
Cela faisait un moment que j'y pensais, et me voici avec un nouveau roman, sur ce superbe forum qu'est celui de Booknode ! Pour ceux qui me connaissent et ont déjà lu mes écrits, je tiens à vous rassurer : cette fois, vous aurez bien l'histoire jusqu'à la fin, puisque ce tome est déjà terminé !

Merci d'avance à ceux qui prendront le temps de me lire, ou même ceux qui ont cliqué par curiosité ! Cela m'avait manqué de poster sur Booknode et je vous avoue que j'ai un peu le trac.

Alors bonne lecture et j'espère que ça vous plaira ! <3
Avant toute chose, je tiens à préciser que mon roman est protégé, j'ai pris mes dispositions pour avoir de quoi prouver que je suis bien l'auteure de mon texte si quelqu'un venait à copier intégralement ou partiellement mon œuvre.
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© 2021 A. Chloé (Chloe38200)
Tome 1 : La mémoire du loup
(Couverture faite par Lacrystal. Merci à elle !)
Depuis deux ans, Lyn vit un véritable enfer : à cause de son don de guérison, elle est gardée enfermée dans un bâtiment dont elle ne connaît presque rien et sert de cobaye à des personnes peu scrupuleuses. Cependant, elle sait qu'elle ne serait pas moins en danger dehors, puisque ses ennemis, les métamorphes, rôdent. Ayant tout oublié de sa vie passée, elle ne sait en qui elle peut réellement avoir confiance.
Mais sa vision des choses risque de changer, à l'arrivée au laboratoire d'un métamorphe, qui lui paraît bien familier...
Une porte ouverte sur une nouvelle vie ?
Liste des chapitre :
Chapitre 2
Chapitre 3
Chapitre 4
Chapitre 5
Chapitre 6
Chapitre 7
Chapitre 8
Chapitre 9
Chapitre 10
Chapitre 11
Chapitre 12
Chapitre 13
Chapitre 14
Chapitre 15
Chapitre 16
Chapitre 17
Chapitre 18
Chapitre 19
Chapitre 20
Chapitre 21
Chapitre 22
Chapitre 23
Chapitre 24
Chapitre 25
Chapitre 26
Chapitre 27
Chapitre 28
Chapitre 29
Chapitre 30
Chapitre 31
Chapitre 32
Chapitre 33 (première partie)
Chapitre 33 (deuxième partie)
Chapitre 34
Chapitre 35 / Épilogue
Liste des prévenus :
- lacrystal
- paulette42
- Pendergast
- JaneSerpentard
- melaivy
- Oce1510
- Ysaya
- Charmimnachirachiva
- Yumeko
- CordeLivre
- Maminekikou
- MGT_
- lucybarasson
- myosotis06
- RadJk
Chapitre 1
La douleur était habituelle. Même s’il m’arrivait encore de grimacer, j’avais fait du chemin, depuis le début de ma nouvelle vie. Je ne quittai pas la petite fiole qui se remplissait de mon sang, des yeux, comptant les secondes jusqu’à ce que ça se finisse. Avec le temps, j’avais appris en combien de temps ce petit manège se terminait.
Je ne bougeai pas et laissai mon infirmière personnelle gérer tout ça, essayant tant bien que mal de m’évader, par la pensée.
— C’est bientôt fini, Lyn, pensa-t-elle m’apprendre, d’un ton calme. Tu peux te détendre.
Je serrai les dents. Me détendre ? De plus, je n’aimais pas entendre mon nom dans sa bouche. Même si elle m’humanisait, cela ne l’empêchait pas d’obéir aux ordres et de me faire endurer des choses éprouvantes chaque jour.
— Je sais, rétorquai-je sèchement.
Elle me coula un regard de réprimande, même si j’y décelai un peu de compassion.
— Tu sais que c’est pour ton bien, ajouta-t-elle.
