanaient pour hisser Adam dans la voiture. Le Kaiser était inconscient et, au vu de ce qu’Ekrest lui avait injecté – un dangereux combo de somnifères à la composition classée « top secret », :arrow: AH. Wala. même pour moi – il ne risquait pas de se réveiller avant un bon moment. Malheureusement pour les deux autres Loki, il devait peser son poids en muscles magiques.

— Je voulais transmettre un message.
Je tressaillis, glacée par l’absence d’émotion dans sa voix. Il venait de tuer au moins une quinzaine des siens, et il n’en paraissait pas le moins du monde affecté. En fait, à voir les rictus qui dominaient, tous les autres étaient plutôt satisfaits. J’échangeai un bref regard stupéfait avec Selvigia, sous le choc.
Quel genre de monstres avions-nous libérés ? :arrow: C'est ce que j'étais en train de me dire :cry: Selvie et Lily elles connaissent pas mal des membres de la Confrérie, mais j'imagine que les têtes ont dû un peu tourner au fil des années... Donc en plus d'être assez fracassés psychologiquement, les anciennes Élites connaissent pas forcément les soldats en face nan ? Donc encore moins de raisons de les épargner... Ouais, ils avaient clairement une morale douteuse déjà par le passé… mais entre le temps et les souffrances subies, ils sont totalement déconnectés de la réalité de Lily et Selvie. Pas de regrets, pas de remords, pas de raisons d'épargner.

L’énergie magique, que j’utilisais sous sa forme la plus primitive, en rayons directs, lui la manipulait comme des particules. Il créa d’abord entre ses mains une dizaine de boules, concentrés de puissance si forts que je sentis leur aura à trois mètres de distance, puis les modela lentement en éclats acérés, fins comme des fils d’araignée, longs d’une dizaine de centimètres. Des épingles de lumière, effarantes de brillance. :arrow: Je me retiens fort de mettre mon GIF préféré. Je crois que ce serait pas approprié :? Ah pour le coup, non :lol:


| † | † |


Ah ui. OK, Okê est un grand malade :lol: Arf, c'est super intéressant d'avoir fait des anciennes Élites des figures aussi imprévisibles et dangereuses. C'est cool d'avoir ces figures grises (qui tendent vachement vers le noir) aux côtés de la protagoniste. Et c'est amusant car je trouve que plus le temps passe et plus Lily devient ""humaine"" et accessible. Une forme de vulnérabilité qu'elle a toujours eue, dès le début, mais qui à présent est de plus en plus visible. Je trouve que tu as très bien géré cet aspect-là justement et tous ses remords, ses regrets, sa honte, son horreur... Ça fait un sacré mix à gérer avec les fous-furieux qui l'entourent. J'en viens à me demander comment ça va se passer sur le long-terme. Après tout, ça servirait à rien de déloger Kaiser pour la remplacer par un tyran mélomane (franchement, c'est horrible, mais... j'ai des idées qui me traversent la tête omg, gépeur :cry: quand je vois les réactions différentes de Lily, Selvie et Ekrest vis-à-vis des Élites libérées, je me demande si Ekrest pourrait pas franchement péter un câble). Bref, pour le coup ce chapitre m'a autant happée sur le question des Élites vengeresses et incontrôlables que sur la question des Kaiser. C'était évidemment super plaisant de recroiser Adam et, même si Lily fait remarquer que l'empathie est impossible au risque d'échouer, la considération pour ce personnage est toujours là. Bon, je m'attendais pas à ce qu'il tombe entre les mains du camp de Lily, j'avoue :lol: J'ai à la fois hâte et peur de savoir ce qui va lui arriver x)
J'ai juste un peu bugué sur la fin, je me rappelais plus que Lily et Selvie devaient faire route séparée avec le reste du groupe, mais j'imagine que c'est la lecture coupée qui a fait ça !
Pour la Faction, tu as vu ma réaction :lol: Je m'y attendais pas non plus, mais c'est assez logique quand on y pense x) Mais je reste dégoûtée ptn :roll:

Autrement, qu'est-ce que tu aimes pas dans ce chapitre ? Pour ma part, j'ai pas eu de soucis pour le lire. Il y avait peut-être des phrases un chouïa longues, des idées répétées... 2-3 mouvements qui n'étaient pas hyper clairs, mais je le trouve tout à fait correct ! J'imagine que la difficulté vient en partie du nombre d'acteurs et d'événements à gérer en un seul chapitre ? C'est vrai qu'il se passe beaucoup de choses d'un coup ! Mais bon, j'ai pas été perdue pour autant ^^

Maintenant, j'ai hâte de voir comment ça va se passer pour Lily 8-)
Ah ui. x) C'est totalement un psychopathe pour le coup, dans la veine de notre chère folle Kirstin. Maintenant la différence entre Åke et Kirstin, c'est surtout que Kirstin a viré folle-dingue à cause de ce qu'elle a subi. Åke, c'était déjà un cas même avant la prison, même si ça n'a pas aidé.
Ils tendent quand même vachement vers le noir, oui :roll: Mais c'était le but, je suis contente que ça ressorte ! Ça redonne un peu de perspective sur Lily, et puis ça change un peu la donne aussi pour la potentielle époque post-Kaiser, comme tu le dis. Et Ekrest… je ne m'avancerai à rien, j'attends de voir comment il va évoluer dans ma tête. x)
Ah, Adam risque de prendre un peu cher, vu les malades qui l'entourent :twisted:

Ouep, l'idée c'était d'expédier Lily, Åke et Selvie dans les Neuf Mondes pour aller faire du tourisme (hein, comment ça c'était pour découvrir la localisation de la prison de Loki ?). Mais ça date un peu comme info, donc c'est normal. ^^

En soi, je ne voulais pas qu'on voie venir le coup de la Faction. C'est logique, mais ça devait venir un peu de nulle part pour accentuer le coup.

Ouais, c'est le bordel en termes de gestion d'idées, de personnages, d'actions… mais tu me rassures un peu, au moins ^^ À partir de maintenant, on devrait reprendre un bon rythme d'avancée pour un moment !
À plouche, merci pour ton comm !
louji

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Re: Le Cycle du Serpent [II] : L'Alliance des Déchus

Message par louji »

vampiredelivres a écrit : sam. 10 avr., 2021 1:32 pm
louji a écrit : ven. 09 avr., 2021 10:40 am
CHAPITRE 10




— Qui est là ? marmonna Adam, la langue pâteuse. :arrow: C'EST MAMAN MON ADAMOU-CHOUPINOU D'AMOUR. TU VEUX UN GATEAU ADAMOU-CHOUPINOU ? TU ES LE BON FI-FILS A SA MAMAN. (pardon) KESKE ??? Tu m'expliques ce qui vient de se passer dans ton cerveau ? :lol: :arrow: Nan mais rien du tout, j'suis juste légèrement agacée par les Kaiser :) :) (Kaiser-daronne surtout, reconnaissons-le)
— Personne qui t’intéresse, sifflai-je, venimeuse.

Quel genre de monstres avions-nous libérés ? :arrow: C'est ce que j'étais en train de me dire :cry: Selvie et Lily elles connaissent pas mal des membres de la Confrérie, mais j'imagine que les têtes ont dû un peu tourner au fil des années... Donc en plus d'être assez fracassés psychologiquement, les anciennes Élites connaissent pas forcément les soldats en face nan ? Donc encore moins de raisons de les épargner... Ouais, ils avaient clairement une morale douteuse déjà par le passé… mais entre le temps et les souffrances subies, ils sont totalement déconnectés de la réalité de Lily et Selvie. Pas de regrets, pas de remords, pas de raisons d'épargner. :arrow: Ca va être sympa à gérer toute cette bande... :roll:



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Ah ui. x) C'est totalement un psychopathe pour le coup, dans la veine de notre chère folle Kirstin. Maintenant la différence entre Åke et Kirstin, c'est surtout que Kirstin a viré folle-dingue à cause de ce qu'elle a subi. Åke, c'était déjà un cas même avant la prison, même si ça n'a pas aidé.
Ils tendent quand même vachement vers le noir, oui :roll: Mais c'était le but, je suis contente que ça ressorte ! Ça redonne un peu de perspective sur Lily, et puis ça change un peu la donne aussi pour la potentielle époque post-Kaiser, comme tu le dis. Et Ekrest… je ne m'avancerai à rien, j'attends de voir comment il va évoluer dans ma tête. x)
Ah, Adam risque de prendre un peu cher, vu les malades qui l'entourent :twisted:

Ouep, l'idée c'était d'expédier Lily, Åke et Selvie dans les Neuf Mondes pour aller faire du tourisme (hein, comment ça c'était pour découvrir la localisation de la prison de Loki ?). Mais ça date un peu comme info, donc c'est normal. ^^

En soi, je ne voulais pas qu'on voie venir le coup de la Faction. C'est logique, mais ça devait venir un peu de nulle part pour accentuer le coup.

Ouais, c'est le bordel en termes de gestion d'idées, de personnages, d'actions… mais tu me rassures un peu, au moins ^^ À partir de maintenant, on devrait reprendre un bon rythme d'avancée pour un moment !
À plouche, merci pour ton comm !
Ouais, c'est ça qui est glaçant ! C'est que Kirstin a viré psycho :?
Clairement, ça apporte plein d'enjeux (comme si y'en avait déjà pas assez :lol: ) Aaaaah, j"suis pas hyper rassurée de savoir que c'est pas encore définitif dans ta tête, car ça veut dire qu'on est ouvert à toutes les possibilités... aled

AH. Donc y'a Oké-Pas-Oké-Du-Tout qui les accompagne en plus. Oupsie.

Je confirme que je l'ai pas vu arriver :lol: J'y croyais trop avec l'histoire de l'échange d'otages... D'ailleurs le pacte a été passé après la mort de Blade du coup ? :? Ou Lana avait prévu de le sacrifier pour maintenir leur image d'alliés ?

Yaaas j'ai hâte de faire un tour dans les autres mondes en tout cas :D
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Re: Le Cycle du Serpent [I & II] [(Urban) Fantasy / Action / Mythologie nordique]

Message par TcmA »

Hiello~
Je profite d'avoir terminé et envoyé la V1 de mon mémoire pour enfin faire autre chose que bosser (jepleur) et damn.
Je vais pas dire grand chose parce que brain empty et Coline a déjà tout dit, mais PUNAISE c'était de la balle. Alors, clairement, va falloir que je me relise le T1 et les premiers chapitres parce que j'ai du mal à suivre et à me souvenir de toutes les infos/qui est quoi et vient d'où mais wow wow wow.

J'aime beaucoup l'idée des Elites-bracelets. Accessoires fashion, uniques, légèrement meurtriers, c'est très joli. Puis Bracelekrest, quoi.
Ces chaps marquent le grand retour du Lily Hug Squad, je vois.
J'ai quand même bien rigolé, entre l'équivalent Lilithien du "I want to speak to the manager" avec le Heimdalls, Lilith qui se pointe en mode "Hi b#tch!" avec Adam, et Adam qui balance des "ta gueule" sans prévenir (mérité, certes. D'ailleurs, Lily, non, pas Vanessa, j'ai eu l'impression qu'on me tordait le cœur ;w; ).
Eris est un tank. Voilà. Eris le tank, ça sonne bien. Puis pour Lana, bien que Kaiser soit une alliance rentable (pour le moment nyéhé), je sens qu'elle ne va pas le rester très longtemps.
Sinon, elles sont funs funs les Elites. Même si Åke (je sens qu'on va rester sur Okê) me terrifie, je l'aime beaucoup. "c'était un cas même avant la prison" jépeur mais j'aime beaucoup :lol:
Je ne sais pas ce que tu reproches à ce pauvre chapitre 10, je le trouve très bien !

J'ai bien hâte de lire la suite en tout cas ! Courage pour tout, la bise~
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Re: Le Cycle du Serpent [I & II] [(Urban) Fantasy / Action / Mythologie nordique]

Message par vampiredelivres »

TcmA a écrit : mer. 14 avr., 2021 4:11 pm Hiello~
Je profite d'avoir terminé et envoyé la V1 de mon mémoire pour enfin faire autre chose que bosser (jepleur) et damn.
Je vais pas dire grand chose parce que brain empty et Coline a déjà tout dit, mais PUNAISE c'était de la balle. Alors, clairement, va falloir que je me relise le T1 et les premiers chapitres parce que j'ai du mal à suivre et à me souvenir de toutes les infos/qui est quoi et vient d'où mais wow wow wow.

J'aime beaucoup l'idée des Elites-bracelets. Accessoires fashion, uniques, légèrement meurtriers, c'est très joli. Puis Bracelekrest, quoi.
Ces chaps marquent le grand retour du Lily Hug Squad, je vois.
J'ai quand même bien rigolé, entre l'équivalent Lilithien du "I want to speak to the manager" avec le Heimdalls, Lilith qui se pointe en mode "Hi b#tch!" avec Adam, et Adam qui balance des "ta gueule" sans prévenir (mérité, certes. D'ailleurs, Lily, non, pas Vanessa, j'ai eu l'impression qu'on me tordait le cœur ;w; ).
Eris est un tank. Voilà. Eris le tank, ça sonne bien. Puis pour Lana, bien que Kaiser soit une alliance rentable (pour le moment nyéhé), je sens qu'elle ne va pas le rester très longtemps.
Sinon, elles sont funs funs les Elites. Même si Åke (je sens qu'on va rester sur Okê) me terrifie, je l'aime beaucoup. "c'était un cas même avant la prison" jépeur mais j'aime beaucoup :lol:
Je ne sais pas ce que tu reproches à ce pauvre chapitre 10, je le trouve très bien !

J'ai bien hâte de lire la suite en tout cas ! Courage pour tout, la bise~
Hellyo !

Déjà, un immense BRAVO à toi pour ton mémoire ! ♥
Ouéééé, bon, il est possible qu'il y ait eu des grosses pauses entre les chapitres et que les infos se soient un peu perdues dans l'oubli.

Bracelekrest, tendance, uniques et meurtriers ! J'aime beaucoup le slogan… je crois que je vais breveter l'idée. :ugeek:
Voui, LHS à la rescousse ! Après, bon, ça reste Lilith, quand elle demande le manager… c'est rarement pour râler comme les gens normaux le font. :lol: Sinon oui, elle s'est pointée en touriste, en mode "Coucou !". (Vaness, bichette, elle mérite pas vraiment ce genre de traitement mais bon, Lily est un peu passée par l'ascenseur émotionnel donc c'est compliqué à gérer.)

Éris le tank, j'aime beaucoup ! (Pour le moment… :mrgreen: )
Je… ouais. Les Élites. Est-ce qu'ils sont tous totalement barges comme Ôké ou pas. Grand débat dans ma tête, ça. Je sais pas, on verra bien x) En tout cas ils sont funs à écrire quand ils partent en cacahuètes. :lol:

Merci beaucoup ! La bise ~
TcmA

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Re: Le Cycle du Serpent [I & II] [(Urban) Fantasy / Action / Mythologie nordique]

Message par TcmA »

vampiredelivres a écrit : ven. 16 avr., 2021 8:29 am Hellyo !

Déjà, un immense BRAVO à toi pour ton mémoire ! ♥
Ouéééé, bon, il est possible qu'il y ait eu des grosses pauses entre les chapitres et que les infos se soient un peu perdues dans l'oubli.

Bracelekrest, tendance, uniques et meurtriers ! J'aime beaucoup le slogan… je crois que je vais breveter l'idée. :ugeek:
Voui, LHS à la rescousse ! Après, bon, ça reste Lilith, quand elle demande le manager… c'est rarement pour râler comme les gens normaux le font. :lol: Sinon oui, elle s'est pointée en touriste, en mode "Coucou !". (Vaness, bichette, elle mérite pas vraiment ce genre de traitement mais bon, Lily est un peu passée par l'ascenseur émotionnel donc c'est compliqué à gérer.)

Éris le tank, j'aime beaucoup ! (Pour le moment… :mrgreen: )
Je… ouais. Les Élites. Est-ce qu'ils sont tous totalement barges comme Ôké ou pas. Grand débat dans ma tête, ça. Je sais pas, on verra bien x) En tout cas ils sont funs à écrire quand ils partent en cacahuètes. :lol:

Merci beaucoup ! La bise ~

Merci ♥♥♥
Naaah t'inquiète !

