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Re: Nouveau départ [Nés à Minuit]

Publié : jeu. 15 juin, 2017 10:19 pm
par Morgane-Feroldi
Coucou, contente que tu sois de retour !!!
J'adore ce chapitre et le retour de la Maria qui lance des piques !
C'est super

Re: Nouveau départ [Nés à Minuit]

Publié : dim. 09 juil., 2017 5:21 pm
par Eloise18
Coucou !
Ça faisait assez longtemps que je ne.étais pas venue mais lorsque j'ai commencé le chapitre je ne pouvais plus m'arrêter ! Tes histoires toujours aussi addictives qu'originales me font toujours aussi plaisir. Je salive d'avance en ce qui concerne le prochain chapitre. J'ai beaucoup aimé le côté garce de maria qui était revenu ça fait du bien de la voir reprendre du poil de la bête, sans jeux de mots hein ? :lol: . Tu pourrais continuer à me prévenir pour le prochains chapitres ça me ferait extrêmement plaisir. Continue comme ça :D

Re: Nouveau départ [Nés à Minuit]

Publié : jeu. 05 avr., 2018 3:15 am
par Mimie99
Salut... Je me présente après un long moment et ce n'est même pas pour un chapitre. :oops: Je suis vraiment, vraiment terriblement désolée. :oops: Mais j'ai eu besoin de faire une pause et sans que j'aie réellement perdu l'envie d'écrire cette fanfic-ci je n'avais plus de motivation. Avec les cours en plus et certains autres projets que j'avais envie de prioriser après avoir passer un assez long moment sur Nés à Minuit. :( Toutefois, je n'ai jamais eu l'intention de l'abandonner :D C'est pourquoi que je passe ici, d'ailleurs. C'est pour annoncer que j'écris en ce moment même le chapitre 11 et qu'ils pourraient être plus long que vingt pages :roll: :D Je ne sais pas quand je vais le publier, le chapitre, mais il est en cours d'écriture. :D Je vous demande encore pardon pour mon absence prolongée :oops: Je tiens à préciser que je vais prévenir à nouveau tous ceux sur ma liste de prévenu, puis après il faudrait me demander si vous voulez toujours être prévenu... Enfin, je préviendrai peut-être pour le douzième aussi, mais pas plus. Je ne voudrais pas importuner quelqu'un avec mes publications :roll: Bref, à bientôt pour le nouveau chapitre! :D

Re: Nouveau départ [Nés à Minuit]

Publié : sam. 14 avr., 2018 6:23 pm
par Mimie99
SALUUUUT! Désolée, j'ai un petit débordement d'enthousiasme à l'idée de FINALEMENT publier le chapitre 11. Pour le coup, il n'a pas été si long à écrire, c'est seulement le manque de motivation et de temps qui a fait en sorte que... que l'attente dure près d'onze mois entre les deux chapitres. Je vous demande encore pardon pour ça :oops: MAIS! Ce chapitre est plutôt long, environ 40 pages. Sur ces mots, je vous laisse avec l'excuse habituelle du « désolée pour les erreurs qu'il y a surement ». :roll: Bonne lecture!

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Chapitre 11


Christine tenta de se dégager à au moins trois reprises pendant notre trajet jusqu’au bungalow. Je n’en fis par contre aucun cas et ne répondis à aucune de ses questions avant que nous ne soyons à l’intérieur de mon bungalow. Là, Christine s’écria pour la cinquième fois :

- Bon sang, Maria, qu’est-ce qui te prends?!

- Je ne veux pas risquer que la Dame prenne possession de toi, alors je vais t’ajouter à ma meute.

- Oh! Lâcha-t-elle.

- Ça ne te dérange pas? Lui demandai-je en haussant un sourcil.

- Pas du tout, ce sera plus sécuritaire comme ça, de toute manière, affirma-t-elle.

Je l’invitai alors à s’asseoir sur le canapé. Ça risquait d’être étrange d’ajouter quelqu’un à ma meute qui, cette fois, le ferait de plein gré au lieu de forcer. J’espérais sincèrement que ce serait plus simple ainsi, sinon mon plan risquait d’être dangereusement retardé. Ce qui ne serait pas du tout conseillé. Mais alors là, vraiment pas.

Dès que Christine fut bien installée je laissai poindre mes griffes et sans trop réfléchir je me tranchai la peau du poignet. Le sang se mit immédiatement à couler et je passai ma main sous la plaie pour éviter de tout tacher avec le sang en m’approchant du visage de la sorcière.

Sans que je n’aie à lui demander elle ouvrit la bouche et pencha la tête vers l’arrière, je n’eus donc qu’à mettre mon poignet au-dessus de sa bouche et le sang se mit à goutter dans sa bouche. D’une voix étrangement rauque je formulai :

- Par ce sang que je te donne, je te fais mienne. À ma meute tu appartiens, maintenant. À partir de cet instant tu n’obéiras qu’à moi et seulement moi. Jusqu’à ce que la mort te délivre ou que je te laisse partir.

C’est avec soulagement que je sentis mon pouvoir passer de moi à elle et un lien se créer entre nous deux. C’était tellement différent d’avec tous les autres que c’en était presque incroyable. C’était un peu le même sentiment que sentir l’eau fraîche d’une rivière couler sur nos pieds lors d’une journée étouffante d’été. Je sentis Christine se détendre imperceptiblement après le petit sursaut raide qu’elle avait eu au moment de recevoir mon sang dans sa bouche et le lien se former.

Je reculai de deux pas et je sentis un léger tiraillement intérieur. Comme si j’approchais d’une limite quelconque. Un léger mal de tête s’empara de moi, mais il n’y avait rien de plus normal compte tenu du fait que les émotions de Christine et ses pensées affluaient toutes en même temps. Quant au léger tiraillement, j’avais l’impression de savoir ce dont il était question. J’approchais de ma limite pour le nombre de membre que pouvait contenir ma meute. Généralement, plus nous augmentions en puissance, plus nous pouvions en avoir. Mais comme je venais tout juste, ou presque, de devenir Alpha et d’avoir assis mon « contrôle » sur la Chimère, je n’étais pas au summum. D’autant plus que j’étais loin d’avoir vingt-et-un ans.

- Est-ce que ça va? M’enquis-je en voyant Christine se prendre la tête à son tour.

- Ça peut aller, affirma-t-elle avec un sourire. Je ne m’attendais seulement pas à tout… percevoir.

- Jusqu’ici personne n’était resté conscient après la procédure d’intégration, dis-je sur un ton désolé. Je te dirais que d’ici une dizaine de minutes les choses vont déjà commencer à s’éclaircir. À se replacer.

- C’est bon à savoir! Répondit-elle. Maintenant, dis-moi, que voulais-tu me dire?

- Je ne peux pas t’en parler ici, désolée.

- Alors où… commença-t-elle, mais je l’attrapais déjà par le bras.

Je la tirai, quand même doucement, avec empressement dans la direction que je voulais prendre. J’avais l’intention de l’amener là où je séquestrais Ethan pour pouvoir être en relative tranquillité.

- Hé, mais tu vas où comme ça?! S’écria Della.

- T’inquiètes, je reviens! M’exclamai-je en emportant déjà Christine dans le passage entre l’Ombre et la Lumière.

********************

Della détestait plus que tout autre chose lorsque Maria faisait ça. S’il y avait un don et bien un seul que Maria pouvait posséder et qui agaçait prodigieusement la vamp, c’était bien celui de l’Ombre et la Lumière. Ce foutu passage à la noix lui mettait les nerfs à vif. Non seulement, cela permettait à sa coloc louve-garou de s’en aller n’importe quand, n’importe où… mais elle pouvait aussi apparaître de nulle part!

Aucun doute, si les choses se calmaient, Maria risquait d’utiliser ce don-là pour asticoter Della. Enfin… Si la Maria qu’elle avait appris à connaître n’avait pas totalement disparue. Malgré tout, elle avait bon espoir que cette dernière soit de retour. Mais en même temps, ce n’était pas seulement de bon augure. Après tout, son amie ne risquait-elle pas de recommencer à l’asticoter?

- ARGH! Je déteste quand elle fait ça! Gronda-t-elle en frappant durement le sol sous ses pieds, qui émit un léger craquement.

- Euh… Della? Tu ne pourrais pas faire attention? Proposa Kylie en regardant le sol où se trouvait maintenant une petite fissure.

Pour toute réponse la vamp leva les yeux au ciel avant d’adresser une grimace à sa meilleure amie. Parfois, la caméléon s’en faisait franchement pour des trucs idiots. Sérieusement, avec tout ce qu’ils avaient enduré, elle ne pensait pas que Holiday pourrait lui en vouloir d’avoir abimé le plancher. Et encore moins Burnett. Ils étaient tous des surnaturels, après tout. Et des incidents de ce genre se produisaient… tous les jours. Tout le temps.

- Je suis simplement énervée, grommela-t-elle tout de même pour s’expliquer. J’avais l’intention d’interroger Maria sur certaines choses…

- Tu es toujours énervée, fit remarquer Miranda sur un ton blasé.

- Je te jure! S’écria-t-elle. Je te jure que parfois je me demande comment ça se fait que nous soyons amies! Siffla-t-elle.

- Vous n’allez pas recommencer! S’exclama Kylie en venant s’interposer rapidement.

Della leva de nouveau les yeux au ciel et se mit à faire les cent pas. Elle avait besoin de bouger. De faire quelque chose. Une partie de ses pensées se tournèrent vers ses parents qui devaient l’attendre. Peut-être Marla y était-elle aussi? Sauf qu’elle ne pouvait pas y aller, car… Eh bien, elle était assignée au bungalow pour veiller sur Kelsea. Et sur Katryne.

Elle risqua un regard sur l’autre vampire et ne put s’empêcher de trouver que cette dernière semblait… inquiète. Inquiète pour qui? Pour elle? Ou pour Maria? Ces derniers temps, le comportement de l’ancienne meilleure amie de Maria était étrange. C’était comme si elle… elle s’inquiétait réellement du sort de la louve. Et pas seulement à cause du fait que sa coloc était une sorte d’assurance vie pour la vampire. Cette réflexion l’intriguait. Tout autant qu’elle la révoltait. Car Della était plus douée pour détester les gens que les apprécier. Toutefois… Katryne commençait lentement à remonter dans l’estime de la vamp. Enfin, seulement un peu.

- Je suis sur les nerfs, s’excusa-t-elle à moitié à Kylie en voyant que cette dernière la dévisageait avec un air furieux.

- On l’est toutes, soupira la caméléon en allant s’asseoir lourdement sur l’une des chaises qui entouraient la table.

Miranda ne tarda pas à la rejoindre, puis Katryne s’approcha, sans pourtant oser s’installer avec elle. La vamp poussa un soupir, marmonna entre ses dents et tout en allant s’asseoir, elle leva les yeux au ciel en disant :

- Assis-toi, Katryne. Tu as l’air pathétique à rester là.

L’autre vampire la gratifia d’un regard à la fois résigné et ennuyé, mais elle obéit tout de même. Dès qu’elle fut assise, Miranda demanda tout en s’excusant :

- Pardonne-moi Della, mais je suis un peu inquiète. Avec Perry qui est avec Ethan et notre impossibilité de sortir… Enfin, bref, c’est quoi les questions que tu voulais poser à Maria?

Elle pouvait comprendre l’inquiétude de Miranda et elle devait avouer que son amie sorcière ne devait guère apprécier d’être encore assignée à résidence. C’était toujours elle qui restait derrière en général…

- En rapport avec l’une de ses capacités… lâcha finalement la vamp en essayant de ne pas trop en dire.

- Laquelle? S’enquit la caméléon.

- Je… vint pour commencer Della, mais une voix mentale la coupa.

- « Ce n’est pas un sujet à aborder à la légère… Malgré tout, la Dame aux Glaïeuls a une bonne base de connaissance sur les dons des Héritiers. Chacune de ses défaites lui en a appris à nouveau. Pense à ce que tu veux demander, Della. Et je te répondrai. »

C’était la voix de la Chimère. Le regard de la vampire se tourna immédiatement à l’endroit où se trouvait l’énorme créature (qui n’était pas si grande comparé à d’autres…), mais cette dernière était toujours étendue sur le côté sans bouger d’une oreille. Ses amies avaient dû en faire de même, car Miranda et Kylie s’exclamèrent en même temps :

- KELSEA!

- « Pas si fort, je ne suis pas sourde! » grommela l’intéressée et on pouvait sentir son agacement. « Que veux-tu savoir, Della? » répéta-t-elle ensuite.

Se rappelant de la recommandation de la Chimère concernant la manière de procéder pour poser sa question sans risque, elle pensa intensivement à sa question. Comment fonctionne exactement le don de « télépathie » de Maria? Comment faire pour lui répondre? Est-ce qu’il y a une distance maximum? Oui, d’accord, c’était plus d’une question, mais elle se les répéta inlassablement dans sa tête. Au fur et à mesure qu’elle répétait les mots, elle sentait la conscience de la Chimère peser beaucoup plus contre la sienne.

Pendant près d’une minute elle répéta ses questions en silence dans sa tête. Après trente secondes, elle se demanda si Kelsea ne la faisait pas marcher et qu’en fait elle faisait tout ça pour rien. Pourtant, après deux minutes elle sentit quelque chose changer chez la Chimère. Elle semblait réfléchir. Ce qu’elle dégageait c’était un état pensif.

- « C’est des questions pertinentes, en effet, Della. D’autant plus que vous allez tous pouvoir le faire. » lâcha soudain la Chimère à toute l’assistance.

- Attends… Quoi?! s’étonna Della en fronçant les sourcils.

- De quoi on parle là? Demanda Miranda.

- « Du pouvoir de télépathie de Maria. Elle peut communiquer avec tous les membres de sa meute par la pensée, ressentir leur émotion et lire leur esprit. Au début, lorsque le lien se fait tout se passe d’un coup et sans le chercher. Mais après quelque temps, il faut chercher à le faire pour atteindre les pensées des autres, ressentir leurs émotions et aussi leur parler. Mais ce n’est pas à sens unique. Maria peut vous parler autant que vous pouvez lui parler ou vous parler entre vous. Tant que vous faites partie de sa meute, évidemment. Si vous la quittez, vous ne pourrez plus le faire. » répondit la Kelsea et Della pouvait presque la voir hausser des épaules.

Pendant un moment personne ne prononça un mot. Elles étaient toutes trop éberluées pour savoir quoi dire. Elles pourraient toutes se parler? Sans dire un mot? Connaître les émotions des autres? Connaître leurs… pensées? Ces deux derniers points embêtaient grandement la vamp. Elle n’avait aucune envie d’avoir qui que ce soit qui farfouille dans sa tête. À la rigueur Kelsea et Maria, ça pouvait aller. Miranda et Kylie aussi… Mais les autres? Pouah! Jamais de la vie!

- Mais… Je ne comprends pas… Comment ça fonctionne? Et comment les vampires de Shadow Falls ont-ils pu être ajouté à la meute de Maria sans… tu sais… demanda-t-elle en fronçant les sourcils.

- « Avant de te répondre, sache que la distance importe peu, en général. Enfin, vous pourriez discuter entre vous sans interférence sur au moins… mille kilomètres. Avec un autre mille ce ne serait pas tous vos mots qui se rendraient et vous ne percevriez qu’à peine la présence de l’autre dans votre esprit. Pour le fonctionnement de son don, Della, tout comme la manière de lui répondre, il serait préférable d’attendre que vous soyez tous ensembles, ainsi nous sauverions du temps. Après concernant le comment vous avez pu être joint à sa meute, c’est à cause de votre métabolisme de vampire. Quand vous ingérez le sang, il se passe un petit quelque chose qui permet à votre corps de survivre et ce système a fait en sorte que vous avez… comment dire? Absorbés le pouvoir que contenait le sang de Maria. Mais comme il n’y a pas eu de cérémonie en tant que telle… vous n’avez pas eu la surdose. D’autant plus que Maria ne m’avait pas encore… apprivoisée. Et il existe effectivement un moyen de bloquer vos pensées. Mais comme aucun d’entre vous ne peut se rendre dans les pensées des autres, on pourra attendre encore un peu. »

Les joues de la vamp rosirent un peu, car elle y avait pensé. Toutefois en entendant la Chimère se mettre à rire dans sa tête, elle se sentit offusquée et eut très envie de gronder. Du moins, jusqu’au moment où Kelsea lâcha en riant toujours (les rires mentales étaient plutôt étranges, d’ailleurs) :

- « Tu n’étais pas la seule, Della. Et si tu veux mon avis, Maria ne serait pas non plus d’accord que vous vous invitiez dans sa tête n’importe quand. »

La dernière phrase redonna immédiatement le sourire à Della. L’espace d’un instant, du moins. Car d’un coup la porte de leur bungalow s’ouvrait en grand sur une Maïa très en colère. Voire pire que ça.

- VOUS ALLEZ ME DIRE IMMÉDIATEMENT OÙ IL EST?! S’écria la fausse louve en postillonnant outrageusement.

- Tu n’es pas au courant que les postillons c’est dégoûtant? Rétorqua la vamp sur un ton narquois et provocateur.

Elle prononça ces mots tout en se positionnant pour pouvoir se protéger, ainsi que ses amies, s’il y avait une attaque. Cela dit, il y en eut effectivement une, mais de leur côté.

Avant même que Maïa ait pu prononcer le moindre mot, Katryne se leva brusquement de sa chaise, la lèvre supérieure retroussée et s’élança en direction de la Dame aux Fleurs en s’écriant :

- JE VAIS T’ÉCRABOUILLER! TU NE TOUCHERAS PAS À MON AMIE, CR**S DE FOLLE AUX FLEURS! TU T’ES CRI**EMENT TROMPÉE D’ENDROIT POUR T’ÉCHOUER!

Della ne comprit pas un traître mot de ce que l’autre vampire avait dit, mais elle savait que ce n’était pas agréable à entendre. Si elle se fiait à l’air offusqué de Maïa, en tout cas. Toutefois, elle ne put s’empêcher d’ouvrir grand la bouche, étonnée, en voyant l’ancienne meilleure amie de Maria donner un coup de pied spectaculaire dans le ventre de la si charmante Dame aux Fleurs.

Cette dernière fut éjectée du bungalow et ce n’est que grâce à un mouvement trop rapide pour être vue que Maïa ne s’effondra pas par terre. Quand elle releva la tête, par contre, elle faisait réellement peur. Ses yeux venaient de prendre une couleur froide comme la glace. Della serra les poings et se tint prête à se battre en allant rejoindre Katryne.

- Tu vas le regretter, Lévesque! Gronda la fausse louve en les dardant d’un regard meurtrier.

- Non, c’est toi qui va le regretter! Rétorqua Katryne dans un anglais étonnant correct.

Une odeur brusquement saline agressa les narines sensibles de Della et elle aurait tourné de l’œil si ce n’avait pas été que son orgueil l’en empêcha. La peau de leur ennemie était en train de… de se mouvoir comme si elle était animée d’une volonté propre. Et la couleur ne cessait de changer. Maïa poussa alors un hurlement si aigu que sans le vouloir elle se retrouva à genoux par terre. Tout comme Katryne.

- On se reverra. Je finirai bien par savoir où il se trouve… siffla la très-peu-semblable-à-une-louve avant de partir à un rythme rapide et colérique.

La vamp se retourna immédiatement vers celle de son espèce et s’écria avec autant de colère que de respect :

- Non, mais c’est quoi ton problème!

Tout ce qui lui renvoya Katryne fut un regard furibond qui faisait honneur à la race vampirique. Par contre Della se serait bien passé de l’air hautain…

*******************

Ethan se réveilla avec un mal de tête terrible. On aurait dit qu’on l’avait roué de coup et qu’il avait bu jusqu’à en perdre connaissance. Ce qui n’était pas le cas. Papillotait-il seulement des paupières qu’il se rappela ce qu’il s’était produit la dernière fois qu’il avait eu les yeux ouvert. Maria. Cette sale garce l’avait eu! Comment avait-elle pu réussir un tel tour de passe-passe?

Et apparemment, elle n’avait pas seulement réussi un seul tour.

Non, parce qu’en ce moment le loup-garou se trouvait dans un lieu qui lui était inconnu et… en compagnie de gens qu’ils n’avaient aucune envie de voir. Il remarqua rapidement qu’il avait des liens autour de ses poignets et de ses chevilles.

- Vous croyez vraiment que ça va me retenir? Susurra-t-il en dardant un regard plein de désir de meurtre et de fourberie à ces geôliers.

Tout autour de lui se trouvait effectivement Lucas, Perry, Derek et Jenny. Et tous le regardaient avec une animosité palpable. Le premier qui prit la parole fut le seul loup-garou de la pièce, excepté Ethan.

- Non, mais ça nous donnera du temps.

- Du temps pour quoi? Vous faire tuer? Railla Ethan avec un grand sourire arrogant.

Il n’eut à peine le temps de comprendre ce qu’il se passait que Perry bondissait sur ses pieds et… le noir.
Quand il se réveilla à nouveau, ce fut pour entendre comme s’il était enfermé dans une cage de verre épais :

- J’aurais bien aimé avoir à le frapper une deuxième fois, grommelait Perry.

- Ça fait déjà cinq fois que tu le dis en une heure, on est au courant maintenant, soupira Jenny.

- Et tu n’es pas le seul qui désire régler ses comptes… gronda Lucas.

- Ouais, sauf que toi tu l’as déjà frappé plus que ta part, rétorqua Derek.

Il y eut un grognement hargneux de la part de quelqu’un. Ethan supposa qu’il s’agissait de Lucas. Un sourire amusé étira les lèvres du loup-garou évolué et il décida de participer à cette charmante discussion.

- C’est vrai que tu m’as frappé plus que ta part, petit loup! Ricana-t-il en ouvrant les yeux et plongeant son regard dans celui qui venait de devenir orangé de l’autre loup-garou.

- Tu ferais mieux de la fermer, Ethan! Rugit-il.

- Et pourquoi? Parce que tu vas encore me frapper? Maria ne serait pas contente, tu sais. Mais c’est vrai que ça t’a tellement réussi la dernière fois… Comment vont tes mains, au fait? Elles n’ont pas été trop dures à guérir, j’espère? Je me sentirais tellement mal…

- TA GUEULE! Hurla son interlocuteur en arborant une lueur de folie dans les yeux.

De la folie dut à une colère profonde et incontrôlable. Folie qui donnait envie d’hurler de rire à Ethan. Il ne s’en priva d’ailleurs pas et même lorsque Lucas l’attrapa par le col pour le plaquer contre le mur, il arborait toujours un petit sourire suffisant. Il lui susurra au visage :

- Attention… Attention, Lucas. Ta copine guérisseuse n’est pas là pour te sauver la mise, cette fois!

C’en était probablement trop, car il reçut un coup de poing au visage et… Encore le noir.

Lors de son troisième réveil, Ethan était dans une colère noire. Du moins la grande majorité de son être, car il y avait toujours cette infime partie, la partie rebelle… celle qui était toujours là à cause de ce stupide lien qui le reliait à cette minable de Maria. Cette part de lui se battait toujours bec et ongle pour sortir. Prendre le contrôle, le dessus sur lui. Sauf qu’Ethan ne le laisserait pas faire. Jamais.

Il regarda autour de lui et remarqua que toutes les personnes qui le séquestraient avaient les bras croisés et semblaient diablement énervés contre lui.

- Vous croyez que le plan de Maria existe vraiment, ou qu’elle avait espoir qu’on perdrait patience et qu’on lui réglerait son compte pour de bon? s’enquit Perry avec une lueur moqueuse dans les yeux.

- Chhhemmm…. Spousshhhhhaaaaaai… grommela Ethan sans arriver à prononcer correctement une seule syllabe.

Ces salopards avaient osé le bâillonner! Il avait voulu leur dire qu’il pourrait tous les tuer les yeux fermés, mais il était tellement indigné par la présence de ce bout de tissu dans sa bouche qu’il se contenta de les foudroyer du regard sans même lâcher un seul grognement.

- Non, ce n’est pas dans le genre de Maria, rétorqua Derek. Elle ne se contenterait jamais de laisser le soin à quelqu’un d’autre de faire ses combats à sa place.

Il poussa un ricanement à demi étouffé par son bâillon. Mais bien sûr! Maria ne voudrait jamais que quelqu’un ose le toucher. Autre qu’elle. Elle était tellement égoïste! Il aurait continué à rire si ce n’est que Jenny lui envoya son poing sur la mâchoire avant de lui administrer une gifle cinglante sur la joue qui fit tinter ses oreilles.

Il resta immobile, sonné, ce qui déclencha l’hilarité de ses geôliers.

- Désolée, ça m’a échappé… marmonna Jenny en regardant ses pieds.

Ethan n’était pas abusé par son manège. Il voyait très bien la colère qui possédait toujours ses yeux. Penser à un manège lui fit comprendre qu’il pouvait encore leur jouer un bien vilain tour. Jouer avec eux était ce qu’il avait fait de plus amusant de toute sa vie.

Et il savait exactement quoi faire pour les énerver.

Il fit immédiatement en sorte de se détendre, de relâcher ses muscles tendus par la colère. S’il voulait les tromper, il devait reprendre une attitude plus calme. Comme celle de l’ancien Ethan. Dès que son apparence « calme » fut en route, il se mit à se dandiner, mal à l’aise. Évita le regard de tous ceux dans la pièce, les fuyant.

Il devait montrer par tous les pores de sa peau qu’il était mal à l’aise.

Par ces moindres petites réactions et gestes il devait leur démontré qu’il n’était plus lui. Enfin, que l’ancien lui était là. Sans que cela soit le cas, bien sûr. Son plan rendait complètement fou la partie rebelle de son être. Et il adorait ça. Autant faire d’une pierre deux coups. Il aurait encore plus aimé faire d’une pierre trois coups, mais Maria ne semblait pas presser de daigner se présenter. On avait vu mieux comme ravisseur. Une chose était sûre, elle n’était pas vraiment ce que l’on pouvait appeler « ravissante ». Pas comme Maïa.

Il réussit à se faire monter les larmes aux yeux et se débattit faiblement avec ses liens. Il implora alors du regard la personne qu’il croyait la plus susceptible de vouloir l’aider. De vouloir aider l’ancien Ethan, en tout cas. À savoir, Jenny.
Il ne conserva toutefois pas très longtemps leur contact visuel et baissa les yeux, comme s’il était honteux. Ce que l’autre Ethan ferait, assurément. Après tout, il avait abandonné sa copine et n’avait pas su être plus fort que sa Dame. Au plus grand bonheur de l’Ethan actuel, évidemment.

- Ethan? C’est… c’est toi? demanda la caméléon, incertaine.

Il se recroquevilla davantage sur lui-même. Fuyant le contact qu’elle essayait de créer avec lui. C’était si facile de jouer un rôle, pensa-t-il intérieurement avec un sourire goguenard. Il releva les yeux timidement pour faire un bilan sur ce qu’il se passait. Perry avait sourcils froncés, indécis. Jenny avait les yeux écarquillés, incrédule. Derek… Derek semblait troublé. Mince. Le fae possédait le don de lire les sentiments!

Pour cacher son trouble, Ethan s’efforça de faire monter sa culpabilité. Pas celle que l’Ancien éprouvait envers ceux présent ici, mais plutôt celle qu’il ressentait envers sa Dame. Il avait échoué. En quelques secondes il sentit l’amertume et la culpabilité lui habité le cœur.

Un nouveau coup d’œil et il vit que Derek semblait encore plus troublé. Quant à Lucas, il le dévisageait toujours avec une colère noire. Qui semblait toutefois s’être amplifié. Il dut prendre énormément sur lui pour conserver sa culpabilité et son amertume au lieu de l’amusement qu’il sentait poindre.

Il devait conserver les apparences.

Il s’apprêtait à effectuer un léger mouvement d’assentiment lorsque Jenny se leva pour s’approcher à nouveau de lui. Sauf que toute colère avait évacué son visage. C’était plutôt de l’inquiétude. De la suspicion. Elle répéta, encore plus incertaine :

- Ethan, est-ce que c’est vraiment toi?

Il hocha de la tête, lentement, et une larme roula sur sa joue. Il secoua ensuite la tête avec découragement. Avec honte. Un éclat froid traversa le regard de la caméléon lorsqu’elle dit :

- Je ne te crois pas.

Il poussa un léger soupir, à moitié dépité, à moitié résigné.

- Qui sait, Jenny. Il est peut-être effectivement redevenu lui-même… Ton coup devait être rudement fort, par contre! Plaisanta Perry avec une étincelle moqueuse dans les yeux.

- Il n’y a qu’un seul moyen de le savoir, trancha la seule fille du groupe.

- Jenny, non! Hurla Lucas, mais trop tard.

La caméléon venait tout juste de lui retirer le bâillon dans un mouvement rapide et efficace. La réaction de Lucas était sans doute lié au fait qu’il n’avait aucune envie d’entendre Ethan lancer de nouvelles insultes ou autre. Pendant une seconde, Ethan envisagea de les faire marcher avec des mots aussi.

Il changea d’idée la seconde suivante.

Avec un sourire de salaud il cracha au visage de Jenny avec une jubilation mauvaise. Malgré ses liens, il réussit à bondir sur ses pieds, ce qui entraîna une chaîne de réaction.

Lucas bondit à son tour sur ses pieds en même temps que Derek et Perry. Les deux premiers le plaquèrent contre le mur lorsqu’il lança :

- Vous êtes tous tellement crédules, mes pauvres. Pas étonnant que vous allez tous mourir! Je m’en réjouis d’avance…

Il lâcha ensuite un petit grondement de désir. Il avait le goût du sang en bouche. Il saliva rien qu’à l’idée de mettre fin à la misérable existence de l’un d’entre eux. Voire… de tous.

- Je pourrais commencer par la… commença-t-il, sauf que Derek le coupa en grondant.

- Là, ça SUFFIT!

Et il perdit à nouveau connaissance après avoir senti un choc percutant au mauvais endroit.

Il se réveilla une quatrième fois en se sentant un peu nauséeux et amorphe. Il avait l’impression que son sang avait été changé pour du plomb et que le seul fait de soulever ses paupières était une épreuve insurmontable.

Ce fut les voix qui lui permirent de reprendre un peu mieux ses esprits.

- Vous croyez que Maria va bientôt venir? Il fait déjà jour depuis quelques heures, avançait Derek. Les parents doivent être là, maintenant.

Pas Matthew, ricana Ethan intérieurement, malgré son état de demi-conscience.

- Ça va dépendre de combien de temps que notre amie mettra à arriver, rétorqua Lucas.

De quelle amie était-il question? S’interrogea-t-il. Il ouvrit finalement les yeux sans émettre un son pour pouvoir les observer tranquillement.

D’un coup, les quatre membres de la meute de Maria se prirent la tête entre les mains. Ethan comprit pourquoi, car il ressentit un léger tiraillement en provenance de Maria. Il supposa qu’elle avait ajouté une nouvelle personne à sa meute. Mais qui? Et dans quel but? Elle approchait forcément de sa limite…

Il s’éclaircit doucement la gorge pour attirer l’attention sur lui et malgré le bâillon qui entravait à nouveau sa bouche, il tenta un sourire. Certes il était masqué en partie, mais l’intention était là. D’ailleurs, son amusement devait se voir dans ses yeux.

- Trop, c’est trop, grommela Perry et sans prévenir il bondit sur lui.

Sa tête vola sans élégance vers l’arrière lorsque le poing du métamorphe heurta sa mâchoire. Il était profondément surpris que cette dernière ne soit toujours pas cassée à cette heure…

Il en reçut un second au niveau de l’œil, puis un troisième dans le ventre. Les autres se contentaient d’observer la scène avec des yeux ronds. Sans doute que voir ainsi Perry perdre son sang-froid avait de quoi surprendre. Ethan, de son côté, ne pouvait s’empêcher de rire avec suffisance, malgré que ce dernier soit étouffé.

- Est-ce que je peux savoir ce qui se passe ici?! gronda soudain la voix de Maria, furieuse et… surprise, apparemment.

Il tourna son regard en direction de la voix et l’a vit alors en compagnie de… Christine? D’un coup il comprit ce qu’elle pouvait avoir en tête, lorsqu’il constata qu’elle avait la main à la chevalière à son cou. Il ouvrit des yeux ronds, paniqué à l’idée de ce qu’elle pouvait effectivement avoir derrière la tête.

*******************

Je ne pouvais pas croire que malgré ce que j’avais demandé, sans user de mes pouvoirs et en croyant sincèrement qu’ils sauraient se soumettre à ma demande, ils avaient tabassé Ethan. Voir son visage aussi tuméfié me fit passer un frisson désagréable dans le dos, mais j’ignorai mon sentiment pour me concentrer sur le métamorphe, que je dévisageais toujours avec colère.

L’intéressé se retourna vers moi et juste avant qu’il ouvre la bouche pour parler, j’aperçus l’air paniqué d’Ethan. Apparemment, il avait vu qui était avec moi. Et soupçonnais sans doute ce que j’avais l’intention de faire. Je lui renvoyai donc mon plus beau sourire de garce pendant que Perry s’expliquait :

- Je te l’ai dit, j’avais des choses à mettre au clair avec lui.

- Et il l’a cherché, avança Jenny. Il a passé une bonne partie de ces courts moments éveillés à nous chercher des poux...

Je blêmis d’un coup. Parce qu’il lui avait permis de rester réveillé longtemps?! Apparemment, j’avais bien des choses à mettre au clair avec eux! Je m’exclamai, épouvantée :

- Mais vous êtes tombés sur la tête ou quoi?! Il aurait pu…

Je ne réussis pas à terminer, car voilà qu’Ethan me souriait avec condescendance malgré son bâillon. Je fronçai les sourcils et tout en relâchant la chevalière que je portais toujours autour du cou, je posai les deux mains sur les hanches. En m’appuyant sur ma jambe droite je lui dis sur un ton susurrant :

- Pas de ça avec moi, Ethan. Et tu m’en vois vraiment navrée, mais… Tu ne peux pas rester comme ça, mon p’tit chou. J’aime mieux quand tu dors.

La dernière phrase sortit en grondant et juste avant que mon poing s’abatte à l’endroit stratégique, je vis les yeux de mon ex-petit-copain refléter de la surprise. Sans doute ne comprenait-il pas comment je pouvais avoir aussi bien réussi à surmonter la douleur qu’à peine une semaine ou deux plus tôt me faisait tomber au sol et recroqueviller sur moi-même. Je dis ensuite sur un ton sec :

- Il ne peut pas rester réveiller plus de quelques secondes. Il pourrait tous nous tuer en se transformant, vous l’avez oublié?!

- Non, cousine, grommela Lucas en croisant les bras. Seulement, il aimait beaucoup trop nous asticoter pour songer à se transformer.

Je poussai un soupir, mais n’avait aucun mal à croire ce qu’il me disait. Ça ressemblait énormément au nouvel Ethan de faire ce genre de chose. Je me passai une main lasse au visage et je demandai :

- Quelque chose à signaler?

- Pas vraiment, sauf le fait que ce soit un connard, argua Perry. Et qu’il a mérité chacun des coups qu’il a reçus.

Les autres acquiescèrent du chef et je poussai un soupir en levant les yeux au ciel. Ils semblèrent alors remarquer que Christine se trouvait parmi nous, car mon cousin lança :

- Salut, Christine.

- Ravi de te revoir, Lucas. Du moins, je crois, plaisanta Christine.

Je me souvins rapidement que la première rencontre de ces deux-là n’avait pas été fabuleuse. C’était à l’époque où je chassais l’esprit malfaisant qui avait possédé la Chimère et que j’avais appris le mensonge de Lucas. Je lui en voulais tellement que lorsqu’il était apparu dans la librairie de Christine, je lui avais presque littéralement sauté à la gorge. Enfin, presque était un euphémisme. Après, disons simplement que l’endroit avait été un peu saccagé. Surtout à cause de moi, par contre.

Mon cousin eut l’air légèrement embarrassé par ce rappel aux évènements passés, mais moi ainsi que les trois autres nous eûmes un petit sourire.

- Maintenant, Maria, j’aimerais savoir ce que tu as exactement en tête, continua Christine en se tournant vers moi après avoir adressé un signe de tête aux autres.

- « Je n’en parlerai pas à voix haute. Je n’ai pas envie qu’Ethan risque de m’entendre s’il se réveille avant le temps… »

- Très bien, c’est compréhensible, affirma-t-elle.

Je pris une grande respiration pour me donner du courage. Ce que j’allais faire était incroyablement risqué. Mais j’étais certaine que ça pourrait fonctionner. Avec l’aide d’une sorcière. D’une bonne sorcière qui connaissait beaucoup de choses. Notamment à propos des membres de ma famille.

Je commençai tout d’abord par lui expliquer le genre de lien qui m’unissait présentement à Ethan et surtout le pourquoi. Je m’adressais aussi aux autres présents dans la pièce pour qu’il ne manque rien à la conversation. Je parlai donc de la chevalière et de cette nuit que j’avais passée avec Ethan sans toutefois rien faire de très audacieux. Le fait qu’il m’ait donné une chevalière par la suite et qu’apparemment cet évènement avait scellé un lien entre nous.

Je poursuivis avec ce que cela impliquait, malgré que je me doute qu’elle soit probablement déjà au courant. Après quoi, j’en vins à mon plan. Normalement un seul mouvement de ma part me permettrait d’avoir le dessus sur lui. Ou du moins sur celui que la Dame aux Glaïeuls avait créé. Car tout était question de pouvoir. Soit j’étais plus forte, ou lui était plus fort. Or, j’avais appris une chose avec ce qui était arrivé à Kelsea. Il n’était pas plus fort que moi. Elle était passée par notre lien. Par moi. C’était ma force qui lui avait permis de prendre le dessus.

La seule raison pour laquelle j’avais pu autant perdre le contrôle, c’était à cause de mes sentiments. De ma faiblesse à ce moment-là. J’avais été anéantie et c’était seulement à cause de cela que je n’avais pas pu prendre le contrôle sur lui. Je ne l’avais pas réellement voulu. J’étais aveuglée par ma douleur et mon envie de le ravoir près de moi.

À moi. Il avait été à moi. Il l’était encore. Sauf que je ne pouvais plus me rattacher au passé comme je l’avais fait. Nous avions tous les deux changés ces dernières semaines. Lui comme moi ne serions plus jamais les mêmes après tout ça. Maintenant, il fallait rompre le cordon et repartir sur de nouvelles bases. Et ça, ça c’était la partie compliqué. Les nouvelles bases. Couper le cordon serait simple, je l’avais déjà fait en partie. Pour partir sur de nouvelles bases, j’aurais besoin de Christine. Car il fallait que nous détruisions tout contrôle de la Dame aux Glaïeuls qui pourrait rester chez Ethan.

Ce faisant, il fallait faire une sorte de cérémonie du sang alliant les quatre éléments. Et, évidemment, le sang des deux personnes. La cérémonie à laquelle je faisais allusion consistait à trouver un objet symbolique (ici, la chevalière) pour un couple, tremper l’objet en question dans le sang des deux intéressés, puis de la tremper dans la terre mêlée à de l’eau et de faire sécher la chevalière à l’air libre. Puis, on ramasserait l’excédent de terre mouillée ensanglantée que l’on jetterait dans un grand feu de joie (ou de malheur, selon le point de vue). Dès que cette terre humide pleine de sang serait consommée, ce serait le tour de la chevalière. Qui devait rester là, dans les flammes jusqu’à ce que le feu s’éteigne de lui-même.

Le but de cette cérémonie était justement d’empêcher tout contrôle extérieur de toucher le couple. Enfin, il ne s’agissait pas toujours de couple, parfois c’était des deux Alpha de meute alliée qui décidait de se soumettre à cette cérémonie pour accroître leur possibilité de gouverner sans craindre de se faire envahir l’esprit. Mais en règle générale, il n’y avait que les couples qui se livraient à ce genre de cérémonie. À mon humble avis, Ethan ignorait tout de cette cérémonie. Les derniers à la pratiquer avait été des membres de ma famille. Ce dont il devait redouter, c’était que je puisse ramener mon Ethan et le faire partir très loin d’ici.

L’envie ne manquait pas.

Ce serait bien moins compliqué et demanderait moins de temps. Toutefois, c’était moins garanti comme manœuvre sur le long terme. Donc, je n’avais pas d’autre possibilité que de me livrer à cette cérémonie. Avec Ethan. Mais pour que tout cela fonctionne il y avait deux conditions.

La première, les deux intéressés ne devaient pas être déjà liés, sinon il pouvait se produire une surcharge émotionnelle dévastatrice qui risquait de griller le cerveau des deux personnes assez idiote pour se risquer à cette cérémonie. C’était la partie délicate. Et très dangereuse. Car si je me trompais et que la chevalière ne rompait pas notre lien, ni ne ramenait Ethan… Le bon, Ethan. Eh bien, on risquait d’y laisser notre peau et de creuser la tombe de tous les résidents de Shadow Falls du même coup.

L’option de ne pas faire la cérémonie n’était pas envisageable non plus, car ça reviendrait au même. Avec Ethan, Maïa était certaine de gagner. Sans lui, la balance commençait lentement à s’équilibrer. Surtout s’il était avec moi.

La seconde condition était que lorsque le feu serait éteint, l’un des deux membres du couple devrait porter en tout temps l’objet sur lui. Ou tout au moins pendant une période de deux ans, temps qu’il fallait pour que la magie de la cérémonie, renfermé dans l’objet, se transfert à la peau même du porteur. Qui serait moi, car malgré tout, je ne crois pas que je pourrais faire confiance à Ethan pour cela. Même s’il redevenait lui-même.

Évidemment, aucun de nous ne mourrait si je devais le retirer. Tant que ça ne durait pas plus d’une heure par jour. On pouvait aussi faire une garde partagée, mais ce n’était pas envisageable dans notre cas. L’important, c’était que tant que je porterais la chevalière à mon cou, Ethan et moi ne pourrions pas être sous le contrôle d’aucune créature. Les seuls qui pourraient nous influencer c’était lui pour moi et moi pour lui. Cela dit, c’était encore une question de force.

Par contre, pour que cette cérémonie serve réellement à quelque chose, il fallait que Christine commence par protéger la chevalière contre les températures très élevées. Puis aussi qu’elle protège la chaîne qui la retenait contre tout risque de se rompre et de la rendre extensible lors de certaine pression. À titre d’exemple, mes métamorphoses.

En lui exposant tout ça, j’espérais sincèrement qu’elle en soit capable. Sinon, bah, j’étais dans la merde. Et pas qu’un peu. Car je n’avais aucun plan B, sauf peut-être d’expédier Ethan à Tombouctou. Mais je ne pouvais pas sérieusement l’envisager, car si l’attraction qu’exerçait Maïa sur lui était encore existante, qu’est-ce qui me disait qu’il resterait là-bas? Rien du tout. Je n’avais aucune garanti. En fait, mon plan n’était pas garanti, dans tous les cas…

Une fois que j’eus terminé de tout lui expliquer cela, je conclus, les bras croisés et les poings serrés :

- Tu en penses quoi?

Ça faisait étrange de parler soudainement à voix haute. Après un long moment à ne faire qu’énoncer des faits et des idées en pensée, entendre le son de ma propre voix me faisait vraiment bizarre. L’air songeur qu’afficha Christine à ma question m’inquiéta légèrement, mais je me retrouvai rapidement soulagée lorsqu’elle annonça :

- Ça devrait être possible. À condition de deux choses.

Je fronçai légèrement les sourcils en entendant ses conditions. Que voulait-elle? Si c’était de l’argent… et j’espérais réellement que ce ne soit pas le cas, elle allait être déçue, car je n’en avais pas. Ou du moins je n’avais pas la possibilité d’en dépenser des tonnes. Car je n’étais pas majeure et je n’avais pas un plein accès sur ce que mes parents adoptifs m’avaient légué. Ou mon… mon père.

- Tu veux quoi? m’enquis-je les sourcils un peu plus froncés.

- Rien de bien compliqué, je t’assure! Me dit-elle avec un sourire. La première, c’est que je veux que nous suivions mes consignes pour l’ordre dans laquelle nous ferons les différentes actions nécessaires.

- Ça me semble raisonnable, répondis-je avec un sourire. La deuxième?

- Je veux que Miranda soit présente.

- Miranda? M’étonnai-je. Tu veux Miranda?

- Hé! Pourquoi tu prends ce ton aussi surpris?! S’écria Perry en me foudroyant du regard.

Je poussai un soupir et levai les yeux vers le ciel en quête d’un peu d’un soutien quelconque. Pourquoi est-ce que les choses pouvaient se montrer aussi compliquées? Je remarquai ensuite l’air interrogatif de tout le monde, Lucas compris et je me résignai à m’expliquer. Même si ce n’était pas la chose la plus importante à faire et que je n’avais pas toute la journée.

En retenant un nouveau soupir, je marmonnai :

- Je n’ai aucun doute concernant les compétences de Miranda. Je me demande seulement pourquoi Christine a besoin d’elle. Normalement, ce qu’on va faire ne demande qu’une sorcière. Ou qu’un sorcier. Pas deux. Pas trois. Pas quatre. Un.

Perry se contenta de croiser les bras sans rien ajouter et je décidai de prendre ça comme de plates excuses. Quant aux autres, ils semblaient beaucoup plus comprendre le pourquoi j’avais dit ce que j’avais dit. Christine me fournit sa réponse presque immédiatement après :

- Je veux qu’elle en soit témoin, car un jour elle aura peut-être besoin de la reproduire. Pour t’aider. Ou aider quelqu’un d’autre, qu’en sais-je. Et je ne suis pas éternelle.

- Je crois que je suis plutôt au courant concernant le côté éphémère des gens, merci, grommelai-je sur un ton aigre, car elle venait de reprendre presque mot pour mot ce qu’avait dit mon père à peine quelques semaines plus tôt et ça faisait mal. Et je croyais que c’était surtout en lien avec…

- Avec ta famille, oui, me coupa Christine. Mais cela n’empêche pas que l’on peut instruire les surnaturels hors du Québec et de ta famille de cette pratique. D’autant plus que les deux univers viennent juste d’entrer en face à face…

Malgré son ton légèrement moralisateur je lus dans ses yeux une énorme compassion qui m’hérissa l’échine. Je détestais le sentiment de compassion à mon égard, car ça me rappelait trop à quel point j’avais perdu quelqu’un d’important et à quel point je ne méritais pas de m’apitoyer sur mon sort.

- Très bien, alors je vais aller chercher Miranda sur-le-champ. Et on commence après, capitulai-je sans relever quoi que ce soit.

- Parfait, me dit-elle avec toujours cet air désolé au visage.

Un frisson me parcourut le dos, mais sans attendre je disparus dans l’Ombre et la Lumière. Ce n’était que la quatrième fois que j’utilisais ce passage de moi-même, mais je contrôlais presque complètement ce nouveau don. Oh, bien sûr je ne l’avais utilisé que pour de courtes distances, mais le principe était le même pour les longues. Rendu à ce niveau, c’était une question d’énergie, surtout.

Quand je réapparus dans le bungalow, l’ambiance était à couper au couteau. Je remarquai toutefois avec un petit sourire le sursaut qu’eut Della en me voyant apparaître de nulle part. Kylie et Miranda aussi sursautèrent, plus que la vamp, même, mais la satisfaction n’était pas la même avec elles.

Je me retins toutefois de l’asticoter à ce sujet, ce n’était pas le bon moment. Et le moment ne se présenterait pas avant un long moment. Je retins un soupir désabusé, puis regardai tout autour pour essayer d’expliquer la raison de cette ambiance aussi tendue.

Je n’en eus toutefois pas le temps, car je me retrouvai à être plaquée brusquement contre le mur par Della. Une Della qui me semblait bien en colère. Elle s’écria :

- Non, mais c’est quoi ton problème de disparaître comme ça! Tu ne nous as même pas expliqué ce que tu voulais faire! Et tu pars! En disant que tu vas revenir, mais tu ne reviens qu’UNE HEURE plus TARD. Tu te rends compte?!

- Il s’est passé quelque chose? M’enquis-je en grommelant, car je n’aimais pas du tout l’attitude de la vamp, présentement.

- Relâche Maria, Della, marmonna Katryne.

Mon amie vampire jeta un regard incendiaire à mon ancienne meilleure amie, mais me relâcha tout de même. Mais en continuant de regarder avec des envies de meurtre dans les yeux. Des yeux qui étaient maintenant braqué sur moi.

- Il s’est vraiment passé quelque chose? Répétai-je en cherchant une réponse auprès de Kylie et Miranda.

- On a eu de la visite, répondit Miranda en haussant des épaules.

- Et Katryne l’a jeté dehors méchamment, ajouta Kylie avec un petit sourire.

Je fronçai les sourcils, stupéfaite. Katryne? Jeter quelqu’un dehors? Impossible! Dans quel monde vivrions-nous si Katryne jetait quelqu’un dehors méchamment? Je ne disais pas quel ne pouvait pas être méchante, loin de là. Toutefois, elle n’était pas physiquement méchante. Plutôt en mode sournois avec des mots qui vous anéantissait émotionnellement et mentalement. Ça, c’était la Katryne que je connaissais.

- D’accord… Sauf qu’on n’a pas de temps à perdre. Il faut que Miranda, tu viennes avec moi.

- Est-ce que tu veux rire de nous, Maria? S’écria Della. La Dame aux Fleurs est venue ici! À la recherche de tu-sais-qui. Encore.

- C’est justement à cause d’elle que je n’ai pas le temps de rester ici! rétorquai-je avec colère. J’ai quelque chose à mettre en route. Et Christine veut que Miranda vienne.

Mentalement je leur expliquai en gros en quoi le plan consistait et toutes les choses qui pouvaient mal tourner, mais que c’était le meilleur plan que nous puissions avoir. Quand j’en eus terminé, j’avais déjà passé plus de temps qu’il ne le fallait ici. Sans que je n’aie à lui demander, Miranda s’avança et me saisit par la main en disant :

- J’en suis. Et puis je m’ennuie de Perry.

J’eus un sourire amusé à l’énonciation de son petit-copain métamorphe. Sauf qu’alors que je m’apprêtais à y aller, Della m’interrompit en m’attrapant par le poignet pour dire :

- C’est tout ce que je demandais. Que tu nous dises ce que tu voulais faire. Maintenant… Je veux venir avec toi. On veut toutes.

Pour les derniers mots, elle s’empressa d’attraper Kylie et Katryne par les bras pour les traîner bon gré, mal gré jusqu’à moi. Je dévisageai la vamp avec un sourcil arqué et elle s’expliqua :

- Tu ne nous laisseras pas encore derrière. On fait partie de ta meute, oui ou non?

- Je ne peux pas laisser Kelsea toute seule ici, répliquai-je sur un ton dur.

- « Maria. » gronda soudain la voix de l’intéressée dans ma tête. « Tu as besoin d’elles. Ce qui s’en vient ne sera pas facile, tu le sais. Et je t’ai déjà dit cette nuit que je pouvais te suivre jusque-là à condition que je n’en bouge plus pour deux jours. Le temps que mes blessures guérissent. »

- Mais je ne veux pas risquer de te… grondai-je en sentant la panique à l’idée de la perdre affluer en moi.

- « MARIA! Je t’ai déjà dit que c’était mon rôle de veiller sur toi, pas l’inverse. »

- Mais…

Le regard qu’elle me porta me convainquit de me taire. Toutefois, en la voyant se lever avec autant de difficulté une boule d’émotion se coinça dans ma gorge. Je ne pouvais pas la perdre. Pas elle aussi. Aucune d’elles, en fait, pensai-je en regardant les filles qui se trouvaient autour de moi. Même Katryne.

S’il devait arriver quelque chose d’horrible à ne serait-ce qu’une seule d’entre elles… Je crois que la culpabilité finirait par me tuer. Ou je deviendrais complètement folle et je massacrerais tous ceux qui ont eu un lien avec la cause de leur mort. Aucun de ces deux scénarios ne m’enthousiasmait vraiment, alors pour notre sécurité à tous, j’espérais qu’il ne leur arriverait rien.

- On peut y aller quand tu veux, Maria! M’informa Della avec un sourire narquois.

Je levai les yeux au ciel, mais tout en ayant un sourire aussi narquois qu’elle, je lançai :

- Alors… agrippez-vous!

Sur ces mots, j’attrapai plus fermement Miranda et Kylie pendant que les deux vamps s’agrippaient aux deux filles, puis je me lançai dans le Passage en même temps que Kelsea.

Je fus surprise de constater que je ne pouvais pas voir la Chimère nulle part. Comme si nos visions différentes du passage entre l’Ombre et la Lumière ne différaient pas seulement, mais étaient aussi complètement dissociable. C’était quand même troublant. Enfin, je ne pouvais pas dire que je ne sentais pas du tout sa présence, car ce serait mentir. Mais je ne la voyais pas. Et ça avait de quoi m’angoisser.

Quand on atterrit, je me tournai avec toujours mon sourire narquois vers mon amie vampire et lui demandai, même si je connaissais déjà la réponse en voyant son visage :

- Comment ça va, Della?

Disons simplement qu’elle n’était plus blafarde, mais légèrement verte.

- Je… souffla-t-elle avant d’ouvrir des yeux ronds et de mettre brusquement sa main devant sa bouche.

Je me mordis les lèvres pour ne pas éclater de rire et me concentrai sur ce qui se passait autour de moi. Je fus immédiatement rassurée de voir que Kelsea était bien là, malgré qu’elle me semblait extrêmement faible si je me fiais au fait qu’elle venait soudain de s’écrouler par terre.

- Kelsea, ça va aller? demandai-je, inquiète.

- « Oui… Il faut juste… Il faut juste que je me repose un peu… » me répondit-elle d’une voix faible.

L’instant suivant je ne recevais plus rien de sa part. J’eus un instant de panique avant de comprendre qu’elle s’était simplement endormie.

- C’est ce qu’on appelle s’endormir rapidement! Lâcha Perry, un sourire aux lèvres.

L’instant suivant, après que je l’aie foudroyé du regard, Miranda se jetait sur lui pour le prendre dans ses bras. Il ne fit donc aucun cas de mon regard légèrement meurtrier et se contenta de refermer les bras sur sa copine en souriant malicieusement.

- Je t’ai manqué tant que ça? Plaisanta-t-il en plaquant un baiser sur sa tête.

- Tu sais bien que oui. Mais j’étais surtout inquiète, affirma la petite sorcière.

Le sourire qu’il eut à ce moment était à faire fondre. Et je me sentis soudain très seule. Surtout en voyant Kylie rejoindre à son tour Lucas, et Jenny et Derek qui était plutôt près l’un de l’autre. En apercevant l’air de Della, je compris qu’elle songeait elle aussi à quelque chose. Sans doute en lien avec ce Steve et ce Chase.

J’étais à peu près certaine que Steve était un métamorphe. J’avais fait mes petites recherches pendant ma semaine de tranquillité. Quant à Chase il s’agirait d’un vampire qui était apparu aussi vite qu’il avait disparu. Pendant une situation plutôt compliquée pour mon amie vamp. C’était Kylie qui m’avait raconté.

Heureusement, Christine nous sortit toutes les deux de nos idées plutôt sombres (je songeais à Ethan et au fait qu’il y avait de bonnes chances que je l’aie perdu pour toujours) en disant :

- Bon, il faudrait se mettre au travail. Maria, tu es prête?

Je sursautai en l’entendant m’interpeller comme ça et je dis de manière un peu stupide :

- Euh… oui?

- Tu as déjà oublié ton plan, Maria? Me taquina Perry avec un sourire en coin.

- Tais-toi, grommelai-je en levant les yeux au ciel. Que veux-tu que je fasse, au juste? m’enquis-je en regardant Christine.

- Remettre la chevalière à Ethan, donc il faut le réveiller, précisa-t-elle.

- Mais ça ne serait pas mieux si on profitait de son inconscience pour la solidi…

- Non, me coupa-t-elle. La chevalière doit être dans le même état qu’il te l’a donné si on veut que tout fonctionne.

Je poussai un soupir, mais acquiesçai du chef. Elle avait raison. Je pris donc une brusque inspiration pour me donner du courage et approchai d’Ethan. Il devait déjà être sur le point de se réveiller. Je ne l’avais pas frappé suffisamment fort pour qu’il reste dans les vapes plus de deux heures. Et une heure était déjà passée, comme me l’avait si gentiment rappelé Della.

Sans trop réfléchir à ce que je faisais, je levai la main et l’assénai une gifle magistrale sur la joue d’Ethan. La marque de ma main apparut immédiatement sur sa joue et tandis qu’il ouvrait brusquement les yeux, un regard autour de moi suffit à confirmer que tous mes proches me regardaient avec incrédulité.

Apparemment ils ne comprenaient pas comment je pouvais me montrer aussi brusque avec lui alors que j’avais passé quelques malheureuses semaines à me morfondre à ma manière. Le regard d’Ethan se braqua immédiatement sur moi et une lueur d’amusement mauvais y apparut. En retenant un grondement je lui retirai son bâillon. Il n’y avait qu’une raison pour laquelle je réussis à ne pas perdre mon calme. Je savais, tout comme lui (même s’il cherchait à ne plus le montrer), qu’il était dans la merde.

Du moins, si mon plan fonctionnait.

Avec une arrogance rare que mon Ethan n’avait jamais eue, il joua de sa mâchoire, comme pour voir si elle fonctionnait toujours correctement. Les blessures qu’il avait me faisaient mal, sans doute même plus qu’à lui. Car… je n’arrivais toujours pas complètement à le dissocier de celui que j’avais connu. Dans son cas, il s’en moquait, car ça lui permettait de jouer avec moi. Il dit avec le sourire de salopard qui le caractérisait à présent :

- Tu n’y vas jamais de main morte, n’est-ce pas, ma douce Marrria?

Cette fois c’en était trop. Je poussai un grondement rageur et malgré que j’avais conscience que ce genre de chose méritait plus de cérémonie et de précaution, donc, je me contentai d’arracher rageusement la chaîne d’autour de mon cou.
Je crachai ensuite avec toute la rancœur dont j’étais capable :

- J’en ai fini avec toi, Ethan Dawson! Je t’ai attendu, mais attendre après toi, c’est comme espérer la pluie en plein espace. Complètement inutile et irréaliste. Tu n’en vaux pas la peine. Tu n’en vaux plus la peine. C’est fini.

Après quoi je me tue et je jetai avec une haine presque non simulée la chevalière à ses pieds. Et j’attendis.
Il se figea immédiatement, tout comme moi.

La seconde qui suivit, je m’effondrais par terre, la tête entre les mains à cause de la douleur que provoquait le déchirement de notre lien. Ethan aussi se tortillait, mais il était incapable de faire comme moi. Nous nous mîmes alors à pousser de léger gémissement en même temps tant la douleur était forte. J’avais oublié cette partie plutôt importante du processus.

Re: Nouveau départ [Nés à Minuit]

Publié : sam. 14 avr., 2018 6:53 pm
par Mimie99
On aurait dit que l’on me déchirait de l’intérieur. Que l’on mettait mon âme en charpie. Que l’on grattait l’intérieur de mon crâne avec des griffes pointues et râpeuses. On me lacérait de toutes parts, tous côtés et je n’avais plus qu’une envie : que cela cesse.

Quand je repris finalement mes esprits, je me rendis compte que j’étais roulée en boule par terre, la tête toujours entre les mains. Je poussai un râle douloureux et constatai que j’avais la bouche sèche. La première chose que je fis, ce fut de jeter un coup d’œil du côté d’Ethan. Je constatai immédiatement qu’il avait perdu connaissance.

Restait plus qu’à espérer que c’était dû au fait que la Dame aux Glaïeuls avait perdu tout emprise sur lui. Je me souvenais très bien d’avoir entendu le cri horrible d’agonie de cette mégère lorsqu’il y avait eu une séparation de son côté aussi. Le seul problème, c’était que j’ignorais jusqu’à quel point cette séparation était allée…

- Maria? Est-ce que ça va? S’enquit mon cousin.

En tournant mon regard vers lui, je constatai qu’il me semblait inquiet. Détestant être à terre tandis qu’ils étaient tous debout, je me relevai malgré plusieurs membres meurtris et ankylosés. Apparemment j’étais restée plutôt longtemps dans cette position…

- Ça peut aller, affirmai-je. J’ai perdu connaissance?

- Non, m’assura Christine. Mais tu n’étais pas très présente non plus.

Je me contentai de hocher de la tête. Ça, pour ne pas avoir été très présente, je ne l’avais pas très été, en effet. C’est à peine si j’avais réussi à aligner une pensée pendant que la douleur me terrassait!

- Tu crois qu’il va rester inconscient longtemps?

- Probablement un petit moment, oui, affirma la sorcière et la seule véritable adulte parmi nous. Je m’occupe de rassembler ce que nous aurons besoin avec Miranda. Toi, repose-toi.

Elle me fit signe impérieusement de m’asseoir et elle passa devant moi pour ramasser la chevalière qui traînait par terre. Au moment où je m’apprêtais à obéir à sa demande, Katryne me demanda en français :

- Maria… Est-ce que je peux te parler? C’est important.

Non, non, non! Pas maintenant! Je n’ai pas envie d’avoir une nouvelle dose de problèmes sur les bras. Je tournai un regard empreint de désespoir dans sa direction et je geignis dans la même langue :

- Ça ne peut pas attendre?

- Pas vraiment. Il faut vraiment que je te parle…

Je poussai un soupir. Pourquoi les choses ne sont jamais simples, j’implore que l’on me l’explique sur-le-champ! Car j’en avais ras le bol du mystère et des réponses que l’on m’offrait au moment où je les désirais le moins! Je marmonnai en soupirant à nouveau :

- Très bien, je t’écoute…

- Pas ici, dit-elle en baissant les yeux. Dehors.

- Tu as conscience qu’ils vont, pour la plupart, tout entendre tout de même, non? Dis-je en sentant la mauvaise humeur revenir en force.

- Oui, mais j’aime mieux être à l’abri des regards. Et puis, ils ne comprennent pas le français, rétorqua-t-elle.

- Tu n’amélioreras pas ton anglais à force de continuer à parler en français, la sermonnai-je.

Elle haussa des épaules et sans attendre de savoir si j’allais réellement la suivre, elle sortit à l’extérieur. Je fronçai les sourcils, mais en un haussement d’épaule à mon tour je décidai de la suivre.

********************

Katryne n’était pas certaine que ce qu’elle voulait faire était la bonne chose à faire. Maria avait déjà tellement sur les bras que ramener sur le tapis leur histoire commune ne risquait pas de lui plaire. Sauf que la nouvelle vamp n’en pouvait plus de garder ce lourd secret. Normalement, elle n’aurait jamais eu à le garder aussi longtemps. Après tout, elle aurait dû mourir de son cancer. C’était ça, le plan, quand elle avait décidé de mentir à sa meilleure amie. Sa seule amie. La seule qui comptait vraiment, du moins.

Elle avait entendu Maria la suivre, donc s’en trop prêter attention à la louve elle s’installa par terre et se mit à jouer avec l’herbe sous ses doigts. C’était une manie qu’elle avait depuis qu’elle était jeune. Maria, dans le temps, l’arrachait plus qu’elle ne jouait avec.

Elles partageaient tellement de souvenirs. De bons, comme de mauvais. Des drôles, comme des tristes. C’était ça qui avait rendu sa trahison aussi dure. À une époque, elles avaient pu tout se dire sans craindre aucun jugement de la part de l’autre. Et Katryne avait tout gâché. Pour une bonne raison, à la base. Mais maintenant cette bonne raison semblait prendre de plus en plus un goût de cendre. Maria méritait la vérité. Et Katryne méritait de subir les conséquences de ses choix.

Elle aurait pu, bien sûr, tout garder pour elle jusqu’à ce que leurs chemins se séparent à nouveau. Sauf que maintenant qu’elle y pensait, elle n’avait pas envie de mourir de son côté en sachant que la seule vraie amie qu’elle ait jamais eu ne savait pas la vérité à son propos. Et avec les combats qui approchaient à grands pas, la mort semblait toute proche. Et Katryne était déterminée à se racheter aux yeux de son ancienne meilleure amie.

Malgré qu’elle se dise souvent qu’elle n’aurait sans doute jamais été capable de supporter Maria dans la vie qu’entraînait la nature de cette dernière, elle se doutait qu’elle se mentait à elle-même. La vérité, c’était que malgré la difficulté que cela aurait été pour elle… elle l’aurait fait. Elle aurait aidé son amie comme elle le pouvait. Dans la mesure de ses moyens, malgré la maladie. Sauf que Katryne avait choisi la voie de la facilité. Elle avait repoussé son amie, en croyant le faire pour le bien de cette dernière.

Mais en fait, c’était elle-même que Katryne avait protégé, en un sens.

Car ne pas le dire à Maria, c’était ça surtout qu’elle avait voulu éviter. C’était une chose à annoncer si dure et si dramatique, qu’elle s’était refusée de le faire. Même si Maria ne lui avait pas dit pour son don, Katryne aurait peut-être trouvé un prétexte pour envoyer balader son amie et ainsi leur éviter à toutes deux de souffrir.

- Tu voulais me parler de quoi? s’enquit soudain Maria, en anglais, la tirant de ses pensées.

Katryne se mordit les lèvres. Par où commencer? Il y avait tant de choses à dire. Tant de chose à expliquer… et à rattraper. À tel point que, maintenant qu’elle pouvait enfin parler, elle ne savait pas commencer dire les choses. Un soupir échappa des lèvres de Maria et elle se mit à faire les cent pas devant la vampire.

Cette fois ce fut au tour de la vamp de soupirer. C’était tellement dur! Elle avait l’impression que les mots étaient sur le bout de sa langue, mais qu’il y avait un barrage qui empêchait les paroles de s’échapper avec fluidité… Elle finit toutefois par dire, en anglais de surcroît :

- C’est… c’est à propos de notre enfance.

Le ton de Maria se fit immédiatement froid, lorsqu’elle asséna :

- Je n’ai aucune envie d’en parler.

Katryne retint un nouveau soupir. Elle savait que ce serait dur. Mais elle avait quand même réussi à espérer se rendre plus loin que la première phrase. Elle décida de ne pas se laisser abattre et poursuivi de nouveau en anglais :

- Je t’en prie, c’est vraiment important. Tu ne sais pas tout…

Si elle avait choisi de parler en anglais, c’était pour une seule raison. Les amis de Maria méritaient aussi de savoir la vérité. Elle se moquait de savoir si cela changerait la vision qu’ils avaient tous d’elle. Elle tenait seulement à ce qu’ils sachent au moins la vérité. Elle n’en pouvait plus de ces regards légèrement antipathiques qu’ils lui offraient tous quand ils croyaient qu’elle ne regardait pas. Qu’ils continuent à le faire après ses révélations lui importait peu, car au moins elle saurait qu’ils avaient toutes les cartes en main. Qu’ils connaissaient la vérité. Tout comme Maria. Et au fond, c’était elle la plus importante dans cette histoire.

Maria poussa soudain un grondement, mais d’un signe de la main, elle l’invita à poursuivre en s’assoyant à son tour. C’était un revirement de situation si improbable que Katryne resta sans voix un moment. Elle se reprit pourtant rapidement et, malgré qu’elle chercha ses mots, réussit à dire :

- Tu… tu te souviens de… de la journée juste avant que tu viennes chez moi? J’avais… manqué toute la journée d’école…

Maria eut le regard un peu dans le vague pendant un moment, cherchant sans doute dans sa mémoire, puis finit par répondre :

- Oui, je m’en souviens. Tu avais dit que tes parents avaient préféré te garder à la maison, car tu avais un peu de fièvre…

- C’est ça… Eh bien, en fait, ce n’était pas de… de la… fièvre. Que j’avais, souffla-t-elle en regardant ses pieds.

Elle sentit le regard soupçonneux de Maria peser sur elle. Sauf qu’elle n’arrivait ni à supporter le regard de son ancienne meilleure amie, ni de prononcer les derniers mots de son aveu. La seule chose qu’elle arriva à dire fut :

- J’ai menti.

- Comme c’est surprenant! Railla Maria en croisant les bras. C’est seulement ça que tu voulais me dire? Ou tu as quelque chose de beaucoup plus important?

- J’ai menti, car la vérité était beaucoup trop dur à dire, gronda-t-elle sans même hésiter une seule seconde sur les mots à employer. Sur une échelle de un à dix, à combien noterais-tu le degré d’importance d’un cancer?! S’écria-t-elle ensuite.

Ce n’était pas du tout comme ça qu’elle avait eu envie de lui annoncer. Mais alors là… vraiment pas! Normalement elle devait y aller en douceur, ou elle ne savait trop! Sauf que la colère l’avait fait complètement disjonctée. La colère contre elle-même, surtout. Mais aussi à cause du ton provocateur de Maria.

En jetant un coup d’œil dans la direction de cette dernière, elle constata que la louve avait les yeux complètement arrondis par la stupéfaction. Et l’incompréhension. C’est la première fois depuis un moment, qu’elle assista à un bégaiement de la part de Maria. En s’adressant à elle, en tout cas :

- Je… Pour… Pourquoi tu… Pourquoi tu ne m’as jamais rien dit?

La vamp baissa les yeux, honteuse. C’était le moment de vraiment tout lui dire. Sans plus aucune cachotterie. L’heure de la vérité avait sonné, Katryne. Toute la vérité, rien que la vérité… seulement la vérité.

