Neeve, Tome 1 : L'éveil des Ombres [Fantastique, bit-lit, romance] (Chapitre 25) [Terminé]

Postez ici tous vos écrits qui se découpent en plusieurs parties !
lacrystal

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Re: Neeve, Tome 1 : L'éveil des Ombres [Fantastique, bit-lit, romance] (Chapitre 6)

Message par lacrystal »

Premièrement : j'adore Adam
Deuxièmement : j'adore Adam
Troisièmement : devine quoi ? J'adore Adam

Ouais je sens Adam est mon perso préféré (sans compter Neeve, of course)

Bon plus sérieusement :lol: :lol:

Du coup c'était vraiment un super chapitre. Waouh je n'imaginais pas à quel point Neeve pouvait être puissante ! Bon du coup elle n'est pas partie sur les meilleures bases avec Nora ^^' mais bon tout peut changer !
Bon et Adam je pense que le début de mon commentaire résume plutôt bien ce que je ressens pour lui haha :lol:
Par contre le passé de Neeve est vraiment compliqué la pauvre :(

Je vais avoir du mal à attendre la semaine prochaine !

PS : ta plume est tout aussi belle, fluide et additive !
Chlawee

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Re: Neeve, Tome 1 : L'éveil des Ombres [Fantastique, bit-lit, romance] (Chapitre 7)

Message par Chlawee »

Bonjour à tous ! :D Voici le chapitre 7 !
Je suis désolée, je n'ai pas répondu aux commentaires par manque de temps, mais promis je les lis tous et ils me font très plaisir ! <3
Bonne lecture !

Chapitre 7


La marque sur mon avant-bras avait disparue pendant la nuit. Aucune clairière lorsque je m’étais rendormie, mais au moins, il n’y avait pas eu d’autres cauchemars. Quelque part, j’étais un peu déçue de ne pas avoir retrouvé cet endroit apaisant, même si cela pouvait paraître effrayant, en un sens.

Je m’habillai en vitesse et, comme à mon habitude, j’attachai la chaîne portant le médaillon de ma mère à mon cou. Je fis un brin de toilette et sortis de la chambre. Une certaine appréhension me saisit. Je devais rencontrer un autre membre du clan, Cristobal, qui allait pouvoir m’aider à contrôler mes pouvoirs. Au début, j’avais protesté en disant que je ne comptais pas m’en servir à nouveau, mais Adam avait répondu que je l’avais visiblement fait sans le vouloir, et que cela pourrait arriver encore si je n’apprenais pas à les retenir. De plus, j’ignorais jusqu’ici que je pouvais envoyer des vagues d’énergie comme je l’avais fait, dans le salon.
Et Nora m’avait regardé de manière insistante, semblant dire que j’avais vraiment besoin de me contrôler. Elle allait l’avoir en travers de la gorge pendant un moment, sans doute.

Je descendis les grandes marches, commençant à bien connaître cette partie du manoir. J’avais eu le temps de faire le tour de la propriété plusieurs fois, mais c’était si grand qu’il y avait des coins dans lesquels je pourrais aisément me perdre. On m’avait dit de me rendre dans une pièce du rez-de-chaussée, mais il y en avait tellement que j’allais devoir chercher. Arrivée en bas, je me dirigeai vers une porte, à côté des escaliers. Derrière, il y avait un grand couloir.

Bon. Je n’ai pas fini…

Alors que j’avançais un peu au hasard, en ouvrant des portes sur mon passage, j’entendis des pas, plus loin. Puis Adam surgit au détour d’un couloir. Il me salua d’un signe de tête.

— Tu cherches Cristobal ?
J’opinai.
— Et je suis un peu perdue, avouai-je.

Il eut un léger sourire et me fis signe de le suivre. Je m’exécutai et le silence nous enveloppa. Néanmoins, je ne pouvais m’empêcher de lui jeter des coups d’œil régulièrement. N’y tenant plus, je finis par rompre le silence :

— Cette nuit…
Je me raclai la gorge afin d’avoir une voix plus assurée.
— … nous avons partagé un rêve ? Brièvement ?

Il ne me regarda pas, ses yeux rivés droit devant lui, et hocha la tête. Je baissai les miens mais me surpris à sourire. Sourire qui s’effaça bien vite en pensant au pourquoi cela était arrivé.

— Je t’ai appelé, alors…, fis-je avec une moue songeuse.
— Oui. Encore une fois, tu ne sais pas comment, n’est-ce pas ? m’interrogea-t-il avec calme.
— Non. Enfin, je sais que j’ai hurlé qu’on me vienne en aide, dans mon cauchemar, mais c’est tout.
Il me regarda enfin, l’espace d’une seconde, l’air tout aussi pensif que moi.
— Pourtant, c’est moi qui t’ai entendu et mon instinct m’a guidé à toi, répondit-il.

Je gardai les yeux rivés au sol, n’osant plus les lever vers lui, les joues un peu rouges. Avais-je inconsciemment prononcé son nom ? Pensé à lui assez fort pour l’invoquer, même sans m’en rendre compte ?

— Merci, soufflai-je. De m’avoir aidé.
Je le regardai enfin et le coin de ses lèvres se redressa en un sourire doux.
— Tu étais effrayée, je ne pouvais pas te laisser ainsi.

Il ralentit pour finalement s’arrêter et je fis de même, me demandant à peine pourquoi nous restions plantés là. J’étais hypnotisée par ses yeux noirs.

— C’était toi ? Devant ma porte ? m’enquis-je.
Même si je n’avais pas eu le temps d’apercevoir le vampire en question, j’en étais certaine.
— Je voulais être sûr que tout allait bien, répondit-il.

Brusquement attendrie, je ne répondis pas et restai là, à le regarder, un faible sourire sur les lèvres. Il finit par détourner les yeux, soudainement… timide ?

— Cristobal est dans la pièce du fond, annonça-t-il soudainement en pointant du doigt une direction.
Je tournai la tête pour apercevoir une porte.
— D’accord. Merci de m’avoir…
Mais quand je pivotai à nouveau vers lui, Adam avait disparu.
— … accompagnée, terminai-je.

Je fis un pas sur le côté pour mieux voir le bout du couloir, mais il était bel et bien déjà parti. Je fronçai les sourcils. Cette conversation l’avait fait fuir ? Lui ?
Finalement, j’en fus amusée.

Je m’approchai donc de la pièce, mon trac revenant. Si les autres m’avaient conseillé de voir ce fameux Cristobal, alors il ne devait pas être bien méchant. Je pris une grande inspiration et toquai à la porte. Mais n’étant pas complètement fermée, elle fut poussée par ma paume. Mes yeux se posèrent sur un homme qui était en train de ramasser des stylos éparpillés sur le sol.

— Bonjour…, fis-je doucement.
Il releva la tête. Il avait des cheveux courts dégradés, laissant des mèches plutôt longues sur le dessus de la tête.
— Je suis Neeve. Je devais venir vous voir pour mes pouvoirs et…

Apparemment, je l’avais surpris, car en se retournant d’un coup pour me voir, il lâcha ses stylos. Je haussai les sourcils. Un vampire maladroit, ça existait, alors…

— Oh ! Neeve ! Entre donc !

Je le fis, m’approchant doucement. Il devait avoir dans les quarante ans, lorsqu’il avait été transformé. Son visage était sympathique, ses traits assez doux. Ses yeux marron paraissaient emplis de sérénité.

— Est-ce que vous avez besoin d’aide ?
— Non, tout va bien.

À peine ces mots avaient-ils franchi ses lèvres, qu’il se cogna contre le bureau. Je grimaçai en entendant le « boum ». Cet homme avait un problème, malgré ce qu’il disait. Il lâcha un juron et se releva difficilement.

— Je t’en prie, assieds-toi ! m’enjoignit-il à faire en me désignant une chaise.

Je regardai autour de moi, examinant la pièce plus en détails. Elle était grande, présentant quelques tables, ainsi qu’une grande bibliothèque, dans le fond, prenant beaucoup de place. Il faudrait que je fasse un tour par là-bas, un jour.
J’avais à peine fais quelques pas dans la pièce, que j’entendis un autre fracas. Je vis l’homme se pincer l’arête du nez et soupirer profondément, observant la liasse de papiers qu’il venait de faire tomber.

— Qui a besoin d’écrire sur du papier de nos jours, hein ? me lança-t-il en haussant les épaules.
Il devait sûrement craindre une nouvelle catastrophe s’il essayait de ramasser tout ça.
— Je vais vous aider, déclarai-je en m’avançant.

Vraiment, j’étais assez étonnée. Il me semblait que les vampires possédaient des réflexes extraordinaires. Cristobal, lui, avait l’air si maladroit, si nerveux… Si humain.

J’aurais pu me méfier en me disant que cela paraissait extrêmement louche, mais je sentais qu’il ne s’agissait pas d’un masque afin de me tromper. Je n’aurais su dire pourquoi, mais j’en étais certaine.
Ce fut pour cette raison que je me détendis grandement, même en présence d’un vampire.

Je me baissai afin de rassembler des papiers de mon côté et il m’adressa un regard de gratitude avec un petit sourire qui lui donnait un air adorable. Je me relevai pour les mettre sur son bureau et il fit de même.

— Désolé, je viens de rentrer d’un voyage et je n’ai pas eu le temps de tout ranger, s’excusa-t-il.
— Aucun problème, répondis-je.

Cela expliquait pourquoi je ne l’avais pas vu jusqu’ici.
Il fit le tour du meuble pour aller s’asseoir de l’autre côté, et m’enjoignit à prendre place. Je tirai une chaise pour me mettre face à lui. Il ouvrit un tiroir pour être enfin débarrassé de tous ces papiers, en laissant échapper un grognement de frustration. Je me retins de sourire, afin qu’il ne voie pas que ses réactions m’amusaient.

— Bien, on m’a dit que tu avais quelques problèmes pour contrôler tes pouvoirs, commença-t-il après avoir mis tous les stylos dans un pot à crayons.
Je grimaçai et acquiesçai, presque honteuse.
— Ne t’en fais pas, je suis là pour t’aider, on est tous passés par là, voulut-il me rassurer. Gérer des pouvoirs, ce n’est jamais simple, au début. Ça s’apprend. Et ça peut se faire rapidement.
Je me penchai un peu en avant.
— Oui, pour des vampires, soupirai-je. Peut-être que ça sera plus dur pour moi, non ? Je suis humaine.
— Certains humains dotés de pouvoirs y arrivent très bien, tu n’as pas à t’inquiéter.

Je reculai pour m’affaler contre le dossier de ma chaise. Je m’étais longtemps questionnée à propos d’autres personnes étant capables des mêmes prouesses que moi, mais n’en ayant jamais croisé, j’avais fini par me dire que j’étais la seule.

— Il y en a… d’autres ? soufflai-je.
Il hocha la tête, fronçant les sourcils.
— Bien sûr. (Ma mâchoire manqua de se décrocher.) Comment as-tu eu les tiens, tu penses ?
— Je…
Je baissai les yeux.
— Je sais que j’ai hérité mes pouvoirs de mon père, repris-je, mais je pensais… que c’était une exception.
Il laissa échapper un léger rire.
— Il est vrai que les humains possédant des capacités surnaturelles sont rares. Mais tu en as possiblement connu sans même le savoir. Généralement, ils le cachent.
Son regard croisa le mien.
— Mais tu dois le savoir, ça, termina-t-il.
J’opinai. En effet, j’avais tout fait pour que personne ne le sache, quitte à m’éloigner de tout le monde.
— C’est vrai, concédai-je.
— Quand t’es-tu aperçue que tu avais des pouvoirs ? me questionna-t-il, croisant les bras sur son bureau.
Je déglutis.
— Quand j’avais dix ans, répondis-je, nerveuse.
Il inclina la tête sur le côté.
— Mmhh… Cela était plutôt tardif, alors, constata-t-il, une moue pensive sur les lèvres. C’est curieux… D’ordinaire, les pouvoirs se manifestent bien plus tôt, au gré des émotions vives des enfants.
Il haussa une épaule.
— Mais je suppose que c’est différent pour tout le monde. Et c’est arrivé comment ?

J’avais espéré esquiver cette question, mais il semblait que je n’avais pas vraiment le choix, au final. Je mis quelques secondes avant de répondre.

— Ma mère et moi nous sommes faites… agressées. Par un vampire.

Son visage se referma et il se redressa, la mine compatissante. Une lueur de compréhension s’éclaira dans ses yeux et je ne pus soutenir son regard davantage. Je triturai mes doigts, de nervosité.

— J’ai voulu défendre ma mère et mes ombres sont apparues comme ça, expliquai-je.
Il garda le silence pendant un instant, semblant presque m’étudier, puis hocha la tête.
— Je vois, fit-il d’un ton doux. Ta puissance s’est débloquée pour vous protéger.
— Je suppose, oui… Et… est-il possible que ces pouvoirs aient altéré ma mémoire ? demandai-je soudainement.
Il eut un air perplexe.
— Comment ça ?
— Je n’ai quasiment aucun souvenir d’avant mes dix ans. Enfin, quelques-uns, mais c’est… très flou.
Je pouvais comprendre que c’était un jeune âge, mais j’aurais dû avoir plus de souvenirs que cela de mon enfance.
— Le fait qu’ils ne se soient pas manifestés avant et le fait que j’aie oublié cette partie de ma vie sont peut-être liés ? tentai-je.
— Ce n’est pas à exclure. Peut-être qu’il s’est passé quelque chose, dans cette période, qui t’a bouleversée au point de créer un blocage au niveau de ta magie, puis de tes souvenirs. Cela aurait pu entraîner des complications, puisqu’elle est censée être naturelle, pour toi. Ou bien c’est l’inverse, et c’est cette perte de mémoire qui a entraîné le blocage…
Je me mis à réfléchir à ça, mais je n’avais aucune idée de ce qui avait bien pu se passer. Et ma mère ne m’avait rien dit.
— Je sais juste que mon père est mort, mais je ne l’ai jamais connu, soupirai-je. Mais à part ça, je ne vois pas ce qu’il y aurait pu y avoir d’autre…
— Cela peut jouer, déclara-t-il. La magie peut en reconnaître une autre, qui est similaire, mais également sentir l’absence de celle-ci. (Mon intention était piquée.) Quelque part, tes pouvoirs étaient comme accordés à ceux de ton père, et le fait qu’il ne soit plus près de toi a peut-être contribué au fait qu’ils soient ensuite bloqués. Jusqu’à ce que l’agression ait eu lieu. Et le fait d’être entourée de vampires, dorénavant, les rend plus accessibles.

Je mis un doigt plié devant ma bouche, méditant là-dessus. J’avais également l’impression que mes yeux allaient sortir de leur orbite, mais j’assimilai assez vite ces informations. Après tout, j’avais l’impression que rien n’était impossible, et j’étais bien loin de m’y connaître autant que lui en matière de magie.
Je finis par baisser mon bras et croisai à nouveau son regard.

— Excusez-moi de vous demander cela mais… quels pouvoirs avez-vous ? Pourquoi est-ce vous qu’on m’a envoyé voir ? m’enquis-je.
— Parce que je m’y connais plutôt bien dans ce domaine. Mais c’est vrai que je n’ai pas l’air si puissant que ça, hein ? ajouta-t-il avec une pointe d’ironie.
Mes joues virèrent au rouge.
— Je… Non je ne voulais pas…, balbutiai-je. Je ne voulais pas dire que…

Il se mit à rire, et je soupirai de soulagement. Il n’avait pas le moins du monde l’air vexé. Tant mieux ! Parce que j’étais morte de honte.

— Ce n’est rien, me réconforta-t-il. Je ne suis pas le plus impressionnant des vampires, c’est un fait. Je ne suis pas aussi adroit que mes congénères.
Je parvins enfin à sourire faiblement, l’incendie sur mon visage se calmant peu à peu.
— Je me demandais comment c’était possible, avouai-je.
— C’est justement à cause de mon pouvoir.
Je mis mes bras sur le bureau, subitement pendue à ses lèvres.
— Il est aussi la raison de ta venue ici, poursuivit-il. Je suis empathe. Je peux ressentir les émotions des autres, mais également leur imposer les miennes.

Ma bouche forma un « o ». Il n’en avait donc pas l’air comme ça, mais il était puissant. Ce n’était pas rien, comme faculté. C’était même plutôt effrayant.

— Rassure-toi, j’évite de le faire, enchaîna-t-il en voyant mon expression. Cela ne fonctionne pas toujours et l’intensité dépend de la personne. Mais je pense pouvoir gérer la situation, si tes pouvoirs te font perdre le contrôle de tes émotions. Et si ça ne fonctionne pas, alors, personne n’aurait pu le faire de toute façon. Tant pis.

J’avais toujours les yeux écarquillés. Et même plus, dorénavant. Je n’étais déjà pas dotée d’un optimisme à toute épreuve, mais alors là…
Et quand je vis son sérieux s’effriter pour laisser place à un grand sourire plein de malice, encore une fois, le soulagement me saisit.

— Je te fais marcher, reprit-il. Tout ira bien. Et tu n’auras probablement plus besoin de mon aide d’ici peu.
Je me passai une main sur le visage, vaguement rassurée.
— Vous m’avez fait peur…
— Navré. (Mais son sourire me laissait penser qu’il ne le pensait pas réellement.) Je ne peux pas m’en empêcher. Dans ce monde, il faut bien laisser la place aux plaisanteries.

Je clignai plusieurs fois des yeux en haussant les sourcils. Certes. Il n’avait pas tort, mais tout le monde n’avait pas le même humour. Peut-être que je finirais par m’habituer au sien et même à en rire.

— Alors, de quoi es-tu capable ? me demanda-t-il. Lucian m’a parlé d’ombres, mais Adam m’a expliqué ce qui s’est passé hier.
Forcément, ils l’avaient mis au courant.
— Vous savez tout alors, répondis-je. J’ai été surprise par ce qui est arrivé aussi. Jusque-là, je pensais que je pouvais simplement faire apparaître des ombres. Et hier cela ressemblait à…
Je me mordis la lèvre inférieure, hésitante.
— Une vague d’énergie ? hasardai-je.

Il repoussa sa chaise et se leva. Il me fit signe de faire de même et se dirigea vers la porte. Je le suivis, me demandant ce que nous allions faire.

— Où est-ce qu’on va ? l’interrogeai-je.
— À l’extérieur, m’apprit-il. Nous allons éclaircir ce point et voir quelle est l’étendue de tes capacités.
À nouveau, l’appréhension m’envahit. Alors que nous avancions dans le couloir, il tourna la tête vers moi.
— N’aie pas peur, me dit-il calmement.
Oh, oui. Il était vrai qu’il pouvait sentir ce que j'éprouvais. C’était troublant.
— Ce ne sont pas tes pouvoirs, tes ennemis, Neeve, ajouta-t-il. C’est la peur, qui l’est.

~


J’avais la main tendue devant moi et je devais lutter contre mon inquiétude, afin de parvenir à un résultat. Cristobal se tenait assis en face de moi, alors que nous étions tous les deux en tailleur, mais à une certaine distance, afin qu’il ait le temps de reculer si mes ombres se dirigeaient vers lui. Mais il restait également assez près pour pouvoir intervenir avec son pouvoir, s’il y en avait vraiment besoin.

Ce que je redoutais, quelque part. Je n’avais pas vraiment envie que mes émotions soient contrôlées par une tierce personne.
Jusqu’ici, puisque je n’étais pas guidée par la peur ou un autre sentiment trop vif, je ne parvenais qu’à laisser apparaître quelques volutes. Rien de très concluant. Cela faisait un moment que nous étions là, et mon nouveau professeur attitré m’observait avec attention, semblant analyser tout ce que je faisais ou ce que je pouvais ressentir. Aucune autre capacité ne s’était manifestée jusqu’ici.

Les maigres filets d’ombre se résorbèrent dans ma paume, et je soupirai, frustrée de ne pas pouvoir faire plus que cela, mais également soulagée, en un sens. Je ne désirais pas renouveler l’expérience que j’avais eu avec Nora. Je me raclai la gorge et me grattai l’arrière de la tête en un geste nerveux.

— Je n’arrive pas à faire plus, m’exaspérai-je.
Il hocha la tête puis se redressa un peu.
— Bien. J’ai remarqué plusieurs choses, déclara-t-il.
Je le regardai, afin de l’encourager à m’en dire plus, curieuse.
— Pour commencer, ton inquiétude étant toujours là, c’est elle qui te bloque, même si je sens bien que tu veux la refouler. Voir tes ombres te fait peur et c’est ce qui t’empêche d’avoir un résultat.

J’allais répondre que quelque part, je m’en doutais, mais que je ne savais pas comment surmonter ça, mais il enchaîna avant que je n’en ai le temps :

— Et c’est en train d’avoir un impact sur toi, aussi.
Je fronçai les sourcils.
— Que voulez-vous dire ? le questionnai-je.
— En l’espace de deux minutes, tu as passé une main dans tes cheveux trois fois, tu as gratté ton avant-bras deux fois et tu as frotté ta nuque plusieurs fois. Ta nervosité pouvait être due à l’utilisation de ton pouvoir, à la frustration, mais ce n’est pas réellement ça. Elle a commencé à grimper en flèche à partir d’un essai récent, et il s’agit d’un contrecoup. Puisque ta magie est restée en retrait longtemps, elle peut avoir un effet sur ton humeur, surtout si tu t’obstines tout en voulant la retenir.

Je me retins de grimacer en me disant que décidément, cela n’allait rien m’apporter de bon. Mais je savais aussi que ce n’était pas en pensant ainsi que j’allais m’aider moi-même. J’inspirai un bon coup puis hochai la tête.

— D’accord… Qu’est-ce que je peux faire, pour éviter ça ? cédai-je.
— Je peux intervenir pour que tu sois complètement calme, annonça-t-il.

J’eus comme un mouvement de recul, les yeux écarquillés. Il leva une main en un geste rassurant, son regard restant doux et apaisant.

— Tu auras toujours le contrôle si tu le souhaites vraiment, mais cela pourrait te donner un coup de main. Je m’occuperai de ton inquiétude, ce qui pourra t’aider à exprimer ton pouvoir, à bien le visualiser afin d’apprendre à moins le craindre. Tu parviens à l’utiliser grâce à la peur, mais quand il s’agit de te défendre. Malheureusement, cela ne fonctionne pas avec la peur que tu as envers toi-même.

Je soutins son regard pendant un moment sans répondre, ne sachant pas si je devais répondre favorablement ou non. Seulement, si je fuyais maintenant, je risquais de ne jamais accepter et je ne règlerais jamais le problème non plus. Mes yeux se posèrent ensuite sur des arbres, plus loin, puis sur la façade du manoir, avant de revenir sur Cristobal. Et une pensée me vint : j’étais dorénavant entourée de vampire, j’avais basculé dans un monde de violence dans lequel on me voulait du mal. Et même si ma petite vie si banale jusqu’ici n’était pas très excitante, elle était familière et rassurante, finalement. Il y avait également une personne que je désirais revoir : mon amie d’enfance Carla. Et je ne pourrais pas l’approcher tant que le danger planerait sur moi. Il fallait que je reste en vie, que je me batte pour être libre et avancer dans mon existence comme je l’entendais.
Et pour ça, je devais apprendre à me défendre.

— Très bien, acceptai-je finalement.

Il ne répondit rien pendant un bref instant, afin d’être certain que j’étais sérieuse, puis, en voyant que je gardais la même expression, il hocha la tête. Il désigna mes mains jointes du menton et je compris que je devais adopter une posture plus détendue. Je posai mes paumes sur mes genoux.

— Respire profondément, me conseilla-t-il. Et recommence.

Je fis ce qu’il me disait et parvins à prendre une grande inspiration, calmement, et à expirer de la même manière. Je tendis une main devant moi et tournai ma paume vers le ciel. Encore une fois, je fis appel à mon pouvoir.

Bon. J’ai le contrôle. Je peux le faire. Cristobal sera là pour m’aider.

Une première volute apparût, et je l’observai attentivement, sans flancher. Au lieu d’être contrôlée par l’inquiétude, je laissai la détermination prendre la place. Ainsi qu’un certain calme. Plus je fixais cette ombre, plus je semblais la défier du regard, comme pour lui dire que c’était moi, qui décidais.

Et petit à petit, elle se mit à grandir. Alors que j’aurais dû avoir peur, la sérénité resta présente. Je ne m’en étonnai même pas. La fumée obscure commença à s’élever de plus en plus, enveloppant bientôt toute la paume de ma main et atteignant la hauteur de mon visage. De plus, je parvenais à lui faire garder un équilibre, elle ne virevoltait pas dans tous les sens. Je me surpris à sourire. Un sourire de fierté.
Je l’avais fait. J’en étais capable.

Une vague nausée me saisit, mais je m’en fichais. Cela voulait dire qu’un autre vampire s’était approché, mais j’étais trop absorbée par ce que j’étais en train de faire. Je ne tournai même pas la tête pour voir de qui il s’agissait.

— Continue. C’est bien, m’encouragea Cristobal.

J’imaginai d’autres ombres se joindre à la première, et très vite, le nuage noirâtre s’épaissit. Cela dura un bon moment, alors que je les visualisais en train de faire certains mouvements. Mouvements que les ombres suivaient pour mon plus grand plaisir. Si je les imaginais en train d’aller sur la gauche, elles obéissaient à mon ordre mental.
Mais je déchantai trop rapidement à mon goût. Je commençai à sentir ma sérénité me quitter en voyant que Cristobal n’avait plus l’air aussi… concentré.

Il avait lâché son pouvoir. Il m’avait imposé son calme, je le comprenais, à présent, mais cela avait cessé. J’étais livrée à moi-même. Et cette pensée, malgré mes efforts, eu raison de ma confiance. Je me mis à paniquer en voyant l’ampleur des ombres, en me disant que je ne pourrais jamais les rappeler à moi sans aide.

— Neeve, reste calme, fit le professeur d’une voix douce. Tu as réussi par toi-même pendant plusieurs minutes. Tu peux y arriver.

Je pouvais donc le faire seule. Le fait de m’être rendue compte qu’il avait cessé d’agir sur mes émotions avait rappelé mon inquiétude, mais j’avais tenu un moment sans son aide. C’était comme un parent apprenant à son enfant à rouler sans les petites roues, sur son vélo. Il me semblait vaguement, quelque part au fond de mon esprit, qu’un homme m’avait appris cela quand j’étais petite. C’était un des seuls souvenirs que j’avais encore d’avant mes dix ans. Je me rappelais qu’on me tenait, alors que je roulais, car j’avais peur de tomber. J’avais pris confiance, mais dès que j’avais remarqué que cet homme, dont le souvenir était trop flou, avait lâché le vélo, j’avais recommencé à avoir peur. J’en étais capable, mais la confiance m’avait quitté quand j’avais compris que je n’étais plus épaulée. Je ressentais la même chose à ce moment précis.

Je fus néanmoins surprise par une chose : avant de totalement perdre le contrôle, je me rappelai ma manière de donner des ordres à mes ombres, et les imaginai revenir vers moi avec la même conviction.

Ce n’est pas vous qui choisissez. C’est moi. Moi !

Je ramenai ma main à moi, comme pour les forcer à se fondre en moi, tandis qu’une vague de puissance m’envahissait, comme cela avait pu arriver la veille. Je jetai un regard un peu affolé à Cristobal, qui levait une main pour faire signe au vampire derrière moi de ne pas approcher.

— Tout ira bien, me souffla-t-il. Tu ne feras aucun mal.

J’avais envie d’être rassurée, comme il cherchait à le faire. Quelque part, cela fonctionna : je savais qu’il pourrait à nouveau agir s’il le fallait, mais il voulait que j’y parvienne par moi-même, maintenant que j’avais réussi à débloquer ma magie, à avoir un certain contrôle dessus, au moins une fois.

Même si la vague était toujours là, à vouloir s’exprimer, elle était amoindrie, grâce à sa voix qui me répétait encore et encore de respirer profondément et qui me donnait des conseils. Seulement, elle devait sortir tout de même. Alors que mes ombres étaient revenues à moi, un autre pouvoir fit son apparition. Et j’avais la sensation qu’il était bien plus fort que lors de ma démonstration dans le salon du manoir. J’eus le réflexe de me tourner, afin de ne toucher personne, et je me sentis tiraillée vers l’avant. Une intense sensation de chaleur me traversa, l’adrénaline se mit à courir dans mes veines. Je sentis la vague d’énergie quitter mon corps, me laissant retomber vers l’arrière. Je me rattrapai sur mes mains et je restai bouche-bée en voyant les branches d’un arbre, plus loin, être agitées violemment. Plusieurs d’entre elles se craquèrent, tombant sur l’herbe. Et, pendant une seconde, alors que j’étais focalisée dessus, certaines parurent se soulever légèrement. Mais ce devait être un contrecoup.

Il y eut un grand silence, pendant lequel j’étais certaine que tout le monde observait les dégâts faits à ce pauvre arbre qui avait eu le malheur d’être là. Je n’entendais plus que mon souffle saccadé que je tentais de reprendre, ainsi que les battements de mon cœur.
Cristobal finit par se lever et me tendit la main. Il m’offrit un sourire rassurant.

— C’était un bon début, m’assura-t-il.

Je pris sa main après une hésitation, et il m’aida à me relever. Je ne pus m’empêcher de regarder l’arbre encore une fois, encore un peu sous le choc.

— C’est ce qui s’est passé hier…, soufflai-je.
Il opina.
— Tu peux en effet diffuser de l’énergie qui peut provoquer des dégâts, constata Cristobal. (Il leva la tête et regarda par-dessus mon épaule.) Tu confirmes ?

Je regardai derrière moi et vis qu’Emma et Adam se tenaient à quelques pas. La première me lança un regard qui se voulait réconfortant. Le vampire blond regarda encore un instant les branches, avant de toiser mon professeur.

— C’est bien ça, confirma-t-il. (Il me regarda enfin. Cette fois, il n’y avait aucune trace de malice sur son visage.) Je t’aiderai à contrôler ce pouvoir-là.
Mes yeux passèrent de Adam à Cristobal, puis à nouveau à Adam.
— Je peux faire la même chose, m’expliqua-t-il.
Cette révélation n’était pourtant pas la plus surprenante. Celle qui vint après le fut encore plus :
— Mais il n’y avait pas que ça, poursuivit-il. Les branches avaient cessé de bouger, et elles se sont soulevées à nouveau.
Il me sonda de ses yeux noirs et je sentis ma gorge se serrer. À ses côtés, Emma acquiesça.
— Tu as fait une action de plus sans t’en rendre compte, et cela ressemblait à de la télékinésie, déclara Adam.
— C’est ce que je me suis dit aussi, intervint Cristobal.
— Et pour ça, moi je pourrai te filer un coup de main, me sourit Emma.

Je ne parvins pas à lui sourire en retour, choquée par ce que je venais d’apprendre. Après avoir pensé pendant des années que j’avais un seul pouvoir - et que cela suffisait déjà amplement -, que j’avais à peine eu le temps d’accepter l’idée que j’en possédais un deuxième, voilà qu’un troisième faisait son apparition.
J’étais décidément pleine de surprises. Combien y en aurait-il d’autres ?

Je me passai une main sur le visage, afin de gagner quelques secondes pour me remettre de mes émotions. Comprenant ce que je ressentais, le quadragénaire essaya de me rassurer :

— La plupart des vampires ont plusieurs pouvoirs, précisa-t-il. Même si tu es humaine, la magie peut être puissante également. Personnellement, je n’ai que l’empathie. Adam en possède quatre. (J’écarquillai les yeux et l’intéressé me fit un sourire en coin.) Emma deux, tout comme April. Quatre pour Lucian, également.

Ma mâchoire manqua de se décrocher, alors que je m’imaginais en avoir quatre. J’en avais déjà découvert trois, alors pourquoi pas, au point où j’en étais…

— Waouh…, murmurai-je.
Ma réaction arracha un soufflement de nez amusé à Adam.
— Comme tu dis, répondit-il.

Je reportai brièvement mon attention sur lui, avant que mes yeux ne se baissent. Je n’avais pas oublié cet instant quelque peu troublant, dans le couloir, alors qu’il me menait à Cristobal et qu’il avait ensuite disparu. Cette fois, c’était à moi de fuir, en quelque sorte, devant son regard.

Sentant un certain engourdissement dans mes bras, je voulus les étirer, et je repérai presque immédiatement les picotements familiers qui signalaient l’arrivée d’une marque noire sur ma peau. Cette fois, sur la clavicule. Mais c’était moins douloureux que pour les fois précédentes.

— Les ombres, les énergies, la télékinésie, énumérai-je avec un rire un peu nerveux. On ouvre les paris sur le reste ? Oh, je peux sentir la présence d’un vampire, un peu comme un radar, peut-être que c’en est un ?
Je l’avais dit en plaisantant mais finalement, cela n’aurait pas été étonnant. Cristobal mit un doigt sur son menton.
— Un radar ? releva-t-il.
— Je ressens une sorte de nausée quand l’un de vous est dans les parages.
Il haussa une épaule.
— Je pense qu’il s’agit surtout de ta magie qui reconnaît la nôtre, déclara-t-il. C’est normal. Et elle s’exprime sous forme de nausées, pour l’instant, car cela te renvoie à ce que tu as vécu à dix ans. Ton inquiétude revient.

Oh… Finalement, ce n’était pas surprenant, et même plutôt logique.
Je me mis à gratter mon avant-bras. Quand je m’en rendis compte, j’arrêtai immédiatement. Un geste parasite qui m’était venu plusieurs fois pendant l’entraînement. Maintenant que je n’étais plus vraiment calme, ces tics se manifestaient à nouveau.

— Encore quelques entraînements, et ce sera bien plus simple, lâcha Emma avant de s’approcher de moi.
Elle posa sa main sur mon épaule, puis dans mon dos, pour me faire avancer en direction du manoir. Je ne protestai pas.
— Tu as besoin de repos, exigea-t-elle.
Je tournai tout de même une dernière fois la tête vers Cristobal.
— Merci pour votre aide. (Je me forçai à sourire, puis posai les yeux sur Adam.) Et pour les explications.