Omg, fantastique, je soutiens le projet à 200%.
Ils arrivent avec les renforts et Kalinou 8-) MDRRRR non, c'est rarement le cas :lol: J'aime Lily en mode touriste, c'est fantastique. Bon, la manip émotionnelle est un peu moins fantastique, mais vu la situation, on pardonne à Liliy ;w;

PARFAIT. ( c: )
Eeeh ça se discute. Puis y a barge et barge. Et c'est fun à lire ! :lol:

Avec plaisir ! La bise~
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Le Cycle du Serpent [II] : L'Alliance des Déchus

Message par vampiredelivres »

Hiello ~
Bon, il y a un peu de mythologie dans ce chapitre. Beaucoup en fait, par rapport à d'habitude. En même temps, on débarque dans les Neuf Mondes, donc bon. Bienvenue, on termine ici l'axe Midgard, et on attaque la partie fun ! :mrgreen:
Bonne lecture !


CHAPITRE 11


Marcher sur le Bifröst était toujours aussi surprenant, peu importe le nombre de fois où on le faisait. À mon sens, il n’y avait que les dieux pour l’emprunter comme des humains prenaient leur bus habituel tous les matins. Car, en vérité, ce n’était pas vraiment un arc-en-ciel. C’était la combinaison parfaite de trois éléments, liés et enchantés pour donner le matériau le plus solide – à l’exception de quelques cordes magiques – et le plus flexible des Neuf Mondes. Feu, air et eau se mêlaient harmonieusement en un dégradé de couleurs allant du vert au rouge en passant par le bleu. Chacune des trois bandes colorées mesurait cinq bons mètres de large en son centre, avant même qu’elle ne commence à se mélanger à la suivante.
Nous, nous courions en file indienne, à droite du centre du pont, entourés par les volutes de vapeur qui s’enroulaient autour de nous. Chacune de nos foulées soulevait une gerbe d’eau, chacun de nos pas s’enfonçait un peu dans le liquide élastique qui nous servait de sol. J’avais l’impression de courir en bord de mer, avec du caoutchouc en guise de sable.
L’ensemble du pont avait une largeur totale d’au moins vingt mètres, mais personne n’osait s’aventurer trop d’un côté ou trop de l’autre. À l’extrême gauche, la bande rouge irradiait de chaleur, sa surface parcourue de petites flammèches et d’étincelles. Même à près de huit mètres mètres de la lisière des flammes, je sentais leur chaleur sur ma peau, je suffoquais dès qu’un courant d’air soufflait leur air brûlant dans ma direction.
Là où les flammes ardentes rencontraient l’air bleuté, le Bifröst était grisâtre, couleur de fumée, et se teintait parfois d’éclats violets. Le gris se fondait ensuite dans un sublime bleu vif, plus lumineux qu’un ciel d’été ensoleillé. À cet endroit, la température était un peu plus clémente, mais une lourde odeur d’ozone, presque insupportable, flottait partout, si forte que j’avais l’impression d’avoir sans cesse un Thor à mes côtés. L’azur électrique se muait ensuite en un blanc nacré de vapeur d’eau, puis en un vert pâle, presque translucide, dont la couleur s’intensifiait au fur et à mesure qu’on allait vers la droite. À la surface du pont, le liquide prenait le pas sur la vapeur, et, plus on s’éloignait du centre, plus nos pieds s’enfonçaient. La texture du pont devenait de moins en moins solide, de plus en plus boueuse, si on se dirigeait vers la bordure droite.
Il était souvent arrivé que des gens meurent en passant le pont. Il suffisait de ne pas faire attention, d’observer avec un peu trop d’attention la voûte céleste piquée des flammèches de Muspellheim, d’essayer de voir le sol qui s’était drastiquement éloigné… Il suffisait d’un arrêt longuet, de quelques petits pas de trop sur le côté. Un peu à gauche, et la peau commençait à se décoller sous l’effet de la chaleur, un peu à droite, et le sol n’était plus assez solide pour soutenir le poids du corps humain.
Malgré les conditions dangereuses, malgré le sol mou et l’air chaud, chargé d’ozone, qui me brûlait les poumons, nous avions adopté un rythme rapide. Pour la plupart d’entre nous – moi exclue, donc – une sortie dans l’Yggdrasil était une promenade de santé. Les autres en avaient tous l’habitude. Ils avaient servi leur Maison durant des années, ils étaient probablement montés à Asgard au moins trois fois chacun. Pour ma part, c’était différent. Trop prise par les conflits du monde moderne, qui m’offraient des missions régulières et lucratives, je n’étais que très rarement sortie de mon monde d’origine. J’étais jeune, par rapport aux Élites, inexpérimentée.
Après une quarantaine de minutes de course, nous fûmes au sommet de l’arc-en-ciel, et la pente montante s’aplatit doucement. Le pont distordait l’espace-temps. Un voyage qui aurait dû durer des semaines, et massacrer les muscles de mes jambes à force de dénivelé positif, se transformait en un échauffement. Ce qui n’était pas plus mal, d’une certaine manière, parce que nous avions tous encore une longue route à parcourir.
Au sommet de l’arc-en-ciel, consciente que, si je ralentissais trop, je risquais de m’enfoncer, je raccourcis mes foulées afin de couvrir un peu moins de distance à chaque pas et de pouvoir observer les étoiles. Elles flambaient au-dessus de ma tête, à la fois si proches et si éloignées, bien plus larges que lorsqu’on les voyait depuis le sol. Si je tendais la main devant moi, elles avaient la largeur d’un ongle, et on pouvait deviner les étincelles qui s’échappaient parfois de leur surface.
Et puis, alors que le sol s’infléchissait doucement sous mes pieds pour aplatir la courbe pentue que j’avais montée jusque là, une soudaine lumière me brûla les paupières. Je plissai les yeux, grinçant des dents, baissai le nez pour continuer à surveiller le chemin sur lequel je marchais. Bientôt, la clarté s’atténua à nouveau et, en levant un peu la tête, je vis un grand char argenté qui s’éloignait sur la voûte céleste, tiré par deux chevaux gris pâle, et deux silhouettes assises dedans. Celle qui tenait les rênes était frêle, menue. Dans la clarté qui irradiait du véhicule, ses longs cheveux d’argent flottants au vent me permirent de mettre un nom sur elle : Bil, personnification de la phase descendante de la lune. Tout comme son frère Hjúki, qui représentait la phase ascendante, elle avait été enlevée des millénaires plus tôt par Máni, dieu de la lune en titre.
Mais, aujourd’hui, son frère n’était pas là, et le chariot lunaire fuyait déjà vers l’infinie noirceur du Ginnungagap, le vide primaire qui entourait l’Yggdrasil. Parce que, dans son sillage, galopait un monstrueux loup gris. Son immense silhouette musculeuse se déplaçait avec aisance dans la voûte céleste, avalait des distances gigantesques à chaque foulée, masquait brièvement la lueur des étoiles lorsqu’il bondissait. Je l’observai passer avec un mélange de stupeur et d’admiration, un sourire aux lèvres. C’était Hati, un fils de Fenrir. Mon… cousin, pour peu qu’on puisse le qualifier ainsi. Cela faisait des millénaires qu’il poursuivait Máni, et il était dit qu’au moment du Ragnarök, il l’attraperait et le dévorerait.
Je gardai le nez levé vers les étoiles encore quelques foulées, puis me concentrai à nouveau sur mon trajet en sentant que mes pieds s’enfonçaient un peu plus que d’habitude, me décalai vers la gauche pour me remettre sur la partie sécurisée du chemin, regardai devant moi. À force de ralentir, j’avais pris du retard sur les autres : je distinguais à peine la silhouette de Selvigia dans les volutes de brume, loin devant. Je fronçai le nez, allongeai mes foulées, l’esprit ailleurs. Le temps, qui jusque là s’était si vite écoulé, s’étirait à nouveau comme un liquide visqueux. Nous étions presque parvenus au point culminant des Neuf Mondes : Himinbjorg, la demeure de Heimdall, et la quantité d’oxygène présent dans l’air avait drastiquement décru depuis notre départ de Midgard. S’il n’y avait pas eu la vapeur d’eau pour charrier un peu d’oxygène, j’aurais dû courir en apnée.
Les muscles refroidis par mon ralentissement temporaire, je me traînai sur le dernier kilomètre en luttant toujours plus pour faire parvenir un peu d’air respirable à l’ensemble de mon organisme. D’ailleurs, les autres avaient eux aussi ralenti la cadence ; je les rejoignis alors que nous passions le seuil de Himinbjorg. Selvigia, qui fermait la marche du groupe d’Élites, haussa les sourcils à mon intention, l’air de m’interroger sur la raison de mon arrivée tardive.
— J’ai vu passer Máni et Hati.
Elle acquiesça, songeuse, poussa un long soupir en posant enfin le pied sur la roche solide.
Le Bifröst s’arrêtait dans une petite cour – petite au sens de trois cent mètres carrés – balayée par un vent glacé, chargé de neige, qui me hérissa le poil. Frissonnante dans mes vêtements d’été, adaptés aux chaudes températures de Turquie, je repoussai les premiers doutes qui m’envahissaient à l’idée de m’engager dans une quête intermondiale, et filai en direction des deux lourds vantaux de bois, dont l’un était entrebâillé. Je ne pris pas le temps de détailler l’impressionnante architecture qui rappelait les anciennes maisons viking, ni les immenses statues d’elfe et de nain qui encadraient la porte. J’avais déjà vu tout ça les trois fois précédentes où j’étais venue, et le gigantisme local me donnait mal à la tête. Ainsi, plutôt que de contempler l’environnement, je me faufilai dans l’étroite embrasure entre les battants de huit mètres de haut et, une fois à l’intérieur, repris avec soulagement une bouffée d’air respirable.
— Lilith.
Je fronçai un sourcil. Syn se tenait debout face à l’entrée. Ses paupières étaient fermées sur ses yeux anthracite, son front était plissé par la concentration, son corps entier était tendu comme un arc. Le vent froid qui s’engouffrait dans la halle soulevait sa longue robe bleu pâle, couverte au niveau du bustier par une fine cotte de mailles. Tout autour d’elle, l’air vibrait, régulièrement parcouru de puissantes pulsations magiques qui résonnaient dans ma poitrine et faisaient trembler mes os.
— Vous allez bien ? m’enquis-je alors que les autres entraient un par un dans le grand hall.
Un sourire grinçant, crispé, étira ses lèvres fines. Les autres, qui s’étaient faufilés à ma suite, s’immobilisèrent sur le seuil, nerveux.
— Ça ira mieux lorsque vous serez partis.
Sa voix avait beau être égale, aucun de nous n’était dupe. Nous sentions tous l’énergie qui irradiait de la déesse. Je coulai un regard nerveux autour de moi, à la recherche du maître des lieux.
— SYN, LAISSE-MOI SORTIR !
Malgré l’obscurité qui régnait dans l’immense demeure en l’absence de Heimdall, je vis la perle de sueur qui coulait le long de sa tempe. Syn était la déesse du refus juridique, mais aussi la gardienne des portes. Et Heimdall n’était pas là, ce qui signifiait que Syn était probablement en train de le retenir dehors, ou juste dans la pièce d’à-côté, depuis Loki savait combien de temps. Actuellement, elle était l’unique barrière entre le dieu blanc et nous, et à entendre le cri de fureur qui fit brièvement trembler l’ensemble de la montagne, il avait vraiment hâte de nous massacrer.
— Seulement si tu me jures de ne pas les toucher ! gronda-t-elle.
— POURRIS À NÁSTRÖND ! hurla-t-il, enragé. QUE NÍDHÖGG SE REPAISSE DE TON CADAVRE !
Je tournai la tête sur le côté, vers la cible des pulsations magiques de ma déesse de demi-sœur et la provenance des cris, et repérai une petite porte de bois, à peine visible dans la pénombre. L’énergie qui s’en dégageait était effarante, un véritable tourbillon de poussière s’était soulevé dans l’endroit où leurs flux magiques s’affrontaient. Je cillai. Je n’avais jamais vu l’énergie interagir à ce point avec le monde physique… jusqu’à aujourd’hui.
Mais après tout, n’était-ce pas à ce genre de signes qu’on reconnaissait de véritables dieux ?
— Heimdall, je te propose un arrangement honnête ! plaida Syn, une grimace d’épuisement déformant ses traits.
— BRÛLE DANS LES PROFONDEURS DE HVERGELMIR ! JE NE LAISSERAI PAS PASSER D’AUTRES ENFANTS DE CET ARTISAN DE MALHEUR !
La dénomination cordiale, quoique familière, de mon père, faillit me tirer un sourire, mais je captai ensuite le reste de sa phrase, et m’immobilisai, soudain figée. D’autres Loki ? Qui donc était passé avant nous ?
À voir les regards soudain tendus qu’échangeaient les autres, je n’étais pas la seule à avoir réalisé la signification de la dernière phrase du gardien du Bifröst. Mais Syn nous fit un vague signe de la main pour nous intimer de nous taire et d’attendre, et laissa Heimdall s’épuiser en vaines insultes, imprécations et coups sur la pauvre porte de bois. À force, j’en vins à me demander si ses gonds avaient été spécifiquement enchantés pour subir les coups de poing d’un Ase furieux et pour ne pas exploser sous la pression. C’était improbable qu’une simple planche de bois tienne bon ainsi.
Je grimaçai. Si Syn ne parvenait pas à convaincre Heimdall de nous laisser passer, nous avions peu de chances de nous en sortir. Par le passé, quand j’étais venue avec d’autres Loki, il avait respecté nos droits de passage en bougonnant, mais cette fois-ci, il semblait beaucoup moins enclin à le faire. Sauf que sans son accord, nous nous ferions massacrer dans notre descente de la montagne.
Puis, lentement, alors que la déesse semblait être sur le point de se briser sous l’effort, Heimdall cessa de frapper, et son énergie cessa de se déverser dans l’air. La tornade de poussière retomba, et l’expression de Syn se détendit quelque peu, même si elle ne cessa pas pour autant de bloquer le dieu de l’autre côté de la porte. Il y eut quelques longues, effrayantes, secondes de silence qui s’écoulèrent au compte-gouttes, durant lesquelles j’attendis avec crainte le moment où la porte volerait en éclats, mais finalement, la voix de Heimdall s’éleva à nouveau, bien plus calme, quoique toujours irritée.
— Soit. Qu’est-ce que tu veux exactement ?
L’indicible nuance de rancœur et d’agressivité dans sa voix hérissa les poils de mes bras. Je levai vers Syn un regard nerveux mais, clairement moins anxieuse que moi, elle répondit :
— Que tu jures de ne pas leur causer de tort avant demain matin… et ceci inclut d’avertir les autres dieux. Et, éventuellement, que tu en déposes certains à mi-chemin si ton cœur n’a pas encore gelé dans ces montagnes glacées.
Il y eut quelques secondes de silence, durant lesquelles il sembla tergiverser.
— Très bien grommela-t-il. Pour cette fois-ci, vous pouvez tous partir.
Syn ne bougea pas d’un cheveu.
— Et je m’engage à aider ceux d’entre vous qui ont besoin d’aller loin… finit par soupirer le dieu.
La gardienne des portes esquissa un sourire triomphant, souffla longuement, ferma les yeux. Quand la porte s’ouvrit, elle vacilla, s’appuya contre une épaisse colonne de pierre, manqua de tomber. Mais déjà, le dieu se précipitait à ses côtés. Sous nos regards stupéfaits, il la rattrapa avec douceur, la souleva telle une mariée et, sans même nous accorder un coup d’œil, se dirigea vers l’autre bout de la pièce, où venait de s’allumer un doux feu de cheminée. Les flammes dansaient dans l’âtre, chaleureuses, bienveillantes, éclairant de lueurs rougeoyantes le visage inquiet et renfrogné du veilleur des dieux. Je le regardai s’agenouiller auprès d’une chaise longue romaine, allonger Syn, presque inconsciente, avec une douceur surprenante. Une étrange mélancolie se dégageait de chacun de ses mouvements lents et mesurés. La lumière du foyer créait un halo orangé autour de ses cheveux en brosse translucides, accentuait les traits rudes de son visage blanc. Il se pencha en avant, murmura quelque chose à l’oreille de notre demi-sœur, dont le visage apaisé se fendit d’un sourire amusé, puis se tourna vers nous.
Même si je l’avais déjà vu quelques fois, je ne pus m’empêcher de hoqueter en voyant son faciès si particulier. Chacune des courbes de son visage ovale semblait avoir été taillée à la serpe. Sa barbe rêche, soigneusement coupée, accentuait son menton pointu. Ses joues étaient creuses, ses pommettes, proéminentes. Ses pupilles n’étaient qu’un petit point noir, noyé au milieu de l’océan laiteux de ses yeux profondément enfoncés dans leurs orbites, dans lesquels iris et sclérotique se confondaient. Son regard était intense, déroutant, frustré et préoccupé.
— Pour ceux qui ont besoin d’aller au Alfheim, Vanaheim ou à Asgard, lâcha-t-il d’un ton net, tranchant, je vous conseille de filer tant que vous le pouvez.
Les deux Njörd et la fille de Freyja qui nous avaient assistés pendant la bataille se mirent en mouvement vers la porte, sans nous accorder un regard ni un adieu, occupés à faire apparaître et à ajuster leurs vêtements d’hiver, se préparant à descendre la pente des montagnes aussi vite que possible.
Une fois que le battant par lequel nous étions entrés eut claqué derrière eux, le dieux blanc se tourna vers ceux qui restaient : Åke, Selvigia et moi.
— Et vous ? interrogea-t-il âprement.
L’animosité suintait par tous les pores de sa peau. Ses pupilles noires, dilatées par la pénombre, se fichèrent sur moi au moment où je pris une inspiration, je me demandai s’il se souvenait de tous les demi-divins qu’il voyait passer. J’étais venue trois fois par le passé : une fois pour aller à Nidavellir, une fois à Alfheim, et une fois à Vanaheim en compagnie d’Ekrest.
— Mímirsbrunn, lâchai-je de ma voix la plus ferme.
Les sourcils de l’Ase, droits et épais, s’arquèrent en une courbe broussailleuse. Dans la pénombre de la pièce, sa peau pâle étincelait presque de son propre éclat.
— Je vous déposerai sur l’Arbre, acquiesça-t-il en détaillant notre allure de fuyards réchappés d’un combat sanglant. Vous ferez le reste du chemin seuls.
Il coula un dernier regard préoccupé à Syn, qui gisait toujours sur le velours rouge du siège romain, inerte, se redressa, et se dirigea à son tour vers la cour. Une épaisse fourrure de loup apparut sur ses épaules, il se drapa dedans comme dans une cape. Nous le suivîmes vers l’extérieur, Selvigia et moi remplaçâmes nos vêtements d’été par nos combinaisons thermiques, qui apparurent directement sur nous, tandis qu’Åke s’habillait d’une peau d’animal similaire à celle du dieu. Mais, sur le pas de la porte, mue par la sensation aiguë d’un regard sur mes épaules, je me retournai.
Syn, toujours allongée, m’observait. Ses yeux anthracite, clairs et perçants, me détaillèrent de haut en bas, un sourire entendu affleura à ses lèvres. Sa faiblesse passagère s’était envolée, elle paraissait à l’aise dans la demeure du pire ennemi de notre père. Son attitude était assurée, sereine, bien loin de l’épuisement qu’elle avait probablement feint un instant plus tôt. De ses lèvres minces, elle souffla « Skadi », et je lui adressai un hochement de tête avant de me détourner. Dans sa manière de se comporter, je reconnaissais un peu de la fourberie familiale, cette élégante vulnérabilité apparente destinée à appâter l’ennemi.
Je rejoignis les autres au bord de l’immense cour pavée, à quelques centimètres à peine d’un vide de près de deux cent mètres. Heimdall ferma les yeux, éleva les mains. Le Bifröst, toujours ouvert depuis notre arrivée, se mit brusquement à luire d’un éclat si intense qu’il brûla ma rétine, je détournai le regard en direction de la pente en contrebas, un peu moins abrupte qui s’étendait à gauche. L’éclat du pont arc-en-ciel éclairait un petit groupe de trois silhouettes qui descendaient le versant à skis à une vitesse vertigineuse, en soulevant sur leur passage des gerbes de poudreuse.
Un flocon de neige solitaire se posa sur mon nez. Je levai la tête en direction du ciel, couvert d’une épaisse couche nuageuse sombre, qui voilait l’éclat des étoiles. Une grimace m’échappa, j’ajoutai une capuche de fourrure à mon équipement, calai des lunettes de ski sur mon nez pour me protéger du blizzard qui se levait.
— Vous pouvez y aller.
Il n’en fallait pas plus pour me lancer. Désireuse d’échapper au plus tôt à la menace physique d’une divinité qui haïssait mon père au plus haut point et de gagner le maximum d’avance possible, je m’élançai sans hésitation, suivie de près par les autres. Un tourbillon de neige nous enveloppa, nous soustrayant au regard des statues de pierre qui encadraient l’entrée de Himinbjorg.

