L'Aube du Crépuscule - Fantasy

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Micum

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L'Aube du Crépuscule - Fantasy

Message par Micum »

Bonjour !
Je me suis lancé dans l'écriture de "L'Aube du Crépuscule" un roman de fantasy, mêlant Moyen-Age à la magie, folie, et bien d'autres sujets !

L'Aube du Crépuscule


Accroche :

Issue d'une modeste famille de fermier, Alnora travaillait pour le Sieur Urizen, Grand de Victus. Homme renommé à travers tout l'Ouest, il incarnait ce chef qui savait tenir d'une main ferme sa cité. Un jour, brisant la monotonie de la jeune femme, attachée aux cuisines, Her Urizen la fit mander. "Tu as toute une jeunesse à me raconter." Telle était la requête ou peut-être l'ordre du Grand. Jusqu'à ce que l'emporte une vague de meurtriers. Alnora se vit confier le plus beau des bijoux qu'elle n'ait jamais contemplé. Un anneau serti d'un magnifique rubis rouge profond. Mais sa beauté ne semble avoir d'égal que son histoire passée et à venir...



SOMMAIRE :

Pour visionner rapidement :

Prologue

Chapitre 1

Chapitre 2

Chapitre 3

Chapitre 4

Chapitre 5
Pièces jointes
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Micum

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Re: L'Aube du Crépuscule - Fantasy

Message par Micum »

PROLOGUE


Il profitait de la clarté de la lune pour se faufiler dans les ruelles d’Elvire. Sa silhouette entièrement recouverte de noir s’arrêta net et se plaqua dans le renfoncement d’une porte en attendant que la patrouille passât. Puis il reprit sa marche. La nuit était son terrain de jeux avec si peu de règles. Il sauta à pieds joints dans un coin de terre et admira ses empreintes. Une corneille vint se poser sur une gargouille et l’accueillit de son chant ténébreux. L’homme saisit un barreau et s’y hissa avec aisance. Il escalada tout un pan de mur. Par moment, il jetait des coups d’œil de-ci de-là. Mais les rues demeuraient désertes. L’oiseau de malheur voleta jusqu’à un balcon et fut rejoint par le mystérieux homme. Ce dernier déboutonna sa tenue et le volatile s’engouffra en lui. Comme un enfant, il joua à la marelle sur les larges pavés du balcon. Parvenu au ciel, il se retourna vivement, et se dirigea vers la porte-fenêtre. Écartant avec une facilité déconcertante les volets pourtant verrouillés, il pénétra dans la maison plongée dans le noir. Le bois gémissait sous ses bottes terreuses. Sa proie était juste devant, alors il ouvrit en grand les ciels-de-lit. Un homme à demi-éveillé se redressa brusquement en levant une main pour se protéger de la noirceur que dégageait l’étranger.
- TUE !, cria ce dernier, les yeux injectés de sang.
A ce mot, la corneille perça de son puissant bec le cuir de la veste de son maître, et se rua sur l’autre homme. Plus il se débattait, plus les coups de bec étaient violents. Les plaintes et les ruisseaux rougeâtres emplirent la chambre.
L’escaladeur tendit l’oreille. Des pas se rapprochaient. Il rappela alors sa bête, referma les rideaux du lit, et s’y dissimula. Au même moment, deux domestiques, avec pour arme un simple bougeoir, envahirent la salle. Ils remarquèrent de suite la fenêtre ouverte. Et jetèrent de tout l’aplomb qui leur restait :
- Qui est là ?! Qui êtes-vous ?!
Un vent algide souffla une odeur chargée de fer. Et le meurtrier sortit de sa cachette en laissant choir un objet qui n’échappa à l’attention des valets. La tête de leur maître roula sur le plancher illuné. L’ombre s’esquiva sous leurs yeux ébahis et se volatilisa sur le balcon. Dans le ciel, un oiseau croassa.

Quelle belle besogne ! L’assassin déambulait tout sourire sur les pavés froids d’Elvire. Au-dessus, son ange noir battait des ailes. La ville était un vrai labyrinthe pour le quidam. Mais pas pour lui. Ses deux yeux lui suffisaient à connaître la cité. Soudain, il s’assit par terre et s’assoupit contre un mur, une bouteille d’alcool à la main. La ronde de soldats le dépassa sans même lui accorder un regard. Une fois hors de vue, l’homme se redressa en leur tirant la langue. Puis il reprit sa flânerie.
Il s’accroupit et posa une main au sol. Il sentait la chaleur encore récente des derniers passants. Alors, il gravit un mur enlierré et passa par l’entr’ouverture de la fenêtre d’un chien-assis. Il enjamba la tablette et s’enfonça dans un couloir sans lumière. Il se colla subitement au mur, un homme –sûrement un domestique –ivre apparut.
- Ça ne va pas Anto, rentre et ferme la porte, Monsieur dort. Et baisse d’un ton, ordonna bas une voix.
Notre assassin continua son chemin jusqu’à une porte. Il la trouva comme convenu ouverte. Il entra donc en tapinois et étira un large sourire dévoilant de longues et fines canines blanches comme neige. Une bosse endormie ronflait sans retenue. L’homme atteignit une armoire, l’ouvrit. Il retira ses bottes couvertes de terre et les rangea. Puis il repartit la joie dans l’âme.
Dernière modification par Micum le dim. 12 juil., 2020 6:34 pm, modifié 1 fois.
Beille

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Re: L'Aube du Crépuscule - Fantasy

Message par Beille »

Pour un prologue, c'en est tout un. J'aime ton écriture, tu écris vraiment très bien. De plus, on peut vraiment se mettre dans l'histoire. Je pense vraiment lire la suite que j'attends presque avec impatience ce qui ne m'arrive pas souvent avec ce genre d'histoire.
Micum

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Re: L'Aube du Crépuscule - Fantasy

Message par Micum »

Voici le Chapitre un ! J'espère qu'il vous plaira, je l'ai écrit il y a quasiment un an maintenant !

Chapitre un : Un début d’histoire sucré



« Dépêche-toi Alnora ! Si le maître n’a pas sa douceur aux merises, il va être de mauvais poil ! Et c’est encore moi qui prendrai !
- Oui matrone, je fais au mieux, je suis désolée…
- Pas tant que moi, allez, file !

Alnora venait tout juste de franchir le seuil des cuisines que derrière elle, Standine, sa matrone l’interpella sur son habituel ton de reproche :
- Et n’la fait pas tomber !
La jeune fille ne lui répondit pas, mais lâcha un soupir. Après tout, elle avait maintenant dix-sept ans d’âge !
Les cuisines se situaient au sous-sol. Il s’agissait en fait d’anciennes caves réhabilitées en cuisines. Et bien que le four fonctionnât la plupart du temps, le vin, si longtemps entreposé, exhalait toujours son odeur sucrée. Alnora connaissait bien ce dédale de couloirs, depuis qu’elle avait huit ans, elle était attachée aux cuisines de Her Urizen, un des Grands. L’Ouest comptait quatre Grands, Her Verfang au nord, Her Annihl à l’ouest, Her Ziliff au sud et Her Urizen à l’est. Le Grand était l’égal du Roi sur ses terres, et ne recevait d’ordres que de lui. En contrepartie, il avait à charge le bon fonctionnement de son administration. Assurer la paix et la sécurité, tel était le prime devoir des Grands. Venaient ensuite les impôts, l’apport des lois, le recrutement d’hommes, toutes ces choses fâcheuses.
Sa tutrice Standine lui rappelait sans cesse qu’elle devrait être honorée de travailler pour un des quatre Grands. Mais pour Alnora, travailler pour ce dernier représentait un poids important. D’après elle, Her Urizen était le pire des Grands, pas cruel mais extrêmement exigeant. A tel point qu’il renvoyait ses employés à tour de bras si sa tenue n’était pas tirée-à-quatre-épingles, disait-on. Alnora s’estimait toutefois chanceuse de courber l’échine en cuisine, s’occuper de sa garde-robe aurait été alors suicidaire. Le Grand aimait à se montrer constamment propre, porter des effets sans usure, même minime. En fait, ceux qui le côtoyaient s’étaient entendus sur le point que Her Urizen voulait être mieux habillé que son interlocuteur.
« À droite, puis de nouveau à droite, l’escalier et la lumière du jour ! »
La jeune femme se retrouva dans la cour. Un soleil printanier l’accueillit et la réchauffa tels les premiers rayons qui chassent le givre matinal. En face, au bout de cette cour, se tenait l’entrée des appartements de son maître, dont la porte, ornée d’une main en serrant une autre, était « gardée » par deux soldats en pleine partie de cailloux-et-bâtons. Il s’agissait d’un jeu simple mais distrayant : on posait un bâton et les joueurs devaient lancer, à tour de rôle, un caillou le plus proche possible du morceau de bois, sans le faire bouger pour autant. Dans le cas contraire, le joueur en question ramassait tous les cailloux. Le premier qui épuisait avec succès ses cailloux remportait la partie.
Alnora avançait d’un bon pas mais son attention étant portée sur la sucrerie, elle percuta un chien, faillit tomber et entraîner cette dernière. Alnora pesta contre elle-même et se maudissait de son inadvertance. La cour ne mesurait pas tant d’âcres que ça, pourtant, elle trouvait matière à achopper. À l’approche de la jeune femme, le plus grand des gardes, Prüdhon, se pencha et fit une révérence moqueuse tandis que son camarade, Bäkunin, ouvrait la porte :
- Si Môdame veut bien se donner la peine d’entrer… Il y a pas de chien à l’intérieur, par contre, y a du monde.
- Du monde ? Qui ça ?, s’étonna Alnora.
- Oui, ce matin un groupe de soldats escortant un messager venu d’Andros est arrivé, répondit le second chevalier, trapu et barbu. En ce moment, ledit messager s’entretient avec Her Urizen. Sur quoi, j’y sais pas.
- J’espère que je ne vais pas le déranger…
- Notre seigneur est très à cheval sur les règles et le respect, je pense qu’il la prendra volontiers ta tarte, la rassura Bäkunin avec un zeste de malice.

Alnora passa donc la porte.
Le rez-de-chaussée se composait de deux salles principales, une à gauche et une à droite, au centre un grand escalier menant aux appartements privés de Her Urizen. Tout y était somptueux, même la chaise triviale sur laquelle ronflait un soldat. Le lustre à sept branches était pour le moment éteint. Toutefois sa lumière semblait émaner continuellement. Les vastes salles en sus de l’escalier central surprenaient le visiteur en lui faisant comprendre à quel point le maître de ces lieux était riche et puissant. Tout était de marbre. Et même Alnora restait de marbre devant cette splendeur à laquelle la jeune fille n’était toujours pas habituée. Elle remarqua quelques gardes jouant aux dés et un homme en soutane, sans barbe ni cheveux, admonester un jeune homme dont les joues étaient étrangement rougies. L’homme était lui aussi rouge, mais de colère, il semblait à deux doigts de frapper le jeune garçon. Alnora avança d’un pas léger pour ne pas éveiller sa présence. Même si elle n’avait rien à se reprocher, la vielle adolescente préférait rester discrète.
En gravissant l’escalier, deux hommes portant un banc faillirent la bousculer. Sur le pallier, une foule de courtisans, nobles et Chevaliers grouillait devant le bureau du maître, et le petit corps d’Alnora paraissait bien risible parmi tant de grands. Elle regardait fixement la pâtisserie et tous les coudes, bras qui auraient pu la réduire en miettes.
« Tout ça pour une fichue tartelette ! » grommela-t-elle entre ses dents.
- Je vous répète Monsieur, que je ne vous recevrai pas ! Pas avant d’avoir goûté à ma sucrerie. Je l’ai commandée avant que vous n’arriviez, et de surcroît vous me cachez mon soleil, grognait Her Urizen sur un homme d’âge mûr, très grand et très maigre. Je n’ai pas l’habitude qu’on me marche sur les pieds ! renchérit-il.
- Mais Her Urizen, je dois vous parler de toute urgence. J’ai là un message de notre Roi que je dois absolument vous communiquer, insista le messager qui montrait un pli.
- Je n’ai pas l’habitude non plus que l’on discute mes ordres dans ma demeure. Chevalier Harnold, éloignez cet importun quelques instants, car je crois que ma commande est arrivée…

Le chevalier, chenu, l’empoigna avec une force insoupçonnée pour un vieillard. D’un même élan, il l’entraîna dans une salle adjacente en claquant la porte.

- Bien, de l’air… (Le Grand était comme indifférent à tous ces gens qui regardaient la scène, surpris qu’Urizen fasse retarder un messager portant une lettre du Roi.) Et ma tarte ! s’exclama Her Urizen en s’approchant de la jeune fille qu’il avait remarquée parmi la foule. (Faisant un geste avec ses mains pour que les curieux s’écartent, il invita Alnora à s’approcher.) Viens, suis-moi.

Le Grand la conduisit jusqu’à son bureau dont la porte était fermée. La jeune femme le vit sortir un trousseau de mille clefs, se demandant comment un si petit anneau pouvait supporter un pareil nombre de clefs. Par habitude il saisit la bonne et ouvrit son office.
- Après toi, veux-tu.

Alnora pénétrait pour la toute première fois dans les bureaux d’un dirigeant et chose encore plus exceptionnelle les bureaux d’un des quatre Grands, les personnages les plus influents après le Roi. Ses yeux, grand écarquillés, parcouraient la pièce en faisant de nombreux aller-retour au rythme de son cœur dont les battements s’étaient subitement accélérés. Une cheminée à droite de la console, une large table au milieu de la salle, une armoire à gauche entourée de deux coffres, les murs recouverts de tentures. Une cheminée surplombée d’un linteau en marbre, supportant une rangée de coupes et la statue d’un buste d’homme à la contenance hautaine et qui paraissait déplaisant aux yeux de la jeune femme. La console de Her Urizen était noir-ébène, relativement petite mais très joliment travaillée, dessus un pot à crayons, une montre à gousset et un tas de feuilles rangées toutes azimutes. Trônant au centre de la pièce, la massive table de chêne recouverte d’une carte. L’armoire sur la gauche semblait abriter la garde-robe du sieur, quant aux chevets, ils avaient l’air assez ridicule par leur facture des plus simpliste. Les tentures représentaient des scènes de chasse, deux personnages se disputant une partie d’échecs et une femme en train de peindre, la face du tableau cachée au spectateur. Enfin, une fenêtre à grands carreaux offrait à la pièce un unique éclairage. En inspectant ainsi, elle ne s’était pas rendu compte qu’elle s’était tout bonnement arrêtée sur le pas de porte.
- Je sais que tu rêves d’avoir un bureau comme le mien mais ce n’est pas une raison pour te l’accaparer, ironisa Her Urizen qui attendait derrière.
Alnora se confondit en excuses.
- C’est ça, excusez-moi de vous demander pardon, …allez, va jusqu’à mon secrétaire, poursuivit le Grand en fermant la porte derrière lui.
Alnora progressa à petits pas faisant attention à tout ce qui l’entourait. De peur de renverser la tartelette, ses mains étaient crispées sur l’assiette. Pour la première fois, ses souliers foulaient un parquet tellement propre. Passant à côté de la carte, elle chercha son village natal, Ourn, qu’elle regrettait tant, mais s’aperçut vite que la carte ne présentait pas l’Ouest. Légèrement perturbée, elle s’avança jusqu’au bureau. Her Urizen la dépassa, et vint s’asseoir sur son fauteuil, en face de la demoiselle. Sortant d’un tiroir une page blanche qu’il déposa sur le plan de son bureau, il intima l’ordre à Alnora de lui livrer sa tant demandée tartelette aux merises. La jeune fille s’exécuta. Toutefois, Her Urizen ne bougeait pas. Il la regardait fixement sans broncher. Alnora s’empourpra rapidement, subitement mal à l’aise.
- Ton nom ? finit par émettre le Grand.
- Alnora, messire.
- Ton nom complet, questionna de plus belle le Grand, d’un ton peu commode.
- Je…Je n’en ai pas, messire, vous savez, nous les petites gens ne…
- Il suffit, jeune fille, la stoppa-t-il retrouvant le sourire. (Puis arrachant de la tartelette une bouchée, mâchant rapidement, il avala). Tu sais quoi petite, tu vas t’asseoir à ma place, oui à ma place.

Voyant que, de nouveau ennuyée, Alnora hésitait à bouger, Urizen se leva, et ouvrit la bouche.

- Si tu fais ce que je te dis, tu auras un cadeau, un cadeau presque royal, sourit Urizen.

Alnora s’exécuta poussée par la curiosité qu’offrait la surprise mais entravée par sa naturelle timidité. Elle fit le tour du bureau dans un sens tandis que le Grand passa du côté visiteur.
- Hé bien, tu vois ce n’est pas si compliqué d’être Grand, railla Her Urizen. Mais pour avoir ma surprise, il faudra faire un peu plus. Tout d’abord, tu vas me raconter tout sur toi, de tes premiers souvenirs jusqu’à aujourd’hui même. Vas-y, j’ai tout mon temps. Je t’écoute.

La requête, ou l’ordre du Grand, semblait fou. Pourtant, elle semblait bien réelle et Urizen y croyait dur comme fer. Alors que l’étonnée inquiétude se lisait sur un visage, sur l’autre se lisait la confiance.
Alnora posa les paumes de ses mains maintenant moites sur ses genoux et regarda les empreintes de dents laissées dans la friandise.

- Je suis née à Ourn, un petit village dans les vallées des Voies’Humides. J’ai depuis toujours habité la ferme en bordure de forêt, j’y vivais avec mon père, ma mère, mes deux sœurs et mes trois frères.
- Leurs noms s’il te plaît mon enfant, et à l’avenir soit plus précise. Leur âge aussi.