Je suivis Emma, soulagée d’en avoir terminé avec cet entraînement.
Mais quelque part… mes pouvoirs désiraient se manifester à nouveau. Une certaine excitation semblait couver, au fond de moi. Maintenant qu’ils s’étaient débloqués, ils ne voulaient pas en rester là. Et je devais bien avouer que j’étais intriguée également. C’était comme lutter vainement contre un instinct profondément ancré. Il fallait que je les utilise à nouveau, à un moment donné. Jusqu’à ce que je me les approprie.

Cette idée m’obséda toute la journée.

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Chapitre 6
Chapitre 8
Dernière modification par Chlawee le mer. 23 juin, 2021 9:42 pm, modifié 1 fois.
cocovanilleguimauve

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Re: Neeve, Tome 1 : L'éveil des Ombres [Fantastique, bit-lit, romance] (Chapitre 7)

Message par cocovanilleguimauve »

:D :D :D super !
c'est incroyable, Neeve a plusieurs pouvoirs !!
hâte d'avoir la suite^^ ;) ;)
lacrystal

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Re: Neeve, Tome 1 : L'éveil des Ombres [Fantastique, bit-lit, romance] (Chapitre 7)

Message par lacrystal »

Hello me voici pour commenter *-*

Moi je m'en fous je reste devant mon PC jusqu'à ce que Neeve et Adam ait un rapprochement physique *croisé les bras*

Plus sérieusement, je trouve Adam adorable avec Neeve. Qu'il vienne dans son rêve et devant sa porte s'assurer qu'elle va bien *-* ah lala je sens je vais les adorer ensemble ! Oui parce que si tu ne les mets pas ensemble je fais une crise la

Ensuite je sens que je vais autant adorer le personnage de Cristobal que les autres. Il a l'air vraiment gentil puis tellement maladroit ça me fait rire ! :lol: :lol: :lol:

Sinon waouh quelle puissance... pauvres arbres par contre :( :( et l'environnement, Neeve??? Bon d'accord je sais que ce n'est pas de ta faute, c'est tes pouvoirs
Mais les arbres D:
Non mais si ça te permet de ne pas blessé les vampires je suis d'accord alors xDD

J'ai hâte d'en savoir plus et comme d'habitude ta plume est toujours aussi agréable et belle *-* :D

A bientôt :*
Pendergast

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Re: Neeve, Tome 1 : L'éveil des Ombres [Fantastique, bit-lit, romance] (Chapitre 7)

Message par Pendergast »

Bonjour, excellent et intéressant, on en apprend plus sur les pouvoirs de Neeve et Cristobal est tout simplement fascinant !
Chlawee

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Re: Neeve, Tome 1 : L'éveil des Ombres [Fantastique, bit-lit, romance] (Chapitre 8)

Message par Chlawee »

Bonsoir ! :D Voici le chapitre, en retard. :lol: Puisque je suis souvent en retard, on va dire qu'il n'y a plus réellement de jour fixe pour publier, mais qu'il y aura quand même un chapitre toutes les semaines !
Je lis tous vos retours et ils me font vraiment plaisir. <3
J'espère que ce chapitre vous plaira !


Chapitre 8

Je disposai un autre pancake sur le haut de la pile de ses petits camarades, dans une grande assiette. J’avais appris, à force de manger avec elle, ce qu’Emma aimait. Et puisqu’elle préparait toujours le petit-déjeuner en essayant à chaque fois de trouver ce qui pourrait me faire plaisir, j’avais envie de faire de même. C’était grâce à elle, à sa douce présence pendant les repas, que j’étais parvenue à retrouver un peu d’appétit, malgré une bonne source de stress. Mais je devais avouer que je craignais moins les habitants du manoir, après un peu plus d’une semaine passée avec eux. En revanche, il semblait que je n’avais pas encore rencontré tout le monde, et j’appréhendais un peu le moment où cela serait le cas. J’espérais que ça se passerait pour le mieux, comme avec les autres, qui m’avaient bien accueilli, comprenant ma peur et se montrant patients, attentifs. Le seul faux pas qu’il y avait eu, était avec Nora, avec qui j’entretenais une relation… plutôt cordiale. Enfin, pour être tout à fait honnête, elle restait à bonne distance. Et je faisais de même. Le reste du temps, j’ignorais où elle pouvait être, ne connaissant rien de ses occupations.

En tout cas, je ne voulais pas que les autres me considèrent surtout comme une potentielle proie, même si je savais que les River que je connaissais déjà ne les laisseraient pas me faire du mal.

J’avais fini par apprendre à quelles heures Emma se levait, ou du moins, quand elle voulait prendre son petit-déjeuner. Et ne parvenant pas à fermer l’œil après un mauvais rêve, vers le milieu de la nuit, j’avais fini par décider de me lever bien plus tôt qu’elle pour cuisiner.

J’avais presque terminé de faire cuire les pancakes, lorsqu’elle débarqua dans la cuisine, ses yeux noisette pétillants, et ses cheveux châtains mi-longs un peu en bataille. Je pouvais voir certaines de ses boucles naturelles, quand d’autres étaient encore aplaties. Souvenir laissé par son oreiller, certainement. Elle afficha un grand sourire joyeux en voyant ma préparation.

— Je me disais bien que ça sentait bon ! s’enthousiasma-t-elle.
Je fis glisser le dernier pancake sur la pile, fière de moi. Je l’apportai à table, tandis qu’elle s’asseyait.
— Et voilà ! m’exclamai-je. Cela faisait une éternité que je n’avais pas cuisiné…

Tout au plus des plats réchauffés lorsque j’étais dans mon appartement, entre deux révisions. Ou des choses très simples et rapides à faire. Je n’avais pas énormément d’argent pour faire beaucoup de courses et ici, le réfrigérateur et les placards étaient pleins à craquer, ce que j’avais trouvé très étonnant, au début, pour des vampires. Puis je m’étais rendue compte qu’Emma adorait grignoter très souvent et que Nora le faisait également de temps en temps. April aussi, parfois. Quant à Adam et Lucian, je les voyais très peu dans la cuisine.

Je tirai une chaise pour m’asseoir en face d’elle. J’avais sorti tout ce qui pourrait nous permettre d’accompagner ces crêpes épaisses. Je me servis un verre de jus de fruits, puis vis la vampire me tendre le sien.

— Tu peux m’en verser, s’il te plaît ?
— Désolée, je suis malpolie, ris-je. Mais tu…
J’inclinai la tête sur le côté.
— Tu ne prends pas de sang ? demandai-je.

J’avais l’habitude, maintenant, de la voir en boire. Si cela m’était très étrange au départ, j’avais appris à faire avec et à ne plus tressaillir à chaque fois. Surtout quand je savais qu’elle ne faisait de mal à personne. Soit cela venait de poches de sang prises dans les hôpitaux - et j’étais plutôt contente de ne pas être tombée sur leur réfrigérateur spécial - soit…

— Je me suis déjà nourrie, avoua-t-elle, un peu gênée.

… par la chasse. Mais elle m’avait expliqué que lorsqu’elle chassait, elle faisait en sorte que la victime rentre chez elle saine et sauve, sans aucun souvenir de ce qui venait de lui arriver. Elle aurait pu me mentir, mais j’avais envie de la croire. Je préférais la croire. C’était toujours mieux que de perdre le contrôle en se privant, à cause du manque de poches de sang, et en tuant la personne.

— Oh, fis-je. (Je lui souris pour lui montrer que cela n’allait pas me faire fuir.) Je pensais que tu venais de te réveiller.
Et maintenant qu’elle le disait, oui, son teint était moins pâle que d’ordinaire. Elle arborait même des joues légèrement rosées.
Elle eut un sourire en coin et désigna ses cheveux.
— Est-ce une manière détournée pour me dire que j’ai une sale tête ? rétorqua-t-elle.
— Euh… Non, je…
Elle se mit à rire et je me détendis. Je secouai la tête.
— Ce n’est pas drôle, grommelai-je.
— Si ça peut tout expliquer, je dois cette coupe à ma folle course pour revenir.
J’opinai. Alors ses boucles déformées n’étaient pas dues à son oreiller.
— Comment ça se fait que tu sois déjà debout, au fait ? me demanda-t-elle en étalant de la confiture de fraise sur un pancake.
— Je n’arrivais pas à dormir et j’ai eu envie de te faire une surprise, avouai-je.

Elle me lança un regard plein de gratitude. Elle ne me questionna pas plus à propos de ma petite nuit.
En jetant un regard par la fenêtre et en avisant les faibles rayons du soleil, je me fis une réflexion.

— Et toi tu es allée chasser alors qu’il faisait encore nuit, n’est-ce pas ?
Elle acquiesça en croquant dans sa crêpe.
— Si vous préférez la nuit, comme vous me l’avez expliqué… pourquoi vivez-vous au rythme des humains ?
Elle prit le temps de réfléchir à ma question, tout en mâchant et en avalant sa bouchée.
— Cela a quelque chose de réconfortant, répondit-elle. Pour… pas mal d’entre nous, en fait. Mais c’est bel et bien la nuit que nous nous sentons au meilleur de notre forme.
— Réconfortant ?
— Cela peut nous donner l’impression que nous sommes toujours humains, quelque part…
Je baissai les yeux un instant sur ma propre assiette que j’avais à peine entamée. Puis je les relevai pour croiser les siens.
— Je n’avais pas une très bonne opinion de vous, au début, débutai-je. Et quelque part, je suis toujours un peu… craintive. Mais je peux t’assurer que vous êtes bien plus humains que certains qui le sont encore.

Emma me sonda un instant de ses doux yeux toujours joyeux, et je vis de l’émotion y transparaître. Elle ne répondit pas tout de suite et regarda par la fenêtre.

— Et j’aime assez le soleil…, poursuivit-elle. (Un sourire nostalgique étira ses lèvres.) Ses couleurs… Ses reflets… Et je ne suis pas la seule. Quand je vois un lever de soleil, je me dis que j’ai le temps. J’ai tout le temps qu’il faut devant moi. Et je verrai l’aube encore et encore, pendant longtemps, je l’espère…

Elle pivota à nouveau son visage vers moi, alors que je me surprenais à adopter la même expression qu’elle, touchée par ses mots.

— Lorsque j’ai été transformée, il y a deux-cents ans, maintenant, je n’ai pas pu être exposée au soleil pendant des semaines, m’apprit-elle. Cela m’avait atrocement manqué.

Deux-cents ans ?
Enfin, après avoir entendu l’âge de Lucian et Adam, je n’aurais pas dû être surprise…

— Je pouvais à peine le voir de loin, soupira-t-elle.
— Mais maintenant tu en es capable, souris-je. Pour encore deux siècles de plus, qui sait ? Ou quatre. Ou un millénaire, pourquoi pas ?
Elle laissa échapper un rire.
— Cela risque d’être long, s’amusa-t-elle.
Mon amusement se ternit un peu.
— C’est ce que tu ressens ? Le fait que c’est… long ? osai-je demander.
Elle haussa une épaule, un air plus triste qu’à l’ordinaire, sur le visage.
— Parfois, avoua-t-elle. Cela m’est arrivé de le penser, oui. (Un ange passa, puis une nouvelle lueur d’espoir se mit à briller dans ses yeux.) Mais c’est supportable, quand on trouve les bonnes personnes.

Je me sentis revigorée par sa réponse. Soulagée, aussi. Étrangement, alors que je ne la connaissais que très peu, il m’était difficile d’imaginer un monde sans Emma, un jour. J’avais eu peur qu’elle ne révèle qu’elle voulait mourir. Ce serait comme si le soleil décidait subitement de s’éteindre. Car elle était à l’image de cet astre qu’elle admirait tant.

— L’éternité peut paraître aussi lente que rapide, ajouta-t-elle. Avec les River, je ne vois pas le temps passer. Je suis heureuse de les connaître.
— Quand est-ce que tu les as rencontrés ? m’intéressai-je.
— Il y a un peu moins de deux siècles. Peut-être bien cent-quatre-vingt-quinze ans. Ils ont été… ma bouée de sauvetage, termina-t-elle.

Son visage se renferma légèrement. Je ne posai pas plus de questions, de peur de raviver des souvenirs trop douloureux. Je me demandais si cela avait un rapport avec le fait qu’on l’avait déjà attachée avec du fer, lui laissant ces cicatrices sur ses bras.
Nous nous remîmes à manger en silence, même si celui-ci n’était pas gênant. Puis, une nausée familière se fit sentir, et je levai la tête au moment où Nora entrait dans la pièce. Comme à chaque fois que je la voyais, j’étais prise d’une sorte de fascination. Elle paraissait si sûre d’elle, dégageait une telle aura, qu’il était difficile d’être indifférent à sa beauté.

J’avais appris que Nora n’était pas seulement une amie des River, mais qu’elle en était également une. Et puisque cela pouvait paraître étrange qu’ils aient tous le même nom de famille, on m’avait aussi expliqué que des membres d’un clan avaient tendance à reprendre celui du chef. J’avais entendu l’un des vampires qui étaient venus au manoir dans le but de me livrer à Thomas, appeler Adam « River ». J’avais pensé qu’il était donc le dirigeant, mais apparemment, il n’y avait pas que lui ; c’était également le cas de Lucian. Sans être de la même famille, ils s’étaient accordés sur un nom et dirigeaient ensemble depuis lors. Et le reste du temps, ils utilisaient de fausses identités.

Un soir, Lucian et moi étions tous les deux dans le salon, lui en train de lire et moi en train d’essayer vainement de terminer ce croquis d’oiseau pour m’empêcher de travailler sur celui d’Adam. Je savais qu’il voulait me laisser tout le temps pour que je les accepte et que j’ose leur parler, et ne pouvant plus supporter le silence, sachant qu’il ne le romprait pas en premier, je l’avais questionné afin de me renseigner sur leurs manières de vivre et de gagner de l’argent. D’après le grand manoir, Adam paraissait riche, et j’avais bien cru comprendre qu’il s’agissait du sien. Loin d’être offensé par ma question, Lucian m’avait répondu qu’ils avaient tous eu le temps d’avoir une épargne assez conséquente, durant leur longue existence. Mais j’avais appris avec étonnement et une certaine tendresse qu’un membre du clan nommé Tim travaillait dans une chocolaterie du village. Contrairement aux autres, qui avaient décidé - et c’était tout à leur honneur - de profiter du reste de leur longue vie, ou du moins une partie, sans travailler puisqu’ils en avaient déjà bavé pendant des siècles, lui, ne supportait pas de rester sans rien faire.
Mais Lucian avait laissé sous-entendre qu’ils étaient tous plutôt très occupés, d’une autre manière. Et quand je lui avais demandé quoi, il était resté assez évasif. Finalement, je n’avais plus été très certaine de vouloir savoir.

— Bonjour, nous salua distraitement Nora en allant ouvrir un placard.

Elle adressa un petit sourire à Emma, et se força à se montrer polie avec moi en ne m’ignorant pas complètement. Elle posa le verre sur le plan de travail, puis se mit à chercher autre chose. J’allais reporter mon attention sur mon pancake, quand un mouvement attira mon regard. L’objet se mit à bouger, alors que Nora tendait la main pour l’attraper, sans même tourner la tête, se mettant tout seul hors de sa portée, presque en sautillant dans un bruit léger. Comme à chaque fois que j’assistais à ce genre de choses, je fus surprise et fascinée.

Emma était douée d’animisme. Et grâce à ça, elle me donnait de bons conseils pour la télékinésie, puisque cela était assez ressemblant et se concentrait sur des objets. La première fois que je l’avais observée faire, elle avait fait danser un balai, comme dans les dessins animés. J’étais restée scotchée à ma chaise sans bouger pendant de longues secondes, avant de laisser échapper une exclamation admirative. Depuis, elle m’accordait pas mal de son temps libre pour m’entraîner.

Je perçus le clin d’œil complice d’Emma. Les longs cheveux dorés de Nora balayèrent son dos quand elle tourna la tête, ses yeux marron plissés. La fautive se remit rapidement à manger, un air tout à fait innocent sur le visage.

— Quoi ? la provoqua-t-elle en voyant que Nora la fixait d’un regard noir.

Je dissimulai mal un sourire. Je mangeai une autre bouchée pour me donner une contenance. La blonde soupira, puis attrapa une assiette. Quand elle pivota à nouveau pour saisir le verre, je le vis se déplacer sur le côté, lui échappant encore une fois.

— Ça t’amuse ? grommela-t-elle.
— Je ne vois pas de quoi tu parles, rétorqua celle que je considérais maintenant comme ce qui se rapprochait le plus d’une amie, ici.

Alors qu’Emma, allait boire, le liquide ne coula jamais dans sa bouche. Elle fronça les sourcils, puis retourna complètement le verre. La boisson était totalement gelée. Mes yeux s’écarquillèrent un peu plus, tandis que je me redressais, intriguée par tout ça. Au fond de moi, mes propres pouvoirs semblaient avoir envie de se manifester.

— C’est de bonne guerre, soupira Emma.
Nora afficha un sourire en coin, puis tira une chaise à son tour, déposant l’assiette vide devant elle.
— J’ai bien envie de goûter à ces trucs, fit-elle d’un ton désinvolte en désignant mes pancakes.

Je poussai le tas de crêpes épaisses vers elle. Savait-elle qu’il s’agissait des miens ? Voulait-elle faire un pas vers moi ou étais-je en train de me faire des films ?
L’esquisse d’un sourire apparût sur ses lèvres et elle me remercia. Je ressentis du soula-gement. J’espérais qu’elle ne nourrirait pas une rancune tenace à mon égard.

— C’est pas mal, déclara-t-elle après avoir avalé une bouchée.

Sentant l’ambiance être légère, mon appétit revint et je mangeai un deuxième pancake. Cependant, je ne pouvais ignorer mon envie d’utiliser mes pouvoirs. Je me mis à fixer une cuillère tâchée de confiture, sur la table, concentrée. Au début, les filles ne remarquèrent rien, puis elles relevèrent la tête en entendant un petit « cling » métallique. J’étais parvenue à la faire se soulever de quelques millimètres, avant qu’elle ne retombe lamentablement.
Emma m’adressa un sourire encourageant et Nora se recula par réflexe, ne devant pas avoir beaucoup confiance en moi concernant mes pouvoirs. Je ne pouvais pas lui en vouloir.

Je n’abandonnai pas et me remis à fixer la cuillère intensément. Elle se souleva encore une fois, et je réussi à la faire s’élever de plus en plus, jusqu’à qu’elle atteigne la hauteur de mes yeux. Un sourire étira mes lèvres, en constatant que je pouvais la faire léviter sur place, plus longtemps que d’habitude. Je respirai profondément et fis en sorte de garder mon calme, avant que les contrecoups de ce pouvoir ne m’atteignent. Nora finit par se détendre et même si elle ne se départit pas totalement de sa méfiance, elle parût moins sur le point de quitter la table. Cela me permit de gagner un peu de confiance en moi.

Je ne voyais que très peu les réactions d’Emma, mais il me sembla, du coin de l’œil, qu’elle avait relevé la tête, quittant mon manège du regard. Me demandant s’il y avait un problème, je pris une grande inspiration et reportai brièvement mon attention sur elle, tout en veillant à ne pas relâcher mon emprise sur la cuillère, dans mon esprit. Elle fixait un point dans la pièce et secouai la tête. Je fronçai les sourcils. Qu’est-ce qui se passait ? Pourtant, il n’y avait rien d’étrange, et personne d’autre n’était là…

— Salut, entendis-je.

J’étais si surprise, que je pivotai vivement ma tête dans la direction de la voix. La cuillère suivit mon mouvement et se mit à fendre les airs, droit vers un coin de la pièce. Mais elle fut arrêtée en plein vol, comme si elle avait buté sur quelque chose. Mais quelque chose d’invisible.
Ou quelqu’un…

La cuillère tomba puis rebondit plusieurs fois avec fracas sur le sol carrelé. Je mis une main sur mon cœur et mes yeux s’écarquillèrent en voyant une tâche de confiture laissée par le couvert, voler dans la pièce.
Qu’est-ce que…

— Tim…, soupira Emma. Ce n’était pas la chose à faire, ça…
Tim ? J’avais déjà entendu ce nom.
— Au moins elle n’a pas ravagé la cuisine par une vague d’énergie, riposta Nora. Et elle ne l’a pas attaqué avec des ombres.
Pour ma part, je ne quittais pas la tâche de fraise des yeux.
— Elle aurait pu lui renverser tout le pot dessus, cela dit, intervint une autre voix.

Adam. Qui devait être dans l’embrasure de la porte. Je n’avais pas vraiment fait attention à la pointe de nausée m’indiquant qu’un autre vampire était arrivé.
Je sursautai en voyant la confiture être estompée d’un coup, comme si quelqu’un venait de passer sa main dessus pour enlever la tâche.

— Je vois qu’on est bien accueilli, ici, grommela la personne visée par la cuillère.

Je me redressai, fascinée, lorsque je vis les contours d’une personne commencer à apparaître. Je mis mes mains à plat sur la table et me penchai en avant. Une silhouette se fit de plus en plus distincte, plus loin. Je perçus bientôt un visage ovale un peu long, des yeux chocolat rieurs, ainsi que des cheveux bruns mi-longs, qui formaient quelques épis à certains endroits. Son menton était volontaire et il aurait pu paraître sévère, si ses traits n’étaient pas aussi doux, révélant une humeur taquine. Il paraissait avoir un peu plus de la vingtaine. En réalité, je lui aurais donné mon âge, mais quelque chose dans son regard montrait qu’il avait vécu longtemps, comme les autres vampires, sans pour autant que cela n’affecte vraiment son air juvénile. Et quand son pouvoir fut totalement éclipsé, mon malaise s’intensifia. Bon sang… Sa capacité lui permettait sûrement d’amoindrir les effets de sa présence. Pourtant, Emma l’avait perçu… Elle devait avoir l’habitude.

Il se baissa pour ramasser la cuillère et la posa sur la table, l’air exaspéré par ce qui venait d’arriver.
Le pouvoir d’invisibilité. Alors ça… Ça, j’aurais vraiment voulu savoir le faire. Même ses vêtements disparaissaient avec lui, puisqu’il était toujours vêtu.

— Enchanté, je suppose, lâcha-t-il en me regardant. Tu dois être Neeve. Je suis Tim.
Je pointai mon index droit sur lui.
— Alors c’est toi qui travailles dans une chocolaterie, c’est ça ?
Il haussa un sourcil, puis regarda les autres vampires présents.
— Je vois qu’on t’a parlé de moi. C’est bien cela.
— Si vous continuez, il va prendre la grosse tête, intervint une voix.

Je vis Adam se crisper lorsqu’une femme passa la porte. Il la salua d’un signe de tête et elle lui sourit, mais parût un peu peinée par sa réaction distante. Il tenta tout de même de la rassurer en lui rendant maladroitement un sourire. Elle ressemblait beaucoup à Tim, même si elle paraissait avoir quelques années de plus, et j’en déduisis qu’ils étaient frères et sœurs. Elle possédait de très longs cheveux de la même teinte que ceux de l’invisible, et arborait des yeux d’un gris perçant, très clair. Son visage paraissait plus fermé, en revanche, et ce, malgré son faible sourire à Adam. Nora, de son côté, fit mine de ne pas l’avoir vu.
D’accord. Les relations semblaient plutôt tendues. Je ne savais pas où me mettre. La meilleure chose à faire était encore de faire comme si je n’avais rien vu.

Tim roula des yeux à cette remarque, puis reporta son attention sur la table et s’approcha. Il attrapa un pancake du bout des doigts et le souleva avec un air un peu méfiant.

— Comment vous pouvez manger ça ? fit-il avec un air de dégoût.
Emma lui donna une tape sur la main.
— Si tu n’en veux pas, laisses-en pour nous, le rabroua-t-elle en s’emparant de la crêpe.

J’étais si accaparée par la présence de la femme, que je ne fus même pas vexée par ce qu’il venait de dire. J’y avais à peine prêté attention. Et un autre vampire fit son entrée. De longs cheveux noirs, tombant jusqu’aux épaules, encadrant joliment un visage aux traits acérés, comme s’il était prêt à fondre sur une proie à n’importe quel moment. Une haute stature, des yeux sombres. Un frisson parcourut ma colonne vertébrale quand je le vis. Il était plutôt impressionnant.

Mais ce ne fut pas tout ce que je remarquai : il semblait comme aimanté à la sœur de Tim, même s’ils étaient à une certaine distance. Son corps semblait se mouvoir en fonction du sien. Ils étaient très proches, tous les deux. Ils dégageaient le même genre d’aura qu’April et Lucian.

Voyant que je les observais, le nouveau venu me regarda et son expression, jusque-là de marbre, changea légèrement, comme s’il était troublé. Pour un peu, j’aurais presque cru que personne ne l’avait prévenu en amont que j’étais là. La femme, elle, me regarda un moment, puis reporta son attention sur autre chose, comme si je ne méritais pas trop de considération.
Bon. Au moins ils ne me sautaient pas à la jugulaire, c’était un bon point.

Le silence s’abattit sur la pièce. Nora jouait distraitement avec une fourchette, en prenant soin de ne pas regarder la femme qui venait d’arriver. J’avais même l’impression qu’à la moindre parole de travers de cette dernière, la vampire aux longs cheveux blonds pourrait l’attaquer. Emma continuait à manger (je me demandais ce qui pourrait l’arrêter de le faire, dans ce monde), comme si elle avait l’habitude de cette tension. Tim était occupé à observer les étiquettes des pots de confiture. Surprenant mon regard, il haussa un sourcil et eus un sourire amusé.

— J’ai constamment des nouvelles idées de recettes, pour mes chocolats, m’apprit-il. Tout peut m’inspirer.
Désireuse de ne pas laisser ce silence bien trop pesant se réinstaller de nouveau, je rebondis :
— Si tu crées un chocolat à la fraise et… (Je pris le deuxième pot.) … à la myrtille, je voudrais bien y goûter.
Il plissa les yeux, intéressé.
— Des papilles gustatives humaines… Cela pourrait m’aider, oui, fit-il, pensif.

Oh ? Venais-je de gagner le droit de goûter de nouvelles recettes en avant-première alors que je voulais simplement faire la conversation ? Je n’allais pas m’en plaindre.

— Quand tu veux, répondis-je.
Puis je me tournai vers les nouveaux venus et me forçai à sourire.
— Neeve Lefevre, me présentai-je.
La vampire hocha la tête.
— Je sais, répliqua-t-elle.

Super.
Nora roula exagérément des yeux, puis, se rendant sûrement compte de son manque de politesse, la brune se rattrapa :

— Brooke, lâcha-t-elle.
— Ned, fit à son tour celui qui l’accompagnait.

J’opinai, en essayant d’ignorer ma nausée, qui finirait par passer au bout d’un moment. Mais cela faisait beaucoup de vampires d’un coup et mon nouveau radar était en panique totale.

Emma leur demanda s’ils avaient fait bon voyage, reprenant les rênes de la conversation, ce dont je lui étais reconnaissante. Même si j’étais curieuse, quelque part, de savoir pourquoi je ne les avais pas rencontrés avant, mon attention se porta sur Adam. Il avait les bras croisés, paraissant ne pas trop savoir où se mettre dans son propre manoir, mais ne désirant pas non plus quitter la pièce, le regard fuyant. La présence de Brooke le mettait visiblement mal à l’aise. J’ignorais ce qu’il s’était passé entre eux, mais je ressentis un étrange besoin de l’aider. Je tirai la chaise à côté de moi et le bruit attira son attention, alors que les autres étaient en pleine discussion. Je lui souris et l’invitai d’un geste à s’asseoir, s’il le désirait, lui montrant qu’il avait tout à fait sa place ici et que pour une fois, j’allais laisser mon inquiétude de côté.

Il hésita pendant quelques secondes, l’interrogation se lisant dans ses yeux, puis je vis le coin de ses lèvres se relever. Il prit place et je tendis l’assiette de pancakes dans sa direction. Son sourire se fit plus grand, mais il les refusa poliment. Loin de m’en formaliser, je les reposai. Au moins, il paraissait plus détendu.

— Attendez, elle n’a pas encore rencontré les harpies, ricana Tim.

Cette phrase piqua mon attention, alors que je n’avais pas suivi le reste de la discussion. Adam aussi porta son regard sur les autres. Emma me regarda avec compassion, et je m’attendis au pire.

— Hum… Qui sont les « harpies » ? appréhendai-je.
— Deux jumelles vraiment marrantes, ironisa Nora.
Son sourire faisait peur, réellement. Il semblait machiavélique.
— Mais on ne les appelle pas les « harpies » pour rien, renchérit Tim. Elles sont flippantes.

Donc je n’en avais pas terminé avec les rencontres des membres du clan. Je me demandais à quelle sauce j’allais être mangée, la prochaine fois.

— C’est toi qui les appelles comme ça, rétorqua Brooke.
— Tu n’en penses pas moins, répliqua-t-il du tac-au-tac.

Emma secoua la tête et m’adressa une expression de désespoir si comique qu’elle me fit sourire malgré tout.
Les jumelles étaient redoutables, alors…

Mais je me fis la réflexion que si j’avais pu surmonter un ex violent pendant deux ans, une tentative d’enlèvement de la part d’un sbire de Thomas Lane et la rencontre de presque tous les membres d’un clan de vampires, je pouvais certainement sortir vivante de ma première interaction avec elles.

~


J’avais quitté la fac plus tôt, séchant les cours de l’après-midi, ne me sentant pas bien. J’avais la migraine depuis le matin-même, et j’avais persévéré jusqu’à midi. Mais je me sentais de plus en plus mal et, n’habitant pas très loin de mon université, j’avais fait le chemin à pied. Entrer dans l’appartement avait été une vraie délivrance, mais alors que j’étais allongée dans le canapé, le stress s’additionna à la fièvre. Je ne faisais que me tourner et me retourner sur le canapé, ne parvenant pas à trouver le sommeil. J’espérais même seulement une petite sieste. Pour me soulager un peu. Mais non.

Parce que j’appréhendais le moment où Connor rentrerait. Il commencerait par me demander pourquoi je n’étais pas à la fac aux même heures que d’habitude, parce qu’il avait pris la manie de m’attendre à la sortie. Il avait peur que je ne voie quelqu’un d’autre dans son dos. Alors là… S’il apprenait que j’avais séché une demi-journée…

Avec mon inquiétude, tout était comme amplifié : le moindre petit bruit, le moindre courant d’air… Et surtout, cette horloge. Celle de la cuisine. Je l’entendais depuis le canapé, comme un rappel insistant sur le temps qui passait, les secondes qui s’égrenaient. Pour que je sache bien que chaque « Tic, tac » me rapprochait de plus en plus de l’arrivée de Connor.
Je regardai l’heure, et déglutis.


Tic, tac…
Tic, tac…

Je savais aussi qu’il y avait une pile de vaisselle sale sur l’évier. Je m’étais promis de la faire directement en arrivant avec lui, car il détestait le désordre, mais j’étais rentrée plus tôt, et avec ma fièvre, je n’en avais pas eu le courage. Ce qui pouvait lui donner une raison de plus de s’énerver.

Je sentis mes yeux s’embuer, mais pris sur moi pour me calmer. Cela ne servait à rien de me mettre dans cet état. La fièvre et la fatigue devaient me rendre encore plus sensible. Il verrait bien que j’étais souffrante.


Tic, tac…
Tic, tac…

Les sons des aiguilles de l’horloge semblaient emplir tout mon esprit, résonner dans ma tête. Je mis mes mains sur mes tempes en grimaçant.
Le reste fut un peu flou. Un peu comme si j’étais dans un rêve, ou dans un cauchemar, et que le temps n’était pas le même. Que le tout était chaotique.

J’entendis seulement Connor rentrer. Le bruit de la porte qui claquait violemment. Ses pas lourds, reflétant sa colère. Je n’avais pas besoin de le regarder pour le savoir. Mais il me semblait l’entendre se cogner contre les meubles. Il était ivre. Ce n’était guère étonnant.

Tout était confus. C’était comme si j’assistais à des bribes de souvenirs, le tout avec l’incessant « Tic, tac » en arrière-plan. Une partie de moi comprit que ce n’était pas réel, que je faisais un cauchemar tout en revivant une scène qui était vraiment arrivée.

Il faut que je sorte de là…
Je le revoyais me questionner.

— Pourquoi n’étais-tu pas là ?
— Je suis malade, Connor…
— Malade… Malade, répéta-t-il. Tu te fous de ma gueule ? Tu es plutôt allée voir un mec !
— C’est ridicule…
— Ridicule ?

Son ton était devenu menaçant.

Tic, tac…
Tic, tac…
Que quelqu’un fasse taire cette maudite horloge !

— Tu vas me faire croire que tu étais à la maison mais que tu n’as même pas fais la vaisselle ? Avoue plutôt que tu étais occupée avec un autre !
Je me vis lever une main en signe de paix, exaspérée, et surtout, épuisée.
— Non. Je ne me sentais pas assez bien pour rester debout. Mais si ce n’est que ça, je vais le faire.

Je me dirigeai vers la cuisine. J’avais envie de mettre de la distance entre nous, alors que les larmes menaçaient de s’échapper de mes yeux. C’était encore pire, quand il avait bu. Mais il me suivait. Je l’entendais, derrière moi. Je ne savais pas pourquoi notre relation avait pris un tel tournant. Nous avions été heureux pendant des mois, et maintenant… Maintenant je ne le reconnaissais plus. Je ne cessais d’espérer que ce n’était qu’une passade et qu’il changerait, mais c’était interminable.

— Ouais… De toute façon, regarde-toi. Qui d’autre voudrait bien de toi ? m’humilia-t-il.

Il me jaugea des pieds à la tête, alors que je me sentais atrocement mal. Seulement, j’avais l’habitude.
Une voix au fond de moi me dictait que non, je n’avais pas à avoir l’habitude. Ce n’était pas normal !
C’était sûr que dans mon jogging confortable et mon tee-shirt ample, je n’étais pas très séduisante. Mais si on partait du principe que Connor avait fait le tri dans mes vêtements pour m’empêcher d’être « trop aguicheuse » pour les autres, c’était gonflé de sa part.
Cependant, je ne relevai pas. Encore une fois.