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Dernière modification par vampiredelivres le sam. 08 mai, 2021 1:59 pm, modifié 1 fois.
JaneSerpentard

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Re: Le Cycle du Serpent [I & II] [(Urban) Fantasy / Action / Mythologie nordique]

Message par JaneSerpentard »

Hiellow !

Bon, je vois que la dernière fois que j’ai laissé un commentaire, ça devait remonter à un an à peu près, quand j’avais commencé à lire ton tome 1 (génial au passage, je l’ai dévoré trois fois déjà :lol:). Du coup, j’ai pas mal de retard :roll: Mais ça y est, j’ai tout rattrapé (ou presque :?) ! J’ai commencé le tome 2, j’en suis à la fin du chapitre 9 pour tout te dire !! Et franchement, j’ADORE toujours autant !

L’univers scandinave est vraiment ce que j’adore (mais je galère pas mal, pour ne pas dire énormément :| à l’écrire... du coup, je suis assez admirative de ce que tu fais !). J’ai toujours aimé la mythologie nordique, même sans trop m’en approcher pour toujours avoir une petite découverte par ci par là :) ! Déjà, dès le titre de ton tome 1, je ne pouvais qu’être fan : « La Confrérie de Loki ». Loki, je l’adore !!! Et même si, la mythologie nordique a été reprise dans beaucoup de films ou de Comics (exemple de Marvel : Asgard, Odin, Thor, Loki, Midgard, le Bifrost, etc.) c’est toujours un plaisir de voir ce que tu peux en faire, comment tu peux tourner les choses, les changer, etc.

En plus, les scènes d’action que tu décris sont superbes, on a vraiment l’impression d’y être, d’y risquer notre vie même... :o En tout cas, j’adore Lilith et Ekrest :P.

J’ai hâte de continuer ma lecture !! Je ne pense pas trop avoir le temps avec la reprise en presentiel mais je le fais dès que je peux, promis ;)

La biz,
Jane§erpentard
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Re: Le Cycle du Serpent [I & II] [(Urban) Fantasy / Action / Mythologie nordique]

Message par vampiredelivres »

JaneSerpentard a écrit : ven. 30 avr., 2021 11:56 am Hiellow !

Bon, je vois que la dernière fois que j’ai laissé un commentaire, ça devait remonter à un an à peu près, quand j’avais commencé à lire ton tome 1 (génial au passage, je l’ai dévoré trois fois déjà :lol:). Du coup, j’ai pas mal de retard :roll: Mais ça y est, j’ai tout rattrapé (ou presque :?) ! J’ai commencé le tome 2, j’en suis à la fin du chapitre 9 pour tout te dire !! Et franchement, j’ADORE toujours autant !

L’univers scandinave est vraiment ce que j’adore (mais je galère pas mal, pour ne pas dire énormément :| à l’écrire... du coup, je suis assez admirative de ce que tu fais !). J’ai toujours aimé la mythologie nordique, même sans trop m’en approcher pour toujours avoir une petite découverte par ci par là :) ! Déjà, dès le titre de ton tome 1, je ne pouvais qu’être fan : « La Confrérie de Loki ». Loki, je l’adore !!! Et même si, la mythologie nordique a été reprise dans beaucoup de films ou de Comics (exemple de Marvel : Asgard, Odin, Thor, Loki, Midgard, le Bifrost, etc.) c’est toujours un plaisir de voir ce que tu peux en faire, comment tu peux tourner les choses, les changer, etc.

En plus, les scènes d’action que tu décris sont superbes, on a vraiment l’impression d’y être, d’y risquer notre vie même... :o En tout cas, j’adore Lilith et Ekrest :P.

J’ai hâte de continuer ma lecture !! Je ne pense pas trop avoir le temps avec la reprise en presentiel mais je le fais dès que je peux, promis ;)

La biz,
Jane§erpentard
Coucou !

Ça me fait vraiment plaisir de te revoir dans le coin ! :o :D (Waw, trois fois ?!)
Merci beaucoup pour ta fidélité ♡

Ah, je t'avoue que j'ai mis du temps avant de trouver le bon axe pour écrire dans cet univers, moi aussi ! Si tu veux un coup de main à l'occasion, n'hésite pas, si je peux t'aider je le ferai avec plaisir ^^
L'un des trucs qui est incroyable avec la mythologie (et j'ai l'impression que c'est particulièrement le cas avec la mythologie nordique), c'est qu'il y a plein de manières d'adapter. Mais du coup, c'est aussi la difficulté principale, c'est que du coup, il y a des fois où on ne sait pas comment implémenter certains mythes en gardant la cohérence générale de l'univers.

Merci ! Ça veut dire que j'ai réussi mon boulot :D
Prends ton temps, je suis déjà super contente d'avoir eu un commentaire de ta part ;) Et bon courage pour la reprise en présentiel !

La bise !
JaneSerpentard

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Re: Le Cycle du Serpent [II] : L'Alliance des Déchus

Message par JaneSerpentard »