Au nom de quoi, aussi Grand qu’il soit, Urizen se permettait de s’introduire tant dans sa vie. Levant la tête, elle s’aperçut qu’il prenait note de tout ce qu’elle narrait. Contentant plus son employeur que ton sieur :
- Mon père s’appelle Quart, ma mère Ilys, ils ont tous les deux le même âge, quarante-deux ans. Maurge est de trois ans mon aînée, j’ai dix-sept ans messire. Lulia est ma petite sœur de six ans, mais dans la famille on l’appelle plus la caponne, elle a peur de tout, même de la chatte Allebote. Je ne sais même pas si elle toujours en vie. Mes frères, Portus, Etho, et Fass. Ils ont respectivement dix-neuf, quinze et quatorze ans. Etho n’est pas biologiquement de ma famille messire, ses parents étaient de bons amis mais ont laissé leur unique fils orphelin. Mes parents l’ont alors accueilli bras ouverts. Aux dernières nouvelles Maurge et Portus font partie des troupes du Seigneur Her Verfang. Etho et Fass passent leur temps à jouer, chanter, danser ; à Ourn, tous les apprécient, en fait ils sont les seules animations du village. Chacun d’eux s’entraîne à surpasser l’autre pour plaire à la fille du maire, Kairth. Mes parents s’occupent de la ferme, il y a poules, chèvres, chevaux et parfois un ou deux porcs. Mon père était sergent dans l’armée avant qu’il ne perde un bras et ma mère était tenancière. Mais maintenant elle ne l’est plus, et elle veille sur papa et la ferme, qui fait aussi relais. Depuis mes neuf ans, je travaille dans vos cuisines messire, oh non je ne cuisine pas exactement, j’aide les marmitons du mieux que je peux. L’argent que je perçois est envoyé à la ferme, je ne garde que le nécessaire pour moi.
- Combien gagnes-tu par mois ? s’intéressa Her Urizen qui s’était levé, et qui était désormais appuyé sur la table centrale.
- Trois pièces d’or et dix d’argent, messire.
- Et combien gardes-tu avec toi ? demanda Urizen qui regardait ses habits, presque des haillons.
- Cinq d’argent, pour manger, me loger, et me vêtir.
(« Me vêtir » répéta le Grand avec une once de miséricorde. »)
- As-tu souvent voyagé ?
- Seulement entre Ourn et votre demeure. Le dimanche je rentre chez moi avec mon cheval et je reviens tôt le matin du lundi.
- Tu as dit que tu consacrais de l’argent pour manger, te vêtir et te loger. (Urizen insista sur le dernier mot).
- C’est exact messire, je suis à l’appartement du premier, cinquième chambre que je partage avec Dienne.
- Tu me suprends là, les logements sont gratuits aux employés du Château depuis toujours, l’informa Her Urizen. (Voyant que la jeune fille restait estomaquée.) Mais ne réfléchis pas à l’argent perdu, je te rembourserai au quintuple, poursuivit-il, tout sourire. Cependant, avant que tu ne reprennes ton récit, à qui versais-tu cet argent ?
- A Dienne qui allait le remettre en plus de sa contribution à Monsieur votre Secrétaire.
- Lequel ? s’enquit Urizen, fronçant légèrement les sourcils.
- Monsieur Folg, messire.
- Bien, merci, ce sera tout pour l’instant mademoiselle.
Alnora nota le « mademoiselle » et rougit, c’était sûrement la première fois qu’on l’appelait ainsi.
- J’aimerais que tu viennes me voir tous les soirs après ton travail, tu as toute une jeunesse à me raconter. Tiens (Urizen tendit une petite bourse à Alnora). J’ai encore un service à te demander. (Il retira une de ses bagues serties d’un rubis, qu’il enfouit dans la tartelette, puis tendit le tout à la jeune femme.) Remmène-les, mange-la si tu veux mais, attention conserve la bague, et fais gaffe aux voleurs, aussi ne la montre pas, s’il te plaît.
Ses derniers mots démontraient plus d’une prière qu’un ordre.
- Et par pitié, achète-toi des vêtements décents, je ne savais où porter mon regard, ironisa-t-il. Allez, va, et si on t’interroge à propos de la tartelette, tu diras qu’elle n’était pas à mon goût.
D’un geste de la main, il fit signe à Alnora de partir.
Elle glissa la bourse offerte dans l’unique poche non trouée de son haillon, prit la sucrerie et tourna les talons. Une question lui brûlait les lèvres, pourquoi cet homme s’introduisait sans vergogne dans sa vie privée, pourquoi vouloir son passé, son présent, et peut-être même son avenir. C’était un des Grands, chef des Armées, maire de Victus, Président à la Cour, mais qu’importe ses titres ou ses faits d’armes, naissances de sa renommée, toutes ces informations aussi anodines et frivoles qu’elles soient, étaient siennes. Cogitant, elle s’était arrêtée derechef la la porte, et orienta son regard vers Her Urizen tourné vers la fenêtre donnant sur la cour du Château. Elle devait savoir.
- Pourquoi ? émit le Grand, parce que ; pour le moment tu parles et j’écoute, ensuite on verra.
Alnora s’esquiva du bureau et veilla à fermer la porte. La foule avait disparu, seuls quelques ouvriers réparaient une fenêtre. Parcourue d’un frisson, elle descendit les escaliers, plongée dans ses pensées.
Pourquoi, pourquoi raconter, pourquoi l’argent, pourquoi la bague, pourquoi la tenir cachée ?
Au rez-de-chaussée, les soldats prenaient du bon temps autour de pintes débordantes. Certains s’amusaient avec une jeune servante, assise sur les genoux d’un homme, rendant ainsi jaloux ses camarades. Un autre s’autorisa à lui soulever le jupon.
Alnora sortit de la demeure et entendit les gardes, fidèles à leur poste.
- Mais, t’as pas besoin de cotte de mailles, je te dis, ton ventre suffit à arrêter les flèches, pouffa Bäkunin.
- Et toi, pas besoin de casque pour gagner la bataille, ta sale gueule effraie les ennemis. (Prüdhon donna une claque dans le dos à son ami.) Ah mais que vois-je ! Notre maître-queux !
- N’y mets pas le tienne, se gaussa Bäkunin.
- Espèce de pâle type vulgaire, tu sais pas parler aux filles toi.
- Bah, tu sais, quelques pièces et c’est elles qui parlent,… voire hurlent…
- Incorrigible çuilà. Comment ça été, ‘tite ?
Faisant fi des remarques déplacées, Alnora sourit à Prüdhon et dit :
- Très bien, mais ma tarte n’a eu guère de succès…
- Pas grave, je m’en satisferai moi.
Prüdhon tendait le bras vers la confiserie, alors qu’Alnora tapa sur sa main :
- Pas touche, une tarte d’une telle qualité ne convient qu’aux gens de qualité, railla-t-elle. Elle, elle ne se satisfait pas de simples gardes.
- Bon bon ! Mais la prochaine fois ne me tente pas, à la guerre mon bras commande, là mon estomac…
- T’as remarqué, jamais sa cervelle rentre en jeu, explosa Bäkunin.
Alnora laissa les gardes en pleine discussion et rejoignit les cuisines.
***
- Elle est jolie hein.
- Oui très, et gentille, tu sais quoi, on est rudement bien là, on voit son beau visage lorsqu’elle remonte de ses sombres cuisines et…
- Et ses jolies…quand elle y redescends, oui je sais.
***
Ehmys Aïlahya,
Espérant que cette lettre vous parvienne en mains et esprit propres, je vous fais part de ma requête.
Je vous prie de vous rendre à Victus dès que mon messager vous aura remis cette missive. Conscient que vous n’avez aucun ordre à recevoir de moi, j’ai l’espoir que vous accepterez volontiers.
L’équilibre de l’Ouest est en jeu, et les soupçons se révèlent parfois fondés. Aussi faites vite selon vos moyens.
Je ne peux vous mettre dans la confidence, non que je trahisse notre amitié et la loyauté qui nous lie au Roi.
Finalement, j’ai tout mais je commence seulement.
Mes pensées les plus chaleureuses vous accompagnent et dans l’espoir de vous revoir bientôt autour d’un bon repas,
Her Urizen, Grand de Victus
Urizen apposa son sceau à la lettre, la glissa dans une enveloppe. « Oh, Ehmys, fais vite »
Urizen sortit une clochette d’un tiroir et l’agita faisant tinter son son aigu. Quelques coups suffirent et un domestique pénétra dans le bureau prêt à recevoir les ordres de son maître.
- Veuillez apporter cette lettre au Régisseur Ehmys Aïlahya, directeur de l’école d’Elvire, munie de mon sceau les portes de la ville vous seront ouvertes, ordonna Her Urizen au serviteur venu chercher ladite lettre. Et dites-lui que c’est urgent. Maintenant, prenez de quoi manger ou vous restaurer dans une auberge, et aussi, une carte. Allez !
Alors que l’homme passait la porte, un autre entra dans la foulée.
- Bien, je vais enfin pouvoir m’entretenir avec vous Her Urizen, dit ce dernier, un léger sourire taquin au bord des lèvres né de l’attente imposée.
Le Grand se leva d’un bond, voulut hurler, mais se ravisa. Sa main droite se crispa tandis que la gauche se posa sur son bureau, à plat.
- Tiens, je vous attendais, les messagers royaux sont décidément bien longs, se moqua le Grand. Harnold ! (Le fidèle Chevalier apparut dans le dos du messager.) Fermez la porte voulez-vous.
Le Chevalier claqua la porte et tourna la clef. Le bureau s’était soudainement transformé en huis clos.
- Vous savez messire, je pouvais simplement vous remettre cette lettre et…
Urizen la lui arracha des mains, puis la parcourut rapidement. Le messager, assez déstabilisé, sentit quelques perles de sueur rouler sur ses tempes, et tressaillit même quand Harnold posa une main sur son épaule.
- Mais puisque vous vous êtes montré si insistant à vouloir me voir et bien vous aurez l’insigne honneur de rester des nôtres.
À ses mots, le messager fut parcouru d’une profonde douleur et s’effondra de tout son long sur le plancher.

« Standine donne-moi à manger, Urizen m’a filé une lettre à transmettre jusqu’à Unleb.
- Tu vas encore partir Sejil, ça va faire combien de fois ce mois-ci, se plaignait Standine, qui de sa main droite parcourait le visage de son compagnon comme elle le faisait chaque fois qu’il allait partir pour une autre mission. Craignant ne plus jamais le revoir, elle voulait conserver un souvenir de lui.
- Ça va faire la cinquième fois, mais ne te bile pas pour ça, j’ai l’habitude et là c’est simple, juste à conduire cette gentille lettre à Serque. (La voyant peu enthousiasmée, il poursuivit.) D’accord, Victus c’est assez loin, j’ai regardé la carte, y a pas mal d’auberges sur mon trajet, au moins j’aurai un toit. Dans dix jours au plus tard, je serai là ma chérie.

Alnora ne supportait plus les jérémiades de ces deux-là. À chaque mission, Sejil venait voir Standine comme si c’était la dernière fois qu’ils se voyaient. Et Standine se lamentait sur son sort. Après suivait un long passage d’embrassades jusqu’à ce qu’un soldat réclame à manger, soldat qui se révélait souvent être Bäkunin qui, lui, râlait contre les maigres rations accordées aux vaillants chevaliers qui donneraient père et mère pour protéger le Roi. Alnora en profitait pour deviser avec lui ; en l’absence de son camarade, il était un homme chaleureux et échangeait avec la jeune femme sur tout et n’importe quoi. Il lui racontait ses batailles dont la moitié était pure invention se doutait Alnora, et comment il piétinait ses ennemis. Chacune de ses cicatrices avait une longue histoire qu’il n’hésitait surtout pas à enjoliver. Toutefois, ce soir, il ne vint pas. Alnora remarqua ce vide mais se dit que demain il se rattraperait de la veille.
À la tombée de la nuit, les employés avaient ordre de monter dans leur dortoir et de n’en sortir que pour aller travailler. Alnora déposa son tablier, se rinça brièvement les mains, puis sortit des cuisines. En face donc, la demeure du Grand orientée à l’est, la garnison et la prison au sud, les cuisines et les ateliers à l’ouest et enfin les logements de service au nord. Dehors il pleuvait dru, les portes de la demeure de Her Urizen étaient fermées, seules quelques lumières indiquaient que les lieux étaient habités. Abritée par la longue marquise qui faisait le tour de la cour intérieure, Alnora passa à côté du bâtiment réservé aux soldats et gardes. Tout allumé, ils parlaient comme en plein jour, et Alnora distingua la voix de Bäkunin puis celle de Prüdhon parmi d’autres. Elle voulut leur souhaiter une bonne nuit, histoire de les narguer, car dispensés de nuit un jour sur deux. Par la fenêtre ouverte, on pouvait aisément les compter. Il y avait là les inséparables Bäkunin et Prüdhon, celui qu’elle savait être le lieutenant de la turme, et un autre, qui assit sur un tabouret semblait aussi grand qu’elle.
- Et ça sera quand mon lieutenant ?, s’enquit Prüdhon.
- Demain avant le zénith, vous aurez la matinée pour vous reposer quelque peu, et préparer vos sacs, répondit l’intéressé.
- C’est si grave que ça pour que l’on fasse appel à nous ?
- Les raids de brigands dans toute la partie nord se font de plus en plus réguliers. Les villages et leur maire vomissent sur l’armée locale qui n’arrive pas à remplir sa fonction. Aussi, le Seigneur Her Verfang a-t-il hélé notre Seigneur qui s’est montré enthousiasmé à lui prêter main-forte.
- Ouais, c’est décidé !, brailla le colosse. (Alnora s’aperçut qu’il était plus simple de compter les dents restantes que manquantes à la dentition du soldat.) On va leur faire la peau comme il se doit.
- Sergent, calmez-vous, oubliez pas qu’avant de leur casser la gueule, il faut parlementer, on peut toujours éviter un massacre.
- Mouais, bah c’est pas mon genre, mais si c’est les ordres…
- Faudrait pas qu’il entre dans les ordres, murmura Bäkunin à son ami.

Alnora reprit sa marche en direction des dortoirs en se remémorant ce qu’elle avait entendu. Les soldats allaient partir pour le nord, retrouver le Seigneur Her Verfang. La jeune fille ne savait rien sur lui. Peut-être que Standine saurait lui en toucher deux mots. S’ils partent avant midi, j’aurai une chance de leur dire au revoir, pensa Alnora. Puis elle bâilla à s’en décrocher la mâchoire. La nuit allait tomber d’un moment à l’autre, elle arriverait tout juste avant que Folg ferme les portes du dortoir.
- Ah te voilà enfin, pile à l’heure, fit remarquer sévèrement ce dernier.
- T’as vu ça, réglé comme une horloge ! répondit Alnora
- En tout cas j’en connais une qui n’a pas encore réglé son dû, la fin du mois est proche et j’attends toujours ta pièce, persifla Folg.
« Alors que c’est gratuit, mon œil, cause toujours salopard, pensa-t-elle »
***
- Oui ?
- C’est moi, Alnora, ouvre Dienne, je suis crevée.
- Ah si seulement j’avais une chambre à moi toute seule, vilipenda la seconde jeune fille en déverrouillant la porte.

Dienne n’avait rien de noble mais elle prenait tout le monde de haut, et même si elle était arrivée après Alnora, elle disait qu’elle méritait plus sa chambre qu’elle. Alnora en était presque jalouse, elle avait la chance de travailler dehors avec quelques fermiers, la chance de voir le soleil. Tandis que son univers à elle se limitait aux cuisines et aux incessants aller-retour « demeure seigneuriale-cuisines ». Dienne était de taille moyenne, la taille fine, les cheveux blonds et la peau couleur châtaigne. Son visage avait les traits lisses, harmonieux. Une peau d’enfant dans le corps d’une jeune femme. De plus, son salaire était deux fois plus élevé que celui d’Alnora car sa tâche était dite plus dure.
- J’ai payé, moi, se vanta Dienne, à force de ne pas observer les règles, tu vas finir avec les gueux, aux abattoirs.
- Après toi, peau de vache, d’autant plus que Folg…, s’arrêtant net, Alnora se dit qu’elle conserverait pour elle cette information pour se moquer de Dienne.
- Que Folg… ?
- Que Folg m’a offert le mois gratuit en échange du travail que j’ai rempli à merveille, répondit Alnora, exultant.
- Pfff, il a dû se tromper, estime-toi heureuse.

Le sommeil arriva rapidement et ne laissa que peu de temps à Alnora pour remettre en ordre ce qui s’était passé la journée.
La journée du lendemain s’écoula comme les autres, bien que marquée par le départ de la turme du lieutenant Til. La troupe à cheval s’était rassemblée, bien-ordonnée. Il y avait à l’avant le lieutenant flanqué du porte-drapeau, derrière eux l’énorme sergent – le cheval avait bien du courage – puis les cavaliers, le charriot à provisions et équipements et pour finir Prüdhon et Bäkunin. Her Urizen était là pour les saluer ainsi que quelques autres hommes d’importance. Alnora nota que les soldats avaient revêtu leur cotte de mailles à l’exception du sergent, qui, lui pressé d’en découdre portait déjà plastron, épaulière et brassard, une épée lui ceignant les hanches. Her Urizen donna ses ordres au lieutenant et la petite troupe s’en alla sous les yeux attentifs d’Alnora. En passant, Bäkunin adressa un clin d’œil à Alnora, elle lui répondit d’un large sourire. Et puis Standine la rappela en lui faisant bien comprendre qu’il faudra rattraper le temps perdu. Elle eut à peine le temps de prendre un quignon de pain et un morceau de fromage comme déjeuner. Alnora demanda à Standine si Sejil était parti. Sejil était parti avant même que le coq ne chante, et Standine lui fit part de ses inquiétudes, elle redoutait que son bien-aimé tombe dans une embuscade de brigands qui ne craignaient plus de se montrer aux soldats. L’après-midi vit la confection de tourtes, gratins, tomates farcies. Celui qui avait un nez développé pourrait connaître tous les plats auxquels Alnora avait touchés. Standine, perdue dans ses pensées, se brûla la paume droite, attirant les rires d’Alnora et des autres filles qui travaillaient. Alors que la matrone les tançait sur leur réaction irrespectueuse, une voix grave fit imposer le silence.
- Baissez d’un ton, en plus de la puanteur, il faut que ça hurle ici.
Il s’agissait du Chevalier Harnold. Tout d’abord, les jeunes recrues se moquaient de lui et de son âge avancé, puis après avoir mordu la poussière, tous venaient à le respecter. D’aucuns disaient qu’il était même le père de Her Urizen. De petite taille, il n’inspirait pas vraiment la peur, toute la garnison de Victus le considérait à sa juste valeur, et son statut de commandant en chef des armées de l’est le rangeait du côté des Grands sans pour autant être noble. Malgré toutes les batailles et escarmouches, il n’avait pas la moindre égratignure.
- Le Seigneur Urizen te réclame jeune fille, déclara-t-il à Alnora, veuille me suivre.
Et Alnora le précéda sous le regard éberlué de Standine et des autres. C’était ainsi qu’à la même heure du soir, Alnora narrait sa vie au Grand de Victus. Prenant quelques notes, Urizen posait de nombreuses questions toutes plus étranges les unes que les autres, si elle détestait un aliment en particulier, si elle connaissait le nom des étoiles...
***
Sejil chevauchait depuis près de sept heures quand il s’autorisa une brève pause à l’auberge des Bons Partis. L’auberge n’avait d’auberge que le nom et la pâle bière qu’on y vendait. Toutefois, en dépit de la piètre qualité des boissons et du certain isolement de la taverne, elle ne manquait pas d’attirer le chaland. Poussant la porte, il fut frappé par le nombre de clients attablés et par le silence y régnant. On avait décalé tables et chaises pour laisser place à un groupe de troubadours. Il y avait là un barde accompagné d’un luth et deux musiciens munis de mandoline et d’une flûte. Au sol, une écuelle servant à accueillir les pièces, récompenses de la démonstration. Sejil se glissa rapidement à table et écouta. Les chanteurs-musiciens connaissaient leur métier, alternant sagement voix liquoreuse et gutturale.

Oh mon Dieu, es-tu encore éveillée,
Je viens à toi nuit après nuit.
Nous allons à cet endroit
Où la joie de l'amour rit.
Dans le vert, près du vieil arbre,
Je te rencontre comme une fois dans un rêve
Au clair de lune,
Je ne garde pas mon amour en échec.

Et quand le matin se lève ... alors tu es ma fiancée,
Oui, je ne t'oublierai jamais,
Vous, m’amie, ma jolie.
Et quand le matin point ...
Alors tu es ma fiancée,
Oui, je ne t'oublie jamais, mon amour ma jolie.
Mon amour ma jolie
Tout à fait secrètement, comme le vent, le vent,
Avant que le jour commence.
Courez vite à la maison belle femme,
Pieds nus à travers la rosée du matin.
Ils ne veulent pas de notre amour,
Ils en appellent l'honneur, ils en appellent le devoir
Mais plein de douleur, mon cœur brûle
Ne brûle que pour toi

Et quand le matin se lève ... alors tu es ma fiancée,
Oui, je ne t'oublierai jamais,
Vous ma fille ma jolie.
Et quand le matin point ...
Alors tu es ma fiancée,
Oui, je ne t'oublierai jamais, mon amour, ma jolie.
Mon amour, ma jolie
Mais notre jeune amour était
Parti pour toujours.
Maintenant ça fait des années
Mais mon cœur beaucoup se languit.
Alors je me déchaîne à travers le pays,
Ce qui satisfait mon désir
Peut-être que ce soir, soyez prudent.

Et quand le matin se lève ... alors tu es ma fiancée,
Oui, je ne t'oublierai jamais,
Vous ma fille ma jolie.
Et quand le matin point ...
Alors tu es ma fiancée,
Oui, je ne t'oublierai jamais, mon amour ma jolie.
Mon amour ma jolie

Et le petit monde applaudit, certains se levèrent jeter quelques pièces ; Sejil vit même une pièce d’or ! Pour faire bonne mesure, il jeta à son tour une pièce. Il n’appréciait pas les histoires d’amour, quelles qu’elles soient. Il les détestait, les abhorrait. Car pour lui, amour était synonyme de sentiments fondés, de fidélité et de faiblesse. « Des vide-bourses », il aimait à dire cette expression qui, à demi-agréable, résumait parfaitement son avis quant à l’amour et les femmes. Pris d’un soudain remord, il faillit reprendre sa pièce, mais les artistes, après avoir remercié le public comme il se doit, ramassèrent l’écuelle. Sejil les maudit et lui en même temps.
- Qu’est-ce que ce sera pour celui-là ? demanda l’aubergiste.
Sejil dévisagea quelque temps l’individu, de taille petite, le ventre marqué par la bière et les viandes, les cheveux frisés et largement décoiffés, un pantalon de tissu, trop long pour ses jambes.
- Une bière. (Son ton était sec).
- Bien, à vos ordres Votre Sérénissime, se moqua le tenancier.

Mais Sejil n’appréciait pas non plus les railleries. Se levant d’un bond, il saisit l’épaule de l’aubergiste et l’envoya au sol d’un coup d’un seul, renversant tables et tabourets. Le raffut attira toutes les têtes de la salle. Les serveuses partirent dans les quartiers privés, tandis qu’un homme assis à la table d’à côté voulut lui asséner un coup de poing, Sejil esquiva si aisément – se remerciant de ne pas avoir consommé – que l’homme déséquilibré offrit son abdomen à Sejil. Serrant son poing du plus qu’il le pouvait, il frappa fort, quelques craquements se firent entendre et l’homme rejoignit le tavernier, toujours pas remis, en se pliant de douleur. Ce fut alors que Sejil sentit une grosse main se poser sur son épaule gauche, se retournant d’un même élan, il empoigna son agresseur et le retourna – hou qu’il est lourd celui-là maugréa Sejil – l’homme tomba à terre et se releva immédiatement, sans aucune gêne apparente.
- Oh ça, mon garçon, tu aurais pas dû, éructa le géant.
Car c’était un géant, Sejil compara sa taille à la sienne, sa tête devait lui arriver en-dessous de ses aisselles. Ses bras gros comme ses cuisses. Le colosse approcha ses mains, pareilles à des battoirs, du visage de Sejil. Son intention était claire. Les autres gens regardaient le combat comme une deuxième attraction et Sejil les entendait parier :
- Deux pièces d’argent qu’il lui brise la nuque dans la minute qui suit.
- Pari tenu !

