Dynasties / Kyara [High Fantasy / Royauté / Intrigues politiques]

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vampiredelivres

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Dynasties / Kyara [High Fantasy / Royauté / Intrigues politiques]

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◊~◊~◊
« Sometimes severity is the price we pay for greatness. »
Margaery Tyrell – Game of Thrones
◊~◊~◊


ACTE I : L'HÉRITIÈRE
1/3
2/3
3/3



ACTE II : L'ÉTRANGÈRE
1/4
2/4
3/4
4/4


ACTE III : L'OUBLIÉE
1/3
2/3
3/3


ACTE IV : LA PACIFICATRICE
1/4
2/4
3/4
4/4


ÉPILOGUE


◊~◊~◊


Bonjour bonsoir,

Bienvenue dans l'univers (à peine) sanglant de Dynasties. Avant que vous ne vous engagiez plus loin, quelques mots pour vous introduire au concept.

Dynasties, c'est un recueil de trois histoires, pas vraiment des nouvelles, pas vraiment des romans, qui se déroulent sur le même continent, à quelques dizaines d'années de décalage. Dans l'ordre, ce seront donc :
Cassandra
Eliane
◊ Kyara

Chacune d'elles peut être considérée comme une histoire indépendante, mais elles se référenceront mutuellement, notamment pour Kyara qui se déroule dans la continuité d'Eliane. Cassandra n'est pas encore publiée, elle a été écrite il y a longtemps et intégrée au projet récemment, ce qui signifie qu'elle a besoin d'une grosse réécriture, notamment un changement de narration.

Au programme, du sang, des morts, un peu de violence.

Sur cette joyeuse note, bienvenue sur Kyara. Welcome to the trauma. :lol:


ACTE I : L'HÉRITIÈRE
(1/3)


Le parfum âcre de la poussière lourde qui s’accumulait dans la chambre, mêlé aux relents de maladie, faisait suffoquer la princesse. Elle se mordit les lèvres, la gorge en feu, s’avança à pas précautionneux sur l’épais tapis. Les regards attristés des servantes du Roi, qui se tenaient debout contre les murs pour lui laisser un semblant d’intimité, pesaient sur ses épaules.
— Kyara…
Ce n’était qu’un râle, à peine audible, qui parut pourtant résonner entre les murs sombres ornés de tentures. La princesse s’assit au bord du lit, prit la main osseuse et glacée qui reposait sur l’épais drap. Le contact faillit lui arracher un frisson, qu’elle maîtrisa d’extrême justesse.
— Père.
— As-tu pris ta décision ?
Elle ferma les yeux un instant, inspira profondément. La terreur pulsait dans ses veines ; elle aurait voulu courir se réfugier derrière les lourds rideaux. Mais elle n’en avait pas le droit. Elle était la princesse héritière du Royaume. Et le Royaume était en péril, tout comme son souverain qui dépérissait.
— Ciel va tomber. Je vais sortir ce soir… et négocier.
La fin de la phrase était passée après une inspiration hachée, qui avait un instant rompu la douce mélodie de sa voix.
— Combien de morts ? murmura le Roi, paupières closes.
— Un millier durant la dernière bataille…
Elle avait dû forcer les mots au travers de sa gorge enrouée. Un millier de morts. Mille hommes qui avaient péri pour défendre la cité, sans que les troupes adverses ne semblent décroître d’un seul soldat. Le Corbeau lui-même était monté, l’espace de quelques minutes, au sommet des remparts, au mépris des carreaux d’arbalète et de l’huile bouillante, des flèches et des épées affûtées des défenseurs. Au bout du compte, les hauts murs qui faisaient la fierté de la ville avaient été inutiles : l’ennemi était parvenu au sommet, juste pour les narguer, et était redescendu de son plein gré, parce qu’il savait déjà qu’il vaincrait.
Son père inclina lentement la tête sur le côté, vers elle, et ouvrit les yeux. Son regard marron sombre, embué par la douleur que les remèdes ne parvenaient qu’à atténuer, se ficha dans les prunelles noisette de sa fille. Un rictus amer, empli de désillusions, étira ses lèvres.
— Tu n’es pas prête… souffla-t-il d’une voix malade, brisée par une quinte de toux. Mais je ne suis plus en état de gouverner… Et tu n’as pas le tempérament d’une conquérante…
Tout en parlant, le Roi s’était légèrement redressé dans son lit. Une servante vigilante accourut, releva les coussins derrière lui pour lui permettre de s’adosser plus confortablement. La princesse, elle, se mordit les lèvres, sachant déjà ce qui l’attendait. Son cœur tambourinait dans sa poitrine alors que les paroles rituelles, qu’elle avait mille fois entendues dans la bouche de ses précepteurs, résonnaient dans son esprit. Elle ploya le genou, sa robe vaporeuse se froissant sur le sol gorgé de poussière.
L’Empereur prit la couronne d’or massif, ornée de joyaux bleus, qui reposait sur sa table de chevet, la souleva au-dessus du crâne de sa fille.
— Princesse Kyara d’Helvethras. Jures-tu de servir ton peuple, de l’écouter et de l’aimer ?
L’emploi du titre officiel figea la jeune femme, bloqua les mots dans sa gorge. Elle n’était pas prête. Elle le savait, et son père en était conscient, lui aussi. Pourtant, il la couronnait malgré tout, ici, dans l’intimité morbide de cette chambre infestée par la maladie. Il lui léguait le pouvoir, fuyait ses responsabilités tant qu’il était encore lucide, conscient qu’il ne serait plus de ce monde bien longtemps.
— Je le jure… parvint-elle enfin à proférer avec difficulté.
— Jures-tu de protéger le Royaume, sa population et sa prospérité ; d’être juste et généreuse envers tes sujets, mais aussi d’être impartiale et sévère lorsque les circonstances l’exigeront ?
Il y avait une doucereuse ironie dans son ton lorsqu’il lui demanda de protéger le Royaume, alors que tous se savaient à quelques heures – quelques jours, si l’on voulait être optimiste – d’une défaite cuisante. Ses yeux sombres paraissaient étinceler dans la lumière des flammes. Cette fois-ci, Kyara ne put retenir le long frisson glacé qui descendit le long de sa colonne vertébrale. Le cœur battant à tout rompre, elle inclina la tête et murmura :
— Je le jure.
— Alors, embraya son père sans lui laisser le temps de respirer, je te donne ma bénédiction, et abdique en ta faveur. Que le Temple soit témoin de ma décision.
La couronne demeura suspendue là où elle était, à quelques centimètres des cheveux argentés de Kyara, telle une menace. Tous ceux présents dans la pièce parurent retenir leur respiration, et l’espace de quelques secondes, il n’y eut que les crépitements de l’âtre pour briser le silence qui s’était installé.
Puis, les flammes se réduisirent à de minces flammèches, qui osaient à peine caresser les épaisses bûches à moitié carbonisées. La luminosité de la chambre chuta drastiquement, tout comme la température. Kyara, dans sa robe à manches courtes, sentit sa peau se hérisser, soudain couverte de chair de poule. Elle voulut prendre une inspiration nerveuse, mais l’air était bloqué dans ses poumons gelés.
Une vive lumière, froide et crue, jaillit soudain du centre de la pièce, illumina les tentures pourpres, aveuglant tous ceux qui se trouvaient à l’intérieur. Lorsqu’ils purent à nouveau ouvrir les yeux, une femme auréolée de blancheur se tenait debout, au centre de la chambre. Les pointes de ses cheveux pâles, presque autant que son teint blafard, se mouvaient doucement près de sa taille, frôlaient sa longue robe grise, comme agités par un vent inexistant. Son regard azur délavé, plus froid que la glace, était plongé dans celui de l’ancien Roi, et ne semblait pas vouloir le relâcher.
— Lâche est celui qui se soustrait à son devoir avant que son heure ne soit venue, asséna-t-elle, accusatrice. Mais le Temple a entendu ta prière, et veillera à ce que tes vœux soient respectés.
L’Empereur s’était figé lorsque les reproches, tranchants comme des couperets, s’étaient abattus. Mais il laissa échapper un sourire rassuré en entendant la fin de la phrase, et déposa la couronne sur la tête de sa fille avec soulagement. Cette dernière se releva en tremblant, bras croisés sur sa poitrine dans la fraîcheur des lieux, et coula un regard nerveux à son père, qui la regardait à peine.
— Si le Temple accepte mes services, murmura-t-il, à peine audible, je deviendrai son serviteur jusqu’à la fin de mes jours pour me faire pardonner ma couardise.
L’ambiance de la pièce se dégrada encore un peu. Kyara n’aurait jamais cru possible de sentir émaner tant de froideur et de réprobation d’une seule personne. Même son père ne parvenait pas à être aussi impressionnant lorsqu’il était furieux. Mais la prêtresse aux cheveux blancs n’avait d’humaine que son apparence ; elle irradiait d’une telle puissance magique que même ses plus imperceptibles émotions vibraient dans l’air autour d’elle. Sa colère actuelle prenait le pas sur tout le reste, et Kyara aurait tout fait pour se trouver à mille lieues de là, si elle avait pu bouger sans attirer l’attention sur elle.
— Le Temple n’est pas un refuge pour les âmes en perdition, rongées par leur propre prétention, rétorqua la prêtresse, ses yeux de givre étincelants de colère. J’officierai à la cathédrale cette nuit, si vous avez besoin de moi, Majesté.
Sa dernière phrase avait été prononcée la tête tournée sur le côté, vers la princesse qui, prise dans le faisceau de ces prunelles glacées, fut prise d’un léger vertige. Elle avait l’impression que ce simple regard la paralysait, l’empêchait de bouger. Mais déjà, la prêtresse s’était détournée, et s’éloignait dans les couloirs sombres, irradiant de lumière comme la lune au cœur de la nuit, sandales légères claquant contre le sol de pierre.
Kyara, immobile, l’observa s’en aller tranquillement, sans avoir ne serait-ce que songé à demander la permission royale, comme tout autre courtisan l’aurait fait.
— Sois digne de ton rôle… murmura soudain l’ancien Roi, brisant le silence qui s’était installé.
Brutalement consciente du poids terrifiant de la couronne sur sa tête, la princesse sentit les larmes affleurer dans ses yeux. Elle pivota sur ses talons, incapable de les réprimer, bouscula Aidan en fuyant hors de la pièce, sans chercher à cacher les sillons qui striaient ses joues.

Au crépuscule, un puissant vent s’était levé. Il balayait les plaines au pied des remparts, charriait avec lui la puanteur de cadavres en décomposition. Les relents de chair morte et d’hémoglobine soulevaient le cœur de Kyara, lui donnaient le tournis. Peinant à maintenir sa jument effarée au pas, elle suivit les gardes qui la précédaient sur le champ de bataille, en direction de la zone neutre, incapable de détacher ses yeux du carnage qui l’entourait. Partout autour d’elle, elle ne voyait que des boucliers ornés de l’étendard d’Helvethras, tombés au sol, maculés de poussière et de sang, des casques fendus et des silhouettes inertes. Même dans ses pires cauchemars, elle n’avait jamais imaginé l’horreur qu’un seul homme pouvait déchaîner en se montrant persuasif.
Et il se tenait devant elle. Le Corbeau, dans toute sa splendeur. Large d’épaules, sanglé dans une armure de cuir noir qui ne dissimulait rien de sa musculature massive, monté sur un destrier bai aussi immobile qu’un chat à l’affût, il la regardait approcher. Sous le casque qu’il portait, elle ne voyait pas ses yeux, mais elle sentait son regard peser sur ses épaules comme une chape oppressante.
À côté de lui, une silhouette plus fine, cachée sous une épaisse cape, guettait elle aussi l’arrivée de l’escorte royale. Kyara n’aurait su dire si c’était une femme ou un homme, mais au vu de l’imposante épée bâtarde qui était suspendue à sa selle, elle penchait plus pour le second cas de figure. L’arme était lourde, même pour le cheval.
Parvenue à côté de ces deux figures masquées qui menaçaient la cité de Ciel, même escortée par une vingtaine de gardes, Kyara se sentait minuscule et vulnérable. Elle s’enveloppa un peu plus dans ses fourrures, tenta de se donner l’allure de la Reine qu’elle était censée être, mais en vain. Face à cet homme qui avait mis Helvethras à genoux en l’espace de quelques décades, elle se sentait incapable de paraître forte.
— Votre Majesté, la saluèrent ses ennemis d’une même voix.
La gorge nouée, elle inclina la tête sur le côté, stupéfaite de les entendre s’adresser à elle avec respect, en employant son titre qu’elle risquait de ne pas pouvoir conserver bien longtemps. Mais elle devait parler. Elle était là pour ça, pour négocier la meilleure reddition possible pour son royaume. Reddition. Le terme avait un goût amer de défaite et de honte. Elle dut s’éclaircir la gorge avant de pouvoir énoncer une phrase correcte.
— Nous… nous vous avons vu hier au sommet des remparts…
Le commandant adverse ne bougea pas d’un cil. Avec son heaume, il était impossible de distinguer une expression sur son visage. Kyara poursuivit, nerveuse :
— Mais vous n’avez pas envahi la ville, alors que la victoire était à votre portée. Pourquoi ?
— À votre avis ? interrogea l’autre silhouette, un sourire dans la voix.
Le ton clair, indubitablement féminin, perturba la princesse. Elle cilla, essayant de deviner des courbes de femme sous la cape, sa stature assez forte pour manier une telle épée, mais impossible. Elle hésita. La réponse qu’elle avait sur le bout de la langue était naïve, presque enfantine. Mais c’était la seule qu’elle avait.
— Vous ne voulez pas de dommages inutiles au sein de la population.
Un rire cristallin échappa à la femme masquée. Le Corbeau, lui, demeura imperturbable ; une véritable statue de pierre, aussi inerte que les centaines de soldats qu’il avait laissés morts sous sa lame, sur le champ de bataille. L’image provoqua un long frisson le long de l’échine de la princesse, qui dut serrer plus fermement les mains sur ses rênes pour les empêcher de trembler.
Mais aucune réponse ne vint, ni de la part de la femme, ni de celle de l’homme. Un instant seulement, Kyara se permit une pensée douloureuse : qu’aurait fait son père, à sa place ?
Il serait allé droit au but. Pas de circonvolutions grammaticales inutiles, pas de bavardages intempestifs. Il aurait regardé la réalité, froide et amère, en face. Du moins il aurait essayé.
— Vous auriez dû envoyer votre oncle, Altesse.
Cette fois-ci, c’était le Corbeau qui avait parlé. Sa voix, douce mais profonde, ne contenait pas une once de menace, et contrastait violemment avec sa silhouette massive. La princesse sentit son sentit son cœur faire une embardée nerveuse, alors qu’elle tentait de déchiffrer le sens de la phrase. Aidan lui avait dit la même chose, quelques heures plus tôt, en insistant sur les risques que le Royaume encourrerait si elle venait à être capturée. Elle avait compris son inquiétude, mais avait rétorqué que, dans le pire des cas, ce serait à lui de prendre le pouvoir, et qu’elle ne s’y opposerait pas.
Mais là, venant de la part d’un étranger qui mettait son royaume à feu et à sang, la sollicitude contenue dans cette même remarque était incongrue.
— On vous l’a probablement recommandé… poursuivit-il, pensif. Mais vous êtes venue malgré tout. Savez-vous qui je suis ?
Kyara cilla, surprise. Était-elle censée le connaître, autrement que par les rumeurs qui le précédaient, les histoires qui couraient sur l’impitoyable héritier d’Avalaën ? La voix ne lui rappelait certainement rien. En outre, elle la perturbait, car elle était bien plus douce que ce à quoi elle se serait attendue. Et son helvethrien parfait, exempt de tout accent, aurait pu le faire passer pour un natif du royaume sans le moindre problème.
La voyant aussi troublée, le Corbeau marmonna, un semblant de rancœur dans la voix :
— Bien sûr qu’il ne vous a pas dit… Tant pis. Mes revendications sont simples, Majesté. La soumission totale du Royaume, et la vôtre.
Kyara recula brusquement sur sa selle, les joues brûlantes de rage et de honte. Pour qui se prenait-il, ce rustre ?!
D’un violent coup de talons, elle obligea sa monture à faire volte-face. La jument poussa un hennissement de protestation, se braqua en voyant les soldats immobiles qui peinaient à comprendre ce que leur nouvelle Reine avait en tête. Le temps qu’ils se réorganisent pour l’entourer à nouveau, la voix du Corbeau résonnait à nouveau autour d’eux, chargée d’une indicible menace.
— Nous serons dans la ville à l’aube, Votre Altesse, que vous nous ouvriez les portes ou non. Le destin des habitants d’Helvethras ne dépend que de vous.
Furieuse de se sentir aussi terrorisée par de simples mots, Kyara poussa son cheval au galop, droit vers les remparts qui avaient abrité son enfance.

Les dernières étoiles se mouraient lentement sur la voûte bleutée, rongées par la lumière grandissante qui nimbait le ciel à l’est. Debout sur les marches du palais, entourée d’une foule silencieuse qui guettait avec inquiétude sa décision, Kyara frissonnait. À sa droite, son oncle Aidan, raide, gardait sa tête haute et ses yeux loin au-dessus de la population. À sa gauche, la prêtresse du Temple sondait la foule de son regard polaire. Sa simple présence suffisait à maintenir le calme dans l’assemblée.
Depuis la nuit des temps, les prêtres du Temple étaient autant chez eux à Helvethras que la famille royale. Les dynasties pouvaient se succéder, leur présence à eux dans la vie du royaume demeurait immuable. Leur simple présence témoignait de la grâce que le Temple accordait, encore et toujours, à la population. Ils étaient guérisseurs, mages et juges, pour peu qu’on ose se présenter devant eux.
Lorsque la princesse était sortie, ayant difficilement endossé sa couronne de Reine, pour faire face à la population qui voulait savoir ce qui adviendrait d’eux, il y avait eu des cris. Terreur et colère, menaces et suppliques. Mais l’apparition presque miraculeuse de la prêtresse, qui avait fendu les rangs, parcourant à pied la longue allée qui menait du palais à la cathédrale, avait apaisé les esprits. Elle n’avait pourtant pas dit mot. Mais le pouvoir qui émanait d’elle avait ramené le silence, surtout lorsqu’elle était venue se poster près de la souveraine.
Au fond d’elle-même, Kyara était terrorisée. Elle aurait voulu courir, loin de ses responsabilités, loin de cette mante écrasante qui pesait sur ses épaules. Mais elle ne pouvait pas, le poids de la couronne sur sa tête le lui rappelait à chaque instant.
Près des remparts, que l’on distinguait à peine dans la distance, un étrange éclat dansant apparut soudain. Il fut suivi d’un autre, puis d’un suivant, et ainsi de suite, une multitude de petits points, de plus en plus proches, s’allumèrent le long de l’immense rue bondée de monde, sur le toit des maisons. Lorsque le signal lumineux – des torches, en vérité – parvint jusqu’au palais, un garde parmi la centaine qui maintenaient la foule en respect, loin de la princesse, se détacha du groupe, et s’élança à l’assaut des marches. Parvenu devant sa souveraine, il s’immobilisa, déjà à bout de souffle à cause de son lourd armement, et souffla :
— Ils approchent, Votre Majesté.
Ces quelques mots provoquèrent dans l’esprit de Kyara un tourbillon d’émotions contradictoires, allant de la haine au désespoir, en passant par la douleur de ses illusions brisées. Elle avait espéré, à l’approche de l’aube, comme une enfant, que le Corbeau changerait d’avis. Réaction gamine, qui l’avait hantée trop longtemps, qu’elle avait tentée de chasser au plus vite. Mais elle n’avait pu s’empêcher de garder une pointe d’espoir, au fond d’elle-même.
La réalité la rattrapait, désormais. Et les regards, inquiets et nerveux, de son peuple, l’obligeaient à prendre une décision. Ce n’était pas son choix, au fond, même si c’était l’option raisonnable. C’était le seul moyen d’éviter un massacre. Et, au fond, elle entendait les mots qu’elle avait prononcés face à son père qui résonnaient dans son esprit. Sa vie n’était rien, par rapport au Royaume.
— Ouvrez les portes… murmura-t-elle.
Elle sentit le regard polaire de la prêtresse qui l’effleurait, l’espace d’un instant, la faisait trembler de froid même sous ses fourrures. Aucun reproche, aucune connotation accusatrice. Juste de la curiosité distante, sans jugement. Kyara se tourna vers elle, une interrogation lui ayant brièvement effleuré l’esprit.
— Que serait-il arrivé s’il avait conquis le Royaume ?
Un fin sourire affleura sur le visage pâle.
— Que voulez-vous qu’il advienne ? rétorqua-t-elle. Le Temple n’intervient pas dans la politique de ce royaume. Et le Corbeau en est pleinement conscient.
— Comment le sait-il ?
La prêtresse ne dit rien, riva son regard au loin. Le son de trompettes lointaines, utilisées pour annoncer l’ouverture des portes sud, résonna dans l’air. Ils entraient par le pont de l’Aube-Rouge, ce même pont qui avait symbolisé durant des étés la libération d’Helvethras de la domination avalonienne.

Un murmure enflait dans la foule au fur et à mesure que la masse sombre s’avançait dans la large rue centrale. Bientôt, au pied des marches du palais, les gens se mirent à s’agiter, gagnés par la peur. L’armée ennemie fendait la cité sans que personne n’ose la repousser ou s’interposer. Un instant, Kyara songea à un guet-apens. Aidan avait suggéré l’idée, mais après réflexion, la princesse l’avait repoussée. Une fois les portes ouvertes, une fois les Bataillons Sanglants au cœur de la ville, la bataille se transformerait en un massacre où de nombreux citoyens innocents perdraient la vie. Elle regarda donc sans bouger les soldats adverses tracer leur chemin telle une coulée de lave noirâtre, figée par la terreur et la honte. Quand, enfin, le premier Bataillon s’arrêta en bas des larges escaliers, elle sentait les larmes perler au coin de ses paupières.
Deux silhouettes sombres, à peine différentes du reste, se détachèrent, et parmi elles, la princesse reconnut les larges épaules et la musculature imposante du Corbeau, et la silhouette plus fine de la femme qui l’avait accompagné, la veille. Ils grimpèrent deux à deux les escaliers côte à côte, sans paraître prendre en considération la garde royale, vêtue de bleu ciel, qui se tendait à leur approche. Une première larme coula le long de la joue de Kyara quand le Corbeau se planta face à elle, lui attrapa le menton entre ses doigts gantés de métal, et l’obligea à lui faire face. Dans la fente de sa visière, elle discerna deux iris d’un bleu-violet stupéfiant, froids et dénués d’émotions, vides de pitié.
— Il semblerait que vous ayez choisi, souffla-t-il, et sa voix sonna comme le glas du royaume.
Elle laissa échapper un sanglot étouffé, baissa les yeux, mais ses genoux refusèrent de ployer. Un dernier reste de fierté la maintint encore un instant debout, jusqu’à ce que l’homme la repousse rudement. Elle s’affala sur les marches de pierre, les joues baignées de larmes. Le Corbeau leva la main.
— Amenez-moi le Roi, lâcha-t-il en avalarë.
La double rangée noire au bas des marches se rompit brusquement, les soldats s’élancèrent dans le palais au pas de course. Kyara, toujours au sol, n’osait se relever. La masse gluante du temps qui s’écoulait lentement la happa dans un tourbillon de terreurs silencieuses et étouffantes. Le silence pesait sur la place centrale. Les Bataillons Sanglants restants se faufilaient dans les rangs, envahissaient l’espace, formaient de longues doubles colonnes qui séparaient la foule en blocs distincts. Quand, enfin, le Roi apparut, traîné dans les escaliers en robe de nuit, un bref tumulte éclata dans quelques blocs, mais un peu de sang gicla, suffisamment pour convaincre les plus hardis de ne pas tenter leur chance. La crainte et l’horreur se propagèrent dans les rangs comme une maladie contagieuse, et le silence retomba.
La silhouette féminine carra les épaules, tira son épée. Dans la clarté matinale, le fil de la lame était d’un gris terne, mort, mais une fois levé, il capta un instant un rayon de soleil, et s’anima d’une vie propre. Kyara croisa le regard marron de son père, lut dans ses yeux sa terreur et ses regrets. Son teint était pâle, grisâtre. La maladie avait rongé son corps, réduit sa chair à des lambeaux décharnés. Les gardes le relâchèrent au bas des marches, et il s’affaissa sous son propre poids.
— Pathétique, siffla la femme, basculant à l’helvethrien avec une facilité désarmante.
Le Roi releva brusquement la tête, comme électrisé, ouvrit la bouche pour parler, mais elle ne lui en laissa pas le temps. Elle abattit sa lame, et la tête au teint cireux roula sur les dalles de pierre. La foule hurla, davantage de sang coula.
Kyara, sonnée, était incapable d’appréhender les faits. Elle vit les horreurs se dérouler à quelques pas, les soldats des Bataillons Sanglants qui transperçaient des gens du peuple de leurs lances ou de leurs épées, la tête de son père qui finissait de dégoutter son sang dans les fissures entre les larges pavés. Rien n’avait de sens. Même quand on la releva pour la jeter à nouveau aux pieds du Corbeau, qui arracha la couronne de sa tête et la présenta à la femme encapuchonnée, Kyara demeura amorphe, comme vidée de toute énergie. Son oncle Aidan, pris d’une rage folle, voulut se précipiter sur le Corbeau, mais fut vite maîtrisé, et son sang rejoignit celui de son frère sur le pavé quand on lui ouvrit la gorge. Le Capitaine de la garde royale ainsi que le Général en chef des armées d’Helvethras furent mis en joue par un quatuor d’archers, un périmètre de sécurité fut établi. Le temps que la princesse reprenne ses esprits, elle était debout, encadrée par deux gardes massifs, qui la soutenaient plus qu’ils ne maintenaient.
— Ça suffit… murmura-t-elle, le visage baigné de larmes. Ça suffit… ÇA SUFFIT !
Son cri porta par-dessus les huées, les hurlements et les plaintes ; les premiers rangs s’apaisèrent, et le mouvement de calme gagna facilement un tiers de l’assemblée. Dans le fond, les rixes se poursuivaient, mais Kyara sut instinctivement qu’elle ne pourrait pas réinstaurer la paix aussi simplement là-bas.
La femme, toujours encapuchonnée, demeura un instant tournée vers elle, songeuse. Dans ses mains, les saphirs qui ornaient la couronne réfractaient dans toutes les directions les pâles rayons de l’aube. Elle avait confié son épée encore sanglante au soldat à ses côtés. Un instant, il sembla à Kyara que ses mains tremblaient, mais ce fut une vision furtive, si floue qu’elle crut avoir rêvé. D’un geste lent, posé, elle rejeta sa capuche, et l’assemblée émit un hoquet de stupeur en voyant ses traits féminins, comme taillés à la serpe, d’une beauté brute. Ses longs cheveux bruns avaient été rassemblés en épaisse tresse qui plongeait sous sa cape noire, son front était ceint d’un bandeau d’acier, avec une plaque de métal qui descendait en pointe jusqu’à son nez, et deux autres bandes qui couvraient ses tempes. Ses yeux étaient d’un bleu azurin, aussi glacial que ceux de la prêtresse. Quand les deux femmes se firent face, une tension électrique s’empara de l’assemblée, qui se mit à murmurer.
— Au nom de Son Altesse Impériale Saedor d’Avalaën, premier du nom, déclara l’inconnue dans la langue du Royaume, je souhaite préserver le lien des quatre provinces avec le Temple. Mais Helvethras n’est plus. Je gouvernerai les nouveaux territoires d’Avalaën en lieu et place de mon époux.
Sa voix ferme, assurée, fit trembler Kyara, qui parvint avec ses mots à enfin mettre une identité sur cette femme. C’était l’impératrice inconnue, l’éminence grise qui secondait l’Empereur Saedor depuis son enfance, sans jamais dévoiler son identité ou laisser transparaître son rôle réel dans la politique de l’Empire. Même à Avalaën, seule une poignée de proches conseillers, indéfectiblement loyaux, pouvaient se targuer de connaître son nom.
Et ses yeux… ses yeux étaient pour Kyara étrangement familiers. Elle n’aurait su dire si c’était parce qu’elle avait vu un jour un portrait aux yeux similaires, ou si c’était parce qu’ils étaient si semblables à ceux de la prêtresse du Temple, mais elle avait l’impression de les connaître.
— La voie de l’ombre… murmura la prêtresse, si bas que la princesse l’entendit à peine. Elle t’avait été destinée dès ta naissance, pourtant je n’aurais jamais songé que tu puisses te fondre à ce point dans ses ténèbres.
Un fin sourire étira le visage de la femme, sombre, venimeux, et elle tourna lentement la tête vers Kyara, qui frissonna jusque dans ses os.
— Nous choisissons tous le chemin que nous arpentons, souffla-t-elle. Les accords du Temple seront-ils maintenus ?
— Ils le seront.
Face à l’aval de la prêtresse, la population s’apaisa, morose. Si même le Temple ne les défendait pas contre l’envahisseur, qui le ferait ?
Le Corbeau fit un signe de tête à ses troupes, lança des ordres d’un ton sec. Kyara, toujours fermement maintenue par ses chiens de garde, fut traînée vers l’intérieur du palais.

◊~◊~◊

ACTE I (2/3)
Dernière modification par vampiredelivres le sam. 20 mai, 2023 11:43 pm, modifié 19 fois.
DanielPagés

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Re: Dynasties / Kyara [High Fantasy / Royauté / Intrigues politiques]

Message par DanielPagés »

Je passais par hasard... 8-)
Que dire... Bravo ! ça commence mal !! :lol:
T'es très forte. ❤
Continue !
louji

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Re: Dynasties / Kyara [High Fantasy / Royauté / Intrigues politiques]

Message par louji »

vampiredelivres a écrit : dim. 28 mars, 2021 10:14 pm Sur cette joyeuse note, bienvenue sur Kyara. Welcome to the trauma. :lol: [/b][/size]
Bon, voilà, je retiens ça moi :cry:

En vrai, t'as déjà eu ma réaction à chaud hier soir, mais je suis très contente (et très traumatisée d'avance) de retrouver l'univers de Dynasties. Ce 1er chapitre est assez étonnant dans la mesure où on assite à un couronnement puis à une soumission, mais ça donne le ton pour la suite :lol:
Bien envie de savoir ce qu'il advient des autres provinces (je me demande comment s'est placée Ombre par rapport à Avalaën notamment), comment est la géopolitique globale... Et, surtout, ce que Kyara va devenir... :? (j'ai un peur qu'elle devienne une sorte de jouet du Corbeau, j'sais pas pourquoi je la sens mal comme ça x) )

Bon, autrement, pas de pression, on attend tranquillou les chapitres :mrgreen:
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Re: Dynasties / Kyara [High Fantasy / Royauté / Intrigues politiques]

Message par vampiredelivres »

DanielPagés a écrit : lun. 29 mars, 2021 11:53 am Je passais par hasard... 8-)
Que dire... Bravo ! ça commence mal !! :lol:
T'es très forte. ❤
Continue !
Oh, Danou ! ❤
(En même temps, "ça commence mal", ça commence à devenir un classique dans mes histoires, non ? :lol: )
Merci en tout cas !

louji a écrit : lun. 29 mars, 2021 1:46 pm Bon, voilà, je retiens ça moi :cry:

En vrai, t'as déjà eu ma réaction à chaud hier soir, mais je suis très contente (et très traumatisée d'avance) de retrouver l'univers de Dynasties. Ce 1er chapitre est assez étonnant dans la mesure où on assite à un couronnement puis à une soumission, mais ça donne le ton pour la suite :lol:
Bien envie de savoir ce qu'il advient des autres provinces (je me demande comment s'est placée Ombre par rapport à Avalaën notamment), comment est la géopolitique globale... Et, surtout, ce que Kyara va devenir... :? (j'ai un peur qu'elle devienne une sorte de jouet du Corbeau, j'sais pas pourquoi je la sens mal comme ça x) )

Bon, autrement, pas de pression, on attend tranquillou les chapitres :mrgreen:
Tu ne retiens que ce qui t'intéresse :lol: :lol: (En vrai t'as raison x) )

Alors oui, en un chapitre, Kyara est couronnée et détrônée… c'est un peu le foutoir. Et oui, ça donne le ton… Kyara n'est pas exactement de ces héroïnes qui luttent ou qui ont le pouvoir de changer les choses… du moins pas pour le moment.
Tout ça sera évidemment abordé en temps et en heure. Et puis, il y aura quelques callbacks plus à Ombre, plus ou moins discrets en fonction du cadre… et puis on reverra certains persos ^^ Mais la géopolitique globale du continent est actuellement… bordélique on va dire… même si bon, la conquête d'Helvethras résout quelques conflits latents x)

Pour le sort de Kyara… on en reparle dans le prochain chap, ok ? :mrgreen:
Oui bah hein, j'ai posté sur un coup de tête, maintenant va falloir que je gère. :lol:
Mais merci pour le comm, la bise ~
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Kyara I (2/3)

Message par vampiredelivres »

L'HÉRITIÈRE
(2/3)