Je détestais son ton. Elle l’employait beaucoup, avec moi. C’était un mélange entre « arrête de te plaindre » et « tu ne comprends pas ». Le tout saupoudré de « je n’aimerais pas être à ta place ».
Bon, cela, elle ne l’avait jamais dit, mais je le sentais.
J’appelais Gina mon « infirmière personnelle » car c’était à elle de s’occuper de moi dans quatre-vingt-dix-neuf pourcents des cas, et parce que je la supportais bien plus que ses remplaçants horribles, qui se chargeaient de mon cas lorsqu’elle n’était pas disponible. Je préférais la surnommer ainsi au lieu de la traiter de tous les noms. Je ne l’aimais déjà pas beaucoup, pas besoin que j’en rajoute jusqu’à ce que cela devienne de la haine. C’était épuisant. Surtout que cette haine-là, je la gardais pour d’autres personnes. Et j’avais du mal à supporter toutes ces émotions, à la longue.
— Tu sais que si ce n’était pas nous…
— … je serais entre de plus mauvaises mains, la coupai-je en terminant sa phrase, que j’avais entendu un millier de fois.
Et je serais peut-être tombée sur des gens avec encore moins de scrupules. Une belle idée de l’Enfer sur Terre.
— On me maltraiterait, blablabla, terminai-je en soupirant.
C’est déjà ce que je vis, connasse.
Elle eut une moue réprobatrice et elle fit rouler ses yeux marron clair, agacée. Elle faisait souvent cette tête-là, avec moi. À chaque fois que je lui servais de cobaye et que je n’étais pas si docile que cela.
Et pourtant, malgré ça, elle restait ma plus proche alliée dans cet endroit sordide. Ce n’était pas peu dire. Elle n’était vraiment pas la pire. Même si j’avais parfois envie de l’attraper par ses cheveux ternes entre le châtain clair et le blond pour écraser son visage contre le bord du fauteuil sur lequel je me trouvais.
Gina retira soudainement l’aiguille plantée dans le creux de mon coude, mais je ne sursautai même pas. J’avais l’impression de ne plus vraiment ressentir ces choses-là. Et il y avait plus douloureux : les effets du produit qu’on m’avait administré peu de temps avant et qui semblait me brûler de l’intérieur, me faisant transpirer à grosses gouttes. Deux fois par semaine, on m’obligeait à ingurgiter cette chose, en étant à jeun, puisque je faisais également une prise de sang. Ensuite, mon assiette était légère, car ce « médicament » me faisait vomir, si mon estomac était trop rempli, et il mettait du temps à disparaître de mon organisme. J’en avais déjà fait l’expérience, et ça n’avait pas été très chouette : on avait dû me redonner une dose de ce produit pour compenser et je m’étais retrouvée dans les vapes pendant des heures. Généralement, on me le donnait le matin, comme ça, ça me laissait le temps de dormir un peu et le soir, j’avais droit à un repas plus complet. Mais un des effets secondaires était que mon odorat et mon goût étaient amoindris, m’empêchant de réellement savourer ce que j’avalais. Je n’en retirais jamais aucun plaisir – ou rarement – et je mangeais seulement parce que c’était une nécessité.
Et parce que j’étais plutôt maigre. L’équipe « médicale » faisait tout juste en sorte que je ne sois pas en moins bonne santé que ne l’étais déjà.
Lorsque ce n’était pas ce produit, c’étaient des pilules diverses et variées, chacune avec des conséquences différentes.
Si cela faisait près de deux ans que j’y avais droit, ça n’était pas devenu moins désagréable avec le temps. Tout juste plus supportable. Et je ne pouvais pas me guérir seule.
Le comble, pour une Guérisseuse.