Sejil reculait dans l’attente d’une idée salvatrice. Tira son unique couteau de sa botte qu’il enfonça dans une des ses mains. Il écarquilla les yeux en le voyant retirer l’arme sans verser ni larme ni sang. « Je peux peut-être parlementer, m’excuser et réparer les dégâts. Ou alors… »
- Oh regardez la garde montée ! cria Sejil, sur un ton presque joyeux.
Le géant tourna la tête, sceptique. Il n’y avait pas plus de garde que de louis d’or sous le sabot d’un cheval, et pas non plus de Sejil quand il se retourna vers sa proie. Le géant abattit son énorme poing sur une table qu’il brisa net.
- Allons ne te tracasse pas comme ça mon ami, souffla calmement un vieillard appuyé sur sa canne, au moins nous lui avons foutu la trouille. Dommage qu’il se soit enfui tout de même... Mais il y a eu trop de spectateurs…
Il frappa le sol de sa canne, une fois, et les portes et fenêtres de l’auberge se refermèrent. (« Assez de fuites. ») Les clients se regardèrent tout-à-coup apeurés. Deux coups de canne. Ainsi que des fleurs privées d’eau, toute l’assemblée se pâma d’un coup d’un seul.
- Maintenant, il suffit de prendre l’air, viens Dûgol.
Le vieillard ouvrit la porte et devant lui se tenait une fillette chargée de pichets de lait.
- Que fais-tu ici petite ? , demanda-t-il d’une voix mielleuse mais rassurante.
- Ma maman vient de traire les chèvres, et je devais… (La fillette remarqua l’énorme silhouette derrière le vieil homme).
- N’aie crainte, c’est un ami, assura le mystérieux compagnon du colosse.
- Et je devais apporter le lait à l’auberge, continua la gamine dont le peur avait déserté.
- Pose-les là, le tenancier est malade, il les récupéra après sa convalescence. Mais dis-moi, tu es venue ici à pied ?
- Le cheval m’est trop grand monsieur.
- Et tu habites loin pour faire le voyage seul ? s’intéressa le monsieur.
- Oh non monsieur ! C’est à un quart de cloche.
- Tu veux bien m’y emmener ? Et ne m’appelle plus monsieur, moi c’est Tarhik. (Il prit la main que la petite fille lui tendait instinctivement.)
- Et moi c’est Lulia ! dit-elle, le tirant vers l’avant.

Si un sourire radieux illuminait très clairement les lèvres de Lulia, un autre se dessinait sur celles de Tarhik.
Beille

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Re: L'Aube du Crépuscule - Fantasy

Message par Beille »

Coucou,
Pour un premier chapitre, c'est un peu long. Tu divulgues un peu trop d'information pour un premier chapitre. De plus, tes descriptions sont un peu longues et plates. C'est toutefois très intéressant et j'ai hâte d'apprendre la suite.
Micum

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Re: L'Aube du Crépuscule - Fantasy

Message par Micum »

Salut ! Merci pour ton message !
Je prends note de ce que tu me dis, peut-être devrais-je le scinder en deux.
Mais je te rassure, les prochains chapitres seront moins longs. De cette manière le titre correspondra bien mieux au texte.
Par "descriptions longues et plates" qu'entends tu par-là ? Qu'elles n'apportent pas de réelles informations au texte ? Si tu as des exemples, ça m'aiderait bien :)
Encore merci !
Beille

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Re: L'Aube du Crépuscule - Fantasy

Message par Beille »

Tes descriptions aporte quelque chose au texte, mais tu fais comme des longues descriptions sans qu'il ne se passe rien. Selon moi, tu devrais essayer de cacher tes descriptions avec de l'action. Comme si tu décris Alnora, tu pourais dire qu'une mèche de cheveux la couleur de ceux-ci n'es pas dans son chignon ou qelque chose du genre. Je ne dis pas que tes description d'Alnora sont mauvaise, j'ai simplement utilisé cet exemple, car je ne me souvenais pas d'une description en particulier.
Micum

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Re: L'Aube du Crépuscule - Fantasy

Message par Micum »

D'accord je pense comprendre, profiter des actions, dialogues pour introduire des éléments descriptifs. Je vais y réfléchir.
Je lis ton chapitre deux demain ;)
Beille

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Re: L'Aube du Crépuscule - Fantasy

Message par Beille »

Tu as bien compris. Je te lis aussitôt que tu postes un autre chapitre.
elenwe

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Re: L'Aube du Crépuscule - Fantasy

Message par elenwe »

Bonjour,

Je viens de lire ton prologue. Tu écris bien, tu as beaucoup de vocabulaire.
Pour donner une défaut, mais vu que ça reste un prologue, c'est pas gênant au contraire, ça manque de sentiment, je n'ai pas stressé, je n'ai même pas ressenti la confiance du personnage. J'étais un peu trop spectatrice, pour adhérer à 100%, mais je le répète, c'est un prologue, et ça peut très bien se justifier.
Micum

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Re: L'Aube du Crépuscule - Fantasy

Message par Micum »

elenwe a écrit :Bonjour,

Je viens de lire ton prologue. Tu écris bien, tu as beaucoup de vocabulaire.
Pour donner une défaut, mais vu que ça reste un prologue, c'est pas gênant au contraire, ça manque de sentiment, je n'ai pas stressé, je n'ai même pas ressenti la confiance du personnage. J'étais un peu trop spectatrice, pour adhérer à 100%, mais je le répète, c'est un prologue, et ça peut très bien se justifier.
Je te remercie d'avoir consacré du temps ! Et je suis content que tu dises cela, c'est fait exprès, c'est entièrement le caractère du personnage :D
Je posterai la suite aujourd'hui ou demain !
Micum

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Re: L'Aube du Crépuscule - Fantasy

Message par Micum »

Chapitre deuxième : Chantant et Racontant


- Messire Harnold, savez-vous pourquoi Her Urizen me demande de lui raconter ma vie ?
- C’est mal de m’interroger là-dessus tu sais, Urizen t’as pourtant dit qu’il répondrait à tout ce qui se trottait dans ta tête. Je ne te dirai rien.
- Je sais, mais je trouve cela très dérangeant. Il ne fait ça qu’avec moi, et ça attire les remarques désobligeantes des autres, protesta Alnora.
- Disons qu’il y a des choses qui te dépassent Alnora, et il vaut mieux que le nombre de personnes au courant reste faible. (Comme Alnora demeurait dubitative). Pour notre bien, à tous, je peux te l’assurer. Bien, nous y sommes. La porte n’est pas fermée à clef, tu peux entrer, je viendrai te chercher lorsqu’il m’appellera. À bientôt.

Harnold sourit, découvrant ses belles dents, rangées comme à la perfection. Puis il descendit les escaliers. Alnora écouta les bruits de pas jusqu’à ce qu’ils s’étouffent totalement. Elle se demandait s’ils ne l’avaient pas mis à l’épreuve. Poussant la porte du bureau du bout des doigts, Alnora hésitait toujours à pénétrer ces lieux. Posa un pied à l’intérieur puis un autre. Rien n’avait changé et pourtant Alnora sentait une atmosphère pesante, presque angoissante. Perturbée, la jeune fille eut l’impression que la partie d’échecs sur la tenture avait progressé depuis la première fois qu’elle était venue dans cette salle. À plusieurs reprises, elle jeta des coups d’œil. Her Urizen n’y était pas. « On me dérange et en plus je vais devoir attendre, et quelle étrange carte ! »
Alnora examina cette dernière, village après village, ville après ville, en passant par chaque cours d’eau. Elle ne reconnaissait rien. Écrit en plus grosse capitale « HEILZ », et entouré « Gardil ». La prochaine fois que je rentre chez moi, je demande à papa, il saura peut-être, il a pas mal voyagé, pensa la jeune femme. Ne sachant que faire, elle regarda par la fenêtre ; le temps était au beau-fixe. Le chien qu’elle avait percuté aboyait et s’agitait après une cage remplie de poules. De là où elle était, l’entrée des cuisines paraissait bien étroite. Un buste apparut, puis un homme en soutane sortit et décanilla rapidement vers les grandes portes du château. « Je suis sûre de l’avoir déjà vu. »
- Ah te voilà ! (Urizen était enfin arrivé.) Excuse-moi j’avais quelques affaires urgentes à régler.
Le Grand paraissait fatigué, les yeux noirs et enfoncés, les cheveux à peine coiffés. Il portait même sa tenue militaire et une épée était plaquée contre sa jambe gauche.
- Aujourd’hui je te poserai trois questions, l’avertit Urizen, pas une de plus promis. Assieds-toi. Et réponds : penses-tu être loyale envers la couronne et agirais-tu selon ses ordres pour le bien de l’Ouest ?
- Ça fait deux questions, prévint Alnora
- Je sais, Urizen hocha du chef, un maigre sourire en coin.
- Si c’est pour le bien de l’Ouest, je suppose, puisque j’y suis et ma famille aussi.
- Et maintenant, même question, mais si les êtres qui te sont les plus chers, ceux en qui tu as confiance agissent pour leur bien, à eux, mais vont à l’encontre du tien et celui l’Ouest. Urizen regardait fixement Alnora, ses yeux d’un bleu profond soutenaient les siens et empêchaient toute fuite. Un certain silence régna dans la pièce jusqu’à être brisé par Harnold qui entra sans demander la permission. Urizen se détacha du regard de la jeune femme.
- Oui, qu’y a-t-il camarade ?
- Le lieutenant Til est tombé dans une embuscade, aucun rescapé apparemment. Les yeux du Chevalier étaient brouillés et il semblait attendre un ordre de son maître, cherchant une aide, comme un enfant désemparé.
- Alnora, retourne aux cuisines. (La jeune femme se leva et se dirigea vers la porte.) Demain sera la dernière interrogation. Je doute que j’aurai le temps de manger à l’avenir, apporte donc une tartelette aux mirabelles, je la mangerai cette fois-ci.
Her Urizen la remercia puis la pria de le laisser seul avec Harnold. Alnora ferma soigneusement la porte derrière elle. Les couloirs étaient déserts, pas le moindre courtisan, domestique, ou garde. Un instant, elle se demanda si elle n’était tout simplement pas en train de rêver. Mais jamais elle n’aurait imaginé la mort de Prüdhon et de Bäkunin. « Aucun rescapé » avait dit le Chevalier. Depuis qu’Alnora était née, personne ne parlait de mort, ou de guerre. Son père disait bien qu’il « avait donné son bras pour la paix, la paix pérenne ». Les inséparables gardes furent remplacés par le chien de la cour qui se reposait au soleil. Elle traversa la cour, l’air absent.
- T’en fais une tête, qu’est-ce qui t’es encore arrivé ? demanda Standine qui ne pouvait résister à sa curiosité innée.
- Les soldats partis pour Elvire, chez le Grand, sont morts, répondit-elle, laconique.
- Oh mon pauvre Sejil, j’espère qu’il ne lui est rien arrivé ! pleurnicha Standine.
- Mais il est pas allé à Elvire ton Dom Juan ! répliqua Alnora. Bäkunin et Prüdhon si, … et ils sont morts maintenant…, ces derniers mots furent à peine perceptibles.
- De un, Sejil n’est pas un Dom Juan, il est fidèle, j’en suis sûre, et de deux, c’était leur devoir après tout, mon Sejil, lui, n’est qu’un simple messager.

Alnora laissa la matrone à ses déprécations et abandonna la pâte à tarte qu’elle préparait. Elle se surprit à pleurer la disparition de ses amis. Ses grands-parents étant morts avant sa naissance, c’était la première fois qu’elle avait à éplorer la mort d’un proche. Elle remonta au dortoir, et ne réagit même plus aux moqueries de Dienne. Avant de s’endormir, elle revit Bäkunin retirer un chapelet de saucisses des dents du chien que celui-ci avait chapardé à Alnora. Ce souvenir raviva une légère lumière dans ses yeux.

***
Sejil éperonna derechef Avalanche, sa jument lactescente. Il n’osait regarder derrière lui, de peur que la créature le pourchasse en courant. Pris d’un doute subit, il tâta sa vareuse, afin de vérifier qu’il n’avait pas perdu son courrier. « Ça serait pas le moment de retourner dans cette fiche taverne. Et puis qu’est-ce que ce monstre fichait là ? Sans ses putains de chanteurs et leur chanson d’amour, rien de cela ne serait arrivé, en plus j’ai plus mon couteau ». De colère, il poussa encore Avalanche à accélérer. Le cheval hennit. C’est qu’il a failli me tuer en plus, songea Sejil.
Le temps était clément, et les voyageurs rares. S’arrêtant quelques minutes pour laisser Avalanche s’abreuver, Sejil sortit sa carte, et vérifia sa route.
« Bon, j’ai passé cette foutue auberge, elle ne devrait même pas figurer sur la carte et je devrais arriver à ce village avant la tombée de la nuit. Avalanche, fais-moi penser d’acheter une lame ! T’as vu, notre ogre ne nous a pas poursuivis, t’es trop rapide pour ce tas ». Et Sejil remonta à cheval. « Tu sais, à force de monter, on pourrait confondre ma peau à du cuir ! Enfin rappelle-moi de ne plus monter sur mes grands chevaux... »

***
Tarhik Emior, Profanateur de premier rang, marchait aux côtés d’une gamine. La petite s’était montrée curieuse et ne cessait de poser des questions toutes plus folles les unes que les autres. Et Tarhik répondait par des banalités ou mentait la plupart du temps. Ainsi Dûgol était un géant des Forêts, et retardé mentalement, Tarhik l’avait pris sous son aile dans sa grande munificence. Il lui racontait des histoires d’enfant qui plaisaient fortement à la petite. Quand un blanc s’installait, Lulia parlait de sa famille, de sa grande sœur Maurge qui était une vaillante soldate ou de Fass et d’Etho qui eux aussi connaissaient de belles histoires même si elle préférait celles de Tarhik. Pour elle, sa maman était la plus jolie du monde.
- Tu verras, ils sont tous gentils ! dit la fillette pressée de rentrer chez elle.
- Oh je n’en doute pas un seul instant mon enfant, accorda Tarhik.
- Pourquoi tout le monde m’appelle « mon enfant » Tarhik ?
- Question d’âge, je pense que les vieux comme moi sont envieux des jeunes et regrettent leur jeunesse. Un érudit du millénaire précédent à précisément écrit à ce sujet : « On est jaloux, on est méchant ! Pourquoi ? Parce que l’on est vieux, parce que beauté, grâce, jeunesse, dans autrui, tout fait peur, tout menace, parce qu’on est jaloux des autres, et honteux de soi ».
- Mais toi, ta voix est claire, et tu marches bien. Tu ne dois pas être bien méchant. Au fait, tu as quel âge Tarhik ?
Tarhik Emior souriait et resserra sa main dans laquelle était celle de la fillette
- Si je te le dis, tu ne le répètes à personne, hein ?
- Tu as ma parole, s’engagea Lulia
- Oh oui je l’ai…, chuchota-t-il à Dûgol.
Il se pencha à l’oreille de Lulia, lui murmura un message glissé, et l’instant d’après la petite fille écarquilla grand les yeux.
- C’est pour ça que tu as une béquille, rigola Lulia.
- On peut l’entendre comme ça, oui, articula calmement Tarhik les yeux rivés sur le visage de Lulia.

« Maligne, mignonne, vive et amusante, quel bon parti…».

- Regarde ! Tu vois la ferme avec des volets, c’est ma maison ! s’exclama Lulia sortant Tarhik de sa rêverie.
- Je la vois, mais si c’est une ferme, vous devez avoir des animaux, s’immisça de nouveau Tarhik dans la vie de la gamine.
- Bien sûr ! On a Tib, Sab, et Ul, trois beaux chevaux alezans, commença-t-elle, toute fière. Quand tu verras Sab, tu seras étonné de sa carrure, papa dit que c’est le meilleur cheval de la région. Le bon lait que j’ai porté provenait de Katryne et Nade, nos deux chèvres. Nade attend des bébés, ça va être chouette ! Papa et maman ont acheté des poules aussi. Mais on ne leur donne pas de nom, car maman dit que ça ne fait que se rapprocher d’eux alors qu’on va les manger, poursuivit la fillette avec moue. Et puis, on a Allebote, une minette noire et blanche.
- Quelle grande famille ! Tu crois que je serai le bienvenu ? fit semblant de s’inquiéter Tarhik.
- Pourquoi ne le serais-tu pas ? On accueille bien des porcs parfois, pourquoi pas toi ? Le rire de la gamine se mêla à celui de Dûgol, rire puéril et rire sépulcrale, mais tous deux francs.
***

Aujourd’hui le Chevalier Harnold était parti avec quelques hommes à la rencontre des malheureux Bäkunin et Prüdhon, de leur chef et des autres. Apparemment un voyageur avait découvert les soldats tombés dans le traquenard et avait alerté le plus proche poste de garde. Avec l’argent que le Grand avait donné à Alnora, la jeune femme put s’acheter de vrais habits, une jupe à carreaux et une chemise en coton couleur bleu. Dienne lui demanda comment elle avait eu tant d’argent. Jalouse, elle entreprit de la voler, mais Folg qui faisait le tour des dortoirs la surprit et l’emmena chez Her Urizen. Les voleurs n’avaient pas leur place chez lui.
- Messire, j’ai pincé au demi-cercle cette peste en train de rafler cette bourse, que voici, à Alnora. Si vous voulez bien de mon avis, elle aussi a volé cette bourse remplie de belles pièces.
Her Urizen, adossé à son fauteuil, regarda son secrétaire puis Dienne.
- Hé bien Folg, les voleurs sont normalement remerciés, comme l’on dit fort ironiquement. Mais…étant bon seigneur, je fermerai les yeux, pour cette fois-ci seulement. (Urizen saisit une pomme d’une corbeille de fruit et la croqua à pleines dents. ) Allez, mais que je ne vous y reprenne pas. Ah aussi Folg, je me moque de votre avis.
- « Vous » ? messire, s’étonna Folg, dont le cœur se mit à battre plus vite que d’habitude.
- Mais votre ouïe est irréprochable mon cher, vous m’avez très bien compris, répondit le Grand tout en mâchant.
Folg déglutit et entraîna Dienne vers la sortie.

Ce soir, il verrait Alnora pour leur dernière entrevue. Cela faisait trois jours que son estafette était partie pour Unleb. « Je préfère ne pas avoir de nouvelles plutôt que des mauvaises, se disait Urizen ». Après tout il avait confiance en Sejil. Il avait travaillé pour lui en tant que messager depuis ses quatorze ans, et n’avait fait aucun faux pas, accomplissant ses missions dans les temps. Harnold lui avait présenté un jeune adolescent orgueilleux, téméraire mais prometteur. Maintenant Sejil devait avoir vingt-quatre ou vingt-cinq ans. Le Chevalier lui avait assuré qu’il savait se battre, arguant qu’il l’avait lui-même formé, et savait se sortir de situations délicates. Her Urizen reconnaissait les talents d’Harnold pour le combat à l’épée. Dans sa jeunesse, il s’était montré gagnant, à plusieurs reprises, aux Jeux d’Andros. C’était d’ailleurs lui, qui lui avait conseillé Alnora. « Cette petite est la bonne ! » avait-il dit. « Mais l’autre ? » s’était inquiété Urizen. « Ehmys » « Mais c’est contre la loi » « Qu’importe, le temps est contre nous ». Le sujet était clos, et Urizen attendait impatiemment le Régisseur d’Unleb. Urizen et lui avaient été à l’école ensemble, mais Ehmys fut renvoyé pour profanation de corps sacrés. Toutefois, ses aptitudes à ce genre de magie effacèrent rapidement les accusations qui pesaient sur lui. Alors que ses parents lui avaient prédit un avenir houleux et instable, l’école d’Unleb n’avait pas connu meilleur directeur depuis longtemps. En fait la dernière fois qu’il l’avait vu, il était devant la barre plaidant pour la cause de son ami. Son statut nouveau de Grand de Victus avait permis de gagner la clémence du Roi. Il se demandait si son ami avait conservé son franc parlé ou bien s’était-il « abaissé à la préciosité » comme le disait-il. Il se leva et ajusta son uniforme, soudain pris d’un mauvais pressentiment. Il jeta un coup d’œil à sa lame posée sur son bureau. La saisit avec admiration, et la rangea dans son fourreau, et quitta la pièce sans produire le moindre bruit. Atterrissant dans la cour, il se pencha pour caresser Artaban – le chien – qui, tout content, lui léchouilla la main. « Toi aussi tu es seul.» pensa Urizen.
Il releva la tête à l’appel du bruit que faisaient les sabots des chevaux arrivant. Un groupe de soldats tenaient enchaînés des hommes et des femmes, poings liés.
- Qui sont-ils encore ? demanda Urizen au sergent de la troupe, sous les yeux vigilants du chien.
- Des dissidents mon seigneur, affirma l’intéressé. Ils vomissaient sur notre bon Roi Oriat, criant et émeutant les bas quartiers de Victus. Les commerçants se sont plaints et nous avons dû agir. Voici les plus sévères cas, les autres se sont tus ou on fuit à notre arrivée.
- Bien, vous avez agi comme il fallait, sergent. Emmenez-les en prison, et faites doubler la garde. Je veux deux gardes tous les trois cachots.
- Entendu !
Le sergent salua le Grand et du bras annonça le départ.
Les cachots prévus pour emprisonner jusqu’à cinq hommes étaient tous bondés. Et les anciens détenus râlaient, disant qu’on les dragonnait, et qu’il ne fallait pas en arrêter autant. Les gardes les menaçaient pour obtenir le silence. Même eux commençaient à saturer du brouhaha de plus en plus difficile à calmer, et les médisances naissaient.
- Urizen a perdu la tête, que compte-t-il faire de tous ces bougres ?
- T’occupes pas de ses affaires.
- N’empêche qu’ils me foutent la frousse.
En fait, cela faisait la septième fois que les soldats ramenaient des émeutiers de la ville, principalement de la ville basse. Toujours pour les mêmes raisons. Ils allaient dans les tavernes, les marchés, le forum, dans tous les lieux publics et insultaient ouvertement tout soldat, bourgeois. Cassant et malmenant biens et citadins, leurs actions étaient mues par la volonté d’avoir plus de droits, de liberté. Les rebelles dénonçaient le pouvoir de l’argent. Parfois même, ils s’en prenaient aux artistes. Ainsi le théâtre était fermé. Alors que le commerce périclitait peu à peu, les révoltes se faisaient de plus en plus courantes. Les agriculteurs recevaient des avertissements des fauteurs de troubles, s’ils voulaient rester en bonne santé, ils devaient arrêter de servir les seigneurs. Les producteurs se tournaient alors vers la garnison pour assurer leur sécurité. Les soldats étaient surchargés et ne disposaient que de peu de temps pour se reposer. Là-dessus, les riches nobles de Victus exigeaient du Grand que, craignant les pillages, leurs luxuriantes demeures soient gardées.
Urizen se devait de prendre une décision et vite. Abdiquer ? Cela le montrerait lâche. Se ranger du côté des insurgés ? Cela irait à l’encontre de sa probité envers le Roi.
« Demain soir, ils seront condamnés à mort, tous. J’arrangerai leur jugement et les bourreaux ne manquent pas. » se résolut Her Urizen.
***
Le soleil arrivait à son zénith. Pas un souffle d’air ne rafraîchissait la peau des soldats, tandis qu’une chaleur étouffante rendait la cour déserte. On avait éteint les fours des cuisines. Même le chat noir qui chassait le papillon en ville trouvait son terrain de jeu trop silencieux. Le Grand s’était calfeutré dans son antre. Les hommes, au dehors, se sentaient abandonnés par leur chef. Lui, bien au frais à l’intérieur, eux, cuisant sous leur cotte de mailles. Alnora sortit des cuisines, chargée de pichets d’eau froide, longea les murs et rejoignit les gardes postés devant les cellules.
- Tenez, c’est pour vous, dit-elle présentant l’eau.
- On crevait de soif. (Le premier attrapa un pichet et but à s’étrangler.)
- C’est sûr, on pisse orange, grogna un deuxième soldat qui empestait.
Derrière les prisonniers regardaient d’un air envieux la précieuse boisson.
- Vous pouvez vous en brosser, vermines.
- Oh bois mon grand, je boirai de ton sang ! s’invectiva un détenu qui s’était levé, les doigts enroulés autour des barreaux.
Alnora sursauta et ses yeux le parcoururent.
L’homme ne devait pas avoir plus de trente ans. La peau mate, Alnora le trouva étonnamment charmant. Ses traits étaient durs mais harmonieux. Une jeune barbe entourait son visage barré d’une cicatrice courant du menton à l’œil gauche. Alnora s’aperçut en fait que l’homme était borgne ; un trou béant à la place de l’œil.
- Ta gueule toi ! le rabroua le soldat avec son habituel langage. Ça serait gaspiller une denrée rare. Demain … (De son pouce il traça une ligne imaginaire sous sa gorge.) Couic !
Le prisonnier se retourna vers ses acolytes, ricana et les autres prirent la relève.
- C’est ça depuis que ce fumier d’Urizen a ordonné de les enfermer, glissa un garde derrière les rires des détenus. Tiens reprends tes brocs, c’est pas une place pour une fille.
Alnora fut soulagée d’être enjointe à les laisser, elle n’aurait pas voulu se montrer ingrate envers eux.
A peine eut-elle tourné les talons que le « charmant » se mit à chanter de sa voix crapoteuse, bientôt suivi de ses confrères.