Kyara ouvrit les yeux dans l’obscurité quasiment totale de sa chambre, dont les rideaux avaient été tirés. Elle poussa un grognement de douleur en s’étirant, considéra un instant la chambre presque vite. Quand ses yeux rencontrèrent les silhouettes rigides des soldats du Bataillon Sanglant plantés devant sa porte et, glissèrent sur les arêtes cassantes de leur armure, elle dut lutter pour refouler l’amertume dans sa gorge et les larmes qui montaient. L’image de son père décapité papillonna devant ses paupières entre deux battements de cil, elle dut ravaler un sanglot en songeant à la morne journée qui l’attendait.
Comme chaque jour depuis près de deux décades, elle se redressa pour se diriger vers la salle d’eau, talonnée par l’un des trois gardes, se soulagea, revint dans son lit en essayant d’ignorer la présence des soldats avaloniens qui envahissaient son espace le plus intime, se replia dans le lit avec un livre et n’en bougea plus. La lecture était devenue son unique échappatoire pour occulter la monotonie du quotidien et l’horreur des souvenirs. Enfermée dans le palais qu’elle avait toujours arpenté librement, surveillée et encadrée, privée de tous ses proches, elle avait vite sombré dans une morosité apathique que seul un livre pouvait temporairement chasser.
Soudain, les portes s’ouvrirent à la volée. Plongée dans un demi-sommeil, Kyara battit des paupières pour chasser les relents de torpeur qui lui abrutissaient l’esprit. Mais, quand elle discerna la silhouette massive du Corbeau entre les battants, elle se redressa d’un bond et se replia au fond du lit, le cœur battant la chamade. Elle sentit ses iris, qui dans l’obscurité tiraient vers le violet, s’appesantir sur sa silhouette recroquevillée, remonter à son visage. Elle fut incapable d’y discerner ne serait-ce qu’une pointe d’émotion.
— L’Impératrice requiert ta présence, annonça-t-il d’un ton froid, tranchant.
Le respect et la politesse qu’elle avait entendus dans sa voix sur le champ de bataille, deux décades plus tôt, s’étaient évaporés au moment où il avait arraché la couronne de sa tête. Elle n’avait guère eu l’occasion de le croiser souvent durant les rares sorties qu’on lui permettait, mais depuis qu’ils avaient pris possession du palais, il ne s’adressait à elle qu’en termes à peine courtois, d’une rigueur militaire.
Ses pensées s’étaient emmêlées. Le temps qu’elle réalise qu’il attendait effectivement une action de sa part, il avait fait un signe de tête, et le garde près de la fenêtre – qui s’avérait être une femme – la tirait déjà hors du lit par les poignets. Malgré son armure, elle releva Kyara avec une certaine douceur, parvint même à l’aider à rester debout quand elle vacilla, puis la poussa délicatement vers le dressing. Là, malgré les réticences de la princesse, la soldate lui retira sa robe de nuit, lui fit enfiler ses bas de soie et une chemise fine, serra les lacets de son corset. D’abord figée, Kyara finit par se laisser aller aux mains assurées de l’autre femme tandis qu’elle brossait ses cheveux, attachait les boutons de sa robe. Fin prête en moins de temps qu’elle ne l’aurait espéré, elle se retrouva encadrée par ses molosses. Entre temps, le Corbeau avait disparu.
Quelques minutes plus tard, elle parvint devant les portes grandes ouvertes de l’austère salle du trône. Son souffle se bloqua dans sa poitrine quand elle vit le petit groupe d’enfants à l’intérieur, et la silhouette solitaire assise sur le trône. Poussée par les soldats, elle s’avança. Elle fut frappée par le silence absolu qui régnait entre les épais murs de pierre, dans cette salle qui avait toujours résonné de murmures. Même les enfants n’osaient pas bouger d’un cheveu ni souffler mot. Immédiatement, elle sentit le regard bleu polaire de l’impératrice se verrouiller sur elle, et la même sensation de froid qu’elle ressentait habituellement en croisant le Corbeau la pétrifia. Elle devina son ombre dans un coin, mais se sentit incapable de tourner la tête vers lui, tant le regard de glace était paralysant.
Parvenue au centre, les gardes l’abandonnèrent, se postèrent chacun devant une porte, et les immenses vantaux se refermèrent pour barrer l’accès de la pièce aux inconnus.
Lentement, l’usurpatrice se redressa sur son trône, croisa les jambes. Son long pantalon noir, évasé aux mollets, était serré à sa ceinture par une large lanière de cuir sombre, et plaqué contre les cuisses par ses jambières de métal. Kyara ne l’avait plus vue depuis la prise de Ciel, où son visage avait longtemps été couvert de sa capuche. Cette fois-ci, elle put détailler sans mal ses traits froids, étrangement semblables aux visages des habitants du Royaume d’Ombre. L’impératrice la fixait sans animosité, mais avec une sorte d’amusement mesquin au fond de ses prunelles de glace. Le haut de son corps sanglé dans un bustier à peine différent de celui de ses troupes, sous lequel transparaissait une chemise à manches longues rouge sang, figée sur le trône telle une statue de glace, elle irradiait d’une aura de puissance si écrasante que Kyara eut envie de pleurer. Cette femme, aussi inconnue lui soit-elle, aussi étrangère à Helvethras soit-elle, était plus reine qu’elle-même ne le serait jamais. Elle dominait la pièce par sa seule présence, polarisait tous les regards, y compris ceux des gardes, dans sa direction. Au cœur d’un royaume qui la haïssait, elle ne semblait craindre personne, s’arrogeant une position qui ne lui apporterait que le mépris du peuple.
Toujours prisonnière du faisceau glacial de l’impératrice, Kyara sentit la pression sur ses épaules s’intensifier, tant bien que ses jambes commencèrent à flageoler. Et, alors qu’elle pensait que, bientôt, elle s’effondrerait, la souveraine la libéra de l’emprise de son regard et se tourna vers le groupe d’enfants. La tête basse, Kyara se permit de leur accorder un coup d’œil.
Elle en reconnut la majorité en quelques secondes seulement. Il y avait Gatran, douze étés, des cheveux blonds et des yeux d’un noir profond, qui était l’un de ses cousins éloignés, arrière-petit-fils d’une arrière-grande-tante que Kyara n’avait jamais connue. Illen et Xaran, deux des plus vieux, avaient la quinzaine. C’étaient les enfants d’Helena, ministre influente et amie proche de Mara de Ciel, qui à l’approche de l’armée s’était enfuie à Eau, sa province d’origine. Kyara ressentit un bref pincement au cœur en songeant à sa mère, mais il s’estompa bien vite.
Il y avait une douzaine d’autres gamins qu’elle aurait pu citer de nom. Pour les autres, elle se rappelait leurs visages et savait les avoir vus au moins une fois par le passé, des étés plus tôt, même si leurs noms étaient flous dans sa mémoire. Ils paraissaient avoir entre quatre et dix-sept hivers au plus, et ils étaient tous de noble naissance, descendants de grandes familles des quatre provinces. Quand elle aborda l’idée sous cet angle, la raison de leur présence devint évidente.
— Présentez-vous, intima sèchement l’usurpatrice aux enfants en helvethrien.
Ils s’entre-regardèrent, perdus et effrayés. Isolée à la place solitaire où on l’avait placée, Kyara se garda d’intervenir, malgré les coups d’œil désespérés qu’ils lui lançaient. Le souvenir de son père, assis sur ce même trône, se superposait dans son esprit à l’image de sa tête désolidarisée de son corps qui roulait sur les pavés. Incertaine de pouvoir parler sans se mettre à pleurer, elle préféra garder ses lèvres serrées, au détriment des enfants. Le seul à qui elle osa jeter un bref coup fut Rowan. C’était un adolescent de haute taille, de deux étés plus vieux qu’elle. Il avait le crâne rasé, à l’exception d’une étroite bande de cheveux mi-longs qui partait du centre de son front et se terminait à la base de sa nuque, un nez d’aigle et un profil sévère, mais qu’elle avait toujours apprécié. Fils cadet d’Aymeric, le dirigeant de la province de Lumière, il était l’homme qui avait été suggéré plus d’une fois comme le profil parfait pour Kyara et, dès son enfance, elle en était venue à envisager une future vie avec lui.
— Je me nomme Rowan de Lumière, fils d’Aymeric de Lumière.
Kyara tressaillit. La soumission totale du Royaume, et la vôtre, avait dit Le Corbeau la veille de la prise de la ville. Elle se mordit la lèvre inférieure presque jusqu’au sang, les yeux embués. Il avait déjà le royaume, et s’il ne l’avait pas encore touchée, elle ne se faisait plus vraiment d’illusions sur ce qui l’attendrait une fois l’union officialisée.
— Faux, énonça posément l’Impératrice d’un ton narquois, mordant. Quelqu’un d’autre ?
— Thaïs d’Eau, lâcha une jeune fille, sa voix tremblante peinant à s’élever malgré le silence. Fille de…
— Faux.
— Illen de Ciel.…
— Faux.
— Je suis Gareth de Lumière…
— Faux.
Le jeu des questions-réponses se poursuivit encore quelques fois avec rares qui osaient parler, avec invariablement la même réponse. Quand plus personne n’osa répondre, l’Impératrice esquissa un sourire vicieux, serpentin, et se tourna vers Kyara.
— Voudrais-tu essayer ?
La princesse voulut détourner les yeux pour esquiver la question, mais n’y parvint pas, paralysée par les iris polaires.
— Je ne…
Elle se mordit la langue, prit quelques secondes pour songer à la situation. La souveraine en titre les avait rassemblés là, eux, les descendants des grandes familles du royaume. Mais elle avait rejeté les réponses de tous ceux qui avaient tenté de se présenter avec leur rang et leur province d’origine.
— Kyara, souffla-t-elle doucement.
— Fille de…?
— Cela importe-t-il réellement, maintenant ?
Elle regretta l’acidité de la question au moment où les mots franchissaient ses lèvres, mais il était trop tard. Instinctivement, elle se crispa, dans l’attente du châtiment, mais l’inconnue se contenta d’un sourire.
— Merci Kyara, tu m’amènes là où je voulais en venir. Vos origines n’importent plus. Vos rangs n’importent plus. Parce que vos familles, vos provinces et votre royaume, n’importent plus. Vous êtes désormais des Avaloniens.
Il y eut quelques murmures dans le groupe d’enfants, mais aucun n’osa se récrier suffisamment fort pour être entendu. Sauf Rowan.
— C’est faux. Je suis Rowan, fils d’Aymeric de Lumière, et vous ne pourrez pas m’enlever ça, affirma-t-il hardiment, le menton haut.
Les plus jeunes autour de lui s’écartèrent, les plus vieux lui jetèrent des regards angoissés. Rowan garda la tête haute, mais se fit livide quand le Corbeau fit un pas en avant et que sa voix grave résonna dans la pièce comme un grondement annonciateur de l’orage.
— Tu es soit personne, soit un ennemi. Et tu te doutes de ce qui arrive à mes ennemis.
Il n’était pas armé – enfin, pas de sa grande épée, même si Kyara se doutait qu’il gardait certainement au moins un couteau dans sa botte – mais sa simple silhouette était suffisamment menaçante pour que Rowan frémisse et se ratatine quelque peu sur lui-même.
— Qui es-tu ? demanda l’Impératrice, doucereuse.
À son ton, Kyara sut qu’elle ne se répèterait pas une troisième fois. Elle tourna la tête, parvint à accrocher le regard de Rowan, le supplia en silence de se taire. Elle songea à son père, à son oncle, à tous ceux qui étaient déjà morts simplement parce qu’ils avaient eu le malheur de posséder une once de pouvoir. Elle songea à elle-même, à sa position précaire, à ce qu’elle risquait si elle s’interposait. Et quand Rowan ne baissa pas la tête, elle s’étonna de trouver en elle-même la force de garder une voix forte, quoique tremblante.
— Votre Grâce, je vous en supplie… Pour ceux qui ont une famille, il serait inhumain de leur demander de la renier…
— Je ne le leur demande pas, je leur offre un choix. Leur famille ou leur vie.
L’Impératrice se tourna vers l’importun, poursuivit :
— Ton père t’a confié à moi parce qu’il savait que ce serait la seule manière de préserver sa lignée.
— Il m’a donné en otage ! se rebiffa Rowan.
L’un des plus jeunes se mit à sangloter doucement, et une fille s’accroupit à sa hauteur et le prit dans ses bras pour le réconforter et le calmer au plus vite. Kyara, consciente que l’adolescent ne faisait qu’empirer sa situation, reprit la parole, implorante :
— Par pitié Votre Grâce, laissez-lui la vie sauve !
Le Corbeau s’avança, et sa mère ne fit rien pour l’arrêter. Il s’immobilisa en face de Rowan, lui prit la nuque entre ses deux mains, le souleva du sol comme s’il ne pesait rien. Le teint du captif vira d’abord au gris, puis au rouge, puis au bleu. Ses respirations se firent saccadées, ses pieds battirent l’air vainement, il tenta de desserrer les doigts qui lui emprisonnaient la gorge. Les enfants se mirent à hurler. Puis, alors que ses yeux commençaient à se révulser, l’Impératrice intervint :
— Rowan ?
Le Corbeau le laissa brutalement tomber sur le sol, où il s’affala de tout son long, haletant, le visage congestionné. Des sillons de sel dévalèrent ses joues quand le général adverse lui releva brusquement la tête en l’agrippant par ses rares cheveux.
— Tu es patriote. Et suffisamment noble pour ne pas renier ta loyauté au péril de ta vie. Et j’ai promis à ton père de ne pas te faire du mal tant que sa province se soumettrait paisiblement.
Elle fit une brève pause, sembla réfléchir aux mots qu’elle allait employer.
— Enfermez-le. Je lui parlerai plus tard.
Songeur, le Corbeau parut considérer un instant l’idée de désobéir à un ordre direct de son Impératrice et de le tuer sur-le-champ, mais il finit par attraper Rowan par le col de sa chemise, le relever brutalement et le fourrer dans les bras de l’un des gardes, qui l’emmena dehors. Kyara sentit les larmes traîtresses couler le long de ses propres joues, elle tomba à genoux.
— Pitié…
— Oh, il ne va pas mourir. Pas tout de suite en tout cas.
Le silence se fit anxiogène, dévorant.
— Quelqu’un d’autre aurait un avis semblable à exprimer ?
Les enfants observèrent un silence tombal. Même celui qui s’était mis à pleurer parvint à demeurer silencieux, le nez enfoui dans les jupes de Delara, une jeune brunette à la peau mate et satinée. L’action de Rowan, qui avait certainement voulu remonter un peu le moral et montrer qu’ils n’abandonneraient pas aussi facilement leurs origines, eut en fin de compte l’effet inverse. Quand l’Impératrice demanda à ceux qui ne s’étaient pas encore présentés de le faire, ils demeurèrent muets sur leur province, leur titre ou leurs parents.
— Parfait. Sachez que vous partirez bientôt pour la Citadelle Rouge, où vous serez confiés à des familles influentes. Il faut que vous appreniez à connaître votre nouvelle patrie.
Elle fit un signe de la main, et ils furent emmenés dehors, encadrés comme un troupeau de moutons. Kyara seule demeura quelques secondes au centre de la salle du trône, toujours figée sous le regard inquisiteur de l’usurpatrice. Terrorisée à l’idée qu’elle doive subir un traitement spécial, elle faillit bien s’effondrer dans les bras de ses gardes quand la femme leur donna l’ordre de la ramener dans ses quartiers. Mais la pensée, lancinante, douloureuse, du sort de Rowan, demeura dans un coin de son esprit.

— Tu es mécontent, souffla Eliane une fois que les grandes portes se furent refermées.
Elle se redressa du trône, ses doigts glissèrent le long des accoudoirs, comme si elle rechignait à les lâcher. Le Corbeau détourna la tête, grommela.
— Je ne veux pas d’elle. Elle est… Elle est faible. Inintéressante. En plus, elle ne vaut rien, elle n’était même pas légitime au trône ! Son sang royal est un mensonge, tu étais l’héritière légitime après Vilhelm !
Eliane sourit doucement, s’approcha de lui, passa ses pouces sur ses tempes. Il ferma les yeux, sembla se laisser aller l’espace d’une minute quand elle effleura d’un geste tendre son menton hérissé de poils courts.
— Elle représente un espoir. L’espoir du peuple. Et l’espoir est une ressource aussi fragile que difficile à manipuler.
Il grommela dans sa barbe, leva sur sa mère ses yeux d’un violet perçant, lumineux, caractéristiques de son sang royal avalonien.
— Tu iras avec elle, Yngvar.
— Mais je…
— Le premier Bataillon escortera les otages jusqu’à la Citadelle Rouge. Et toi, tu escorteras ta future épouse pour que vous soyez mariés selon les traditions de chez nous.
— Mais…
— Même si elle n’a pas de réel sang royal, continuait l’Impératrice, imperturbable, le peuple d’Helvethras y croit. Et vos enfants à vous seront les maîtres incontestés des deux terres, quoi qu’il advienne.
Yngvar poussa un grondement de fauve, s’écarta brusquement, se mit à faire les cent pas dans la pièce.
— Et puis, poursuivit Eliane, elle n’est pas totalement dénuée d’esprit ou de compassion. Alors certes, elle ne sera jamais l’une des guerrières qui vivent et se battent avec toi…
— Mais c’est justement ça que j’aimerais ! Je ne veux pas d’une poupée de chiffons, même si elle est douée pour dire oui et sourire poliment au moment opportun ! Je veux une femme qui sache s’affirmer, mais elle frémit dès que je m’approche à moins de deux toises ! Je la terrorise, et elle me hait.
Le dernier aveu n’était qu’un grognement, dénué de honte ou de tristesse, mais réticent malgré tout. Sentant la faille, Eliane abandonna un instant sa rigidité de souveraine, franchit la distance qu’il avait instaurée en commençant à tourner en rond, l’attrapa par le poignet. La plate de leurs plastrons tinta et crissa quand elle le serra dans ses bras. Il soupira longuement, mais finit par l’envelopper dans une forte étreinte à son tour. Elle déposa un baiser sur sa joue, lui prit le menton pour l’obliger à affronter son regard. Malgré les années qui avaient passé, il détourna les yeux comme s’il était encore un enfant pris en flagrant délit.
— Elle peut être ta femme et apprendre à vivre avec nous – pour peu qu’elle en soit capable – ou bien elle peut rejoindre son père et son oncle dans la tombe dès maintenant. Mais elle est innocente des crimes de Vilhelm.
— Aidan et Jesten aussi étaient innocents.
Il n’y avait guère de critique dans sa voix, seulement une froide affirmation.
— Ils ne pouvaient pas vivre en sachant qui j’étais. Kyara ne sait rien, et le peuple l’apprécie d’autant plus maintenant que nous sommes les envahisseurs. Elle représente l’espoir que, un jour, ils retrouvent leur liberté et leur indépendance. Cela n’adviendra pas, certes, mais pour ceux qui sont actuellement en âge de se battre, elle leur donne une cause… et les empêche d’agir si elle est hors de leur portée.
— Admettons. Penses-tu que nos enfants seront heureux avec une mère qui ne veut pas d’eux et un père comme moi ?
Elle roula des yeux.
— Tu sauras être un bon père. Et ton père et moi serons là aussi. Saedor… J’avais des doutes, mais Saedor est réellement un homme bon. J’ai réussi à le voir alors que je me pensais incapable d’aimer quelqu’un à nouveau. Peut-être que toi aussi, tu sauras trouver quelque chose chez Kyara qui te plaira.
— J’en doute.
Elle pouffa doucement, passa sa main dans ses cheveux ras, lui offrit un sourire affectueux.
— Moi aussi. Mais dans le pire des cas, tu pourras toujours être heureux avec l’une des femmes de ton Bataillon. Quoique je désapprouve, les maîtresses sont chose courante à Avalaën. Il y a une seule condition à cela.
— Nos enfants.
Yngvar détourna le regard, mais ne s’arracha pas à l’étreinte de sa mère pour autant. Au contraire, même s’il souffla du nez, exaspéré, il finit par laisser doucement reposer sa tête contre son épaule.
— Elle est si jeune. Elle ne mérite pas un tel sort.
À cela, elle ne répondit rien, mais il discerna malgré tout la rancœur qui la rongeait de l’intérieur dans la crispation de ses muscles et l’inspiration saccadée qu’elle prit dans son cou. La haine d’Eliane envers Helvethras brûlait depuis trop longtemps pour être étouffée ou amoindrie par la considération d’une vie innocente. Peu désireux de poursuivre le débat, il la serra fort dans ses bras, puis elle s’écarta avec un sourire glacé mais taquin.
— Ah, et tu passeras le bonjour à tes tantes de ma part.
— Mère !

Rowan avait été traîné dans l’une des geôles du château. Transi de froid dans les profondeurs glacées des souterrains, il se maudissait de ne pas avoir mieux su tenir sa langue, mais la colère lui avait ôté tout sens commun quand il avait fait face à l’usurpatrice. Le pire avait été de devoir se retenir d’énoncer son nom, de lui cracher au visage ses actes, mais il était tristement heureux d’avoir réussi à se maîtriser au moins là-dessus. Sachant qui elle était, il représentait une menace ; en le disant haut et fort, il aurait condamné tous les autres enfants de cette salle. Désormais au moins, il serait le seul à soutenir la responsabilité de ses paroles.
Il songea un instant à la princesse Kyara, qui avait si tristement plaidé sa cause, prête à se jeter en pâture aux loups pour le préserver. Elle représentait le seul espoir de ce peuple envahi, la seule chance de ré-instaurer un jour l’indépendance d’Helvethras. Consciente de cela, elle l’avait malgré tout défendu alors même qu’il faisait tout pour s’arracher aux bras de l’usurpatrice et donner à son père une raison valable de se rebeller. Mais si elle était emmenée, loin de ses terres, loin de la résistance qui peinait déjà à se dresser contre l’oppresseur avalonien, Kyara ne serait plus qu’un mirage distant, un faux espoir dont le souvenir briserait les velléités de révolte.
Rowan serra les dents, soupira, s’affaissa sur la paille humide. Il avait agi trop vite, trop impétueusement. Mais il savait aussi qu’il n’aurait guère eu le temps ni la possibilité d’agir autrement. Une fois le cortège en route, surveillé par le Bataillon Sanglant, il n’aurait eu aucune chance de l’arracher aux soldats, encore moins si c’était le Corbeau qui les accompagnait. À l’idée du combattant, la haine déferla dans ses veines, il poussa un grondement sourd, furieux. Il ne se berçait guère d’illusions, il savait ce qui adviendrait de Kyara. Il savait, et la pensée l’emplissait d’une rage d’autant plus étouffante qu’il était incapable d’y changer quoi que ce soit.
Dans les profondes ténèbres qui régnaient, il ne voyait absolument rien. Ses yeux, qu’ils soient ouverts ou fermés, ne captaient aucune lumière, ne serait-ce qu’un reflet sur une barre de métal. En revanche, enfermé depuis un long moment, il avait commencé à percevoir les sons plus distants. Le raclement d’une griffe de rat sur la pierre, les pas lointains des gardes qui changeaient de quart. Il avait été enchaîné court à un piton enfoncé dans les murs de roche, si court qu’il pouvait à peine se lever. Sa gorge était sèche, son nez irrité par la puanteur d’urine et de pourriture qui régnait dans ces bas-fonds. Un instant, une terreur sourde le prit, la peur de croupir ici pour l’éternité, mais il la repoussa. Elle ne pourrait pas faire ça. Il était la seule raison pour laquelle Aymeric de Lumière acceptait de se soumettre.
Le temps s’écoulait lentement. Incapable de dire si une heure ou cinq étaient passées, Rowan sombra dans un demi-sommeil agité de cauchemars anxieux, duquel il fut brutalement tiré par des pas lourds, métalliques, qui résonnaient entre les blocs de pierre. Un éclat de lumière lointain, d’abord pareil à un mirage, dansa sur les murs, se rapprochant lentement. Quand, enfin, la torche s’immobilisa devant sa cellule, il dut détourner les yeux le temps de s’accoutumer à la soudaine luminosité.
Les yeux de glace qui le sondaient avec un froid cynisme par-dessus la brûlure lumineuse des flammes étaient dépourvus de compassion ou de tristesse, à l’instar de la voix qui véhiculait leurs idées.
— Laissez-moi avec lui.
Les soldats qui avaient accompagné l’Impératrice tournèrent les talons sans mot dire, pantins obéissants. Rowan émit un grognement de douleur en se redressant pour faire face, les bras ankylosés, les jambes presque privées de sang, la nuque endolorie par sa somnolence en position assise.
— Je suppose que je devrais te remercier pour ne pas en avoir trop dit, soupira l’usurpatrice sans réel regret ou crainte dans sa voix.
— Je sais qui vous êtes, croassa-t-il péniblement. Je connais vos crimes… même ceux qui relèvent de l’art des arcanes.
Eliane sourit, s’adossa au mur froid en repliant une jambe contre la paroi pour avoir un appui confortable.
— Mais il est un peu tard pour parler, personne ne t’entendra ici. Par ailleurs, savais-tu qu’il n’y avait que les lois des hommes d’Helvethras qui interdisaient la réincarnation ?
— C’est faux…
— Ah ?
Elle laissa planer un instant de silence avant de poursuivre :
— Alors pourquoi la prêtresse du Temple ne me l’a-t-elle pas interdit quand j’ai fait appel à elle pour le sortilège ? Pourquoi ne m’a-t-elle pas arrêtée quand je suis parvenue à Ciel avec les Bataillons Sanglants ? Les pouvoirs d’un seul prêtre dépassent pourtant de loin la puissance d’une armée. Pourquoi ne sont-ils jamais intervenus à ton avis, ni durant la première invasion ni la seconde ?
Rowan sentit son cœur sombrer dans sa poitrine, même s’il tâcha de se convaincre qu’elle mentait.
— Tu as donné un beau discours tout à l’heure. Même s’il a davantage desservi ta cause qu’autre chose, l’intention était belle. J’espère que tu en as profité, parce que c’est la dernière fois que tu tiendras un tel propos.
— Vous ne pouvez pas m’obliger à vous servir, gronda-t-il, furieux.
Ses chaînes tintèrent quand il se contorsionna pour essayer de trouver une position plus confortable, qui le ferait paraître moins en difficulté, moins soumis au bon vouloir de sa geôlière.
— Oh, je pourrais, rétorqua-t-elle.
Son ton paisible, pareil à une lame de fond, un courant froid en eaux profondes, eut raison de l’assurance bravache de l’adolescent. Il sentit qu’elle ne plaisantait pas, qu’elle ne craignait ni son titre ni ce qu’il représentait en tant qu’otage. Il était à sa merci, et pour peu qu’elle le décide, il croupirait là pour le restant de ses jours, privé de lumière et de vie.
— Je pourrais menacer la vie de ta mère. Contre celle de ton père, je pourrais t’extorquer tes services. Mais cela m’apporterait-il réellement quelque chose ?
La terreur se déversa dans les veines de Rowan comme un feu destructeur, fauchant ses espoirs et ses certitudes. Quelque chose n’allait pas, n’allait pas du tout. Aussi haineux son père puisse-t-il être d’Eliane, jamais il ne l’avait décrite comme cruelle. Féroce, oui, impitoyable également, mais pas cruelle. Cette haine qu’il discernait dans ses iris azurins, destructrice, meurtrière… ce n’était pas la souveraine qu’Helvethras avait connue. Elle avait été dépeinte comme celle qui abrégeait toujours les combats et les souffrances de ses adversaires. Jamais elle ne serait venue là pour le tyranniser ainsi, jouer avec ses émotions comme un chat avec une souris blessée.
— Ne t’en fais pas, ajouta-t-elle doucement, ta chère et tendre promise sera en sécurité à la Citadelle Rouge. Elle remplira son rôle illusoire de princesse, portera les futurs souverains d’Avalaën. Et avec ses enfants s’éteindra la révolte.
Malgré la clarté des flammes, il vit l’obscurité qui rongeait les iris azurins de l’intérieur. Elle avait sombré, bien plus profondément que quiconque aurait pu le deviner. Était-ce là le coût de la réincarnation ? Ou avait-elle toujours été destinée à devenir cette cruelle figure de proue d’un règne sanglant ?
— Le Temple… murmura-t-il.
— Le Temple a choisi cette voie pour moi, souffla-t-elle comme si elle suivait le fil de ses pensées. Les prêtres sont les vecteurs des arcanes, et leur rôle dépasse de loin nos simples affaires mortelles. En revanche, les destins qu’ils influencent changent le cours de l’histoire pour toujours.
— Comment ont-ils permis…?
Sa question demeura sans réponse dans le froid silence des murs. Contrastant avec les ténèbres de son regard, une étincelle de folie illuminait les yeux d’Eliane. Elle sourit à nouveau, se redressa.
— Nous nous reverrons, Rowan. Quand ce sera le cas, nous verrons si tes origines ont été suffisantes pour préserver ta lumière dans l’obscurité de ces prisons.
Il poussa une plainte, s’agita dans ses chaînes, dont les tintements métalliques couvrirent le départ d’Eliane.

◊~◊~◊

ACTE I (3/3)


Hellow, c'est moi !
Comment ça va ?
Il est possible qu'Ellie-chérie soit devenue un peu folle-dingue sur les bords. Bon, elle était déjà dangereuse avant, mais là, ça devient dangereux pour tout le monde. Autrement, ça ne va pas fort non plus du côté de Kyara, malheureusement…
En tout cas j'espère que vous avez apprécié ce chapitre ! J'en suis, en termes d'écriture, à la moitié de l'acte II environ, j'ai la storyline pour l'acte III… On va continuer un peu dans cette ligne d'évènements, donc ouais, ça va être fun. :mrgreen:
Merci d'être passés, à bientôt !
Dernière modification par vampiredelivres le jeu. 18 nov., 2021 4:50 am, modifié 3 fois.
louji

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Re: Kyara I (2/3)

Message par louji »

vampiredelivres a écrit : mar. 20 avr., 2021 1:57 pm
L'HÉRITIÈRE
(2/3)


Kyara ouvrit les yeux dans l’obscurité quasiment totale de sa chambre, dont les rideaux avaient été tirés. Elle poussa un grognement de douleur en s’étirant, considéra un instant ses poignets bleuis, et les larmes montèrent à ses yeux quand elle se rappela la soirée de la veille. Avant même qu’elle n’ait le temps de les chasser, elles avaient coulé le long de ses joues. Elle poussa une plainte étouffée, enfouit son nez dans le coussin pour dissimuler ses sanglots. Deux soldat du premier Bataillon Sanglant, plantés tels des piquets devant sa porte, et un troisième faisait des allers-retours silencieux près des larges fenêtres. Avec leurs heaumes et leurs visières rabattues, impossible de connaître leur identité. :arrow: Le passage de cette dernière phrase m'a fait bizarre avec la précédente, il y a pas vraiment de transition :geek:
Comme chaque jour depuis près de deux décades, elle se redressa pour se diriger vers la salle d’eau, talonnée par l’un des trois gardes, se soulagea, revint dans son lit en essayant de ne pas penser aux ecchymoses qui constellaient ses cuisses et ses bras, se replia dans le lit avec un livre et n’en bougea plus. La lecture était devenue son unique échappatoire pour occulter les horreurs du quotidien. Enfermée dans le palais qu’elle avait toujours arpenté librement, surveillée et encadrée, privée de tous ses proches, elle avait vite sombré.