Oui, je subissais l’injection de ce produit, divers médicaments et un bataillon d’expériences sur mon être car je détenais un pouvoir qu’ils peinaient à comprendre et qu’ils essayaient de m’aider à gérer. Ils me testaient, afin de connaître mes limites, mais surtout, la raison la plus importante, était qu’ils cherchaient à transférer ce don sur quelqu’un de plus fort physiquement et mentalement. Je ne cessais de répéter que c’était impossible, au début, afin qu’ils me laissent tranquille, mais ils insistaient. À force, j’avais fini par me dire que peut-être, un jour, ils y parviendraient.
Au moins, et c’était sûrement égoïste de le penser, ça ne serait plus à moi de subir tout cela. Si je pouvais être débarrassée de ce pouvoir, de ce fardeau, alors tant mieux. Je ne demandais rien de mieux.
— Et voilà ! Ce n’était pas si difficile. Tu vas pouvoir te reposer, maintenant.
Le ton presque guilleret de Gina fit monter en moi un début de rage. Mes veines bouillonnaient littéralement, j’étais affamée, exténuée et j’avais encore mal là où des blessures ne s’étaient pas encore totalement refermées, et elle se permettait ce genre de commentaires comme si ce n’étaient que des broutilles.
Elle appliqua un bandage là où l’aiguille se trouvait un instant plus tôt, puis eut le culot de me sourire.
— Merci, Gina…
Elle ne devait même pas avoir compris que c’était de l’ironie.
Elle me fit signe de ne pas me lever trop vite mais j’avais envie de le faire, même si cela pourrait me causer un malaise, rien que pour que ça les emmerde un peu. Franchement, j’en étais arrivée à un stade où mon bien-être n’était plus ma priorité. Même si je ne me rebellais que rarement, j’aimais me dire qu’il me restait encore ça. Car ils étaient parvenus à me rendre bien docile. Dépendante.
Leurs médicaments m’avaient causé une sorte d’addiction : une fois, j’avais essayé de m’enfuir, et ils m’avaient privée de mes pilules pendant deux jours, ce qui avait eu pour effet de me mettre dans un état lamentable. Comme lorsqu’un drogué essaye de se sevrer.
Quoi que je fasse, j’étais piégée.
Et ils osaient dire qu’avec eux, j’étais bien traitée.
— Comment te sens-tu, ma petite Lyn ? s’éleva une voix grave dans mon dos.
Un frisson d’appréhension me parcourût, comme à chaque fois que Mike surgissait sans prévenir. Ou même simplement quand je lui parlais. Je déglutis et laissai retomber mon bras, alors que je nettoyais une vitre en la frottant énergiquement avec un chiffon enduit de produit, une de mes corvées du jour.
Je me retournai lentement et gardai mon regard baissé, refusant de croiser ses yeux des miens.
— B-bien…, bafouillai-je.
Devant lui, j’avais tendance à me faire toute petite et à perdre mes moyens. Comme si je n’étais qu’une enfant devant une figure d’autorité. Cela était souligné par le fait qu’il me surnomme « ma petite ». Il me donnait l’impression qu’il avait tout pouvoir sur moi. Et je n’aimais pas me sentir sans défense. J’en avais assez d’être aussi faible et pourtant, je n’avais jamais réussi à me montrer réellement agressive avec lui. Lorsque j’avais essayé, dans des instants de folie, j’avais senti passer la punition pour mon insolence.
— C’était aujourd’hui, l’injection, je me trompe ? (Je hochai la tête, même si je savais qu’il était parfaitement au courant et qu’il ne me demandait cela que pour m’enfoncer.) Où en sont les effets ?
Je haussai mollement les épaules.
— Je sens encore un peu la brûlure, mais rien d’insurmontable…, mentis-je.
Je ne sentais pas qu’un peu la brûlure. Mais je faisais avec. C’était pour cela que je mettais autant de temps à tout nettoyer.
— Mais est-ce que ça a commencé à s’estomper plus vite ? insista-t-il avec calme, même si je sentais une pointe d’impatience dans sa voix.