Soixante-treize hommes,
Soixante-treize dans un port,
Puis le bourreau hurla : A genoux !
Avec le capitaine, je commence !
Pour piraterie, sont condamnés à mort,
A mort par cette hache…
Ils avaient le butin,
Ennemis exécutés !
Et pourtant,
Et pourtant, le Diable reprend son dû !
Et le navire fut déserté…

(Les menaces furent vaines, ils entonnaient encore et toujours.)

A chaque coup,
Le bon peuple acclamait
A chaque coup,
La mer rougissait de honte.

Cinquante-trois hommes,
Cinquant-trois dans un port,
Puis le bourra hurla : Honneur,
Honneur au plus jeune !
Condamnés sans jugement,
Oui mais avec sentence !
D’une parfaite justice
Humaine, le Diable se rit
Des vivants, qu’il remercie
Un dû plutôt que la vérité.

A chaque coup,
Le bon peuple acclamait
A chaque coup,
La mer rougissait de honte.

Vingt-et-un hommes
Vingt-et-un dans un port,
Puis le bourreau hurla :
Que les voleurs, tueurs
Se hâtent sous ma lame !
Que justice soit faite !

A chaque coup,
Le bon peuple acclamait
A chaque coup,
La mer rougissait de honte.

Et justice fut faite !
Lassé ou écœuré par tant d’effusions
Le Diable réveilla les vingt-et-uns !
Et justice fut faite !
Le voleur de vie goûta de sa hache !
Famille maudite,
Pain retourné,
Liberté envolée.

Les vingt-et-un traquent les voleurs de vie,
Bras droits du Diable, ils errent de port en port…


Levant la tête de sa feuille, Urizen gagna la fenêtre, l’ouvrit et cria :
- Sergent Epicaure ! Venez !
Alliant le geste à la parole, le sergent quitta son poste et courut en direction de la demeure seigneuriale. Il ouvra d’un même élan la porte du bureau du Grand.
- Combien ? Combien sont-ils ?, implora Her Urizen.
Epicaure compta rapidement sur ses doigts.
- Vingt-et-un messire.
- L’échafaud devra être près pour demain huit heures. Compris ?
- Bien messire.
- Et pas une goutte d’eau, ni à manger, clair ?
- Très, messire.
- Au fait où habitent ces gens ?
- Nulle part, ce doit être des vagabonds.
- Qui a les clefs des cages ?
- Moi-même messire.
-Donnez-les moi.
Epicaure les lui tendit.
- Disposez…lieutenant, annonça Her Urizen, un semblant de sourire en coin des lèvres, et allez mander la jeune Alnora, la fille des cuisines.
Epicaure hocha puis demanda.
- Que chantaient-ils messire ?
- Une vieille, une très vieille chanson je le crains.
Le militaire dut tendre l’oreille pour entendre sa réponse. Quand il rabattit la porte, il vit le Grand s’affaisser dans son fauteuil.

- Alnora ? Elle n’est pas là, elle est partie apporter de l’eau à vos hommes, aux prisons, l’informa Standine.

***

Alnora sentit une main lui prendre le bras. Se retournant, elle découvrit que c’était un soldat et lui afficha une expression perplexe.
- Urizen vous demande.
Pour toute réponse, la jeune femme s’empressa d’obéir, la main d’Epicaure toujours accrochée à son bras lui était désagréable.
- Sergent, vous voulez bien surveiller le temps que j’aille satisfaire un besoin, pria un soldat.
- Pas de problème, et c’est lieutenant maintenant.
- Sergent ou lieutenant, qu’est-ce ça change ? cracha un prisonnier.
- Ça change que j’aurai l’honneur de voir vos misérables têtes se détacher subitement de votre cou, je serai aux premières loges pour voir votre bouche, sans son, soulager nos douloureuses oreilles.
- Oh ça oui, aux premières loges…

***
- Entre Alnora.
- Je n’ai pas votre tartelette messire, je n’ai pas eu le temps de…
- Tant pis, mon estomac pourra bien s’en passer, lui assura Her Urizen avec chaleur bien que le médecin aurait démontré le contraire. Je ne pourrai t’accorder qu’une vingtaine de minutes cette après-midi. Alors écoute attentivement. Garde tout ce que je t’ai dit pour toi. Mais d’abord, la bague que je t’ai donnée, l’as-tu toujours ?
- Oui messire, hésita à répondre Alnora qui l’avait laissée avec ses affaires dans les dortoirs.
- Bien. Il existe deux exemplaires de cette bague au monde. Ce sont des clefs.
- Pour quoi ? s’intéressa la jeune femme.
Le Grand effaça sa question d’un geste de la main.
- Avant de te répondre, je vais te raconter une histoire moi aussi…
En l’an 2386, au septième mois, Maghiar II Souverain et Roi de Festülig – pour te donner une idée, cela représenterait de nos jours l’Est, l’Ouest plus les isles du Nord exceptées l’Isle-sans-nom -, mourut de sa belle mort, léguant à ses deux fils jumeaux, Oriat et Tagh, son royaume. Aucun n’étant l’aîné, ils se partagèrent Festülig. Le partage fut simple, l’Ouest ira à Oriat, l’Est à Tagh. Le père de Maghiar premier du nom accéda au trône en vainquant une monstruosité qui semait la désolation dans toute la Festülig. Les Magiciens de l’époque acculèrent la bête dans une grotte et la scellèrent en y laissant leur vie. Mais pour fermer une porte ne faut-il pas une serrure ? La bague et sa sœur jumelle sont les clefs permettant l’accès de la grotte. A ma connaissance, le pendant de la tienne se trouve en l’Est. Le Roi Tagh est chargé de sa protection. Comme tu peux t’en douter, les ennemis de la couronne tireraient un beau bénéfice à lâcher la créature.
- Qu’est-ce que c’est ?
- Je ne sais pas exactement. D’ailleurs, ceux qui ne l’ont jamais su sont morts. Ta mission est de me succéder, c’est-à-dire d’éloigner au maximum la bague de l’autre. Jamais une seule et unique personne ne doit posséder les deux. Pour le bien de tout Festülig. Urizen regardait avec insistance les yeux de la jeune femme.
- Je ne vois pas bien comment, moi, je pourrai protéger la bague mieux que vous.
- Disons que la non-célébrité représente un atout à ne pas négliger. Il est six heures du soir, dans une heure tu quitteras le château, incognito, annonça le Grand.
- Comment sire, la garde a été doublée ?
- Par les cuisines, le deuxième four, il est faussement condamné. Grâce à ta taille menue tu pourras t’y faufiler. Il débouche chez un ami. Tu n’auras qu’à marcher tout droit. Au bout, le Chevalier Harnold t’y attendra.
- Il est revenu ! , s’étonna Alnora, avec une pointe d’excitation.
- Oui. Tu trouveras une tenue, disons plus adaptée au genre d’aventures qui poindront. Tu peux y aller. Sauf s’il y a des questions qui te trottent dans la tête.
Alnora détourna momentanément ses yeux du Grand.
- Qui sont les ennemis de la couronne, Urizen ? (C’était la première fois que la jeune fille appelait le Grand par son nom.)
- N’importe qui, répondit-il, évasif.
Alnora remercia encore Her Urizen pour tout ce qu’il lui avait donné.
- C’est moi qui devrais te remercier. Au revoir mademoiselle.
- A bientôt, ajouta Alnora. Puis elle s’enfuit du bureau.
Her Urizen se retrouva seul, l’air pensif et tourmenté. Après quelques instants :
- Ou quoi…
Micum

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Re: L'Aube du Crépuscule - Fantasy

Message par Micum »

Désolé, je n'ai internet que via mon téléphone, mais le prochain chapitre devrait arriver cette semaine...
Micum

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Re: L'Aube du Crépuscule - Fantasy

Message par Micum »

Chapitre trois : Un pacte avec le Diable


La ferme était plutôt imposante. Totalement bâtie en pierre, elle attirait les convoitises des autres fermes et maisons du hameau. Toit de tuiles, chiens-assis, et volets. La ferme était constituée d’une aile principale faisant face à l’entrée. Là, il y avait la cuisine, la salle à manger, les chambres des parents et une pour chaque enfant. Seule Lulia et Maurge partageaient la leur. A l’étage, une cuve servait à se laver. Mais pour mériter un bon bain, la famille pompait de l’eau du puits et la montait ensuite. Le reste de l’étage servait à entreposer du grain, de la paille, quelques vieux meubles et possessions de famille. L’aile gauche était une porcherie, or, puisque vide cette année, elle servait d’enclos pour les poules. Quart aidé d’Ilys avait construit un poulailler en pin pour rentrer les poules le soir, les renards se faisant de plus en plus courants dans la région. De l’autre côté, Tib, Sab, et Ul, les alezans profitaient d’un vaste pré ombragé, juxtaposé aux écuries et à un hangar à matériel d’équitation. Seul Sab, la forte tête, recevait des coups d’éperon. Enfin Katryne et Nade arpentaient tout le domaine à leur gré, escaladant tas de bois et murets. Grosse, Nade s’écartait moins et Katryne se retrouvait seule à son jeu de grimpette. La chatte Allebote occupait elle aussi une place importante, elle chassait les rats et souris du grenier. Son fin museau et ses longues griffes acérées représentaient la fierté de toute la famille.
- Attends-moi là Tarhik, je vais faire une surprise à papa, je reviens vite.
La gamine souriait et courut vers la porte de la maison. Tarhik Emior l’entendit appeler alors que Dûgol, qui avait remarqué les poules, salivait.
- Papa! Papa viens voir ! On a des invités.
La fillette tira son père vers la sortie. Les yeux de Quart s’arrêtèrent tout d’abord sur l’énorme créature à côté du freluquet vieillard, notant son bâton d’appui.
- Qui êtes-vous ?, leur lança-t-il, sur la défensive.
- Je me nomme Tarhik Emior et voici mon camarade Dûgol. N’ayez crainte, il ne vous fera pas de mal, malgré ses grandes proportions, il est doux comme un agneau. Et pour preuve de notre sympathie, je vous ferai un cadeau. Entrons, je vous prie.
Tarhik se permit de pénétrer dans la maison, suivi de Dûgol sous les yeux ébahis du père.
- Bien maintenant que nous sommes en intimité, nous allons pouvoir commencer. Mais d’abord, votre bras vous manque-t-il ?
- Dois-je vous dire que votre question est des plus stupides Tahmior, déclara Quart.
- Tarhik Emior, corrigea le Profanateur, faisant fi de l’agressivité du père. Laissez-vous faire, faites-moi confiance.
Bien que sa voix soit douce, Quart restait sur ses gardes.
Tarhik posa sa main droite sur son épaule, tapa le sol de son bâton à petits coups. Quart sentit une douleur fulgurante lui parcourir l’os. Défaillant, il s’assit sur une chaise. Son bras perdu avait repoussé, mais il semblait inerte.
- Vous en retrouverez l’usage dans quelques jours, lui garantit Tarhik.
- M-Merci monsieur, comment pourrai-je vous remercier.
Quart, toujours sur le coup, bredouillait.
- En premier, par un bon souper.
- Tarhik, tu peux faire apparaître des succulents plats ? demanda intéressée Lulia.
- Oui, mais ton estomac ne pourra pas les digérer. Ce que je crée est immuable sauf si j’en décide autrement ou que le Créateur me retire ce qu’il m’a donné, répondit-il à la gamine qui s’accrochait à sa robe.
- Lulia, va chercher maman, elle est avec Etho et Fass au grenier, ordonna son père.
Lulia monta les escaliers à toute vitesse les retrouver.
- Qui êtes-vous ? , redemanda Quart à l’intention du vieillard.
- Tarhik Emior, je vous l’ai déjà. Votre mémoire vous fait-elle défaut ?
Quart entrevit ses incisives pointues déborder.

- Lulia m’a dit que vous avez « redonner vie à son bras ».
Ilys venait de descendre les escaliers et se dirigea vers leurs hôtes. Elle était habillée chichement, un ruban lui coiffant ses cheveux qu’elle avait auburn.
- Votre mari m’a offert l’hospitalité en échange, et m’a assuré le souper.
Quart voulut protester mais il n’arrivait pas à parler.
- Hé bien passons à table dès maintenant. Etho et Fass ont déjà mangé chez Alli, dit-elle à son mari.

A table, Ilys ne cessait pas de contempler le bras rendu de son mari.
- Et en plus Tarhik connaît plein de belles histoires, dit Lulia, assise à côté de Tarhik.
- Attends que je finisse mon pain, veux-tu, sourit-il à la gamine.
Pour accélérer les choses, Lulia le lui prit des mains et aux anges, elle dit :
- Voilà, c’est fait.
Tarhik passa une main dans ses cheveux ondulés et légèrement roux. Cheveux soyeux et peau rugueuse.
- Tu es incorrigible, toi.
- Lulia, la prochaine fois que tu fais ça, je ne t’emmènerai plus en ville, la gronda sa mère.
- Laissez, ce n’est rien, assura Tarhik. Et voici mon histoire…
Il y a bien longtemps, un homme au cœur aussi mouvementé que son esprit trouva une nouvelle espèce d’animal, jusqu’alors inconnue. Le mot espèce est abusif, car l’espèce en question se résumait à un individu. L’homme décida de l’élever et s’aperçut vite que la bête était différente des autres animaux – non seulement en termes d’anatomie -. Oui, celui-ci était magique. Mais un tel être unique en possession d’un seul était inconcevable pour le triste Roi de l’époque. On dit que ce dernier orchestra donc son enlèvement. Toutefois la bête se retourna contre ses agresseurs. Les morts étaient légion, les champs brûlés. Les mages, sous ordre du Roi, la tuèrent. Ou plutôt essayèrent sans réussite totale. Ils l’emprisonnèrent dans un lieu reculé pour que nul n’y accède et qu’on oublie vite la créature. Le découvreur fut condamné à mort et son corps jeté aux poissons. C’est injuste n’est-ce pas, mais le Créateur a un minimum de justice, lesdits mages furent consumés par leur propre magie.
- Tu l’as inventée celle-là ?
- Disons que l’histoire est sur fond de vérité, mais que sa transmission a très certainement subi des modifications. Ilys, Quart, je voudrais vous demander quelque chose, poursuivit-il, s’adressant aux parents.
Ilys regarda son mari qui n’avait toujours pas émis le moindre mot.
- Nous vous écoutons.
- Voilà, (Tarhik se redressa sur son siège), je suis parti pour un long voyage. Et même si je ne me plains pas de la compagnie de Dûgol, je me sens un peu seul. Je voudrais emmener Lulia avec moi. Oh je m’occuperai de son instruction et quand je vous la rendrai, à l’âge de la maturité, vous aurez l’une des jeunes femmes les plus cultivées de l’Ouest.
- Oh oui ! dis oui maman ! , s’empressa de crier la fillette.
- Je…je refuse, commença la mère, prise au dépourvu. Nous nous avons aucune preuve que vous ne lui feriez pas de mal. En plus, pardonnez, mais vu votre âge, elle pourrait se retrouver seule d’un jour à l’autre. Nous ne vous connaissons pas d’ailleurs.
Tarhik se leva, le visage dénué d’expression, enfila son pardessus, saisit sa canne, et se dirigea vers la porte.
- Je croyais que votre bras repoussé par mes soins constituait un gage de confiance.
Lulia, dont les yeux s’étaient recouverts d’une brume, observait sa maman et son air impassible, dans l’expectative d’un brusque changement. Quart ne disait mot. Rajustant son manteau, Tarhik héla Dûgol et frappa le sol en terre-battue de son bâton.
- Nous sommes d’accord, dit tout simplement Ilys, d’une voix d’automate.
- Je n’en attendais pas moins de vous. Viens Lulia, Tarhik avait repris sa voix de vieillard.
La fillette embrassa ses parents qui la regardaient, cois.
- Embrassez Fass et Etho pour moi.
La phrase résonna dans la salle, sans réaction de la part des parents.
- Ne t’embarrasse pas mon enfant, j’aurai tout ce dont tu auras besoin.
Cette fois-ci, Tarhik entraîna Lulia vers la sortie.
***

- C’est drôlement gentil ce que tu as fait pour papa, il ne te l’a pas dit, mais je suis sûr qu’il t’aurait offert le gîte et le couvert pour la vie. La petite regardait Tarhik, admirative du vieillard si bon.
- Oh je n’en doute pas. En retour, ton éducation est être sur le point de commencer.

***
A la ferme…
- Que s’est-il passé ? , supplia Ilys, en pleur, à Quart.
Une odeur pestilentielle embaumait chaque recoin de la salle. Le « nouveau » bras de Quart pourrissait à vue d’œil, son possesseur, affalé sur la table, semblait mort.

***
- Première leçon Lulia, tout ce que tu tenais pour vrai hier, peut être changé, en d’autres termes, rien n’est immuable.

***

Sejil s’était fait petit, couchant à la belle étoile, évitant toute taverne depuis l’incident d’il y a trois jours et n’hésitant pas à chevaucher de nuit. Il n’avait plu qu’une fois. Parfois, il cauchemardait rêvant que le géant le rattrapait et lui faisait payer de son insolence. Il se réveillait alors en sueur. L’absence de son couteau lui créait un certain vide, mais raisonné à ne plus perdre de temps, il s’était dit qu’il en achèterait un, une fois sa mission menée à bien. Maintenant, Unleb se dessinait à l’horizon.
- Nous y serons dans deux heures Avalanche, tu vas pouvoir souffler.
Le cheval, comme le cavalier, était pressé d’en finir avec cette course contre la montre. La poussière dégagée pouvait donner l’impression que toute une troupe accourait vers Unleb, la capitale du sud.

- Et tu viens de… ?, demanda le soldat à l’entrée de la ville.
- De Victus militaire, j’ai une missive pour le Régisseur de la part du Grand Her Urizen. Sejil montra le sceau de l’enveloppe pour preuve.
- Tu peux passer.
- Faut avoir une bonne raison pour entrer maintenant ?
- Ordre du Grand.