Les larmes lui montèrent alors aux yeux tandis que l’horreur de ces évènements lui revenait en mémoire. Elle serra des poings pour empêcher ses yeux de pleurer et elle cracha, toujours en anglais :

- Je… Je n’ai pas pu. C’était… c’était trop dur. Ils m’ont dit que… que je n’avais pas plus de… d’une année à vivre, d’après eux. Enfin… ils l’ont dit à mes parents… mais… j’ai… j’ai tout entendu… tu me connais…

Elle savait que Maria se souviendrait de cette partie de sa personnalité. Elle voulait toujours tout savoir de ce qui se passait. Même si cela signifiait espionner les conversations des adultes qu’ils ne voulaient surtout pas qu’elle entende.

Elle remarqua avec étonnement que son ancienne meilleure amie restait profondément silencieuse. Sauf qu’à force de la fixer, elle finit par hocher la tête. Katryne continua alors :

- Je… Je ne pouvais pas. Pas supporter de te le dire. Je ne voulais pas que tu vives ça. Que tu endures ça. Je… Je savais. Je savais que ce n’était pas… pas facile chez toi. Et je ne voulais pas ajouter ça… Du tout. Alors quand… quand tu es venue… le lendemain et que… que tu m’as dit… ce que tu étais… J’ai… j’ai vu la possibilité de t’épargner tout ça.

Elle prit une pause. Les larmes roulaient maintenant sur ses joues sans qu’elle puisse plus les retenir. Ça faisait tellement mal de se rappeler tout ça. Elle se souvenait encore comme si c’était hier cette soirée désastreuse. Maria qui sortait précipitamment de sa chambre, dévalait les escaliers et sortait de la maison sans ajouter quoi que ce soit. Sortait de sa vie sans dire quoi que ce soit. Sans même savoir qu’en fait, toute cette histoire était un mensonge. Elle poursuivit, les mains fermement accrochés à l’herbe :

- J’ai donc… menti. Pour te protéger. Et me protéger. Je t’ai fait… je t’ai fait croire que je… que je te considérais comme un monstre. Mais… mais c’était faux. Tu étais… tu étais ma meilleure amie. Ma seule amie. Je n’aurais… je n’aurais jamais pu faire ça. Jamais.

La suite n’était pas aussi dure, car Maria avait disparue de sa vie, à cette époque. Mais ça restait dans les pires périodes de sa vie. Justement, car son amie n’était plus là. Sauf que Maria méritait de savoir. Elle ajouta donc en arrachant l’herbe comme son ancienne meilleure amie le faisait à l’époque :

- Après un an de traitement, j’ai miraculeusement survécu. Et j’étais en rémission. Sauf que… je n’ai… je n’ai jamais réussi à… à véritablement… remonter la pente. C’est pour ça… c’est pour ça que… que j’ai raté plusieurs… plusieurs de mes cours. Après… Après environ quatre ans, le cancer est revenu. Deux fois plus fort. Je… je n’allais pas m’en sortir… cette fois. Malgré les traitements… malgré tout ce que… ce que mes parents faisaient… j’étais en train de mourir. Et le vampire est arrivé. Il a tout changé. Mais je… je ne pouvais plus retourner chez moi. Il ne me restait plus que… plus que toi… mon seul espoir… c’était toi.

Elle se tut ensuite, n’osant plus prononcer un seul mot. De toute manière, elle était secouée par des sanglots incontrôlables et elle avait la gorge si serrée qu’aucun son digne d’être nommé « parole » ne pourrait sortir. Katryne ramena donc ses genoux contre elle et enfouit sa tête sous ses bras. Elle avait tellement honte.

Maria ne disait toujours rien après deux minutes de simili silence (car ses sanglots ne passaient pas vraiment inaperçu, disons) et cela l’inquiétait un peu. Elle se risqua donc à sortir la tête de sa cachette pour jeter un coup d’œil à la louve et constata que cette dernière était complètement figée.

L’effet du regard de la vamp braquée sur elle la fit peut-être revenir à la raison, car soudain elle s’anima et braqua son regard d’acier sur Katryne. Elle souffla, une douleur perceptible dans la voix :

- Je… Je ne savais pas. Mais j’aurais .

Sur ces mots, la louve se releva et retourna à l’intérieur. Sans jeter un seul autre regard à Katryne. Cette dernière enfouit à nouveau son visage sous ses bras et pleura à nouveau. Mais malgré la douleur que causait ce léger rejet, elle était contente. Contente et fière. Car maintenant Maria savait tout. Et la vérité était la meilleure des bases pour repartir à zéro.

********************

J’ignorais totalement quoi faire après les révélations que venait de me faire Katryne. Ça changeait tellement de choses! Et expliquait tant des réactions qu’elle avait eues et tout un tas d’autres trucs incohérents! Mais… Mais ça faisait toujours aussi mal d’apprendre que l’on s’était fait mentir. Sur un sujet aussi grave, en plus.

J’ignorais quel comportement je devais adopter, maintenant. Et s’il y avait une chose dont je n’avais pas besoin en ce moment, c’était d’une nouvelle incertitude! Mais en même temps j’étais… soulagée. Soulagée de finalement comprendre les agissements de Katryne. C’était comme si on venait de me retirer une épine particulièrement douloureuse du pied. Le soulagement était palpable.

À voir l’air qu’avait les autres, du moins ceux avec une ouïe surhumaine, ils étaient au courant. En fait, ils semblaient tous l’être. Sans doute que j’avais tellement été absorbé par ce qu’elle me disait et tellement stupéfiée par la suite… que je ne les avais pas entendu en parler entre eux… Probablement.

Préférant ne pas aborder ce sujet délicat, je demandai à Christine :

- Tu penses qu’il va se réveiller bientôt?

- Je l’ignore, avoua-t-elle. Mais… comment ferons-nous pour savoir s’il est toujours sous le contrôle de la Dame aux Glaïeuls ou non? S’enquit-elle ensuite.

- Il y a une manière simple de le savoir. On le détache. Puis je lui dis ce que je veux faire. Le Ethan que nous connaissons tous saura exactement quoi faire et quoi choisir, répondis-je sur un ton platonique.

- Tu es complètement folle?! S’écria Lucas. Tu veux le détacher?! Et s’il n’a pas changé et qu’il décide d’attaquer?! Qu’est-ce qu’on va faire, hein?!

Je poussai un soupir et levai les yeux au ciel à nouveau. Je commençais vraiment à en avoir l’habitude, maintenant.

- Non, je ne suis pas folle. C’est pourquoi je vais vouloir que pendant toute la cérémonie, ou du moins une partie en particulier, vous restiez tous dehors. Excepté Christine et Miranda.

- C’est hors de question que je sorte! Rétorqua Della.

- Della, s’il-te-plaît… soupirai-je. Seulement pour le moment où je lui dis ce que j’ai en tête et où il devra consentir à faire le processus… Après, vous pourrez rentrer si ça vous chante.

Je vis dans les yeux de la vamp qu’elle réfléchissait à toute vitesse, pesant sans doute le pour et le contre de ce que je lui disais, cherchant si c’était un compromis valable ou non. Avec chance elle finit par hocher de la tête et elle sortit de mauvaise grâce en compagnie des autres.

Juste avant de sortir, mon cousin s’arrêta et lâcha :

- Fais attention, tu veux?

- Comme toujours, marmonnai-je.

Ma réplique le fit sourire et il sortit. J’ignorais si son sourire était sincère, mais je savais que ce n’était pas l’entière vérité que je venais de dire. Après tout, je n’étais pas toujours prévoyante. Je ne faisais pas toujours attention. C’était même plutôt l’exact opposé quand on pensait au fait que peu importe l’endroit où j’allais il y avait une chance sur deux que je finisse impliquée dans un combat… un combat quelconque.

En retenant un soupir, je me détournai de la porte qui se refermait pour me concentrer sur Ethan. Endormi ainsi, il ressemblait tellement à celui que j’avais appris à aimer que je me sentis faiblir un instant. J’avais tellement besoin de lui. C’était viscéral. Sauf que je ne pouvais pas me le permettre. Je ne pouvais me permettre aucune faiblesse tant et aussi longtemps que la Dame aux Glaïeuls serait parmi nous. Alors même s’il se réveillait en étant de nouveau lui-même… je ne pouvais pas laisser les choses redevenir comme avant entre nous. D’autant plus que… que je n’étais pas certaine d’arriver à le supporter.

- Je voudrais que tu m’éclaires sur un point, Maria… s’enquit soudain la petite sorcière. En ce moment tu as envie de tuer Ethan ou de l’embrasser? Parce que ton regard fait un peu peur, là…

Je la foudroyai du regard et elle recula d’un pas, mais je poursuivis avec un sourire moqueur pour dire :

- Je ne sais pas Miranda… Peut-être les deux.

Elle répondit à mon sourire, mais avec une légère mine inquiète. Je décidai de la rassurer en affirmant :

- Ne t’inquiète pas. Je n’ai pas l’intention de céder à l’une ou l’autre de ces options!

- J’espère bien! S’écria Della depuis l’autre côté.

Je levai les yeux au ciel en poussant un soupir et ce fut la voix de Perry qui ajouta, et je pouvais sentir son sourire dans sa voix :

- Et arrête de lever les yeux au ciel, kangarou!

Ce brusque rappel à mon expérience en tant que kangourou me fit me rappeler que mon cher ami métamorphe était toujours en possession de certaines photos (et une vidéo) concernant ce moment peu glorieux de mon existence. J’aurais bien foncé à l’extérieur si à ce moment une voix ne m’avait pas brusquement ramené à l’ordre.

- Ma… Maria…? Souffla la voix, quoique énormément épuisée, d’Ethan.

J’avais l’impression que mon cœur venait de remonter dans ma gorge et empêchait l’air de passer. Je n’arrivais plus à bouger d’un pouce, pas même d’un millimètre. Tout ce que je réussis à faire fut de poser les yeux sur lui. Et l’émotion que j’y lus me paralysa. C’était de la reconnaissance. De la reconnaissance et…

De la douleur.

Le souffle me manqua et mes mains se mirent à trembler. Les yeux bleus limpides posés sur moi n’avaient plus du tout cette étincelle moqueuse, cruelle et mesquine que j’y avais vu cette dernière semaine. Du plus profond de mes entrailles, je sentais que c’était lui. Que c’était vraiment lui.

Mes jambes furent soudain très faibles lorsqu’il lâcha :

- Je… Tu n’aurais pas dû faire ça. Mais… je… je ne peux pas m’empêcher de te remercier. Ça me tuait de l’intérieur. Et je veux que tu saches que… j’ai essayé. Je me suis battu. Je me suis battu de toutes mes forces, Maria. Je te le jure! Et chaque fois qu’il te faisait du mal…

Il s’interrompit et amorça un mouvement dans ma direction avant de s’arrêter de lui-même. Heureusement, car s’il avait fait un centimètre supplémentaire, c’est moi qui aurait reculé. J’aurais reculé, car je ne lui faisais toujours pas confiance. Et autant que c’était légitime, je savais que ça l’aurait fait souffrir. Et je ne voulais pas ça.

- Je m’en voulais, poursuivit-il, les mains tordues. Ça me tuait de l’intérieur, Maria. À chaque fois. Mais je ne veux pas que tu te sentes coupable. Pour rien de tout ça. D’accord? C’était mérité.

Il avait pointé toutes les traces de blessures qui lui recouvraient le visage. Je manquai m’effondrer à nouveau en voyant une larme sur sa joue. Je ne pouvais pas. Je ne pouvais pas supporter sa douleur. C’était trop. Je détournai le regard pour pouvoir me mordre les lèvres au sang. Ne pleure pas, Maria. Ne pleure pas.

- Je suis tellement désolé, ajouta-t-il, dans un souffle.

Je réussis à prendre de nouveau le dessus pour dire d’un ton froid :

- Je ne veux pas de tes excuses, Ethan Dawson. Les mots ne signifient plus rien. C’est tes actions qui vont en dire plus.

J’aurais préféré le voir répliquer quelque chose. Le voir m’asséner mille et une injures. Tout sauf… ça. Cet air profondément triste et résigné. Cet air qui semblait accepter tout le poids du monde sur ses épaules sans broncher, en sachant qu’il le méritait. Mais c’était faux. Il ne méritait pas tout ça. C’était la Dame aux Glaïeuls. Maïa. C’était elle qui avait tout fait partir de travers. Elle qui avait ruiné nos vies.

- Je t’écoute… Que veux-tu, Maria? J’avais… Je ne pouvais pas réfléchir autant que je le voulais là où j’étais… me dit-il et je le vis frissonner lorsqu’il prononça les derniers mots.

Un frisson d’horreur. De peur.

Que s’était-il passé? Où était-il allé? Que lui était-il arrivé?

Ces trois questions passèrent en coup de vent dans mon esprit en le marquant au fer rouge. Je mourrais d’envie d’en savoir plus. Mais je ne pouvais pas. Je perdais déjà trop de temps en vain placotage.

- On va procéder à la cérémonie de mes ancêtres, répondis-je d’un ton dur.

Il blêmit immédiatement avant de s’écrier :

- Non, Maria! Non, je ne te laisserai pas faire ça! Ça serait une erreur, tu ne peux…

- Tu ne me diras pas quoi faire, Ethan. Et c’est le seul moyen pour te retirer définitivement des pions de Maïa. Alors je vais le faire. C’est le seul moyen que j’ai de la vaincre, tu comprends?

Il poussa un soupir, mais je vis dans ses yeux qu’il acceptait. Mais qu’il n’aimait toujours pas l’idée. Du tout. Je lisais de la peur. De la peur pour moi. Pas pour lui. Pour moi. C’était un peu comme s’il avait abandonné tout espoir de pouvoir retrouver le chemin de la rédemption. Tout espoir de pouvoir de nouveau être lui.

J’aurais bien aimé pouvoir le rassurer, mais… je n’étais pas certaine moi-même. Je ne savais même pas si nous allions avoir le temps de se rendre jusqu’à la fin de la cérémonie avant que Maïa ne nous trouve. C’est pourquoi qu’au lieu de le rassurer, je lançai :

- Est-ce que tu peux préparer la chevalière, Christine?

- Elle est déjà prête, affirma-t-elle. Tu connais la procédure?

Je hochai de la tête et je m’approchai d’Ethan en même temps que les deux sorcières. C’est à peine si je me rendis compte que la porte se rouvrait sur mes amis tellement mon cœur battait vite et fort. Christine avait une sorte de dague et de coupe de cérémonie qui me semblaient très anciennes. Presque aussi vieilles que le grimoire de mes ancêtres, en fait. Je me demandai soudain comment Christine pouvait en connaître autant sur ma famille et leur don. Comment elle avait pu être mise en possession du grimoire… Sauf que ce n’était pas le moment de lui demander.

- Met ta main devant toi, paume vers le ciel, dis-je à Ethan en même temps que j’effectuais le mouvement demandé.

Il m’obéit sans discuter, mais je voyais la même crainte dans ses yeux. Il me couvait d’un regard inquiet comme il avait eu coutume de le faire auparavant. Et ça faisait tellement du bien… et du mal à la fois. C’était horrible, comme si on me déchirait le cœur en deux.

Christine se posta à nos côtés, à ma droite, tandis que Miranda allait à ma gauche pour ne rien rater. Elle semblait analyser les choses avec beaucoup de sérieux. Sans doute qu’elle se réjouissait d’avoir l’occasion d’étudier une cérémonie de sorcière d’une telle envergure (et plutôt rare). La toute nouvelle mentor de mon amie lança soudain :

- Par le pouvoir qui m’est conféré en tant que dernière de l’Ordre des Sorcières des Bois je demande la permission aux Anciens de procéder à la Cérémonie de Liaison et de Protection.

Je restai muette de stupeur lorsque la dague et la coupe prirent soudain un éclat argenté, qu’elles conservèrent malgré le noir de leur couleur de base. Je restais toutefois beaucoup plus étonnée par cette partie de la cérémonie, car je l’ignorais. Et je ne savais rien du tout à propos de l’Ordre des Sorcières des Bois. Ethan semblait tout aussi étonné que moi. Mais pas Miranda. Était-elle au courant? Si oui, depuis combien de temps? Ou peut-être cachait-elle bien son jeu?

- Maria? Me sortit soudain Christine de mes pensées. C’est à toi.

Je pris une grande inspiration tandis qu’elle posait la lame de la dague dans la paume de ma main, puis je dis :

- Moi, Maria Lechasseur-Parker, détentrice du pouvoir des Lechasseur et Maîtresse de la Chimère, je donne de mon sang pour pourvoir Ethan Dawson, nouvellement évolué en Cerbère, et moi-même d’une protection magique contre tout contrôle mental.

Pendant que je prononçais ces mots, Christine appuya la lame contre ma paume jusqu’au sang. Elle tint la coupe sous cette dernière tandis qu’elle se tournait vers Ethan. Je lui fis signe de parler à son tour, avant d’ajouter tout bas qu’il n’avait qu’à répéter ce que j’avais dit en inversant certaine chose.

Il lança immédiatement après, d’un ton étonnamment décidé :

- Moi, Ethan Dawson, nouvellement évolué en Cerbère, je donne de mon sang pour pourvoir Maria Lechasseur-Parker, détentrice du pouvoir des Lechasseur et Maîtresse de la Chimère, et moi-même d’une protection magique contre tout contrôle mental.

Immédiatement, pendant qu’il prononçait ces mots, Christine effectua la même manœuvre avec lui, sans se préoccuper de nettoyer la lame ou autre. Entre loups-garous, les risques étaient moindre concernant une contamination du sang, en particulier puisque notre métabolisme empêchait toute intrusion.

Dès que cette partie fut complétée notre maîtresse de cérémonie nous força à rapprocher nos mains, pendant qu’elle s’occupait de nous positionner convenablement je m’efforçais de ne faire aucun cas des remarques presque silencieuses de Della concernant l’odeur du sang. Et de son envie d’en finir avec le loup-garou qui me faisait face. Ethan ne disait rien, mais je voyais son autre main, celle qui était toujours intacte, tressaillir imperceptiblement à chaque fois. Et ce n’était pas de la colère que je lisais dans ses yeux.

Christine se lança finalement :

- Ethan Dawson et Maria Lechasseur-Parker, aujourd’hui vous désirez créer un lien entre vous pour vous protéger des emprises mentales extérieures sur vos personnes. Si c’est bien le cas, dîtes oui.

- Oui, répondîmes Ethan et moi en même temps, sans lui avoir dit nos regards se rivèrent l’un sur l’autre.

- Vous êtes d’accord concernant tous les termes? Ce lien vous unira jusqu’à la mort de l’un de vous, il ne vous sera en aucun cas possible de le briser. À partir de l’instant où la cérémonie sera terminé aucun retour en arrière ne sera possible et vous serez lié comme jamais. Votre force individuelle sera décuplée lorsque vous serez en présence de l’autre, vous sentirez lorsque votre partenaire sera en danger et vous serez capable d’assujettir l’esprit de l’autre, à condition d’en avoir la force et une réelle volonté de le faire.

Elle prit une petite pause qui me donna l’occasion de constater que la peau de ma main picotait déjà, signe d’une guérison qui commençait. Toutefois, elle me semblait ralentie et je me dis que c’était sans doute lié avec la dague et la cérémonie en tant que telle. La sorcière continua sur un ton à la fois solennel et légèrement… hésitant :

- Ce lien est plus fort qu’un simple lien de couple. Il est inaltérable sauf sous l’effet d’une puissante magie noire qui n’est guère plus accessible de nos jours. Vous avez choisi cette option, car c’est celle qui offre la meilleure protection. L’ultime protection, car l’amour est l’une des forces les plus puissantes et combiné à la magie elle fait foi de tout. Êtes-vous donc bien conscient de tout ce que cela implique? Êtes-vous prêts à l’accepter?

J’entendis des hoquets de stupeur derrière moi. Et oui, je n’avais pas tout dit. Je n’avais pas précisé que ce lien qui m’unirait à Ethan était plutôt… définitif. Et qu’il compliquerait autant les choses que les simplifieraient, mais dans deux sphères de ma vie bien différente quoique bien entremêlé depuis un certain temps… Sans tenir compte des grommèlements, je répondis en même temps qu’Ethan, toujours en le regardant dans les yeux :

- Oui, nous le sommes.

Les mots coulaient de ma bouche comme si je n’avais aucune possibilité de dire autre chose. Comme si c’était la magie qui dictait ma bouche. Ça m’en aurait presque donné froid dans le dos. Mais je sentais qu’il y avait effectivement quelque chose qui se passait, plus Christine nous expliquait ce que nous réservait ce que l’on s’apprêtait à faire, plus j’avais l’impression que la pression de l’air s’épaississait. Comme si nous nous trouvions dans de l’eau gélatineuse.

- Très bien, annonça soudain Christine. Maintenant je veux que vous vous preniez la main, fermement pour presser le sang et le forcer à sortir, tout en disant « Par ce sang que je te donne, je te fais mien(ne). De nos sangs entremêlés, nous nous appartiendrons. De corps et d’âme. À la vie, à la mort. Je ne te laisserai que lorsque mon dernier souffle quittera mes lèvres. ».

Sans tarder nous nous exécutâmes. J’attrapai fermement la main d’Ethan dans la mienne et pressai avec force. Tout en sentant le sang s’écouler de ma main en même temps qu’une douleur sourde, je prononçai :

- Par ce sang que je te donne, je te fais mien. De nos sangs entremêlés, nous nous appartiendrons. De corps et d’âme. À la vie, à la mort. Je ne te laisserai que lorsque mon dernier souffle quittera mes lèvres.

Ethan ne tarda pas à prendre la parole, à chaque mot je sentais la pulsation de son pouls dans ma main, comme un tressautement léger et rapide à la fois. Une larme dont je ne voulais pas m’échappa en entendant ses mots, qui semblaient si vrais.

- Par ce sang que je te donne, je te fais mienne. De nos sangs entremêlés, nous nous appartiendrons. De corps et d’âme. À la vie, à la mort. Je ne te laisserai que lorsque mon dernier souffle quittera mes lèvres.

À peine prononçait-il le dernier mot que je sentis une immense décharge me traverser le bras celui dont la main tenait toujours celle d’Ethan. Je tentai de ramener ce bras vers moi, mais c’était comme si j’étais soudée au loup-garou face à moi. Nos yeux se croisèrent à nouveau et je compris qu’il ressentait la même douleur lancinante.

Christine psalmodia rapidement en jetant la chevalière dans la coupe de sang :

- Par les pouvoirs que je détiens et par le sang contenu ici, je lis ces deux êtres. Par l’eau et l’air, ils passeront. Par la terre et le feu, ils passeront. Et à la fin, de deux… ils deviendront un!

Au moment où la chevalière toucha le sang, une décharge encore plus grande nous traversa le bras et nous tombâmes à genoux. En même temps. De manière si synchronisée que ça ne pouvait être causé que par la magie. C’est en relevant les yeux que je remarquai ce que mes oreilles avaient eu du mal à comprendre en entendant ce petit gargouillis bizarre.

Le sang bouillait.

Il bouillait vraiment. Je restai interloquée un moment. Qu’on se le dise, je n’y étais pas du tout préparée. En fait, je connaissais certes une partie de la cérémonie, mais je n’en connaissais pas les moindres détails. Par exemple, aucun de mes prédécesseurs n’avait fait part de ce sang qui bouillonnait.

- C’est bon signe, annonça Christine d’une voix normale. Lorsque le sang bouillonne, ça signifie que la relique est la bonne. Et que… que votre lien est fort.

Je comprenais la raison de son hésitation. Et soudain, comme par enchantement, le sang arrêta de bouillir et redevint très tranquille. Immédiatement je sentis comme un vent libérateur me traverser du bout des doigts jusqu’à l’épaule de ma main et du bras qui étaient liés à Ethan.

D’un même mouvement nous ramenâmes notre membre vers nous et j’eus la surprise de constater que ni lui ni moi n’avions de blessure au niveau de la paume de la main. Apparemment la cérémonie était vraiment très… profonde. Pensée jusqu’aux moindres petits détails. Christine recommença immédiatement en disant ce dont je redoutais le plus :

- C’est l’heure Maria.

Je déglutis difficilement. C’était la partie que je redoutais le plus. Enfin, pour être honnête c’était la partie qui suivait immédiatement après qui me faisait peur. J’avais peur de perdre le contrôle sur moi-même. Sur moi-même, mais surtout… sur mes sentiments. Je pris une grande inspiration et je hochai de la tête, signifiant ainsi que j’étais prête.

Ethan semblait se demander ce qu’il se passait. Il ne connaissait pas l’ampleur de ce qu’il se passait. Il ne savait ce qu’était la cérémonie que pour une raison, il avait tenu à lire quelques passages de mon grimoire, pendant notre semaine de tranquillité. Sauf qu’il n’avait pas tout lu concernant cette cérémonie.

- Maintenant, je vous demanderais à tous les deux de boire la moitié du sang contenu dans la coupe. Puis… je vous dirai ce qu’il vous reste à faire… Prenez garde à la chevalière! Il ne faudrait pas l’avaler… ajouta Christine sur un ton doux, presque compatissant.

Elle me tendit ensuite la coupe et au moment où je m’apprêtais à poser les lèvres sur la coupe pour en boire une partie, Della lâcha sur un ton moqueur :

- Hé, Maria! Tu es certaine que c’est une cérémonie de loups-garous à la base? Parce que pour moi ça ressemble à un truc de vampire!

Avant que je n’aie pu prononcer un seul mot, mais tout le temps pour me maudire d’avoir accepté de la compagnie pendant une cérémonie aussi officielle, Lucas gronda :

- Et tu croyais qu’on les bouffait comment, nos lapins?! Tu sais, pendant la Pleine Lune, nous, on chasse. Et on n’a certainement pas un petit barbecue pour loup-garou sur nous!

Je vis Katryne tressaillir un moment et ça m’aurait bien fait rire si je ne m’étais pas rappelé ce qu’elle m’avait dit. Ce fut à mon tour de tressaillir et pour cacher mon trouble je posai rapidement mes lèvres sur la coupe et me mis à boire.

Au moment où je tendais la coupe à Ethan, Della répliqua :

- La viande crue et le sang, ce n’est pas pareil.

- Oooh, tu crois? Railla mon cousin. Tu crois que c’est composé de quoi, à la base, un lapin?

- ÇA SUFFIT, OUI?! Grommela Miranda. C’est une cérémonie sérieuse qui se passe ici, fulmina-t-elle avec un ton si sévère que les deux interpellés se turent immédiatement.

Profitant de l’accalmie qui venait de se faire, Ethan but d’un trait le sang qu’il restait dans la coupe. Beaucoup trop vite. Tout allait beaucoup trop vite. On arrivait maintenant au bout qui complexifiait le tout. Au moment que j’avais redouté le plus et ce, pour plus d’une raison. Je pris une petite inspiration pour me donner du courage et l’instant suivant Christine annonçait :

- Maintenant… vous devez vous embrasser.

Avant de regarder Ethan, pour voir sa réaction, je jetai un coup d’œil à la chevalière. Celle-ci luisait faiblement, comme il se fallait. Malgré les traces de sang qui la recouvrait toujours, évidemment.

En relevant les yeux sur Ethan, je remarquai immédiatement son visage fermé. Il ne le voulait pas. Il ne le voulait pas plus que moi. Et le pire dans tout ça, c’était que je l’aimais pour ça. Il me laissait l’espace dont j’avais besoin tout en sachant quand il pouvait se permettre de ne pas m’écouter sur mes besoins apparents de solitude.

- C’est hors de question! Gronda soudain Lucas. Je ne le permettrai… continuait-il, mais il se fit interrompre par une petite sorcière rouge de colère.

- LUCAS PARKER, TAIS-TOI, À LA FIN.

Avec une moue à la fois inquiète, désolée et infiniment triste je m’avançai vers Ethan. Il ne suffisait que d’un seul baiser. Un baiser tout simple. Rien de plus, rien de moins. Ce n’était pas si compliqué, n’est-ce pas? J’avais bien réussi à embrasser Aiden qui était ni plus ni moins qu’un inconnu. Même si j’avais eu l’impression d’avoir une certaine connexion avec lui, ça ne voulait rien dire. Ethan avait toujours été le bon. Mon seul véritable amour et ma tombe également.

Sois forte, me dis-je et j’avançai d’un autre pas.

Mon visage était très près du sien, à présent. Et je pouvais comprendre l’ampleur de la douleur que ça représentait pour lui. Et de même pour lui me concernant. Sauf que je ne pouvais me laisser aller à mes émotions. Alors…

Sans plus y réfléchir je posai mes lèvres contre les siennes.

Comme chaque fois que mes lèvres entraient en contact avec les siennes j’eus l’impression de fondre et de sentir tout le poids de mes ennuis s’envoler aussi rapidement qu’un colibri. Rapidement, nous devînmes incontrôlables. Ses mains se refermèrent autour de ma taille et m’attirèrent à lui tandis que mes bras se refermaient autour de son cou.

Malheureusement, je repris rapidement mes esprits aussi.

En chancelant je reculai de plusieurs pas avec l’impression de m’arracher le cœur pour le réduire en morceau. La douce chaleur qui m’avait envahi laissait maintenant place à un froid glacial que je n’aimais pas. Cela avait toutefois valu la peine si je me fiais à la véritable lanterne qu’était devenue la chevalière.

Sans plus tarder, Christine fit léviter la chevalière et avec des mouvements adroits de ses mains la fit se rouler dans la terre meuble du sol dont elle avait recouvert le sol. Le sang se mélangea ainsi à la terre. Premier élément de fait.

- De la terre, tu as obtenu la protection, clama la seule véritable adulte d’entre nous.

Miranda arriva ensuite avec un petit bassin qui devait contenir l’eau des chutes de Shadow Falls. Je n’y étais pas retournée depuis la fois où la Chimère y avait été vaincue. Mais… je savais que cette eau, ou du moins l’endroit, contenait un certain pouvoir. Heureusement, la Dame aux Glaïeuls ne pouvait pas en tirer parti.

La chevalière était maintenant d’une lumière plutôt terreuse, mais elle éclairait encore plus que plus tôt. Ce qui me faisait tellement mal aux yeux que je dus détourner le regard, comme tous ceux autour de moi, d’ailleurs. Sauf les deux sorcières.
La sorcière qui dirigeait la cérémonie ramassa la chevalière pleine de terre et de sang entre ses doigts pour aller la déposer dans l’eau. Elle la nettoya minutieusement pendant un moment avant de finalement la sortir de l’eau et de dire :

- De l’eau, tu as obtenu la protection.

D’un nouveau mouvement de la main, Christine usa à nouveau de magie. Cette fois pourtant ce fut pour créer une bourrasque qui sécha instantanément la chevalière, qui après son contact avec l’eau était devenue d’un bleu lumineux stupéfiant. Pourtant, en contact avec le vent elle devint d’un blanc si pur et si intense que malgré mes yeux que je venais de tourner, la lumière était toujours trop vive.

Nous nous empressâmes de sortir et là Miranda disposa un tas de bois pour faire un immense feu de joie. C’était ici que les choses se corsaient. Si Maïa voyait le feu de loin, elle saurait où nous trouver. Je croisai les doigts pour qu’il n’en soit rien et d’un claquement de doigts Christine enflamma le tas de bois. Et y jeta la chevalière qui perdit d’un coup toute sa lumière, absorbée par le feu.

Le feu qui devint d’un bleu sombre si saisissant que j’en restai sans voix.

Tout comme les autres autours. Christine me souffla :

- Ceci, Maria, c’est la couleur de votre lien.

- La couleur de notre… m’étonnai-je avant de me couper de moi-même, ne comprenant pas du tout ce dont elle voulait parler.

- La couleur de votre lien en dit long sur vous deux, Maria. C’est un peu comme la lecture de l’aura des objets. Ou des personnes.

- Et… qu’est-ce que… qu’est-ce que ça dit sur nous? M’enquis-je, le cœur au bord des lèvres.

Je remarquai qu’Ethan s’efforçait de regarder ailleurs, comme s’il aurait voulu être partout sauf là où nous étions. Je le comprenais un peu, après tout, tout le monde ici le détestait pour ce qu’il m’avait fait et voulait le voir débarrasser le plancher. Et là, on se trouvait dans l’obligation de retourner dans les bras l’un de l’autre. Je savais au plus profond de moi qu’il n’avait jamais eu l’intention de me faire souffrir et qu’il ne le voulait toujours pas. Sauf que la douleur était bien là, réelle. Je ne pouvais rien y faire. Et malheureusement, lui non plus.

Christine sembla légèrement confuse, ou peut-être plutôt nerveuse, car elle se mordilla les lèvres en bafouillant :

- Oh je… je ne saurais… je ne saurais dire exactement.

La manière dont elle insista sur le « exactement » me fit comprendre qu’elle venait de formuler un demi-mensonge. Je rassemblai mes émotions pour ne plus me laisser dominer par elle et avec un air dur je l’apostrophai en français :

- Christine, crache-le morceau, maintenant!

Cette fois elle me sembla presque désolée, mais elle s’exécuta tout de même et répondit sur un ton plutôt neutre, mais où je sentais un soupçon de tristesse :

- Il n’est pas comme les liens purs, car sinon il aurait été blanc. Mais il n’y a presque plus aucun lien pur, comme de relation pure. Toutefois, il est très fort et très soudé. Presque ancien, un peu comme si… comme si vous aviez été ensemble depuis une longue période ou…

En la voyant s’interrompre je fronçai les sourcils avant de marmonner :

- Ou quoi?

- Ou plusieurs vies. Le bleu sombre comme celui-ci démontre que votre lien a souffert énormément, mais que la nuit revient toujours après le jour. Les obstacles n’importent peu, car vous êtes fait fort tous les deux, et ainsi est votre lien. Vous arriverez toujours à surmonter les épreuves, car vous ne pouvez vous épanouir complètement sans l’autre. C’est un peu comme si vous vous balanciez, m’apprit-elle.

J’ouvris la bouche pour dire quelque chose, mais aucun mot n’en sortit. J’étais complètement bouchée. Je ne comprenais pas du tout pourquoi tout ça me faisait cet effet. Peut-être était-ce à cause du fait qu’intérieurement j’avais un peu perdu espoir? Perdu l’espoir que tout redevienne comme ça avait été… En même temps, rien n’avait vraiment été normal depuis notre rencontre et tout ce qui avait suivi. En quelques mois une seule semaine pouvait être qualifié de normale et on pouvait maintenant dire que ça avait été le calme avant la tempête.

Une très, très grosse tempête.

Une très, très grosse tempête nommée Maïa. Une Maïa que j’avais très, très hâte d’écrabouillée pour en faire une bouillie d’algues que je me ferais un plaisir de tartiner sur du pain, puis de le jeter à la poubelle et ensuite de jeter la poubelle dans le feu pour ensuite jeter la cendre au vent pour qu’elle disparaisse pour toujours.

Ouais, ça serait parfait.

J’étais bien plongée dans ces pensées ô combien agréable lorsque Della râla :

- Si j’ai bien compris, il va falloir attendre que ce stupide petit feu à la noix s’éteigne de lui-même?

- Oui, répondis-je sur un ton légèrement exaspéré. Sinon, il faudrait recommencer du début. Et les chances de réussir seraient amoindri.

- Super, marmonna-t-elle. Et s’il devait y avoir de la pluie, là, maintenant?

Je poussai un soupir sans prendre la peine de lui répondre. Ça ne servait à rien. Pourtant, je ne pus m’empêcher de rétorquer avec autant de mauvaise humeur que de moqueries :

- C’est toi qui as voulu venir, je te rappelle!

Ce fut à son tour de pousser un soupir découragé et un sourire satisfait étira mes lèvres. J’allai d’un pas qui se voulait léger m’asseoir près du feu, comme il était fortement recommandé de le faire. Sauf que je ne le faisais pas que pour la cérémonie. J’aimais toujours regarder les flammes danser et me perdre en elles.

C’est à peine si je remarquai qu’Ethan en faisait autant. Et que peu à peu mes amis en firent de même. C’est presque tout naturellement que l’on se mit à discuter tranquillement. Comme si tous nos problèmes avaient été mis sur pause, que nous étions hors du temps. C’était étrange d’observer ces flammes bleue nuit danser au gré des petites bourrasques de vent et de leurs envies.

Nous n’abordâmes aucun sujet qui était délicat. Pas de combat, pas de Kelsea, pas de Maïa. Nous parlâmes entre autre de ce que tout le monde avait déjà eu à affronter. De ce que nous voulions bien voir comme avenir. Je ne leur parlai pas de mon idée de quitter Shadow Falls pour retourner au Québec. Ils s’en doutaient sans doute et je ne voulais pas gâcher notre petit moment hors du temps en confirmant leurs incertitudes. Cela n’empêchait pas le fait que je savais pertinemment que je ne pouvais pas rester ici. Je ne le pourrai jamais sur le long terme. Rester reviendrait à les mettre en danger, car je savais maintenant que j’étais loin d’être aussi forte qu’il le fallait. Qu’il y avait des créatures bien plus puissantes que la Chimère et qu’elles avaient le champ libre pour détruire ma province. Mon chez moi.

La retraite était terminée. Dès que j’en aurais fini ici, je n’aurais d’autre choix que de partir. Et je confirmais ma règle de ne jamais rester à un endroit pour une année entière. Changer, toujours changer d’école. Je connaissais cela. Trop bien. Et à chaque fois c’était dû à des combats incessants. Sauf qu’ici je ne les avais jamais déclenchés.

Au fur et à mesure que les minutes s’égrenèrent, inlassablement, je vis la teinte du feu diminuer. Le bleu nuit pâlit de plus en plus jusqu’à devenir blanc, puis les flammes disparurent totalement pour laisser des braises rougeoyantes au milieu desquelles se trouvait la chevalière.

Nous nous relevâmes tous et Christine se pencha pour ramasser la chevalière, mais au moment où sa main se refermait dessus une voix extrêmement glaciale dans notre dos l’interrompit :

- Alors comme ça on fait la fête sans moi?

Je n’eus aucun mal à reconnaître Maïa et un grondement s’échappa de mes lèvres.


Et voilà! Le chapitre 11 est terminé... Comment l'avez-vous trouvé? Est-ce qu'il était digne des précédents, mauvais... ordinaire? Après presque un an d'absence sur cette fanfic, il y a sans doute des choses qui ont changé dans mon écriture et peut-être l'interprétation des personnages (c'est ce qui me fait peur). N'hésitez pas à me faire part de votre avis à ce sujet et/ou ce que vous pensez de ce qui s'est passé dans le chapitre.

Un devoir
Un nouveau départ

Re: Nouveau départ [Nés à Minuit]

Publié : mer. 30 mai, 2018 1:33 pm
par DarkPhoenix
Salut, c'est la première fois que j'écris un message par rapport à ta fanfic parce que, je l'ai littéralement dévoré . :lol: :lol: j'adore comment les personnages sont interprétés, l'histoire et incroyable et pleine de rebondissement, en plus l'histoire de Shadow Falls commençais à me manquer :D . Si j'aimais un jour tu refais une suite, j'aimerais beaucoup être prévenu :)

Re: Nouveau départ [Nés à Minuit]

Publié : jeu. 07 juin, 2018 4:38 am
par Mimie99
Hey! C'est moi! Je me trouve nulle d'avoir encore mis deux mois à publier un nouveau chapitre, mais... sérieusement, les deux derniers mois ont été un véritable enfer de travaux. Sauf pour les deux dernières semaines. Et puis après, la motivation et l'inspiration ne venaient pas. C'est pourquoi qu'il est possible que vous trouviez qu'il se passe des trucs... bizarres. Dans ce chapitre. J'ignore vraiment ce qui m'est passé par la tête, je vous jure. :roll: Mais bref, j'espère qu'il vous plaira quand même. Normalement, je devrais publier un autre chapitre d'ici la fin du mois de juin, mais je ne promet rien. Car je ne suis sûre de rien. :oops: :roll: Donc, voilà, place à ce chapitre et mille pardons d'avance pour les fautes qui doivent s'y retrouver ;) Bonne lecture! :D


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Chapitre 12


Je me retournai d’un bond, la lèvre supérieure retroussée sur un grondement encore plus puissant que le premier. Elle n’avait aucun droit d’être ici. Aucun. Je crachai avec hargne :

- Tu ferais mieux de dégager d’ici! Avant que ce ne soit moi qui te fasse partir!

- À coups de pieds au cul! Renchérit Della en venant se placer à ma droite.

Tous les autres se placèrent derrière moi, sauf Lucas. Il vint se poster à ma gauche avec le même rictus aux lèvres que moi. Maïa lâcha un petit rire en voyant notre offensive et Sarah, qui ne parlait jamais (et que je venais juste de remarquer), se contenta de croiser les bras en haussant un sourcil.

Elles se moquaient de nous. Toutes les deux. Mais je voyais bien le regard scrutateur que me jetait Sarah et je me demandais si c’était en lien avec ce que son père lui avait dit. D’ailleurs, ce dernier était-il revenu aujourd’hui? Je n’avais même pas songé à aller voir!

- J’aimerais bien voir ça, rétorqua la Dame aux Glaïeuls en affichant un air de dédain. Je vais partir d’ici dès qu’Ethan viendra me rejoindre.

- Jamais! Rugis-je en saisissant brusquement l’intéressé par le bras pour l’empêcher de faire un pas.

Je sentais la tension qui l’habitait sous mes doigts et je n’aimais pas ça. Pas du tout. J’avais le sentiment qu’il y avait encore une part de lui qui voulait aller la rejoindre. Ce que je n’approuverais jamais. Je l’avais déjà perdu deux fois. Il n’y en aurait pas de troisième. Je ferais en sorte qu’il soit l’exception qui confirme la règle des « jamais deux sans trois ». Quant à Maïa elle retournerait pourrir au fin fond du Fleuve Saint-Laurent pendant plusieurs dizaines années, comme il se devait!

- Je suis certaine qu’il n’a aucune envie de rester avec toi, Maria. Tu devrais te faire à l’idée… susurra Maïa en m’adressant un regard qui provenait du plus profond du monde des garces en puissance.

Mes poings se crispèrent et comme l’une de mes mains retenait Ethan, je le vis grimacer. Je me sentis légèrement désolée pour lui et je me sentis aussi coupable, car je détestais lui faire du mal. D’autant plus que là, maintenant, il avait toute sa tête. Pas comme les autres fois. Sauf qu’il était hors de question que je me laisse faire. En particulier pour Kelsea, qui reposait inconsciente dans le vieux bungalow derrière moi.

- Je ne sais pas si c’est à cause de l’eau salée que tu as au cerveau, mais tu es vraiment lente d’esprit, n’est-ce pas? J’ai dit qu’il ne retournerait jamais avec toi. C’est fini.

J’aperçus le sourire satisfait de Della et elle ajouta :

- Je suis toujours aussi partante pour lui botter le derrière si elle ne s’en va pas d’elle-même. Immédiatement.

- Toujours aussi agréable, à ce que je vois, Della! Railla Maïa en foudroyant la vamp du regard. Et Maria, ton pauvre petit rituel… Ou appelles-tu cela une cérémonie? Enfin, ta petite cérémonie n’est même pas achevée. Tu ne peux rien faire s’il décide de venir de son plein gré vers moi. Une troisième fois.

- Il n’ira pas, dis-je d’un ton froid que j’espérais affirmatif.

Tout sauf incertain. S’il-vous-plaît. Maïa eut un grand rire sardonique qui me donna à la fois envie de vomir et de disparaître dans l’Ombre et la Lumière, sauf que je réussis à me forcer à l’immobilisme le plus total. Je ne réagirais pas. Je ne la laisserais plus avoir autant de pouvoir sur mes émotions. Ce temps-là était fini.

- En es-tu si sûre? Me provoqua-t-elle. As-tu toujours autant confiance en lui et son jugement pour le laisser prendre la décision?

J’étais dans une impasse profonde et impossible à défaire. Je n’avais que deux solutions qui n’en étaient pas. Soit je laissais Ethan choisir son destin et risquer, très probablement, de le perdre définitivement sans toutefois montrer de signe de faiblesse. Soit je le gardais sous le contrôle de ma main, m’arrangeais pour terminer la cérémonie, mais perdais toute crédibilité.

Je plongeai un regard froid dans les yeux verts de Maïa et tout en la défiant ainsi du regard je relâchai un à un les doigts qui enserraient le poignet d’Ethan. Restait plus qu’à espérer que je ne commettais pas de folie… Sauf que le sourire en coin qu’affichait ma rivale me donnait froid dans le dos.

*********************

Ethan sentait la sueur coulée le long de son dos tandis que tout son être semblait être en train de se séparer en deux. Il était à la fois blessé et réjoui que Maria l’ait attrapé par le poignet pour l’empêcher de bouger. Sauf que maintenant elle le relâchait. Ce qui ne lui laissait que l’opportunité d’envisager le pire.

Quand Maïa était apparu il avait été immédiatement frappé par son odeur particulière d’herbe fraîchement coupé. L’envie de la rejoindre avait été très forte. Et l’était toujours. Sauf qu’il aimait Maria et c’était sa dernière chance d’avoir la possibilité de se racheter un peu à ses yeux. Il savait que les excuses ne servaient plus à rien. Que les mots n’arriveraient pas à faire oublier ce qu’il avait fait. Aucun.

Quand il fut complètement libre de ses mouvements, sa respiration s’accéléra. Il avança d’un pas, puis s’arrêta pour se prendre la tête entre les mains. Il devait se concentrer et combattre ce qui cherchait à reprendre la possession de son être. Il sentait le Cerbère le malmener. Sauf qu’il ne pouvait pas le libérer. Il devait se montrer fort. Pour Maria. Mais surtout… pour lui. Il n’avait plus envie d’être le jouet de quelqu’un. Quand il s’était battu aux côtés de Maria c’était… par amour. Par conviction. Pas à cause d’un contrôle mental stupide et répugnant.

Il relâcha finalement sa tête et la redressa en s’efforçant de respirer par la bouche. Apparemment ça l’aidait à se concentrer. Il remarqua le regard chargé d’angoisse, mais d’une résignation froide de Maria braqué sur lui. S’il s’écartait à nouveau du droit chemin, il le paierait probablement de sa vie. Et Christine aurait un soulèvement sur les bras après ce qu’elle avait dit au sujet de leur lien.

En y repensant un sourire moqueur étira ses lèvres et il se tourna vers Maïa. Il avança d’un pas vers elle et tandis que cette garce renvoyait un sourire triomphant à sa petite louve, il lança :

- Désolé Maïa, mais je n’ai jamais aimé l’odeur des algues. Ou des poissons.

Sur ces mots, il se retourna vers sa petite louve qui regardait avec défi sa rivale. Il ne put faire autrement que trouver ce spectacle magnifique. Il avait été anéanti de voir à quel point elle s’était effondrée suite à sa trahison. Il avait été anéanti de voir à quel point elle tenait à lui.

- NON! Hurla Maïa, sauf que déjà Christine tenait la chevalière à bout de bras dans les airs et poursuivait la cérémonie.

En voyant sans doute que la cheffe de cérémonie continuait son œuvre, Maïa s’élança vers eux. Il craignit un instant ce qui allait bien pouvoir se produire, mais il survint un évènement totalement improbable et incroyable.

Un boulet de canon version vampire.

Un boulet de canon qui n’était en aucun cas Della, Kylie ou même Jenny.

Non, c’était Katryne.

Et à voir l’éclat de colère qui faisait flamboyer ses yeux de vampire, elle n’était pas contente du tout. Le ton qu’elle prit par la suite pour hurler le confirma :

- JE T’AI DÉJÀ DIT DE FOUTRE LE CAMP, CR*SS DE GARCE!

Elle avait parlé en français. Mais Ethan l’avait très bien compris. Et encore mieux compris le juron typique des francophones Québécois. Maria avait une certaine contenance, mais il se doutait qu’elle devait en avoir très souvent envie. Surtout ces derniers temps…

Ce que fit Katryne ensuite le figea encore plus. Elle venait d’envoyer violemment ses deux pieds simultanément sur les ventres de Maïa et Sarah. Celles-ci furent projetées un bon quinze mètres plus loin. En virevoltant de façon plutôt inélégante.

- Par le Feu et par l’Eau. Par l’Air et par la Terre! Pour toujours et à jamais, jusqu’à ce que vous passiez de vie à trépas, vous serez unis! Plus personne ne pourra vous séparer! S’écria la sorcière en utilisant sa magie qui fit étinceler la chevalière comme un millier de diamant et sans sembler s’émouvoir des évènements alentours.

Maria se tourna vers lui et il la rejoignit en quelques enjambées, elle aussi, sans se préoccuper des évènements, car chaque seconde comptait. Puis sans avoir besoin de se consulter, ils se saisirent par les mains et prononcèrent les mêmes mots, ou presque, que Christine :

- Par le Feu et par l’Eau. Par l’Air et par la Terre. Pour toujours et à jamais, jusqu’à ce que nous passions de vie à trépas, nous serons unis. Plus personne ne pourra nous séparer maintenant!

Alors même que les derniers mots quittaient leurs lèvres, Ethan vit la sorcière mettre le collier où pendait la chevalière au cou de Maria. À l’instant même où la chaîne entra en contact avec la peau de sa petite louve, il sentit comme un souffle de fraîcheur traverser son esprit.

Il était libre.

Il inspira par le nez pour tester le tout jusqu’à sa limite et… rien. Il n’y avait aucune odeur d’herbe fraîchement coupée. C’était plutôt bizarre, quand on y réfléchissait. Pourquoi ne pouvait-il plus du tout sentir l’odeur?

Il n’eut pas l’occasion d’y réfléchir davantage, car Maïa poussa soudain un hurlement si strident qu’il craint un instant d’avoir les tympans éclatés. Par réflexe, il plaqua ses mains contre ses oreilles comme toutes les personnes autour qui possédait une ouïe plus développée. Il comprit avec une seconde de retard ce qui était en train de se passer. Elle se transformait…

Et Sarah avec.

Une peur incommensurable s’empara de lui à l’idée que l’un de ses amis, ou pire encore Maria, soit blessé. La rage monta elle aussi quand il s’imagina ce scénario se produire. Il ne le permettrait pas. Il commençait tout juste à essayer, en vain, de se transformer par lui-même lorsqu’il vit une Maïa aux traits déformés se lancer en direction de Maria.
De sa petite louve.

D’un coup, sa colère devint de furieuse à effroyable et il sentit tout son corps se déchirer. De l’intérieur, d’abord. Les muscles se détachèrent des os avec la même sensation qu’une blessure encore vive dont le sang aurait séché en collant le pansement sur dessus, et que l’on arracherait ledit pansement. C’était douloureux, et des pulsations continuaient même après qu’ils se soient rattachés.

Après quoi, il y avait les os en eux-mêmes qui craquaient, se tordaient dans des positions inextricables et inexplicables. Une douleur aussi intolérable que lorsque l’on s’est cassé le poignet et que l’on ne cesserait jamais de tomber dessus.
À vrai dire, tout le corps d’Ethan n’était plus que douleur.

Douleur et… colère.

Une colère sourde, aveugle et qui n’avait qu’une envie.

Avec ses griffes, arracher des yeux, avec ses crocs, fracasser des crânes. Faire mordre la poussière ou mettre K.O. définitivement? Il ne le savait pas. Ou du moins il tentait de se convaincre qu’il ne le savait pas. Car, en réalité, son cœur savait très bien ce qu’il voulait. Tout comme sa tête. La mort.

La mort de Maïa.

Et de tous ceux qui voulaient du mal à sa petite louve.

C’est avec étonnement qu’il se retrouva sur ses quatre pattes de fauve gigantesque bien avant Sarah. Ce qui n’était pas très typique, car normalement l’ancienneté permettait une transformation plus rapide… Et Sarah était Cerbère depuis un bon moment déjà, beaucoup plus que lui, ça c’était sûr.

Il ne prit toutefois pas la peine de réfléchir à ce fait étrange plus longtemps. Il n’en avait pas le temps. Maïa était déjà presque sur Maria. Et elle avait terminé sa transformation, à la grande horreur de tous ceux autour.

C’était vrai qu’elle faisait frémir avec une telle apparence. Des écailles d’un bleu très clair reflétant le bleu du ciel et des nuages lui recouvraient tout le corps. Ses longs cheveux auparavant noirs et soyeux (il le savait tristement d’expérience) étaient désormais d’un vert bouteille sombre et fait d’algues aussi visqueuses que celles que l’on trouvait effectivement dans les fleuves. Ses bras étaient reliés à sa taille par une fine membrane extensible qui lui permettait de prendre plus de vitesse sous l’eau, ses mains palmées permettaient tout autant de prendre de la vitesse, mais aux doigts pourvues de griffes monstrueusement longues et crochues. Sa poitrine était toutefois la même, si ce n’est qu’elle semblait moulée dans une combine de plongée faite d’écailles.

Ensuite, il y avait ses yeux. Comme deux grosses amandes en oblique, sans blanc. Il n’y avait qu’un immense iris d’un vert émeraude profond et pourvu d’une large pupille noire verticale, comme celle des chats et de certains reptiles. Des yeux qui semblaient dire qu’elle avait soif, soif de sang. Puis, il y avait la bouche. Une bouche moins large que la précédente qui, une fois ouverte, donnait l’impression d’un cercle parfait et d’une broyeuse ou déchiqueteuse magistrales avec ses dents aussi triangulaires et acérés qu’une scie, tant en haut qu’en bas. Après quoi, elle n’avait pas de nez à proprement parlé, plutôt des fentes. Ou comme les branchies qu’elle avait dans le cou. Deux rangées de trois, parallèles.

Restait ensuite la pire partie de tout ça. Les jambes. Elle n’en avait plus. Il s’agissait plutôt de deux queues. Dans la même forme générale que celle des dauphins, sauf qu’elles étaient pratiquement aussi flexible que celles des serpents. Quand elle se déplaçait, sur terre, c’était avec les mêmes ondulations que les serpents ou plutôt que les drakainas, ces créatures mythologiques grecques. Dans l’eau, elles lui permettaient d’aller à une vitesse infiniment grande, vous ne voulez pas savoir à quel point.

Donc, oui, elle était effrayante. Horrifiante, même. Surtout lorsqu’elle criait. Mais pour l’heure il se moquait de tout. De ses cris, comme de son apparence.

Sans prendre la peine de réfléchir à ce qu’il faisait il bondit devant Maria et d’un revers de la patte envoya valdinguer à nouveau la répugnante créature avant qu’elle ne puisse toucher sa petite louve.

La puissance de sa nouvelle forme était incroyable, se dit-il en admirant la culbute magistrale que se prit la si puissante Dame aux Glaïeuls en rencontrant violemment un arbre vingt mètres plus loin. Il tourna ensuite son attention immédiate sur Sarah qui poussait des rugissements en sa direction. Il lui fondit immédiatement dessus, mais à ce moment, il y eut comme une détonation et il eut l’impression d’être près d’une centaine de mètres sous la surface de l’eau.

La pression était presque insoutenable.

Ses pattes antérieures commencèrent à ployer, tout comme sa tête sous la puissance dévastatrice de leur ennemie marine. Maria avait les genoux qui fléchissaient lentement en tremblant légèrement. Dans le cas de Della, Katryne et Lucas, ils étaient à genoux, la tête redressée avec une grimace de dégoût et de rage, et les mains profondément enfoncées dans la terre, comme des serres. Tous les autres… tous les autres étaient déjà étendus au sol, les mains sur les oreilles en essayant vainement de calmer la sensation incroyablement désagréable.

C’est avec les yeux larmoyants qu’Ethan aperçu Maïa revenir avec des étincelles meurtrières dans le regard. C’était la première fois qu’il la voyait avec ses yeux là. S’était-elle rendu compte que Maria n’était peut-être pas la plus faible de ses prédécesseurs, au bout du compte? Probablement, pour qu’elle soit aussi en colère. Ou sinon, c’était peut-être à cause de lui? Il l’ignorait, et pour l’heure, la réponse ne l’intéressait que moyennement. D’autant plus qu’elle faisait encore plus peur sous cette forme avec un regard aussi meurtrier.

Sarah profita de leur impossibilité à bouger pour terminer sa métamorphose et puis bondit sur Maria. Sauf que… cette dernière venait juste de disparaître. Ethan ouvrit grand les yeux, interloqué.

***************

Elle détestait vraiment, mais vraiment quand la louve faisait ça! Se dit la vamp intérieurement en retenant un grondement. Et déjà qu’elle se trouvait dans une situation particulièrement embarrassante, cette contrariété supplémentaire n’était pas pour enthousiasmée Della, loin de là même.

Si la métamorphose d’Ethan et aussi son choix définitif de camp l’avait rassurée au départ, quand elle avait vu à quoi ressemblait l’autre Dame-aux-Fleurs réellement… Ça avait plutôt jeté un froid sur son optimiste. Et Della s’y connaissait très bien en froid.

Et maintenant que l’autre cerbère se décidait à attaquer, voilà que Maria se décidait à disparaître dans l’Ombre et la Lumière! Pourquoi les abandonnait-elle ains… la vamp n’eut pas le temps d’y réfléchir davantage que la louve réapparaissait soudainement derrière le cerbère et d’un bond prodigieux rejoignit la tête du milieu de la créature. Et avec un grondement qui, malgré qu’elle ne l’avouera jamais, fit frémir la Della profondément.

Avec un rictus hargneux, la louve empoigna les oreilles du cerbère avec des doigts griffus et tira vers l’arrière. Violemment. Cette soudaine sauvagerie de la part de Maria sembla redonner de l’énergie à la vamp et elle réussit, avec un sourire mauvais à relever une jambe. Du coin de l’œil elle vit que, déjà, Lucas en faisait autant et qu’Ethan… Ethan avait une longueur d’avance sur eux, car il s’élançait déjà sur sa congénère à trois têtes.

Après un autre petit coup d’œil, elle remarqua que Katryne aussi avait réussi à se lever à moitié. Quant à tous les autres, ils commençaient à peine à se mettre à genou. Elle ne se préoccupa pourtant plus d’aucun d’eux lorsqu’elle vit Maria effectuer un vol plané incroyable dans les airs. En direction de Maïa. La louve réussit à amortir sa chute en une roulade avant de faire face à son ennemie. Sauf qu’elle n’avait aucune chance contre ça. Pas seule. La vamp en était convaincue.
Dans un ultime effort elle se leva complètement, en même temps que Lucas et Katryne. Et tous les trois se lancèrent en direction de Maria. Pourtant, ils furent interrompus dans leur lancée par deux créatures tricéphales aux très grands crocs qui se combattaient à coup de mâchoires et de pattes. Écrasant quelques malheureux arbres au passage. Et manquant de peu de faire de la crêpe de vampires et de loup-garou.

Elle prit une seconde pour analyser le combat d’Ethan. Ils en étaient à tête pour tête et patte pour patte. Le combat était si rapide et acharné qu’elle avait des difficultés à décrypter leur mouvement. Et aussi à ne pas finir en bouilli, il fallait l’avouer. Un coup d’œil vers l’arrière lui fit comprendre que les autres avaient finalement réussi à se relever. Et qu’il manquait deux… non, trois personnes. Kylie et Jenny ne semblaient pas au rendez-vous, ni Miranda. Cela prit une seconde à la vampire avant de comprendre où elles étaient. Et quand elle saisit, elle aurait bien voulu se frapper la tête contre un arbre. Elles étaient avec Kelsea, bien sûr! Celle-ci était la plus vulnérable en ce moment, étant incapable de se défendre… Malheureusement, elle ne voyait pas comment Derek et Christine pourrait réellement être d’une grande aide, ici.
Elle n’eut pas l’opportunité d’y réfléchir davantage, car soudain, Maïa hurla d’une voix à la fois stridente, profonde et angoissante :

- Maria Lechasseur! Nous n’en avons pas terminé toutes les deux… Je peux te l’assurer.

À ce moment, il se passa plusieurs choses simultanément que la vamp n’était pas certaine de pouvoir énumérer dans le bon ordre. Tout d’abord, du moins le croyait-elle, il y eut une grande vague d’énergie brute qui les frappa tous au niveau du cœur et elle eut l’impression en étant entraînée brusquement vers l’arrière sur plusieurs mètres, qu’elle avait avalé un litre d’eau salée.

Tout le monde, à l’exception des Cerbères se retrouvèrent à nouveau au sol et Maïa s’avança jusqu’à Maria, qui gisait contre un arbre en essayant de se relever. Il y eut comme un coup de tonnerre et Della se retrouva entraver par des algues à l’odeur particulièrement répugnante. Mais c’était encore pire pour Maria, car les algues…les algues lui entravaient le cou. La vamp entendit Ethan pousser un grondement et écrasa violemment Sarah au sol avant de bondir vers Maïa au moment où cette dernière semblait à deux doigts de trancher la gorge de la louve. Sauf qu’elle se contenta de pousser un nouveau hurlement strident en montrant ses dents horriblement pointues à Ethan et au moment où ce dernier allait l’atteindre d’une patte, elle se volatilisa en une sorte de brume d’un vert-bleu très sombre et laissa une odeur d’algue pourrie dans les airs.

En même temps que la stupide Dame-aux-fleurs disparut, toutes les algues disparurent à leur tour et elle put voir la louve prendre une grande inspiration avant de se mettre à crachoter. Ethan était si concentrée sur la louve qu’il ne sembla pas voir que Sarah se redressait déjà et…

- Attention! Hurla-t-elle avec à la fois de l’inquiétude et de la colère dans la voix.

Ethan fit brusquement volte-face et cueillit Sarah en plein vol, sauf que la vamp constata rapidement que Sarah semblait beaucoup mieux contrôler le corps de Cerbère que le leur. Et si ce dernier semblait avoir eu l’avantage, c’était pour une seule raison. L’effet de surprise. Sauf que là, la colère qui flambait dans les yeux de Sarah était très personnelle, et ne semblait donc plus essentiellement celle de Maïa comme auparavant.

Ils recommencèrent à se plaquer mutuellement au sol et à s’entraîner dans des roulades mortelles pour chacun des êtres plus petits qu’eux, Della inclut et elle dut faire preuve d’une grande agilité, tout comme Katryne, Lucas et les autres pour rejoindre Maria, qui étrangement ne semblait pas angoissée le moins du monde, mais plutôt pensive.

Dès qu’ils arrivèrent auprès d’elle, la louve grommela :

- Ça ne colle pas. Elle pouvait me tuer. Pourquoi ne l’a-t-elle pas fait?

- Je crois que j’ai une idée, mais… c’est une chose terrible si cela doit s’avérer, lâcha Christine. Et il vaut mieux en parler ailleurs, ajouta-t-elle au moment même où Della ouvrait la bouche pour demander des explications.

Les deux mastodontes à trois têtes passèrent juste à côté d’eux avec force grondement qui faisait trembler les os de la vamp dans son corps (sensation pour le moins très peu intéressante et qu’elle ne recommandait pas).

- Alors… on va… commença Maria, mais elle s’interrompit brusquement en regardant derrière la vamp.

Cette dernière fit brusquement volte-face et eut un frisson en voyant que Sarah venait de frapper violemment sur deux des têtes d’Ethan et que ce dernier chancelait sur ses pattes, l’air confus. La femelle Cerbère eut un grondement victorieux et leva à nouveau sa patte pour frapper son congénère qui, étant trop assommé, ne fit rien pour l’empêcher de lui porter un dernier coup.

Quand la patte de la cerbère retomba, Ethan s’écroulait comme une masse, inerte. Maria poussa immédiatement un grondement de fureur et se rua vers la cerbère, sauf qu’elle se fit interrompre. Non pas par la cerbère qui s’élançait vers elle à son tour, mais plutôt par…

- SARAH LÉGARÉ! Rugit la voix d’un homme avec une fureur incroyable.

La vamp ne tarda pas à apercevoir l’homme qui sortait des arbres avec une mine à la fois triste et très en colère. Sarah sembla le voir aussi, mais au lieu de se rendre auprès de lui ou de continuer son attaque, elle s’enfuit en courant. Et Della aurait juré avoir entendu un couinement de douleur provenir de la louve évoluée. Qu’est-ce que ça pouvait bien vouloir dire, au juste?

Elle comprit rapidement la seconde suivante…

- Mon oncle, lâcha Maria.

Puis elle ne se préoccupa plus de l’homme et se rua vers Ethan, qui (à entendre les ronflements qui soulevait son ventre énorme) était toujours profondément assommé. Della la suivit sans attendre avec les autres aux talons. Du coin de l’œil elle avisa que l’oncle de Maria s’approchait aussi et que Christine le dévisageait profondément.

Alors qu’ils atteignaient son amie, la sorcière lâcha :

- Jean-François? C’est… c’est vraiment toi?

- Chr… Christine? Souffla-t-il, incrédule.

La vamp se retourna d’un bond pour voir ce qui pouvait bien être encore en train de se produire et… elle ne comprit pas grand-chose en voyant Christine tomber dans les bras du loup-garou. Est-ce qu’elle avait manqué un bout ou…?

- Euh… Je peux savoir ce qu’il se passe? S’enquit Maria, ayant apparemment quand même suivit ce qui se passait autour.

- Je croyais que ton oncle était… enfin, qu’il avait disparu, souffla Christine en relâchant brusquement le dénommé Je… Jeaun… enfin, truc-muche.

La sorcière se passa une main sur le front et semblait légèrement confuse. Ce que ne comprenait pas la vamp, car elle était presque certaine que…

- Je crois bien t’avoir dit que mon oncle avait refait surface, non? Lâcha Maria au moment où elle se faisait cette même réflexion.

- Certes, tu m’as dit que l’un de tes oncles avait refait surface, Maria. Mais pas que c’est le cadet qui a survécu.

- Attends… que… quoi?! s’exclama la louve incrédule.

La vamp tourna la tête d’un côté et de l’autre avec, sans doute, un air tout aussi incrédule que son amie. D’ailleurs, toute leur petite troupe ne semblait pas avoir la moindre idée de ce qui se passait. Enfin, sauf les deux adultes dont l’un, le truc-muche, avait l’air on ne peut plus coupable et se massait la nuque avec embarras.

- Qu’est-ce que j’ignore, encore? Gronda son amie avec colère.

- Vous feriez mieux de répondre, ou sinon je vous botte le derrière en dehors de Shadow Falls. Tous les deux! Grommela la vamp à son tour en faisant mine d’approcher.

Elle en avait plus que marre de toutes ses cachotteries qui sortaient de nulle part! Est-ce que c’était trop demander de tout savoir d’un coup, sans surprise? D’abord elle apprenait que les loups-garous pouvaient être plus puissant dans certaines familles, ensuite des trucs de meute bizarre, les chimères, puis l’évolution des loups-garous et des créatures qui ne devraient même pas exister… Est-ce que les découvertes allaient un jour avoir un terme? Car elle en avait marre. Enfin, pour être plus honnête, elle en avait marre d’en avoir autant en si peu de temps.

- J’aimerais bien te voir essayer, ricana le loup-garou en la jaugeant du regard.

- Ne me tentez pas, monsieur, cracha-t-elle en insistant bien sur la fausse marque de courtoisie.

Il leva les yeux au ciel une seconde avant de reprendre un air embarrassé lorsqu’il dit :

- Je n’ai pas vraiment menti, Maria. Je suis effectivement le frère aîné de Rose. Mais à vrai dire, nous l’étions tous les deux, mon frère et moi. On était jumeaux. Et, comme il aimait me le rappeler si souvent, j’étais le plus jeune de dix minutes. Dix minutes qui ont changé bien des choses, car nous ne sommes pas nés le même jour. Il est né à vingt-trois heures cinquante-cinq le 31 mars et moi à minuit cinq le 1er avril. Il faut dire que j’ai toujours eu plus le sens de l’humour que lui.

- Mais… Mais… on m’a toujours dit que c’était… c’était toi qui était allé à la guerre et que tu… tu étais…

- Mort? Mon frère avait un problème, très léger, mais qui l’empêchait d’aller au front. Alors, je suis allé à sa place pour l’inscription. Comme on se ressemblait comme deux gouttes d’eau, tout le monde n’y a vu que du feu. Ton père… ton père avait promis de garder le secret. Après, j’ai disparu de la circulation pendant que mon frère allait jouer les héros en mon nom. Tout le monde nous confondait sauf…

- Sauf moi, trancha Christine. J’ai toujours su vous différencier.

- Exact. Au grand désespoir de mon frère d’ailleurs, il aurait bien voulu avoir droit à un petit…

- JF, tais-toi! grommela la sorcière en rougissant légèrement.

- J’ai raté quelque chose d’intéressant? S’enquit soudain Miranda en se joignant au groupe en compagnie de Kylie et Jenny.

À voir comment elle se frottait les mains l’une contre l’autre, Della se fit la remarque que son amie sorcière devait très bien savoir ce dont il était question. Elle se passa la main sous le nez en regardant fixement Miranda et cette dernière eut un grand sourire gourmand. Les deux adultes avaient clairement une attirance mutuelle l’un pour l’autre. Récente ou passée? La vamp pariait beaucoup sur la seconde option, mais aussi pour la troisième. Celle qui alliait les deux.

- J’avoue que je ne comprends pas, marmonna Maria. Pourquoi… Pourquoi garder ça secret? Après toutes ces années? Et pourquoi à moi? Pourquoi me mentir à moi?