« Combien de temps vas-tu t’écraser comme ça, Neeve ? Bats-toi, putain ! »

Le reste passa comme en avance rapide. Je savais qu’il y avait eu beaucoup d’insultes, tandis que je nettoyais, et que j’essayais de rester la plus calme possible. Et surtout, je devais me retenir de pleurer. Je ne savais jamais ce que mes rares pleurs pouvaient provoquer : soit il devenait doux comme un agneau et s’en voulait, puis était adorable plusieurs jours, soit c’était pire et il prenait ça pour une provocation.

L’avance rapide se stoppa au moment où il s’était approché pour caresser mon épaule. Je savais très bien ce qu’il voulait. Je me retournai lentement et secouai doucement la tête, me provoquant un vertige.


Tic, tac…
Tic, tac…

Pourquoi est-ce que j’avais encore aussi peur du temps qui s’écoulait ? Il était déjà là ! Et dans mes souvenirs… à ce moment-là, j’avais oublié l’existence de l’horloge depuis un moment. Pourquoi était-elle si importante, maintenant ?

— Connor… S’il te plaît, pas maintenant. Je me sens vraiment mal…

À peine avais-je terminé ma phrase que je sentis une douleur aiguë à la joue. Ma tête partit sur le côté et je me retins au plan de travail. Pendant quelques secondes, je restai immobile. Avec un peu de chance, il partirait après cela.
J’avais tort.

— Tu n’es vraiment qu’une allumeuse…, grogna-t-il.

Encore une fois, tout fut flou. Je me revis seulement lever les bras pour le pousser, ripostant pour la première fois. Il fut surpris, et je profitai du court laps de temps pendant lequel il était sous le choc, pour m’éloigner, me relevant péniblement. J’avais mal aux côtes, mais tant pis. J’ignorai la douleur pour l’instant.

Alors que je voyais flou, à cause de mon vertige ou de mes larmes, je le vis se saisir d’un couteau. Il s’avança et je devins encore plus livide, si c’était possible. Il semblait animé d’une rage folle que je n’avais encore jamais vu à une telle intensité, chez lui.
Il bondit sur moi et me plaqua au sol. Je sentis ses dents se refermer sur ma lèvre inférieure, me l’ouvrant. Je tentai de me débattre, alors qu’il m’écrasait. Il allait me tuer… Il allait vraiment me tuer si je ne faisais rien, cette fois…

— Salope !

J’eus juste le temps d’invoquer mon pouvoir avec le peu de forces qui me restait, et alors qu’il levait son couteau pour m’asséner un coup, une ombre le frappa à la poitrine, le faisant dévier de sa trajectoire. Je n’eus même pas le temps d’être sous le choc, après l’expression de ma capacité que je voulais cacher et que je n’avais pas utilisé depuis longtemps. Mais mon instinct de survie avait pris le dessus.

Rassemblant le reste de mon énergie, j’envoyai une salve d’ombres sur lui, afin de le repousser de quelques mètres d’un coup. Mais cela eu comme conséquence de m’affaiblir encore plus vite. Pendant un moment, je fus quasiment inconsciente, ma gorge s’était asséchée et mon corps me faisait bien plus mal. J’avais l’impression que mes membres étaient faits de coton.


Tic, tac…
Tic, tac…

J’eus une absence de quelques secondes, ou même une minute, puis un sursaut d’adrénaline en le voyant à terre.

Tic, tac…
Tic, tac…

Oh mon dieu…
L’avais-je gravement blessé ?

Prudemment, et en appréhendant grandement ce que j’allais découvrir, je m’approchai de la masse écroulée sur le sol, et du pied, le retournai sur le dos. Ses yeux étaient toujours fermés. À priori, je pouvais vérifier si je l’avais… si je l’avais… tué…
J’ignorais où étaient les limites de ce fichu pouvoir. Il fallait que je m’assure qu’il était toujours en vie.

Je me baissai et mis deux doigts sur son cou. Je sentis un pouls. Le soulagement faillit me terrasser et mes larmes redoublèrent. Je finis par m’éloigner et me rendis dans ma chambre. Je saisis des grands sacs et enfouis toutes les affaires que je pouvais prendre, dedans.

Poussée par l’envie extrême de partir d’ici pour ne plus jamais revenir, cette fois-ci ayant été la fois de trop, je me mis à zigzaguer dans l’appartement, pour atteindre l’entrée, tout en vérifiant qu’il ne se réveillait pas.
Avec un peu de chance, il ne se souviendrait pas de ce qu’il avait vu et de ce que j’avais fait. Merci l’alcool.


Tic, tac…
Tic, tac…

Je tanguai jusqu’à la porte et l’ouvris. Je ne jetai pas un dernier regard à l’intérieur avant de m’enfuir.
Et le décor changea. Je me retrouvai dans mon ancienne maison, dans laquelle ma mère s’était pendue, mais cette fois, dans une pièce ne me permettant pas de voir si la même scène tragique se déroulait.

Et une mélodie jouée à la flûte me parvint aux oreilles. Elle m’était familière. J’avais déjà entendu cet air une fois… Dans un autre cauchemar…
Je plaquai mes mains sur mes tempes, ne supportant pas ce bruit. Bruit qui était mêlé aux « tic-tac » qui refusaient de s’arrêter. Je laissai échapper un gémissement de douleur.


Allez, réveille-toi… Réveille-toi… C’est terminé tout ça…

Je voulus me raccrocher à des images du présent, étant soudainement lucide, dans ce cauchemar. J’étais dans le manoir d’Adam. Ce n’était pas réel, tout ça. Je n’étais plus là-bas, dans ces deux lieux que je haïssais, qui étaient synonymes d’atrocités.
Je baissai une main pour me pincer violemment le bras.



J’ouvris les yeux, le cœur battant à toute vitesse. Mes joues étaient mouillées, et j’essuyai mes larmes d’un revers de la main. Ces cauchemars étaient récurrents, mais ils s’empiraient, à chaque fois. Et la mélodie était toujours là, dans mon esprit, même si elle était moins forte. Je devais l’avoir entendu lors de ces mauvais souvenirs. Je ne m’en souvenais pas, mais elle ne sortait pas de nulle part. Et désormais, elle tournait en boucle dans ma tête.

Suite à ma fuite de notre appartement, à Connor et moi, je m’étais réfugiée chez mon amie d’enfance, Carla. Plusieurs jours plus tard, elle avait fait appel à certaines de ses connaissances pour aller chercher le reste de mes affaires, ne voulant pas que j’y retourne, et puisque je refusais qu’elle y aille.
Cette femme avait été ma planche de salut.

En nage, non à cause de la chaleur de cette saison, mais de mon songe, je me levai pour aller me passer de l’eau sur le visage dans la salle de bain. Puis j’allai ouvrir la fenêtre de la chambre. Je croisai mes bras sur le rebord. La brise fraîche fut agréable et je pris une grande inspiration. C’était calme, à l’extérieur, alors que la nuit était déjà très avancée. Apaisant. La flûte dans mon crâne se calma encore un peu.

Je restai ainsi quelques minutes, jusqu’à ce que j’aperçoive une silhouette, en contrebas. Même s’il faisait sombre, j’avais la sensation qu’il s’agissait d’Adam, pour le peu que je pouvais voir grâce aux rayons de la lune. Il était assis sur les marches du porche. J’ignorais s’il avait entendu ma fenêtre s’ouvrir ou non. En tout cas, il ne bougea pas.

Je m’éloignai du rebord, puis refermai. J’hésitai ensuite un instant, puis soupirai. J’avais du mal à croire que j’allais faire cela, mais c’était ainsi. Et s’il n’avait pas envie d’être dérangé, il me le ferait savoir. J’enfilai une fine veste par-dessus ma chemise de nuit et quittai la chambre. Je descendis les marches, parcourus le rez-de-chaussée en un temps record et ouvris la porte d’entrée. Je la refermai doucement derrière moi, comme si j’avais peur de faire trop de bruit, alors même qu’il m’avait forcément entendue. De plus, la lumière automatique de l’entrée s’était enclenchée, captant mes mouvements.

Je m’approchai lentement et il finit par tourner la tête vers moi, lorsque je fus au même niveau que lui. Je m’assis à l’autre bout de la marche, mon épaule contre la rampe d’escalier. Mon visage pivota dans sa direction, et je soutins son regard. Il m’observa avec un mélange de sérieux et d’interrogation, se demandant sûrement ce que je faisais là, avec lui. Je ne le savais pas moi-même. C’était comme si j’avais senti qu’il avait besoin de soutien. Et il m’avait tant aidé, grâce aux rêves, que j’avais envie de lui montrer qu’il n’était pas seul. Quelque part, à moi aussi, cela me faisait du bien.

Et j’avais eu raison, en voyant une émotion bien sombre au fond de ses yeux, grâce à la lumière temporaire. J’eus un petit sourire triste et haussai une épaule, comme si cela pouvait tout expliquer. Il ne réagit pas tout de suite, puis finit par arborer la même expression, pendant un instant. Il ne me posa aucune question. Moi non plus. Mais son regard semblait dire « Je comprends ». Le mien également. J’ignorais ce qu’il avait pu vivre, mais on ne ressentait pas une telle peine sans raison. Et en quatre siècles, il avait dû avoir le temps de connaître des horreurs.

Il reporta son attention devant lui, fixant le sommet des arbres de la forêt, loin devant nous, derrière le grand portail du manoir. Je le regardai encore un instant, avant de faire de même. Je mis ma tête contre la rampe, respirant calmement. La présence d’Adam, l’air frais et la douce mélodie des bruits nocturnes chassèrent progressivement celle de la flûte.

À partir de là, je n’eus plus vraiment de notion du temps. Je savais juste que des heures s’étaient écoulées, puisque l’aube avait commencé à pointer le bout de son nez, avant que je me mette à somnoler. Aucun de nous ne bougea ni ne parla. Mais cela faisait énormément de bien de ne pas être seule. Et j’avais la conviction qu’il en allait de même pour lui.

Je finis par m’endormir, sereine. Je m’en fichais, d’être bien trop proche d’un vampire, alors que je m’endormais, laissant paraître une telle position de faiblesse.

Pour la première fois depuis longtemps, j’avais confiance.

---

Chapitre 7
Chapitre 9
Dernière modification par Chlawee le mar. 29 juin, 2021 10:04 am, modifié 1 fois.
Pendergast

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Re: Neeve, Tome 1 : L'éveil des Ombres [Fantastique, bit-lit, romance] (Chapitre 8)

Message par Pendergast »

Bonjour, :o quel chapitre, plein de tension et de suspense, et le souvenir de Neeve, Connor est vraiment un sale type ! :evil: Plus qu'à attendre la suite ! Bonne journée
lacrystal

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Re: Neeve, Tome 1 : L'éveil des Ombres [Fantastique, bit-lit, romance] (Chapitre 8)

Message par lacrystal »

Hello !
C'est pas grave pour le jour fixe, on sera quand même là toutes les semaines pour tes nouveaux chapitres :D

Alors alors alors, de 1, je veux tout de suite emménager chez les River parce que je veux absolument goûter aux pancakes de Neeve. Ensuite c'est vraiment chouette de rencontrer de nouveaux vampires de cette famille ! Je sens je vais tous les aimer (même si Brooke n'a pas l'air commode et que je n'ai absolument pas envie de rencontrer les Harpies) ils ont l'air tous d'être des vampires vraiment "gentil" genre ils ont l'air de ne pas vouloir faire de mal aux humains, continuer de vivre comme eux, etc.

Par contre. Connor. Mais Connor.
Je vais le prendre. Le mettre dans une boîte. Puis je vais secouer cette boîte bien fort. Et on verra ce qui en sortira (je suis allée la sortir loin cette ref, je sais pas si tu l'auras xDD)
Autre plan : je le mets dans une boîte, je mets cette boîte dans une autre boîte, je m'envoie cette boîte par la poste et quand elle arrivera, hahah, je l'écrabouillerai avec un marteau !!! C'est brillant brillant! Du génie à l'état pur ! (elle je te l'ai déjà sortie je crois xDD)

En bref, lui et Josh ils vont en prendre plein. La. Gueule. Je vais les atomiser.

Neeve la pauvre :( ça a dû être tellement difficile pour elle ! *lui fait un gros câlin*
T'inquiète tu as Adam maintenant <3

Et la fin là ;-; Bon maintenant je veux voir ces deux-là en couple, c'est obligé là déjà ils se sont vu en rêve pendant des jours, ça ne veut pas rien dire !

Pour conclure, j'ai beaucoup aimé ce chapitre *-*
J'ai hâte de lire la suite :D

Bisous :*
Chlawee

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Re: Neeve, Tome 1 : L'éveil des Ombres [Fantastique, bit-lit, romance] (Chapitre 8)

Message par Chlawee »

Pendergast a écrit : jeu. 24 juin, 2021 12:38 pm Bonjour, :o quel chapitre, plein de tension et de suspense, et le souvenir de Neeve, Connor est vraiment un sale type ! :evil: Plus qu'à attendre la suite ! Bonne journée
Hey ! :D Oui. :evil:
Merci et bonne journée ! :D
lacrystal a écrit : jeu. 24 juin, 2021 8:00 pm Hello !
C'est pas grave pour le jour fixe, on sera quand même là toutes les semaines pour tes nouveaux chapitres :D

Alors alors alors, de 1, je veux tout de suite emménager chez les River parce que je veux absolument goûter aux pancakes de Neeve. Ensuite c'est vraiment chouette de rencontrer de nouveaux vampires de cette famille ! Je sens je vais tous les aimer (même si Brooke n'a pas l'air commode et que je n'ai absolument pas envie de rencontrer les Harpies) ils ont l'air tous d'être des vampires vraiment "gentil" genre ils ont l'air de ne pas vouloir faire de mal aux humains, continuer de vivre comme eux, etc.

Par contre. Connor. Mais Connor.
Je vais le prendre. Le mettre dans une boîte. Puis je vais secouer cette boîte bien fort. Et on verra ce qui en sortira (je suis allée la sortir loin cette ref, je sais pas si tu l'auras xDD)
Autre plan : je le mets dans une boîte, je mets cette boîte dans une autre boîte, je m'envoie cette boîte par la poste et quand elle arrivera, hahah, je l'écrabouillerai avec un marteau !!! C'est brillant brillant! Du génie à l'état pur ! (elle je te l'ai déjà sortie je crois xDD)

En bref, lui et Josh ils vont en prendre plein. La. Gueule. Je vais les atomiser.

Neeve la pauvre :( ça a dû être tellement difficile pour elle ! *lui fait un gros câlin*
T'inquiète tu as Adam maintenant <3

Et la fin là ;-; Bon maintenant je veux voir ces deux-là en couple, c'est obligé là déjà ils se sont vu en rêve pendant des jours, ça ne veut pas rien dire !

Pour conclure, j'ai beaucoup aimé ce chapitre *-*
J'ai hâte de lire la suite :D

Bisous :*
Hello ! :D Merci !
Oh ben pas besoin de déménager là-bas elle peut te faire livre ses pancakes si besoin. 8-) (Après la piscine du manoir est super cool.)
Ah mais bien sûr que j'ai la ref ! *-* Gad Elmaleh enfin !
Allez hop ! Ref de Kuzco. 8-)
Grave ! Faut qu'on commence à fomenter un plan contre eux... :ugeek:
:lol: :lol: Elle a pas "encore" Adam, hein. :mrgreen:
Merciii ! :D
Chlawee

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Re: Neeve, Tome 1 : L'éveil des Ombres [Fantastique, bit-lit, romance] (Chapitre 9)

Message par Chlawee »

Bonjour ! Je suis à l'heure cette fois ! :lol: J'espère que ce chapitre vous plaira, même s'il est un peu long !
Bonne lecture !

Chapitre 9


Après avoir enfin terminé ce maudit croquis représentant un oiseau, j’avais fini par céder au désir de poursuivre celui d’Adam. Je ne cessais de me répéter que c’était cela que je voulais vraiment dessiner, ce qui m’avait empêché d’avancer rapidement dans mon autre projet. Mon regard s’attardait dessus bien plus que nécessaire à chaque fois que j’ouvrais mon carnet et que la page contenant le début de son portrait se présentait. Et je n’avais pas le moindre désir de commencer une autre esquisse. De plus, il n’y avait personne pour voir cela, dans la bibliothèque.

Après notre entretien quotidien dans cette pièce - les entraînements ne se passant pas toujours dehors -, Cristobal était parti mais m’avait dit que je pouvais rester ici, si je le souhaitais. C’était calme et j’aimais beaucoup cette salle. Et puisque j’étais installée sur une petite table, au fond, je pouvais voir si quelqu’un entrait. J’aurais le temps de changer de page de carnet. Je n’avais pas trop envie que tout le monde voit que je dessinais le vampire.

Un peu plus d’une semaine s’était écoulée depuis que je m’étais endormie sur les marches du perron, aux côtés d’Adam. Par la suite, j’avais rouvert les yeux sur le plafond de ma chambre. Il m’avait portée jusque-là et, loin d’en être effrayée, j’avais été touchée par ce geste. Depuis, je l’avais rejoint dehors, en pleine nuit, plusieurs fois, lorsque j’avais vu qu’il s’y trouvait. Il lui arrivait de me réveiller en me secouant doucement, quand le soleil s’était levé et qu’il constatait que mon sommeil était plus léger. Une fois, j’étais même sortie avant lui, ne parvenant pas à dormir, encore une fois. Nous ne disions jamais grand-chose, mais c’était suffisant. J’aimais assez ce moment apaisant, bien différent de tous les tracas qu’il pouvait y avoir durant la journée.

Journées qui étaient rythmées par mes entraînements. Avec Cristobal, pour mes ombres, Emma pour ma télékinésie, et Adam, pour les énergies. Je faisais des progrès, ne me laissant plus autant submerger par la crainte et la nervosité, ou l’irritabilité causées par les contrecoups, même s’il y avait encore du chemin à faire. Et mon contrôle sur ma capacité capable de causer pas mal de dégâts était assez aléatoire. Adam affirmait que c’était normal, au début. Oh, oui, j’espérais bien que cela s’arrangerait, histoire que je ne détruise pas le manoir…

Je ne voyais plus beaucoup les autres membres du clan. Seuls celui qui avait hanté mes rêves, ma nouvelle amie, ainsi que Nora semblaient être toujours là. Tim passait parfois, mais je le voyais surtout en coup de vent. Lucian et April ne cessaient de faire des allers-retours entre le manoir et un autre endroit dont je ne connaissais presque rien, mis à part que des vampires influents s’y trouvaient et pourraient m’aider. Ils affirmaient qu’ils étaient près du but. La plupart du temps, quand je les voyais, je décelais une pointe de peine, dans leurs yeux, même s’ils faisaient tout pour le cacher. Je savais qu’ils m’avaient connu quand j’étais toute petite, d’après les dires d’April et cela devait les rendre nostalgique de me voir, alors que je n’avais aucun souvenir d’eux. J’avais parfois envie de sortir du terrain du manoir, pour découvrir le fameux village de Clelles, mais je prenais mon mal en patience. Le jardin étant immense, je pouvais toujours marcher à l’extérieur, seule ou non. Je préférais largement cela plutôt que de me mettre en danger dehors.

J’étais certaine que les autres pouvaient me défendre, mais je ne voulais pas qu’ils courent le moindre risque à cause de ma bêtise. Une fois, Emma m’avait proposé de m’accompagner, un peu à reculons, si je voulais aller au-delà du portail du manoir, mais je lui avais assuré que je pouvais attendre. Elle paraissait à la fois soulagée et inquiète. Tout comme Adam, qui semblait haïr profondément le fait que je doive rester dans un certain périmètre, sans être libre d’aller où bon me semblait. Je leur avais donc dis que pour l’instant, j’appréciais déjà beaucoup les promenades dans ce grand jardin avec eux et surtout, je n’avais absolument pas le temps de m’ennuyer, avec mes entraînements, que j’attendais désormais avec autant d’appréhension que d’impatience. Mais chaque jour, c’était l’impatience, qui gagnait du terrain. J’avais envie de connaître l’étendue de mes capacités, de savoir jusqu’où je pouvais aller, où se trouvaient mes limites. Je proposais parfois quelques idées, quand je m’imaginais réaliser quelque chose. Cela fonctionnait une fois sur cinq, mais c’était un début.

Alors que j’étais en train de repasser le crayon sur les yeux pour accentuer les traits, je me stoppai et me fis la réflexion que jamais je ne pourrais saisir l’intensité des émotions d’Adam à l’intérieur. J’eus un léger sourire. Cela ne serait jamais possible. Le meilleur dessinateur ne pourrait pas le faire. Je me remis au travail en sifflotant le même air, encore et encore. Je pestai en me rendant compte que j’avais recommencé, après plusieurs tentatives pour cesser de répéter cette mélodie lancinante. Celle de la flûte. J’en avais assez, de l’avoir dans la tête. J’avais dû l’entendre quand j’étais petite, même brièvement en ayant côtoyé des vampires, puisque mon père était proche de certains, et que pleins de sensations diverses me revenaient à la figure suite aux événements récents, cela en faisait partie également. Je mis ma tête en appui sur une main, commençant à râler toute seule, car j’en avais assez d’entendre ça.

Je levai les yeux en entendant frapper contre la porte. Emma se tenait dans l’entrebâillement, avec son habituel air gai. Je lui rendis son sourire.

— Ah, tu tombes bien ! soupirai-je. Tu ne connaîtrais pas un certain air à la flûte ? Ça fait…

Alors qu’elle s’approchait, curieuse, je me remis à siffloter, afin de lui faire écouter cette mélodie que je commençais à réellement trouver atroce.
Elle arriva à hauteur de ma table, les bras croisés, écoutant attentivement. Elle prit un air pensif, puis secoua la tête.

— Non, désolée. Pourquoi ? s’enquit-elle.
J’eus une petite moue de déception.
— J’ai cette musique dans la tête presque tous les jours, grommelai-je. Impossible de me souvenir d’où elle vient.
— Met d’autres musiques ? me conseilla-t-elle.

Je hochai la tête. J’allais faire ça, oui.
Elle déposa quelque chose sur la table. Je me redressai en reconnaissant mon médaillon. Je lui adressai un regard de gratitude en le prenant et en l’accrochant autour de mon cou. Je m’étais sentie un peu nue, sans lui. Plusieurs fois, j’avais voulu l’attraper, pour me rassurer, par réflexe, mais mes doigts se refermaient sur le vide.

— J’ai mis des morceaux de branches de rosiers sauvages à l’intérieur, m’expliqua-t-elle.

Mon sourire se fit encore plus grand. J’avais enfin une protection contre de potentielles tentatives d’hypnose de la part d’un vampire. Je n’ouvrirais pas le médaillon, afin de ne pas faire tomber ce qu’elle y avait mis. De toute façon, je ne le faisais jamais. Je n’avais pas vraiment de photo à glisser à l’intérieur et ce serait trop petit.

— Merci.
Elle me fit un clin d’œil.
— De rien ! Je t’avais dit que je le ferais. Bon, je dois y aller !

J’opinai, consciente qu’elle devait aller chercher des poches de sang, aujourd’hui. Elle recommença à s’éloigner, mais elle se tourna une dernière fois vers moi.

— Vraiment, n’hésite pas à mettre la musique si tu le souhaites, me dit-elle.

Je levai le pouce, et elle sortit de la pièce. En réalité, ce n’était pas bien grave d’avoir une mélodie dans la tête et elle n’était pas obligée de me dire cela, mais elle ne manquait pas une occasion de me faire comprendre que j’étais libre de faire ce que je voulais, ici, ce dont je lui étais sincèrement reconnaissante.

Je pris mon portable et ouvris l’application contenant mes morceaux préférés. Je me mis à chercher mes écouteurs, et me rendis compte que je les avais laissés dans la chambre. Repensant aux paroles d’Emma, je haussai une épaule et me dis que je me passerais de cela. J’augmentai assez le volume pour que je ne sois plus concentrée sur la mélodie de la flûte, mais pas assez pour déranger les vampires dans les parages. Du moins, je l’espérais. Et dans le pire des cas, ils viendraient me dire de baisser le son.

Body Crumbles, de Dry Cell, se lança dans ma playlist, en aléatoire. J’eus un rictus presque victorieux. J’adorais cette chanson, et je décidai que le fait que les musiques commencent par celle-ci était un bon signe.
Tout en reprenant mon dessin, je me mis à chanter. Au début, je ne faisais que marmonner, mais ce fut de plus en plus fort, à mesure que j’oubliais progressivement où j’étais, concentrée.

Finally I find, when I lose control, inside my body crumbles!
Je me mis également à agiter mon pied sous la table, en rythme, tandis que je dessinais un peu mieux les lèvres.
— It’s like therapy for my broken soul, inside…
— … my body crumbles!


Je sursautai en reconnaissant la voix du vampire. Adam était adossé à la porte de la pièce, un sourire aux lèvres. Je ne savais pas depuis combien de temps il était là, mais il paraissait enjoué. Surtout par ma réaction. Je refermai doucement le carnet, alors qu’il s’avançait dans la pièce, sans cesser de chanter.

— Is it tokay to be myself? Why do we always have to fight? poursuivit-il. It’s all right!

Sa voix habituellement calme, grave, qui avait pu me donner quelques frissons dans mes rêves - et même dans la réalité, si je voulais être honnête avec moi-même -, était plus poussée, lorsqu’il chantait. Et le résultat était vraiment bon. Je devais être en train de le fixer avec des yeux écarquillés. Il marquait des points, à connaître cette chanson. Puis il m’adressa un signe de tête, et nous nous mîmes à chanter la suite ensemble :

— Finally I find, when I lose control, inside my body crumbles! It’s like therapy for my broken soul, inside my body crumbles!

Nous continuâmes jusqu’à la fin du morceau, chantant de plus en plus fort jusqu’à ce que cela me fasse presque rire en même temps. Il n’avait pas fait une seule fausse note.
Ma playlist passa ensuite à une mélodie bien plus calme.

— Tu aurais dû te lancer dans la chanson, déclarai-je une fois la musique terminée.
Il haussa une épaule et sourit, avant de s’assoir sur le bord de la table.
— J’y ai déjà pensé plus d’une fois, il est vrai, répondit-il avec un air un peu théâtral, faussement modeste.
Je secouai la tête, amusée, en rangeant mes crayons.
— Tu as une jolie voix, fit-il remarquer, plus sérieusement.

Je devais admettre que j’étais plutôt flattée. Auparavant, je chantais. Mais c’était il y a bien longtemps. Quelque part, j’étais contente de ne pas avoir tout perdu. Je le faisais encore parfois, mais seule.

— Merci. Alors, tu voulais me voir pour quelque chose en particulier ou tu as été attiré par la musique ? souris-je.
— Un petit entraînement, ça te dit ?
Je hochai la tête et repoussai ma chaise.
— C’est parti, acceptai-je en attrapant mes affaires.
Il se leva.
— Ou on peut rester faire un karaoké, si tu préfères ? me taquina-t-il.
Je roulai des yeux.
— Si je suis bourrée, un jour, peut-être, rétorquai-je.
— J’ai une réserve de bouteilles, si tu veux, railla-t-il.

Avec un sourire malicieux, je le poussai en direction de la sortie. Du moins, j’essayai. Il était plutôt robuste. Il s'amusa de mes vaines tentatives pour le traîner à travers la bibliothèque et ne me facilita pas la tâche une seule seconde.

~


— Allez encore un petit effort ! s’exclama Adam en lançant quelque chose dans les airs.

Je fixai la branche et me concentrai une fois de plus. Mais je commençais à fatiguer, et ma vague d’énergie l’atteignit faiblement, faisant à peine dévier sa trajectoire. Je mis mes mains sur mes hanches et la regardai retomber sur le sol en soupirant.

— Au moins il y a eu plusieurs réussites…, grommelai-je.

Il se rapprocha de moi, observant la pelouse jonchée de bouts de bois. Bouts de bois qui étaient déjà détachés des arbres, je tiens à le préciser. Je ne voulais pas faire plus de mal à la nature seulement pour mes entraînements.

— Tu fais des progrès, déclara-t-il. Ça viendra de plus en plus naturellement avec le temps.

Il me sourit et je me surpris à penser que j’avais très envie de chasser une petite mèche blonde qui venait de barrer son front. Je dus attraper mes mains derrière mon dos pour m’en empêcher.

— Et puis j’ai de très bons professeurs, ajoutai-je avec un sourire un peu gêné.

Oui, j’étais gênée à cause de mes réactions. Et du fait que soudainement, je ne parvenais plus à soutenir son regard si sombre. Je fis donc mine d’observer les alentours avec attention. Mais cela devint vrai lorsque je sentis une vague nausée pointer le bout de son nez, ainsi qu’un léger frisson dans ma nuque. J’avais remarqué que plus les jours passaient, plus le malaise s’amenuisait, étant remplacé par cette sensation, dans mon cou. La présence des vampires me rendait moins malade, mais j’en avais toujours conscience.

Je cherchai les nouveaux venus du regard. Plus loin, Lucian et April avançaient. Encore une fois, je fus frappée par leur prestance. Les longs cheveux bruns de l’homme, qui lui arrivaient jusqu’au milieu du dos, étaient presque aussi longs que ceux de la femme. Leurs yeux bleus étaient pénétrants. Ils paraissaient si semblables et si différents à la fois… C’était étrange, puisqu’ils dégageaient une aura de puissance assez forte, et pourtant, je ne me sentais plus menacée. Plutôt protégée. Presque rassurée.

Le visage de Lucian se fendit d’un sourire avenant, serein. Celui de sa femme était plus timide. Comme à chaque fois. J’essayais de les mettre à l’aise, mais il y avait toujours une certaine tension, entre nous. Surtout avec elle.

— Bonjour, les saluai-je, un peu nerveuse.
— Comment vas-tu ? s’enquit Lucian.

Ils adressèrent un signe de tête à Adam, qui le leur rendit, même si celui adressé à Lucian était plus appuyé. Si je n’avais pas assisté à beaucoup de moments de complicité entre eux deux, je ressentais presque la force de leur amitié. Cela était évident, tout simplement, bien qu’ils ne montrent pas grand-chose.

— Je vais bien, le rassurai-je avec désinvolture. Les entraînements… (Je coulai un regard incertain à Adam.) … avancent ?
Il hocha la tête, amusé.
— Oui, tu peux le dire, me confirma-t-il.
Je soupirai de soulagement. Mon manque de confiance parût attendrir April.
— Ravie de l’entendre, assura-t-elle. Je suis sûre que tu vas rapidement devenir aussi puissante que nous. Voire plus.

Même si ce n’était pas une idée qui m’aurait enchanté, des semaines plus tôt, désormais, je trouvais plutôt cela grisant d’exploiter ma magie. Je n’aurais pas craché sur des progrès encore plus grands. Mais de là à être plus forte qu’eux…

Quand il avait empêché le vampire de m’enlever, à ma fac, j’avais pu avoir un aperçu de deux capacités de Lucian, alors que j’étais presque inconsciente. Il m’avait expliqué, plus tard, que quand il avait mis ses mains sur les tempes de son ennemi, il s’était servi d’un pouvoir d’illusion, ce qui expliquait pourquoi l’attaquant avait eu aussi peur. Et il n’avait pas volé à la manière d’autres vampires, mais il marchait littéralement dans le vide. Il était capable de faire apparaître des ponts ou des boucliers invisibles et cela lui demandait moins d’énergie que de voler. Et ma mâchoire s’était décrochée quand j’avais su qu’il était également doué de télépathie par images (il ne parlait pas vraiment dans l’esprit des autres, mais pouvait montrer des choses), et qu’il se clonait. En revanche, il me semblait que cela demandait beaucoup de forces.

April, elle, pouvait se rendre intangible ou faire en sorte que des objets le soient. Elle m’en avait fait la démonstration et cela avait été un moment à la fois fascinant et frustrant, puisqu’il m’était impossible d’attraper le crayon se trouvant devant moi, ma main ne faisant que le traverser. Et enfin, il lui était possible d’insuffler du bien-être ou de la douleur à quelqu’un. Mais là, je n’avais pas voulu de démonstration. Et elle ne paraissait pas prête à m’en faire une de toute manière.
Le visage de Lucian se referma quelque peu. Je fronçai les sourcils.

— Tu vas bientôt pouvoir bénéficier pleinement de la protection de notre clan, déclara-t-il.

La surprise passée, j’ouvris la bouche pour dire qu’il s’agissait d’une excellente nouvelle, mais à voir leur tête, cela paraissait être le contraire.

— Ce n’est pas une bonne chose… ? tentai-je.
— Si, bien sûr, intervint April. Mais une personne en particulier voudrait te voir, pour ça…

Ma gorge s’assécha. Qui cela pouvait-il bien être pour qu’ils donnent le sentiment que nous courrions droit à la catastrophe ? À côté de moi, Adam se tendit, comprenant l’enjeu bien avant moi.

— Qui ? insistai-je.
Elle se ressaisit et afficha une expression plus confiante. Lucian essaya de faire de même.
— Le roi. Notre roi, expliqua ce dernier.
J’écarquillai les yeux. Un roi. Rien que ça. Je secouai légèrement la tête pour me reprendre.
— Attendez… Il y a un roi pour les vampires ?
— Oui. Nous espérions que tu n’aurais jamais à le voir, grogna April, ses magnifiques yeux bleus levés vers le ciel.

Je déglutis. Ça voulait dire quoi, ça ? Qu’il pourrait en avoir après moi ? Se rendant compte de mon inquiétude, elle voulut se rattraper :

— Tu ne cours aucun danger. (Adam laissa échapper un « tss » démontrant qu’il n’était pas convaincu. Elle le foudroya du regard.) Mais il veut te rencontrer en chair et en os.