Unleb, bien que plus petit que Victus était renommé dans tout le royaume. On y comptait les meilleurs vins, poètes et la meilleure école de Magie dirigée par Ehmys Aïlahya. Alors que les personnes douées de magie se faisaient de plus en plus rares, Ehmys formait ses élèves de manière intensive, maximisant tout leur potentiel. Divisée en quartiers selon l’aisance des habitants, la première impression des visiteurs était péjorative. Le quartier pauvre faisait le tour de la cité, plus loin le quartier des artistes et enfin celui des riches et des nobles. Le Grand Ziliff habitait la demeure la plus haute, centre de la cité. Il assurait qu’il valait mieux « avoir des riches près de soi que des penseurs ». Ehmys lui n’était pas de cet avis, pour lui « quand on sait penser, cela peut aussi bien être bon pour toi que toxique, mais le risque en vaut la peine ».
Les premières rues étaient composées de bidonvilles. Collés les uns contre les autres, ces assemblages grossiers de bois et de terre abritaient de nombreuses familles. Les enfants faisaient la manche, volaient ou travaillaient pour survivre. Les fortes chaleurs et le peu d’espace entre chaque habitation facilitaient les incendies.
Les insalubrités laissèrent place à des maisons pour le moins extravagantes. Certaines prenaient corps autour d’arbres, d’autres étaient troglodytiques. Et même, quelques penseurs préféraient vivre à temps plein dans les maisons closes. Des langues de vipères disaient qu’Ehmys était un habitué des bordels et y entraînait ses disciples dans le vice. A l’exception de quelques-uns, personne ne connaissait le passé du Régisseur. La famille du Grand, au courant, exerçait par-là un moyen de pression pour obtenir son consentement. Ady, épouse du Grand, prenait un malin plaisir à lui lancer des pics lors de repas officiels.
Puis les villas des riches, bâties le plus souvent en tuffeau, disposaient de bassins, de grandes écuries. Inquiétés dans des affaires louches, il n’était pas rare de voir un jeune nobliau hériter de son père, malencontreusement tombé du balcon. Tout ceci contentait les voleurs, assassins ou mercenaires. Bien que leurs activités soient illicites, la plupart des habitants des quartiers aisés usaient de leurs services et le Grand ne voulait pas perdre ceux qui payaient le plus de taxes.
L’école appelée Forcalquier se situait à côté de la Grande demeure, Ziliff voulant garder un œil sur le mage. Si à la barre, il ne l’avait pas attaqué à l’époque, il ne l’avait pas non plus défendu. Son grand âge lui avait appris qu’une lame aiguisée était plus fiable que la magie. Le Roi Oriat disait qu’il était jaloux d’Ehmys car né sans aptitude magique.
Sejil lui était bien en-dessous de cela et s’en moquait totalement. Pour lui comptait remplir ses missions et ainsi son porte-monnaie. Urizen l’avait présenté au Régisseur pour tester son possible don magique. Ehmys avait affirmé que, dans son sang, circulait un certain courant de magie. Et ne voulant en dire plus, il l’avait refusé à son institut. Sejil ne lui en tenait pas rigueur, se disant que la magie lui aurait apporté encore plus d’ennuis.
Il croisait des patrouilles toutes les deux rues. Des affiches de recrutement ornaient les angles des maisons. Sejil trouva aisément la demeure du Régisseur et frappa à sa porte ; un domestique ouvrit la porte :
- Bonjour, je cherche Ehmys, débita anxieusement Sejil
- Mon Maître n’est pas là gentilhomme. Il est en réunion avec Her Ziliff. Je vous propose de l’att…
Sejil était déjà parti.
« Bon sang de bonsoir, c’est pas encore fini ! Allez Avalanche, on va réunionner chez un Grand nous aussi ! »

Attachant son cheval à un anneau, Sejil se présenta aux postes de garde devant les portes du logis du Grand. Il n’avait jamais vu autant de soldats montant la garde. Les escaliers permettant l’accès grouillaient d’hommes. Armés de lances et peltas, ils n’affichaient aucune expression.
Sejil parla au sergent, demandant d’entrer trouver Ehmys. Le militaire qui avait reçu des ordres stricts le rejeta.
- Seul le Roi pourrait passer mon gars ! le nargua-t-il.
Le monstre de l’auberge, les jours de chevauchée, les nuits dehors, Ehmys absent de chez-lui. Ça faisait beaucoup, ça faisait même trop. Il fallait se défouler et induire la situation en sa faveur. Attrapant un pavé démis, il le lança sur le garde. La pierre envoyée avec force et précision percuta le sergent en pleine face.
- Alors là mon gars, outrage à un représentant de la loi, les prisons seront ta nouvelle couche, menaça-t-il le nez ensanglanté.
Ses hommes le saisirent. Leur chef s’approcha de l’homme et lui donna un coup de pied à l’entre-jambe.
Sejil tomba, une forte lumière lui brouillant la vue.
- Et toi, outrage à l’estafette du Grand Urizen. (Sejil reprit son souffle.) Il te fera muter, c’est sûr. Et dégrader.
Le sergent, pris d’un soupçon de remord, envoya le caporal Novas prévenir Her Ziliff.
- Il fallait le dire plutôt, je t’aurai laissé entrer mon bon monsieur, dit le sergent, partagé entre la moquerie et l’incertitude.
Pour toute réponse, Sejil lui cracha dessus. Le coup faillit partir, mais le militaire s’abstint.

Novas entra discrètement dans la salle de réunion. Une vaste pièce où trônait une large table oblongue. Il y avait là Ziliff, son épouse et leurs fils, Ehmys, son adjoint et divers nobles ainsi que les chefs de l’armée régulière d’Unleb. Le caporal chuchota à l’oreille du Régisseur, puis s’esquiva comme il était venu.
Coupant la parole au Chevalier Igdard, Ehmys prit la parole de sa voix grave.
- Chevalier, pardonnez-moi. Seigneur, vos hommes ont capturé un envoyé du Grand Urizen. Cet homme me fait mander. Aussi, permettez que je m’en aille. Je suis sûr que les questions de voles et de pillages peuvent être réglées sans ma présence. Lieb (Ehmys posa une main sur l’épaule droite du professeur) parlera sinon à ma place.
Le Régisseur remercia et salua l’assemblée puis sortit à son tour sous les yeux envieux des fils de Ziliff – Aldo et Katri – qui s’ennuyaient.

- Sejil ?! s’étonna Ehmys en voyant le jeune homme les bras dans le dos. Lâchez-le soldats.
Ceux-ci regardèrent leur sergent, ne sachant que faire.
- Oui lâchez-le, ordonna-t-il, la voix enrouée.
- Il faudra me soigner ce nez sergent, conseilla gentiment Ehmys.
Les mains du soldat se crispèrent.
- Qu’y a-t-il Sejil ? Et comment vas-tu, cela fait presque dix ans qu’on ne s’était plus vu. Tu n’as laissé ton don de côté, celui d’attirer les soucis.
Sejil leva la main pour demander un instant, toujours pas remis du coup. Puis jura :
- Si elles ne marchent plus, sergent, je gage de vous renvoyer de l’armée.
L’intéressé retourna près de ses hommes, la queue basse.
- La seconde question restant sans réponse pour le moment, peut-être pourrais-tu me dire ce qui t’amène à Unleb, reprit Ehmys.
- Her Urizen m’a chargé de vous transmettre cette enveloppe, informa-t-il, tendant cette dernière.
Ehmys Aïlahya la lui prit et entreprit de la lire.
- Vous a-t-il mis dans la confidence Sejil ?
- Aucunement. C’est grave ? s’inquiéta l’estafette relevant l’air grave du Régisseur.
L’espace d’un instant, Sejil sentit le sol se dérober sous ses pieds. Puis il se retrouva dans une belle maison, au bord d’un bassin, au côtés du Régisseur.
- Vous nous avez… ?
- Transloqués oui, affirma Ehmys. Nous partons dans cinq minutes, le temps de préparer mes affaires et de donner des instructions à mon majordome.
Micum

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Re: L'Aube du Crépuscule - Fantasy

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Après un temps long d'absentéisme, voici le chapitre quatre !

Chapitre quatrième : Fuite et escapade



Poussant la porte des logements, Alnora s’attendait à entendre Folg lui demander pourquoi elle traînait là, au lieu de travailler. Mais il n’y avait personne. Rassurée, la jeune femme gravit prestement l’escalier et atteignit bientôt sa chambre. Sur son lit avaient été déposés un pantalon de cuir souple, une vareuse, et un peu plus loin Alnora trouva un sac de voyage. Elle s’étonna à trouver, sur une chaise, une épée et son fourreau ainsi qu’une bourse d’argent bien pleine. Un mot avait été placé à son intention « Merci ». Obéissant à un ordre inaudible, Alnora enfila ses nouveaux vêtements, glissa les anciens dans le sac. Inspectant sa nouvelle tenue, elle découvrit à quel point elle était confortable et justement taillée. Toujours commandée par une instance supérieure, la jeune femme souleva religieusement la lame et son étui, la tirant légèrement pour voir à quoi elle ressemblait. Alnora ne connaissait rien à la science des armes pourtant elle ne doutait pas de la qualité de son tranchant. Elle l’ajusta donc à sa ceinture bien qu’elle espérait ne jamais devoir s’en servir. Sur le point de quitter la chambre, Alnora s’aperçut qu’elle allait oublier le plus important. La bague. Fouillant ses anciens haillons, elle retrouva cette dernière comme elle l’avait laissée. Et pour la première fois, elle la détailla. L’anneau en lui-même était fait d’argent semblait-il, joli mais sans fioriture. La partie supérieure en revanche était travaillée. Le magnifique rubis incrusté surplombait l’ensemble. Une gueule de dragon ouverte maintenait la pierre précieuse de ses crocs. Les yeux de l’animal semblaient suivre ceux de son porteur. Intimidée, elle la fourra dans son sac. Elle quitta le dortoir pour se diriger vers les cuisines.
Celles-ci étaient désertes aussi. Alnora aurait bien voulu dire au revoir à Standine qui l’avait accueillie il y a plus de neuf ans. Elle chercha le deuxième four et ouvrit la porte. Il avait dû être condamné mais on voyait très clairement des traces de sabotage. La hauteur ne devait pas dépasser les cinquante centimètres. Alnora s’enfonça à l’intérieur, son sac devant. Il faisait noir, mais le tunnel était sec et ne se constituait que d’un couloir. « Au moins je risque pas de me tromper de direction. » pensa à raison la jeune femme.

***

Le soleil se couchait encore tôt en ces débuts de printemps. Un homme encapuchonné marchait à pas de loup. Ses plans avaient dû être modifiés en dernière minute, complexifiant le tout. Montant des escaliers, il sortit une fine tige de métal de sa soutane. Son objectif était là derrière cette porte. Il inséra la tige dans la serrure et commença à la forcer. Ce n’était pas la première fois qu’il faisait cela, l’homme réussit à ouvrir rapidement la porte qu’il poussa tout en douceur. Connaissant les lieux des dires de son informateur, il s’avança d’un pas sûr vers des clefs posées sur un secrétaire. Un sourire carnassier aux lèvres, il les saisit comme si on prenait un nouveau-né et fit demi-tour.
Malheureusement pour lui, à la dernière marche, elles s’entrechoquèrent, une fois pas plus. L’homme les bloqua incontinent et jura entre ses dents. Le temps parut se figer alors qu’il jetait son regard de ci de là.
Passant la tête dehors pour vérifier que la voie était libre, il nota quelques gardes à la grande porte et deux vers les prisons. Il longea les murs, et rejoignit bientôt son prochain but, les prisons et leurs prisonniers. Les gardes faisaient des va-et-vient. Le mystérieux voleur s’adossa à un mur de l’appentis et jeta une pièce de manière à attirer l’attention d’un unique garde. Ce dernier avança perplexe, se demandant s’il avait bien entendu. Dans la faible lueur de la lune, il trouva, tout sourire, un or. Mais les plaisirs de courte durée sont les meilleurs. Une lame traversa son cou et le soldat s’affala, retenu par les mains de l’assassin-voleur. Le cadavre caché cahin-caha, il poursuivit sa route. Dos courbé, il passa devant les prisonniers, rattrapa le second surveillant. La gorge béante, ce dernier tomba dans les bras de son meurtrier, muet à vie. Les détenus, éveillés, s’étaient mis debout. L’inconnu glissa sa lame dans un repli de sa cucule et de sa main gauche ouvrit une-à-une les portes des cellules. Un prisonnier et l’assassin s’échangèrent une forte poignée de main puis s’embrassèrent. L’inconnu chuchota :
- Il y a trois gardes aux grandes portes et un devant les logements des employés.
- C’est tout ?, s’étonna l’autre.
- Le reste de la garnison est occupée en ville avec les casseurs. Y a aussi une turme en moins. Et puis, tu ne voulais quand-même pas qu’on vous exécute demain !
- Oh je ne me plains pas mon père, le Créateur veille sur nous cette nuit. Où ?
- Premier étage, à gauche de la pièce en face les escaliers. Tiens prends cette épée que j’ai prise à un garde. Emmène aussi un camarade, le vieux est robuste.
- Tu m’avais dit que je n’aurai qu’à « la cueillir » et à « le soulager », s’énerva quelque peu le prisonnier.
- Il y a eu des complications, vas-y maintenant avant qu’on s’aperçoive de leurs disparitions (montrant de la tête un garde).
- Saliv, viens avec moi. Vous autres, restez là, vous foutrez le bordel si la situation dégénère.

Urizen était pourtant sûr d’avoir entendu un cliquetis. Allongé sur son lit, il dégagea ses jambes pour se lever. A peine sur pied, il fut pris de violents vertiges et retomba sur sa couche. Sa vue instable lui donnait la nausée. De la sueur perlait sur ses tempes et ses forces semblaient l’avoir abandonné.
- Drogué, je suis drogué, dit-il tout haut.
Les yeux fermés, il se laissa tomber de son lit et rampa tant bien que mal jusqu’à la fenêtre. S’agrippant au rebord, il se hissa pour voir dans la cour. Malgré sa vue brouillée, il ne discerna pas les gardes qu’il avait placés en faction aux prisons. Tâtant son épée dans le noir, il la prit avec lui et reprit son rampement.
- La cloche des serviteurs vite.
Pour lui, il n’avait qu’à tendre le bras.
Mais ses jambes, telles des boulets, lui pesaient. Et aujourd’hui, il sentait le poids de son âge. Enfin arrivé jusqu’à la cloche, il l’agita. Ce fut alors que la poignée de porte commença à se baisser. Urizen espéra voir un de ses gens. A la place un jeune homme était entré, épée au poing. Il aurait été beau si sa bouche n’avait pas adopté un sourire méchant. Non mauvais. Il claqua sa botte droite contre le plancher se moquant du bruit.
- Alors, Grand, on est plus aussi si fin stratège.
Ses dents ressortaient, montrant clairement ses intentions. Il regardait d’un air hautain l’homme étalé de son long, à ses pieds. Puis il s’accroupit et lui retira la clochette des doigts.
- Tu n’as jamais été bon pour la musique barbon.
Urizen attendait ce moment et abattit son alfange sur son visiteur. Il entendit ce dernier gémir mais bien vite son arme s’échappa de ses mains et une douleur aiguë lui transperça le dos.
- Où est-elle, où est la bague ? cracha son agresseur qui retournait Urizen, le mettant dos au sol.
- Détruite… geignit-il faiblement.
- Tu me prends pour un âne, persifla-t-il. Pour la dernière fois, où ! (Il empoigna sa victime par le col près à la dévorer. Mais Urizen ne répondait plus, les yeux vides levés vers le ciel.)
- Malédiction !
- Que fait-on ?, demanda Saliv, son ami qui l’avait rejoint.
- On se grouille de tout fouiller !

***
Alnora rampait. Lasse de ne toujours rien voir devant, la fatigue la prenait, quand soudain une frêle lueur orangée apparut…

***
Deux formes humaines émergèrent de l’obscurité et se matérialisèrent dans la cour.
- Mais que ce passe-t-il donc, grogna Ehmys, voyant tout un groupe d’hommes en dehors des cellules. Sejil, cours trouver Urizen !
Sejil ne fit ni une ni deux, il se dépêcha vers la demeure du Grand.

- Falouk ! quelqu’un monte, il va trouver Aro et Saliv, prévint un des échappés, désignant les nouveaux arrivés du doigt.
Falouk, l’homme en soutane, frappa de ses mains d’un son bref et sec.

Sejil percuta un mur, alors qu’il n’y avait rien devant lui. Désemparé, il tata la paroi qui l’empêchait de continuer. Heureusement, le mur cessa vite d’être. « Mais que fabrique Ehmys ! maugréa-t-il. »

- Falouk ! Il passe !
- Je…sais.( Falouk avait serré la mâchoire.) Je…je n’arrive plus à le bloquer. C’est lui, lui qui me gêne ! cria-t-il un doigt assassin pointé vers Ehmys. Tuer le vite !
Cinq prisonniers coururent en direction de l’homme. Ce dernier leva son index vers eux. Cinq corps tombèrent, les jambes brisées. Ehmys ressentit un inconnu s’introduire dans ses sorts. Un petit homme en robe de moine le fixait des yeux de l’autre côté de la cour. « Oh l’aspirant, bien. » Il abaissa volontairement ses protections magiques. « Il s’y engouffre, très bien. Ce tas de bois fera l’affaire ». Un feu jaillit, chassant l’ombre. Falouk pensa à une attaque de son adversaire, et attaqua l’esprit de ce dernier. L’impulsion de son offensive se retrouva absorbée dans les barrières mentales de l’homme. Impossible de reprendre la main, l’homme attirait à lui toute son énergie ! Après quelques secondes de lutte, Falouk mourut d’une crise cardiaque devant ses hommes. « Voici qui calmera notre envahisseur ». Le feu, ayant gagné un appentis, fut remarqué des gardes des portes qui sonnèrent l’alerte. Le lieutenant Epicaure, suivi de quelques hommes, déboucha dans la cour, arme à la main. D’autres soldats arrivèrent et sous ordre de leur commandant, allèrent réveiller toute la demeure. D’autres encore durent s’activer à éteindre l’incendie. Ouvriers, cuisiniers, soldats, tous étaient levés.
Les évadés, mains nues, attaquèrent les soldats avec une rage et une force insoupçonnées. Les militaires hésitèrent d’abord à les combattre alors qu’ils étaient désarmés, puis après la première victime des leurs, ils n’eurent aucune pitié. Tout comme les évadés. Un homme de haute stature arracha alors l’épée d’un garde et lui enfonça dans la gorge. Un rire de damné s’échappa de sa bouche. Pendant que les assaillis, ralentis par les prisonniers, tentaient d’arrêter la brute, cette dernière saisit une petite pierre de son veston qu’il écrasa dans sa main. Un brouillard carminé envahit la cour, puis disparut promptement. Les bouffées de gaz s’étaient infiltrées par les narines et yeux de l’homme. Les combats s’étaient arrêtés, tous les regards dirigés sur la mystérieuse chose qui se déroulait là. Gardes et évadés attendaient.

***
Sejil avalait les marches, le cœur battant, l’inquiétude était visible sur son visage. Puis il stoppa net sa course. Un homme, de dos, se tenait debout sur le seuil de la chambre du Grand. Ce n’était pas un soldat. « C’est un rebelle, admit Sejil ». Un autre homme devait être dans la pièce puisque Sejil assista à une fin de conversation. L’estafette sortit sa dague et sans plus attendre, poignarda l’inconnu entre les omoplates. Dans un long râle, il tomba face contre le plancher. Son compagnon leva la tête d’un coffre qu’il fouillait.
- Saliv ?!
- Vous n’étiez pas les bienvenus ici, toi et tes salopards. Vous allez… Sejil vacilla, Urizen était allongé sur le sol, inerte. Vous allez crever, sales chiens, tous, je le jure ! (Sejil partagé entre colère et tristesse se rua sur Aro, la dague près transpercer la peau d’un assassin.)
Aro effectua une roulade, frôlant la mort. Lame au poing, il se leva et fit face à Sejil.
- T’aurais pas dû m’interrompre petit, cracha-t-il.
- Et toi, t’aurais pas dû le tuer, c’était comme un père.
- Justement, ne laissons pas les orphelins seuls.
Aro visa l’épaule droite, la plus proche de lui. Sejil se pencha en arrière, et para de sa dague, repoussant son assaillant et se glissa sur sa gauche. Mais un genou percuta sa mâchoire et, sous l’impact, Sejil perdit son arme.
- Ton père t’a mal éduqué. A l’Ouest, les bretteurs ne sont plus ce qu’ils étaient. (Aro regardait sa future victime, vautrée contre le lit.) D’ailleurs tu vas payer pour avoir tué mon ami. Un enfant.
- C’est pas mon père qui m’a éduqué. (Sejil, la lèvre saignante, fixait des yeux Aro. Il se leva, les mains vides, et fit un pas vers son adversaire.)
- Tu as raison, faisons vite. (Maniant l’épée à deux mains, il s’apprêta à l’abattre sur Sejil. Alors que la lame allait pourfendre son crâne, elle rencontra un vide total.)
Aro piégé dans son élan et dans la force manifestée, se retrouva déstabilisé. Sejil se tenait maintenant dans son dos. D’un coup de pied, il précipita la chute d’Aro, qui se cogna violemment à la tête au bois de lit. Le jeune messager attrapa sa dague et la plongea dans la nuque du borgne.
- Pour Urizen, saloperie.
La pièce fut remplie d’échos de rires diaboliques. Devant lui, Aro se relevait. L’espace d’un instant, Sejil se demandait s’il cauchemardait, mais la scène était bien réelle.
- Mon Maître est avec moi, qu’importe où je suis, le tien t’a abandonné. (Aro retira le couteau ruisselant de sang.) Il me protège mais toi, non. Tu es seul, là et dans la mort.
« Sejil ! » une voix l’appelait dans sa tête, la voix d’Ehmys. « Je vais tenter de le paralyser, un moment seulement. Fracasse-lui le crâne, il doit au minimum perdre conscience, avec n’importe quoi ».
Au milieu de la salle, un homme borgne grognait, quasi immobile, un rictus aux lèvres. « Vite Sejil ! » Il parcourut rapidement la chambre des yeux. « Cette cruche fera l’affaire. » Sejil ne savait s’il s’agissait de ses pensées ou celles d’Ehmys. L’empoignant, il la brisa sur le crâne du borgne. Ce dernier resta un moment sans broncher. « Encore ! » Sejil entendit la boîte crânienne rendre l’âme. Des tessons vinrent se ficher dans le crâne défoncé. Aro sortit de sa léthargie. Écarquilla les yeux l’air interrogatif et sombra.