Forcément, il voulait savoir si je m’améliorais pour combattre les effets du médicament. J’allais le décevoir. Si j’avais bien appris une chose, c’était qu’il fallait que je sois vraiment honnête sur les progrès ou les rechutes.
— Non… C’est la même chose que la dernière fois…, répondis-je, honteuse.
Je me retins de grimacer. J’avais honte de ne pas m’en remettre assez vite, après ce que je subissais.
— Lyn, regarde-moi quand je te parle.
Mon cœur se mit à battre plus vite en entendant son ton impérieux, et doucement, mes yeux rencontrèrent les siens, qui étaient perçants. Ils étaient d’un vert foncé vraiment beau, mais pour moi, cette couleur m’était désormais effroyable. Elle me laissait une sensation de cruauté et de pure sournoiserie.
La première fois que j’avais vu Mike, il avait tout fait pour que j’aie confiance en lui. Je ne savais plus qui j’étais, d’où je venais. J’étais seulement consciente que je me nommais Lyn Jones. C’était la seule information que je détenais. On avait également estimé mon âge, la vingtaine. Mais tout le reste, je ne m’en souvenais pas. J’étais amnésique.
Alors que j’étais totalement perdue, il m’avait pris sous son aile. Il m’avait dévoilé que j’avais été attaquée chez moi par des métamorphes. Je me souvenais qu’à ce moment-là, j’avais à peine été choquée d’apprendre qu’il existait de telles créatures. Des gens capables de se transformer en animaux. Peut-être que j’avais été consciente de cela dans mon ancienne vie ?
Il avait affirmé qu’ils s’en étaient pris à ma famille afin de me capturer, pour mon don de guérison. Mes parents avaient voulu me défendre mais avaient malheureusement péri. Mike et ses acolytes, des chasseurs de métamorphes, m’avaient trouvé à temps et avaient tué la plupart de nos agresseurs, certains s’étant enfuis. J’avais passé deux ans dans la crainte des métamorphes mais surtout en m’inquiétant que ceux qui avaient réussi à s’échapper ne me retrouvent. Je n’avais pas eu envie de mettre un pied dehors pendant tout ce temps, et on ne m’y avait pas encouragé, au contraire. Cette menace planait toujours et j’étais en sécurité, entre les murs de cette bâtisse dans laquelle je n’avais accès qu’à une petite partie, la plus sécurisée. Et là où se trouvaient les laboratoires. Et on me noyait tellement sous les noms des médicaments, des examens en tout genre que je ne parvenais pas à retenir ce que c’était réellement. Je pensais même que les médecins le faisaient exprès pour m’embrouiller.
Soit j’étais dans une prison dans laquelle je me sentais manipulée, soit je me faisais capturer par les métamorphes.
Pendant quelques semaines, j’avais accordé toute ma confiance à Mike, ne sachant pas à quoi, ou à qui, me raccrocher. Il avait plus de la quarantaine, un visage un peu sévère mais qui pouvait s’adoucir, des cheveux bruns grisonnants. Il me donnait l’impression d’être une figure paternelle bienveillante. C’était une erreur de jugement, de se fier à l’âge : j’avais commis la même faute avec Gina, qui devait avoir trente-quatre ou trente-cinq ans lorsque j’étais arrivée.
Il avait été plutôt patient tout en me demandant de bien vouloir obéir aux médecins, mais très vite, un manque avait commencé à s’installer. Il ne montrait pas vraiment de signe d’affection. Il essayait d’être avenant, mais perdait vite patience. Et surtout, on me demandait si j’allais bien seulement pour savoir où j’en étais physiquement après les tests. Lorsque le vide en moi s’était intensifié et que, même si je ne me souvenais pas d’eux, je crevais d’envie de parler à mes parents, personne n’avait été là pour m’aider, même quand j’en avais exprimé le besoin. Seule Gina avait tenté de se montrer à l’écoute, mais j’avais bien vite remarqué qu’elle s’en fichait ou que je l’ennuyais. Au mieux, elle faisait semblant, mais je n’étais pas dupe. Et Mike… Mike avait commencé à montrer un tout autre visage.