Soudain, les portes s’ouvrirent brusquement. Plongée dans un demi-sommeil, Kyara battit des paupières pour chasser les relents de torpeur qui lui abrutissaient l’esprit. Mais, quand elle discerna la silhouette massive du Corbeau entre les battants, elle se redressa d’un bond et se replia au fond du lit, le cœur battant la chamade. Elle sentit ses iris, qui dans l’obscurité tiraient vers le violet, s’appesantir sur sa chemise de nuit, glisser le long de ses bleus, remonter à son visage. Elle fut incapable d’y discerner ne serait-ce qu’une pointe de remords ou de compassion. :arrow: Il la viole ? x) Ça sent effectivement le charme ces chapitres à venir :)
— L’Impératrice requiert ta présence, annonça-t-il d’un ton froid et sec.
Le respect et la politesse qu’elle avait entendus dans sa voix sur le champ de bataille, deux décades plus tôt, s’étaient évaporés au moment où il avait arraché la couronne de sa tête. Quand il la fixait, stoïque et imperturbable, elle ne pouvait s’empêcher de frissonner, comme si l’aura de froideur qu’il dégageait parvenait à l’atteindre, elle, physiquement. Elle songeait à ses mouvements, brutaux mais dénués d’une émotion quelconque, fut-ce de la haine, et la dureté de son visage quand il se couchait sur elle. Malgré sa terreur et son aversion, elle se rendait compte qu’il n’éprouvait aucun plaisir à lui infliger ce tourment… ce qui rendait l’acte d’autant plus abject. :arrow: Il doit lui faire un gosse ? :| Grosse ambiance au château
Ses pensées s’étaient emmêlées. Le temps qu’elle réalise qu’il attendait effectivement une action de sa part, il avait bougé. Tel un éléphant enragé, elle le vit charger vers le lit. Elle poussa un cri, se replia dans les couvertures, se cacha le visage derrière ses mains. Mais il ne fit que l’attraper fermement par le poignet et la tirer hors du lit, toujours en chemise. Ensuite, il la poussa dans les bras du garde près de la fenêtre… qui s’avérait être une femme, au vu du grognement étouffé qu’elle poussa. Elle réceptionna Kyara avec une étonnante douceur malgré son armure, parvint même à l’aider à rester debout, puis la poussa délicatement vers le dressing. Là, malgré les réticences de la princesse, la soldate lui retira sa robe de nuit, lui fit enfiler ses bas de soie et une chemise fine, serra les lacets de son corset. D’abord figée, Kyara finit par se laisser aller aux mains assurées de l’autre femme tandis qu’elle brossait ses cheveux, attachait les boutons de sa robe. Fin prête en moins de temps qu’elle ne l’aurait espéré, elle se retrouva encadrée par ses molosses. Entre temps, le Corbeau avait disparu.
Quelques minutes plus tard, elle parvint devant les portes grandes ouvertes de l’austère salle du trône. Son souffle se bloqua dans sa poitrine quand elle vit le petit groupe d’enfants à l’intérieur, et la silhouette solitaire assise sur le trône. Poussée par les soldats, elle s’avança. Elle fut frappée par le silence absolu qui régnait entre les épais murs de pierre, dans cette salle qui avait toujours résonné de murmures. Même les enfants n’osaient pas bouger d’un cheveu ni souffler mot. Immédiatement, elle sentit le regard bleu polaire de l’impératrice se verrouiller sur elle, et la même sensation de froid qu’elle ressentait habituellement avec le Corbeau la pétrifia. Elle devina son ombre dans un coin, mais se sentit incapable de tourner la tête vers lui, tant le regard de glace était paralysant.
Parvenue au centre, les gardes l’abandonnèrent, se postèrent chacun devant une porte, et les immenses vantaux se refermèrent pour barrer l’accès de la pièce aux inconnus.
Lentement, l’usurpatrice se redressa sur son trône, croisa les jambes. Son long pantalon noir, évasé aux mollets, était serré à sa ceinture par une ceinture de cuir sombre, et plaqué contre les cuisses par ses jambières de métal. Kyara ne l’avait plus vue depuis la prise de Ciel, où son visage avait longtemps été couvert de sa capuche. Cette fois-ci, elle put détailler sans mal ses traits froids, étrangement semblables aux visages des habitants du Royaume d’Ombre. L’impératrice la fixait sans animosité, mais avec une sorte d’amusement mesquin au fond de ses prunelles de glace. Le haut de son corps sanglé dans un bustier à peine différent de celui de ses troupes, sous lequel transparaissait une chemise à manches longues rouge sang, figée sur le trône telle une statue de glace, elle irradiait d’une aura de puissance si écrasante que Kyara eut envie de pleurer. Cette femme, aussi inconnue lui soit-elle, aussi étrangère à Helvethras soit-elle, était plus reine qu’elle-même ne le serait jamais. Elle dominait la pièce par sa seule présence, polarisait tous les regards, y compris ceux des gardes, dans sa direction. Elle ne semblait craindre personne, pourtant au centre d’un royaume qui la haïssait, s’arrogeant une position qui ne lui apporterait que la haine du peuple.
Toujours prisonnière du faisceau glacial de l’impératrice, Kyara sentit la pression sur ses épaules s’intensifier, tant bien que ses jambes commencèrent à flageoler. Et, alors qu’elle pensait que, bientôt, elle s’effondrerait, la souveraine la libéra de l’emprise de son regard et se tourna vers le groupe d’enfants. La tête basse, Kyara se permit de leur accorder un coup d’œil.
Elle en reconnut la majorité en quelques secondes seulement. Il y avait Gatran, douze étés, des cheveux blonds et des yeux d’un noir profond, qui était l’un de ses cousins éloignés, arrière-petit-fils d’une arrière-grande-tante que Kyara n’avait jamais connue. Illen et Xaran, deux des plus vieux, avaient la quinzaine. C’étaient les enfants d’Helena, ministre influente et amie proche de Mara de Ciel, qui à l’approche de l’armée s’était enfuie à Eau, sa province d’origine. Kyara ressentit un pincement au cœur en songeant à sa mère.
Il y avait une douzaine d’autres gamins qu’elle aurait pu citer de nom. Pour autres :arrow: d'autres ?, elle se rappelait leurs visages et savait les avoir vus au moins une fois par le passé, des étés plus tôt, même si leurs noms étaient flous dans sa mémoire. Ils paraissaient avoir entre quatre et dix-sept hivers au plus, et ils étaient tous de noble naissance, descendants de grandes familles des quatre provinces. Quand elle aborda l’idée sous cet angle, la raison de leur présence devint évidente.
— Présentez-vous, intima sèchement l’usurpatrice aux enfants en helvethrien.
Ils s’entre-regardèrent, perdus et effrayés. Isolée à la place solitaire où on l’avait placée, Kyara se garda d’intervenir, malgré les coups d’œil désespérés qu’ils lui lançaient. Le souvenir de son père, assis sur ce même trône, se superposait dans son esprit à l’image de sa tête désolidarisée de son corps qui roulait sur les pavés. Incertaine de pouvoir parler sans se mettre à pleurer, elle préféra garder ses lèvres serrées, au détriment des enfants. Le seul à qui elle osa jeter un bref coup fut Rowan. C’était un adolescent de haute taille, de deux étés plus vieux qu’elle. Il avait le crâne rasé, à l’exception d’une étroite bande de cheveux mi-longs qui partait du centre de son front et se terminait à la base de sa nuque, un nez d’aigle et un profil sévère, mais qu’elle avait toujours apprécié. Fils cadet d’Aymeric, le dirigeant de la province de Lumière, il était l’homme qui avait été suggéré plus d’une fois comme le profil parfait pour Kyara et, dès son enfance, elle en était venue à envisager une future vie avec lui.
La honte des nuits passées la frappa soudain de plein fouet, et elle baissa la tête, blême. Il n’y avait aucune chance maintenant qu’elle s’unisse à Rowan de Lumière, le Corbeau avait déjà pris tout ce qu’elle aurait pu lui offrir. La simple sensation de sa présence non-loin lui donnait encore maintenant la nausée. Elle se mordit la lèvre inférieure presque jusqu’au sang, les yeux embués.
— Je me nomme Rowan de Lumière, fils d’Aymeric de Lumière.
Kyara tressaillit.
— Faux, énonça posément l’Impératrice d’un ton narquois, mordant. Quelqu’un d’autre ?
— Thaïs d’Eau, lâcha une jeune fille, sa voix tremblante peinant à s’élever malgré le silence. Fille de…
— Faux.
— Illen de Ciel.…
— Faux.
— Je suis Gareth de Lumière…
— Faux.
Le jeu des questions-réponses se poursuivit encore quelques fois avec les plus vieux qui osaient parler, avec invariablement la même réponse. Quand plus personne n’osa répondre, l’Impératrice esquissa un sourire vicieux, serpentin, et se tourna vers Kyara.
— Voudrais-tu essayer ?
La princesse voulut détourner les yeux pour esquiver la question, mais n’y parvint pas, paralysée par les iris polaires.
— Je ne…
Elle se mordit la langue, prit trois secondes pour songer à la situation. La souveraine en titre les avait rassemblés là, eux, les descendants des grandes familles du royaume. Mais elle avait rejeté les réponses de tous ceux qui avaient tenté de se présenter avec leur rang et leur province d’origine.
— Kyara, souffla-t-elle doucement.
— Fille de…?
— Cela importe-t-il réellement, maintenant ?
Elle regretta la question au moment où elle franchissait ses lèvres, mais il était trop tard. Instinctivement, elle se crispa, dans l’attente du châtiment, mais l’inconnue se contenta d’un sourire.
— Merci Kyara, tu m’amènes là où je voulais en venir. Vos origines n’importent plus. Vos rangs n’importent plus. Parce que vos familles, vos provinces et votre royaume, n’importe :arrow: n'importent plus. Vous êtes désormais avaloniens.
Il y eut quelques murmures dans le groupe d’enfants, mais aucun n’osa se récrier suffisamment fort pour être entendu. Sauf Rowan.
— C’est faux. Je suis Rowan, fils d’Aymeric de Lumière, et vous ne pourrez pas m’enlever ça, affirma-t-il hardiment, le menton haut.
Les plus jeunes autour de lui s’écartèrent, les plus vieux lui jetèrent des regards angoissés. Rowan garda la tête haute, mais se fit livide quand le Corbeau fit un pas en avant et que sa voix grave résonna dans la pièce comme un grondement annonciateur de l’orage.
— Tu es soit personne, soit un ennemi. Et tu te doutes de ce qui arrive à mes ennemis.
Il n’était pas armé – enfin, pas de sa grande épée, même si Kyara savait désormais qu’il gardait toujours au moins un couteau dans sa botte et un autre accroché au plastron dans son dos – mais sa simple silhouette était suffisamment menaçante pour que Rowan frémisse et se ratatine quelque peu sur lui-même.
— Qui es-tu ? demanda l’Impératrice, doucereuse.
À son ton, Kyara sut qu’elle ne se répèterait pas une troisième fois. Elle tourna la tête, parvint à accrocher le regard de Rowan, le supplia en silence de se taire. Elle songea à son père, à son oncle, à tous ceux qui étaient déjà morts simplement parce qu’ils avaient eu le malheur de posséder une position de pouvoir. Elle songea à elle-même, à sa position précaire, à ce qu’elle risquait si elle s’interposait. Et quand Rowan ne baissa pas la tête, elle s’étonna de trouver en elle-même la force de garder une voix forte, quoique tremblante.
— Votre Grâce, je vous en supplie… Pour ceux qui ont une famille, il serait inhumain de leur demander de la renier…
— Je ne le leur demande pas, je leur offre un choix. Leur famille ou leur vie.
L’Impératrice se tourna vers l’importun, poursuivit :
— Ton père t’a confié à moi parce qu’il savait que ce serait la seule manière de préserver sa lignée.
— Il m’a donné en otage ! rebiffa Rowan.
L’un des plus jeunes se mit à sangloter doucement, et une fille s’accroupit à sa hauteur et le prit dans ses bras pour le réconforter et le calmer au plus vite. Kyara, consciente que l’adolescent ne faisait qu’empirer sa situation, reprit la parole, implorante :
— Par pitié Votre Grâce, laissez-lui la vie sauve !
Le Corbeau s’avança, et sa mère ne fit rien pour l’arrêter. Il s’immobilisa en face de Rowan, lui prit la nuque entre ses deux mains, le souleva du sol comme s’il ne pesait rien. Le teint du captif vira d’abord au gris, puis au rouge, puis au bleu. Ses respirations se firent saccadées, ses pieds battirent l’air vainement, il tenta de desserrer les doigts qui lui emprisonnaient la gorge. Les enfants se mirent à hurler. Puis, alors que ses yeux commençaient à se révulser, l’impératrice intervint :
— Rowan ?
Le Corbeau le laissa brutalement tomber sur le sol, où il s’affala de tout son long, haletant, le visage congestionné. Des sillons de sel dévalèrent ses joues quand le général adverse lui releva brusquement la tête en l’agrippant par ses rares cheveux.
— Tu es patriote. Et suffisamment noble pour ne pas renier ta loyauté au péril de ta vie. Et j’ai promis à ton père de ne pas te faire du mal tant que sa province se soumettrait paisiblement.
Elle fit une brève pause, sembla réfléchir aux mots qu’elle allait employer.
— Enfermez-le. Je lui parlerai plus tard.
Songeur, le Corbeau parut considérer un instant l’idée de désobéir à un ordre direct et de le tuer immédiatement, mais il finit par attraper Rowan par le col de sa chemise, le relever brutalement et le fourrer dans les bras de l’un des gardes, qui l’emmena dehors. Kyara sentit les larmes traîtresses couler le long de ses propres joues, elle tomba à genoux.
— Pitié…
— Oh, il ne va pas mourir. Pas tout de suite en tout cas.
Le silence se fit anxiogène, dévorant.
— Quelqu’un d’autre aurait un avis semblable à exprimer ? :arrow: Cette Eliane me fait penser quelque part à la Eliane du début... d'Eliane, quand elle était glaciale envers tout le monde, son esprit inaccessible et son ambition dévorante (ça, ça l'est toujours :lol: ). J'ai l'impression qu'on a la facette "et si c'était parti en couilles et qu'Eliane avait voulu assouvir son besoin de pouvoir avant le besoin du peuple. Ben nous y voilà, Eliane version hardcore :roll:
Les enfants observèrent un silence tombal. Même celui qui s’était mis à pleurer parvint à demeurer silencieux, le nez enfoui dans les jupes de Delara, une jeune brunette à la peau mate et satinée. L’action de Rowan, qui avait certainement voulu remonter un peu le moral et montrer qu’ils n’abandonneraient pas aussi facilement leurs origines, eut en fin de compte l’effet inverse. Quand l’impératrice demanda à ceux qui ne s’étaient pas encore présentés de le faire, ils demeurèrent muets sur leur province, leur titre ou leurs parents.
— Parfait. Sachez que vous partirez bientôt pour la Citadelle Rouge, où vous serez confiés à des familles influentes. Il faut que vous appreniez à connaître votre nouvelle patrie.
Elle fit un signe de la main, et ils furent emmenés dehors, encadrés comme un troupeau de moutons. Kyara seule demeura quelques secondes au centre de la salle du trône, toujours figée sous le regard inquisiteur de l’usurpatrice. Terrorisée à l’idée qu’elle doive subir un traitement spécial, elle faillit bien s’effondrer dans les bras de ses gardes quand la femme leur donna l’ordre de la ramener dans ses quartiers. Mais la pensée, lancinante, douloureuse, du sort de Rowan, demeura dans un coin de son esprit.

— Tu es mécontent, souffla Eliane une fois que les grandes portes se furent refermées.
Elle se redressa du trône, ses doigts glissèrent le long des accoudoirs, comme si elle rechignait à les lâcher. Le Corbeau détourna la tête, grommela.
— Je ne veux pas d’elle. Elle est… Elle est faible. Inintéressante. En plus, elle ne vaut rien, elle n’était même pas légitime au trône ! Son sang royal est un mensonge, tu étais l’héritière légitime après Vilhelm !
Eliane sourit doucement, s’approcha de lui, passa ses pouces sur ses tempes. Il ferma les yeux, sembla se laisser aller l’espace d’une minute quand elle effleura d’un geste tendre son menton hérissé de poils courts.
— Elle représente un espoir. L’espoir du peuple. Et l’espoir est une ressource aussi fragile que difficile à manipuler.
Il grommela dans sa barbe, leva sur sa mère ses yeux d’un violet perçant, lumineux, caractéristiques de son sang royal avalonien.
— Tu iras avec elle, Yngvar.
— Mais je…
— Le premier Bataillon escortera les otages jusqu’à la Citadelle Rouge. Et toi, tu escorteras ta future épouse pour que vous soyez mariés selon les traditions de chez nous.
— Mais…
— Même si elle n’a pas de réel sang royal, continuait l’Impératrice, imperturbable, le peuple d’Helvethras y croit. Et vos enfants à vous seront les maîtres incontestés des deux terres, quoi qu’il advienne.
Yngvar poussa un grondement de fauve, s’écarta brusquement, se mit à faire les cent pas dans la pièce.
— Et puis, poursuivit Eliane, elle n’est pas totalement dénuée d’esprit ou de compassion. Alors certes, elle ne sera jamais l’une des guerrières qui vivent et se battent avec toi…
— Mais c’est justement ça que j’aimerais ! Je ne veux pas d’une poupée de chiffons, même si elle est douée pour dire oui et sourire poliment au moment opportun ! Je veux une femme qui sache s’affirmer ! En plus, je la terrorise et elle me hait. :arrow: Mec tu vas pas jouer les surpris, y'a la réponse à la haine de Kyara dans ta phrase :lol: Puis arf il y a de l'intéressant dans tout le monde, suffit juste de gratter les premières couches :mrgreen:
Le dernier aveu n’était qu’un grognement, dénué de honte ou de tristesse, mais réticent malgré tout. Sentant la faille, Eliane abandonna un instant sa rigidité de souveraine, franchit la distance qu’il avait instaurée en commençant à tourner en rond, l’attrapa par le poignet. La plate de leurs plastrons tinta et crissa quand elle le serra dans ses bras. Il soupira longuement, mais finit par l’envelopper dans une forte étreinte à son tour. Elle déposa un baiser sur sa joue, lui prit le menton pour l’obliger à lui faire face. Malgré les années qui avaient passé, il détourna le regard comme s’il était encore un enfant pris en flagrant délit. :arrow: C'est très bizarre. Quelque part, j'ai envie de croire qu'elle a vraiment un coeur de mère sous la couche de glace. Mais je peux pas m'empêcher d'imaginer que c'est une énième manipulation :cry:
— Je sais que c’est difficile, mais je ne veux pas la lyncher en place publique. Elle est innocente des crimes de Vilhelm.
— Aidan et Jesten aussi étaient innocents.
Il n’y avait guère de critique dans sa voix, seulement une froide affirmation.
— Ils ne pouvaient pas vivre en sachant qui j’étais. Mais Kyara ne sait rien, et le peuple l’apprécie d’autant plus maintenant que nous sommes les envahisseurs. Elle représente l’espoir que, un jour, ils retrouvent leur liberté et leur indépendance. Cela n’adviendra pas, certes, mais pour ceux qui sont actuellement en âge de se battre, elle leur donne une cause… et les empêche d’agir en même temps si elle est hors de leur portée.
— Admettons. Penses-tu que nos enfants seront heureux avec une mère qui ne veut pas d’eux et un père comme moi ?
Elle roula des yeux.
— Tu sauras être un bon père. Et ton père et moi serons là aussi. Saedor… J’avais des doutes, mais Saedor est réellement un homme bon. J’ai réussi à le voir alors que je me pensais incapable d’aimer quelqu’un à nouveau. Peut-être que toi aussi, tu sauras trouver quelque chose chez Kyara qui te plaira. :arrow: Ptn Eliane c'est pas parce qu'on est du même avis que je te pardonne.
— J’en doute.
Elle pouffa doucement, passa sa main dans ses cheveux ras, lui sourit affectueusement.
— Dans le pire des cas, tu pourras toujours être heureux avec l’une des femmes de ton Bataillon. Quoique je désapprouve, les maîtresses sont chose courante à Avalaën. Il y a une seule condition à cela.
— Nos enfants.
Yngvar détourna le regard, mais ne s’arracha pas à l’étreinte de sa mère pour autant. Au contraire, même s’il souffla du nez, exaspéré, il finit par laisser doucement reposer sa tête contre son épaule.
— Elle est si jeune…
— Alors apprends-lui. Sans lui accorder trop de liberté, offre-lui l’initiative.
— Mmhm.
Peu désireuse de rebondir sur son grondement sceptique, elle le serra encore une fois contre elle, puis le relâcha avec un sourire taquin.
— Ah, et tu passeras le bonjour à tes tantes de ma part.
— Mère !
:arrow: LEUR COMPLICITE ME MET MAL A L'AISE MAIS JSP POURQUOI.
Peut-être parce que ce sont des monstres en-dehors de ces instants ? :ugeek:


Rowan avait été traîné dans l’une des geôles du château. Transi de froid dans les profondeurs glacées des souterrains, il se maudissait de ne pas avoir mieux su tenir sa langue, mais la colère lui avait ôté tout sens commun quand il avait fait face à l’usurpatrice. Le pire avait été de devoir se retenir d’énoncer son nom, de lui cracher au visage ses actions, mais il était tristement heureux d’avoir réussi à se maîtriser au moins là-dessus. Sachant qui elle était, il représentait une menace ; en le disant haut et fort, il aurait condamné tous les autres enfants de cette salle. Désormais au moins, il serait le seul à soutenir la responsabilité de ses paroles.
Il songea un instant à la princesse Kyara, qui avait si tristement plaidé sa cause, prête à se jeter en pâture aux loups pour le préserver. Elle représentait le seul espoir de ce peuple envahi, la seule chance de réinstaurer un jour l’indépendance d’Helvethras. Consciente de cela, elle l’avait malgré tout défendu alors même qu’il faisait tout pour s’arracher aux bras de l’usurpatrice et donner à son père une raison valable de se rebeller. Mais si elle était emmenée, loin de ses terres, loin de la résistance qui peinait déjà à se dresser contre l’oppresseur avalonien, Kyara ne serait plus qu’un mirage distant, un faux espoir dont le souvenir briserait les velléités de révolte.
Rowan serra les dents, soupira, s’affaissa sur la paille humide. Il avait agi trop vite, trop impétueusement. Mais il savait aussi qu’il n’aurait guère eu le temps ni la possibilité d’agir autrement. Une fois le cortège en route, surveillé par le Bataillon Sanglant, il n’aurait eu aucune chance de l’arracher aux soldats, encore moins si c’était le Corbeau qui les accompagnait. À l’idée du combattant, la haine déferla dans ses veines, il poussa un grondement sourd, furieux. Il ne se berçait guère d’illusions, il savait ce qui était advenu de Kyara. La manière dont elle s’était tenue dans cette salle du trône, repliée sur elle-même comme pour dissimuler ses blessures intérieures, la manière dont elle avait frémi à l’approche du Corbeau… Il savait, et la pensée l’emplissait d’une rage d’autant plus étouffante qu’il était incapable d’y changer quoi que ce soit.
Dans les profondes ténèbres qui régnaient, il ne voyait absolument rien. Ses yeux, qu’ils soient ouverts ou fermés, ne captaient aucune lumière, ne serait-ce qu’un reflet sur une barre de métal. En revanche, enfermé depuis un long moment, il avait commencé à percevoir les sons plus distants. Le raclement d’une griffe de rat sur la pierre, les pas lointains des gardes qui changeaient de quart. Il avait été enchaîné court à un piton enfoncé dans les murs de roche, si bien qu’il pouvait à peine se lever. Sa gorge était sèche, son nez irrité par la puanteur d’urine et de pourriture qui régnait dans ces bas-fonds. Un instant, une terreur sourde le prit, la peur de croupir ici pour l’éternité, mais il la repoussa. Elle ne pourrait pas faire ça. Il était la seule raison pour laquelle Aymeric de Lumière acceptait de se soumettre.
Le temps s’écoulait lentement. Incapable de dire si une heure ou cinq étaient passées, Rowan sombra dans un demi-sommeil agité de cauchemars anxieux, duquel il fut brutalement tiré par des pas lourds, métalliques, qui résonnaient entre les blocs de pierre. Un éclat de lumière lointain, d’abord pareil à un mirage, dansa sur les murs, se rapprochant lentement. Quand, enfin, la torche s’immobilisa devant sa cellule, il dut détourner les yeux le temps de s’accoutumer à la soudaine luminosité.
Les yeux de glace qui le sondaient avec un froid cynisme par-dessus la brûlure lumineuse des flammes étaient dépourvus de compassion ou de tristesse, à l’instar de la voix qui véhiculait leurs idées.
— Laissez-moi avec lui.
Les soldats qui avaient accompagné l’Impératrice tournèrent les talons sans mot dire, pantins obéissants. Rowan émit un grognement de douleur en se redressant pour faire face, les bras ankylosés, les jambes presque privées de sang, la nuque endolorie par sa somnolence en position assise.
— Je suppose que je devrais te remercier pour ne pas en avoir trop dit, soupira l’usurpatrice sans réel regret ou crainte dans sa voix.
— Je sais qui vous êtes, croassa-t-il péniblement. Je connais vos crimes… même ceux qui relèvent de l’art des arcanes.
Eliane sourit, s’adossa au mur froid en repliant une jambe contre la paroi pour avoir un appui confortable.
— Mais il est un peu tard pour parler, personne ne t’entendra ici. Par ailleurs, savais-tu qu’il n’y avait que les lois des hommes d’Helvethras qui interdisaient la réincarnation ?
— C’est faux…
— Ah ?
Elle laissa planer un instant de silence avant de poursuivre :
— Alors pourquoi la prêtresse du Temple ne me l’a-t-elle pas interdit quand j’ai fait appel à elle pour le sortilège ? Pourquoi ne m’a-t-elle pas arrêtée quand je suis parvenue à Ciel avec les Bataillons Sanglants ? Les pouvoirs d’un seul prêtre dépassent pourtant de loin la puissance d’une armée. Pourquoi ne sont-ils jamais intervenus à ton avis, ni durant la première invasion ni la seconde ?
Rowan sentit son cœur sombrer dans sa poitrine, même s’il tâcha de se convaincre qu’elle mentait.
— Tu as donné un beau discours tout-à-l’heure. Même s’il a davantage desservi ta cause qu’autre chose, l’intention était belle. J’espère que tu en as profité, parce que c’est la dernière fois que tu tiendras un tel propos.
— Vous ne pouvez pas m’obliger à vous servir, gronda-t-il, furieux.
Ses chaînes tintèrent quand il se contorsionna pour essayer de trouver une position plus confortable, qui le ferait paraître moins en difficulté, moins soumis au bon vouloir de sa geôlière.
— Oh, je pourrais, rétorqua-t-elle.
Son ton paisible, pareil à une lame de fond, un courant froid en eaux profondes, eut raison de l’assurance bravache de l’adolescent. Il sentit qu’elle ne plaisantait pas, qu’elle ne craignait ni son titre ni ce qu’il représentait en tant qu’otage. Il était à sa merci, et pour peu qu’elle le décide, il croupirait là pour le restant de ses jours, privé de lumière et de vie.
— Je pourrais menacer la vie de ta mère. Contre celle de ton père, je pourrais t’extorquer tes services. Mais cela m’apporterait-il réellement quelque chose ?
La terreur se déversa dans les veines de Rowan comme un feu destructeur, fauchant ses espoirs et ses certitudes. Quelque chose n’allait pas, n’allait pas du tout. Aussi haineux son père puisse-t-il être d’Eliane, jamais il ne l’avait décrite comme cruelle. Féroce, oui, impitoyable également, mais pas cruelle. Cette haine qu’il discernait dans ses iris azurins, destructrice, meurtrière… ce n’était pas la souveraine qu’Helvethras avait connue. Elle avait été dépeinte comme celle qui abrégeait toujours les combats et les souffrances de ses adversaires. Jamais elle ne serait venue là pour le tyranniser ainsi, jouer avec ses émotions comme un chat avec une souris blessée.
— Ne t’en fais pas, ajouta-t-elle doucement, ta chère et tendre promise sera en sécurité à la Citadelle Rouge. Elle remplira son rôle illusoire de princesse, portera les futurs souverains d’Avalaën. Et avec ses enfants s’éteindra la révolte.
Malgré la clarté des flammes, il vit l’obscurité qui rongeait les iris azurins de l’intérieur. Elle avait sombré, bien plus profondément que quiconque aurait pu le deviner. Était-ce là le coût de la réincarnation ? Ou avait-elle toujours été destinée à devenir cette cruelle figure de proue d’un règne sanglant ?
— Le Temple… murmura-t-il.
— Le Temple a choisi cette voie pour moi, souffla-t-elle comme si elle suivait le fil de ses pensées. Les prêtres sont les vecteurs des arcanes, et leur rôle dépasse de loin nos simples affaires mortelles. En revanche, les destins qu’ils influencent changent le cours de l’histoire pour toujours.
— Comment ont-ils permis…?
Sa question demeura sans réponse dans le froid silence des murs. Contrastant avec les ténèbres de son regard, une étincelle de folie illuminait les yeux d’Eliane. Elle sourit à nouveau, se redressa.
— Nous nous reverrons, Rowan. Quand ce sera le cas, nous verrons si tes origines ont été suffisantes pour préserver ta lumière dans l’obscurité de ces prisons.
Il poussa une plainte, s’agita dans ses chaînes, dont les tintements métalliques couvrirent le départ d’Eliane.

◊~◊~◊


Hellow, c'est moi !
Comment ça va ?
Il est possible qu'Ellie-chérie soit devenue un peu folle-dingue sur les bords. Bon, elle était déjà dangereuse avant, mais là, ça devient dangereux pour tout le monde. Autrement, ça ne va pas fort non plus du côté de Kyara, malheureusement…
En tout cas j'espère que vous avez apprécié ce chapitre ! J'en suis, en termes d'écriture, à la moitié de l'acte II environ, j'ai la storyline pour l'acte III… On va continuer un peu dans cette ligne d'évènements, donc ouais, ça va être fun. :mrgreen:
Merci d'être passés, à bientôt !
Un peu folle-dingue ? :lol: Oui, un peeeeu. Clairement, c'est déstabilisant de la voir ainsi, de se dire qu'on a été plongés dans sa tête pendant toute la partie précédente. Y'a eu plusieurs fois où on pouvait se dire "elle ferait pas ça..." et le faisait pas, effectivement. Mais là... c'est elle qui décide de tout, c'est glaçant x)
Et franchement sa relation avec son fils... VRAIMENT y'a un truc qui me fait grimacer, c'est terrible.
De manière générale, c'est bien joué de ta part la façon dont Eliane est dépeinte, comment les autres la voient... C'était déjà très bien maîtrisé dans Eliane, mais ça prend une dimension autre dans Kyara avec la folie ! Je suis contente de l'évolution d'Eliane quelque part, car c'est l'un des exercices d'écriture les plus difficiles je trouve (voire le plus difficile ?) de faire passer un protagoniste à un antagoniste avec adresse et cohérence. J'en ai pas beaucoup lus de bons, mais là, on est servis (et ça fait bobo :cry: ). Y'a clairement un panel de personnages parfaitement gris (... ou noirs ...), ce qui est le cas depuis le début avec Dynasties, mais ici ça prend tout son ampleur comme y'a le background des histoires précédentes ^^
BREF c'est terrible, mais j'ai hâte d'assister à plus de terrible et... c'est terrible de ressentir ça :(
Vilaine Lokinette comme d'hab quoi
BEAUCOUP DE "TERRIBLE" dans ce commentaire, je crois que ça veut tout dire :'c
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Re: Kyara I (2/3)

Message par vampiredelivres »

louji a écrit : jeu. 22 avr., 2021 11:58 am
L'HÉRITIÈRE
(2/3)


Kyara ouvrit les yeux dans l’obscurité quasiment totale de sa chambre, dont les rideaux avaient été tirés. Elle poussa un grognement de douleur en s’étirant, considéra un instant ses poignets bleuis, et les larmes montèrent à ses yeux quand elle se rappela la soirée de la veille. Avant même qu’elle n’ait le temps de les chasser, elles avaient coulé le long de ses joues. Elle poussa une plainte étouffée, enfouit son nez dans le coussin pour dissimuler ses sanglots. Deux soldat du premier Bataillon Sanglant, plantés tels des piquets devant sa porte, et un troisième faisait des allers-retours silencieux près des larges fenêtres. Avec leurs heaumes et leurs visières rabattues, impossible de connaître leur identité. :arrow: Le passage de cette dernière phrase m'a fait bizarre avec la précédente, il y a pas vraiment de transition :geek: C'est totalement vrai, merci !
Comme chaque jour depuis près de deux décades, elle se redressa pour se diriger vers la salle d’eau, talonnée par l’un des trois gardes, se soulagea, revint dans son lit en essayant de ne pas penser aux ecchymoses qui constellaient ses cuisses et ses bras, se replia dans le lit avec un livre et n’en bougea plus. La lecture était devenue son unique échappatoire pour occulter les horreurs du quotidien. Enfermée dans le palais qu’elle avait toujours arpenté librement, surveillée et encadrée, privée de tous ses proches, elle avait vite sombré.

Soudain, les portes s’ouvrirent brusquement. Plongée dans un demi-sommeil, Kyara battit des paupières pour chasser les relents de torpeur qui lui abrutissaient l’esprit. Mais, quand elle discerna la silhouette massive du Corbeau entre les battants, elle se redressa d’un bond et se replia au fond du lit, le cœur battant la chamade. Elle sentit ses iris, qui dans l’obscurité tiraient vers le violet, s’appesantir sur sa chemise de nuit, glisser le long de ses bleus, remonter à son visage. Elle fut incapable d’y discerner ne serait-ce qu’une pointe de remords ou de compassion. :arrow: Il la viole ? x) Ça sent effectivement le charme ces chapitres à venir :) Oui :( Les joies des guerres dans un cadre médiéval…
— L’Impératrice requiert ta présence, annonça-t-il d’un ton froid et sec.
Le respect et la politesse qu’elle avait entendus dans sa voix sur le champ de bataille, deux décades plus tôt, s’étaient évaporés au moment où il avait arraché la couronne de sa tête. Quand il la fixait, stoïque et imperturbable, elle ne pouvait s’empêcher de frissonner, comme si l’aura de froideur qu’il dégageait parvenait à l’atteindre, elle, physiquement. Elle songeait à ses mouvements, brutaux mais dénués d’une émotion quelconque, fut-ce de la haine, et la dureté de son visage quand il se couchait sur elle. Malgré sa terreur et son aversion, elle se rendait compte qu’il n’éprouvait aucun plaisir à lui infliger ce tourment… ce qui rendait l’acte d’autant plus abject. :arrow: Il doit lui faire un gosse ? :| Grosse ambiance au château
Image

Grosse joie hein. J'essaie de dédramatiser.

Elle en reconnut la majorité en quelques secondes seulement. Il y avait Gatran, douze étés, des cheveux blonds et des yeux d’un noir profond, qui était l’un de ses cousins éloignés, arrière-petit-fils d’une arrière-grande-tante que Kyara n’avait jamais connue. Illen et Xaran, deux des plus vieux, avaient la quinzaine. C’étaient les enfants d’Helena, ministre influente et amie proche de Mara de Ciel, qui à l’approche de l’armée s’était enfuie à Eau, sa province d’origine. Kyara ressentit un pincement au cœur en songeant à sa mère.
Il y avait une douzaine d’autres gamins qu’elle aurait pu citer de nom. Pour autres :arrow: d'autres ? Uch, oui. Il me semble qu'il y avait un "les" avant… mais ça c'était avant :lol: , elle se rappelait leurs visages et savait les avoir vus au moins une fois par le passé, des étés plus tôt, même si leurs noms étaient flous dans sa mémoire. Ils paraissaient avoir entre quatre et dix-sept hivers au plus, et ils étaient tous de noble naissance, descendants de grandes familles des quatre provinces. Quand elle aborda l’idée sous cet angle, la raison de leur présence devint évidente.

— Merci Kyara, tu m’amènes là où je voulais en venir. Vos origines n’importent plus. Vos rangs n’importent plus. Parce que vos familles, vos provinces et votre royaume, n’importe :arrow: n'importent :ugeek: plus. Vous êtes désormais avaloniens.