***

Alnora arrivait aux derniers mètres à parcourir. Ses vêtements, bien que sales, ne présentaient aucune usure malgré la longue traversée à ramper dans le noir. Toutefois, elle empestait le renfermé. La vue dehors donnait sur un petit coin boisé. Elle poussa son sac devant. Impossible de se retourner ou de faire passer les jambes les premières. La jeune femme passa la tête et vit une ombre se rapprocher d’elle. Instinctivement, Alnora rentra espérant que l’inconnu continue sans la voir.
- N’aie crainte Alnora, c’est Harnold.
Elle reconnut la voix, vieillie mais non-chevrotante du Chevalier.
- Donne-moi tes mains, je vais t’aider à sortir sans dégât.
Alnora les lui tendit. La peau du militaire, pourtant passée, restait douce. Puis il la tira à lui. D’un côté, Alnora semblait aspirée par le tunnel, d’un autre, Harnold la ramenait à ses obligations. La jeune femme laissa choir ses pieds le long de la paroi rocheuse.
- Tout s’est bien passé ? demanda Harnold, d’un ton accueillant. Il avait abandonné son uniforme pour une tenue de quelconque citoyen.
- Bien, j’ai trouvé la tenue et l’épée. Merci beaucoup.
- Et la bague ?
Alnora montra son sac. Harnold hocha la tête puis lui fit signe de venir. Le terrain était boisé et ombragé. Un petit sentier permettait l’accès à une maison campagnarde. A première vue, la jeune femme crut revenir chez elle. Du lierre montait à la demeure. De part et d’autre, des pommiers, figuiers et pieds de vigne. Des petites lanternes avaient été allumées le soir tombant. Le Chevalier poussa une porte à carreaux de verre. Cela donnait sur la cuisine. Des cuivres étaient fixés à des crochets.
- Je t’en prie, assieds-toi, proposa Harnold montrant des chaises de bois.
Le vieux Chevalier se posa en face d’Alnora. La jeune femme regardait un dessin encadré sur un chevalet.
- Là, à gauche, c’est moi et à ma droite c’est Urizen. Je devais avoir vingt ans, et lui quinze. (Alnora ressentit une once de nostalgie dans sa voix). Comme tu peux le voir nous sommes très proches, lui et moi. (Elle remarqua les deux jeunes hommes qui se tenaient la main). Nous nous sommes mêmes unis, poursuivit-il. Vois-tu Alnora, tu es la deuxième personne au courant, après nous bien sûr. Oh je fais bien plus vieux que mon compagnon ! Pourtant nous n’avons pas plus de sept hivers d’écart. C’est Ehmys qui nous a mariés. (Notant le regard interrogatif d’Alnora). Le Régisseur d’Unleb si tu préfères. C’est, ce sont des amis fidèles, sur qui tu pourras toujours compter. Toujours. (Rien ne sortait de la bouche d’Alnora, dont les yeux étaient toujours rivés sur le dessin pour ne laisser rien paraître de son malaise à écouter ses amours). Le passage que tu as emprunté pour venir, c’était celui par lequel je passais pour voir Urizen en catimini. Mais ne parlons plus du passé quand le futur nous tend les bras. (Harnold se redressa sur son siège). Ça doit te faire tout drôle non ? garder des secrets, s’enfuir, porter une épée. (Avant que la jeune femme ne réponde, Harnold continua). C’est tout à fait normal. Et tu as bien mérité des réponses. Raconter ta petite jeunesse consistait à apporter une sécurité à la bague et à sa porteuse. Urizen et moi avons prévu d’utiliser une jeune fille et…par des moyens qui t’échappent nous devions modifier cette dite fille pour qu’elle te ressemble en tout point. Même physique et même histoire. Je te l’accorde, c’est égoïste, mal peut-être. En fait il n’y avait qu’Ehmys qui…

On frappa à la porte. Harnold se leva d’un bond et intima :
- Pas un mot.
L’atmosphère était devenue étrangement oppressante. En dépit de la chaleur que dégageait la maison, Alnora ne se sentait pas à sa place.
- Qui est là ? cria Harnold, une épée à la main.
- Le caporal Nevis, Chevalier. (Alnora l’entendit pousser un soupir de soulagement). C’est au sujet du sieur Urizen, vous devez venir de toute urgence.
- Je suis à vous dans une minute soldat. (A Alnora.) Reste là s’il te plaît. J’espère ne pas être long. Tu trouveras de quoi te restaurer là.
Et Alnora se retrouva de nouveau seule.

- Caporal, salua le Chevalier. Quelle est la raison de mon dépêchement ?
Il lui rendit son salut avec grand respect.
- C’est un grand malheur qui s’abat sur Victus, Monsieur ; Her Urizen est mort, assassiné.
Micum

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Re: L'Aube du Crépuscule - Fantasy

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Chapitre cinq : Un temps de discussion


- Connais-tu Victus ma chérie ? demanda Tarhik à la petite Lulia.
- Pas du tout Tarhik. Papa dit que le Grand donnerait père et mère pour sauver le Roi. Mais j’y suis jamais allée.
- Et toi, donnerais-tu père et mère pour moi ?
- Mais avec lui (Lulia montrait Dûgol), on ne risque rien ! répondit la fillette, tout sourire.
- Il faudrait être en effet très téméraire. (Tarhik prit Lulia dans ses bras puis la monta sur ses épaules.)
- Mais toi aussi, t’es fort Tarhik.
- Ça t’étonne ? Vieillesse et faiblesse ne sont pas sœurs. Vois-tu ces lumières au loin ?
- Oui, c’est beau, mais c’est loin encore. Qu’est-ce ?
- Victus. Allez accroche toi on accélère. Dûgol par devant.

Tarhik marchait depuis plusieurs heures sans faire montre de fatigue. Le temps était clair et les nuages épars, annonces de jours ensoleillés. D’une main il maintenait une jambe de Lulia qui s’était endormie et de l’autre son bâton. Cette journée en sa compagnie l’avait incroyablement rapproché d’elle. Pendant les courtes pauses, Dûgol et elle jouaient avec des bouts de bois. Le colosse se prêtait facilement au jeu, maîtrisant sa force. Au bord d’un ruisseau, Tarhik lui avait appris le nom de poissons, en prairie, certaines plantes toxiques et médicinales. Ou encore, les baies à éviter, celles qui atténuent la douleur ou au contraire l’accentuent. Ainsi la fillette apprit que consommer de la fumeterre lui octroierait une vue telle que le faucon bénéficie. Tarhik avait été flatté lorsque Lulia fut époustouflée de ses connaissances éclectiques. Et Tarhik fut submergé de questions. Mais les secrets n’existent que si un nombre restreint de personnes les sait.

- Dûgol ! appela Tarhik.
Le géant accourut de sa grâce habituelle.
- Nous approchons de Victus. Dans une demi-cloche nous serons fouillés par les gardes. Tu nous attendras ici. Nous te retrouverons demain matin.
- Bien maître. Dûgol obéit immédiatement et s’assit contre une énorme pierre.
- Tu es dur avec lui Tarhik.
- La vie est dure, à nous de la rendre la plus douce possible. Et Dûgol a l’habitude. (Marquant une pause.) Pour Victus je serai ton grand-père.

La nouvelle de la mort inopinée du Grand s’était répandue dans toute la ville, des oreilles les mieux placées au plus éloignées. La surveillance des portes avait été décuplée. Les patrouilles abondaient, imposant le calme sans retenue. Tarhik et Lulia eurent grand-peine à entrer. Dorénavant, des affiches de recrutement étaient placardées çà et là sur les murs.
- Plus tard, je serai soldat, comme Maurge, affirma Lulia. Enfin, après mon éducation.
- Soldat… Obéir à des ordres que l’on ne veut peut-être pas. Ça n’a d’intérêt que si l’on est chef, la rabroua Tarhik.
- Eh bien je serai chef ! C’est vrai quoi, pourquoi des gens s’embêtent à rester soldat.
- Avec moi, tu sauras et seras plus que la majorité des hommes ont toujours rêvé de connaître et d’être. Maintenant nous allons savoir pourquoi tant de militaires sont sur le pied de grue. Lulia, veux-tu bien demander à un soldat la raison de ce remue-ménage.
- Pourquoi moi, tu es timide ?
- Et toi ? demanda-t-il sur un ton de défi.
La fillette courut vers un groupe de militaires, les cheveux ondulant.
- Monsieur le militaire, pourquoi vous êtes tous dehors ?
La question étira un sourire à l’homme.
- Oh ce n’est plus un mystère maintenant. Pas vrai sergent ?
Le sergent, témoin, acquiesça.
- En effet, notre commandant en chef est mort, petite.
Lulia remercia et partit de suite. Derrière elle, les soldats s’échangèrent un regard de connivence mais retinrent leurs rires.

- Urizen ? Mort ? s’étonna Tarhik. C’est intriguant ma chérie. Je… (Il s’arrêta, leva la tête.) Mais qui l’a maintenant, pensa-t-il tout haut.
- Quoi ? demanda Lulia.
Pour toute réponse le Profanateur plaça son index sur sa bouche.
- Viens !

***
Harnold descendit de cheval, le laissant dans la cour du château. Une vague fumée s’élevait toujours. Des corps sans vie jonchaient le sol. Soldats et inconnus mélangés. Beaucoup de soldats pour si peu d’adversaires. Les survivants aidaient les blessés, tandis que d’autres séparaient amis et ennemis. Le lieutenant Epicaure se tenait là et se dirigea vers le Chevalier.
- Je suis heureux de vous voir !
- Que s’est-il passé Epicaure ? (Seul un imbécile n’aurait pas remarqué la tension et la colère qui se dégageaient de lui).
- Les prisonniers que nous avions enfermés, hé bien ils se sont évadés.
- Et ?
- Et ils ont tué Urizen. Et bien d’autres. Puis Ehmys et le messager du Grand sont arrivés. Un monstre nous a causé beaucoup de fils à retordre aussi.
- Où sont-ils, soldat ? interrogea Harnold, accentuant bien le dernier mot.
Epicaure le foudroya des yeux, dégradé au rang de soldat.
- Dans la chambre d’Urizen… Pourquoi ?
- Parce que je suis en colère contre vous et vos hommes. Comment ? Comment avec la garde doublée, ont-ils pu sortir de leurs prisons ? (Hargneux, Harnold bafouillait presque). Comment un monstre comme vous dites participait des prisonniers ? Comment notre Maître a-t-il pu être tué ? (Epicaure se faisait petit, presque sur ses gardes, tandis que le Chevalier remuait des bras). Si vous savez encore obéir, allez trouver une gamine des bas quartiers, orpheline, ramenez-la et fermez les portes de l’enceinte. Et mettez-vous sous les ordres du caporal qui m’a fait appeler. Exécution !
L’ancien lieutenant claqua des talons et fila.

Harnold trouva le Régisseur et Sejil aux côtés du corps d’Urizen. Tous trois se saluèrent.
- Harnold, je n’ai pas trouvé la bague, chevrota Ehmys.
Le Chevalier ferma la porte avant de répondre.
- Ne t’inquiète pas mon ami, elle est en sécurité pour l’instant.
- Et où est-elle ? s’enquit le Régisseur.
- Chez moi, chuchota-t-il à son oreille. Un soldat m’a parlé d’un monstre…
- Oh cette brute ! s’exclama Sejil.
- Qu’est-ce ?
- L’œuvre d’un profanateur. Un profanateur puissant, Harnold. Car je doute, que sans mon aide, la demeure tienne encore debout. Je ne suis pas sûr de savoir ce que c’était, il faudra que je vérifie. Mais il n’y a pas que ça. Le prêtre…
- Falouk ? l’interrompit le Chevalier.
- Oui sûrement. Ce prêtre était aussi un profanateur.
- Ce serait donc lui, l’instigateur du monstre, supputa Harnold.
- Non, impossible, il était débutant, c’est certain. Non l’esprit qui commandait le monstre devait être bigrement développé pour le commander à distance. Je ne pourrai pas user de ma magie ces jours prochains, désolé Harnold.
Qu’Ehmys soit à ce point éreinté était rare. En fait, jamais Harnold ne l’avait vu dans cet état. Le régisseur se laissa aller dans le lit du Grand. Pour Harnold, le Régisseur était un magicien aux ressources illimitées, jamais fatigué et qui sait toujours quoi faire.
- Et Urizen ? demanda Harnold à Sejil.
- Quand je suis arrivé, il était déjà mort, assura Sejil comme pour se défendre. Il y avait ces deux-là. Agissant pas instinct, j’ai poignardé le plus jeune. Mais l’autre, l’autre m’a causé quelques ennuis (Montrant le vide où se tenaient deux molaires.) Toujours grâce à Ehmys, je lui mis en miettes le crâne, mon couteau ne faisait pas d’effet. Si je ne suis pas mort, c’est grâce à votre tour que la Ghilde m’avait appris.
- Je vois…, dit Harnold titillant sa maigre barbichette. A-t-il dit quelque chose pendant votre combat ?
- Eh bien, il a vomi sur les bretteurs de l’Ouest. Et dit que ses employeurs l’accompagnaient qu’importe où il était.
- Harnold, cet homme était déjà mort. Un mort réveillé, poursuivit Ehmys.
- Que dis-tu ? s’exclama le Chevalier.
- L’assassin d’Urizen était déjà mort avant que Sejil ne le « re-tue ». Quand j’ai pénétré son esprit pour le paralyser, j’ai senti tout d’abord une autre présence, luttant pour libérer son pantin. Puis il s’est retiré, et là, le vide. Pas de conscience, on avait déserté le corps de cet homme. Ayant accompli son but, son maître n’a pas dû juger bon de le maintenir « en vie ».
- Cela fait donc un monstre, un prêtre qui s’essaye à la profanation, un ami disparu, et un assassin profané. Ça fait beaucoup. Il cherchait donc la bague ça ne fait aucun doute, et pour cela ils ont tué Urizen, soupira la Chevalier, dont les yeux s’étaient embrumés.
- Et maintenant qu’Urizen est mort, qui va commander ? s’inquiéta Sejil.
- Selon la loi, j’assurerai l’intérim le temps qu’un nouveau Grand soit nommé par le Roi. Ehmys, on ne peut pas compter sur ta magie ce soir ? força Harnold.
Le Régisseur secoua la tête.
- Nous avons perdu notre avance. Nous ne pouvons rien faire qu’attendre ton rétablissement !, pesta le Chevalier. Urizen saurait quoi faire.
- Peut-être que des réponses serraient les bienvenues. Allons voir cette enfant Harnold, proposa Ehmys.
- Quelle enfant ?, s’étonna Sejil.
- Alnora.
- Alnora ? oh non pas la gargotière au giron bien fait.

On dégagea le corps du Grand. Harnold l’embrassa des yeux. Bientôt, il sera enterré avec le rang des braves. Une cérémonie sera faite en son hommage. Un messager partira prévenir le Roi de l’évènement. Si le temps était aux paroles, il ne le serait bientôt plus.

***

- Tarhik ! J’ai faim, se plaignit Lulia. Je veux des pommes !
- D’accord, d’accord ! Je t’en achèterai, mais demain. Il faut trouver une auberge pour la nuit avant toute chose. Mon dos commence à se plaindre.
- Tu as de l’argent ?
Tarhik ouvrit sa main gauche. Plusieurs pièces d’or y scintillaient. Lorsque Lulia les découvrit, sa bouche dessina un large O.
- Mais tu es riche comme un Roi ! s’exclama-t-elle.
- Lulia, mon enfant, n’oublie pas ma première leçon.
Sa main était maintenant vide.

***

- Comment s’appelle-t-elle déjà ? demanda Ehmys.
- Alnora, répondit Harnold, chevauchant aux côtés du Régisseur qui peinait à rester sur sa selle.
- Sais-tu qu’en langue de l’Est, cela signifie « non-voulue » ?
- Je l’ignorais, mais je ne suis pas de ceux qui tiennent pour fondées les prédispositions que les prénoms nous octroieraient. Pour moi, rien n’est écrit à l’avance.
- Comme moi, affirma Sejil, à cheval derrière, membre de la discussion. Mon père me l’a donné pour que je sois fidèle aux mouvements de mon cœur, il veut dire « probité ». (Sejil ricana). Eh bien, j’ai des doutes.
- Sejil, quand nous serons chez Harnold, n’intervient pas, veux-tu, prévint Ehmys. Cette enfant doit être assez perturbée comma ça.
Le court voyage fut calme, Sejil boudait, étirant un maigre sourire au Chevalier. Ce dernier se reprochait d’avoir abandonné son ami aux soins des médecins et des préparatrices de l’embaumement. Aujourd’hui, il avait perdu un amant et gagné des devoirs. Il retenait avec difficulté ses larmes. A chaque fois qu’ils passaient à côté de soldats, le Chevalier adoptait un air sévère et remontait ses épaules. Toutefois, il sentait venir l’aventure, et espérait même qu’elle arrivât bientôt, ce serait un moyen d’assécher ses larmes contenues.
Les rues étaient désertes, de temps en temps, un chien aboyait ou un rat se faufilait dans la nuit. Le temps restait doux en dépit de la bise. Si le printemps s’était depuis longtemps installé, les cheminées marchaient toujours. Les journées de braise donnaient naissance à des nuits de glace.

Cela faisait deux cloches qu’Alnora était seule chez Harnold. Elle n’avait pas osé sortir dans le jardin. La jeune femme s’était donc contentée d’explorer la maison du Chevalier. Le sous-sol accueillait la cave meublée de dizaines de dizaines de bouteilles de vins, de bières, de la meilleure qualité à la plus médiocre. Le rez-de-chaussée se constituait de la cuisine, d’une salle de vie ornée d’une vaste bibliothèque dont les livres étaient soigneusement rangés et ordonnés. Alnora fut surprise de découvrir un bassin au cœur de la demeure. Dans l’eau, nageaient des petits poissons multicolores. La jeune femme leur jeta des petits morceaux de pain, qu’ils gobèrent avec empressement. La chambre du Chevalier jouxtait la bibliothèque. Des draps de soie carmin recouvraient un lit double. A l’instar de la cuisine, la chambre regorgeait d’ustensiles de cuivre. Alnora s’interrogeait quant à leur utilité ici. La fenêtre donnait sur le jardin par lequel ils étaient entrés quelques temps auparavant. Enfin, à l’étage la salle de bain avec baignoire à pieds de lion. Ne sachant que faire, elle s’installa dans la bibliothèque. Parcourant les rayons, elle dénicha un bibelot intitulé « L’Homme et l’Inconnue ». Le livre, comme tous les autres, était en très bon état. Par sa reliure soignée, Alnora se demandait s’il n’avait jamais été ouvert. La jeune fille s’assit sur un fauteuil confortable à accoudoirs et entama la lecture.

***
- La dernière fois que je suis venu chez toi Harnold, ça devait être quand la Ghilde m’a rejeté.
- Oh je m’en souviens, assura le Chevalier. Tu devais avoir dix-sept ans.
- Seize, le contredit Sejil.
- Quoi qu’il en soit, tu nous as causé bon nombre de tourments mon gaillard.
- Je ne te savais pas tant attaché au passé, plaisanta le jeune homme.
- Hé bien, le présent est triste et l’avenir flou. Au moins, le passé est bien…passé et c’est certain.
- Harnold, il faudra en parler sérieusement de ces événements, avertit Ehmys. Ils ne sont pas à prendre à la légère. Tout s’est passé si rapidement et à notre insu. Tu as vu avec quelle facilité ils ont semé la discorde et la mort !
- Oui Ehmys et j’en suis le premier touché.
- De plus, les opposants au pouvoir vont se manifester, et tu auras à subir les remarques déplacées, Harnold.
- Dis-moi, es-tu là pour nous aider ou nous emmerder ?
- Disons que je vous emmerde pour vous aider.
- T’as toujours Deb, Harnold ? Ce salopard qui me réveillait trop tôt le matin pour piailler à becter.
- Non il est mort il y a deux ans, Sejil.
- Et tu n’as pas pris d’autres animaux depuis ?
- Non, Deb est irremplaçable. Tout comme Urizen.
- Harnold ça ne sert à rien de s’apitoyer et de regretter le passé. Si la magie permet de changer le présent et le futur, le passé est inaccessible pour tous.
- Ehmys, tu crois que les peintres ont peur de regretter le passé, et que c’est pour ça qu’ils peignent. Ou les poètes écrivent des poèmes pour qu’on se souvienne d’eux. Tout comme les Rois qui construisent des édifices pour marquer le monde de leur passage sur terre.
- Ah, mon père traitait les artistes de « vermine ».
- Je ne vois pas le rapport avec ma question.
- Moi non plus mais je n’ai pas de réponse, plaisanta Ehmys. Et je suis trop fatigué pour réfléchir plus que le strict minimum. Alors heureusement que c’est Harnlod qui va parler en sa demeure. Lui, il a des réponses à apporter à…
- La fille au giron bien fait oui !

***
- C’est moi, Alnora, avec Maître Ehmys et …un imbécile, annonça le Chevalier Harnold.
- N’l’écoute pas, il parle de lui à la troisième personne ! , cria Sejil.