CHAPITRE 11


Marcher sur le Bifröst était toujours aussi surprenant, peu importe le nombre de fois où on le faisait. À mon sens, il n’y avait que les dieux pour l’emprunter comme des humains prenaient leur bus habituel tous les matins. Car, en vérité, ce n’était pas vraiment un arc-en-ciel. C’était la combinaison parfaite de trois éléments, liés et enchantés pour donner le matériau le plus solide – à l’exception de quelques cordes magiques – et le plus flexible des Neuf Mondes. Feu, air et eau se mêlaient harmonieusement en un dégradé de couleurs allant du vert au rouge en passant par le bleu. Chacune des trois bandes colorées mesurait cinq bons mètres de large en son centre, avant même qu’elle ne commence à se mélanger à la suivante.
Nous, nous courions en file indienne, à droite du centre du pont, entourés par les volutes de vapeur qui s’enroulaient autour de nous. Chacune de nos foulées soulevait une gerbe d’eau, chacun de nos pas s’enfonçait un peu dans le liquide élastique qui nous servait de sol. J’avais l’impression de courir en bord de mer, avec du caoutchouc en guise de sable. Plutôt sympa tout ça !
L’ensemble du pont avait une largeur totale d’au moins vingt mètres, mais personne n’osait s’aventurer trop d’un côté ou trop de l’autre. À l’extrême gauche, la bande rouge irradiait de chaleur, sa surface parcourue de petites flammèches et d’étincelles. Même à près de huit mètres mètres il est en trop celui-là non ? de la lisière des flammes, je sentais leur chaleur sur ma peau, je suffoquais dès qu’un courant d’air soufflait leur air brûlant dans ma direction.
Là où les flammes ardentes rencontraient l’air bleuté, le Bifröst était grisâtre, couleur de fumée, et se teintait parfois d’éclats violets. Le gris se fondait ensuite dans un sublime bleu vif, plus lumineux qu’un ciel d’été ensoleillé. À cet endroit, la température était un peu plus clémente, mais une lourde odeur d’ozone, presque insupportable, flottait partout, si forte que j’avais l’impression d’avoir sans cesse un Thor à mes côtés. Sympa pour eux :lol: L’azur électrique se muait ensuite en un blanc nacré de vapeur d’eau, puis en un vert pâle, presque translucide, dont la couleur s’intensifiait au fur et à mesure qu’on allait vers la droite. À la surface du pont, le liquide prenait le pas sur la vapeur, et, plus on s’éloignait du centre, plus nos pieds s’enfonçaient. La texture du pont devenait de moins en moins solide, de plus en plus boueuse, si on se dirigeait vers la bordure droite. Ne t’y aventures pas trop, tu pourrais mourir !
Il était souvent arrivé que des gens meurent en passant le pont. Tiens, c’est ce que je disais :roll: Il suffisait de ne pas faire attention, d’observer avec un peu trop d’attention la voûte céleste piquée des flammèches de Muspellheim, d’essayer de voir le sol qui s’était drastiquement éloigné… Il suffisait d’un arrêt longuet ? long et plutôt ?, de quelques petits pas de trop sur le côté. Un peu à gauche, et la peau commençait à se décoller sous l’effet de la chaleur, un peu à droite, et le sol n’était plus assez solide pour soutenir le poids du corps humain.
Malgré les conditions dangereuses, malgré le sol mou et l’air chaud, chargé d’ozone, qui me brûlait les poumons, nous avions adopté un rythme rapide. Pour la plupart d’entre nous – moi exclue, donc – une sortie dans l’Yggdrasil était une promenade de santé. Les autres en avaient tous l’habitude. Ils avaient servi leur Maison durant des années, ils étaient probablement montés à Asgard au moins trois fois chacun. Pour ma part, c’était différent. Trop prise par les conflits du monde moderne, qui m’offraient des missions régulières et lucratives, je n’étais que très rarement sortie de mon monde d’origine. J’étais jeune, par rapport aux Élites, inexpérimentée. Oh ma pauvre Lilith :(
Après une quarantaine de minutes de course, nous fûmes au sommet de l’arc-en-ciel, et la pente montante s’aplatit doucement. Le pont distordait l’espace-temps. Un voyage qui aurait dû durer des semaines, et massacrer les muscles de mes jambes à force de dénivelé positif, se transformait en un échauffement. Ce qui n’était pas plus mal, d’une certaine manière, parce que nous avions tous encore une longue route à parcourir.
Au sommet de l’arc-en-ciel, consciente que, si je ralentissais trop, je risquais de m’enfoncer, je raccourcis mes foulées afin de couvrir un peu moins de distance à chaque pas et de pouvoir observer les étoiles. Elles flambaient au-dessus de ma tête, à la fois si proches et si éloignées, bien plus larges que lorsqu’on les voyait depuis le sol. Si je tendais la main devant moi, elles avaient la largeur d’un ongle, et on pouvait deviner les étincelles qui s’échappaient parfois de leur surface.
Et puis, alors que le sol s’infléchissait doucement sous mes pieds pour aplatir la courbe pentue que j’avais montée jusque là, une soudaine lumière me brûla les paupières. Je plissai les yeux, grinçant des dents, baissai le nez pour continuer à surveiller le chemin sur lequel je marchais. Bientôt, la clarté s’atténua à nouveau et, en levant un peu la tête, je vis un grand char argenté qui s’éloignait sur la voûte céleste, tiré par deux chevaux gris pâle, et deux silhouettes assises dedans. Celle qui tenait les rênes était frêle, menue. Dans la clarté qui irradiait du véhicule, ses longs cheveux d’argent flottants au vent me permirent de mettre un nom sur elle : Bil, personnification de la phase descendante de la lune. Tout comme son frère Hjúki, qui représentait la phase ascendante, elle avait été enlevée des millénaires plus tôt par Máni, dieu de la lune en titre. Claaaaase 8-)
Mais, aujourd’hui, son frère n’était pas là, et le chariot lunaire fuyait déjà vers l’infinie noirceur du Ginnungagap, le vide primaire qui entourait l’Yggdrasil. Parce que, dans son sillage, galopait un monstrueux loup gris. Son immense silhouette musculeuse se déplaçait avec aisance dans la voûte céleste, avalait des distances gigantesques à chaque foulée, masquait brièvement la lueur des étoiles lorsqu’il bondissait. Je l’observai passer avec un mélange de stupeur et d’admiration, un sourire aux lèvres. C’était Hati, un fils de Fenrir. Mon… cousin, pour peu qu’on puisse le qualifier ainsi. Cela faisait des millénaires qu’il poursuivait Máni, et il était dit qu’au moment du Ragnarök, il l’attraperait et le dévorerait.
Je gardai le nez levé vers les étoiles encore quelques foulées, puis me concentrai à nouveau sur mon trajet en sentant que mes pieds s’enfonçaient un peu plus que d’habitude, me décalai vers la gauche pour me remettre sur la partie sécurisée du chemin, regardai devant moi. À force de ralentir, j’avais pris du retard sur les autres : je distinguais à peine la silhouette de Selvigia dans les volutes de brume, loin devant. Je fronçai le nez, allongeai mes foulées, l’esprit ailleurs. Le temps, qui jusque là s’était si vite écoulé, s’étirait à nouveau comme un liquide visqueux. Nous étions presque parvenus au point culminant des Neuf Mondes : Himinbjorg, la demeure de Heimdall, et la quantité d’oxygène présent dans l’air avait drastiquement décru depuis notre départ de Midgard. S’il n’y avait pas eu la vapeur d’eau pour charrier un peu d’oxygène, j’aurais dû courir en apnée.
Les muscles refroidis par mon ralentissement temporaire, je me traînai sur le dernier kilomètre en luttant toujours plus pour faire parvenir un peu d’air respirable à l’ensemble de mon organisme. D’ailleurs, les autres avaient eux aussi ralenti la cadence ; je les rejoignis alors que nous passions le seuil de Himinbjorg. Selvigia, qui fermait la marche du groupe d’Élites, haussa les sourcils à mon intention, l’air de m’interroger sur la raison de mon arrivée tardive.
— J’ai vu passer Máni et Hati.
Elle acquiesça, songeuse, poussa un long soupir en posant enfin le pied sur la roche solide.
Le Bifröst s’arrêtait dans une petite cour – petite au sens de trois cent mètres carrés – balayée par un vent glacé, chargé de neige, qui me hérissa le poil. Frissonnante dans mes vêtements d’été, adaptés aux chaudes températures de Turquie, je repoussai les premiers doutes qui m’envahissaient à l’idée de m’engager dans une quête intermondiale, et filai en direction des deux lourds vantaux de bois, dont l’un était entrebâillé. Je ne pris pas le temps de détailler l’impressionnante architecture qui rappelait les anciennes maisons viking, ni les immenses statues d’elfe et de nain qui encadraient la porte. J’avais déjà vu tout ça les trois fois précédentes où j’étais venue, et le gigantisme local me donnait mal à la tête. Ainsi, plutôt que de contempler l’environnement, je me faufilai dans l’étroite embrasure entre les battants de huit mètres de haut et, une fois à l’intérieur, repris avec soulagement une bouffée d’air respirable.
— Lilith. Oui, qu’est-ce qu’il y a ? :lol:
Je fronçai un sourcil. Syn se tenait debout face à l’entrée. Ses paupières étaient fermées sur ses yeux anthracite, son front était plissé par la concentration, son corps entier était tendu comme un arc. Le vent froid qui s’engouffrait dans la halle soulevait sa longue robe bleu pâle, couverte au niveau du bustier par une fine cotte de mailles. Tout autour d’elle, l’air vibrait, régulièrement parcouru de puissantes pulsations magiques qui résonnaient dans ma poitrine et faisaient trembler mes os.
— Vous allez bien ? m’enquis-je alors que les autres entraient un par un dans le grand hall.
Un sourire grinçant, crispé, étira ses lèvres fines. Les autres, qui s’étaient faufilés à ma suite, s’immobilisèrent sur le seuil, nerveux.
— Ça ira mieux lorsque vous serez partis. Hum... d’accord ! Sympa l’accueil dis-moi :P
Sa voix avait beau être égale, aucun de nous n’était dupe. Nous sentions tous l’énergie qui irradiait de la déesse. Je coulai un regard nerveux autour de moi, à la recherche du maître des lieux.
— SYN, LAISSE-MOI SORTIR !
Malgré l’obscurité qui régnait dans l’immense demeure en l’absence de Heimdall, je vis la perle de sueur qui coulait le long de sa tempe. Syn était la déesse du refus juridique, mais aussi la gardienne des portes. Et Heimdall n’était pas là, ce qui signifiait que Syn était probablement en train de le retenir dehors, ou juste dans la pièce d’à-côté, depuis Loki savait combien de temps. Actuellement, elle était l’unique barrière entre le dieu blanc et nous, et à entendre le cri de fureur qui fit brièvement trembler l’ensemble de la montagne, il avait vraiment hâte de nous massacrer.
— Seulement si tu me jures de ne pas les toucher ! gronda-t-elle.
— POURRIS À NÁSTRÖND ! hurla-t-il, enragé. QUE NÍDHÖGG SE REPAISSE DE TON CADAVRE ! Cooool comme ambiance !
Je tournai la tête sur le côté, vers la cible des pulsations magiques de ma déesse de demi-sœur et la provenance des cris, et repérai une petite porte de bois, à peine visible dans la pénombre. L’énergie qui s’en dégageait était effarante, un véritable tourbillon de poussière s’était soulevé dans l’endroit où leurs flux magiques s’affrontaient. Je cillai. Je n’avais jamais vu l’énergie interagir à ce point avec le monde physique… jusqu’à aujourd’hui.
Mais après tout, n’était-ce pas à ce genre de signes qu’on reconnaissait de véritables dieux ?
— Heimdall, je te propose un arrangement honnête ! plaida Syn, une grimace d’épuisement déformant ses traits.
— BRÛLE DANS LES PROFONDEURS DE HVERGELMIR ! JE NE LAISSERAI PAS PASSER D’AUTRES ENFANTS DE CET ARTISAN DE MALHEUR !
La dénomination cordiale, quoique familière, de mon père, faillit me tirer un sourire, mais je captai ensuite le reste de sa phrase, et m’immobilisai, soudain figée. D’autres Loki ? Qui donc était passé avant nous ? Je me le demande aussi Lilith !
À voir les regards soudain tendus qu’échangeaient les autres, je n’étais pas la seule à avoir réalisé la signification de la dernière phrase du gardien du Bifröst. Mais Syn nous fit un vague signe de la main pour nous intimer de nous taire et d’attendre, et laissa Heimdall s’épuiser en vaines insultes, imprécations et coups sur la pauvre porte de bois. À force, j’en vins à me demander si ses gonds avaient été spécifiquement enchantés pour subir les coups de poing d’un Ase furieux et pour ne pas exploser sous la pression. C’était improbable qu’une simple planche de bois tienne bon ainsi.
Je grimaçai. Si Syn ne parvenait pas à convaincre Heimdall de nous laisser passer, nous avions peu de chances de nous en sortir. Par le passé, quand j’étais venue avec d’autres Loki, il avait respecté nos droits de passage en bougonnant, mais cette fois-ci, il semblait beaucoup moins enclin à le faire. Sauf que sans son accord, nous nous ferions massacrer dans notre descente de la montagne.
Puis, lentement, alors que la déesse semblait être sur le point de se briser sous l’effort, Heimdall cessa de frapper, et son énergie cessa de se déverser dans l’air. La tornade de poussière retomba, et l’expression de Syn se détendit quelque peu, même si elle ne cessa pas pour autant de bloquer le dieu de l’autre côté de la porte. Il y eut quelques longues, effrayantes, secondes de silence qui s’écoulèrent au compte-gouttes, durant lesquelles j’attendis avec crainte le moment où la porte volerait en éclats, mais finalement, la voix de Heimdall s’éleva à nouveau, bien plus calme, quoique toujours irritée.
— Soit. Qu’est-ce que tu veux exactement ? Soit précise Syn...
L’indicible nuance de rancœur et d’agressivité dans sa voix hérissa les poils de mes bras. Je levai vers Syn un regard nerveux mais, clairement moins anxieuse que moi, elle répondit :
— Que tu jures de ne pas leur causer de tort avant demain matin… et ceci inclut d’avertir les autres dieux. Et, éventuellement, que tu en déposes certains à mi-chemin si ton cœur n’a pas encore gelé dans ces montagnes glacées.
Il y eut quelques secondes de silence, durant lesquelles il sembla tergiverser.
— Très bien grommela-t-il. Pour cette fois-ci, vous pouvez tous partir. Que pour cette fois par contre :lol:
Syn ne bougea pas d’un cheveu.
— Et je m’engage à aider ceux d’entre vous qui ont besoin d’aller loin… finit par soupirer le dieu. Voilà, on progresse Heimdall, on progresse.
La gardienne des portes esquissa un sourire triomphant, souffla longuement, ferma les yeux. Quand la porte s’ouvrit, elle vacilla, s’appuya contre une épaisse colonne de pierre, manqua de tomber. Mais déjà, le dieu se précipitait à ses côtés. Sous nos regards stupéfaits, il la rattrapa avec douceur, la souleva telle une mariée et, sans même nous accorder un coup d’œil, se dirigea vers l’autre bout de la pièce, où venait de s’allumer un doux feu de cheminée. Les flammes dansaient dans l’âtre, chaleureuses, bienveillantes, éclairant de lueurs rougeoyantes le visage inquiet et renfrogné du veilleur des dieux. Je le regardai s’agenouiller auprès d’une chaise longue romaine, allonger Syn, presque inconsciente, avec une douceur surprenante. Une étrange mélancolie se dégageait de chacun de ses mouvements lents et mesurés. La lumière du foyer créait un halo orangé autour de ses cheveux en brosse translucides, accentuait les traits rudes de son visage blanc. Il se pencha en avant, murmura quelque chose à l’oreille de notre demi-sœur, dont le visage apaisé se fendit d’un sourire amusé, puis se tourna vers nous.
Même si je l’avais déjà vu quelques fois, je ne pus m’empêcher de hoqueter en voyant son faciès si particulier. Chacune des courbes de son visage ovale semblait avoir été taillée à la serpe. Sa barbe rêche, soigneusement coupée, accentuait son menton pointu. Ses joues étaient creuses, ses pommettes, proéminentes. Ses pupilles n’étaient qu’un petit point noir, noyé au milieu de l’océan laiteux de ses yeux profondément enfoncés dans leurs orbites, dans lesquels iris et sclérotique se confondaient. Son regard était intense, déroutant, frustré et préoccupé.
— Pour ceux qui ont besoin d’aller au Alfheim, Vanaheim ou à Asgard, lâcha-t-il d’un ton net, tranchant, je vous conseille de filer tant que vous le pouvez.
Les deux Njörd et la fille de Freyja qui nous avaient assistés pendant la bataille se mirent en mouvement vers la porte, sans nous accorder un regard ni un adieu, occupés à faire apparaître et à ajuster leurs vêtements d’hiver, se préparant à descendre la pente des montagnes aussi vite que possible.
Une fois que le battant par lequel nous étions entrés eut claqué derrière eux, le dieux blanc se tourna vers ceux qui restaient : Åke, Selvigia et moi.
— Et vous ? interrogea-t-il âprement.
L’animosité suintait par tous les pores de sa peau. Ses pupilles noires, dilatées par la pénombre, se fichèrent sur moi au moment où je pris une inspiration, je me demandai s’il se souvenait de tous les demi-divins qu’il voyait passer. J’étais venue trois fois par le passé : une fois pour aller à Nidavellir, une fois à Alfheim, et une fois à Vanaheim en compagnie d’Ekrest.
— Mímirsbrunn, lâchai-je de ma voix la plus ferme.
Les sourcils de l’Ase, droits et épais, s’arquèrent en une courbe broussailleuse. Dans la pénombre de la pièce, sa peau pâle étincelait presque de son propre éclat.
— Je vous déposerai sur l’Arbre, acquiesça-t-il en détaillant notre allure de fuyards réchappés d’un combat sanglant. Vous ferez le reste du chemin seuls. D’accord monsieur, on ne va pas vous contredire...
Il coula un dernier regard préoccupé à Syn, qui gisait toujours sur le velours rouge du siège romain, inerte, se redressa, et se dirigea à son tour vers la cour. Une épaisse fourrure de loup apparut sur ses épaules, il se drapa dedans comme dans une cape. Nous le suivîmes vers l’extérieur, Selvigia et moi remplaçâmes nos vêtements d’été par nos combinaisons thermiques, qui apparurent directement sur nous, tandis qu’Åke s’habillait d’une peau d’animal similaire à celle du dieu. Mais, sur le pas de la porte, mue par la sensation aiguë d’un regard sur mes épaules, je me retournai.
Syn, toujours allongée, m’observait. Ses yeux anthracite, clairs et perçants, me détaillèrent de haut en bas, un sourire entendu affleura à ses lèvres. Sa faiblesse passagère s’était envolée, elle paraissait à l’aise dans la demeure du pire ennemi de notre père. Son attitude était assurée, sereine, bien loin de l’épuisement qu’elle avait probablement feint un instant plus tôt. De ses lèvres minces, elle souffla « Skadi », et je lui adressai un hochement de tête avant de me détourner. Dans sa manière de se comporter, je reconnaissais un peu de la fourberie familiale, cette élégante vulnérabilité apparente destinée à appâter l’ennemi.
Je rejoignis les autres au bord de l’immense cour pavée, à quelques centimètres à peine d’un vide de près de deux cent mètres. Heimdall ferma les yeux, éleva les mains. Le Bifröst, toujours ouvert depuis notre arrivée, se mit brusquement à luire d’un éclat si intense qu’il brûla ma rétine, je détournai le regard en direction de la pente en contrebas, un peu moins abrupte qui s’étendait à gauche. L’éclat du pont arc-en-ciel éclairait un petit groupe de trois silhouettes qui descendaient le versant à skis à une vitesse vertigineuse, en soulevant sur leur passage des gerbes de poudreuse.
Un flocon de neige solitaire se posa sur mon nez. Je levai la tête en direction du ciel, couvert d’une épaisse couche nuageuse sombre, qui voilait l’éclat des étoiles. Une grimace m’échappa, j’ajoutai une capuche de fourrure à mon équipement, calai des lunettes de ski sur mon nez pour me protéger du blizzard qui se levait.
— Vous pouvez y aller. Génial !!
Il n’en fallait pas plus pour me lancer. Désireuse d’échapper au plus tôt à la menace physique d’une divinité qui haïssait mon père au plus haut point et de gagner le maximum d’avance possible, je m’élançai sans hésitation, suivie de près par les autres. Un tourbillon de neige nous enveloppa, nous soustrayant au regard des statues de pierre qui encadraient l’entrée de Himinbjorg. Ça s’annonce bien ! J’ai hâte de voir à quoi ressemble Himinbjorg !

| † | † |
Bon, alors, j’ai lu ce dernier chapitre !! (En fait, j’avais déjà lu le 10, mais je l’ai relu quand même parce que je le trouve bien !). Il est SUUUUPER !!!! Je n’ai pas vu de fautes (après, je suis pas la reine en ortho, loin de là :roll:). En tout cas, ton écriture est fluide, les descriptions sont magnifiques, c’était un plaisir à lire, franchement. J’ai hâte de lire le 12 !!
Coucou !

Ça me fait vraiment plaisir de te revoir dans le coin ! :o :D (Waw, trois fois ?!)
Merci beaucoup pour ta fidélité ♡

Ah, je t'avoue que j'ai mis du temps avant de trouver le bon axe pour écrire dans cet univers, moi aussi ! Si tu veux un coup de main à l'occasion, n'hésite pas, si je peux t'aider je le ferai avec plaisir ^^
L'un des trucs qui est incroyable avec la mythologie (et j'ai l'impression que c'est particulièrement le cas avec la mythologie nordique), c'est qu'il y a plein de manières d'adapter. Mais du coup, c'est aussi la difficulté principale, c'est que du coup, il y a des fois où on ne sait pas comment implémenter certains mythes en gardant la cohérence générale de l'univers.

Merci ! Ça veut dire que j'ai réussi mon boulot :D
Prends ton temps, je suis déjà super contente d'avoir eu un commentaire de ta part ;) Et bon courage pour la reprise en présentiel !

La bise !
Ui, trois fois ! C’était tellement bien ;) J’avoue que ça me fait plaisir de revenir ici aussi :lol: j’aurais pu laisser un com’ plus tôt mais j’avais pas le temps alors j’en profite t’en que je peux !
Il n’y a pas de quoi, c’est grâce à l’univers magique que tu as créé si je suis aussi fidèle.

Ahah je vois ! Oh, c’est vrai ? Merci beaucoup, je n’hésiterai pas si jamais :D En tout cas pour le moment, je suis sur la dysto’ alors... c’est un peu loin niveau univers :lol: Mais après, j’ai un petit projet de fantasy-fantastique donc à l’occase.

Je suis complètement d’accord avec ça ! Et je pense que c’est ce qu’il y a de plus difficile quand même...

Bien sûr ! Je pense que tu l’as pleinement réussi.