— Oh, il ne va pas mourir. Pas tout de suite en tout cas.
Le silence se fit anxiogène, dévorant.
— Quelqu’un d’autre aurait un avis semblable à exprimer ? :arrow: Cette Eliane me fait penser quelque part à la Eliane du début... d'Eliane, quand elle était glaciale envers tout le monde, son esprit inaccessible et son ambition dévorante (ça, ça l'est toujours :lol: ). J'ai l'impression qu'on a la facette "et si c'était parti en couilles et qu'Eliane avait voulu assouvir son besoin de pouvoir avant le besoin du peuple. Ben nous y voilà, Eliane version hardcore :roll: C'est ça, c'est un peu l'aspect "what if" qui persistait dans Eliane… sauf qu'à l'époque, elle avait un code de conduite strict et des exigences vis-à-vis d'elle-même et de ce qu'elle pouvait se permettre. Là… bah ouais, c'est parti en cacahuètes. Déjà qu'à la fin d'Eliane, elle était énervée… :roll: :lol:

— Mais c’est justement ça que j’aimerais ! Je ne veux pas d’une poupée de chiffons, même si elle est douée pour dire oui et sourire poliment au moment opportun ! Je veux une femme qui sache s’affirmer ! En plus, je la terrorise et elle me hait. :arrow: Mec tu vas pas jouer les surpris, y'a la réponse à la haine de Kyara dans ta phrase :lol: Puis arf il y a de l'intéressant dans tout le monde, suffit juste de gratter les premières couches :mrgreen: En même temps, il va pas arriver et lui faire des câlins, non ? :lol:
Le dernier aveu n’était qu’un grognement, dénué de honte ou de tristesse, mais réticent malgré tout. Sentant la faille, Eliane abandonna un instant sa rigidité de souveraine, franchit la distance qu’il avait instaurée en commençant à tourner en rond, l’attrapa par le poignet. La plate de leurs plastrons tinta et crissa quand elle le serra dans ses bras. Il soupira longuement, mais finit par l’envelopper dans une forte étreinte à son tour. Elle déposa un baiser sur sa joue, lui prit le menton pour l’obliger à lui faire face. Malgré les années qui avaient passé, il détourna le regard comme s’il était encore un enfant pris en flagrant délit. :arrow: C'est très bizarre. Quelque part, j'ai envie de croire qu'elle a vraiment un coeur de mère sous la couche de glace. Mais je peux pas m'empêcher d'imaginer que c'est une énième manipulation :cry: Je t'avoue que, dans ces moments-là, le personnage m'échappe un peu, même moi je ne sais pas trop x) Je pense que, dans cette scène en particulier, il y a une part d'instinct maternel pour discerner le trouble de son fils et comprendre l'origine… mais d'un autre côté, il y a une pointe de logique un peu manipulatrice, parce qu'elle ne peut pas se permettre de perdre son héritier/fils/général des armées…

— Tu sauras être un bon père. Et ton père et moi serons là aussi. Saedor… J’avais des doutes, mais Saedor est réellement un homme bon. J’ai réussi à le voir alors que je me pensais incapable d’aimer quelqu’un à nouveau. Peut-être que toi aussi, tu sauras trouver quelque chose chez Kyara qui te plaira. :arrow: Ptn Eliane c'est pas parce qu'on est du même avis que je te pardonne. T'aimes pas être d'accord avec le perso ? :mrgreen:

Peu désireuse de rebondir sur son grondement sceptique, elle le serra encore une fois contre elle, puis le relâcha avec un sourire taquin.
— Ah, et tu passeras le bonjour à tes tantes de ma part.
— Mère !
:arrow: LEUR COMPLICITE ME MET MAL A L'AISE MAIS JSP POURQUOI.
Peut-être parce que ce sont des monstres en-dehors de ces instants ? :ugeek:
Héhéhé x)
En vrai, je pense que tu es mal à l'aise parce qu'il y a une véritable dissonance entre leurs caractères dans la sphère privée et la sphère publique. C'est volontaire, mais je me doute que ce n'est pas agréable ^^


◊~◊~◊


Un peu folle-dingue ? :lol: Oui, un peeeeu. Clairement, c'est déstabilisant de la voir ainsi, de se dire qu'on a été plongés dans sa tête pendant toute la partie précédente. Y'a eu plusieurs fois où on pouvait se dire "elle ferait pas ça..." et le faisait pas, effectivement. Mais là... c'est elle qui décide de tout, c'est glaçant x)
Et franchement sa relation avec son fils... VRAIMENT y'a un truc qui me fait grimacer, c'est terrible.
De manière générale, c'est bien joué de ta part la façon dont Eliane est dépeinte, comment les autres la voient... C'était déjà très bien maîtrisé dans Eliane, mais ça prend une dimension autre dans Kyara avec la folie ! Je suis contente de l'évolution d'Eliane quelque part, car c'est l'un des exercices d'écriture les plus difficiles je trouve (voire le plus difficile ?) de faire passer un protagoniste à un antagoniste avec adresse et cohérence. J'en ai pas beaucoup lus de bons, mais là, on est servis (et ça fait bobo :cry: ). Y'a clairement un panel de personnages parfaitement gris (... ou noirs ...), ce qui est le cas depuis le début avec Dynasties, mais ici ça prend tout son ampleur comme y'a le background des histoires précédentes ^^
BREF c'est terrible, mais j'ai hâte d'assister à plus de terrible et... c'est terrible de ressentir ça :(
Vilaine Lokinette comme d'hab quoi
BEAUCOUP DE "TERRIBLE" dans ce commentaire, je crois que ça veut tout dire :'c
Beaucoup de "terrible", oui, mais ça s'y prête. Surtout que, Eliane, on la connaissait pour sa conduite stricte, sa morale peut-être un peu douteuse mais sa capacité à faire la part des choses. Là, elle est totalement hors de contrôle, c'est flippant… et c'est ça qui est fun ! :lol:
En tout cas, je suis contente que son évolution te plaise. Tu sais que c'est un axe que je voulais aborder, cette transformation de protagoniste en antagoniste, même si ce n'est pas nécessairement ici que je l'expérimenterai le plus, c'est déjà un excellent point de départ. Ça pique, mais je l'adore aussi folle qu'elle est :twisted: Et puis, ça fait un peu uchronie, qu'est-ce qui se serait passé si elle avait choisi de franchir la limite à l'époque… Bah elle la franchit maintenant.
Sinon, comme je le disais, sa relation avec son fils est fondamentalement sincère, mais Eliane a toujours eu une délimitation très claire entre ses proches et les autres personnes. Son fils a été élevé dans la même veine. Pour le moment, ils tirent vers le noir, mais j'espère au moins pouvoir les basculer dans le gris bientôt. ;)
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Re: Kyara I (2/3)

Message par louji »

vampiredelivres a écrit : ven. 23 avr., 2021 3:30 pm
louji a écrit : jeu. 22 avr., 2021 11:58 am
L'HÉRITIÈRE
(2/3)



— Oh, il ne va pas mourir. Pas tout de suite en tout cas.
Le silence se fit anxiogène, dévorant.
— Quelqu’un d’autre aurait un avis semblable à exprimer ? :arrow: Cette Eliane me fait penser quelque part à la Eliane du début... d'Eliane, quand elle était glaciale envers tout le monde, son esprit inaccessible et son ambition dévorante (ça, ça l'est toujours :lol: ). J'ai l'impression qu'on a la facette "et si c'était parti en couilles et qu'Eliane avait voulu assouvir son besoin de pouvoir avant le besoin du peuple. Ben nous y voilà, Eliane version hardcore :roll: C'est ça, c'est un peu l'aspect "what if" qui persistait dans Eliane… sauf qu'à l'époque, elle avait un code de conduite strict et des exigences vis-à-vis d'elle-même et de ce qu'elle pouvait se permettre. Là… bah ouais, c'est parti en cacahuètes. Déjà qu'à la fin d'Eliane, elle était énervée… :roll: :lol: :arrow: Voui, on savait qu'elle se limitait dans la portée de ses actes... À la fin, elle avait encore des atouts dans sa manche, mais elle était assez impuissante par plusieurs côtés. Mais là... :lol:

— Mais c’est justement ça que j’aimerais ! Je ne veux pas d’une poupée de chiffons, même si elle est douée pour dire oui et sourire poliment au moment opportun ! Je veux une femme qui sache s’affirmer ! En plus, je la terrorise et elle me hait. :arrow: Mec tu vas pas jouer les surpris, y'a la réponse à la haine de Kyara dans ta phrase :lol: Puis arf il y a de l'intéressant dans tout le monde, suffit juste de gratter les premières couches :mrgreen: En même temps, il va pas arriver et lui faire des câlins, non ? :lol: :arrow: Ne passons pas d'un extrême à l'autre, je suis d'accord :lol: Mais au moins prendre le temps de la connaître :'c
Le dernier aveu n’était qu’un grognement, dénué de honte ou de tristesse, mais réticent malgré tout. Sentant la faille, Eliane abandonna un instant sa rigidité de souveraine, franchit la distance qu’il avait instaurée en commençant à tourner en rond, l’attrapa par le poignet. La plate de leurs plastrons tinta et crissa quand elle le serra dans ses bras. Il soupira longuement, mais finit par l’envelopper dans une forte étreinte à son tour. Elle déposa un baiser sur sa joue, lui prit le menton pour l’obliger à lui faire face. Malgré les années qui avaient passé, il détourna le regard comme s’il était encore un enfant pris en flagrant délit. :arrow: C'est très bizarre. Quelque part, j'ai envie de croire qu'elle a vraiment un coeur de mère sous la couche de glace. Mais je peux pas m'empêcher d'imaginer que c'est une énième manipulation :cry: Je t'avoue que, dans ces moments-là, le personnage m'échappe un peu, même moi je ne sais pas trop x) Je pense que, dans cette scène en particulier, il y a une part d'instinct maternel pour discerner le trouble de son fils et comprendre l'origine… mais d'un autre côté, il y a une pointe de logique un peu manipulatrice, parce qu'elle ne peut pas se permettre de perdre son héritier/fils/général des armées… :arrow: Arf, je comprends. Elle se soucie vraiment de lui, mais bon elle perd pas de vue son rôle-clé non plus x)


◊~◊~◊


Beaucoup de "terrible", oui, mais ça s'y prête. Surtout que, Eliane, on la connaissait pour sa conduite stricte, sa morale peut-être un peu douteuse mais sa capacité à faire la part des choses. Là, elle est totalement hors de contrôle, c'est flippant… et c'est ça qui est fun ! :lol:
En tout cas, je suis contente que son évolution te plaise. Tu sais que c'est un axe que je voulais aborder, cette transformation de protagoniste en antagoniste, même si ce n'est pas nécessairement ici que je l'expérimenterai le plus, c'est déjà un excellent point de départ. Ça pique, mais je l'adore aussi folle qu'elle est :twisted: Et puis, ça fait un peu uchronie, qu'est-ce qui se serait passé si elle avait choisi de franchir la limite à l'époque… Bah elle la franchit maintenant.
Sinon, comme je le disais, sa relation avec son fils est fondamentalement sincère, mais Eliane a toujours eu une délimitation très claire entre ses proches et les autres personnes. Son fils a été élevé dans la même veine. Pour le moment, ils tirent vers le noir, mais j'espère au moins pouvoir les basculer dans le gris bientôt. ;)
C'est complètement ça... Fun, là, tout de suite, je sais pas :lol: Pour toi, autrice sadique, j'en ai aucun doute, mais pour nous lecteurs malheureux... :cry:

Un très bon point de départ oui :roll: Un peu trop bien mis en avant :'c
Oh, donc tu prévois un autre récit avec la dynamique "protagoniste devient antagoniste" ? 8-) J'ai hâte de voir ça (je vais encore souffrir évidemment mais bon).
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Re: Dynasties / Kyara [High Fantasy / Royauté / Intrigues politiques]

Message par TcmA »

Hiello~

Quelle belle ambiance, dis-moi. Une impératrice réincarnée qui a tourné full psychopathe (d'où qu'il est le filtre d'Eliane ? Ben y en a plus), des viols, des humiliations, de la terreur, de la douleur. Yay.

Boooon, plus sérieusement, t'es incroyable, ça me glace le sang, parce que j'aime beaucoup cette Eliane :cry: Faut pas déconner, elle me terrorise, mais bon sang que c'est intéressant (mon compas moral a fait wheeeeee). Comme disait Coline, tu as bien réussi le passage protagoniste-antagoniste, c'est génial.
Je suis d'accord avec Coline, il y a quelque chose de dérangeant dans la relation entre Eliane et Yngvar (je pense que c'est parce que j'attends qu'une merde se passe :cry: ).
Puis ptdr Yngvar "Je la terrorise et elle me hait" d'Avalaën (je connais/me souviens pas son titre réel, tu me corrigeras !), es-tu stupide. C'est vrai qu'on part sur une belle base de relation, entre renversement de royaume, p'tits meurtres par-ci par-là, le tout saupoudré de VIOLS (que je suppose quotidiens, yay).
Image
"Oh, il ne va pas mourir. Pas tout de suite en tout cas" ou comment résumer Eliane et Kyara en 2 phrases.
"Aidan et Jesten" : Oh look, pain. I'm here for it, though.

Bien bien bien, j'ai l'impression que tu nous transformes en masochistes, parce que j'ai très hâte de lire la suite. L'écriture est toujours autant géniale, ça fait... je dirais pas "plaisir", vu les événements, donc je vais rester sur "quelque chose" de retourner dans cet univers.
Courage pour tout !
La bise~
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Re: Kyara I (2/3)

Message par vampiredelivres »

louji a écrit : jeu. 22 avr., 2021 11:58 am
L'HÉRITIÈRE
(2/3)


— Oh, il ne va pas mourir. Pas tout de suite en tout cas.
Le silence se fit anxiogène, dévorant.
— Quelqu’un d’autre aurait un avis semblable à exprimer ? :arrow: Cette Eliane me fait penser quelque part à la Eliane du début... d'Eliane, quand elle était glaciale envers tout le monde, son esprit inaccessible et son ambition dévorante (ça, ça l'est toujours :lol: ). J'ai l'impression qu'on a la facette "et si c'était parti en couilles et qu'Eliane avait voulu assouvir son besoin de pouvoir avant le besoin du peuple. Ben nous y voilà, Eliane version hardcore :roll: C'est ça, c'est un peu l'aspect "what if" qui persistait dans Eliane… sauf qu'à l'époque, elle avait un code de conduite strict et des exigences vis-à-vis d'elle-même et de ce qu'elle pouvait se permettre. Là… bah ouais, c'est parti en cacahuètes. Déjà qu'à la fin d'Eliane, elle était énervée… :roll: :lol: :arrow: Voui, on savait qu'elle se limitait dans la portée de ses actes... À la fin, elle avait encore des atouts dans sa manche, mais elle était assez impuissante par plusieurs côtés. Mais là... :lol: Oui, elle (s')était privée de tout ce qui lui donnait du pouvoir… mais bon, elle restait Eliane, avec un plan de secours du plan de secours du plan de secours. Par contre là…

— Mais c’est justement ça que j’aimerais ! Je ne veux pas d’une poupée de chiffons, même si elle est douée pour dire oui et sourire poliment au moment opportun ! Je veux une femme qui sache s’affirmer ! En plus, je la terrorise et elle me hait. :arrow: Mec tu vas pas jouer les surpris, y'a la réponse à la haine de Kyara dans ta phrase :lol: Puis arf il y a de l'intéressant dans tout le monde, suffit juste de gratter les premières couches :mrgreen: En même temps, il va pas arriver et lui faire des câlins, non ? :lol: :arrow: Ne passons pas d'un extrême à l'autre, je suis d'accord :lol: Mais au moins prendre le temps de la connaître :'c Je oui mais. x) Il a un peu brûlé les étapes, mais il va essayer de se rattraper plus tard.
Le dernier aveu n’était qu’un grognement, dénué de honte ou de tristesse, mais réticent malgré tout. Sentant la faille, Eliane abandonna un instant sa rigidité de souveraine, franchit la distance qu’il avait instaurée en commençant à tourner en rond, l’attrapa par le poignet. La plate de leurs plastrons tinta et crissa quand elle le serra dans ses bras. Il soupira longuement, mais finit par l’envelopper dans une forte étreinte à son tour. Elle déposa un baiser sur sa joue, lui prit le menton pour l’obliger à lui faire face. Malgré les années qui avaient passé, il détourna le regard comme s’il était encore un enfant pris en flagrant délit. :arrow: C'est très bizarre. Quelque part, j'ai envie de croire qu'elle a vraiment un coeur de mère sous la couche de glace. Mais je peux pas m'empêcher d'imaginer que c'est une énième manipulation :cry: Je t'avoue que, dans ces moments-là, le personnage m'échappe un peu, même moi je ne sais pas trop x) Je pense que, dans cette scène en particulier, il y a une part d'instinct maternel pour discerner le trouble de son fils et comprendre l'origine… mais d'un autre côté, il y a une pointe de logique un peu manipulatrice, parce qu'elle ne peut pas se permettre de perdre son héritier/fils/général des armées… :arrow: Arf, je comprends. Elle se soucie vraiment de lui, mais bon elle perd pas de vue son rôle-clé non plus x) Exact !


◊~◊~◊


C'est complètement ça... Fun, là, tout de suite, je sais pas :lol: Pour toi, autrice sadique, j'en ai aucun doute, mais pour nous lecteurs malheureux... :cry:

Un très bon point de départ oui :roll: Un peu trop bien mis en avant :'c
Oh, donc tu prévois un autre récit avec la dynamique "protagoniste devient antagoniste" ? 8-) J'ai hâte de voir ça (je vais encore souffrir évidemment mais bon).
Oh, si, c'est fun x) Bon, j'avoue que là, je lis une autrice sadique donc je n'enjoy pas tant que ça… du coup je vous comprends en vrai.

Rhoh tout de suite :lol:
Yep, cette fois-ci en perso principal ! Être dans sa tête tout le long. Mais j'avoue que j'ai peur de m'engager sur cette pente, c'est extrêmement glissant.

TcmA a écrit : sam. 24 avr., 2021 7:12 pm Hiello~

Quelle belle ambiance, dis-moi. Une impératrice réincarnée qui a tourné full psychopathe (d'où qu'il est le filtre d'Eliane ? Ben y en a plus), des viols, des humiliations, de la terreur, de la douleur. Yay.

Boooon, plus sérieusement, t'es incroyable, ça me glace le sang, parce que j'aime beaucoup cette Eliane :cry: Faut pas déconner, elle me terrorise, mais bon sang que c'est intéressant (mon compas moral a fait wheeeeee). Comme disait Coline, tu as bien réussi le passage protagoniste-antagoniste, c'est génial.
Je suis d'accord avec Coline, il y a quelque chose de dérangeant dans la relation entre Eliane et Yngvar (je pense que c'est parce que j'attends qu'une merde se passe :cry: ).
Puis ptdr Yngvar "Je la terrorise et elle me hait" d'Avalaën (je connais/me souviens pas son titre réel, tu me corrigeras !), es-tu stupide. C'est vrai qu'on part sur une belle base de relation, entre renversement de royaume, p'tits meurtres par-ci par-là, le tout saupoudré de VIOLS (que je suppose quotidiens, yay).
Image
"Oh, il ne va pas mourir. Pas tout de suite en tout cas" ou comment résumer Eliane et Kyara en 2 phrases.
"Aidan et Jesten" : Oh look, pain. I'm here for it, though.

Bien bien bien, j'ai l'impression que tu nous transformes en masochistes, parce que j'ai très hâte de lire la suite. L'écriture est toujours autant géniale, ça fait... je dirais pas "plaisir", vu les événements, donc je vais rester sur "quelque chose" de retourner dans cet univers.
Courage pour tout !
La bise~
Hellyo !

Oué, grosse joie et bonne ambiance. (A pu filtre :lol: )

Héhé, le compas moral qui a fait un 180°, on aime. :D Mais ouais, elle est incroyable, c'est trop intéressant de la faire virer glaçante et terrifiante (elle me ferait presque peur, parfois x) ). D'autant plus que, comme elle est un perso secondaire cette fois-ci, on ne sait plus ce qui se passe dans sa tête et ce qu'elle pense réellement, on ne voit que sa façade.
Mais laissez mes persos être réellement sincères et aimants, flûte et zut ! Pour une fois qu'ils essaient vraiment, au moins entre eux ! :mrgreen:
Son Altesse Impériale le Prince Héritier Yngvar Zaor'Vil d'Avalaën, dit "Le Corbeau", Grand Général des Armées, Commandant des Bataillons Sanglants et Capitaine du Premier Bataillon Sanglant. (Comment ça je me laisse emporter ? :mrgreen: ) Mais Yngvar "Je la terrorise et elle me haït" d'Avalaën, ça passe aussi x) Ouais, tu connais les relations toxico-chaotiques qui démarrent sur des abus et de la violence ? C'est une base extrêmement saine voyons ! :roll:

Très beau résumé x)
Ah, les petits souvenirs…

Vous allez finir par devenir comme moi, à justifier les souffrances d'un perso par la nécessité scénaristique :lol:
Merci beaucoup en tout cas ♥
louji

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Re: Kyara I (2/3)

Message par louji »

vampiredelivres a écrit : mer. 28 avr., 2021 12:32 pm
Oh, si, c'est fun x) Bon, j'avoue que là, je lis une autrice sadique donc je n'enjoy pas tant que ça… du coup je vous comprends en vrai.

Rhoh tout de suite :lol:
Yep, cette fois-ci en perso principal ! Être dans sa tête tout le long. Mais j'avoue que j'ai peur de m'engager sur cette pente, c'est extrêmement glissant.

Oh, laisse-moi deviner, ça commence par Karine et finit pat Giebel ? :)

Oouuh. Je me demande si c'est le projet avec les dragooons. Peu importe, je sens qu'on va apprécier (et pleurer, classique). Ouep, je te comprends, c'est clairement pas une pente dans laquelle je me lancerais aujourd'hui :lol:
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Re: Kyara I (2/3)

Message par vampiredelivres »

louji a écrit : mer. 28 avr., 2021 10:37 pm Oh, laisse-moi deviner, ça commence par Karine et finit pat Giebel ? :)

Oouuh. Je me demande si c'est le projet avec les dragooons. Peu importe, je sens qu'on va apprécier (et pleurer, classique). Ouep, je te comprends, c'est clairement pas une pente dans laquelle je me lancerais aujourd'hui :lol:
Exact ! Ça picote un peu plus que quand c'est moi qui écris on va dire :lol:

Héhé, je ne dirai rien :mrgreen: Mais ouais, c'est dangereux ce genre d'axe narratif, j'ai intérêt à avoir quelque chose de solide en tête.
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Re: Kyara I (2/3)

Message par TcmA »

vampiredelivres a écrit : mer. 28 avr., 2021 12:32 pm Hellyo !

Oué, grosse joie et bonne ambiance. (A pu filtre :lol: )

Héhé, le compas moral qui a fait un 180°, on aime. :D Mais ouais, elle est incroyable, c'est trop intéressant de la faire virer glaçante et terrifiante (elle me ferait presque peur, parfois x) ). D'autant plus que, comme elle est un perso secondaire cette fois-ci, on ne sait plus ce qui se passe dans sa tête et ce qu'elle pense réellement, on ne voit que sa façade.
Mais laissez mes persos être réellement sincères et aimants, flûte et zut ! Pour une fois qu'ils essaient vraiment, au moins entre eux ! :mrgreen:
Son Altesse Impériale le Prince Héritier Yngvar Zaor'Vil d'Avalaën, dit "Le Corbeau", Grand Général des Armées, Commandant des Bataillons Sanglants et Capitaine du Premier Bataillon Sanglant. (Comment ça je me laisse emporter ? :mrgreen: ) Mais Yngvar "Je la terrorise et elle me haït" d'Avalaën, ça passe aussi x) Ouais, tu connais les relations toxico-chaotiques qui démarrent sur des abus et de la violence ? C'est une base extrêmement saine voyons ! :roll:

Très beau résumé x)
Ah, les petits souvenirs…

Vous allez finir par devenir comme moi, à justifier les souffrances d'un perso par la nécessité scénaristique :lol:
Merci beaucoup en tout cas ♥

Ouiii, c'est ça qui est kiffant, on est à la place des persos secondaires d'Eliane (et encore, elle avait quelques barrières en plus haha), j'adore.
Mouais, ils essaient, mais bon, on parle d'Eliane quand même :v Je lui fais pas confiance, elle a toujours une idée derrière la tête.
AH. Sacré titre. On va rester sur le Corbeau :lol: Oh bah voui, voyons, une bonne relation bien saine !

MDRRRR, y a clairement moyen ("non mais tu comprends, faut faire monter les choses en tension, puis y a tout son passé qui rentre dans l'équation et tout...")
Avec plaisir !

La bise~
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Re: Kyara I (2/3)

Message par vampiredelivres »

TcmA a écrit : dim. 02 mai, 2021 9:11 am Ouiii, c'est ça qui est kiffant, on est à la place des persos secondaires d'Eliane (et encore, elle avait quelques barrières en plus haha), j'adore.
Mouais, ils essaient, mais bon, on parle d'Eliane quand même :v Je lui fais pas confiance, elle a toujours une idée derrière la tête.
AH. Sacré titre. On va rester sur le Corbeau :lol: Oh bah voui, voyons, une bonne relation bien saine !

MDRRRR, y a clairement moyen ("non mais tu comprends, faut faire monter les choses en tension, puis y a tout son passé qui rentre dans l'équation et tout...")
Avec plaisir !

La bise~
C'est tellement fun d'être de l'autre côté du miroir aussi, d'assister à la folie d'Eliane et de voir ce que ressentaient ceux qui la côtoyaient au quotidien.
Oui, c'est Eliane, certes. Mais tu ne me diras pas qu'elle n'aimait sincèrement pas Uriel ou Karashei par exemple ^^
Le Corbeau c'est très bien ! :lol:

Ah mais on dirait que t'es en train de me citer là :mrgreen:
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Re: Kyara I (2/3)

Message par TcmA »

vampiredelivres a écrit : dim. 02 mai, 2021 1:55 pm C'est tellement fun d'être de l'autre côté du miroir aussi, d'assister à la folie d'Eliane et de voir ce que ressentaient ceux qui la côtoyaient au quotidien.
Oui, c'est Eliane, certes. Mais tu ne me diras pas qu'elle n'aimait sincèrement pas Uriel ou Karashei par exemple ^^
Le Corbeau c'est très bien ! :lol:

Ah mais on dirait que t'es en train de me citer là :mrgreen:

Yes, c'est ça !
Ouiiii, mais c'était avant la disparition du filtre ! Clairement, y'avait pas de doute à avoir à ce moment là. Mais maintenant que qu'il y en a plus... J'ai... des réserves.
Oui :lol:

Tu nous déteins sur nous, c'pour ça :mrgreen: (est-ce bien, est-ce mal, les écrits et nos réactions aux chapitres nous le diront)
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Re: Kyara I (2/3)

Message par vampiredelivres »

TcmA a écrit : mar. 04 mai, 2021 1:42 pm Yes, c'est ça !
Ouiiii, mais c'était avant la disparition du filtre ! Clairement, y'avait pas de doute à avoir à ce moment là. Mais maintenant que qu'il y en a plus... J'ai... des réserves.
Oui :lol:

Tu nous déteins sur nous, c'pour ça :mrgreen: (est-ce bien, est-ce mal, les écrits et nos réactions aux chapitres nous le diront)[/size]
Bon, je vais vous laisser découvrir du coup ! Mais je comprends les réserves… :lol:

C'est cool ça ! :mrgreen: (Rhoh, je pense que c'est bien, hein ! Après tout, ça ne vous empêchera pas de rager sur les personnages donc ça me va !)
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Kyara I (3/3)

Message par vampiredelivres »

Helloooo !
Ça faisait longtemps, non ? Back to business comme on dit, retour au trauma. Il est temps d'avancer un peu dans l'histoire et de changer de cadre.
Bonne lecture !



L'HÉRITIÈRE
(3/3)


Kyara avait mal au dos à force d’être en selle, mais il n’y avait pas de calèche ni de chariot qui aurait pu rendre le voyage plus confortable. Assise depuis l’aurore sanglante, ballottée par les pas chaloupés de son cheval attaché à celui de devant, elle s’efforçait de garder la tête droite et menton haut, mais l’épuisement et la tristesse rendaient l’entreprise impossible. Elle n’eut même pas le cœur de se retourner pour regarder le reste du cortège, sachant pertinemment ce qu’elle verrait. Les plus âgés des otages, comme elle, avaient chacun une monture dont les rênes avaient été confiées à l’Avalonien le plus proche. Les plus jeunes, incapables de monter seuls, avaient chacun été mis en selle avec un soldat, et passaient d’homme à homme régulièrement pour ne pas surcharger les bêtes. Depuis l’aube, ils avaient gardé un rythme soutenu, alternant entre pas et galop sans jamais faire de pause. Les soldats avaient mangé en selle des lanières de viande séchée, mais Kyara et la plupart des enfants avaient refusé la nourriture, l’estomac noué.
Le seul qui manquait à l’appel était Rowan. Kyara avait eu beau supplier et implorer, on lui avait refusé toute entrevue avec l’Impératrice à ce sujet. De toute manière, personne ne semblait savoir où l’adolescent avait disparu. On lui avait simplement dit qu’il était vivant et sous bonne garde, et que si elle tenait ne serait-ce qu’un peu à lui, elle serait avisée d’obéir et de ne pas causer de scènes comme il l’avait fait.
Ainsi, ils étaient partis en direction de la province de Lumière et des frontières avaloniennes. Le premier Bataillon Sanglant, cent hommes lourdement armés, rompus aux arts de la guerre et absolument dépourvus de pitié, les escortaient en direction de la Citadelle Rouge. Qu’est-ce qui les attendait là-bas, Kyara n’osait trop l’imaginer. La peur s’était instillée dans son âme après la disparition de Rowan, et refusait désormais de la lâcher.
Le soir vint enfin, après une éreintante journée qui la laissa si fourbue qu’elle manqua de tomber en descendant de cheval. Il s’étaient arrêtés dans une auberge située près de la route principale. Une dizaine de soldats s’engagèrent à l’intérieur, deux ramenèrent dehors un homme qui semblait être le propriétaire en le tenant par les bras. Les autres demeurèrent à l’intérieur.
Face au Corbeau, le propriétaire baissa la tête, tremblant, et cessa de se débattre vainement.
— Nous prendrons de la nourriture et un abri. L’étable ou la grange suffiront, pour peu qu’elles soient vides.
L’homme releva lentement la tête, presque surpris.
— Pas de chambre, messire ?
À la lumière de la torche, l’expression du Corbeau se fit si méprisante que l’homme s’excusa immédiatement et promit d’aller faire le nécessaire pour qu’ils soient tous restaurés et couverts. Une fois relâché, il détala sans demander son reste, et un groupe de soldats se dirigea vers la grange pour l’inspecter de fond en comble. Quand ils furent satisfaits, ils y amenèrent les enfants, qu’ils placèrent à l’étage, solidement gardés, puis descendirent à tour de rôle se nourrir et se laver à l’eau glacée. Éreintée, Kyara ne put malgré tout s’empêcher d’admirer leur organisation et leur coordination parfaitement rodées. À les voir, on aurait pu croire qu’ils se connaissaient depuis l’enfance.
Elle mordit distraitement dans le morceau de pain qu’on lui offrait, mâchouilla longtemps une tranche de viande séchée qu’elle eut du mal à faire descendre dans sa gorge, but un peu d’eau, puis se roula en boule sur la paille, frissonnante, un peu à l’écart du reste des enfants. Depuis le début du voyage, elle avait été mise à part à cause de son statut, et même ceux qui la connaissaient pourtant bien se gardaient de l’approcher. La peur dominait les esprits, étouffait les murmures et les gestes malavisés. Et l’isolait du groupe.
Un frisson la parcourut quand une main rude se posa sur son épaule par surprise. Son cri s’étouffa dans sa gorge quand elle croisa les iris d’un violet pâle, tirant sur le bleu dans la nuit, la terreur déferla dans ses veines aux souvenirs de son père.
Mais le Corbeau se contenta de lui tendre une épaisse couverture de laine rêche, qu’il avait empaquetée dans ses affaires personnelles, et qu’elle accepta sans comprendre. Puis, il se détourna, rejoignit ses hommes en bas, la laissant sous la surveillance des gardes, seule et démunie par la surprise.

Cinq nuits plus tard, ils s’étaient arrêtés de la même manière dans une taverne, à quelques lieues seulement des frontières entre Lumière et Avalaën. Le climat printanier des plaines, plus frais et venteux, les avait incités à se réfugier plutôt dans la salle commune de la taverne, où les tables avaient été repoussées sur le côté et les clients chassés dans leurs chambres.
Ils étaient si proches de l’empire ennemi que l’espoir qu’un sauveur inconnu vienne l’arracher aux bras de ses ravisseurs avait déserté Kyara. Esseulée, coupée de ceux de son âge qui, fut un temps, avaient presque été des amis pour elle, elle s’était repliée dans un coin de la pièce, couchée contre une table renversée. Malgré la température suffocante qui régnait à l’intérieur à cause des nombreux corps entassés les uns sur les autres, elle gardait la laine du Corbeau enroulée autour d’elle. Elle avait froid, mais de l’intérieur, un froid qu’aucune couverture et aucun feu ne pourraient réchauffer. Emplie de cruelles désillusions, elle sombra dans un sommeil lourd.
Des rires, étouffés mais audibles, la réveillèrent. Papillonnant des paupières, elle jeta un bref coup d’œil aux vitres couvertes de buée. De l’autre côté, la nuit était toujours aussi profonde et insondable. Elle tourna la tête vers l’origine des sons, et avisa quatre soldats assis en demi-cercle autour de la cheminée, souriants. Parmi eux, la large silhouette du Corbeau était aisément reconnaissable, même s’il était de dos. Une soldate à la longue tresse tombante avait posé la tête sur son épaule. Ils riaient aussi discrètement que possible, et, en les écoutant un peu, Kyara finit par comprendre qu’ils parlaient du soldat qui, la veille, était tombé avec son cheval. Elle devina aussi, au vu de la manière dont ils l’interpellaient, que c’était celui à gauche, le plus proche du feu. Il rebiffait, se défendait comme il pouvait, mais ils le taquinaient quand même gentiment sur sa maîtrise de son destrier.
Enveloppée dans sa couverture rêche, elle continua à les détailler et à les écouter, presque fascinée par la profonde camaraderie qui se dégageait du petit groupe. Puis, à un moment donné, le Corbeau passa son bras autour de la taille de la femme à côté de lui, la serra doucement. Le cœur de Kyara rata un battement, elle se figea. Malgré le fait qu’il se soit emparé de son royaume et de sa liberté, qu’il s’unirait à elle certainement dès leur arrivée à la Citadelle Rouge, il ne voulait pas d’elle, lui préférait une autre. Elle trouva l’idée étrangement douloureuse. Comme s’il venait de lui arracher quelque chose de plus que tout ce qu’il avait déjà pris.
La soldate, probablement habituée à sentir quand on l’observait, pivota vers elle à ce moment précis et la fixa droit dans les yeux. Suivant son regard, le Corbeau tourna la tête. Dans l’éclat des flammes, ses iris oscillaient entre le lilas maudit de la dynastie avalonienne et le bleu glacier de l’Impératrice. Kyara déglutit anxieusement, avec la sensation dérangeante d’être une gamine prise en faute. La femme l’observa un long moment, puis finit par lui sourire et lui faire un signe de la main pour l’inciter à les rejoindre. Soudain pétrifiée et effrayée, la jeune fille ne bougea pas.
— Viens, lui intima l’inconnue doucement.
Avec la sensation que son corps se mouvait contre sa volonté, Kyara se redressa, drapa la couverture sur ses épaules comme une cape, et les rejoignit à pas précautionneux, veillant à ne réveiller personne en chemin. Elle serait restée debout au bord du groupe, indécise sur le comportement à suivre, quand la femme s’écarta du Corbeau et se rapprocha de l’homme à sa droite pour lui faire une place par terre entre eux. Elle s’y posa timidement, n’osant pas lever la tête pour affronter leurs regards.
— Mes amis, la valeureuse épouse que le destin m’a choisi, siffla le prince en avalarë, mi-figue mi-raisin. Une souris effarouchée.
Assise à côté de lui, elle sentit l’odeur de l’alcool qu’il exhalait quand il se tourna vers elle. Elle l’observa furtivement, curieuse. En l’espace des quelques premiers jours de voyage, jamais elle ne l’avait vu toucher à une bouteille ou se mêler aux danses paillardes de ses soldats. Même maintenant, il paraissait à peine éméché, simplement un peu moins raide que d’habitude. Par ailleurs, son regard était trop vif pour qu’elle le croie ivre.
— Yngvar, le tança la femme, arrête de la molester !
Yngvar, nota Kyara, étonnée. Même si elle avait déjà entendu le nom du commandant des Bataillons, pour elle, il était et demeurait le Corbeau. Mais la familiarité avec laquelle ses hommes s’adressaient à lui était surprenante. Loin de la rigueur et de la subordination de l’armée de Ciel, ces trois-là interagissaient avec lui comme avec un égal. Et il ne cherchait pas à les en empêcher.
— Au moins c’est une princesse. D’ailleurs, dis-moi princesse, qu’est-ce que ça fait de faire partie de la noblesse ?
Kyara baissa le nez.
— Je préfèrerais ne pas en parler… murmura-t-elle, butant sur l’avalarë.
La femme pouffa doucement. Kyara la détailla à la dérobée. Elle était robuste, large d’épaules. Son ventre était plat, sa poitrine à peine discernable sous le plastron d’acier. Ses traits n’étaient pas dépourvus d’harmonie, elle dégageait même un charme certain, mais la brutalité de la guerre l’avait indéniablement marquée. Une longue cicatrice plongeait depuis la base de son oreille et se perdait sous les plis de sa chemise, ses doigts étaient rugueux, ses paumes calleuses. Quelque chose dans ses yeux sombres rappelait les horreurs des champs de bataille, comme si un peu du sang qu’elle avait fait couler était resté prisonnier de ses iris.
— Tu lui as coupé la langue, ou elle est juste incapable d’exprimer son avis ?
Le Corbeau haussa les épaules, maussade.
— Ah. Bon écoute, si elle ne parle pas, je vais parler.
— Oh, non… grommela son voisin.
— Ta gueule Uma, soupira l’autre, mais avec un peu plus d’amusement dans la voix.
— Vous savez ce que je rêve de faire après notre retour ?
— Te taire ? suggéra Yngvar avec un rictus.
— Un bain chaud. Vous savez, comme ceux des sources thermales du camp d’Asakir ?
— Oh, ouais…
— Moi je voudrais revoir Del’, fit l’homme de gauche, mais elle est restée à Eau.
Ils se mirent tous les quatre à sourire rêveusement, et Kyara les observa, stupéfaite. En un battement de cils, ils étaient devenus humains. Trop humains. Les froids guerriers venaient de disparaître, cédant la place à des hommes en mal de confort. Comme elle.
— Elle ne bougera pas avant un moment, soupira le Corbeau. Ni nous, d’ailleurs. Désolé.
— C’est nous qui sommes désolés pour toi, petit prince, ricana doucement la dénommée Uma. Nous sommes à ton service, nous ne bougerons qu’avec toi.
— Oh…
— Je sais, « ta gueule ». N’empêche, c’est vrai. Merde, quelle idée j’ai eue de choisir le Premier Bataillon, moi ? Pourquoi vous ne m’en avez pas empêchée ?
Elle leur lança un regard désespéré, et ils rigolèrent tous doucement. La flasque qu’ils semblaient se partager passa de main en main, finit par atterrir dans celle du Corbeau, qui en principe aurait dû la passer à sa droite. Il s’immobilisa, considéra Kyara d’un regard songeur, finit par la lui tendre après un long moment de réflexion. Curieuse, elle huma l’arôme qui s’échappait du goulot, sentit son nez piquer et releva brusquement les yeux sous le choc.
— Qu’est-ce que c’est ?
— Elle parle ! s’exclama Uma, faussement sidérée.
Quelqu’un parmi les dormeurs grogna, et elle plaqua une main sur sa bouche.
— Valka. De l’alcool de pomme de terre, répondit plus posément Yngvar.
Elle haussa les sourcils, étonnée. À Helvethras, la boisson la plus populaire était l’alebriss, une fermentation de maïs, mais c’était loin de sentir aussi fort. Ce liquide-ci irritait les yeux et le nez. Elle songea à sa mère, qui aurait désapprouvé, évalua sa situation actuelle. Après tout, si cela pouvait réchauffer ne serait-ce qu’un peu le froid qui lui dévorait les entrailles…
Elle porta le goulot à ses lèvres et avala une rasade. Une forte envie de tousser la prit, ses yeux s’emplirent de larmes, mais elle parvint à tenir bon. Quand sa vue se fut éclaircie, les quatre soldats la regardaient avec un mélange d’amusement et de surprise qui, l’espace d’une seconde, la rendit fière. Elle passa la flasque à Uma, qui descendit trois longues lampées sous les protestations véhémentes mais étouffées de ses amis, et ses iris sombres étincelèrent quand on lui arracha enfin l’alcool des mains.
Kyara, elle, peinait encore à digérer la brûlure qui descendait dans sa gorge. Tout d’un coup, le froid avait disparu. Elle relâcha la tension sur sa couverture, se détendit quelque peu. Au bout de quelques minutes, l’anxiété qu’elle avait ressentie depuis le début du voyage se dissipa progressivement, ne laissant qu’une douce chaleur dans sa poitrine. Elle se prit à sourire à leurs boutades et à boire avec eux. Le temps de la soirée, elle oublia même qu’ils étaient ses geôliers, et elle leur captive.