***
La nuit était tombée. Les maisons avaient fermé leurs volets et la rue était maintenant le terrain de jeu des rats et voleurs. Quelques ivrognes erraient aussi et hurlaient comme en plein jour. Parfois on entendait les bottes des soldats patrouillant Victus ou des chats feuler. Tous feux éteints la rue semblait sinistre à l’exception de l’habitation du Chevalier Hanorld. Car ce soir il avait des invités.
Alnora, Ehymys, Harnold, et Sejil étaient attablés, dans la cuisine.
En face de la jeune femme se tenait le Chevalier, à sa gauche un homme plus jeune dans une tenue extravagante. Ses bras et jambes étaient recouverts de dessins, de glyphes et autres motifs étranges. Parmi ces derniers, Alnora nota les traits d’un donjon ou d’un château. Harnold avait posé son épée devant lui, et ressemblait à une statue. Sejil, les pieds sur la table, paraissait totalement décontracté.
- Jeune fille, je me nomme Ehmys Aïlahya, Régisseur d’Unleb et Maître d’école. (En se présentant ainsi, il s’était levé de son siège adoptant une voix extrêmement posée. Se voulant rassurante pensa Alnora.) Et voici Sejil et Harnold que tu connais déjà. Je te promets que tu auras toutes les réponses à tes questions. A qui de commencer ? demanda Ehmys.
- D’abord, je veux savoir pourquoi c’est à moi de transporter la bague ? informa Alnora qui sentait l’impatience grandir.
- Comme tu as dû t’en rendre-compte, la sécurité de la bague est notre priorité, se lança le Chevalier.
- La vôtre peut-être, pas la mienne, contredit Sejil.
- …Est notre priorité, poursuivit-il ignorant le drôle. Et maintenant, à toi aussi Alnora. Depuis vingt-trois ans, Urizen la gardait cachée, mais ceux qui voudraient du mal à notre Roi ont dû apprendre où elle était. Il fallait donc trouver une autre personne, un hôte. Un être de nature simple, insignifiant. Quelqu’un qu’on ne soupçonnerait pas.
- Mais il y a bien d’autres gens comme moi.
- Pas tout à fait. Avant toi, Urizen et moi avons pensé à ta camarade de chambrée Dienne mais on l’avait déjà surprise en train de…vendre ses charmes.
- Dienne ça ressemble à chienne en plus, non ?, rigola Sejil.
- Bref tout ça pour dire qu’il nous fallait quelqu’un d’honnête et qui ne versait pas dans le vice. Quelqu’un qui respectait sa parole aussi.
- D’accord… et sinon détaillez-moi l’utilité à ce que j’étale ma vie au Grand.
- Le principe de surprotection Alnora, comme aux échecs. Utilisant une innocente, Ehmys y aurait collé ton passé, tes goûts, ton mental, ton physique. Ainsi personne ne se douterait que tu ne travaillais plus aux cuisines. Elle t’aurait remplacée tout simplement pendant que toi tu serais en sécurité.
- Pourquoi parlez-vous au conditionnel ?
- Disons que nos plans ont été perturbés.
Alnora remarqua le regard de connivence échangé entre le Chevalier et le Régisseur.
- Et vous auriez fait ça sans mon accord ?
- Oui, chacun de nos gestes est mû pour la sauvegarde de l’Ouest, affirma Ehmys.
- C’est de la magie, transvaser ma vie sur un tiers ?
- Oui Alnora, répondit Ehmys. Il s’agit d’une branche de la Profanation.
- Mais vous êtes magicien pas profanateur ? Et ces pratiques ne sont pas interdites ?
- Je réponds oui aux deux requêtes. Pour ta gouverne, savoir fermer les yeux est parfois tout aussi important que grand les ouvrir.
- Et ensuite, que serait-il advenu de moi ? s’enquit la jeune fille.
- Tu aurais soit rejoint ta famille soit Elvire par exemple, mais qu’importe où tu irais, Sejil t’accompagnerait en tant que grand frère.
Si tout le monde s’attendait à une réaction de la part de Sejil, il n’en fut rien, ce dernier était tombé dans les bras de Morphée.
- Et une bonne fois pour toutes, qui souhaite malheur au Roi ?
- Ha ça, c’est compliqué. Hé bien, au premier plan, il y a les brigands, les Pirates aussi. Également tous ceux opposés politiquement à Oriat.
- Et puis, il y a tous ceux à l’Est que nous ignorons.
- Pensez-vous que les perturbateurs en ville s’en prendraient au Roi ? s’intéressa Alnora.
- Bonne question, ils disent vouloir plus de droits, de liberté, et la baisse des taxes. Ils s’en foutent de leur roi. Mais heureusement force reste à la loi.
- Dernière question pour l’instant. Comment être sûr que ceux qui veulent la bague visent aussi le Roi ?
Micum

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Re: L'Aube du Crépuscule - Fantasy

Message par Micum »

Chapitre sixième : avant, maintenant et après ?


- Tu as froid Lulia ? s’inquiéta Tarhik qui avait remarqué les frissons parcourant le frêle corps de la fillette.
- O-Oui un peu, admit-elle.
Le profanateur resserra sa main sur celle de Lulia.
- Mais pourquoi t’obstines-tu à vouloir coucher dans une auberge des bas quartiers, bon-papa ?
- Parce qu’on est sûrs d’y trouver une chambre disponible.
- Une seule ? Papi est trop vieux et moi bien trop jeune pour ce genre de chose. Maintenant tu me racontes une histoire ?
- Quelle genre d’histoire veux-tu ma chérie ?
- Une histoire de magie… Oh non ! Plutôt une histoire d’amour Tarhik !
- Entendu mademoiselle mais tu ne m’interromps pas hein, exigea le vieillard, jetant un clin d’œil à Lulia.

Le profanateur s’éclaircit la voix d’un coup de bâton et regarda vers le ciel. Puis faisant fi de l’âge pesant, il retomba dans sa verdeur.

Dans une autre terre,
Là une roue de moulin.
Ma chérie y vécut,
Mais a disparu…

Pourtant, elle m’a promis bonne foi,
Anneau au doigt.
Et elle les a brisés.

Aujourd’hui, je veux voyager.
Ménestrel de mes voix.
Cavalier de ma liberté.
Guidés par mes choix.

Allant de maison en maison.
Délié, cœur léger.

Me mènera peut-être dans les batailles chargées de sang
Où des feux silencieux chasseront.
La malemort de nos champs

Pourtant, elle m’a promis bonne foi,
Anneau au doigt.
Et elle les a brisés.
Sans aucune pitié.

Si j’ai vécu un rêve,
Il est terminé.
Mais, de La Camarde, accordée
Une trêve.
Ce long silence
Celui de son absence.


Lulia resta un certain temps coite et s’autorisa à demander :
- C’est de toi Tarhik ?
- Oh non je suis bien incapable d’écrire des poèmes.
- Peut-être mais tu chantes admirablement bien. Un jour tu devrais voir Fass et Etho, je suis sûre qu’ils seraient étonnés de tes dons, dit-elle le sourire aux lèvres.
- Hélas, mon seul don ne semble être que la maîtrise de la magie.
- Tu me parles de la magie Tarhik ? Comment on en fait et tout.
Tarhik fit mine de chercher ses mots.
- Hé bien, pour commencer, on distingue deux sortes de magie, d’un côté il y a la magie pure et simple et de l’autre la…l’art de manipuler la réalité ou un animal, un homme, tout. Si le magicien exerce sa magie en mobilisant son mental et son énergie propre, l’autre lui puise ses forces de ce qu’il l’entoure. Car chaque chose est dotée d’énergie, d’élan. Il suffit de l’extraire et de l’utiliser pour soi.
- Et comment qu’on fait ?
- J’y viens, j’y viens. Pour cela, il doit créer un son avec…un caillou par exemple.
- Donc, si je tape avec un caillou, je peux faire tomber une pluie de pommes ?
Si sa remarque lui étira un sourire amusé, il lui répondit avec sérieux.
- Oh non, la seule utilité d’un caillou, ou d’un rocher, est sa solidité. Et il faut savoir le son approprié à chaque matière. Aussi de manière générale, les choses vivantes regorgent davantage d’énergie que les choses inertes. De plus, créer ta pluie de pommes requiert beaucoup de flux, enfin tout dépend de la durée de cette pluie.
- Alors quand tu as rendu le bras à mon papa, tu as dû être fatigué après ?
- Oh ne t’inquiète pas pour ça, assura-t-il, une risette muselée. Si la magie est mon seul talent, il est solide Lulia. Revenons à l’histoire du caillou. (Tarhik en ramassa un.) Vois, il a tout d’anodin et pourtant je te montrerai ce qu’on peut en tirer tout à l’heure. Mais pour le moment notre palace est ici mademoiselle.

Tout en marchant, Tarhik les avait amenés jusqu’à une auberge nommée « La chic couche ». Il en ouvrit la porte.
Malgré l’heure avancée, la salle du rez-de-chaussée était presque bondée. A regarder la tenue des clients, on devinait leur profession. Il y avait là un groupe de marchands occupés à compter leur recette, quelques soldats, et même des enfants qui jouaient aux dames. Des brutes s’amusaient aux bras de fer dans un coin et seul un homme faisait tache avec ses vêtements pompeux. La pièce était éclairée par des lustres, Lulia remarqua aussi un joug de bœuf reconverti en chandelier. A peine eurent-ils posé les deux pieds à l’intérieur, qu’un petit monsieur au pantalon trop long et moustache courte, se précipita à leur rencontre.
- Qu’est-ce que ce s’ra pour ces messieur-dame ?, demanda le tavernier, en se frottant les mains.
- Bonsoir, je voudrais passer la nuit dans votre établissement, avec ma petite fillotte. Ah, et aussi nous restaurer.
- Bien bien, ça sera pour une nuit ou plusieurs ?
- Je ne sais pas trop, au moins une nuit. Pourquoi cette question ?
- Parce que si vous réservez une chambre pour quatre nuitées, admettons, c’est moi cher tout en consommant chez moi bien sûr.
- Vous savez faire affaire vous, plaisanta Tarhik.
- Normal si on veut vivre. Alors une nuitée ?
- Partons pour trois, pour l’instant, monsieur… ?
- Ankilor et vous ?
- Tarhik, et ci, ma petite Lulia.
- Enchanté, vous me devez trois or et six argent je vous prie.

Et ainsi Lulia et Tarhik furent installés dans la chambre sept, au premier étage. L’auberge, bien que simple, offrait un certain confort. La fenêtre donnait sur la route. Ils avaient fait monter de quoi dîner – du pain et un morceau de fromage ainsi qu’une pomme pour la petite. Chacun avait son lit chauffé d’une bassinoire. Tout était parfait. Tarhik avait rangé ses maigres affaires et informa Lulia du programme de demain. Après une bonne nuit de sommeil, ils iraient, le matin, flâner en ville et l’après-midi Tarhik devrait retrouver un ami. Mais pour le moment, les deux compères étaient descendus dans la salle principale, parmi les clients, et s’assirent à une table. Tarhik commanda un vin de noix tandis que Lulia un jus de prunes. Puis, la fillette entama la conversation :
- Tu viens d’où Tarhik ?
- Je viens d’Heilz, la capitale de l’Est, répondit-il bas. C’est là que je suis né et là que j’ai passé mes vertes années, poursuivit-il une once de tristesse lui nouant la gorge.
- Oh je suis désolée Tarhik, s’excusa la fillette, gênée malgré elle.
- Ça ne fait rien, c’est moi qui suis désolé, les sentiments sont une grande faiblesse et je ne suis pas faible.
- Mais c’est humain.
- Peut-être mais je ne peux me permettre de ressentir du remord.
- Tu es sûr que ça va ? s’inquiéta Lulia qui voyait d’un œil différent le vieil homme.
- Je vais bien ma chérie, lui sourit-il. Et au fait regarde et ne dis mot !
Tarhik ressortit le petit caillou pour le frotter légèrement sur la table et le cacha dans sa main gauche, de sa droite il saisit son bâton qui ne le quittait jamais. Et sans crier gare se leva et marcha vers les joueurs de bras de fer.
- Je vous défis les deux, annonça-t-il aux brutes. Et jeta une bourse, appuyant son geste.
- J’suis pas pipeur, baderne, répliqua un des hommes
- Et moi je veux jouer, je veux faire plaisir à ma petite-fille.
- Bon bon ! Choises c’que tu veux. Marcelin, une chaise pour ce monsieur.
Ledit Marcelin poussa une chaise à Tarhik.
Le profanateur s’assit calmement et adressa un clin d’œil à Lulia qui le regardait, hagarde. Après s’être à son tour assis, le joueur saisit la main de Tarhik.
- Prêt ?
- Prêt !
L’affrontement commence. Marcelin n’avait pas besoin de chaise puisque pétrifié d’étonnement. Le vieux ne cède pas, pas un pouce. Ce n’est pas possible, personne n’a la même vitalité à vingt ans qu’à quatre-vingt. Dicté par une instance inconnue, Marcelin ajouta sa force à celle de son ami. Mais non, la poigne du vieux est dure comme la pierre, comme le fer. Les deux compères suaient, et perdaient toute contenance. Les gens autour restaient stupéfaits ou se moquaient d’eux. Un son retentit dans toute la salle, Tarhik avait gagné. Derrière le comptoir et devant, on applaudissait. Le profanateur se leva, se tourna vers le public et fit mine de retirer son chapeau pour le remercier.
- J’ai donc gagné, renchérit-il, marquant bien sa victoire. J’appète donc que vous payez la tournée ce soir. C’est bien moins de ce que j’avais misé. (Tarhik rangea sa bourse sous sa robe).

Ce soir-là tout le monde, ou presque, but jusqu’à plus soif. Tarhik, à moitié saoul et Lulia montèrent dans leur chambre. Le profanateur lui expliqua qu’il avait puiser dans les maigres ressources qu’offrait le caillou pour gagner au bras de fer. Pour preuve, le caillou s’effritait au simple toucher. Si la petite restait étonnée à chaque tour de magie, elle s’offusquait quelque peu, arguant qu’il n’aurait pas eu besoin de dépouiller les deux joueurs.
Tarhik déposa son bâton à ses côtés dans le lit, le bichonnant comme une poupée de verre. Lulia se cala profondément dans son lit. Puis ils s’en dormirent.

Un beau jeune homme marche calmement. Il n’excède pas les vingt ans. Sa démarche est sûre, déterminée même robotique. Il a beau avoir l’air petit face aux centaines de silhouettes autour, il n’en reste pas moins impressionnant. En suivant son trajet, on découvre une femme, jeune, elle aussi, sale, maigre, nue et parsemée de cicatrices. Si elle était belle, elle ne l’est plus. Ses yeux sont vides, et sa respiration saccadée. D’ailleurs, elle n’a pas la force de tenir debout. Chaînes et menottes s’en chargent. S’en chargeaient. Deux poignes les arrachent avec fermeté. La prisonnière est rattrapée tandis que les fers tombent dans un croulement d’enfer…

Lulia se réveille en sursaut, le cœur battant la chamade. Le soleil montre son nez à l’horizon. La pièce est calme à l’exception du ronflement, même ténu, de Tarhik. Quittant son lit, la fillette se dirigea vers son voisin de chambrée et lui déposa un baiser sur le front. Elle enfila ses bottes et avança sans faire le moindre bruit. Dans la bure du vieil homme, elle trouva deux or et une dizaine d’argent.
« A tout à l’heure. »
Le rez-de-chaussée était désert mais on entendait les cuisiniers s’activer derrière. Lulia passa entre les tables et ouvrit la porte vers l’extérieur. Un air frais l’entoura, rosant légèrement ses pommettes. Elle tourna à gauche rue des halles. Au moins cela changeait de l’excitation d’hier, car là, la rue était plus que silencieuse. Et elle ne pouvait pas se perdre, elle n’avait qu’à aller tout droit puis faire demi-tour. Avec un peu de chance, si elle se dépêchait Tarhik ne serait pas encore levé. Lulia commença à presser le pas quand une lourde main l’empoigna à l’épaule. Finalement, ses pieds quittèrent le sol.

***
- Hé Marcelin, guette don’ c’que j’ai chopé là !
L’intéressé, affalé contre un mur dans un treige, releva son échine et brailla :
- Oh, une compensation d’l’avaro d’hier !
- T’as tout compris toi.
- J’suis comme ça, Ubb, ça marche bien là-haut.
Ledit Ubb jeta la gamine au sol et la pointa du doigt d’un air chauvin.
- Toi garce, ton vieux nous a vidé les bourses hier, elles sont à sec. Par contre pas celles-ci, cracha-t-il, en commençant à desserrer sa ceinture.
Pas la moindre issue. Bien que Lulia n’avait rien compris à la situation, elle se sentait largement en danger. Un remord lui gratta la gorge, un nom peinait à y remonter.


***
Mauvais temps pour Epicaure. Le soldat se lamentait où qu’il passait. Mais partout on se raillait de lui. Aussi, il patrouillait la ville seul et tôt le matin pour ne croiser que peu de gens. Il s’était montré hypocrite auprès de son sergent, en vain. Il restait soldat. A un moment il avait même pensé à déserter de l’armée. Ah qu’il regrettait le temps où il donnait des ordres et où il entrait dans le bureau du Grand ! Sa nomination de lieutenant était conséquence de ses bons services rendus. Sa présente mission était des plus méprisante : ramener une gamine orpheline pour le sieur Chevalier Harnold. Étrangement les « prétendantes » semblaient s’être volatilisées. Sa nouvelle occupation s’était révélée celle de se ronger les ongles. Peut-être avait-il quelques regrets. Il ne participait même pas à la répression des fauteurs de trouble. Sa marche passive l’entraînait à l’aveugle. S’il était submergé d’ordres, il l’était dorénavant par les soucis, qui occupaient toutes ses pensées.
Un pas devant l’autre pour progresser, c’est simple. Simple si on ne se heurte à rien. A chaque montée grandiose, une descente rude. Mais à chaque problème, sa solution !
Epicaure se baffa et rajusta son uniforme. Il resserra sa ceinture à laquelle pendait son cimef. Et pour se donner courage, tapa le sol de ses bottes cloutées. « Il me faut cette orpheline ! », hurla-t-il à son moi le plus profond.
Il avança donc avec contenance et conviction. Motivé d’être remercié de ses chefs.
Récitant un chant militaire dans sa tête, Epicaure fut percuté de plein fouet par une enfant qui déboulait d’un passage transversal.
- Qu’est-ce que tu branles ?! rouspéta le soldat, ramassant la fillette à moitié débraillée.
Elle montra du doigt deux drôles, le pantalon baissé, l’air vide mais hargneux.
Epicaure défit sa cape qu’il posa sur les épaules de la jeune fille.
- Ha ! Tu as de la chance d’être tombée sur moi, je vais te ramener au vieux.