Pendant un instant, je fus à deux doigts de croire que j’avais halluciné, et que c’était bel et bien le vampire blond à côté de moi qui était capable de cryokinésie, et non Nora, puisque j’avais l’impression de sentir un courant glacial émaner de lui. Il gardait cependant une expression qui se voulait impénétrable. Je le regardais du coin de l’œil, me demandant si je ne devrais pas paniquer, vu sa réaction. Le fait qu’il pense que cette rencontre n’était pas une bonne idée me poussait à croire qu’en effet, ce n’en était pas une.

— Vraiment ? fit-il, sèchement.

Si son visage ne laissait rien paraître, sa voix, en revanche, se chargeait du sale boulot. Lucian lui adressa un regard appuyé. En retour, Adam haussa un sourcil. Mes yeux passèrent de l’un à l’autre, comme si j’assistais à un match de tennis. En quatre siècles, ils avaient dû développer un langage silencieux bien à eux. Le brun se tint encore plus droit, déterminé.

— Oui, vraiment, répondit-il.
— Il ne pouvait pas se contenter d’accepter ? enchaîna Adam. Il se fout complètement de tout, d’habitude. Pourquoi a-t-il fallu qu’il s’en mêle autant ?
— Qui sait ce qui peut se passer dans son esprit, soupira la vampire.
— Notre requête et cela l’a intrigué au plus haut point, renchérit Lucian. Il se demande pourquoi nous insistons autant pour elle.
Je devinai que le roi devait s’ennuyer, en réalité.
— Je parie qu’il est très ancien, lançai-je, avec un air un peu distrait.
Le silence tomba autour de nous. Je ne me rendis pas compte tout de suite qu’ils m’observaient avec surprise.
— Il faut bien trouver de quoi s’occuper, pendant ces longs siècles, poursuivis-je en hochant la tête, comme si j’étais un génie d’en être arrivée à cette déduction.
Je haussai une épaule.
— Alors le coup de la petite humaine fraîchement débarquée dans un clan de vampires, qui demande asile, ça a dû l’intéresser, oui, terminai-je. Parce que ça ne doit pas arriver souvent, si ?
Adam serra les mâchoires puis secoua la tête. C’était bien ce que je pensais.
— Voilà pourquoi, soufflai-je. Eh bien, super. J’ai hâte de faire sa rencontre.

Pour ma défense, mon ton ironique n’était pas voulu. Il découlait directement de ma nervosité. Je pris une grande inspiration, la peur et l’adrénaline me procurant un nouveau pic d’énergie. Je me tournai vers mon camarade de vagues d’énergie.

— On reprend ? proposai-je. Je me sens à nouveau en forme !

Sans attendre sa réponse, je m’éloignai pour aller ramasser les bouts de bois, en vue des exercices à venir. J’allais rencontre le roi.
Hors de question d’être sans défenses si les choses dégénéraient.

~


Je me retrouvai devant un étroit escalier que je n’avais jamais vu, n’osant pas tellement m’y aventurer. En bas, le couloir était plongé dans l’obscurité. Certes, les ombres, c’était mon truc, mais il y avait des limites.

Je venais de terminer un entraînement avec Emma et Adam. C’était assez marrant, elle animait des objets et je devais essayer de leur faire faire d’autres mouvements par ma télékinésie, ou bien les repousser par de l’énergie - je n’avais jamais vu autant de balais, de boîtes en carton et de magazines sur une pelouse. Mon amie avait fini par s’absenter et Adam paraissait occupé. Les autres n’étant pas dans le coin non plus et ne désirant pas être recluse dans ma chambre, j’avais décidé de visiter le manoir de fond en comble. Je ne l’avais pas vraiment fait jusqu’ici et les lieux étaient immenses. Je n’avais vu que la chambre d’Emma, le reste m’était encore assez mystérieux, et le resterait sûrement.

Et si cela pouvait m’éviter de trop penser à ma future rencontre avec le roi, ça m’arrangeait. Il n’y avait plus qu’à espérer qu’il se contente de me jeter un coup d’œil de loin, à cette fameuse réunion et de se faire une idée en se basant sur sa première impression.
Enfin… je préférerais quand même que cette première impression soit bonne.

C’est ainsi que je m’étais retrouvée devant une porte, au fin fond d’un couloir, qui donnait sur ledit escalier. Après avoir pesé le pour et le contre sur le fait de m’y aventurer, je haussai une épaule et me dis que cela devait être un sous-sol tout à fait banal. Du moins, banal… Rien ne l’était vraiment, ici. Qu’est-ce qu’il pourrait bien y avoir de dangereux ? On m’aurait prévenu de ne pas y aller, si j’avais risqué quelque chose.

J’appuyai sur l’interrupteur et descendis les marches baignées dans une lumière jaunâtre. En bas, je vis un couloir immense. J’ouvris plusieurs portes, dont une qui donnait sur une pièce contenant le fameux réfrigérateur de poches de sang - que je m’empressai de refermer. Les autres s’ouvraient sur des chambres. J’abaissai la poignée d’une autre.
Je ne me rendis compte qu’après que je ressentais une pointe de malaise. Je restai bouche-bée en voyant le spectacle qui se dressait devant moi.

Un homme était allongé dans un grand lit à la couverture bleue, à moitié adossé contre le mur. Sa longue chevelure retombant sur les draps était grisâtre, même si je pouvais distinguer des mèches d’un noir corbeau à quelques endroits. Son visage était creusé, ses cernes tranchaient avec le blanc presque cadavérique de sa peau. Ses mains semblaient trembler. Il paraissait jeune, tout en étant rattrapé par la vieillesse, à la fois. Il avait un visage assez mignon, ses traits étaient fins, mais le fait qu’il donne l’impression d’être à deux doigts de s’écrouler susci-tait plus l’inquiétude que la fascination.

De plus, ses yeux étaient rivés sur moi. Et ceux-ci étaient dans les tons rouges et orangés. Il devait avoir soif. J’écarquillai les miens et reculai d’un pas. Pourquoi ne m’avait-on pas prévenue ? Et surtout… que faisait-il ici, au sous-sol ? Il paraissait faible, était-il retenu contre son gré ? Ne pouvait-il pas quitter ce lit ?

La chambre était petite et plutôt bien remplie, comme si, de cette façon, il n’aurait pas du tout besoin de sortir. Il y avait une grande télévision, avec une console de jeux-vidéos à côté, ainsi qu’un lecteur DVD. Des piles de CD et de films étaient tout près, parfaitement alignées. Plus loin, il y avait une grande étagère remplie de livres, si bien classés que je me serais crue dans une bibliothèque. Et encore, les romans étaient, ici, étaient mieux rangés. Ici, tout était disposé de sorte à ce que rien ne dépasse. Au fond, une autre porte entrebâillée me lais-sait entrevoir une salle de bain. Tout était à la fois impeccable et terrifiant.

Face à ma réaction, le vampire leva faiblement une main, presque suppliant. Son geste attira mon regard et mes yeux se posèrent à nouveau sur lui. Je me rendis compte que j’avais cherché à analyser la pièce dans laquelle il se trouvait, au cas-où il y aurait un danger pour moi, ou… peut-être pour lui. J’avais une main sur le montant de la porte, prête à partir, mais tout de même figée. Mon attention resta obstinément sur ses mains pâles, n’osant rencontrer les deux iris montrant sa soif.

— Je ne te ferai aucun mal, m’assura-t-il d’une voix douce qui me donnait envie de le croire.
Je ne bougeai pas et voulus dire quelque chose, mais rien ne me vint.
— Tu dois être Neeve…

Je croisai enfin son regard et un frisson glacial parcourût ma colonne vertébrale. La couleur de ses yeux me rappelait un horrible souvenir. Ma gorge se serra et j’eus l’impression d’avoir la tête qui tournait. Je parvins à peine à la hocher.

— On m’a pas mal parlé de toi, ajouta-t-il avec un léger sourire qui aurait été attendrissant si je n’avais pas été dans un tel état. Tu as bouleversé leur petite vie tranquille, en quelque sorte.

Sa dernière phrase était dite sur un ton léger, mais je n’eus pas le cœur à rire ou à me montrer moins crispée.

— Oh, Malia…

Je vis avec horreur des larmes rouler sur les joues de ma mère. Elle n’essayait même plus de se débattre. Je me relevai péniblement sur un coude, après avoir été violemment poussée en arrière, me faisant chuter sur le goudron. Je voulais l’aider, mais quand j’essayais, l’homme terrifiant m’éloignait.


— Neeve… ?

J’entendais à peine le vampire, dans le lit, m’appeler.
L’agresseur tourna encore une fois son visage vers moi. Son expression refléta de l’agacement. Ses yeux étaient écarlates.

— Je t’ai dit de ne pas bouger, petite.

Puis sa silhouette se fit floue et il parût disparaître, avant qu’une douleur lancinante n’éclate au niveau de mon cou.

Je sortis de ce douloureux souvenir lorsqu’on prononça à nouveau mon nom, dans la réalité. Je clignai plusieurs fois des paupières pour me ressaisir.

— Je…
Voyant que j’allais enfin me mettre à parler, il se contenta de me fixer, patient, me laissant le temps de chercher mes mots.
— Je ferais mieux de retourner…
— Attends, s’il te plaît.

Je fis tout de même un autre pas en arrière. Il se passa une main sur le visage et j’eus la désagréable sensation que cet effort allait l’achever.

— Je ne voulais pas te faire peur. Malheureusement, j’ai toujours ce regard-là, peu importe si je me nourris bien, expliqua-t-il. Au moins, mes yeux ne sont pas complètement rouges, c’est déjà ça…
Sa tentative de plaisanterie flotta entre nous, dans un échec cuisant. Il s’en rendit compte assez vite.
— Je ne pourrais pas t’attaquer, même si je le voulais, enchaîna-t-il. (Je me doutais qu’il essayait de me rassurer mais ça ne marchait pas des masses.) Je suis bien trop faible pour ça.

Il regarda en face de lui, et je suivis la direction de ses yeux. Il y avait une horloge murale.
Tic, tac…
Pas maintenant, Connor.


Il soupira et je profitai d’un instant de silence pour prendre une grande inspiration et calmer les battements de mon cœur. Je luttai pour chasser les images de l’agression de mon esprit.

— Je sais que je ne suis pas rassurant mais… est-ce que tu pourrais me rendre un petit service ?
Alors que tout mon être me criait de repartir, je ne bougeai pas, intriguée malgré moi.
— Il y a un frigo dans la pièce d’en face et j’aurais besoin de deux poches de sang, est-ce que tu…
Il se coupa et secoua la tête. Il laissa échapper un léger rire un peu nerveux.
— Laisse tomber, ça ne fait rien, conclut-il.

Je ne savais pas trop quelle tête je faisais, mais il n’avait pas dû trouver ça de très bon augure. Surtout aux mots « poches de sang ».

— Bonne journée, me souhaita-t-il, anticipant mon départ, avec un sourire serein.

Je refermai la porte sans me laisser le temps de réfléchir. Je restai quelques secondes plantée là, encore sous le choc. Un vampire alité. Mal en point. Très faible. Je ne savais pas que c’était possible. Pour moi, ils étaient synonymes de puissance et de santé. Mais je n’étais plus à une surprise près. Peut-être que le lendemain, je ferai la connaissance d’extraterrestres ?

Je finis par reculer et alors que j’allais retourner aux escaliers, je fis finalement demi-tour. Je ne me laissai pas l’opportunité de changer d’avis et fonçai jusqu’au petit réfrigérateur se trouvant dans un coin. Je l’ouvris et écarquillai les yeux en voyant tous ces plastiques contenant un épais liquide rougeâtre et sombre. Je déglutis et remarquai des inscriptions avec les rhésus. Je ne m’attardai pas plus dessus et en saisis deux au hasard, les tenant du bout des doigts comme si ces poches allaient me sauter dessus à tout moment.

Je pris une grande inspiration et entrai à nouveau dans la chambre du vampire. Il avait déjà tourné la tête. Il avait dû sentir que j’étais là avant même que je rouvre la porte. Je m’approchai avec méfiance, lentement, puis jetai presque mon butin sur la couverture. Je reculai ensuite.

— Voilà…, soufflai-je.
— Merci beaucoup… Tu n’étais pas obligée de…
— Je sais.

J’ignorais pourquoi je l’avais fait. Peut-être parce qu’il avait l’air de souffrir et que je me sentais mal de ne rien faire. Je craignais toujours que les autres y soient pour quelque chose dans sa faiblesse. Et s’il était maltraité ? Mais pourquoi auraient-ils laissés la porte ouverte, dans ce cas ? Même s’il n’avait pas pu l’atteindre, il aurait pu essayer et en verrouillant, je n’aurais pas pu le trouver.

— Je m’appelle Stuart, se présenta-t-il.
J’acquiesçai.
— Euh… Enchantée…
— Tu dois te poser pas mal de questions, sourit-il en tendant la main vers une des poches.

Il suspendit son geste et me jeta un regard inquiet. Je fermai les yeux une seconde et inspirai profondément, pour me calmer. Je refermai la porte et fis un pas en avant.

— Tu peux boire, lui dis-je d’un ton fébrile.
Je mis mes mains sur mes bras, les croisant, comme pour me protéger. Il ne bougea pas.
— Est-ce que… (Je pris un instant pour être sûre qu’aucun autre vampire n’était tout près.) Est-ce que tu es en danger… ? murmurai-je.
Il inclina la tête sur le côté, me jaugeant du regard.
— Tu serais prête à m’aider ? s’enquit-il.

Aïe. Je ne savais pas du tout. Si j’avais la confirmation qu’il ne me ferait rien et que j’avais pu le faire sortir en toute sécurité, alors oui. Mais là…

— Je ne suis pas en danger, déclara-t-il.

Je poussai un soupir de soulagement. C’était déjà ça. Au moins les autres ne lui faisaient rien subir. Mais cela n’expliquait pas son état.

— Mais que fais-tu au sous-sol ? demandai-je, méfiante.
— Je suis un stade trois.
Je ne relevai pas, pensant qu’il allait développer. Il parût surpris que je ne sache pas de quoi il voulait parler.
— Ils ne t’ont pas expliqué, alors…

Je secouai la tête. En effet, j’étais un peu perdue.
Il se redressa un peu et me désigna un fauteuil d’un geste de la main. De l’autre, il s’empara d’une poche de sang. Il l’ouvrit d’un mouvement rapide et précis et la porta à sa bouche. Je profitai de son invitation à m’asseoir pour détourner le regard et m’approcher du siège, un peu plus loin. Ce n’était pas pareil que voir Emma se nourrir : lui, je ne le connaissais pas et c’était troublant de le voir boire directement à la poche de sang.

Je m’assis et fis mine de ne pas entendre les bruits de succion qui me parvenaient, même s’il se faisait le plus discret possible. Je me décidai à relever les yeux vers lui quand plus aucun son ne parvint à mes oreilles. Il avait terminé et ses iris étaient d’un rouge si vif que j’en tressaillis. Son expression jusqu’ici douce, démontrant cependant une vague douleur qui semblait habituelle, trahissait désormais de l’impatience. Une lueur prédatrice brillait dans son regard. J’eus l’impression d’être collée à ma chaise, prise de panique.

Il ouvrit la bouche pour parler, puis leva l’index, me faisant signe d’attendre. Je ne pus même pas détourner mon attention lorsqu’il s’attaqua à la deuxième poche de sang. J’eus un haut-le-cœur qui n’avait rien à voir avec mon « radar » à vampires. Quand il eût réellement terminé, cette fois, son teint se fit légèrement moins pâle et ses yeux redevinrent deux petites billes bien orange. Mes doigts cessèrent d’agripper les bords du fauteuil comme si leur vie en dépendait.

— Les transformations en vampires ne se déroulent pas toujours bien, reprit-il en brisant le silence pesant.
Je mis mes mains à plat sur mes cuisses, l’écoutant, même si je me demandais où il voulait en venir.
— Il arrive que les nouveaux vampires en fassent donc les frais. Il y a le stade un, qui signifie qu’il sera plus faible qu’un vampire normal. Il aura besoin de plus de sang que les autres.
— Tu en es un ? ne pus-je m’empêcher de demander.
— Je suis un stade trois, me rappela-t-il. (Bien sûr. Il l’avait dit. Mais j’étais si choquée que je perdais le fil.) Avant cela, il y a le stade deux. Encore plus de faiblesse. Plus de sang. Et surtout, il y a l’impossibilité à s’exposer au soleil pour le reste de son existence. Pas de réel contrôle sur la soif non plus…
Génial… Alors si lui était à l’étape d’après, encore…
— Et enfin, le trois. Je n’ai quasiment pas de forces, ce qui est un comble, pour un vampire. Tu pourrais me terrasser sans aucun mal, ricana-t-il. Et tu serais déjà à l’étage avant que j’aie quitté mon lit.

J’étais partagée entre une nouvelle confiance en moi en entendant cela et une profonde peine.

— Je dois rester allongé tout le temps, mis à part quelques exceptions. Je ne peux même pas aller dans la pièce d’en face pour chercher de quoi me nourrir, comme tu as pu le constater. Ou alors cela prendrait un temps considérable. Je ne dois pas croiser un seul rayon de soleil et si je suis au sous-sol, c’est parce qu’être le plus loin possible de cet astre me permet de garder un minimum de vitalité. Je dépéris petit à petit alors que je suis censé être immortel. C’est pour cela que j’ai l’air à la fois jeune et ancien.
Je lui aurais donné à peu près vingt-cinq ans, même avec ses cheveux grisonnants et son visage émacié et creux.
— J’ai quatre-vingts ans. J’en avais vingt-six lorsque j’ai été transformé. (J’avais presque visé juste.) Et je vais finir par mourir, comme si cela arrivait pour cause de vieillesse.

Ma mâchoire manqua de se décrocher et surtout, je sentis mon estomac se serrer à cette nouvelle. Il donnait l’impression qu’il ne s’agissait que d’un détail.

— Je me suis habitué à cette idée, c’est sûrement pour cette raison que j’en parle aussi naturellement. (J’étais un vrai livre ouvert, ma parole) Et j’ai également des tocs.
Cela eut le mérite de me faire me ressaisir. Je fronçai les sourcils.
— Des tocs ? relevai-je.
— As-tu déjà entendu parler de ces vieilles légendes à propos des vampires qui ne pourraient pas s’empêcher de ranger, de trier ou de compter des choses ?
Je fouillai dans mes souvenirs. Oh !
— Si, j’ai lu ça quelque part, me rappelai-je.

Lors de mes innombrables recherches à propos de ces créatures. Je me fendis d’un léger sourire amusé, malgré moi, qu’il me rendit.

— J’ai lu des histoires racontant des choses dans ce genre-là. Comme le fait qu’il faut laisser un sac de grains de riz devant la porte afin que le vampire les compte. Apparemment, il ne pourrait pas s’arrêter avant d’avoir terminé, et le soleil finirait par se lever et le consumer sur place.
Il hocha la tête en laissant échapper un rire mélodieux.
— Dieu merci, je n’en suis pas à ce point-là, soupira-t-il.
— Peut-être pour les stades huit ou neuf, plaisantai-je.
Puis je me rendis compte que c’était tout sauf drôle. Oups.
— Hum… Désolée…
— Ne t’en fais pas. Il vaut mieux en rire. Mais il y a bien un autre stade après le mien.

Bon sang, j’osais à peine imaginer ce que ça pouvait être… Et j’avais raison d’appréhender la réponse, puisque son expression se renferma un peu.

— Au stade quatre, le dernier, la durée de vie est très courte. Quelques jours ou quelques semaines. Quelques mois, pour les plus robustes, mais il est préférable pour tout le monde, surtout pour eux, de les achever avant… (Je tressaillis sur le fauteuil.) Ils ne peuvent pas se déplacer, ou seulement en rampant. Ils ne peuvent pas non plus se nourrir seuls et n’ont plus vraiment de conscience. Parfois, ils pourront reconnaître des gens, mais ça ne durera pas longtemps. Ils sont comme… des zombies.

Brrr ! Cela faisait froid dans le dos. J’espérais ne jamais tomber sur un vampire de stade quatre. Ça devait être horrible et déchirant à voir.

— Alors… Quels tocs tu as, toi, si tu ne passes pas ton temps à compter des grains de riz ? tentai-je de plaisanter pour me détendre moi-même, désireuse de changer de sujet.
Il désigna les étagères.
— Oh, souris-je. Évidemment.
Les livres bien rangés et classés, ainsi que les disques. Les manettes de jeu posées bien parallèlement à la console.
— Au moins, ça m’occupe, s’amusa-t-il.
Tu m’étonnes…
— Alors c’est parce que tu es un vampire plus faible que la nausée était minime…, constatai-je subitement, me parlant à moi-même.
— Pardon ?
Je secouai la tête.
— Je me suis rendue compte, en arrivant ici, que je percevais la présence des vampires, j’avais une sorte de radar, expliquai-je. Je ressentais de la nausée que je parvenais à différencier d’un moment où je serais vraiment malade pour une autre raison. C’est… instinctif. Cela m’arrivait déjà un peu avant, dans mon appartement, quand un de vos congénères m’espionnait dans le but de m’enlever. (Je partais du principe que les autres lui avaient expliqué la raison de ma venue.) Maintenant, elle commence à disparaître pour être remplacé par des picotements dans la nuque. (À ce mots, je désignai mon cou de l’index comme pour mieux lui faire comprendre.) Et quand je suis entrée dans cette pièce, je l’ai à peine sentie.
Il haussa les sourcils.
— Impressionnant…
— Cristobal m’a dit que ma magie reconnaissait celle des vampires, lâchai-je. Et comme j’avais surtout peur, le malaise a été un réflexe pour me prévenir de faire demi-tour face à vous.
Le coin de ses lèvres se releva.
— Alors tu as moins peur, maintenant ? m’interrogea-t-il.
— J’ai… moins peur du clan River, il est vrai, admis-je. C’est pour ça que ça disparaît.

Enfin, certains membres me fichaient encore pas mal les jetons. Comme Brooke. Ned. Ou Nora.

— Ils t’ont mis dans la chambre libre du premier, c’est ça ? s’intéressa-t-il.
J’eus un mouvement de recul. Cela renforça son hilarité.
— Non, je n’ai pas l’intention de venir te rendre visite là-bas, me rassura-t-il. Je ne de-mandais pas cela pour cette raison. Mais c’était la mienne, avant.
Je soufflai un bon coup.
— Oh… Alors je suis dans ton ancienne chambre ?
— Exactement, confirma-t-il.
— Eh bien… J’en prends soin… Je suppose.
Il balaya mon commentaire d’un geste de la main. Je remarquai qu’il tremblait moins.
— Tu peux en faire ce que tu veux, je n’y retournerai pas, de toute façon, lança-t-il. Mais si je peux te donner un petit conseil…
Je me penchai en avant.
— Dis-moi.
— On a une vue superbe de la grande fenêtre, la nuit, dit-il.

Je souris, me rappelant les moments où j’avais guetté l’arrivée d’Adam sur le perron, quand je n’arrivais pas à dormir. De là-haut, je voyais une grande partie du jardin. Avec l’éclat de la lune, c’était magnifique.

— Je sais, répondis-je.
— Mais je n’ai jamais pu voir à quoi ressemblait un lever ou coucher de soleil, de cet endroit, continua-t-il. (Je fus attendrie par cette déclaration. Bien plus que je ne l’aurais cru.) Si jamais il te prend l’envie de revenir me voir, pourrais-tu me ramener des photos de ces moments ?
Il avait presque l’air timide. C’en était adorable.
— Bien sûr, acceptai-je d’un ton très calme.
Il haussa un sourcil.
— Alors tu reviendras ? fit-il, surpris.
— Eh bien… Tu n’as pas l’air si méchant que ça, en fin de compte.
— Ravi de l’entendre !

Au même moment, la porte s’ouvrit. Je sursautai et me tournai vers le nouveau venu. Adam. Il arborait un air perplexe et tenait deux poches de sang à la main.

— Je me disais bien que j’avais senti ta présence ici, me dit-il.
— J’ai poussé la visite du manoir un peu loin, justifiai-je.

Cela fit rire Stuart.
Le vampire aux cheveux d’un blond foncé eut un léger sourire en coin, puis s’approcha.

— Désolé du retard, Stuart, je n’ai pas vu le temps passer…
Il remarqua le plastique sur la couverture, signe que son ami s’était déjà nourri.
— Pas de problème. Neeve m’a rendu ce service, le rassura l’intéressé.
— Je vois ça…

Sa perplexité ne fit que grimper. Après m’être montrée aussi méfiante envers eux, voilà que j’acceptais d’apporter du sang à un vampire qui faisait assez peur, alors que je venais de le rencontrer.

— Elle est charmante, ajouta ma nouvelle connaissance, sur un ton léger.
Je me levai et gagnai la porte. Je me tournai une dernière fois vers l’homme aux très longs cheveux gris et noirs.
— Ravie de t’avoir rencontré, déclarai-je. À plus tard, avec les photos, promis.

Il me renvoya un grand sourire ému qui me toucha. Je saluai Adam d’un signe de tête et m’éloignai.
Il me restait une pièce, dans ce sous-sol, que je n’avais pas visitée. Mais je m’en fichais, pour le moment.

~


— Goûte celui-ci ! m’ordonna Tim.

Je posai mon crayon et pris le chocolat avec plaisir. Je le mastiquai et eus un air approbateur. Je notai une pointe de framboise et de noisette. Je levai le pouce.

— J’adore, affirmai-je.
— Ça a quelque chose de réconfortant, non ?

Je hochai la tête. C’était peu de le dire. La rencontre avec le roi était prévue pour le soir-même. Depuis la veille, j’étais en état de panique. Je ne m’étais même pas endormie, à l’extérieur, pendant la nuit, quand j’avais rejoint Adam dans le jardin. Mes yeux étaient obstinément restés écarquillés. Et cette fois, le vampire avait essayé de me faire la conversation, pour que je pense à autre chose, ce dont je lui avais été reconnaissante. En revanche, j’étais tombée de fatigue lorsque j’avais regagné ma chambre et ne m’étais pas réveillée à temps pour prendre le lever de soleil en photo depuis la fenêtre, pour Stuart. J’avais un cliché du crépuscule, ceci dit. Ça m’en faisait un sur deux.

— Oui. Et si tu n’enlèves pas ce plateau de devant mon nez, je vais tous les manger, le prévins-je.
— Sers-toi. Si ça peut t’aider.
Je ne me fis pas prier. J’en pris un autre, qui avait un arrière-goût de mangue. Délicieux.
— Quand est-ce que tu vas te faire torturer ? demanda-t-il.
Je faillis avaler de travers. Quel mauvais choix de mots. Mais à voir sa tête, il l’avait fait exprès.
— Quand Nora rentre…, grommelai-je.

Elle avait insisté pour s’occuper de mon apparence, pour la « fête ». Mais je n’étais pas tellement en mesure de protester : j’ignorais comment m’habiller et même me comporter. J’avais accepté toute aide qu’on m’avait proposé.

— Bon courage, me souhaita-t-il.
— Pour la « torture », ou ce soir ?
— Les deux. Tiens, essaye celui-là.

Nouveau chocolat. Fruits de la passion, cette fois. Je me remis à mon dessin d’un saule-pleureur, tandis qu’il rangeait ses confections dans des petites boîtes et m’en tendait une de temps en temps.

Puisque je ne pouvais pas vraiment dessiner Adam en public, j’avais décidé d’esquisser l’arbre présent dans nos rêves communs. C’était une image qui me rassurait. Qui m’apaisait.
Lucian fit son apparition dans le salon et nous salua. Il passa derrière le canapé sur lequel je me trouvais.

— Tu as fini de dessiner l’oiseau ? s’enquit-il, son ton toujours empreint de gentillesse.
Je tournai une page et lui montrai le croquis du petit animal volant, presque avec fierté. Il hocha la tête.
— Très réussi, approuva-t-il. Tu as réussi à surmonter ton blocage.

S’il savait que c’était surtout parce que je voulais dessiner Adam, que j’avais mis autant de temps sur cet oiseau…
Il alla s’asseoir sur le canapé en face du mien et jeta un œil aux boîtes de chocolats.

— C’est de là que je trouve mon inspiration, raillai-je.
— Mes créations ont du pouvoir, que veux-tu, répliqua le plus jeune vampire. Dommage que je ne puisse pas les apprécier à leur juste valeur…
Il grimaça et je lui adressai un regard compatissant.
— Surtout qu’ils sont vraiment réussis, ajoutai-je.
— N’enfonce pas le pieu dans la plaie.

Je tiquai légèrement face à cette expression. Mais je réagis encore plus lorsque son visage s’éclaira. Oh, oh. Venait-il d’avoir une idée ?

— J’ai une idée !
Je le savais.
— Pourquoi est-ce que tu ne travaillerais pas avec moi ? me proposa-t-il.
J’en oubliai de mâcher ce superbe chocolat noir pendant quelques secondes.
— Quoi ? m’étonnai-je.
Lucian releva les yeux de son roman, intrigué par cette conversation.
— Tu serais un super atout, avec tes papilles d’humaine ! argumenta le vampire aux cheveux mordorés, les yeux pétillants.
— Euh…
— Et tu pourras économiser pendant le temps où tu seras ici, ajouta-t-il.

Je tapotai mes lèvres de mon index, réfléchissant à cela. Il était vrai que cela pourrait être une bonne chose. Surtout que je vivais pleinement aux crochets des vampires et que je ne touchais plus ma bourse d’études. Quand Emma me demandait si des aliments en particulier me plairaient, pour les courses, je n’osais pas dire oui. Je prenais des douches brèves pour ne pas prendre trop d’eau. Certes, je n’avais jamais cherché à venir ici et ce n’était pas de ma faute, mais c’était plus fort que moi.

Au moins je pourrais faire quelque chose. Aider un peu, en retour. Sans compter que cela me ferait du bien, de m’occuper un peu plus.

— D’accord, acceptai-je.
Tim serra le poing en un geste de victoire. Lucian acquiesça.
— C’est une bonne idée, affirma ce dernier.
— Très bien. Alors considère que tu es embauchée. Du moins, si tu survis à ce soir, ajouta mon peut-être-futur-collègue avec malice.

Lucian le fusilla du regard et lui donna un coup derrière la tête. L’intéressé rit au lieu d’en être vexé. Puis il poussa une nouvelle boîte devant moi.

— Je te mets encore à l’épreuve, alors, annonça-t-il.
— Tim, au cas-où tu l’aurais oublié, il n’y a pas que mes papilles gustatives qui sont humaines : mon estomac, aussi.
— Tu as peur d’être malade pour la rencontre avec le roi ? me défia-t-il.

J’avais envie de le frapper, comme Lucian. Je soupirai en regardant les chocolats. J’avais terriblement envie de les manger pour me réconforter.

— Neeve, tout se passera bien, ce soir, voulut me rassurer celui qui m’avait sauvée.

Je hochai la tête. Pour autant, je finis par attraper les gourmandises.
Après en avoir mangé une pelleté, je pus établir un classement de mes préférés, et Tim semblait noter chaque commentaire, mentalement.

— Décidément, tu me serais bien utile, commenta Tim. J’espère vraiment que tu seras toujours en vie demain.

Je l’espérais aussi.

~


— Ne bouge pas, me conseilla Nora en appliquant une dernière touche de fard sur mes paupières. Et… voilà, tu peux rouvrir les yeux.
— Je peux te poser une question ? m’enquis-je alors qu’elle réapparaissait dans mon champ de vision.
Elle déposa le petit pinceau sur sa commode.
— Je ne te promets pas d’y répondre, mais tente toujours, rétorqua-t-elle en fouillant parmi ses affaires, l’air distrait.
Je me raclai la gorge.
— Qu’est-ce qui se passe entre… Adam et Brooke ?

Elle releva subitement la tête et je vis ses yeux noisette se ternir. Puis ils se posèrent sur le mur, qui devait être bien plus fascinant que moi.

— Cela fait… des jours qu’il y a une tension, me justifiai-je. Et depuis qu’elle est revenue, il semble… ailleurs.

Il ne trouvait même pas le sommeil. Et le fait que je le voie aussi beaucoup en journée montrait que ce n’était pas dans ces moments-là qu’il se reposait. Parfois, il paraissait exténué.

— D’ailleurs, toi non plus tu ne parais pas beaucoup l’apprécier, fis-je remarquer, poursuivant sur ma lancée.
Elle ne dit rien pendant quelques secondes et je m’empourprai.
— Laisse tomber. C’était indiscret de ma part, voulus-je me rattraper.

Elle opina avec une expression agacée. Je vis sa mâchoire se contracter. Je décidai de me faire toute petite et de ne plus rien dire. Je voulais survivre à la rencontre avec le roi, pas mourir de la main de Nora pendant la préparation. Elle attrapa un tube de rouge à lèvres et s’approcha à nouveau de moi.

— Ils sont fiancés, lâcha-t-elle soudainement. Contre leur gré, en quelque sorte.

J’en fus bouche-bée, ce qui l’arrangea, puisqu’elle commença à appliquer un rouge profond sur mes lèvres.
Attendez… Quoi ?

— Fiancés ? relevai-je quand elle eut terminé.
— C’est exact.
— Mais elle n’est pas avec… Ned ?

Cela expliquerait la réaction d’Adam. La situation avait l’air très compliqué. Était-il amoureux d’elle malgré tout ? Et comment ça, « contre leur gré » ?

Ma poitrine se serra à cette idée. Oh, non. Ce n’était pas le moment. Ça ne serait jamais le moment.
Je décidai de mettre ça sur le compte du stress et d’un début de panique. Les chocolats de Tim me manquaient, là.

— Si, répondit-elle en passant ses mains dans mes cheveux pour les placer correctement.

Ses doigts glissaient légèrement dans ma chevelure rousse. Après avoir passé une heure de brushing intense, elle avait peur de tout gâcher.