Della serra les dents, elle avait l’impression de revivre ce qui s’était produit avec George/Matthew à peine quelques mois plus tôt. N’apprendraient-ils donc tous jamais? Maria avait des difficultés à faire confiance, alors lui mentir… c’était… Oh, bon sang! Elle allait vraiment avoir à botter des derrières maintenant!

******************

Je ne comprenais vraiment pas pourquoi le secret avait été nécessaire avec moi. D’accord, oui, on s’était rencontré dans des circonstances inhabituelles. Mais en même temps, tous les membres de ma famille biologique je les avais rencontrés ainsi. Et chacun d’eux m’avait menti. Ou avait omis de me dire certaines vérités. Mais à quoi rimait tout ce cirque? Pourquoi fallait-il toujours qu’on me mente?

J’en avais plus que marre.

Et l’air coupable qu’affichait à la fois Christine et mon oncle n’arrangeait pas mon humeur. Loin de là. Un grondement sourd s’échappa de ma gorge et je croisai les bras furieusement. Une partie de moi s’inquiétait encore pour la Chimère, pour Ethan et pour mes ennemies qui étaient partis bien trop facilement, mais la majeure partie de mon être n’avait qu’une idée en tête. Et qu’une envie. Savoir finalement la vérité et frapper quelques mâchoires.

Malheureusement, il y avait quelques politiques que je me devais de respecter. Ne pas frapper ses alliés en était un. Surtout dans un moment où je prenais parfaitement conscience que mon ennemie était bien plus puissante que je ne le croyais. Et bien plus laide encore. Mais effrayante. Terriblement effrayante.

- Alors, vous allez lui répondre?! Grommela Della sur un ton qui m’annonça qu’elle s’apprêtait à faire une bêtise.

Je lui jetai un coup d’œil en fronçant les sourcils et en voyant le regard qu’elle avait je compris immédiatement ce qu’elle avait en tête. Je m’apprêtais à lancer une protestation à ce sujet au moment où Christine rétorqua :

- Personnellement, je n’ai rien fait. Je n’ai retenu aucune…

- Information? La coupai-je en haussant un sourcil. Et le fait que les frères de ma mère étaient jumeaux tu ne le jugeais pas intéressant?

- Maria, s’il-te-plaît, calme-toi. Il y a des enjeux autrement plus importants qui se jouent en ce moment. Notamment Maïa et ses acolytes. Pardonne-moi si je n’ai pas trouvé un moment pour te parler des frères de ta mère.

Elle marquait un point. C’était indéniable. Sauf que…

- PEUT-ÊTRE. Mais tu ne m’as jamais dit que tu les connaissais tous personnellement. Je savais pour mon père. Mais pour eux? Non. Tu ne m’as jamais rien dit de tout ceci, jusqu’au moment où est venu le moment de faire cette cérémonie.

Je m’interrompis un instant en sentant des larmes me monter aux yeux. Non. NON. J’ai dit que je ne verserai plus AUCUNE larme. Je ravalai avec toute la volonté dont j’étais capable toute cette saleté d’émotivité et tranchai sur un ton dur :

- J’exige de savoir. J’ai besoin de savoir.

C’est à peine si je remarquai que j’avais usé de la force d’Alpha qui sommeillait en moi. Je le compris toutefois rapidement en voyant Christine blêmir, toussoter et se porter la main à la gorge avec un regard confus. Je rougis légèrement avant d’ajouter :

- S’il-te-plaît.

Ce qui annula presque instantanément l’ordre présent dans ce que j’avais dit précédemment. Du moins, selon ma perspective des choses. Sauf qu’apparemment ce n’était pas la réalité… car Christine ouvrit la bouche de manière un peu trop brusque en disant d’une voix franchement anormale :

- Je… ne… peux… pas… te… dire… quoi… que… ce… soit… ici…

Je mordis les lèvres, en une moue désolée et sur un ton reflétant cette émotion je lâchai :

- Oublie le « exige ». Où pourrait-on en parler, sinon?

- Pas ici. Peut-être dans ton bungalow si j’y effectue certaines modifications. Mais avant tout, il faudra faire rappliquer Burnett et Holiday là-bas.

Oh, mince! Je ne pensais plus du tout à Burnett et Holiday. Ils allaient clairement avoir envie de m’assommer pour avoir entraîné mes amis quelque part sans leur en parler. Je blêmis brusquement à la pensée qu’ils pouvaient avoir retourné sens dessus dessous Shadow Falls dans l’unique but de nous retrouver. De s’assurer, entre autres, que je n’avais pas encore foutue le camp avec eux ou que nous n’étions pas… eh bien… morts. Je pris une seconde pour me masser les tempes et la nuque puis je lançai :

- Quelqu’un a son portable?

- J’ai le mien, affirma Lucas en me le tendant.

Je le remerciai d’un hochement de tête et l’attrapai d’un mouvement rapide de la main avant de l’ouvrir et de composer le numéro de Burnett que, allez savoir comment, je connaissais par cœur. Malgré que ce n’était pas particulièrement nécessaire avec mon ouïe je plaquai le portable contre mon oreille droite.

Il répondit à la première sonnerie :

- Lucas, où êtes-vous?

Son ton était pressant, légèrement sec et beaucoup trop calme. Clairement, il se faisait du souci pour nous. Je retins un sourire déplacé dans les circonstances actuelles et répondis :

- Ce n’est pas Lucas. Et je veux seulement que vous…

- MARIA! JE VEUX SAVOIR OÙ VOUS ÊTES. IMMÉDIATEMENT! M’hurla Holiday aux oreilles.

Bon sang, Burnett avait dû mettre son téléphone sur haut-parleur. Je me retins de me frotter les oreilles pour répondre avec un ton sec dut à mes tympans très douloureux et à cette impression qu’une cloche sonnait dans ma tête :

- Ça n’a pas d’importance. Rejoignez-moi à mon bungalow. On vous y rejoindra. C’est important.

Sans ajouter quoi que ce soit ou attendre une réponse je raccrochai. En rendant le portable à Lucas, je constatai que tout le monde me dévisageait avec incrédulité. Je fronçai les sourcils et lâchai sur un ton inquiet :

- Quoi?

- Tu viens vraiment de raccrocher à Burnett et Holiday? S’enquit Kylie.

- Oui, je n’avais pas le temps pour des explications. Donc, la meilleure façon d’avoir une réaction rapide, c’est de ne pas donner tous les détails au téléphone. Et de couper au plus court. Voilà, maintenant il faut y aller.

Je me retournai en direction d’Ethan. Bon… Que faire de lui? Je ne pouvais décemment pas l’abandonner ici. Mais je ne pouvais pas le traîner jusqu’au bungalow non plus, pas quand il était sous cette forme. J’étais certes plus puissante que la majorité des loups-garous, mais il y avait une limite, quand même.

- Et on s’en va comment, au juste? me demanda Della sur un ton provocateur.

- Laisse-moi y réfléchir… grommelai-je en me prenant les tempes.

Je ne pouvais pas prendre traîner Ethan dans cet état. Trop lourd. Même à plusieurs, ça reviendrait à une perte de temps considérable. D’autant plus que… nous avions aussi Kelsea à emporter. Et que les obstacles de la forêt ne rendraient pas les choses plus aisées. Je lâchai un grondement involontaire en me laissant tomber par terre, la tête entre les mains. Comment? Comment?! Je pourrais sans doute traîner Kelsea à moi toute seule, mais en prenant beaucoup plus de temps que je n’en avais et en prenant plusieurs pauses. Ce que je ne pouvais pas me permettre.

Que me restait-il comme aux solutions? Perry. Perry pourrait toujours se transformer en semblant de lion tricéphale comme la dernière fois et tirer… Ethan. Mais ce serait quand même long. Et je ne pouvais pas jurer que Maïa n’était pas dans les environs en train de nous observer. Donc, pas de Perry.

Mais, bon sang! Que devais-je faire? Pourquoi fallait-il que je sois celle qui prenne les décisions… Oh, mais… Je pourrais passer par l’Ombre et la Lumière. Certes, ce genre de voyage m’épuisait. Surtout dans l’état actuel des choses et avec autant de personne à trimballer, mais… c’était possible. Oui… Fallait juste trouver une solution pour qu’Ethan et Kelsea suivent le mouvement.

Un sourire triomphant étira mes lèvres et je bondis d’un coup sur mes pieds. Je vis ma coloc vamp analyser mes traits et elle gronda :

- Non. Non, c’est hors de question!

- On n’a pas le choix! Dis-je avec un sourire moqueur.

Elle m’offrit une grimace très mature avant de hausser les épaules.

- Donc… on fait quoi? s’enquit Miranda.

- On retourne par l’Ombre et la Lumière, râla Della en croisant les bras.

Je vis bien l’air très peu enchanté de la majorité des membres de ma meute. Ma meute… Oh, merde… Je me retournai d’un bond vers mon oncle et lui dis :

- Tu ne pourras venir, n’est-ce pas? Car tu ne fais pas partie de ma meute…

- Désolé d’avoir à te contredire, Maria, mais comme je suis du sang des Lechasseur, j’ai automatiquement une protection me permettant d’aller dans ce passage. Même si je ne l’ai jamais emprunté, car je n’ai pas le pouvoir de l’Héritier, me répondit-il avec un sourire contrit.

- Ne soit pas désolé, ça m’arrange. Car tu viens avec nous.

Je fis rapidement un petit calcul mental en sortant mon oncle de ma tête. Lucas, Kylie, Jenny, peut-être Perry?, Della, Katryne, mon oncle et moi. Ça faisait… huit. L’idéal serait sans doute que j’arrive à réveiller Ethan, comme ça on pourrait facilement déplacer Kelsea. Sans risquer la vie de personne. Mais comment réveiller un gros balourd à trois têtes?
Un sourire moqueur étira mes lèvres et je demandai :

- Christine? Tu peux me faire apparaître trois bassins d’eau, à tout hasard?

L’intéressée me dévisagea, mais finit par répondre sur un ton incertain :

- Euh… oui. Pourquoi?

- J’ai besoin d’eau, répondis-je simplement avec un sourire innocent.

Elle fronça les sourcils, mais obtempéra et dans la seconde son petit-doigt remua, faisant ainsi apparaître trois bassins d’eau d’une dimension parfaite. Mon sourire s’élargit et je me tournai vers les autres en disant :

- Della, Katryne. Prenez chacune un bassin. S’il-vous-plaît.

Tandis qu’elles s’exécutaient en échangeant un regard curieux, je me saisis du troisième en me dirigeant vers la tête du milieu d’Ethan. Della sembla comprendre immédiatement, car un sourire très intéressé étira ses lèvres. Et si je me fiais au fait que Katryne venait de lever les yeux au ciel, elle avait compris aussi.

Elles se postèrent ainsi à ma gauche et à ma droite pour s’occuper respectivement des deux têtes de ces deux côtés là et je comptai :

- Dans 3… 2… 1…

À peine disais-je le « go » qu’elles lançaient déjà le contenu de leur bassin sur leur tête respective. Tout comme moi. Pas même une seconde avant l’impact, elles s’étaient déjà éloignées, moi de même, d’ailleurs. Et la seconde suivante, eh bien… ce fut l’impact.

Le cerbère qu’était Ethan dans le moment ouvrit brusquement les yeux avec colère et se redressa si brusquement que je craignis qu’il se mette à attaquer. Chose qui m’inquiéta encore davantage quand il claqua des mâchoires. Avec ses trois têtes.

Pourtant, l’instant suivant il eut l’air confus et regarda autour de lui avec incompréhension. Je crus bon de lui dire :

- Sarah t’a assommé et j’ai décidé de te réveiller avec des bassins d’eau.

Son regard, ou plutôt ses regards, semblaient quémander des réponses, mais je n’avais pas le temps pour ça maintenant. Mais alors là… pas du tout. J’étais déjà en retard. Et j’étais prête à mettre ma main à couper que Burnett et Holiday étaient déjà au bungalow.

- Maintenant, suis-moi, dis-je d’un ton rauque, car je m’empêchais de rire.

Chose que Della ne se privait pas de faire. Ni Perry. Je le vis même sortir son portable et prendre quelques photos, un sourire très amusé aux lèvres. Mais comment faire autrement en voyant l’air qu’avait Ethan en ce moment? Il semblait tout hagard, les yeux (les six) complètement perdus et le poil de sa tête était soit tout aplati sur son crâne, ou relevé en crête par endroit. Ce n’est pas tous les jours qu’on avait droit à ce genre de choses, pas vrai?

En essayant de ne pas y penser, je me dirigeai vers le vieux bungalow où quelques heures auparavant on avait séquestré Ethan. Une fois là, je n’eus qu’à jeter un coup d’œil en direction de Lucas, Katryne et Della pour qu’ils viennent d’un même mouvement.

On sortit donc Kelsea de là, avec quelques difficultés, car la porte n’était pas faite pour une créature de sa corpulence. Mais dès que l’on fut dehors, les choses ne s’améliorèrent pas. Il fallait que je trouve une solution pour dans le passage. Et celle qui me venait à l’esprit… était… bien trop farfelue.

Et pourtant, c’est celle que je choisis d’employer.

Car je n’en avais pas de meilleure. Je poussai un soupir et demandai :

- Ethan, peux-tu te coucher sur le ventre? Je vais embarquer Kelsea sur ton dos.

Le cerbère que j’avais sous les yeux s’exécuta et au moment où je requérais de nouveau de l’aide du regard, Della s’enquit :

- Tu es sérieuse? C’est ça ton plan?

- Oui, c’est ça mon plan. Lucas, Jenny, Kylie, Katryne et toi, vous allez monter sur Ethan pour la maintenir en place. En fait, pendant que vous allez l’installer, je vais m’occuper de reconduire Miranda, Christine, Perry, Derek et mon oncle au bungalow. Puis je reviens vous chercher. D’accord?

- Est-ce qu’on a vraiment le choix? Grommela la vamp.

- Non, dis-je sans émotion.

Elle leva les yeux au ciel, mais immédiatement ceux que j’avais désignés se mirent en action tandis que les autres vinrent me rejoindre. Je les attrapai donc par les mains et avant qu’ils n’aient eu le temps de respirer, je les entraînais déjà dans le passage.

Cette fois-ci me semblait moins difficile que les dernières. Toutefois, mon énergie était grugée plutôt rapidement quand même. Ce qui était plutôt pratique, c’était que maintenant je savais exactement comment me repérer. J’économisai ainsi plusieurs précieuses secondes.

Lorsque l’on débarqua devant le bungalow, ça ne prit pas une seconde avant que Burnett et Holiday ne sortent. La seconde s’exclama :

- Ça fait dix minutes! Dix minutes depuis que tu…

- Désolée, Holiday, mais j’ai une dernière chose à faire.

Et sans ajouter quoi que ce soit, je repartis dans l’Ombre et la Lumière, sans emporter mes camarades, toutefois.

*******************

Christine porta la main à son cœur en réprimant un haut le cœur. Ah, c’était horrible comme sensation! Et elle espérait bien ne plus jamais avoir à le vivre. Enfin… Si elle se mettait à fréquenter plus souvent Maria, ce genre de chose risquait de lui arriver plus souvent. Surtout si… surtout si elle lui disait toute la vérité. Et la jeune louve le méritait bien. Elle n’avait pas eu toute son enfance pour assimiler le poids qui reposait sur ses épaules et la multitude d’informations que son « poste » engendrait.

- Tu n’as pas apprécié la balade? Se moqua gentiment Jean-François en français, tout en la regardant, une lueur malicieuse dans les yeux.

- Ne commence pas, répliqua-t-elle dans la même langue et en pointant son petit-doigt sur lui.

Du coin de l’œil, elle aperçut Miranda qui semblait prendre beaucoup trop de plaisir à observer leur petite chamaillerie qu’elle ne comprenait probablement même pas. Elle se passa une main dans les cheveux pour évacuer la gêne qui risquait d’affluer à nouveau. Elle avait bien vu l’échange de regard entre Della et…

- Je peux savoir vous êtes qui? Gronda soudain Burnett en dévisageant férocement Jean-François.

Ce dernier plissa des paupières et serra très légèrement des poings. L’espèce d’une seconde, car après il enfonça les mains dans ses poches et prit une attitude plutôt détendue. Il répondit d’un ton neutre :

- Je suis le père de Sarah Légaré, même si elle n’a sans doute pas le même nom de famille, ici. Et je suis aussi l’oncle de Maria.

- Son… oncle? Celui dont elle nous a… commença Holiday.

- Oui, affirma Miranda.

Les deux directeurs semblaient sur le point de poser des questions supplémentaires, mais Christine les coupa rapidement en disant :

- Ce n’est pas le moment pour les questions. Maria veut des réponses, et elle les aura avant vous. Si vous voulez bien rentrer à l’intérieur du bungalow, maintenant. Je vais pouvoir l’insonoriser.

Ils se mirent tous en marche vers le bungalow à trois mètres de là, y compris Miranda. La sorcière eut un sourire et lâcha :

- Pas toi, Miranda. Tu vas m’aider.

La jeune sorcière sembla immédiatement ravie de l’invitation et fit demi-tour, un sourire plaqué au visage.

Christine savait bien ce que c’était de ne pas pouvoir exercer aussi bien que les autres ses dons à cause de la dyslexie. Elle en souffrait encore, mais elle avait réussi à la surmonter pour devenir une sorcière d’exception. Du moins, c’est ce qu’elle croyait. Et ce que sa mère lui avait dit juste avant de mourir. Mais pourtant, aller jusqu’à ses dix-sept ans, ni sa mère, ni elle-même n’aurait cru qu’elle pourrait succéder à sa mère en tant que prêtresse de Sorcières des Bois.

Et pourtant, ce fut le cas.

Elle avait travaillé très fort pour en arriver à ce résultat, toutefois. Et ça n’avait pas toujours été facile… tout particulièrement lorsque Jean-François était aux alentours. Mais c’était proscrit. Les liaisons entre sorcière de l’Ordre et les loups-garous de la meute Lechasseur n’étaient pas possibles. Jamais. Elles, les sorcières, étaient là pour leur prêter main forte et pratiquer leur magie pour leur rendre la tâche plus facile. Et en échange… en échange eux leur fournissait une énergie magique pratiquement inépuisable tant que leur sang existait toujours.

Mais ça, Maria l’ignorait. Tout comme elle ignorait bien d’autres choses encore…

Comme par exemple le fait que Christine la suivait depuis qu’elle était toute petite. À vrai dire, elle était déjà au Texas du temps de sa jeunesse. Car la famille Lechasseur y était. Ainsi, sa propre famille avait suivi. Puis quand sa mère et toute sa famille était morte, au même rythme que les Lechasseur… elle s’était rapidement retrouvée toute seule. Jean-François n’était plus non plus. Ni Rose. Personne. Il ne restait plus que le grand-père de Maria et cette dernière. Puis Médric l’avait fait adoptée.

Christine était restée aux alentours, puis en constatant qu’il déménageait elle avait déménagé aussi. Et même si elle n’avait pas suivi tout leur déménagement des trois dernières années, elle avait toujours gardé un œil sur Maria. À distance. Car elle était connectée à elle. Par une puissance magique ancestrale.

Ce n’est pas le moment d’y penser, se morigéna-telle.

D’un mouvement de la main elle fit signe à Miranda de la suivre et elle lui expliqua ce qu’elles allaient faire et comment. La minute suivante elles se séparaient pour prendre chacune un côté du bungalow.

Elles étaient rendues à l’arrière lorsqu’elle sentit la pression de l’air changé, signifiant ainsi que Maria était de retour avec les autres. Elle s’empressa ainsi de conclure le rituel, tout en vérifiant le travail de Miranda de loin. Travail qui était tout à fait excellent. Le seul problème de sa jeune apprentie, c’était qu’elle ne se faisait pas suffisamment confiance la majorité du temps. Et ça, c’était un facteur qui jouait sur la réussite d’un sortilège.

Elle s’empressa de rejoindre Maria et s’inquiéta immédiatement de la retrouver si pâle. Pourtant, elle écarta d’un geste son cousin qui voulait l’aider à marcher et leur fit signe d’amener Kelsea à l’intérieur. Ensuite, elle se tourna vers Ethan :

- Tu crois que tu peux reprendre ta forme normale?

Il secoua ses trois têtes et Christine pinça les lèvres. Ça s’annonçait mal. Elle ignorait tout à propos des transformations de cerbère. Elle savait que sa grand-mère avait connu un loup-garou qui avait évolué de la bonne manière… Mais elle n’avait pas eu la chance de la connaître elle-même et toutes les informations à ce propos avaient disparues…

Maria afficha elle aussi une moue, mais trancha :

- On essaiera de régler… de régler ce problème après. En attendant, tu peux toujours monter la garde…

Malgré que ce ne soit pas une question, Ethan acquiesça de nouveau avec ses trois têtes et se tourna immédiatement dos à elles. La louve sembla flageoler une seconde avant de se reprendre et de se diriger vers le bungalow. Tous les autres, y compris Miranda, se trouvaient déjà à l’intérieur. Christine suivit donc sa jeune amie jusque dans ce que l’on pourrait appeler « l’antre de la meute ».

Dès que la porte se referma dans le dos de la sorcière, les bruits extérieurs s’évanouirent. Ce fait la réconforta, car cela signifiait que l’inverse était vrai aussi. Elle se permit donc de prendre une grande inspiration et à ce moment Maria lâcha, inquiète :

- Ça m’angoisse. De ne pas entendre dehors… J’ai l’impression qu’on m’a dépossédé de quelque chose.

- Je pourrai, un peu plus tard, faire en sorte que seulement l’extérieur ne puisse pas entendre l’intérieur. Mais ça demande du temps, et des herbes, proposa-t-elle.

La louve acquiesça avant d’aller s’installer sur une chaise de la cuisine en poussant un soupir. Puis, d’un signe net de la main, elle l’invita à la rejoindre. Christine s’approcha à un rythme calculé en essayant de ne pas prêter attention aux regards soupçonneux des deux directeurs. En arrivant à la table, elle prit le siège face à la louve. Presque immédiatement, Della et Lucas s’installèrent à la gauche et à la droite de leur amie ou cousine.

- Maria, avant que tu ne poses tes questions à Christine, on veut savoir où tu étais passé, trancha Burnett avant que la louve n’ait pu ouvrir la bouche.

- J’ai fait ce que j’avais à faire pour faire pencher la balance en notre faveur, Burnett, grommela Maria d’un ton éteint. Je ne pouvais pas laisser Ethan à Maïa, tant d’un point de vue personnel que de notre puissance de frappe. Nous ne faisons pas le poids. Pas même maintenant qu’Ethan est avec nous… À moins que tous les élèves de Shadow Falls se battent, et encore ce n’est pas sûr, nous n’avons que l’ombre d’une chance de l’emporter.

Elle prit une pause dans son discours et Christine, lisant les signes sur le visage de Maria, comprit à quel point cette dernière avait envie de dormir. La fatigue rendait son regard normalement d’un gris acier, d’un gris orageux, voire brumeux. La louve continua rapidement :

- C’est pourquoi que dès que j’aurai obtenu mes réponses de la part de Christine, je vais chercher un plan pour lui retirer la Hère et Sarah de ses griffes. Une fois cela fait, nous aurons une chance. Une vraie chance. Mais elle est… elle est vraiment forte.

- Vous ne vous battrez pas, lâcha Holiday. Je ne le permettrai pas. C’est une école ici, pas une arène... Ni un champ de guerre.

- Tu préfères que tout le monde ici meure? Rétorqua Maria d’un ton inquisiteur.

La directrice serra davantage la petite Hannah dans ses bras et souffla, de la douleur dans la voix :

- Je veux que personne ne meure, Maria. Pas encore. Aucun de vous.

- Holiday, je suis prête à mourir. Si ça peut permettre de tous vous sauver, c’est un sacrifice que je suis prête à faire. Un risque que je suis prête à prendre. C’est ma tâche, ma responsabilité.

- Tu es déjà morte une fois, Maria, c’est suffisant! S’exclama la fée d’un ton où semblait vouloir pointer des larmes.

Le visage de Maria se durcit, mais elle n’ajouta rien. Christine savait pour quoi. Elle avait peur. Non pas pour elle, mais pour ses amis, ainsi que les directeurs et les autres résidents. Elle se sentait coupable, car elle les mettait en danger. Et elle ne savait pas comment faire pour mener ce combat seule. Même si c’était la dernière chose qu’elle devait faire, car son ennemi était trop grand pour elle.

Christine comprit brusquement pourquoi Maria tenait tant à retirer un à un les sujets de la Dame aux Glaïeuls. C’était pour l’affronter seule. Avec Kelsea. Et ainsi protéger tous les autres.

- Tu ne feras pas ça, Maria! Gronda la sorcière d’un ton dur. Tu ne peux pas te permettre de te séparer de ta meute! Si elle ne s’attaque qu’à toi, tu n’as aucune chance, Maria. Chacun de tes prédécesseurs le sav…

- Répond à mes questions, Christine, c’est tout ce que je te demande, la coupa Maria d’un ton extrêmement dur. Je n’ai… je n’ai pas besoin que tu me dises ce que je peux et ne peux pas faire. Et puis… Je n’ai rien décidé.

La sorcière poussa un soupir, mais elle constata que plusieurs regards froids s’étaient tournés vers Maria. Apparemment, la possibilité que Maria veuille tous les doubler ne les enchantait pas. Du tout. Elle n’y porta toutefois pas attention pour pouvoir répondre à la louve.

- Par quoi veux-tu que je commence? Et que veux-tu savoir exactement?

- Commence par ton lien avec ma mère et mes oncles. Puis peut-être par m’expliquer ce qu’est l’Ordre des Sorcières machins… Puis que veut faire Maïa, exactement?

Christine poussa un long soupir, mais trancha :

- Je vais commencer par l’Ordre, car le reste va suivre de manière logique.

- Comme tu veux, lâcha Maria en se massant les tempes.

La sorcière afficha un air légèrement inquiet. Maria se surmenait beaucoup trop. Ou du moins aujourd’hui. Mais si elle voulait que la louve aille dormir, il lui fallait avant tout lui offrir des réponses. Elle croisa le regard de Jean-François et sentit à nouveau son cœur se serrer, comme bien longtemps auparavant… lorsqu’elle avait dû le voir partir. Au moment précis où elle devenait la nouvelle prêtresse de l’Ordre. Elle se secoua mentalement la tête et commença son récit.

L’histoire de l’Ordre remontait à bien des générations, plusieurs siècles en fait. Dès que les Lechasseur avait rejoint le nouveau continent et avait pris racine, puis changé d’appartenance. Il n’était plus Français à l’époque. Ils étaient autre chose qui n’était pas encore tout à fait déterminé à l’époque. Les Lechasseur étaient la famille de loups-garous la plus puissante de la Nouvelle-France, respecté par tous leurs pairs surnaturels, les vampires étant moins nombreux parmi la population.

Peu à peu, les surnaturels du coin commencèrent à constater qu’ils n’étaient pas les seules espèces existantes. Et que les seuls parmi eux à arriver à quelque chose contre ces créatures étaient les loups-garous. Ils ne savaient ni comment c’était possible ni pourquoi. Toujours est-il que, rapidement, ils se tournèrent tous vers les Lechasseur pour de la protection. Ceux-ci rencontrèrent dans le silence une très grande famille de sorcière de l’époque. La sienne. À ce moment, elle était un peu désorganisée, mais en formant un pacte avec les Lechasseur, leur renommée s’intensifia.

Ils effectuèrent alors une cérémonie à l’époque de l’année où la lune était la plus grosse. Cette cérémonie eut un effet imprévu, car si à la base cela devait permettre aux Lechasseur de toujours pouvoir repérer les menaces, la puissance du sort fut décuplé. Ainsi à la fin de cette nuit survint deux choses. Les Lechasseur obtinrent une force, une rapidité et des réflexes encore plus hors normes que ce qu’ils avaient déjà. Et… une créature nouvelle fit son apparition. La Chimère. Le chef des Lechasseur de l’époque dut donner tout ce qu’il avait pour la vaincre et aussi étrange que cela pouvait paraître pour les surnaturels de l’époque celle-ci se rangea à leur côté. Et leur expliqua d’où elle provenait et pourquoi il avait été nécessaire de faire ceci. Au même moment, la cheffe du clan des sorcières vit apparaître une pierre étrange dans sa main. Elle l’offrit rapidement à la Chimère qui, à son tour, la donna au chef des Lechasseur. Elle lui expliqua ainsi que cette pierre était reliée à elle et que jusqu’à l’extinction de leur famille, elle s’ouvrirait au contact de l’Héritier qui devrait à son tour la vaincre.

À partir de ce moment, la coopération entre les sorcières et les loups-garous, du moins ces deux clans en particulier, devint encore plus puissante. Et d’une génération à l’autre ils observèrent la puissance de leurs progénitures augmenter jusqu’à ce qu’elle atteigne sa limite en 1760. La même époque où la Nouvelle-France a été cédé aux forces britanniques. Il faut savoir une chose, toutefois. Aucune créature surnaturelle anglophone n’a réussi à dominer les Lechasseur. Avec la Chimère à leur côté ils étaient pratiquement invincible. Par ailleurs, c’est à cette époque que le premier Lechasseur a pu voir son évolution en Cerbère. Du moins sur le continent américain. Enfin, toujours était-il qu’avec la Chimère et un Cerbère, les forces surnaturelles anglaises n’avaient aucune chance.

Re: Nouveau départ [Nés à Minuit]

Publié : jeu. 07 juin, 2018 4:51 am
par Mimie99
Christine s’interrompit dans son écrit dut à un reniflement dédaigneux de la part de Della. La sorcière haussa un sourcil dans sa direction et remarqua que Maria en faisait autant. La vampire finit par capituler, mais son regard disait clairement qu’elle n’en avait pas fini avec ça. Christine n’en fit aucun cas et reprit rapidement son histoire.

À l’époque, donc, les surnaturels se combattaient aussi entre eux. Français contre Anglais, une rancune certes moins ancienne que celle des loups-garous et des vampires ou que celle des sorcières et des faes, mais tout aussi tenace. Cet échec empêcha néanmoins les autres créatures surnaturelles de venir s’installer sur nos terres. Ce qui permit à la population surnaturelle canadienne-française de prospérer de son côté. Mais cela les coupa aussi des autres et ils diminuèrent lentement en nombre, jusqu’à ce qu’il ne reste plus que les Lechasseur comme représentants loups-garous.

Le dernier Cerbère évolué répertorié est en 1880 et ce n’était pas dû à un comportement exemplaire. C’est lors de la première réelle apparition de la Dame aux Glaïeuls. Elle avait eu quelques prises de bec avec des membres de la famille auparavant, bien sûr, mais jamais rien de réellement personnelle. Elle ne s’était jamais fait renvoyer d’où elle venait auparavant. Sauf que ce fut le cas en 1885 exactement. Puis, cinquante ans plus tard, plus ou moins… elle refit surface. 1935. Les Lechasseur de l’époque ont réussi à l’éliminer en 1939.

Selon ce que l’on peut en juger, elle a dû refaire son grand retour en 1989. Sauf que les derniers Lechasseur n’étaient plus au Québec. Et la Chimère s’était fait tuer lorsqu’une meute de Chiens des Enfers avait été appelée par… Enfin, bref, La Chimère attendait son prochain Héritier. Mais la Pierre n’apparaît qu’au Québec. Jamais ailleurs. Ainsi, pendant longtemps elle a sommeillé. Et comme c’était le pouvoir de la Chimère qui attirait surtout les créatures… la Dame aux Glaïeuls n’arrivaient pas à les retrouver.

- Mais ce n’est pas ce que tu me demandes, trancha-t-elle, soudain. Mais j’en avais besoin pour te dire qui exactement, ou plutôt ce que c’est, l’Ordre des Sorcières des Bois.

- D’accord… Continue, l’encouragea Maria, ce à quoi elle hocha la tête.

L’Ordre des Sorcières des Bois était l’ordre de sorcières et de sorciers rattachés à la meute des Lechasseur. Ils avaient pris ce titre de par leur lien avec des loups-garous. Dans les temps les plus forts de leur alliance, les sorcières et sorciers de cet Ordre se voyait attribué chacun un des loups-garous de l’équipe et ils faisaient ainsi équipe, allant souvent patrouiller les bois pour s’assurer qu’aucune créature non-désirée ne se trouvait aux alentours des villages.

L’Ordre avait un grand pouvoir et grâce à ceci, ils étaient un peu hors du contrôle de la grande Wicca. Il fut déclaré par cette dernière, en 1830 qu’ils n’étaient plus sous son autorité. À partir de ce moment, les sorcières et sorciers de l’Ordre se retrouvèrent à maîtriser de nombreux pouvoirs supplémentaires et à expérimenter des choses. Notamment quelques rituels entourant les Lechasseur.

C’était plus qu’une alliance pour eux, ils ne pouvaient pas réellement vivre les uns sans les autres. Les sorciers et sorcières perdraient une bonne majorité de leurs pouvoirs sans les Lechasseur et ces derniers ne pourraient plus effectuer certains rituels nécessaires à leur héritage. Ou à leur protection. Ainsi, où allait les Lechasseur, l’Ordre les suivait.

Il y avait toutefois une règle parmi eux. Les loups et les sorcières ne devaient pas se mélanger. C’était proscrit. Quiconque outrepassait cette loi était banni. Rarement exécuté, car ils avaient tous une profond sens de la famille et ils leur coûtaient de verser le sang des leurs.

Les membres de l’Ordre n’avaient pas besoin d’être tous de la famille des premiers sorciers. Un rituel les intégrait dans l’Ordre et voilà. C’était pratiquement la même chose pour les loups-garous, seulement ils conservaient leurs propres noms de famille et ne pouvaient jamais devenir un Héritier. Il fallait absolument du sang Lechasseur pour cela.

- Donc, en gros, Maria. L’Ordre des Sorcières des Bois sont un peu les gardiens des savoirs de ta famille. Et aussi ceux et celles qui permettaient à tes ancêtres d’accomplir d’encore plus grandes choses. Bien entendu, nous avions aussi besoin de ta famille pour prospérer. C’est la raison pour laquelle nous avons suivi tes grands-parents vers le Texas, ma famille et moi. Enfin, mes parents. Car je n’étais pas encore née. Nous étions aussi trois enfants. J’ai été affecté à Rose, tandis que mes deux frères… concluait-elle lorsqu’elle se vit interrompu.

- Ses deux frères ont été répartis entre mon frère et moi. Mais celui qui était avec moi, et était devenu mon meilleur ami… il a été tué dans une ruelle par un vampire renégat en rentrant chez lui après le travail, continua Jean-François. Et celui qui s’occupait de mon frère… Il a attrapé une maladie magique incurable.

- Tout comme mes deux parents. Mais ceci s’est produit lorsque j’avais ton âge, Maria. Dix-sept ans. Ils sont tous morts. Mes frères aînés… Mes parents… Dix-sept ans, et seule. Ton grand-père m’a donc recueilli chez lui. Heureusement je connaissais tout ce qu’il y avait à savoir sur nos dons et je possédais aussi le grimoire de ma famille. Dans lequel j’ai puisé toutes les connaissances nécessaires, poursuivit Christine en se massant la nuque. Je m’entendais très bien avec Rose, ta mère. Sache-le. Elle était ma meilleure amie. Tout comme ton père et ses…

- Ce n’était pas exactement la même chose pour moi… ni mon frère, d’ailleurs. Même si lui n’a jamais pu…

- JF, tais-toi! grommela-t-elle et elle remarqua un sourire fugace passer sur le visage de l’impassible Burnett, comme si la dispute qu’elle avait avec Jean-François lui rappelait quelqu’un d’autre.

L’intéressé affichait un grand sourire qui s’atténua toutefois quand il poursuivit :

- Trois ans plus tard, je m’en allais. Mais j’ai demandé un dernier service à Christine ici présente. Celui d’avoir l’air plus vieux que mon âge, de vieillir plus vite. Ce que j’ignorais, c’était qu’elle utiliserait le même subterfuge…

- Je l’ai fait pour une autre raison, Jean-François, grinça-t-elle. Je devais changer d’apparence. Je ne pouvais plus… Je ne pouvais plus voir mon visage. Et on ne devait pas me reconnaître. Même si, pour le coup, Matthew a réussi à percer mon secret.

Christine s’en voulait d’avoir menti aussi longtemps sur son apparence. Puisqu’en réalité, elle était beaucoup plus jeune. Et elle avait en fait menti sur autre chose aussi. Mais c’était encore tellement douloureux lorsqu’elle y pensait. Beaucoup trop… Mais comment annoncer ça à Maria? Enfin, elle devrait commencer par révéler sa véritable apparence… N’est-ce pas? Elle prit une grande inspiration et retira le sortilège vieux de déjà quatorze ans. Elle en fit de même pour Jean-François, malgré que son sortilège à lui était bien plus âgé.

Rapidement elle perdit ses longs cheveux brun-roux qui revinrent instantanément blond-vénitien tandis que ses yeux n’étaient plus verts, mais bleu. Sa peau perdit aussi quelques rides et elle se retrouva comme elle l’était autrefois. De son côté, Jean-François avait simplement l’air plus jeune de quelques années, car ses caractéristiques physiques n’avaient pas été changé.

- Et tu disais que tu ne m’avais pas menti? Grommela Maria.

- J’ai mes raisons, Maria, soupira-t-elle en se massant les tempes.

Comment lui annoncer ça? Comment leur annoncer ça à tous les deux? Les autres, elle s’en moquait, car leur histoire ne leur importait pas. Enfin, sauf peut-être Lucas, mais il était plus rattaché à Matthew et Maria, qu’à la famille maternelle de cette dernière. Jean-François risquait de ne pas lui pardonner ce qu’elle avait fait.

- Et ce n’est pas important, maintenant tu sais pourquoi je connaissais ta famille et aussi ce qu’est l’Ordre. Mais j’ai des choses autrement plus importantes à te dire, ajouta-t-elle.

- Ce que Maïa me veut, à part de prendre sa revanche, évidemment, poursuivit Maria en hochant la tête.

- Ça va peut-être te sembler sec, mais… il n’y a pas cinquante-six façons différentes de te le dire…

- Crache le morceau, l’invita la louve en semblant retenir un bâillement.

- Elle veut te sacrifier, ou t’assassiner si tu aimes mieux, lors d’une Pleine Lune pour pouvoir récolter ta puissance et la faire sienne. Ce faisant, elle sera encore plus puissante que maintenant. Et pourra se nourrir de l’énergie de toute sorte d’eau au lieu de sa seule source actuelle qui est le fleuve. Si vous étiez au Québec, près du fleuve, elle serait encore plus puissante. Mais toi aussi. Car le Québec est ta source de puissance. Tous tes ancêtres y sont enterrés et leurs os nourrissent notre terre… et quand tu es en contact avec cette dernière, tu es plus forte… même son air nourrit tes forces… dit-elle rapidement.

Maria était figée. Et Christine ignorait si c’était un bon signe ou non, mais cette immobilité soudaine et totale l’inquiétait. Elle craignait que cela signifiait une émotion bien plus puissante et destructrice.

- MAIS EST-CE QU’ON PEUT ME DIRE CE QUE J’AI FAIT POUR MÉRITER DES COMBATS ULTIMES PENDANT LES PLEINES LUNES, BON SANG?! Hurla-t-elle avec énergie en bondissant sur ses pieds.

Comme de la rage. Oui, la rage l’avait apparemment réduite, pendant un court instant à une immobilité totale. Et maintenant, le moment de fureur passée, Christine constata que Maria semblait encore plus fatiguée qu’avant. Chose qui fut confirmé par la manière dont elle se massa le front et les tempes, puis aussi quand elle marmonna en français :

- Ok, c’est bon. Je suis trop fatiquée pour ça maintenant… On parlera stratégie demain… trop tannée…

Et sur ces mots, elle s’éloigna vers sa chambre sans sembler s’être rendu compte de la langue qu’elle avait employée. Quand la porte se referma, Della demanda :

- Elle a dit quoi?

- Seulement qu’elle était trop fatiguée et que vous parleriez stratégie demain. Elle a ensuite ajoutée qu’elle en avait marre, répondit la sorcière en regardant Katryne aller rejoindre Maria.

Christine regarda ensuite les trois autres adultes de la pièce, tout en évitant le regard de Jean-François et comprit à l’air qu’avait les directeurs qu’ils avaient bien l’intention de poser des questions et d’avoir les réponses. Elle poussa un soupir avant d’arquer un sourcil en leur direction, posant une question muette : que voulaient-ils?

*******************

Bon sang, j’avais l’impression d’avoir tous les os du corps réduit en miette. Et pourtant la nuit n’était même pas encore arrivée! Je poussai un grognement sourd en m’étendant dans mon lit. J’entendais déjà Christine parler à Holiday et Burnett, et de ce que j’en savais, les autres devaient toujours être là, car je n’avais pas entendu la porte s’ouvrir. Je décidai pourtant de ne pas me préoccuper de ce qu’il parlait, de toute manière avec toutes les révélations de Christine, j’avais déjà bien assez à réfléchir. Pourtant, malgré que mon esprit semble tourner à cent à l’heure, j’avais à peine fermé les yeux que je m’endormis.

Je me réveillai en sursaut au son d’un corps qui bouge sur le bois. Je me redressai d’un coup et regardai à côté de mon lit pour découvrir une scène tout à fait grotesque. Katryne était là, étendue au sol et semblait chercher une position confortable sur le sol dur en bois. Je fronçai les sourcils et marmonnai :

- Je peux savoir ce que tu fais?

Elle sursauta violemment et j’en déduisis qu’elle devait aussi réfléchir profondément à quelque chose pour ne pas m’avoir entendu me redresser.

- Je… Je m’assure simplement de ne pas m’endormir.

- Et pourquoi tu ne voudrais pas dormir? M’enquis-je en fronçant davantage les sourcils. Et puis, il est quelle heure?

- C’est la nuit, répondit-elle. Et je ne veux pas dormir pour être certaine que tu ne sois pas attaquée pendant ton sommeil. Je te le dois bien…

- Christine a dit qu’elle voulait me tuer à une Pleine Lune, alors je ne risque pas grand-chose d’ici là.

Je tendis l’oreille et constatai que j’entendais maintenant les sons extérieurs. Apparemment Christine avait tenu sa promesse de régler ce détail dérangeant, tant mieux! Je reportai alors mon attention sur Katryne et demandai :

- Alors?

- Ce n’est pas parce qu’elle ne veut te tuer qu’à la Pleine Lune qu’elle n’essaiera pas de t’avoir avant. Elle est folle cette chose. Et je n’ai pas l’impression que la torture n’entre pas dans ses cordes…

Elle marquait un point et cette perspective m’effrayait beaucoup plus que ça ne le devrait. Mais comme je l’avais appris longtemps auparavant, je réussis à réguler mon rythme cardiaque pour ne pas que Katryne le constate. Je lâchai toutefois :

- Tu ne me dois plus rien. Plus rien du tout. Tu m’as tout dit. En retard, mais tu m’as tout dit. N’est-ce pas?

- Oui, tu sais tout, maintenant, assura-t-elle et je lus la sincérité dans ses yeux.

- Alors, tu ne me dois plus rien. On est quitte.

- Comment ça, on est quitte? Tu ne m’as jamais rien fa… commença-t-elle, mais avec un sourire moqueur je l’interrompis en lui envoyant mon oreiller en pleine tête.

- Maintenant oui! Et bon, sans plaisanter… Je t’ai détesté longtemps pour être partie comme ça. Et juste penser que… enfin… tu… pendant que moi…

Je secouai la tête sans pouvoir continuer.

- Maria, je regrette et je ne regrette pas ma décision. Alors ne t’en veux pas. Je ne voulais pas te faire souffrir. Mais je sais que j’aurais eu de la difficulté à t’aider dans ce que tu vivais, surtout pas avec… ma maladie.

- Très bien, si tu le dis.

J’affichai toutefois un air mitigé. Je me sentais quand même mal d’avoir cru pendant tout ce temps que Katryne n’avait cherché qu’à se protéger d’un monstre plutôt que c’était plutôt… moi qu’elle essayait de protéger d’un monstre. D’un monstre qu’on ne pouvait pas vraiment combattre. Qui t’habitait sans que tu puisses rien y faire ou presque.

Un frisson me traversa de la tête aux pieds et j’étais tellement préoccupée par ce dont nous venions de « discuter » que je passai très près de ne pas entendre le son très doux d’une personne à la démarche silencieuse qui courrait vers ici. Dans un souffle, je m’enquis :

- Katryne, où est Ethan?

- Dehors, il monte toujours la garde puisqu’il n’arrive toujours pas à…

Je n’attendis pas qu’elle termine ce qu’elle disait pour bondir hors de mon lit et me ruer vers la porte d’entrée.

Je n’avais nullement l’intention de laisser quelqu’un repartir avec Ethan. Du tout.

En ouvrant la porte à la volée, Katryne et les filles sur mes talons, je tombai sur une scène étrange. Les trois têtes d’Ethan étaient tournées, crocs dégoulinants à découvert, vers Sarah. Une Sarah seule et sous forme humaine. Elle avait les deux mains levées vers le ciel et paumes ouvertes. C’était quoi, ça?! Une diversion?

Je jetai un regard alentour à la recherche de Maïa, mais aucun signe d’elle. Qu’est-ce qu’elle faisait ici, alors, le toutou protecteur à sa Majesté l’Algue Puante?

- Qu’est-ce que tu fous ici?! grondai-je, furieuse de son intrusion.

Sarah tourna son visage vers moi et je vis une lueur indéfinissable dans ses yeux aussi gris que les miens.


Voilà... C'est le chapitre. Comment l'avez-vous trouvé? :D Bizarre? Vraiment trop bizarre? Ou correct?

Un devoir
Nouveau départ

Re: Nouveau départ [Nés à Minuit]

Publié : jeu. 07 juin, 2018 7:04 pm
par DarkPhoenix
je suis super contente que tu m’aie prévenu :D :D , le chapitre est super même si à des moments ont se demande ou tu as trouvé ton inspirations :?: :lol: :lol:
Je suis super contente que Ethan est enfin retrouvé ses "vrai" esprits,même si maintenant il a d'autres problèmes.J'adore le personnages d'Ethan, il est plein de surprise :) ;)
Maria va encore avoir plein d'aventures très spéciales !!! :mrgreen:

Re: Nouveau départ [Nés à Minuit]

Publié : mer. 11 juil., 2018 4:27 am
par Mimie99
Hey! C'est un peu trop d'enthousiasme, je crois, toutefois. Car j'ai de terribles nouvelles. La première, assez navrante, c'est que ceci n'est pas un chapitre complet. Et la raison de ce chapitre coupé à la moitié, c'est que je traverse une terrible passe de blocage sur cette fanfiction-ci. :? Je n'arrive pas à me l'expliquer autrement que... c'est comme si j'étais passée à autre chose. Et j'ai un peu de difficulté présentement à m'y remettre. Je ne sais pas si c'est permanent. Je ne l'espère pas, il me reste quand même seulement deux chapitres et demi! :roll: J'écris, mais j'ai l'impression de mener à rien par moment, et ça, c'est seulement quand j'arrive à écrire quelque chose. Peut-être que je suis seulement fatiguée ou le fait que je trimballe cette fanfiction depuis déjà... quatre ans. Et mon écriture a plutôt évolué depuis. :( C'est peut-être ce qui fait que je ne suis plus autant à fond dedans. Et probablement tous mes autres projets d'écritures qui m'emballent présentement qui ne me donne pas envie de revenir avec Maria et les autres. Sauf que j'aime cette fanfic et je n'ai pas envie de l'abandonner. :cry: Mais pour le moment, je préfère dire que je prends une pause, pour ne pas créer d'attente vis-à-vis de vous. Bref, la raison pour laquelle j'offre ce demi-chapitre, c'est simplement pour vous offrir un petit quelque chose à vous mettre sous la dent avant peut-être un très long moment.Je ne l'espère pas, mais... bref. Nous verrons bien. Peut-être qu'aussi, c'est l'idée que c'est bientôt la fin de cette fanfic et que je ne veux pas la manqué qui me donne trop d'appréhension et ça bloque mon écriture? Je ne sais pas. J'espère toutefois que vous ne m'en voudrez pas trop et je me croise les doigts pour arriver à finir ce chapitre et la fanfic un de ces jours. Je suis terriblement désolée. :oops: Je vous laisse, maintenant. Bonne lecture :D


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Chapitre 13, partie 1



Sarah continua à m’observer une bonne minute, sans répondre. C’était plutôt angoissant, car j’avais l’impression qu’elle analysait chacun de mes traits. Je me mis donc à analyser les siens aussi et je ne pouvais pas le nier. Elle me ressemblait un peu, puisqu’elle ressemblait à son père qui ressemblait à ma mère puisqu’il était son frère. Mais elle ressemblait aussi à quelqu’un d’autre. Quelqu’un que je connaissais. Et j’étais absolument certaine de n’avoir jamais rencontré sa mère.

Tout en l’observant, je compris qu’elle avait peur (sans doute d’être surprise ici), mais aussi qu’elle était curieuse et furieuse. Après qui et pourquoi? Je n’en avais pas la moindre idée. Pas la moindre stupide d’idée!

- Je suis venue te voir. Off the record, comme on dit.

- D’accord, mais pourquoi? Grommelai-je.

- Parce que je devais savoir des trucs. Tu sais, certains trucs. Maïa ne sait pas que je suis ici et ne le saura pas. Elle ne sait même pas que j’ai un tant soit peu de libre-arbitre. Plus qu’Ethan lorsqu’il était avec nous, en tout cas.

Je la regardai avec les sourcils froncés. J’avais parfaitement compris le sous-entendu qu’elle entendait par certains trucs, mais je n’étais pas ravie. Disons que j’aurais préféré avoir une conversation de cette envergure avec ma cousine lorsque je l’aurais libéré de l’emprise de sa Majesté Puanteur Suprême. Mais ce n’était pas possible. Comment le serait-ce? Puisqu’elle se tenait juste là, devant moi. Je poussai un soupir, mais consentit à descendre les marches pour être sur la terre ferme.

Ethan poussa un grondement quand je vins pour passer à côté de lui et me rapprocher de Sarah. Il se mit même dans ma trajectoire, mais un regard furieux en sa direction le fit se battre en retraite la queue entre les pattes. Je soupirai à nouveau en entendant les filles venir se poster de part et d’autre de moi. Décidément, ils étaient tous surprotecteurs ce soir… Je dis ensuite d’un ton dur :

- Donc, que veux-tu savoir? Exactement. Tu sais, j’aime beaucoup la précision.

- Mon père… il m’a dit une chose. Il a dit que tu serais ma cousine.

- Et c’est la vérité. Car ton père est en fait Jean-François Lechasseur, mais il a fui les responsabilités de notre famille. Notre famille, Sarah.

- C’est faux, c’est forcément faux, rétorqua-t-elle en secouant la tête.

Elle me semblait littéralement terrifiée. Comme si ce que je disais en ce moment signait son arrêt de mort. Ce qui n’était pas l’intention, loin de là. Je pris une grande inspiration pour me donner du courage et me lançai sur un ton loin d’être compatissant, mais dur, tranchant :

- Si, c’est la vérité, Sarah. Te voiler la face ne changera rien à cette situation! Ton père l’a fait trop longtemps et tu vois où ça l’a mené? Tu crois que Maïa t’a choisi au hasard? Tu crois que c’est un hasard, si tu bénéficie de plus de libre-arbitre que tous les autres Cerbères qui ont été sous son emprise? Rien de tout ça n’est dû au hasard, Sarah! Rien. Elle t’a choisi pour foutre la vie de ton père en l’air. Pour ruiner encore un peu plus notre famille. Et pour éviter que tu deviennes celle que je suis devenue. L’Héritière. Et tu sais quoi?! Je suis prête à parier que c’est ton sang de Lechasseur qui fait en sorte que tu puisses lui résister, ne serait-ce qu’un peu!

- TAIS-TOI! hurla-t-elle et je voyais des larmes briller dans ses yeux.

- Non, je ne me la fermerai pas, Sarah! Car tu es dans le mauvais camp, là! Et qu’aucun Lechasseur ne devrait trahir les siens. C’est ça que tu veux, trahir ta famille? Trahir ton père? Poursuivis-je d’un ton toujours aussi dur, implacable. HEIN? C’EST ÇA? M’époumonai-je en la foudroyant du regard. Si c’est le cas, dis-moi en me regardant dans les yeux que tu te moques de tout ça. Que tu te moque de ta famille. De ton père, conclus-je, à voix basse, presque en un murmure inaudible pour tous sauf pour nous.

Je vis son regard s’enflammer, mais pour une raison que j’ignorais, cela ne m’angoissa pas. Sans doute était-ce relié au fait qu’en ce moment, elle ne faisait pas le poids. Pas avec Della, Katryne, Ethan, Kylie, Miranda et moi. Kelsea n’était toujours pas réveillée, donc elle n’entrait pas en ligne de compte. Mais en ce moment, même sans elle, nous pouvions facilement la terrasser.

Après quelques secondes elle cracha sur un ton venimeux :

- J’aime mon père! Tu crois que je suis là par choix, peut-être? Tu crois que j’ai décidé de me ranger du côté de Maïa? Ma famille… Ma famille était tout pour moi, Maria. Et on m’a tout pris! Je… je n’ai rien pu faire… Ma petite sœur… morte. Ma mère… morte. Puis après, il y a eu elle. Tu connais rien à ma souffrance!

- Oh, tu veux qu’on aille sur ce terrain-là, alors! M’exclamai-je, furieuse. Je n’ai jamais connu ma mère! Elle est morte en me donnant naissance! Après quoi, j’ai été adopté par des gens qui étaient adorables aux premiers abords, mais qui ont vite découvert une autre facette de leur personnalité plus… cruelle. Ils m’ont battu, tu vois? Pendant des années, mais je les aimais malgré tout. Malgré que je savais que j’avais été adopté. J’ai aussi été abandonnée par ma meilleure amie à cause de ce que j’étais, c’est super, non? Continuai-je à gronder de plus en plus furieusement. Oh, bien sûr j’ignorais la vraie raison à l’époque, mais ça l’a ajouté à la souffrance déjà présente. Puis notre grand-père est mort en voulant me protéger. Mon seul ami loup-garou de l’époque. Après quoi, j’ai vu plein de personne mourir, Sarah. Pleins. Et on m’accusait de les avoir tués. Et j’ignorais si c’était vrai. Je ne le savais même pas. Puis, j’ai débarqué ici avec un accueil pas très chaleureux au tout début. J’ai connu la trahison et la joie en un intervalle de temps si réduit que… les deux s’annulaient. J’ai dû tuer mon père, puis il est revenu à la vie. Pour mieux mourir plus tard d’une maladie incurable. Et puis, tu connais tout le reste! sifflai-je ensuite en me sentant envahir d’une rage incontrôlable. C’est fabuleux, n’est-ce pas? Susurrai-je ensuite en m’approchant à deux doigts de son visage.

Elle me semblait soudainement complètement figée. Je poussai un soupir brusque de frustration avant de tenter de me calmer. Ce n’était clairement pas le bon moment pour se transformer en loup. Non, du tout. Elle entrouvrit la bouche, mais aucun son n’en sortit, alors elle la referma aussitôt. Je reculai de quelques pas, soudainement mal à l’aise face à cette proximité.

Elle ouvrit à nouveau la bouche, mais la referma tout aussi rapidement encore une fois en secouant la tête. J’ignorais ce qui se passait dans sa tête en ce moment, mais apparemment, elle non plus. Car elle semblait en proie à une dispute interne. J’espérai d’un coup que ça n’avait rien à voir avec Maïa, sinon j’étais sans doute un peu dans la merde. Combien de temps prendrait-elle avant de comprendre ce que j’avais l’intention de faire? Sans doute pas très dès que j’aurais réussi à libérer un autre de ses acolytes. J’ignorais encore lequel ce serait entre Sarah et la Hère, mais l’un des deux suivrait Ethan. En étant libéré. Et le plus tôt serait le mieux…

Je ne lui prêtais pratiquement plus attention, lorsqu’elle toussota et avec un air profondément désolée, lâcha en mâchant bien ses mots :

- Je ne savais pas. Je suis désolée. Mais je ne peux pas. Je ne peux pas faire ce que tu voudrais que je fasse.

- Je suis certaine du contraire! M’entêtai-je.

Elle secoua de la tête à nouveau avec tristesse en regardant le sol, comme si elle y cherchait des réponses. Quand elle releva les yeux, j’y aperçus des larmes contenues qui rendaient ses yeux gris comme les miens encore plus vibrants. J’avais envie de dire quelque chose, mais je ne savais pas quoi. Comment la forcer à rester? Comment la convaincre qu’elle pouvait se libérer de l’emprise de Maïa? Elle souffla en faisant la grimace :

- Pour qu’il puisse redevenir lui-même… il doit… il doit fouiller. Plus profond. À un endroit où… où très peu d’entre nous ose s’aventurer

Elle se mordit les lèvres une seconde, me regarda une nouvelle fois dans les yeux et je compris qu’elle était sur le point de s’en aller. Au moment où je m’apprêtais à bondir pour l’arrêter, elle me fit dos et s’éloigna en lâchant une dernière chose :

- Tu n’es pas la seule à avoir été adopté, sache-le.

- Attends, quoi?! m’exclamai-je, mais elle avait déjà disparu derrière les arbres.

Je bondis en direction des arbres dans le but très clair de la ramener ici pour lui extorquer de plus amples informations, mais surtout des explications. Sauf que je fus retenu par mon chandail. Et si je me fiais au fait que mon dos était entièrement mouillé maintenant, c’était la gueule d’Ethan qui me retenait et qui pour ce faire, m’avait lâché une masse non nécessaire de bave dessus.

- Pouah! S’exclama Della. Dégoûtant! Tu ne te brosses jamais les dents, Ethan?

L’intéressé se contenta de lui gronder à la figure avec une autre de ses têtes. Ça, c’était injuste. Combien de fois avais-je rêvé de pouvoir retenir quelqu’un, mais de pouvoir continuer à grommeler après les autres? Injustice totale. Par contre, je détestais que l’on me retienne contre mon gré. Je me débattis donc assez fortement pour forcer Ethan à me relâcher. À peine le faisait-il que Miranda dit :

- Je n’ai pas l’impression qu’il existe une brosse à dent suffisamment grosse… Ni même plusieurs.

Cette réplique m’arracha un rire ainsi qu’à toutes mes compagnes de bungalow. Même Ethan lâcha un grondement amusé en se couchant au sol à mes côtés. D’ailleurs il était encore beaucoup trop grand, même couché. Penser à cela, me ramena brusquement en mémoire la conversation de la minute précédente. Qu’entendait-elle par le fait de ne pas être la seule à avoir été adopté? Et comment diable étais-je censée savoir où Ethan devait fouiller plus profond? C’était quoi ce stupide endroit que nous étions peu à s’aventurer dedans?

Les mystères, ça craint.

- Je suis la seule à me demander ce qu’elle a voulu dire par les dernières phrases? S’enquit finalement Kylie.

- Non, affirmai-je. Je me le demande aussi.

- C’est simple pourtant, dit Della. Elle a été adoptée. Reste à savoir pourquoi elle te ressemble autant si c’est le cas. Ainsi que pourquoi Jean-Machin n’en a jamais parlé. Encore.

- Jean-François, repris-je la vamp d’un ton dur.

- Même chose, grommela-t-elle. Et ça ne répond pas aux questions.

Je me pris la tête entre les mains, épuisée. Bon sang, j’avais vraiment besoin d’aller dormir. Cette joute verbale avec ma cousine n’avait pas du tout aidé à me remettre en forme. Ça m’avait plutôt mis à terre encore plus. Je me frottai vigoureusement les yeux pour tenter de les garder ouvert et soufflai :

- Très bien… Je ne crois pas qu’on puisse aller demander des précisions à mon oncle maintenant, alors penchons-nous sur la question d’Ethan. Ce qu’elle a dit à ce propos…

- Non, en parlera demain, gronda Kylie. Là, tu vas aller dormir, ordonna-t-elle avec un ton à demi-sérieux.

- Avant de nouveau avoir cette relation intime que tu affectionnes avec le sol, renchérit Della avec un grand sourire.

Je la foudroyai du regard après avoir hocher de la tête en direction. Pourtant, à mon grand malheur, la vamp avait raison. Si je restais cinq minutes de plus debout, je risquais de m’affaler par terre, à plat ventre. Comme les autres fois. Ces souvenirs n’étaient pas particulièrement agréables, d’ailleurs.

Je rentrai donc à l’intérieur du bungalow sous le regard vigilant de mes quatre colocataires, malgré qu’une le soit de manière non-officielle. Par contre, je sentis aussi les six yeux d’une personne que je connaissais trop bien me suivre du regard. Avec autant de vigilance, sinon plus que les filles. Un frisson me traversa lorsque la sensation s’évanouit en même temps que la porte se refermait.

Sans adresser un mot aux filles, je rejoins ma chambre et à peine étais-je à plat ventre sur mon lit que je m’endormais déjà.

*******************

Ethan se roula sur le dos en quête d’une position confortable. Il avait encore quelques difficultés à bien comprendre comment fonctionnait son corps. Auparavant c’était l’autre qui se chargeait de le faire fonctionner. Alors, il n’avait pas trop prêté attention. Il s’avérait toutefois qu’essayer de dormir avec un corps aussi grand et avec trois têtes, ce n’était pas une mince affaire. Un grondement s’échappa de sa gorge alors qu’il roulait sur le côté.

Il s’imaginait parfaitement l’amie vamp de Maria, enfin, Della plus précisément, râler de sa chambre en l’enjoignant de se taire. Il les connaissait bien, quand même. Mais… maintenant plus que jamais auparavant il avait l’impression d’être un intrus. Il avait causé tellement de mal. À Maria. Aux autres. Et il ne voulait même pas songer à Holiday…

Après tout le mal qu’il avait fait, comment pourrait-il même espérer qu’ils lui pardonnent d’un coup, comme si de rien était?

C’était inenvisageable et il en était bien conscient. Mais malgré toute sa bonne volonté de leur donner le temps qu’il faudrait pour se faire, ça le faisait souffrir de remarquer les petits regards que lui jetaient Kylie, Della, Miranda et même Katryne quand Maria avait le dos tourné. Ce regard qui dit que rien n’a été pardonné. Et que leur confiance en lui n’existe plus. Parfois il se dit que Maria aurait dû le tuer. Lorsqu’elle en avait eu l’occasion. Avant qu’il ne commette toutes les horreurs qu’il avait fait après avoir été transformé en Cerbère.

Il poussa un nouveau grondement tandis que sa tête de gauche roulait de côté pour percuter celle du milieu. C’était vraiment étrange tout ça. En un sens, malgré la nouveauté de la chose, la manière de bouger toutes ses têtes étaient très simple, pas plus compliqué qu’avec une seule en fait. Chose qu’il n’aurait jamais cru auparavant.

Quand cela fit une heure qu’il cherchait le sommeil en vain, il dut se rendre à l’évidence. Il n’arriverait pas à dormir. Sa tête fourmillait de beaucoup trop de pensées différentes. Notamment dû aux révélations de Sarah. Que voulait-elle dire à propos de fouiller plus profond? Et où exactement? Quel était cet endroit que l’on n’allait pas aussi profondément dedans… Certainement pas la tête. L’esprit était toujours en marche et il y puisait toujours pour quelques informations que ce soit.
Le cœur non plus, ça ne pouvait pas être ça. Si c’était par les sentiments que toutes ses choses fonctionnaient… il le saurait. Enfin, probablement. En même temps, c’était sa fureur et sa crainte qui l’avait poussé à se transformer. Mais peut-être que les deux manières de se transformer était différente? Ou bien, il y avait un lien entre sa fureur et sa métamorphose liée à la chose qui la causait. Mais qu’est-ce que ça pouvait bien être, exactement?

Il bondit sur ses pattes en sentant l’adrénaline parcourir ses veines. Il avait le pressentiment qu’il touchait à quelque chose. Il tenta de se souvenir de la raison pour laquelle il avait ressenti une telle colère qui l’avait poussé à se métamorphoser. C’était Maïa. Elle avait voulu attaqué Maria et… Oui. Le lien c’était Maria. Mais en quoi pouvait-elle jouer un rôle dans les raisons de sa métamorphose, outre le fait qu’il voulait la protéger?

Tout en y réfléchissant il se mit à faire le tour du bungalow machinalement. Cela embêterait peut-être ses occupantes qui cherchaient à dormir, mais il s’en moquait un peu. C’était un moyen efficace de s’éclaircir l’esprit et de s’assurer qu’il n’y aurait pas d’autres intrusions impromptues et non désirées.

Donc, Maria était la clé. Mais la clé à quoi? Il savait à quel point elle était importante à ses yeux. Il le savait depuis le jour où il l’avait rencontré. Bon, peut-être pas autant, mais il avait su au moment où son regard s’était posé sur elle… qu’elle allait changer sa vie à jamais. Et c’était pour cette raison que le tout premier jour… il l’avait fui. Tout en espérant qu’elle le suivrait.

Bien sûr, Maria étant ce qu’elle était, elle ne l’avait pas fait. Toutefois, il ne l’en blâmait pas, car la suite avait été bien divertissante et sans doute qu’avec un autre début ça n’aurait pas été la même chose. Toujours est-il, qu’il ne comprenait toujours pas comment Maria pourrait être liée à tout ça. En quoi l’était-elle? Et était-ce dangereux? Pour elle? Pour les autres?

Très bien, Ethan… Remonte jusqu’aux souvenirs de ta première métamorphose, se dit-il en regardant de ses trois paires d’yeux tout autour. Celle où Maria avait été incapable de le tuer. Et il ne lui en tenait pas rigueur. Il lui avait demandé l’impossible, après tout. Donc, mis à part la douleur physique… qui avait-il eu?

Il avait eu l’impression d’être mis à nu. Que l’on déchirait jusqu’au plus profond de son être, jusqu’à la partie la plus intime de lui… Celle que très peu de gens n’avait le droit de toucher. D’un coup, le lien se fit dans son esprit. Bon sang! Comment avait-il fait pour ne pas le comprendre plus tôt?! L’endroit où l’on ne fouillait que très rarement, c’était l’âme. On n’allait jamais s’y introduire ou s’amuser à y fouiller, car c’était notre être même. Notre tout fondamental. Et très peu de gens avait le droit d’y toucher. Particulièrement dans les traditions loups-garous. Pour sa part, il n’y avait qu’une personne qui y était rattachée.

Maria.

Et c’était la raison pourquoi il s’était transformé à ce moment-là. Car Maria avait une partie de son âme, tout comme il avait une partie de la sienne. Et Maïa avait essayé d’attaquer Maria, et donc une partie de son âme à lui. C’était ce qui avait mis en branle le mécanisme. Maintenant, comment faire pour redevenir lui-même? Il devait fouiller dans son âme, mais comment?

Peut-être fallait-il qu’il soit dans un état presque méditatif pour y parvenir?

Ça n’avait pourtant jamais été le cas quand l’autre était du côté de Maïa. Mais c’était souvent elle qui décidait du moment où son corps pouvait reprendre une apparence humaine ou quand il devait redevenir la bête. Donc cela pouvait-il vraiment entrer en ligne de compte?

Décidant qu’il n’avait rien à perdre, il se laissa tomber brusquement sur son arrière train, créant ainsi une petite secousse qui ébranla les arbres alentours. Dont il ne se préoccupa pas du tout, préférant fermer ses six yeux et prendre de grandes respirations à travers ses trois gueules. Et il tenta de faire le vide.

Ne pense plus à rien, se dit-il, laisse-toi envahir par ton être interne… C’est stupide… marmonna-t-il mentalement après une minute. Son être interne? Il poussa trois soupirs simultanément et réitéra l’expérience. Allez, Ethan, un petit effort. Tu peux y arriver, non?

Il s’était presque endormi lorsqu’il sentit cette espèce de sensation de flottement. Comme s’il était hors de son corps. Sauf qu’il y était toujours, il sentait encore le sol sous ses pattes, la brise dans sa fourrure… Mais il y avait quelque chose en plus… Comme une sorte de chaleur intérieure. Qui augmentait en intensité maintenant qu’il y accordait son attention.
Il s’y intéressa donc davantage, certain qu’il était sur la bonne voie. Et ce fut presque comme si un feu d’artifice éclatait au niveau de son cœur. La chaleur devint intolérable et éclata avant de se propager partout dans son corps, jusqu’au bout de son nez et de ses oreilles, tout comme jusqu’à la pointe de ses griffes.

Mais ce n’était pas une sensation désagréable.

Il avait l’impression qu’en fait, il savait enfin qui il était exactement. Il se sentait enfin maître de lui. Purement et complètement. Comme la chaleur avait terminé de se propager, il continua à se concentrer sur elle et elle augmenta encore jusqu’au moment où il sentit qu’il pouvait faire quelque chose. Et comme avec un interrupteur, il n’eut qu’à penser à redevenir humain que la transformation s’opérait, comme s’il n’avait fait qu’abaisser un levier quelconque.

La douleur fut particulièrement horrible, mais étrangement la chaleur qui l’habitait semblait le tenir éloigné de cette dernière, en quelque sorte. Chose qui n’était jamais arrivé lors des précédentes transformations. Elles avaient toujours été horriblement douloureuses, même si à l’époque l’autre s’en moquait. Sauf que ça n’avait jamais été le cas pour Ethan. Et à la fin, c’était donc lui qui souffrait tandis que l’autre s’en réjouissait. Énormément.

