Chap.3 Les Enfants de Marie
PDV : Le prince Édouard
Je suis dans la voiture aux côtés de mon père en direction de l'Orphelinat des Enfants de Marie. J'ai l'habitude d'assister à des visites officielles ; certaines sont très intéressantes, on y fait plein de rencontres et de découvertes ; d'autres, le sont beaucoup moins. Je prends très au sérieux le fait de rendre visites à des orphelins. Jordan n'avait pas de parents, lui non plus. Enfin, ils ont préférés continuer de se droguer, que de s'occuper de lui. Si son grand-père n'avait pas été là, il aurait fini en orphelinat comme tous ces enfants. Il aurait détesté ça, passer de main en main, de famille en famille. Il aurait tout fait pour que ses parents adoptifs le rejettent.
Je ne peux m'empêcher de pousser un long soupir, ce qui me vaut un regard en biais de mon père. Quand je disais au restaurant que j'aurais préféré ne pas avoir de parents, c'était vrai. Du moins, ne pas avoir de père, ma mère m'aurait suffi, elle me donne assez d'amour pour deux. Pourtant, je lui ai sauvé la vie, j'aurais dû le laisser s'étouffer avec son morceau de pain, comme le vieux croûton qu'il est.
Quand je pense que Lisa m'a giflé, quel culot ! Je lui aurais bien rendu son geste. Ce n'était pas ma faute si elle était si sexy au dîner. Je n'ai fait que penser à ce que je pourrais lui faire sur cette même table. Je ne suis pas le seul à y avoir penser, vu la réaction des serveurs... Sa robe rouge décolleté, lui arrivant aux genoux. Ses long cheveux brun bouclés qui lui tombaient jusqu'à la taille. Et ses lèvres rouges, j'avais juste envie de les embrasser. Ses grands yeux bleus clair donnaient envie de s'y noyer. Ses petites taches de rousseur qui parsemaient son visage de porcelaine. Elle était magnifique. Depuis que je sais que j'aime faire l'amour, j'y pense tout le temps. Ça en devient obsédant ! Je sens encore ses mains sur mon corps, ses gémissements, ses caresses... C'était si bon ! Je paierais bien pour recommencer.
Il faudrait que j'arrête d'y penser, je ne crois pas que ce soit la bienvenue d'avoir une érection au milieu d'enfants très observateurs... Comment je leur expliquerai ma... réaction ? Je chasse les images de Lisa nue me chevauchant, de mon esprit. La voiture freine pour passer les grilles de l'orphelinat. Un garde du corps vient m'ouvrir la porte. Je sors et salue de la tête les journalistes venus filmer notre visite. Une dame qui semble être la directrice se dirige droit vers nous. Elle tend la main à mon père puis à moi.
_Entrez, les enfants nous attendent, nous dit-elle en nous montrant le chemin.
Nous passons par un couloir où des vestes d'enfants sont suspendues aux portes manteaux. Des paires de chaussures sont alignées en dessous. Je retire ma veste et mon écharpe. On vient me les prendre pour les accrocher. Je m'incruste discrètement aux côtés de mon père et de la directrice.
_Donc ici, nous accueillons des enfants qui ont perdu leurs parents ou bien qui sont battus ou dont leurs parents sont en prison. Certains vont partir dans des familles d'accueil, d'autres vont rester ici. Nous avons des enfants de tout âge comme vous allez pouvoir le constater. Des éducateurs s'occupent d'eux, certains sont des professeurs qui ne trouvent pas de travail dans l'enseignement, ils sont là pour les aider à faire leurs devoirs. Nous avons aussi en journée une infirmière. Des cuisiniers s'occupent de leur repas et ...
Je l'écoute d'une oreille en jugeant les éducateurs. Ils m'ont l'air plus ou moins tous sympathique. Je remarque qu'ils se sont tous mis sur leur trente-et-un pour nous recevoir. Ce n'est pas tous les jours que le roi et son fils viennent leur rendre visite. La directrice nous présente tous les employés, nous montre la cuisine et d'autres pièces. Nous finissons par entrer dans une salle de jeu. Les enfants ne nous remarquent pas directement et continuent de jouer. Je zieute la pièce, des jouets en bois ou en plastique traînent par terre. De grands coffres de rangement occupent les murs de la pièce où ne sont pas accrochés des dessins d'enfants. Un groupe de petits éclatent de rire. Les fillettes jouent à la poupée en poussant des poussettes. Mais ce qui retient mon attention est un petit garçon se tenant à l'écart. Il regarde avec envie les autres jouer à un circuit électrique de voitures. Il se tient recroqueviller contre le mur, ses bras autour de ses jambes.
Une éducatrice leur demande de s'asseoir sur le canapé. Tous se rassemblent, certain montent sur les genoux des éducateurs. Nous les saluons gentiment en nous approchant. Je prends place sur le fauteuil avec eux. Personne ne demande au petit garçon de nous rejoindre.