— C’est pour ça, que tu n’aimes pas Brooke ?
— Pardon ?
— Tu… es jalouse ?
Elle s’esclaffa.
— Aucun risque, répliqua-t-elle. Adam est un homme. Cela ne m’intéresse pas.
— D’accord.
— J’ai bien d’autres raisons de ne pas l’apprécier. Et c’est mon meilleur ami, je ne supporte pas cette situation et de le voir souffrir.
Elle me jeta un regard en coin.
— Il m’avait parlé de toi. Dans ses rêves, avoua-t-elle.
Je haussai les sourcils, mon intérêt piqué.
— Il avait l’air… apaisé comme ce n’était pas arrivé depuis longtemps. Et en même temps, tourmenté parce que tu n’étais qu’un songe.

Et cela s’était révélé être le contraire. Je me mis à rougir, ne sachant pas quoi dire à propos de ça. J’ignorais que ça l’avait touché à ce point.

— Aucun de nous deux n’aurait pu prévoir que tu serais réelle, poursuivit-elle. Et je t’avoue que du coup, je ne sais pas si je dois me méfier ou non.
J’eus un rire nerveux. C’était compréhensible.
— J’aurais réagis de la même manière, répondis-je.
— Je te garde à l’œil, en tout cas, me prévint-elle.
— Je n’en doute pas une seconde.

Elle avait l’air d’une tigresse prête à bondir sur moi pour me lacérer le visage de ses griffes, si je m’en prenais à son meilleur ami. Sauf que je n’avais pas ce pouvoir. Même s’il avait été attendri par nos rêves, la réalité n’était pas pareille. Ici, nous n’avions pas la même complicité, tout avait changé. Et cette histoire avec Brooke devait occuper tout son esprit.

Quelque part, je regrettais qu’il n’ait plus ces songes pour l’aider à surmonter ça. Et en même temps, je me voyais mal lui proposer de recommencer. Il en avait eu l’idée quand j’avais fait un cauchemar, mais depuis, il ne dormait plus vraiment, ou pas au même moment que moi. C’était compliqué. Depuis que Brooke était arrivée.
Brooke. Oui. Nous avions un peu dévié du sujet principal.

— Que s’est-il passé pour que…
— Neeve, me coupa-t-elle.
Elle soupira en soutenant mon regard.
— Bon. Je ne voulais pas te dire ça maintenant, surtout pas avant la rencontre, mais finalement, peut-être que ça tombe bien que tu me poses ces questions.

Pourquoi je sentais que j’allais regretter d’être curieuse ?
Elle croisa les bras, gardant un air très sérieux.

— Brooke est devenue une obsession pour Savari, expliqua-t-elle.
— Savari ?
— Le roi, précisa-t-elle.
Ma gorge se noua. Une obsession…
— Il a l’habitude d’obtenir ce qu’il veut, mais il a peur d’Adam et Lucian. Ils sont puissants. Peut-être autant que lui. Adam étant sans compagne et à la tête d’un clan, il a déclaré qu’il épouserait Brooke, afin que le roi la laisse tranquille. Cela l’a énervé, mais il n’a pas osé exiger qu’elle lui revienne. Il sait que personne ne le soutiendra vraiment s’il persiste alors qu’un chef de clan veut se marier avec elle. Et il a lui-même déjà une femme. Personne ne voudrait se battre à ses côtés pour qu’il ait une maîtresse de plus.

Elle baissa les yeux, alors que mon cœur se mettait à battre la chamade et que je sentais des sueurs froides le long de ma colonne vertébrale.

— Si Adam rompt les fiançailles, elle ne sera plus protégée, termina-t-elle.
— Mais… si Ned l’épouse, alors…
— Non. Ce ne serait pas pareil. Les règles de notre monde, sous le règne de Savari, sont très, très mal foutues. Ned n’est pas un chef. Il n’est pas puissant. Même si le roi est censé préserver la paix, ses caprices peuvent passer avant, dans certains cas.

J’avais envie de vomir. Je me levai de ma chaise et me mis à arpenter la pièce en long et en large.
J’allais rencontrer un véritable tyran. Un monstre qui considérait Brooke comme un ob-jet. L’écho de souvenirs douloureux remontèrent jusqu’à mon esprit et me donnèrent envie d’aller la serrer dans mes bras, poussée par un subit élan de tendresse. Je la comprenais.

— Adam ne supporte pas cette situation car il a déjà dû faire des choses qu’il ne voulait pas, par le passé. Il a du mal à admettre que ça va recommencer, déclara-t-elle.
Je fermai brièvement les yeux. Mon Dieu…
— Mais il ne changera pas d’avis. Pour l’instant, ils font en sorte que le mariage n’ait pas lieu. Le roi doit céder sa place dans quelques temps, ils espèrent tenir jusque-là et ils pourront faire ce qu’ils veulent ensuite.

Je pris une profonde inspiration et expirai longuement pour essayer d’endiguer un début de tremblements.
Nora me rejoignit en deux grandes enjambées et me bloqua le passage. Elle mit ses deux mains sur mes épaules. La fraîcheur de sa peau me fit avoir la chair de poule. Elle ne devait pas s’être nourrie. Lorsque Emma rentrait de la chasse, sa peau était plus chaude, ce que j’avais pu constater quand elle avait effleuré ma main, un jour. Mais j’avais appris que lors de cette « fête », il y aurait de quoi nourrir tous les vampires, ce qui expliquait pourquoi Nora et les autres avaient attendu. S’ils s’en tenaient à leur coupe, et non à ma jugulaire, grand bien leur fasse.

— Oui, c’est un monstre. Non, je n’étais pas censée t’en parler ce soir. Mais tu sais quoi ?

Elle me fit pivoter et je croisai mon regard écarquillé dans le grand miroir en pied disposé contre un des murs de sa chambre. J’avais l’air terrifié.

— Regarde-toi. Regarde-toi, vraiment, m’ordonna-t-elle.

Je déglutis et soufflai un bon coup. Et j’eus comme un choc en me rendant compte du changement, chez moi.
Mes longs cheveux roux arboraient de jolies boucles anglaises. Un fard de couleur prune et un trait d’eye-liner ornaient mes paupières, mettant en valeur mes yeux émeraudes. Le mascara réhaussait mes cils et elle avait appliqué un rouge foncé sur ma bouche. J’avais troqué mon médaillon pour un collier à la chaîne dorée et je portais des boucles d’oreilles pendantes, de la même teinte.

Lorsque Nora m’avait demandé si j’avais une robe de soirée dans mes affaires, j’avais répondu que je n’avais pas grand-chose. Quand j’avais rompu avec Connor, j’avais essayé de me remettre à porter des vêtements que j’aimais, mais je n’avais pas énormément d’argent. Et en deux ans, il avait eu le temps de me convaincre de ne pas garder les habits que j’aimais.
Elle m’avait donc prêté une de ses robes. Celle-ci était d’un vert foncé, avec des bretelles croisées épaisses, formant une croix dans le haut de mon dos, révélant une bonne partie de ma peau. En-dessous, toujours à l’arrière, le bandeau à ma taille se terminait par un nœud. Le haut était moulant, mais la longue jupe arrivant jusqu’à mes chevilles était évasée. On pouvait voir mes talons noirs, empruntés également. Afin que j’aie toujours du rosier sauvage sur moi pour contrer les hypnoses sans mon médaillon, Nora m’en avait passé. Les brindilles était enfermées dans un petit pot à peine plus gros que l’ongle de mon pouce, et avait créé une ouverture dans le tissu épais du décolleté, du côté intérieur, afin que je puisse le faire glisser dedans tout en le gardant hors de portée de qui que ce soit.

C’était moi, et en même temps… j’avais l’air d’être une autre personne. Je devais bien avouer que ce reflet me plaisait réellement. J’aurais même pu paraître redoutable, si je n’avais pas été aussi apeurée par la situation. Dans un autre contexte, je me serais extasiée encore et encore devant mon apparence.

De plus, la robe ne cachait rien de mes cicatrices aux avant-bras. Et l’une d’elle était décelable, dans mon dos, si on y prêtait attention.

— Tu peux y arriver, reprit-elle.

Elle posa la main sur un de mes bras, en veillant à ne pas toucher une marque. Je frissonnai, et je ne sus si c’était à cause de sa température ou du fait que je supportais à peine les contacts à cet endroit.

— Savari est un monstre, mais tu en as connu un par le passé et tu l’as vaincu, Neeve. (Je me mordis l’intérieur de la joue.) Je sais ce que tu vas me dire : cet homme était un humain et le roi ne l’est pas. Mais je vais te dire ce que moi, je pense. Et je pense que tu es bien plus forte que tu ne le crois.

Elle me lâcha le bras, mais son autre main resta sur mon épaule.

— Il va chercher à t’intimider, me prévint-elle. Maintenant, tu le sais. Prépare-toi, parce qu’une fois là-bas, il faudra surtout agir. Et pas seulement avec lui, mais avec tous les autres. Tu vas lui montrer que tu n’es pas n’importe qui. On sera avec toi, de toute façon. On t’insulte ? Rend la pareille. Un regard de travers ? Le tien sera enflammé. Savari se montre désagréable ? Montre-toi plus maline que lui. Fais en sorte qu’il te remarque et qu’il ait envie de te respecter. Ne prends pas trop de risques, mais marque son esprit. Tu peux y arriver. Ça sera un mauvais moment à passer, mais nous ne le laisserons pas te faire du mal. Tu auras le dessus. Il ne pourra pas t’atteindre mais tu auras son attention.

Je soutins mon propre regard en essayant de calmer les battements effrénés de mon cœur.

— Tu m’as entendu ? insista-t-elle presque sèchement, pour me faire réagir.
Je hochai la tête.
— Tu vas l’impressionner assez pour qu’il t’accorde la sécurité du clan. Tu vas lui en mettre plein les yeux. Et une fois la soirée terminée, il aura autre chose à penser, aucun risque qu’il ne soit obsédé par toi, même s’il s’en souviendra.
Elle m’adressa un sourire rassurant - le premier depuis que je la connaissais -, dans le reflet de la glace.
— Tu n’es peut-être pas une vampire, mais tu vas leur montrer que tu peux être tout aussi féroce.
Nos regards se croisèrent dans le miroir.
— Tu vas leur prouver que tu n’as rien à leur envier et que tu ne vaux pas moins qu’eux.

Son sourire passa de rassurant à machiavélique.

— Adapte-toi.

---


Chapitre 8
Chapitre 10
Dernière modification par Chlawee le mar. 06 juil., 2021 4:33 pm, modifié 1 fois.
cocovanilleguimauve

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Re: Neeve, Tome 1 : L'éveil des Ombres [Fantastique, bit-lit, romance] (Chapitre 9)

Message par cocovanilleguimauve »

wouah !! génial ce chapitre !
j'attends avec impatience de pouvoir lire la rencontre de Neeve avec le roi et j'ai beaucoup aimé la façon dont tu as décrit les flash-back, c'était vraiment réussi !
lacrystal

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Re: Neeve, Tome 1 : L'éveil des Ombres [Fantastique, bit-lit, romance] (Chapitre 9)

Message par lacrystal »

Bon.
Trop de choses à dire sur ce chapitre
*se fait craquer les doigts*
*chauffe son clavier avec un sèche-cheveux*
C'est parti 8-)

Alors Neeve, légère obsession pour Adam ? *là je mettrais bien le smiley avec un sourire en coin mais je suis sur PC D: )
Plus sérieusement, déjà de 1, j'adorerais savoir dessiner comme Neeve (mes bonhommes ressemble à des patates avec des yeux et une bouche) (ouais, comme Voldemort, ils ont pas de nez) de 2, qu'elle dessine Adam *-* Je sens y'a un truc qui va se passer entre ces deux-là

En plus la scène où ils chantent tous les deux *-* Adam a l'air d'être très taquin comme personnage, j'ai hâte d'en découvrir encore plus sur lui !
On voit que Neeve s'entraîne beaucoup pour apprendre à maîtriser ses pouvoirs, là aussi j'ai hâte d'en voir plus !
Par contre, je sens le Roi, là, la rencontre ça va pas être super xDDD Vu la réaction d'Adam qui fait tout pour rassurer Neeve apparemment
Elle a raison de se préparer pour le Roi, ça sent mauvais, moi j'te dis

:o :o :o Je savais pas que des transformations pouvait mal tourner comme ça... Pauvre Stuart ça ne doit pas être facile pour lui :cry: C'est incroyable le changement que Neeve a envers les vampires depuis qu'elle connait le clan des River, elle va même jusqu'à lui donner des poches de sang ! :o Bon en même temps ils sont tous adorables (je rejoins quand même Neeve sur Nora, Brooke, Ned qui font un peu peur quand même)
J'ai beaucoup aimé qu'on puisse voir des fragments du passé de Neeve, la pauvre entre Connor et son expérience avec les vampires :cry:

Par contre.
Je pleure là.
Moi je m'étais déjà imaginée leur mariage.
Ben apparemment c'est pas avec Neeve le mariage :cry: :cry: :cry: :cry: :cry: :cry:
Non
Non
Non
je veux pas
je refuse
je proteste
je vais manifester

*prends une banderole et écris en gros "injustice" *

Bon en même temps je comprends parce que si le Roi est obsédé comme ça par Brooke... la pauvre on peut pas non plus la laisser entre les mains de ce gars D:
C'est un casse-tête ce truc et je sens ça va se compliquer encore plus avec le temps.

Et la fin *-* Neeve est beaucoup trop belle, je suis trop fan ! Et Nora :o faut lui discerner la palme du meilleur discours de motivation, là !

J'ai adoré ce chapitre *-* et je sens que le prochain va être super mouvementé alors j'ai encore plus hâte !!
J4u5

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Re: Neeve, Tome 1 : L'éveil des Ombres [Fantastique, bit-lit, romance] (Chapitre 9)

Message par J4u5 »

Wouaaaah ! Eh bah putain de merde, tu l'as bien réussi ce chapitre :lol: 😱
Déjà, Adam est vraiment trop mignon, il s'inquiéte pour Neeve, ils font un karaoké ensemble... Il y a un truc qui se passe entre eux là où je rêve :lol:
Tant qu'à la rencontre avec le roi qui va bientôt se faire (😩😱 :o :shock: 😓😨😱😱😱😱😱😱😱), c pas possible ! J'ai beaucoup trop hâte de savoir la suite maintenant 😭
Ton écriture eh bah... Il faudrait que tu écrives un manuel intitulé : "comment réussir ses chapitres et avoir une écriture magnifaaaaiiiique". Tu décris tellement bien les scènes, j'avais l'impression de voir Neeve dans la glace :?
Et pour Stuart... Eh bah je m'attendais à une rencontre un peu délirante mais là, le pauvre... Enfin bon.
J'ai adoré ce chapitre et il va rejoindre le rang de mes chaps préfères ^^ !
Pendergast

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Re: Neeve, Tome 1 : L'éveil des Ombres [Fantastique, bit-lit, romance] (Chapitre 9)

Message par Pendergast »

Bon je rejoins les commentaires hyper enthousiastes ci-dessus !! Excellentissime chapitre !
Chlawee

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Re: Neeve, Tome 1 : L'éveil des Ombres [Fantastique, bit-lit, romance] (Chapitre 9)

Message par Chlawee »

cocovanilleguimauve a écrit : mar. 29 juin, 2021 11:20 am wouah !! génial ce chapitre !
j'attends avec impatience de pouvoir lire la rencontre de Neeve avec le roi et j'ai beaucoup aimé la façon dont tu as décrit les flash-back, c'était vraiment réussi !
Hey ! :D Merci beaucoup !
Ah ah, ça arrive bientôt ! 8-)
lacrystal a écrit : mar. 29 juin, 2021 1:13 pm Bon.
Trop de choses à dire sur ce chapitre
*se fait craquer les doigts*
*chauffe son clavier avec un sèche-cheveux*
C'est parti 8-)

Alors Neeve, légère obsession pour Adam ? *là je mettrais bien le smiley avec un sourire en coin mais je suis sur PC D: )
Plus sérieusement, déjà de 1, j'adorerais savoir dessiner comme Neeve (mes bonhommes ressemble à des patates avec des yeux et une bouche) (ouais, comme Voldemort, ils ont pas de nez) de 2, qu'elle dessine Adam *-* Je sens y'a un truc qui va se passer entre ces deux-là

En plus la scène où ils chantent tous les deux *-* Adam a l'air d'être très taquin comme personnage, j'ai hâte d'en découvrir encore plus sur lui !
On voit que Neeve s'entraîne beaucoup pour apprendre à maîtriser ses pouvoirs, là aussi j'ai hâte d'en voir plus !
Par contre, je sens le Roi, là, la rencontre ça va pas être super xDDD Vu la réaction d'Adam qui fait tout pour rassurer Neeve apparemment
Elle a raison de se préparer pour le Roi, ça sent mauvais, moi j'te dis

:o :o :o Je savais pas que des transformations pouvait mal tourner comme ça... Pauvre Stuart ça ne doit pas être facile pour lui :cry: C'est incroyable le changement que Neeve a envers les vampires depuis qu'elle connait le clan des River, elle va même jusqu'à lui donner des poches de sang ! :o Bon en même temps ils sont tous adorables (je rejoins quand même Neeve sur Nora, Brooke, Ned qui font un peu peur quand même)
J'ai beaucoup aimé qu'on puisse voir des fragments du passé de Neeve, la pauvre entre Connor et son expérience avec les vampires :cry:

Par contre.
Je pleure là.
Moi je m'étais déjà imaginée leur mariage.
Ben apparemment c'est pas avec Neeve le mariage :cry: :cry: :cry: :cry: :cry: :cry:
Non
Non
Non
je veux pas
je refuse
je proteste
je vais manifester

*prends une banderole et écris en gros "injustice" *

Bon en même temps je comprends parce que si le Roi est obsédé comme ça par Brooke... la pauvre on peut pas non plus la laisser entre les mains de ce gars D:
C'est un casse-tête ce truc et je sens ça va se compliquer encore plus avec le temps.

Et la fin *-* Neeve est beaucoup trop belle, je suis trop fan ! Et Nora :o faut lui discerner la palme du meilleur discours de motivation, là !

J'ai adoré ce chapitre *-* et je sens que le prochain va être super mouvementé alors j'ai encore plus hâte !!
:lol: :lol: Je sens que ton commentaire va être très drôle.
Han nan ! Notre fameux smirk ! D: Qu'on nous vienne en aide...
Neeve : Naaaan je suis pas obsédée par lui... C fo.
Comme Voldemort. :lol:

Adam : J'ai jamais dit que je savais comment rassurer quelqu'un. :roll: Je suis même plutôt nul la plupart du temps.

Nora : Comment je comprends pas pourquoi on a peur de moi. D:
Nora : *assomme quelqu'un*
Nora : Vraiment. D:

:lol: :lol: :lol: :lol:
Désolée pour cette déconvenue. :mrgreen: :lol:
Mais manifeste ! Fais entendre ta voix ! JE SUIS AVEC TOI !! (Comment ça c'est de ma faute, en premier lieu ?)

Nora : Ah ben voilà ! Enfin un compliment !

Merci beaucoup !! *-* <3
J4u5 a écrit : mar. 29 juin, 2021 2:01 pm Wouaaaah ! Eh bah putain de merde, tu l'as bien réussi ce chapitre :lol: 😱
Déjà, Adam est vraiment trop mignon, il s'inquiéte pour Neeve, ils font un karaoké ensemble... Il y a un truc qui se passe entre eux là où je rêve :lol:
Tant qu'à la rencontre avec le roi qui va bientôt se faire (😩😱 :o :shock: 😓😨😱😱😱😱😱😱😱), c pas possible ! J'ai beaucoup trop hâte de savoir la suite maintenant 😭
Ton écriture eh bah... Il faudrait que tu écrives un manuel intitulé : "comment réussir ses chapitres et avoir une écriture magnifaaaaiiiique". Tu décris tellement bien les scènes, j'avais l'impression de voir Neeve dans la glace :?
Et pour Stuart... Eh bah je m'attendais à une rencontre un peu délirante mais là, le pauvre... Enfin bon.
J'ai adoré ce chapitre et il va rejoindre le rang de mes chaps préfères ^^ !
Merci beaucoup ! :oops:
Attends, un karaoké ça rapproche forcément. 8-)
La suite très très bientôt justement ! :D
:oops: :oops: Merci ça me touche vraiment... Magnifaique :lol: :lol:
Merci encore !!
Pendergast a écrit : mer. 30 juin, 2021 9:39 pm Bon je rejoins les commentaires hyper enthousiastes ci-dessus !! Excellentissime chapitre !
Merci beaucoup ! :oops: :D
Chlawee

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Re: Neeve, Tome 1 : L'éveil des Ombres [Fantastique, bit-lit, romance] (Chapitre 10)

Message par Chlawee »

Bonjour ! :D Voici le chapitre 10 ! J'espère qu'il vous plaira !

Chapitre 10


Malgré les paroles encourageantes de Nora, je savais qu’il serait difficile pour moi de m’adapter. Nous n’étions même pas encore rentrés dans la grande salle de bal et mon cœur était affolé. Rectification : c’était déjà le cas dans la voiture. Pendant tout le trajet. Et plus nous approchions du lieu de rencontre, plus ça empirait. Cette heure et demie en voiture m’avait parue à la fois très longue et très rapide.

J’étais figée, devant les deux immenses portes fermées en face de moi. J’entendais la musique, derrière, ainsi que les bruits des conversations. Ma nausée n’avait jamais été aussi forte en présence d’un vampire, et avec mon estomac noué et la quantité astronomique de chocolats que j’avais avalés en présence de Tim, des heures plus tôt, j’avais peur d’être malade. Je devais respirer profondément pour ne pas tout régurgiter dans le somptueux couloir si gigantesque que j’avais cru ne jamais en voir le bout.

— Est-ce que tu veux que l’un d’entre nous t’hypnotise pour te convaincre que tu n’as pas peur ? me proposa Nora. Tu n’aurais qu’à ôter les brindilles de ta robe. Normalement, une autre hypnose ne pourrait pas s’ajouter à la mienne.

Le « normalement » n’était guère rassurant.
Je compris qu’elle essayait d’être sympathique, mais cette idée me révulsa. Je secouai la tête. L’hypnose faisait partie des choses que je craignais, avec la possibilité qu’un des vampires me morde, me fasse du mal autrement, ou ne me rappelle de mauvais souvenirs. Alors j’y étais fermement opposée. Je savais que paradoxalement, le fait que cette peur se réalise m’aiderait à oublier ladite peur, mais je ne pouvais m’y résoudre. Pour le moment, j’avais encore le choix.
Je pourrais toujours changer d’avis plus tard, si la situation était insupportable.

Elle leva les deux mains en signe de reddition, et le silence revint dans notre petit groupe de cinq. April finit par mettre une main sur mon épaule pour me faire pivoter vers elle. Alors que mes lèvres étaient serrées, les siennes s’étirèrent en un sourire rassurant.

— Tout ira bien, tu vas voir, fit-elle d’une voix douce, apaisante. Nous serons là pour veiller sur toi. Et nous ne sommes pas tenus de rester longtemps. Dès que nous rentrerons, tu seras tranquille. Je ne vois pas de raison pour laquelle le roi ne t’accorderait pas de protection. Tu pourras souffler.

Je déglutis puis acquiesçai en priant pour qu’elle ait raison. Emma aussi m’avait dit qu’à mon retour, je pourrais me sentir libérée. Elle m’avait d’ailleurs promis du chocolat chaud et des biscuits. Elle se sentait coupable de ne pas venir, car elle restait pour prendre soin de Stuart. Elle avait longuement hésité et j’avais dû lui assurer qu’elle pouvait rester au manoir, puisque je savais qu’elle était sur le point d’embarquer dans la voiture avec nous, à notre départ. Même si j’aurais voulu qu’elle soit là, elle avait d’autres préoccupations et savoir que je la verrais plus tard me donnait un peu de courage.

Brooke n’était pas présente pour des raisons évidentes, profitant du fait que pour cette fois, sa présence n’était pas indispensable et Ned était resté avec elle. Tim était parti vaquer à d’autres occupations. Cristobal fuyait ce genre d’événements.

April tapota légèrement mon épaule avant de rompre le contact. Lucian me sourit à son tour, Adam m’adressa un signe de tête encourageant et Nora m’offrit un rictus carnassier. Pendant une seconde, j’eus peur qu’elle ait envie de me dévorer, mais je compris qu’elle essayait de me transmettre un peu de sa détermination. Je me remis à fixer les portes et pris une grande inspiration.

J’allais rentrer, goûter à ce chocolat chaud préparé par Emma, prendre la fameuse dernière photographie pour Stuart, et travailler avec Tim. Rien ne pourrait m’en empêcher. Il fallait que je me le répète. Je serrai les poings.

— Bon, soufflai-je. Je vais rentrer, faire mes preuves et repartir. Je ne dois pas avoir peur d’eux et surtout je ne suis pas sans défenses.

J’essayais plus de me convaincre moi-même, qu’eux. Je regardai Nora, transformant petit à petit mon inquiétude et mon anxiété en froide détermination et… en colère.

Je vais leur montrer que je ne suis pas juste du sang sur pattes.

Elle parût fière de moi.

— Prête ? me demanda-t-elle.
— Prête, répliquai-je d’un ton sec.

J’étais sur le point de faire comme Aragorn dans Le Seigneur des Anneaux, en poussant les portes avec une certaine classe. Mais je me rendis très vite compte qu’elles étaient bien trop lourdes. Heureusement, elle m’aida à réussir cette entrée en apportant sa force. Je m’empêchai de justesse de me sentir ridicule.

La musique était forte. Je ne savais pas trop à quoi je m’étais attendue - sûrement à de la musique classique -, mais j’étais surprise par le choix des chansons, qui semblait assez varié. Il fallait que j’arrête, avec mes clichés. Certes, les vampires du manoir avaient tous les cheveux longs, voire très longs, mais ils ne dormaient pas dans des cercueils et tout n’était pas sombre, là-bas. Et ils ne semblaient pas non plus être enfermés dans l’époque pendant laquelle ils avaient été transformés.

Si quelques visages se tournèrent vers nous, ce fut tout de même avec soulagement que je m’aperçus que la plupart des vampires présents poursuivaient leurs discussions. Je vis passer des verres contenant un épais liquide rouge, entre les convives. On m’avait proposé de manger avant de venir, mais j’avais été incapable de répondre favorablement, anxieuse comme je l’étais. Je ne voyais aucun buffet offrant d’autres choses que du sang, le long des murs. Tant pis. Je n’avais pas faim du tout, de toute façon.
Clairement, cette fête ne pourrait pas répondre aux besoins des humains. De plus, j’étais sûrement la seule présente, alors pourquoi auraient-ils fait en sorte qu’il y ait de la nourriture ou d’autres boissons ?
En revanche… pourquoi y avait-il tant de monde… juste pour moi ?

Je me penchai vers Lucian et lui chuchotai, sachant qu’il pourrait m’entendre, mais que la musique couvrirait mes paroles pour les autres :

— Ils sont nombreux…
— La réception était déjà prévue, à l’origine, répondit-il. Le roi s’est dit que ce serait l’occasion idéale.

Idéale, oui. C’est le mot.

J’avais en face de moi une salle impressionnante. Luxueuse. Tout le monde était sur son trente-et-un, le plafond présentant des moulures luxueuses était très haut au-dessus de nous et arborait un immense lustre doré, les murs étaient d’une teinte crème immaculée et le sol recouvert d’un carrelage en damier noir et blanc. J’avais l’impression de me retrouver au milieu d’un bal d’aristocrates. Il y avait plusieurs étages et je pouvais voir de grandes fenêtres de chaque côté de la pièce, donnant sur des balcons.

Je faillis avoir un rire nerveux quand je me rendis compte que la chanson qui passait était Ironic, d’Alanis Morissette.
It's like rain on your wedding day…
It's a free ride when you've already paid…


Ma situation aussi était un peu ironique. J’étais une humaine qui avait été traumatisée par un vampire, qui se retrouvait maintenant au milieu d’un bon nombre d’entre eux. Une gazelle parmi les lions affamés.

Nora m’adressa un clin d’œil et me fit signe de la suivre. Elle garda la tête haute et je l’imitai, pour me donner de l’assurance. Elle amorça un pas, et je fis de même.
Alors que nous descendions les grandes marches menant à la salle principale, d’autres visages se tournèrent vers nous. Et avant de céder à la panique, je me répétai encore et encore qu’aucun d’entre eux ne me ferait du mal. Aucun d’entre eux ne pourrait m’atteindre. Je devais me comporter comme si j’en étais intimement convaincue. Je devais être remarquée tout en restant hors d’atteinte.
Surtout par le roi.

Je tournai la tête vers Nora, au moment où elle le fit également. Nous arborâmes un sourire en coin, avant de regarder à nouveau devant nous.
Je me mis à chercher des yeux un vampire qui m’inspirerait tant de malaise que j’en déduirais qu’il s’agissait du roi. Je me doutais que pour occuper cette place, il devait être très impressionnant. Et si, comme l’avait dit Nora, Adam et Lucian étaient aussi puissants que Savari, je n’avais plus qu’à chercher une aura comme la leur. En espérant que la nausée ne serait pas aussi minime qu’avec les River, que j’avais appris à connaître un peu.

— Il…
— Il n’est pas là, me coupa Nora, devinant ce que j’allais demander. Mais il fera une apparition tôt ou tard.
Je ne savais pas si j’étais soulagée de ne pas le rencontrer tout de suite, ou si l’attente me mettait au supplice.
— Qu’il vienne rapidement, qu’on en finisse, grommela Adam.

Je hochai la tête.
Le visage de Nora se fendit d’un rictus. Elle me désigna un petit groupe du menton.

— En revanche, les petits toutous de Savari sont là, déclara-t-elle sur un ton que j’aurais qualifié de mesquin.
J’écarquillai les yeux.
— Et s’ils t’entendent ? m’affolai-je à voix basse.
Elle tapota mon épaule.
— Je m’en fiche un peu, à vrai dire, rétorqua-t-elle.

Mon regard détailla un peu plus le groupe en question. Il était composé de cinq personnes, mais trois d’entre eux étaient plus facilement remarquables, comme s’ils dégageaient une aura puissante. Un homme aux cheveux d’un blond doré lui arrivant jusqu’au milieu du dos, un autre avec une crinière brune encore plus longue (décidément, les vampires avaient un problème avec ça) et enfin, une femme à la peau d’ébène et aux immenses tresses couleur corbeau. Pendant un instant, je ne pus regarder ailleurs.

— Les trois prétendants au trône, expliqua April, qui s’était rapprochée.
— Regarde-les converser ensemble comme s’ils ne rêvaient pas de se piétiner les uns les autres, ajouta Adam avec malice et une pointe de froideur dans la voix.
Je lui coulai un regard semi-amusé.
— Tu n’as pas l’air de beaucoup les aimer, chuchotai-je.
Ses yeux d’un noir profond croisèrent les miens et s’il ne répondit pas, il m’adressa un sourire entendu. Nora ricana légèrement.
— Je serais curieuse de savoir qui Moineau peut bien apprécier dans ce monde, le taquina-t-elle.
— J’ai déjà du mal à comprendre comment nous avons pu développer une amitié, répliqua-t-il.
— Ça, c’est parce que tu me faisais de la peine et que j’ai un charisme à toute épreuve. Mais personne n’y peut rien, je suis née comme ça, il n’y a rien à faire.

Si nous avions été au manoir, en sécurité, j’aurais sûrement ris. Là, c’était difficile.
Minute. Venais-je de penser que j’étais en sécurité au manoir ? Décidément, ma vision des choses avait vraiment commencé à changer.

— Quatre siècles, Lucian, soupira la vampire blonde. Comment as-tu fait pour le supporter quatre putain de siècles ?
— Je me pose la question chaque jour, répondit l’intéressé avec un air détaché.
Adam roula des yeux.
— Le monde serait beaucoup moins drôle sans moi, argua-t-il.
— Je suis prête à en faire l’expérience, insista-t-elle.

Soudainement, les trois prétendants au trône relevèrent la tête et reportèrent leur attention sur nous. Mon cœur se mit à battre bien plus vite et je sentis ma gorge se nouer. Je mis mes mains dans mon dos avant qu’ils ne puissent voir que je serrais les poings. Mes ongles s’enfoncèrent dans mes paumes. Je dus lutter pour arrêter. Ce n’était absolument pas le lieu pour me mettre à saigner. Je me mis à respirer lentement afin de me calmer. Ils sentiraient probablement ma peur, mais autant l’atténuer le plus possible.
Les deux hommes se détachèrent du groupe pour s’avancer vers nous. La femme ne m’accorda pas plus d’attention, préférant reprendre sa conversation avec les autres. Lucian et April semblèrent se raidir, tout en revêtant un masque d’amabilité. Adam resta impassible mais il n’avait pas l’air des plus ravis. Quant à Nora… Eh bien, fidèle à elle-même, elle resta détachée tout en paraissant prête à sortir les griffes si on l’agaçait.

L’homme aux cheveux dorés et ondulés nous offrit un immense sourire qui me fit pourtant froid dans le dos. Cela se voyait qu’il était factice. Je me fis force pour le lui rendre au mieux, même si j’étais loin d’être à l’aise. Le brun, à ses côtés, était plus réservé.

— Vous êtes l’humaine, déclara le premier.
— Et vous, vous êtes perspicace, répondis-je du tac-au-tac sans trop réfléchir.

Merde.
Si je l’avais vexé, je ne donnais pas cher de ma peau. Cependant, je crus voir le coin des lèvres de l’homme hantant mes rêves, tressaillir, comme s’il se retenait de sourire. Sublime. J’avais la validation d’Adam. Mais il ne fallait pas que j’oublie que lui, n’avait pas peur pour sa vie, actuellement.
Le prétendant se mit à rire après quelques secondes de silence. Mais il sonnait un peu faux.

— Eh bien, vous avez un sacré caractère, pour une femme de votre espèce, commenta-t-il, toujours avec son air amusé.