Plus d’une lune et demie s’était écoulée lorsqu’ils parvinrent enfin en vue de la Citadelle Rouge. La massive capitale d’Avalaën, qui tirait son nom de ses toits couleur brique, apparut au détour d’une forêt, encore suffisamment éloignée pour ne ressembler qu’à une fine ligne brun et rouge de la largeur de son pouce. Ils dressèrent le camp pour la nuit. Depuis leur passage sur les terres avaloniennes, ils progressaient plus lentement, puisqu’ils avaient récupéré un charrette et des tentes dans le premier village de passage.
Après ce premier soir où elle avait bu et ri avec les quatre soldats avaloniens, elle avait pris l’habitude de rester avec eux quand au moins l’un d’entre eux avait son quart. Quand, souvent, ils veillaient avec d’autres hommes ou femme qu’elle ne connaissait pas, elle demeurait à côté de l’un d’entre eux jusqu’à se sentir suffisamment en confiance. Bientôt, presque tous les hommes la connaissaient, et ceux qui n’avaient pas eu l’occasion savaient qu’elle restait au coin du feu, discrète petite souris se frayant lentement un chemin vers eux.
Le dernier jour de leur voyage, Kyara s’éveilla avec la sensation étrange que sa couverture était plus lourde que d’habitude. Encore assommée de fatigue, elle gigota faiblement pour trouver un moyen de dérouler la laine qui l’enveloppait, réalisa lentement qu’un bras passé par-dessus ses épaules l’emprisonnait. Les souvenirs de la soirée revenant progressivement, elle réalisa que c’était Uma qui s’était lovée contre elle, le visage enfoncé dans le creux de sa nuque. La sensation étrange, presque dérangeante, d’un corps contre le sien, lui fit l’effet d’un coup, elle s’agita brusquement. La soldate grogna en se réveillant, puis se mit à pouffer en réalisant. Ses traits étaient tirés, et elle paraissait encore à moitié endormie, mais en comprenant qu’elle dérangeait, elle roula sur le côté, puis se redressa. Enfin libérée de sa prise, Kyara parvint à s’extraire de la couverture, s’assit elle aussi.
— Bien dormi, princesse ? sourit Uma.
Kyara roula des yeux, mais ne dit rien. Dans son champ de vision venait d’apparaître Yngvar le Corbeau, et il se dirigeait droit vers elle. Les yeux encore bouffis de sommeil, elle battit des paupières, essaya de réarranger ses cheveux qui, électrisés par les frottements avec la laine, s’étaient dressés sur son crâne. Il s’arrêta en face d’elle, s’accroupit pour se mettre à sa hauteur. Elle darda son regard sur le côté, réalisa qu’elle était la dernière dans la pièce. Les autres enfants, ainsi que la plupart des soldats, étaient déjà sortis de la grange.
— Tu prendras la charrette aujourd’hui, lui intima-t-il.
Elle haussa les sourcils, surprise. Depuis le début, elle avait toujours été à cheval. Ses muscles s’étaient habitués, son corps avait cessé de tanguer en selle pour s’ajuster aux mouvements de sa monture. C’étaient les plus jeunes qui avaient voyagé dans la charrette depuis qu’ils l’avaient… et étrangement, elle n’osait plus vraiment s’imaginer passer la journée aux côtés de ses anciens amis. Depuis le début du voyage, elle avait été isolée, et cet isolement l’avait, avec les longues soirées au coin du feu, incitée à se rapprocher davantage des Avaloniens et à s’écarter encore davantage de ses compagnons d’infortune.
— Yngvar, l’interpella soudain Uma sèchement. Tu n’es pas obligé de faire ça.
Le concerné ne répondit pas tout de suite, la considéra un long moment, puis grogna, grincheux.
— Si.
— Mais elle n’est même pas vraiment…!
Il lui adressa un regard incendiaire qui étouffa les mots sur les lèvres de la soldate, mais elle ne se priva pas de l’assassiner de ses yeux sombres.
— Ça a été établi, énonça lentement Yngvar.
— C’est injuste.
En observant les autres soldats, qui faisaient mine de ne pas entendre mais en vérité écoutaient discrètement, Kyara réalisa qu’on parlait d’elle.
— C’est comme ça.
— Non, tu peux le changer.
— Changer quoi ? intervint Kyara, un terrible étau de peur lui enserrant le cœur.
Les yeux lilas du Corbeau glissèrent sur elle, comme s’il se rappelait brusquement de sa présence.
— N’importe. Allons-y, asséna-t-il, et son ton était cassant.
Kyara se redressa, alla se laver le visage à l’extérieur avec l’eau glacée qui était puisée dans un puits non-loin, puis s’installa comme on le lui avait demandé sur la charrette. Les regards des enfants, jeunes et vieux, déjà tous en selle, parés au départ se fixèrent sur elle, et elle dut se retenir de se tortiller, gênée. Leurs yeux pesaient sur ses épaules, lui donnaient soudain la sensation d’être étrangère. Elle prit une courte inspiration anxieuse, serra ses mains à s’en faire blanchir ses jointures. En si peu de temps, elle ne se sentait plus réellement l’une d’entre eux. Mais elle n’était pas non plus Avalonienne, et elle ne le serait jamais.
Elle s’assit dans un coin, appuya son dos contre le bois et riva son regard au loin, se laissant bringuebaler sur la route irrégulière. À l’avant de la cohorte, la masse noire du Corbeau était clairement reconnaissable. Uma chevauchait, à ses côtés, et lui parlait en accompagnant ses mots de grands gestes qui exprimaient clairement sa colère, mais la distance empêchait la princesse de les entendre. Yngvar, la tête haute mais les épaules étrangement voûtées et crispées, se contentait d’écouter.
Songeuse, elle passa l’essentiel de la journée à ruminer leur discussion, incapable de faire sens des mots d’Uma. Ce qu’elle n’était pas, ce qu’elle était et ce que le Corbeau pouvait faire, tout cela s’emmêlait dans son esprit. Quand, vers le début de la soirée, ils parvinrent à proximité des grandes portes de la Citadelle Rouge et que les conques résonnèrent dans le lointain pour signaler leur arrivée, elle n’avait pas réussi à aboutir à une quelconque conclusion. Mais à ce moment précis, la cohorte s’arrêta brusquement. Le Corbeau, monté loin devant, fit brusquement volte-face, trotta jusqu’à elle, s’immobilisa et lui fit signe de descendre. Kyara s’exécuta, le suivit en direction de l’avant de la troupe, nota les nombreux soldats qui rompaient les rangs lâches pour l’encadrer.
— Tu vas devoir marcher à partir de maintenant, lui jeta Yngvar du haut de son destrier bai.
Alors seulement, elle comprit pourquoi ils avaient voulu qu’elle se repose la journée. La marche de la honte, la procession qui l’amènerait jusqu’au palais. Et elle comprit aussi qu’Yngvar ne l’épargnerait pas. Cela avait été décidé, une éternité auparavant, qu’elle serait présentée ainsi au peuple conquérant. Un objet, un trophée, une prisonnière exposée à tous les regards.
— En formation !
Les soldats qui l’entouraient formèrent un losange autour d’elle, lui laissant suffisamment d’espace pour qu’elle puisse marcher, mais suffisamment proches les uns des autres pour arrêter quiconque qui voudrait l’atteindre. Kyara serra les dents, la gorge soudain nouée, la peur au ventre. Elle serait exhibée comme un animal de foire. Puis, elle croisa les yeux attentifs du Corbeau, songea à cette lune et demie qu’elle avait passée en sa compagnie. Dans ses iris, il n’y avait pas la moindre trace de sympathie, d’affection ou de compassion. Comme toujours – sauf lorsqu’il était avec ses amis – ses yeux étaient vides, dénués d’émotions. À croire qu’il n’était pas capable d’en exprimer.
— Je suppose que tu peux t’estimer heureuse qu’il ne t’enchaîne pas à son cheval, soupira Uma, perchée sur son étalon noir.
Kyara hocha tristement la tête, serra les dents. L’éloignement de sa province et le voyage lui avaient fait oublier la réalité, elle s’en rendait compte. Elle était, et avait toujours été une prisonnière. Elle avait simplement eu l’occasion de l’occulter l’espace de quelques décades parce que quelques âmes généreuses comme Uma l’avaient prise sous son aile.
— Je marcherai, souffla-t-elle, et même si elle parla bas, sa voix porta.
Les soldats resserrèrent les rangs, Yngvar talonna son cheval, et la procession se remit au pas. Elle sentait les regards sur ses épaules, surtout ceux des enfants derrière qui pesaient sur sa nuque, mais elle s’obligea à les ignorer. Quand l’ombre des immenses remparts la couvrit, elle leva la tête vers le palais d’ambre dont la silhouette fuselée, étincelante dans le soleil couchant, se dessinait droit devant elle. L’allée centrale était d’une droiture impeccable, bondée par la foule qui s’était tassée contre les façades pour dégager le chemin à la cohorte. Le silence, qui avait régné jusqu’à leur arrivée, fut brusquement déchiré de vivats et de cris d’allégresse quand Yngvar franchit le premier les portes, cavalier solitaire représentant à lui seul la victoire. Les exclamations se muèrent cependant bien vite en commentaires acides à la vue de la princesse déchue.
Les dents serrées, elle s’obligea à avancer, un pied devant l’autre, un pas puis un autre. Ses joues brûlaient de colère et de honte. Même si cela ne représentait qu’une faible bravade, elle garda le menton haut, le regard fixé droit devant, essayant au mieux de faire abstraction de cette assemblée mouvante, à l’humeur fluctuante, qui n’attendait qu’un seul de ses faux pas pour la dévorer. Elle sentait dans ses os la tension électrique qui habitait chaque corps, se diffusait d’homme en homme, menaçant d’exploser n’importe quand. Alors, elle refusa de croiser leurs regards. Elle les ignora, avec la sensation diffuse que, à chaque pas qu’elle faisait, elle mourait un peu plus en essayant paradoxalement de préserver sa vie. Elle savait que, si elle s’arrêtait maintenant, elle perdrait toute la dignité qu’elle avait réussi à conserver jusque-là. Et, puisqu’il ne lui restait plus que ça, elle le défendrait bec et ongles.
Puis, le Premier Bataillon franchit à son tour les portes en formation autour de la charrette avec les enfants otages, et les cris explosèrent. La joie exubérante du peuple, qui s’était désintéressé d’un seul coup de la princesse, devint d’un seul coup encore plus intolérable que le silence qui l’avait précédé. Seule au milieu de son escorte, Kyara était devenue invisible. Il n’y avait plus d’yeux que pour les meurtriers, les soldats aux mains sanglantes qui revenaient, triomphants, apportant avec eux une victoire sans pareille. Et le peuple n’avait cure des souffrances que cela avait engendrées, des dommages, de la destruction et du champ de cadavres qu’ils avaient laissé au bas des remparts de Ciel. Après tout, ils avaient terminé la guerre aussi vite qu’ils l’avaient commencée, tout s’était passé si loin de la Citadelle Rouge que les Avaloniens n’avaient jamais réellement vu ou perçu le coût des massacres. Ils n’avaient pas vu leurs proches mourir devant leurs yeux.
Soudain, toute cette allégresse devint pour Kyara aussi destructrice que l’image de son père décapité. Elle vacilla, se cogna le pied contre un pavé qui dépassait, s’affala. Les soldats autour d’elle se figèrent. Elle sentit les larmes brûlantes, traîtresses, dévaler ses joues, hoqueta en entendant les cris se dissiper et le martèlement régulier des pas du reste de la cohorte stopper brutalement. Elle posa une main au sol pour se redresser, mais les sanglots qui la secouaient l’empêchaient de coordonner ses mouvements. Par-dessus la tristesse et l’angoisse vint la colère, déferlante, déchirante, qui détruisait ses convictions pour ne laisser qu’une haine sans pareille. L’aversion envers ce peuple qui avait anéanti le sien, la fureur contre des gens qui hurlaient leur joie quand d’autres pleuraient leurs morts.
Et puis, soudain, une ombre se dessina au-dessus d’elle. Craignant de tourner la tête, elle serra les dents, le visage inondé de pleurs, finit par lever les yeux. Quand il croisa son regard, le Corbeau tendit lentement, discrètement, la main vers elle, à l’insu de la population qui les observait. Kyara voulut détourner la tête, mais un frisson la secoua, et elle retomba les coudes sur les pavés. Un silence lourd d’expectatives était tombé. Elle entendait les battements de son cœur résonner dans ses oreilles, si forts qu’ils semblaient se réverbérer le long de la rue. Elle sentait sa peur, sa haine, sa rage, qui l’empêchaient de bouger, nouant ses entrailles, embrouillant ses pensées, envoyant des milliers de signaux contradictoires à son corps. Elle aurait voulu s’effondrer mais s’enfuir, hurler mais ne pas attirer l’attention, frapper quelqu’un mais se replier sur elle-même, tout cela en même temps.
Puis, malgré la distance, elle intercepta les yeux d’Uma, juchée sur son cheval quelques toises plus loin. Elle lut dans son attitude la tristesse, la compassion, mais aussi une certaine forme de sévérité, et elle comprit que si elle ne se redressait pas maintenant, toute valeur qu’elle pouvait encore avoir lui serait arrachée. Alors elle serra la mâchoire, luttant pour maîtriser ses tremblements, grinça des dents en sentant ses membres frémir sous son poids, mais finit par, lentement, poser un pied à plat sur le sol, puis un autre. Yngvar n’avait pas retiré sa main tendue. Elle cilla, surprise, le questionna du regard. Son inflexibilité coutumière était toujours là, mais il y avait quelque chose d’autre dans sur son visage fermé, quelque chose qui ressemblait de très loin à de la commisération.
Par réflexe, elle eut envie de le repousser, de rejeter cette fausse amabilité qu’il lui témoignait soudain, mais elle n’eut pas vraiment l’occasion de le faire. Un soldat l’attrapa par la taille, sans méchanceté, un deuxième croisa les doigts et fit de ses paumes un appui pour qu’elle y pose son pied. En moins de temps qu’il n’aurait fallu pour le dire, ils l’avaient hissée sur la croupe du cheval, juste derrière Yngvar.
— C’est ça ou tu marches, souffla-t-il à mi-voix.
Elle glissa ses bras autour de son armure sans mot dire, cala sa tête contre son dos, et il talonna son cheval. La foule, demeurée perplexe et silencieuse jusque-là, se remit à l’acclamer, comme si son acte était fondamentalement empli de compassion et de gentillesse. Mais Kyara n’y voyait que le geste politique. En se montrant plus humain, plus émotif, il était à même de convaincre même ceux qui auraient condamné ses actes. Et elle, totalement dépendante de sa volonté, était encore davantage exposée aux regards.
Même à cheval, la procession lui parut interminable. Entre les louanges qui résonnaient dans ses oreilles, sa colère et sa douleur, le pas chaloupé du cheval et l’odeur métallique de la plate, semblable à celle du sang, elle avait le tournis. Plus d’une fois, elle dut réellement se raccrocher au Corbeau pour ne pas glisser à terre, et quand ils arrivèrent enfin aux marches du palais d’ambre, les derniers rayons du soleil venaient de disparaître. Mais, même quand le reste des troupes s’arrêta, le Corbeau poussa son cheval, qui grimpa les marches une à une avec une aisance déroutante, ses sabots claquant contre les pierres. Glissant sur son poil doux, Kyara s’accrocha à Yngvar de toutes ses forces, peu encline à tomber la tête la première sur l’arête d’une marche, même si cela aurait au moins achevé son calvaire.
Tout en haut les attendait une haute silhouette masculine à l’allure sévère, encadrée par une femme et trois hommes, dont deux portaient dans leurs mains des lanternes brillantes. Derrière eux, l’ambre incrusté dans les portes du palais se parait des reflets flamboyants des brasiers qui l’encadraient. L’air était en ce début d’été sec et doux. Kyara soupira de soulagement en se laissant enfin glisser au sol, et, avec un frisson d’appréhension, fit face à l’homme qui la dévisageait.
Grand et brun, avec une carrure de guerrier, quoiqu’un peu moins massive que celle de son fils, il était paré d’or et de rouge, symbolisant le pouvoir avalonien. Une massive couronne d’or et d’obsidienne aux complexes motifs de plumes acérées, dépourvue de joyaux, ceignait son front. Il baissa lentement la tête vers elle, et sous son regard violet scrutateur, la princesse se sentit d’un seul coup petite, sale et insignifiante. Puis, ses lèvres s’étirèrent en un sourire qu’elle ne put considérer que comme bienveillant tant il était avenant et radiait de bonne humeur, et il lui prit la main.
— Bienvenue à la Citadelle Rouge, princesse Kyara.

◊~◊~◊

ACTE II (1/4)
Dernière modification par vampiredelivres le jeu. 25 nov., 2021 7:17 am, modifié 3 fois.
TcmA

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Re: Dynasties / Kyara [High Fantasy / Royauté / Intrigues politiques]

Message par TcmA »

Hiello~

Daaamn, chaque nouveau chapitre est incroyable.
Le rythme est bon, les personnages et ce que tu en fais sont supers (purée, l'humanisation du premier Battaillon ;w; ♥ Uma ♥), la tension et, bien entendu, le Trauma (oui, on a une majuscule).
Tout est bon, c'est un plaisir.

J'ai l'impression que si Kyara arrive à surpasser sa douleur, elle va être très dangereuse. (J'ai aucune idée d'où tu veux aller, mais on sait qu'il ne faut jamais sous estimer le besoin de revanche dans tes écrits :v) Au final, on ne connait encore pas grand chose de Kyara, donc j'ai bien hâte de voir comment elle va évoluer ! Pareil pour les autres personnages et les rapports de force, ça va être funny fun fun tout ça.

On sent que tu t'éclates, que ce soit avec LCDS ou Dynasties, franchement bravo ! Bon courage pour la suite de l'écriture :D

La bise~
vampiredelivres

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Re: Dynasties / Kyara [High Fantasy / Royauté / Intrigues politiques]

Message par vampiredelivres »

TcmA a écrit : dim. 23 mai, 2021 7:13 pm Hiello~

Daaamn, chaque nouveau chapitre est incroyable.
Le rythme est bon, les personnages et ce que tu en fais sont supers (purée, l'humanisation du premier Battaillon ;w; ♥ Uma ♥), la tension et, bien entendu, le Trauma (oui, on a une majuscule).
Tout est bon, c'est un plaisir.

J'ai l'impression que si Kyara arrive à surpasser sa douleur, elle va être très dangereuse. (J'ai aucune idée d'où tu veux aller, mais on sait qu'il ne faut jamais sous estimer le besoin de revanche dans tes écrits :v) Au final, on ne connait encore pas grand chose de Kyara, donc j'ai bien hâte de voir comment elle va évoluer ! Pareil pour les autres personnages et les rapports de force, ça va être funny fun fun tout ça.

On sent que tu t'éclates, que ce soit avec LCDS ou Dynasties, franchement bravo ! Bon courage pour la suite de l'écriture :D

La bise~
Hiello :)

Contente que ça te plaise toujours autant ! D'autant que oui, je m'éclate, mais Kyara n'est pas du tout l'archétype de personnage que j'utilise d'habitude.
Uma ♥ Nan mais aussi, le premier Bataillon… je les aime profondément, mais ils ne peuvent pas rester des brutes sanguinaires aux yeux de Kyara et du lectorat tout le long :lol:

Ah tiens, c'est une suggestion intéressante ça ! :ugeek: (Bon à ce stade, tu me connais bien en tant qu'écrivaine-jardinière, donc ça ne te surprendra pas si je te dis que j'ai des idées pour la suite, mais je vais me laisser aller au fil du personnage x) ) Yes, elle reste quand même tellement timide que même moi je ne sais pas encore tout à fait, idem pour les autres.

Mici ! La bise ∞

louji

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Re: Dynasties / Kyara [High Fantasy / Royauté / Intrigues politiques]

Message par louji »

Heyy !
Contente de revoir Kyara (même si j'appréhende :lol: ).

Bon, le Corbeau mettrait-il en oeuvre les conseils de sa daronne ? On y croit.

" Elle trouva l’idée étrangement douloureuse. Comme s’il venait de lui arracher quelque chose de plus que tout ce qu’il avait déjà pris." :arrow: Bobo au kokoro détecté.

"— Au moins c’est une princesse. D’ailleurs, dis-moi princesse, qu’est-ce que ça fait de faire partie de la noblesse ?" :arrow: C'est la femme qui dit ça ?

ok la description de la soldate est beaucoup trop stylée
(c'était Kolïn analiz pour vous servir)

OK Kyara pas tomber dans alcoolisme hein. Juste pour ce soir madame.

Le Corbeau est passé à Yngvar le Corbeau 8-)

Il veut la faire voyager dans la charrette au cas où elle serait enceinte ? Bon, je vais pas tarder à avoir ma réponse j'imagine !
(d'ailleurs j'ai vu que tu avais parfois écrit "charette" avec un seul "r" !)

"Mais elle n’était pas non plus avalonienne" :arrow: avec un A majuscule nope ?

Ah. C'est pas parce qu'il craignait qu'elle soit enceinte. Ah.
Chuis trop naïve :lol: N'empêche, ça aurait pu être encore pire. Il a enlevé une partie de la violence du processus :''')

BON. C'était intense.
J'ai beaucoup aimé ce chapitre, pour plusieurs points. Déjà, des êtres humains, yes, ils se montrent un peu moins robotiques :mrgreen: Ça fait évidemment plaisir de voir Kyara évoluer au sein de ce groupe de soldats, même si sa place réelle n'est pas complètement occultée. Uma est très cool et Yngvar commence enfin à abaisser les remparts. Bref, c'est plaisant et laisse penser à une évolution plus sympathique que la simple haine entre Kyara et lui.
Ensuite, j'ai hâte d'en découvrir plus sur la Citadelle Rouge. Les descriptions que tu en fais dans ce chapitre ne sont pas nombreuses, mais bien assez parlantes. Et j'adore les images que tu as créées avec le soleil couchant, le rouge, l'ambre, le doré... Et Corbeau-daron (j'ai honte j'ai mangé son nom) a l'air... sympa. A voir si c'est de la pure manigance politique ou s'il est avenant de nature.

En tout cas, j'ai pas de doute sur le fait que tu vas encore nous faire souffrir et kiffer dans la prochaine partie. Je crois que tes inspirations de bals vont prendre tout leur sens mdr
Courage pour tout et à bientôt !
vampiredelivres

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Re: Dynasties / Kyara [High Fantasy / Royauté / Intrigues politiques]

Message par vampiredelivres »

louji a écrit : sam. 29 mai, 2021 11:54 pm Heyy !
Contente de revoir Kyara (même si j'appréhende :lol: ).

Bon, le Corbeau mettrait-il en oeuvre les conseils de sa daronne ? On y croit.

" Elle trouva l’idée étrangement douloureuse. Comme s’il venait de lui arracher quelque chose de plus que tout ce qu’il avait déjà pris." :arrow: Bobo au kokoro détecté.

"— Au moins c’est une princesse. D’ailleurs, dis-moi princesse, qu’est-ce que ça fait de faire partie de la noblesse ?" :arrow: C'est la femme qui dit ça ?

ok la description de la soldate est beaucoup trop stylée
(c'était Kolïn analiz pour vous servir)

OK Kyara pas tomber dans alcoolisme hein. Juste pour ce soir madame.

Le Corbeau est passé à Yngvar le Corbeau 8-)

Il veut la faire voyager dans la charrette au cas où elle serait enceinte ? Bon, je vais pas tarder à avoir ma réponse j'imagine !
(d'ailleurs j'ai vu que tu avais parfois écrit "charette" avec un seul "r" !)

"Mais elle n’était pas non plus avalonienne" :arrow: avec un A majuscule nope ?

Ah. C'est pas parce qu'il craignait qu'elle soit enceinte. Ah.
Chuis trop naïve :lol: N'empêche, ça aurait pu être encore pire. Il a enlevé une partie de la violence du processus :''')

BON. C'était intense.
J'ai beaucoup aimé ce chapitre, pour plusieurs points. Déjà, des êtres humains, yes, ils se montrent un peu moins robotiques :mrgreen: Ça fait évidemment plaisir de voir Kyara évoluer au sein de ce groupe de soldats, même si sa place réelle n'est pas complètement occultée. Uma est très cool et Yngvar commence enfin à abaisser les remparts. Bref, c'est plaisant et laisse penser à une évolution plus sympathique que la simple haine entre Kyara et lui.
Ensuite, j'ai hâte d'en découvrir plus sur la Citadelle Rouge. Les descriptions que tu en fais dans ce chapitre ne sont pas nombreuses, mais bien assez parlantes. Et j'adore les images que tu as créées avec le soleil couchant, le rouge, l'ambre, le doré... Et Corbeau-daron (j'ai honte j'ai mangé son nom) a l'air... sympa. A voir si c'est de la pure manigance politique ou s'il est avenant de nature.

En tout cas, j'ai pas de doute sur le fait que tu vas encore nous faire souffrir et kiffer dans la prochaine partie. Je crois que tes inspirations de bals vont prendre tout leur sens mdr
Courage pour tout et à bientôt !
Heyo ~~

Mé non, le pire est passé je pense. À partir de maintenant, ça va aller de mieux en mieux.

Eh, il tente. On ne pourra pas le lui reprocher.

Ui, c'est Uma qui dit ça. (Contente qu'elle te plaise !)

Wi, on passe aux prénoms… 8-) Comme quoi ça progresse !

Au bout d'un mois et demi de voyage, ils se seraient en principe rendus compte qu'elle soit enceinte :roll: (Ah, yes, cmd+F pour les retrouver maintenant !)
Mais ouais, pas très cool, même s'il aurait pu faire pire.

Wi, un A majuscule ne serait pas de trop !

Ce chapitre, c'est clairement le pivot pour Kyara, même si la progression émotionnelle des personnages risque d'être un peu lente. Yngvar progresse doucement, il abaisse un peu les remparts (pas trop, faut pas abuser non plus :lol: ). Uma, c'est vraiment l'un de mes personnages favoris, et Kyara commence à évoluer doucement, même si c'est dur. Les questions de place vont encore avoir de l'importance pour un moment…
Je crois que je me fais un kif sur les jeux de lumière, dans Kyara, c'est plutôt cool ! Corbeau-daron, j'aime bien :lol: En vrai c'est Saedor, mais on ne l'a mentionné qu'une fois pour l'instant, donc tranquille.

Tkt c'est prévu, et oui, les inspirations de bals arrivent bientôt ^^
À plouche !
louji

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Re: Dynasties / Kyara [High Fantasy / Royauté / Intrigues politiques]

Message par louji »

vampiredelivres a écrit : mar. 01 juin, 2021 8:22 pm
Heyo ~~

Mé non, le pire est passé je pense. À partir de maintenant, ça va aller de mieux en mieux.

Eh, il tente. On ne pourra pas le lui reprocher.

Ui, c'est Uma qui dit ça. (Contente qu'elle te plaise !)

Wi, on passe aux prénoms… 8-) Comme quoi ça progresse !

Au bout d'un mois et demi de voyage, ils se seraient en principe rendus compte qu'elle soit enceinte :roll: (Ah, yes, cmd+F pour les retrouver maintenant !)
Mais ouais, pas très cool, même s'il aurait pu faire pire.

Wi, un A majuscule ne serait pas de trop !

Ce chapitre, c'est clairement le pivot pour Kyara, même si la progression émotionnelle des personnages risque d'être un peu lente. Yngvar progresse doucement, il abaisse un peu les remparts (pas trop, faut pas abuser non plus :lol: ). Uma, c'est vraiment l'un de mes personnages favoris, et Kyara commence à évoluer doucement, même si c'est dur. Les questions de place vont encore avoir de l'importance pour un moment…
Je crois que je me fais un kif sur les jeux de lumière, dans Kyara, c'est plutôt cool ! Corbeau-daron, j'aime bien :lol: En vrai c'est Saedor, mais on ne l'a mentionné qu'une fois pour l'instant, donc tranquille.

Tkt c'est prévu, et oui, les inspirations de bals arrivent bientôt ^^
À plouche !
Oh, really ? J'ai un peu du mal à y croire, je reconnais (c'est surtout qu'on te connaît, ça pourra aller "mieux", selon tes critères à toi :lol: )

La progression émotionnelle lente, c'est complètement normal vu la situation ! Ce serait un peu bizarre que les persos changent du tout au tout et deviennent tous les meilleurs potes du monde :mrgreen: Yngvar déjà on a vu l'être humain sous l'armure et pour moi c'est une grosse avancée déjà :roll:
Saedooooor merci, ça revient mtn :'D

Tchuss
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Kyara II (1/4)

Message par vampiredelivres »

ACTE II : L'ÉTRANGÈRE
(1/4)


Le Corbeau avait mis pied-à-terre et avait confié les rênes de sa monture à l’un des gardes qui entouraient son père. En le voyant s’approcher, l’attention de Saedor d’Avalaën se détourna de la princesse pour se focaliser sur son fils, et son sourire se fit encore plus heureux, encore plus brillant. L’amour, profond et sincère, qu’elle sentit émaner d’eux quand ils s’étreignirent fortement, lui donna presque la nausée. Mais surtout, ce fut la tristesse qui submergea Kyara. En arrière plan, dans un coin de son champ de vision, la foule scandait le nom d’Yngvar comme celui d’un héros, et les cris de ces milliers de gorges unies dans la victoire faisaient vibrer l’air d’une pulsation synchrone. Se sentant encore plus seule et étrangère que durant le voyage, la princesse demeura en retrait des retrouvailles. Sa peine lui donnait la sensation d’être vide et invisible, parvenait même à dissoudre sa colère dans un océan d’esseulement. Elle poussa un long soupir, la tête basse.
Puis, Saedor lui serra la main. Elle releva les yeux vers lui et se figea, stupéfaite par la bonté qui émanait de se traits. Il arborait un grand sourire avenant, bien loin des regards suspicieux auxquels elle avait eu le droit durant la traversée de la ville. Un instant, elle se sentit presque coupable de la haine et de la colère qui lui étreignaient le cœur. Puis, il l’incita à poser sa main dans la paume d’Yngvar, et un frisson la parcourut quand elle rencontra sous sa peau douce les doigts calleux. Elle serra les dents.
Un homme en robe pourpre brodée d’or, quasiment sorti de nulle part, se matérialisa à leurs côtés, prit la place du souverain absolu qui tenait leurs deux sorts dans ses mains. Avalaën étant l’unique voisin d’Helvethras, Kyara avait pu en étudier un peu la culture, et elle savait exactement ce qui l’attendait. Une longue litanie de louanges, de vœux de bonheur et de prospérité aussi fallacieux que les sourires de presque tous ceux qui l’avaient accueillie jusque-là, puis quelques paroles saintes d’un supposé dieu unique qui existerait uniquement pour les avaloniens. Après cela, elle serait mariée. Irrévocablement.
Elle leva la tête, croisa le regard violet du Corbeau, vit son air buté, la grimace qu’il réprimait à peine, et la colère jaillit en elle, dévorante. Rien ne l’y obligeait. Il n’avait pas à arborer cette mine d’enterrement alors même qu’il rompait le dernier rempart qui aurait pu entraver sa conquête d’Helvethras. Pas qu’il n’y ait grand-chose qui subsistait, déjà. Mais chacune de ses victoires, même les plus insignifiantes, était comme un coup supplémentaire pour elle, comme s’il lui arrachait encore quelque chose qu’elle n’avait pas eu conscience de posséder jusque-là. Il ne manquait plus qu’elle se retrouve enceinte dans les prochaines décades, et ce qui resterait de son royaume ne serait plus qu’un vague souvenir d’une époque révolue.
Alors pourquoi Le Corbeau paraissait-il aussi frustré ? Était-il de ces gens qui, une fois un objectif atteint, passaient au suivant, faisant de leur existence une éreintante quête perpétuelle ? Il avait plutôt l’air d’un homme terre-à-terre, peut-être même un peu trop. Pas du genre à se créer des objectifs dans le vent, à poursuivre des chimères. Elle songea à ce qui pouvait le garder éveillé la nuit, sans parvenir à trouver quels genre de démons il pouvait bien affronter. Ou peut-être qu’il n’affrontait même pas de démons, étant lui-même un monstre.
Elle s’en voulut après avoir formulé la pensée, mais juste un peu. Son père n’avait jamais essayé de lui cacher l’injustice de l’existence, et la brutalité de la vie. L’une des dernières leçons qu’il avait pu lui donner avait été involontaire : la guerre était faite de dommages collatéraux. Il en avait été un, elle en était un autre. Et le Corbeau était le responsable.
Elle crispa les doigts, enfonçant ses ongles dans la paume calleuse, mais il ne broncha pas. Au contraire, même, il la regarda enfin droit dans les yeux, et sourit légèrement. L’espace de quelques secondes, une étincelle joueuse illumina ses iris et ses traits. Bats-toi, sembla-t-il lui dire. Il n’y avait là aucune méchanceté, seulement un encouragement muet, qui la dérouta plus qu’il ne l’aida réellement à faire face. Elle n’osa plus bouger, serrant sa main comme une noyée s’accrochant désespérément à la vie, et la lueur s’éteignit dans les yeux de l’assassin. Ils demeurèrent tous les deux figés, stoïques, sans réellement écouter le flux ininterrompu du prêtre à la soutane brocart qui débitait ses saintes paroles, jusqu’au moment où le ruban pourpre fut noué autour de leurs poignets, symbolisant leur union. Et, étrangement, Kyara n’accusa pas le choc. Ce fut comme si elle s’y était déjà résignée, comme si cette suite d’évènements avait été inexorable depuis le moment où elle avait franchi les remparts de Ciel sans promesse de retour.
— Vous êtes désormais unis dans l’éternité, en un seul être, devant Egsa.
La mention de la divinité souleva les ovations des premiers rangs, qui bien vite se propagèrent au reste de la foule qui n’avait pas pu entendre la finalisation de la cérémonie. L’air s’emplit de vibrations, de cris, de pétales lancés à pleins seaux par-dessus les remparts, de joie. Et, dans cette joyeuse frénésie, Kyara songea à sa mère, qui avait préféré s’enfuir à Eau plutôt que d’essayer de tenir le cap aux côtés de son époux malade, abandonnant sa fille aux vautours. Elle se demanda ce que Mara aurait pensé en voyant sa fille dans cette position, un trophée de guerre sale et poussiéreux, offert au meurtrier qui avait tué Jesten de Ciel. Elle aurait certainement haï cette situation. Pourtant, elle n’avait pas levé le petit doigt pour s’interposer, avait laissé Kyara seule assumer la fin de la guerre.
Debout sur les escaliers, centre de l’attention d’une foule en folie dont elle ne pouvait partager l’allégresse, la princesse réalisa que, au moment où elle aurait eu le plus besoin d’elle, sa mère l’avait abandonnée. Durant les cinq dernières lunes d’enfer, durant ce rare moment où Mara de Ciel aurait dû être là, elle avait préféré s’enfuir, se protéger elle-même. Et cette pensée empoisonnée, soudaine, brûlante, fut comme une piqûre de serpent pour son âme en deuil.