***
Alnora, Sejil et Harnold chevauchaient. Sejil était heureux de monter Avalanche, son amie lors de folles cavales. Le Chevalier avait donné ses instructions au commandant de la garnison de la ville. Ehmys recouvrait ses forces chez ce dernier pendant qu’Alnora se faisait mener ne sachant ni pour où, ni pour quoi. Toutefois ça semblait sérieux puisqu’Harnold avait revêtu sa cotte de mailles. A l’arrière Sejil et Alnora faisaient plus ample connaissance. Le jeune homme s’était montré plutôt renfermé, aussi Alnora avait seulement appris qu’il avait perdu sa mère bien tôt et que le Chevalier avait beaucoup compté pour lui. En revanche, côté caractère, Sejil avait été volubile. Pour lui, Alnora restait cuisinière et en aucun elle n’aura à se servir de son épée, il avait même parlé de « gâchis ». Il avoua même qu’il profitait des rondeurs de Standine. Il était clair qu’il ne plaçait pas Alnora dans son cœur. La jeune femme ne doutait pourtant pas de la vivacité d’esprit de Sejil. S’il s’était fait une place auprès du Grand, c’est qu’il avait quelque part un talent. Alnora talonna son cheval pour rejoindre le Chevalier
- Au fait, je n’avais pas vu repartir le messager qui était venu lorsque j’apportais la tartelette à Urizen. Qu’est-il devenu ? demanda Alnora à Harnold, puisque Sejil restait muet.
- Il est resté au château, répondit-il laconique.
- Ah, pourquoi ?
- Sur ordre d’Urizen.
- Et où va-t-on au fait ? se permit la jeune fille.
- Voir Prüdhon et Bäkunin.
A leurs noms, Alnora revit les bons gros gardes. Elle s’en voulait presque de les avoir oubliés. En fait, elle n’avait pas eu beaucoup de temps pour penser à eux. En y pensant, depuis qu’elle travaillait pour Urizen, chacun de ses pas avait été guidé. Les « fais ci » représentaient son quotidien. Aujourd’hui, le simple fait de chevaucher entourée du Chevalier ou d’avoir la confiance de ce dernier lui procurait une certaine satisfaction, reconnaissance. Harnold lui avait promis qu’elle irait voir sa famille après ce pour quoi ils allaient. La surprise que lui préparait ses parents attisait son désir de les revoir. La dernière fois, Quart, son père, avait déniché un beau faisan et Fass et Etho, ses frères, avaient écrit une chanson spécialement dédicacée pour elle. Peut-être qu’ils seront fiers de la voir porter l’épée.
- Ils nous attendent ?
- Oui. En quelque sorte…

Les fleurs fleuronnaient, répandant leur parfum sucré et enivrant. Papillons et abeilles s’y précipitaient. Leurs allées et venues créaient Des rayons de soleil perçaient à travers les nuages, illuminant les petits écureuils qui sautaient de branche en branche. Les attentifs pouvaient voir çà et là des loriots ou écouter leur chant. Aux plus grands, de beaux fruits juteux, aux plus petits une herbe fraiche et resplendissante de verdeur. Cette gracile chevelure se couchait ou se réveillait au gré du vent. Un ruisseau serpentait entre les chênes, sur lequel des brindilles flottaient, radeaux de minuscules insectes. Attention à ceux qui venaient s’abreuver, mais l’ailes-noires avait l’habitude. Aujourd’hui, il ramollissait son repas et celui de sa progéniture. Il l’avala et l’emmagasina dans son gésier. Puis il s’envola, à l’aise sur terre comme dans les airs. Sa vue perçante repéra immédiatement sa gogaille. Lequel choisir ? Ils étaient nombreux, il fallut donc prendre le plus gros avant que les autres arrivassent. L’oiseau se posa, de ses serres, il s’accrocha à sa proie comme s’il voulait éviter qu’elle s’en ailla. Seulement, non, elle ne s’en ira qu’en poussière. D’un bon coup de bec, il détacha un morceau de viande. Malheur, déjà les vautours-humains étaient là.
En effet, Prüdhon et Bäkunin attendaient, devant les yeux d’Alnora, des corps, où la vie semblait avoir fui, constituaient un spectacle des plus macabre. A l’approche de la petite troupe, les corbeaux partirent à tire-d’aile.
- Qui sont-ils ? demanda Sejil à Harnold, qui descendaient tous deux de cheval.
- C’est, ou plutôt c’était, la turme commandée par le lieutenant Til, qui fut envoyée à la requête de Her Verfang. Pour calmer les dissidents.
- Ça a bien marché dis-donc !, charria Sejil.
- Viens Alnora, pria Harnold ignorant une fois de plus la remarque de Sejil.
Les trois compagnons marchaient parmi les cadavres. Sejil, devant, commentait leur rictus avec méprise.
- Si je vous ai emmené ici c’est particulièrement pour toi, Alnora.
- Pour la dégouter de la guerre ? bouffonna Sejil.
- Non pour parfaire son éducation. Dis-moi ce que tu vois, ce que tu comprends de ce spectacle.
C’était la première fois qu’Alnora voyait des soldats morts. Elle reconnut le grand sergent le soir qu’elle avait surpris les hommes en pleine discussion. Mort, il paraissait doux comme un agneau. Son œil gauche avait été mordu par les charognards et présentait un trou béant à la manière du beau prisonnier des cellules de Victus. Les soldats avaient été comme rangés par leurs assassins.
- Ils ont été pris par surprise, commença Alnora. Leur rang est tout intact. Ah aussi, ils n’ont pas dégainé leurs épées !
- C’est bien, quoi d’autres ?
- Ils sont tous morts par flèches et je vois pas ce que je peux dire d’autre.
Le Chevalier restait sans piper mot. L’air légèrement déçu. La jeune fille allait lui rentrer dans le lard quand Sejil reprit :
- S’ils sont pas morts l’épée au poing c’est d’abord que leurs agresseurs les attendaient, sûrement cachés. Ensuite, lesdits agresseurs savaient visés. Ils n’ont pas raté une seule cible ou alors ils ont ramassé leurs traits. (Sejil enjamba un corps.) La turme a été attaquée de part et d’autre. Voyez, la rangée de droite a reçu une flèche sur son flanc droit, et celle de gauche, à gauche. Ils sont tous morts sur le coup, c’est le cas de le dire. Mais si je me trompe pas, ils étaient partis à cheval, j’en vois pas. Première hypothèse les chevaux se sont enfui, ou ils ont été piqués. Je précise qu’il y a pas le moindre cadavre de canasson aussi. Et parlons-en des cadavres de soldats. (Il se tourna vers Harnold et Alnora et adopta un ton de professeur). Une turme représente trente hommes, et il n’y en a que vingt-neuf, sauf si un ours en a fauché un pour son goûter. Mais qui manque à l’appel ?
- Bäkunin, répondit Alnora sur un ton de nostalgie.
- Comment tu sais ça ?, s’émerveilla Sejil.
- Il trainait toujours avec Prüdhon, et la place à côté de Bäkunin (Alnora montra le dernier mort de la troupe armée) est vide.
- Très juste, c’est utile d’avoir un plus petit que soit parfois.
- Normal, je suis ta petite sœur.
Le jeune homme grimaça mais Harnold assura qu’Alnora avait tout à fait raison.
- Donc c’est peut-être un traitre, émit Harnold.
- Ou il a réussi à se carapater, proposa Sejil.
- Ou il a été fait prisonnier, souffla Alnora.
La jeune femme fit quelques pas et s’accroupit auprès d’un soldat. Son visage n’affichait ni douleur, ni surprise. En fait, il était mort le sourire aux lèvres. La flèche fichée dans son coup avait été tirée avec justesse. Juste en-dessous du casque et juste au-dessus des épaulières. Il était allongé, sur le dos et son regard vitreux lorgnait le ciel. Sa peau était légèrement pâle, plus maladive que morte. Un mort dans un champ de morts, un champ de morts dans une étendue de verdure.
- Ils vont pourrir là ?
- Effectivement Alnora, mes profondes sont trop p’tites pour les garder au chaud, se moqua Sejil.
- Ses profondes ? interrogea-t-elle Harnold.
- Ses poches, répondit le chevalier qui s’était lui aussi baissé près d’un soldat. Regardez !, s’exclama-t-il.
Debout, il tenait une montre au bout de sa chaînette.
- Oui et...? commença Sejil.
- Et je ne savais pas qu’un soldat pouvait se permettre d’acheter une montre.
Alnora qui n’avait jamais vu de montre si près auparavant s’approcha du Chevalier, les yeux rivés sur l’objet pendant.
- Tu vois sœurette, c’est le temps notre plus grand ami, mais pour certains c’est un ennemi, déclara Sejil embrassant d’un geste la turme de morts.
Micum

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Re: L'Aube du Crépuscule - Fantasy

Message par Micum »

Si jamais quelqu'un passe par ici, et qu'il a une poignée de minutes libres...
Merci de me dire ce que vous en pensez. Je me constitue un recueil de "poèmes" et je voudrais m'assurer qu'ils soient crédibles. Merci énormément !

Mensonge est Vérité pour Innocence.
Elle est si douce quand il est si dure,
Mais les apparences sont sauves et commence
La perversion. Le mal, l’aridure
Vont croissant quand la candeur
S’étoffe d’hâbleries et d’erreurs.

Mensonge est Vérité pour Innocence.
Ce mot bien trop beau : la confiance,
Se fane sitôt le voile levé.
Ce souffle d’avenir
Disparaît sitôt le miroir brisé.
Aussitôt pris aussitôt pendu
Le bien-fondé ; s’ensouvenir
Est à jamais perdu.

Mensonge est Vérité pour Innocence.
Mais quand affleure la défiance,
Les ombres s’écartent pour
Que la lumière s’impose.
Si bien écouté et monté sur l’hourd,
Les esgourdes engourdies il nécrose.
charly09

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Re: L'Aube du Crépuscule - Fantasy

Message par charly09 »

On va évacuer tout de suite la coquille du 2nd vers (il est si dur) et on passe aux compliments ! :P
Ton poème sonne un peu comme un rondeau médiéval, et par la forme, et par la personnification des "valeurs" morales. Et cela fonctionne très bien.
L'usage d'un vocabulaire vieilli ancre encore le poème dans cette sonorité ancienne que j'aime beaucoup.
Moins convaincue par les 2 vers conclusifs.
Il faudrait presque pousser davantage la forme du rondeau en travaillant sur la régularité des vers (à défaut d'adopter les contraintes codifiées), pour que le 3e couplet s'équilibre avec le premier : 6 vers / 6 vers, c'est OK. Mais équilibrer aussi le nombre de pieds (même s'ils sont variables) pour que la rime ose/ose trouve sa place. Là, on l'entend mal, il me semble.
Attention aussi au sens de cette conclusion. Peut-être moins d'effet de manches pour aller vers quelque chose de plus fort : soit de plus évident, soit de l'ordre de la surprise.
Mais bon... c'est juste mon avis, et de simples suggestions. Mais j'aime assez ta plume... ;)
Micum

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Re: L'Aube du Crépuscule - Fantasy

Message par Micum »

Charly, merci pour ton retour ! Je n'ai même pas eu l'heur de te relancer...
Oups pour la coquille au 2 ème vers, ça casse tout :(
À ce propos, tu écris "second vers" mais comme ce vers-ci n'est pas le dernier, il convient de dire "deuxième" et non pas second. Aussi, il vaut mieux dire la Seconde Guerre mondiale et pas la Deuxième... c'était ma vengeance !! :twisted:

J'ai bien lu ton commentaire, tu as raison, je vais essayer de travailler le nombre de pieds pour donner plus de sonorité et ainsi entendre davantage les rimes.

Au sujet de ma conclusion, je suis d'accord qu'elle a quelque chose de bancal (ou bancale je ne sais jamais), même si je trouve le sens assez limpide. Toutefois, je vais retravailler ça pour que "l'hourd" soit mieux à propos.

Encore merci du temps que tu as pris pour me lire et me répondre, tu es de bon conseil.
Et oui j'aime assez le style vieilli, surtout en poésie 😁
charly09

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Re: L'Aube du Crépuscule - Fantasy

Message par charly09 »

Micum a écrit : sam. 27 mars, 2021 10:00 am À ce propos, tu écris "second vers" mais comme ce vers-ci n'est pas le dernier, il convient de dire "deuxième" et non pas second. Aussi, il vaut mieux dire la Seconde Guerre mondiale et pas la Deuxième... c'était ma vengeance !! :twisted:
Mais tout à fait !!!! Pardon, pardon ! c'est bien là une erreur de ma part ! :P
Cela dit, j'aime beaucoup les jeux de sonorités que tu fais avec ce vocabulaire un peu suranné dans tes textes, ça fonctionne vraiment bien.
J'ai hâte de voir la version revisitée ! Bravo.
Micum

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Re: L'Aube du Crépuscule - Fantasy

Message par Micum »

Manière noire


Quand, à la plus profonde nuit, au jour prisonnier,
Le même cauchemar s’invite,
Les lames du sein d’Amphitrite
Se brisent fort contre les nefs accalminées,
Sur cette onde pigmentée d’écueils,
Quand la fanfare s’échappe du cercueil,
Quand les désespoir du peintre perdent leurs teints,
Qui retombent plein de peine et de chagrin,

Alors le Paradis n’aura jamais été si loin.

La robe des nuages s’effiloche
Sous les foudres rembrunis.
Le plus pâle soleil s’estompe
Sous d’obscurs augures.

Le malheur du cœur est un mensonge embelli,
La doléance est la gomme qui échoppe
Le courage qui fait Gille.

La marée n’a plus que le nom quand
La douleur soulève des flots larmoyant.
Mille morts à souffrir
Pour abeausir
Une vie effacée.
Est-ce là tout l’espoir ressassé ?

Nul Dieu pour la componction.
Le désespoir, père de tous les maux,
T’accompagne à jamais dans ta déréliction.
Sa couleur s’accapare tous les vices et dilections,
Et nous sommes tous sur son funeste tableau.
Dernière modification par Micum le ven. 09 avr., 2021 7:18 pm, modifié 3 fois.
charly09

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Re: L'Aube du Crépuscule - Fantasy

Message par charly09 »

Ce que j'aime, dans tes textes, c'est cette première lecture qui pose un rythme, un univers, des jeux de sonorités avec ce vocabulaire tellement vieilli qu'il semble presque (ré-)inventé, mais finalement pose une atmosphère, une teinte, une ambiance qui préfigure le sens.
Ici, je n'aime pas ton titre : il affadit ton poème en posant un cadre assez banal, presque immature. Ce titre relègue ton texte au rang des poèmes d'écolier... Enlève ce titre, et on voit se déployer sous nos yeux une Marine sombre, une toile en fin de tempête. Une humeur qui nous est étrangère peut-être, et atteint, en nous englobant dans sa chute, une certaine universalité : nous ne sommes plus spectateur de cet orage qui se délite, mais nous sommes happés par le tableau funeste... et là peut-être, on touche ce désespoir: qu'on le veuille ou non, nous sombrons. Et je trouve ça intéressant.
Intéressant aussi ces échappées, la houle qui s'apaise, une mer qui revient à l'étal peut-être... on entend presque le cri des oiseaux marins qui accueille les rayons du soleil perçant les nuages... sauf que sur les vagues flottent des lambeaux... et là, oui : on touche à ce désespoir.
Il y a quelque chose d'assez réussi. Mais encore quelques effets de manche. On trouve ça et là un mot qui fonctionne en terme de rimes, de rythme, mais sur lequel le sens butte un peu ; alors ça passe très bien, parce qu'on est embarqué dans un tableau plus général ; mais si je m'arrête au détail, pour exemple, je ne suis pas très convaincue par la "peine hué puis arroche", par ce tercet d'ailleurs. Ou par "la fanfare" qui s'échappe du cercueil? tu as posé l'ensemble de ton texte par des jeux de couleurs posées sur la toile, tu te fais peintre, tu poses la lumière, les ombres... tu restes sur une tonalité très picturale et cette fanfare... fait un peu tache ? je ne sais pas... (bon. une relecture des coquilles -rapidement, j'ai 2 accords pluriel qui manquent, mais c'est juste pour trouver à redire!)
Micum

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Re: L'Aube du Crépuscule - Fantasy

Message par Micum »

Charly, merci pour ton retour !
Je n'ai que très peu de temps pour te répondre, aussi je le ferai plus appliqué plus tard, mais si les pluriels sont avec désespoir du peintre et larmoyant, pour le 1er, il peut être invariable, et pour le deuxième, je le vois en participe présent.
Une réponse plus approfondie ce dimanche normalement ! Encore merci 😁
Micum

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Re: L'Aube du Crépuscule - Fantasy

Message par Micum »

Alors tout d'abord, je tiens à préciser que je n'ai inventé strictement aucun mot, même ceux dont les occurrences sont rares et pour lesquels quasi aucun dictionnaire ne donne de définitions. Ces mots existent bel et bien mais sont tombés en perdition extrême. Juste au cas où :D

Ensuite, pour le titre je vais réfléchir à mieux, mais celui-ci était induit par la possibilité de participer du concours pour lequel certaines règles étaient de mise. Je vais faire en sorte qu'il quitte le rang des écoliers ! Quoique certains écoliers de certaines écoles sont entrés dans la postérité par leur jeunesse...

Je suis d'accord au sujet dudit tercet, il est moche :lol:

Pour la fanfare, je voyais ici une situation ironique, la fanfare étant attachée à quelque chose de joyeux, vivant, il est sarcastique et désespérant (pour moi) de voir et de dire que les morts sont davantage festifs que les vivants.

Enfin, pour les pluriels, se référer au message précédent :D

Encore merci pour ton précieux avis, tu as pris le temps de lire et de lire en profondeur, je t'en suis reconnaissant.
Serais-tu, de près ou de loin (inversement et réciproquement comme dit Pierre Dac...) liée au monde de la littérature ?
Merci derechef !
charly09

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Re: L'Aube du Crépuscule - Fantasy

Message par charly09 »

Alors rapidement... oui, je comprends comment ta fanfare vient accompagner la farandole de la camarde, mais je reste sur cette idée que ce côté festif pourrait bien être apporté sur une note plus picturale. J'ai peut-être tort.

Pour les pluriels, ok. Je rends les armes. Je m'interroge cependant sur le choix des désespoir-du-peintre ici ? pour le coup, j'ai ma touche de couleurs. Mais que vient faire ce jardin dans ce paysage de tempête?

En revanche, je m'inscris en faux sur l'écriture de ton titre : non, desesperacion appartient à un lexique médiéval, et fait donc bien partie du patrimoine de langue, mais je ne crois pas qu'on puisse l'utiliser en tant que mot français, à proprement parler. Mais sans doute, la licence poétique peut-elle t'y autoriser ?... je ne sais pas. Pour moi, je ne le ferais pas.

Sinon, non. Je ne suis pas spécialement liée au monde de la littérature... mais j'ai eu l'occasion, au temps de mes études, de m'intéresser d'assez près à la langue médiévale, précisément. ;)
Micum

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Re: L'Aube du Crépuscule - Fantasy

Message par Micum »

Bon ! J'ai compris ! Je vais lui refaire son affaire ! :|
En fait, tout ce qui environne l'homme, même de façon abstraite, y est représenté et affecté : la nuit et le jour, et avec les rêves, la mer, la flore, la "vie", le trépas et donc le possible après avec le Paradis, qui cependant n'est pas si réel, d'où cause de désespoir, voire de désespérance. Dans le ciel, les nuages, le foudre. La tristesse, la solitude, le regret, l'absence d'amour et la prédominance des vices.
De plus, il y a une certaine idée de fin, de fatalité, d'impuissance.
Le présent aussi, pour une idée de longueur, "larmoyant" aussi, justement en tant que participe présent. ;) Aussi nefs accalminées, les seules "au repos"...
" DU cercueil" parce que c'est la destination de tous.
Oui c'est joyeux :lol:
ça peut s'entendre comme un tableau dans un tableau. Comme le peintre qui place les éléments sur sa toile. Sans rien oublier.
Je ne sais pas si c'est une réponse, mais c'est en tous cas mon commentaire. Si tu as d'autres questions, ou je ne sais quoi... Et ce vilain titre va se voir choir !
Salutations et dilection ! :lol:
Micum

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Re: L'Aube du Crépuscule - Fantasy

Message par Micum »

Dans un registre gai ...

Il suffit au jour de sa misère.


La sueur de sang déperlait.
Aussi éternelle que le petit pucelage,
La douleur te traque par-delà les âges.

A la pointe du jour, quand leurs yeux éclosent
Sans que ta présence n’étire leur sourire,
Alors tu es perdu à jamais.

Si la belle amour ne vit qu’a deux,
Les commensaux de la peine sont pléthore.
Mais à ta table ne ripaillent que les ascarides.

Le remède universel est là tout l’espoir
Que l’homme suit aveuglément
Bon an mal an, bon gré mal gré.

Quand le souffle te cesse,
Alors les maux profus s’imprègnent des derniers instants.
Qui trop embrasse, mal s’éteint.
Micum

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Re: L'Aube du Crépuscule - Fantasy

Message par Micum »

Bonjour !
Ci-dessous, un petit texte qui reflète l'état d'esprit et l'état d'existence d'un personnage du roman que j'écris ; j'ignore s'il y aura quelques personnes qui s'y attarderont, mais, au cas où, un avis serait des plus appréciés ! Merci !

Il y avait tant de voiles sur ses paupières. La réalité du jour se tenait aux antipodes de la réalité nocturne. Des vapeurs odoriférantes montaient à ses narines. D’une folie printanière qui bourgeonnait de folie capricante, il déambulait seul avec cette foule de voix et de voies. Des voix montantes et des voies descendantes. En tournant à droite, il empruntait le couloir de gauche. Un œil discernait ce que l’autre réfutait. Son esprit, fut-il encore vivant, lui était parfaitement étranger. Comme une présence qui hantait et tabustait à longueur de journée. Les marches des escaliers sans fin annonçaient sa chute profonde ou bien son ascension vertigineuse. Mais hic et nunc, il fuyait l’ombre étonnante de sa passion dévorante pour le meurtre. Oter la vie pour soi. Continuer son existence en une vie de débâcle et de perversion et laisser l’autre souillé. Son sang encore chaud débordait de ses gencives d’albâtre, cette envie si insatiable et grandissante. Il ne trébuchait pas, porté par son élan déséquilibré. Le rêve de cette nuit était la graine qui clamait du sang pour toute eau. Un flot continuel dans lequel on se noyait. Dans lequel il se noyait or ne pouvait mourir car il s’élevait soutenu de ce plumage nébuleux. Dans le cruor qui tâchait les mains, flottait au gré de son souffle une plume. « Donne-moi ta main ! Tu ne vois la vie que de sombres couleurs ! » hurlait le marmonnement de la mort à ses oreilles. Mais il ne tendait qu’un organe putride et apathique. Son destin se flétrissait sous un soleil mourant. Que le plumage de noirceur absolue recouvrît le ciel tel était son vœu glissé au confesseur. Etendre ses larges ailes sur la Terre et souffler d’un battement tout ce qui était nocif. Le bonheur et la joie. La tendresse et la bonté. Si un temps était sur le point de s’abîmer un autre allait affleurer du monde. Un monde dont il serait le dompteur.
Un cri, des pleurs. Il ouvrit en grand une armoire d’où s’effondra un manteau sans porteur. Le sol se dérobait. Notre homme se retrouva à quatre pattes. Tel un nourrisson qui découvrait le monde, il progressait à tâtons. Des serres vinrent l’agripper aux épaules. Et ils montaient au Ciel. Franchirent la voûte de marbre ; il était libre. Bientôt la quête de jour sera permise. Bientôt, il n’aura plus honte de se cacher.
charly09

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Re: L'Aube du Crépuscule - Fantasy

Message par charly09 »

Coucou !

Ecoute, hors contexte, cette divagation mortifère est intéressante. J'ai 2 tournures qui m'interrogent (déambule-t-on d'une folie ? - et le passage du singulier au pluriel, qui englobe ton personnage et les serres qui le saisissent : peut-être cela fait-il sens dans le texte entier. Là, ça me semble un rien abscons.) mais bon. Du détail, et peut-être même pas très pertinent de ma part.
J'aime assez comment tu rends compte des égarements de la pensée de ton personnage par ce jeu d'oxymores dans des phrases courtes et juxtaposées. J'ai tiqué d'abord : la ficelle était grosse. Mais non. Elle est parfaitement adaptée ici pour rendre compte de l'état d'esprit de ton personnage qui semble aller en zig-zag, comme un homme ivre dans un réseau de ruelles sombres, dipsomane égaré par ses propres démons. ça marche plutôt bien.
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