En l’espace d’un mois, il était déjà devenu méconnaissable : plus agressif, impatient. Cruel. J’avais cessé petit à petit de lui faire confiance et cela s’était empiré lorsque les premières punitions étaient apparues.
Depuis, je me montrais plus que craintive et obéissante, quand il s’agissait de lui. Il n’y avait plus de semblant de lien.
— T’es-tu exercée à la guérison, dans la journée ?
Sa question fit rater un battement à mon cœur. Oh non. Pas ça. Pas maintenant.
Je fus tentée de mentir. Mais je savais qu’il chercherait la confirmation auprès des autres. Je ne pouvais rien faire sans qu’au moins une personne ne soit au courant du moindre de mes gestes. Et un test de cette importance ne serait pas passé inaperçu, il devait être contrôlé.
— Non, admis-je, une boule d’angoisse se formant dans ma gorge. Je ne me sentais pas assez bien pour…
— T-t-t, me coupa-t-il en claquant la langue. Cela fait deux jours que tu ne l’as pas fait.
— Les effets du produit ne sont pas encore…
Il mit une main sur mon épaule et je retins ma respiration. Ce geste avait l’air encourageant au premier abord, mais moi, je sentais ses doigts serrer assez fort, laissant entrevoir la menace sous-jacente.
— Mais tu as dit que c’était supportable, me rappela-t-il avec mesquinerie.
Je me mordis la lèvre. Merde.
Il me lâcha et sa main disparût dans la poche intérieure de sa veste. Je suivis son geste du regard. Il en sortit un petit couteau. Dieu du ciel. J’avais beau savoir qu’il se baladait toujours avec une arme sur lui, cela me faisait toujours peur d’en être témoin. Que craignait-il à ce point ? Voulait-il simplement être prêt à me torturer à tout moment ?
Ma gorge se fit de plus en plus sèche, tandis qu’il approcha la lame de son avant-bras. Très vite, du sang se mit à perler. Il éloigna le couteau de sa peau et je vis une coupure s’étalant sur plusieurs centimètres. Elle me paraissait bien trop longue pour mon état. Pourtant, n’ayant pas le choix, j’approchai mes mains pour entourer doucement son avant-bras de mes paumes. Je fermai les yeux et me concentrai.
Je crus défaillir tant la douleur était saisissante. Avec les effets du produit encore présents, mon corps était à nouveau en feu. Les premiers temps, j’avais même cru que des flammes s’échappaient de mes mains, me déconcentrant. Mais désormais, j’avais l’habitude. Guérir n’était jamais une partie de plaisir.
Je sentais mon pouvoir agir. Il était dévastateur pour mon corps. Voire pour mon âme, j’en avais l’impression. Des vagues d’engourdissement me prirent. La fatigue et la brûlure se relayaient à tour de rôle, ou agissaient carrément en même temps, parfois.
Je serrai les dents et mes yeux se mirent à me piquer. Je savais que si je les rouvrais, je laisserais échapper des larmes.
Lorsque je fus à bout de forces, je lâchai son bras et pris quelques secondes pour retrouver mon souffle, qui venait à manquer.
Inquiète par ce que j’allais voir, mes paupières mirent un peu de temps à se relever. Mais elles finirent par le faire. D’abord, je vis mes paumes ensanglantées, puis je soupirai de soulagement en voyant que j’avais réussi. Sous les traces rougeâtres présentes sur la peau de Mike, la blessure semblait avoir disparu.
Oui !
Si j’avais réussi, alors je n’avais pas à craindre des représailles.
— Lyn ?
— Oui ? fis-je, haletante.
— Je ressens encore des picotements. Et une douleur.
Quoi ?