À ses mots, je sentis une bouffée d’indignation me saisir. Tant mieux, au moins, cela repousserait un peu ma peur.
Il se mit à me détailler de la tête aux pieds, s’attardant quelques secondes de trop sur les courbes de mon corps. Un frisson glacé me parcourut la colonne vertébrale. Au manoir, je savais que j’étais entourée de personnes pouvant se montrer dangereuses, si elles le voulaient, mais là, je savais sans douter une seule seconde que je faisais véritablement face à un prédateur. Il me laissait une aussi mauvaise impression que celui qui avait essayé de m’enlever, dans mon université, ou même l’agresseur de ma mère. Et il n’avait encore rien fait. Mais je le ressentais. Ses deux iris d’un bleu magnifique ne m’inspiraient rien de bon.
J’espérais, même si j’aurais peut-être retrouvé ma vie d’avant d’ici-là, que ce ne serait pas lui qui monterait sur le trône.

— De mon espèce ? relevai-je.
— Les humains sont si fragiles, argumenta-t-il.

Mon nez se fronça légèrement suite à ma colère et à un sentiment de répulsion, lorsqu’il leva une main pour effleurer une mèche de mes cheveux. J’eus un mouvement de recul et il suspendit finalement son geste. Tant mieux pour lui, parce que mes compagnons semblaient prêts à bondir s’il me touchait.

Le deuxième prétendant le foudroya du regard, mais le blond ne parût rien remarquer. Ou alors il l’ignorait superbement. Je penchais plutôt pour la deuxième solution.

— Vous, par exemple. Votre cœur semble sur le point de céder, de peur.
— Vous avez sûrement raison, concédai-je. Mais ce n’est pas pour autant que je vais me laisser marcher dessus.

Je ne savais absolument pas d’où me venait cette soudaine assurance, surtout que j’avais l’impression que je pouvais m’effondrer d’une seconde à l’autre. Mais mon audace ne fit que le rendre un peu plus hilare.

— Vous avez été humain aussi, non ? ajoutai-je.
Son sourire s’effaça enfin. Touché.
— C’était il y a bien longtemps, répondit-il en s’efforçant de garder un air un tant soit peu désinvolte.
— Alors vous avez été fragile aussi. Mais vous devez avoir oublié comment nous fonctionnons et comment vous étiez, vous. Je pense que vous auriez beaucoup à apprendre des humains. Ne nous sous-estimez pas, conclus-je.

Oh. Bordel.
Un silence s’abattit sur notre groupe. Je luttai contre moi-même pour ne pas me mettre à paniquer. Je gardai la tête haute. Je voyais du coin de l’œil que les autres me regardaient, sûrement avec effarement.
Je ne pouvais pas leur en vouloir, moi-même j’aurais eu exactement cette expression à leur place.

Le vampire se rapprocha d’un pas et Adam fit de même, lui adressant un regard si véhément que j’étais heureuse de ne pas en être la cible. Mais le prétendant adopta une posture de défi et ne recula pas. J’eus peur qu’à cause de moi, il n’y ait un affrontement.

— Neeve Lefevre, lâchai-je spontanément, afin d’accaparer à nouveau l’intention et éviter un désastre.

Nerveuse et ne sachant pas trop quoi faire, je tendis la main. Le prédateur haussa un de ses délicats sourcils blonds, puis sourit à nouveau, quittant son concurrent du regard. Il plaça doucement sa main sous la mienne afin de la porter à ses lèvres. J’aurais préféré qu’il la serre, mais j’essayai de ne pas montrer mon dégoût. Son contact n’était pas aussi froid que je m’y étais attendu. Il s’était nourri.

— Anselme d’Aspremont, se présenta-t-il à son tour. Ravi de faire la connaissance d’une humaine aussi audacieuse.

Je n’étais pas convaincue. Il ne m’avait pas à la bonne, ça, c’était sûr. Mon malaise s’intensifia, car il ne lâchait pas ma main. Son aura épaisse, terrifiante, me faisait presque suffoquer. Je dus comprimer des haut-le-cœur. Mon radar s’affolait. Il me paraissait même plus inquiétant que les River les plus puissants.

Parce qu’il est bien plus monstrueux qu’eux, même s’il est moins puissant.
C’était ce que mon instinct me dictait. Et il parvint à me convaincre sans trop d’efforts.

— Un contact si chaud est toujours si surprenant, ici…, murmura-t-il.
Puis il s’attarda sur mes cicatrices. Je pinçai les lèvres.
— C’est bien ce que je disais : si fragile, soupira-t-il.
Je retirai ma main en me forçant à avoir l’air courtois. Je pus mieux respirer.
— Si cette chaleur t’incommode, Anselme, je peux toujours t’aider à te rafraîchir, lança Nora dans une menace à peine voilée et un sourire si angélique sur les lèvres que cela en était louche.
— C’est plutôt agréable, ne t’en fais pas, ma chère Nora, rétorqua-t-il. Tu peux garder ta glace pour toi.

J’avais conservé un assez mauvais souvenir du moment où elle avait gelé mes jambes, mais je n’aurais pas été contre voir ça sur cet homme. Cela pourrait le faire redescendre un peu de son piédestal.

— Quel dommage, ironisa-t-elle d’une voix douce et traînante.

Ils se regardèrent, lui, essayant de la dominer de toute sa hauteur, et elle, agissant comme son égale, ne se laissant pas démonter. Et le fait qu’elle soit plus petite ne changeait rien : sous ses airs innocents, elle était effrayante. Le temps parût se suspendre et je retins mon souffle.

— J’aurais peut-être la chance de vous recroiser plus tard, finit par dire mon nouvel ennemi.
— Rien ne nous rendrait plus heureux, fit Adam avec sarcasme.

Anselme ne répondit pas et lui adressa un regard dédaigneux. Puis il tourna les talons. J’expirai enfin, soulagée. Je secouai la tête, ayant encore du mal à croire que j’avais pu dire tout ça.
Les billes vert pâle du deuxième prétendant se posèrent sur moi. Il eut une moue approbatrice.

— Impressionnant, jugea-t-il.
Je haussai une épaule.
— Apparemment je suis assez douée pour me mettre des bâtons dans les roues, ne pus-je m’empêcher de répondre.

Ou pour parler à tout va.

Il rit, mais il ne me laissa pas la même impression qu’Anselme. J’avais la sensation que cela l’amusait vraiment, contrairement à son rival qui essayait de masquer sa colère et sa froideur sous un masque d’hilarité.

— Je vois ça, dit-il.

Il me tendit la main et après l’avoir regardé avec méfiance, je la saisis pour le saluer. Il avait dû remarquer à quel point le baise-main de l’autre vampire m’avait mise mal à l’aise. Je lui en étais reconnaissante, pour ça.

— Jehan Sombretour, déclara-t-il.

J’étais vraiment entrée dans un autre univers. Un univers de noms médiévaux. Mais je devais bien avouer que « Sombretour » sonnait plutôt bien.

— Enchantée, fis-je d’une voix mal assurée.
— De même.
Il leva les yeux pour regarder mes compagnons.
— Lucian, le salua-t-il.

Son ton s’était fait plus doux. Ses traits s’étaient détendus, ôtant un peu de sévérité à son visage dur. Je crus même qu’il était… touché ? Peiné ?

— Jehan, répondit calmement Lucian. Ça me fait plaisir de te voir.

Il semblait sincère. Je me demandais quel était leur lien. Étaient-ils amis ? Alors pourquoi paraissaient-ils tous les deux aussi tristes ?

— April, poursuivit le prétendant avec un sourire. Nora.
Puis il passa au dernier de notre petit groupe.
— Adam, termina-t-il.

Waouh. Il avait prononcé son nom comme s’il s’agissait d’une insulte. Le changement d’atmosphère fut si soudain que je me demandai si je n’avais pas loupé quelque chose.

Si, Neeve. Tu as loupé près de quatre siècles de leur existence. Normal que tu sois perdue.

— Jehan, répliqua l’intéressé sur le même ton.

D’accord. Si les autres avaient l’air de plutôt bien s’entendre avec le vampire aux longs cheveux bruns, ce n’était clairement pas le cas de celui qui se tenait à côté de moi. Une sorte de rancune avait pris la place de la peine dans les yeux verts du vampire que je ne connaissais pas.

Je n'aurais pas cru avoir cette réaction, mais j’eus envie de défendre Adam. De le protéger. Et sans m’en rendre compte tout de suite, je m’étais légèrement rapprochée de lui.

— Peut-être à plus tard, lâcha Jehan.

Il salua une dernière fois Lucian, puis s’éloigna. Après son départ, il y eut quelques secondes pendant lesquelles aucun de nous ne parla.

— Neeve ! finit par chuchoter April. (Elle vint se placer en face de moi et je vis l’étendue de son inquiétude au fond de ses yeux bleu. Mon cœur se serra.) Je ne sais pas si je dois être immensément fière de toi ou dire que tu es inconsciente !
Nora passa un bras autour de mes épaules, ravie.
— Tu peux être fière, répondit-elle à ma place. Elle a assuré. Continue comme ça, ils vont voir ce que tu as dans le ventre.

Son contact ne me rebuta pas, même s’il était plus accentué que les autres qu’elle avait eu envers moi. J’étais bien trop soulagée d’avoir passé cette étape de la rencontre des prétendants au trône pour m’en soucier.
April la réprimanda du regard.

— Mieux vaudrait que personne n’ait de raison de lui en vouloir, argumenta-t-elle.
— Si ça arrive, on sera là, contra la vampire aux cheveux dorés. Mais elle va surtout en mettre pas mal à ses pieds. Et puis, elle est à croquer dans cette robe.

Je déglutis. Elle avait bien choisi ses mots.
Elle me fit un clin d’œil et April soupira. Lucian, quant à lui, n’avait pas l’air franchement ravi non plus. Adam me regardait avec un mélange de consternation et de fascination.

— Toi aussi tu penses que j’ai fait une connerie ? murmurai-je.
— Je pense qu’Anselme avait bien besoin que quelqu’un lui tienne tête, répondit-il.
Un faible sourire étira mes lèvres.
— Je déteste dire que je suis d’accord avec Jehan, mais oui, c’était impressionnant, poursuivit-il.
— Je n’ai pas fait grand-chose…, voulus-je contester pour me rassurer.
— Oh, tu en as fait bien plus que n’importe quel autre humain en leur présence. Ils n’ont pas l’habitude.

Génial.

~


J’étais assise sur un grand canapé, dans un coin de la salle, un peu au calme. Seule. Cela faisait un moment que nous étions ici, et le roi ne s’était toujours pas montré. Les autres avaient voulu me présenter, mais à force d’entendre des « C’est l’humaine », « C’est elle » ou encore « Elle n’a pas sa place ici », sur un ton hautain accompagné de regards mauvais, j’en avais eu assez. De plus, ces vampires inconnus qui me jugeaient n’essayaient même pas d’être discrets.

Oui, je n’avais pas ma place ici, c’était clair. Et je serais ravie de partir le plus vite possible. Il suffisait juste que Savari débarque, se fasse une idée sur moi, et l’affaire serait pliée. Là, je ne poserais plus de problème. Je ne demandais rien de mieux. Enfin, le seul souci que je posais réellement relevait du fait que cela devait être bien trop difficile pour eux d’avoir une humaine qui ne servirait pas de garde-manger, sous le nez.

Les membres du clan River étaient disséminés çà et là, mais jamais trop loin, afin de veiller sur moi, tout en continuant de discuter avec leurs congénères. Apparemment, il était important d’entretenir des liens avec eux.
J’observais tout ce petit monde de plus loin, sans rien dire. Nora m’avait dit de faire grande impression, mais j’avais déjà tout donné avec Anselme, et là, je n’avais plus la force ni le courage de faire face à tous les autres.

Un rire cristallin attira mon attention. Je tournai la tête vers la provenance du son, mais ne vis personne. J’étais perplexe. On aurait dit un rire d’enfant…
Quand je regardai à nouveau devant moi, une fillette se tenait là. Je sursautai. Elle arborait un grand sourire joueur.

— Je t’ai fait peur ? s’amusa-t-elle.

Je fronçai les sourcils. Elle n’était pas humaine…
La fureur m’envahit. Qui pouvait bien avoir transformé une enfant en vampire ? Qui pouvait être assez cruel pour ça ?

— Tu n’es pas contente, remarqua-t-elle.
Je me ressaisis. J’aurais dû avoir peur, mais son jeune âge me fit plutôt avoir de la compassion et de la tendresse.
— Ce n’est rien, lui assurai-je.
— J’aime bien faire peur aux humains, continua-t-elle. Il ne faut pas m’en vouloir.

D’accord…
Elle disparût de mon champ de vision en un éclair et je tournai la tête de tous les côtés. Mon cœur fit une embardée quand je la sentis dans mon dos. Elle agrippa ses petits bras autour de mon cou, comme pour avoir de l’affection, ne serrant pas fort.
Bon, là, je commençais un peu à avoir peur, il était vrai.

— Tu sens bon…

Je me doutais bien qu’elle ne parlait pas seulement de mon parfum.
Avant que je ne puisse dire quoi que ce soit, deux petits garçons se précipitèrent vers nous. Deux jolis têtes brunes et de grands yeux marron. Ils se ressemblaient. J’en déduisis qu’ils étaient frères. Et à vrai dire, la petite fille aussi avait un air de famille, même si elle était blonde.

— Qu’est-ce que tu fais, Tina ? demanda l’un d’eux.
— Je m’ennuyais et je voulais faire sa connaissance, se justifia-t-elle.
— Maman a dit qu’on ne devait pas la mordre ! la rabroua le deuxième.

Si je voyais le lever du soleil, je pourrais m’estimer chanceuse. Si je ne me faisais pas tuer par Anselme, les enfants ou le roi, ce serait une crise cardiaque, qui m’emporterait.

— Mais pourquoi ? se lamenta la fillette.

Bien. Je n’allais pas laisser faire cela sans rien dire. Je mis mes main sur ses bras pour la détacher de moi, ce qui lui arracha un petit cri de protestation et je tournai la tête vers elle. Je pris mon expression la plus autoritaire que j’avais en stock.

— Parce que ce n’est pas poli, répondis-je avec sévérité. (Je pointai mon index vers elle.) Une morsure fait mal. Et tu dois le savoir, puisque ça t’est arrivé.
Elle inclina la tête sur le côté avec un air interrogateur. Ah. Alors elle ne s’en souvenait pas ?
— Les vampires ne mordent pas les autres vampires, si ? demanda-t-elle. Ça ne m’est jamais arrivé.
— Comment en es-tu devenue une, dans ce cas ? m’enquis-je.
— Je suis née comme ça. Comme mes frères.
Je haussai les sourcils, sincèrement surprise.
— Quoi ?
— Les vampires ont des enfants, tu sais, lança un des garçons.
— On grandit comme les humains. Mais après, on finit par ne plus vieillir. Comme nos parents, expliqua l’autre.

Je restai bouche-bée pendant quelques secondes. Je ne m’étais absolument pas attendue à cela. De plus, ils parlaient si bien et paraissaient si matures pour leur âge, que le contraste était encore plus saisissant. Mais cela leur venait certainement de la façon de parler de leurs proches, qui devaient être bien plus vieux que ce qu’ils ne laissaient paraître.

— Peut-être que tu n’as pas été mordue, mais sache que ce n’est pas agréable, poursuivis-je.
Ses grands yeux pétillants s’arrondirent un peu plus.
— Tu as été mordue, un jour ? me questionna-t-elle.
Mon estomac se tordit.
— Oui. Une fois. C’était très douloureux.
— Ça t’a rendue triste ?
— Hum… Oui, en quelque sorte.
— Je n’ai pas envie de te rendre triste.

Elle recula puis disparût, pour réapparaître aux côtés de ses frères. Tous les trois me regardaient désormais comme si une corne venait de pousser sur mon front. Mais au moins je ne risquais pas d’être leur cible pour l’instant.

— On ne doit pas attaquer les gens.
— Mais vous, vous attaquez les animaux pour les manger, renchérit l’aîné.
Pas faux.
— Certes… Mais ils sont déjà morts, quand on les mange, argumentai-je.
— Alors on peut te tuer avant, aussi ! rit-il.

Ah, ah. Hilarant.
Son frère le suivit dans son amusement, et Tina leva les yeux au ciel.

— Daniel, soupira-t-elle.
— Je plaisantais !
— Si vous me tuez, vous ne pourrez jamais voir ce que je peux faire, lâchai-je.

Cela eut le mérite de les faire taire et de les tirer de leurs envies de meurtre sur ma personne. Plus loin, je vis Adam nous regarder. Il esquissa un geste pour s’approcher, mais je lui fis signe que je pouvais gérer la situation. Il s’arrêta, mais je savais qu’il n’allait pas nous quitter des yeux.

Les trois garnements parurent attendre la suite. Et voilà. Désormais, il fallait que je trouve quelque chose rapidement. J’avais surtout improvisé.

— Tu peux faire quoi ? me demanda le plus jeune.
— Comment tu t’appelles ? m’enquis-je.
Décidant qu’elle ne pouvait pas tenir en place plus longtemps, Tina se mit à grimper sur le canapé pour se mettre à côté de moi.
— Elias, répondit-il.
— Eh bien, Elias, quel est ton animal préféré ?

La fillette commença à jouer avec mes cheveux. Le coin de mes lèvres se releva. Tant qu’elle ne faisait rien de mal, ça m’allait très bien. Nora serait furieuse que la coiffure qu’elle avait passé du temps à confectionner soit défaite, mais tant pis.

— Le chat, s’enthousiasma-t-il.

Rien que le fait d’en parler le réjouissait. C’était adorable. Il semblait impatient, alors qu’il ne savait même pas ce que je comptais faire de cette information.
Et moi, je commençais à avoir ma petite idée.

— Alors regardez bien, parce que… (Je sentis le souffle de Tina contre la peau de mon cou.) Hé ! Qu’est-ce que j’ai dit ?
— De ne pas te mordre, bougonna-t-elle.
— Exactement, confirmai-je. Sinon, je ne montrerai rien du tout et vous serez déçus. Tu t’ennuyais en plus, non ? Crois-moi, ce sera bien plus amusant que me mordre.
— Mais tu sens trop bon !
— Ce n’est pas une excuse, fis-je avec sévérité.
Je pointai une place vide sur le sol, à côté de ses frères.
— Allez, va t’asseoir. Sinon, il n’y aura rien.

Elle ne bougea pas, voulant me tenir tête, et je lui lançai un regard plus appuyé, lui montrant que je ne plaisantais pas. Elle finir par râler et descendre du canapé. Je n’avais pas trop confiance, quand elle était aussi près de moi.

— Et si tu continues, c’est moi qui vais te mordre, plaisantai-je.

Cela ne m’empêcha pas de prendre une expression faussement menaçante. Ils se mirent à rire en faisant semblant d’avoir peur. Je venais de passer de l’humaine sans défense à l’attraction de la soirée, pour eux. Une attraction trop intéressante pour la dévorer, je l’espérais.

— Bien. Le chat, donc.

Je me penchai un peu en avant et levai mes paumes vers le plafond. Je me concentrai pour faire apparaître de fines volutes d’ombres. Je m’étais assez entraînée pour ne pas faire de mal et je m’arrêterais bien avant d’atteindre ma limite.
Ils écarquillèrent leurs yeux et fixèrent la fumée avec attention. Petit à petit, celle-ci se mit à former la silhouette du petit animal. Un éclat de rire joyeux leur échappa, et Daniel se mit même à applaudir.

— Encore ! réclama-t-il. Moi, j’adore les dauphins !

Je hochai la tête en souriant, puis m’exécutai. J’ajoutai des petites vagues en dessous du mammifère marin, le faisant plonger dedans, puis bondir au-dessus de la surface. Heureusement que j’étais douée en dessin, cela m’aidait.

Tina réclama des oiseaux. Puis leurs demandes se succédèrent. Mais je veillais à faire des pauses et leur posais des questions sur leurs jeux ou leurs dessins-animés préférés, le temps de recharger les batteries. Au final, il ne fut plus du tout question de me mordre et le temps passa bien plus vite. Plusieurs fois, j’avais vu des visages se tourner vers nous. Certains vampires s’étaient détendus en entendant les rires des enfants et en voyant mes ombres former des images. D’autres avaient eu l’air outré ou en colère, mais tant que personne ne venait dire quoi que ce soit, je continuais.

J’avais surpris le sourire d’Adam. Quelque part, cela m’avait réchauffé le cœur. Lucian et April étaient attendris, bien que sur leurs gardes, et Nora rayonnait littéralement en me voyant agir ainsi. Même si je ne me mêlais pas aux autres, je les impressionnais quand même.
Jusqu’à ce qu’une femme furieuse s’approche à grands pas.

— Qu’est-ce que vous ai dit tout à l’heure ? s’énerva-t-elle en regardant les enfants.
Ils baissèrent la tête avec un air coupable qui me peina.
— De ne pas approcher…, répondit Daniel.
Tiens donc. Parce que c’était moi, le danger, ici ?
— Alors qu’est-ce que vous faîtes là ?
Elle m’offrit à peine un regard, et celui-ci fut chargé d’éclairs.
— On s’en va, tempêta-t-elle.

Une partie de la salle nous regardait, en silence. Je ne savais plus où me mettre, alors que mon seul crime était juste de me trouver .
Ils ne bougèrent pas, dans un premier temps.

La femme leur ordonna encore une fois de la suivre, tout en me guettant de ses yeux méfiants. Je haussai une épaule en avisant les enfants.

— Je dessinerai d’autres animaux une prochaine fois, voulus-je les rassurer devant leur mine déçue.

Je n’en étais pas sûre, de cela, puisque celle qui devait être leur mère semblait vouloir me hurler qu’il en était hors de question.
Ils eurent tous une moue boudeuse et je me penchai vers eux avec un air inquiétant et un sourire qui se voulait machiavélique.

— Vite… Partez avant que la vilaine humaine ne vous dévore ! fis-je mine de grogner. Et faîtes attention : je pourrais me cacher sous vos lits pendant que vous dormez !
Ils se mirent à sourire et, se prenant au jeu, commencèrent à courir en direction de la femme, en criant.
— Graaaaouuuu ! ajoutai-je.

Ils s’enfuirent dans de grands éclats de rire. Je m’affalai contre le dossier du canapé, souriant encore quelques instants après qu’ils eurent disparût. Puis la réalité finit par me revenir en pleine face, quand je me rendis compte que les murmures injurieux sur ma personne venaient de redoubler, malgré tout.

Mon cœur se mit à battre rapidement. Trop rapidement. Une montée de stress me submergea et je sentis mes yeux sur le point de déborder de larmes. Je n’étais pas à ma place ici. Je ne l’avais jamais été nulle part.
Je ne l’étais pas non plus dans le monde des humains. On me l’avait bien fait comprendre, auparavant.
Il fallait que je prenne l’air. Je n’en pouvais plus d’entendre tout ça et de supporter leurs regards.

Je vis une grande fenêtre tout près, menant sur un des balcons. Je me levai d’un bond et m’approchai d’elle. J’eus peur qu’on ne me suive. Et la peur familière que je ressentais, recommença à me rendre irraisonnée. Mon esprit retint le fait que je pouvais être autant terrifiée par les humains que par les vampires, et me conduisit au bord d’un précipice dangereux, dans lequel j’avais chuté une fois et dont j’avais eu du mal à me sortir : ma paranoïa.

C’était impossible, mais j’eus la sensation que Connor était derrière moi. Quelque part, c’était comme s’il était toujours là. J’étais peut-être la maîtresse des ombres, mais lui, se tenait constamment dans la mienne, et je ne pouvais rien faire pour contrôler cela.
Mon cerveau avait tendance à relier ma panique à sa présence, même si elle était due à autre chose. Je me mis donc à fuir à la fois mon ex-petit-ami, et les vampires de la salle.

Un regard derrière moi m’assura que Connor n’était pas là. Pourtant, cela ne m’aida que très peu.
J’étais à deux doigts de prier pour que le roi se montre vite. Je voulais partir.

---


Chapitre 9
Chapitre 11
Dernière modification par Chlawee le mar. 13 juil., 2021 12:54 pm, modifié 1 fois.
Mimi123

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Re: Neeve, Tome 1 : L'éveil des Ombres [Fantastique, bit-lit, romance] (Chapitre 10)

Message par Mimi123 »

Ce nouveau chapitre est génial ! J'adore le passage avec les enfants ! Et plus particulièrement, celui où le jeune garçon lui dit qu'il peut la tuer avant de la mordre (pour ne pas qu'elle souffre) :lol: Saleté d'enfants :lol:

J'imagine l'horreur d'être face à face à des enfants vampires qui sont attirés par ton sang. D'une certaine manière, c'est encore plus effrayant que les vampires adultes car plus imprévisibles :P

En tout cas, ton histoire est toujours aussi géniale et l'écriture toujours aussi fluide ! Hâte d'avoir la suite maintenant ;)
cocovanilleguimauve

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Re: Neeve, Tome 1 : L'éveil des Ombres [Fantastique, bit-lit, romance] (Chapitre 10)

Message par cocovanilleguimauve »

j'adore ce chapitre !! on se met vraiment à la place de Neeve,c'est réussi !
toutes mes félécitations pour ce brillant chapitre !
:D :D :D
Pendergast

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Re: Neeve, Tome 1 : L'éveil des Ombres [Fantastique, bit-lit, romance] (Chapitre 10)

Message par Pendergast »

Bonjour, encore un excellent chapitre, le passage avec les enfants est topissime et original !
MGT_

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Re: Neeve, Tome 1 : L'éveil des Ombres [Fantastique, bit-lit, romance] (Chapitre 10)

Message par MGT_ »

Hello ! J'adore comme toujours ce chapitre et le(s) précédant(s) dont je n'ai pas commenté. C'est chouette d'avoir de long chapitre parce que ça permet vraiment de se plonger dedans tout en se remémorant ce qu'il a pu se passer avant et dont j'aurais oublier quelque chose. Bref, continue comme cela et vivement le prochain chapitre !
lacrystal

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Re: Neeve, Tome 1 : L'éveil des Ombres [Fantastique, bit-lit, romance] (Chapitre 10)

Message par lacrystal »

Hello ! Me voilà donc afin de commenter Neeve :D

Alors déjà, Neeve m'a trop fait rire lors de sa rencontre avec Anselme, je sais pas comment elle fait pour être aussi courageuse mais franchement bravo *-* :lol: Et Nora sa répartie "Si cette chaleur t’incommode, Anselme, je peux toujours t’aider à te rafraîchir" je l'adore :lol: :lol: :lol:

Ensuite la scène avec les enfants, elle était trop drôle :lol: Ils sont vraiment mignons malgré qu'ils veuillent vraiment mordre Neeve ^^' Mais bon après ce sont des enfants, on les pardonne vite :lol: Par contre celui qui propose de tuer Neeve avant de la manger :lol: :lol: :lol: Il m'a tuée

Par contre la fin :( On voit bien que l'ex petit-ami de Neeve l'a vraiment traumatisée, j'ai envie de lui faire regretter tout ce qu'il a pu lui faire :x En tout cas j'ai hâte de voir le Roi *-*

A bientôt pour le prochain chapitre ! (ça va être très très dur d'attendre la semaine pro D:)
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Re: Neeve, Tome 1 : L'éveil des Ombres [Fantastique, bit-lit, romance] (Chapitre 10)

Message par Chlawee »

Mimi123 a écrit : mar. 06 juil., 2021 4:46 pm Ce nouveau chapitre est génial ! J'adore le passage avec les enfants ! Et plus particulièrement, celui où le jeune garçon lui dit qu'il peut la tuer avant de la mordre (pour ne pas qu'elle souffre) :lol: Saleté d'enfants :lol:

J'imagine l'horreur d'être face à face à des enfants vampires qui sont attirés par ton sang. D'une certaine manière, c'est encore plus effrayant que les vampires adultes car plus imprévisibles :P

En tout cas, ton histoire est toujours aussi géniale et l'écriture toujours aussi fluide ! Hâte d'avoir la suite maintenant ;)
Hey ! :D
Merci beaucoup !
:lol: :lol: Faut toujours se méfier des gosses.
Carrément ! J'aurais trop peur ! :lol:
Encore merci !
cocovanilleguimauve a écrit : mar. 06 juil., 2021 8:47 pm j'adore ce chapitre !! on se met vraiment à la place de Neeve,c'est réussi !
toutes mes félécitations pour ce brillant chapitre !
:D :D :D
Hello ! :D
Merci !! :D :oops:
Pendergast a écrit : mer. 07 juil., 2021 1:18 pm Bonjour, encore un excellent chapitre, le passage avec les enfants est topissime et original !
Merci beaucoup, ça me touche ! :)
MGT_ a écrit : mer. 07 juil., 2021 6:19 pm Hello ! J'adore comme toujours ce chapitre et le(s) précédant(s) dont je n'ai pas commenté. C'est chouette d'avoir de long chapitre parce que ça permet vraiment de se plonger dedans tout en se remémorant ce qu'il a pu se passer avant et dont j'aurais oublier quelque chose. Bref, continue comme cela et vivement le prochain chapitre !
Salut ! :D Merci !!
Je suis contente ! Alors tant mieux parce que les chapitres de Neeve sont assez longs. :lol:
lacrystal a écrit : jeu. 08 juil., 2021 12:13 pm Hello ! Me voilà donc afin de commenter Neeve :D

Alors déjà, Neeve m'a trop fait rire lors de sa rencontre avec Anselme, je sais pas comment elle fait pour être aussi courageuse mais franchement bravo *-* :lol: Et Nora sa répartie "Si cette chaleur t’incommode, Anselme, je peux toujours t’aider à te rafraîchir" je l'adore :lol: :lol: :lol:

Ensuite la scène avec les enfants, elle était trop drôle :lol: Ils sont vraiment mignons malgré qu'ils veuillent vraiment mordre Neeve ^^' Mais bon après ce sont des enfants, on les pardonne vite :lol: Par contre celui qui propose de tuer Neeve avant de la manger :lol: :lol: :lol: Il m'a tuée

Par contre la fin :( On voit bien que l'ex petit-ami de Neeve l'a vraiment traumatisée, j'ai envie de lui faire regretter tout ce qu'il a pu lui faire :x En tout cas j'ai hâte de voir le Roi *-*

A bientôt pour le prochain chapitre ! (ça va être très très dur d'attendre la semaine pro D:)
Hey ! :D
Alors je sais pas non plus comment elle fait. :lol: Elle non plus. Elle me dit au téléphone qu'elle a pas compris elle-même.
Ouais mais tu vois, on les pardonne vite alors que ce sont des p'tits monstres. :lol: Ils cachent trop bien leur jeu...

Connor il a toute une file d'attente de gens qui veulent le tuer. :lol:

A bientôt ! :D Merci beaucoup !
Chlawee

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Re: Neeve, Tome 1 : L'éveil des Ombres [Fantastique, bit-lit, romance] (Chapitre 11)

Message par Chlawee »

Hello ! :D Me voilà avec le chapitre 11 ! Celui-là, j'ai adoré l'écrire alors j'espère que aimerez ! Bonne lecture ! :)


Chapitre 11


Je sortis enfin sur le balcon. L’air frais de la nuit me fit du bien et repoussa un peu la nausée qui commençait à grimper. Elle n’était pas due à mon « radar » à vampires, mais plutôt à mon inquiétude omniprésente et à un sentiment de honte, je devais bien l’avouer. Oui, au milieu de toutes ces personnes, j’avais honte d’être humaine, alors que je ne le devrais pas.

Tic, tac.
Tic, tac.
Pas maintenant, Connor.


Je poussai une longue expiration, puisque j’avais retenu mon souffle le long de mon trajet jusqu’à l’extérieur. Je mis mes mains sur la rambarde, si fort que les jointures de mes doigts blanchirent. Mes lèvres se mirent à trembler et je dus les serrer afin de ne pas me mettre à sangloter.

Je décelai une infime trace noirâtre, sur la peau de mon poignet droite, qui ne se voyait presque plus, apparue la veille. Il semblerait que les marques ne soient pas dues qu’à mon pouvoir principal, mais que les autres pouvaient aussi déclencher cette réaction. Et je m’étais beaucoup entraînée, ces derniers jours. Mais tout ramenait sans cesse à mes ombres.

Je ne veux pas être ici. Je ne veux pas entrer dans ce monde-là.

Mais était-ce réellement ce que je pensais ? Ce qui me faisait le plus mal, c’était de réaliser que sans cela, je n’aurais pas appris à contrôler mes pouvoirs, je me serais toujours sentie rejetée partout où j’allais et je serais restée éloignée des autres afin qu’ils ne voient pas ce qui clochait chez moi.
Ce qui me faisait le plus mal, c’était de savoir que je ne voulais pas changer de vie, mais que pourtant, maintenant, ce serait trop tard pour revenir en arrière, même si plus personne ne voulait mettre mon existence en péril, que j’étais libre de retourner chez moi.
Avais-je seulement jamais eu un chez-moi ? Comment pourrais-je reprendre un quotidien normal après tout ça ?

Tout avait basculé. Absolument tout. J’étais heureuse d’avoir débloqué mes pouvoirs, mais je savais que je ne pourrais plus m’en servir en dehors du manoir. Quelque part, j’étais finalement plus libre avec les River que dans le monde des humains. Seulement, ce n’était pas non plus mon monde à moi. C’était bien ce que tous ces vampires me faisaient comprendre, et ce que je m’étais répété à longueur de journée.

Je ne savais pas quoi faire. Il n’y avait plus qu’à espérer que je pourrais me sentir bien un jour, dans mon appartement. Sans vampires.
Parce que tu te sentais bien, avant ?

Je sentis une larme rouler sur ma joue.
J’entendis la porte s’ouvrir et se refermer, derrière moi. Je me raidis. J’entendis des bruits de pas jusqu’à ce que la personne se place à côté de moi. Je ne voyais pas de qui il s’agissait, avec mes longs cheveux roux retombant de chaque côté de mon visage.

— Bonsoir, retentit une voix masculine que je ne connaissais pas.

Je dus me faire force pour ne pas me mettre à trembler. Et je haïs la première pensée qui me vint, à ce moment-là : Ce n’est pas Connor.
Ce n’était pas parce qu’il ne s’agissait pas de mon ex-copain, que le danger était loin. Il pouvait m’arriver tout et n’importe quoi, ici.
Et aussitôt, mon esprit se retrouva coincé, l’espace d’un instant, dans le passé :

Le vampire me relâcha sans douceur. Chancelante, je ne pus tenir sur mes jambes et m’effondrai sur le sol. Ma joue rencontra les pavés froids et mon regard était embrumé. Je n’avais plus de forces. La douleur dans mon cou était insupportable.
Plus loin, ma mère sanglotait.