Merci beaucoup, je devrais m’en sortir (même si j’ai beaucoup de contrôles, un oral de brevet et le brevet ! Oui, ça va le faire :shock: :roll:)
Biz
vampiredelivres

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Re: Le Cycle du Serpent [II] : L'Alliance des Déchus

Message par vampiredelivres »

JaneSerpentard a écrit : ven. 30 avr., 2021 3:22 pm
CHAPITRE 11


Nous, nous courions en file indienne, à droite du centre du pont, entourés par les volutes de vapeur qui s’enroulaient autour de nous. Chacune de nos foulées soulevait une gerbe d’eau, chacun de nos pas s’enfonçait un peu dans le liquide élastique qui nous servait de sol. J’avais l’impression de courir en bord de mer, avec du caoutchouc en guise de sable. Plutôt sympa tout ça ! Ça dépend x)
L’ensemble du pont avait une largeur totale d’au moins vingt mètres, mais personne n’osait s’aventurer trop d’un côté ou trop de l’autre. À l’extrême gauche, la bande rouge irradiait de chaleur, sa surface parcourue de petites flammèches et d’étincelles. Même à près de huit mètres mètres il est en trop celui-là non ? Yes, merci ! de la lisière des flammes, je sentais leur chaleur sur ma peau, je suffoquais dès qu’un courant d’air soufflait leur air brûlant dans ma direction.
Là où les flammes ardentes rencontraient l’air bleuté, le Bifröst était grisâtre, couleur de fumée, et se teintait parfois d’éclats violets. Le gris se fondait ensuite dans un sublime bleu vif, plus lumineux qu’un ciel d’été ensoleillé. À cet endroit, la température était un peu plus clémente, mais une lourde odeur d’ozone, presque insupportable, flottait partout, si forte que j’avais l’impression d’avoir sans cesse un Thor à mes côtés. Sympa pour eux :lol: Disons que ça ne ramène pas que de bons souvenirs :lol: L’azur électrique se muait ensuite en un blanc nacré de vapeur d’eau, puis en un vert pâle, presque translucide, dont la couleur s’intensifiait au fur et à mesure qu’on allait vers la droite. À la surface du pont, le liquide prenait le pas sur la vapeur, et, plus on s’éloignait du centre, plus nos pieds s’enfonçaient. La texture du pont devenait de moins en moins solide, de plus en plus boueuse, si on se dirigeait vers la bordure droite. Ne t’y aventures pas trop, tu pourrais mourir ! Yep !
Il était souvent arrivé que des gens meurent en passant le pont. Tiens, c’est ce que je disais :roll: :mrgreen: Il suffisait de ne pas faire attention, d’observer avec un peu trop d’attention la voûte céleste piquée des flammèches de Muspellheim, d’essayer de voir le sol qui s’était drastiquement éloigné… Il suffisait d’un arrêt longuet ? long et plutôt ? Non non, c'est bien "longuet" que je veux comme mot ^^, de quelques petits pas de trop sur le côté. Un peu à gauche, et la peau commençait à se décoller sous l’effet de la chaleur, un peu à droite, et le sol n’était plus assez solide pour soutenir le poids du corps humain.
Malgré les conditions dangereuses, malgré le sol mou et l’air chaud, chargé d’ozone, qui me brûlait les poumons, nous avions adopté un rythme rapide. Pour la plupart d’entre nous – moi exclue, donc – une sortie dans l’Yggdrasil était une promenade de santé. Les autres en avaient tous l’habitude. Ils avaient servi leur Maison durant des années, ils étaient probablement montés à Asgard au moins trois fois chacun. Pour ma part, c’était différent. Trop prise par les conflits du monde moderne, qui m’offraient des missions régulières et lucratives, je n’étais que très rarement sortie de mon monde d’origine. J’étais jeune, par rapport aux Élites, inexpérimentée. Oh ma pauvre Lilith :(

Et puis, alors que le sol s’infléchissait doucement sous mes pieds pour aplatir la courbe pentue que j’avais montée jusque là, une soudaine lumière me brûla les paupières. Je plissai les yeux, grinçant des dents, baissai le nez pour continuer à surveiller le chemin sur lequel je marchais. Bientôt, la clarté s’atténua à nouveau et, en levant un peu la tête, je vis un grand char argenté qui s’éloignait sur la voûte céleste, tiré par deux chevaux gris pâle, et deux silhouettes assises dedans. Celle qui tenait les rênes était frêle, menue. Dans la clarté qui irradiait du véhicule, ses longs cheveux d’argent flottants au vent me permirent de mettre un nom sur elle : Bil, personnification de la phase descendante de la lune. Tout comme son frère Hjúki, qui représentait la phase ascendante, elle avait été enlevée des millénaires plus tôt par Máni, dieu de la lune en titre. Claaaaase 8-) On attaque enfin la partie vraiment fun de l'univers mythologique :D

— Lilith. Oui, qu’est-ce qu’il y a ? :lol:
Je fronçai un sourcil. Syn se tenait debout face à l’entrée. Ses paupières étaient fermées sur ses yeux anthracite, son front était plissé par la concentration, son corps entier était tendu comme un arc. Le vent froid qui s’engouffrait dans la halle soulevait sa longue robe bleu pâle, couverte au niveau du bustier par une fine cotte de mailles. Tout autour d’elle, l’air vibrait, régulièrement parcouru de puissantes pulsations magiques qui résonnaient dans ma poitrine et faisaient trembler mes os.
— Vous allez bien ? m’enquis-je alors que les autres entraient un par un dans le grand hall.
Un sourire grinçant, crispé, étira ses lèvres fines. Les autres, qui s’étaient faufilés à ma suite, s’immobilisèrent sur le seuil, nerveux.
— Ça ira mieux lorsque vous serez partis. Hum... d’accord ! Sympa l’accueil dis-moi :P Eh, elle est en train de souffrir pour les laisser passer, donc ouais, ça ira mieux après x)

— POURRIS À NÁSTRÖND ! hurla-t-il, enragé. QUE NÍDHÖGG SE REPAISSE DE TON CADAVRE ! Cooool comme ambiance ! Trop de gentillesse et de bienveillance :lol:

La dénomination cordiale, quoique familière, de mon père, faillit me tirer un sourire, mais je captai ensuite le reste de sa phrase, et m’immobilisai, soudain figée. D’autres Loki ? Qui donc était passé avant nous ? Je me le demande aussi Lilith ! Tu le sauras, mais bien plus tard ! (Ou sinon, il y avait un indice dans les chapitres précédents ^^)

— Soit. Qu’est-ce que tu veux exactement ? Soit précise Syn... Les détails c'est important !

— Très bien grommela-t-il. Pour cette fois-ci, vous pouvez tous partir. Que pour cette fois par contre :lol: Ouep !
Syn ne bougea pas d’un cheveu.
— Et je m’engage à aider ceux d’entre vous qui ont besoin d’aller loin… finit par soupirer le dieu. Voilà, on progresse Heimdall, on progresse. Il est pénible ce Heimdall… :lol:

— Je vous déposerai sur l’Arbre, acquiesça-t-il en détaillant notre allure de fuyards réchappés d’un combat sanglant. Vous ferez le reste du chemin seuls. D’accord monsieur, on ne va pas vous contredire... En même temps tu ne contredis pas un dieu furax si tu tiens à ta viex)

— Vous pouvez y aller. Génial !! :D
Il n’en fallait pas plus pour me lancer. Désireuse d’échapper au plus tôt à la menace physique d’une divinité qui haïssait mon père au plus haut point et de gagner le maximum d’avance possible, je m’élançai sans hésitation, suivie de près par les autres. Un tourbillon de neige nous enveloppa, nous soustrayant au regard des statues de pierre qui encadraient l’entrée de Himinbjorg. Ça s’annonce bien ! J’ai hâte de voir à quoi ressemble Himinbjorg ! Alors on vient de quitter Himinbjorg (la demeure d'Heimdall, du coup), et là on s'engage sur l'Yggdrasil pour aller visiter un peu le reste des Neuf Mondes !

| † | † |
Ui, trois fois ! C’était tellement bien ;) J’avoue que ça me fait plaisir de revenir ici aussi :lol: j’aurais pu laisser un com’ plus tôt mais j’avais pas le temps alors j’en profite t’en que je peux !
Il n’y a pas de quoi, c’est grâce à l’univers magique que tu as créé si je suis aussi fidèle.

Ahah je vois ! Oh, c’est vrai ? Merci beaucoup, je n’hésiterai pas si jamais :D En tout cas pour le moment, je suis sur la dysto’ alors... c’est un peu loin niveau univers :lol: Mais après, j’ai un petit projet de fantasy-fantastique donc à l’occase.

Je suis complètement d’accord avec ça ! Et je pense que c’est ce qu’il y a de plus difficile quand même...

Bien sûr ! Je pense que tu l’as pleinement réussi.

Merci beaucoup, je devrais m’en sortir (même si j’ai beaucoup de contrôles, un oral de brevet et le brevet ! Oui, ça va le faire :shock: :roll:)
Biz
Franchement, c'est pas grave ! Je t'avoue que je n'ai pas non plus été hyper-régulière, donc bon x)

Oui, avec plaisir ! Oh, c'est cool la dystopie aussi ! Tu publies sur BN ou pas ?

Allez, courage pour tes examens !
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Re: Le Cycle du Serpent [II] : L'Alliance des Déchus

Message par louji »

vampiredelivres a écrit : ven. 30 avr., 2021 11:23 am Hiello ~
Bon, il y a un peu de mythologie dans ce chapitre. Beaucoup en fait, par rapport à d'habitude. En même temps, on débarque dans les Neuf Mondes, donc bon. Bienvenue, on termine ici l'axe Midgard, et on attaque la partie fun ! :mrgreen:
Bonne lecture !