Une fois à nouveau humain, il tomba à plat ventre sur le sol et l’herbe humide contre sa peau le fit frissonner. Une minute… L’herbe humide contre sa peau? Il se redressa à bout de bras et retint un juron en voyant qu’il était complètement dévêtu. Bon sang, il ne manquait plus que ça… Mais il aurait dû sans douter, ses vêtements n’auraient jamais pu survivre à la transformation et contrairement au métamorphe, ses vêtements tombaient quand il devenait un loup normal. Or, le cerbère était beaucoup trop gros pour ses vêtements.

Il poussa un soupir et regarda tout autour de lui pour s’assurer qu’il n’y avait vraiment personne dans les environs. Ce qui ne semblait pas être le cas. À moins, bien sûr, qu’il y ait un caméléon caché dans les environs, exceptés Kylie. Cette dernière n’était pas sortie du bungalow, car il aurait au moins entendu la porte s’ouvrir et se refermer. À moins d’avoir été particulièrement distrait… Ce qui, à la réflexion, avait été le cas pendant qu’il redevenait humain.

Un nouveau soupir lui échappa, mais il prit quand même la décision de se relever. Il n’avait pas trop le choix, car rester là immobile ne l’aiderait pas. Et même s’il s’était plutôt habitué à la nudité par obligation, il n’était pas plus à l’aise que ça à l’idée d’être vue complètement nu par l’intégralité des occupants de Shadow Falls. Rien que d’y penser et une légère chaleur imprégna ses joues.

Une fois debout, il continua à analyser tout ce qu’il sentait, voyait et entendait tout en se mettant en marche vers l’entrée du bungalow de Maria. Il ne lui emprunterait pas de vêtements, car… il ne tenait pas à être vu en tenu d’Adam devant Katryne. Et il n’était pas certain que Maria serait d’accord non plus qu’il exhibe son corps comme ça. Elle le détestait peut-être, mais comme la majorité des loups, lui compris, elle était possessive.

Donc, il ne ferait qu’entrer à l’intérieur, se glisser aussi silencieusement que possible dans la salle de bain et emprunterait une serviette. Ce qui devrait pouvoir faire l’affaire le temps de se rendre à son bungalow pour y ramasser ses vêtements. Et se changer complètement.

Il tourna la poignée de la porte le plus silencieusement que possible, puis ouvrit la porte à une vitesse calculée et particulièrement lente. Dès qu’il la referma dans son dos avec la même précaution, le bruit profond des respirations de toutes les filles présentes le réconforta et à pas de loup il se rendit jusqu’à la salle de bain.

Il ouvrait tout juste la porte lorsqu’une voix dans son dos lui fit l’effet d’un seau d’eau froide sur la tête (et il s’y connaissait plutôt bien maintenant pour en avoir reçu trois en même temps…) :

- Je peux savoir ce que… Pouah! Ethan! Tu veux que je devienne aveugle ou quoi? C’est quoi cette idée de te promener à poil?

Merde… Della. Il se fit la réflexion qu’en l’occurrence c’était bien qu’il soit dos à elle, car… enfin. Peu importe. Il prit soin de ne pas se retourner pour lui répondre et même d’entrer un peu dans la salle de bain.

- Ce n’était pas l’intention, assura-t-il. Je croyais que tu dormais…

- Et te laisser sans surveillance? Gronda-t-elle. Jamais!

Il poussa un soupir, mais s’engouffra dans la salle de bain et referma la porte suffisamment pour que sa nudité soit à l’abri des yeux de Della. Il risqua un coup d’œil dans sa direction et la découvrit face à lui, au niveau de la porte de sa chambre, avec la main qui cachait partiellement ses yeux.

- Tu ne pourrais pas enfiler quelque chose? S’enquit-elle sur un ton ennuyé en retirant la main de devant ses yeux.

- C’est ce que je…

- Mais attends une seconde! Comment ça se fait que tu sois… toi? Humain, je veux dire.

- J’ai réussi à comprendre ce que Sarah voulait dire, marmonna-t-il en se détournant de la porte pour fouiller dans les armoires.

Il trouva rapidement une serviette qu’il s’enroula autour de la taille et au moment où il ouvrait à nouveau la porte, Della le questionna en arquant un sourcil :

- Et c’était quoi?

- Long à expliquer. Tu le sauras lorsque je… lorsque je ferai mon rapport à… à Maria, souffla-t-il sans pouvoir s’empêcher de frissonner et de dire le nom de celle qu’il aimait avec un mélange de douleur et de douceur.

Il se fit la réflexion que ce ne serait pas aisé de dire tout cela à Maria. De ramener cette question d’âme sur le tapis. D’un, car cela l’impliquait lui. Mais aussi, car justement, ça l’impliquait lui. Avec elle. Et aucun des membres de la meute présentement ne l’acceptait. Aucun. Pas même Lucas. Surtout pas Lucas, en fait. Il se souvenait encore de tous les coups qu’il avait reçus provenant de la majorité des personnes qu’il considérait pourtant comme des amis un mois plus tôt… Environ.

- Tu vas rester comme ça? S’étonna la vamp en le jaugeant d’un regard critique.

- Non, j’ai l’intention de retourner à mon bungalow me changer et revenir ici après.

- Tu n’iras pas seul, gronda-t-elle.

- Je n’ai pas besoin de gardienne, grogna-t-il à son encontre.

- Si tu veux mon avis, c’est une question d’opinion, lui dit-elle d’un ton tranchant et il sentit une main glacée se refermer sur son cœur, car il avait parfaitement compris l’allusion.

- Très bien, tu peux me surveiller si ça te chante… soupira-t-il d’un ton résigné.

Il prit alors la direction de la sortie et Della le suivit pas à pas. Une fois à l’extérieur il augmenta la cadence et elle n’éprouva aucune difficulté à la tenir. Même qu’elle l’obligea à augmenter, comme si elle avait hâte d’en avoir fini. Sans doute était-ce lié au fait qu’elle n’avait aucune envie d’être en sa compagnie. Il n’avait peut-être jamais été très proche de la vamp, mais ce rejet lui faisait quand même mal. Mais il savait que c’était mérité, donc il acceptait la douleur sans broncher. Quel autre choix avait-il, de toute manière?

******************

Della avait plus que hâte d’en avoir fini. Elle n’avait guère envie de passer une partie de sa nuit à suivre un Ethan à poil avec seulement une serviette autour de la taille. Et puis, d’ailleurs, elle n’avait pas envie d’être en la compagnie d’Ethan du tout, en fait. C’est vrai, quoi! Il s’était comporté comme un enfoiré de première avec Maria et la vamp était très, très dur d’oreille. Et plutôt rancunière. Surtout lorsqu’il était question d’une personne qu’elle considérait comme une amie et que l’amie en question avait souffert à cause d’un abruti. Et l’abruti du moment, c’était Ethan. Pourquoi devait-elle toujours se retrouver embarquée dans les histoires d’amour de ses copines? Non, mais! Kylie, puis Miranda et enfin Jenny… Il y avait de quoi devenir folle, assurément!

Elle poussa un grondement dépité en voyant qu’Ethan ne semblait pas prêt à vouloir augmenter davantage la cadence. Sauf qu’elle comprit rapidement pourquoi en voyant qu’il tenait beaucoup plus fermement que nécessaire la serviette qu’il avait autour de la taille. D’accord, c’était un bon point pour lui. Della ne tenait pas plus que ça, elle non plus, à ce qu’il perde la seule chose qui l’empêchait d’être complètement nu. Nan, vraiment, elle pouvait passer. Pas qu’Ethan était laid ou quoi que ce soit, mais elle n’avait jamais été intéressé par les loups-garous, trop mauvais caractère. Et bon, par principe aussi. Sans compter qu’elle savait très bien à quel point Maria l’aimait encore. Ce qui l’énervait royalement puisque pour le moment ce fait rendait Maria instable. Beaucoup trop.

Alors qu’ils approchaient du bungalow du loup-garou, elle remarqua qu’il se tendait davantage à chaque pas supplémentaire. Elle fronça les sourcils en l’observant et huma l’air doucement sans sembler vraiment chercher quelque chose. Elle tendit aussi l’oreille, mais ne capta rien du tout. Sauf qu’elle comprit rapidement pourquoi il était si tendu. Lucas. Oh, bon sang… Pas encore, se dit-elle intérieurement tout en se donnant une gifle mentale pour tenter de conserver ses esprits un peu plus longtemps et ne pas céder à ses instincts plus… sauvages et légèrement méchant.

Le loup-garou aux cheveux noirs se tenait assis calmement sur le perron devant le bungalow d’Ethan et il balançait distraitement les jambes. Si cette attitude nonchalante aurait pu berner n’importe qui d’autre en ne se fiant qu’à ces petits détails, ce n’était pas le cas pour Della, ni pour Ethan apparemment. Enfin, seul un idiot n’aurait pas remarqué l’air meurtrier qu’avait présentement Lucas dans les yeux. Il ne les quitta pas du regard ni ne prononça un mot (ni eux d’ailleurs) jusqu’au moment où ils arrivèrent à moins d’un mètre de lui. Là, il bondit sur ses pieds et en s’approchant dangereusement d’Ethan, il gronda d’un ton sourd :

- Qu’est-ce que tu fais ici?

- C’est mon bungalow, fit remarquer platement l’autre loup-garou en évitant soigneusement de regarder Lucas dans les yeux.

Toutefois, si la vamp se fiait à la tension dans la mâchoire d’Ethan, ce n’était pas par manque d’envie ou par crainte de le défier. Non, il semblait encore… honteux. Comme s’il était décidé à subir tout ce qu’il fallait en échange d’une rédemption quelconque. Ou simplement parce qu’il se savait coupable. Sans trop savoir pourquoi, cela calma légèrement la colère de Della. Elle se sentit même légèrement mal à l’aise. Sans comprendre, car elle voulait qu’il souffre. N’est-ce pas?

- Tu as compris ce que je voulais dire, grommela Lucas.

- J’ai réussi à changer. Et je veux des vêtements. Tu as quelque chose contre ça? Marmonna Ethan en crispant les poings. Toi, tu fais quoi ici?

- Je te surveillais. Sous le vent. Je n’allais décemment pas laisser ma cousine avec une bête à trois têtes à proximité sans surveiller.

- Tu ne me faisais pas confiance? Gronda-t-elle.

- Je préfère être prudent, rétorqua-t-il ce qui n’était pas une réponse en soi et elle le savait très bien.

Elle le foudroya du regard, mais se résolut à détourner les yeux et les posa sur Ethan avant de lâcher d’un ton contrarié :

- Va donc te chercher des vêtements! Après on va pouvoir te ramener à mon bungalow. Et vous laissez tranquillement régler vos comptes et aller dormir…

Les deux loups-garous la foudroyèrent du regard, mais elle les soutint sans sourciller. Elle avait combattu bien pire que… Enfin, des loups-garous normaux, en fait. Ethan ne l’étant plus, ce n’était peut-être pas très judicieux de le contrarier… Sauf que quand elle y réfléchissait, elle s’en moquait. Ethan devait apprendre à se maîtriser s’il voulait un jour obtenir le pardon de Maria et par après le leur. Della n’était pas certaine de le faire un jour, mais ils verraient bien. Si Maria décidait de rester avec lui malgré tout, elle n’aurait pas trop le choix que de se faire à l’idée.

Ethan poussa finalement un soupir et bouscula Lucas pour pouvoir se rendre à son bungalow. Bon sang qu’ils étaient incroyablement idiot! Ils se cherchaient des pouls depuis… bon, d’accord, elle n’était pas en droit de juger. Mais il y avait quelque chose qui l’agaçait avec la surprotection don Lucas prodiguait Maria. Quelque chose pour elle n’était pas très claire dans tout ça. Alors, une fois qu’Ethan eut disparu derrière la porte de son bungalow, elle demanda :

- Pourquoi la surprotèges-tu autant?

Elle se doutait bien que l’autre loup-garou entendrait sans doute tout de la conversation, mais elle s’en moquait bien. Elle avait besoin de savoir et peut-être d’arriver à mettre tout cela au clair. D’autant plus que ça l’agaçait. Prodigieusement. Pour une raison qu’elle n’arrivait pas à mettre le doigt dessus.

- Tu parles de Maria? S’enquit-il avec un sérieux presque bouleversant.

- Oui.

- Parce que…

- Ne mens surtout pas, lui rappela-t-elle en tapotant son oreille droite qu’elle pencha en sa direction.

- Parce que je ne peux pas la perdre. C’est l’une des seules personnes de ma famille à avoir la tête sur les épaules et à ne pas être complètement dingue.

- Hum? Et encore?

- Qu’est-ce que tu veux que je dise d’autre? Grommela-t-il.

- Tu n’es pas vraiment en mesure de critiquer les actions d’Ethan, si je peux me permettre. Puisque tu n’étais pas mieux que lui.

Les mots étaient sortis de sa bouche, comme ça, sans prévenir. Elle s’apprêtait à lui dire d’oublier ce qu’elle venait de dire, sauf qu’en y réfléchissant… c’était la vérité. Et c’était précisément ce qui l’énervait avec son comportement. Et apparemment, cette remarque énervait le loup-garou en face d’elle, car il lui grogna littéralement au visage avant de gronder férocement :

- Retire ça tout de suite!

- Non, je ne le ferai pas, susurra-t-elle avec un sourire narquois. Parce que c’est la vérité, Lucas, ajouta-t-elle d’un ton dur.

Froid. Implacable.

Il la foudroya de son regard de glace, mais elle le soutint encore une fois sans sourciller. Qu'il tente de la tuer des yeux autant de fois qu’il le voudra, ça ne voudra pas dire pour autant qu’elle avait tort. Elle le savait. Et bientôt, lui aussi le saurait. D’ici là, elle espérait simplement qu’il ne pèterait pas un câble. Les loups-garous pouvaient être particulièrement susceptibles, parfois. Bien sûr, elle se garderait bien de le lui dire ou de le dire à Maria. Enfin… pour tout de suite. Elle verrait bien pour plus tard.

- C’est faux, rétorqua-t-il et il croisa les bras en serrant les poings, ce qui fit craquer ses jointures.

Elle haussa un sourcil en sa direction et lâcha :

- Oh, vraiment? Alors on va jouer à un petit jeu. Je vais te dire quelque chose et tu me diras si c’est la vérité ou non, d’accord?

- Je n’ai pas envie de jouer à un jeu, Della, gronda-t-il.

- Je t’assure que moi non plus, dit-elle en croisant les bras à son tour. Mais il faut que ça sorte de ta bouche.

Depuis quand se mettait-elle à arranger les problèmes des autres? Bon sang, était-elle en train de devenir comme Kylie? Faites que non! Elle adorait son amie, mais… non! Elle ne voulait pas être comme elle. Oui, les pouvoirs de la caméléon était très cool, même plus que ça, mais… Nan. Jouer à Mère Térésa, ce n’était pas son truc. Du tout. Elle préférait laisser tout ça à Kylie… Et pourtant, qu’est-ce qu’elle faisait en ce moment? Elle tentait de régler un truc! Toutefois, d’un autre côté… elle le faisait aussi pour elle, car elle en avait marre de voir Lucas, Derek, Perry et tous les autres traiter Ethan ainsi alors qu’ils… avaient été quelqu’un d’autre, eux aussi. Et qu’ils avaient tous été de vrais salauds et de vraies… humm… Et malgré qu’elle ne veuille pas l’admettre, la semaine où elle avait été seule avec les autres… avait été horrible et elle en souffrait encore. Un peu, juste un peu. Mais c’était déjà trop.

- Alors, vas-y. Lance-toi! la provoqua-t-il avec un regard bleu toujours aussi furieux.

- Tu as menti à Maria volontairement, vrai ou pas.

- Vrai, marmonna-t-il.

- Ça l’a fait souffrir…

- Oui, souffla-t-il d’un ton plus souffrant.

Elle plissa des paupières et ajouta :

- Tu étais parfaitement maître de toi à l’époque…

Il hocha de la tête et elle aperçut une étincelle de douleur traverser ses yeux. Sauf qu’elle s’en moquait. Il fallait bien lui faire comprendre que son comportement, elle ne l’acceptait pas. Et Maria non plus ne l’accepterait pas longtemps. Si quelqu’un pouvait s’en prendre à Ethan, c’était elle. Et seulement elle. Della n’approuvait pas totalement sa propre idée, car cela l’excluait aussi du tableau. Toutefois, c’était la vérité. Sauf qu’après Maria, si quelqu’un avait le droit d’être en colère, c’était bien la vamp.

Ils avaient tous été contre elle. Tous. Elle était seule. Avec les autres vampires. Sauf que ce n’était pas pareil. Pas depuis qu’elle avait tous les autres. Pas depuis qu’elle avait appris à se fier à eux tous. Elle avait dû insister tellement longtemps avant qu’ils n’acceptent de faire le déplacement pour accueillir Maria. Lucas avait été plus réceptif, pendant quelques instants. Sauf qu’au bout du compte, elle avait presque dû les traîner là de force. Elle ne l’avait jamais dit à son amie louve-garou, car ça ne l’aurait pas aidé. Du tout. Elle le savait bien. Mais c’était un fardeau qu’elle avait sur les épaules depuis bien trop longtemps. Heureusement, elle les avait à moitié retrouvés lorsque la louve avait fait son apparition. Mais elle avait le pardon difficile. Et même si elle avait confiance qu’ils n’étaient pas eux-mêmes… ça faisait mal quand même. Et elle en venait parfois à se demander s’ils s’étaient battus. Battus pour reprendre le contrôle.

- Oui, grommela Lucas en serrant les mâchoires.

- Bien, maintenant… Te souviens-tu de toutes les choses horribles que tu as dites à Kylie pendant la semaine où Maria était au Québec?

- Que… quoi?

- Répond.

- Je… Non… Enfin… je… Peut-être…

La mémoire semblait lentement lui revenir et il semblait en être complètement atterré. Et effrayé. Elle décida d’enfoncer le clou un peu plus et ajouta sur un ton de velours :

- Te souviens-tu de ce que Kylie t’a dit?

En le voyant blêmir et trembler l’espace d’une seconde, elle comprit immédiatement que c’était le cas. Et que cela l’accablait encore plus. Un sourire très déplacé étira ses lèvres, car quand bien même elle le faisait souffrir, en ce moment, elle était plus proche de son but. Et c’était très enthousiasmant.

- Ce n’est peut-être que secondaire… Mais te souviens-tu de tes paroles envers moi? De celles de tout le monde?

Les épaules du loup-garou se crispèrent. Ça aussi, Della le décoda facilement. Il s’en souvenait. Et même s’il ne semblait pas le regretter autant qu’avec Kylie, ce qu’elle pouvait comprendre, il se sentait néanmoins mal à l’aise. Et un peu désolé. Il hocha lentement de la tête et regarda ailleurs pendant une seconde. Elle décida ensuite de changer légèrement le sujet pour le ramener sur le problème de base.

- Est-ce que tu te souviens aussi de ce qu’ils ont dit? Tous autant qu’ils sont. Au sujet de Maria. La veille qu’ils ne reviennent tous.

- Oui, gronda-t-il sourdement.

- Est-ce que tu en veux à Kylie pour ce qu’elle a dit? C’était assez horrible

- Bien sûr que non! S’écria-t-il. Elle n’était pas responsable de tout ça! Ce n’était pas de sa faute… Elle était contrôlée…

Il se rembrunit presque aussitôt et cette fois Della sourit plus franchement. Elle voyait parfaitement qu’il commençait à comprendre où elle voulait en venir. Et que cela ne lui plaisait pas le moins du monde. Sauf qu’elle ne se laissa pas émouvoir tout cela et poursuivit comme si de rien était :

- Est-ce que c’était dur de battre l’enchantement?

- Oui…

Maintenant, c’était le moment le plus décisif. Et le plus compliqué par le fait même. Elle ne pouvait pas vraiment faire d’erreur de formulation ou ça partirait en vrille. Elle soupesa lentement ses mots dans sa tête, prit une mince inspiration puis se lança :

- Maïa a tout de suite essayé de mettre le grappin sur Ethan, vrai ou pas?

- Vrai, marmonna Lucas en grinçant des dents.

- Et ce, dans le but de faire souffrir Maria. Car, malgré qu’elle tient à chacun de nous, c’est Ethan qui l’a toujours le plus supporté. Qui n’a jamais douté d’elle. Et de ce fait, son plan d’anéantir Maria fonctionnait mieux avec Ethan qu’avec nous tous. Vrai ou pas?

- Vrai, soupira-t-il.

- Donc, sa puissance était surtout concentrée sur Ethan. Et malgré qu’elle n’ait pas relâché sa prise sur chacun de vous… Elle a quand même mit plus de son énergie sur Ethan, car à sa seule vue, il était déjà sous son contrôle en partie. Alors, se battre devait être plus compliqué… N’est-ce pas?

Il hocha de la tête, résigné. Il comprenait. À présent, il comprenait. Sauf que Della n’avait pas totalement terminé. Il lui restait le coup final pour bien lui enfoncer le clou dans la cervelle et ainsi ne plus avoir à lui trifouiller les pensées comme ça. Elle n’était pas vraiment fan des marionnettes. Et conduire quelqu’un à parvenir aux mêmes raisonnements que soi était beaucoup trop délicat pour elle. Elle préférait bien plus assommer la personne et lui marquer l’esprit ainsi plutôt que d’y aller plus… insidieusement.

- Donc, si tu n’en veux pas à tous les autres… Si tu ne les rends pas responsables de leurs actes… Pourquoi en est-il autrement pour Ethan? Parce qu’il t’a fait souffert? Parce qu’il a dit des choses blessantes? Parce qu’il était contrôlé par la Dame aux Fleurs? Vous l’avez tous été. Les seules personnes qui pourraient vouloir frapper tout le monde, ici, et qui en aurait le droit… C’est Maria, la majorité des vampires dont Burnett et moi. Et c’est tout. Peut-être Christine aussi, mais elle a fait souffert Maria aussi, un peu. Tout comme Burnett. Donc… Il n’y aurait que moi. Et est-ce que je suis en train de tous vous botter le derrière loin de Maria en vous traitant comme des lépreux?

- Non, souffla-t-il et il se passa une main dans les cheveux.

Il prit une pose pensive pendant un moment. Comme s’il essayait de digérer tout ce que je venais de lui dire. Qu’il soupesait le pour et le contre. Essayait de voir si sa logique avait une faille. Elle lui souhaitait bonne chance, car ça la frustrait cette fois-ci d’avoir raison. Car leur colère n’était pas vraiment justifiée. Et c’était très dur à admettre.

- Tu as raison, marmonna-t-il finalement. Sauf que je le déteste quand même. C’est plus fort que moi.

- Ne t’inquiète pas. Moi je déteste d’avoir raison pour le coup. Et j’aurais bien envie de tous vous botter le derrière au moins une fois… sauf que la logique de mes dernières réflexions m’en empêchent.

- J’aimerais bien te voir essayer, rétorqua-t-il en lui lançant un regard de défi. Mais… c’est vrai. Ta logique se tient. C’est frustrant. Mais c’est vrai. Et malgré que je ne peux plus lui faire confiance comme je le faisais avant, je vais essayer de ne plus… le bousculer. Pour Maria… surtout.

Sur ces mots, il s’éloigna en mettant ses mains dans ses poches. Della l’observa s’éloigner dans les profondeurs de la forêt et se demanda comment il pouvait être aussi calme. Elle n’était pas particulièrement effrayée facilement, mais la Dame aux Fleurs était puissante. Et la date butoir de la pleine lune ne valait que pour Maria. Pas pour eux. Alors, elle n’avait pas l’impression que Maïa cracherait sur l’idée de les tuer s’ils s’offraient sur un plateau.

D’un autre côté, le bungalow de Lucas n’était pas bien loin de celui d’Ethan, alors elle supposa que c’était la raison pour laquelle il semblait aussi calme. Elle décida de s’asseoir sur le perron en attendant qu’Ethan arrive. Ce qu’il fit deux secondes plus tard, quand elle entendit la porte s’ouvrir dans son dos.

Elle se retourna et l’aperçut avec un sac sport sur le dos. Elle lui lança un regard interrogateur et il se contente de répondre :

- Tu sais, j’ai l’impression que vous allez faire du gardiennage pendant un moment, alors je me suis dit que j’allais emmener tous mes vêtements avec moi. Pour éviter quelques déplacements inutiles. Ainsi qu’éviter des situations bien ennuyeuses.

Elle approuva de la tête et ils reprirent la direction de son bungalow dans un silence sépulcral. Enfin, presque, car les bruits réconfortants de la forêt la nuit leur tenait compagnie. Certains pourraient croire que ces sons n’étaient pas réconfortants, mais Della était bien assez au courant que lorsque la nuit était totalement silencieuse, cela signifiait que les vrais prédateurs à craindre étaient de sortie. Et qu’il fallait mieux, généralement, se mettre à courir.

En arrivant au bungalow, elle poussa Ethan à l’intérieur, malgré son insistance à rester dormir sur le perron. Il grommela longtemps, poussa quelques grondements, mais lorsque la vamp se résolut à en venir aux mains, il leva les siennes vers le ciel et accepta d’entrer. Elle lui fit remarquer d’un ton dur :

- Pour ta gouverne, ça ne te gênait pas de t’infiltrer tout à l’heure!

- Pour ta gouverne, c’était ma seule option! Je n’étais pas tenté de me promener complètement nu jusqu’à mon bungalow!

Elle lui concéda le point, sauf qu’elle lui fit signe brusquement de rentrer lorsqu’elle eut ouvert la porte. Il leva les yeux au ciel, mais se résigna à aller déposer ses choses sur le divan. Il s’y étendit ensuite de tout son long, poussa un soupir et jeta un long regard douloureux, langoureux et désespéré en direction de la porte de la chambre de Maria.

La vamp poussa un soupir, mais pénétra à l’intérieur du bungalow à son tour en refermant doucement la porte derrière elle. Elle était surprise que tout le remue-ménage n’est pas réveillée Maria. À croire qu’elle était vraiment, vraiment fatiguée… Ou encore, qu’elle n’avait aucune envie de gérer ce genre d’évènement en ce moment. Chose que Della pouvait parfaitement comprendre.

- Bonne nuit, lança-t-elle silencieusement en guise de salutation et pour lui dire qu’elle s’en allait.

Elle n’avait pas l’intention de rester là toute la nuit à le surveiller. Même si une part d’elle-même était rebutée à l’idée de le laisser sans surveillance. Mais après ce qu’elle avait dit à Lucas, elle se voyait mal… Elle se voyait mal continuer à agir de manière aussi… Peu importe. Ça n’importe pas du tout, tenta-t-elle de se convaincre.

Alors même qu’elle commençait à refermer la porte de sa chambre dans son dos, Ethan souffla :

- Bonne nuit… et merci, Della.

- Pourquoi? râla-t-elle, même si elle savait très bien de ce dont il était question.

- Je sais que tu me détestes quand même. Qu’ils me détestent tous… Mais j’apprécie ce que tu as fait. Même si, personnellement, je mérite tout ce que vous voudriez me faire. J’aurais dû me battre plus fort.

Elle manqua presque ne pas saisir ce qu’il ajouta à voix basse, plus pour lui-même, dans un soupir résigné et triste à la fois :

- J’aurais dû me tuer. Pour éviter d’en arriver là…

Della sentit comme un poignard lui traverser la poitrine. D’accord, elle n’était pas une enfant de cœur. Elle n’approuvait pas du tout ce qu’il s’était passé. Mais de là à… Il ne devrait pas penser comme ça. Bien sûr, par principe, la vamp avait eu envie de le tuer à bien des reprises. Oh, oui, très souvent. Sauf que c’était toujours des idées en l’air. Elle le savait. Elle ne l’aurait jamais vraiment mis en pratique. Sauf s’il avait tué Maria, surement. Sauf que telle n’était pas la question.

Elle se mordit légèrement les lèvres, restant dans le chambranle de la porte, indécise. Elle hésitait à prononcer les mots qui lui brûlaient le bout de la langue. N’avait-elle pas une réputation à tenir? Sauf était-ce si important, enfin de compte? Oui. Mais pas au point de dire le contraire de ce que l’on pense vraiment. Pas quand on le pense jusqu’aux tréfonds de ses os. De manière presque inaudible à son tour, elle lâcha :

- Maria n’aurait jamais pu le supporter, Ethan. Elle aurait été encore plus affaiblie qu’en ce moment. Peut-être même que… Enfin, peu importe. Sache donc, gros bêta, que tu es loin de mériter exactement tout ce que l’on voudrait te faire. Ou que j’ai désiré te faire subir.

Suite à quoi, elle fit un pas déterminé et referma la porte derrière elle rapidement, mais avec précaution. Sauf qu’elle jurerait l’avoir entendu échapper un sursaut de surprise. Et alors qu’elle se remettait dans son lit, elle l’entendit dire un nouveau merci, du bout des lèvres. Elle leva les yeux au ciel et se rendormit rapidement.

******************

Lorsque je me réveillai le lendemain matin, je n’étais pas particulièrement d’humeur à tenir des conseils de guerre. Et bonnes nouvelles, ce ne serait pas le cas immédiatement! Sauf que malheureusement, c’était pour quelque chose de pire. Les cours. J’aurais bien aimé en être dispensé, mais nous avions déjà beaucoup trop manqué à cause de moi et malgré tout, je voulais réussir mon année ici. D’autant plus qu’elle risquait d’être la dernière.

J’avais tout entendu de ce qui s’était passé cette nuit entre Della et Ethan. Et j’étais confuse. Qu’avait fait exactement mon amie vampire pour qu’Ethan la remercie? Et comment se faisait-il qu’il était humain? J’aurais bien aimé qu’il réponde à la question lorsque Della lui avait demandé au début. Sauf que je n’ai jamais rien aussi facilement. J’aurais bien sûr, pu me lever et demander des explications moi-même, mais… Pendant une certaine période il ne portait rien sur le dos. Et… même après, avec une serviette… ce n’était pas mieux. Je ne pouvais pas jurer que je n’aurais pas à un moment ou un autre perdu le contrôle. Je l’aimais encore après tout, et chaque fibre de mon corps désirait le ravoir près de moi. Très près. Beaucoup trop pour mon cœur encore en charpie. Ce serait bien si le cœur et le corps pouvaient se mettre d’accord, parfois… Enfin, peut-être que mon problème, c’était qu’ils étaient trop d’accord, mais que ma tête n’était pas encore prête à accepter ce fait?

Je poussai un soupir et éloignai violemment les couvertures. Ce qui fit sursauter Katryne qui était toujours étendu par terre. Avec un oreiller, je l’avais convaincu d’en prendre un. Et avec une couverture. Il y avait quand même une limite à accepter que quelqu’un s’auto-inflige des punitions, non? Je me retins d’avoir une grimace en songeant que cela valait aussi pour Ethan. Je ne savais plus exactement quoi faire à son propos… Vraiment pas.

Une fois debout je ne pris que quelques instants pour me rendre jusqu’à mon armoire et en sortit des vêtements propres que j’enfilai en quelques secondes. Je n’avais pas vraiment prêté attention à ce que je prenais comme vêtement, sauf qu’en y regardant de plus près je constatai que je n’avais que des morceaux noirs. Trop lasse pour avoir envie d’essayer autre chose, je sortis ainsi habillée de ma chambre, Katryne à ma suite.

À peine mettais-je un pied en dehors de cette dernière qu’il se produisit trois choses simultanément. La première, mon regard croisa celui d’un bleu limpide d’un certain loup-garou de ma connaissance. Instinctivement je portai la main au médaillon en même temps que je sentais un pincement au niveau du cœur. Après quoi, Della s’exclama au même moment où j’aperçus du coin de l’œil que Kelsea avait la tête relevée :

- Alors, on fait quoi?

Je tournai mon regard dans sa direction et remarquai qu’elle se frottait les mains. Je levai un sourcil dans sa direction et annonçai :

- On va prendre le petit-déjeuner. Après, on a des cours. Tu te souviens?

- Tu es sérieuse?

- Oui, je n’aurai pas envie de tout recommencer si je survis à tout ça. Cela dit, on va parler pendant le petit-déjeuner, ajoutai-je.

Je l’entendis maugréer à voix basse, mais sans être trop certaine si elle avait dit de véritables mots ou simplement lâcher plusieurs petits grondements. Je ne m’en préoccupai pas trop et continuai ma route jusqu’à la sortie du bungalow. Les autres me suivirent assez rapidement et si je me fiais à leur regard en coin, ils se questionnaient. Et probablement à mon propos.

Au moment de descendre du perron, je demandai à Kelsea qui avait suivi en boitant :

- Tu es certaine de pouvoir tenir si tu marches sur tout le trajet?

- « Oui, Maria. Je me sens bien mieux qu’hier de toute manière. Mais je resterai dans les ombres… »

Je hochai de la tête sans en demander davantage et je me remis en route. Je devais réfléchir rapidement à un plan. Je n’y avais pas vraiment pensé jusqu’ici. Mais je me devais de le faire d’ici le moment où j’atteindrais le réfectoire. Première chose… combien me restait-il de temps? Deux semaines. Je pourrais sans doute demander à Holiday de me dispenser de l’Heure pour faire connaissance. Ça me donnerait cette période de temps pour m’entraîner. Et mes amis aussi, mais pour ça il faudra que j’en parle d’abord à Burnett pour qu’il puisse essayer de convaincre Holiday de les en dispenser aussi.

Évidemment, nous nous entraînerions aussi de nuit. C’était hors de question que je reste les bras croisés aussi longtemps si je devais continuer à suivre mes cours. Bien entendu, mes devoirs allaient sans doute en pâtir, mais si au moins j’étais attentive en classe… ça ne devrait pas être trop dramatique. Du moins, je le supposais seulement. Je poussai un soupir tout en continuant de réfléchir et de marcher.

Donc, entraînements de nuit, pendant les repas et pour l’Heure pour faire connaissance. Mais encore? Il me fallait un plan d’attaque. Car Maïa avait encore un Cerbère et la Hère sous son contrôle. Il fallait que d’ici la fin de ces deux semaines, j’aie réussi à lui retirer le contrôle de l’un des deux. Et jusqu’à présent j’étais aussi près de réussir que d’arriver à transformer Lucas en loup alors que ce n’était pas la Pleine Lune…

Le problème, c’était que jusqu’ici je n’avais jamais vaincu mes ennemis en ayant un plan très défini en tête. Et que maintenant, je ne pouvais pas du tout me permettre d’y aller à l’instinct et par simple improvisation. Je ne pouvais pas risquer la vie de mes amis comme cela… Il y avait déjà eu plus de morts qu’il n’en fallait. Mais quelque chose me chiffonnait. Pourquoi diable la Hère ne donnait-elle plus signe de vie?

Je sentis brusquement une main se refermer sur mon bras. Je connaissais ces doigts… Un frisson me parcourut le dos alors que la chair de poule apparaissait sur mon bras. La première chose que je constatai fut le fait que je me tenais à un centimètre d’une des deux portes du réfectoire et que j’aurais foncé de plein fouet si la personne ne m’avait pas retenu par la bras. La seconde… fut au moment où je tournai le visage et que j’eus la confirmation que c’était Ethan qui m’avait empêché de me prendre la porte en plein visage.

Nos regards s’arrimèrent l’un à l’autre et je sentis ma respiration se bloquer. Mon cœur se mit à battre un peu plus vite, mais je ne pouvais pas. Je ne pouvais pas ressentir ça maintenant. Non, je ne pouvais pas. Du tout. Je me libérai rapidement de sa prise et lâchai légèrement sèchement :

- Merci.

Puis je reculai d’un pas et ouvris la porte sans attendre. Kylie lança dans mon dos :

- Ça va?

- Comme sur des roulettes! Affirmai-je en entrant d’un pas vif dans le réfectoire et en me dirigeant vers les autres qui étaient déjà à notre table.

Je n’avais pas besoin de me retourner pour savoir qu’elle fronçait les sourcils et me lançait son regard désapprobateur signifiant qu’elle savait que je mentais. Je le sais aussi, Della, pensai-je avec amertume. Mais je ne pouvais pas faire autrement que de mentir, non? Je devais faire bonne figure. Jusqu’au moment où je n’en aurais plus besoin. Ce qui ne laissait que deux possibilités pour que je puisse me permettre une telle chose. La première, je mourrais. La seconde, cette stupide Dame aux Fleurs allait être morte et empesterait les vieilles algues pourries qui ont marinées dans de la bouse de vache.

Je m’asseyais à peine à leurs côtés que Perry me demanda :

- Alors on fait quoi?

- Premièrement, on évite d’en parler ici, grommelai-je en le foudroyant du regard.

- Mal dormi? S’enquit-il d’un sourire narquois.

Je levai les yeux au ciel et continuai en faisant en sorte de ne parler qu’à ceux présent autour de la table, en soit Lucas, Perry, Derek, Jenny, Della, Kylie, Miranda, Katryne, Ethan et Kelsea (cette dernière n’était pas vraiment autour de la table, mais plutôt couchée dans un coin où personne n’allait jamais et nous surveillait tranquillement).

- « On va reprendre l’entraînement. Plus durement encore. Je vais aller voir Holiday et Burnett pour savoir si on peut être dispensé de l'Heure pour faire connaissance. On va avoir besoin de tout le temps que l’on peut trouver. Donc, ça inclura de s’entraîner la nuit aussi. Comme avant, en bref. »

Ils me jetèrent tous un regard plein d’interrogations et je compris avec une minute de retard pourquoi je n’obtenais aucune confirmation que c’était une bonne idée ou le contraire. Bon sang, il ne pouvait pas parler par télépathie! Je poussai un soupir et me frappai une fois la tête contre la table, m’attirant cette fois des regards surpris, amusés et inquiets.

- Est-ce que tu pourrais nous apprendre à utiliser ça? S’enquit Della en se tapotant la tempe.

- Tu n’as pas besoin de moi pour réfléchir, dis-je avec un sourire moqueur.

- Tu sais très bien de quoi je veux parler, rétorqua-t-elle en m’adressant un regard indigné.

Je hochai de la tête et ajoutai mentalement :

- « Je vais vous l’apprendre. Même si… je ne sais pas trop comment on peut enseigner ça… Kelsea? »

- « Je vais vous expliquer, ça ne devrait pas être trop compliqué puisque maintenant tu le maîtrise. » me dit-elle et je sentais un sourire dans sa voix même si techniquement c’était dur de sourire pour une Chimère.

- « Parfait. Alors, tout à l’heure, dès qu’on a fini de manger. On se rejoint à l’emplacement trois. Maintenant, parlons d’autres choses. »

Ils opinèrent tous du chef avant de prendre une bouchée de leur petit-déjeuner. Enfin, seulement Derek, Lucas, Perry et Jenny. Moi, je sortis de table en compagnie des autres pour aller en chercher. Dès l’instant où nous revînmes Perry demanda sur un ton qui se voulait probablement innocent, mais son sourire moqueur ruinait un peu le tout :

- Donc… J’ai entendu des rumeurs comme quoi qu’un gars aurait été aperçu vêtu seulement d’une serviette et en compagnie d’une fille…

Ethan qui avait pris une bouchée de son petit-déjeuner avant même d’être assis manqua tout recracher et s’étouffa à moitié.

- Est-ce vrai? S’enquit le métamorphe avec un sourire franchement amusé à l’intention d’Ethan.

Bon sang, que quelqu’un m’assomme ou me dise que ceci est un looong cauchemar et que je vais bientôt me réveiller dans cet avion qui me ramenait ici auprès de mes amis. Pitié?

Re: Nouveau départ [Nés à Minuit]

Publié : mer. 11 juil., 2018 4:29 am
par Mimie99
Mais non. Pas de réveil de dernière minute. Je me massai le front avant de me laisser tomber sur ma chaise. Après quoi je lançai un regard découragé à Perry, mais je constatai du coin de l’œil que Lucas, Della et Ethan semblaient quelque peu… embarrassés. Et comme la curiosité s’empara de moi, je perdis tout sens de la sympathie et m’exclamai, pas trop fort non plus, en les regardant avec intensité tous les trois :

- Dites-moi ce qu’il s’est passé.

J’ajoutai après une seconde en voyant une grimace apparaître sur le visage de Della et Lucas à mon ton un peu trop autoritaire :

- S’il-vous-plaît.

Ethan sembla avoir envie de disparaître soudainement, si je me fiais à l’air de son visage qui exprimait une horreur grandissante et aussi à la légère rougeur sur ses joues. Je fronçai les sourcils dans sa direction. Que pouvait-il bien s’être passé qui expliquait une telle chose? Je regardai les deux autres, mais aucun d’eux ne semblait avoir la moindre envie de me dire ce qu’il en retournait.

Je poussai un soupir et au moment où je m’apprêtais à leur dire de laisser tomber, Lucas s’éclaircit la gorge. Je tournai mon visage dans sa direction ainsi que tout le monde, mais quand il ouvrit la bouche pour parler, ce fut la voix de quelqu’un d’autre qui lâcha :

- Ce n’est pas grand-chose…

Toutes les têtes se tournèrent vers Ethan tandis que Lucas poussait un léger grondement contrarié. Mais celui qui partageait son âme avec moi ne sembla pas en être très perturbé et il continua :

- J’ai réussi à comprendre ce que voul… ce que je devais faire pour redevenir humain. Je… Je devais aller au plus profond de moi-même. Dans mon âme, en fait. Donc, comme j’ai réussi à reprendre forme humaine, je n’avais aucun vêtement. Je suis entré dans votre bungalow et alors que j’entrais dans la salle de bain pour aller me prendre une serviette, Della m’a surpris. Et comme vous avez tous encore des réticences à mon égard, et avec raison, elle a insisté pour m’accompagner jusqu’à mon bungalow. Là on a croisé Lucas qui tenait aussi à ce qu’aucun incident ne se produise. Ce qui est plus prudent, de toute manière, avec tout ce qui rôde dehors. Je suis entré dans mon bungalow, me suis changé et j’ai pris quelques vêtements supplémentaires. On est revenu ici. Lucas est retourné à son bungalow. Fin de l’histoire.

Je fronçai légèrement les sourcils. Je n’avais pas l’impression qu’il s’était seulement passé ça. Surtout lorsque je surpris du coin de l’œil le regard estomaqué de mon cousin. Oui, non, clairement… il s’était produit autre chose. Et Ethan avait volontairement simplifié les choses. N’avait dit que les points « importants ». Sauf que connaissant mon cousin, il avait probablement charrié Ethan pour le punir et avait clairement manifesté le fait qu’il ne lui faisait pas confiance.

- C’est vraiment ce qu’il s’est passé? M’enquis-je en arquant un sourcil et en consultant les deux autres intéressés de l’histoire d’un regard inquisiteur.

- En gros, oui, dit Della. Sauf qu’il y a eu un différend entre Ethan et Lucas, mais…

- Della! Protestèrent à l’unisson les deux autres loups-garous de la table.

- Mais ça s’est réglé, conclut-elle sans accorder un regard aux deux autres.

- Merci, Della, lui dis-je avec un sourire. Sauf que je vais vouloir les détails. Plus tard. Car ce n’est pas le moment, du tout, pour avoir des conflits entre nous.


J'ai conscience que ça finit un peu sec, mais comme je l'ai dit, ce n'est que la moitié du chapitre. Je n'ai pas encore écrit le reste... :( Si jamais vous ne voulez plus être prévenu, je comprendrais, mais dîtes-le moi, s'il-vous-plaît, par message privé, sur mon mur ou même ici, peu importe, tant que je sois mise au courant...


Un devoir
Nouveau départ

Re: Nouveau départ [Nés à Minuit]

Publié : ven. 13 juil., 2018 12:02 pm
par DarkPhoenix
Alors même qu’elle commençait à refermer la porte de sa chambre dans son dos, Ethan souffla :

- Bonne nuit… et merci, Della.

- Pourquoi? râla-t-elle, même si elle savait très bien de ce dont il était question.

- Je sais que tu me détestes quand même. Qu’ils me détestent tous… Mais j’apprécie ce que tu as fait. Même si, personnellement, je mérite tout ce que vous voudriez me faire. J’aurais dû me battre plus fort.

Elle manqua presque ne pas saisir ce qu’il ajouta à voix basse, plus pour lui-même, dans un soupir résigné et triste à la fois :

- J’aurais dû me tuer. Pour éviter d’en arriver là…Non Ethan TU NE VAS PAS TE TUER, ok :evil: :evil:

Della sentit comme un poignard lui traverser la poitrine.J'ai eu exactement la même sensation! :cry: :cry: D’accord, elle n’était pas une enfant de cœur. Elle n’approuvait pas du tout ce qu’il s’était passé. Mais de là à… Il ne devrait pas penser comme ça. Bien sûr, par principe, la vamp avait eu envie de le tuer à bien des reprises. Oh, oui, très souvent. Sauf que c’était toujours des idées en l’air. Elle le savait. Elle ne l’aurait jamais vraiment mis en pratique. Sauf s’il avait tué Maria, surement. Sauf que telle n’était pas la question.

Elle se mordit légèrement les lèvres, restant dans le chambranle de la porte, indécise. Elle hésitait à prononcer les mots qui lui brûlaient le bout de la langue. N’avait-elle pas une réputation à tenir? Sauf était-ce si important, enfin de compte? Oui. Mais pas au point de dire le contraire de ce que l’on pense vraiment. Pas quand on le pense jusqu’aux tréfonds de ses os. De manière presque inaudible à son tour, elle lâcha :

- Maria n’aurait jamais pu le supporter, Ethan.Moi aussi je ne l'aurais pas supporté Elle aurait été encore plus affaiblie qu’en ce moment. Peut-être même que… Enfin, peu importe. Sache donc, gros bêta, que tu es loin de mériter exactement tout ce que l’on voudrait te faire. Ou que j’ai désiré te faire subir.

Ne réécris jamais une phrase ou Ethan dit qu'il aurait mieux fait de mourir, plus JAMAIS, COMPRIS !!!! Ton chapitre était très émouvant!
Je croise les doigts pour que tu retrouve de l'inspiration.

Re: Nouveau départ [Nés à Minuit]

Publié : ven. 20 mars, 2020 5:32 am
par Mimie99
Ça fait une éternité que je n'ai pas remis les pieds ici... mais revoir cette fanfic qui a été le tout début d'une longue aventure d'écriture d'un genre particulièrement différent de ce dont j'ai l'habitude... Ça me donne envie de revenir. Bon sang! En plus il me reste seulement deux chapitres et demi pour conclure ce tome 2. Est-ce que ça va conclure l'histoire aussi? Je ne sais pas, pour être honnête. Les personnages me manquent. L'univers me manque. Maria et les autres me manquent. Je ne sais pas à quel rythme je vais m'y remettre, mais je vais faire en sorte que ça ne prenne pas deux ans :lol: Et peut-être que si ces deux chapitres et demi ne me suffisent pas, j'ajouterai quelques bonus? Faites-moi part de ce que vous pensez de cette idée (car j'ignore si j'ai suffisamment de regain d'énergie motivatrice pour faire un tome 3). Dans tous les cas, je crois que je me lance dans la rédaction de la deuxième partie du chapitre 13 dès maintenant (même s'il est minuit passé à mon fuseau horaire... :oops:) En espérant retrouvé certains de mes anciens lecteurs, je vous dis à bientôt ;)


P.S: D'ailleurs, DarkPhoenix, je tiens à te dire que c'est ton commentaire qui m'a définitivement donner l'envie de revenir. Ainsi que les commentaires sur mon mur BN. Ah... Je ne croyais pas que cette histoire pouvait encore être apprécié. Et je ne peux malheureusement pas promettre qu'Ethan n'aura pas d'autres pensées sombres comme celle qu'il a eu. Bref, merci énormément pour ton commentaire :D

Re: Nouveau départ [Nés à Minuit]

Publié : mer. 25 mars, 2020 8:19 pm
par AstraD
Des bonus ça serait grave cool :D !!!

Re: Nouveau départ [Nés à Minuit]

Publié : jeu. 09 avr., 2020 7:11 am
par Mimie99
AstraD a écrit :Des bonus ça serait grave cool :D !!!
Alors des bonus il y aura, j'en ai déjà quelques-uns en tête xD :roll: Pour être franche, au moins deux certains. ;) Bon maintenant, je me prépare à la publication du chapitre.

Re: Nouveau départ [Nés à Minuit]

Publié : jeu. 09 avr., 2020 7:40 am
par Mimie99
Bon, bon, bon... me revoilà! Après exactement vingt jours depuis l'annonce que je reprenais cette fanfiction. Je me sens terriblement mal pour le coup. Mais bon, au moins ça n'a pas pris deux ans? :oops: Après, je ne crois pas que ce soit vraiment nouveau, je fais ça tout le temps. (Il faudrait que je me décide à respecter une limite de temps pour la publication de mes chapitres... sauf que quand je fais ça, j'ai tendance à tuer mon inspiration du même coup :? ) Bref, en espérant que personne ne m'en voudra trop pour ce délai... je m'excuse tout de même. Je n'ai pas réussi à trouver la motivation pendant un moment ou j'étais plutôt dans une sorte de dilemme bizarre que je ne comprends même pas? Mais peu importe, j'ai terminé (et écrit presque l'intégralité) de ce chapitre aujourd'hui. Ou hier? Techniquement parlant j'ai commencé à écrire le 8 avril, mais je viens de le terminer à 1h05 AM, précisément, en ce 9 avril. Et oui, je ne pouvais pas attendre pour le publier, je crois que ça fait déjà suffisamment longtemps que vous l'attendez. Ah, j'oubliais, il serait sans doute préférable de relire le chapitre précédent :lol: (et peut-être le tome au complet pour les plus motivés :roll:) Sur ce, j'espère que vous ne me détesterez pas trop et bonne lecture!


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Chapitre 13, partie 2



Mon dernier commentaire a jeté un froid. Je n’en suis pas particulièrement étonnée si je me fie à ce qui a pu se produire cette nuit. J’aurais dû me lever. J’aurais dû suivre Ethan et Della, peu importe comment je me sentais vis-à-vis d’un Ethan presque complètement à poil. Mais peu importe. Le passé était le passé. Et le présent… était le présent.

J’aurais peut-être dû ne rien dire. Tout le monde s’était jeté sur son petit-déjeuner sans relever mon commentaire. Aucun d’eux. La honte d’Ethan flamboyait presque tout comme la rancœur des autres. En moins prononcé de la part de la vamp et Lucas. Pourquoi? J’adorerais le savoir. Mais ça ne serait pas pour tout de suite, j’avais l’impression. Rien n’était aussi facile dans mon existence depuis que j’avais mis les pieds à Shadow Falls.

Et maintenant, j’y réfléchissais encore alors qu’on se dirigeait vers l’emplacement trois. La discussion que j’avais eue avec Burnett, mais surtout Holiday, avait été virulente. Toutefois, j’avais obtenu gain de cause grâce au vampire. S’ils n’avaient pas accepté, j’aurais simplement agi sans permission. Ils devaient tous deux le savoir, car ç’a été l’argument principal du co-directeur.

Malheureusement, leur accord est venu avec une condition.

On aurait Burnett sur le dos.

Ce qui me donnait seulement envie de soupirer de dépit pendant dix ans et des poussières. À condition de survivre à l’échéance des deux semaines. Avec un grommellement intérieur, je m’arrêtai instinctivement à notre destination et me tournai vers tous mes amis et… Ethan. Je pris grand soin d’éviter son grand regard bleu complètement anéanti.

Je ne voulais pas lui faire face.

Et ce pour plus d’une raison.

C’était douloureux de le voir. C’était douloureux, car les blessures causées par ses actions étaient toujours gravées dans ma chair, dans mon âme… dans ma tête. Ma tête était le plus gros du problème. Mais ce qui était le plus dur, dans l’instant, c’était une chose beaucoup moins facile à admettre.

Je détestais le voir… comme ça. Je détestais voir cette souffrance dans son regard, cette âme torturée. Il s’en voulait. Il s’en voulait tellement. Il aurait été prêt à se tuer… Se tuer pour m’éviter tout ça.

Mais le voir mourir ne m’aurait pas aidé. Loin de là…

Je serais tout simplement morte en même temps.

Je secouai la tête pour me changer les idées et lançai :

- Avant d’entreprendre ce pour quoi on est venu… de base, je crois qu’il faut que je vous enseigne un truc.

- « Et bien sûr, quand elle dit “elle”, elle veut dire moi » précisa Kelsea.

Je levai les yeux au ciel, mais à voir le sourire de la vamp et l’air moins renfermé de tous les autres, cette remarque avait détendu l’atmosphère surchargée. Et je n’en connaissais que trop bien la cause. Je n’étais pas prête à pardonner à Ethan. Mon corps le désirait toujours, mon âme lui appartenait encore, mais l’esprit était beaucoup trop rationnel pour se laisser aller à suivre les deux autres. Toutefois… il était impossible de réussir à quoi que ce soit si tout le monde s’évertuait à entretenir du ressentiment contre lui. Une personne avait le droit d’être en colère et c’était moi.

Je croisai rapidement les bras et je n’eus qu’un regard à échanger avec Kelsea pour qu’elle comprenne qu’elle devait me laisser gérer ce qui allait suivre. Et il n’y avait qu’une manière de tout concilier. Et ce serait beaucoup plus personnel, beaucoup plus… douloureux.

La violence gratuite n’était pas, du moins pas vraiment, dans mes habitudes.

Sauf que qui n’a pas le choix…

- « Regardez-moi » grondai-je en les foudroyant tous du regard.

Ils le firent tous rapidement, certains avec beaucoup plus de hargne que d’autres. Particulièrement mon cousin et Della. Aucun des deux n’appréciait mon ton Alphatique comme le surnommait la vamp quand elle était particulièrement énervée.
Bon, maintenant qu’on a tous les regards, c’est l’heure d’asséner la massue, marmonnai-je en moi-même.

- « Vous allez arrêter. Tous autant que vous êtes. Arrêter quoi, exactement? De vous acharner sur Ethan. Si quelqu’un doit être en colère, c’est moi. Si quelqu’un a le droit de tenir rigueur des actions d’Ethan envers moi, c’est moi. Seulement moi. Vous n’avez pas le droit. Se battre entre nous ne nous mènera nulle part et pour le moment, que vous l’appréciez ou non, Ethan est l’un de nos meilleurs atouts avec Kelsea. Il n’est plus sous l’emprise de la stupide Dame aux Fleurs. Comme vous tous. Et c’est seulement grâce à moi. Aucun de vous, sauf Della et Katryne, ne vaut mieux que lui. Oh, c’est dur de l’admettre? Mais c’est la vérité, mes p’tits choux. Ravaler votre rancune. Vos petits regards de travers aussi. Je ne veux plus aucune distraction, c’est clair? »

À voir leur visage, ils avaient tous mordu dans un citron particulièrement amer. Sauf pour Della, Lucas et Ethan. Ce dernier… il avait l’air d’avoir envie de se cacher au fond d’un trou et de ne plus en sortir. J’ajoutai alors d’un ton particulièrement amer en le regardant avec colère :

- « Et toi… Redresse les épaules, bon sang! Et que je ne te reprenne jamais à dire que tu aurais dû te tuer ou que ta mort apporterait quoi que ce soit. Ne le dis plus jamais. »

Il afficha un air tellement surpris que ma gorge se serra. Mais c’était la réaction des autres qui me donna surtout satisfaction. La majorité était éberluée. Comme moi, ils semblaient tous croire impossible qu’Ethan… que celui qui se tenait près de nous ait pu vouloir mourir. C’était ces mots, plus que tout le reste, qui me disait qu’il était vraiment de retour. Que celui qui était mien le serait pour toujours. Je n’étais pas prête à pardonner. Je n’avais pas le temps pour des pardons. Car pardonner signifiait reprendre une relation. Et une relation… ne me mettrait que sur le fil du rasoir encore plus que je ne l’étais déjà.

Maintenant que tout le monde avait son attention accaparé par la récente révélation, j’entrepris de suivre les directives discrètes de Kelsea.

- « Maintenant que tu es dans leur tête, suit la ligne conductrice. Tu la vois? C’est cette corde raide. Oui, là. Tu sens la tension qu’elle engendre quand tu y touches? Bien, suis-là. Le lien que tu as avec eux n’est pas encore à double sens. Il faut que tu… Oui, voilà! Tu y es. Tu ressens cette chaleur? C’est le lien que tu possèdes avec eux. Elle est emprisonnée, n’est-ce pas? Appuie dessus. »

Je fis comme elle me le disait et forçai mon esprit à appuyer sur ce point de tension, cette chaleur qui semblait irradié dans tout mon être. Dans ma tête, surtout. Mais elle se propageait, allant jusqu’au bout de mes orteils et de mes doigts. Je pris une grande inspiration et sous les recommandations de Kelsea, je me connectai de manière beaucoup plus profonde à tous mes amis. Leurs réactions physiques et mentales ne se firent pas attendre. Ils sursautèrent tous en se mettant une main à la tête.

- « Oh la vache! » grommela Della.

- « C’est quoi ce truc! » geignit Miranda.

- « Ma tête… » marmonna Kylie.

- « C’est quoi cette merde? » gronda Perry.

- « Maria, tu pouvais prévenir! » s’exclama Lucas.

J’eus un sourire et leur fis un salut de la main. Ils me jetèrent tous, sans exception aucune, un regard noir. Oui, ouvrir la connexion de leur côté n’était pas sans douleur. Mais c’était déjà fini, alors ils pouvaient arrêter d’agir comme des bébés.
Cinq minutes plus tard, ils me regardaient toujours avec des regards mauvais.

- Vous avez fini de faire les bébés? On a du travail!

- Comme quoi? On ne fait rien depuis quinze minutes! Protesta Jenny.

- Apprendre à utiliser ceci? Dis-je en pointant mon crâne, imitant le geste qu’avait exécuté la vamp plus tôt dans la matinée.

- Et comment on fait? S’enquit Della avec un air très intéressé.

Je souris à nouveau et leur demandai rapidement de fermer les yeux. Je comptais sur Kelsea pour surveiller les alentours. Et puis bon, mes sens étaient encore en éveil. Je n’avais plus besoin d’entrer si profondément en moi pour arriver à communiquer avec mes amis.

Tout en ayant les yeux fermés comme chacun d’entre eux, je leur expliquai rapidement qu’il devait trouver le point, dans leur esprit, qui les connectait à moi. Ce point, c’était ce qui nous liait les uns aux autres. Ce point signifiait qu’ils faisaient tous partie de ma meute. Une fois qu’il l’aurait trouvé, il fallait qu’il trouve les différentes chaînes, cordes ou peu importe ce que c’était qui les liait les uns aux autres. Chaque membre de la meute avait sa résonance particulière. Pour moi, ils avaient tous une couleur différente, une texture aussi. Histoire que ça fasse moins de charabia dans la tête des différents membres du groupe, je leur demandai de trouver celle qui me représentait. Ça serait bien moins compliqué comme ça… Et la seule personne qui en pâtirait, ce serait moi.

Au moins j’avais connu pire comme désagrément…

Je m’installai rapidement par terre, toujours en gardant les yeux fermés. Je pouvais presque sentir leurs recherches. Ou peut-être était-ce plus les efforts qu’ils y mettaient. Sans avoir besoin d’ouvrir les yeux, je savais que Della devait avoir les sourcils froncés, Miranda les mains crispées l’une contre l’autre, Kylie et Katryne devaient se mordre la lèvre inférieure… Ethan pianotait sans doute dans le vide, tandis que Lucas avaient l’intégralité de son corps tendu. Perry se balançait négligemment sur ses pieds. Le seul qui gardait une position complètement neutre, c’était Burnett.

Tellement surprenant…

Quant à Jenny, elle devait tenir fermement la main de Derek dans la sienne et ce dernier était forcément en train de lui caresser doucement le dessus de la paume avec son pouce. J’ouvris un instant les yeux et dû faire un effort pour ne pas rire en voyant qu’ils étaient effectivement dans la posture que je m’étais imaginée. J’eus un pincement en même temps. Je les connaissais si bien et pourtant… ça ne changerait rien au bout du compte.

Je m’efforçai rapidement de songer à autre chose. S’ils arrivaient à m’atteindre maintenant, ce qu’ils trouveraient dans ma tête ne ferait que jeter un froid et un immense désarroi sur tout le monde. Je remis de l’ordre dans mes pensées aussi vite que possible et ce fut juste à temps, car la seconde suivante j’entendis :

- « Ça y est! J’y suis! »

Della. Je n’étais pas particulièrement étonnée qu’elle soit la première à réussir, c’était elle plus que tous les autres qui avaient désiré apprendre à se servir de ce don. J’eus un sourire intérieur en la félicitant, avec juste la bonne dose de sarcasme pour l’énerver.

- « Tais-toi. » grommela-t-elle.

Ça ne fit qu’accentuer mon sourire avant de le perdre rapidement au profit d’un frisson douloureux lorsqu’une autre voix s’ajouta.

- « Je suis là. »

Ethan.

J’eus l’impression de sentir mon cœur se recroqueviller sur lui-même, mais qu’en même temps il bondissait de joie. La douleur était si forte que ce n’est que de justesse que je réussis à la leur cacher. Ce qui me parut encore plus heureux lorsque la prochaine à apparaître dans ma tête fut Kylie.

- « Enfin, j’y suis! »

Je sentis qu’elle poussait un peu plus son inspection dans ma tête et avant que je n’aie eu l’occasion de la repousser, elle demanda :

- « Quelque chose ne va pas? »

- « Tout va très bien! » assurai-je en levant les yeux au ciel mentalement.

Tout plutôt que d’admettre que je me sentais mal. Ethan n’avait pas besoin de ça et les autres n’avaient pas besoin de cette munition. Moi non plus je n’en avais pas besoin, mais il y avait certaines choses sur lesquelles je n’avais aucun contrôle.

Tristement.

- « Et… me voilà! » s’écria Miranda, créant une distraction bienvenue.

Kylie semblait toujours suspecter quelque chose, ce qui mena Della et Ethan à en faire de même. Je resserrai donc plus fermement la corde invisible autour de mes émotions pour les faire taire à leurs yeux. C’était encore plus douloureux ainsi, mais qu’importe.

Katryne, Perry, Jenny et Derek se joignirent rapidement, dans l’ordre, à ma cacophonie intérieure. Tout le monde était en train de discuter les uns avec les autres en plein milieu de ma tête. Je grimaçai un peu, mais appréciai grandement l’entrée de Burnett :

- « Un peu de silence! »

Le silence qui régna dans ma tête à partir de ce moment fut si divin que je pus relâcher la prise sur ma propre tête, ou plutôt mes oreilles. Un réflexe tout à fait inutile lorsque les voix que tu entends sont intérieures et non pas extérieures! J’ouvris rapidement les yeux pour me tourner vers Lucas. C’était le dernier. Normalement de par sa nature de loup-garou il aurait déjà dû réussir. Un peu en même temps qu’Ethan, puisque nous avions tous une connexion plus approfondie les uns avec les autres. En ouvrant les yeux, je croisai immédiatement le regard de mon cousin.

******************

Lucas n’avait pas particulièrement envie de rejoindre les autres dans la tête de Maria. Ça ne lui avait pas pris énormément de temps avant de comprendre comment cette liaison mentale fonctionnait. Il aurait pu se glisser dans les pensées de sa cousine en moins de deux, mais il… ne voulait pas. Pour une raison bien particulière. L’orgueil blessé de savoir qu’il avait agi de la mauvaise manière lui laissait toujours autant un goût amer dans la bouche. Les paroles de Della, et ses réponses à lui, ajouter à ce qu’avait dit Maria quelques minutes plus tôt… Ça le hantait.

Et il n’était pas vraiment prêt à l’avouer.

Non pas que ce serait difficile de le faire avec Maria, mais plutôt avec tous les autres. Kylie ça pourrait toujours aller, mais il ne voulait pas la décevoir, pas encore une fois. Il avait déjà fait beaucoup trop de bêtises. À commencer bien avant l’arrivée de Maria à Shadow Falls… puis après. Apparemment il n’était pas doué pour faire la bonne chose.

Son regard se tourna vers Ethan et il fronça les sourcils. Il ne comprenait toujours pas et n’acceptait toujours pas comment tout s’était déroulé depuis le retour du loup-garou et de sa cousine de leur semaine passée au Québec. Il se souvenait encore avec précision à quel point ça avait été complètement décousu pendant leur absence et comment tout avait empiré avec leur retour. Mais comme l’avait dit Della, il ne pouvait pas sciemment en vouloir à Ethan. Il n’avait pas eu le contrôle sur ce qui se passait. Maïa avait tout fait pour que ce ne soit pas le cas.

Il avait horreur d’admettre cette vérité, mais continuer à en vouloir à Ethan lui donnait un goût de cendre dans la bouche.
Et il se rendait maintenant parfaitement compte que tous les coups qu’il avait porté à l’autre loup-garou n’avait fait qu’accroître la culpabilité d’une connaissance proche qu’il respectait et complètement ravie de l’être même qu’il détestait. Sois le Ethan-marionnette-de-Maïa. Il était entré dans le piège. Comme tous les autres. Il savait pourtant. Il savait ce que l’on ressentait lorsque la personne qui possédait votre âme était maltraitée. Peu importe à quel point on pouvait lui en vouloir.

Il avait mis Maria au supplice de ce sentiment et ça le révoltait.

Et ce qui le révoltait tout autant, c’était l’idée qu’Ethan ait pu vouloir songer à l’idée de se tuer. Qu’il puisse penser que se tuer aurait été la chose à faire. Et il n’y avait qu’une manière pour qu’il ait pu en venir à cette conclusion. Eux. Eux tous autant qu’ils étaient. Si leurs coups amusaient l’autre Ethan, ça n’avait que détruit encore plus celui qui était enfermé.
Il voulait être en colère contre Ethan, mais il savait maintenant que sa colère n’était pas bien dirigée.

Et ça le mettait encore plus en rogne de savoir qu’il tombait précisément dans le piège de la Dame aux Fleurs, comme l’appelait sa cousine. Car en s’en prenant à Ethan, ils ne faisaient qu’accroître la tension entre eux. Et il savait très bien que c’était l’union qui faisait la force.

Maria avait raison, ils devaient laisser de côté leurs différends s’ils voulaient pouvoir vaincre Maïa. Il avait horreur de se dire qu’il n’était pas l’élément le plus utile dans leur combat contre l’autre tarée, mais il devait admettre qu’il n’était pas grand-chose à côté d’un Cerbère ou de la Chimère. Il n’était pas négligeable, mais n’était certainement pas la partie essentielle à leur force. Même Kylie et Jenny étaient plus utiles que lui, si on exceptait qu’il connaissait l’art de se battre beaucoup mieux qu’elles.

Il se retint pour ne pas pousser un soupir et c’est précisément à ce moment que Maria ouvrit les yeux pour les planter directement dans les siens. Il y lisait de l’interrogation, de l’énervement et de la provocation dans les yeux gris acier de Maria. Il y sentait la force de son caractère, sa puissance de commandement, son pouvoir d’alpha. Lucas avait cette force aussi, mais il n’y avait aucun doute que sa cousine le surpassait.

Et il devait admettre que ça l’énervait un peu et que son orgueil en était profondément touché.

Sauf qu’il faisait confiance à Maria, elle n’utiliserait jamais son pouvoir à des fins purement personnelles. Elle les remettait à l’ordre quand il le fallait et si elle débordait de ses prérogatives, c’était par accident. Et elle lui avait promis de le retirer de la meute dès que les dangers seraient écartés, si tel était son désir.

Il ne savait pas exactement ce qu’il ferait lorsqu’ils auraient vaincu la Dame aux Fleurs. Ce n’était peut-être pas bien commencé pour qu’ils puissent gagner… mais il ne pouvait pas se faire à cette idée. À l’idée de perdre. Il n’acceptait vraiment pas l’idée qu’ils pouvaient perdre face à elle. Perdre signifiait que l’un d’eux allait mourir, voire plusieurs d’entre eux. Si ce n’était pas tous… mais si certains survivaient ils tomberaient sous le pouvoir de l’autre folle.

Ça ne pouvait pas arriver.

- « Lucas? »

Il se concentra à nouveau sur Maria en l’entendant dans sa tête. Ça le déconcertait toujours autant, mais il l’acceptait tout de même. Sa cousine n’avait peut-être que dit son prénom, mais il sentait qu’elle voulait une réponse plus précise qu’un « Oui » interrogatif. Elle voulait savoir pourquoi. Pourquoi il ne s’était pas manifester alors que tous les autres l’avaient fait. Elle était suffisamment maligne pour savoir que ce n’était pas par incapacité qu’il ne s’était pas montré.

Il jeta un coup d’œil tout autour, à tous les autres. Sa tête était beaucoup trop en désordre pour qu’il ait envie que tous l’entendent. Ils étaient peut-être ses amis, tous autant qu’ils étaient (même s’il ne l’admettrait jamais pour certains d’entre eux), mais il préférait garder ses problèmes intérieurs pour lui. Les préoccupations qui l’habitaient ne concernaient que lui, chacun d’eux devait y réfléchir sans intervention extérieure. Les seules personnes qui auraient un droit sur ses pensées étaient Maria et dans une moindre mesure… Ethan.