— Laissez-la… S’il vous plaît…, le pria-t-elle.
— Continue, Malia. J’adore quand tu me supplies, ricana-t-il en s’approchant à nouveau d’elle.

Je dus cligner des yeux, car l’instant d’après, il la mordait, elle aussi. Je la vis se débattre, dans ses bras, jusqu’à ce que ses mouvements se fassent finalement plus espacés, plus faibles.
Et cela fut comme un déclic. Je parvins à lever une main et, poussée par mon instinct, j’inspirai profondément et visualisai quelque chose.

Une épaisse fumée noirâtre qui s’échappa de ma paume et percuta le vampire à la tête.
Il laissa tomber ma mère dans un cri de douleur et porta ses mains à ses tempes. Je voulais qu’elle s’enfuie, mais à la place, elle se mit à ramper vers moi.

— Maman…

Malheureusement, la fumée disparut. Je ne parvins pas à la maintenir. J’ignorais même comment j’avais réussi à faire cela. Je ne pus la rappeler, non plus.
Libéré de cette entrave, furieux, il se jeta sur moi. Il me souleva par le col et mon visage se retrouva presque contre le sien. Il me regarda droit dans les yeux. Je tressaillis en avisant ses deux billes d’un rouge sang.

— Ne fais plus un geste, me dicta-t-il. Ne tente plus rien. Tu vas seulement regarder.

Aussitôt, toute énergie et toute volonté me quitta. Il me reposa et je ne fis rien. Plus rien. C’était comme s’il m’avait hypnotisée. Dès qu’une part de moi voulait se battre, une autre, plus forte, l’étouffait en lui rappelant les dernières paroles du vampire.
Je ne pus qu’observer ma mère aux mains de ce monstre.


Je revins à la réalité quand je songeai que je ne voulais plus que cela arrive. Plus jamais je ne resterais impuissante.
Je me raclai la gorge, sans regarder le nouveau venu. Je ne voulais pas lui montrer mes larmes. Il sentait déjà que j’avais peur, c’était amplement suffisant.
Je me tins prête à faire appel à mon pouvoir, en cas de besoin.

— Bonsoir, répondis-je.
— Que fais-tu seule ?
J’entendais son sourire dans sa voix. Je sentais qu’il n’avait rien de sympathique.
— J’avais besoin de prendre l’air.
— Loin de tes amis ? s’amusa-t-il.
Une nouvelle tension s’empara de mon corps, quand il s’approcha.
— Je vais vous demander de rester à bonne distance, parvins-je à dire.
Il y eut un petit silence, avant qu’il ne me fasse part de son hilarité.
— Tu penses être en position de me dire quoi faire ?
— Écoutez, si vous ne voulez pas d’ennuis…, commençai-je.
— Quels ennuis pourrais-je bien craindre, chère humaine ?

Je n’eus pas le temps de répondre. Je sentis une deuxième présence, derrière nous, ce qui me fit sursauter. Mais je m’apaisai quand je m’aperçus que l’aura m’était familière.
Adam venait d’arriver.

— C’est moi, les ennuis, déclara-t-il.

Je ressentis du soulagement. Sa voix dégoulinait de sarcasme, mais il aurait fallu être fou pour ne pas percevoir toute la dangerosité dans son ton.
D’un geste rapide, j’essuyai mes larmes et pivotai légèrement ma tête dans leur direction. Adam dardait sur le vampire un regard foudroyant.

— Ils veulent savoir comment se porte l’humaine, se justifia l’intrus.
Le blond me regarda, afin de s’assurer que j’allais bien, puis reporta son attention sur lui.
— Il me semble que l’humaine se porte à merveilles, rétorqua-t-il. Tu n’avais pas besoin de t’approcher aussi près pour le constater.

Les lèvres de l’inconnu esquissèrent un sourire atroce. Il se tourna vers moi et leva une main pour toucher mon cou. Je me figeai, comme un lapin pris dans les phares d’une voiture.

— Elle sent si bon, répondit-il, impossible de résister…

J’eus un hoquet de surprise quand il fut éloigné de moi en une fraction de seconde et qu’il fut projeté contre la rambarde à l’opposé de moi. Les mouvements avaient été si rapides qu’ils en étaient flous. Je crus que l’intrus allait dégringoler les étages, mais il s’était rattrapé avant de passer par-dessus le balcon.
Adam se tenait entre nous deux.

— À ce que je sache, nous pouvons résister, dans notre clan, cracha-t-il. Nous ne l’avons pas attaquée et ce malgré ce parfum si envoûtant que tu décris. Cela ne sert à rien de te cacher derrière cette excuse. Parfois, il est seulement question de volonté et tu n’es pas un nouveau vampire. Tu sais te contrôler.

Il s’approcha de lui et chacun de ses pas me faisait penser à ceux d’un lion s’apprêtant à fondre sur une proie. Le vampire ne fit pas un seul geste, n’osant même pas se redresser. Adam s’abaissa pour être à sa hauteur.

— Tu n’as pas intérêt à poser tes mains sur elle, reprit Adam. Et tu vas aller rappeler à tous ceux à qui cela viendrait à l’idée, qu'elle est sous notre protection, avec l'accord du roi ou non, et que le prochain qui tente de lui faire du mal ne connaîtra pas un sort aussi clément que le tien. Je m’en chargerai personnellement. Je n'ai pas peur des punitions qui pourraient m'attendre. C'est compris ?

Mon cœur s’était mis à battre bien plus vite, au point que cela me fit peur. J’allais réellement mourir d’un arrêt cardiaque, ce soir.
Adam était effrayant. Il n’avait même pas besoin de le frapper, de l’immobiliser ou quelque chose dans ce genre-là. Les mots suffisaient. Je n’aurais su dire si j’étais terrifiée par lui ou, au contraire, si je me sentais en sécurité.
L’inconnu écarquilla les yeux.

— C'est compris ? répéta Adam, impatient.
Son interlocuteur finit par hocher la tête. Le chef River se releva.
— Bien, fit-il avec détachement.

Il s’éloigna d’un pas. Le vampire n’hésita pas une seconde avant de s’en aller, rejoignant la salle pleine de convives. Il devait être ravi d’être encore en vie. Je pus mieux respirer.
Lentement, Adam se retourna afin de me faire face. Je déglutis, mais parvins à soutenir son regard.

Je me rendis compte que les battements de mon cœur s’étaient calmés. Pourtant, j’aurais dû être affolée, en présence de cet homme.
Ce n’était pas le cas. En fin de compte, j’avais eu bien plus peur de l’idée que Connor, l’humain, soit présent, que d’Adam, le vampire. Cela en disait long.

— Je voulais te laisser souffler un peu, puis j’ai vu que tu étais en mauvaise compagnie, m’expliqua-t-il.

J’opinai, puis poussai un long soupir, en m’agrippant à nouveau à la rambarde. Je pris une profonde inspiration. J’étais sûre que Lucian et April avaient remarqué que je n’étais plus seule, mais s’ils n’étaient pas intervenus, c’était parce qu’ils savaient qu’Adam s’occuperait de tout. Ils avaient confiance en lui.

— Serais-tu déçue que je ne sois pas arrivé plus tôt ? lança-t-il sur un ton léger. Ou que je sois là ?
Sa dernière phrase avait été prononcée avec sérieux.
— Veux-tu que je parte ? s’enquit-il.
Il était sincèrement inquiet de m’avoir fait peur. Je secouai la tête.
— Non, répondis-je. Et… merci.
— Tu n’as pas à me remercier. C’est normal.
Il avança en veillant à ne pas trop m’approcher.
— Cela devait être le Paradis, puisque je n’étais pas là, ajouta-t-il.
Cela me fit sourire. Puis je me demandai s’il plaisantait, ou s’il le pensait réellement.
— Eh bien… Ce n’était pas si calme que ça, répondis-je sur le même ton que lui. Je suppose que ça ne change rien, alors.
Il rit.
— Tu prétends que ma présence sème le chaos ? releva-t-il.
Je fis claquer ma langue.
— Je n’irais pas jusque-là, m’amusai-je. Ce serait te donner trop d’importance.

Je lui jetai un regard en biais. Son visage paraissait plus joyeux. Ses yeux étaient perdus sur l’horizon, mais je savais qu’il était très attentif envers notre échange.

— Exactement, confirma-t-il. Tu vois, il est important que tu me remettes sur le droit chemin comme tu viens de le faire. Sinon, imagine un peu... (Il grimaça.) Je deviendrais encore plus insupportable.
— Personne ne voudrait l’imaginer.
Du coin de l’œil, je vis ses bras croisés se poser sur la rambarde. Il poussa un soupir théâtral.
— Cette soirée est ennuyeuse à mourir. Je préfère dix fois plus quand il y a quelques combats.

Ce qui aurait pu arriver, si le vampire qui était venu sur le balcon, avait refusé d’abandonner la partie. Même si j’avais décelé la plaisanterie dans ses paroles, j’ignorais si Adam aurait été ravi à l’idée de l’affronter. Probablement.

— Combats auxquels tu participes, j’imagine ? souris-je.
— On ne peut rien te cacher.
Un ange passa.
— Parfois je rêve que quelqu’un leur enlève le balais qu’ils ont dans le cul, déclara-t-il.

Je pouffai, ne m’attendant pas à cela. Et cela faisait du bien, de rire ainsi. J’étais d’ailleurs à peu près certaine que les vampires les plus proches de la fenêtre nous entendaient, à moins qu’ils aient appris à faire abstraction des bruits qui ne les intéressaient pas.

— Et dire que tu les supportes depuis quatre siècles, hein, soufflai-je, entrant dans son jeu.
J’avais besoin d’un peu de légèreté. Et il le savait.
Bientôt quatre siècles, en fait, précisa-t-il.

Une fois sûre que plus aucune larme ne coulerait, je tournai la tête vers lui. Il me regardait en arborant un sourire en coin. Je sentis ma poitrine se serrer à cette vue. Ses yeux noirs étaient empreints d’espièglerie ainsi que de tendresse. Envers moi. Ses cheveux d’un blond foncé retombaient joliment autour de son visage plus doux, en cet instant, et il portait un costume noir et blanc qui lui seyait à ravir.
Je devais bien admettre qu’il était magnifique.

— Bientôt ? relevai-je.
— J’ai trois-cent-quatre-vingt-dix-neuf ans.
— Waouh. Les quatre-cents sont pour quand ? m’intéressai-je.
— Dans quelques mois.
— Ça se fête, souris-je.
— Si tu es toujours au manoir d’ici là, tu pourras y assister.

Mon cœur manqua un battement, puisque cela me rappela assez douloureusement le dilemme que je ressentais. À savoir que je resterais au manoir un temps indéterminé, et que je devrais partir. J’avais envie de figer cet instant-là afin de ne pas avoir à vivre la suite. Je ne savais pas où était ma place.

« Adapte-toi. »

Les mots de Nora me revinrent en mémoire. Une nouvelle détermination me saisit. Je n’allais pas penser au futur maintenant. J’allais prendre chaque jour comme il venait en vivant en vampire, parmi eux, afin de survivre, dans un premier temps. Et puisque je n’allais pas partir de sitôt du manoir, autant penser comme si j’allais y rester, pour l’instant.

— Avec plaisir, répondis-je. Mais que peut-on offrir en cadeau, à un vampire qui vient d’avoir quatre-cents ans ?
Il rit, et je me mis à sourire un peu plus, enchantée par ce doux son.
— Aucune idée, admit-il.
— Je trouverai bien, fis-je avec légèreté. (Je levai un index.) Tu sais quoi ? Même si je suis partie d’ici là, je reviendrai spécialement pour cet événement.

Je me rendis compte que j’étais tout à fait sérieuse, finalement, alors que j’avais dit cela sur un ton amusé.
Il haussa un sourcil, perplexe, mais agréablement surpris.

— Ne dis pas ça à la légère, parce que si tu ne te pointes pas, je viendrai te chercher. Une promesse est une promesse, me menaça-t-il.
— Il faudrait que tu saches où me trouver, le provoquai-je.
— Oh... Je ne résiste jamais à un défi. Et je suis assez doué pour les remporter.
Mes lèvres s’étirèrent un peu plus.
— Tu n’en auras pas besoin. Je serai là, assurai-je.

Je regardai à nouveau devant moi avant de me noyer dans ses yeux, qui étaient deux puits sans fond. Malgré la fraîcheur, je sentis la chaleur s’insinuer en moi. Le silence retomba et je remarquai que j’étais bien plus calme. Plus détendue.

— Tu t’en es bien sortie avec les enfants, déclara-t-il soudainement. Tu les as apprivoisés en un éclair.
Je ne pus m’empêcher d’avoir un air fier.
— Une fois qu’on sait comment parler aux enfants, ça devient facile, répondis-je.
— Peut-être bien. Mais Tina est intenable, d’habitude.
— Rien de tel que des animaux en ombres pour se les mettre dans la poche, plaisantai-je.
Je penchai la tête sur le côté.
— J’ignorais que des vampires étaient capables de procréer. Est-ce qu’un… humain et un vampire peuvent avoir des enfants, aussi ?
— Non. Pas dans ce cas de figure. Mais c’est possible pour deux vampires, même si ça n’arrive pas très souvent. Il faut faire très attention, avec eux. Ils ont tout, des enfants humains, avec la naïveté et l’inconscience de ce qui est bien ou non, avec la soif de sang en plus, m’apprit-il.
Sa mâchoire se contracta.
— Et l’éducation de parents vampires qui se croient supérieurs au reste du monde, la plupart du temps, termina-t-il, dépité.
Je grimaçai en imaginant un de ces enfants mordre à tout va, spontanément, poussé par ses pulsions et ses caprices.
— En effet…

Heureusement, je m’en étais bien tirée, avec ces trois garnements.

— Mais j’y suis arrivée, ajoutai-je.
— Exactement. Tu as aussi tenu tête à Anselme, ricana-t-il. Le plus capricieux de tous. Je me demande où tu vas t’arrêter.
— Et si je décide de ne pas m’arrêter ? fis-je avec un air de défi.
Cette fois, ce fut à son tour d’arborer une mine fière.
— Je ne pourrai que te soutenir, affirma-t-il. J’aime voir leur tête quand quelqu’un leur montre qu’ils ne gouvernent pas tout. Ils n’ont pas le droit de te marcher dessus et je suis ravi de voir que tu ne te laisses pas faire.
Je me sentis presque pousser des ailes.
— Je pense que le roi ne serait pas de cet avis, soupirai-je.
— Il ne fera rien contre toi.
— Comment tu peux le savoir ?
— Je ne le laisserai pas faire, laissa-t-il échapper instantanément.
Je restai bouche-bée en voyant une lueur bien particulière dans son regard. Il paraissait vraiment prêt à affronter Savari.
— Et les autres lui feraient bien comprendre qu’ils ne sont pas d’accord non plus, ajouta-t-il.
Je secouai la tête.
— Vous n’aurez pas besoin d’en arriver là, me forçai-je à sourire. Je saurai me tenir à carreaux quand la situation le demandera. Je n’ai pas envie que ça se termine en bain de sang, le rassurai-je.
— Dommage. Ça mettrait un peu d’ambiance, ironisa-t-il.

Parfois il me faisait aussi peur que Nora.

— Tu aurais envie de souffrir ? l’interrogeai-je dans un léger rire.
— Qui te dit que ça ne serait pas lui, qui souffrirait ?
— Parce que tu penses que tous les autres vampires présents dans la salle ne riposteraient pas pour protéger leur souverain ?
— Tu serais surprise du nombre de vampires qui ne l’apprécient pas spécialement.

Eh ben… Ce monde vampirique était décidément très joyeux.
Le silence retomba sur le balcon, seulement perturbé par les bruits des voitures, sur les routes, plus loin, ainsi que la musique et les conversations qui nous parvenaient. J’étais contente de ne pas percevoir bien mieux tout cela, contrairement à Adam et son ouïe surdéveloppée. Cela devait être un brouhaha infernal. Je me demandais comment il faisait pour le supporter. Et je comprenais mieux pourquoi Cristobal n’était pas venu : dans cette foule, cela aurait été dur pour lui de faire abstraction de toutes les émotions dans l’air.

— Ils sont jaloux, déclara-t-il soudainement, me faisant presque sursauter.
— Quoi ?
— Tu représentes ce qu’ils ne sont plus. Ta peau est chaude, ton cœur bat. Et malgré tout le mal qu’ils pourraient dire de toi, ici, tu es unique. Une humaine au milieu des vampires, qui est pourtant intouchable, et qui rayonne. Car c’est bien le cas.
Il m’adressa un sourire que je ne savais pas comment interpréter, mais qui me coupa le souffle.
— Tu rayonnes, répéta-t-il. Ils pensent incarner la perfection mais tu les éclipses facilement. Cela en rend plus d’un fou de rage, surtout venant d’un humain.
— Je ne suis pas parfaite, bredouillai-je.
— C’est justement ça, qui fait la différence. Ils s’efforcent de l’être tout en regrettant de ne plus pouvoir être comme toi. Et toi, tu n’as pas besoin d’être comme eux pour te trouver à égalité.

Je le fixai, alors qu’il regardait à nouveau devant lui. Je ne savais pas quoi répondre. Je me demandais même si j’avais bien compris ce qu’il voulait dire.

— Pour toi, je vaux autant qu’eux ? demandai-je.
— Bien plus qu’eux.
— Parce que je suis humaine ?
Ses yeux noirs rencontrèrent les miens.
— Pas seulement. Parce que tu es toi. Que tu dégages quelque chose d’authentique, de magnifique.

Je soutins son regard, incapable de détourner mon attention. Avais-je vraiment cette aura ? D’autres vampires seraient-ils d’accord avec sa déduction ?
Ou bien était-ce vrai à ses yeux ? À lui seul ?

Je n’avais pas oublié ce qu’avait dit Nora : nos rêves partagés, faisaient beaucoup de bien à Adam, même s’il était également déçu qu’ils ne soient pas réels. Tout comme moi. Et nous l’avions avoué, lors de ces songes, plusieurs fois.
Peut-être qu’ils avaient eu bien plus d’impact sur nous que je ne l’avais imaginé. Je le connaissais mieux, maintenant, et je percevais toujours le vampire qui était présent dans mes rêves.

Ce constat m’horrifia, puisque je ne devais pas m’aventurer là-dedans, pour bien des raisons, pourtant, je me surpris à sourire tendrement, prise dans ces pensées.

— Qu’y a-t-il ? s’enquit-il, sa voix douce et profonde comme du velours.
Je me ressaisis, sans pour autant reprendre mon sérieux.
— Rien, mentis-je.

Désireuse de changer de sujet avant qu’il ne pousse sa curiosité plus loin et que j’en vienne à prononcer des mots que j’aurais sans doute regretté, je demandai :

— Qu’est-ce que je sens ?
— Pardon ? s’esclaffa-t-il, perplexe.
— Mon sang. De quoi a-t-il l’odeur ?
Je haussai une épaule.
— Vous êtes plusieurs à dire que mon parfum est agréable. Alors je suis curieuse.
Il baissa les paupières à demi, me jaugeant, avec un air pensif. Puis il eut son habituel sourire en coin.
— Les notes typiques du groupe sanguin AB négatif, commença-t-il, et… une pointe florale et fruitée. Un mélange de rose et de fraise, je dirais.
J’écarquillai les yeux. Sérieusement ? Ce fut à mon tour d’être perplexe.
— Waouh…

Je me doutais que les vampires avaient des préférences concernant les rhésus, puisque j’avais aperçu les précisions sur les poches de sang et qu’Emma prenait beaucoup de O négatif. Mais j’ignorais qu’ils pouvaient le savoir à l’odeur, et non seulement au goût.

— Pourquoi rose et fraise… ? me demandai-je à moi-même, tout bas.
— Chaque personne a une odeur bien particulière, qui peut être surprenante.
J’eus finalement une moue approbatrice.
— Ça me va, finis-je par accepter.
Tant que personne ne venait me mordre pour cette raison.
— Comment se fait-il que vous soyez autant attirés par des odeurs rappelant parfois la nourriture humaine, alors que vous ne l’appréciez plus ?
Il haussa les sourcils, puis arbora une mine pensive.
— Je n’en sais rien. Peut-être est-ce un écho de notre humanité qui nous a échappé. Et par le sang… tout est décuplé. C’est sûrement parce que c’est le seul moyen de nous remémorer ces choses-là.

J’en fus bouche-bée. Je ne m’étais pas attendue à cette réponse. Cela ne relevait que de l’hypothèse, mais elle me paraissait tout à fait crédible.
La baie vitrée, derrière nous, s’ouvrit.

— Tout va bien ? entendis-je.
Nora. Je lui fis un signe de la main.
— Oui, je voulais juste prendre un peu l’air, avouai-je.
Elle opina, puis retourna dans la salle, après avoir fermé la fenêtre. Je soupirai.
— On retourne à l’intérieur ? me proposa Adam.
Je grimaçai.
— Hum… Je ne suis pas vraiment la bienvenue, alors…
— Et si on disait qu’on s’en fout complètement de leur avis ?
Je secouai la tête, l’esquisse d’un rictus sur les lèvres.
— Je ne pense pas que ça change grand-chose, répondis-je.
Il me tendit la main. Je fronçai les sourcils, un peu hésitante.
— Je vais faire danser l’humaine, sourit-il.
— Un chef River ? Qui danse avec l’humaine ? Ça va faire jaser.
Il me fit un clin d’œil.
— Qu’ils parlent, alors. Ils ne nous donneront que plus d’importance, s’amusa-t-il.

Je laissai échapper un rire en prenant finalement sa main. « L’humaine ». Il avait repris les mots que tout le monde ici utilisait. Pourtant, lui, il ne s’en servait pas de la même manière. Cela sonnait autrement, dans sa bouche.

Nous retournâmes dans la grande salle. Sur notre passage, des vampires s’écartèrent. Adam avançait comme s’il n’y avait personne, avec moi à son bras. Je savais ce qu’il faisait : puisqu’ils avaient décidé de me traiter en moins que rien, il leur montrait qu’il n’était pas prêt à les laisser m’écraser facilement. Ils me considéraient comme un être inférieur et il rectifiait le tir, tout en me laissant l’opportunité de faire de même, de prendre confiance.

Je marchai donc la tête haute, à ses côtés. Je croisai les regards surpris des autres River présents, puis Nora parût sur le point d’exploser de joie. Pour elle, cela devait être comme si nous venions de faire un doigt d’honneur à tous ces vampires.
Certains ne manquèrent pas de me jeter des regards d'incompréhension et de dédain, avant de fusiller Adam des yeux. Beaucoup ne devaient pas comprendre qu’il puisse vouloir me traiter correctement.

— Bonne soirée à vous aussi, chers camarades, fit-il avec cynisme en les croisant, toujours muni de son sourire insolent.
— Adam, accompagné de sa banque de sang, ricana l'un d'eux. Comme c’est mignon.
Je me mordis la lèvre.
— Serais-tu jaloux ? rétorqua-t-il avec un air vaguement amusé.

Mais je savais qu’il avait probablement envie de lui casser le nez.
Pour toute réponse, l’autre émit un sifflement qui me semblait injurieux, avant de s’en aller. Adam poussa un soupir dramatique.

— Ah... Finalement, on ne s’ennuie pas tant que ça, ici.

Nous finîmes par nous arrêter et nous tînmes l’un en face de l’autre. Tous les autres, autour de nous, étaient comme figés dans l’espace, le temps. Ils ne respiraient pas, ne le faisaient pas non plus par habitude. J’aurais tout aussi bien pu être entourée de statues. Seul le fait qu’ils esquissent des mouvements démontrait le contraire.
Pourtant, Adam, lui, ne me renvoyait pas la même sensation. À mes yeux, il n’était pas figé. Il était réel. Le seul à l’être vraiment. Même s’il ne respirait pas.

— Ne les écoute pas. Tu es bien plus que du sang, me dit-il, solennel.

C’était exactement ce à quoi j’avais pensé, avant d’entrer dans la grande salle. Je vais leur montrer que je ne suis pas juste du sang sur pattes. Nous étions sur la même longueur d’ondes. Je lui souris, touchée qu’il fasse en sorte de me rassurer.
Il prit une de mes mains dans la sienne et plaça l’autre dans mon dos. En me rapprochant de lui, je perçus son parfum délicat, capiteux. Une subtile effluve poivrée, fugace, ainsi que des notes fraîches, m’évoquant la nature. Il passait beaucoup de temps dehors et j’avais la sensation que les fragrances du jardin du manoir lui collaient à la peau. C’était très agréable.

— Je tiens à te prévenir que je suis nulle en danse, lui murmurai-je.
Cela le fit rire.
— Je vais t’apprendre, alors.

Je suivis maladroitement ses pas au début, mais je parvins à prendre le pli au fil des minutes. Je me concentrai finalement sur son visage, en essayant de ne pas trop penser à nos pieds, car cela aurait pu me faire trébucher, me laissant simplement porter.
Du coin de l’œil, je remarquai que notre duo accaparait l’attention de certains.

— On nous regarde, chuchotai-je rien que pour lui.
— Grand bien leur fasse, ironisa-t-il.
Le coin de ses lèvres se releva.
— Oublie les, me conseilla-t-il.
Une bouffée de tendresse me saisit.
— Merci, soufflai-je à nouveau.
— De quoi ?
— Pour tout ça.
Il me décocha un regard complice.
— Je ne veux pas que tu les laisses t’oppresser, m’apprit-il. Je veux que tu voies à quel point tu peux être redoutable, toi aussi.
Il leva mon bras pour me faire tourner. Quand je me retrouvai à nouveau face à lui, il avait repris son sérieux.
— Je veux que tu te sentes à ta place n’importe où. Nous avons tendance à croire que nous sommes au-dessus de tout, poursuivit-il. Mais ce n’est pas notre monde. C’est le monde des humains et sous prétexte que nous sommes un jour apparus, il devrait nous appartenir ? (Il secoua la tête.) Nous ne sommes pas vraiment à notre place. Vous, si.

Ses paroles furent comme un coup au cœur. Je le dévisageai, alors que nous continuions à virevolter, et je faillis même lui marcher sur le pied, de surprise.

— Adam…
Je pris une inspiration.
— Tu as ta place ici, déclarai-je.

Je voulais mettre toute ma sincérité dans mes mots. Je le regardai avec sérieux et affection. Ce qu’il venait de dire m’avait touchée.

— Réellement, poursuivis-je. Ne crois jamais le contraire.
Il resta silencieux et je ne sus si cela voulait dire qu’il rejetait mon affirmation, ou s’il y réfléchissait.
— Avant d’être des humains ou des vampires, nous sommes des personnes, continuai-je. Au début, je vous associais surtout à des monstres, mais vous n’avez pas le monopole de la cruauté. Les humains sont capables d’horribles choses, mais aussi du meilleur. Comme vous. Comme toi. Il est facile de condamner tous les vampires pour la bêtise de certains, quand les humains peuvent être aussi pourris que les pires d'entre vous.

Quand ces paroles franchirent mes lèvres, je me rendis compte à quel point ma vision des choses avait évolué. Je ne pouvais pas considérer les River comme des monstres. Des personnes qui prenaient soin de moi, avec qui je passais de bons moments, qui faisaient en sorte que je ne me sente pas rejetée et qui me défendaient.

Et je m’étais attachée à eux. Irrévocablement. Même si je ne resterais pas éternellement. C’était également pour ça que je m’étais sentie mal, avant qu’Adam n’arrive sur le balcon.
Il ne disait toujours rien, mais son regard s’assombrit. Mes mots l’avaient bel et bien atteint, quelque part.

— Tu ne me vois plus comme un monstre ? chuchota-t-il.

Il n’avait pas demandé si je ne les voyais plus comme tel. Il voulait connaître ma réponse, le concernant lui. Était-ce parce qu’il était important pour lui que je ne le craigne pas, et qu’il voulait en être certain, ou bien parce qu’il avait du mal à croire qu’il n’était pas effroyable ? Peut-être un mélange des deux ?

— Je crois même que je ne t’ai jamais vu comme un monstre, Adam, affirmai-je. Non, en réalité, c’est même sûr.

Il soutint mon regard. Je plongeai dans les ténèbres de ses yeux et je m’y sentis bien. Après tout, les ombres, l’obscurité, c’était mon domaine.

— Je ne sais rien de ton passé, mais as-tu eu le choix, de devenir un vampire ? demandai-je.
— Non, souffla-t-il.

J’eus un pincement au cœur. J’étais révoltée à l’idée qu’on l’ait forcé à devenir une créature qu’il ne voulait pas incarner. Un élan de compassion pour lui me saisit, ainsi que de la colère envers le coupable.

— Alors tu n'as rien demandé à personne. Même si tu l’avais voulu, d’ailleurs, cela n’aurait rien changé, pour moi. Mais tu as été jeté dans ce monde, que tu ne comprenais peut-être pas encore et tu as sûrement essayé de te débrouiller du mieux que tu pouvais. Il serait plutôt monstrueux de notre part de te reprocher cela, parce que tu es différent, alors même que tu n’as pas eu le choix.
— Tu ne sais pas ce qu’il s’est passé, répliqua-t-il.

Je savais que c’était une tentative de sa part de s’éloigner de ce que mes mots lui faisaient ressentir. Il devait s’être accroché à l’idée qu’il était une créature de cauchemar, et cela devait être inquiétant de se mettre à penser différemment.

— Mais est-ce que je me trompe ? insistai-je.
Ses mâchoires se serrèrent et il détourna le regard, un instant. Il finit par soupirer.
— Tu ne te trompes pas, avoua-t-il.
Je pressai ses doigts, essayant de le réconforter, le rassurer. Lui montrer que je n’allais pas m’enfuir.
— Je ne t’ai pas donné cette impression, repris-je, quand nous nous sommes rencontrés dans la réalité, mais je suis heureuse d’avoir fait ta connaissance. Sincèrement.

Ses yeux s’ancrèrent à nouveau dans les miens et mon souffle se coupa devant leur intensité. Nous continuâmes à virevolter pendant quelques secondes. Alors que la musique et les conversations autour de nous étaient fortes, dans notre bulle, le silence régna. Il finit par le briser :

— J’en suis heureux aussi.

Il me sourit et je sentis ma poitrine se gonfler d’un sentiment auquel je n’avais pas encore goûté depuis que nous étions arrivés dans ce lieu : de la gaieté.
Je pris une expression plus joviale, afin d’alléger cette discussion.

— Et si comme tu le dis, je suis vraiment exceptionnelle, alors je danse forcément avec quelqu’un qui l’est tout autant, non ? souris-je.
Au moins, cela eut le don de l’amuser. Certes, il n’avait jamais dit « exceptionnelle », mais si cela pouvait le dérider…
— Tu me montres que je suis formidable, poursuivis-je sur un ton théâtral. (Oui, j’aimais utiliser des termes qu’il n’avait pas dit, exprès.) À mon tour de te montrer que tu l’es aussi.
— Tu n’es pas croyable, ricana-t-il.
— Non, je suis exceptionnelle. Faut suivre, un peu.

Les gens autour de nous devaient se demander pourquoi nous riions comme ça - à moins qu’ils n’aient tout entendu -, mais finalement, je m’en fichais. J’avais réussi à faire abstraction de leurs regards, au moins pendant cette danse. Je me sentais mieux, plus à l’aise, avec Adam. En sécurité.

— Regarde-moi, j’en ai fait du chemin ! Je danse avec un vampire, souris-je. Et pas n’importe lequel : le plus insolent.
— Tu penses m’avoir rendu docile ?
Je pouffai.
— Ce n’est pas ce que j’étais en train de dire, le repris-je.
— Il y a une chose que tu dois savoir aussi, Neeve... Il ne faut jamais faire confiance à un vampire vieux de presque quatre siècles qui fait semblant d'être à ta merci, me prévint-il.

Avant que je ne puisse lui demander ce qu’il entendait par là, il me fit basculer vers l’arrière. Je me retrouvai presque à l’horizontale, tandis qu’il me maintenait, un bras dans mon dos. Son autre main était toujours dans la mienne. Son regard était rieur et, passé le choc, je me remis à rire.

— Tu es un danseur hors pair, le complimentai-je.
— Est-ce que ça te fait du bien ? s’enquit-il. Même si c’est avec moi que tu danses ?
— Je crois bien que c’est parce que c’est avec toi que je le fais, que je me sens mieux, lui confiai-je sans détour.

Je n’avais pas hésité une seule seconde à répondre cela. Les mots s’étaient précipités hors de ma gorge.
Je me rendis compte qu’il fixait mes lèvres et la chaleur qui m’enveloppait se développa encore. Quelque part, une petite inquiétude pointa le bout de son nez, mais elle fut vite masquée par une envie plus forte : celle qu’il fasse ce qu’il avait en tête.
J’observai sa bouche en retour et, lentement, il m’aida à me redresser. Nous reprîmes notre danse, lentement, et je me retrouvai très proche de lui.

Il faut que ça s’arrête. Ça ne doit pas arriver.

— Puis-je ? s’éleva une voix mielleuse.

Nous nous stoppâmes et cette fois, je marchai sur le pied de mon compagnon. Finalement, j’étais déçue. Je voulais qu’on nous interrompe, quelques secondes plus tôt, mais apparemment, j’avais changé d’avis.

Je m’excusai rapidement puis avisai le nouveau venu. Il s’agissait d’un homme très grand, qui me dominait de plusieurs têtes, si bien que je dus pencher la mienne pour pouvoir le voir complètement. À sa vue, je sentis ma gorge se serrer, mes poils se hérisser dans ma nuque et ma nausée revenir. Il me faisait presque le même effet qu’Anselme, à la différence que ce vampire-là, m’inquiétait bien plus. Tout comme le prétendant, lui aussi possédait de longs cheveux blonds, qui lui arrivaient aux épaules. Il n’était pas particulièrement massif, mais sa puissance presque palpable compensait le manque de musculature. Personne n’aurait eu envie de se confronter à lui.