CHAPITRE 11


Marcher sur le Bifröst était toujours aussi surprenant, peu importe le nombre de fois où on le faisait. À mon sens, il n’y avait que les dieux pour l’emprunter comme des humains prenaient leur bus habituel tous les matins. Car, en vérité, ce n’était pas vraiment un arc-en-ciel. C’était la combinaison parfaite de trois éléments, liés et enchantés pour donner le matériau le plus solide – à l’exception de quelques cordes magiques – et le plus flexible des Neuf Mondes. Feu, air et eau se mêlaient harmonieusement en un dégradé de couleurs allant du vert au rouge en passant par le bleu. Chacune des trois bandes colorées mesurait cinq bons mètres de large en son centre, avant même qu’elle ne commence à se mélanger à la suivante.
Nous, nous courions en file indienne, à droite du centre du pont, entourés par les volutes de vapeur qui s’enroulaient autour de nous. Chacune de nos foulées soulevait une gerbe d’eau, chacun de nos pas s’enfonçait un peu dans le liquide élastique qui nous servait de sol. J’avais l’impression de courir en bord de mer, avec du caoutchouc en guise de sable. :arrow: C'est... surprenant :lol: Mais j'aime beaucoup la façon dont tu le présentes !
L’ensemble du pont avait une largeur totale d’au moins vingt mètres, mais personne n’osait s’aventurer trop d’un côté ou trop de l’autre. À l’extrême gauche, la bande rouge irradiait de chaleur, sa surface parcourue de petites flammèches et d’étincelles. Même à près de huit mètres mètres de la lisière des flammes, je sentais leur chaleur sur ma peau, je suffoquais dès qu’un courant d’air soufflait leur air brûlant dans ma direction.
Là où les flammes ardentes rencontraient l’air bleuté, le Bifröst était grisâtre, couleur de fumée, et se teintait parfois d’éclats violets. Le gris se fondait ensuite dans un sublime bleu vif, plus lumineux qu’un ciel d’été ensoleillé. À cet endroit, la température était un peu plus clémente, mais une lourde odeur d’ozone, presque insupportable, flottait partout, si forte que j’avais l’impression d’avoir sans cesse un Thor à mes côtés. L’azur électrique se muait ensuite en un blanc nacré de vapeur d’eau, puis en un vert pâle, presque translucide, dont la couleur s’intensifiait au fur et à mesure qu’on allait vers la droite. À la surface du pont, le liquide prenait le pas sur la vapeur, et, plus on s’éloignait du centre, plus nos pieds s’enfonçaient. La texture du pont devenait de moins en moins solide, de plus en plus boueuse, si on se dirigeait vers la bordure droite.
Il était souvent arrivé que des gens meurent en passant le pont. Il suffisait de ne pas faire attention, d’observer avec un peu trop d’attention la voûte céleste piquée des flammèches de Muspellheim, d’essayer de voir le sol qui s’était drastiquement éloigné… Il suffisait d’un arrêt longuet, de quelques petits pas de trop sur le côté. Un peu à gauche, et la peau commençait à se décoller sous l’effet de la chaleur, un peu à droite, et le sol n’était plus assez solide pour soutenir le poids du corps humain.
Malgré les conditions dangereuses, malgré le sol mou et l’air chaud, chargé d’ozone, qui me brûlait les poumons, nous avions adopté un rythme rapide. Pour la plupart d’entre nous – moi exclue, donc – une sortie dans l’Yggdrasil était une promenade de santé. Les autres en avaient tous l’habitude. Ils avaient servi leur Maison durant des années, ils étaient probablement montés à Asgard au moins trois fois chacun. Pour ma part, c’était différent. Trop prise par les conflits du monde moderne, qui m’offraient des missions régulières et lucratives, je n’étais que très rarement sortie de mon monde d’origine. J’étais jeune, par rapport aux Élites, inexpérimentée.
Après une quarantaine de minutes de course, nous fûmes au sommet de l’arc-en-ciel, et la pente montante s’aplatit doucement. Le pont distordait l’espace-temps. Un voyage qui aurait dû durer des semaines, et massacrer les muscles de mes jambes à force de dénivelé positif, se transformait en un échauffement. Ce qui n’était pas plus mal, d’une certaine manière, parce que nous avions tous encore une longue route à parcourir.
Au sommet de l’arc-en-ciel, consciente que, si je ralentissais trop, je risquais de m’enfoncer, je raccourcis mes foulées afin de couvrir un peu moins de distance à chaque pas et de pouvoir observer les étoiles. Elles flambaient au-dessus de ma tête, à la fois si proches et si éloignées, bien plus larges que lorsqu’on les voyait depuis le sol. Si je tendais la main devant moi, elles avaient la largeur d’un ongle, et on pouvait deviner les étincelles qui s’échappaient parfois de leur surface. :arrow: C'est si stylé
Et puis, alors que le sol s’infléchissait doucement sous mes pieds pour aplatir la courbe pentue que j’avais montée jusque là, une soudaine lumière me brûla les paupières. Je plissai les yeux, grinçant des dents, baissai le nez pour continuer à surveiller le chemin sur lequel je marchais. Bientôt, la clarté s’atténua à nouveau et, en levant un peu la tête, je vis un grand char argenté qui s’éloignait sur la voûte céleste, tiré par deux chevaux gris pâle, et deux silhouettes assises dedans. Celle qui tenait les rênes était frêle, menue. Dans la clarté qui irradiait du véhicule, ses longs cheveux d’argent flottants au vent me permirent de mettre un nom sur elle : Bil, personnification de la phase descendante de la lune. Tout comme son frère Hjúki, qui représentait la phase ascendante, elle avait été enlevée des millénaires plus tôt par Máni, dieu de la lune en titre. :arrow: Donc 3 dieux juste pour la lune ? Bien :lol:
Mais, aujourd’hui, son frère n’était pas là, et le chariot lunaire fuyait déjà vers l’infinie noirceur du Ginnungagap, le vide primaire qui entourait l’Yggdrasil. Parce que, dans son sillage, galopait un monstrueux loup gris :arrow: Le poto Fenrir ? :lol: . Son immense silhouette musculeuse se déplaçait avec aisance dans la voûte céleste, avalait des distances gigantesques à chaque foulée, masquait brièvement la lueur des étoiles lorsqu’il bondissait. Je l’observai passer avec un mélange de stupeur et d’admiration, un sourire aux lèvres. C’était Hati, un fils de Fenrir. :arrow: Ah, presque :D Mon… cousin, pour peu qu’on puisse le qualifier ainsi. Cela faisait des millénaires qu’il poursuivait Máni, et il était dit qu’au moment du Ragnarök, il l’attraperait et le dévorerait.
Je gardai le nez levé vers les étoiles encore quelques foulées, puis me concentrai à nouveau sur mon trajet en sentant que mes pieds s’enfonçaient un peu plus que d’habitude, me décalai vers la gauche pour me remettre sur la partie sécurisée du chemin, regardai devant moi. À force de ralentir, j’avais pris du retard sur les autres : je distinguais à peine la silhouette de Selvigia dans les volutes de brume, loin devant. Je fronçai le nez, allongeai mes foulées, l’esprit ailleurs. Le temps, qui jusque là s’était si vite écoulé, s’étirait à nouveau comme un liquide visqueux. Nous étions presque parvenus au point culminant des Neuf Mondes : Himinbjorg, la demeure de Heimdall, et la quantité d’oxygène présent dans l’air avait drastiquement décru depuis notre départ de Midgard. S’il n’y avait pas eu la vapeur d’eau pour charrier un peu d’oxygène, j’aurais dû courir en apnée.
Les muscles refroidis par mon ralentissement temporaire, je me traînai sur le dernier kilomètre en luttant toujours plus pour faire parvenir un peu d’air respirable à l’ensemble de mon organisme. D’ailleurs, les autres avaient eux aussi ralenti la cadence ; je les rejoignis alors que nous passions le seuil de Himinbjorg. Selvigia, qui fermait la marche du groupe d’Élites, haussa les sourcils à mon intention, l’air de m’interroger sur la raison de mon arrivée tardive.
— J’ai vu passer Máni et Hati.
Elle acquiesça, songeuse, poussa un long soupir en posant enfin le pied sur la roche solide.
Le Bifröst s’arrêtait dans une petite cour – petite au sens de trois cent mètres carrés – balayée par un vent glacé, chargé de neige, qui me hérissa le poil. Frissonnante dans mes vêtements d’été, adaptés aux chaudes températures de Turquie, je repoussai les premiers doutes qui m’envahissaient à l’idée de m’engager dans une quête intermondiale :arrow: Ça prend comme une dimension SF alors que... pas du tout :lol: , et filai en direction des deux lourds vantaux de bois, dont l’un était entrebâillé. Je ne pris pas le temps de détailler l’impressionnante architecture qui rappelait les anciennes maisons viking, ni les immenses statues d’elfe et de nain qui encadraient la porte. J’avais déjà vu tout ça les trois fois précédentes où j’étais venue, et le gigantisme local me donnait mal à la tête. Ainsi, plutôt que de contempler l’environnement, je me faufilai dans l’étroite embrasure entre les battants de huit mètres de haut et, une fois à l’intérieur, repris avec soulagement une bouffée d’air respirable.
— Lilith.
Je fronçai un sourcil. Syn se tenait debout face à l’entrée. Ses paupières étaient fermées sur ses yeux anthracite, son front était plissé par la concentration, son corps entier était tendu comme un arc. Le vent froid qui s’engouffrait dans la halle soulevait sa longue robe bleu pâle, couverte au niveau du bustier par une fine cotte de mailles. Tout autour d’elle, l’air vibrait, régulièrement parcouru de puissantes pulsations magiques qui résonnaient dans ma poitrine et faisaient trembler mes os.
— Vous allez bien ? m’enquis-je alors que les autres entraient un par un dans le grand hall.
Un sourire grinçant, crispé, étira ses lèvres fines. Les autres, qui s’étaient faufilés à ma suite, s’immobilisèrent sur le seuil, nerveux.
— Ça ira mieux lorsque vous serez partis.
Sa voix avait beau être égale, aucun de nous n’était dupe. Nous sentions tous l’énergie qui irradiait de la déesse. Je coulai un regard nerveux autour de moi, à la recherche du maître des lieux.
— SYN, LAISSE-MOI SORTIR !
Malgré l’obscurité qui régnait dans l’immense demeure en l’absence de Heimdall, je vis la perle de sueur qui coulait le long de sa tempe. Syn était la déesse du refus juridique, mais aussi la gardienne des portes. Et Heimdall n’était pas là, ce qui signifiait que Syn était probablement en train de le retenir dehors, ou juste dans la pièce d’à-côté, depuis Loki savait combien de temps. Actuellement, elle était l’unique barrière entre le dieu blanc et nous, et à entendre le cri de fureur qui fit brièvement trembler l’ensemble de la montagne, il avait vraiment hâte de nous massacrer.
— Seulement si tu me jures de ne pas les toucher ! gronda-t-elle.
— POURRIS À NÁSTRÖND ! hurla-t-il, enragé. QUE NÍDHÖGG SE REPAISSE DE TON CADAVRE ! :arrow: Ah, la fameuse phrase :lol:
Je tournai la tête sur le côté, vers la cible des pulsations magiques de ma déesse de demi-sœur et la provenance des cris, et repérai une petite porte de bois, à peine visible dans la pénombre. L’énergie qui s’en dégageait était effarante, un véritable tourbillon de poussière s’était soulevé dans l’endroit où leurs flux magiques s’affrontaient :arrow: Je trouve cette phrase un peu lourde !. Je cillai. Je n’avais jamais vu l’énergie interagir à ce point avec le monde physique… jusqu’à aujourd’hui.
Mais après tout, n’était-ce pas à ce genre de signes qu’on reconnaissait de véritables dieux ?
— Heimdall, je te propose un arrangement honnête ! plaida Syn, une grimace d’épuisement déformant ses traits.
— BRÛLE DANS LES PROFONDEURS DE HVERGELMIR ! JE NE LAISSERAI PAS PASSER D’AUTRES ENFANTS DE CET ARTISAN DE MALHEUR ! :arrow: C'est chou, artisan de malheur :lol:
La dénomination cordiale, quoique familière, de mon père, faillit me tirer un sourire, mais je captai ensuite le reste de sa phrase, et m’immobilisai, soudain figée. D’autres Loki ? Qui donc était passé avant nous ?
À voir les regards soudain tendus qu’échangeaient les autres, je n’étais pas la seule à avoir réalisé la signification de la dernière phrase du gardien du Bifröst. Mais Syn nous fit un vague signe de la main pour nous intimer de nous taire et d’attendre, et laissa Heimdall s’épuiser en vaines insultes, imprécations et coups sur la pauvre porte de bois. À force, j’en vins à me demander si ses gonds avaient été spécifiquement enchantés pour subir les coups de poing d’un Ase furieux et pour ne pas exploser sous la pression. C’était improbable qu’une simple planche de bois tienne bon ainsi.
Je grimaçai. Si Syn ne parvenait pas à convaincre Heimdall de nous laisser passer, nous avions peu de chances de nous en sortir. Par le passé, quand j’étais venue avec d’autres Loki, il avait respecté nos droits de passage en bougonnant, mais cette fois-ci, il semblait beaucoup moins enclin à le faire. Sauf que sans son accord, nous nous ferions massacrer dans notre descente de la montagne.
Puis, lentement, alors que la déesse semblait être sur le point de se briser sous l’effort, Heimdall cessa de frapper, et son énergie cessa :arrow: petite répétition :) de se déverser dans l’air. La tornade de poussière retomba, et l’expression de Syn se détendit quelque peu, même si elle ne cessa pas pour autant de bloquer le dieu de l’autre côté de la porte. Il y eut quelques longues, effrayantes, secondes de silence qui s’écoulèrent au compte-gouttes, durant lesquelles j’attendis avec crainte le moment où la porte volerait en éclats, mais finalement, la voix de Heimdall s’éleva à nouveau, bien plus calme, quoique toujours irritée. :arrow: Fouh, elle est costaud celle-ci :D
— Soit. Qu’est-ce que tu veux exactement ?
L’indicible nuance de rancœur et d’agressivité dans sa voix hérissa les poils de mes bras. Je levai vers Syn un regard nerveux mais, clairement moins anxieuse que moi, elle répondit :
— Que tu jures de ne pas leur causer de tort avant demain matin… et ceci inclut d’avertir les autres dieux. Et, éventuellement, que tu en déposes certains à mi-chemin si ton cœur n’a pas encore gelé dans ces montagnes glacées.
Il y eut quelques secondes de silence, durant lesquelles il sembla tergiverser.
— Très bien grommela-t-il. Pour cette fois-ci, vous pouvez tous partir.
Syn ne bougea pas d’un cheveu.
— Et je m’engage à aider ceux d’entre vous qui ont besoin d’aller loin… finit par soupirer le dieu.
La gardienne des portes esquissa un sourire triomphant, souffla longuement, ferma les yeux. Quand la porte s’ouvrit, elle vacilla, s’appuya contre une épaisse colonne de pierre, manqua de tomber. Mais déjà, le dieu se précipitait à ses côtés. Sous nos regards stupéfaits, il la rattrapa avec douceur, la souleva telle une mariée et, sans même nous accorder un coup d’œil, se dirigea vers l’autre bout de la pièce, où venait de s’allumer un doux feu de cheminée. Les flammes dansaient dans l’âtre, chaleureuses, bienveillantes, éclairant de lueurs rougeoyantes le visage inquiet et renfrogné du veilleur des dieux. Je le regardai s’agenouiller auprès d’une chaise longue romaine, allonger Syn, presque inconsciente, avec une douceur surprenante. Une étrange mélancolie se dégageait de chacun de ses mouvements lents et mesurés. La lumière du foyer créait un halo orangé autour de ses cheveux en brosse translucides, accentuait les traits rudes de son visage blanc. Il se pencha en avant, murmura quelque chose à l’oreille de notre demi-sœur, dont le visage apaisé se fendit d’un sourire amusé, puis se tourna vers nous.
Même si je l’avais déjà vu quelques fois, je ne pus m’empêcher de hoqueter en voyant son faciès si particulier. Chacune des courbes de son visage ovale semblait avoir été taillée à la serpe. Sa barbe rêche, soigneusement coupée, accentuait son menton pointu. Ses joues étaient creuses, ses pommettes, proéminentes. Ses pupilles n’étaient qu’un petit point noir, noyé au milieu de l’océan laiteux de ses yeux profondément enfoncés dans leurs orbites, dans lesquels iris et sclérotique se confondaient. Son regard était intense, déroutant, frustré et préoccupé.
— Pour ceux qui ont besoin d’aller au Alfheim, Vanaheim ou à Asgard, lâcha-t-il d’un ton net, tranchant, je vous conseille de filer tant que vous le pouvez.
Les deux Njörd et la fille de Freyja qui nous avaient assistés pendant la bataille se mirent en mouvement vers la porte, sans nous accorder un regard ni un adieu, occupés à faire apparaître et à ajuster leurs vêtements d’hiver, se préparant à descendre la pente des montagnes aussi vite que possible.
Une fois que le battant par lequel nous étions entrés eut claqué derrière eux, le dieux blanc se tourna vers ceux qui restaient : Åke, Selvigia et moi.
— Et vous ? interrogea-t-il âprement.
L’animosité suintait par tous les pores de sa peau. Ses pupilles noires, dilatées par la pénombre, se fichèrent sur moi au moment où je pris une inspiration, je me demandai s’il se souvenait de tous les demi-divins qu’il voyait passer. J’étais venue trois fois par le passé : une fois pour aller à Nidavellir, une fois à Alfheim, et une fois à Vanaheim en compagnie d’Ekrest.
— Mímirsbrunn, lâchai-je de ma voix la plus ferme.
Les sourcils de l’Ase, droits et épais, s’arquèrent en une courbe broussailleuse. Dans la pénombre de la pièce, sa peau pâle étincelait presque de son propre éclat.
— Je vous déposerai sur l’Arbre, acquiesça-t-il en détaillant notre allure de fuyards réchappés d’un combat sanglant. Vous ferez le reste du chemin seuls.
Il coula un dernier regard préoccupé à Syn, qui gisait toujours sur le velours rouge du siège romain, inerte, se redressa, et se dirigea à son tour vers la cour. Une épaisse fourrure de loup apparut sur ses épaules, il se drapa dedans comme dans une cape. Nous le suivîmes vers l’extérieur, Selvigia et moi remplaçâmes nos vêtements d’été par nos combinaisons thermiques, qui apparurent directement sur nous, tandis qu’Åke s’habillait d’une peau d’animal similaire à celle du dieu. Mais, sur le pas de la porte, mue par la sensation aiguë d’un regard sur mes épaules, je me retournai.
Syn, toujours allongée, m’observait. Ses yeux anthracite, clairs et perçants, me détaillèrent de haut en bas, un sourire entendu affleura à ses lèvres. Sa faiblesse passagère s’était envolée, elle paraissait à l’aise dans la demeure du pire ennemi de notre père. Son attitude était assurée, sereine, bien loin de l’épuisement qu’elle avait probablement feint un instant plus tôt. De ses lèvres minces, elle souffla « Skadi », et je lui adressai un hochement de tête avant de me détourner. Dans sa manière de se comporter, je reconnaissais un peu de la fourberie familiale, cette élégante vulnérabilité apparente destinée à appâter l’ennemi.
Je rejoignis les autres au bord de l’immense cour pavée, à quelques centimètres à peine d’un vide de près de deux cent mètres. Heimdall ferma les yeux, éleva les mains. Le Bifröst, toujours ouvert depuis notre arrivée, se mit brusquement à luire d’un éclat si intense qu’il brûla ma rétine, je détournai le regard en direction de la pente en contrebas, un peu moins abrupte qui s’étendait à gauche. L’éclat du pont arc-en-ciel éclairait un petit groupe de trois silhouettes qui descendaient le versant à skis à une vitesse vertigineuse, en soulevant sur leur passage des gerbes de poudreuse.
Un flocon de neige solitaire se posa sur mon nez. Je levai la tête en direction du ciel, couvert d’une épaisse couche nuageuse sombre, qui voilait l’éclat des étoiles. Une grimace m’échappa, j’ajoutai une capuche de fourrure à mon équipement, calai des lunettes de ski sur mon nez pour me protéger du blizzard qui se levait.
— Vous pouvez y aller.
Il n’en fallait pas plus pour me lancer. Désireuse d’échapper au plus tôt à la menace physique d’une divinité qui haïssait mon père au plus haut point et de gagner le maximum d’avance possible, je m’élançai sans hésitation, suivie de près par les autres. Un tourbillon de neige nous enveloppa, nous soustrayant au regard des statues de pierre qui encadraient l’entrée de Himinbjorg.

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Wait. Ils vont partir en skis ???
MDR JE M'ATTENDAIS PAS A CA. C'EST EXCELLENT. T'as intérêt à savoir faire du ski, ptn.
Du coup, ils font du ski depuis des millénaires pour descendre du Bifröst ? :lol:

Tu dois t'en douter, mais j'ai complètement adhéré à la dimension mythologie de ce chapitre :mrgreen: Vraiment, ça fait partie des éléments qui font complètement le charme de ton récit (l'adaptation de la mythologie nordique selon tes visions, le monde d'aujourd'hui...). Il se passe en soi pas grand-chose, mais comme c'est assez riche en infos, le chapitre paraît pas "mou" ou "vide" pour autant ^^
Je suis plutôt curieuse de la relation entre Syn et Heimdall. Amants ? Potos depuis la maternelle ? 'Fin, peu importe, ils ont pu tous passer par le Bifröst, c'est ce qui compte :lol:

Bon, maintenant, j'ai hâte de voir tout le bordel qui va leur arriver :lol: Et de savoir comment est Mimir 8-)

Plein de courage pour la suite !
vampiredelivres

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Re: Le Cycle du Serpent [II] : L'Alliance des Déchus

Message par vampiredelivres »

louji a écrit : lun. 03 mai, 2021 8:48 pm
CHAPITRE 11


Nous, nous courions en file indienne, à droite du centre du pont, entourés par les volutes de vapeur qui s’enroulaient autour de nous. Chacune de nos foulées soulevait une gerbe d’eau, chacun de nos pas s’enfonçait un peu dans le liquide élastique qui nous servait de sol. J’avais l’impression de courir en bord de mer, avec du caoutchouc en guise de sable. :arrow: C'est... surprenant :lol: Mais j'aime beaucoup la façon dont tu le présentes ! Merci ! En même temps, pour citer wikipédia / les bouquins, c'est un arc-en-ciel dont "Il est dit qu'il possède uniquement trois couleurs. Ce que l'on voit comme rouge est un feu ardent." et il est fait d'eau, d'air et de feu. Donc bon, comment faire pour que tu puisses quand même marcher dessus ? :lol: Je t'avoue que j'y ai passé quelques soirées de réflexion.

Au sommet de l’arc-en-ciel, consciente que, si je ralentissais trop, je risquais de m’enfoncer, je raccourcis mes foulées afin de couvrir un peu moins de distance à chaque pas et de pouvoir observer les étoiles. Elles flambaient au-dessus de ma tête, à la fois si proches et si éloignées, bien plus larges que lorsqu’on les voyait depuis le sol. Si je tendais la main devant moi, elles avaient la largeur d’un ongle, et on pouvait deviner les étincelles qui s’échappaient parfois de leur surface. :arrow: C'est si stylé Mici !
Et puis, alors que le sol s’infléchissait doucement sous mes pieds pour aplatir la courbe pentue que j’avais montée jusque là, une soudaine lumière me brûla les paupières. Je plissai les yeux, grinçant des dents, baissai le nez pour continuer à surveiller le chemin sur lequel je marchais. Bientôt, la clarté s’atténua à nouveau et, en levant un peu la tête, je vis un grand char argenté qui s’éloignait sur la voûte céleste, tiré par deux chevaux gris pâle, et deux silhouettes assises dedans. Celle qui tenait les rênes était frêle, menue. Dans la clarté qui irradiait du véhicule, ses longs cheveux d’argent flottants au vent me permirent de mettre un nom sur elle : Bil, personnification de la phase descendante de la lune. Tout comme son frère Hjúki, qui représentait la phase ascendante, elle avait été enlevée des millénaires plus tôt par Máni, dieu de la lune en titre. :arrow: Donc 3 dieux juste pour la lune ? Bien :lol: Oué, mais Hjúki et Bil sont des divinités secondaires.
Mais, aujourd’hui, son frère n’était pas là, et le chariot lunaire fuyait déjà vers l’infinie noirceur du Ginnungagap, le vide primaire qui entourait l’Yggdrasil. Parce que, dans son sillage, galopait un monstrueux loup gris :arrow: Le poto Fenrir ? :lol: Presque !. Son immense silhouette musculeuse se déplaçait avec aisance dans la voûte céleste, avalait des distances gigantesques à chaque foulée, masquait brièvement la lueur des étoiles lorsqu’il bondissait. Je l’observai passer avec un mélange de stupeur et d’admiration, un sourire aux lèvres. C’était Hati, un fils de Fenrir. :arrow: Ah, presque :D :D Mon… cousin, pour peu qu’on puisse le qualifier ainsi. Cela faisait des millénaires qu’il poursuivait Máni, et il était dit qu’au moment du Ragnarök, il l’attraperait et le dévorerait.