Après l’éreintante traversée de la ville et la douloureuse cérémonie de mariage, Kyara aurait voulu se rouler en boule et dormir, mais la famille impériale et les coutumes locales en avaient décidé autrement. Une fois à l’intérieur du grand hall du palais, elle fut entraînée vers les étages en compagnie d’Uma et de trois autres soldates. Là, elles furent toutes les cinq prises en charge par des servantes aux mines fermées et aux regards noirs. En moins de temps qu’il n’aurait fallu pour le dire, Kyara avaient pris un bain sommaire, décrassé le moindre carré de peau où se serait collée de la poussière, et lavé ses cheveux gras et ternes jusqu’à se les arracher. À côté d’elle, les guerrières débarrassées de leurs armures se délassaient elles aussi dans le profond bassin d’eau chaude, leurs traits tirés par le voyage se détendant progressivement.
Après s’être lavée et séchée dans une étoffe spongieuse, Kyara dut se laisser faire par les servantes qui lui donnèrent à enfiler des bas de soie et une chemise fine, et lacèrent par-dessus un corset mal ajusté aux proportions de son corps. Ensuite, elles l’amenèrent dans une salle attenante où une longue robe pourpre et blanche, brodée d’or, reposait sur son trépied. À côté, soigneusement pliées, quatre tenues noires et rouges avaient été disposées. Kyara, stupéfaite par la richesse de l’habit, mais aussi surprise qu’on n’utilise ni crinoline ni jupons pour lui donner du volume, l’enfila à la hâte tandis que les soldates se saisissaient des piles de vêtements. Puis, elle monta sur un tabouret, et les servantes s’attelèrent à réajuster la longueur de la robe et des manches en épinglant sur la doublure intérieure tout ce qui dépassait. Elles travaillaient en silence, efficaces mais hautaines, daignant seulement d’adresser la parole à leur nouvelle princesse pour lui indiquer de lever un pied ou d’écarter un bras.
Le temps qu’elles finissent les ajustements, les guerrières étaient depuis longtemps habillées, et les cheveux de Kyara avaient quasiment séché. Toute l’opération s’était déroulée dans un silence pesant, seulement troublé par le bruit des tissus froissés, et l’Helvethrienne s’était doucement mise à somnoler. Toujours dans un état second, elle essaya quatre paires de chaussures avant qu’on ne lui trouve une pointure correcte, puis sa léthargie fut rompue par la voix d’Uma, qui fermait la porte derrière elle. Kyara n’avait même pas remarqué qu’elle s’était esquivée un moment.
— Dis-moi, petit moineau, sais-tu danser nos danses traditionnelles ?
Kyara battit des paupières, luttant pour revenir à la réalité. Le souvenir de deux grandes fêtes, rares évènements où des dignitaires avaloniens avaient été invités, remonta dans sa mémoire.
— Certaines, souffla-t-elle. La valse des vagues, l’ilakese, l’assarienne et le pas-de-rat.
Uma échangea un regard avec ses compagnes, et elles pouffèrent d’un même ensemble.
— Oublie le pas-de-rat, sourit-elle. La dernière fois que je l’ai dansé, j’avais… huit hivers. Ou neuf ?
— Sept, répondit une autre avec un rictus. Pour moi en tout cas.
— C’est une danse d’enfants pour faire sourire les parents. Mais l’ilakese et l’assarienne… c’est une bonne chose. Idem pour la valse des vagues. Je passerai le mot.
Elle sembla réfléchir quelques instants, puis reprit :
— Je ne vais pas te mentir, princesse, il n’y a pas grand-monde qui t’apprécie ou te respecte ici pour le moment. Cependant, il va falloir que tu gardes la face. La nouvelle épouse du prince héritier ne peut pas se permettre d’être vue en mauvaise posture.
L’une des guerrières renifla, méprisante, mais Uma ne lui accorda pas un regard.
— Nous serons avec toi tout au long de la soirée, poursuivit-elle. Et, pour peu que tu ne fasses pas quelque chose de stupide comme essayer de t’enfuir ou tuer quelqu’un, nous serons là pour te protéger et te guider.
Figée par la surprise, absolument pas préparée à entendre des mots aussi crus mais droits venant d’une tueuse des Bataillons Sanglants, Kyara demeura totalement muette, interdite. Dans ses pensées tourbillonnantes, elle revoyait tous ces soirs qu’elle avait passés avec Uma et le Corbeau, leurs petits gestes d’affection discrets, leurs contacts furtifs, leurs échanges de regards. Elle n’avait aucun mal à deviner ce qui se passait entre eux, ce qu’ils avaient été avant qu’elle ne soit traînée de force dans leurs vies. Elle était certaine que la femme en face d’elle en souffrait, blessée dans ses sentiments et son amour-propre. Pourtant, ses mots étaient clairs, dénués de rancœur ou d’amertume. Elle ne montrait rien, faisait seulement ce que l’on exigeait d’elle, se pliait aux contraintes et aux obligations de sa position sans mot dire.
— M…m…merci… finit-elle par bredouiller, sans savoir quoi répondre d’autre.
Son regard courut le long de la silhouette musclée de la soldate, sur ses habits de cérémonie noirs brodés d’écarlate, sur son visage déterminé et son expression indéchiffrable. La joie délurée qu’elle avait manifestée au coin du feu durant le voyage était introuvable, comme si la réalité l’avait rattrapée. Savait-elle que Kyara n’avait jamais eu l’intention de prendre sa place, de lui voler ce qu’elle avait entretenu avec Yngvar jusque-là ? Certainement, mais la princesse ne put s’empêcher de se sentir quelque peu coupable.
Les servantes, qui s’étaient éclipsées un instant, revinrent à ce moment les bras chargés de coffrets de bois, coupant court à toute éventuelle de discussion. Elles essayèrent sur Kyara une multitude de bijoux, finirent par l’affubler d’une tiare d’or, d’une ceinture de rubis ainsi que de boucles d’oreilles et d’un collier assortis. Puis, elles contemplèrent l’ensemble d’un regard critique et échangèrent des hochements de tête peu convaincus. Le maquillage fut rapidement expédié, peut-être même un peu trop au goût d’Uma qui les réprimanda sèchement. Elles revinrent donc à la charge en maugréant contre la peau mate de Kyara, sans même tenter de dissimuler leurs propos méprisants. Vexée, mais n’osant pas vraiment répondre, la princesse pesta elle aussi en silence contre les vieilles femmes aigries.
Puis, enfin, elle fut libérée de leurs griffes et on l’entraîna dans les larges couloirs du palais en direction de ce qu’elle supposa être la salle de réception. En avançant, elle fut frappée par l’immensité et la luminosité des couloirs, pour la plupart décorés de dorures et de larges miroirs qui reflétaient à l’infini l’éclat des chandelles. Au travers des hautes fenêtres se déversait la clarté argentée d’une large pleine lune, qui du haut de son perchoir dans le ciel semblait mépriser tous ceux qui passaient en dessous. Kyara n’avait jamais aimé la lune, sa froide distance, ses cycles mornes qui amenaient avec eux sang et douleur. Elle la trouvait cruelle, se cachant tantôt, aveuglant d’autres fois. Elle lui préférait le soleil, son halo doux et chaud, son retour rassurant tous les matins, ses vives couleurs et les arc-en-ciels qu’il dessinait dans les fontaines.
— C’était si long, soupira une voix grondante au détour d’un couloir.
Kyara releva brusquement la tête, une pointe d’anxiété dans la poitrine, mais perdit le souffle quand elle avisa le Corbeau. Il se tenait debout devant deux immenses battants fermés au travers desquels filtraient des éclats de rire, des murmures et un peu de musique. Délesté de son armure et de son heaume massif, vêtu d’une simple tenue d’apparat noire et rouge, à l’image de celle des soldates qui encadraient Kyara, il paraissait soudain presque plus petit. Plus humain, privé de son carcan d’acier. Il n’en semblait pas pour autant moins menaçant et imposant pour Kyara, qui lui arrivait à peine au menton, même avec ses chaussures rehaussées de talons. Elle détailla son visage buriné, parcouru d’ombres mouvantes, nota une fine cicatrice qui partait de la clavicule gauche et plongeait sous le satin de la chemise en direction de l’épaule.
— Admets que cela valait la peine d’attendre, rétorqua Uma avec un rictus.
Étrangement, en avisant leurs reflets côte à côte dans le miroir le plus proche, Kyara ne détesta pas l’image qu’elle renvoyait. Sanglée dans son volumineux caftan rouge et or, elle ne semblait même plus si petite par rapport à la silhouette massive du prince avalonien. Les broderies unies sur leurs deux tenues harmonisaient le contraste entre le blanc de sa robe et le noir de son manteau. Côte à côte, ils paraissaient réellement impériaux, majestueux.
Mais, même si elle ne trouva pas à se plaindre de l’apparence qu’on lui avait donnée, elle ne s’y reconnut pas. Avec le léger maquillage qui accentuait ses traits, vieillissait quelque peu son visage, avec le corset qui serrait sa taille et faisait ressortir ses épaules et ses hanches, elle n’était plus elle-même. C’était une autre qu’elle voyait là, une jeune femme à l’allure royale, bien loin de la petite princesse perdue et ballottée aux quatre vents.
Uma prit la main de Kyara, et la posa sur celle, tendue, d’Yngvar. Au contact de ses doigts calleux et chauds, elle parvint à peine à réprimer un frisson d’anxiété. Elle leva la tête, hésitante, croisa son regard violet inflexible et prit une inspiration hachée.
— Souris, ne parle pas si on ne t’a pas adressé la parole, et tout devrait bien se passer.
Uma roula des yeux, se racla la gorge et, après un instant de réflexion, le Corbeau ajouta, comme à contre-cœur :
— Tu es vraiment jolie, princesse.
Ne sachant que répondre, elle préféra garder ses lèvres scellées, mais inclina légèrement la tête en guise de remerciement.
— Yngvar, ilakese et assarienne, ajouta brusquement Uma. Et valse des vagues, mais elle a peut-être déjà été jouée.
— Dans le pire des cas, ils la joueront une seconde fois.
Sur ces formalités, Kyara ne put que prendre une brève inspiration avant que le Corbeau ne toque un coup sec à la double-porte et que cette dernière s’ouvre en grand. Aussitôt, les regards se levèrent vers le nouveau couple princier, et elle perdit le peu de souffle qu’il y avait encore dans sa poitrine. S’il n’y avait pas eu le mouvement d’Yngvar, elle serait restée plantée dans l’encadrement de la porte, incapable de bouger, incapable d’avancer. Mais il esquissa un pas résolu vers l’avant et, intuitivement, aveuglément, elle suivit. Ils descendirent lentement les larges marches qui menaient jusqu’au patio intérieur verdoyant, construit autour d’une large fontaine clapotante. Un mouvement coordonné sembla animer le large groupe de courtisans qui, les uns après les autres, s’avancèrent en direction de l’escalier pour accueillir le couple. Parmi eux, la silhouette haute et digne de l’Empereur Saedor, le seul sinon eux à être vêtu de pourpre, se distinguait clairement.
Quand ils atteignirent le bas, des marches, il s’approcha lentement d’eux, leur adressa un sourire qui, étrangement, était teinté de tristesse, et posa ses paumes chaudes et douces sur leurs mains jointes.
— Vous avez mes plus sincères félicitations, clama-t-il haut et fort.
Même si elle savait que les mots étaient faux, Kyara ne put s’empêcher de trouver son attitude sincère. Son visage, dos aux courtisans, reflétait la peine quand ses yeux se posaient sur la princesse, son sourire n’était ni cruel ni mensonger. Il savait quels étaient les enjeux, mais jouait la comédie par nécessité. Combien de fois Kyara avait-elle dû faire la même chose auprès des vipères du château de Ciel ? Elle n’aimait pas ces cruelles traditions, les regards acérés de ces vautours qui guettaient le moindre de ses faux pas pour la dévorer. Elle avait toujours évité les situations de ce genre autant que possible, mais à cause de sa position, n’avait jamais pu totalement y échapper. Même ici, à des centaines de lieues de chez elle, la sensation d’être le centre de l’attention, la cible de tous les ragots, lui était désagréablement familière.
L’Empereur lui coula un clin d’œil faussement complice, le Corbeau serra doucement sa main pour lui indiquer que c’était à elle d’agir. Terrifiée qu’on ne l’ait pas préparée, elle força néanmoins un sourire sur ses lèvres, s’inclina profondément en priant les arcanes de ne pas commettre d’impair.
— Sik sankrere darvo, Kalekti Sen. Zkare shar na gartve ijva rohar kemern.
Elle avait espéré de toute son âme que son avalarë serait au moins passable, que sa voix ne se romprait pas à chaque mot. Et, pour une fois, son corps et son esprit ne semblaient pas vouloir la trahir. Il lui sembla même que son accent s’était quelque peu amélioré au cours du long voyage, à force de parler avec les envahisseurs, ne serait-ce que pour de brefs mais réguliers échanges. Elle butait moins sur les sonorités cassantes de la langue, les mots semblaient lui venir plus aisément, probablement à force de les entendre.
Comme pour lui donner un peu d’assurance, le sourire de Saedor s’élargit, et la pression d’Yngvar sur sa main se relâcha.
— Nobles amis, mon fils et son épouse, Kaleko Yngvar et Avelke Kyara ! tonna le souverain en les exposant au regard de la foule, qui se rompit en bruyants applaudissements.
Kyara ne manqua pas cependant de discerner les regards noirs qui lui étaient adressés, les rictus sceptiques et les coups d’œil échangés par la majorité ; c’était d’autant plus criant qu’ils manifestaient leur fausse joie si fort. La sensation de solitude, familière compagne de ces dernières heures, la frappa à nouveau en plein cœur, si brutale qu’elle sentit les larmes perler au coin de ses paupières. Démunie, brisée par la façade qu’elle se sentait incapable de maintenir plus longtemps, elle baissa la tête et son sourire se fana. Ses genoux flageolèrent. Elle se haït de se sentir si faible, détesta la tristesse qui la détruisait ainsi.
— Gersza ilakesea kane, Avelke Sen ?
Elle leva la tête vers le Corbeau, qui s’était placé face à elle et la fixait droit dans les yeux. Les cals de sa main étaient pressés contre sa paume douce. Il n’y avait ni reproche ni mépris dans ses iris violets, seulement une calme injonction. Fais face. Tiens bon. Elle battit des paupières, et le sourire forcé qu’elle amena à nouveau sur ses lèvres fit couler une larme traîtresse.
— Zkam sankrere, Kaleko Sen.
La foule s’écarta en un large cercle aux premières notes de l’ilakese pour céder la place au nouveau couple royal. Étrangement, les murmures s’étaient tus. Le cœur gros, la princesse se laissa entraîner au centre du patio, juste à côté de la fontaine. Les vibrations des flûtes et des trompes basses résonnèrent, marquant le début d’un pas de quatre mélancolique. Un instant, la peur et la douleur lui firent oublier les pas, elle vacilla dans ses chaussures d’un orteil trop larges, mais une légère pression l’amena en pirouettant droit dans les bras d’Yngvar. Leurs yeux se croisèrent à nouveau, elle n’y lut rien. Aucune émotion. La comédie ne le réjouissait pas non plus. Au fond, ils savaient tous que derrière cette pompeuse cérémonie, ces sourires factices et ces robes colorées, il n’y avait rien. Pas d’espoirs, pas de triomphe. Ce mariage était la célébration d’une victoire certaine, préparée longtemps à l’avance. Toute la pièce de théâtre s’articulait autour d’un seul élément inconnu, étranger. Elle.
Les pas du Corbeau étaient assurés, légers et fluides. Sans réellement être gracieux, il dégageait une impression d’aisance et de calme. Dans ses bras, portée par le rythme et sa maîtrise de la mélodie, Kyara se contenait de suivre, se prenait parfois à fermer les yeux, tant par facilité que pour moins peiner à repousser ses pleurs. La musique teintée de mélancolie n’aidait pas.
La nausée qui avait commencé à l’habiter finit par refluer, mais quand ils s’immobilisèrent enfin après les dernières notes, elle avait la sensation que la terre s’apprêtait à s’ouvrir sous ses pieds. La splendeur des lieux et la solennité du moment lui donnaient le tournis. Dans un autre univers, si ce mariage avait été arrangé, il aurait été l’un des plus beaux de l’histoire du continent. Mais ce n’était pas le mariage qu’elle aurait voulu. Quitte à épouser quelqu’un, elle aurait souhaité épouser Rowan dans les jardins du château de Ciel, recevoir avec lui la bénédiction d’un prêtre du Temple, déposer avec lui dans la rivière un cristal qui aurait symbolisé leur union. Ou même quiconque d’autre. Tant qu’ils auraient été à Helvethras.
Après une seconde danse, une valse des vagues au tempo un peu plus vif, le couple se replia au pied des larges escaliers, dans deux fauteuils placés sous un baldaquin, et la procession de courtisans commença. Ils défilèrent les uns après les autres, les bras chargés de volumineux cadeaux, parfois des rouleaux d’étoffes précieuses, souvent des bijoux, des miroirs ou des ornements. L’un d’entre eux offrit même au prince avalonien un molosse à poil court, au museau aplati et au regard marron affamé, qu’il présenta comme un chien de chasse de ses chenils, l’un de ses meilleurs croisements. Quand la bête menaça de s’attaquer aux robes volumineuses qui passaient un peu trop près, l’un des serviteurs fut chargé de la faire sortir.
Affalée plutôt qu’assise dans le fauteuil moelleux, Kyara suivait les conseils du Corbeau, souriait à s’en donner mal aux joues, et ne disait rien de plus que ce qu’il fallait pour remercier les dignitaires. Son envie de pleurer s’était quelque peu dissipée, mais la tristesse persistait comme une chape de plomb sur son cœur, lourde et étouffante. S’ils avaient été à Helvethras, elle aurait été parée des couleurs des provinces et elle aurait dansé avec tous les hommes de la famille royale proche : son père, son oncle, son beau-père, et éventuellement d’autres parents plus lointains. Elle aurait souri et ri, elle aurait fêté son mariage selon des traditions centenaires, entourée de ceux qu’elle aimait.
— Les Dames Alia et Varhalie, annonça brusquement Uma, rompant la bulle de silence et de solitude de Kyara.
Au même moment, deux silhouettes féminines à la peau diaphane et aux cheveux de la couleur des flammes mourantes semblèrent se matérialiser à la gauche de la princesse. Elles franchirent le rempart des soldates, qui les laissèrent passer sans broncher, s’immobilisèrent à deux pas du couple, puis esquissèrent d’un même ensemble une légère révérence. Kyara perçut la soudaine crispation du Corbeau, mais il garda une voix égale quand il inclina la tête pour leur souhaiter la bienvenue.
— Mes Dames.
Ne sachant trop comment se comporter face à ces femmes qui, contrairement au reste des courtisans, ne se distinguaient guère par leur servilité ou leur courtoisie surjouée, Kyara finit par imiter son époux et incliner la tête en souriant poliment. Dans son esprit, elle parcourait la liste des dignitaires avaloniens qu’elle connaissait pour essayer de déterminer leur identité, mais elle ne parvenait pas à trouver le nom d’un duché ou d’un comté qui correspondrait à ses souvenirs.
Puis, soudain, elle nota les discrètes boucles d’oreilles d’obsidienne en forme d’ailes de chauves-souris, les identiques motifs d’argent qui ornaient leurs bustiers, et elle comprit. Elles n’étaient pas d’Avalaën, loin de là. C’étaient Alia et Varhalie du Royaume d’Ombre, nièces du Roi Alzen.
La raison de leur présence à la Citadelle Rouge l’intrigua, mais elle tint sa langue.
— Vous êtes venues plus tôt que prévu.
— Il y avait ton mariage et ta victoire à célébrer, pensais-tu vraiment que nous allions manquer une si grande occasion ? pouffa l’une d’entre elles, quelque peu moqueuse.
— J’aurais espéré.
La franchise désarmante, mais surtout outrancière, du Corbeau tira à Kyara un hoquet, mais aucune des femmes ne sembla en prendre ombrage. Au contraire, elles éclatèrent d’un rire franc, amusé, qui leur attira quelques regards étonnés de la part des autres convives.
— C’est bien dommage ! Par contre, nous avons perdu Jade et Fayrë entre les entrées et les plats, et c’est elles qui ont vos cadeaux. Si elles se manifestent, sachez que c’est de notre part.
— Fayrë et Jade sont toujours ensemble ? releva Yngvar.
— Au grand malheur de tous ceux qui les entourent.
— Je n’aurais pas pensé que leur couple tiendrait… persifla Uma.
De plus en plus choquée par la familiarité et l’absence totale de tact que manifestaient Yngvar et ses proches, Kyara se mordit la langue.
— Oh, bonsoir Uma ! Je ne t’avais pas reconnue sans ton armure.
— Bonsoir à toi aussi, Alia. Comment vas-tu ?
Parvenant enfin à les distinguer l’une de l’autre, la princesse nota dans un coin de son esprit que Varhalie était celle qui avait des yeux clairs, limpides, pareils à de l’eau de source, et la voix un peu plus douce. Alia, elle, avait un regard noisette froid et direct, le ton cassant et la langue affûtée. Sinon, leur différence d’âge ni leurs vêtements ne permettaient réellement de les reconnaître et, même si leurs visages ovales n’étaient pas identiques, elle n’aurait pas su les discerner l’une de l’autre si leurs noms n’avaient pas été énoncés. Alia et Varhalie descendaient de la province d’Eau, mais elles n’avaient pas été vues à la Cour de Ciel, ni même à Helvethras, depuis plus de quarante hivers. Elles avaient été emmenées à Ombre dans leur enfance, et n’en étaient jamais revenues depuis, quels que soient les nombreux évènements auxquels elles aient été conviées. Elles n’avaient jamais pris la peine de répondre ne serait-ce qu’aux lettres de leur famille d’Eau.
Les voyant ici, leurs cheveux flamme striés de mèches blanches, les premières rides apparaissant au coin de leurs yeux et sur leurs fronts, Kyara se demanda ce qui avait pu provoquer leur départ, mais elle décida de s’abstenir de poser la question. Elle se doutait que ce n’était pas le sujet à aborder pour une première rencontre.
— Bien, merci, répondit Alia. Tu as dû t’amuser à escorter ici la princesse.
Dans sa bouche, le mot sonnait presque comme une insulte, et Kyara se hérissa instinctivement.
— Alia, je t’en prie, soupira Yngvar.
Ses lèvres se pincèrent pour ne former qu’une fine ligne agacée, et Varhalie prit le relais :
— Princesse Kyara, je suis ravie de te connaître. Je suis Varhalie d’Ombre, et voici ma sœur Alia. Ne fais pas attention à elle, elle a un sale caractère.
— Enchantée, Dame Varhalie. Enchantée, Dame Alia.
Ne sachant trop qu’ajouter, elle hésita, mais le Corbeau intervint avant qu’elle ne se retrouve en difficulté.
— Vous avez fait bon voyage ?
Alia roula des yeux, l’air de se demander s’il se moquait d’elle, et il lui adressa un sourire lumineux, comme fier de son interruption inutile.
— J’aurais au moins aimé faire le déplacement pour voir ta mère.
— Il faudrait que tu ailles à Ciel pour cela.
Spectatrice muette de la conversation qui menaçait de s’envenimer à chaque phrase, Kyara se demanda pourquoi ils s’agressaient autant. La tension qui irradiait du petit groupe était palpable, tant bien que plus aucun des courtisans avaloniens n’osait plus s’approcher et s’immiscer dans la discussion.
— Peu de chances, grinça Alia.
— Étonnant, ricana Uma.
La femme d’Ombre la fusilla du regard.
— Vous ne me verrez jamais dans cette cité. Sauf peut-être si vous retrouvez le fils de chien qui a tué mon père et ma mère.
— Malheureusement, fit le Corbeau en se rembrunissant, il est certainement mort aujourd’hui.
— Et que les arcanes le laissent errer pour l’éternité, persifla Varhalie, soudain agressive elle aussi.
Yngvar esquissa un rictus mauvais, vicieux, et Kyara se mit brusquement à prier pour que la discussion s’arrête au plus vite. Elle ne voulait pas de cette haine, de ces secrets enfermés à double tour dans les cœurs, dont on ne parlait qu’à mots couverts, qu’avec ceux qui étaient au courant. Elle ne voulait pas être au courant, les peines de sa propre existence lui suffisaient amplement.
— Je crois que la princesse n’apprécie guère notre discussion… Elle pourrait peut-être nous expliquer…
La remarque, cassante et agressive, d’Alia, fut à nouveau interrompue par le Corbeau :
— Je crois surtout qu’il est temps que l’on abrège cette conversation. Mes tantes, c’était un plaisir de vous voir ce soir. Je vous remercie toutes les deux d’avoir pris le temps de venir, j’espère que vous vous amuserez bien.
Il inclina la tête, le groupe de soldates l’imita, et Kyara fit de même avec un temps de retard. Poliment congédiées, les deux femmes esquissèrent une révérence d’Ombre, puis s’éloignèrent sans mot dire, l’air passablement vexées. Uma, enfin libérée de la tension qui l’habitait depuis leur arrivée, poussa un long soupir.
— Quelles teignes…
Yngvar pouffa doucement, mais ne la contredit pas.
— Enfin, elles ont leurs raisons.
Les rangs des courtisans les plus proches demeurèrent encore un long moment silencieux, comme n’osant pas déranger le calme qui s’était installé entre les jeunes époux, puis leurs conversations reprirent une à une, couvrant à nouveau le bruit de la musique. Kyara, davantage secouée par l’entrevue qu’elle ne l’aurait cru possible, vacilla brusquement sur ses jambes. Le temps s’éternisait. Elle fatiguait.
Le bras d’Yngvar, contre lequel sa main reposait depuis une éternité, glissa dans son dos, stabilisant son équilibre précaire. Il tourna la tête vers elle, détailla son visage fermé, ses traits tirés, et hocha doucement la tête.
— Uma, demande une assarienne à l’orchestre.
La soldate s’esquiva comme une ombre, furtive et évanescente dans son uniforme noir.
— Une dernière danse, Avelke, et nous partons.
Avelke. Princesse. Kyara acquiesça, ferma les yeux. Une dernière danse. Quelques minutes, rien de plus. Tenir encore un peu face à cette foule mouvante, bruyante. Repousser la fatigue encore un peu. Rien de plus difficile que ce qu’elle avait fait jusque-là.
Quand les premières notes d’une mélodie à cinq temps emplirent la pièce et que le Corbeau recula pour s’incliner devant elle, elle ne parvint pas à lâcher sa main.

◊~◊~◊

ACTE II (2/4)
Dernière modification par vampiredelivres le mar. 30 nov., 2021 6:28 am, modifié 2 fois.
louille

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Re: Dynasties / Kyara [High Fantasy / Royauté / Intrigues politiques]

Message par louille »

Hello !
J'arrive de nulle part en plein milieu de Kyara après t'avoir laissé un unique commentaire sur Eliane et sans avoir jamais commenté la fin... excuse-moi. Je l'ai lue et j'ai été encore si admirative de la façon dont tu parviens à nous surprendre, encore, par l'intelligence d'Eliane et par la dimension à la fois de son plan (il faut être d'une force intellectuelle et morale pour pouvoir prévoir cette stratégie à si long terme!) et des émotions qui la traversent. C'est juste que c'était dans une période un peu intense (coucou les concours) et carrément accaparante donc j'ai disparu de l'espace commentaire.

Mais me revoilà. J'étais trop heureuse de voir que tu prévoyais encore deux cycles et de me plonger dans Kyara. C'est toujours aussi fort.

Je trouve ton parti pris d'un personnage comme Kyara très courageux, quand on sait que c'est souvent notre admiration de lecteur qui permet de compenser certains défauts des personnages et de susciter notre adhésion. Là, tu dois pouvoir nous la rendre attachante et émouvante, sans la réduire uniquement à un objet de pitié. Et c'est réussi. On a terriblement envie que la colère qui bout en elle lui donne une force et une droiture dans la douleur, on a terriblement envie qu'elle explose, et en même temps, c'est tellement plus fort de suivre son évolution. De la princesse délaissée et craintive, fille d'un lâche, à la prisonnière terrorisée, mais qui survit quand même, à... eh bien seule la suite nous le dira. Je sais pas ce que tu nous réserves comme évolution, mais même si elle est minime, ce sera intéressant.

Tu es vraiment douée pour la peinture de tes personnages. Il y a quelque chose d'à la fois épique et sensible qui convient très bien à l'univers de Dynasties. Le contexte sanguinaire, guerrier, médiéval revisité etc permet aussi de prendre de la distance sur les horreurs perpétrées par les personnages et de pouvoir prendre un peu de distance sur le Corbeau. J'aime bien son personnage. Il est entre l'affreux et l'admiration. Parfois, on est même presque touchés. Mais c'est léger et tu ne fonces jamais d'un coup dans la direction inverse pour nous peindre soudain un personnage trop sympa, juste qui a trop souffert et est devenu trop méchant, ce serait contre-productif et pas réaliste. Non, là c'est authentique et ça nous permet de progressivement changer de regard sur lui, sans non plus remettre en question nos valeurs parce que c'est un ptit bout de chou qui souffre au fond. Le monde est seulement très complexe.

Ça m'a brisé le coeur de voir Eliane aussi glaciale et capable d'une telle insensibilité émotionnelle. Je l'aimais tant. Surtout que t'avais toujours pris bien soin de contrebalancer sa froideur par un attachement au peuple, à la vie simple et authentique, aux belles actions, à des valeurs nobles... qui nous permettait d'aller plus loin qu'une simple admiration. Et en même temps... c'est tellement bien vu. En fait ça me fait penser à l'évolution de Daenerys dans GOT. Si elle avait été faite sur deux ou trois saisons plutôt que sur 2 épisodes, je pense que ç'aurait été une des grandes forces de la série : comment un personnage aussi épris de justice devient l'ange noir d'une justice idéologique et vidée de sa substance. Où est la limite entre le pouvoir juste et le pouvoir trop juste ? Le revers de la grande force d'Eliane, sa capacité à faire preuve de sang froid constamment, c'est cette anesthésie des sentiments. Quand on se coupe à ce point de la peur, on finit aussi par se couper des émotions. Donc c'est très fort. Ça me touche beaucoup.

Heureusement tu contrebalances toute cette lourdeur et cette gravité par des personnages comme Uma qui apportent un peu de joie et de foi dans l'humanité haha. Elle est tellement nécessaire à quelqu'un comme Kyara qui a besoin de gentillesse mais aussi de cette sévérité dont Uma fait preuve quand elle se laisse absorber par la tristesse. C'est ce genre de personnage qui peut lui permettre d'épouser sa stature de princesse (que dis-je, de reine maintenant) et se faire respecter par Yngvar.

Bref j'ai beaucoup aimé. Tu écris décidément si bien. J'aime l'élégance de tes personnages et de ton style.

Préviens-moi pour la suite ! (je serai au rendez-vous cette fois :roll: ) <3
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Re: Dynasties / Kyara [High Fantasy / Royauté / Intrigues politiques]

Message par vampiredelivres »

louille a écrit : mar. 22 juin, 2021 12:32 pm Hello !
J'arrive de nulle part en plein milieu de Kyara après t'avoir laissé un unique commentaire sur Eliane et sans avoir jamais commenté la fin... excuse-moi. Je l'ai lue et j'ai été encore si admirative de la façon dont tu parviens à nous surprendre, encore, par l'intelligence d'Eliane et par la dimension à la fois de son plan (il faut être d'une force intellectuelle et morale pour pouvoir prévoir cette stratégie à si long terme!) et des émotions qui la traversent. C'est juste que c'était dans une période un peu intense (coucou les concours) et carrément accaparante donc j'ai disparu de l'espace commentaire.

Mais me revoilà. J'étais trop heureuse de voir que tu prévoyais encore deux cycles et de me plonger dans Kyara. C'est toujours aussi fort.

Je trouve ton parti pris d'un personnage comme Kyara très courageux, quand on sait que c'est souvent notre admiration de lecteur qui permet de compenser certains défauts des personnages et de susciter notre adhésion. Là, tu dois pouvoir nous la rendre attachante et émouvante, sans la réduire uniquement à un objet de pitié. Et c'est réussi. On a terriblement envie que la colère qui bout en elle lui donne une force et une droiture dans la douleur, on a terriblement envie qu'elle explose, et en même temps, c'est tellement plus fort de suivre son évolution. De la princesse délaissée et craintive, fille d'un lâche, à la prisonnière terrorisée, mais qui survit quand même, à... eh bien seule la suite nous le dira. Je sais pas ce que tu nous réserves comme évolution, mais même si elle est minime, ce sera intéressant.