Je regardai de plus près, sentant la panique m’envahir. Elle s’accrût lorsque je vis qu’effectivement, il restait encore une égratignure.
— Je suis déçu. Je pensais qu’après tout ce temps, tu pouvais faire mieux que ça. Ce n’était pas une plaie si grande.
Je luttai pour ne pas me laisser tomber sur mes genoux. J’avais du mal à tenir debout.
— Je suis désolée…, répondis-je, ma voix s’étranglant sur le dernier mot.
Ses doigts se refermèrent sur mon poignet, le maintenant fermement.
— Moi aussi, je le suis, ma petite Lyn. Mais tant que tu n’y arriveras pas, je devrai te donner la motivation de te surpasser.
Je sentis la pointe de la lame sur mon avant-bras. Un cri de douleur se bloqua dans ma gorge. Quelques secondes plus tard, j’arborais la même blessure qu’il s’était infligé lui-même avant que je le guérisse.
— Elle n’a pas encore fini de nettoyer ? s’insurgea une voix de femme, plus loin.
Je ne me retournai même pas.
— Non, rétorqua Mike qui ne me quittait pas des yeux. Mais elle va aller se reposer.
J’entendis la femme souffler, puis ses chaussures claquer sur le carrelage, tandis qu’elle s’éloignait.
— Va te soigner, m’ordonna-t-il.
J’avais du mal à supporter l’image que me renvoyait le reflet du miroir. Mes joues étaient toujours aussi émaciées. Creuses. Mes longs cheveux d’un blond platine, qui m’arrivaient au milieu du dos, étaient abîmés, mes longues boucles étaient presque effacées, ne laissant que de vagues ondulations. Je ne pouvais pas en prendre soin et je n’étais pas en bonne santé.
Mes yeux d’un bleu si clair qu’ils en ressortaient argentés étaient rougis par la fatigue et mon envie de pleurer. La peau de mes lèvres était sèche et je ne cessais de la mordre, de nervosité ou de douleur. J’étais pâle et cela était accentué par la lumière. Je faisais peur à voir.
Je finis par secouer la tête et m’arracher à cette vision d’horreur. Je m’avançai jusqu’à mon lit et m’écroulai dessus, sur le dos. Je passai quelques instants à observer le plafond blanc présentant des tâches et des trous.
Quelle vie.
On m’avait dit qu’on prendrait soin de moi. Qu’on m’avait sauvé, même.
Au final, on profitait de moi, on m’avait relégué dans une chambre miteuse possédant tout juste assez de place pour un lit simple qui n’était pas assez long et qui me forçait à dormir avec les jambes repliées ou bien avec les pieds pendant dans le vide, une armoire minuscule et un bureau sur lequel j’avais eu le droit d’entreposer un miroir, et on m’avait rendu dépendante d’eux et de leurs médicaments.
Très sincèrement, j’avais déjà pensé à en finir. À rejoindre mes parents. J’osais espérer que s’ils me voyaient, peu importe où ils étaient, ils seraient horrifiés. Je désirais qu’on me confirme que ce n’était pas normal, ce que je vivais.
Mais j’étais beaucoup trop surveillée. J’avais un minimum de liberté dans ma chambre, les toilettes communs et les douches, mais on m’accompagnait souvent et si je ne répondais pas, derrière la porte, on finissait par entrer. Je savais que si j’essayais, je n’y arriverais pas, et ma vie serait pire, ensuite.
Les seuls moments où je pouvais échapper à tout ça, c’était quand je dormais. Ce que je décidai de faire.
Je rabattis ma couverture sur moi et enfonçai mon visage dans mon oreiller. Je savais que dans quelques secondes, je serais partie au pays des songes. Il m’arrivait même de ne pas faire de cauchemars, parfois.
Je vais m’endormir dans un, deux, trois second…
Je ne pus même pas terminer ma pensée. Je rouvris les yeux d’un coup en entendant du raffut dans le couloir. Des bruits de lutte. Des cris provenant de plusieurs voix.