_C'est vous le roi ? Demande un gamin.
_Vous faîtes peur ! murmure une fille en le regardant avec de grands yeux.
Si tu savais...
_C'est qui lui ? Questionne son camarade en me montrant du doigt.
Je suis ton pire cauchemar, ais-je envie de lui répondre.
_Christian, ce n'est pas poli de montrer du doigt, dit une éducatrice assez jeune. C'est le prince Édouard, il est venu vous dire bonjour avec son père, le roi. Vous vous rappelez pourquoi ils sont là ? Bien. Vous pouvez leur poser des questions mais pour cela, il faut que vous leviez la main et qu'il vous donne la permission de parler. D'accord ? Oui, comme à l'école, répond-t-elle à une fillette qui a oublié de lever la main.
Les enfants hochent la tête en signe de consentement. Mon père propose de tous nous présenter. J'arrête vite d'essayer de retenir leur prénom, ils sont beaucoup trop nombreux.
_Je vous ais vu à la télévision, dit une petite voix fluette, le bras en l'air.
_Ah, c'est vrai ? répondis-je.
Elle hoche gravement la tête.
_Oui, il disait que votre sœur était à l'hôpital. C'est qu'elle était malade, il n'y a que les gens malades qui vont à l'hôpital, dit-elle lugubrement.
Je ne pense pas que lui dire que ma sœur a été droguée et agressée soit la meilleure solution. Je jette un coup d'œil à mon père. Que dois-je lui dire ?
_Ma sœur, Charlotte, va beaucoup mieux maintenant.
Qu'est-ce que je pouvais lui répondre d'autre, moi ?! Je vois bien que la chipie veut en savoir plus mais je détourne le regard. En jetant un coup d'œil derrière moi, je constate que le petit garçon est toujours au même endroit. Il n'a pas quitté les jeux du regard. Pourquoi n'est-il pas avec nous ? Je me penche sur une employée.
_Le petit garçon là-bas, il est puni ? lui chuchoté-je.
La dame fronce les sourcilles et regarde la direction que je lui désigne.
_Non absolument pas, me dit-elle avant de s'adresser à l'enfant. Timéo vient nous rejoindre, s'il te plaît
Il ne bouge pas d'un pouce comme s'il ne nous avait pas entendu ou qu'il ne voulait pas nous entendre. Elle commence à se lever en soupirant mais je la retiens.
_Ne vous inquiétez pas pour cela, lui dis-je.
Je m'approche tout doucement du petit garçon pour ne pas lui faire peur. Il ne réagit même pas quand je viens m'asseoir par terre à côté de lui. Je garde le silence en me disant qu'il va peut-être parler mais il ne dit rien.
_Je m'appelle Édouard et toi ? M'enquis-je même si la madame l'a appelé par son prénom.
Il me laisse un vent. Il ne m'a toujours pas adressé ne fusse qu'un coup d'œil. Il est complètement absorbé par le circuit de voiture. On dirait qu'il meurt d'envie de s'y approcher.
_Pourquoi ne vas-tu pas y jouer ? Tu en meurs d'envie.
Il resserre ses petits bras sur ses jambes comme pour s'empêcher de courir vers le jeu. Il pousse un gémissement et enfuit sa tête entre ses mains. J'ai l'impression que c'est perdu d'avance, qu'il ne me parlera jamais mais je continue de tenter ma chance.
_Je peux jouer avec toi, lui proposé-je.
Il tourne enfin sa tignasse vers moi pour me regarder avec émerveillement. Comme s'il n'en croyait pas ses yeux. J'observe ses longs cils noir -à en faire pâlir les filles- qui cachent des yeux bruns pétillant. Il va avoir un certain succès quand il sera grand avec ce regard. Ses cheveux sombre presque noir recouvrent son front. Je ne peux m'empêcher de le trouver adorable.
_C'est vrai ? Dit-il d'une petite voix fragile.
J'acquiesce, ce qui ne le fait que hausser des épaules. Il doit avoir dans les cinq ans.
_Je n'ai pas le droit d'y jouer, m'annonce-t-il d'un ton monotone. Madame Dupuis ne voulait pas que je joue avec les jouets de son fils.
Sa voix et son vocabulaire fait de lui un petit garçon plus âgé qu'il n'en n'a l'air. Je lui donnerais six ou bien sept ans maintenant.
_Qui est madame Dupuis ? Demandé-je.
Il me répond par le silence et retourne son attention sur les jeux. Je ne veux pas insister, s'il veut me répondre, il le fera. Je sens le regard des caméras sur nous, je voudrais leur demander de filmer ailleurs. J'ai peur qu'il l'effraie, il a l'air tellement vulnérable. Je pourrais le porter avec un bras seulement. Je fouille la pièce du regard pour trouver un sujet de conversation. Je remarque une fillette en train de téter l'oreille de son ours en peluche.
_Tu veux savoir un secret ? Je dors toujours avec mon doudou, lui chuchoté-je.