Tu es vraiment douée pour la peinture de tes personnages. Il y a quelque chose d'à la fois épique et sensible qui convient très bien à l'univers de Dynasties. Le contexte sanguinaire, guerrier, médiéval revisité etc permet aussi de prendre de la distance sur les horreurs perpétrées par les personnages et de pouvoir prendre un peu de distance sur le Corbeau. J'aime bien son personnage. Il est entre l'affreux et l'admiration. Parfois, on est même presque touchés. Mais c'est léger et tu ne fonces jamais d'un coup dans la direction inverse pour nous peindre soudain un personnage trop sympa, juste qui a trop souffert et est devenu trop méchant, ce serait contre-productif et pas réaliste. Non, là c'est authentique et ça nous permet de progressivement changer de regard sur lui, sans non plus remettre en question nos valeurs parce que c'est un ptit bout de chou qui souffre au fond. Le monde est seulement très complexe.

Ça m'a brisé le coeur de voir Eliane aussi glaciale et capable d'une telle insensibilité émotionnelle. Je l'aimais tant. Surtout que t'avais toujours pris bien soin de contrebalancer sa froideur par un attachement au peuple, à la vie simple et authentique, aux belles actions, à des valeurs nobles... qui nous permettait d'aller plus loin qu'une simple admiration. Et en même temps... c'est tellement bien vu. En fait ça me fait penser à l'évolution de Daenerys dans GOT. Si elle avait été faite sur deux ou trois saisons plutôt que sur 2 épisodes, je pense que ç'aurait été une des grandes forces de la série : comment un personnage aussi épris de justice devient l'ange noir d'une justice idéologique et vidée de sa substance. Où est la limite entre le pouvoir juste et le pouvoir trop juste ? Le revers de la grande force d'Eliane, sa capacité à faire preuve de sang froid constamment, c'est cette anesthésie des sentiments. Quand on se coupe à ce point de la peur, on finit aussi par se couper des émotions. Donc c'est très fort. Ça me touche beaucoup.

Heureusement tu contrebalances toute cette lourdeur et cette gravité par des personnages comme Uma qui apportent un peu de joie et de foi dans l'humanité haha. Elle est tellement nécessaire à quelqu'un comme Kyara qui a besoin de gentillesse mais aussi de cette sévérité dont Uma fait preuve quand elle se laisse absorber par la tristesse. C'est ce genre de personnage qui peut lui permettre d'épouser sa stature de princesse (que dis-je, de reine maintenant) et se faire respecter par Yngvar.

Bref j'ai beaucoup aimé. Tu écris décidément si bien. J'aime l'élégance de tes personnages et de ton style.

Préviens-moi pour la suite ! (je serai au rendez-vous cette fois :roll: ) <3
Hello !

Ça me fait vraiment plaisir de te revoir dans le coin ! Ne t'excuse pas du tout pour ton absence, les concours et les exams, c'est une période vraiment désespérante, j'ai tendance à disparaître aussi. (Quoique, je n'ai pas nécessairement besoin de ça pour disparaître, mais ça c'est un autre débat. :lol: ) En tout cas, j'espère que tes concours se sont bien passés et que tu as eu les résultats que tu escomptais !

Je suis vraiment touchée par la gentillesse de ton commentaire, merci beaucoup !

Le personnage de Kyara est un réel défi d'écriture pour moi, c'est le genre de personnage que je ne maîtrise pas du tout en toute honnêteté. Mes héroïnes sont souvent aux commandes, ou en tout cas dans une position de pouvoir certaine, et elles savent assumer la charge. Kyara est loin d'avoir la main sur les évènements qui ont lieu, au contraire même. Et c'est justement ce qui m'intéresse avec elle, elle peut avoir une belle évolution par la suite, encore faut-il qu'elle y soit amenée, tout en douceur. Mais ça va finir par arriver.

Merci beaucoup encore une fois ! J'avoue que je m'amuse bien dans l'univers d'Helvethras et d'Avalaën. Le Corbeau, et de manière générale, l'histoire qu'il commence à avoir avec Kyara, me permet vraiment d'explorer un axe dont je voulais traiter dans ce cycle de Dynasties, humain mais clairement du côté noir plutôt que dans le gris. C'est ça qui est si intéressant avec lui, d'autant plus qu'on commence (ou du moins j'espère qu'on commence) à comprendre que, même s'il commet des horreurs, ce n'est pas parce qu'il a souffert et qu'il a viré "ténébreux", mais simplement parce qu'il a été éduqué ainsi… notamment par sa mère.

J'aimais Eliane aussi, mais je l'aime d'autant plus maintenant qu'elle a basculé. J'en parlais un peu avec Co' et Sasa, mais le basculement progressif d'un protagoniste vers l'antagoniste, c'est vraiment un axe que je veux explorer davantage encore une fois. Ce n'est pas le fondement de Kyara, même si j'y touche un peu déjà ici, mais cette transformation sera plus amplement abordée dans une autre histoire, plus tard. J'aime beaucoup la comparaison à Daenerys, et je suis totalement d'accord, elle avait énormément de potentiel pour avoir une belle progression narrative dans cette direction. L'idée était là, mais ça a été bâclé par la rapidité de la fin de la série. Sinon oui, où est la frontière entre ce qu'on fait pour la bonne cause, et la réelle moralité de ces actions ? Eliane était équilibrée, fut un temps, mais elle a fini par basculer, et sa réincarnation n'a pas vraiment aidé. Mais c'est pour ça que je l'aime, pour ces ténèbres qui ont toujours menacé et qui ont fini par rompre les chaînes morales qu'elle avait auparavant. Séparée de tout ce qu'elle aimait, privée de ce qui avait toujours été son but, elle a choisi de continuer dans le chemin qu'elle s'était tracé, mais sans plus se rattacher à ce qui l'avait motivée à s'y engager au départ.

Aaah, Uma. C'étaient Uriel et Karashei dans Eliane, c'est Uma ici, mais il faut un personnage (au moins) pour alléger l'atmosphère. Quoiqu'elle a aussi sa part de tristesse et de difficultés, mais on y reviendra par la suite.

Un immense merci pour ton incroyable commentaire, qui m'a vraiment fait chaud au cœur. Je te préviendrai pour la suite avec grand plaisir !
TcmA

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Re: Dynasties / Kyara [High Fantasy / Royauté / Intrigues politiques]

Message par TcmA »

Heyo~

Aaaaah, c'est toujours un plaisir de me replonger dans tes écrits !
J'ai du me replonger dans le discord à un moment (pour chercher l'arbre généalogique, notamment) et je suis repassée devant les messages où tu nous parlais de la scène de bal (et la robe de Kyara, si belle).
Bon bon bon, j'ai pas raté de trauma, mais je sens que tu nous prépares une petite concoction à la Ellana qui va bien pourrir la vie de Kyara :lol: (D'ailleurs, proposition : on connait tous "Mama mia, here I go again", mais je propose "Trauma mia, here we go again")

Encore et toujours, c'est vraiment très très bon, c'est du bonbon pour les yeux ! Tout est maîtrisé, tout est cohérent, les DESCRIPTIONS MAMA. Encore bravo !
L'arrivée de Kyara est... ce qu'elle est, on peut pas dire qu'elle est couverte d'amour :') (Les vieilles femmes aigries ? A la poubelle, merci). Puis Mara de Ciel, quelle chouette maman (ou comment créer du trauma).
Alya et Varhalie m'ont l'air tout à fait charmantes, tiens :v (C'est pour elle que je suis allée chercher l'arbre généalogique, particulièrement quand elle parle du "fils de chien qui a tué mon père et ma mère" -> On les connaît ? J'ai pas l'impression, mais c'est peut-être juste ma mémoire qui flanche. J'avais pensé à Uriel et Karashei, mais 1. Eliane I s'est occupée du tueur, 2. Je ne me souviens pas qu'ils aient eu d'enfants, puis 3. "nièces d'Alzen" (who dat), mais 4. Ca pourrait coller avec les événements question dates).
Bref, j'ai toujours des questions, qui trouveront sûrement leur réponse dans les parties suivantes !

J'ai juste remarqué un petit truc : "Kyara avaient pris un bain"

J'ai bien hâte de lire la suite !
La bise~
vampiredelivres

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Re: Dynasties / Kyara [High Fantasy / Royauté / Intrigues politiques]

Message par vampiredelivres »

TcmA a écrit : jeu. 24 juin, 2021 4:10 pm Heyo~

Aaaaah, c'est toujours un plaisir de me replonger dans tes écrits !
J'ai du me replonger dans le discord à un moment (pour chercher l'arbre généalogique, notamment) et je suis repassée devant les messages où tu nous parlais de la scène de bal (et la robe de Kyara, si belle).
Bon bon bon, j'ai pas raté de trauma, mais je sens que tu nous prépares une petite concoction à la Ellana qui va bien pourrir la vie de Kyara :lol: (D'ailleurs, proposition : on connait tous "Mama mia, here I go again", mais je propose "Trauma mia, here we go again")

Encore et toujours, c'est vraiment très très bon, c'est du bonbon pour les yeux ! Tout est maîtrisé, tout est cohérent, les DESCRIPTIONS MAMA. Encore bravo !
L'arrivée de Kyara est... ce qu'elle est, on peut pas dire qu'elle est couverte d'amour :') (Les vieilles femmes aigries ? A la poubelle, merci). Puis Mara de Ciel, quelle chouette maman (ou comment créer du trauma).
Alya et Varhalie m'ont l'air tout à fait charmantes, tiens :v (C'est pour elle que je suis allée chercher l'arbre généalogique, particulièrement quand elle parle du "fils de chien qui a tué mon père et ma mère" -> On les connaît ? J'ai pas l'impression, mais c'est peut-être juste ma mémoire qui flanche. J'avais pensé à Uriel et Karashei, mais 1. Eliane I s'est occupée du tueur, 2. Je ne me souviens pas qu'ils aient eu d'enfants, puis 3. "nièces d'Alzen" (who dat), mais 4. Ca pourrait coller avec les événements question dates).
Bref, j'ai toujours des questions, qui trouveront sûrement leur réponse dans les parties suivantes !

J'ai juste remarqué un petit truc : "Kyara avaient pris un bain"

J'ai bien hâte de lire la suite !
La bise~
Hola ~~

Contente que ça te plaise toujours autant ! « Trauma mia, here we go again » j'aime beaucoup ! :mrgreen:

Du coup tu as eu la réponse pour l'arbre généalogique ^^ Alya et Varhalie sont les filles d'Uriel et Karashei, donc les nièces d'Alzen, qui lui-même était le cousin d'Eliane (première du nom). Comment ça c'est le bordel ? :lol: Du coup ouais, Eliane s'est occupée de Laurus, mais Vilhelm, personne ne sait ce qu'il est devenu… (et le saura-t-on ? :twisted: )

J'avoue que la scène de bal, et l'ensemble de la partie, ont été écrites sur un bon flow, donc je suis bien contente que ça ressorte. C'est pas agréable à vivre pour Kyara pour autant, mais bon, il faut bien commencer quelque part pour chercher l'amélioration.
Mama-Mara de Ciel est vraiment un amour. D'autant plus que ce trauma-là va être amené à ressortir plus tard x)

Ah yes, "elle avaient", logique bien sûr. Elle est multiple après tout. :lol:

Bref, merci beaucoup pour ton passage, j'espère que la suite va continuer à te plaire ✨
La bise ~
TcmA

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Re: Dynasties / Kyara [High Fantasy / Royauté / Intrigues politiques]

Message par TcmA »

vampiredelivres a écrit : lun. 28 juin, 2021 4:27 pm Hola ~~

Contente que ça te plaise toujours autant ! « Trauma mia, here we go again » j'aime beaucoup ! :mrgreen:

Du coup tu as eu la réponse pour l'arbre généalogique ^^ Alya et Varhalie sont les filles d'Uriel et Karashei, donc les nièces d'Alzen, qui lui-même était le cousin d'Eliane (première du nom). Comment ça c'est le bordel ? :lol: Du coup ouais, Eliane s'est occupée de Laurus, mais Vilhelm, personne ne sait ce qu'il est devenu… (et le saura-t-on ? :twisted: )

J'avoue que la scène de bal, et l'ensemble de la partie, ont été écrites sur un bon flow, donc je suis bien contente que ça ressorte. C'est pas agréable à vivre pour Kyara pour autant, mais bon, il faut bien commencer quelque part pour chercher l'amélioration.
Mama-Mara de Ciel est vraiment un amour. D'autant plus que ce trauma-là va être amené à ressortir plus tard x)

Ah yes, "elle avaient", logique bien sûr. Elle est multiple après tout. :lol:

Bref, merci beaucoup pour ton passage, j'espère que la suite va continuer à te plaire ✨
La bise ~

Je dois avouer que ce n'est pas de moi (bien que j'aimerais avoir la créativité pour sortir de telles phrases mdr) :')

Yes en effet ! Aaaaah méwui, j'avais oublié le problème Vilhelm :lol: (Ohlala, j'aime et j'aime pas quand tu fais ça, parce qu'on ne sait jamais à quoi s'attendre)

Ca m'aurait étonnée que le trauma ne ressortent pas à un moment ! Tout est plus fun quand on ajoute une p'tite dose (ou une grosse selon les persos) de traume~

Toujours avec plaisir ! Je n'en doute pas du tout ;)
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Re: Kyara II (1/4)

Message par louji »

Yooo. J'ai mis mon temps, mais me voilà de retour :"D J'attaque dès à présent le chapitre qui me manque !
vampiredelivres a écrit : mer. 16 juin, 2021 9:07 am
ACTE II : L'ÉTRANGÈRE
(1/4)


Le Corbeau avait mis pied-à-terre, lui aussi, et avait confié les rênes de sa monture à l’un des gardes qui entouraient son père. En le voyant s’approcher, l’attention de Saedor d’Avalaën se détourna de la princesse pour se focaliser sur son fils, et son sourire se fit encore plus heureux, encore plus brillant. L’amour, profond et sincère, qu’elle sentit émaner d’eux quand ils s’étreignirent fortement, lui donna presque la nausée. :arrow: Ouais sur le coup ça fait bizarre Kyara, je t'accompagne. RIP les feelings madame :v Mais surtout, ce fut la tristesse qui submergea Kyara. En arrière plan, dans un coin de son champ de vision, la foule scandait le nom d’Yngvar comme celui d’un héros, et les cris de ces milliers de gorges unies dans la victoire faisaient vibrer l’air d’une pulsation synchrone. Se sentant encore plus seule et étrangère que durant le voyage, la princesse demeura en retrait des retrouvailles. La tristesse lui donnait la sensation d’être vide et invisible, parvenait même à dissoudre sa colère dans un océan d’esseulement. Elle poussa un long soupir, la tête basse.
Puis, Saedor lui serra la main. Elle releva les yeux vers lui et se figea, stupéfaite par la bonté qui émanait de se traits. Il arborait un grand sourire avenant, bien loin des regards suspicieux auxquels elle avait eu le droit durant la traversée de la ville. Un instant, elle se sentit presque coupable de la haine et de la colère qui lui étreignaient le cœur. Puis, il l’incita à poser sa main dans la paume d’Yngvar, et un frisson la parcourut quand elle rencontra sous sa peau douce les doigts calleux. Elle serra les dents. :arrow: J'ai un sourire si crispé :lol: Saedor, bon, il est sympa, mais toutes les souffrances qui ont précédé cette rencontre... :'')
Un homme en robe pourpre brodée d’or, quasiment sorti de nulle part, se matérialisa à leurs côtés, prit la place du souverain absolu qui tenait leurs deux sorts dans ses mains. Avalaën étant l’unique voisin d’Helvethras, Kyara avait pu en étudier un peu la culture, et elle savait exactement ce qui l’attendait. Une longue litanie de louanges, de vœux de bonheur et de prospérité aussi fallacieux que les sourires de presque tous ceux qui l’avaient accueillie jusque là, puis quelques paroles saintes d’un supposé dieu unique qui existerait uniquement pour les avaloniens. :arrow: Petite majuscule comme tu parles du peuple :) Autrement, c'est marrant, j'avais oublié qu'ils avaient un dieu unique ! Je me demande si cette religion est présente au sein de la famille régnante. Après cela, elle serait mariée. Irrévocablement.
Elle leva la tête, croisa le regard violet du Corbeau, vit son air buté, la grimace qu’il réprimait à peine, et la colère jaillit en elle, dévorante. Rien ne l’y obligeait. Il n’avait pas à arborer cette mine d’enterrement alors même qu’il rompait le dernier rempart qui aurait pu entraver sa conquête d’Helvethras. Pas qu’il n’y ait grand-chose qui subsistait, déjà. Mais chacune de ses victoires, même les plus insignifiantes, était comme un coup supplémentaire pour elle, comme s’il lui arrachait encore quelque chose qu’elle n’avait pas eu conscience de posséder jusque là. Il ne manquait plus qu’elle se retrouve enceinte, et ce qui resterait de son royaume ne serait plus qu’un vague souvenir d’une époque révolue.
Alors pourquoi Le Corbeau paraissait-il aussi frustré ? Était-il de ces gens qui, une fois un objectif atteint, passaient au suivant, faisant de leur existence une éreintante quête perpétuelle ? Il avait plutôt l’air d’un homme terre-à-terre, peut-être même un peu trop. Pas du genre à se créer des objectifs dans le vent, à poursuivre des chimères. Elle songea à ce qui aurait pu le garder éveillé la nuit, sans parvenir à trouver quels genre de démons il aurait pu affronter. Ou peut-être qu’il n’affrontait même pas de démons, étant lui-même un monstre.
Elle s’en voulut après avoir formulé la pensée, mais juste un peu. Son père n’avait jamais essayé de lui cacher l’injustice de l’existence, et la brutalité de la vie. L’une des dernières leçons qu’il avait pu lui donner avait été involontaire : la guerre était faite de dommages collatéraux. Il en avait été un, elle en était un autre. Et le Corbeau était le responsable.
Elle crispa les doigts, enfonçant ses ongles dans la paume calleuse, mais il ne broncha pas. Au contraire, même, il la regarda enfin droit dans les yeux, et sourit légèrement. L’espace de quelques secondes, une étincelle joueuse illumina ses iris et ses traits. Bats-toi, sembla-t-il lui dire. Il n’y avait là aucune méchanceté, seulement un encouragement muet, qui la dérouta plus qu’il ne l’aida réellement à faire face. Elle n’osa plus bouger, serrant sa main comme une noyée s’accrochant désespérément à la vie, et la lueur s’éteignit dans les yeux de l’assassin. Ils demeurèrent tous les deux figés, stoïques, sans réellement écouter le flux de paroles du prêtre à la soutane brocart :arrow: Il manque pas un mot pour lier les 2 ? Ça me fait bizarre comme ça :geek: qui débitait ses saintes paroles, jusqu’au moment où le ruban pourpre fut noué autour de leurs poignets, symbolisant leur union. Et, étrangement, Kyara n’accusa pas le choc. Ce fut comme si elle s’y était déjà résignée, comme si cette suite d’évènements avait été inexorable.
— Vous êtes désormais unis dans l’éternité, en un seul être, devant Egsa.
La mention de la divinité souleva les ovations des premiers rangs, qui bien vite se propagèrent au reste de la foule qui n’avait pas pu entendre la finalisation de la cérémonie. L’air s’emplit de vibrations, de cris, de pétales lancés à pleins seaux par-dessus les remparts, de joie. Et, dans cette joyeuse frénésie, Kyara songea à sa mère, qui avait préféré s’enfuir à Eau plutôt que d’essayer de tenir le cap aux côtés de son époux malade, abandonnant sa fille aux vautours. Elle se demanda ce que Mara aurait pensé en voyant sa fille dans cette position, un trophée de guerre sale et poussiéreux, offert au meurtrier qui avait tué Jesten de Ciel. Elle aurait certainement haï cette situation. Pourtant, elle n’avait pas levé le petit doigt pour s’interposer, avait laissé Kyara seule assumer la fin de la guerre. :arrow: Aaaah c'est ainsi. J'étais persuadée que sa mère était morte il y a des années :c
Debout sur les escaliers, centre de l’attention d’une foule en folie dont elle ne pouvait partager l’allégresse, la princesse réalisa que, au moment où elle aurait eu le plus besoin d’elle, sa mère l’avait abandonnée. Durant les cinq dernières lunes d’enfer, durant ce rare moment où Mara de Ciel aurait dû être là, elle avait préféré s’enfuir, se protéger elle-même. Quand Mara aurait dû être là, elle s’était enfuie. Et cette pensée empoisonnée, soudaine, brûlante, fut comme une piqûre de serpent pour son âme en deuil.
:arrow: Cette réalisation un peu tardive est étonnante (je crois pas qu'elle ait mentionné ce point précédemment ? Mais ça reste impactant d'y placer ici car on a vraiment le dernier ancrage de Kyara qui la lâche face à sa nouvelle destinée. Un peu de drama en plus :twisted:

Après l’éreintante traversée de la ville et la douloureuse cérémonie de mariage, Kyara aurait voulu se rouler en boule et dormir, mais la famille impériale et les coutumes locales en avaient décidé autrement. Une fois à l’intérieur du grand hall du palais, elle fut entraînée vers les étages en compagnie d’Uma et de trois autres soldates. Là, elles furent toutes les cinq prises en charge par des servantes aux mines fermées et aux regards noirs. En moins de temps qu’il n’aurait fallu pour le dire, Kyara avaient pris un bain sommaire, décrassé le moindre carré de peau où se serait collée de la poussière, et lavé ses cheveux gras et ternes jusqu’à se les arracher. À côté d’elle, les guerrières débarrassées de leurs armures se détendaient elles aussi dans le profond bassin d’eau chaude, leurs traits tirés par le voyage se détendant progressivement.
Après s’être lavée et séchée dans une étoffe spongieuse, Kyara dut se laisser faire par les servantes qui lui donnèrent à enfiler des bas de soie et une chemise fine, et lacèrent par-dessus un corset mal ajusté aux proportions de son corps. Ensuite, elles l’amenèrent dans une salle attenante où une longue robe pourpre et blanche, brodée d’or, reposait sur son trépied. À côté, soigneusement pliées, quatre tenues noires et rouges avaient été disposées. Kyara, stupéfaite par la richesse de l’habit, mais aussi surprise qu’on n’utilise ni crinoline ni jupons pour lui donner du volume, l’enfila à la hâte tandis que les soldates se saisissaient des piles de vêtements. Puis, elle monta sur un tabouret, et les servantes s’attelèrent à réajuster la longueur de la robe et des manches en épinglant sur la doublure intérieure tout ce qui dépassait. Elles travaillaient en silence, efficaces mais hautaines, daignant seulement d’adresser la parole à leur nouvelle princesse pour lui indiquer de lever un pied ou d’écarter un bras.
Le temps qu’elles finissent les ajustements, les guerrières étaient depuis longtemps habillées, et les cheveux de Kyara avaient quasiment séché. Toute l’opération s’était déroulée dans un silence pesant, seulement troublé par le bruit des tissus froissés, et l’helvetrienne :arrow: Idem, majuscule il me semble =D s’était doucement mise à somnoler. Toujours dans un état second, elle essaya quatre paires de chaussures avant qu’on ne lui trouve la bonne pointure, puis sa léthargie fut rompue par la voix d’Uma, qui fermait la porte derrière elle. Kyara n’avait même pas remarqué qu’elle était partie un moment.
— Dis-moi, petit moineau, sais-tu danser nos danses traditionnelles ?
Kyara battit des paupières, luttant pour revenir à la réalité. Le souvenir de deux grandes fêtes, rares évènements où des dignitaires avaloniens avaient été invités, remonta dans sa mémoire.
— Certaines, souffla-t-elle. La valse des vagues, l’ilakese, l’assarienne et le pas-de-rat.
Uma échangea un regard avec ses compagnes, et elles pouffèrent d’un même ensemble.
— Oublie le pas-de-rat, sourit-elle. :arrow: Bonne idée, ça a pas l'air fou-fou comme danse. La dernière fois que je l’ai dansé, j’avais… huit hivers. Ou neuf ?
— Sept, répondit une autre avec un rictus. Pour moi en tout cas.
— C’est une danse d’enfants pour faire sourire les parents. Mais l’ilakese et l’assarienne… c’est une bonne chose. Idem pour la valse des vagues. Je passerai le mot.
Elle sembla réfléchir quelques instants, puis reprit :
— Je ne vais pas te mentir, princesse, il n’y a pas grand-monde qui t’apprécie ici. Cependant, il va falloir que tu gardes la face. La nouvelle épouse du prince héritier ne peut pas se permettre d’être vue en mauvaise posture.
L’une des guerrières renifla, méprisante, mais Uma ne lui accorda pas un regard.
— Nous serons avec toi tout au long de la soirée, poursuivit-elle. Et, pour peu que tu ne fasses pas quelque chose de stupide comme essayer de t’enfuir ou de tuer quelqu’un, nous serons là pour te protéger et te guider.
Figée par la surprise, absolument pas préparée à entendre des mots aussi crus mais droits venant d’une tueuse des Bataillons Sanglants, Kyara demeura totalement muette, interdite. Dans ses pensées tourbillonnantes, elle revoyait tous ces soirs qu’elle avait passés avec Uma et le Corbeau, leurs petits gestes d’affection discrets, leurs contacts furtifs, leurs échanges de regards. Elle n’avait aucun mal à deviner ce qui se passait entre eux, ce qu’ils avaient été avant qu’elle ne soit traînée de force dans leurs vies. :arrow: Ooooké gé mal. Elle était certaine que la femme en face d’elle en souffrait, blessée dans ses sentiments et son amour-propre. Pourtant, ses mots étaient clairs, dénués de rancœur ou d’amertume. Elle ne montrait rien, faisait seulement ce que l’on exigeait d’elle, se pliait aux contraintes et aux obligations de sa position sans mot dire.
— M…m…merci… finit-elle par bredouiller, sans savoir quoi répondre d’autre.
Son regard courut le long de la silhouette musclée de la soldate, sur ses habits de cérémonie noirs brodés d’écarlate, sur son visage déterminé et son expression indéchiffrable. La joie délurée qu’elle avait manifesté le soir au coin du feu, durant le voyage, était introuvable, comme si la réalité l’avait rattrapée. Savait-elle que Kyara n’avait jamais eu l’intention de prendre sa place, de lui voler ce qu’elle avait entretenu avec Yngvar jusque là ? Certainement, mais la princesse ne put s’empêcher de se sentir quelque peu coupable.
Les servantes, qui s’étaient éclipsées un instant, revinrent à ce moment les bras chargés de coffrets de bois, coupant court à toute éventuelle de :arrow: En trop ! discussion. Elles essayèrent sur Kyara une multitude de bijoux, finirent par l’affubler d’une tiare d’or, d’une ceinture de rubis ainsi que de boucles d’oreilles et d’un collier assortis. Puis, elles contemplèrent l’ensemble d’un regard critique et échangèrent des hochements de tête peu convaincus. Le maquillage fut rapidement expédié, peut-être même un peu trop au goût d’Uma qui les réprimanda sèchement. Elles revinrent donc à la charge en maugréant contre la peau mate de Kyara, sans même tenter de dissimuler leurs propos méprisants. Vexée, mais n’osant pas vraiment répondre, la princesse pesta elle aussi en silence contre les vieilles femmes aigries.
Puis, enfin, elle fut libérée de leurs griffes et on l’entraîna dans les larges couloirs du palais en direction de ce qu’elle supposa être la salle de réception. En avançant, elle fut frappée par l’immensité et la luminosité des couloirs, pour la plupart décorés de dorures et de larges miroirs qui reflétaient à l’infini l’éclat des chandelles. Au travers des hautes fenêtres se déversait la clarté argentée d’une large pleine lune, qui du haut de son perchoir dans le ciel semblait mépriser tous ceux qui passaient en dessous. Kyara n’avait jamais aimé la lune, sa froide distance, ses cycles mornes qui amenaient avec eux sang et douleur. Elle la trouvait cruelle, se cachant tantôt, aveuglant d’autres fois. Elle lui préférait le soleil, son halo doux et chaud, son retour rassurant tous les matins, ses vives couleurs et les arc-en-ciels qu’il dessinait dans les fontaines.
— C’était si long, soupira une voix grondante au détour d’un couloir.
Kyara releva brusquement la tête, une pointe d’anxiété dans la poitrine, mais perdit le souffle quand elle avisa le Corbeau. Il se tenait debout devant deux immenses battants fermés au travers desquels filtraient des éclats de rire, des murmures et un peu de musique. Délesté de son armure et de son heaume massif, vêtu d’une simple tenue d’apparat noire et rouge, à l’image de celle des soldates qui encadraient Kyara, il paraissait soudain presque plus petit. Plus humain, privé de son carcan d’acier. Il n’en semblait pas pour autant moins menaçant et imposant pour Kyara, qui lui arrivait à peine au menton, même avec ses chaussures rehaussées de talons. Elle détailla son visage buriné, parcouru d’ombres mouvantes, nota une fine cicatrice qui partait de la clavicule gauche et plongeait sous le satin de la chemise en direction de l’épaule. :arrow: Matons, matons 8-)
— Admets que cela valait la peine d’attendre, rétorqua Uma avec un rictus.
Étrangement, en avisant leurs reflets côte à côte dans le miroir le plus proche, Kyara ne détesta pas l’image qu’elle renvoyait. Sanglée dans son volumineux caftan rouge et or, elle ne semblait même plus si petite par rapport à la silhouette massive du prince avalonien. Les broderies unies sur leurs deux tenues harmonisaient le contraste entre le blanc de la robe et le noir de l’autre. Côte à côte, ils paraissaient réellement impériaux, majestueux.
Mais, même si elle ne trouva pas à se plaindre de l’apparence qu’on lui avait donnée, elle ne s’y reconnut pas. Avec le léger maquillage qui accentuait ses traits, vieillissait quelque peu son visage, avec le corset qui serrait sa taille et faisait ressortir ses épaules et ses hanches, elle n’était plus elle-même. C’était une autre qu’elle voyait là, une femme à l’allure royale, bien loin de la petite princesse perdue et ballottée aux quatre vents.
Uma prit la main de Kyara, et la posa sur celle, tendue, d’Yngvar. Au contact de ses doigts calleux et chauds, elle parvint à peine à réprimer un frisson d’anxiété. Elle leva la tête, hésitante, croisa son regard violet inflexible et prit une inspiration hachée.
— Souris, ne parle pas si on ne t’a pas adressé la parole, et tout devrait bien se passer.
Uma roula des yeux et, après un instant de réflexion, le Corbeau ajouta, comme à contre-cœur :
— Tu es vraiment jolie, princesse.
Ne sachant que répondre, elle préféra garder ses lèvres scellées, mais inclina légèrement la tête en guise de remerciement.
— Yngvar, ilakese et assarienne, ajouta brusquement Uma. Et valse des vagues, mais elle a peut-être déjà été jouée.
— Merci.

Alors, je fais une pause dans ma lecture.
Peut-on faire une haie de l'honneur pour Uma ?
Merci.

(en vrai j'ai peur qu'elle finisse par péter un câble, c'est tellement lourd ce qu'elle vit en parallèle de Kyara).