Mais le pire étaient ses yeux d’un gris presque blanc, qui me donnaient l’impression qu’il pouvait voir à travers moi, lire toutes mes pensées et pénétrer mon âme. J’eus envie de triturer mon médaillon, seulement, je me souvins que je ne le portais pas, ce soir. Je me sentais nue, sans lui. J’avais la sensation qu’il me manquait une protection importante, alors que j’avais de quoi contrer la manipulation mentale, dans le tissu de ma robe.

Je crus que la température venait de chuter et je ne pouvais plus bouger. Il tendait une main dans ma direction, en une invitation explicite à danser avec lui. Je ne pus répondre, pendant quelques secondes.

— Neeve, je présume ? relança-t-il devant mon manque de réaction.

Je finis par me ressaisir et hochai doucement la tête. Je me rendis compte que j’étais sur le point de me rapprocher d’Adam, dont l’expression était à nouveau impénétrable, même si son regard était dur, rivé sur le vampire qui venait de nous interrompre et dont l’aura était sur le point de m’étouffer. Je crus qu’il s’agissait du roi, mais sa puissance était apparemment semblable à celle de Lucian ou mon compagnon de rêves, et là, c’était bien plus fort.

— M’accorderiez-vous une danse ? s’enquit-il.

J’aurais préféré éviter, mais quelque chose - l’instinct de survie, sans doute, même si j’ignorais que j’en avais encore un - me dicta qu’il valait mieux accepter.
Je remarquai qu’il regardait désormais Adam, attendant visiblement une réponse.

— Eh bien, c’est à elle de décider, lança ce dernier.

Lui non plus n’avait pas l’air ravi à cette idée.
Je me forçai à sourire, repoussant mon sentiment de répulsion, et tendis la main à mon tour pour saisir celle du nouveau venu.

— Avec plaisir, acceptai-je.

Le sourire en coin que cet homme m’adressa, qui aurait pu être désarmant, ne fit que mettre en branle mes alarmes internes. J’avais l’impression de me jeter dans la gueule du loup.

J’adressai un regard rassurant à Adam, tandis que le vampire nous faisait nous éloigner et que celui qui me rassurait disparaissait petit à petit dans la foule. Mais quelque part, je savais qu’il garderait un œil sur nous, ce qui me permit de mieux respirer malgré tout.

Même si je faisais mon possible pour ne pas trop laisser paraître ce que je ressentais, j’avais du mal à soutenir le regard du vampire. Et cette fois, la musique et la danse ne suffirent pas pour me mettre à l’aise, m’aider, et je lui marchai sur le pied.

— Je suis vraiment désolée, soufflai-je, légèrement affolée.
Il ricana.
— Ce n’est rien. Votre maladresse toute humaine est assez touchante, commenta-t-il.

Je me retins de rouler des yeux. Se sentaient-ils tous vraiment obligés de me rappeler à chaque minute que j’étais humaine ?
Je me composai un faux air amusé.

— Vous ne diriez pas cela si vous en faisiez les frais tous les jours, plaisantai-je.
Il leva un sourcil.
— Est-ce une invitation ? demanda-t-il.
J’écarquillai les yeux.
— Non, ce n’en était pas une.
— Voyons… Ne seriez-vous pas intéressée par quelques délicieux moments en ma compagnie ?

J’avais la gorge sèche, soudainement.
Alerte. Alerte.

— Peut-être dans une autre situation, improvisai-je.
— N’êtes-vous pas attirée par tant de puissance ?

Nerveuse, je me mis à fuir son regard en essayant discrètement de voir où se trouvaient les autres. Je ne discernais que des visages inconnus, autour de moi.

— La puissance ne m’intéresse pas.
Il éclata de rire. J’ignorais si je devais me sentir rassurée, ou tout le contraire.
— J’aime assez votre audace, je dois dire.
— Mon… audace ? bredouillai-je.
— Pour parler ainsi au roi.

Je crus que la salle allait se mettre à tanguer, et pas à cause de notre danse. Je ne savais même pas comment je pouvais encore suivre ses mouvements. Mon corps s’était sans doute mis en pilotage automatique. J’aurais voulu que le sol s’ouvre sous mes pieds. J’avais désormais plus que conscience de tous les regards posés sur nous.

Le roi. Bien sûr. J’aurais dû m’en douter. Mais pourquoi l’aura était-elle si différente de ce à quoi on m’avait préparée ?
C’était sûr que là, je faisais moins la maline.

Et il nous avait vu, Adam et moi, être aussi proches. Alors même qu’il était fiancé à Brooke. J’étais terrifiée à l’idée qu’à cause de cela, les choses aillent au plus mal par la suite.

— Je suis Savari Fiercastel. Et maintenant ? Changeriez-vous d’avis ?

Bon sang, avait-il quelque chose à compenser, pour insister là-dessus ?
Mon absence de réponse était parlante. Il eut un rictus en coin.

— Non, n’est-ce pas ? devina-t-il.

J’avais la sensation que quoi que je dise, c’était trop tard pour me rattraper. Et il le saurait, si je mentais.
Je me sentais si mal que je n’avais qu’une envie : rentrer au manoir, là où finalement, je me sentais en sécurité, contre toute attente. Alors que j’avais voulu fuir cet endroit, les premiers temps, j’aurais désormais tout donné pour me retrouver là-bas. Loin d’ici. Loin du roi.

Merde. Après avoir patienté un bon moment, j’étais enfin face à Savari. Et je haïssais ça.
Je me fis la réflexion qu’Anselme avait sûrement cherché à ressembler au roi. Ils avaient de nombreux points communs, en tout cas. Le plus gros étant le sentiment de danger qu’ils dégageaient tous les deux.

— Non, confirmai-je.
— Pourquoi donc ?
— Vous êtes un peu trop effrayant pour une humaine telle que moi, fis-je sur un ton faussement léger.
Son amusement ne fit que croître, mais je sentis qu’à ses yeux, je venais de me hisser au rang de future proie.
— Ne changez rien, Neeve, sourit-il.

Son regard fut attiré par mon bras, qu’il souleva un peu plus haut. En réalité, son attention était accaparée par mon poignet. Je serrai les lèvres, tandis qu’il observait la marque obscure. Mon cœur s’affola.

— Très intéressant…, chuchota-t-il. (Un frisson glacé parcourût tout mon être.) Vous semblez être une femme pleine de surprises.

Sur ces paroles, il me lâcha - ce qui me permit de respirer à nouveau -, et me fit signe de le suivre. J’eus peur qu’il ne me conduise dans un endroit isolé, mais très vite, je repérai les visages d’April et Lucian. Je soupirai intérieurement de soulagement. Sur le côté, Nora se fraya un chemin jusqu’à nous, tout comme Adam.
Avais-je réussi le test ? Ou s’apprêtait-il à leur dire que tous les vampires qui le voulaient pourraient s’en prendre à moi en toute impunité ?

— Lucian ! April ! s’exclama Savari avec un grand sourire que je devinai être factice. Quel plaisir de vous voir. Encore.

Il mit l’emphase sur le dernier mot et je dus me retenir de grimacer. Sous-entendait-il qu’il en avait assez de leurs visites ? Je savais qu’ils avaient bataillé pour qu’il daigne m’accorder la protection du clan.
Il accorda à peine un regard à Nora.

Ils ne laissèrent rien paraître. April se mit même à lui sourire comme s’il venait de lui adresser le plus beau des compliments. Elle aussi, elle était forte à ce jeu-là.

— Eh bien, la sécurité de Neeve nous tient à cœur, comme tu as pu le comprendre, répondit-elle.
— En effet, répliqua Savari. Je vois désormais pourquoi elle est si importante, à vos yeux.

Il posa ses pupilles sur moi et je tressaillis. Malgré le maquillage, je devais être pâle à faire peur. Peut-être même plus qu’un vampire qui ne se serait pas nourri.

— Je dois bien avouer qu’elle est intrigante, susurra-t-il.

J’eus du mal à le regarder dans les yeux. Je déglutis. Quand il se détourna enfin de moi, je fermai les paupières une seconde. À ma droite, Adam se rapprocha de moi. Nous fûmes quasiment collés, si bien que le roi, en face de nous, ne pouvait pas voir qu’il venait d’effleurer mes doigts des siens, dans notre dos, en un geste rassurant. Sans réfléchir, je serrai sa main dans la mienne, reconnaissante.

— Brooke n’est pas venue ? s’enquit subitement Savari.

Je serrai les dents pour ne pas répliquer quelque chose que j’aurais regretté. Décidément, plus les minutes passaient, moins je pouvais supporter sa présence.

— Non. Elle avait à faire, rétorqua Adam sèchement.

Son ton contrastait avec la douceur dont il faisait preuve en tenant ma main. Et moi, j’aurais dû réagir autrement. Brooke et lui étaient fiancés, à quoi cela rimait, alors ? Certes, il s’agissait d’un geste rassurant, mais il ne me laissait pas indifférente non plus, cela ne mènerait à rien de bon.
Pourtant, je n’arrivais pas à le lâcher.

— Je vois, soupira Savari sans masquer sa déception.
— Et où se trouve notre reine bien aimée ? intervint Lucian.

Les mâchoires du roi se contractèrent. Mon sauveur avait demandé cela sur un ton innocent, mais je supposai qu’il savait que cela provoquerait cette réaction. Peut-être afin de nous débarrasser de lui ? Pour qu’il s’éloigne enfin ? Je n’étais pas contre.

— Elle ne se sentait pas bien, ce soir, expliqua Savari. Elle a préféré rester dans nos appartements.

Pourtant, les vampires ne tombaient pas malades. Cependant, personne ne réagit, signe que cela devait être habituel. De quoi pouvait bien souffrir la reine ?
Si elle passait sa vie avec cet individu, j’avais bien ma petite idée, en tout cas. Et sans la connaître, je ressentis un élan de compassion envers elle.

— Je vais devoir vous laisser, j’ai bien d’autres personnes à voir, déclara-t-il. (J’opinai, peut-être un peu trop rapidement. Il m’adressa un rictus en coin. Oups.) À très vite, je l’espère.

Je m’empêchai de grimacer, afin de lui sourire en retour. Nous le regardâmes s’éloigner. Je me sentais un peu mieux à chacun des pas qu’il faisait.
Je fronçai les sourcils et, une fois sûre qu’il serait hors de portée de nos paroles, dans le brouhaha de la salle, je chuchotai :

— C’est tout ? Je suis en sécurité, dans le clan, ou non ?
— Il nous fera part de sa réponse dans peu de temps, ne t’en fais pas, me rassura Lucian.
D’accord. Au moins il s’était fait son idée sur moi, nous pouvions partir.
— Je ne savais pas que c’était le roi, lâchai-je. Vous étiez censés avoir une aura similaire.
— C’est le cas. Seulement, tu as dû percevoir la malveillance émaner de lui, surtout, cingla Nora.
Elle paraissait furieuse, le regard toujours rivé sur l’endroit où le roi avait disparu de notre champ de vision.
— Tu n’as pas senti cela, avec nous, quand tu nous as vu la première fois ? m’interrogea Adam.
Je secouai la tête.
— Non, répondis-je. Peut-être que mon instinct me dictait que vous n’étiez pas si terribles.
— Pas si terribles ? releva le vampire aux boucles blondes, avec un air malicieux.
Je levai les yeux au ciel mais j’en fus amusée.
— Parce que tu préférerais que j’aie peur de toi ?

Cela s’avérerait compliqué, surtout s’il continuait à me tenir la main pour me rassurer, par exemple. Un contact que je ferais mieux de rompre, d’ailleurs. Je lâchai la sienne et croisai les bras, avec un air de défi. Si cela le vexa ou le soulagea, il n’en montra rien.
Ce n’était sûrement pas le moment d’avoir ce genre de chamailleries puériles, mais n’importe quelle occasion était bonne à prendre pour rire, après avoir fait face à l’ouragan Savari.

— Pourquoi pas ? répliqua-t-il.

J’allais lui adresser une grimace tout sauf mature, lorsque je me sentis observée. Je sentais comme un point, sur moi. Plus loin, le roi nous observait. Ou plutôt, m’observait moi. Il reporta son attention sur une femme qui se tenait devant lui, avec laquelle il était en grande conversation.

— Il me fout les jetons, avouai-je dans un murmure.
— Au moins, c’est sûr que tu lui as fait une forte impression, commenta Nora.
— Bien. De toute façon, tu m’as dit qu’il ne pourrait pas être obsédé par moi.
Elle se mordit la lèvre et se mit à fuir mon regard. Je craignais le pire.
— Quoi ? insistai-je.
— Il ne sera pas obsédé par toi, fit-elle, sur un ton qui n’était qu’à moitié convaincu.
— On s’en va, déclara April. Je n’aime pas ses regards.
Ok. Ils commençaient sérieusement à m’inquiéter.
— J’arrive tout de suite, j’ai une chose à régler avec Jehan, annonça Lucian.

Il disparût dans la foule.
Alors que je regardais toujours Nora, celle-ci finit par trouver un prétexte pour s’éloigner à son tour :

— Tu n’as pas l’air d’aller bien, je vais te trouver quelque chose à boire.

April, Adam et moi nous retranchâmes dans un coin de la salle le temps qu’ils reviennent. Je jetai un œil autour de moi. Aucune trace de nourriture humaine ou simplement d’eau. Il n’y avait que du sang ou bien des cocktails dont je me méfiais de la contenance.
Au bout de quelques instants, Nora joua des coudes et se faufila parmi des danseurs pour parvenir jusqu’à nous. Elle tenait un verre à la main, rempli de ce qui ressemblait à du jus de fruits.

— Orange, annonça-t-elle en me le donnant. J’en ai pris avant qu’ils s’en servent pour un de leurs mélanges.
— Merci beaucoup.

Adam soupira quand un homme lui fit un signe de la main. Il s’excusa auprès de nous avant d’aller le rejoindre, suivit d’April, qui était demandée également.

— Nous ne sommes plus que toutes les deux, fit remarquer Nora, un peu tendue.
J’eus un faible sourire.
— Peu importe ce que pense le roi, tes conseils étaient bons, voulus-je la rassurer.
Je vis son expression ciller légèrement, même si elle essayait de garder un air neutre.
— Tant mieux, répondit-elle avec détachement.

Je laissai mes yeux parcourir la foule, et ils tombèrent sur Anselme. Il remarqua que je le regardais, et m’offrit un rictus qui me glaça les os. Décidément, il n’avait que peu de choses à apprendre de Savari, côté comportemental.
Et il semblait amusé. Amusé par quoi ?

— Qu’est-ce qu’il veut, lui ? grommela Nora, qui avait suivi mon regard.

J’eus un hoquet de stupeur lorsqu’on me percuta. Ma compagne mit une main contre mon épaule pour que je retrouve mon équilibre. Je tournai la tête et avisai une femme perchée sur des jambes interminables, qui me regarda de haut.

— Pardon, s’excusa-t-elle avec une touche d’ironie. Les vampires ont trop de réflexes pour se laisser bousculer. Je n’ai pas l’habitude de voir un humain, ici.
Je me disais aussi, que cela faisait longtemps qu’on ne m’avait pas renvoyé ma nature à la figure.
— Aucun problème, soupirai-je, n’ayant aucune envie de me prendre la tête à ce moment précis.
La femme saisit une coupe de sang et fit demi-tour.
— Je déteste ces fêtes, clama Nora, qui fusillait le dos de la vampire de ses yeux noisette.

Je hochai la tête, puis portai le verre à mes lèvres afin de me donner une contenance et parce que j’avais bien besoin de sucre. Je vidai le verre d’un trait. Cela faisait du bien.

Nous attendîmes en silence que les autres reviennent. Plus loin, je repérai les trois enfants, qui dansaient. Cette image me fit sourire.
Puis, je sentis ma gorge me brûler un peu. Je fronçai les sourcils, me demandant pourquoi je ressentais cela.

Un homme s’approcha de nous pour se servir un verre, à son tour. Je m’attendais à être à nouveau bousculée pour qu’on puisse se moquer un peu de la petite humaine si fragile, ou à recevoir un commentaire. Mais rien. C’était étrange. Aussi, quand il me jeta un bref coup d’œil, je me tournai vers lui.

— Quoi ? lançai-je. Vous aussi, vous avez quelque chose à dire ?

Il parût décontenancé. Une expression qui était plutôt comique, sur une armoire à glace comme lui. Je n’aurais pas dû vouloir lui chercher des noises, d’ailleurs. Mais j’avais l’impression de ne plus avoir d’inhibiteurs. Peut-être que j’en avais assez de tout ça, et que j’avais atteint ma limite.

— Je vous demande pardon ?
— Neeve, qu’est-ce que tu fous ? siffla Nora entre ses dents.

Je clignai plusieurs fois des yeux, quand je commençai à voir trouble. Et j’avais de plus en plus chaud. Je me tournai vers elle et lui montrai mon verre vide.

— Tu es sûre que ce n’était que du jus d’orange ? demandai-je, perplexe.
— Oui, j’ai vérifié. Pourquoi ?
— Parce que je me sens… bizarre…, admis-je.

C’était tout de même un exploit, que de l’alcool agisse aussi rapidement. Et je ne l’avais pas senti du tout, en buvant.
Elle prit le verre et renifla. Ses jolis yeux marron s’écarquillèrent.

— Oh putain, jura-t-elle. De l’Elixir.
Je reniflai, retroussant mon petit nez.
— C’est quoi l’élixir ? fis-je d’une voix traînante.
Voilà que mon élocution était atteinte. Le vampire à côté de moi ne bougea pas, sûrement fasciné par le spectacle.
— Un alcool spécial pour les vampires, grogna-t-elle. Il n’y en avait pas quand je suis allée t’en chercher !
Elle fusilla l’homme du regard, qui leva ses deux mains en l’air.
— Je viens seulement d’arriver et je me fais déjà engueuler alors que je n’ai absolument rien fait ? s’écria-t-il, outré.

Je plissai les yeux. Plus loin, Anselme était toujours aussi hilare. Tout en nous fixant. Puis je parvins, dans mon esprit soudainement embrumé, à faire le lien avec la femme qui m’avait bousculée.

— C’était elle, déclarai-je. Quand elle m’a poussée. Elle a dû verser ce truc dans mon verre pour s’amuser avec lui, là.

Sur ce, je pointai mon index en direction du prétendant qui était tout sourire. Il poussa même jusqu’à me faire un clin d’œil.
Connard !
L’homme fit abaisser mon bras quand il vit qui je désignais.

— Évitez de faire ça si vous ne voulez pas avoir plus de problèmes, bougonna-t-il.

Oh ? Il était sympa ? Je lui adressai un grand sourire. Le pauvre n’avait pas fini d’être déstabilisé, avec moi. Mais franchement, je ne ressentais même plus la gêne.

— Je vous défie au bras de fer, déclarai-je le plus sérieusement du monde.
Mes yeux devaient pétiller d’enthousiasme, alors que cela relevait de la pure folie. Le colosse haussa un sourcil, un brin moqueur.
— Vraiment ?
— Oui !
— Vous êtes ivre.
— Je ne vois pas le rapport, m’offusquai-je.
Nora mit une main sur mon bras pour m’éloigner.
— Personne ne fera de bras de fer avec personne, soupira-t-elle.
— Mais pourquoi ? geignis-je. Après tout ça je peux bien m’amuser un peu, non ?
— Oui, on va s’amuser sur le trajet du retour, si tu veux bien, grommela-t-elle.
Elle m’entraîna avec elle et je fis un grand salut de la main au vampire, qui me le rendit en riant.
— Ce n’est que partie remise ! m’exclamai-je.
— Je m’en souviendrai ! répondit-il.

Cet état était plutôt drôle, finalement.

~


Ce n’était plus du tout drôle.
Ma gorge était en feu, tout comme le reste de mon corps. Ma tête reposait sur les cuisses d’Adam et mes jambes sur celles de Nora, sur la banquette arrière de la voiture. Je transpirais à grosses gouttes et la nausée allait avoir raison de moi.

— Ils vont le payer, entendis-je vociférer April.
— Anselme, tu dis ? grogna Lucian.
— Avec la complicité d’une femme, précisa Nora.

Apparemment, l’Elixir était loin d’être un alcool banal. Il s’agissait d’une véritable drogue, pour les vampires. Certains en buvaient afin de ressentir la sensation d’ivresse qui était hors de leur portée, à moins qu’ils ne vident plusieurs bouteilles à eux seuls. Et moi, j’en avais bu tout un verre en quelques secondes. Dilué, certes, mais apparemment, c’était tout de même inquiétant. Au moins, je n’étais pas tombée dans un coma éthylique.

— C’est étrange qu’elle tienne aussi bien… Elle aurait au moins dû s’évanouir, observa Adam, qui passait sa main froide sur mon visage, ce qui me faisait du bien.
— Peut-être que mes ombres absorbent ? Un peu comme… la nourriture… avec de l’alcool normal ?

Nora et lui me regardèrent comme si une deuxième tête avait poussé sur mon corps. Je tâtai rapidement mon cou pour m’assurer que ce n’était pas le cas. Ouf ! Pas de deuxième tête.

— Quoique j’ai déjà été bien bourrée… plusieurs fois. Donc… Mais à l’époque je ne contrôlais pas mon pouvoir comme ça…

Mmhh… C’était assez mystérieux, tout ça. Je décidai quand même d’y réfléchir plus tard, puisque cela devenait difficile, là tout de suite. Il fallait qu’on parle d’autre chose. Une chose qui n’alimenterait pas ma migraine. Je levai les yeux vers Adam.

— On devrait former un duo ! lançai-je comme si c’était la meilleure idée du monde, en faisant des geste assez vagues de la main.

Qu’est-ce que j’essayais de mimer, exactement ?
En plus de son expression inquiète, il parût perplexe, mais eut un léger sourire en coin.

— Quoi ? Ça serait gé-nial ! fis-je en détachant bien les syllabes pour ajouter un effet.
— Mais oui. On verra si tu trouves toujours cette idée aussi gé-niale demain, répliqua-t-il.
— On ferait des concerts… Moitié prix pour les River !
— En tout cas, elle est drôle, dans cet état, remarqua Nora. C’est déjà ça de pris.
— Merci, lui chuchotai-je, sincèrement touchée.

Après cela, je ne me souvins plus de grand-chose. L’Elixir semblait agir par vagues. Je pouvais parler et entendre ce qu’on me disait, mais lorsque les effets atteignaient le pic, ce n’était plus possible. Et la vague fut trop violente pour me laisser du répit au moins une fois, de toute la fin du trajet. Je supposais que c’était tout de même pour le mieux. J’aurais pu dire absolument n’importe quoi, au risque de le regretter plus tard.

Je finis par somnoler, régulièrement réveillée par une envie de vomir sans que cela n’arrive. À un moment donné, je sentis de l’air sur ma peau et des bruits de portière. On me souleva. C’était sûrement Adam, qui me portait, puisque j’entrevoyais vaguement les autres, devant nous. On nous ouvrit la porte du manoir en grand.

Le manoir. Enfin !

— Qu’est-ce qui s’est passé ? s’affola une voix féminine.
Je reconnus mon amie, lorsque je pus garder mes paupières ouvertes plus d’une seconde.
— Heeeey… Emma ! Alors le chocolat chaud il est où ? m’enquis-je alors que j’aurais été bien incapable de le boire.
— Tu verras ça plus tard, ma puce, chuchota Lucian.

Ma puce ? C’était mignon.
Alors qu’Adam se dirigeait vers les escaliers pour m’emmener dans ma chambre, je vis qu’Emma nous suivait. Je tendis une main vers elle.

— Je n’ai pas oublié hein ! Tu m’as… me… Tu me l’as promis, bredouillai-je.
Elle hocha la tête.
— Ce que je donnerais pour savoir tout ce qui s’est passé, là-bas, soupira-t-elle.
Du moins, j’eus l’impression qu’elle avait dit ça.
— Tu n’as pas idée, s’exaspéra Nora qui nous suivait aussi, apparemment.
Tout comme Lucian et April.
— On va… tous dans ma chambre… là ? m’enquis-je.

Personne ne répondit.
C’était tout de même pénible… Je n’avais qu’un lit.

— Va falloir se serrer…

J’entendis quelqu’un pouffer de rire. Sûrement Nora.

---


Chapitre 10
Chapitre 12
Dernière modification par Chlawee le mer. 21 juil., 2021 6:35 pm, modifié 2 fois.
lacrystal

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Re: Neeve, Tome 1 : L'éveil des Ombres [Fantastique, bit-lit, romance] (Chapitre 11)

Message par lacrystal »

Hello !

Waouh je comprends pourquoi tu as tant aimé écrire ce chapitre, j'ai adoré le lire !

Bon tout d'abord, je demande à être la première à avoir le droit de casser la figure à Connor, please. Parce que franchement il a laissé Neeve dans un tel état, je vais le trucider
Ensuite, pareil pour le vampire qui l'a agressée lorsqu'elle était avec sa mère. Quel monstre :x :x :x ça me met hors de moi. Et en plus un autre vampire qui vient emmerder Neeve...
— Quels ennuis pourrais-je bien craindre, chère humaine ?

Je n’eus pas le temps de répondre. Je sentis une deuxième présence, derrière nous, ce qui me fit sursauter. Mais je m’apaisai quand je m’aperçus que l’aura m’était familière.
Adam venait d’arriver.

— C’est moi, les ennuis, déclara-t-il.
:lol: :lol: :lol: :lol: ça m'a tuée

Ils sont tellement chou Adam et Neeve à discuter là, mon coeur il fond *-* Et je ne parle même pas de la danse, là, vraiment je suis juste... CFIEZOCA?FEZUA.RC3204817DSGQCBFNE?ZA (on dirait les noms dans mes romans)
Bref maintenant que je suis calmée, je disais donc je suis comme une dingue *-* *-*

Bon te connaissant, ce genre de chose ne dure que brièvement, évidemment, c'est donc sans surprise que Savari a décidé de danser avec Neeve :lol: :lol: Je l'aime pas du tout. J'aime pas ses manières, j'aime pas sa façon de parler, j'aime pas sa tête (bon ok, je le vois pas vraiment, mais tu m'as comprise). Bref, je l'aime pas. J'aime pas comment il parle à Neeve :x

Et la fin :o :o Je suis d'accord avec Nora, c'est assez drôle de voir Neeve bourrée, mais wow, ça a l'air d'être bien trop puissant pour les humains cet élixir, je sens la gueule de bois le lendemain, ça va pas être la même que de l'alcool normal xDD
— Tu verras ça plus tard, ma puce, chuchota Lucian.

Ma puce ? C’était mignon.
Je suis d'accord avec Neeve *-*
— On va… tous dans ma chambre… là ? m’enquis-je.

Personne ne répondit.
C’était tout de même pénible… Je n’avais qu’un lit.

— Va falloir se serrer…

J’entendis quelqu’un pouffer de rire. Sûrement Nora.
:lol: :lol: :lol: :lol: :lol: Je suis morte xDDDDD

En tout cas c'était encore un super chapitre, je l'ai adoré !!! *-*

Vivement la suite :D
Pendergast

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Re: Neeve, Tome 1 : L'éveil des Ombres [Fantastique, bit-lit, romance] (Chapitre 11)

Message par Pendergast »

Bonjour, comme l'a fait remarquer Lacrystal, un super chapitre, amusant et angoissant à la fois, j'attends de voir la tête de Neeve le matin au réveil ! :o :mrgreen:
Bonne journée
cocovanilleguimauve

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Re: Neeve, Tome 1 : L'éveil des Ombres [Fantastique, bit-lit, romance] (Chapitre 11)

Message par cocovanilleguimauve »

XD XD XD c'était vraiment un chapitre hilarant !! je n'ai jamais autant ris devant mon ordinateur ! :lol: :lol: :lol:
je suis d'accord avec Nora, Neeve est super drôle quand elle est bourrée !
hâte d'avoir la suite !!!
MGT_

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Re: Neeve, Tome 1 : L'éveil des Ombres [Fantastique, bit-lit, romance] (Chapitre 11)

Message par MGT_ »

Hello ! Super chapitre et j'ai adoré la discussion entre Neeve et Adam. J'aime que les deux se rapprochent de plus en plus !
Et super passage de Neeve complètement bourrée ! J'ai adoré et tellement ris ! Dommage que ce soit si court, ça amène un peu de légèreté.
Chlawee

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Re: Neeve, Tome 1 : L'éveil des Ombres [Fantastique, bit-lit, romance] (Chapitre 11)

Message par Chlawee »

lacrystal a écrit : mar. 13 juil., 2021 3:57 pm Hello !

Waouh je comprends pourquoi tu as tant aimé écrire ce chapitre, j'ai adoré le lire !

Bon tout d'abord, je demande à être la première à avoir le droit de casser la figure à Connor, please. Parce que franchement il a laissé Neeve dans un tel état, je vais le trucider
Ensuite, pareil pour le vampire qui l'a agressée lorsqu'elle était avec sa mère. Quel monstre :x :x :x ça me met hors de moi. Et en plus un autre vampire qui vient emmerder Neeve...
— Quels ennuis pourrais-je bien craindre, chère humaine ?

Je n’eus pas le temps de répondre. Je sentis une deuxième présence, derrière nous, ce qui me fit sursauter. Mais je m’apaisai quand je m’aperçus que l’aura m’était familière.
Adam venait d’arriver.

— C’est moi, les ennuis, déclara-t-il.
:lol: :lol: :lol: :lol: ça m'a tuée

Ils sont tellement chou Adam et Neeve à discuter là, mon coeur il fond *-* Et je ne parle même pas de la danse, là, vraiment je suis juste... CFIEZOCA?FEZUA.RC3204817DSGQCBFNE?ZA (on dirait les noms dans mes romans)
Bref maintenant que je suis calmée, je disais donc je suis comme une dingue *-* *-*

Bon te connaissant, ce genre de chose ne dure que brièvement, évidemment, c'est donc sans surprise que Savari a décidé de danser avec Neeve :lol: :lol: Je l'aime pas du tout. J'aime pas ses manières, j'aime pas sa façon de parler, j'aime pas sa tête (bon ok, je le vois pas vraiment, mais tu m'as comprise). Bref, je l'aime pas. J'aime pas comment il parle à Neeve :x

Et la fin :o :o Je suis d'accord avec Nora, c'est assez drôle de voir Neeve bourrée, mais wow, ça a l'air d'être bien trop puissant pour les humains cet élixir, je sens la gueule de bois le lendemain, ça va pas être la même que de l'alcool normal xDD
— Tu verras ça plus tard, ma puce, chuchota Lucian.

Ma puce ? C’était mignon.
Je suis d'accord avec Neeve *-*
— On va… tous dans ma chambre… là ? m’enquis-je.

Personne ne répondit.
C’était tout de même pénible… Je n’avais qu’un lit.

— Va falloir se serrer…

J’entendis quelqu’un pouffer de rire. Sûrement Nora.
:lol: :lol: :lol: :lol: :lol: Je suis morte xDDDDD

En tout cas c'était encore un super chapitre, je l'ai adoré !!! *-*

Vivement la suite :D
Merci !! :D <3
Ah mais vas-y, je peux te fournir le fusil. :lol:
:lol: :lol: Ah on me dit dans l'oreillette que l'égo d'Adam ne cesse de grandir. :mrgreen:
CFIEZOCA?FEZUA.RC3204817DSGQCBFNE?ZA (on dirait les noms dans mes romans)
:lol: :lol: :lol: :lol: Pas faux !
Je crois que tu n'aimes pas Savari. :ugeek: Je me trompe ?
Ah mais la gueule de bois à l'Elixir... :roll: Oof ! Je veux pas tester !
Merci pour ton commentaire ! <3 *-*
Pendergast a écrit : mer. 14 juil., 2021 5:34 pm Bonjour, comme l'a fait remarquer Lacrystal, un super chapitre, amusant et angoissant à la fois, j'attends de voir la tête de Neeve le matin au réveil ! :o :mrgreen:
Bonne journée
Merci beaucoup !! :D
:lol: :lol:
cocovanilleguimauve a écrit : jeu. 15 juil., 2021 1:47 pm XD XD XD c'était vraiment un chapitre hilarant !! je n'ai jamais autant ris devant mon ordinateur ! :lol: :lol: :lol:
je suis d'accord avec Nora, Neeve est super drôle quand elle est bourrée !
hâte d'avoir la suite !!!
:lol: :lol: Merci !
La suite très bientôt !
MGT_ a écrit : jeu. 15 juil., 2021 7:10 pm Hello ! Super chapitre et j'ai adoré la discussion entre Neeve et Adam. J'aime que les deux se rapprochent de plus en plus !
Et super passage de Neeve complètement bourrée ! J'ai adoré et tellement ris ! Dommage que ce soit si court, ça amène un peu de légèreté.
Hey !
Merci ! :D
Ah la légèreté c'est vrai que ça manque... :lol:
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Re: Neeve, Tome 1 : L'éveil des Ombres [Fantastique, bit-lit, romance] (Chapitre 11)

Message par Oce1510 »

Ca fait un petit moment que je n'ai pas commenté, mais je suis avec toujours autant d'impatience les aventures de Neeve ! D'ailleurs j'ai adoré le chapitre 11, on a l'impression que les choses commencent à s'accélérer et qu'on va bientôt avoir quelques révélations :shock:
J'ai hâte !!!
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Re: Neeve, Tome 1 : L'éveil des Ombres [Fantastique, bit-lit, romance] (Chapitre 11)

Message par Chlawee »

Oce1510 a écrit : mer. 21 juil., 2021 4:07 pm Ca fait un petit moment que je n'ai pas commenté, mais je suis avec toujours autant d'impatience les aventures de Neeve ! D'ailleurs j'ai adoré le chapitre 11, on a l'impression que les choses commencent à s'accélérer et qu'on va bientôt avoir quelques révélations :shock:
J'ai hâte !!!
Hey ! :D
Merci beaucoup ! :D
Peut-être... 8-)
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