Oh mon Dieu. Oh mon Dieu.
Sans prendre le temps de réfléchir, je me redressai d’un geste vif, me provoquant un vertige, et me levai. Sur la pointe des pieds, je m’approchai de la porte de ma chambre et tournai la poignée lentement. Je l’entrouvris et jetai un œil discret à l’extérieur.
Je voyais plusieurs hommes et femmes en blouse blanche, que je connaissais, tenter de maintenir un autre homme. Celui-ci se débattait comme un diable et je perçus des grognements me donnant la chair de poule. Ses mains s’agitaient afin de se débarrasser des autres, terminées par de longues griffes. Il était à la fois assez près pour que je puisse les distinguer, mais assez éloigné pour qu’il ne fasse pas attention à moi. Je me figeai.
Un métamorphe.
On m’avait tant parlé d’eux que j’étais sûre de moi. Et quel humain pouvait grogner à en faire trembler les murs ou avoir la capacité de rendre ses doigts aussi acérés ?
Il parvint à attraper un des scientifiques par le col et le propulsa contre un mur, causant un grand fracas.
Je ne pus quitter la créature des yeux, même pas pour vérifier que sa victime allait bien.
C’était un homme grand. Il avait des cheveux noirs en bataille, sa chemise de la même teinte était déchirée, montrant une grande partie de son torse. Sa peau était parsemée de tâches de sang.
Cela se voyait qu’il était fort. Puissant. En le voyant, même ainsi, j’eus du mal à croire qu’il pourrait perdre contre eux.
Il se figea, alors qu’il allait asséner le même sort à un deuxième homme en le projetant. L’espace d’une seconde qui sembla se rallonger, il me donna l’impression d’être happée par autre chose que le combat. Comme s’il avait senti quelque chose. Il renifla l’air.
Puis il tourna son visage dans ma direction et le temps reprit son cours.
Nos regards se croisèrent pendant un bref instant et une vague de terreur me prit. Je fis un bond en arrière.
Alors qu’il était déconcentré par ma présence sans que je ne sache réellement pourquoi, les scientifiques en profitèrent pour avoir le dessus. On lui planta une aiguille dans le cou. Je mis mes mains devant ma bouche.
Il se reprit et tenta de lutter encore, mais le produit contenu dans la seringue fit effet rapidement. Alors qu’il faisait quelques pas vers ma chambre – tandis que j’étais immobile, croyant voir la mort arriver vers moi, ne sachant pas si c’était une bonne ou une mauvaise chose –, il finit par s’écrouler.
Il eut la force de garder les yeux ouverts pendant encore quelques instants. Des yeux dorés, saisissants. Leur simple vision suffit à me faire frémir. Ils étaient rivés sur moi, même si j’étais cachée dans l’obscurité. Il savait que j’étais là. Il m’avait senti.
Mais au-delà de la terreur, je ressentais autre chose.
L’impression qu’il m’était familier.
S’agissait-il d’un des tueurs de mes parents ?
Car je savais que je n’avais jamais vu un seul métamorphe ici. S’il y en avait, je ne les avais pas croisés.
Il finit par s’endormir et la vision de cet homme, les paupières closes, me fit l’effet d’un coup de massue et mon cœur se serra sans que je ne comprenne pourquoi.
Impuissante, j’assistai à la suite de son calvaire. Plusieurs chasseurs accoururent pour le porter. Ils le conduisirent jusqu’à une porte, de l’autre côté du couloir, qui, je le savais, menait à des escaliers. Mais je n’avais jamais eu le droit d’y accéder.
Je finis par reculer et refermer la porte de ma chambre. Je devais rejoindre mon lit, m’endormir, et tenter d’oublier la présence du métamorphe – créature que je craignais –, à l’étage du dessous.
Mais je ne fis rien de cela.