Il tourne la tête vers moi en souriant. Rien qu'à le voir, je remarque qu'il ne le fait pas souvent. Il me fait penser à Jordan, dans le physique et même dans le caractère à quelques points près. Et même à moi, étant enfant.
_Vraiment ? S'exclame-t-il intrigué. Tu veux que je te dise un secret, moi aussi ? (Il approche son visage du mien.) Je n'ai jamais eu de peluche, m'avoue-t-il gêné.
Je reste ébahi devant sa réponse. Qui n'a jamais eu de doudou pour se rassurer ? le serrer dans ses bras une fois le soir venu ? pour pouvoir le mâchouiller ? le trimbaler partout ?! Même mon père m'a laissé le droit d'en avoir un ! Il ne me l'a jamais enlevé à part pour me punir,
bien sûr. Il fallait bien qu'il y trouve une utilité à cette peluche baveuse qui l'horripilait quand je l'emmenais alors qu'il avait de prestigieux invités.
_Moi, je le garde toujours près de moi, même encore maintenant. Parfois quand je suis très triste, je le serre très fort dans mes bras. Ça me calme.
Il me regarde d'un air envieux.
_Je voudrais bien en avoir un, moi aussi, dit-il d'un air peiné.
Son regard me fait mal au cœur. Il a l'air tellement... Il pose son menton sur son genou plié et me regarde. Sa petite moue me fait fondre, c'est un Emmanuel bis, en plus mignon et ténébreux. Plus mignon car je connais toutes les petites combines de mon petit-frère.
_Timéo.
_Quoi ? demandé-je en sortant de mes pensées.
Il me jette un regard comme si j'étais un extraterrestre. C'est peut-être ce que je suis au fond.
_Tu m'as demandé mon prénom. Je m'appelle Timéo.
Oh, je ne parlais pas dans les oreilles d'un sourd. Il m'entendait bien, la canaille. Je ris intérieurement.
_Très bien Timéo, je suis ravi d'avoir fait ta connaissance. Le devoir m'appelle, tu viens t'asseoir avec nous ou bien tu restes là ? Rien ne t'oblige à venir.
Je me mets debout en m'appuyant au mur. Le temps que je me lève, il a déjà son attention ailleurs. Je souris et vais rejoindre les autres. Quand je tourne la tête, je remarque qu'il m'observe. J'ai encore le regard fixé sur lui quand une petite fille me tapote la cuisse.
_Vous voulez bien m'épouser ? Comme ça, je deviendrais une princesse ! s'exclame-t-elle.
Elle ne manque pas d'ardeur. Je ris en m'agenouillant par terre. Je tiens sa petite main dans la mienne. Je crois bien qu'elle va s'évanouir de joie.
_Mademoiselle... (Une éducatrice me souffle son prénom.) Emma, voulez-vous bien m'épouser ?
J'entends des soupirs languis dans mon dos. Emma met sa main devant sa bouche avant de crier un oui sonore. Sans que je m'y attende, elle me saute au cou. J'éclate de rire en me retenant pour ne pas tomber. Elle me repousse en me faisant des yeux charmeurs.
_Et maintenant, on doit s'embrasser ! m'ordonne-t-elle.
Je lui tends ma joue mais elle secoue vivement la tête, mécontente.
_C'est le garçon qui doit embrasser la fille, s'offusque-t-elle devant mon manque de savoir.
J'essaie de garder mon sérieux et embrasse sa petite joue rebondie. Tout le monde dans la pièce applaudit en riant. Ils ont tous l'air content, je surprends même Timéo sourire. Quand je croise le regard de mon père, je vois qu'il me désapprouve derrière son air joyeux. Nous allons ensuite rendre visiter aux plus grands. Nous leur parlons une petite demi-heure sur ce qu'il pense de l'orphelinat, comment se passe la vie pour eux, ...
Nous regagnons enfin l'entrée après deux heures de visites. Je saisis ma chance pour parler avec la directrice.
_Qui est madame Dupuis ? La questionné-je.
Elle m'informe qu'elle n'a jamais eu d'employée à ce nom-là. Étrange... il a bien dit Dupuis, non ?
_C'est le petit Timéo qui m'a donné ce nom.
Tout d'un coup son visage s'illumine.
_Il vous a parlé d'elle ? Il ne parle pas beaucoup mais encore moins d'elle. C'était son ancienne tutrice. Vous savez, il a beau vivre ici, avec des personnes qui s'occupent de lui, il ne se confie pas. Il ne va avoir que sept ans mais il est déjà très discret.
Je la remercie avant de lui dire au revoir. La porte de la salle à vivre est ouverte, Timéo m'espionne dans l'entrebâillement. Il me salue timidement de la main. Je lui rends son geste en m'éloignant. Son regard est puissant, il a l'air de dire
''Tu reviendras ?''. Je pars en sachant qu'il est entre de bonnes mains.
Suite: Chap.4: Un bain marie, rien de mieux pour le P'tit Jules