Le Bifröst s’arrêtait dans une petite cour – petite au sens de trois cent mètres carrés – balayée par un vent glacé, chargé de neige, qui me hérissa le poil. Frissonnante dans mes vêtements d’été, adaptés aux chaudes températures de Turquie, je repoussai les premiers doutes qui m’envahissaient à l’idée de m’engager dans une quête intermondiale :arrow: Ça prend comme une dimension SF alors que... pas du tout :lol: Hé, en soi, c'est de la vraie SFFF à ce stade, on débarque dans d'autres mondes :lol: (Et encore, quand on rencontrera les nains ça va devenir un autre bordel technologique !), et filai en direction des deux lourds vantaux de bois, dont l’un était entrebâillé. Je ne pris pas le temps de détailler l’impressionnante architecture qui rappelait les anciennes maisons viking, ni les immenses statues d’elfe et de nain qui encadraient la porte. J’avais déjà vu tout ça les trois fois précédentes où j’étais venue, et le gigantisme local me donnait mal à la tête. Ainsi, plutôt que de contempler l’environnement, je me faufilai dans l’étroite embrasure entre les battants de huit mètres de haut et, une fois à l’intérieur, repris avec soulagement une bouffée d’air respirable.

— Seulement si tu me jures de ne pas les toucher ! gronda-t-elle.
— POURRIS À NÁSTRÖND ! hurla-t-il, enragé. QUE NÍDHÖGG SE REPAISSE DE TON CADAVRE ! :arrow: Ah, la fameuse phrase :lol: Wi. Les insultes mythologiques c'est le bordel.
Je tournai la tête sur le côté, vers la cible des pulsations magiques de ma déesse de demi-sœur et la provenance des cris, et repérai une petite porte de bois, à peine visible dans la pénombre. L’énergie qui s’en dégageait était effarante, un véritable tourbillon de poussière s’était soulevé dans l’endroit où leurs flux magiques s’affrontaient :arrow: Je trouve cette phrase un peu lourde ! Oué, merci !. Je cillai. Je n’avais jamais vu l’énergie interagir à ce point avec le monde physique… jusqu’à aujourd’hui.
Mais après tout, n’était-ce pas à ce genre de signes qu’on reconnaissait de véritables dieux ?
— Heimdall, je te propose un arrangement honnête ! plaida Syn, une grimace d’épuisement déformant ses traits.
— BRÛLE DANS LES PROFONDEURS DE HVERGELMIR ! JE NE LAISSERAI PAS PASSER D’AUTRES ENFANTS DE CET ARTISAN DE MALHEUR ! :arrow: C'est chou, artisan de malheur :lol: Ui, c'est l'un des surnoms principaux de Loki x)

Puis, lentement, alors que la déesse semblait être sur le point de se briser sous l’effort, Heimdall cessa de frapper, et son énergie cessa :arrow: petite répétition :) de se déverser dans l’air. La tornade de poussière retomba, et l’expression de Syn se détendit quelque peu, même si elle ne cessa Mici ! pas pour autant de bloquer le dieu de l’autre côté de la porte. Il y eut quelques longues, effrayantes, secondes de silence qui s’écoulèrent au compte-gouttes, durant lesquelles j’attendis avec crainte le moment où la porte volerait en éclats, mais finalement, la voix de Heimdall s’éleva à nouveau, bien plus calme, quoique toujours irritée. :arrow: Fouh, elle est costaud celle-ci :D Ouais, un point en plein milieu ne lui ferait pas de mal !


| † | † |


Wait. Ils vont partir en skis ???
MDR JE M'ATTENDAIS PAS A CA. C'EST EXCELLENT. T'as intérêt à savoir faire du ski, ptn.
Du coup, ils font du ski depuis des millénaires pour descendre du Bifröst ? :lol:

Tu dois t'en douter, mais j'ai complètement adhéré à la dimension mythologie de ce chapitre :mrgreen: Vraiment, ça fait partie des éléments qui font complètement le charme de ton récit (l'adaptation de la mythologie nordique selon tes visions, le monde d'aujourd'hui...). Il se passe en soi pas grand-chose, mais comme c'est assez riche en infos, le chapitre paraît pas "mou" ou "vide" pour autant ^^
Je suis plutôt curieuse de la relation entre Syn et Heimdall. Amants ? Potos depuis la maternelle ? 'Fin, peu importe, ils ont pu tous passer par le Bifröst, c'est ce qui compte :lol:

Bon, maintenant, j'ai hâte de voir tout le bordel qui va leur arriver :lol: Et de savoir comment est Mimir 8-)

Plein de courage pour la suite !
Alors presque ! C'est pas clair effectivement, mais la plupart du temps, quand tu descends de Himinbjorg, tu pars effectivement en skis. Sinon, là pour le coup, Heimdall va leur refaire un pont jusqu'à l'Yggdrasil, donc ils vont marcher encore un peu.

Contente que ça te plaise ! J'avoue que je me suis fait un plaisir là, c'est vraiment cool d'attaquer enfin le bordel mythologique, c'est fun et ça change du cadre terrestre qu'on avait ! Oui, bon, à part un gros conflit entre deux divinités, il n'y a pas grand-chose voyons x)
On va dire que Heimdall est tombé du côté obscur de la force pour le coup, il a cédé à l'attrait d'une fille de Loki. (D'ailleurs, note à part, Syn est une fille adoptive de Thor mais les dieux connaissent ses origines de fille de Loki & Sif à ce stade, ça fait quelques millénaires et le secret s'est éventé. Mais bon, comme elle a fait ses preuves, ça passe. Merde j'ai envie d'écrire un OS sur Syn maintenant :lol: )

Y'a encore quelques chapitres d'embrouilles avant Mímir mais ça arrive ! En tout cas ravie que tu accroches :D
À partir de maintenant les publications devraient être fluides !
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Re: Le Cycle du Serpent [II] : L'Alliance des Déchus

Message par louji »

vampiredelivres a écrit : mer. 05 mai, 2021 10:38 am
louji a écrit : lun. 03 mai, 2021 8:48 pm
CHAPITRE 11


Nous, nous courions en file indienne, à droite du centre du pont, entourés par les volutes de vapeur qui s’enroulaient autour de nous. Chacune de nos foulées soulevait une gerbe d’eau, chacun de nos pas s’enfonçait un peu dans le liquide élastique qui nous servait de sol. J’avais l’impression de courir en bord de mer, avec du caoutchouc en guise de sable. :arrow: C'est... surprenant :lol: Mais j'aime beaucoup la façon dont tu le présentes ! Merci ! En même temps, pour citer wikipédia / les bouquins, c'est un arc-en-ciel dont "Il est dit qu'il possède uniquement trois couleurs. Ce que l'on voit comme rouge est un feu ardent." et il est fait d'eau, d'air et de feu. Donc bon, comment faire pour que tu puisses quand même marcher dessus ? :lol: Je t'avoue que j'y ai passé quelques soirées de réflexion. :arrow: Fouah, tu m'étonnes :lol: Effectivement, c'est pas évident comme base d'inspiration :roll:


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Alors presque ! C'est pas clair effectivement, mais la plupart du temps, quand tu descends de Himinbjorg, tu pars effectivement en skis. Sinon, là pour le coup, Heimdall va leur refaire un pont jusqu'à l'Yggdrasil, donc ils vont marcher encore un peu.

Contente que ça te plaise ! J'avoue que je me suis fait un plaisir là, c'est vraiment cool d'attaquer enfin le bordel mythologique, c'est fun et ça change du cadre terrestre qu'on avait ! Oui, bon, à part un gros conflit entre deux divinités, il n'y a pas grand-chose voyons x)
On va dire que Heimdall est tombé du côté obscur de la force pour le coup, il a cédé à l'attrait d'une fille de Loki. (D'ailleurs, note à part, Syn est une fille adoptive de Thor mais les dieux connaissent ses origines de fille de Loki & Sif à ce stade, ça fait quelques millénaires et le secret s'est éventé. Mais bon, comme elle a fait ses preuves, ça passe. Merde j'ai envie d'écrire un OS sur Syn maintenant :lol: )

Y'a encore quelques chapitres d'embrouilles avant Mímir mais ça arrive ! En tout cas ravie que tu accroches :D
À partir de maintenant les publications devraient être fluides !
OK, je vois ! Le pont, c'est pas mal aussi :lol:

Carrément, on s'éclatait déjà bien sur Terre, mais là y'a 8 autres mondes pour s'éclater aussi :mrgreen:
MDR ok je comprends mieux :lol: Barf, si Syn a fait ses preuves et comme elle est très cool, pas de raison de se méfier d'elle ou quoi 8-)
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Le Cycle du Serpent [II] : L'Alliance des Déchus – Partie 2

Message par vampiredelivres »

Yo !
Eh, devinez quoi ? Il me reste une semaine de partiels et je suis liiiiiiibre ! :D
Et en plus j'ai réalisé que, no joke, je dois avoir écrit 90 à 95 % de la P2 et 60 % de la P3 du T2, donc on est pas mal du tout. C'est ce fichu chapitre 10 qui me faisait enrager. Du coup je devrais avoir un bon rythme sur les prochains mois !
Brefouille, du coup, on attaque la P2 avec un petit coucou à nos personnages laissés sur Midgard… ou ceux dont on n'a pas parlé depuis longtemps ! (Et un titre dramatique, parce que pourquoi pas :lol: )


PARTIE 2 : ESPOIRS ET DÉCHÉANCE


Elle tremble. Son angoisse, ses doutes, son effroi, se lisent sur son visage. Sam cille, stupéfait de la voir dans un tel état, lui qui ne l’a jamais vue perdre un cheveu de son expression composée habituelle.
— Où est-elle partie ?
Il pousse un long soupir, mais ne répond pas, malgré les coups et les interrogations qui se répètent. Ça n’a aucun sens d’essayer de répondre, puisqu’il ne le sait pas.
Mais au moins, il a tiré une certitude rassurante de ces quelques derniers jours de souffrance : Lilith est vivante. Il a toujours eu des doutes sur sa mort, mais maintenant qu’on le bassine avec cette même question, c’est une certitude. Elle a survécu à Stockholm, tout comme elle a survécu à Barcelone.
Et, vu la manière dont les questions sont formulées, Stockholm n’était qu’un énième guet-apens qui a échoué.
Finalement, la commandante s’immobilise. Une terreur sans nom hante ses yeux alors qu’elle formule dans un souffle à peine audible une nouvelle question, qu’elle n’avait jamais posée jusque là :
— Où ont-ils emmené mon fils ?


| † | † |


Adam papillonne des paupières. Sa peau est pâle, blanchie par le froid, brûlée par endroits, son torse nu porte encore les marques violacées de sa dernière « discussion » avec Kirstin. Ses yeux luttent pour s’habituer à la luminosité des lieux, son cerveau embrumé bataille pour mettre un nom sur le visage qui lui fait face. Lorsqu’il y parvient, la terreur se déverse dans ses veines, il essaie de se débattre. Mais ses mains sont toujours enchaînées au plafond, ses orteils effleurent à peine le sol.
— Adam, le salue la voix âpre. Tu n’as pas l’air en forme.
Le ton est plat, le regard, inexpressif. Il serait vain d’y chercher du soutien, sans même parler de compassion. Pourtant, Adam tente sa chance.
— Tyko, je ne…
Le poing fermé dans sa mâchoire transforme la fin de sa phrase en un râle de douleur. Sonné, le Kaiser demeure quelques instants muet, la tête basse. Lorsqu’il ose relever les yeux, il repère la quinzaine de fioles qui sont alignées sur une petite table métallique, non loin, et son souffle se glace dans sa poitrine.
— Tu sais que d’habitude, je me spécialise dans les gaz, explique tranquillement Tyko. Mais on m’a laissé m’amuser avec les produits corrosifs de ce siècle… et j’ai hâte de les découvrir.


| † | † |


— Comment libérer ma mère ?
Les iris verts d’eau, ternes et globuleux, se fichent dans ceux, turquoise iridescent, lumineux ; un sourire narquois semble étirer les lèvres inertes. Un frisson parcourt l’échine du Loki lorsque les paupières se ferment une fois, signifiant une réponse approbatrice. Il se penche en avant.
L’eau glacée lui brûle la gorge, le froid engourdit son esprit.

— Le prix à payer est une simple vérité. Es-tu prêt à l’accepter ?
Tendu, le Loki hoche la tête. Il sent au plus profond de son âme qu’il ne veut pas entendre la vérité, mais il faut qu’il ait la réponse à sa question.
— Dites-moi, murmure-t-il, faussement bravache.

— Tu n’es pas l’Élu.
La phrase claque comme un coup de tonnerre, déchire ses certitudes comme la foudre pourfend les nuages. Ses entrailles se tordent, son estomac remonte dans sa gorge. Il plonge dans le gouffre béant du doute, brisé la force et la vérité qui irradient de cette affirmation. La voix poursuit, implacable.
— Tu n’es qu’un pantin. Une distraction, pour détourner tout le monde de l’enfant que Loki a réellement choisi.

| † | † |


<=
Chapitre 12
Chapitre 13
Chapitre 14
Chapitre 15
Chapitre 16
Chapitre 17
Interlude
Chapitre 18
Chapitre 19
Chapitre 20
Chapitre 21
Chapitre 22

PARTIE 3 : DE FOUDRE ET DE FLAMMES
Dernière modification par vampiredelivres le lun. 20 juin, 2022 12:15 pm, modifié 12 fois.
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Re: Le Cycle du Serpent [II] : L'Alliance des Déchus – Partie 2

Message par louji »

vampiredelivres a écrit : sam. 08 mai, 2021 1:58 pm Yo !
Eh, devinez quoi ? Il me reste une semaine de partiels et je suis liiiiiiibre ! :D
Et en plus j'ai réalisé que, no joke, je dois avoir écrit 90 à 95 % de la P2 et 60 % de la P3 du T2, donc on est pas mal du tout. C'est ce fichu chapitre 10 qui me faisait enrager. Du coup je devrais avoir un bon rythme sur les prochains mois ! :arrow: Noiiice, bravo ! Ça me fait rire de voir comme on procède différemment d'ailleurs. Perso, je peux pas avancer une nouvelle partie si l'ancienne est pas entièrement écrite :D
Brefouille, du coup, on attaque la P2 avec un petit coucou à nos personnages laissés sur Midgard… ou ceux dont on n'a pas parlé depuis longtemps ! (Et un titre dramatique, parce que pourquoi pas :lol: )


PARTIE 2 : ESPOIRS ET DÉCHÉANCE


Elle tremble. Son angoisse, ses doutes, son effroi, se lisent sur son visage. Sam :arrow: Bon, il est en vie, 1ère bonne nouvelle. cille, stupéfait de la voir dans un tel état, lui qui ne l’a jamais vue perdre un cheveu de son expression composée habituelle.
— Où est-elle partie ?
Il pousse un long soupir, mais ne répond pas, malgré les coups et les interrogations qui se répètent. Ça n’a aucun sens d’essayer de répondre, puisqu’il ne le sait pas.
Mais au moins, il a tiré une certitude rassurante de ces quelques derniers jours de souffrance : Lilith est vivante. Il a toujours eu des doutes sur sa mort, mais maintenant qu’on le bassine avec cette même question, c’est une certitude. Elle a survécu à Stockholm, tout comme elle a survécu à Barcelone.
Et, vu la manière dont les questions sont formulées, Stockholm n’était qu’un énième guet-apens qui a échoué.
Finalement, la commandante s’immobilise. Une terreur sans nom hante ses yeux alors qu’elle formule dans un souffle à peine audible une nouvelle question, qu’elle n’avait jamais posée jusque là :
— Où ont-ils emmené mon fils ? :arrow: 2ème bonne nouvelle : Kaiser
souffre

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Adam papillonne des paupières. Sa peau est pâle, blanchie par le froid, brûlée par endroits, son torse nu porte encore les marques violacées de sa dernière « discussion » avec Kirstin. :arrow: Bwarf :roll: :lol: Ses yeux luttent pour s’habituer à la luminosité des lieux, son cerveau embrumé bataille pour mettre un nom sur le visage qui lui fait face. Lorsqu’il y parvient, la terreur se déverse dans ses veines, il essaie de se débattre. Mais ses mains sont toujours enchaînées au plafond, ses orteils effleurent à peine le sol.
— Adam, le salue la voix âpre. Tu n’as pas l’air en forme.
Le ton est plat, le regard, inexpressif. Il serait vain d’y chercher du soutien, sans même parler de compassion. Pourtant, Adam tente sa chance.
— Tyko, je ne… :arrow: Donc Kirstin est tarée, Okéééé est taré et Tyko... est pas plus sain d'esprit :lol:
Le poing fermé dans sa mâchoire transforme la fin de sa phrase en un râle de douleur. Sonné, le Kaiser demeure quelques instants muet, la tête basse. Lorsqu’il ose relever les yeux, il repère la quinzaine de fioles qui sont alignées sur une petite table métallique, non loin, et son souffle se glace dans sa poitrine.
— Tu sais que d’habitude, je me spécialise dans les gaz, explique tranquillement Tyko. Mais on m’a laissé m’amuser avec les produits corrosifs de ce siècle… et j’ai hâte de les découvrir.