Sa cousine comprit sans doute ce qu’il voulait, car elle tourna elle aussi son regard vers tous les autres. Assez rapidement ils rouvrirent tous les yeux en papillotant des paupières. Ils semblaient tous beaucoup plus serein que lorsqu’ils essayaient d’entrer en contact avec Maria. Cette dernière tourna à nouveau ses yeux vers lui avant de dire :

- « Pratiquez-vous entre vous, je dois parler avec Lucas. Ne soyez pas inquiet si ça ne fonctionne pas du premier coup, c’est plus facile de me contacter moi d’autres. »

Kylie lui jeta un regard à la fois inquiet et intrigué. Pour la rassurer il lui adressa un sourire avant de concentrer son attention vers Maria. Là, il fit exactement la méthode qu’il avait découvert pour contacter sa cousine et sans avoir besoin de fermer les yeux il projeta son esprit.

- « Je suis désolé. » lâcha-t-il d’un ton amer.

- « Pourquoi? »

Il sentait son incompréhension et une certaine inquiétude émaner d’elle. Il sentait aussi sa douleur et son ressentiment. Ces deux dernières émotions ne le concernaient pas, il en était certain. Il voyait la différence entre les premières et les deuxièmes. Et il se doutait fortement de la cause des deux dernières émotions…

- « Pour agir en crétin. » répondit-il d’un grondement irrité.

- « Je répète : pourquoi? » marmonna Maria et il pouvait la voir lever les yeux au ciel mentalement, alors même que son visage restait aussi sans émotion qu’une statue.

Il inspira légèrement en tournant les yeux dans une autre direction. Il ne pouvait pas affronter son regard pour la suite. Il avait toujours cru qu’il était le roi du regard froid, mais c’était avant de rencontrer sa cousine. Dès les premiers jours il avait compris qu’elle, elle était quelque chose. Que la mettre en rogne n’était pas la chose à faire.

Bien entendu, étant comme il était, il l’avait mise en colère à quelques reprises en agissant comme un idiot.
Il avait peut-être eu de bonnes intentions, mais aujourd’hui plus que jamais auparavant il comprenait à quel point il avait agi comme un imbécile. Il s’auto-infligea une gifle mentale pour revenir au point important. Il reprit donc :

- « Je suis désolé d’avoir agi en crétin et qu’à cause de ça tu aies souffert. »

- « Tu ne m’as pas… »

- « Je t’ai fait du mal en m’en prenant à Ethan. »

- « Ce n’est pas important. » grommela-t-elle, mais il ressentit très bien que c’était une parade.

Elle souffrait encore.

- « C’est faux. C’est important. Je savais… je savais que tu avais… que tu as le même lien avec lui que j’ai avec Kylie. Et je sais très bien que lorsque l’on fait souffrir l’un, c’est faire souffrir l’autre. »

- « Tu as toujours rejeté le lien à partir du moment que Maïa a eu son emprise sur lui pour la première fois. » gronda-t-elle.

Il se risqua à la regarder à nouveau. Les paroles de sa cousine étaient douloureuses. Douloureuses, car elle avait parfaitement raison. Tout comme elle avait eu raison de les ignorer, tous autant qu’ils sont. Étonnamment, c’était elle qui avait plus souffert à cause d’Ethan, mais c’était aussi elle qui avait gardé le plus la tête sur les épaules. Il l’admirait pour ça. Du moins il s’agissait d’une des raisons pour lesquelles il l’admirait.

- « Je sais. » se contenta-t-il de répondre, ne sachant pas quoi ajouter exactement.

À voir l’air qu’avait Maria en ce moment, elle avait besoin de beaucoup plus de précision que ça. Elle avait l’air d’avoir envie de le secouer dans tous les sens et de le jeter par terre. Il y avait tant de colère dans son regard qu’il dut détourner la tête. Et il comprenait pourquoi. Quand on échangeait son âme avec quelqu’un... voir cette personne traitée comme de la merde ça faisait terriblement mal. Et nécessairement, le besoin de la protéger montait au point d’être extrêmement douloureux si on ne le faisait pas. Et c’était précisément ce que sa cousine avait été dans l’obligation de faire.

Pour se protéger, elle.

Mais aller contre ses instincts, ça finissait par payer. Et eux… eux n’avaient rien fait pour arranger les choses. Et maintenant que Maria avait procédé à cette étrange cérémonie avec Ethan, ça ne devait qu’être encore plus fort. Sauf qu’elle ne pouvait se permettre aucune faiblesse. Pas maintenant. Mais s’ils continuaient à agir comme des imbéciles à l’égard de celui qui possédait une partie de son âme, sa cousine risquait de s’effondrer. Et il n’y avait pas pire moment…

- « Je n’aurais pas dû agir comme ça. Je n’aurais pas dû remettre en question tes décisions en essayant de le faire souffrir. Je n’étais pas en droit d’agir comme ça. » reprit-il.

C’était très difficile de l’admettre, car Maria faisait partie de sa famille et il ressentait le besoin de la protéger. Et il pouvait le faire. Seulement, pas de la manière dont il s’y était pris. La manière dont ils s’y étaient tous pris. Frapper Ethan à la première occasion n’était pas la chose à faire, peu importe le nombre de bêtise qu’il pouvait proférer… car ce n’était pas lui. Il n’était pas lui-même à cette époque. Pas plus qu’ils ne l’avaient été lorsque Maria n’était pas là ainsi que les jours suivants.

La bonne manière aurait été de supporter sa cousine. La supporter face au défi dans lequel elle se trouvait et d’ignorer autant que possible Ethan, par égard pour elle. Pour la préserver autant que possible, car même s’il ne faisait plus partie des leurs à proprement parler, une part de lui-même l’était. Cette partie qu’ils avaient tous ignoré, tous combattu son existence pour simplement se donner la satisfaction de pouvoir agir comme des cons.

Il n’était pas suffisamment libre de toute sa colère pour s’excuser auprès d’Ethan, mais il pouvait le faire en changeant ses actions envers lui. Il ne pourrait pas le considérer comme un ami avant un très long moment, sans doute, mais il pouvait tout de même changer sa manière d’agir. Par égard pour Maria. Et Ethan. C’était en partie leur faute s’il avait songé que s’être suicidé avant de retourner sous le contrôle de la Dame aux Fleurs aurait été la chose à faire.

Et ça, c’était tout aussi dur d’y faire face.

Quand nos actions poussaient une personne que l’on avait très bien connu et apprécié à songer au suicide, c’était toujours un dur coup. Depuis qu’il le connaissait, Lucas n’aurait jamais pensé qu’Ethan aurait pu songer à se donner la mort. Et pourtant, il y avait déjà fait allusion. Il se souvenait très bien que quelques heures avant le combat contre la Chimère, il lui avait avoué que si Maria venait à mourir, il ne le surmonterait sans doute pas, que ce serait la goutte de trop. Ensuite, il y avait la demande qu’il avait fait à sa cousine.

Et Matthew…

Matthew était mort. Et l’autre Ethan en avait ri, sans doute encore plus en sachant que la partie qui se battait pleurait aussi sa mort. Lucas se força à regarder à nouveau Maria pour lui dire :

- « Écoute… mon comportement était inexcusable. Je le sais. Je le comprends maintenant. Della me l’a bien fait comprendre, et admettre. Ethan n’était pas plus en contrôle de ce qu’il disait ou faisait que nous lorsque tu es partie avec Matthew. La seule personne qui peut s’en prendre à lui, c’est toi. Pas moi. Pas Perry. Ni Della ou Derek. Personne d’autre que toi. Il est à toi. Comme votre lien le stipule. »

En voyant les sourcils de sa cousine se froncer et en sentant le désarroi qui montait en elle, il se força d’ajouter :

- « Je n’ai aucun droit le concernant. Pas plus maintenant qu’hier ou demain. Je suis vraiment désolé. Moi plus que tous les autres j’aurais dû savoir… connaître les conséquences… »

Cette fois, Maria haussa un sourcil et marmonna :

- « On apprend tous les jours. Et je te pardonne, pour cette fois. Mais ne t’avise pas de recommencer. »

La menace sous-jacente n’était pas feinte. Il savait très clairement qu’il y aurait des représailles s’il recommençait à agir en salaud avec Ethan. Mais il n’en avait pas l’intention. Pas aujourd’hui, ni demain, ni jamais. Sauf si ce dernier attaquait ce qui lui appartenait et qui possédait une partie de son âme à lui, Lucas. Il avait parfaitement conscience, toutefois, qu’Ethan ne s’attaquerait jamais à Kylie s’il avait toute sa tête. Il n’était pas vraiment bagarreur, ce loup-là. Sauf lorsqu’il n’avait pas le choix.

C’est ce qui rendait son comportement aussi stupide. Il aurait dû pouvoir faire la distinction facilement. L’un était dans les menaces, la violence verbale et physique, la taquinerie mauvaise… tandis que le loup qu’il connaissait était taquin, joueur et profondément gentil lorsque les circonstances le permettait.

- « Merci. Et je ne te décevrai plus, cousine. Je surveillerai les autres pour toi. »

Maria hocha la tête et il y répondit. Il se sentait plus léger d’avoir eu cette discussion. Ce mouvement de leur part sembla attirer l’attention des autres, parce que Della lança :

- Alors, est-ce qu’on peut passer à autre chose?

Sa cousine se tourna brusquement vers la vamp en retroussant les babines :

- Je croyais vous avoir demandé de vous entraîner entre vous.

- C’est ce qu’on a fait… mais ça fait déjà quinze minutes, avança Miranda.

- Et? Attaqua Maria.

Ils la dévisagèrent tous et Lucas crut bon d’intervenir pour soutenir sa cousine :

- C’est l’un de nos meilleurs atouts. Mieux vaut y travailler autant que possible…

- Oui, peut-être, sauf qu’on peut le faire… commença la vamp à haute voix avant de poursuivre dans sa tête. « N’importe où. Kelsea a dit qu’on pouvait se parler sur des kilomètres, alors on peut se pratiquer le soir dans nos bungalows. Se battre, on ne peut pas s’y entraîner souvent! »

Il acquiesça en soupirant tandis que Maria haussait des épaules et sans prévenir se jeta sur Della. Il eut un petit sourire en voyant cette dernière passer tout près de se faire aplatir au sol par la louve. Sa cousine avait littéralement un don pour ça. Il eut toutefois beaucoup moins envie de rire, lorsqu’elle se glissa dans le passage entre l’Ombre et la Lumière pour surgir derrière lui en glissant mentalement à tout le monde :

- « Protégez-vous si vous pouvez! »

Ça ne prit pas une seconde qu’il se retrouva au sol. Suivit rapidement par Kylie, Della et Derek. Maria se mouvait si rapidement que les sorts de Miranda n’arrivaient pas à l’atteindre pas plus que les attaques de Perry. Assez rapidement, ils se retrouvèrent par terre aussi. Les secondes suivantes, se fut au tour de Katryne et Jenny de mordre la poussière. Il ne restait qu’une seule personne debout.

Burnett.

Ça prit encore quelques instants, mais à force d’attaque en traître, sa cousine parvint à le faire culbuter vers l’arrière. Le vampire tomba inélégamment au sol en jetant un regard mauvais à Maria.

- À ce que je vois, il vous reste encore du travail, lâcha-t-elle en souriant.

Il n’eut qu’une envie et s’était de grogner et à voir le regard de tous les autres, ils pensaient la même chose. Toutefois, il comprenait la tactique de sa cousine. Ce n’était plus le moment de faire dans les petits entraînements de combat, mais d’y aller plus sérieusement avec la pratique. Dans des vrais scénarios où leurs pouvoirs à tous étaient loin d’égaler celui de leur adversaire. Et ils avaient tous conscience que Maria avait une longueur d’avance sur eux. Notamment avec la possibilité d’utiliser ce passage.

- « Ce n’est pas parce qu’on s’entraîne au combat que vous ne pouvez pas utiliser ceci. Apprendre à l’utiliser en se battant vous permettra de l’utiliser d’instinct dans des situations tout aussi dangereuses. C’est notre meilleur avantage, car on n’a pas besoin d’ouvrir la bouche et risquer de se faire entendre. »

Ils hochèrent tous de la tête et certains le firent en grommelant. Ils se levèrent tous d’un bond lorsque Maria leur fit signe de le faire. Cette fois, ils reprirent leur entraînement habituel, mais cette fois dirigée par Burnett puisqu’il avait une bonne expérience en la matière. Ils apprirent de nouveaux mouvements pendant les quinze minutes suivantes.

Ce ne fut pas particulièrement une partie de plaisir. Lucas était complètement en sueur comme tous les autres et il se fit la réflexion que s’entraîner mentalement seulement aurait été beaucoup plus reposant. Car il ne s’entraînait pas seulement physiquement avec Burnett, puisque Maria les travaillait mentalement en même temps. Il ignorait comment faisait sa cousine pour suivre les renseignements de Burnett tout en les faisant travailler leur maîtrise de la télépathie. Il n’avait aucune idée non plus de comment leur directeur faisait pour rester concentrer sur les leçons qu’il donnait.

- « Bon… ça suffira pour ce matin. Là, il faut aller se décrasser si on veut pouvoir arriver à temps pour nos cours et sans puer aussi fort qu’un buffle. » trancha Maria.

Ils poussèrent tous un soupir soulagé, même Della qui avait été réfractèrent à l’idée de continuer les cours normalement. Lui non plus, ça ne l’enchantait pas. Surtout qu’ils n’avaient pas une période infini pour s’entraîner jusqu’à la prochaine Pleine Lune! D’un autre côté, il n’avait pas envie de reprendre les cours à la fin, alors il comprenait Maria.

Il sut qu’il y aurait un problème au moment où il vit une portion de fourrure rouge passer à toute vitesse au loin entre deux arbres. Il vint pour prononcer un mot en ce sens, mais déjà Maria poussa un long grondement en s’élançant vers ce qu’il soupçonnait être la Hère.

Ça puait le piège à plein nez.

******************

Christine poussa un soupir en s’asseyant à la chaise qui faisait face au bureau des co-directeurs de Shadow Falls. Holiday se trouvait devant elle et pianotait sur son bureau d’un air absent et en colère. Elle n’avait aucun doute de connaître la raison de cette colère. La fée n’aimait pas savoir ses élèves en danger et le fait que Maria apprenaient le combat à ses amis la dérangeaient énormément. Car cela signifiait qu’ils allaient se battre aux côtés de la louve. Oui, la sorcière comprenait parfaitement les pensées qui taraudaient l’autre femme. Si elles le pouvaient, elles empêcheraient Maria de mener ce combat. Le seul problème c’est qu’elles ne pouvaient pas le faire, sinon tout le monde se retrouverait en danger. Et pas seulement les résidents de Shadow Falls…

Mais Maria était si jeune… Si jeune pour autant de responsabilités.

Sauf que jusqu’ici elle s’en sortait admirablement bien. Peut-être trop bien pour sa santé mentale et émotionnelle. La jeune louve était dans l’âge où son plus gros soucis aurait dû être sa garde-robe ou de choisir entre avoir une vie sociale active ou non. S’amuser comme elle l’entendait. Être rebelle si elle le voulait. Mais elle ne pouvait pas, elle devait endosser des responsabilités que très peu désireraient même à l’âge adulte. Et ce… pour le bien de tout le monde.
Une lourde responsabilité que de protéger tout le monde lorsque l’on se bat déjà pour obtenir son diplôme. Christine reporta rapidement son attention sur l’instant présent lorsque la fée demanda :

- Hier tu m’as dit que tu voulais me parler de quelque chose. En privé.

- Oui… affirma la sorcière en se tordant les mains.

- Alors je t’écoute.

- C’est un peu… délicat, souffla-t-elle en frissonnant.

Comment pouvait-elle avouer une telle chose? Comment ferait-elle pour l’avouer? C’était bien la raison pour laquelle elle voulait en discuter avec Holiday. La réaction de la fée à ce qu’elle voulait lui annoncer l’angoissait, c’était vrai, mais pas autant que pour Maria et Jean-François. Surtout ce dernier. Il ne lui pardonnerait sans doute pas. Pas tout de suite. Peut-être jamais.

Mais ils avaient enfreint les règles.

Plus d’une fois.

Et la dernière insubordination avait entraîné beaucoup plus de complications que prévue. Un plus gros déchirement, aussi. Elle avait encore envie de pleurer, même après près de dix-huit ans. Et revoir Jean-François après tout ce temps… ça n’aidait pas.

Le contact soudain de la main d’Holiday sur la sienne la ramena à nouveau dans le moment présent.

- Tu peux avoir confiance en moi, lui affirma-t-elle.

Christine n’avait pas le moindre doute à ce sujet, mais ça ne rendait pas les choses plus faciles pour autant. Ça faisait des années qu’elle gardait le secret. Des années qu’elle n’avait pas d’autres choix que de garder le silence. La seule personne qui avait été au courant, c’était Rose. Un éclair de douleur la traversa. Sa meilleure amie lui manquait tellement…

Elle se souvenait encore du conseil que celle-ci lui avait donné.

Dire la vérité.

Rose avait toujours trouvé l’idée stupide que des relations entre les membres des Sorcières des Bois et les Lechasseur étaient proscrites. Elle aussi le trouvait, mais elle respectait beaucoup trop sa famille pour le dire ouvertement et… ne se pensait pas suffisamment objective. Peut-être qu’il y a longtemps il y avait une raison pour cela, mais qu’elle s’était peu à peu oubliée… Christine se secoua intérieurement et affirma d’une voix qu’elle espérait forte.

- Je sais, pardonne-moi. Ça fait beaucoup trop longtemps que je garde ce secret pour moi. Près de dix-huit ans, pour être exacte. Et depuis que Rose est morte… je ne me suis jamais réellement confiée à quelqu’un.

- Dix-huit ans? Sans jamais te confier? S’étonna la fée.

- Je n’ai toujours eu qu’une meilleure amie. Avec nos devoirs respectifs, on n’avait pas l’occasion de rencontrer bien des gens, expliqua-t-elle. Et quand Rose…

Elle déglutit difficilement avant de continuer :

- Quand je me suis retrouvée toute seule, j’ai suivi les déplacements de Maria dans l’ombre. Pour la protéger.

Holiday la dévisagea longuement. C’était une partie de l’histoire qu’elle n’avait pas révélé à la jeune louve. Elle pouvait lire la désapprobation dans le regard de la fée et elle le savait méritée. Du moins, en partie. Elle aurait pu arracher Maria à ses parents adoptifs, mais il y aurait eu de graves conséquences. C’était la raison pour laquelle elle n’a jamais agi.
Elle s’en voulait encore d’être arrivée trop tard pour Médric. Il l’avait accueilli dans sa famille sans même y réfléchir à deux fois, certes sa famille à elle et celle des Lechasseur étaient énormément lié, mais il y avait toujours des risques. Le fait qu’elle se soit jointe à la famille Lechasseur avait compliqué encore plus sa relation avec Jean-François. Aucun des membres de la famille n’avait été dupe quant à leurs attirances mutuelles. Personne n’a jamais rien dit, du moins pour Médric et sa femme, car ils croyaient que rien ne se passait entre eux. Et apparemment ce n’était pas la première fois qu’ils y avaient des attirances physiques plutôt fortes entre les deux familles.

- Ce n’est pas de ça, que je voulais parler, dit-elle d’un ton plus dur que souhaité. Ça aurait créé plus de problèmes que c’en en aurait réglé si j’avais pris Maria sous mon aile où avait forcé une autre adoption. Un foyer d’accueil, ce n’est pas une bonne idée quand un Lechasseur affronte la Chimère.

Le visage de la fée se ferma et Christine prit cette réaction comme une considération des dangers que cela pouvait créer. Elle eut la confirmation de son hypothèse lorsque Holiday afficha un air plus doux pour demander :

- Alors de quoi voulais-tu parler?

La sorcière jeta un coup d’œil vers Hannah qui dormait profondément dans le berceau à côté de la fée. Son visage s’attendrit en même temps que son cœur se gorgeait de larmes contenues, de douleur et de ressentiment. Envers elle-même. Elle se détestait toujours autant pour cela.

- De mes filles, souffla-t-elle en sentant son cœur voler en éclat.

- De tes filles? s’étonna Holiday.

Le choc était perceptible sur le visage de la directrice du pensionnat. Un choc particulièrement grand. Elle ne s’en étonnait pas vraiment, elle n’avait jamais vraiment mentionné le fait d’avoir désiré une famille, ou d’en avoir eu une. Elle avait tout fait pour taire ce côté de son passé. Et pour une excellente raison. Certaines personnes devaient l’ignorer et ça ne ferait qu’empirer les choses si les mauvaises personnes étaient au courant.

- Oui, mes filles, acquiesça-t-elle la voix avec toujours cet accent de douleur perceptible.

Le regard de la fée était clair, elle se demandait ce qui était arrivé. Pourquoi il s’agissait du secret le mieux gardé de la sorcière. Christine adorerait répondre de manière directe et précise, mais elle ne s’en sentait pas la force. Elle préférait prendre la voie détournée, celle qui lui évitait de trop s’impliquer. Repenser à tout ça était encore si douloureux…

- J’ai déjà mentionné que les relations entre les Lechasseur et ma famille étaient proscrites. Les relations intimes, je précise.

Elle lut clairement qu’Holiday savait exactement où elle se dirigeait et elle ne fut pas particulièrement surprise lorsque la fée énonça :

- Mais ça n’a pas empêché que se passe quelque chose entre Jean-François et toi.

- Je serais vraiment intéressée à savoir comment tu peux être aussi certaine que j’ai eu une relation avec lui. Je pouvais parfaitement parler de son frère jumeau…

- Pas avec les échanges que vous avez eu, affirma la directrice avec un léger sourire.

- Mais encore?

- J’ai vécu une expérience similaire avec Burnett. Ça s’est plutôt bien terminé pour nous…

Christine dévisagea la fée un instant, se demandant si cette dernière n’essayait pas de lui faire passer un message. Elle n’en tint toutefois pas compte et décida de continuer là où elle s’était arrêtée.

- Avant nos dix-sept ans, on n’a jamais été très loin. Nos deux familles nous surveillaient relativement de près. À peine avons-nous échangé un baiser volé. Quand ma famille… Quand j’ai emménagé chez les Lechasseur, la situation a été plus délicate. Tout en étant discret, on s’est mis à sortir ensemble. Pendant trois ans, jusqu'au mariage de Rose et Matthew, en fait. Peut-être quelques mois plus tard. Nous nous sommes montrés négligeant une seule fois. Juste avant une Pleine Lune.

Elle ne pensait pas avoir besoin d’être très explicite sur le côté négligeant dont elle parlait. Ça n’avait pas été la première fois que JF et elle se livraient au côté plus charnel de la vie de couple, même s’ils se montraient très discret à ce propos, pour ne pas que leurs parents s’en rendent compte. Ou plutôt les parents de JF. Elle déglutit un peu en songeant à ce qu’il s’était produit ensuite. Deux semaines après leur négligence, la mère de Rose était morte et JF était sorti de sa vie aussi rapidement que ça.

Elle ne le dirait jamais et la seule personne au courant étant Rose… Personne ne saura à quel point elle avait été anéantie par son départ.

Comment elle l’était encore.

Elle papillonna rapidement des paupières pour se rappeler à l’ordre. La lueur de compassion dans le regard de la directrice lui fit plus de mal que de bien. Elle ne voulait pas de pitié. Elle n’en méritait pas vraiment. Pas pour ça. Elle poursuivit rapidement pour rendre le tout moins pénible :

- Deux semaines après, la mère de Rose décédait. Et JF est parti. Comme ça. Il avait besoin de partir. De disparaître. Je ne l’ai jamais plus revu jusqu’à tout dernièrement.

- Tu étais enceinte de lui à ce moment, devina la fée.

Elle acquiesça en silence. Elle avait découvert sa grossesse deux semaines après le départ de JF. Christine aurait pu le tracer avec un sort. Elle aurait pu le retrouver pour lui annoncer et prendre la décision avec lui. Choisir ce qui convenait de faire. Sauf qu’il était parti si facilement… Elle croyait qu’il n’aurait jamais souhaité avoir un lien avec tout ça.
L’avortement n’était pas une option pour elle.

Elle avait donc choisi la grossesse, supporté dans ce choix par sa meilleure amie. Médric avait eu l’air content pour elle et pour cette unique raison, elle n’avait jamais avoué qui était le père. À cette époque, Médric était tellement fragile. Savoir qu’ils avaient joué derrière son dos tout ce temps, ça lui aurait fait du mal. Beaucoup plus qu’elle ne pouvait supporté de lui en faire.

Maintenant elle regrettait, car peut-être qu’il aurait réussi à surmonter la mort de Rose. Peut-être que savoir que Christine était aussi enceinte d’un membre de sa famille, de ses petites-filles… de deux autres, lui aurait fait du bien. Et Maria aurait grandi dans sa famille. Avec ses cousines. Elle ne se serait pas retrouver dans l’obligation de… cette seule pensée lui fut tellement douloureuse qu’une larme lui échappa.

- Lorsque j’ai accouché… c’était des jumelles. Et elles avaient hérités des gènes de loup-garou de JF, lâcha-t-elle d’une voix sourde pour éviter de pleurer davantage.

Lentement, elle voyait le regard de Holiday changer. Le doute et la crainte emplissait les yeux vert de la directrice. Elle commençait à voir où l’histoire de Christine allait se terminer, et comme elle, elle savait que ce n’était pas bon. Que c’était dangereux. Elle ne connaissait pas les répercussions réellement dangereuses de ce savoir, mais le côté émotif de la chose l’était tout autant. Surtout en ce moment.

- Je ne pouvais pas garder mes filles, confia-t-elle en sentant des larmes emplirent à nouveaux ses yeux. Mon devoir passait avant tout et… je ne voulais pas forcer mes filles dans une vie qu’elle ne méritait pas. Mais le destin fait toujours bien les choses, douloureusement serait sans doute plus juste pourtant…

Elle avait dû confier les filles à un orphelinat, en stipulant spécifiquement qu’elle refusait qu’elles soient séparées. Elle usa de sa magie pour s’assurer que ce ne serait pas le cas. Et bien entendu, son sort se retourna contre elle en agissant de manière particulièrement cruelle. Tout en suivant les mouvements de Maria, Christine avait gardé un œil magique sur ses filles. Cela prit trois ans avant qu’elles ne soient finalement adoptées.

Par un couple dont la femme était stérile.

- JF s’est marié. Je l’ai découvert en le visualisant, chose que je n’aurais jamais dû faire. L’unique ennui à leur bonheur, c’était que la femme était stérile. Ils ne pouvaient pas avoir d’enfants biologiques, dit-elle en essayant de se détacher de ses sentiments, surtout à cette jalousie mal placée.

Cette fois, elle n’avait aucun doute, Holiday se doutait exactement de ce qu’elle allait dire. Oui, elle savait. Elle connaissait l’identité de sa fille. La dernière vivante. À cette pensée, les larmes s’écoulèrent sur ses joues sans retenu. C’est la voix complètement brisée et très faible qu’elle souffla :

- Je les surveillais toujours… par magie. J’ai assisté à la mort de la cadette… La mort de ma fille. Et je ne pouvais rien faire.

La main de la fée se resserra sur la sienne et elle sentit une douce chaleur l’envahir. Le pouvoir de la directrice l’emplit jusqu’à rendre sa douleur supportable, mais elle ne parvint pas à la faire disparaître. Holiday était extrêmement sérieuse lorsqu’elle s’enquit, légèrement incertaine :

- Ta fille… celle qui n’est pas morte… C’est bien Sarah? Sarah Légaré. Sarah Lechasseur. La Sarah qui est une Cerbère.

Elle ne put faire autre chose que de hocher la tête. Et continua mentalement l’énumération dans sa tête. Sarah la fille biologique et adoptive de JF. Sarah la cousine de Maria. Sarah la louve sous le contrôle d’une vipère marine. Elle se perdit un moment dans la contemplation de l’extérieur par la fenêtre du bureau. Elle avait pris la précaution d’empêcher quiconque de surprendre la conversation…

Lorsqu’elle releva les yeux sur Holiday, elle dit d’un ton plus ferme :

- Maria a besoin de le savoir.

- Je crois que Jean-François aussi devrait être mis au courant, avança Holiday avec un regard pesant.

- Il le sera, il n’aura pas le choix. Mais Maria doit le savoir. Elle en aura besoin.

- Pourquoi… commença la fée, mais elle fut interrompue par un élan de rage dans leur tête.

Du moins, Christine supposa-t-elle que la directrice avait aussi sentie la force de la haine, de la rage et de la violence qui s’était imposé à elle en provenance de Maria. Quelque chose se passait. Quelque chose de dangereux. Si l’air qu’affichait Holiday en ce moment n’était pas une conséquence de cette force destructrice que la louve imposait, la sorcière voulait bien aller trouver les poules pourvues de dents. Maria avait des problèmes.

Les deux femmes se levèrent d’un même mouvement.

******************

Re: Nouveau départ [Nés à Minuit]

Publié : jeu. 09 avr., 2020 7:52 am
par Mimie99
Katryne perdit plusieurs secondes la bouche ouverte de béatitude en voyant Maria foncer tête baissée vers ce qui semblait être la Hère. Une fois le moment de stupéfaction passé, elle s’élança à la suite de son amie aussi vite que ses jambes pouvaient la porter. Et tous les autres en firent de même, chacun avec le même rictus furieux au visage. La rage de Maria était communicative.

Son amie fonçait comme une fusée évitant les arbres de justesse, à chaque fois qu’elle la voyait faire un virage serré à la dernière seconde, Katryne frissonnait. Malgré les entraînements de Maria, elle était encore loin d’être à ce niveau de perfectionnement et de connaissance de soi. À quel point la louve avait-elle dû s’exercer avant de maîtriser tout ça? Parviendrait-elle elle-même à atteindre ce niveau? La vamp avait de très gros doute à ce sujet.

Même plutôt énorme, songea-t-elle en perdant pied et s’écroulant par terre du même coup.

Elle râla quelque seconde dans sa langue maternelle tout en maudissant ses pieds doublement gauches. Toujours en grommelant, elle se releva. Personne ne s’était arrêté pour l’attendre, mais elle n’en était pas surprise. Elle regarda tout autour d’elle pour essayer de repérer les autres, mais vu la vitesse à laquelle ils allaient… ils étaient déjà hors de vue.

Elle avait encore en mémoire la vision grotesque d’un Derek sur le dos de Jenny. Tout comme de Miranda qui était entre les serres d’un immense oiseau préhistorique. Malgré qu’ils utilisaient fréquemment cette méthode, ça ne l’empêchait pas de trouver cette vision particulièrement étrange. À chaque fois.

Comme ses yeux ne lui étaient d’aucun secours, elle apprivoisa ses autres sens. Elle n’était pas une excellente traqueuse, la preuve elle avait encore des difficultés à reconnaître à l’odeur certaines personnes, ou encore certaines émotions, ou désirs. Della lui avait donné quelques tuyaux de manière plus ou moins volontaire à l’occasion, mais ce n’était pas suffisant.
Au moment où elle s’apprêtait à foncer tout droit, direction qu’elle empruntait déjà au départ, une voix l’arrêta immédiatement :

- « Elle est partie vers les bungalows! »

C’était la voix de Maria. Elle n’en avait aucun doute. Et en réalité, elle était la seule à être capable de s’adresser à tout le monde en même temps. Chacun d’eux avait essayé pendant les quinze minutes d’échanges silencieux entre Maria et Lucas. Aucun des deux n’avait d’ailleurs fait mention de ce dont ils avaient discuté. Tout ce que Katryne avait pu en tirer, c’était qu’à un moment, son amie avait été très en colère.

Elle avait aussi perçu de la douleur dans son regard.

La vamp n’avait pas oublié les mimiques de son amie ni les manières qu’elle avait de réagir aux situations et à ses sentiments. Elle avait encore toutes ses connaissances en mémoire, emmagasiner quelques parts entre sa tête et son cœur. Elle n’avait jamais réussi à chasser Maria de sa mémoire. Elle y était gravée au fer rouge, comme étant sa seule et véritable amie.

Rejetant ces pensées qui ne faisaient que la distraire, elle secoua la tête avant de s’élancer à toutes jambes en direction des bungalows comme l’avait annoncé la louve. Elle avait remarqué que sa vitesse avait considérablement augmenté à chaque nouvel entraînement avec son amie. Ça l’effrayait et l’emplissait d’extase à la fois. Katryne n’appréciaient pas la course avant, mais maintenant… maintenant ça la remplissait d'une joie indescriptible.

Augmentant encore la vitesse de ses pas, elle accéléra jusqu’au point qu’elle pouvait sentir tous ses muscles brûler sous l’effort. Plus rapidement qu’elle ne l’avait escompté, elle rejoignit tous les autres. Elle passa à deux doigts de foncer de plein fouet dans Della, d’ailleurs.

Ils étaient tous arrêtés.

Elle freina sec et se retint à un arbre qui fut à moitié déraciné dans la manœuvre. L’autre vamp lui jeta un regard avant de lever les yeux au ciel, mais aussi vite qu’elle lui avait porté attention elle reporta cette dernière à l’endroit où ils avaient tous le regard tourné. Dans une zone complètement vide si on exceptait des arbres.

- Où est-ce qu’elle est passée? S’enquit Maria sur un ton grondant.

- J’aurais juré qu’elle était juste là… marmonna Lucas, les sourcils froncés, tout en pointant une direction du doigt.

- Moi aussi, acquiesça Perry.

Quelques autres hochèrent de la tête pour confirmer ce fait et rapidement ils regardèrent partout, mais aucune trace de la Hère. Où pouvait-elle se trouver? Cette fois, ce fut Katryne qui la repéra avant Maria et elle s’écria :

- La voilà!

Au même moment où tout le monde tournait la tête dans sa direction, une voix s’infiltra dans leur tête à tous avec la même délicatesse que des ongles grattant l’intérieur du crâne. Ils portèrent tous les mains à la tête à cette voix détestable :

- « Le sang innocent est toujours le meilleur… et l’un de vous y passera aujourd’hui. »

Un frisson traversa l’échine de Katryne avant de se frayer un chemin jusqu’à sa colonne vertébrale. Elle n’aimait pas ce que disait cette chose. Elle avait déjà vu beaucoup trop de personnes mourir jusqu’ici. Il y avait eu ces différents meurtres commis par la Hère et la Cr*ss de Dame aux Fleurs (c’était ainsi qu’aimait bien l’appeler Katryne). Ensuite, les Cerbères en avait commis quelques-uns… Elle se souvenait encore de cet agent de l’URF, le loup-garou… Elle avait assisté à sa mort en personne.

Et bien entendu, il y avait Holiday.

Elle était la seule à l’avoir accueilli avec chaleur et gentillesse à son arrivée ici. Heureusement la fée avait été sauvé par Kylie, mais c’était passé tellement près qu’elle n’en revienne pas. Elle se souvenait encore de la peur viscérale qui l’avait emplie à ce moment-là. La même peur qui l’avait habité lorsqu’elle avait vu Maïa dans sa véritable forme avec Maria à sa merci.

C’était quelque chose qu’elle ne voulait plus jamais voir.

Son amie en danger, elle détestait ça. Elle avait envie de disparaître à chaque fois, tout en sachant que si le choix lui était offert, elle resterait là. Elle le devait à Maria pour tout ce dans quoi elle l’avait embarqué. Et lui avait fait endurer, même si elle avait eu une raison.

Encore une fois en l’apercevant, la louve fondit sur la créature. Pourquoi Maria agissait-elle avec autant de violence? Était-ce parce qu’elle voulait se débarrasser dès maintenant d’un autre pion de Maïa? Il était vrai que la Hère avait disparu pendant un moment. Sauf que la Cr*ss de Dame aux Fleurs venait déjà d’en perdre un… Pourquoi se risquerait-elle à en envoyer un autre en danger? Ça n’avait aucun sens…

Sauf si c’était un piège.

Elle ne commençait que tout juste à soupeser cette idée tout en courant, lorsque Maria prit la parole dans sa tête :

- « Je ne la laisserai pas me filer entre les doigts. C’est aujourd’hui que ça se termine. Et apparemment la Hère a l’intention de s’attaquer à l’un d’entre nous. Et ça n’arrivera pas. Plus jamais. »

Katryne ignorait qui avait demandé à Maria la raison de sa conduite, mais elle fut conforté dans l’idée que ce n’était pas un agissement normal si tout le monde pensait la même chose. Toutefois, une chose l’inquiétait dans les mots employés par son amie. Le « plus jamais », particulièrement. Personne n’était… Humm… Aucun des amis proches de la louve n’était mort dans une confrontation avec la Hère, mais certains élèves, oui. Et Maria avait clairement stipulé qu’elle prenait la sécurité de tout le monde comme sa responsabilité.

Mais elle n’avait pas à agir seule, toutefois.

La vamp était prête à l’aider autant qu’elle en était capable, voire même à se surpasser. Elle n’avait aucun réel espoir qu’elle puisse se surpasser, déjà que sa nouvelle nature l’effrayait encore par moment. Notamment à cause de tout le pouvoir que ça lui conférait. Toutes les opportunités particulièrement incroyables qui s’offraient à elle. C’était tellement différent de tout ce qu’elle avait connu… ses parents penseraient sans doute qu’elle était une créature de Satan. Sans âme.
Cette pensée la fit déglutir, mais elle s’obligea à se concentrer sur la poursuite.

- « Kelsea, Lucas, Kylie et Katryne, prenez la gauche! Della, Perry, Miranda et Ethan, prenez la droite! Les autres, vous vous chargez du centre avec moi! » clama Maria dans un grondement mental si puissant que sans le vouloir, elle se mit à accélérer.

La voix de son amie était si puissante et chargée d’autorité que ça la poussait à surmener son corps déjà au maximum de ses capacités. Du moins, avait-elle cru qu’elle allait à son maximum, mais ce n’était pas le cas si elle en croyait à quelle vitesse ses membres la portaient maintenant. Elle suivit rapidement son groupe en prenant plus sur la gauche.

Elle ne voyait pas Kelsea, mais pouvait sentir sa présence. Cette dernière n’avait pas encore retrouvé l’entièreté de sa puissance. Même loin de là, puisqu’en ce moment Katryne était presque certaine que la Chimère se trouvait dans le passage que Maria n’arrêtait pas d’utiliser plus tôt. Elle avait toutefois suffisamment appris à connaître Kelsea pour savoir que ses difficultés physiques ne l’empêcherait pas de prendre part au combat, pas si ça signifiait protéger Maria d’un danger mortel.

- « On va piéger la Hère, essayez de la coincer quelque part. Proche des chutes, idéalement. Faites tous comme si vous ne faisiez que la suivre, mais on va essayer de la pousser dans cette direction. Je crois que l’endroit pourrait la rendre plus vulnérable… »

Quelqu’un avait sans doute questionné leur amie sur le plan qu’elle avait en tête pour leur demander de prendre formation. La question avait passé rapidement dans la tête de la vamp, mais elle était trop occupée à courir pour amasser la concentration nécessaire. Plus que jamais, elle songea que Maria avait raison quand elle disait qu’ils devaient tous travailler leur télépathie pour parvenir à l’utiliser en toutes circonstances. Les lacunes de Katryne étaient immenses en la matière… elle s’en rendait compte maintenant. Immobile sans rien d’autre à penser, c’était facile. Pendant des exercices, c’était faisable. Mais pendant une poursuite qui était loin d’être un jeu?

La panique l’empêchait de trouver la maîtrise nécessaire et le calme demandé pour partager ses pensées avec qui que ce soit.

Au moins, l’un d’entre eux semblait réussir…

Elle se promit d’y travailler plus durement dès qu’ils en auraient fini avec tout ça. Elle se le devait. Pour elle et aussi aux autres. Si elle était la seule avec cette problématique, elle pourrait tous les mettre en danger. Faire du tête à tête, c’était long dans une situation critique comme la leur. L’idéal serait de tous pouvoir se partager les informations en une seule fois, sans avoir besoin de Maria pour faire la messagère, l’intermédiaire. Une seconde de perdue pouvait être la seconde de trop. Elle n’avait compris ce point de vue qu’en arrivant à Shadow Falls. Avant ça, elle ne saisissait pas comment une seconde pouvait tout changer…

Lentement, mais surement, ils réussirent à diriger la Hère dans la bonne direction et aussi à la rattraper. Très lentement, pour ce dernier point. Della, Maria et Burnett étaient ceux qui semblaient le plus proche. Ensuite venait Kylie et Ethan, puis Lucas. Après bien sûr il y avait Derek sur le dos de Jenny ainsi que Miranda et Perry. Katryne avait un peu de difficulté à garder le rythme, mais elle n’arrêterait pour rien au monde.

Elle ignorait où se trouvait la Chimère, mais elle se doutait qu’elle devait être devant elle plutôt que derrière. La vamp était vraiment à la traîne sur plusieurs choses dans ce nouvel univers. Elle n’avait aucune avance et aucun avantage à offrir si ce n’était deux bras et deux jambes supplémentaires dans les efforts de groupe.

Elle se sentait encore plus comme le maillon faible du groupe qu’à l’habitude. Elle aurait dû mettre plus d’effort dans les entraînements, elle aurait surement pu le faire si elle avait moins écouté les douleurs de son corps endolori. Mais elle était tellement moins entraînée que les autres… et n’avait jamais mené aucun combat. Elle avait fui plutôt que de se battre. Et maintenant, elle savait pertinemment qu’elle n’aurait eu aucune chance face à son ravisseur. C’était justement lui qu’ils pourchassaient tous.

Katryne regardait droit devant elle, sans respirer ou presque, se concentrant uniquement sur chacun de ses pas et sur les mouvements de la Hère et ceux des autres du groupe. Rien d’autre ne l’assaillait plus. Puis le temps sembla ralentir lorsqu’elle vit la Hère faire demi-tour en un mouvement si rapide que ses yeux ne semblaient pas être tout à fait certains d’avoir bien vu. Mais son corps réagit dans la seconde.

La créature fonçait tout droit vers Maria. Cette créature de cauchemar malgré sa petitesse fonçait tout droit vers son amie. Les griffes bien sorties et les crocs à découvert. La vamp ne pensait pas avoir encore de l’énergie en réserve, ni la capacité d’aller plus vite… mais elle avait tort. Encore une fois. Elle allait si vite que tout lui parut floue et pourtant… tout allait tellement lentement! Elle n’arrêtait pas de se dire qu’elle n’aurait pas le temps, pas le temps de l’atteindre… pas le temps de sauver son amie.

Elle eut le temps de sauver son amie.

Mais pas celui de donner le coup de pied dont elle avait le secret. Les griffes de la créature s’enfoncèrent profondément dans son corps et elle eut l’impression d’être transpercé par des lames chauffées à blanc. Lorsque la créature abaissa les griffes pour lui lacérer l’intégralité de son ventre, du haut vers le bas, elle poussa un gémissement tellement la douleur était forte.

Elle tomba à genoux au moment où la créature retirait ses griffes pour mieux s’élancer un peu plus loin, un air de joie malsaine dansant dans ses yeux alors qu’elle portait ses griffes rougies à sa gueule pour les lécher.

- « Le sang innocent est vraiment le meilleur! » susurra-t-elle.

Katryne posa un regard sur son corps en même temps que ses mains se déposaient sur son ventre, pour retenir en vain son intérieur. Elle passa tout près de tourner de l’œil pour ne pas en revenir, mais elle se força à rester éveillée.

- Je suis désolée… souffla-t-elle.

Du sang perlait sur ses lèvres. Elle était habituée au goût du sang.

******************

Je me figeai instantanément en voyant Katryne se matérialiser devant mes yeux au moment exacte où la Hère fondait sur moi pour me transpercer de ses griffes. J’y aurais sans doute survécu, mais dans un sale état. Très sale état. Sauf que ça ne s’était pas produit. Ça ne s’était pas produit, car Katryne avait mangé le coup à ma place.

Katryne qui gisait maintenant à genoux, devant moi.

Katryne qui s’excusait.

Mais pourquoi au juste? Des larmes se formèrent dans mes yeux, mais je me forçai à les refouler. Ce n’était pas le moment. Ce n’était surtout pas le moment. J’avais suivi la Hère des yeux alors qu’elle s’éloignait, contente d’elle. J’avais prêté attention à ses mots, même si distraitement. Ce n’était qu’à cause de l’état de Katryne que je ne m’étais pas ruée vers elle pour l’anéantir là, tout de suite.

J’avançai de quelques pas pour être face à… face à mon amie. À ma meilleure amie. Je l’attrapai par les mains avant qu’elle ne s’effondre par l’arrière et m’agenouillai à ses côtés, en disant d’une voix éteinte :

- Mais voyons, qu’est-ce que tu racontes?

- Tu n’avais pas besoin de ça, dit-elle en serrant un peu plus son ventre.

Je me refusais à regarder. Ça me rappelait beaucoup trop un autre évènement très similaire. Et voir le sang qui coulait de sa bouche, c’était déjà trop pour moi. Si je jetais un coup d’œil plus bas, je risquais d’éclater. Et ce n’était pas le moment. Je passai une main dans les cheveux de mon amie et ma voix se cassa quand je dis :

- Ça va aller, je te promets que ça va aller!

C’est à peine si je me rendais compte que j’utilisais ma langue maternelle. Je tournai la tête vers Kylie et elle comprit immédiatement. Elle s’approcha, posa les mains sur le ventre de Katryne. Une lueur apparut, avant de s’éteindre et Kylie blêmit brusquement. À un point que j’avais l’impression qu’elle était morte. Un pâle sourire s’étira sur les lèvres de mon ancienne meilleure amie. Ses lèvres étaient bleuies maintenant.

- C’est correct, Maria… Ça va aller.

Elle retira l’une de ses mains de sur son ventre pour saisir l’une des miennes. Ce mouvement sembla lui faire perdre le peu de force qui lui restait pour tenir debout, car elle commença à s’effondrer. Je réussis in extremis à la retenir et à la ramener sur moi, la serrant comme toutes les fois où nous étions enfant et qu’elle avait la trouille après avoir regardé un film interdit pour les moins de quatorze ans. Des films d’horreur la majorité du temps. On s’endormait souvent dans les bras l’une de l’autre, dans ces moments-là. La main qui tenait la mienne se resserra à m’en faire mal.

- Promet-moi que ça va aller. Tu es forte, Maria. Plus que moi…

Son ton était si faible! Ma main s’agrippa à la sienne et je grommelai, les larmes aux coins des yeux.

- Bien sûr que ça va aller! Parce que tu vas guérir! Les vampires ont une guérison plus rapide, tu vas voir!

Son sourire devint plus triste et elle secoua légèrement la tête avant de se mettre à tousser. Puis elle se redressa un peu avant de cracher du sang à côté de nous. Quand son regard se porta à nouveau sur moi, je n’y lus que des regrets, de la douleur et une acceptation.

- Tu.. tu vas la battre. Je… je le sais. Tu… Tu n’as pas… pas besoin de moi.

- Mais bien sûr que si! Sifflai-je. Tu es mon amie!

Cette fois des larmes roulèrent sur mes joues. Elle allait s’en sortir, bon sang! Je ne pouvais pas! Je ne pouvais pas la perdre! Pas maintenant que je savais toute la vérité! Le froid anormal qui prenait possession de mon amie me disait pourtant très clairement ce qui allait se produire.

Mais je ne l’acceptais pas!

Je ne l’accepterai jamais!

La pression de la main de Katryne diminua un peu avant de se resserrer dans un sursaut, puis elle souffla d’une voix encore plus faible que j’avais peine à entendre :

- Je suis désolée… tellement… désolée…

Je n’eus pas le temps de dire qu’elle était déjà pardonnée. Je n’eus pas non plus le temps de lui dire que je regrettais toutes les bêtises que je lui avais jeté à la figure. Ni que je regrettais ne pas avoir su me réconcilier avec elle plus tôt. J’avais encore tellement de chose à lui dire! Sauf que son dernier souffle venait déjà de la quitter. Et la place qu’elle occupait jusqu’alors dans ma meute disparut en donnant un avant-goût de la souffrance qui l’avait habité juste avant sa mort.

Un déchirement s’empara de mon ventre tandis que mon esprit se fracassait en lambeaux avec la disparition d’un membre de la meute. Tout le monde s’écrasa par terre la tête entre les mains en étant dévoré par ce même monstre vorace que moi. La douleur, l’absence, le deuil… La meute venait de perdre quelqu’un et la mort ne laissait jamais rien de bon derrière elle.

C’était comme si on déchirait les entrailles en les jetant dans de la lave en fusion. J’avais l’impression de brûler vive comme jamais je n’aurais cru possible. Une partie de moi était en train de mourir pour rejoindre Katryne là où je ne pouvais pas la retrouver. Pas maintenant. Pas aujourd’hui. Ni dans deux semaines.

Lorsque la douleur causée par la rupture du lien s’estompa, mon regard brûlant de douleur, de tristesse et de rage se braqua sur la Hère qui se trouvait toujours là. Le tout n’avait duré qu’une fraction de secondes. Mais ça m’avait paru durer des heures. Quelque chose en moi sembla gonfler. Peut-être était-ce ma rage, ma soif de sang. D’un coup d’œil vers les autres et je pus déceler cette même émotion dans leurs regards.

La chaleur qui m’oppressait de l’intérieur n’ayant qu’une seule cause, je la laissai éclater et la transformation s’empara de mon corps alors que je m’élançais vers la Hère, les autres à ma suite. Mais il y avait quelque chose de différent, cette fois. Ma métamorphose était beaucoup plus longue. Beaucoup plus douloureuse que d’habitude aussi puisque normalement elle ne l’était plus.

Je compris que quelque chose clochait vraiment lorsque je fus sur mes quatre pattes. J’étais bien dans le corps de ma louve… mais une louve beaucoup plus grande qu’à la normale! Je restai pétrifiai une seconde devant cette métamorphose imprévue. Kelsea m’avait parlé que c’était possible, mais je n’y croyais pas vraiment.

Rapidement la rage prit le pas sur mon étonnement et je mis à l’épreuve cette nouvelle forme. La vitesse qui était maintenant la mienne me grisa et je poussai un long hurlement de douleur et de vengeance. J’aurais ma vengeance… oh que oui, je l’aurais. La Hère ne perdit pas une seconde à détaler et je me lançai à ses trousses avec une délectation évidente. J’aurais sa peau, peu importe si c’était la dernière chose que je faisais. Je m’en faisais la promesse.

Une tension étrange me déconcentra une seconde. Elle émanait des liens que j’avais avec tous les autres. J’en suivis rapidement la source tout en continuant ma poursuite de la Hère. C’était Ethan. Il se transformait? Un coup d’œil derrière moi me donna raison. Ma gorge se noua une seconde, mais rapidement le flot d’émotions fortes et sanglantes reprirent le dessus.

Je gagnai rapidement du terrain sur elle, elle avait une vitesse semblable à la Chimère et dans ma nouvelle forme, je la possédais aussi, voire même étais-je plus rapide? Je ne me préoccupai pas trop de cette question pour ralentir légèrement. Pour l’abattre, j’aurais besoin d’un coup de main. Celui des chutes. Je la guidai alors habilement jusqu’à ce qu’elle s’y dirige.

Lorsqu’elle comprit mon manège et apparut à trois mètres de l’eau de la source, il était trop tard. Je bondis sur elle gueule ouverte pour ensuite la repousser vers l’eau à coup de crocs et de griffes. Mais elle était plus futée que je ne le pensais, car elle se battit avec acharnement et c’est moi qui se retrouvai à reculer. Malgré tous mes efforts, je ne faisais pas le poids. Et j’avais longtemps pris beaucoup d’avance sur mes amis. Ils arriveraient sans doute d’ici une minute.

Mais il pouvait se passer plusieurs choses en une minute.

Les évènements récents m’en avaient encore donné la preuve. Un gémissement s’échappa de ma gueule à cette pensée et je me retrouvai à me battre avec plus d’acharnement encore. Je la frappais avec une telle férocité que la Hère n’eut d’autre choix que de commencer à reculer. Chaque pas la rapprochait un peu plus de l’eau. Jusqu’à ce qu’elle soit à un mètre.

- « Ton amie avait vraiment un goût succulent. » me souffla-t-elle.

Je me figeai une seconde de trop et elle en profita pour me faire reculer d’un mètre.

- « Je me demande si les autres ont la même saveur… quel festin ce serait! » ajouta la créature en me sautant à la gorge.

- « Tu vas mourir avant! » hurlai-je sans même y réfléchir, projetant toute la force de mon esprit contre le sien.

- « Personne ne peut me tuer! » ricana-t-elle en attaquant de plus belle.

C’est approximativement à ce moment que mes amis surgirent, mais je les retins d’entrer en jeu. Les paroles de la Hère ne me donnait aucun goût de les envoyer à l’abattoir. Ils étaient tous plus faible que moi… sauf peut-être Ethan. Mais je le renvoyai aussi quand il fit mine d’approcher. Tout comme lorsque Kelsea en fit de même.

J’endurerai leur sermon plus tard, là, j’avais d’autres chats à fouetter, ou plutôt une Hère à rôtir! J’augmentai à nouveau la force de mes coups et leur rapidité jusqu’à perdre tout contact avec la réalité et avec qui j’étais. Il n’existait plus que ma soif de vengeance et de sang. Que mon envie de tuer quelque chose et de sentir son sang dans ma gueule. Que l’envie de sentir son crâne se fendre sous la puissance de ma mâchoire.

Avec difficulté je réussis à la faire reculer jusque dans l’eau, la faire patauger. À ce moment ses réflexes furent plus lents et je réussis à prendre l’avantage de manière plus marquée. La fureur m’habitait à tel point qu’au lieu d’en profiter pour m’attaquer à la Hère de manière plus vicieuse, je ne fis qu’accélérer mes attaques. J’étais prise dans une frénésie totale.
Frénésie qui se conclut et s’arrêta lorsque mes crocs se refermèrent sur son crâne et que l’os céda sous la puissance de mes mâchoires. Le craquement qui en résulta fut suffisamment satisfaisant pour que j’échappe un grondement terrifiant plein de satisfaction. Je me retrouvai à mâchouiller un peu le crâne avec une délectation évidente avant de relâcher pour mieux me lécher les babines. Je fis alors demi-tour pour voir les regards à la fois estomaqué de mes amis, mais aussi effrayé. Peu à peu mon identité me revint, la violence qui m’habitait disparut pour ne laisser que la douleur et la peine.

Ce fut au moment où je lâchais un gémissement de douleur causée par la perte subie que j’entendis des clapotis dans l’eau derrière moi. Avant même que mes amis n’ait pu faire ou dire quoi que ce soit, une voix furieuse s’immisça dans mon esprit pour m’hurler avec une méchanceté sans pareille :

- « Je te l’avais pourtant dit que tu ne pouvais pas me tuer! »

La Hère! Pensai-je en me tournant à nouveau vers les chutes.

Une seconde trop tard.

Elle me bondit sur le dos et je me lançai dans un étrange rodéo pour essayer de la déloger avant qu’elle ne mette en mauvaise posture. En véritable mauvaise posture. Quand mes amis recommencèrent à vouloir avancer pour m’aider, je leur grognai à la figure. Aucun d’eux ne s’approcherait. Plus aucun d’eux ne donnerait sa vie pour moi!

Alors que je me débattais avec la Hère sur le dos, mon esprit tournait à cent à l’heure. Comment se faisait-il qu’elle ne mourrait pas! C’était impossible! Elle devrait être morte! Je lui avais fracturé le crâne, bon sang!

Et mâchouiller, me rappela une petite voix dans ma tête.

Au diable, la voix! grondai-je.

Comment pouvait-elle être encore en vie? Mes ancêtres n’avaient rien écrit concernant une invulnérabilité. Elle était mortelle! J’en étais convaincue! Si on était dans l’incapacité de les tuer, ça aurait été mentionné dans le grimoire de mes ancêtres, forcément! C’était une information capitale!

Sauf que je n’avais pas lu les informations jusqu’au bout.

Je m’étais arrêtée, car complètement décontenancée par les premières informations que m’avait fournies le grimoire. Mais quelle sotte j’étais! Les informations qui me seraient probablement utiles en ce moment m’étaient inconnues. Et j’ignorais pourquoi me instinct me criait que la Hère était au courant de ce détail, mais j’en étais persuadée.

Peut-être parce qu’elle me jetait des regards particulièrement malicieux et assassin à la fois. Quelque chose ne tournait pas rond… Un truc m’échappait. Alors même que je commençais à mettre le doigt sur quelque chose, que la Hère bondit de sur mon dos. Le truc qui m’avait chicoté, c’était qu’elle n’avait pas utilisé son pouvoir de paralysie.

Mais elle était déjà en train de remédier à la situation.

Je bondis à sa suite, mais trop tard. Au moment où je la rattrapai pour la frapper de mes propres griffes, elle avait déjà infligée une paralysie à tous mes amis. Elle était diablement rapide. Beaucoup trop rapide. Ce fut précisément au moment où on se retrouva juste à côté de l’eau, mes crocs dans sa patte gauche et les siens près de mon cou que l’illumination me vint.

Une idée complètement dingue et sans aucune probabilité de succès.

Mais elle avait pu me recevoir dans sa tête. Ce qui aurait dû être impossible. Et les créatures qui pouvaient me recevoir dans leur tête grâce à la télépathie… pouvait être sujet à la présence d’autre chose. Sans plus réfléchir, je l’attrapai par les épaules en une attaque puissante et rapide, puis je nous fis plonger dans l’eau des chutes jusqu’à ce qu’on soit privé d’oxygène. À ce moment je projetai mon esprit si fort contre le sien que j’eus accès à toute sa tête.

Et par mon sang qui coulait dans sa bouche et le sien que j’avais dans la gueule, j’enclenchai le processus.

La douleur fut comparable à celle ressentie plus tôt, mais en dix fois pire. Il y avait un contrôle puissant sur cette créature et une volonté de fer encore plus impitoyable que celle de la Dame aux Fleurs. La volonté d’un être qui ne voulait d’aucune forme de contrôle. Ni d’aucun lien contraignant. Mais je ne laissai pas tomber.

Le manque d’oxygène ne tarda pas à se faire sentir, mais au moment précis où je commençais à voir des étoiles par manque d’air, et elle aussi par le fait même, je sentis le déclic. Un vent de fraîcheur balaya mon esprit et celui de la Hère. Une Hère complètement perdue et décontenancée. À tel point que la force qu’elle exerçait à la base de mon cou disparut en même temps que la sensation de ses crocs.

Contre toute attente, ça avait fonctionné. La Hère… La Hère faisait partie de ma meute. La voix de Kelsea s’éleva alors et la confusion qui régnait dans sa tête me rendit nerveuse :

- « Ça n’aurait jamais dû être possible… »


Alors, voilà! C'est la fin du chapitre... Et je viens de me souvenir pourquoi j'ai eu de la difficulté à revenir après la soudaine hausse de motivation. Ce n'était pas par manque d'envie, mais par crainte que le style de mon écriture ait trop changé... Je n'ai pas arrêté d'écrire depuis deux ans, mais des trucs relativement très différents >_< Alors je dois avouer que j'avais peur de gâcher ce que j'écrivais, ou que la saveur ne soit pas la même qu'avant. Qu'est-ce que vous en pensez? De l'écriture en général, mais aussi et surtout le chapitre. Êtes-vous en colère contre moi? Ou indifférent à tout ce qu'il s'est produit? Vous doutiez-vous de l'identité réelle des parents de Sarah? Je veux savoir! ;) J'espère qu'on se retrouvera prochainement pour le chapitre 14 (je vais essayer de ne pas prendre vingt jours, je devrais y arriver si je peux écrire un chapitre en une journée :roll: :oops: )

Un devoir
Nouveau départ

Re: Nouveau départ [Nés à Minuit]

Publié : sam. 18 avr., 2020 2:13 pm
par AstraD
T'inquiète pas pour le temps ;) ! Supers chapitres 8-) ils sont vachement long d'ailleurs :D !! Juste une question : ils lui obéissent tous aveuglement non :roll: ?!

Re: Nouveau départ [Nés à Minuit]

Publié : ven. 08 mai, 2020 3:13 am
par Mimie99
Hey! Je sais je suis encore en retard :? Mais on dirait que plus la fin avance plus j'ai de la difficulté à écrire... Bref, il y a aussi mon déménagement bientôt, la semaine prochaine plus précisément, alors je ne suis pas certaine à cent pour cent que le prochain et dernier chapitre arrivera d'ici là. C'est mon intention, mais j'ai un doute >_< Dans tous les cas, j'espère que vous apprécierez ce chapitre. Bonne lecture! ;)


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Chapitre 14



Ça faisait deux minutes que la Hère faisait partie de la meute. Deux minutes que tout le monde me dévisageait, la Hère comprit, comme si j’étais une hallucinée ou un démon sorti tout droit des Enfers. Je n’avais jamais eu le droit à un regard du genre par aucun de mes amis auparavant. Et encore moins Kelsea… Même du temps où nous étions l’une contre l’autre, ses yeux n’avaient jamais eu cette lueur. Alors au lieu de dire quelque chose, de bouger ou même de m’écraser pour me mettre à pleurer comme j’en ressentais l’envie lancinante, je me retrouvais là, immobile, les bras ballants… la gorge nouée.

Je sentais la colère.

Elle était là, présente à en faire mal, s’infiltrant dans mes narines en y laissant une trace brûlante et sanguinolente. Mon cœur tambourinait à mes oreilles comme mille balles de tennis fracassant le plancher d’un gymnase entièrement vide. L’écho me vrillait les tympans alors même que c’était à l’intérieur de moi.

Après ces deux minutes je finis par bouger. Seulement la tête, la gueule entrouverte. Je faisais aller mon regard d’un de mes amis à un autre, complètement perdue. Pourquoi avais-je l’impression de flotter comme en plein milieu de l’espace? Pourquoi mon cerveau était-il pris dans un étau qui me rendait difficile l’idée même de seulement réfléchir? La colère était partout. Les battements de cœur furieux aussi. Ils étaient là, immobiles sur le sol, mais complètement en colère. Contre moi. Je le sentais par le lien qui m’unissait à eux tous. Mon regard s’arrêta sur le seul… le seul qui semblait simplement choqué. Profondément choqué. Surpris, mais pas en colère. Aucune de ces trois têtes n’étaient en colère contre moi. Je clignai paresseusement des paupières en entendant une voix crier mon nom, au loin :

- Maria! Maria, où es-tu?

Je reculai, d’un pas. Ce simple mouvement me secoua suffisamment pour que je reprenne mes esprits. C’était Christine, Christine m’appelait. J’humai doucement l’air ambiant, à la recherche de son odeur. Mes oreilles tendues à l’extrême pour repérer tout bruit révélant sa présence. Et je les entendis, les pieds qui martèlent le sol. Elle courrait.
Elle courrait, mais n’était pas seule.

- « Maria, qu’est-ce que tu as fait! » hurla Della et je sentis la rage dans sa voix.

Un grondement m’échappa et je la foudroyai du regard. Elle n’avait pas le droit de me juger! J’avais fait ce que j’avais à faire, comme toujours! Si je m’étais retrouvée dans ma forme humaine, les larmes me seraient montées aux yeux, mais comme ce n’était pas le cas je me contentai de pousser un long hurlement. Katryne… Katryne était morte pour me sauver. Katryne était morte pour me donner une chance de tuer la Hère.

Et moi je l’avais ajoutée à la meute?

Tu n’avais pas le choix, me souffla une voix.

Tu ne pouvais pas la tuer, renchérit une autre partie de moi.

Elle ne mérite pas de vivre, gronda une dernière.

J’étais d’accord avec les trois et là résidait mon problème. Un mouvement furtif près de moi me permit d’oublier mes préoccupations internes. C’était la Hère. Elle s’était approchée d’un pas et je sentais toujours la confusion qui l’habitait, son regard suspicieux fixé sur moi. Une voix étrangement calme se fraya un passage jusqu’à mon esprit et j’eus la surprise de comprendre de qui ça provenait :

- « Que veux-tu de moi? »

La Hère.

Un frisson d’horreur me traversa et je relevai les babines pour dévoiler mes crocs dégoulinant de bave.

- « Ce que je voulais c’était te tuer. »

Un ricanement emplit ma tête, mais dénué de toute moquerie. C’était un rire… presque sincère. Mais je ne pouvais pas croire que la chose devant moi pouvait être sincère. Pas après tout ce qu’il s’était passé. Pas après… tant de morts.

- « Que veux-tu maintenant, Lechasseur? Qu’attends-tu de moi? Pourquoi as-tu fait ça? »

- « Je ne sais pas. » soufflai-je en détournant le regard, car j’avais perçu l’odeur de Christine et Holiday.

Elles déboulèrent où nous nous trouvions tous l’instant suivant. Ça ne prit pas trente secondes avant que toutes les deux me dévisagent à leur tour. Un nouveau frisson me traversa et cette fois c’en fut trop. Je ne pouvais pas rester ici à supporter tous ces regards énervés braqués sur moi. La seule chose qui me convainquit de partir, fut de voir que déjà Ethan, Della, Kelsea et Lucas commençaient à remuer.

La toxine paralysante ne faisait presque plus effet.

Sans attendre qu’ils soient libres de leur mouvement, je détalai à toute vitesse. Je n’avais pas envie que Della continue à me hurler dessus. Aucun d’eux. Je ne voulais rien entendre d’aucun d’eux. Leur désapprobation me parvenait déjà suffisamment. Je n’avais pas besoin des mots.

- « Maria, ramène ton cul tout de suite! Ne me force pas à venir te chercher! » s’énerva encore plus ma coloc vamp.

La dernière qui me restait… À cette pensée un gémissement m’échappa.

- « Maria… » me souffla la voix suppliante d’Ethan.

Je ne ferais pas demi-tour. S’ils voulaient m’engueuler, qu’ils le fassent dans ma tête ou qu’ils viennent me chercher. J’avais l’intention de retourner au bungalow, mais avant de m’y rendre j’avais un petit détour à faire. En arrivant devant le corps inerte de Katryne, j’eus envie de pousser un hurlement à nouveau. Mais je me contins. Ce n’était pas le moment. Ce n’était pas le moment de pleurer. Je m’étais promis…

Je saisis délicatement les vêtements de Katryne entre mes crocs et la soulevai sans effort, puis sans attendre je repris le chemin du bungalow. Malgré mes foulées rapides je pris soin que le corps de mon ancienne meilleure amie ne soit pas trop brutalisé par le transport. C’était la seule chose que je pouvais faire en ce moment. Prendre soin de son corps… L’autre chose aurait été de tuer la Hère.

Mais j’avais été incapable de le faire.

La seule personne que je pouvais tuer et ressentir un élan de satisfaction à cette pensée, le sentiment de vengeance accomplie… Ce serait lorsque mes crocs se refermeraient sur la tête de la Dame aux Fleurs. Oui, là, je considèrerai que j’ai vengé Katryne. Pas avant. Mais même si j’y parviens, la dette que je lui devais restera marquée en moi pour toujours.
Peut-être aurais-je survécu à cette attaque…

Peut-être.

Mais combien de mes amis seraient morts le temps que mes blessures guérissent? Peut-être un ou deux. Peut-être aucun. Peut-être tous. Il était impossible de tuer la Hère, impossible… Katryne avait sacrifié sa vie pour une bonne cause. Je ne pouvais pas croire le contraire.

Je refusais qu’elle soit morte pour rien.

Mes paupières de louve clignèrent paresseusement pour essayer de vider le surplus d’eau dû à ma course folle. Du moins, supposai-je que c’était le cas. On ne pouvait pas pleurer sous cette forme, non? C’était impossible… Mais l’eau qui s’écoulait aux coins de mes yeux était beaucoup trop en grande quantité pour être expliqué par une irritation. Cette préoccupation d’ordre visuelle m’échappa rapidement tandis que j’effectuais un dérapage désordonné.

J’étais arrivée.

Enfin, j’étais à quelques mètres de mon bungalow. À la clairière. Clairière où je m’étais rendue la veille de ma première Pleine Lune à Shadow Falls. Une boule se forma dans ma gorge et l’air commença presque immédiatement à me manquer. Non, non, non, non! Pas encore!

Je déposai avec plus de précipitation que souhaité le corps de Katryne au sol et me mis à gratter la terre avec mes pattes, cherchant en vain une petite dose d’air à envoyer à mon cerveau en pleine surchauffe et suffocation. À défaut d’avoir d’autres idées, je me mis à courir. M’assurant de prendre le maximum de vitesse dans le moins de temps possible. Jusqu’à l’impact. La surface dure et écailleuse de l’écorce de l’arbre me fit énormément mal à la tête, j’en restai un moment sonné et le souffle coupé.

- « Mais qu’est-ce qu’elle fout, merde! » gronda Della.

- « Je crois… je crois qu’elle est en train de paniquer… » répondit Ethan à Della.

Je pouvais sentir l’inquiétude dans sa voix.

Ça faisait mal. Tellement mal… comme si on me rouait de coups à répétition.

À moins que ce soit les coups de gong que je sentais pulser dans mon crâne?

À chaque nouveau coup, on me renvoyait les paroles entendues dans les dernières trente minutes.

Ça n’aurait jamais dû être possible.

Coup de gong.

Maria, qu’est-ce que tu as fait!

Nouveau coup de gong.

Que veux-tu de moi?

Énième coup.

Ce que je voulais c’était te tuer.

Encore un coup!

Que veux-tu maintenant, Lechasseur?

Et un nouveau!

Je ne sais pas…

Coup de gong plus puissant que tous les autres.