Sur ces formalités, Kyara ne put que prendre une brève inspiration avant que le Corbeau ne toque un coup sec à la double-porte et que cette dernière s’ouvre en grand. Aussitôt, les regards se levèrent vers le nouveau couple royal, et elle perdit le souffle qu’il y avait dans sa poitrine. S’il n’y avait pas eu le mouvement d’Yngvar, elle serait restée plantée dans l’encadrement de la porte, incapable de bouger, incapable d’avancer. Mais il esquissa un pas résolu vers l’avant et, intuitivement, aveuglément, elle suivit. Ils descendirent lentement les larges marches qui menaient jusqu’au patio intérieur verdoyant, construit autour d’une large fontaine clapotante. Un mouvement coordonné sembla animer le large groupe de courtisans qui, les uns après les autres, s’avancèrent en direction de l’escalier pour accueillir le couple. Parmi eux, la silhouette haute et digne de l’Empereur Saedor, le seul à être vêtu de rouge, se distinguait clairement.
Quand ils atteignirent le bas, des marches, il s’approcha lentement d’eux, leur adressa un sourire qui, étrangement, était teinté de tristesse, et posa ses paumes chaudes et douces sur leurs mains jointes.
— Vous avez mes plus sincères félicitations, clama-t-il haut et fort.
Même si elle savait que les mots étaient faux, Kyara ne put s’empêcher de trouver son attitude sincère. Son visage, dos aux courtisans, reflétait la peine quand ses yeux se posaient sur la princesse, son sourire n’était ni cruel ni mensonger. Il savait quels étaient les enjeux, mais jouait la comédie par nécessité. Combien de fois Kyara avait-elle dû faire la même chose auprès des vipères du château de Ciel ? Elle n’aimait pas ces cruelles traditions, les regards acérés de ces vautours qui guettaient le moindre de ses faux pas pour la dévorer. Elle avait toujours évité les situations de ce genre autant que possible, mais à cause de sa position, n’avait jamais pu totalement y échapper. Même ici, à des centaines de lieues de chez elle, la sensation d’être le centre de l’attention, la cible de tous les ragots, lui était désagréablement familière.
L’Empereur lui coula un clin d’œil faussement complice, le Corbeau serra doucement sa main pour lui indiquer que c’était à elle d’agir. Terrifiée, elle força néanmoins un sourire sur ses lèvres, s’inclina profondément.
— Sik sankrere darvo, Kalekti Sen. Zkare shar na gartve ijva rohar kemern.
Elle espérait de toute son âme que son avalarë était au moins passable, que sa voix ne se romprait pas à chaque mot. Mais, pour une fois, son corps et son esprit ne semblaient pas vouloir la trahir. Il lui semblait même que son accent s’était quelque peu amélioré au cours du long voyage, à force de parler avec les envahisseurs, ne serait-ce que pour de brefs mais réguliers échanges. Elle butait moins sur les sonorités cassantes de la langue, les mots semblaient lui venir plus aisément, probablement à force de les entendre.
Comme pour lui donner un peu d’assurance, le sourire de Saedor s’élargit, et la pression d’Yngvar sur sa main se relâcha.
— Nobles amis, mon fils et son épouse ! tonna le souverain en les exposant au regard de la foule, qui se rompit en bruyants applaudissements.
Kyara ne manqua pas cependant de discerner les regards noirs qui lui étaient adressés, les rictus sceptiques et les coups d’œil échangés par la majorité ; c’était d’autant plus criant qu’ils manifestaient leur fausse joie si fort. La sensation de solitude, familière compagne de ces dernières heures, la frappa à nouveau en plein cœur, si brutale qu’elle sentit les larmes perler au coin de ses paupières. Démunie, brisée par la façade qu’elle se sentait incapable de maintenir plus longtemps, elle baissa la tête et son sourire se fana. Ses genoux flageolèrent. Elle se haït de se sentir si faible, détesta la tristesse qui la détruisait ainsi.
— Gersza ilakesea kane, Avelke Sen ?
Elle leva la tête vers le Corbeau, qui s’était placé face à elle et la fixait droit dans les yeux. Les cals de sa main étaient pressés contre sa paume douce. Il n’y avait ni reproche ni mépris dans ses iris violets, seulement une calme injonction. Fais face. Tiens bon. Elle battit des paupières, et le sourire forcé qu’elle amena à nouveau sur ses lèvres fit couler une larme traîtresse.
— Zkam sankrere, Kaleko Sen.
La foule s’écarta en un large cercle aux premières notes de l’ilakese pour céder la place au nouveau couple royal. Étrangement, les murmures s’étaient tus. Le cœur gros, la princesse se laissa entraîner au centre du patio, juste à côté de la fontaine. Les vibrations des flûtes et des trompes basses résonnèrent, marquant le début d’un pas de quatre mélancolique. Un instant, la peur et la douleur lui firent oublier les pas, elle vacilla dans ses chaussures, mais une légère pression l’amena en pirouettant droit dans les bras d’Yngvar. Leurs yeux se croisèrent à nouveau, elle n’y lut rien. Aucune émotion. La comédie ne le réjouissait pas non plus. Au fond, ils savaient tous que cette pompeuse cérémonie, ces sourires factices et ces robes colorées, il n’y avait rien. Pas d’espoirs, pas de triomphe. Ce mariage était la célébration d’une victoire certaine, préparée longtemps à l’avance. Toute la pièce de théâtre s’articulait autour d’un seul élément inconnu, étranger. Elle.
Les pas du Corbeau étaient assurés. Légers et fluides, et sans réellement être gracieux, il dégageait une impression d’aisance et de calme. Dans ses bras, portée par le rythme et sa maîtrise de la mélodie, Kyara se contenait de suivre, se prenait parfois à fermer les yeux, tant par facilité que pour moins peiner à repousser ses pleurs. La musique teintée de mélancolie n’aidait pas.
La nausée qui avait commencé à l’habiter finit par refluer, mais quand ils s’immobilisèrent enfin après les dernières notes, elle avait la sensation que la terre s’apprêtait à s’ouvrir sous ses pieds. La splendeur des lieux et la solennité du moment lui donnaient le tournis. Dans un autre univers, si ce mariage avait été arrangé, il aurait été l’un des plus beaux de l’histoire du continent. Mais ce n’était pas le mariage qu’elle aurait voulu. Quitte à épouser quelqu’un, elle aurait souhaité épouser Rowan dans les jardins du château de Ciel, recevoir avec lui la bénédiction d’un prêtre du Temple, déposer avec lui dans la rivière un cristal qui aurait symbolisé leur union. Ou même quiconque d’autre. Tant qu’ils auraient été à Helvethras. :arrow: Ouais. Coup dur.
Après une seconde danse, une valse des vagues au tempo un peu plus vif, le couple se replia au pied des larges escaliers, dans deux fauteuils placés sous un baldaquin, et la procession de courtisans commença. Ils défilèrent les uns après les autres, les bras chargés de volumineux cadeaux, parfois des rouleaux d’étoffes précieuses, souvent des bijoux, des miroirs ou des ornements. L’un d’entre eux offrit même au prince avalonien un molosse à poil court, au museau aplati et au regard marron un peu trop vif, qu’il présenta comme un chien de chasse de ses chenils, l’un de ses meilleurs croisements. Quand la bête menaça de s’attaquer aux robes volumineuses qui passaient un peu trop près, l’un des serviteurs fut chargé de la faire sortir.
Affalée plutôt qu’assise dans le fauteuil moelleux, Kyara suivait les conseils du Corbeau, souriait à s’en donner mal aux joues, et ne disait rien de plus que ce qu’il fallait pour remercier les dignitaires. Son envie de pleurer s’était quelque peu dissipée, mais la tristesse demeurait comme une chape de plomb sur son cœur, lourde et étouffante. S’ils avaient été à Helvethras, elle aurait été parée des couleurs des provinces et elle aurait dansé avec tous les hommes de la famille royale proche : son père, son oncle, son beau-père, et éventuellement d’autres parents plus lointains. Elle aurait souri et ri, elle aurait fêté son mariage selon des traditions centenaires, entourée de ceux qu’elle aimait.
— Les Dames Alya :arrow: Alya, ça ressemble au prénom de la mère d'Eliane non ? Ou je vire peut-être parano, zé possible :) et Varhalie, annonça brusquement Uma, rompant la bulle de silence et de solitude de Kyara.
Au même moment, deux silhouettes féminines à la peau diaphane et aux cheveux de la couleur des flammes mourantes semblèrent se matérialiser à la gauche de la princesse. Elles franchirent le rempart des soldates, qui les laissèrent passer sans broncher, s’immobilisèrent à deux pas du couple, puis esquissèrent d’un même ensemble une légère révérence. Kyara perçut une soudaine crispation du Corbeau, mais il garda une voix ferme et égale quand il inclina la tête pour leur souhaiter la bienvenue.
— Mes Dames.
Ne sachant trop comment se comporter face à ces femmes qui, contrairement au reste des courtisans, ne se distinguaient guère par leur servilité ou leur courtoisie surjouée, Kyara finit par imiter son époux et incliner la tête en souriant poliment. Dans son esprit, elle parcourait la liste des dignitaires avaloniens qu’elle connaissait pour essayer de déterminer leur identité, mais elle ne parvenait pas à trouver le nom d’un duché ou d’un comté qui correspondrait à ses souvenirs.
Puis, soudain, elle nota les discrètes boucles d’oreilles d’obsidienne en forme d’ailes de chauves-souris, les identiques motifs d’argent qui ornaient leurs bustiers, et elle comprit. Elles n’étaient pas d’Avalaën, loin de là. C’étaient Alya et Varhalie du Royaume d’Ombre, nièces du souverain Alzen. :arrow: Aaaah, doit y avoir des consonnances du coup, je comprends :twisted:
La raison de leur présence à la Citadelle Rouge l’intrigua, mais elle tint sa langue.
— Vous êtes venues plus tôt que prévu.
— Il y avait ton mariage et ta victoire à célébrer, pensais-tu vraiment que nous allions manquer une si grande occasion ? pouffa l’une d’entre elles, quelque peu moqueuse.
— J’aurais espéré.
La franchise désarmante, mais surtout outrancière, du Corbeau tira à Kyara un hoquet, mais aucune des femmes ne sembla en prendre ombrage. Au contraire, elles éclatèrent d’un rire franc, amusé, qui leur attira quelques regards étonnés de la part des autres convives.
— C’est bien dommage ! Par contre, nous avons perdu Jade et Fayrë entre les entrées et les plats, mais c’est elles qui ont vos cadeaux. Si elles se manifestent, sachez que c’est de notre part.
— Fayrë et Jade sont toujours ensemble ? releva Yngvar.
— Au grand malheur de tous ceux qui les entourent.
— Je n’aurais pas pensé que leur couple tiendrait… persifla Uma.
De plus en plus choquée par la familiarité et l’absence totale de tact que manifestaient Yngvar et ses proches, Kyara se mordit la langue.
— Oh, bonsoir Uma ! Je ne t’avais pas reconnue sans ton armure.
— Bonsoir à toi aussi, Alya. Comment vas-tu ?
Parvenant enfin à les distinguer l’une de l’autre, la princesse nota dans un coin de son esprit que Varhalie était celle qui avait des yeux clairs, limpides, pareils à de l’eau de source, et la voix un peu plus douce. Alya, elle, avait un regard noisette froid et direct, le ton cassant et la langue affûtée. Sinon, leur différence d’âge ni leurs vêtements ne permettaient réellement de les reconnaître et, même si leurs visages ovales n’étaient pas identiques, elle n’aurait pas su les discerner l’une de l’autre si leurs noms n’avaient pas été énoncés. Alya et Varhalie descendaient de la province d’Eau, mais elles n’avaient pas été vues à la Cour de Ciel, ni même à Helvethras, depuis plus de quarante hivers. Elles avaient été emmenées à Ombre dans leur enfance, et n’en étaient jamais revenues depuis, quels que soient les nombreux évènements auxquels elles aient été conviées. Elles n’avaient jamais pris la peine de répondre ne serait-ce qu’aux lettres de leur famille d’Eau.
Les voyant ici, leurs cheveux flamme striés de mèches blanches, les premières rides apparaissant au coin de leurs yeux et sur leurs fronts, Kyara se demanda ce qui avait pu provoquer leur départ, mais elle décida de s’abstenir de poser la question. Elle se doutait que ce n’était pas le sujet à aborder pour une première rencontre. :arrow: Ptn, mais je me disais vraiment que j'avais déjà entendu leurs noms, alors je suis allée voir l'arbre généalogique. mygad I wasn't expecting such a aieaieaie mon kokoro.
— Bien, merci, répondit Alya. Tu as dû t’amuser à escorter ici la princesse.
Dans sa bouche, le mot sonnait presque comme une insulte, et Kyara se hérissa instinctivement.
— Alya, je t’en prie, soupira Yngvar.
Ses lèvres se pincèrent pour ne former qu’une fine ligne agacée, et Varhalie prit le relais :
— Princesse Kyara, je suis ravie de te connaître. Je suis Varhalie d’Ombre, et voici ma sœur Alya. Ne fais pas attention à elle, elle a un sale caractère.
— Enchantée, Dame Varhalie. Enchantée, Dame Alya.
Ne sachant trop qu’ajouter, elle hésita, mais le Corbeau intervint avant qu’elle ne se retrouve en difficulté.
— Vous avez fait bon voyage ?
Alya roula des yeux, l’air de se demander s’il se moquait d’elle, et il lui adressa un sourire lumineux, comme fier de son interruption inutile.
— J’aurais au moins aimé faire le déplacement pour voir ta mère.
— Il faudrait que tu ailles à Ciel pour cela.
Spectatrice muette de la conversation qui menaçait de s’envenimer à chaque phrase, Kyara se demanda pourquoi ils s’agressaient autant. La tension qui irradiait du petit groupe était palpable, tant bien que plus aucun des courtisans avaloniens n’osait plus s’approcher et s’immiscer dans la discussion.
— Peu de chances, grinça Alya.
— Étonnant, ricana Uma.
La femme d’Ombre la fusilla du regard.
— Vous ne me verrez jamais dans cette cité. Sauf peut-être si vous retrouvez le fils de chien qui a tué mon père et ma mère. :arrow: C'était le général Machin-Truc qui a tué Uriel et Karashei si je me souviens ? Il avait un gosse ? Pas ouf de rejeter la faute sur lui urgh
— Malheureusement, fit le Corbeau en se rembrunissant, il semble avoir disparu pour le moment. Mais nous ne perdons pas espoir de le retrouver un jour.
— S’il est encore vivant, persifla Varhalie, soudain agressive elle aussi.
— Oh, il est fort probable que ce soit le cas. Les malédictions de ma mère sont… efficaces.
Yngvar esquissa un rictus mauvais, vicieux, et Kyara se mit brusquement à prier pour que la discussion s’arrête au plus vite. Elle ne voulait pas de cette haine, de ces secrets enfermés à double tour dans les cœurs, dont on ne parlait qu’à mots couverts, qu’avec ceux qui étaient au courant. Elle ne voulait pas être au courant, les peines de sa propre existence lui suffisaient amplement.
— Je crois que la princesse n’apprécie guère notre discussion… Elle pourrait peut-être nous expliquer…
La remarque, cassante et agressive, d’Alya, fut à nouveau interrompue par le Corbeau :
— Je crois surtout qu’il est temps que l’on abrège cette conversation. Mes tantes, c’était un plaisir de vous voir ce soir. Je vous remercie toutes les deux d’avoir pris le temps de venir, j’espère que vous vous amuserez bien.
Il inclina la tête, le groupe de soldates l’imita, et Kyara fit de même avec un temps de retard. Poliment congédiées, les deux femmes esquissèrent une révérence d’Ombre, puis s’éloignèrent sans mot dire, l’air passablement vexées. Uma, enfin libérée de la tension qui l’habitait depuis leur arrivée, poussa un long soupir.
— Quelles teignes…
Yngvar pouffa doucement, mais ne la contredit pas.
— Enfin, elles ont leurs raisons.
Les rangs des courtisans les plus proches demeurèrent encore un long moment silencieux, comme n’osant pas déranger le calme qui s’était installé entre les jeunes époux, puis leurs conversations reprirent une à une, couvrant à nouveau le bruit de la musique. Kyara, davantage secouée par l’entrevue qu’elle ne l’aurait cru possible, vacilla brusquement sur ses jambes. Le temps s’éternisait. Elle fatiguait.
Le bras d’Yngvar, contre lequel sa main reposait depuis une éternité, glissa dans son dos, stabilisant son équilibre précaire. Il tourna la tête vers elle, détailla son visage fermé, ses traits tirés, et hocha doucement la tête.
— Uma, demande une assarienne à l’orchestre.
La soldate s’esquiva comme une ombre, furtive et évanescente dans son uniforme noir.
— Une dernière danse, Avelke, et nous partons.
Avelke. Princesse. Kyara acquiesça, ferma les yeux. Une dernière danse. Quelques minutes, rien de plus. Tenir encore un peu face à cette foule mouvante, bruyante. Repousser la fatigue encore un peu. Rien de plus difficile que ce qu’elle avait fait jusque là.
Quand les premières notes d’une mélodie à cinq temps emplirent la pièce et que le Corbeau recula pour s’incliner devant elle, elle ne parvint pas à lâcher sa main.

◊~◊~◊
Bon. C'était tendax. La relation Yngvar-Kyara me tend. Parce que j'aime bien ce qu'ils apportent chez l'un et l'autre, mais on ne peut pas nier la toxicité et la dangerosité (fin, les violences sexuelles et psychologiques subies par Kyara sont ptn de réelles :''D) entre eux. Encore une fois Yngvar fait "son boulot" mais ça enlève rien à la violence de ce que vit Kyara et j'aimerais vraiment qu'elle puisse poser pied sur de la terre ferme bichette x'). Uma me fait de la peine, mais c'est mon perso préféré jusqu'ici je crois (pas vraiment une surprise). Même si, comme je l'ai dit plus haut, j'ai peur qu'elle finisse par saturer (ce qui serait bien normal). Je peux pas dire que j'aime pas le Yngvar/Corbeau. J'aime Yngvar, l'humain, le guerrier, le fils, l'amant, l'héritier, bref toutes ces couches de personnalité. Mais je n'aime pas le rôle qu'il a et il y peut rien (celui d'être l'héritier justement, de devoir assurer un devoir de triomphe, de conquête, de descendance impériale...). J'imagine que tu vois ce que je veux dire. Mon kokoro a mal.
Alya et Varhalie, j'ai clairement mal au coeur. Elles doivent en vouloir à Helvethras tout entier (excepté Ombre). Ciel et les autres contrées pour leur soif de ragots, de petites manigances, pour le meurtre de leurs parents. Elles doivent aussi en vouloir à Avalaën et à Eliane (elle a tellement changé, pas sûre qu'Uriel et Karashei la soutiendraient en l'état des choses). Je les vois vraiment comme un danger. Ça a pas l'air détendu avec Yngvar en plus. Mmmh encore des dangers potentiels en vue :lol:

Question ambiance, c'était complètement au rendez-vous ! Je me rappelle quand tu nous envoyais des photos et/ou extraits de ce bal justement et on ressent le plaisir au moment de l'écriture :D Franchement c'est le genre de scène auxquelles je ne me suis jamais essayé et que j'appréhende carrément. Gérer les personnages principaux dans leur individualité au milieu de la foule, des ambiances sonores et visuelles, des enjeux plus généraux... fiouh :|

Bon, allez, je file sur LCDS !
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Re: Kyara II (1/4)

Message par vampiredelivres »

louji a écrit : mer. 14 juil., 2021 6:01 pm Yooo. J'ai mis mon temps, mais me voilà de retour :"D J'attaque dès à présent le chapitre qui me manque !
Hellyo ! Tkt, no stress ^^ Tu as réussi à finir ton mémoire du coup ?

ACTE II : L'ÉTRANGÈRE
(1/4)


Le Corbeau avait mis pied-à-terre, lui aussi, et avait confié les rênes de sa monture à l’un des gardes qui entouraient son père. En le voyant s’approcher, l’attention de Saedor d’Avalaën se détourna de la princesse pour se focaliser sur son fils, et son sourire se fit encore plus heureux, encore plus brillant. L’amour, profond et sincère, qu’elle sentit émaner d’eux quand ils s’étreignirent fortement, lui donna presque la nausée. :arrow: Ouais sur le coup ça fait bizarre Kyara, je t'accompagne. RIP les feelings madame :v Ouais, c'est dur de concilier la haine qu'elle a pour lui et les instants d'humanité qu'elle voit en lui. Mais surtout, ce fut la tristesse qui submergea Kyara. En arrière plan, dans un coin de son champ de vision, la foule scandait le nom d’Yngvar comme celui d’un héros, et les cris de ces milliers de gorges unies dans la victoire faisaient vibrer l’air d’une pulsation synchrone. Se sentant encore plus seule et étrangère que durant le voyage, la princesse demeura en retrait des retrouvailles. La tristesse lui donnait la sensation d’être vide et invisible, parvenait même à dissoudre sa colère dans un océan d’esseulement. Elle poussa un long soupir, la tête basse.
Puis, Saedor lui serra la main. Elle releva les yeux vers lui et se figea, stupéfaite par la bonté qui émanait de se traits. Il arborait un grand sourire avenant, bien loin des regards suspicieux auxquels elle avait eu le droit durant la traversée de la ville. Un instant, elle se sentit presque coupable de la haine et de la colère qui lui étreignaient le cœur. Puis, il l’incita à poser sa main dans la paume d’Yngvar, et un frisson la parcourut quand elle rencontra sous sa peau douce les doigts calleux. Elle serra les dents. :arrow: J'ai un sourire si crispé :lol: Saedor, bon, il est sympa, mais toutes les souffrances qui ont précédé cette rencontre... :'') C'est normal. Et j'essaie de faire en sorte que ce ne soit pas une apologie, ni même une justification, des sévices qu'elle a subis. (C'est compliqué bordel… pourquoi je me suis engagée là-dedans moi ?)
Un homme en robe pourpre brodée d’or, quasiment sorti de nulle part, se matérialisa à leurs côtés, prit la place du souverain absolu qui tenait leurs deux sorts dans ses mains. Avalaën étant l’unique voisin d’Helvethras, Kyara avait pu en étudier un peu la culture, et elle savait exactement ce qui l’attendait. Une longue litanie de louanges, de vœux de bonheur et de prospérité aussi fallacieux que les sourires de presque tous ceux qui l’avaient accueillie jusque là, puis quelques paroles saintes d’un supposé dieu unique qui existerait uniquement pour les avaloniens. :arrow: Petite majuscule comme tu parles du peuple :) Autrement, c'est marrant, j'avais oublié qu'ils avaient un dieu unique ! Je me demande si cette religion est présente au sein de la famille régnante. Ils ont effectivement un dieu unique, contrairement aux Helvethriens qui croient aux arcanes et qui "vénèrent" (c'est un grand mot) les prêtres du Temple. Après cela, elle serait mariée. Irrévocablement.

Elle crispa les doigts, enfonçant ses ongles dans la paume calleuse, mais il ne broncha pas. Au contraire, même, il la regarda enfin droit dans les yeux, et sourit légèrement. L’espace de quelques secondes, une étincelle joueuse illumina ses iris et ses traits. Bats-toi, sembla-t-il lui dire. Il n’y avait là aucune méchanceté, seulement un encouragement muet, qui la dérouta plus qu’il ne l’aida réellement à faire face. Elle n’osa plus bouger, serrant sa main comme une noyée s’accrochant désespérément à la vie, et la lueur s’éteignit dans les yeux de l’assassin. Ils demeurèrent tous les deux figés, stoïques, sans réellement écouter le flux de paroles du prêtre à la soutane brocart :arrow: Il manque pas un mot pour lier les 2 ? Ça me fait bizarre comme ça :geek: Je vois ce que tu veux dire, merci ! qui débitait ses saintes paroles, jusqu’au moment où le ruban pourpre fut noué autour de leurs poignets, symbolisant leur union. Et, étrangement, Kyara n’accusa pas le choc. Ce fut comme si elle s’y était déjà résignée, comme si cette suite d’évènements avait été inexorable.
— Vous êtes désormais unis dans l’éternité, en un seul être, devant Egsa.
La mention de la divinité souleva les ovations des premiers rangs, qui bien vite se propagèrent au reste de la foule qui n’avait pas pu entendre la finalisation de la cérémonie. L’air s’emplit de vibrations, de cris, de pétales lancés à pleins seaux par-dessus les remparts, de joie. Et, dans cette joyeuse frénésie, Kyara songea à sa mère, qui avait préféré s’enfuir à Eau plutôt que d’essayer de tenir le cap aux côtés de son époux malade, abandonnant sa fille aux vautours. Elle se demanda ce que Mara aurait pensé en voyant sa fille dans cette position, un trophée de guerre sale et poussiéreux, offert au meurtrier qui avait tué Jesten de Ciel. Elle aurait certainement haï cette situation. Pourtant, elle n’avait pas levé le petit doigt pour s’interposer, avait laissé Kyara seule assumer la fin de la guerre. :arrow: Aaaah c'est ainsi. J'étais persuadée que sa mère était morte il y a des années :c Nope. Il n'y a pas eu de mention d'elle jusque là (leur relation est… distante, de base, donc bon), mais elle est toujours vivante !
Debout sur les escaliers, centre de l’attention d’une foule en folie dont elle ne pouvait partager l’allégresse, la princesse réalisa que, au moment où elle aurait eu le plus besoin d’elle, sa mère l’avait abandonnée. Durant les cinq dernières lunes d’enfer, durant ce rare moment où Mara de Ciel aurait dû être là, elle avait préféré s’enfuir, se protéger elle-même. Quand Mara aurait dû être là, elle s’était enfuie. Et cette pensée empoisonnée, soudaine, brûlante, fut comme une piqûre de serpent pour son âme en deuil.
:arrow: Cette réalisation un peu tardive est étonnante (je crois pas qu'elle ait mentionné ce point précédemment ? Mais ça reste impactant d'y placer ici car on a vraiment le dernier ancrage de Kyara qui la lâche face à sa nouvelle destinée. Un peu de drama en plus :twisted: Ça vient effectivement un peu tard, mais Kyara n'a jamais vraiment eu de proximité ou de tendresse de sa mère, donc ce n'est pas vers elle qu'elle se tourne, autant physiquement que en pensées, quand quelque chose ne va pas. Là, c'est seulement parce que c'est justement le dernier point d'ancrage qui saute, parce qu'elle se rend compte que ses attaches, même les plus distantes, n'existent plus.

Le temps qu’elles finissent les ajustements, les guerrières étaient depuis longtemps habillées, et les cheveux de Kyara avaient quasiment séché. Toute l’opération s’était déroulée dans un silence pesant, seulement troublé par le bruit des tissus froissés, et l’helvetrienne :arrow: Idem, majuscule il me semble =D Wi. s’était doucement mise à somnoler. Toujours dans un état second, elle essaya quatre paires de chaussures avant qu’on ne lui trouve la bonne pointure, puis sa léthargie fut rompue par la voix d’Uma, qui fermait la porte derrière elle. Kyara n’avait même pas remarqué qu’elle était partie un moment.
— Dis-moi, petit moineau, sais-tu danser nos danses traditionnelles ?
Kyara battit des paupières, luttant pour revenir à la réalité. Le souvenir de deux grandes fêtes, rares évènements où des dignitaires avaloniens avaient été invités, remonta dans sa mémoire.
— Certaines, souffla-t-elle. La valse des vagues, l’ilakese, l’assarienne et le pas-de-rat.
Uma échangea un regard avec ses compagnes, et elles pouffèrent d’un même ensemble.
— Oublie le pas-de-rat, sourit-elle. :arrow: Bonne idée, ça a pas l'air fou-fou comme danse. :lol: La dernière fois que je l’ai dansé, j’avais… huit hivers. Ou neuf ?
— Sept, répondit une autre avec un rictus. Pour moi en tout cas.
— C’est une danse d’enfants pour faire sourire les parents. Mais l’ilakese et l’assarienne… c’est une bonne chose. Idem pour la valse des vagues. Je passerai le mot.
Elle sembla réfléchir quelques instants, puis reprit :
— Je ne vais pas te mentir, princesse, il n’y a pas grand-monde qui t’apprécie ici. Cependant, il va falloir que tu gardes la face. La nouvelle épouse du prince héritier ne peut pas se permettre d’être vue en mauvaise posture.
L’une des guerrières renifla, méprisante, mais Uma ne lui accorda pas un regard.
— Nous serons avec toi tout au long de la soirée, poursuivit-elle. Et, pour peu que tu ne fasses pas quelque chose de stupide comme essayer de t’enfuir ou de tuer quelqu’un, nous serons là pour te protéger et te guider.
Figée par la surprise, absolument pas préparée à entendre des mots aussi crus mais droits venant d’une tueuse des Bataillons Sanglants, Kyara demeura totalement muette, interdite. Dans ses pensées tourbillonnantes, elle revoyait tous ces soirs qu’elle avait passés avec Uma et le Corbeau, leurs petits gestes d’affection discrets, leurs contacts furtifs, leurs échanges de regards. Elle n’avait aucun mal à deviner ce qui se passait entre eux, ce qu’ils avaient été avant qu’elle ne soit traînée de force dans leurs vies. :arrow: Ooooké gé mal. Tu veux un câlin ? Elle était certaine que la femme en face d’elle en souffrait, blessée dans ses sentiments et son amour-propre. Pourtant, ses mots étaient clairs, dénués de rancœur ou d’amertume. Elle ne montrait rien, faisait seulement ce que l’on exigeait d’elle, se pliait aux contraintes et aux obligations de sa position sans mot dire.
— M…m…merci… finit-elle par bredouiller, sans savoir quoi répondre d’autre.
Son regard courut le long de la silhouette musclée de la soldate, sur ses habits de cérémonie noirs brodés d’écarlate, sur son visage déterminé et son expression indéchiffrable. La joie délurée qu’elle avait manifesté le soir au coin du feu, durant le voyage, était introuvable, comme si la réalité l’avait rattrapée. Savait-elle que Kyara n’avait jamais eu l’intention de prendre sa place, de lui voler ce qu’elle avait entretenu avec Yngvar jusque là ? Certainement, mais la princesse ne put s’empêcher de se sentir quelque peu coupable.
Les servantes, qui s’étaient éclipsées un instant, revinrent à ce moment les bras chargés de coffrets de bois, coupant court à toute éventuelle de :arrow: En trop ! Merci ! discussion. Elles essayèrent sur Kyara une multitude de bijoux, finirent par l’affubler d’une tiare d’or, d’une ceinture de rubis ainsi que de boucles d’oreilles et d’un collier assortis. Puis, elles contemplèrent l’ensemble d’un regard critique et échangèrent des hochements de tête peu convaincus. Le maquillage fut rapidement expédié, peut-être même un peu trop au goût d’Uma qui les réprimanda sèchement. Elles revinrent donc à la charge en maugréant contre la peau mate de Kyara, sans même tenter de dissimuler leurs propos méprisants. Vexée, mais n’osant pas vraiment répondre, la princesse pesta elle aussi en silence contre les vieilles femmes aigries.

Kyara releva brusquement la tête, une pointe d’anxiété dans la poitrine, mais perdit le souffle quand elle avisa le Corbeau. Il se tenait debout devant deux immenses battants fermés au travers desquels filtraient des éclats de rire, des murmures et un peu de musique. Délesté de son armure et de son heaume massif, vêtu d’une simple tenue d’apparat noire et rouge, à l’image de celle des soldates qui encadraient Kyara, il paraissait soudain presque plus petit. Plus humain, privé de son carcan d’acier. Il n’en semblait pas pour autant moins menaçant et imposant pour Kyara, qui lui arrivait à peine au menton, même avec ses chaussures rehaussées de talons. Elle détailla son visage buriné, parcouru d’ombres mouvantes, nota une fine cicatrice qui partait de la clavicule gauche et plongeait sous le satin de la chemise en direction de l’épaule. :arrow: Matons, matons 8-) Mouais, hein :roll: :lol:

Alors, je fais une pause dans ma lecture.
Peut-on faire une haie de l'honneur pour Uma ?
Merci.

(en vrai j'ai peur qu'elle finisse par péter un câble, c'est tellement lourd ce qu'elle vit en parallèle de Kyara).

Elle mérite clairement une belle haie d'honneur pour tout ce qu'elle endure et la manière dont elle le vit et l'exprime, notamment avec Kyara. La pauvre.

La nausée qui avait commencé à l’habiter finit par refluer, mais quand ils s’immobilisèrent enfin après les dernières notes, elle avait la sensation que la terre s’apprêtait à s’ouvrir sous ses pieds. La splendeur des lieux et la solennité du moment lui donnaient le tournis. Dans un autre univers, si ce mariage avait été arrangé, il aurait été l’un des plus beaux de l’histoire du continent. Mais ce n’était pas le mariage qu’elle aurait voulu. Quitte à épouser quelqu’un, elle aurait souhaité épouser Rowan dans les jardins du château de Ciel, recevoir avec lui la bénédiction d’un prêtre du Temple, déposer avec lui dans la rivière un cristal qui aurait symbolisé leur union. Ou même quiconque d’autre. Tant qu’ils auraient été à Helvethras. :arrow: Ouais. Coup dur. Dur dur. Parce que en soi, être promise à quelqu'un, ça faisait partie de sa vie, elle savait que ça allait lui tomber sur le nez. Mais pas comme ça. :cry:

— Les Dames Alya :arrow: Alya, ça ressemble au prénom de la mère d'Eliane non ? Ou je vire peut-être parano, zé possible :) C'est Alia pour la mère d'Eliane, et Alya pour la fille de Karashei, qui a été nommée en l'honneur de la mère d'Eliane. Il y a juste un i qui change. ^^ et Varhalie, annonça brusquement Uma, rompant la bulle de silence et de solitude de Kyara.

Puis, soudain, elle nota les discrètes boucles d’oreilles d’obsidienne en forme d’ailes de chauves-souris, les identiques motifs d’argent qui ornaient leurs bustiers, et elle comprit. Elles n’étaient pas d’Avalaën, loin de là. C’étaient Alya et Varhalie du Royaume d’Ombre, nièces du souverain Alzen. :arrow: Aaaah, doit y avoir des consonnances du coup, je comprends :twisted: Yé, aussi ^^

Les voyant ici, leurs cheveux flamme striés de mèches blanches, les premières rides apparaissant au coin de leurs yeux et sur leurs fronts, Kyara se demanda ce qui avait pu provoquer leur départ, mais elle décida de s’abstenir de poser la question. Elle se doutait que ce n’était pas le sujet à aborder pour une première rencontre. :arrow: Ptn, mais je me disais vraiment que j'avais déjà entendu leurs noms, alors je suis allée voir l'arbre généalogique. mygad I wasn't expecting such a aieaieaie mon kokoro. Petit kokoro blessé :( Mais ouais, leur présence ici pique.

— Vous ne me verrez jamais dans cette cité. Sauf peut-être si vous retrouvez le fils de chien qui a tué mon père et ma mère. :arrow: C'était le général Machin-Truc qui a tué Uriel et Karashei si je me souviens ? Il avait un gosse ? Pas ouf de rejeter la faute sur lui urgh Nan, c'était Laurus-anus qui les avait faits assassiner, et Vilhelm était dans le complot aussi ^^

◊~◊~◊


Bon. C'était tendax. La relation Yngvar-Kyara me tend. Parce que j'aime bien ce qu'ils apportent chez l'un et l'autre, mais on ne peut pas nier la toxicité et la dangerosité (fin, les violences sexuelles et psychologiques subies par Kyara sont ptn de réelles :''D) entre eux. Encore une fois Yngvar fait "son boulot" mais ça enlève rien à la violence de ce que vit Kyara et j'aimerais vraiment qu'elle puisse poser pied sur de la terre ferme bichette x'). Uma me fait de la peine, mais c'est mon perso préféré jusqu'ici je crois (pas vraiment une surprise). Même si, comme je l'ai dit plus haut, j'ai peur qu'elle finisse par saturer (ce qui serait bien normal). Je peux pas dire que j'aime pas le Yngvar/Corbeau. J'aime Yngvar, l'humain, le guerrier, le fils, l'amant, l'héritier, bref toutes ces couches de personnalité. Mais je n'aime pas le rôle qu'il a et il y peut rien (celui d'être l'héritier justement, de devoir assurer un devoir de triomphe, de conquête, de descendance impériale...). J'imagine que tu vois ce que je veux dire. Mon kokoro a mal.
Alya et Varhalie, j'ai clairement mal au coeur. Elles doivent en vouloir à Helvethras tout entier (excepté Ombre). Ciel et les autres contrées pour leur soif de ragots, de petites manigances, pour le meurtre de leurs parents. Elles doivent aussi en vouloir à Avalaën et à Eliane (elle a tellement changé, pas sûre qu'Uriel et Karashei la soutiendraient en l'état des choses). Je les vois vraiment comme un danger. Ça a pas l'air détendu avec Yngvar en plus. Mmmh encore des dangers potentiels en vue :lol:

Question ambiance, c'était complètement au rendez-vous ! Je me rappelle quand tu nous envoyais des photos et/ou extraits de ce bal justement et on ressent le plaisir au moment de l'écriture :D Franchement c'est le genre de scène auxquelles je ne me suis jamais essayé et que j'appréhende carrément. Gérer les personnages principaux dans leur individualité au milieu de la foule, des ambiances sonores et visuelles, des enjeux plus généraux... fiouh :|

Bon, allez, je file sur LCDS !
J'aime bien ce chapitre parce qu'il est à la fois tense et très très cool en termes d'ambiance générale. Alya et Varhalie en veulent effectivement pas mal à Ciel et à l'ensemble d'Helvethras… et oui, leur relation avec Yngvar est un peu tendue. C'est moins le cas avec Eliane, mais ce n'est pas totalement chill et familial non plus pour autant. D'ailleurs, je pense que je vais rename Alya en Alia, tout simplement, dans la correction, et mentionner l'hommage à la mère d'Eliane, y'a rien qui justifie le changement de lettre. x)
L'ambiance de bal est vraiment un mood, j'étais vraiment à fond quand je l'ai écrit (mais paradoxalement, j'ai une scène semblable à écrire maintenant, et j'ai vachement plus de mal !). Mais de manière générale, j'aime bien ce genre d'ambiance, même si faire ressortir chaque personnage suffisamment peut être compliqué.

Le truc que je crains un peu, et tu l'as mentionné, c'est le sujet extrêmement glissant de la relation Kyara-Yngvar. Parce que ouais, trauma et abus sexuels et psychologiques… même si Yngvar fait ce qu'il a à faire, je ne veux en aucun cas le justifier. En tout cas, le personnage est très intéressant à traiter, très (peut-être trop) complexe, et je comprends bien tes ressentis mitigés. ^^
La pauvre Kyara va devoir réellement trouver un nouveau point d'ancrage dans tout ce bordel, et ce n'est pas encore gagné-gagné, la partie ne s'appelle pas L'Étrangère pour rien. À voir ce qu'elle va devenir.

Merci beaucoup pour ton passage !
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