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— Comment libérer ma mère ?
Les iris verts d’eau, ternes et globuleux, se fichent dans ceux, turquoise iridescent, lumineux ; un sourire narquois semble étirer les lèvres inertes. Un frisson parcourt l’échine du Loki lorsque les paupières se ferment une fois, signifiant une réponse approbatrice. Il se penche en avant. :arrow: Alors celui-ci, c'est celui que je capte le moins entre les 3, logique :lol: Donc un Loki homme qui cherche à libérer sa mère. Sa mère, c'est Loki ? Ou rien à voir ?
L’eau glacée lui brûle la gorge, le froid engourdit son esprit.

— Le prix à payer est une simple vérité. Es-tu prêt à l’accepter ?
Tendu, le Loki hoche la tête. Il sent au plus profond de son âme qu’il ne veut pas entendre la vérité, mais il faut qu’il ait la réponse à sa question.
— Dites-moi, murmure-t-il, faussement bravache.

— Tu n’es pas l’Élu. :arrow: AH. Donc Levi. J'avais oublié qu'il avait une Loki-daronne.
Bon, on va prétendre être surpris pour l'Élu, comme pour Ekrest hein :mrgreen:

La phrase claque comme un coup de tonnerre, déchire ses certitudes comme la foudre pourfend les nuages. Ses entrailles se tordent, son estomac remonte dans sa gorge. Il plonge dans le gouffre béant du doute, brisé la force et la vérité qui irradient de cette affirmation. La voix poursuit, implacable.
— Tu n’es qu’un pantin. Une distraction, pour détourner tout le monde de l’enfant que Loki a réellement choisi.

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Re: Le Cycle du Serpent [II] : L'Alliance des Déchus – Partie 2

Message par vampiredelivres »

louji a écrit : ven. 14 mai, 2021 12:14 pm Yo !
Eh, devinez quoi ? Il me reste une semaine de partiels et je suis liiiiiiibre ! :D
Et en plus j'ai réalisé que, no joke, je dois avoir écrit 90 à 95 % de la P2 et 60 % de la P3 du T2, donc on est pas mal du tout. C'est ce fichu chapitre 10 qui me faisait enrager. Du coup je devrais avoir un bon rythme sur les prochains mois ! :arrow: Noiiice, bravo ! Ça me fait rire de voir comme on procède différemment d'ailleurs. Perso, je peux pas avancer une nouvelle partie si l'ancienne est pas entièrement écrite :D
Bah comment dire :lol:
Spoiler
Screenshot 2021-05-22 at 15.36.27.png
Screenshot 2021-05-22 at 15.36.27.png (141.98 Kio) Consulté 771 fois
Tu vois ce chaos monstrueux ?
Pour un peu de cadre, les chapitres avec un crayon, c'est des chapitres quasiment finis mais il manque genre 2k mots, les chapitres avec une page sont finis, et les trucs qui ne sont pas intitulés chapitre, c'est des scènes. Du coup je me retrouve parfois avec une scène que je sais que je placerai en fin de chapitre, et j'ai besoin d'écrire le début du chapitre suivant… donc ça devient "scène machin machin" et juste derrière "Next chap" :lol:
(Ouais, Scrivener me sauve la vie pour organiser tout ce bazar.)


PARTIE 2 : ESPOIRS ET DÉCHÉANCE


Elle tremble. Son angoisse, ses doutes, son effroi, se lisent sur son visage. Sam :arrow: Bon, il est en vie, 1ère bonne nouvelle. Yes, déjà ! cille, stupéfait de la voir dans un tel état, lui qui ne l’a jamais vue perdre un cheveu de son expression composée habituelle.
— Où est-elle partie ?
Il pousse un long soupir, mais ne répond pas, malgré les coups et les interrogations qui se répètent. Ça n’a aucun sens d’essayer de répondre, puisqu’il ne le sait pas.
Mais au moins, il a tiré une certitude rassurante de ces quelques derniers jours de souffrance : Lilith est vivante. Il a toujours eu des doutes sur sa mort, mais maintenant qu’on le bassine avec cette même question, c’est une certitude. Elle a survécu à Stockholm, tout comme elle a survécu à Barcelone.
Et, vu la manière dont les questions sont formulées, Stockholm n’était qu’un énième guet-apens qui a échoué.
Finalement, la commandante s’immobilise. Une terreur sans nom hante ses yeux alors qu’elle formule dans un souffle à peine audible une nouvelle question, qu’elle n’avait jamais posée jusque là :
— Où ont-ils emmené mon fils ? :arrow: 2ème bonne nouvelle : Kaiser
souffre Bizarrement, je me doutais que ça allait être une bonne nouvelle pour vous :lol:

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Adam papillonne des paupières. Sa peau est pâle, blanchie par le froid, brûlée par endroits, son torse nu porte encore les marques violacées de sa dernière « discussion » avec Kirstin. :arrow: Bwarf :roll: :lol: Rhoh bah Kirstin quoi :lol: Ses yeux luttent pour s’habituer à la luminosité des lieux, son cerveau embrumé bataille pour mettre un nom sur le visage qui lui fait face. Lorsqu’il y parvient, la terreur se déverse dans ses veines, il essaie de se débattre. Mais ses mains sont toujours enchaînées au plafond, ses orteils effleurent à peine le sol.
— Adam, le salue la voix âpre. Tu n’as pas l’air en forme.
Le ton est plat, le regard, inexpressif. Il serait vain d’y chercher du soutien, sans même parler de compassion. Pourtant, Adam tente sa chance.
— Tyko, je ne… :arrow: Donc Kirstin est tarée, Okéééé est taré et Tyko... est pas plus sain d'esprit :lol: Tyko c'est limite plus grave parce que c'était déjà un monstre avant même d'être emprisonné, il craint parce qu'il est juste fondamentalement cruel en fait. :roll:
Le poing fermé dans sa mâchoire transforme la fin de sa phrase en un râle de douleur. Sonné, le Kaiser demeure quelques instants muet, la tête basse. Lorsqu’il ose relever les yeux, il repère la quinzaine de fioles qui sont alignées sur une petite table métallique, non loin, et son souffle se glace dans sa poitrine.
— Tu sais que d’habitude, je me spécialise dans les gaz, explique tranquillement Tyko. Mais on m’a laissé m’amuser avec les produits corrosifs de ce siècle… et j’ai hâte de les découvrir.


| † | † |


— Comment libérer ma mère ?
Les iris verts d’eau, ternes et globuleux, se fichent dans ceux, turquoise iridescent, lumineux ; un sourire narquois semble étirer les lèvres inertes. Un frisson parcourt l’échine du Loki lorsque les paupières se ferment une fois, signifiant une réponse approbatrice. Il se penche en avant. :arrow: Alors celui-ci, c'est celui que je capte le moins entre les 3, logique :lol: Donc un Loki homme qui cherche à libérer sa mère. Sa mère, c'est Loki ? Ou rien à voir ? Mama-Loki oui.
L’eau glacée lui brûle la gorge, le froid engourdit son esprit.

— Le prix à payer est une simple vérité. Es-tu prêt à l’accepter ?
Tendu, le Loki hoche la tête. Il sent au plus profond de son âme qu’il ne veut pas entendre la vérité, mais il faut qu’il ait la réponse à sa question.
— Dites-moi, murmure-t-il, faussement bravache.

— Tu n’es pas l’Élu. :arrow: AH. Donc Levi. J'avais oublié qu'il avait une Loki-daronne.
Bon, on va prétendre être surpris pour l'Élu, comme pour Ekrest hein :mrgreen:
Hé. Hein. Voilà. Je fais ce que je peux mais y'a des douilles scénaristiques que j'ai du mal à esquiver.
La phrase claque comme un coup de tonnerre, déchire ses certitudes comme la foudre pourfend les nuages. Ses entrailles se tordent, son estomac remonte dans sa gorge. Il plonge dans le gouffre béant du doute, brisé la force et la vérité qui irradient de cette affirmation. La voix poursuit, implacable.
— Tu n’es qu’un pantin. Une distraction, pour détourner tout le monde de l’enfant que Loki a réellement choisi.

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Re: Le Cycle du Serpent [II] : L'Alliance des Déchus – Partie 2

Message par louji »

vampiredelivres a écrit : sam. 22 mai, 2021 3:59 pm
louji a écrit : ven. 14 mai, 2021 12:14 pm Yo !
Eh, devinez quoi ? Il me reste une semaine de partiels et je suis liiiiiiibre ! :D
Et en plus j'ai réalisé que, no joke, je dois avoir écrit 90 à 95 % de la P2 et 60 % de la P3 du T2, donc on est pas mal du tout. C'est ce fichu chapitre 10 qui me faisait enrager. Du coup je devrais avoir un bon rythme sur les prochains mois ! :arrow: Noiiice, bravo ! Ça me fait rire de voir comme on procède différemment d'ailleurs. Perso, je peux pas avancer une nouvelle partie si l'ancienne est pas entièrement écrite :D
Bah comment dire :lol:
Spoiler
Screenshot 2021-05-22 at 15.36.27.png

Tu vois ce chaos monstrueux ?
Pour un peu de cadre, les chapitres avec un crayon, c'est des chapitres quasiment finis mais il manque genre 2k mots, les chapitres avec une page sont finis, et les trucs qui ne sont pas intitulés chapitre, c'est des scènes. Du coup je me retrouve parfois avec une scène que je sais que je placerai en fin de chapitre, et j'ai besoin d'écrire le début du chapitre suivant… donc ça devient "scène machin machin" et juste derrière "Next chap" :lol:
(Ouais, Scrivener me sauve la vie pour organiser tout ce bazar.)

AH. Effectivement. Wah, je serais bien perdue à ta place. L'important c'est de faire comme ça te plaît en tout cas. T'es une vraie jardinière :mrgreen:


PARTIE 2 : ESPOIRS ET DÉCHÉANCE


Elle tremble. Son angoisse, ses doutes, son effroi, se lisent sur son visage. Sam :arrow: Bon, il est en vie, 1ère bonne nouvelle. Yes, déjà ! cille, stupéfait de la voir dans un tel état, lui qui ne l’a jamais vue perdre un cheveu de son expression composée habituelle.
— Où est-elle partie ?
Il pousse un long soupir, mais ne répond pas, malgré les coups et les interrogations qui se répètent. Ça n’a aucun sens d’essayer de répondre, puisqu’il ne le sait pas.
Mais au moins, il a tiré une certitude rassurante de ces quelques derniers jours de souffrance : Lilith est vivante. Il a toujours eu des doutes sur sa mort, mais maintenant qu’on le bassine avec cette même question, c’est une certitude. Elle a survécu à Stockholm, tout comme elle a survécu à Barcelone.
Et, vu la manière dont les questions sont formulées, Stockholm n’était qu’un énième guet-apens qui a échoué.
Finalement, la commandante s’immobilise. Une terreur sans nom hante ses yeux alors qu’elle formule dans un souffle à peine audible une nouvelle question, qu’elle n’avait jamais posée jusque là :
— Où ont-ils emmené mon fils ? :arrow: 2ème bonne nouvelle : Kaiser
souffre Bizarrement, je me doutais que ça allait être une bonne nouvelle pour vous :lol: :arrow: :twisted:

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Adam papillonne des paupières. Sa peau est pâle, blanchie par le froid, brûlée par endroits, son torse nu porte encore les marques violacées de sa dernière « discussion » avec Kirstin. :arrow: Bwarf :roll: :lol: Rhoh bah Kirstin quoi :lol: Ses yeux luttent pour s’habituer à la luminosité des lieux, son cerveau embrumé bataille pour mettre un nom sur le visage qui lui fait face. Lorsqu’il y parvient, la terreur se déverse dans ses veines, il essaie de se débattre. Mais ses mains sont toujours enchaînées au plafond, ses orteils effleurent à peine le sol.
— Adam, le salue la voix âpre. Tu n’as pas l’air en forme.
Le ton est plat, le regard, inexpressif. Il serait vain d’y chercher du soutien, sans même parler de compassion. Pourtant, Adam tente sa chance.
— Tyko, je ne… :arrow: Donc Kirstin est tarée, Okéééé est taré et Tyko... est pas plus sain d'esprit :lol: Tyko c'est limite plus grave parce que c'était déjà un monstre avant même d'être emprisonné, il craint parce qu'il est juste fondamentalement cruel en fait. :roll: :arrow: AH. Bon. Est-ce qu'il y a un Loki qui craint pas ? :lol: Sam ? Ness :''') ?
Le poing fermé dans sa mâchoire transforme la fin de sa phrase en un râle de douleur. Sonné, le Kaiser demeure quelques instants muet, la tête basse. Lorsqu’il ose relever les yeux, il repère la quinzaine de fioles qui sont alignées sur une petite table métallique, non loin, et son souffle se glace dans sa poitrine.
— Tu sais que d’habitude, je me spécialise dans les gaz, explique tranquillement Tyko. Mais on m’a laissé m’amuser avec les produits corrosifs de ce siècle… et j’ai hâte de les découvrir.


| † | † |


— Comment libérer ma mère ?
Les iris verts d’eau, ternes et globuleux, se fichent dans ceux, turquoise iridescent, lumineux ; un sourire narquois semble étirer les lèvres inertes. Un frisson parcourt l’échine du Loki lorsque les paupières se ferment une fois, signifiant une réponse approbatrice. Il se penche en avant. :arrow: Alors celui-ci, c'est celui que je capte le moins entre les 3, logique :lol: Donc un Loki homme qui cherche à libérer sa mère. Sa mère, c'est Loki ? Ou rien à voir ? Mama-Loki oui.
L’eau glacée lui brûle la gorge, le froid engourdit son esprit.

— Le prix à payer est une simple vérité. Es-tu prêt à l’accepter ?
Tendu, le Loki hoche la tête. Il sent au plus profond de son âme qu’il ne veut pas entendre la vérité, mais il faut qu’il ait la réponse à sa question.
— Dites-moi, murmure-t-il, faussement bravache.

— Tu n’es pas l’Élu. :arrow: AH. Donc Levi. J'avais oublié qu'il avait une Loki-daronne.
Bon, on va prétendre être surpris pour l'Élu, comme pour Ekrest hein :mrgreen:
Hé. Hein. Voilà. Je fais ce que je peux mais y'a des douilles scénaristiques que j'ai du mal à esquiver. :arrow: MDR T'inquiète, c'est effectivement difficile de "faire genre" surtout en PDV interne 1e personne quand on y pense !
La phrase claque comme un coup de tonnerre, déchire ses certitudes comme la foudre pourfend les nuages. Ses entrailles se tordent, son estomac remonte dans sa gorge. Il plonge dans le gouffre béant du doute, brisé la force et la vérité qui irradient de cette affirmation. La voix poursuit, implacable.
— Tu n’es qu’un pantin. Une distraction, pour détourner tout le monde de l’enfant que Loki a réellement choisi.

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