Je ne sais pas… Je ne sais pas… Je ne sais pas…

Ces mots se répétèrent inlassablement alors que des larmes s’échappaient de mon regard de loup. Je m’écrasai au sol en essayant tant bien que mal de me retirer avec mes pattes ce liquide non désiré qui s’écoulait de mes yeux. Je n’en voulais pas, je n’en voulais pas!

Je ne savais pas, je ne savais pas!

Je ne savais toujours pas.

Pourquoi pensais-je réellement qu’ajouter la Hère à ma meute était la chose à faire? J’aurais dû demander des avis…
J’aurais dû… réfléchir! Réfléchir plus avant à tout ça! Mais je ne pouvais pas… je ne pouvais pas! C’était impossible. Le temps jouait contre moi. Je n’avais eu qu’un quart de seconde pour prendre une décision. La Hère ne pouvait pas mourir.
Mais elle ne pouvait pas rester dans les rangs de Maïa non plus.

Pourquoi l’ajouter à la meute? Pourquoi? Ça je l’ignorais. Je ne savais pas exactement. Une intuition. Une intuition vraiment bizarre, fondée sur une logique douteuse. Tout ça aurait pu incroyablement mal tourner. Un rire intérieur me secoua toute entière. Qu’est-ce qui me disait que ce n’était pas déjà le cas? Peut-être avais-je enfoncé tout le monde dans le scénario catastrophe alors même que je voulais simplement… gagner. Gagner pour protéger tout le monde. Gagner pour pouvoir partir.

Au bout du compte, c’était le seul moyen de vraiment les protéger.

Les protéger de moi.

- « Est-ce qu’elle devient hystérique? » s’enquit Miranda.

- « On devrait y aller… » affirma Lucas.

La colère… L’inquiétude… La rancœur… L’incompréhension… Toutes ces émotions qui me parvenaient des membres de ma meute. De mes amis. De ma famille. J’entendais leur conversation silencieuse comme si je m’y trouvais. Ils pouvaient se parler entre eux sans que certains autres membres les entendent, mais moi… Moi j’entendais toujours tout.

Surtout quand je n’avais pas la force et la concentration nécessaire pour les bloquer.

Je me roulai rapidement en boule en tentant vainement de bloquer mes pattes sur mon crâne pour étouffer les sons. Je ne voulais pas les entendre venir. Je ne voulais pas entendre leurs plaintes et leurs ressentiments. Je ne voulais pas entendre leurs sermons non plus. Le truc… c’était qu’avec une ouïe aussi développée que la mienne mes pattes ne suffisaient pas du tout à étouffer les sons.

Ainsi, je les entendis venir au pas de charge.

Je reconnaissais la démarche presque féline, mais brutale de Della. La course chaloupée d’un Ethan Cerbère, qu’il soit sous cette forme ou une autre, il courrait toujours de la même façon. Celle silencieuse de Lucas. Je les reconnaissais tous au son qu’ils provoquaient à chaque secousse causée par leurs pieds sur le sol. Plus que je ne les entendais, je sentais la Chimère et la Hère s’approcher. La dernière à une certaine distance des autres, seule et à l’écart. Parce que tous autant qu’ils étaient, ils la détestaient.

Et moi aussi.

C’était bien le nœud du problème, ou du moins l’un d’eux.

J’enfouis un peu plus ma tête entre mes pattes, mais cette fois pour me cacher les yeux. Je ne voulais pas les voir. Les sons, les odeurs, leurs voix dans ma tête… Ça suffisait amplement. Je n’avais pas besoin de voir les signaux visuels révélant leur colère et leur amertume. Absolument pas besoin. Peu importe cette petite voix interne qui me criait de redresser les épaules et de prendre toute la responsabilité de mes actes pour les forcer à dépasser leur colère.

- Maria, lève-toi! rouspéta Della. Et regarde-nous.

Je me contentai de pousser un grondement.

- Maria… s’en mêla Burnett.

- Maria, s’il-te-plaît… souffla Holiday et je sentais la douleur dans sa voix.

Je me doutais ce qu’elle regardait : le corps de Katryne.

Ma gorge se serra davantage et un gémissement m’échappa. Je me résignai toutefois à abaisser les pattes, car il y avait bien une limite à ce que je pouvais m’auto-infliger comme pathétisme. Je conservai par contre le regard rivé sur l’horizon, dans les recoins sombres de la forêt. Je ne voulais voir personne. J’enfouis mon museau entre mes pattes avant maintenant étendues et poussai un soupir.

- Il faut qu’on parle, grommela Della en prenant la parole à nouveau.

Cette fois mon grondement fut plus menaçant.

- On veut seulement des explications, tenta Kylie.

- « Des explications! » rugis-je mentalement. « En quoi est-ce que je vous dois des explications, dites-le moi! »

- Nous sommes ta meute, avança Lucas.

Un grondement m’échappa à nouveau, mais quelqu’un me coupa avant que je puisse dire quoi que ce soit.

- Justement, souffla Ethan. On n’a rien à exiger d’elle. Pas en ce moment.

- Tu te moques de qui au juste? gronda la vamp et je l’entendis distinctivement siffler. On n’est pas dans une dictature!

Je voyais presque Ethan secouer de la tête. Une seconde… Si Ethan parlait… de vive voix… Ça voulait dire qu’il s’était retransformé? Mais je n’avais rien senti dans les liens! Aucune douleur… La petite voix refit son apparition pour me signifier que je n’avais pas été présente mentalement pendant une certaine période.

- Ce n’est pas un moment pour un sermon! Persista le seul loup-garou qui n’empestait pas la colère.

Avais-je encore manqué quelque chose? Je passai à deux doigts de me retourner, mais je m’en empêchai. Je n’avais toujours aucune envie d’affronter leur regard. Surtout quand je savais, au plus profond de moi, que leur colère était légitime. J’aurais dû demander leur avis.

Mais pour le faire, il aurait déjà fallu que je sache que c’était possible…

Je manquai bondir sur mes quatre pattes en sentant la présence de quelqu’un dans mon dos. L’odeur de cette personne ne me retira pas cette envie, mais je m’abstins d’agir de la sorte. C’était Ethan. La douleur familière s’infiltra à nouveau, mais presqu’instantanément le soulagement la dissipa. Il venait de s’asseoir de telle sorte qu’il s’appuyait légèrement sur moi.

Un signe de confiance.

Je poussai un soupir et il me dit :

- J’ai dit aux autres de revenir plus tard. Quand… quand tu te sentirais prête.

Ça n’expliquait pas sa présence, mais je n’en fis aucun cas. À vrai dire, je m’étais presque déjà endormie. Endormie malgré les dizaines de question qui m’assaillaient l’esprit.

******************

Ethan se passa nerveusement une main dans les cheveux en constatant que la respiration de Maria se calmait, au point même où elle s’endormit. Il n’était pas vraiment étonné après la surdose émotionnelle qui l’avait submergée. La sentir endormie tout près de lui… c’était dur. Dur, car tout ce qu’il voulait, c’était de s’étendre à ses côtés et la rejoindre dans le sommeil. La métamorphose inverse avait été à nouveau anormalement rapide. Et il n’y comprenait rien. Heureusement, Christine avait pu lui faire apparaître quelques vêtements et il s’était évité la honte de devoir courir avec les autres sous forme humaine.

Il avait eu envie de tous les secouer, d’ailleurs. Tous autant qu’ils étaient. Maria prenait les décisions seules. Seules, car au bout du compte, c’était son combat, pas le leur. Et Ethan savait, au fond de lui-même, que Maria agissait ainsi pour une seule raison. Si les conséquences étaient désastreuses, elle serait la seule à prendre le blâme.

Mais si elle le pouvait, elle partageait ses plans avec eux.

Elle leur faisait confiance.

Il ne pensait pas que Maria avait véritablement désiré accueillir la Hère dans sa meute. Il avait bien entendu le crâne de cette dernière craquée, ou du moins il en était presque certain. Mais comment expliquer que ça ne l’avait pas tuée? Ça, il ne le comprenait pas. Et c’était l’une des questions qu’il poserait à Maria. Accompagnée par une interrogation qui l’habitait.

Pourquoi Kelsea avait-elle affirmé que ce qu’avait accompli Maria n’aurait pas dû être possible?

Un mystère parmi d’autres. Il y en avait beaucoup qui entourait sa petite louve. Notamment l’autre chose que leur avait dite Kelsea. Une métamorphose en la louve plus grande ne devrait pas être possible sous le coup de l’émotion et de l’instinct. Il fallait de l’entraînement. Il commençait à se demander si Maria n’était pas, au bout du compte, une anomalie même parmi sa famille. Enfin, pas une anomalie en soi. Plutôt une naturelle.

Il se souvenait de ce qu’il avait lu.

Les jeunes Lechasseur qui devenait Héritier avant d’avoir vingt-et-un ans voyait leurs pouvoirs se développer jusqu’à cet âge, où ils atteignaient leur pleine puissance. Mais si, à déjà presque dix-huit ans, Maria était déjà aussi forte… À quoi cela ressemblerait-il dans trois ans? Il s’inquiétait. S’inquiétait, car puissance signifiait attirer des créatures encore plus puissantes. Il aimerait bien que sa petite louve ait un petit moment de répit. Au moins une fois. Et qu’il dure plus d’une semaine.

Que cette semaine lui semblait loin…

Mais c’était son sanctuaire. L’endroit où il se réfugiait à chaque fois que les souvenirs des choses horribles qu’il avait faites et dites… lui revenaient en mémoire. C’était là qu’il se réfugiait pour garder l’espoir que les choses puissent redevenir comme avant. Pourtant, même avec le lien qui l’unissait à Maria, il ne pensait pas qu’elle arriverait à passer par-dessus. Elle était forte, plus que ça même… mais Ethan avait piétiné tant de fois sa confiance. Le fait qu’il ne le voulait pas ne pesait pas bien lourd dans la balance. Pas quand la douleur était toujours présente.

Parfois, il avait encore envie de tout simplement… disparaître.

Si Maria le rejetait… Que lui resterait-il? Il n’avait plus d’amis ici. Ils toléraient maintenant sa présence et ne lui jetaient plus aucune réplique à la figure. En partie à cause de ce que sa petite louve avait dit ainsi que de l’ordre dissimulé. Mais tolérer et l’accepter, c’était deux choses différentes. Ses amis… ne l’étaient plus. Matthew… n’était plus. Il n’arrivait toujours pas à y croire d’ailleurs. Une larme s’écoula sur sa joue et il n’y prêta pas attention.

Il n’essaya pas de la faire disparaître.

Il était fatigué de tout ça. Il donnerait n’importe quoi pour revenir en arrière. Avec Maria, Matthew et tous les autres. Y compris Katryne. Il n’arrivait toujours pas à croire à sa mort à elle. À elle aussi. Pas étonnant que Maria ait disjoncté. Il connaissait le désir élevé de vengeance de sa petite louve. Il savait que ça la consumait jusqu’à la détruire complètement.
Mais elle n’avait pas pu assouvir sa vengeance.

Et au lieu de tuer comme son premier instinct lui criait, elle avait accordé protection à l’objet même de sa haine et de sa colère. L’objet qu’elle voulait détruire. Ajouté à ça la douleur de la perte de son ancienne meilleure amie alors que tout semblait vouloir s’arranger… Ainsi qu’au fait que son amie se soit sacrifiée pour elle. Sans compter toutes les horreurs des dernières semaines.

Oui, Maria avait toutes les raisons du monde d’avoir disjoncté.

Il adorerait pouvoir lui retirer une partie de sa douleur. Une partie de sa peine. Une partie de ce fardeau qui lui alourdissait tellement les épaules qu’elle était hanté à chaque heure du jour et de la nuit d’un sentiment de détresse. Parce qu’elle voulait tous les protéger. Et si les autres continuaient sur le mauvais pas qu’ils avaient emprunté… Maria risquait bien de décider d’affronter Maïa et Sarah toute seule.

Et ça, il le refusait.

Il se doutait aussi que les autres ne le voudraient pas non plus. Du moins, Lucas certainement. Tout de même, leurs réactions un peu plus tôt lui restait incroyablement dans la gorge. Il pouvait comprendre leur colère et leur amertume, mais la tourner contre Maria alors qu’ils ignoraient tout de ce qu’il s’était passé exactement… Et alors qu’ils savaient tous très bien qu’elle leur aurait donné une explication à un moment ou à un autre… Ethan se doutait quand même de la raison de leurs réactions, elle s’expliquait par une toute petite chose…

La peur.

L’incapacité d’agir alors même qu’ils étaient loin d’être les plus faibles de leur catégorie respective. Della et Burnett, en version améliorée des vampires. Lucas, un alpha déjà à son âge. Derek et ses décharges émotionnelles puissantes. Kylie en protectrice doublé de caméléon. Jenny qui se débrouillait très bien elle aussi. Miranda qui avait un potentiel énorme malgré sa dyslexie. Perry, le plus doué de tous les métamorphes de son âge et même plus vieux. Tous autant qu’ils étaient, ils avaient été à la merci de la Hère. Hère qui n’avait pas la moitié de la force d’attaque de la Dame aux Glaïeuls.

Dame qui les avait tous immobilisé aussi. Différemment, mais avec un résultat similaire.

Alors, oui, il pouvait comprendre leurs réactions, mais l’accepter? Non, pas à ce point. Ils avaient le droit de demander des explications. Oui, évidemment. Ils avaient droit de remettre en question les décisions de Maria. Mais n’auraient-ils pas pu attendre un meilleur moment? Maria risquait déjà d’exploser avec ses propres remontrances et ses propres craintes, pas besoin d’en ajouter.

Sa main se dirigea d’elle-même derrière lui alors qu’il réfléchissait et se mit à caresser distraitement la fourrure de la louve de Maria. Douce et raide à la fois. Un peu comme le tempérament de sa petite louve… Il pouvait la sentir tressaillir sous sa main. Elle était à lui comme il était à elle. Il donnerait n’importe quoi pour que les choses redeviennent comme avant…
N’importe quoi.

Il sursauta brusquement lorsque Maria bondit sur ses quatre pattes et s’éloigna de lui d’un bond. Il resta quelques secondes la main derrière lui et… dans le vide. Une douleur sourde inonda son cœur et il ramena sa main vers lui. Il tourna son visage vers sa petite louve et ce qu’il lut dans ses yeux reflétait ce qui se passait en lui-même. Ça lui faisait tout aussi mal. Mais à l’inverse de lui, elle, elle avait tout autant mal quand ils étaient proches.

Il serra un peu des mâchoires pour conserver un air impassible et analysa à nouveau Maria. Son regard s’était clarifié. Certes, il n’avait pas réussi à le voir avant, mais il la connaissait, elle. Et aussi, il pouvait percevoir que ses pensées étaient beaucoup plus claires qu’avant. Il avait senti sa présence sur sa conscience lorsqu’il échangeait avec les autres. Excepté peut-être Lucas, il ne pensait pas que quiconque d’autre l’ait remarqué.

Toutefois, il détestait voir cette ombre de tristesse dans ses yeux.

Ça faisait mal. Ça faisait mal de s’empêcher de la rejoindre comme il souhaitait le faire. C’était la mission qu’il s’était donné… prendre soin d’elle. Jusque-là, on ne pouvait pas dire que c’était un franc succès. Plutôt un lamentable échec. Il poussa un soupir et détourna les yeux de sa petite louve pour se concentrer sur le sol à la place. Il ne voulait pas la brusquer. Il ne voulait pas lui faire plus de mal qu’il ne l’avait déjà fait… Il déglutit avec difficulté en sentant l’attention de Maria se concentrer encore plus sur lui.

- « Arrête de faire ça. Redresse la tête et les épaules. » marmonna-t-elle.

Il s’exécuta de mauvaise grâce, mais évita de trop la regarder en face. Il n’en était pas capable. Ou du moins, ne le pouvait-il pas. S’il le faisait encore une fois, il ne résisterait pas à l’envie de la rejoindre et de refermer les bras autour d’elle. Et pour cette action, il risquait de rencontrer un arbre. Elle ne voudrait pas lui faire de mal, il le savait, mais ses instincts seraient trop forts. Il en avait parfaitement conscience.

- « Il faut qu’on parle. » affirma Maria la seconde suivante.

Elle s’adressait à tout le monde maintenant. Les autres ne tardèrent pas à arriver, ils avaient simplement patienté dans le bungalow de Maria et des autres filles. Il les avait entendu s’y rendre, malgré les recommandations d’Holiday disant qu’ils devraient retourner en cours. Juste avant qu’il ne regarde derrière lui pour voir qui était là, il remarqua la tension qui venait de s’installer dans la posture de sa petite louve. Il n’avait pas besoin de se questionner sur la raison de cette tension.

Il sentait très bien la colère environnante.

- Est-ce que tu vas finalement nous dire pourquoi tu as ajouté cette chose dans la meute? Cracha Della en regardant Maria de travers.

Elle n’était pas la seule présente. Et pas la seule à dévisager la louve de cette façon. Il avait tous cet air de trahison sur les traits. Les trois seules personnes qui ne réagissaient pas vraiment étaient Christine, Kelsea et évidemment la Hère. Hère qui se terrait dans un coin à l’écart. À vrai dire, les deux premières dévisageaient Maria avec tristesse, compassion et inquiétude. Ils connaissaient très bien ces trois sentiments.

- « Me faites-vous confiance? » demanda Maria.

- Il y a une heure, oui, affirma Kylie. Mais là je ne comprends pas du tout…

- « Pourtant c’est simple. » la coupa la louve d’un ton grondant.

- Explique-nous, alors, l’encouragea Lucas. Parce que je ne comprends pas non plus. Elle devrait être morte!

Il pointa la Hère et Ethan le dévisagea. Est-ce qu’il avait aussi entendu le crâne se rompre ou est-ce qu’il mentionnait simplement que Maria aurait dû la tuer?

- « Je n’avais pas le choix. Je ne savais pas que ça allait marcher. Tout ce que je voulais, c’était de la retirer des alliés de Maïa. »

- La tuer fonctionnait très bien, grommela la vamp.

- « Pour ça, il fallait que j’en sois capable. » cracha Maria. « On ne peut pas la tuer. Pas ici. »

- Maria a raison, avança rapidement Christine. En dehors du territoire du Québec, la Hère ne peut mourir. J’ai trouvé le passage dans le Grimoire des Lechasseur pendant que vous étiez tous à grogner dans votre coin.

Le choc qui apparut sur leur visage faisait plaisir à voir. Il ne devrait probablement pas s’en réjouir, mais il ne pouvait pas faire autrement. Il sentit rapidement la présence de la Chimère peser sur son esprit et il ne douta pas un seul instant qu’elle pesait sur celui de tous les autres. Il ne fut pas très surpris lorsque la voix de Kelsea s’éleva :

- « Ce que Maria a fait n’aurait jamais dû être possible. Aucun de ces prédécesseurs ne l’a jamais fait. »

Une voix qu’il n’avait jamais entendu ajouta :

- « Je l’ignorais aussi. »

Toutes les têtes se tournèrent vers la Hère qui s’avançait à petits pas vers le centre avant de tous les regarder un à un dans les yeux. Son regard brillait d’une intelligence peu commune et contrairement à la normale ne possédait aucune méchanceté. La seule chose qu’on y trouvait était une détermination froide.

- « Mon peuple n’aime pas les cages. Ni vivre en groupe, généralement. Nous tenons tous une haine farouche contre les Lechasseur, mais encore plus contre ceux qui veulent nous dominer et qui y réussissent. » continue la Hère.

- Essaies-tu de dire qu’à la première occasion tu vas tenter de tuer Maria? Marmonna Perry.

- « Non. » affirma la créature en jetant un regard torve au métamorphe.

- Alors quoi? s’enquit Jenny en croisant les bras.

- « Le concept de meute n’est pas compréhensible par les miens. À nos yeux c’est une forme de soumission comme une autre. Une chose abjecte. »

Ethan dévisagea la Hère avec des yeux confus. Que voulait-elle dire par là? Et l’idée qu’il y ait plus d’une Hère en liberté le rendait malade. C’était le genre d’adversaire qui l’inquiétait, car ils étaient imprévisibles et particulièrement vicieux. Jusqu’ici il ne voyait pas en quoi savoir tout ça, leur était utile. Ni comment ça l’innocentait d’une future tentative de meurtre.

- Pour le moment, ça ne précise rien sur vos intentions, fit remarquer Burnett.

- « Maintenant, je comprends que la meute ne fonctionne pas comme je le croyais. Comme mes pairs et mes ancêtres le croyaient. Et maintenant, je comprends mon passé. »

- Et… je suis perdue, lâcha Miranda.

- « Ce n’est pas important. Ce qui l’est, c’est que la louve. Maria. Elle a pris la bonne décision. Et je n’ai l’intention de tuer qu’une seule personne. La même que chacun d’entre vous. La Dame aux Glaïeuls. » trancha la Hère.

- Alors on fait quoi? questionna Della en regardant Maria sans plus aucune animosité.

- « On va en cours. Enfin, on y va dès que j’ai repris ma forme normale. »

Ethan poussa un soupir comme la majorité des autres. Personne n’avait envie de perdre son temps en allant en cours. Personne, y compris lui. En ce moment, l’idée d’apprendre des notions superflus et de faire des devoirs ne l’enchantaient pas. D’autant plus qu’il avait un immense retard à rattraper… et maintenant que Matthew n’était plus là pour le pousser à s’améliorer, il avait encore moins envie.

******************

Della poussa un énième soupir alors que le professeur Yates répétait la même notion après une question débile de quelqu’un de la classe. À toutes les deux minutes elle échangeait un regard furieux avec Maria. Si ça n’avait été que la louve avait assuré qu’il planifierait un plan dans la soirée pour s’attaquer à Maïa, elle n’aurait pas accepté facilement de revenir en cours. Même si la logique de son amie était cohérente. Personne n’aurait envie de reprendre leur année à la fin s’ils échouaient parce qu’il n’avait pas fait l’effort de continuer à suivre les cours.

C’était peut-être le dernier cours de la journée, mais il était incroyablement long. Encore plus quand ils devaient supporter les regards froids et dégoûtés de Maïa. Le problème c’est que son seul moyen d’éviter de s’énerver, c’était de ne pas lâcher l’horloge des yeux. Mais tout le monde savait que lorsqu’on attendait après l’horloge pour arriver à l’heure de départ, c’était d’autant plus long.

Elle passa tout près de s’éjecter de sa chaise plus que de se lever lorsque la sonnerie habituelle résonna dans tout Shadow Falls. Une fois sur ses deux pieds, elle attrapa Maria par le bras et fit signe à Kylie et Miranda de la suivre. Sans vraiment prêter attention au regard brûlant de la louve, la vamp entraîna ses amies jusqu’au réfectoire. Plus vite ils prendraient tous leur diner, plus vite ils seraient en train de prévoir leur plan d’attaque. Du moins, c’était ainsi qu’elle voyait les choses. D’un coup d’œil vers l’arrière, elle constata que le reste du groupe arrivait. Ils n’étaient pas tous dans les mêmes cours en même temps, ce qui avait le don de l’angoisser.

Della avait encore la gorge nouée par les évènements de la matinée. Personne n’avait été mis au courant, mais tous les membres de la meute de Maria l’était. Ce qui comprenait tous les vampires de Shadow Falls. Certains étaient venus la questionner et elle n’avait pas eu le choix de dire la vérité. Tous les visages avaient exprimés le choc même s’ils ne connaissaient pas vraiment… la nouvelle.

Katryne était morte.

Ça ne faisait que rappeler à la vamp tout le drame entourant Ellie. D’autant plus qu’une fois encore, elle n’avait pas pu faire autrement de se mettre à apprécier l’autre vampire. Même si ça avait été un peu plus délicat avec Katryne, notamment, car elle ne parlait pas la même langue. Et pour l’horrible passé que Maria et elle possédaient. Toutefois, elle avait su, en même temps que tous les autres, la véritable histoire. Et c’était sans parler toutes les fois où l’ancienne meilleure amie de la louve avait agi avec brio.

Une boule se forma dans la gorge de Della et elle dut faire un effort de volonté pour ne pas broyer le bras de Maria. Elle détestait encore la décision qu’avait prise son amie. Elle haïssait cette décision, pour être tout à fait honnête. Elle aurait voulu piétiner ce choix, le rendre impossible à voir et à choisir. Tout ce qu’elle voulait, c’était de tuer la Hère. Mais cette dernière faisait partie de la meute…

Et malgré qu’elle se détestait pour cette raison, elle comprenait le choix de la louve.

Piétiner son envie de vengeance pour espérer vaincre la Dame aux Fleurs, ça n’avait pas dû être simple pour Maria. Elle en avait conscience. Et puis, au fond, c’était elle la véritable coupable. Et Della n’avait plus qu’une envie : lui tordre le cou.
Elle relâcha rapidement son amie pour lui permettre d’aller se chercher à manger, tout comme elle désirait pouvoir elle-même se prendre quelque chose à grignoter. Elle ajouta son verre de sang sur son plateau d’un geste mécanique et se servit des autres choses offertes sans y prêter attention. Dès qu’ils furent tous assis à leur table habituelle, elle ne put que constater l’air fatigué de la louve. Elle fronça les sourcils en sirotant un peu de son breuvage.

- Je précise qu’on ne discutera des détails importants que plus tard, avança Maria. Et que Burnett, Holiday, Christine et mon oncle seront présents.

- Tu es sérieuse? Manqua s’étouffer la vamp. Tu veux tous les impliquer?

- Si je ne leur dis rien, ils vont me harceler jusqu’à ce que je leur révèle tout, marmonna son amie ce qui lui valut un regard courroucé de Burnett.

Vampire qui se trouvait présentement à l’autre bout du réfectoire. Elle ouvrit des yeux ronds en voyant Maria adresser un petit signe de la main tout innocent à leur directeur. Elle jouait à quoi, là? À « comment bien mettre en rogne mon directeur » ? Si elle se fiait à l’air sombre qu’affichait maintenant ce dernier, son amie n’en était pas loin.

- Donc, donc, donc… commença Perry avec son fidèle sourire amusé, mais elle voyait très bien qu’il était tout aussi affecté que les autres par les évènements de l’avant-midi. Vous ne sentez pas trop le brûlé, est-ce que ça veut dire que notre petite fleur ne vous a pas trop incendié du regard?

- Tout le contraire, grinça Miranda. Une heure de plus et je crois que je partais en fumée.

Un sourire s’ébaucha sur tous les visages, y compris celui de Maria, mais la vamp n’était pas dupe. Son amie semblait beaucoup trop ailleurs et tendue pour aller bien. Aucun d’eux, d’ailleurs, songea-t-elle en jetant un coup d’œil tout autour d’elle. Et au loin, elle pouvait voir Holiday, le visage toujours aussi blême qu’il l’avait été lorsqu’elle avait appris que Katryne était morte. Et que c’était ce qu’ils avaient tous ressenti par leur lien de meute.

Elle déglutit difficilement et se mit à manger en silence, sans grand appétit. Elle avait toujours aussi hâte d’en arriver à la discussion de la soirée, mais son entrain semblait avoir été voir ailleurs. Della se sentait comme si elle pourrait rester immobile à fixer le mur pendant des heures, mais elle ne se laisserait jamais tomber aussi bas. Et ne permettrait à personne autour de cette table de le faire non plus.

Une demi-heure plus tard, elle se trouvait à nouveau assise, mais cette fois autour de la table de leur bungalow à Kylie, Miranda, Maria et elle. Pour l’occasion, on avait tiré le divan plus près de la table pour que tout le monde puisse avoir un endroit pour savoir, en comptant les chaises supplémentaires qu’avaient fait apparaître Christine, évidemment. Il y avait une seule personne qui ne tenait pas en place et, de ce fait, n’était pas assise.

Maria.

- Alors, tu as une idée de plan? S’enquit Holiday et elle percevait l’inquiétude de la fée dans son ton.

- Pas… exactement, répondit la louve.

Tout le monde, Della comprit, arqua un sourcil interrogatif dans la direction de l’intéressée.

- J’ai en tête les fondations, mais pas le reste, spécifia-t-elle. La première chose que je sais, c’est que je n’attenderai pas la Pleine Lune.

- Pourquoi? s’étonna Burnett. Tu auras besoin de tout le temps que tu peux avoir pour te préparer.

- Oui, c’est vrai, mais je ne peux pas me permettre d’attendre ce moment critique. J’ai besoin de bras, pas de pattes.
L’air compréhensif qui frappa le visage de tous les loups-garous de la pièce fit froncer les sourcils à la vamp. Qu’insinuait Maria, exactement, par cette affirmation?

- Tu ne veux pas reproduire la situation d’avec la Chimère, commenta Lucas. Tu ne veux pas que l’on soit coincé sous forme de loup, précisa-t-il ensuite.

- C’est ça. En ce moment, il y a trois personnes qui peuvent se transformer hors pleine lune. Perry, Ethan et moi, renchérit la louve.

- Moi? L’interrogea le métamorphe.

- Oui, toi. Tu vas pouvoir prendre la forme de ce lion tricéphale de la dernière fois.

- Un lion tricéphale? S’exclamèrent les deux directeurs en même temps.

- Pas important, lâchèrent-ils tous en même temps.

Burnett leva les yeux au ciel et Holiday fronça les sourcils. Sauf que ce n’était pas important de les éclairer plus avant, songea la vamp. L’important, c’était le plan de Maria.

- Quand veux-tu qu’on l’affronte et comment? S’enquit-elle en regardant son amie dans les yeux.

Elle savait pertinemment que cette dernière détestait ça, mais elle ne pouvait pas faire autrement. Et puis, pour le moment, la réponse à sa question l’intéressait plus que de se préoccuper de détails futiles dans ce genre-là. Les dernières fois, que ce soit avec la Dame aux Fleurs ou la Chimère, ils n’avaient jamais cherché l’affrontement. Que devrait-il faire pour inciter la folle aux fleurs à se venir se battre avant l’échéance de la pleine lune?

- Comme il nous faut un maximum d’entraînement… Ce sera la veille de la pleine lune. À l’aube. Ce qui nous laissera environ dix-huit heures pour la vaincre avant que certains d’entre nous soient forcés de se changer en loup, répondit Maria.

- Et comment la forcer à nous affronter? Lâcha Derek.

- Je ne crois pas que ce sera vraiment compliqué… Si je lui fonce dessus, elle n’aura pas le choix de se défendre.

La louve haussa des épaules à la fin d’un air détaché, mais la vamp sentit la rage dissimulée dans ce mouvement. Son amie avait envie d’en finir au plus vite, et de manière violente. Della n’avait pas l’intention de l’en empêcher.

- Tu as autres choses de prévu dans ce plan? Demanda Kylie.

- Protéger les autres pensionnaires de Shadow Falls. Burnett…

- Oui?

- Tu crois que vous pourriez avec les autres vampires, excepté Della, faire en sorte que tout le monde se retrouve à nouveau dans le réfectoire?

- Je n’ai pas l’intention de rester à l’écart Maria, Shadow Falls est ma responsabilité.

- Et c’est pourquoi vous devriez mettre tous les autres en lieu sûr pendant que j’attirerai la Dame aux Glaïeuls le plus loin possible, marmonna la louve. Vous n’aurez qu’à venir nous rejoindre par la suite, si vous le désirez tant, ajouta-t-elle en levant les yeux au ciel.

Le directeur vampire observa longuement son amie avec un regard indéfinissable. Sans doute pesait-il le pour et le contre de ce que proposait la louve. À ses yeux, elle trouvait que ça faisait du sens. Laisser le regroupement des autres à Holiday serait beaucoup trop dangereux, et bien plus long que si tous les vampires s’en chargeaient. Par ailleurs, Maria acceptait qu'il se joigne à eux après coup.

- Très bien, accepta-t-il. Comment veux-tu que l’on procède?

- Dès que Maïa aura mordu à l’hameçon, je vais vous contacter et vous pourrez commencer. Pas avant, car je préfère la prendre par surprise.

- Et ensuite? Qu’est-ce qui se passe? Questionna la vamp.

- Là, tout de suite, on commence à s’entraîner d’arrache-pied. Et… je préférerais que tout le monde reste ici.

- Qu’est-ce que tu entends par là?

Question légitime en provenance de leur directrice fée. Maria n’était tout de même pas en train d’insinuer que tout le monde devait rester ici? Dans le sens de rester dormir… Elle ne pouvait pas vraiment suggérer ça, n’est-ce pas? Et pourtant, plus elle y réfléchissait et plus elle se disait que c’était une décision logique. Un éclair douloureux la traversa toute entière alors qu’elle comprenait finalement la raison pour laquelle la louve voulait une telle chose.

Elle tentait d’éviter que quelqu’un d’autre finisse comme Katryne.

Un frisson lui traversa le dos et la vamp se sentit aussitôt blêmir. Elle n’avait pas plus envie que quelqu’un d’autre rejoigne la tombe trop tôt. Elle en avait marre de voir des gens mourir. À son âge, ce n’était pas normal de voir autant de morts. Et après… après il y avait Kylie, bien sûr. Elle fréquentait les morts plus que quiconque ici, avec Holiday.

- Être éparpillé est dangereux, affirma rapidement la louve. Si on dort tous au même endroit, on a plus de chance de pouvoir être prêt à une attaque improvisée. L’ultimatum de la pleine lune ça ne vaut que pour moi.

Le silence qui régna après cette déclaration ne l’aida pas à faire disparaître les sueurs froides qui étaient apparus dans son dos à l’idée de voir un autre de ses amis mourir. Lucas toussota et énonça rapidement :

- Donc ton plan, c’est d’attirer Maïa quelque part la veille de la pleine lune à l’aube. D’assurer que tout le monde soit en sécurité à ce moment-là… Et que l’on reste toujours tous groupés… C’est ça?

- Et qu’on s’entraîne, ajouta la vamp. Férocement.

- C’est ça mon plan. Pendant que la majorité d’entre vous s’entraînera au corps à corps… Ce qui comprend donc Della, Kylie, Lucas, Jenny, Derek et Burnett s’il veut venir. Perry, Ethan et moi on s’entraînera sous notre forme animale. Puis ensuite… si tu es d’accord, Christine, j’aimerais que tu enseignes des sortilèges offensifs à Miranda.

- Donc, on a tous notre champ d’expertise, fit remarquer Jenny.

- Exact, confirma Maria.

Della aimait bien où se dirigeait toute cette discussion. À vrai dire, elle adorait l’idée qu’ils allaient bientôt s’entraîner. Mais la louve avait raison, son plan n’avait que des fondations. Et maintenant ou prochainement, il faudrait se pencher sur le comment il se chargerait de Maïa une fois qu’ils auraient attirés son attention. Elle avait déjà hâte de s’y mettre, pensa-t-elle en se frottant les mains comme Miranda avait l’habitude de le faire.

******************

Maïa eut un énième grondement en s’éloignant du bungalow de l’idiote de Lechasseur. Les protections magiques autour de celle-ci l’avait à nouveau empêchée d’entendre quoi que ce soit. Ce problème supplémentaire n’améliora pas son humeur déjà particulièrement furibonde qu’elle avait eu toute la journée. Tout avait pourtant si bien commencé lorsqu’elle avait senti la Hère s’emparer de la chair de l’amie de Maria. Oh, certes, elle aurait préféré que ce soit cette petite idiote qui en paie les frais, puisque cela l’aurait horriblement affaiblie…

Mais cette odieuse gamine avait plus d’un tour dans son sac.

Il avait toujours été impossible pour les Lechasseur d’ajouter des créatures puissantes comme la Hère dans leur meute. Notamment par la nature conflictuelle de la créature en elle-même. C’était des solitaires. Mais voilà qu’en plus de contredire des siècles de fait accompli, Maria avait retiré un nouveau pion de ses mains, à elle! À elle qui avait un contrôle total sur un fleuve! À elle qui pouvait contrôler d’innombrables créatures!

Elle n’avait pas l’intention de laisser cette petite garce s’en tirer à s’y bon compte. Elle avait été vaincue deux fois et elle s’était juré qu’il n’y en aurait pas de troisième. Jamais. Elle élimerait cette faible de Maria, puis romprait la nuque de Sarah. Sans plus personne pour assurer la descendance des Lechasseur, la famille s’éteindrait. Et leur chance de la vaincre avec.

Elle s’en réjouissait d’avance.

Mais pour l’heure, elle ne pouvait pas anéantir Maria ni lever la main sur Sarah. Elle avait encore besoin de sa Cerbère apprivoisée. Et la petite louve qui lui servirait bientôt de repas n’aurait jamais la chance de s’emparer de sa cousine. Elle y veillerait. Déjà, les liens qui la reliaient à Sarah avaient été renforcés par ses soins. Plus rien ne lui serait enlevé.

Rien du tout.

D’un sifflement strident elle appela Sarah qui apparut presque dans la seconde. La louve ne lui posa aucune question, elle ne le faisait jamais. Les premières fois où elle l’avait fait… avait été fort douloureux pour elle. Maïa n’aimait pas les interrogatoires. Elle n’aimait pas non plus qu’on lui adresse la parole sans qu’elle ait invité la personne à en faire de même. D’un mouvement de la main, elle fit signe à sa petite toutou domestiquée de la suivre.

Re: Nouveau départ [Nés à Minuit]

Publié : ven. 08 mai, 2020 3:23 am
par Mimie99
Elle n’avait pas mené cette expérience à bien depuis une éternité, mais elle avait le sentiment qu’elle en aurait besoin. Elle préférait être certaine d’avoir l’avantage, hors maintenant que deux de ses instruments lui avaient été retiré… Un grondement rauque s’échappa de sa gorge. La perte d’Ethan et de la Hère la rendait complètement malade. Malade de colère. Malade de haine.

Mais elle rectifierait le tir.

Les deux seraient à nouveau sous sa coupe à un moment ou à un autre dès qu’elle se serait débarrassée de son agaçante rivale. Elle savait déjà les choses innombrables qu’elle ferait avec Ethan. La torture et les autres petites choses agréables. Elle leur ferait payer leur trahison. Avant tout ça, elle devait se rendre à cet endroit maudit. Cet endroit qu’elle exécrait. Celui dont elle avait, autant que possible, évité de se rendre.

Les chutes de Shadow Falls.

Cette source renfermait un immense pouvoir. Un pouvoir si énorme qu’il avait permis à Maria de venir à bout de quelques-uns de ses ennemis. Mais il n’en serait pas de même avec elle. Oh, non… Cet endroit était d’une pureté sans pareille. La pureté donnait du pouvoir, une force extraordinaire. Ce qui surpassait encore cette puissance, c’était la corruption. Corrompre quelque chose de pur, c’est de là qu’elle tirerait la puissance nécessaire pour la cérémonie qu’elle s’apprêtait à accomplir.

Car elle n’avait pas son fleuve à sa disposition.

Au bout d’un moment elle finit par entendre le chant des chutes au loin. Plus elle approchait et plus elle avait envie de faire demi-tour. Plus elle sentait au fond d’elle-même que cet endroit ne voulait pas d’elle. La force qui tentait de la repousser n’était pas à prendre à la légère, elle percevait la puissance derrière chaque rafale.

Par ici, ils les appelaient les Anges de la Mort.

C’était un nom adéquat. Encore plus pour ce qu’elle avait prévu de faire en ce lieu. Un sourire étira ses lèvres en voyant les reflets de l’eau sur l’herbe alentour. Elles étaient arrivés. À voir le regard de Sarah sur l’eau, elle aussi recevait les demandes de départ des forces qui se trouvaient ici. Et la louve se questionnait aussi. Tout ça, Maïa le voyait très bien dans les yeux de la cerbère apprivoisée.

- Nous y sommes, lâcha-t-elle d’un ton satisfait.

- Et on fait quoi ici?

- Chercher de la compagnie, se contente-t-elle de répondre, un sourire énigmatique aux lèvres.

Une chose avant l’autre, se rappela-t-elle. D’abord, il fallait corrompre la pureté du lieu. Elle sortit lentement le poignard qui pendait à sa ceinture et s’accroupit au sol. De ses doigts, elle creusa à une vitesse calculée la terre meuble du sol, écartant l’herbe et les petits cailloux. Dès qu’un trou de la taille de son poing fut apparent, elle ordonna à Sarah de s’approcher. Elle n’eut même pas à ouvrir la bouche pour se faire obéir, la louve arrivait déjà et se positionnait comme elle.
Sans attendre, elle planta la lame du poignard dans sa propre paume. Juste au-dessus du trou qu’elle venait d’ouvrir dans les entrailles de la terre. Un minuscule trou, peut-être, mais il suffisait à ce qu’elle voulait faire. Elle déclama alors :

- Terre, accepte mon sang en offrande et offre-moi ta protection! Que les barrages qui sévissent ici s’étiolent et que les ombres s’agitent! Permet mon passage sur ces lieux et tu auras ton dû.

Elle se saisit de la main de Sarah et ne perdit pas une seconde avant d’enfoncer le poignard sanglant dans la paume de son esclave. Cette dernière grimaça, mais ne fit aucun mouvement pour se libérer lorsque Maïa la força à former un poing avec sa main et à presser comme pour écraser un quart de citron. La Dame aux Glaïeuls effectua le même manège en même temps et rapidement le trou se remplit de leur sang.

- Ô Terre, acceptes-tu mon offrande et m’offriras-tu ton soutien dans ma lutte? S’enquit-elle d’un ton impérieux.

Dans un horrible bruit de succion la sang fut absorbé par le sol en moins de quelques secondes. Un sourire étira les lèvres de Maïa et elle se redressa d’un coup sur ses pieds. Sans perdre une minute, elle s’avança dignement vers les eaux qui semblaient perdre de leur brillance. Malgré l’absence de vent, des ondulations perturbaient la surface de l’eau auparavant tranquille. Tout en tenant fermement le poignard dans sa main entaillée, elle effectua un mouvement vers l’avant comme pour lancer son accessoire dans les os des chutes, mais sans lâcher prise sur l’objet. Des gouttelettes de son sang mélangé à celui de Sarah percutèrent la surface de l’eau et immédiatement tout aux alentours tourna au noir d’encre.

Là, elle s’avança à pas tranquille dans l’os.

Son passage était sécurisé pour quelques instants, le temps qu’elle putréfie cet endroit avec sa perfidie. Dès qu’elle fut en plein centre de l’étendue glaciale, elle plaça la pointe de la lame vis-à-vis son ventre avant de l’enfoncer d’un coup sec, une exclamation étouffée de douleur franchit ses lèvres, mais elle ne porta pas attention au côté douloureux de cette position et récita les yeux fermés, la tête orientée vers le ciel :

- Par ma douleur, je te sème de répandre la malchance.

Elle fit un tour de cent-quatre-vingt avec la lame du poignard avant de continuer :

- Par mon sang, je te sème de répandre le vice.

Elle força un peu plus sur le poignard pour l’enfoncer d’encore plusieurs centimètres avant d’à nouveau tourner le manche jusqu’à faire un tour complet, réduisant en morceau plusieurs organes vitaux, puis elle poursuivit :

- Par ma force, je te sème de répandre la douleur.

Cette fois, elle retira d’un coup la lame de son corps et poussa un grondement effroyable. Tandis que sa guérison accélérée entrait en jeu et que son sang s’écoulait à flot dans les eaux sacrés de ce lieu immonde, elle prit sa véritable forme. D’un coup, son sang se changea de couleur. D’un coup, sa blessure disparut. Elle hurla à ce moment avec une rage à l’accent sifflant de sa vraie voix :

- Par ma rage, je te sème de répandre le poison qui coule dans mes veines et de détruire les protections de ce lieu!

Une décharge d’énergie puissante se déversa des chutes pour la percuter. Le choc fut si violent qu’elle se retrouva à tomber à la renverse dans l’eau. Des fourmillements se mirent à l’emplir de la tête aux pieds alors que peu à peu la puissance de l’endroit se réfugiait dans chaque parcelle de son corps. Une créature plus faible qu’elle serait morte avant d’arriver à posséder autant de pouvoir.

Et même elle avait une limite.

Toutefois, la moitié de cette force allait disparaître dans la prochaine cérémonie. Et elle était plus que capable de conserver la moitié de ce qui l’habitait présentement. Avec toute cette puissance, elle se sentait presque dans son fleuve. Ce qui était exactement la raison pour laquelle elle avait accompli ce rituel. Elle se redressa et sortit lentement de l’eau. Pour le reste, elle n’avait pas besoin d’y être. Pour le reste, elle avait besoin du feu et de la terre.

À l’aide de son poignard nettoyé de toute souillure, elle commença à tracer un énorme pentagramme sur le sol. Suffisamment gros pour qu’une personne puisse se tenir couchée dessus. Une fois le dessin tracé, elle le marqua au sol, enfonçant l’intégrité de la lame de son arme dans le sol tout le long de l’image qu’elle avait effectué. Le pentagramme touchait le trou qu’elle avait creusé pour la cérémonie précédente.

Quand elle le pouvait, elle évitait le gaspillage.

Elle revint donc à ce trou sous le regard perplexe de Sarah. Sans accorder un seul regard à la louve elle se positionna une main au-dessus, comme elle l’avait fait précédemment.

- As-tu ce que je t’ai demandé?

- Oui, répondit simplement la Cerbère en lui tendant le paquet d’allumette.

Maïa déposa ce dernier à sa droite et s’entailla à nouveau la main avant de la presser au-dessus du trou en psalmodiant :

- Par la Terre et le Sang, je commande l’accès au pays des Morts!

Le pentagramme se mit immédiatement à luire par intermittence, comme sous la lumière d’une bougie. Un léger sourire étira ses lèvres, mais ce n’était pas encore le moment de se réjouir. Elle s’entailla l’autre main et effectua le même manège. Puis elle fit subir le même châtiment à ses avant-bras en commençant par les poignets. Sur chacun, elle traça treize entailles. Un sang poisseux s’écoulait paresseusement dans le trou qui s’emplissait à vue d’œil lorsqu’elle poursuivit son incantation :

- Par les pouvoirs qui me sont conférer et mon énergie vitale qui s’étiole, je commande aux portes des Morts de s’ouvrir devant moi!

Dans un crépitement le sang se mit à rougeoyer comme mille rubis et se déversa dans les sillons creusés dans les traits du pentagramme. Son sang circulait tout le long du symbole comme s’il se trouvait dans des veines. Dès qu’il eut formé l’entièreté du dessin, elle se saisit des allumettes, puis elle en embrasa une avant de la jeter sur son sang frais. Immédiatement tout s’enflamma et elle se retrouva devant une étoile à cinq branches en feu, accompagnée par une odeur de sang brulé. Elle s’écria :

- Par le Feu, j’appel à moi les forces souterraines! Par mon offrande, je demande que le premier trépassé revienne à la vie!

À ces mots, elle se trancha l’intégralité de son petit doigt et le jeta au centre du pentagramme. Le sang qui s’écoulait dans sa main et l’absence d’une partie d’elle-même ne la perturba aucunement. La quantité d’énergie qui la traversait pour se déverser vers le symbole… ça, par contre, ça la poussa à pencher la tête vers l’arrière en poussant un hurlement strident vers le ciel crépusculaire.

Alors que les dernières brides d’énergie requises disparaissaient de son corps, Maïa s’écroula comme une poupée de chiffon. Lentement, son apparence véritable disparut pour être remplacé par sa forme d’emprunt. Si elle avait été près de son fleuve, elle ne serait pas devenue ainsi, mais ici, garder son apparence habituelle demandait plus de concentration en l’absence des eaux qui lui appartenaient.

Elle commençait tout juste à retrouver une respiration normale, lorsque la terre au centre du pentagramme se mit à remuer. Lentement, un sourire se forma sur ses lèvres. Un sourire qui promettait la vengeance. Un sourire qui promettait la mort. La victoire serait sienne, que la Lechasseur le veuille ou non. Elle observa attentivement le mouvement de la terre jusqu’à ce que les premiers doigts la perforent. Puis une main complète en sortie, avant que la deuxième ne suive.

Sarah laissa échapper une exclamation de surprise lorsque des bras et une tête suivirent les mains. Puis tout le corps sortit du symbole flamboyant. Le corps complètement nu d’un homme qui avait été mort, mais qui venait de renaître. Maïa admira la chevelure d’ébène, la carrure athlétique… Elle reluqua la peau basanée et les yeux verts. Des yeux verts auréolés de flamme qui se posèrent sur elle avec obéissance.

Elle avait son nouveau jouet.

- Qu’est-ce que c’est? S’enquit sa louve apprivoisée d’un ton aussi blême que sa peau.

- Que deviennent les loups-garous morts que l’on ramène à la vie, Sarah?

******************

Je me frottai les yeux longuement en essayant de vaincre la fatigue qui commençait à vouloir s’installer chez moi. Ce n’était pas le moment, j’avais encore bien des choses à accomplir avant de pouvoir rejoindre mon lit. Le problème, c’est que personne ne semblait vouloir se mettre d’accord sur ce que l’on devait faire. La majorité d’entre eux ne semblait pas apprécier l’idée de dormir tous ici, mais ils s’y étaient finalement fait. Maintenant, on était dans la complication de diviser les chambres.

- J’apprécie bien ma solitude, merci bien, grommela Della. Je n’ai pas envie d’avoir qui que ce soit dans les pattes.

Je poussai un soupir. Ce n’était pas la première fois qu’elle faisait ce commentaire. En fait, c’était la deuxième fois.

- Mais pourquoi Perry ne pourrait pas venir dans ma chambre? Protesta Miranda.

- Pour la même raison que Lucas ne peut pas aller dans la chambre de Kylie, répondit Holiday.

Plusieurs bras se croisèrent. Et je poussai un nouveau soupir. Je ne comprenais pas pourquoi c’était si compliqué que d’accepter le fait que peu importe qui dormait dans quelle chambre, on était trop nombreux pour que deux personnes par chambre suffisent. Nous étions exactement quinze si on comptait la Hère et Kelsea. Et seize si on ajoutait Hannah. Nous avions seulement quatre chambres. Lucas s’apprêtait à prendre la parole lorsque je le coupai pour demander à mes colocataires :

- Est-ce que vous tenez absolument à conserver vos chambres? Ce n’est que pour…

- Oui, clamèrent-elles en même temps.

Énième soupir de ma part. Je me frottai à nouveau les yeux, puis affirmai :

- Je ne crois pas que personne ne verra d’inconvénient à ce que j’offre ma chambre à Burnett et Holiday? Et Hannah, évidemment.

Tout le monde acquiesça à l’exception de deux personnes.

- Tu nous incluais dans les personnes à dormir ici? s’étonna Holiday.

- Vous êtes, techniquement, les plus à risque, avançai-je.

- Tu veux m’obliger à rester dans le même bungalow que vous tous pendant près de deux semaines? S’interloqua Burnett.

- C’est la meilleure option si vous tenez à la vie? Proposai-je.

Ils poussèrent un soupir et le directeur vampire balaya l’air de sa main en bougonnant :

- Ce n’est que pour le soirée, on devrait s’en sortir.

J’étais presque certaine qu’en fait, il était rassuré de ne pas avoir à s’inquiéter d’être seul à pouvoir protéger Holiday et Hannah s’ils avaient dû dormir à leur bungalow.

- Vous êtes d’accord pour prendre ma chambre?

- Oui, affirma Burnett.

- Et où vas-tu dormir? S’enquit la fée en me couvant d’un regard inquiet tout en berçant sa fille dans ses bras.

- Le salon, annonçai-je simplement en haussant des épaules.

C’était l’endroit où je serais le plus à même de protéger tous les autres. Et où je me sentirais le moins à l’étroit maintenant que je n’avais pas seulement Kelsea sur les talons, mais aussi la Hère. Par ailleurs… ma gorge se nouait à la simple idée de retourner dormir dans ma chambre. Je n’arriverais jamais à trouver le sommeil. Pas avec les souvenirs encore trop vivaces qui hantaient mes songes éveillés.

Katryne était morte…

Ça sonnait encore tellement irréel à mes oreilles. Je me secouai mentalement pour ne plus y penser et lançai rapidement :

- On est en train de perdre notre temps avec cette histoire de qui dort où. Faisons ça simplement, Jenny et Derek sont dans la chambre de Della. Christine et Perry avec Miranda. Et finalement, Lucas et mon oncle avec Kylie. Ça marche pour vous?

- Et moi? Demanda Ethan d’une toute petite voix.

Une pointe de douleur s’infiltra en moi en même temps que je me mettais à rougir. Dans ma tête, c’était tellement logique qu’il resterait au salon avec moi que ça m’était sortie de l’esprit de le mentionner. Le pire dans tout ça, c’était que j’ignorais la raison pour laquelle j’avais pris cette décision inconsciente. Était-ce parce qu’il reste le meilleur atout que j’avais avec Kelsea et la Hère? Ou parce que je me refusais de le voir ailleurs? Était-ce par méfiance à son égard? Ou simplement parce que je le voulais près de moi? Je ne pouvais pas nier que je me languissais de sa présence.

De sa présence toute proche.

Plus que je ne le permettais en ce moment. Je toussotai légèrement pour me ramener à l’ordre et attirer l’attention sur moi plutôt que sur Ethan. Tout le monde avait tourné la tête vers lui pour le dévisager. Était-ce simplement parce qu’il venait de prendre la parole pour la première fois depuis presque le début de la conversation? Ou encore à cause d’un reste de ressentiment? J’aimais mieux rester dans l’ignorance pour le coup. Je répondis d’un ton neutre :

- Tu restes dans le salon avec Kelsea, la Hère et moi. Maintenant, est-ce que quelqu’un a quelque chose contre ce que j’ai dit pour dormir?

Je voyais un début de protestation poindre dans le regard des directeurs, mais étonnamment ils finirent par secouer de la tête en même temps que tous les autres. S’ils s’inquiétaient que les couples présents risquaient d’en profiter pour se rapprocher… c’était peine perdue. Déjà, ils ne seraient pas seuls. Et ensuite… personne n’aura l’énergie pour quoi que ce soit lorsqu’on reviendrait ici pour dormir.

- Est-ce qu’on peut passer à l’étape intéressante? Me demanda Della en se frottant les mains.

Cette manie lui venait certainement de Miranda. J’en mettrais ma main à couper! Toutefois, leur sujet de prédilection différait… énormément. Si les deux pouvaient impliquer des contacts physiques rapprochés entre deux personnes, il y avait un scénario où les conséquences pouvaient être autrement douloureuses que dans le second.

Je levai les yeux au ciel à la question de ma coloc vamp, mais hochai tout de même de la tête avant d’ajouter à haute voix :

- Oui, là on va s’entraî…

Je n’eus pas le temps de poursuivre que Kylie et Holiday blêmirent d’un coup toutes les deux. Le changement était si drastique que tout le monde le constata et chaque pair d’yeux de la pièce convergea vers elles. Tous autant que nous étions, nous affichâmes un air inquiet.

- Kylie, Holiday? Souffla Miranda.

Les deux intéressées se jetèrent un regard chargé d’angoisse et la lueur hantée que j’y voyais aussi ne m’inspirait pas vraiment confiance.

- Qu’est-ce qu’il y a? les questionnai-je à mon tour.

- Les chutes… commença Kylie avant que sa voix ne se brise.

- Les chutes ont été... profanées, murmura Holiday d’un ton où pointait son incompréhension.

C’était à moi d’être confuse maintenant. De quoi est-ce qu’elles parlaient toutes les deux? Comment est-ce que les chutes auraient pu être profanées? Et qu’est-ce qu’elles entendaient par « profané »? Les chutes étaient-elles réellement sacrées? Apparemment je n’étais pas la seule à me questionner parce que tout le monde aux alentours les dévisageaient avec des yeux ronds. L’expression étant encore plus marquée chez Christine et mon oncle. Avant que je n’aie le temps d’ouvrir la bouche et de poser la question qui me brûlait les lèvres, je fus précédé par Della :

- De quoi est-ce que vous parlez, au juste?

Kylie jeta un regard angoissé à Holiday et c’est cette dernière qui répondit :

- Le sanctuaire des chutes a été profané. Une magie du sang l’a corrompu. Une magie sombre et sans bienveillance.

- Maïa, soufflai-je d’un ton à la fois angoissé et profondément en colère. C’est l’heure plus que jamais d’aller s’entraîner si elle s’en est prise aux chutes! Grommelai-je ensuite. Mais comment a-t-elle fait pour les profanées, exactement?

- Aucune idée, mais je ne crois pas que ce soit bon, marmonna Kylie d’un ton sombre.

Je hochai lentement de la tête et me levai de ma chaise avec la ferme intention de sortir pour qu’on rejoigne l’un de nos terrains d’entraînement. Mais avant que je n’aie pu leur faire signe de me suivre et ainsi ouvrir la porte, Christine me figea sur place en disant :

- Maria, attends, s’il-te-plaît. J’ai quelque chose à te dire.

Je me retournai vers elle en sentant un frisson désagréable me traverser le dos. De quoi voulait-elle me parler qui ne pouvait pas attendre que l’on se soit entraîné? On n’avait plus vraiment le loisir de tergiverser, surtout que si la Dame aux Fleurs avait véritablement profané les chutes… ça ne pouvait signifier qu’une chose. Elle mijotait quelque chose. Et peu importe ce que ce quelque chose était, ça ne sentait pas bon pour moi. Pour nous.

Pour nous tous.

- Qu’est-ce qu’il y a? m’enquis-je, déjà sur la défensive.

Je n’aimais pas du tout la tension qui apparaissait graduellement sur le visage de Christine. Et encore moins le fait qu’elle jeta un regard tendu à mon oncle à quelques reprises. Mon petit doigt me soufflait que ce qu’elle avait à me dire concernait aussi Jean-François. Et si je me fiais à son air intrigué et inquiet, il ne savait pas ce qu’elle avait à dire.

L’attente me tuait, une seconde à la fois. Pourquoi ne disait-elle toujours rien? Au moment où je vins pour dire quelque chose, elle poussa un soupir et annonça de but en blanc :

- Je suis la mère biologique de Sarah.

Mon regard s’arrondi sous la surprise en même temps que mon oncle s’exclamait d’une voix blanche :

- Quoi!

Je restai figée, les yeux grands ouverts, avec l’impression que je tombais dans le vide sans pouvoir rien y faire. Je venais de plonger dans l’océan et coulais sans m’arrêter, l’eau s’infiltrant partout. Dans ma bouche. Dans mes oreilles. Dans mes yeux. J’entendais sourdement des éclats de voix, je voyais confusément des mouvements énervés devant moi… Mais je n’arrivais pas à saisir ce qui se passait.

À force de cligner des paupières, ma vision se clarifia, mais pas mon ouïe, j’avais toujours autant l’impression d’être immergée. Je me regardai à gauche et à droite et tout ce que je voyais me donnait le tourni. Mes colocs étaient toutes autant figées que moi, mais Della avait un air furieux, Kylie compatissant et Miranda perplexe. Lucas était impassible tout comme Derek, Perry et Jenny. Burnett vociférait si je me fiais à ses mouvements. Holiday tentait de calmer les choses. Mon oncle… mon oncle semblait être en train de crier. Quoi? Je ne l’entendais pas.

Christine pleurait.

Ma respiration s’accéléra. Christine. Christine était… elle était… Sarah était… Mon oncle et… Des étoiles se mirent à danser devant mes yeux et mon immobilisme se fendilla pour me laisser perdre l’équilibre. Avant que je n’aie pu percuter le plancher, une main me retint par l’avant-bras. Je reconnaissais cette paume. Je déglutis et papillotai des paupières à nouveau, éclaircissant ma vision. Ethan me relâcha dès qu’il fut certain que je ne perdrais pas l’équilibre à nouveau.

- Maria? Me souffla-t-il.

Contrairement à tous les autres, sa voix me parvint. Je me tournai vers lui, complètement perdue, complètement désorientée. Je reconnus cette lueur de tristesse qu’il avait toujours dans les yeux depuis un temps, puis cet air plus commun que j’avais appris à apprécier venant de sa part. Son inquiétude. Sa sollicitude. Je détournai les yeux en sentant les larmes me monter aux yeux.

Ça faisait encore tellement mal.

Je ravalai les sanglots non désiré et me rendit ainsi compte que j’entendais à nouveau tout ce qui se passait autour de moi. Et qui… ne se passait plus rien autour de moi. L’intervention d’Ethan envers moi semblait avoir fait ressaisir tout le monde.
Christine pleurait encore.

Ce n’était pas de grosses larmes ni de gros sanglots. Ce n’était pas des cris déchirants. Non, c’était pire. C’était des larmes lentes et brûlantes qui s’écoulaient sur ses joues en prenant tout leur temps. Elles étaient peu nombreuses. Mais c’était la première fois que je voyais Christine pleurer. La première fois… Je déglutis à nouveau et voyant que tout le monde ne parlait toujours pas je demandai d’une voix plus rauque que je ne l’aurais voulu :

- Pourquoi? Pourquoi maintenant? Pourquoi…

Pourquoi me le dire? Pourquoi avoir besoin de le dire? Pourquoi là, tout de suite? Pourquoi avait-elle abandonné ses filles? Pourquoi n’en avoir jamais rien dit à mon oncle? Comment…? Je ne voulais pas vraiment connaître le comment, à tout bien y réfléchir.

- Tu devais le savoir. Tu devais le savoir, parce que tu pourras t’en servir, répondit celle que je considérais comme mon amie malgré notre immense différence d’âge.

Elle ne répondait pas à toutes mes questions.

- Pourquoi tu n’as jamais rien dit?

Cette question ne venait pas de moi. Mais de mon oncle.

- Tu connais les règles de nos familles, JF. Je ne l’ai pas dit… je ne l’ai pas dit à Médric non plus. (Christine ferma les yeux comme si elle aurait préféré changé ce fait) La seule à le savoir… c’était Rose.

- Rose t’aurait demandé de me le dire.

- Elle l’a fait. Mais je ne pouvais pas…

- Pourquoi tu ne pouvais pas?

- Je croyais que tu étais parti à la guerre, gronda-t-elle. Et tu avais été clair à l’époque que c’était terminé.

À voir le regard qu’affichait mon oncle en ce moment, ça n’avait jamais été terminé entre eux et ce ne l’était toujours pas. Je n’avais pas besoin de l’odorat de Della pour le savoir. Pour savoir qu’ils se plaisaient encore l’un et l’autre. Pour savoir qu’ils s’aimaient encore.

- Pourquoi tu n’as pas gardé les filles? s’enquit à nouveau Jean-François et je sentis son ressentiment dans cette phrase.

- Tu sais très bien pour… commença Christine sur un ton dur, mais je la coupai rapidement.

- Ça n’a pas d’importance.

Ils me dévisagèrent tous les deux, le premier avec mauvaise humeur comme si j’étais tombée sur la tête et la seconde avec inquiétude. Mais ça ne changea rien à ma résolution. Je ne voulais plus en entendre parler. Je ne voulais pas… y réfléchir plus profondément. Je n’avais… je n’avais pas besoin d’y penser. Il fallait s’entraîner. Ça, ça c’était important.

- Ça n’a pas d’importance, répétai-je en fusillant tout le monde du regard.

J’ajoutai après une seconde et d’un ton plus calme :

- Ce qui est important pour le moment, c’est de s’entraîner.

Plusieurs hochèrent de la tête, certains avec plus de conviction que d’autres. Quelques-uns restèrent inexpressifs alors que les derniers jetèrent des regards allant de Christine à moi puis de moi à mon oncle. Je n’en fis aucun cas et allai ouvrir la porte. Je refermais tout juste la porte sur Kylie, qui était la dernière à sortir, lorsqu’elle me souffla :

- Tu sais que ne pas affronter ton problème tout de suite ne le rendra pas moins pénible plus tard, n’est-ce pas?

Je détournai les yeux comme pour m’assurer que la porte était vraiment fermée et marmonnai :

- Je sais. Mais… Je… je ne veux pas y penser.

- Pas maintenant, poursuivit-elle à ma place.

J’acquiesçai doucement de la tête et je vis son léger sourire avant qu’elle n’ajoute :

- Je te comprends, tu sais.

Je lui souris légèrement en retour, mais sans plus attendre, je pris la direction de notre lieu d’entraînement. Je dus faire un effort particulièrement incroyable pour conserver la tête et le dos droit tout du long. Je ne pouvais pas m’effondrer maintenant. Je ne pouvais pas céder à mon envie de prendre la main d’Ethan dans la mienne pour calmer mon rythme cardiaque en panique. Situation dans laquelle mon cœur se trouvait depuis la révélation de Christine.

Sarah? Sarah était… Sarah était sa fille.

Christine était la mère de Sarah.

Ça ne faisait toujours aucun sens à mes yeux. Mais je comprenais une chose. La raison pour laquelle la sorcière m’avait remis cette information. Comme pour moi, Sarah devait se questionner énormément sur sa mère biologique. Et j’avais la réponse à lui donner. Le nom. Et même la possibilité de la rencontrer. Est-ce que ça suffirait à la faire changer de camp? Je n’y croyais pas. Pas vraiment. Ce n’était pas un élément suffisamment gros pour changer son allégeance. Mais comment Christine croyait-elle que j’allais pouvoir me servir de cette information, exactement?

N’y pense plus, me conjurai-je.

Je relevai les yeux pour regarder aux alentours et je l’aperçus. Le loup-garou. Celui que j’avais plus ou moins rencontré. L’agent de l’URF. Des cheveux noirs, une peau basanée, des yeux verts… Je le connaissais. Je l’avais vu de très près, d’ailleurs.

Et il devrait être mort.

Pas debout devant moi. J’ouvris la bouche pour prononcer son nom, mais déjà il n’était plus là. Un frisson me traversa le dos et Della demanda d’une voix blanche :

- Est-ce que je suis la seule à l’avoir vu?

- Non, affirmai-je d’une voix faible, encore sous le choc.

Ça devrait être impossible. Non… Non, elle ne pouvait pas… Pouvait-elle avoir fait ça?

- Aiden, nous soufflâmes en même temps la vamp et moi.

Burnett se figea à ces mots. Il était mort. Mort depuis un moment. Il ne devrait pas pouvoir être debout. Il ne devrait pas être capable de marcher. Ni d’apparaître et de disparaître.

Il était mort.

Mais pourtant il s’était tenu devant moi. Maïa l’avait ramené à la vie.


Voilà pour le chapitre 14! Et puis, qu'est-ce que vous en pensez?


Un devoir
Nouveau départ

Re: Nouveau départ [Nés à Minuit]

Publié : mar. 19 mai, 2020 11:35 am
par DarkPhoenix
Je suis tellement heureuse que tu ais retrouvé l'inspiration pour écrire cette fanfic que j'aime beaucoup.
Tu t'inquiétais de savoir si le changement d'écriture nous dérangeait, mais personnellement, j'aime beaucoup :D
J'avoue que quand Aiden est apparus dans l'histoire j'ai un peu beugué pour me rappeler qui s'était :?
Mais bref, j'ai hâte d'avoir la suite

Re: Nouveau départ [Nés à Minuit]

Publié : mar. 07 juil., 2020 12:09 am
par Mimie99
HEY! Je suis de retour! (Oui, encore après une longue période... :oops: ) Je tiens à m'excuser pour le temps d'attente entre le chapitre 14 et 15, mais j'ai vraiment eu du mal à gérer mon temps et il y a pleins de choses qui me sont tombées dessus en même temps... :roll: Bref, me voilà maintenant avec ce dernier chapitre, enfin! Je dois avouer que j'ai eu un peu la larme à l'oeil à la fin du chapitre, mais je ne sais pas si c'était en lien avec le fait que cette fanfic est maintenant officiellement terminée :cry: (officieusement, il y aura toujours les bonus éventuellement), peut-être que ce que j'écrivais était tout simplement triste ou sinon, ce qui est très probable, c'est parce qu'il était 1h du matin xD Dans tous les cas, je vous écris en ce moment pour un tout, léger détail.

Je n'avais pas vraiment planifié certains évènements (ou plutôt la manière dont ils se produiraient) qui se passent dans le chapitre. Et je dois admettre que c'est peut-être un peu brutal et violent. :? Alors je tenais à vous prévenir que ça pouvait être choquant. Peut-être pas énormément, mais quand même assez pour que je tienne à vous prévenir. Alors, voilà, c'est tout!

Une dernière chose, je crois que j'ai mis autant de temps pour une autre raison aussi... je n'avais pas vraiment envie que ça se termine... M'enfin, c'est le cas maintenant. Sur ce...

Bonne lecture! :D


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Chapitre 15



- Mais il faut bien te trouver un nom! M’emportai-je en foudroyant la Hère du regard.

Depuis les treize derniers jours, on ne cessait pas de la nommer par son titre. Soit « la Hère ». Et ça m’agaçait prodigieusement. Notamment, parce que j’aimais bien avoir l’impression de m’adresser à une personne. Et avec tout ce que j’avais appris sur son espèce, je savais pertinemment qu’ils n’étaient pas seulement des créatures assoiffées de sang. Ils avaient un mode de vie, des principes, des règles. Une hiérarchie. Jusqu’à présent, tout le monde l’avait ignoré parmi mes ancêtres.

Même Kelsea n’était pas au courant.

J’avais bien conscience qu’il y avait des enjeux plus importants que ceux-là sur lesquels je devrais me concentrer, mais je n’arrivais pas à… le faire. Je ne m’adressais même plus à Christine et mon oncle sauf pour tout ce qui était essentiel. S’ils tentaient de me parler, surtout Christine, de ce qui m’avait été révélé, je me contentais de m’éloigner et de me concentrer sur autre chose.

Comme sur la question d’absence d’identité de la Hère, par exemple.

Et j’essayais aussi de ne pas obséder sur l’autre information qu’il m’avait été donné. Maïa pouvait ramener les morts. La Dame aux Glaïeuls avait ramené Aiden dans le monde des vivants. Elle l’avait transformé en Chien des Enfers. La version loup-garou zombie. C’était ce qu’avait expliqué Christine. Elle ne pouvait pas leur rendre la vie complètement. C’était une possession. Sorte de, en tout cas. Le corps du défunt se voyait donné la vie, mais n’avait que la conscience et l’âme d’un Chien des Enfers.

Je me concentrai à nouveau sur la Hère pour ne plus y penser. Ça ne servait à rien de ressasser tout ça. Non, à rien… Surtout pas quand j’ignorais complètement comment vaincre un chien des Enfers. N’y pensons pas, n’y pensons surtout pas.

- « Je n’ai pas besoin de nom! » insista la Hère, excédée.

- Moi, j’ai besoin de t’appeler autrement! Je n’accepte pas les sans identité ici.

- « J’ai une identité, mais tu ne l’acceptes pas. » contredit-elle.

- Le nom de ton espèce n’est pas une identité!

La créature devant moi me regarda longuement avant de hausser ce qui lui servait de sourcil en semblant affirmer « Vraiment? Tu en es sûre? ». Je la foudroyai du regard et tranchai en croisant les doigts :

- Si tu ne te trouves pas un nom, je vais t’en donner un.

L’air catastrophé qui apparut sur son visage me donna presque envie de sourire. Le soupir qui arriva ensuite me permit définitivement d’afficher le sourire en question.

- « Tu veux vraiment mon nom? »

- Attends… Parce que tu en as un?

- « Bien sûr. Mais chez les miens, on ne le divulgue pas à la légère. Les vrais noms sont dangereux. Surtout pour une espèce aussi ancienne que la mienne. »

Cette fois, c’était moi qui la dévisageais avec un air éberlué.

- « Je ne peux pas te donner mon vrai nom. C’est beaucoup trop dangereux, pour toi comme pour moi. Mais… tu peux m’appeler Autumn . C’est en lien avec ma véritable identité, sans l’être. »

- Autumn ? Répétai-je en butant un peu sur la prononciation.

- « Oui. »

- Bien, alors maintenant qu’on a finalement pua avoir ton nom, on peut aller au réfectoire! Dis-je avec un ton que j’espérais joyeux.

- Il était plus que temps! Grommela Della en me foudroyant du regard.

Je levai les yeux au ciel. Est-ce que je répétais ce manège tous les matins depuis que la Hère faisait partie de la meute? Oui. Est-ce que ça exaspérait mes amis? Oui. Est-ce que je m’en préoccupais? Pas tellement. Je me dirigeai rapidement vers la porte du bungalow, tous les autres à ma suite. Ils pouvaient bien soupirer autant qu’ils le voulaient, je savais que la question du nom de la Hère les dérangeait autant que moi. Et puis, je voyais la tension dans leurs épaules.

Dans moins de vingt-quatre heures on s’attaquerait à Maïa.

Rien que d’y penser et j’avais les jambes flageolantes.

Je n’étais toujours pas certaine qu’on soit en position de force. Faux. Je savais que nous n’avions pas l’avantage et de loin. Pas si elle avait un Chien des Enfers et Sarah. Si je retirais Sarah du tableau… Il faudrait que je trouve le moyen de vaincre un Chien des Enfers. Mais comment on faisait ça, exactement? J’en avais aucune idée! De ce que j’avais lu dans le grimoire de mes ancêtres c’était impossible, sauf en détruisant la personne qui l’avait ramené. Mais Maïa m’était inaccessible sans détruire Aiden avant!

Je m’assis brutalement sur la chaise que je m’étais appropriée au réfectoire, une assiette d’œufs baveux et fumants dans une assiette.

Comment faire pour vaincre un Chien des Enfer?

Cette question me turlupinait depuis un moment, mais j’avais réussi à la reléguer au second plan. Tout comme l’histoire Christine, Sarah et Jean-François. Mais maintenant je ne pouvais plus la repousser. Pas plus que la seconde. Je me doutais que je devrais y faire face, à un moment ou un autre. Pour le moment, toutefois, je préférais me concentrer sur le Chien des Enfers.

C’était, de toute manière, l’élément le plus létal de l’arsenal de la Dame aux Fleurs.

L’autre élément de réponse pour le détruire, toujours selon le grimoire de mes ancêtres, c’était de rappeler à l’ancien loup-garou qu’il était mort. Du point de vue de beaucoup, tuer la chose responsable de la création du Chien des Enfers était plus simple que de trouver la manière de raviver la mémoire de quelqu’un qu’on ne connaissait pas. Dans mon cas… les deux scénarios me semblaient aussi compliqués l’un que l’autre. Maïa était presque inaccessible et tout autant la mémoire d’Aiden.

J’étais là, quand il était mort.

Mais comment étais-je censée lui faire se rappeler ce moment? J’essayais moi-même de l’oublier! Et de ce que j’avais lu, le Chien des Enfers devait être sous forme humaine si on voulait être certain qu’ils retournent dans le monde des morts! Or, si une chose m’était clair, c’était que dans le feu de l’action, il ne serait jamais humain. Et l’idée de m’attaquer à lui avant de déclencher les hostilités était proscrite. Pour la simple et bonne raison qu’il ne lâchait pas les basques de la Dame aux Fleurs. Elle n’était pas prête à ce que je lui arrache ces derniers pions. Sarah non plus ne la quittait plus. Le seul truc réjouissant que je voyais dans ce scénario, c’était que cela témoignait d’une certaine inquiétude.

Oui, Maïa était inquiète.

Inquiète que je lui ravisse d’autres pions. Et je n’avais certainement pas dit mon dernier mot à ce sujet. Je ne comptais pas lui laisser le contrôle de Sarah et pas celui du Chien des Enfers non plus, si j’avais mon mot à dire sur la question. Il fallait seulement que je trouve comment faire. Et ça, ce n’était pas donné. Il te reste un peu moins de vingt-quatre heures, Maria, il faudrait peut-être que tu te bouges, me soufflai-je intérieurement.

Ça n’aidait pas vraiment ce genre de réflexion.

Mais c’était la vérité. Je ne pouvais pas partir dans un combat sans un plan. Pas maintenant. Pas en de telles circonstances. Y aller au juger, en ce moment, ça relèverait du suicide. Et pas seulement du mien. Je me refusais à laisser mourir qui que ce soit par ma faute. Surtout si j’échouais. L’échec n’était pas envisageable.

Depuis que j’étais ici… l’échec n’était jamais envisageable.

Est-ce qu’un jour j’aurai des combats dont les enjeux ne risquaient pas de débouler sur le meurtre de tout le monde? Je l’espérais, mais avec ce que j’avais vu comme créature dans le grimoire de ma famille… ça s’annonçait mal pour une petite vie tranquille et rangée. Pourquoi avais-je le sentiment que je ne ferais pas de vieux os?

Tant que je survivais au prochain combat et que je gagnais, je me foutais bien de mourir par la suite.

Après tout, il n’y aurait plus que moi. Je ne permettrai plus à qui que ce soit de s’embarquer dans mon rythme de vie infernal et complètement dingue. Je ne permettrai plus à qui que ce soit de se mettre en danger. Pas pour moi. Pas alors que c’était ma responsabilité. Je n’avais pas envie de les abandonner. Mais j’avais encore moins envie d’assister à leurs funérailles prématurées. Personne ne devrait mourir à notre âge…

Pas comme Katryne.

Pas comme tous les autres.

Je fermai les yeux pour éviter de laisser des larmes s’échapper. Près de deux semaines et ça faisait toujours aussi mal. Je la cherchais encore par moment dans le groupe. Mais elle n’était plus là. Elle ne serait plus jamais là. Il fallait que je me fasse à cette idée. Il fallait que je l’accepte. Elle était morte pour moi… Et si je voulais que ce ne soit pas en vain, il fallait que je me concentre. Et que je gagne.

J’inspirai profondément en ouvrant les yeux et ce fut pour constater que tout le monde me regardait avec une mine inquiète. J’arquai un sourcil à leur intention et Lucas me demanda :

- « Est-ce que ça va? »

J’acquiesçai doucement de la tête avant d’ajouter :

- « Je repensais seulement à Katryne… »

- « Tu te souviens que l’on t’a dit qu’on ne reculerait pas pour ce combat, pas vrai? » grommela Della.

- « Je sais. Même si vous devriez. »

Ils levèrent tous les yeux au ciel, alors je précisai :

- « Je voudrais que vous abandonniez l’idée de me suivre, mais je ne chercherai pas à vous empêcher de le faire. »

- « Au moins on est d’accord. » affirma Jenny en croisant les bras.

Plusieurs minutes s’écoulèrent par la suite en silence. Ça arrivait de plus en plus fréquemment, et je savais pourquoi. L’approche du combat. Ça nous rendait tous plus taciturne. On avait hâte d’en finir, mais il fallait s’en tenir à mon plan. Ou du moins à l’ébauche de mon plan. Si on ne le faisait pas… On risquait de faire la chose précise qu’il fallait éviter à tout prix.

Les petits-déjeuners étaient vraiment beaucoup plus silencieux qu’avant, pensai-je en me levant sans que nous n’ayons émit une seule parole à haute voix. D’accord, on évitait le plus possible de discuter lorsque nous n’étions pas dans mon bungalow, pour éviter d’être entendu… et aussi pour qu’ils s’exercent le plus possible à la communication mentale. Ils y arrivaient tous, maintenant. Et presque tous réussissaient à le faire tout en ayant sa concentration ailleurs. Avec un peu d’efforts supplémentaires, ils arrivaient à communiquer avec tout le monde à la fois. Mais c’était encore compliqué pour eux de le faire tout en effectuant une autre tâche. Se battre, par exemple.

Et ça, ça posait problème.

Lorsque nous planifierions notre plan de bataille, ce soir, il faudrait trouver une solution envisageable pour que ça ne devienne pas un handicap. Le plus d’intermédiaire il y aurait, le plus les avertissements ou autres risquaient d’être transmis de travers. Ou pas du tout. Ils suffisaient qu’une personne manque une information capitale pour que l’on en perde un. Ou plusieurs.

Mais j’y réfléchirai plus tard, me sermonnai-je.

Là, il fallait aller en cours. Comme si tout était normal. Comme si je ne prévoyais pas une attaque le lendemain à l’aube. Comme si la Dame aux Glaïeuls ne prévoyaient pas me sacrifier à la Pleine Lune. C’était peut-être compliqué d’éviter de songer à tout ça, mais je n’avais pas le choix. C’était soit ça, soit paniquer. Je ne voulais pas me mettre à paniquer comme une fillette.

Je ne pouvais pas.

Je pris une grande inspiration en entrant dans ma première salle de classe suivit par mes trois colocs. On se jeta un léger coup d’œil avant de rejoindre nos bureaux respectifs d’un pas qui me sembla au ralenti. C’était plutôt simple, tout me semblait au ralenti depuis que je m’étais réveillée. Mon cœur battait au rythme lent des aiguilles de l’horloge quand tu ne la lâches pas des yeux. L’écho de son battement se répercutait dans mes oreilles, occultant tous les autres sons.

Je regardais sans voir.

Je vivais sans vivre.

Mon corps n’attendait qu’une chose : que je relâche la pression. Que je m’abandonne au combat et que mon cerveau se mette aux arrêts pour ne songer qu’à une chose : défaire mon adversaire. Dans ces moments-là, j’étais extrêmement lucide, mais j’oubliais toute autre chose. Je donnais des coups, en esquivaient d’autres et en renvoyaient. Parfois, je me demandais si je n’étais pas née seulement pour me battre. L’appel du sang, de la bataille semblait couler dans mes veines.
Et me voilà qui essayait de prêter attention à un cours.

Je fis craquer mes épaules pour relâcher la tension et m’obligeai à me concentrer sur le professeur et tout ce qu’il nous disait. Il n’y avait qu’un moyen d’en finir rapidement avec cette journée et c’était d’écouter. Si je faisais des efforts, que je me donnais à fond dans mes leçons, j’oublierais (ne serait-ce l’espace d’un instant) ce qui m’attendait demain.

Quand je quittai ma dernière salle de classe pour me rendre au réfectoire pour le repas du soir, je ne pus m’empêcher de pousser un soupir de soulagement. Il n’y avait eu aucun incident ces douze derniers jours. Et dans quelques instants je me rendrais au bungalow avec tous mes amis, on mettrait en place un plan plus adéquat que mon ébauche et ensuite… on dormirait. Pour prendre des forces pour notre combat.

Je n’étais même pas certaine que j’arriverais à dormir…

Mais il le faudrait bien. Car si je n’étais pas suffisamment en forme, je n’aurais sans doute pas la force nécessaire pour retirer Sarah des pions de Maïa et tout en faisant ça de conserver suffisamment d’énergie pour me battre. J’étais prête à parier que retirer Sarah à l’emprise de la Dame aux Glaïeuls seraient encore plus douloureux que tous les autres qui m’avaient donné du mal. Ethan. Autumn . Surtout Ethan.

Et il n’avait pas été très longtemps son pion…

Sarah, ça faisait des années qu’elle l’avait sous son contrôle. Et le temps jouait fortement sur la force d’un lien. Je le savais. Elle le savait. Tout le monde le savait. Et je me doutais que Maïa se doutait que j’essaierais de lui retirer sa dernière Cerbère. Alors elle aurait sans doute encore plus resserré son contrôle sur elle. Je me frottai le front en essayant de me concentrer sur la nourriture dans mon assiette.

D’abord manger, puis marcher, puis s’asseoir et discuter d’un plan d’attaque. C’était la liste de chose à faire. L’unique ordre dans laquelle je pouvais les faire. Je ne servirais à rien le ventre vide et utiliser le passage pour me rendre à mon bungalow serait complètement inutile. S’asseoir, par contre, était totalement facultatif.

Personne ne prononça un mot de tout le repas. Le silence nous collait à la peau, mu par une peur fondée d’être épié. Et les sujets anodins ne tentaient à personne alors qu’on était à seulement quelques heures du pire combat de notre existence. Ou en tout cas, ce serait le pire de la mienne. Pour le moment. Jusqu’à ce qu’un autre le remplace. Je m’étais fait une réflexion semblable avec la Chimère. Puis avec l’esprit maléfique. J’aimerais pouvoir croire qu’il n’y aurait pas pire que la Dame aux Glaïeuls, mais je n’avais pas encore eu droit à la joyeuse visite de ce sorcier qui voulait la peau à toute ma famille.

Avais-je réellement besoin d’être la victime de toutes les vendettas contre ma famille?

Je ne pensais pas, non. Mais ceux qui avaient une dent contre les miens ne semblaient pas le voir du même œil. Dommage. Ça m’aurait évité bien des tracas… On pourrait croire que j’étais habituée à vivre dans le chaos depuis le temps, pas vrai? Eh bien, non! Plus tu t’enfonçais dans le chaos, plus tu aspirais au répit qui t’était refusé. Un cercle plutôt vicieux, si on me demandait mon avis.

On se levait à peine de table pour entamer la marche jusqu’à mon bungalow lorsque la voix de Christine emplit ma tête :

- « Il va falloir qu’on en parle. Tu ne peux plus te permettre de m’éviter ni d’éviter d’entendre ce que j’ai à dire. Tu as besoin des informations que j’ai à te donner. Peu importe le plan que tu auras, tu devras te baser dessus. »

Je poussai un soupir et lui jetai un coup d’œil. Elle approchait, suivit de Burnett, Holiday, la petite Hannah et mon oncle. J’acquiesçai toutefois discrètement et elle m’offrit un sourire contrit. Je savais bien que je ne pourrais pas éviter cette discussion indéfiniment. Je le savais, mais ça ne rendait pas l’idée plus facile. Après tout ce qu’on avait vécu ensemble, Christine et moi, j’aurais pensé qu’elle m’en aurait parlé. Ce n’était pas comme si le fait d’avoir eu des enfants avec l’un de mes oncles étaient un détail négligeable…

Je me demandais quand même vraiment pourquoi tout le monde tenait tant à me garder dans l’ignorance. Il y avait eu mon père. Lucas, Burnett et Holiday. Christine. Encore mon père. Mon oncle. Encore Christine. Et bien sûr il y avait eu Katryne… Je me retins de justesse de renifler, ça aurait attirer trop l’attention. Je me contentai donc de papillonner des paupières à plusieurs reprises et rapidement pour chasser les larmes que je sentais se perdre dans mes cils. Deux personnes parmi ceux qui m’avaient menti à un moment ou un autre… deux personnes de cette liste… étaient mortes. Je ne permettrai pas qu’il y en ait d’autres.

Je ne le supporterais pas.

Pendant toute la durée du trajet menant à mon bungalow, je ne pus m’empêcher de retourner et retourner tous les sujets douloureux qui accablaient mes pensées depuis près de deux semaines. Malgré tous mes efforts je n’arrivais pas à songer à autre chose et encore moins maintenant que j’avais réglé la question du prénom pour la Hère. Autumn . C’était quand même vraiment étrange qu’elle n’ait jamais voulu me révéler son prénom. Qu’est-ce que pouvait faire le vrai nom de quelqu’un? Et si tel était le cas, à quel point le nom qu’elle m’avait donné était véritablement près du sien? De son vrai…

Ça ne sert à rien de penser à ça, marmonnai-je pour moi-même tout en tournant la poignée.

Vu le nombre de personnes qu’accueillaient maintenant le bungalow, une table avait été ajouté ainsi que plusieurs chaises pour permettre à tout le monde de s’asseoir ensemble. Je m’installai rapidement à l’avant de la table, tout le monde ayant insisté à plusieurs reprises pour que ce soit le cas. À ma droite Della se pressa de s’asseoir à son tour et mon cousin à ma gauche suivit de près par Kylie. Et si on continuait dans cet ordre, on retrouvait Jenny, Derek, mon oncle, Burnett, Holiday, Christine, Perry, Miranda et Ethan.

- De quoi voulais-tu me parler, Christine? M’enquis-je dès que tout le monde fut installé.

- Tu le sais, me glissa-t-elle sur un ton doux.

Un frisson me parcourut la colonne et je précisai :

- Qu’avais-tu à ajouter?

Je pouvais presque sentir la tension de tout le monde. J’avais plutôt laissé clairement sous-entendre que je n’avais aucune envie d’en discuter. De discuter de ma cousine et de son lien de parenté avec Christine. J’avais bien conscience que mon oncle et la sorcière en avait discuté entre eux, car il n’apparaissait plus autant en colère en sa présence. J’ignorais la raison pour laquelle Christine ne pouvait pas le lui dire avant, mais ça devait être du sérieux… s’il arrivait à l’accepter maintenant.

- Tu cherches depuis deux semaines un moyen de retirer Sarah du contrôle de Maïa. J’ai peut-être la solution pour toi.

- Pourquoi tu ne me l’as pas dit avant? Marmonnai-je.

- Tu ne voulais pas que je t’en parle, me rappela-t-elle doucement.

J’acquiesçai doucement de la tête et me massai un peu le front. J’ajoutai à voix basse :

- Désolée.

- Je n’aurais pas dû te cacher la vérité, affirma-t-elle et je lus ses excuses dans son regard. Mais ce n’est pas l’important.

- Alors… comment on pourrait retirer Sarah des pions de la Dame aux Fleurs, au juste? demanda Della.

Elle pouvait aussi bien avoir dit « votre discussion ne mène nulle part ». Le pire étant qu’elle aurait raison. S’excuser mutuellement ne nous mènerait à rien. Pas maintenant. Maintenant, il fallait agir. Maintenant il fallait se préparer. Perdre notre temps en bavardage inutile ne nous ferait pas gagner le prochain combat. Le plus tôt on en finissait avec la discussion, le plus tôt on pourrait aller se reposer pour être frais et dispos demain.

- J’ai songé à une vieille cérémonie d’initiation que tes ancêtres utilisaient pour préparer les jeunes de la meute à leur intégration, lâcha simplement la sorcière.

- Quelle cérémonie? M’étonnai-je.

- Elle n’est pas présente dans ton grimoire, car elle est exécutée par les sorcières. Elle fait partie du mien…

Sur ces mots, Christine déposa un grimoire aussi vieux que le mien sur la table. Voilà encore un secret qu’elle m’avait caché, pensai-je avec amertume. Toutefois, contrairement à celui concernant Sarah… je pouvais comprendre que ce n’était pas nécessaire. Je ne pouvais pas moi-même exécuter des cérémonies de sorcière.

- Et à quoi ressemble la cérémonie? S’enquit Miranda avec curiosité.

- Elle nécessite le sang des deux parents, c’est pourquoi je n’ai pas songé à en parler avant, car je pensais que Jean-François était mort. Les derniers à avoir fait l’objet de cette cérémonie sont…

- Mon frère, ma sœur et moi, la coupa mon oncle. C’est un rite de purification, avança-t-il ensuite. Tu crois vraiment que ça peut fonctionner?

- Oui, trancha la sorcière sans le regarder. Comme ton oncle le dit, Maria, c’est une cérémonie purificatrice. Tous les jeunes de la meute de tes ancêtres devaient s’y résoudre pour pouvoir être complètement accepté. Elle est normalement exécutée vers l’âge de seize ans.

- En quoi consiste-t-elle? La questionnai-je en fronçant les sourcils.

Elle inspira profondément et à voir comment ses doigts s’agitaient sur la table, je me doutais qu’elle était nerveuse. Mais pourquoi? Qu’est-ce qui pouvait bien l’inquiéter à ce point? Un doute s’installa dans mon esprit lorsque je me souvins qu’il y avait des conséquences à la relation entre mon oncle et elle. Et que cette cérémonie les inclurait forcément. Sinon, pourquoi savoir qu’elle était la mère de Sarah serait si important pour que ça marche?

- Tout d’abord, il est impératif que les deux parents soient présents et qu’ils fassent partie de la meute. Évidemment, la présence de l’enfant impliqué est requise aussi.

- Pourquoi les deux parents doivent faire partie de la meute? Lâcha Kylie en fronçant les sourcils.

- Parce qu’ils possèdent tous deux la protection des Lechasseur contre les envoutements et autres maléfices, répondit mon oncle.

Tout le monde, y compris moi, fronça les sourcils à cette réponse. Les seuls qui ne semblaient pas vraiment perplexe étaient mon oncle en lui-même et Christine. Ce qui n’avait rien d’étonnant puisqu’ils savaient tous deux ce dont il était question.

- Mais encore? Relança Jenny.

- Cette protection, comme Maria le sait, se transmet par le sang, continua la sorcière. Toutefois, pour agir cette cérémonie n’a pas nécessairement besoin que l’enfant soit en contact direct avec le sang, puisqu’il partage ce dernier avec ses parents. Tout ce qu’il suffit de faire, c’est de formuler quelques paroles précises et que les parents se serrent la main en mélangeant leur sang avant de le laisser goutter au sol. Après quoi, ils doivent s’agenouiller et poser leur main à plat sur le sol en formulant d’autres paroles. À ce moment, une décharge d’énergie se déploie autour d’eux jusqu’à atteindre leur enfant.

- Et que se passe-t-il à ce moment? Interrogea Lucas.

- La purification commence. Elle prend une minute à agir complètement et n’est pas sans douleur si l’enfant est souillé. Ce qui sera le cas pour Sarah. Si ma fille n’avait pas été sous le contrôle de la Dame aux Glaïeuls, quelques secondes et ça aurait été fini. Dès que la décontamination est faite… l’alpha de la meute doit ajouter l’enfant. Normalement, la protection dure dix minutes, mais dans les circonstances actuelles, Maria n’aura que cinq minutes, poursuivit Christine. Et si ça échoue, il sera trop tard, conclut-elle.

- Pourquoi il serait trop tard? s’inquiéta Derek. On ne peut pas tout simplement recommencer la cérémonie?

Mon visage se ferma immédiatement. J’avais un très mauvais pressentiment sur la direction qu’allait prendre la conversation et je n’avais aucune envie de me rendre là. Absolument aucune.

- Pour la même raison pour laquelle je ne présiderai pas cette cérémonie, déclara doucement la mère nouvellement révélée de ma cousine. Un sort ou une cérémonie ne peut pas fonctionner si la sorcière meurt. Et on ne peut pas répéter une cérémonie sans les deux parents.

- Non… soufflèrent quelques-uns de mes amis.

- Non, non! s’exclama Miranda. Je ne suis pas prête pour ça et j’ai encore besoin de tes conseils! Protesta-t-elle ensuite. Il y a surement un autre moyen! Et pourquoi tu devrais mourir, au juste?

- Miranda, murmura Christine d’un ton doux. Tu es une sorcière encore plus talentueuse que moi à ton âge. Je ne doute pas que tu réussiras haut la main. Il faut seulement que tu te rappelles d’avoir confiance en toi… ajouta-t-elle avec un léger sourire. Quant à l’éventualité de ma mort… Les relations entre les loups de la famille Lechasseur et ma famille sont punis sévèrement. Faire la cérémonie revient à un aveu devant la magie de mes ancêtres. Mes actions ne resteront pas impunies.

- Mais vas-tu réellement mourir pour ça? Lâchai-je en sentant mon cœur peser lourd dans ma poitrine.

Le regard qu’elle me porta était si remplie de douleur, de regrets et de pardons silencieux que je n’eus qu’encore plus l’impression que l’on m’écrasait le cœur entre des doigts épineux. Des larmes me montèrent aux yeux et je vis le même éclat dans les siens.

- Il n’y a vraiment aucun autre moyen?

Ma voix résonnait comme un gémissement. Mais… je n’en avais cure. Tout ce qui me venait à l’esprit, c’était que je perdais encore une personne proche de moi. Et cette fois, ce serait délibéré.

- Tu sais aussi bien que moi qu’il n’y en a pas d’autres, Maria… Et je ne peux pas abandonner ma fille à ce monstre. Je ne peux pas l’abandonner une deuxième fois, tu comprends?

Je hochai de la tête en sentant une larme s’écouler. L’air était encore plus lourd de tension que plusieurs minutes auparavant. Lourd d’une tristesse qui accablait tout le monde, peu importe s’ils étaient proches de Christine ou non. Je pouvais voir les épaules raides de mon oncle, la crispation de sa mâchoire. Il n’aimait pas l’idée. Absolument pas. Sauf qu’il savait tout comme moi qu’on ne pouvait pas lui faire changer d’idée. Et que c’était inenvisageable. Si Sarah restait du côté de Maïa, nous n’avions aucune chance. Et même s’il aimait Christine, tout comme elle il était prêt à tout sacrifier pour leur fille.

Je manquai bondir dans les airs lorsqu’une main se crispa sur la mienne. Sous la table. J’avais déposé mes mains sur mes cuisses pour pouvoir contenir au mieux mes émotions en me plantant les ongles dans la peau. Et maintenant il y avait une autre main sur l’une des miennes. Une main qui provenait de ma droite.

Della.

Je lisais la panique qui l’habitait dans sa poigne. Elle aimait encore moins montrer ses émotions que moi et en ce moment, le fait qu’elle se permettait de le faire seulement à « mon regard », laissait sous-entendre beaucoup sur la confiance qu’elle m’accordait. Je lui rendis rapidement son étreinte en inspirant profondément. Christine allait mourir. Mais elle n’était pas encore morte. Maintenant, il fallait… établir le plan. Et voir… et voir les détails de cette cérémonie avec Miranda. Puis il me faudrait ajouter mon oncle dans la meute avant d’aller dormir. Je pouvais y arriver. Mes doigts se resserrèrent douloureusement sur la main de Della.

******************

Si ce n’était que Della n’avait aucune envie de montrer à tout le monde qu’elle serrait la main de Maria à lui briser les os, elle aurait probablement grommeler lorsque la louve en fit autant. La vamp n’avait pas désiré se laisser aller à cet instant de faiblesse, mais ça avait été plus fort qu’elle. Savoir que Christine se sacrifiait comme ça, sans réfléchir, ça la mettait dans tous ses états. Elle avait appris à apprécier la sorcière. Encore plus puisqu’elle aidait Miranda. Et aussi parce qu’elle était vraiment puissante! Et gentille…

Ils venaient tout juste de subir une perte avec Katryne et voilà qu’ils allaient devoir la vivre à nouveau? Et de manière totalement préméditée, cette fois? Tout le monde sentait la mort planer sur leur tête à l’idée du combat qui s’annonçait dans moins de vingt-quatre heures, mais c’était incertain. Tout pouvait arriver et tout pouvait ne pas arriver. Mais savoir de manière inéluctable que leur plan allait condamner Christine? C’était une autre histoire…

- Que faudra-t-il faire pour cette cérémonie? Demanda soudain Maria d’un ton profondément calme et incroyablement froid.

Elle mettait sa barrière émotionnelle en place, songea la vamp. Elle tâchait d’être à la hauteur et de ne pas se laisser dominer par les émotions qui l’accablaient et que Della pouvait ressentir via sa poigne. Elle ne relâchait pas son amie non plus, elle en était bien incapable. Depuis tout ce temps à Shadow Falls, il n’y avait jamais personne qui l’avait vraiment comprise. Ou tout du moins, qui lui avait suffisamment ressemblé pour la comprendre en profondeur. C’était l’unique raison pour laquelle Della était en mesure de se laisser aller avec la louve.

L’unique raison.

Lorsque Christine prit la parole, les pensées de la vamp quittèrent immédiatement cette zone de son esprit pour se concentrer uniquement sur cette partie de leur plan. Libérer Sarah de l’emprise de la Dame aux Fleurs pour que la Cerbère puisse les rejoindre et leur donner l’avantage. Elle suivit autant que possible la discussion, même si elle eut surtout lieu entre la sorcière, Maria, son oncle et Miranda. Tous les autres gardèrent la bouche close. Certains affichaient encore un air choqué. Notamment Kylie, Jenny et Holiday. D’autres semblaient figés, incapable de vraiment assimilé le tout. Derek, Lucas et Perry. Quant à Burnett… il semblait en colère.

Plus elle entendait des détails sur la cérémonie, plus elle appréhendait ce qui allait se produire. Surtout que Christine éluda toutes les questions sur comment surviendrait sa mort. Serait-elle douloureuse? Lente ou courte? À quel point allaient-ils tous la faire souffrir pour le mince espoir de ravir Sarah à la Folle aux Fleurs? Comme la sorcière ne répondait jamais, la vamp se demanda si c’était par ignorance ou pour éviter que la vérité les fasse tous abandonner le plan?

Si elle devait se fier au regard à la fois affligé, triste, enragé et sombre du loup-garou qui avait eu une relation avec la sorcière condamnée en question… ça s’annonçait mal pour une mort courte et fulgurante. Très mal. Il était le seul dans cette pièce, Jean-Machin, à savoir. À savoir qu’est-ce qui arrivait à ceux qui enfreignaient cette règle qu’ils n’avaient pas respectée. Elle se questionnait toutefois à propos d’autres choses… pourquoi la sorcière serait-elle la seule à subir le châtiment?

Alors même que les derniers détails pour mettre en place la cérémonie se concluaient, la question fut mise sur le tapis par Lucas. L’air sombre qui s’afficha sur le visage de Christine ne lui donna qu’à nouveau envie d’écraser la main de Maria dans la sienne, mais comme elle venait juste de s’en libérer une minute plus tôt… elle se retint. La sorcière expliqua rapidement :

- Parce que c’est ceux de ma famille qui ont mis en place la sentence. Et que les loups-garous Lechasseur sont peu nombreux.

- Mais c’est injuste!

C’était sorti tout seul.

- À l’époque, la question de juste ou non ne prévalait pas sur la survie, gronda Jean-Machin.

- Mais on ne pourrait pas annuler le sort? S’enquit Miranda.

- Il aurait fallu que je le fasse il y a longtemps, avant… avant la naissance de mes filles. Si j’essayais maintenant, je mourrais avant d’avoir pu lever le petit doigt… répondit Christine. Maintenant, passons à autre chose. Cette partie-là du plan est en place. Il faut s’occuper du reste maintenant. Et avant d’aller dormir, Maria ajoutera Jean-François à la meute.
Les deux intéressés hochèrent de la tête à la fin et personne ne prononça un mot pour contredire la sorcière. Tout le monde avait conscience que ça ne servait à rien de continuer à parlementer sur le sujet. Ça ne ferait que raviver les émotions négatives. Della inspira aussi doucement que possible pour se donner la force de ne plus y penser. Même si c’était plus fort qu’elle. Et si elle se fiait au regard humide de Miranda, c’était la même chose pour son amie.

C’était tout simplement intolérable.

Intolérable de songer qu’ils envoyaient tous Christine à la mort. Volontairement. Que ça faisait partie de leur plan. Est-ce qu’ils choisissaient vraiment cette option? N’y avait-il rien d’autre à faire? Forcément… Il y avait forcément autre chose! Mais ce n’était que des espoirs infondés. Elle le savait bien. S’il y avait eu autre chose, ils auraient tous pris cette voie. Elle réprima un soupir. Tout le désir et l’espoir qui l’avait possédé toute la journée pour ce moment, pour la construction du plan… Et voilà qu’avant même d’être mis en pratique leur plan promettait la mort. Et pas seulement celle de leur ennemi.

- Alors qu’est-ce qu’on fait? S’enquit Perry.

Son ton était plus lugubre qu’elle ne l’avait jamais entendu. Au point qu’elle n’arriva pas à faire autrement que se tourner vers lui brusquement. Son attitude générale dénotait aussi de ce côté sombre qui avait percé sa voix. Della n’avait aucun mal à imaginer que c’était dû à la mort prochaine de l’un d’entre eux.

- J’ai songé à quelque chose, avança Maria sur un ton incertain.

Cette fois la vamp se tourna sur sa gauche pour regarder attentivement son amie. Elle fronça les sourcils. L’incertitude qui avait imprégné la voix de la louve ne l’enthousiasmait pas le moins du monde. Soit son plan était vraiment complètement stupide. Soit il comportait des aspects particulièrement dangereux. Ou peut-être même que…

- Je vais y aller seule.

Attendez… mais quoi?!

- Tu es complètement dingue, ou quoi! s’écria-t-elle et son poing vola tout seul vers l’épaule de sa voisine.
Poing que Maria rattrapa aisément en lui jetant un regard torve et très ennuyé.

- On a déjà choisi l’endroit pour l’affrontement. Vous n’aurez qu’à m’attendre là-bas et je vais les attirer.

- C’est le pire plan que je n’ai jamais entendu! S’insurgea Lucas.

- Je ne dirais pas le pire, mais il fait partie du top 3, affirma Kylie.

La louve poussa un soupir et Della l’analysa rapidement. Quelque chose dans l’attitude de son amie lui fit comprendre que ce n’était pas une tentative de les protéger ou de les éloigner, mais un véritable plan. Elle comprenait mieux l’incertitude qu’elle avait eue dans la voix maintenant. Maria savait exactement comment ils allaient tous réagir. Mais quelque chose soufflait à la vamp que le plan de sa voisine n’était pas seulement « je vais y aller seule ».

- Ce n’est pas seulement ça le plan, pas vrai? L’interrogea-t-elle.

Elle fut récompensée par le secouement de tête de son amie.

- Bien sûr que non! Seulement il va commencer comme ça. J’ai déjà une bonne idée de comment je vais m’y prendre pour attirer l’attention de Maïa et je n’ai aucun doute qu’ils consentiront sans le savoir à me suivre par la suite.

- Alors c’est quoi la suite? Lâcha Burnett sur un ton plus que neutre.

Sans doute mauvais signe. Et c’était étrange que ni lui ni Holiday n’aient fait de commentaire concernant l’annonce précédente de Maria. Sauf si, bien sûr, ils avaient compris que la louve avait plus que ça de prévu.

- La suite… la voix de Maria flancha une seconde. La suite, ce sera l’intervention de Christine. Et je ne veux voir personne d’autre que celle-ci, Ethan et Miranda. Et bien sûr Kelsea, mais Kelsea sera avec moi dès le début.

- « J’espère bien, car je t’aurais suivi de toute façon. »

- Je vais avoir besoin de toi pour détaler plus rapidement, Kelsea, alors c’est sûr que tu seras avec moi pour aller voir Maïa.

- Est-ce que je peux savoir ce que tu comptes faire exactement pour attirer son attention? S’alarma Holiday.

- Un réveil brutal, ça fonctionne comme réponse?

Della eut un mince sourire qu’elle ravala aussitôt. Certes l’idée que la stupide Dame aux Fleurs soit réveillé brutalement l’enthousiasmait… mais ce qui allait se produire par la suite ne serait pas une partie de plaisir, et encore moins une plaisanterie.

- Pourquoi tu ne veux que Christine, Ethan et Miranda au début? La questionna Jenny.

- Pour qu’elle croit que je suis le plus seule possible, répondit Maria. Mais ce n’est pas important, car dès que Miranda commencera l’incantation… et que Sarah sera « purifiée », vous allez entrer en jeu.

La louve expliqua rapidement la suite. Ce n’était pas un plan particulièrement peaufiné, mais beaucoup plus que l’ébauche qu’elle leur avait offerte presque deux semaines plus tôt. La démarche était simple, peut-être trop simple, mais faire trop compliqué n’aidait pas toujours. Ça pouvait facilement se retourner contre eux. La première chose que son amie leur affirma, c’était qu’ils devraient tous rester connecté à sa tête à elle, comme ça, elle aurait les avertissements possibles dans la seconde et se chargerait de les transmettre à tout le monde.

La partie plus « physique » du plan, impliquait de former des groupes.

Un pour chacun de leur adversaire. Pendant que Miranda, Christine et Maria se chargeraient de mettre Sarah dans leur camp, tous les autres devraient s’arranger pour garder occuper les deux menaces principales, à savoir Maïa et Aiden le Chien des Enfers. Le premier groupe serait composé de Lucas, Autumn, Kelsea, Jenny et elle-même, Della. Dès que Sarah serait purifiée et ajoutée à la meute, Ethan rejoindrait le premier groupe. Leur cible serait Maïa. Pour le second, on retrouvait Derek, Kylie, Jean-Machin, Perry, Burnett et Miranda dès qu’elle aurait fini de s’occuper de l’incantation. Eux, ils s’occupaient d’Aiden.

Bien évidemment, Maria se jetterait dès que possible sur Maïa.

La vamp n’excluait toutefois pas que la louve puisse vouloir essayer de se débarrasser d’Aiden aussi. Ne serait-ce que pour éliminer une menace dont ils n’avaient pas besoin. Et parce que selon ce qu’ils avaient appris avec le grimoire, connaître comment et en quelles circonstances le loup-garou était mort pouvait le faire retourner à la tombe. Sauf que ça, ils ignoraient toujours de quelle manière utiliser les informations qui étaient en leur possession. Ou du moins, dans les leurs à Maria et elle.

- Comment comptes-tu tuer la Dame aux Glaïeuls, exactement? Demanda l’oncle de son amie sur un ton effroyablement calme.

Il n’aimait toujours pas l’idée du sacrifice de Christine, ça se voyait dans sa posture. Mais ce n’était pas la posture du loup-garou qui l’interpella le plus, pas autant que la question en elle-même. C’était la question qu’ils n’avaient pas cessé de se poser depuis le tout début.

- Je ne sais pas.

Ça, c’était la pire réponse que l’on pouvait espérer, songea amèrement Della. Sauf que c’était ce qu’elle aurait aussi répondu. Jusqu’ici, Maria n’avait pas eu à tuer ses opposants, ou si c’était le cas, on lui avait dit exactement quoi faire.

- Personne n’a jamais expliqué dans le grimoire comment on la tuait… précisa la louve. Alors je suppose que n’importe quel moyen est bon. Mais pour être sûre, je…

Le dégoût apparent sur le visage de son amie lui donna une idée de ce qu’elle avait l’intention de faire. D’ailleurs, à voir le visage blême de Kylie, c’était aussi le cas de la caméléon. La louve toussota un peu pour s’éclaircir la voix et avec le ton aussi froid que plus tôt dans la soirée, elle affirma :

- Je vais opter pour la décapitation et l’incinération.

Ouais, c’était bien ce qu’elle avait pensé. Elle n’avait jamais songé jusqu’alors à quel point elle se réjouissait d’être dans le même camp que Maria. Si elle s’était retrouvée du mauvais côté, ça n’aurait jamais pu bien se terminer.

La vamp avait toujours été très sûre d’elle et de ses capacités, mais elle savait reconnaître, lorsque la situation l’exigeait, qu’elle n’était pas infaillible ni la plus puissante surnaturelle sur cette terre. Si elle se retrouvait avec la même relation qui la reliait à Maria lors de son arrivée, mais avec les connaissances de maintenant, elle n’aurait jamais été aussi certaine du résultat d’un combat entre Maria et elle. Ou du moins, elle aurait su qu’elle perdrait à coup sûr. Tous les pouvoirs que la louve possédait la dépassaient de beaucoup.

- Tu veux la décapiter comment, au juste? s’enquit Perry, ce qui jeta un froid incroyable dans tout le bungalow.

Encore une fois, leur amie esquissa une grimace et le dégoût était encore plus profond dans ses yeux. À voir l’air sombre que tout le monde afficha, y compris celui même qui avait posé la question, elle se douta qu’ils en étaient venu à la même conclusion qu’elle. Maria ne se baladerait pas avec une tronçonneuse ni même une épée. Ou quoi que ce soit nommé « arme ». Elle n’aurait que ses mains et ses crocs. Aucun doute ne résidait en elle concernant le choix que ferait la louve. Décapiter quelqu’un à main nue était de loin plus compliqué que de simplement lui rompre la nuque avec des crocs, puis procéder à la séparation du corps et de la tête.

Malgré sa tolérance aigüe des scènes sanglantes, l’idée lui donna envie de vomir.

Elle n’aurait pas voulu être à la place de sa meilleure amie dans l’instant présent. Alors, ça, non! D’autant plus que l’autre Folle aux Fleurs ne devait pas avoir la meilleure des saveurs. Della était certaine que même à l’agonie, elle préférait mourir que de se nourrir du sang de l’autre garce. Et pour ça, il faudrait déjà que ce soit du sang qui coule dans ses veines et non pas du poison.

Pour des raisons évidentes, elle penchait pour le poison.

Ou peut-être du varech liquide.

Ou les deux?

Le toussotement soudain de Maria l’interrompit dans ses pensées plus que désagréable. Elle tourna la tête vers son amie au moment même où celle-ci prenait la parole :

- Tout le monde a compris le plan? Chaque groupe possède sa cible, chaque individu sa marche à suivre. On se lève une heure avant l’aube. Alors tout le monde au lit.

Tous hochèrent la tête, la vamp comprit et tandis que la majorité d’entre eux s’éloignait vers leur chambre respective en murmurant, sa seule meilleure amie louve se déplaça dans un coin suivit de son oncle. Il était temps de l’ajouter à la meute, pour que le plan de demain atteigne son but… et que Christine ne meurt pas en vain. Della ne croyait pas pouvoir vivre avec l’idée que la sorcière meure pour une cause perdue. Ils allaient vaincre, toutes les autres possibilités étaient proscrites. Comme le fait que qui que ce soit d’autres rendent l’âme.

Mais les possibilités pour que cela se produise… était infime.

La mort guettait chacun de leur pas, à eux tous.

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Re: Nouveau départ [Nés à Minuit]

Publié : mar. 07 juil., 2020 12:12 am
par Mimie99
Sarah fut brusquement réveillée par le hurlement inhumain de celle qui la contrôlait. Elle ouvrit les yeux juste assez rapidement pour voir celle qui se trouvait être sa cousine les mains profondément enfoncées dans les cheveux de Maïa. Et elle semblait tirer de toutes ses forces pour forcer sa Dame à la suivre dehors. Avec un grondement de menace, elle bondit sur ses pieds. Au lieu de relâcher sa prise, Maria sembla l’affermir et tirer plus fort, arrachant à nouveau un cri à sa victime. C’était précisément au moment de bondir sur l’intruse que la Cerbère le remarqua.

Le sourire mesquin et très malicieux de l’autre louve.

Elle ignorait ce que tout ça voulait dire exactement, mais elle se doutait d’une chose. Le combat entre Maria et sa Dame venait officiellement de commencer. Avant d’avoir pu atteindre sa cousine, celle-ci abandonna son attaque et se précipita à l’extérieur, manquant de peu l’attaque du Chien des Enfers enragé qui s’apprêtait aussi à attaquer l’intruse. Au moment où ils atteignirent tous les trois l’extérieur, ils furent dans l’obligation de courir. Maria venait de bondir sur le dos de la Chimère et celle-ci s’enfuyait déjà toute allure.

C’était forcément un piège.

Sauf que sa Dame ne sembla pas s’en émouvoir et poursuivit sa proie, alors Sarah en fit de même. Quelque part, au fond d’elle, elle espérait que le piège soit suffisamment réussi. Elle espérait sincèrement que toute sa souffrance se terminerait aujourd’hui, ou du moins bientôt. Que ce soit dans la mort ou par une autre méthode loufoque de sa cousine pour la délivrer des griffes qui la maintenaient prisonnière.

Tout ce qu’elle voulait, c’était retrouver son père.

Retrouver sa famille.

Parce que contrairement au contrôle total qu’avait exercé Maïa sur Ethan, l’emprise de la Dame aux Glaïeuls était moindre pour Sarah. Maintenant elle en connaissait la cause. Elle savait pourquoi elle était libre de ses pensées, si ce n’était plus de ses mouvements. Elle arrivait toujours à réfléchir comme elle pouvait, mais ses réactions, paroles… tout ça lui échappait. Sa tête était toute à elle, mais elle ne pouvait pas lui dicter d’agir dans le sens qu’elle l’entendait.

Plus maintenant.

Peut-être plus jamais.

Mais elle avait retrouvé de l’espoir au moment où Maria avait libéré Ethan. Puis la Hère. Sa cousine qu’elle ne connaissait pas peut-être pas vraiment, lui apparaissait beaucoup plus forte que ne semblait le croire Maïa. Cette conviction s'étant renforcé en même temps que les liens qui l’enchaînaient. Mais elle courrait quand même à la suite de l’autre louve. Elle courrait pour mordre. Elle courrait pour tuer.

L’envie de briser des os, arracher de la chair et sentir du sang dans sa gueule l’enveloppait toute entière.

Parce que c’était le désir de la Dame. Et qu’elle était sa marionnette.

Alors qu’ils débarquaient dans une clairière suffisamment grande et éloignée dans Shadow Falls, Sarah compris quelque chose. C’était effectivement un piège. Maria se tenait devant eux dans une position à la fois défensive et offensive. Ethan sous forme de Cerbère grondait sourdement, toutes ses gueules aux babines découvertes. Mais il n’était pas le seul aux côtés de la louve Alpha.

En effet, celle-ci était planquée de la Chimère et de deux sorcières.

- Alors on m’accueille en comité restreint, Maria? J’attendais tellement mieux de toi… susurra Maïa avec le sourire qu’elle affichait toujours.

- Comment va ta tête, Folle aux Fleurs? Rétorqua la louve avec un sourire narquois.

Si l’intention de sa cousine était d’enragée celle à ses côtés, le résultat correspondait certainement à ses attentes. La Dame cracha et avec la voix sifflante qui caractérisait son autre forme elle maudit celle qui leur faisait face. Et avec plusieurs termes qui n’existaient plus aujourd’hui, ou du moins n’étaient plus utilisés… Rien qu’à les entendre et elle se sentit frémir. C’était des mots de pouvoir. Des mots avec de terribles pouvoirs.

Au même moment, elle sentit immédiatement la transformation s’emparer de son corps.

Et on est repartie, songea-t-elle avec amertume.

La douleur la submergea toute entière alors que ses os se brisaient, sa peau se déchiraient et que le tout se mettait à repousser à une vitesse vertigineuse, lui donnant l’impression de se faire étirer par une machine de torture. Avec le temps, la douleur se faisait moins… poignante. Mais elle était toujours là, elle ne cesserait jamais d’être là. Et à chaque fois, elle se sentait nostalgique de la transformation en loup simple. L’état de Cerbère était autant une bénédiction qu’une malédiction. À moins que le fait de le devenir de soi-même rendait la chose moins douloureuse?

Elle aurait bien aimé le découvrir.

Elle entendait toujours en sourdine les propos que se jetaient sa cousine et Maïa à la figure, mais sans vraiment en comprendre le sens. Sa capacité de concentration était limité lorsqu’elle se transformait à la demande de la Dame. Le processus était bien moins pénible lorsqu’elle prenait elle-même la décision de devenir un immense loup à trois têtes. Sauf qu’elle prenait rarement cette décision d’elle-même. Elle n’en avait jamais eu l’occasion.

Au moment exacte où Sarah se redressait sur ses quatre pattes en retroussant les babines sa cousine cria :

- Maintenant!

En une seconde, des silhouettes surgirent de partout autour d’eux et fondirent chacun sur l’un d’entre eux. Ethan sembla éprouver une certaine satisfaction à la plaquer contre le sol plutôt dur. Sa mâchoire claqua douloureusement contre la terre et elle ne put retenir un éternuement. Elle s’apprêtait à se débattre férocement lorsque son regard capta l’avancée d’une dernière silhouette, qui se dirigeait vers les deux sorcières et Maria. Une boule se forma dans sa gorge.

Son père était là. Son père se trouvait avec sa cousine. Plus que jamais maintenant, elle sentait qu’elle ne se trouvait pas du bon côté. Qu’elle était dans le mauvais camp. Elle l’avait toujours su, évidemment. Mais cette fois, la certitude l’étouffait. Un gémissement s’étouffa dans sa gorge. C’était précisément le scénario qu’elle voulait éviter. Devoir combattre son père… c’était bien la dernière chose dont elle avait envie. Son attention fut toutefois rapidement détournée par autre chose.

- Sarah… souffla doucement une voix qui sembla la pénétrer jusqu’au plus profond de son être. Je veux que tu saches une chose… Je suis fière de toi et je l’ai toujours été. Ne l’oublie jamais.

Le regard à la fois enragé par la force de la Dame, mais profondément confus de sa part, à elle, Sarah, se posa sur la source de la voix. La sorcière plus âgée qui se trouvait aux côtés de son père. C’était elle qui avait parlé. Mais pourquoi disait-elle ces mots? Ils ne l’empêcheraient pas de fondre sur eux si Ethan relâchait sa prise sur son corps… Rien n’y changerait quoi que ce soit…

- Je t’aime ma chérie… ajouta la femme et même d’où elle se trouvait, elle voyait les larmes dans ses yeux.

Les paroles se répétèrent dans sa tête inlassablement, allant jusqu’à occulter la joute verbale entre Maria et Maïa. Sauf qu’elle revint brusquement à elle, lorsque la voix auparavant douce et pleine de remords de la sorcière retentit à nouveau. Cette fois avec puissance et terrible de conséquences :

- À toi de jouer, Miranda!

La sorcière plus petite et aux cheveux tricolores s’avança. Sarah l’avait toujours trouvé légèrement négligeable, mais dans l’instant quelque chose de différent se dégageait d’elle. De la douleur, d’un côté. De l’assurance, de la détermination et une profonde puissance de l’autre. Un frémissement parcourut tout son corps et son rythme cardiaque s’accéléra considérablement en voyant la femme sorcière et son père se poster de part et d’autre de Miranda. Ils formaient tous trois un triangle.

- J’appelle à moi la force de la meute! J’appelle à moi le pouvoir de la lune et des étoiles! Et j’appelle à moi la magie qui parcourt mes veines! Imprégnez-moi, enveloppez-moi! Car aujourd’hui nous saluons l’entrée d’un nouvel enfant! Possédez-moi pour que je ne fasse plus qu’un avec vous et que cet enfant soit purifié de tout mal et qu’un nouveau membre soit intégrer dans la meute!

Une intense lumière argentée enveloppa immédiatement la petite sorcière qui avait hurlé ces paroles qui résonnait dans chacun des os de Sarah, qui se propageait dans chacune de ses terminaisons nerveuses. Malgré la rage qui l’enveloppait, la rage qui appartenait à Maïa, l’incrédulité de Sarah fut plus forte et ses yeux s’écarquillèrent de stupeur. Elle n’arrivait pas à croire ce qui passait devant elle.

Devant son regard incrédule, Miranda était toujours enveloppée de lumière argentée et auréolait comme un ange venu d’un autre monde. Mais ce n’était plus ça qui l’éberluait. Non, c’était la forme fantomatique d’un loup courant autour de la sorcière qui la stupéfiait. Une ombre noire aux yeux encore plus sombre et parcourut d’éclairs dorés.

- Sarah Elizabeth Lechasseur, auparavant Légaré, entend mon appel et soumet-toi au Jugement! Clama d’un ton brusque la sorcière.

Elle sentit immédiatement quelque chose s’infiltrer en elle, invasive et particulièrement douloureuse. Douloureuse au point que le moindre petit mouvement lui faisait voir mille et une chandelle, et lui donnait fortement l’envie de renvoyer le contenu de son estomac sur le sol. Elle se figea donc, ne s’octroyant la possibilité d’aucun mouvement.

- Au nom de la Meute, au nom de l’Alpha et au nom des liens qui nous unit les uns aux autres, j’appelle les parents de l’initiée! Répondrez-vous à mon appel?

- Oui, nous répondrons, lâchèrent simultanément son père et l’autre femme sorcière.

Sarah était presque certaine de ne plus savoir comment respirer. Serait-il possible que…

- Vous portez vous garant de cette initiée dont vous prétendez être les géniteurs?

- Oui, nous nous portons garant de l’initiée. Qu’elle est le cœur blanc comme neige ou noir comme celui d’un démon, nous jurons qu’elle est notre fille.

- Alors annoncez-vous! S’écria Miranda en élevant une dague à l’aspect redoutable au-dessus de sa tête.

Une dague très, très ancienne. L’inquiétude la submergea, mais ce n’était pas son inquiétude à elle. En ce moment, elle sentait l’espoir enfler. Sauf qu’elle l’étouffa rapidement pour éviter de se sentir trop déconfite s’il s’avérait que le plan échouait, ou pire, que ce qu’il impliquait n’était pas ce dont elle croyait. Elle reporta l’attention sur ce qui se passait devant elle et si elle avait été sous forme humaine, des sueurs froides lui auraient remplis le dos. La petite sorcière était en train de tendre la lame à son père et ce dernier, tout en s’entaillant profondément la main, déclara :

- Moi, Jean-François Lechasseur, suis le père de Sarah Elizabeth Lechasseur.

Le sang goûtait toujours de sa main lorsque la femme devant lui s’empara de la dague. Celle-ci avait toujours des larmes qui roulaient sur ses joues alors qu’elle ne lâchait pas son père des yeux. Elle exécuta le même geste que ce dernier quelques secondes plus tôt et annonça d’une voix claire :

- Moi, Christine Deschênes, suis la mère de Sarah Elizabeth Lechasseur.

Cette fois, Sarah eut très clairement l’impression que son cœur venait de lui tomber dans les talons. C’était impossible… Comment se pourrait-il que… Pourquoi ne le savait-elle que maintenant? Se pouvait-il vraiment que… Les questions bombardaient son esprit sans relâche, mais entretemps, la cérémonie se poursuivait.

- Que la Meute et la Lune en soit témoin! Hurla Miranda. Et que votre sang vérifie la vérité des mots que vous avez prononcés! Prenez-vous par la main!

Pourquoi son père avait-il cette lueur douloureuse dans les yeux? Cette question traversait tout juste son esprit lorsqu’elle aperçut le loup fantomatique cesser de tourner en rond autour de la petite sorcière pour plutôt se planter juste entre ses deux parents. Au moment précis où ils joignirent les mains, ils se mirent à illuminer de la même manière que Miranda.
Tandis qu’ils avaient toujours les mains jointes, celle qui présidait la cérémonie se mit à psalmodier des phrases inintelligibles qui ne semblait avoir un effet direct sur l’intensité de la lumière qui les auréolait tous les trois. Le sang de ses parents gouttait, et gouttait encore. Le loup fantomatique grondait maintenant et devenait de plus en plus gros. Le sang qui était jusqu’alors en flaque sur le sol sous la créature d’ombres commença à s’élever un bon mètre au-dessus de la tête de ses propriétaires, s’assemblant jusqu’à former une sphère parfaite.

Elle remarqua les larmes qui s’écoulaient maintenant sur les joues de son père aussi. Pourquoi pleurait-il? Craignait-il que les choses se passent mal? Est-ce que cette cérémonie impliquait qu’elle, Sarah, y perde la vie? Autant qu’elle ne souhaitait pas mourir, autant qu’elle en serait quand même heureuse. Heureuse, car elle serait délivré du monstre qui la contrôlait. Heureuse, car elle retrouverait enfin sa sœur.

Le loup sans consistance bondit soudain vers le ciel en même temps que Miranda cessait de parler. À cet instant précis, son père attrapa sa mère présumée dans ses bras et l’embrassa. Elle n’aimait pas cette scène. Elle n’aimait pas la lueur de désespoir dans les yeux de son père. La lueur de quelqu’un qui sait qu’il a déjà perdu. Celle de quelqu’un qui aime, mais qui sait que ce ne sera plus possible. Elle n’aimait pas non plus la manière dont sa nouvelle mère proclamée s’accrochait à son père en pleurant encore plus.

Ça ressemblait beaucoup trop à des adieux.

Elle n’était pas prête à dire adieu à qui que ce soit.

Elle n’eut toutefois pas l’occasion d’y réfléchir davantage, car l’esprit (c’était ce qu’elle supposait) se jeta sur elle, infiltrant tout son être, s’étirant en elle pour prendre le contrôle de ses têtes à ses pattes. Et ce fut comme si on mettait le feu à son sang. Un hurlement lui échappa, empreint de gémissements. Sauf qu’elle relégua la douleur physique au second plan en voyant ce qui se passait, et ce malgré que son regard soit brouillé par les larmes causées par la douleur.
Sa mère était tombée à genoux, son père avec elle.

Les larmes avaient été remplacée par le sang alors que des dizaines d’entailles apparaissaient sur toute la peau visible de son corps. Son cou, ses joues, son front, son menton, ses bras… D’où elle se trouvait elle lisait la douleur sur son visage. Une douleur qu’elle s’imaginait parfaitement aussi physique que mentale et émotionnelle.

Elle voyait que son père la serrait encore plus fortement contre lui.

Si elle avait pu, elle aurait pleuré.

La voix de Christine Deschênes était si faible qu’elle passa tout près de ne pas l’entendre quand elle souffla :

- Je suis désolée…

Ce fut à cet instant précis qu’elle s’enflamma. Cette fois, Sarah ne ressentait plus du tout la douleur physique qui la ravageait. Ça n’avait rien avoir avec celle qui lui perforait le cœur en cet instant. Son père ne relâchait toujours pas la sorcière, mais comme mû par une étrange force, aucune des flammes ne semblaient vouloir l’atteindre. Mais la chaleur devait être terrible…

L’enveloppe de flamme était plus que ne pouvait endurer sa mère et elle n’en était pas vraiment étonnée, quelque chose lui soufflait que ce n’était pas des flammes ordinaires. Elles avaient une origine magique. Et pour une raison qu’elle ignorait, elle se doutait que ces flammes étaient autrement plus douloureuses.

Alors les cris ne l’étonnaient pas plus que ça.

Ni même le fait que son père ne faisait que serrer encore plus fort sa mère dans ses bras.

Sauf qu’une minute plus tard, survint une explosion particulièrement violente.

Des cris et des grondements résonnèrent tout autour d’elle, mais une fumée épaisse l’empêchait de voir quoi que ce soit. Ou qui que ce soit. Elle avait envie de crier elle aussi. Que s’était-il passé? Est-ce que ses parents… La réponse à la question qui commençait à se former dans son esprit trouva une réponse plutôt désagréable une minute plus tard lorsque l’air s’éclaircit légèrement.

Sa mère n’était plus.

Elle n’était plus là. Il ne restait absolument rien d’elle, sauf peut-être des cendres. Son père se tenait à genoux, le regard vide en dévisageant ses mains. Des mains tout aussi vides. Un long gémissement s’échappa de sa bouche au même moment où un vent de fraîcheur s’emparait de son esprit. Sauf qu’il fut rapidement combattu par une ombre qu’elle connaissait bien. Maïa luttait de toutes ses forces contre la puissance qui tentait de la libérer.

Sauf que malgré la puissance de la Dame, elle n’était pas à la hauteur.

Son cerveau était sur le point d’exploser lorsque le vide et la liberté s’empara d’elle. Un déversement de lumière l’inonda toute entière. Elle illuminait tout comme ses parents avaient illuminés quelques minutes plus tôt. Elle était libre. Complètement libre. Elle sentait encore la conscience de la Dame aux Glaïeuls peser sur la sienne, mais un mur indestructible l’entourait empêchant toute intrusion. Lentement, Ethan la libéra de sa prise et elle put se redresser.
Immédiatement, elle plongea ses regards dans celui gris acier de sa cousine.

Il n’y avait plus qu’une chose à faire.

***********

L’explosion m’avait propulsé quelques mètres sur le côté. Les cris de mes amis m’avaient envahi la tête. Celui de Kylie. Celui de Miranda au moment de l’explosion. La peur de Lucas m’avait foudroyé aussi. Et la douleur, l’horrible douleur de Christine aussi. Je savais que deux de mes amies étaient inconscientes. Kylie et Miranda. Sauf que je n’avais pas le temps de m’occuper d’elle.

Le regard de Sarah rivé sur moi me le rappelait très bien.

Si j’échouais à cette étape cruciale, ça n’importeraient pas que je sauve mes amies, car nous serions tous morts très bientôt. Je m’élançai donc d’un bond vers ma cousine en essayant de repousser l’envie de crier ma souffrance aux yeux. En repoussant toutes les larmes qui voulaient posséder mon regard. Je ne pouvais pas. Je n’avais pas le temps pour ça. Pas maintenant. Plus tard.

Dès que j’arrivai à ses côtés, il suffit que d’un échange de regard entre nous pour que nos souffrances fassent écho l’une à l’autre. Je me secouai mentalement avant de laisser poindre mes crocs et sans plus de cérémonie, je les plantai dans mon avant-bras en arrachant la chair au passage. Sarah s’accroupit et je mis mon bras au-dessus de sa gueule du milieu, laissant le sang se déverser. Je grondai d’une voix sombre :

- Par ce sang que je te donne, je te fais miens. À ma meute tu appartiens maintenant. À partir de cet instant tu n’obéiras qu’à moi et seulement moi. Jusqu’à ce que la mort te délivre ou que je te laisse partir.

Je m’écrasai instantanément au sol alors que toute la conscience de Sarah s’engouffrait en moi. Ce qu’elle était, ce qu’elle avait été… tout me parvenait. Y compris les sentiments qui l’habitait en ce moment. Exactement trois minutes plus tard, une lueur de sérénité troublée emplie les regards de ma cousine. Je savais la cause de son trouble, mais encore plus la raison de sa sérénité.

Elle était enfin libre.

Complètement et véritablement.

Première étape réussie, pensai-je.

Je m’essuyai le front du revers de la main et me souvins qu’une seconde trop tard que mon bras était ensanglanté. Du sang chaud, le mien, me coula sur le front avant de me tomber dans les yeux. De ma main plus propre, je fis en sorte de tout retirer. J’avais besoin de voir. J’avais besoin…

Ma gorge se noua lorsque j’aperçus Kylie aux pieds d’un arbre, les avant-bras entièrement brûlés. Le Chien des Enfers avait pris sa forme animale… Un coup d’œil vers Miranda m’apprit que celle-ci se portait encore moins bien que la caméléon.
Ce n’est pas le moment, Maria, me soufflai-je.

Si je voulais les aider, il fallait que je me débarrasse le plus tôt possible de tous les éléments indésirables. Ce qui impliquait Maïa et son acolyte. Mais il valait mieux commencer par ce dernier. Je ne pouvais pas me permettre une distraction quand j’en viendrais véritablement aux mains avec la Folle aux Fleurs. Sauf que pour régler son compte à Aiden signifiait occuper la principale intéressée de ce combat… Et suffisamment pour que je puisse venir à bout de mon plan.

Plan dont je n’étais absolument pas certaine.

Sauf que je n’étais certaine de rien dans toute cette histoire.

- Christine…

La voix décomposée de mon oncle me déconcentra une seconde de trop. Une seconde que mit à profit le défunt membre de l’URF pour bondir dans ma direction. Ma mâchoire se décrocha à sa vue. Jusqu’ici j’avais fait mon possible pour ne pas trop y prêter attention, car si je devais le faire… je perdrais toute concentration sur le plan en route. Mais là, je n’avais plus à me concentrer sur la libération de Sarah. Je devais me concentrer sur la sienne, à lui. Et ça impliquait de le regarder. De voir exactement ce à quoi il ressemblait.

J’aurais préféré pouvoir fermer les yeux.

Et me dire que ce n’était qu’un rêve.

Que je pouvais abandonner.

Ce qui se trouvait devant moi était légèrement plus petit que Kelsea, mais pas énormément. Peut-être de trente ou quarante centimètres, tout au plus. Sa fourrure était aussi sombre que la nuit avec une crinière de flamme véritable qui lui parcourait toute la colonne vertébrale jusqu’à la queue, là elle s’arrêtait d’un coup à la base. À la base de cette queue plus semblable à celle d’un lion que celle d’un chien ou d’un loup. Et tout au bout se trouvait un noyau de flammes incandescentes.

Ses prunelles plongèrent dans les miennes, aussi aveuglantes que le plus effroyable des incendies. Mes yeux se posèrent sur sa gueule remplie de crocs d’où dégoulinait une salive qui fumait. On aurait presque dit de la lave… Je n’eus que le temps de me camper sur mes jambes avant qu’il ne soit sur moi. J’envoyai mes bras vers l’avant au moment exact de l’impact et le propulsai plusieurs mètres plus loin.

Au contact de mes mains sur sa fourrure mince et rêche, des rayures incandescentes y étaient apparues. La seconde suivante, alors qu’il avait été propulsé loin de moi, mes mains se mettaient à cloquer et une douleur suffocante m’inonda les mains, me poussant à hurler. Mes paumes pulsaient sous la force des élancements qui me parcouraient à chaque seconde, si ce n’était pas plus fréquemment encore.

Je comprenais maintenant pourquoi les blessures de Kylie étaient aussi horribles…

Regarder l’état de mes mains me faisait horreur, alors je me concentrai sur autre chose. Ce qui était de toute manière beaucoup plus judicieux, même si faire abstraction de cette sensation lancinante qui m’imprégnait les mains était vraiment difficile. Je n’avais pas droit à l’erreur et cela incluait de ne pas tenir compte de ces limitations physiques.

C’était l’heure de mettre le plan boiteux en pratique.

Boiteux, car le raisonnement derrière l’était. Je ne pouvais pas être certaine que la transformation de défunt vivant à la forme de Chien des Enfers avait un quelconque lien avec les émotions comme c’était partiellement le cas pour les Cerbères et entièrement le cas pour les miennes. Mais c’était une théorie et une théorie c’était mieux que rien.

- « Derek, avec moi. Les autres sur Maïa. »

Nous avions déjà parlé de ce plan Derek et moi. Ce matin même, une heure avant qu’on ne lance l’offensive. Tout, exactement tout, pouvait mal tourner. Et ça serait forcément le cas. Rien ne pouvait bien se dérouler avec ce que j’avais en tête… Toutefois, malgré les risques encourus, le fae et moi on s’élança à toute vitesse vers le Chien des Enfers enragé qui fonçait déjà dans ma direction. Dans une synchronisation parfaite, nous l’attrapâmes et on le plaqua contre un arbre. Ce dernier s’enflamma aussitôt.

Tout comme mes bras et ceux de Derek.

Avant de lâcher prise, ce dernier eut le temps d’accomplir ce que je lui avais demandé ce matin. Il déchargea tout ce qu’il pouvait dans notre ennemi, une attaque émotionnelle si intense qu’elle me percuta aussi, suffisamment pour que je lâche prise. Mon ami s’écrasa par terre, les flammes lui léchant les bras jusqu’aux épaules disparaissant en même temps que son contact avec l’être de feu. Ce dernier chancela et s’écrasa à genoux.

Humain.

Ça avait… marché?

Mon ébahissement dura la seconde qu’il avait besoin pour lui-même reprendre le contrôle. Son visage que j’avais connu souriant, voire moqueur, se transforma en grimace de colère. Son regard flamboyait d’envie de meurtre. Flamboyait littéralement. Lorsqu’il m’agrippa par le coup, j’eus l’impression de m’être enfoncée dans un océan de flammes.

Sa peau était toujours aussi dangereuse pour la mienne.

La dernière partie de ce plan était la plus stupide. La plus idiote que je n’aurais jamais pu avoir. Parce que je n’avais aucune théorie logique l’expliquant. Ce n’était que sur les bases d’une impression, des informations que j’avais. Sur sa mort et sur la manière d’y faire retourner. À mes yeux, je n’avais qu’une seule idée de comment utiliser les informations en ma possession et c’était clairement la preuve que j’étais tombée sur la tête.

- Aiden, réussis-je à croasser.

Sa vision se troubla un instant.

- Aiden Graham, prononçai-je ensuite avec encore plus de difficulté.

Était-il en train de brûler mes cordes vocales? J’espérais que non, car j’en aurais encore besoin par la suite. À condition que j’arrive à poursuivre, car plus les secondes s’égrenaient, moins j’en avais la conviction. Pourtant, il tressaillit à l’énonciation de son nom complet, fourni par Burnett. La prise de ses doigts sur ma gorge se détendit suffisamment pour me permettre à la fois de respirer et parler sans entrave. Faisant fi de la douleur qui irradiait dans tout mon cou, je continuai d’une voix plus forte :

- Aiden Graham. Tu es mort.

Ses yeux clignèrent une fois. Puis deux.

- Tu es mort. Et j’étais là, ajoutai-je en sentant ma gorge se nouer.

Des larmes apparurent dans mes yeux en le voyant secouer de la tête. Des éclairs de fureur et d’incompréhension se superposant à répétition. Est-ce que ça marchait? Je n’en avais pas la moindre idée… Ma voix était rauque lorsque je soufflai :

- Tu es mort sous mes yeux. La dernière chose que tu as demandé… c’était un souvenir. Un souvenir agréable, que tu voulais… Est-ce que tu t’en souviens?

Je m’approchai lentement de son visage et les éclats incompréhensifs se firent plus présents que la fureur. J’entendais les hurlements de rage de Maïa dans mon dos, les respirations sifflantes de mes amis. Je sentais leur détresse dans ma tête. Ils ne tiendraient plus très longtemps et certains d’entre eux étaient déjà si fragiles… Physiquement et émotionnellement.

Mon oncle. Jenny. Lucas. Perry. Sarah…

Je pouvais m’ajouter et Della aussi.

Il fallait que je mette fin à tout ça. Rapidement.

Sans plus attendre, je pris le visage d’Aiden entre mes doigts, empirant considérablement la douleur en provenance des cloques qui étaient apparues. Après quoi, je posai brutalement mes lèvres sur les siennes. Au départ, pendant la première seconde, il ne se passa rien. Si ce n’est du soudain immobilisme total de la personne devant moi. La suivante, toutefois… apporta plusieurs nouvelles données.

Déjà, ses deux mains à lui se plaquèrent contre mon visage, augmentant la pression que ce dernier et le sien exerçait l’un sur l’autre. Et sa bouche fut énormément plus réactive que l’instant auparavant ou de cette autre fois sur son lit de mort. Ça semblait remonter à des années. Ce fut au moment précis où la fumée commença à monter de mes lèvres qu’il s’éloigna en titubant, le corps parcourut de tremblements incontrôlables. Lorsque sa voix s’éleva, j’eus l’impression qu’elle provenait d’un endroit empli d’écho, les mots se répétant sans ordre logique, mais mon esprit réussit à les coordonner :

- Je suis désolé…

Je suffoquais sous les brûlures qui me parcouraient une partie du corps, mais tout ce que j’arrivais à faire c’était de laisser échapper des larmes d’amertume et de culpabilité.

- Merci, ajouta-t-il.

L’instant suivant, il se dissout en un petit tas de cendre qui s’écrasa juste à quelques centimètres de mes pieds. J’avais réussi… mais à l’instar de ce qui se trouvait devant moi, ça n’avait qu’un goût âcre et sans valeur. Je m’écrasai à genoux, mes bras convulsant nerveusement sur mes jambes molles. L’adrénaline fusa par contre dans mes veines en même temps qu’un « NON » retentissait dans mon esprit. Je n’étais pas habituée à entendre cette voix dans ma tête. Ni cette douleur émotionnelle vibrante.

Celle de ma cousine.

Je me tournai juste à temps vers Maïa et les autres pour voir une tête passer à un centimètre de la Cerbère qu’était Sarah. Ce ne fut qu’au moment où la force de la perte d’un membre de la meute, et pas n’importe lequel, ainsi qu’au rebondissement sur le sol de la tête en question que je compris ce qui venait de se passer.

Mon oncle…

Le regard vitreux de ce dernier semblait me juger, me condamner pour ce qui venait de se produire. Me condamnait pour le fait que sa tête se trouvait maintenant à plusieurs mètres de son corps. La bile me monta à la bouche, mais je la retins pour laisser place à la rage. Une rage qui se déversa en moi en me faisant oublier tout le reste. La douleur, mon chagrin, mon désespoir. Plus rien n’existait autre que cette rage qui détruisait tout sur son passage, me laissant aussi brûlante que l’était Aiden en tant que Chien des Enfers.

Je m’élançai sans perdre un instant vers Maïa, mais le temps que j’arrive, elle avait propulsé tous mes amis plus loin. L’onde de choc me traversa et me donna l’impression que je m’enfonçais dans de la vase ou des sables-mouvants. Mes mouvements étaient lents et hagards. Je dépensais une force impressionnante pour avancer de quelques centimètres à la fois.

J’aperçus du coin de l’œil Burnett voltiger vers un arbre et le recevoir de plein fouet par la tête. Presque immédiatement, je cessai de ressentir ses émotions et pensées dans ma tête, mais il n’était pas mort. Pas encore… Tout en continuant ma course vers mon adversaire, je tournai la tête pour jeter un coup d’œil à mes amis. Della courait vers Maïa, tout comme Sarah, Ethan, Kelsea et Autumn. Lucas… Lucas était plusieurs mètres à ma gauche et légèrement derrière moi. Il se mit brutalement à genoux, les deux mains sur la gorge en crachotant. Des litres d’eaux s’échappaient de sa bouche sans s’arrêter. Englobant la Dame aux Glaïeuls dans mon champ de vision, je la vis exercer un mouvement du poignet en direction de mon cousin et ce dernier fut propulsé sur un arbre beaucoup plus loin.

Sa panique disparut aussitôt de mon esprit.

Mais je ne pouvais pas y penser.

Non je ne pouvais pas…

Mes yeux quittèrent le corps inerte de Lucas pour tomber sur Jenny qui était beaucoup plus proche de Maïa qu’aucun d’entre nous. Elle se relevait à peine que la Folle du Fleuve l’attrapa par le cou et enfonça l’une de ses griffes hideuses dans sa joue.

Ce n’était que maintenant que je constatais qu’elle avait pris son horrible véritable apparence. Mon regard toujours braqué sur la dernière caméléon encore consciente, je pus voir en direct le moment où quelque chose s’injecta dans sa joue par l’intermédiaire de la griffe. La seconde suivante, Jenny s’écroula aux pieds de notre ennemie en vomissant des algues visqueuses et étranges. Son visage se décomposa et tourna au vert prononcé des malades avant de bleuir. Son teint devint tout aussi brutalement blême qu’avec les autres couleurs et elle s’écroula au sol tête la première.

Elle éliminait mes alliés les uns après les autres, compris-je avec un effroi grandissant.

Je m’effondrai à genoux au moment de voir Perry, qui avait réussi à s’élancer vers elle dans son dos, se faire arrêter en plein élan, les membres complètement étirés dans des directions différentes. Comme s’il ne les contrôlait plus. Un frisson d’horreur me traversa. Elle contrôlait son corps.

Sans doute l’eau s’y retrouvant.

Elle n’attendit pas davantage dans cette position et lui tordit les trois nuques suffisamment pour le mettre hors d’état de nuire. Je ne percevais plus rien de lui, mais je ne pouvais qu’espérer une chose : qu’il ne soit pas mort. Les métamorphes étaient différents des Loups… comment savoir si leur mort sous forme transformée était compréhensible par les liens de meute?

Ça ne s’était jamais fait…

J’étais dans la plus parfaite ignorance.

Et ce calme de plus en plus présent qui m’envahissait la tête me donnait envie de me recroqueviller. De fermer les yeux et d’abandonner toute lutte… Sauf que je ne me résoudrais jamais à une telle chose. Car cette envie de me rouler en boule n’était pas l’instinct le plus fort qui se bataillait en moi. Non, celui de tuer l’était beaucoup plus.

Ma vengeance avait assez attendue!

Sans prendre la peine d’inspirer, je laissai la transformation me parcourir le corps forçant mes os à se rompre, à ma peau à se déchirer et à mes muscles à se tordre et s’étirer. La douleur n’était rien, pourtant. Tout ce qui importait en ce moment, c’était d’en finir et rapidement. Ma meute avait besoin de moi. Je devais les protéger. C’était mon rôle. Ils étaient mes amis et les protéger était la moindre des choses que je pouvais faire après tout ce qu’ils avaient sacrifié pour moi.

À nouveau, je m’inondai dans ma rage.

Mais Della et Ethan atteignirent Maïa avant moi. Les secondes qui s’égrenaient me paraissaient des heures. Les quelques mètres à parcourir le paraissaient encore plus dû au maléfice de la Folle aux Fleurs. Je regardai mes deux amis alors qu’ils échangeaient des coups avec notre ennemie dans une parfaite synchronisation de leurs attaques. Nos pratiques avaient payé, semblait-il, pour leur permettre d’être aussi à l’aise ensemble. La vamp frappait d’un côté, le Loup de l’autre, alternant les angles et les méthodes de frappe. Pendant une minute entière, ils réussirent à l’affronter.

Sauf que ça ne pouvait pas durer.

Avec un cri strident, Maïa déchargea une nouvelle vague de puissance encore plus terrible que la première. Je me retrouvai à reculer de plusieurs mètres, Sarah d’encore plus et Kelsea la même distance. Un grondement traversa ma gorge de louve, gorge toute aussi brûlée que sous ma forme humaine. À leur tour, Ethan et Della percutèrent un arbre, leur présence dans ma tête me fut tout aussi arrachée.

La seule qui ne sembla pas ressentir les effets de cette deuxième vague fut Autumn. Elle s’élança à une vitesse ahurissante vers celle qui l’avait auparavant contrôlée. Dans un mouvement étonnamment souple, elle passa par-dessus la tête de la créature et se tordit de sorte à pouvoir atteindre la nuque de son adversaire avec la deuxième griffe de sa patte droite.
Celle qui injectait du poison.

Elle atteignit sa cible et Maïa sembla faiblir. La force qui nous empêchait de l’atteindre disparut d’un coup et je manquai m’étaler au sol. Sarah n’eut pas autant de chance et s’écrasa littéralement par terre. Ce n’était rien au sort de la Hère, toutefois. Celle-ci se vit attraper par la queue comme je l’avais autrefois fait et la Dame aux Glaïeuls la fit rencontrer un arbre comme on le ferait avec une batte de baseball et une balle. La conscience d’Autumn me quitta tout comme tous les autres et je ne pus qu’observer son corps être projeté plus loin par notre ennemie, sentant l’envie de meurtre parcourir mes veines comme un poison virulent. Un poison que j’accueillais volontiers.

Kelsea, Sarah et moi atteignîmes Maïa en même temps. Nous fîmes voler nos crocs et nos pattes à une vitesse infernale. Pourtant, malgré la tâche colossale que ça devait représenter, notre cible ne semblait pas faiblir davantage. Le poison de paralysie de la Hère ne faisait pas effet sur elle, ou du moins ne s’attaquait pas à son corps, mais à ses pouvoirs.

Sauf que sous sa forme véritable, même sans ses pouvoirs, elle restait une adversaire redoutable. Elle évitait nos coups de crocs d’un revers de ses immenses doigts griffus et nous sifflait au visage avant d’attaquer à son tour. Elle nous attaquait toutes les trois en même temps, alternant des attaques frontales à des plus sournoises, traîtresses.

Peu importe les efforts que nous mettions et l’ingéniosité de nos manœuvres, aucune de nos attaques ne l’atteignaient. Jusqu’à ce que l’une d’entre elles porte ses fruits. Sarah et moi on bombardait autant que possible Maïa d’attaques en tout genre et pendant ce temps Kelsea courait à pleine vitesse autour de nous avant de fondre, aussi vive que l’éclair, sur notre proie. Sa gueule se referma sur l’une des jambes-queues et la Dame aux Glaïeuls poussa un cri strident. D’un revers de la main suivit d’un sifflement qui me perça les tympans, elle vit virevolter la Chimère vers l’arrière. Très loin… et très fort. Voir Kelsea s’affaisser sans connaissance me fit pousser un grondement de rage et de désespoir.

Sentiment que notre ennemie mit à profit.

- Ah, Maria… Je m’attendais à tellement mieux… Même tes ancêtres ont représenté un plus grand défi.

Je relevai mes babines pour bien dévoiler mes crocs reluisant de bave. Elle ne m’aurait pas aux sentiments. Peu importe ce qu’elle disait. Peu importe ce qu’elle pourrait ajouter, je ne tomberais pas dans le piège. Le grondement de Sarah à mes côtés, par contre, ne m’inspirait pas confiance. Je ne la connaissais pas suffisamment pour savoir jusqu’à quel point elle était réactive… mais si elle était un tant soit peu comme j’étais avant, ça s’annonçait mal pour l’option « garder son calme ».

- « Calme-toi, Sarah… » la suppliai-je.

- Ta lignée semble s’être fortement affaiblie depuis le temps, ajouta la Folle aux Fleurs. C’était déjà le cas à l’époque de ton ancêtre qui m’a vaincu la dernière fois, de justesse, je dois le dire.

Mais il l’a fait, pensai-je en essayant de contenir la rage qui enflait en moi. Sauf que les grondements de Sarah qui s’amplifiait à côté de moi ne m’aidaient en rien. Je n’avais qu’une envie en les entendant : de mettre en charpie la chose devant moi sans restriction.

- À vous regarder toutes les deux, j’en viens à me demander comment vos ancêtres ont pu régner aussi longtemps…

Ma mâchoire claqua violemment et je m’apprêtais à bondir sur Maïa pour la forcer à fermer son clapet, mais je fus devancer par ma cousine. Sarah se propulsa, de toute la force de Cerbère qui était la sienne, sur la créature devant nous. Mes yeux s’écarquillèrent en les voyant rouler dans l’herbe en échangeant des coups. À première vue la louve à trois têtes avait l’avantage de la taille et de la quantité d’armes à sa disposition, mais son adversaire possédait une agilité époustouflante et révoltante.

Je me joignis à elles en poussant un long hurlement de défi qui se répercuta dans la forêt. Le soleil était déjà levé et se dressait presque au-dessus de la cime des arbres au loin. À son opposé, on voyait encore la lune. J’y puisai une force peu commune, la force qui possédait tous les loups-garous les jours précédents une pleine lune.

Mais je ressentais tout de même la fatigue.

Ajouter un membre à ma meute. Renvoyer un mort dans l’au-delà où il appartenait de plein droit. Combattre… Ça grugeait de l’énergie. Et j’avais mortellement soif. Sauf qu’il n’était pas question de se réhydrater dans une situation comme celle-ci. Alors j’augmentai la vitesse, la férocité et la puissance de mes coups. Tentant autant que possible de prendre l’avantage.

Mais l’effet paralysant de la griffure d’Autumn ne faisait plus effet maintenant.

Je le voyais bien au sourire qui étirait les lèvres de mon ennemie, de l’objet de mon désir de vengeance. Un sourire carnassier qui m’annonçait bien des malheurs. Et le premier survint dans la minute suivante. Maïa planta profondément ses griffes dans mes côtes et tout en pliant les doigts pour les enfoncer là où elles ne sortiraient pas facilement, elle me projeta quinze mètres plus loin.

Mon dos percuta durement un arbre et j’entendis un os craquer. La douleur me brouilla la vue l’espace d’un instant, mais mes oreilles fonctionnaient toujours très bien. Le hurlement strident de la Dame aux Glaïeuls contribua ainsi à me couper de l’un des derniers sens qu’il me restait. Pourtant, j’entendis le hurlement suivant. Celui de douleur d’un loup en mauvaise posture. Mais si puissant qu’il ne pouvait que provenir de quelque chose de beaucoup plus gros.

Sarah.

Malmenant encore plus mon corps déjà bien meurtri, je me relevai et m’élançai vers l’origine du bruit, la vision encoure plus floue qu’auparavant. La douleur de ma cousine pulsait en moi via notre lien de meute. En ce moment, tout ce qu’elle vivait, je le vivais. Et malgré que je n’avais qu’une tête, j’avais tout de même l’impression qu’il m’en manquait une.

Non…

C’était impossible…

Elle ne pouvait pas… Elle n’avait quand même pas réussi à… Mais la réponse se trouvait pourtant en moi. Tenter de me convaincre du contraire ne m’aiderait pas. Sarah venait de perdre l’une de ses trois têtes et elle était toujours en vie. J’accélérai le mouvement en sentant qu’elle faiblissait de secondes en secondes. Sauf que la vase était de retour, ce sable mouvant qui m’empêchait de me mouvoir comme je l’entendais.

Mais je le combattis autant que je le pouvais, gagnant mètre après mètre.

Sauf que j’arrivai trop tard pour sauver l’une de ses deux têtes restantes. Ma vision s’éclaircit au bon, ou mauvais, moment pour voir la Dame aux Glaïeuls avec des griffes encore plus proéminentes traverser la chair, les os et la fourrure de la tête gauche de ma cousine.

La droite n’était plus là.

La seule qui restait, c’était celle du milieu. Sans doute celle relié à sa véritable forme et la seule qui permettait de la tuer définitivement. Au moment où la créature leva à nouveau la main aux griffes horribles, prête à décapiter la dernière tête, je bondis sur elle et la plaquai au sol. Se faisant, je lui laissai le champ libre sur mon ventre et elle ne se pria pas pour exploiter cette faille.

Un glapissement m’échappa, mais j’étais beaucoup plus inquiète pour ma cousine.

Et incroyablement plus en colère.

Un grondement assourdissant s’insinua dans ma gorge et je le laissai sortir, sans trop le comprendre immédiatement je perçus une lueur traverser le regard de mon ennemie. Une lueur qui ne m’inquiétait pas. Une lueur qui me donnait envie de sautiller de joie ou d’éclater d’un rire mauvais. Une lueur qui nourrissait mon désir de déchirer sa chair, de goûter à son sang et encore plus de goûter à sa mort. Je m’éjectai loin d’elle en un bond plus agile que je ne l’aurais cru dans mon état et lui envoyai un revers de patte du même coup. Mes griffes entaillèrent son visage et voir son sang s’écouler me fit retrousser les babines, affamées.

Je me détournai pourtant une seconde pour évaluer les dégâts causés à Sarah. Elle n’était plus consciente, mais pour le moment, elle était vivante. Si elle ne reprenait pas forme humaine par contre… le sang qui s’écoulait des trous béants où se trouvaient auparavant ses têtes causerait sa mort. Vu la taille de son corps, j’avais quelques minutes pour en finir.

Pas plus.

Je me retournai vivement vers la Dame aux Fleurs. L’éclat écarlate devant mes yeux me donna l’impression d’être le taureau devant son matador lors d’une corrida. Les glaïeuls. Elle avait l’audace de me montrer les glaïeuls! Un rugissement plus qu’un grondement m’arracha la gorge et je bondis dans sa direction tous crocs dehors. Si elle pensait toucher un point sensible qui me ferait m’écraser au sol, elle s’était trompée lamentablement. Ce symbole ne me rappelait que tous ceux que je n’avais pas pu sauver.

Et ceux qui étaient étendus tout autour de moi, entre la vie et la mort pour certains.

À voir ses yeux s’écarquiller, elle n’avait pas prévu cette réaction de ma part. Elle n’avait pas prévu que je lui saute dessus avec tant de rage au ventre que je me sentais enflammée de l’intérieur. J’étais en train d’exploser, rapidement toutes mes pensées logiques volèrent en éclat pour ne laisser que l’émotion et le désir de tuer. C’était toujours dans ces moments que j’étais la plus dangereuse.

Car ma conscience n’existait plus.

Je m’abattis sur elle en grondant sourdement et sans attendre je me mis à l’offensive. Alternant les coups de crocs et de griffes, parfois usant des deux à la fois. Je sentais à peine les coups offensifs et défensifs de Maïa sous moi. Je savais que le sang s’écoulait de multiples blessures sur mon corps, mais ça n’avait plus d’importance.

Avec un hurlement victorieux, je refermai mes crocs fermement dans la chair de son cou, me nourrissant du sang qui infiltrait ma bouche malgré la saveur épouvantable d’algues pourries et desséchées. Ma mâchoire se referma encore un peu et d’un coup violent de la tête, laissai mes crocs déchirer la chair. Sa nuque se rompit et son corps qui se débattait auparavant devint inerte. Je secouai encore de la tête pour être bien sûr que la nuque était brisée et satisfaite que la réponse était positive, je me mis à ronger. Avec plusieurs claquements de mâchoire et mâchouillage, je parvins à séparer la tête du tronc. Je l’envoyai au loin avant de mettre son corps en charpie.

Ma vision était rouge.

Tout ce que je voyais, c’était le sang à l’étrange couleur de mon ennemie. Tout ce que je désirais, c’était de la réduire en miette et de ne laisser traces d’elle nulle part. De l’anéantir jusqu’à ce qu’elle ne soit plus rien. Plus rien du tout. Sauf que lentement, ma conscience s’imposa à nouveau à moi. Et avec elle, toutes les préoccupations qui m’avait occupée l’esprit.

Mes amis.

Sarah!

Avec un regard hésitant sur le cadavre en miette devant moi, je reculai. La nausée menaçait de me prendre si je le regardais trop longtemps, alors je m’éloignai rapidement tout en entamant la métamorphose inverse. J’avais besoin de mes mains, et plus particulièrement mes doigts, pour procéder à l’étape suivante. L’incinération. Dès que je fus sur mes deux pieds, j’attrapai le paquet d’allumette et l’essence qui traînait dans les racines d’un arbre. Mes amis les y avait placés lorsqu’ils étaient arrivés. Quelques minutes avant que je ne surgisse avec nos ennemis aux trousses…

Je fis demi-tour pour revenir au corps qui ressemblait à une bouillie sanglante. En essayant de ne pas réfléchir à ce que je faisais, ni au goût de sang dans ma bouche ou aux morceaux d’origine indéterminée coincés entre mes dents, je répandis de l’essence sur le corps et sur la tête qui était un peu plus loin. Après quoi, je mis le feu.

La seconde suivante, je m’écrasais par terre toutes mes blessures se rappelant à moi. Je n’osais pas regarder mon corps nu pour relever les dégâts. Ce n’était pas l’important en ce moment. Ce qui l’était, c’était de sauver ma cousine. Mon oncle et Christine avait tous deux agit pour qu’elle puisse vivre une vie normale. Pour ça, il fallait déjà qu’elle survive…

Les yeux fermés et le corps à moitié vide, je m’infiltrai dans l’esprit de Sarah via les liens de meute et tout en lui fournissant l’énergie nécessaire, je la contraignis à la métamorphose en humaine. Ma tête dodelina quelques instants et avant de ne plus en avoir la force, je déversai toute l’énergie qu’il me restait à tous mes amis, m’assurant d’en envoyer le plus à Kylie, car c’était à elle de jouer, maintenant. Juste avant de rejoindre mes amis dans l’inconscience, j’eus le temps d’envoyer un mot à Holiday qui devait patiemment attendre au réfectoire avec les autres résidents de Shadow Falls :

- « Réussi. »

***********

Ethan se réveilla en sursaut en sentant un choc électrique lui parcourir tout le corps. Il se redressa d’un bond malgré l’impression que ses trois têtes voulaient partir dans toutes les directions. Ses yeux se braquèrent instantanément vers Maria et juste à temps pour voir sa petite louve s’écrouler sur le côté. Il comprit instantanément ce qu’elle avait fait et ce qu’elle avait accompli juste avant.

Elle l’avait vaincue.

La Dame aux Glaïeuls n’était plus. Son corps sans tête complètement calciné, ainsi que la tête reposait pas très loin de Maria. Une Maria sans vêtement. Une Maria recouverte de sang de la tête aux pieds. Il s’efforça de ne pas trop la regarder, il n’en avait pas le droit et ne l’aurait peut-être jamais. Sauf que ce n’était pas le moment d’y penser. Elle venait juste de les sauver, une fois encore. Et avait donné beaucoup plus qu’elle n’aurait dû. Procurer de l’énergie à autant de personnes, ce n’était pas facile. Surtout pas dans les conditions actuelles.

En tournant sa tête de gauche, son regard croisa celui de Kylie. La caméléon semblait complètement remis du choc causé par ses blessures. Ethan comprit immédiatement où était allée la majorité de l’énergie de sa petite louve. Elle était allée à la seule parmi eux à pouvoir guérir. C’était logique, complètement logique.

Lorsqu’il regarda dans l’autre direction avec la tête correspondante, il eut un choc en voyant le corps de Sarah en train de changer. Elle avait déjà bien entamé sa métamorphose, mais il pouvait parfaitement constater qu’il manquait deux têtes. Un frisson désagréable lui parcourut la colonne vertébrale. Était-il possible que Sarah eut deux ses têtes décapitées?

Décidant de ne pas se concentrer sur ce seul détail, il porta son attention sur tous les autres. La majorité d’entre eux semblaient encore dans les pommes, Lucas, Jenny, Derek et Miranda. De ce qu’il pouvait voir, Burnett était réveillé, mais ne semblait pas en mesure de se relever. Della se relevait en tenant son bras droit contre elle avec une grimace. Perry sous sa forme humaine était assis, la tête entre les mains, sans doute étourdi. Enfin, il espérait que c’était seulement ça.

Un mouvement à la limite de son champ de vision attira son regard et il tourna l’une de ses têtes dans cette direction. Il aperçut la Hère, Autumn de son nom, qui s’avançait lentement vers eux en boitant. Déviant un peu ses yeux sur le côté, il aperçut Kelsea aussi. Celle-ci semblait faible sur ses quatre pattes, mais avançait d’une démarche confiante, quoiqu’inquiète. Il n’avait aucune difficulté à comprendre pour qui était cette inquiétude.

Maria.

En ramenant son entière attention sur sa petite louve, il constata que Sarah était devenue complètement sous sa forme humaine et que du sang s’écoulait de ses oreilles. Ou plutôt de l’endroit où aurait dû se trouver ses oreilles. Elle n’en avait plus. S’il avait pu blêmir, il l’aurait sans doute déjà fait. Il aperçut rapidement la caméléon qui se dirigeait déjà vers la Cerbère sous forme humaine.

- J’ai communiqué avec Holiday. Elle a envoyé quelques-uns des vampires pour nous prêter main forte… Mais elle doit… régler une situation avant de pouvoir nous rejoindre.

- « Qu’est-ce que c’est? » s’enquit-il en tournant ses trois têtes vers le directeur.

- L’influence de la… de Maïa ne fait plus effet. Tous les élèves qui ne sont pas dans la meute de Maria se sentent complètement dépassé.

À voir plusieurs de ses anciens amis hocher de la tête, du moins parmi ceux réveillés, il comprit qu’il n’était pas le seul à avoir posé la question. Ce qui n’était pas étonnant, car après tout ce qui était arrivé dans la dernière heure… et avant, ils n’avaient pas envie d’entendre une mauvaise nouvelle insurmontable. Il analysa les personnes autour de lui et put constater que chacun faisait en sorte de faire quelque chose. Perry rejoignit Miranda et la maintint contre lui avec un air inquiet. Kylie qui avait apparemment terminé avec Sarah se déplaça pour rejoindre la sorcière.

Et lui, il se rappela brutalement que plusieurs personnes se dirigeaient vers ici. Et sans doute une majorité qui appartenait à son sexe. Avec Maria sans vêtement… Il bondit sans attendre sous le couvert des arbres et rejoignit la planque où ils avaient rangé de leurs vêtements à tous. Il attrapa les siens et ceux de Maria avant de retourner à toute vitesse vers les autres.

Là il s’approcha de Kylie et déposa les vêtements à ses pieds. Elle releva les yeux vers lui pour le dévisager. Il désigna la direction de Maria de l’une de ses têtes et glissa dans la tête de la caméléon :

- « Maria… Elle est… »

- Oh! Lâcha la colocataire et amie de sa petite louve en s’empressant à ramasser les vêtements appartenant à cette dernière.

Il l’aurait bien fait lui-même, mais il n’en avait pas le temps. Et de toute manière, il n’était pas stupide. Si Maria serait soulagée d’être habillée en présence des vampires de Shadow Falls, elle le serait moins si elle savait que c’était lui qui l’avait habillé. Il le savait. Alors c'était plus simple de déléguer la tâche à Kylie. Attrapant à nouveau ses vêtements dans sa gueule du milieu, il s’éloigna entre les arbres pour amorcer la transformation en humain.

Dès que ce fut fait et qu’il fut changé, il revint auprès des autres pour constater que les vampires étaient arrivés, que Maria était habillée et que Kylie se chargeait maintenant de Derek. Sous les directives de Burnett, les résidents vampires de Shadow Falls s’occupaient pour certains de ramasser les restes de la Dame aux Glaïeuls dans un sac poubelle, d’autres s’occupaient de déplacer nos amis encore inconscients pour les conduire à l’endroit approprié. Kylie les suivit presque immédiatement, accompagné de Perry. Della, elle, se contenta d’aller s’asseoir auprès de Maria.

Personne n’osait l’approcher.

Ce qui n’était pas particulièrement étonnant compte tenu du fait qu’elle était toujours couverte de sang malgré les vêtements, on le constatait très bien. Notamment, car c’était son visage qui en avait le plus. Il s’approcha d’elle à son tour, sans pouvoir s’empêcher de jeter un coup d’œil du côté de l’oncle de sa petite louve. Le voir en deux pièces séparés…
Il n’en menait pas large.

Comme tous ceux qui portaient le regard dans cette direction. Les deux têtes de Cerbère de Sarah semblaient avoir disparues, sans doute dû à sa métamorphose… Enfin, il espérait réellement qu’elles avaient disparu, sinon il plaignait la personne qui tomberait dessus.

- J’ai appelé l’URF, affirma soudain Burnett.

Ethan tourna la tête dans sa direction pour le dévisager. Avait-il remarqué son regard pesant sur le corps de Jean-François ou avait-il trifouillé dans sa tête?

- Ils vont venir s’occuper de l’oncle de Maria. Et des restes de la chose, aussi.

Il hocha de la tête et s’accroupit aux côtés de celle qui venait de leur sauver la vie d’une menace à laquelle ils auraient été incapables de faire face. Il ne put s’empêcher d’approcher sa main du visage de Maria et de lui caresser la joue du bout du doigt. Elle semblait si fragile en ce moment… Ça lui rappelait que trop bien la fois où il avait cru qu’elle était morte. Non, elle l’avait été. Ils avaient eu bien de la chance qu’elle revienne parmi eux.

Un seul coup d’œil en direction de la vamp près de lui, lui permit de comprendre qu’elle songeait à la même chose. En ramenant ses yeux sur la louve immobile, il constata avec horreur des traces de blessure. Kylie semblait avoir accéléré le processus de guérison, mais les plaies étaient encore là!

- Il faut l’amener à l’infirmerie! Lâcha-t-il en sentant l’angoisse s’emparer de lui.

Sans vraiment attendre de réponse, il la saisit dans ses bras. Elle lui en voudrait sans doute, mais au fond de lui il s’en moquait. Il avait besoin de la serrer contre lui. Il avait besoin de respirer son odeur. Il aurait dû être là pour la protéger. Il aurait dû faire plus attention… Il l’avait laissée toute seule. Un grondement s’échappa de sa gorge. De honte, de fureur contre lui-même. Un autre grondement se fraya un chemin dans sa gorge en entendant la voix de Della à ses côtés :

- Je viens avec toi.

Il la voyait très bien lever les yeux au ciel face à sa réaction et elle ajouta :

- Pas besoin de grogner, Ethan!

- Tu m’as surprise, c’est tout, marmonna-t-il.

Elle ne sembla pas surprise de sa réponse et ils marchèrent en silence pendant plusieurs minutes. Pour préserver Maria, il préférait marcher, courir la bousculerait beaucoup trop. Et il ne voulait pas lui faire mal par accident. Et puis, il ne pensait pas pouvoir la relâcher de sitôt…

Le silence fut toutefois brisé à nouveau par la vamp alors qu’il se trouvait encore assez loin de l’infirmerie pour que personne ne risque de les entendre de là-bas.

- Est-ce que tu as vu l’état du cadavre de… de Maïa?

- Oui.

Et il ne l’oublierait pas tout de suite, ça, il en était sûr! Sauf qu’il n’était pas pour autant rebuter par Maria. Il se doutait de ce qui avait dû se produire. Quand on maîtrisait mal les émotions primitives du loup à l’intérieur. Il se doutait que sa petite louve les maîtrisait relativement bien en temps normal. Ou du moins, elle n’avait jamais causé de tel dommage, il en était sûr. Seulement, l’intensité du massacre correspondait souvent au temps mis à abattre la proie ou l’ennemi.

Plus c’était long, plus l’acharnement était intense.

Jamais elle n’avait eu à se battre aussi longtemps contre quelque chose. Même la Chimère ne comptait pas vraiment, même si la durée avait été bien plus longue. La douleur émotionnelle et physique qu’avait endurée sa petite louve dans son combat contre la Dame aux Glaïeuls surpassait aisément le combat contre Kelsea. Elle avait perdu beaucoup plus cette fois-ci…

- Tu crois qu’elle va s’en remettre?

Il dévisagea Della en arquant les sourcils, surpris. Il ne s’attendait pas à un tel questionnement de sa part, mais ça prouvait bien que la vamp connaissait bien Maria. Et qu’elle s’inquiétait plus pour elle, qu’elle pouvait la craindre en cet instant.

- Ça va, ne fais pas cette tête-là! ronchonna-t-elle. J’ai le droit de m’inquiéter comme tout le monde, hein!

- Je n’ai pas dit le contraire, affirma-t-il.

- Tes yeux et ta tête, oui!

Il leva les yeux au ciel.

- Alors… Tu vas répondre?

Il soupira, mais répondit :

- Elle va s’en vouloir d’être allée aussi loin. Ou du moins, sa conscience va s’en vouloir et une partie d’elle voudra continuer à détruire le corps de Maïa. Sauf qu’elle va surmonter ça, j’en suis certain.

- J’espère seulement qu’elle n’aura pas la mauvaise idée de faire une bêtise… grommela la coloc de Maria.
Il la dévisagea à nouveau.

- Quel genre de bêtise?

- Partir, souffla-t-elle du bout des lèvres.

Cette simple intonation lui prouva à quel point Della n’aimait pas cette idée, que cette possibilité l’effrayait et qu’elle ferait tout son possible pour que ça n’arrive pas. Ethan, quant à lui, songea avec amertume que si la louve qui était dans ses bras décidait de partir maintenant, rien ni personne ne l’empêcherait. Elle avait vu trop d’horreurs, perdus trop de personnes à qui elle tenait ici pour vouloir en risquer d’autres. Il détestait tout de même l’idée de la voir partir, mais il se doutait au fond de lui que Maria s’en irait.

Et il ignorait si elle le laisserait l’accompagner.

Il était presque certain que non et cette seule idée lui donnait envie de disparaître pour ne plus ressentir le trou béant qui se créait dans sa poitrine à cette seule pensée. Être ici. Seul. Sans Maria. Avec des amis qui ne le voyaient plus tel quel malgré qu’ils acceptaient sa présence.

Le ferait-il encore une fois Maria partie?

Il avait un sérieux doute à ce sujet.

Il éloigna ces pensées de son esprit. Il y avait toujours une mince chance qu’elle ne quitte pas Shadow Falls. Après tout, l’année n’était pas terminée. Presque, mais pas encore. Elle resterait forcément pour terminer ses cours. N’est-ce pas? Il se faisait sans doute de faux espoirs, mais tant pis, il en avait besoin.

Re: Nouveau départ [Nés à Minuit]

Publié : mar. 07 juil., 2020 12:12 am
par Mimie99
Ni lui ni Della ne prononcèrent un mot supplémentaire jusqu’à leur arrivée à l’infirmerie. Là, ils furent accueillis par la fée qui était en charge de l’endroit et il se chargea de déposer Maria sur le lit qu’elle lui indiquait. Autour de lui se trouvait tous ses amis qui ne s’étaient pas réveillés. Avec quelques grommellements, Della fut forcé de suivre l’infirmière jusqu’à une table d’examen et la vamp fut dans l’obligation d’accepter de porter une attelle. D’un nouveau regard global, une pensée s’imposa à lui.

Ils auraient pu tous mourir. Une heure de plus et certains d’entre eux le serait sans doute. Même peut-être moins. Mais ils avaient échappé à ce destin. Eux, du moins. Grâce à Maria. Mais le verrait-elle sous le même angle?
Il avait un gros doute à ce sujet.

***********

Ça faisait une semaine. Une semaine que le combat entre la Dame aux Glaïeuls et moi avait eu un terme. Une semaine que j’avais vaincue, mais j’avais passé tout près de tout perdre au passage. Cette réalisation me revenait au visage chaque matin en me levant. En constatant le soulagement sur les visages. En voyant à quel point, c’était… différent d’auparavant. Les choses étaient presque revenu à la normale, comme c’était avant que je ne retourne une semaine au Québec et que tout tourne au cauchemar à mon retour.

Sauf qu’il y avait des différences.

Les regards en coin, les commérages dans mon dos c’était amplifié. Et contrairement d’avec le combat contre Kelsea… mes amis avaient vraiment passé tout près de mourir. Que ce soit l’empoisonnement violent de Jenny, les brûlures horribles de Derek et Miranda, la commotion cérébrale de mon cousin… ou la perte d’audition de ma cousine. Perdre ses deux têtes sous forme de Cerbère l’avait amputé de ses oreilles sous forme humaine et elle n’entendait plus rien. Lorsqu’elle avait tenté de reprendre sa forme de Cerbère, ce ne fut que pour découvrir que malgré que les têtes fussent de retour, elles étaient sourdes et aveugles.

Maintenant, elle ne communiquait plus que par la pensée.

Et souvent, seulement avec Kelsea, Autumn ou moi. Elle ne semblait pas à l’aise avec les autres et étaient complètement abattue. Je l’étais aussi. Je venais seulement de retrouver mon oncle et il était mort. Lui aussi. Et puis Christine. Je ravalai mes larmes en inspirant brusquement. Je ne voulais pas pleurer. Pas maintenant.

On célébrait les funérailles aujourd’hui.

De tous qui étaient morts dans les dernières semaines. Katryne, Christine et mon oncle. C’était des funérailles en comité restreint. Il n’y aurait que mes amis, Burnett, Holiday, Hannah et moi. Enfin, certains professeurs de Shadow Falls avaient décidés de se joindre, ainsi que certains des pensionnaires vampires. Katryne n’avait pas beaucoup fraternisé avec eux, mais elle était quand même l’une des leurs. C’était ce que l’un d’eux m’avait dit. Chris, entre autre.

Je n’arrivais même pas à me réjouir que Katryne avait marqué, ne serait-ce qu’un peu, leur mémoire.

Tout ce que j’arrivais à voir et à songer, c’était aux trois urnes posées sur une table recouverte d’une nappe noire, table perdue au milieu des arbres. Trois urnes finement ouvragée, révélant des particularités des personnes dont les cendres se trouvaient à l’intérieur. Une pour Katryne, une pour mon oncle et une pour Christine. Ils avaient réussi à retrouver une partie des cendres qu’elle avait laissées derrière elle après l’explosion.

Des larmes se mirent à rouler sur mes joues alors que je m’approchais de la table, suivit de relativement près par mes amis, par ma meute. Ils en faisaient toujours partie, même si je leur avais proposé à eux aussi de les retirer. Comme je l’avais fait avec Burnett, Holiday, le docteur Whitman et les vampires de Shadow Falls, à l’exception de Della. Mes amis avaient tenu à rester dans ma meute, même Lucas.

Je sentie une main chaude se déposer sur mon épaule et je n’eus aucun mal à reconnaître le contact de la directrice. Mes doigts trituraient nerveusement le bas de ma robe noire. Celle-là même que j’avais mise pour les funérailles de mon père. J’aurais pu me soustraire à sa main, mais je n’en avais pas envie. Je n’avais pas envie de gaspiller mon énergie sur un geste aussi futile qu’un haussement d’épaules. Kylie ne tarda pas à s’approcher à son tour avec Miranda, toutes les deux pleuraient aussi. La caméléon se saisit de ma main alors que la petite sorcière me prit dans ses bras. Elle pleurait encore plus fortement que moi et je savais pourquoi. Christine. Katryne. Surtout Christine. Presque silencieusement, Della se joignit à nous et ses yeux étaient plus brillants que d’habitude et un unique sillon mouillé barrait sa joue droite. La vamp pressa son épaule contre la mienne. À ce moment, tandis que mes autres amis nous entouraient, Holiday prit la parole :

- Aujourd’hui, nous sommes venus pour rendre hommage à trois personnes exceptionnelles qui ont quittées ce monde beaucoup trop tôt. Ils ont tous les trois laissés un grand vide dans le cœur de ceux qui les ont connus et une ombre dans leurs pensées. Qu’ils soient de la famille, des amis ou de simples connaissances, ils ont su laissé leur marque parmi chacun d’entre nous. Si quiconque désire prononcer quelques mots, qu’ils le fassent maintenant.

Mes yeux ne purent s’empêcher de la regarder, Kylie et elle. Toutes deux avaient le regard braqué dans une direction toute autre que les urnes. Je me doutais de ce qu’elles voyaient. Un, deux ou trois fantômes? Je l’ignorais et je n’étais même pas certaine de vouloir connaître la réponse. Je préférais m’imaginer qu’ils étaient en paix. C’était la seule consolation qu’il me restait…

Comment parler d’eux alors qu’ils se trouvaient ici?

Ma gorge se nouait rien que d’y penser, mais c’était encore pire à l’idée de parler dans le vide et de perdre l’occasion de prononcer ces mots aux personnes qui devaient les entendre. Ça ne m’empêchait pas d’avoir la main gauche crispé sur les trois roses blanches qu’elle contenait. La droite, toujours aussi occupée à faire des faux plis à ma robe. J’avais la respiration coupée simplement à penser à prendre la parole…

Mais quelqu’un le fit à ma place.

- Je ne les ai pas très bien connu tous les trois… commença Ethan et je sentais l’émotion dans sa voix. Mais suffisamment pour savoir qu’ils étaient des gens bien et que malgré les erreurs qu’ils ont commises dans leur passé, ils ont su les réparer et s’excuser auprès de ceux qui ont subi leurs erreurs. Personne n’est parfait… mais ils étaient des gens qu’on pouvait admirer pour plus d’une raison. Katryne, Jean-François, Christine, j’espère que vous saurez trouver la paix, parce que vous la méritez, continua-t-il. Je… je suis désolé, conclut-il et la majorité des personnes présentes se doutaient de la raison de ces derniers mots.

Je tournai mon regard vers lui et me sentit terriblement mal de ce que je comptais faire dans quelques jours. Mais je ne pouvais pas faire autrement. Ses yeux croisèrent les miens et s’y arrimèrent. Il m’adressa un petit sourire où je pouvais lire sa culpabilité, ses excuses et ses regrets. Tout ce que je réussis à répondre, ce fut par une augmentation des larmes sur mes joues. Son visage s’affaissa et ça me donna l’impression d’un coup à l’estomac. Heureusement, on attira mon attention ailleurs.

Miranda me relâcha pour s’avancer vers les urnes, sa voix était complètement cassée lorsqu’elle souffla :

- Katryne, je suis vraiment désolée… J’aurais voulu que les choses se passent autrement. J’aimerais pouvoir revenir dans le passé et retirer tout ce que j’ai pu dire à ton propos. Tu as fait ce qui te semblait juste… J’aurais vraiment aimé que tu sois encore parmi nous, pour qu’on puisse apprendre à se connaître… toutes les deux. Christine…

Je reconnaissais les signes d’un souffle coupé, d’une absence de voix. Je n’étais sans doute pas la seule, car Perry s’empressa de la rejoindre et de la prendre dans ses bras. Alors elle continua :

- Christine, tu es tout ce que je voudrais être. Ce que j’aspire à devenir. Avec toi, j’ai appris plus que je n’aurais jamais pu penser. Pour la première fois, quand on s’est parlé au téléphone, j’ai songé que peut-être je pourrais devenir la sorcière que j’ai toujours voulu être. J’aurais voulu pouvoir te sauver… Tu ne méritais pas de mourir. Pas comme ça. Pas à cause de ça… Tu méritais tellement mieux… J’espère arriver à te ressembler. À atteindre ta maîtrise. Tu resteras mon modèle, Christine. Tu vas me manquer…

- Vous étiez tous les trois de bonnes personnes, affirma Perry juste après. Vous ne méritiez pas ça, mais reposez en paix maintenant.

Non, ils ne méritaient pas ça, songeai-je en sentant une nouvelle vague de larmes déferler sur moi. À la suite des propos de Perry, s’ajoutèrent des variantes de ces mêmes mots dans la bouche de Kylie, Lucas, Derek, Jenny, Burnett et quelques vampires. Chacun approuvait le fait qu’ils ne méritaient pas de mourir. Et je n’étais qu’on ne peut plus d’accord avec eux. Aucun d’eux n’aurait dû mourir. Aucun de mes amis n’aurait dû être atteint comme ils l’avaient été.

Rester ici, c’était dangereux pour la sécurité des personnes que j’aimais.

J’étais un danger pour eux.

Mes pensées furent détournées par le départ de Della pour les urnes. Elle s’approcha très près de la table et je vis distinctement une larme rouler sur sa joue gauche, cette fois. Sa voix n’avait pas la même intonation que d’habitude lorsqu’elle prit la parole, plus sombre, plus rocailleuse :

- Christine… Je te remercie pour toute l’aide que tu nous as apporté. Et la tienne aussi, Jean… Jean- Franch… Jean-Franchi… Jean… Jean-François. Peu importe. Votre aide nous as été précieuse et sans votre sacrifice, on ne serait peut-être pas là. En fait, non, on ne serait pas là. Parce que Maria n’aurait pas été aussi préparée. Et Katryne… Je… Je suis désolée. Désolée d’avoir été méchante. De t’avoir insultée et rabaissée. Tu ne le méritais pas. Tu étais forte et respectable. Une bonne vampire. Je regrette… je regrette que ça te soit arrivée. Mais grâce à toi, Maria est vivante et elle a réussi à tuer cette stupide Folle aux Fleurs. Vous ne méritiez pas de mourir, mais votre mort n’aura pas été en vain. Je vous le promets.

Ma gorge se noua de plus en plus au fur et à mesure des paroles de Della. C’était à moi, maintenant. Ou à Sarah. Mon regard se détacha de la vamp et des urnes pour s’accrocher à ma cousine. Elle se tenait immobile dans un coin. Seule. Sans personne. Je me délogeai rapidement de la poigne rassurante de Holiday pour m’approcher de l’un des derniers membres de ma famille vivant. Délicatement je lui pris la main et son manque de réaction me fit comprendre qu’elle était dans le même état que moi, trente secondes plus tôt. Je serrai un peu plus sa main dans la mienne et la forçai tranquillement à me suivre à l’avant. Et tandis que je déposais ma première rose blanche devant l’urne de mon oncle, j’entamai :

- Jean-François. Mon oncle. Frère de ma mère que je n’ai pas pu connaître… Tu es parti beaucoup trop tôt. Il y a tant de choses que j’ignore encore à ton propos, à propos de notre famille, de ta sœur, de ton frère… De ton père et de ta mère. Je n’oublierai jamais ce que tu as fait. Je n’oublierai jamais ton sacrifice. Je te suis redevable et je ne pourrai jamais payer ma dette correctement. Mais je te promets que je n’abandonnerai pas Sarah, même si elle ne veut pas. Parce que je sais que c’est ce que tu aurais voulu. Tu ne méritais pas de mourir, pas comme ça, pas pour ça… Je suis vraiment désolée…

En reniflant, je me tournai vers l’urne de Christine. Je sentais encore les larmes rouler sur mes joues, mais je m’efforçai de maîtriser ma voix lorsqu’en déposant ma deuxième fleur, je lançai :

- Christine, on se connaît depuis longtemps. On s’est perdu de vue pendant un long moment, mais je sais qu’à ta façon tu as toujours su veiller sur moi. Tu m’as caché plusieurs choses, des choses importantes, mais je comprends tes raisons et ce n’était pas toujours ton choix. Je te pardonne, même s’il n’y a plus rien à pardonner. Je… Je voulais juste… que tu le saches. Je sais déjà que je vais être perdue sans toi et je ne sais pas si je vais être la hauteur sans toi à mes côtés pour me montrer la voie ou m’apprendre une cérémonie que j’ignorais concernant ma famille. J’espère que tu seras fière de moi et si tu peux dire à mes parents que je les aime… Fais-le d’accord? J’espère que tu pourras en profiter là où tu iras. Ne reste pas pour moi. Je veux que tu trouves la paix, où qu’elle se trouve. Tu vas me manquer…

Je m’essuyai légèrement les joues de la main qui tenait la dernière rose. Mon cœur sembla peser une tonne lorsque je la déposai et soufflai d’une voix morte :

- Katryne… Toi et moi, c’est une longue histoire. Une histoire d’amitié, de trahison et de douleur. De mots brillants et cassés. De promesses tenues et brisées. Tu étais ma meilleure amie il y a de longues années et je regrette de ne pas avoir su que tu l’étais encore pendant toutes ces années où je te détestais. Tu n’avais pas le droit de me mentir, mais ça n’a plus d’importance maintenant. Tu es ma meilleure amie et rien ne changera ce fait. Tu as donné ta vie pour moi et tu n’aurais pas dû avoir à le faire. Je suis désolée de ne pas avoir été suffisamment forte pour t’éviter de faire ça. Tu ne méritais pas de mourir maintenant. Encore moins comme ça. Pas pour l’amie que j’ai été. Tu méritais mieux, beaucoup mieux. Mais je te remercie. Tu m’as sauvée la vie et je ne l’oublierai jamais. Va en paix, mon amie.

Je ne parvins pas à retenir les larmes plus longtemps et elles s’écoulèrent sur mes joues une nouvelle fois. Je m’apprêtais à reculer pour ne plus avoir à regarder les urnes et les roses blanches sur nappe noire qui parsemaient la table, sauf qu’une pression sur ma main m’empêcha de bouger. Je croisai le regard humide de Sarah, des larmes ruisselant sur ses joues. Sa pression s’affermit encore davantage et je sentis sa présence dans mon esprit. Des mots se glissèrent dans ma bouche, ses mots, ceux qu’elle désirait prononcer sans en être capable. J’ouvris la bouche et annonçai tandis qu’elle déposait ses propres roses :

- Sarah désire dire quelque chose… à travers ma bouche.

Le silence qui régnait déjà sembla s’approfondir et je me mis à réciter ses paroles :

- Katryne… Je ne te connaissais pas. Pas vraiment. Mais j’admirais ta force et ton courage. J’admire le sacrifice que tu as été prête à faire et je te suis reconnaissante, car sinon tout aurait été perdu. Pour moi. Pour… Maria. Pour tout le monde. En partie par ma faute. Je suis désolée pour tout ce que j’ai fait. Peut-être pas à toi personnellement, mais à tous ceux ici. Et tu en as subi les conséquences aussi… Alors je suis désolée, terriblement désolée.

Après quelques secondes, je repris :

- Papa… Tu n’aurais pas dû faire ça… Je ne méritais pas que tu te sacrifie pour moi! Après toutes les choses que j’ai faites, je n’étais pas digne que tu perdes la vie pour moi. Je t’ai dit des choses impardonnables, mais c’était pour éviter d’en arriver là. Tout ce que je voulais, c’était que tu restes sain et sauf. Comment je suis censée faire maintenant, sans toi? Mais je ne veux pas que tu t’inquiètes. Je veux que tu ailles en paix et que tu ne te fasses aucun souci pour moi. Je ne connais pas Maria autant que je le devrais, mais elle est ma cousine et je suis sûre qu’on veillera l’une sur l’autre. Comme tu le souhaiterais. J’aurais aimé connaître notre famille aussi, Papa. Mais je suppose qu’on trouvera les réponses ensembles, Maria et moi. Je t’aime, papa.

Conserver un timbre neutre pour les mots suivants était aussi douloureux que de se faire déchirer la trachée, mais je le fis. Je le fis, car Christine méritait d’entendre ces mots :

- Et toi… Christine. Plus que tout autre, je ne te connais pas, alors que ça aurait dû être le contraire. Tu aurais dû être ma meilleure amie, ma confidente, celle qui est toujours là pour moi. Tu devais être ma mère… Je ne sais pas pourquoi tu n’es jamais venue vers moi. Parce que tu aurais pu le faire, n’est-ce pas? Mais pourtant je suis désolée… Désolée de ne pas être la fille qui mérite la fierté de sa mère. Parce que de ce que j’ai cru comprendre, tu étais quelqu’un de formidable. Je ne sais pas si je saurai être aussi forte que toi. Je ne crois pas pouvoir arriver à te ressembler, même de près. Mais je vais essayer. Je te promets que je vais essayer! J’aurais tellement voulu te connaître. Les autres m’ont dit pour la cérémonie. Tu t’es sacrifiée pour moi, comme papa. Tu n’aurais pas dû mourir comme ça, c’est injuste. Ta présence que je ne soupçonnais pas va me manquer. L’absence de connaissance sur toi ne va jamais me quitter, mais j’essaierai de trouver les réponses. J’aurais aimé pouvoir t’appeler maman un jour… D’une fille à sa mère. De voir ton visage et d’essayer de repérer ce qui nous rassemble. Je vais le dire une fois, maintenant. Va en paix, maman.

Ma voix se brisa à la fin et les larmes redoublèrent d’intensité. Je n’étais pas friande de ce genre de contacts physiques en règle générale, mais je saisis Sarah entre mes bras et en passant par le biais de son esprit, je lui assurai que je serai là pour elle et que si elle était sérieuse à ce propos, j’étais d’accord pour que l’on veille l’une sur l’autre. Elle était ma cousine. Ensembles, nous étions les dernières descendantes de la famille Lechasseur. C’était notre devoir de se serrer les coudes.

- « Oui, j’étais sérieuse. » me souffla Sarah. « Merci, Maria. »

Je n’avais aucunement besoin d’un éclaircissement sur le pourquoi elle me remerciait. C’était tout simple. Elle me remerciait d’avoir été sa voix, de lui avoir permis de prononcer ces paroles à ses parents et à Katryne. Je la serrai une deuxième fois dans mes bras avant de la relâcher lorsque Holiday reprit la parole :

- Ils viennent de partir.

Quelques larmes supplémentaires glissèrent sur mes joues, avant de les essuyer. Je ne voulais plus pleurer. Pas maintenant. Je savais pertinemment que ça viendrait plus tard. Que tout ça reviendrait en force dans quelques minutes, mais pour le moment, je voulais m’accrocher au sentiment de sérénité qui m’enveloppait. Ils étaient partis en paix. J’aurais préféré qu’ils soient en vie, mais je me serais encore plus détesté s’ils étaient restés coincés ici.

Une douce musique se répandit autour de nous et je me laissai bercer par elle tout en aidant la directrice à ramasser. Avec la boîte se trouvant sous la table, j’y glissai les trois urnes en les enveloppant de papier journal. Et j’y ajoutai toutes les roses, venant de tout le monde et pour les trois, au-dessus de la boîte. L’odeur discrète et forte à la fois des fleurs me rendit aussi nostalgique et calme que nauséeuse et en colère.

Ma relation envers les fleurs avait changée à jamais.

Je n’avais jamais été une grande passionnée des fleurs, alors ce n’était pas un plus grand mal. Mon regard croisa celui de Holiday tandis que je m’éloignais, la boîte dans les bras, plus profondément dans les bois. La conversation que nous avions eue trois jours plus tôt dans son bureau me revint en mémoire. Je lui avais révélé ma décision de quitter Shadow Falls. Pour de bon cette fois. Je ne finirais pas ma scolarité ici ni ne reviendrait pour de longs séjours. De courtes visites, peut-être. Mais je ne reviendrais pas avant plusieurs mois.

Moins qu’un an, sans aucun doute.

Je l’espérais de tout mon être, car Shadow Falls resterait une partie de mon chez moi et quitter cet endroit me semblait aussi agréable qu’un arrachage de dents. Sans prêter attention à la tristesse dans les yeux de la fée, je fis signe à mes amis de me suivre. La conversation ne risquait pas d’être plaisante. Je m’en doutais, mais je leur devais bien ça, de leur en parler avant qu’ils ne soient mis devant les faits accomplis.

Quand on arriva à l’un de nos endroits de prédilection pour s’entraîner, je déposai la boîte par terre. Sarah s’éloigna en silence plusieurs mètres plus loin en compagnie de Kelsea et d’Autumn. Toutes deux avaient été incroyablement silencieuses pendant la dernière semaine. Je me doutais pourquoi : trop de mauvais souvenirs les concernaient toutes les deux.

- Il faut qu’on parle, annonçai-je en ayant le dos tourné à eux tous.

- Ça, vois-tu, on s’en doutait, affirma Perry sur un ton amusé, mais teinté d’une émotion plus sombre contrairement à d’habitude.

Je pris une grande inspiration avant de soupirer très lentement. Ils allaient vraiment le prendre mal. Je le sentais jusque dans mes os. Mais ils n’auraient pas le choix de l’accepter et de se faire à cette idée, car je ne changerais pas ma décision. Je ne pouvais pas rester. Trop d’incertitudes, trop de risques. Je ne pouvais pas me permettre que se reproduise n’importe lequel des évènements qui avaient marqué Shadow Falls depuis mon arrivée ici. Quand j’avais pris ce taxi à l’époque… j’ignorais à quel point cet endroit allait me changer.

- Tu vas partir, n’est-ce pas? Souffla Della et je n’aurais jamais cru entendre la douleur qui apparaissait dans sa voix à l’instant.

Toutes les têtes se tournèrent vers elle, avant de revenir vers moi lorsque je confirmai, toujours dos à eux :

- Oui.

- QUOI?! s’exclamèrent-ils tous en même temps.

Sauf deux d’entre eux. Della et Ethan. Eux, n’étaient pas surpris. Je me tournai pour faire face à tout le monde et malgré toute ma volonté je sentis les larmes me monter aux yeux. Je lisais la colère, la déception, l’incompréhension… l’horreur, la détresse et la trahison. Je le voyais sur tous les visages sauf sur celui de la vamp et de celui qui était l’une des raisons de mon départ. Mais pas la principale.

- Tu pars à cause de moi, pas vrai? Lâcha Ethan et la douleur dans sa voix m’était insupportable.

- Non, protestai-je en m’approchant de lui.

- Ne mens pas, s’il-te-plaît… C’est l’une des raisons. Je te connais.

Cette affirmation me fit mal, tellement mal. Les larmes remplirent encore plus mes yeux jusqu’à ce qu’elles débordent et roulent sur mes joues. Je m’approchai encore plus de lui jusqu’à pouvoir prendre ses mains dans les miennes. Mais c’était à la fois trop et loin d’être suffisant. Je voulais sentir ses bras autour de moi, ses lèvres sur les miennes, son corps contre le mien. Je voulais blottir mon visage dans son cou et inspirer son odeur pour qu’elle ne me quitte plus jamais. J’avais autant besoin d’être avec lui que d’être sans lui.

Je n’en pouvais plus du déchirement.

Je devais partir. Partir pour faire le ménage, pour me délivrer de la douleur qui m’assaillait chaque fois que je posais mon regard sur lui. Tout faire pour oublier toutes les choses entendues et subites sous le règne de l’autre qui avait possédé son corps et son esprit. Mais son âme était intacte. Je le savais, je le sentais. Je ne le perdrais jamais, plus jamais. Mais il fallait que je m’en aille, que je m’éloigne. Pour clarifier les choses.

Pour me sentir mieux.

- Ethan…

Ma voix n’était presque pas compréhensible dans mes sanglots.

- Je dois partir. Tu sais pourquoi, continuai-je en m’efforçant d’être intelligible. Tu sais pourquoi je dois partir, sans toi. J’ai besoin d’espace. De temps.

- De temps loin de moi, précisa-t-il et ça n’aurait pas fait moins mal s’il m’avait transpercé le cœur avec une épée.

- Ne dis pas ça. Pas comme ça.

- Je suis désolé, souffla-t-il et son index m’effleura la joue.

Je me contentai de hocher de la tête. Je savais qu’il était désolé, pour les mots prononcés maintenant et ceux remontant à déjà plusieurs semaines. Mais le pardon était peut-être déjà accordé dans mon âme et mon esprit, mais mon cœur était lent à oublier. À comprendre. Je libérai lentement ses mains et la même brûlure qui me traversa se refléta dans son regard.

Ça nous faisait mal à tous les deux.

- Alors tu pars à cause de lui? gronda Lucas en me dardant un regard empli de colère.

J’y lisais aussi la sensation de rejet, la douleur. C’était trop pour moi et je me détournai une seconde d’eux tous pour remettre mes idées en place et respirer. Mes poumons semblaient avoir oublié comment fonctionner et l’absence d’oxygène les brûlait. Dès que je retrouvai un semblant de normalité pulmonaire, je me retournai vers mes amis et affrontai leur regard.

- Je ne pars pas seulement pour ça. Et vous le savez tous très bien, grommelai-je.

- Quand? S’enquit Della.

- Pourquoi? ajouta Miranda.

- Où? Renchérit Kylie.

J’étais presque certaine qu’ils se doutaient tous de la réponse à chacune de ces questions. J’inspirai longuement avant de me lancer :

- Dans trois jours…

- QUOI?! s’exclamèrent-ils à nouveau.

- Je retourne chez moi, au Québec. C’est plus prudent, plus sécuritaire. Je ne veux pas que quiconque me suive cette fois. Je ne reviendrai plus jamais pour une aussi longue période. Ici, c’est chez vous. Pas chez moi. (Bon sang que ces paroles faisaient mal!) Je ne supporterai pas que quoi que ce soit vous arrive. Et les ennuis ne cesseront jamais de me trouver. Ça fait déjà trop longtemps que mon chez moi est à la merci de toutes sortent de créatures d’un folklore unique en son genre. Je dois y retourner.

Je me détournai le visage de quelques centimètres en fermant les yeux. Je ne pouvais pas affronter leurs regards tout de suite. Le peu que j’avais vu me donnait envie de revenir sur ma décision. Sauf que je ne pouvais pas et ne le ferait pas. Je repris en les regardant à nouveau, les larmes dévalant encore plus mes joues.

- Vous êtes les meilleurs amis que je n’aurais jamais pu avoir, vous savez? Chacun d’entre vous m’avez appris une chose unique et ça fera partie de moi à tout jamais, j'en suis certaine. Vous m’avez permis de devenir quelqu’un de meilleur et ça je ne vous le revaudrai jamais assez. Mais je peux déjà commencer en vous permettant de rester en vie, loin de mes problèmes. Je ne vous oublierai jamais, je vous en fais la promesse.

- J’espère bien que tu ne nous oublieras pas, Maria! Parce qu’aux dernières nouvelles, tu es toujours ma cousine! S’écria Lucas.

- Et notre amie, grommela Jenny.

- Je n’arrive pas à croire que tu veuilles vraiment nous quitter, murmura Miranda.

- J’ai l’intention de revenir vous voir! Protestai-je.

- J’y compte bien! grinça Della. Parce que si tu ne te pointes pas le bout du nez ici, c’est moi qui vais venir te chercher et te ramener par la peau du cou!

- Je ne reviendrai pas définitivement, précisai-je.

- Ça, je m’en doute! Cracha la vamp en levant les yeux au ciel.

Le silence s’installa lentement entre nous alors que chacun d’entre eux semblait assimiler ce que je venais de leur révéler. Les raisons de mon départ, le quand… le fait qu’il ne nous restait que trois jours à passer en compagnie les uns des autres. Ça me déchirait de l’intérieur rien que d’y penser, mais c’était la meilleure solution. Celle qui m’assurait qu’ils resteraient tous en vie. Enfin, qu’ils seraient tous en sécurité loin de mes problèmes à moi. Je me doutais que les problèmes les trouveraient quand même, d’une manière ou d’une autre. Ils semblaient tous avoir un certain don là-dedans…

- Qu’est-ce que tu vas faire, une fois là-bas? Me questionna Kylie d’une voix calme, mais j’y sentais la tristesse et une légère rancune.

- Reprendre les cours chez moi, faire un peu de rattrapage. Régler… Régler les histoires d’héritages de mon père.

J’avais à nouveau envie d’éclater en sanglot, maintenant. Magnifique. Et même pas pour la raison qui m’avait poussé à pleurer pas même quelques secondes plus tôt. Je m’obligeai rapidement à sécher toutes traces de larme et à les éradiquer, mais c’était plus facile à dire qu’à faire.

- Tu vas nous manquer, Maria, souffla d’une toute petite voix la petite sorcière.

- Et vous allez me manquer, renchéris-je.

- Ah, mais on sera toujours dans ta meute, hein! ajouta-t-elle, pleine d’espoir.

- Euh… non, justement.

- Pourquoi? s’étonna Derek.

- Parce que c’est dangereux, répondit Della à ma place en levant à nouveau les yeux au ciel.

- Ça fait de vous une cible. La seule personne qui restera dans ma meute et qui sera ici, c’est Ethan. Car je n’ai pas le choix.

L’intéressé regarda immédiatement ailleurs tandis que tous les regards convergeaient vers lui. Je passai l’heure suivante à m’expliquer auprès d’eux pour qu’ils comprennent la justesse de mes actions. Sauf qu’au fil de mes paroles, je compris qu’ils ne seraient jamais tout à fait d’accord. Lorsque, tard le soir, on se sépara pour aller dormir dans nos bungalows respectifs, je me doutais qu’ils n’acceptaient toujours pas l’idée, mon départ et les retirer de la meute. Sauf qu’ils ne feraient rien pour m’en empêcher.

Nous avions convenu d’une chose.

Je ne les retirerais que lorsque nous serions hors de la limite de communication. Comme ça, ils pourraient tous me dire ce qu’ils voulaient jusqu’à la dernière seconde, jusqu’à ce que je sois encore plus loin que leur regard pouvait se rendre, à la limite même de notre connexion mentale. J’avais accepté. De toute manière, il ne pouvait pas vraiment y faire quoi que ce soit. C’était moi qui avais le pouvoir final pour retirer des gens de ma meute.

En me couchant dans mon lit, j’étais toujours aussi convaincue. C’était la meilleure décision à prendre. La seule qui me permettait d’entreprendre la route vers ma destinée, celle qui m’était tracée depuis que j’avais ramassé la pierre de la Chimère. C’était mon devoir et maintenant j’acceptais de le prendre en main, à défaut de pouvoir dire que j’étais prête. J’avais promis que je reverrais mes amis dans quelques mois, lorsque les cours auxquels nous avaient inscrits Holiday, pour Sarah et moi, seraient terminés. Bien des choses pouvaient arriver d’ici là, mais j’avais bien l’intention de tenir ma promesse.

De toute manière, je n’étais que peu tentée par la perspective de voir débarquer Della pour me ramener par la peau du cou.

Nan, vraiment pas.

Hey! Alors qu'est-ce que vous pensez du chapitre? Est-ce qu'il y a des choses que vous avez trouvé choquantes? C'est la manière de mourir de Christine et Jean-François que je n'avais pas prémédité... surtout celle de JF. Ça c'est un peu écrit tout seul... Bref, avez-vous aimé comment ça se terminait? Est-ce qu'il y a des questions auxquelles vous aimeriez avoir des réponses?

Je peux déjà dire que les bonus se passeront après les deux derniers tomes de la trilogie de Della et du tome concernant Miranda. J'ai l'intention de tout lire pour me mettre dans l'ambiance :)

Si vous avez des idées que vous voudriez que j'explore dans les bonus, dites-le moi et je verrai si je peux le faire! Je tiens à préciser que ça risque de prendre un moment avant que je me lance dans les bonus, mais bref... N'hésitez pas à aller voir mes autres fanfics, celle sur Harry Potter ou sur le Labyrinthe ;) Sur ce...

À, j'espère, bientôt! :D

P.S: Veuillez me pardonner si j'ai faite quelques fautes d'orthographes ou autres...

P.P.S: Au fait, voici l'image du Chien des Enfers. Précision, l'oeuvre ne m'appartient pas.

Image


Un devoir
Un nouveau départ

Re: Nouveau départ [Nés à Minuit]

Publié : mar. 07 juil., 2020 12:25 am
par Mimie99
DarkPhoenix a écrit :Je suis tellement heureuse que tu ais retrouvé l'inspiration pour écrire cette fanfic que j'aime beaucoup. Crois-moi, je l'étais aussi! :lol:
Tu t'inquiétais de savoir si le changement d'écriture nous dérangeait, mais personnellement, j'aime beaucoup :D Tant mieux alors, ça rassure :?
J'avoue que quand Aiden est apparus dans l'histoire j'ai un peu beugué pour me rappeler qui s'était :? Ça ne m'étonne pas, il apparaît tellement brièvement dans le début xD
Mais bref, j'ai hâte d'avoir la suite J'espère qu'elle ne te décevra pas ;)

Re: Nouveau départ [Nés à Minuit]

Publié : mar. 07 juil., 2020 12:33 am
par Mimie99
QUESTION


J'ai simplement oublié de préciser que si vous vouliez être prévenu pour lorsque je publierai un bonus, de me le dire ici. Comme ça, je n'enverrai pas des annonces à des personnes qui ne me suivent plus :lol: Sinon, vous pouvez aussi me retrouver sur Wattpad, si vous voulez ;) Sous le pseudo de Mimie0499 8-) C'est bon maintenant, j'y vais pour de vrai :lol: