Les âmes croisées - La suite !

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Thynie

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Les âmes croisées - La suite !

Message par Thynie »

Déjà douze ans ont passé et pourtant je pleure toujours ce drame.

D'une vie prise trop tôt et des dizaines d'autres qu'elle a écourtées.

Car si Ellana, Jilano, Chiam, Nawel, Sayanel, Salim, Maximilien... me guident encore à chacun de mes pas, ils n'auront pas eu la chance de voir la fin de leur Histoire.

J'ai longuement hésité, mais mettre un point final à ces histoires qui m'ont tant apporté me tient trop à coeur.

Je vous partage donc ma suite des Âmes Croisées, pour laquelle j'ai essayé de m'inspirer au mieux des détails disséminés dans les autres livres. Une suite imparfaite, parfois bancale et forcément différente de celle qui aurait dû être, mais une suite écrite avec le coeur.

Merci Pierre Bottero de m'avoir tant apporté. J'espère te rendre hommage.

PS : Ce que je vous propose sera peut être amené à évoluer, mais j'aime beaucoup avoir des retours au fur et à mesure que j'écris. Si quelqu'un souhaite avoir les chapitres en avant première pour m'aider à les peaufiner, ce sera avec grand plaisir !

Bonne lecture :)

Sommaire :

Chapitre 1
Chapitre 2
Chapitre 3
Chapitre 4
Chapitre 4 partie 2

(fanfiction / âmes croisées / suite / pierre bottero / ewilan / ellana / marchombres )
Dernière modification par Thynie le dim. 22 mai, 2022 5:29 pm, modifié 5 fois.
Thynie

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Re: Les âmes croisées - La suite !

Message par Thynie »

CHAPITRE 1



Un effrayant rugissement s’éleva non loin. Destan Til’Illan-Caldin pivota en une fraction de seconde, protégeant de son corps et de son sabre la petite fille aux immenses yeux violets qui se tenait à sa droite. De l’autre côté, Elio, un garçon d’une dizaine d’années, feula, les contours de son corps se troublèrent et un jaguar apparut à sa place.

La tension était à son comble, et pourtant Eryn, la petite fille, s’assit dans l’herbe pour cueillir une fleur.

Les deux garçons ne la regardèrent pas, intensément concentrés sur le monstre qu’ils sentaient se rapprocher. Maintenant mortellement silencieux.

Les secondes s’écoulèrent, lourdes comme du métal en fusion.

Puis un énorme animal déchira les broussailles et sauta sur Destan. L’adolescent eut tout juste le temps de se jeter sur le côté afin de ne pas être écrasé. Il se releva dans un roulé-boulé parfaitement maîtrisé et abattit son sabre sur la nuque de ce qui semblait être un énorme chien rouge à crête.

– Groën, susurra Youssoura dans la tête d’Elio.
– C’est bon, je commence à les connaître, pensa-t-il.

Le sabre de Destan fouetta l’air et Elio, rassuré par cette attaque franche et imparable, baissa sa garde. Que pouvait faire un pauvre Groën face au fabuleux Til’Illan, fils des deux personnes les plus impressionnantes qu’il n’ait jamais rencontrées ? Pourtant le chien, poussé par un sixième sens, évita l’arme et se jeta sur le jaguar. Elio sentit ses côtes se briser sous l’impact et une douleur terrible l’envahit. Il poussa un jappement terrifié. Il allait mourir là, sous les crocs impressionnants du Groën !

La bouche ouverte du monstre, prête à le dévorer, exerçait un pouvoir d’hypnose puissant, et il dût réunir toute sa volonté pour détourner les yeux et regarder une dernière fois Eryn. Elle avait levé les yeux de sa fleur, et assise dans l’herbe, elle regardait le combat avec intérêt. Elle portait la même robe vert pâle, si peu adaptée à leur périple dans la jungle, que le jour où il avait rencontré son monde, ses parents, sa vie. Elio laissa ce souvenir remonter doucement à sa mémoire.

*

– Bienvenue chez nous.

La petite voix d’Eryn et sa main délicate vinrent caresser la joue d’Elio. Sublimèrent l’instant d’éternité qu’il partageait avec ses parents. La vision de l’Arche aux mille facettes de lumière, éblouissante, les avaient plongés dans un émoi insondable. C’est Eryn qui, en glissant sa main dans celle d’Elio, leur avaient intimé de continuer leur voyage. Sans elle, ils seraient sûrement restés encore plusieurs heures devant cette merveille.

La petite fille, guidée par son intuition, avait ensuite réalisé directement son pas sur le côté dans l’appartement de ses parents. Elle voulait laisser Elio et sa famille digérer la beauté de l’Arche avant de leur faire découvrir celle d’Al-Jeit, plus imposante encore.
Le jeune garçon détailla avec curiosité la pièce dans laquelle il se trouvait. Natan et Shaé, ses parents, firent de même, avec plus de discrétion.

Ils s’étaient matérialisés dans une pièce ronde, ornée d’une coupole splendide à travers laquelle on distinguait les étoiles. Une fontaine habillait le centre de la pièce, tandis que plusieurs portes s’espaçaient à intervalles réguliers le long du mur. L’ensemble baignait dans une douce lumière bleutée qui conférait à l’espace une impression de paisible tranquillité.

Une porte à leur droite s’ouvrit et une femme et un homme dans la trentaine entrèrent main dans la main.

Une femme blonde, aux étranges yeux violets si familiers. Un homme à la peau noire et à la musculature fine.

Ewilan et Salim.

Les parents d’Eryn.

Elio sentit son ventre se nouer. Si Eryn était impressionnante par sa sagesse candide, ses parents dégageaient une puissante aura de tranquille assurance. Elio sentait que ce qui allait se dérouler dans les prochaines heures, dans les prochaines minutes, marquerait un tournant important.

– Mamaaaaaaaan !

Ewilan lâcha la main de Salim et se baissa pour accueillir sa fille dans ses bras. Elle la cala sur sa hanche, caressa ses boucles floues, et sourit en lui demandant :

– Tu nous présentes tes amis, ma chérie ?

Eryn tendit son petit doigt vers le jeune garçon à la tignasse brune et aux yeux verts.

– Là c’est Elio, c’est lui qui a vaincu le grand méchant en le jetant dans l’herbe. Et l’herbe l’a mangé ! L’herbe doit avoir très faim, tu sais, parce que le grand méchant il n’avait pas l’air très bon. Elio aussi, un jour il avait très faim, alors je lui ai dessiné un sandwich, et…

Eryn s’interrompit. Salim avait posé doucement la main sur sa tête. Elle le fixa un instant, puis contre toute attente lui lança un clin d’œil. Il retira sa main et elle continua.

– Le monsieur, il s’appelle Natan, c’est le papa d’Elio et il était dans une cage toute cracra mais j’ai enlevé ses barreaux et il a pu sortir pour retrouver Elio. Et la madame, c’est, euuuuh…

Ewilan et Salim, médusés, observèrent leur fille perdre contenance pour la première fois devant quelqu’un.

– C’est la maman d’Elio, finit-elle d’une petite voix.

Ewilan serra un peu plus sa fille contre elle avant d’avancer d’un pas assuré.

– Shaé, Natan, Elio, bienvenue chez nous. Je suis Ewilan Gil’Sayan et voici mon compagnon, Salim Condo. Nos destins sont restés parallèles pendant longtemps et je suis sûre que nous avons beaucoup à apprendre les uns des autres.
– Ne vous en faîtes pas, Ewilan parle comme si elle avait cent ans mais elle n’en a que trente-quatre ! Ravi de faire votre connaissance !

Natan sourit. Shaé nota que si Ewilan avait feint avoir besoin d’une présentation, elle connaissait en fait bien plus de choses sur elle et Natan qu’elle ne voulait le faire croire. Simple mise en valeur de sa fille ou avertissement caché ? Elle ne pouvait le déterminer.

Natan s’avança et serra la main d’Ewilan, Shaé faisant de même avec Salim, avec bien plus de réticence. Les quatre se jaugèrent un moment, chacun découvrant avec surprise un reflet de lui-même dans celui d’en face.

Après les conversations d’usage, ils se réunirent autour d’une table dressée au bord de la fontaine. Un homme leur apporta des crevettes marinées, du pâté de termites épicé, du pain aux racines de naam et une salade de fruits en dessert. Elio voyait ses parents mal à l’aise face à cette richesse manifeste. Habitués à la vie simple de Ouirzat, ils ne se sentaient pas à leur place ici. De son côté, Elio trouvait que c’était l’endroit idéal pour profiter au maximum du début de ses vacances, même si la nourriture était plus qu’étrange. Il discutait à bâtons rompus avec Eryn pendant qu’Ewilan et Salim narraient dans les grandes lignes les aventures qui leur étaient arrivées, quinze ans plus tôt.

Ewilan possédait un don étonnant, qu’elle avait transmis à sa fille. Elle pouvait dessiner, c’est-à-dire faire basculer ce qu’elle imaginait dans la réalité en se déplaçant mentalement dans une dimension parallèle, l’Imagination. Natan et Shaé, fascinés par ce pouvoir, lui demandèrent de dessiner quelque chose.

– L’Arche que vous avez vue plus tôt, ainsi que la ville où nous nous trouvons à présent, ont entièrement été construits par les dessinateurs il y a mille cinq cents ans. Les possibilités de notre art sont infinies, mais j’évite de l’utiliser sans raison afin de ne pas déformer la réalité. Je vais néanmoins faire une exception aujourd’hui pour vous.

Ewilan se concentra un instant. Elle cherchait un dessin qui les émerveillerait sans les effrayer. Elle navigua entre des spires bien connues, faites de fleurs, de flammes, de bijoux, d’armes, revint sur un bateau miniature, hésita, puis continua un peu plus loin, et sourit enfin.

Au milieu de la table, une magnifique maison miniature d’une vingtaine de centimètres de haut, bariolée de couleurs vives, d’encorbellements et de gargouilles à n’en plus finir, présentait aux convives ses multiples portes. Quelques-unes s’ouvrirent et se fermèrent rapidement, comme si la maison battait des cils.

La bouche de Natan s’ouvrit alors que Shaé fronçait les sourcils. Le pouvoir de la dessinatrice était bien trop puissant à son goût. Elle percevait le danger qu’Ewilan représentait si jamais elle commençait à les considérer comme des ennemis.

Voyant que son dessin n’avait pas eu l’effet escompté, Ewilan le fit vite disparaître.

– L’art du Dessin est puissant, et il a été indispensable lors de nos luttes contre des êtres mal intentionnés.
Elle marqua une pause, et regarda Shaé.
– Uniquement contre des êtres mal intentionnés.

Shaé hocha la tête.

– Il y a environ quinze ans, une dessinatrice malfaisante, Eléa Ril’Morienval, s’est alliée à un culte existant sur l’autre continent pour invoquer dans notre monde leur dieu, Ahmour. Ils l’ont invoqué en le faisant traverser l’Imagination.
– Je croyais que l’Imagination était une dimension qui n’était accessible que par l’esprit ?
– C’est le cas. Mais certains êtres surnaturels peuvent y entrer physiquement. Ahmour l’a donc utilisé comme un tunnel entre son monde et le nôtre.
– Cela veut-il dire que d’autres créatures pourraient faire de même ?
– Ce n’est jamais arrivé… pour le moment.

Il y eut un long silence.

– Comment avez-vous survécu ?

Salim répondit.

– Grâce à beaucoup de chance, camarade ! Ahmour était attiré par le pendentif qu’un des prêtres possédait. Avec l’aide du Dragon, Ellundril, l’une des nôtres, a plongé avec le pendentif dans le cœur d’Ahmour… Il s’est alors replié sur lui-même, et a disparu. Avec Ellundril.
– Sacré sacrifice, commenta Natan.

Ewilan baissa la tête un instant.

– Après toutes ces péripéties, nous avions besoin de repos. Au cours de nos aventures, nous avions rencontré les Haïnouks, un peuple vivant sur des bateaux à roues et naviguant à travers la grande plaine séparant les cités de l’autre continent. Nous sommes alors restés plusieurs mois avec eux, et nous allions repartir lorsque le maître à bord nous a proposé de nous rendre avec eux dans une prairie qu’aucun homme n’avait encore foulé. C’était tentant, et nous les avons accompagnés… Bien heureusement, car lorsque nous avons roulé sur cette herbe… elle a commencé à dévorer le bateau.

Shaé et Natan se regardèrent, étonnés.

– La Pratum Vorax…
– Ouais, on a fait la même tête quand Eryn nous a parlé de votre Maison dans l’Ailleurs et de la prairie qui l’entoure, rigola Salim.
– J’ai vu des bateaux rouler sur cette herbe, à l’époque. Les Haïnouks ont-ils donc trouvé, comme Elio, que l’astuce était d’utiliser de l’eau ?

Ewilan fit un fin sourire.

– Cela ne m’étonnerait pas.

Puis ce fut au tour de Natan et Shaé de raconter leurs aventures.

– Il y a des milliers d’années de cela, commença Natan, au sein de la société Sumérienne, sept Familles ont vu le jour. Elles se sont progressivement distinguées des autres grâces à leurs compétences exceptionnelles. Les Cogistes présentaient des aptitudes physiques et une intelligence hors norme. Les Scholiastes pouvaient par mimétisme intégrer et reproduire n’importe quels gestes ou comportements. Les Guérisseurs possédaient le don de se soigner ou de soigner les autres de blessures mortelles, les Mnésiques bénéficiaient d’une mémoire ancestrale qui leur offraient une incroyable source de savoir. Les Métamorphes pouvaient se transformer en animaux. Les…
– En animaux ? coupa Salim.

Shaé répondit.

– Oui. Je peux me transformer en panthère.

Ewilan et Salim échangèrent un long regard teinté d’excitation.

Quinze ans plus tôt, Salim aurait assailli de questions Shaé, Ewilan l’aurait fait taire d’un regard acéré et aurait pris en main la conversation.

Quinze ans plus tôt.

Ewilan et Salim avaient muri. La conversation appartenait à Salim et Ewilan n’interviendrait pas. Il prit la parole.

– Peux-tu te transformer à volonté ?

Le tutoiement était venu naturellement.

– Oui. Mais je préfère éviter. Je cours toujours le risque devenir entièrement panthère, et de ne plus jamais retrouver ma forme humaine.

Salim la regarda longtemps, sans rien dire. Quelque chose de nouveau vibrait en lui. Il n’était plus différent par son étrange pouvoir, mais faisait partie d’un groupe. D’une Famille.

Shaé soutint son regard sans parler. Elle attendait, analysait ce qu’elle voyait dans les yeux de Salim. Elle finit par y voir de la joie, juste avant qu’il éclate de rire et embrasse Ewilan.

– J’ai trouvé ma Famille, Ewilan !

Il pensa à l’adolescent qu’il avait été, le jeune garçon abandonné par ses parents, le rigolo sans attache, l’apprenti marchombre qui se transformait en loup sans jamais comprendre ni pourquoi ni comment.

Il pensa à l’homme qu’il était maintenant, le compagnon de la femme qu’il aimait, le père de la plus attachante des petites filles, le marchombre aux amis exceptionnels.

Et maintenant, le membre d’une Famille.

Une chaleur bienfaisante pulsait en lui. Il la laissa l’envahir en même temps que le mot.

Famille.

Un maître-mot qui l’avait déjà frappé lorsqu’il s’était installé avec Ewilan, puis lorsqu’Eryn était née. Un maître-mot qu’il retrouvait avec autant de plaisir que les fois précédentes.

– Un loup. Je me transforme en loup. Et je m’y suis perdu quelques fois, moi aussi. Avec Ewilan, nous avons tenté de trouver des réponses au Cameroun, mais leur don semblait tellement éteint par rapport à ce que je ressentais… Ils mourraient, tout doucement. Je m’étais résigné à ne jamais comprendre… et vous voilà !

Shaé hocha la tête, ne sachant comment réagir face à la joie évidente de Salim. De nature réservée et solitaire, elle ne pouvait l’accueillir et prononcer les mots dont il avait besoin.

Elio avait observé la scène avec attention. Il sentit la détresse de sa mère et se leva de sa chaise. Il fit le tour de la table et se posta à côté de Salim. Il lui tendit la main, confiant.

– Bienvenue dans la Famille, Salim. Tu as maintenant la pièce qu’il t’a toujours manqué.

***

Un flot de sang faillit noyer Elio.

La masse du chien s’abattit à côté de lui. Elio toussa, cracha, mais tenta pourtant de contenir ses spasmes. Chaque mouvement faisait pulser une douleur vive émanant de ses côtes cassées. Après quelques secondes, il reprit le contrôle de son corps.
Destan finissait de nettoyer son sabre sur le pelage du chien qu’il venait de tuer. Il se posta à côté d’Elio et lui tendit la main.

– Je vais rester allongé là quelques minutes encore, si tu veux bien.

Destan fit non de la tête d’un air sombre. Il saisit Elio par le bras et le releva comme s’il ne pesait rien. Elio gémit de douleur.

– Nous ne pouvons pas rester là. Le sang va attirer les prédateurs. Tes blessures sont entièrement ta faute et tu les subiras jusqu’à ce qu’elles guérissent. Cela te servira de leçon. Un combat n’est gagné que lorsque le dernier ennemi est mort, n’oublie jamais ça. Tu as fait preuve d’un grave abus de confiance aujourd’hui, qui aurait pu te coûter la vie ou celle d’Eryn. Ne trébuche plus.

Elio serra les dents. Il était partagé entre la honte et la colère. Il avait beau n’avoir que onze ans, il détestait qu’on lui parle ainsi, comme à un gamin. Il avait déjà vécu plus de choses que la plupart des adultes ! Mais Elio ne répondit rien. Il se trouvait face à Destan…

Il emboîta alors le pas au jeune homme en tentant de maîtriser sa douleur. Grâce à ses capacités de Guérisseur, ses côtes seraient bientôt ressoudées même si elles lui faisaient un mal de chien en attendant. Eryn vint glisser sa petite main dans la sienne.

– Tu crois que les Groëns ont été beaucoup tapés quand ils étaient petits pour être si méchants ?
– Désolé pour tout à l’heure, tu aurais pu être blessée à cause de moi.
– Et les fleurs, est-ce qu’elles sont jolies parce qu’on est gentils avec elles ?
– Je ne sais pas. Il y a sûrement des êtres qui deviennent des monstres peu importe comment on se comporte avec eux.
– Je suis très bien capable de me défendre toute seule, tu sais. Un gros bloc de pierre, plouf ! Sur la tête du chien. Mais tu le sais, tu t’en veux surtout d’avoir déçu Destan.
– Je n’ai pas déçu Destan.
– Tes parents ont été gentils avec toi et maintenant tu es gentil donc quand on est gentil avec quelqu’un il devient gentil.
– Ce n’est pas une conclusion logique, Eryn, il manque des bouts à ton raisonnement.
– Tu peux te mentir à toi-même, ça ne me dérange pas. Et quels bouts ?
– Si je trouve quelqu’un avec qui tout le monde a été gentil, mais qui est quand même méchant, je prouve que ton affirmation est fausse. Donc telle que tu l’as dite, tu ne peux pas la prouver.

Eryn se tut un instant avant d’embrayer sur un autre sujet.

Destan les écoutait d’une oreille. L’autre était concentrée sur les bruits environnants. Il espérait ne pas rencontrer une autre créature maléfique de sitôt, mais il devait se préparer à cette éventualité. Il suivait le sentier tracé par des animaux, cherchant d’autres blocs rocheux.
Cherchant d’autres Portes.
Dernière modification par Thynie le ven. 27 août, 2021 7:33 pm, modifié 5 fois.
Nirvana2-0

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Re: Les âmes croisées - La suite !

Message par Nirvana2-0 »

Thynie a écrit : mer. 23 juin, 2021 7:11 pm Déjà douze ans ont passé et pourtant je pleure toujours ce drame.

D'une vie prise trop tôt et des dizaines d'autres qu'elle a écourtées.

Car si Ellana, Jilano, Chiam, Nawel, Sayanel, Salim, Maximilien... me guident encore à chacun de mes pas, ils n'auront pas eu la chance de voir la fin de leur Histoire.

J'ai longuement hésité, mais mettre un point final à ces histoires qui m'ont tant apporté me tient trop à coeur.

Je vous partage donc ma suite des Âmes Croisées, pour laquelle j'ai essayé de m'inspirer au mieux des détails disséminés dans les autres livres. Une suite imparfaite, parfois bancale et forcément différente de celle qui aurait dû être, mais une suite écrite avec le coeur.

Merci Pierre Bottero de m'avoir tant apporté. J'espère te rendre hommage.

PS : Ce que je vous propose sera peut être amené à évoluer, mais j'aime beaucoup avoir des retours au fur et à mesure que j'écris. Si quelqu'un souhaite avoir les chapitres en avant première pour m'aider à les peaufiner, ce sera avec grand plaisir !

Bonne lecture :)

(fanfiction / âmes croisées / suite / pierre bottero / ewilan / ellana / marchombres )
Superbe ! :D Je ne pensais pas avoir la chance de lire la suite mais tu m'as tout de suite replonger dans l'histoire. Je pense que tous les fans de Pierre Bottero ont vu la fin d'un univers quand il nous a quitté. Ce magnifique auteur nous a laissé avec ces mondes et ces histoires sans fin... Je suis de tout coeur avec toi !
Noelle2-0

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Re: Les âmes croisées - La suite !

Message par Noelle2-0 »

Hello!

Je suis ravie de voir débarquer un projet comme le tien! Normalement, avant d'écrire un message sur booknode, j'attends de voir si l'auteur va aller au bout de son idée (il y a tant de projets prometteurs abandonnés ici, on dirait un véritable cimetière ça fend le cœur), et d'avoir assez de matière pour lui faire un retour constructif et détaillé. Mais... Tu reprends l'univers de mon enfance là, l'univers de Bottero, je suis rentrée dans ta fanfiction avant même d'avoir compris ce qui m'arrivait.

Ton écriture est très fluide, très agréable à lire, je n'ai pas vu de fautes (je n'ai pas cherché mais si ça ne gêne pas ma lecture alors tout va bien) et le vocabulaire est très bien choisi.
Pour l'instant, tu sembles savoir où tu veux aller, et c'est très rassurant.
Je trouve que tu retranscris particulièrement bien Eryn, j'ai vraiment l'impression de la retrouver (j'ai plus de mal à dire pour Élio, Natan et Shae, ma lecture de l'Autre commence à méchamment remonter, mais je n'ai rien vu de choquant donc ça doit aller). Et Destan... On voit tout de suite de qui il tient!
Tu introduis déjà des thématiques intéressantes, en particulier le fait que Ewilan et Salim ont mûri et sont différents de ceux que nous connaissions dans les sagas.

J'ai quelques petites critiques, mais je ne voudrais pas qu'elles viennent entacher le fond de mon commentaire: ta fanfiction est très prometteuse, et j'ai hâte de voir la suite. Si toutefois tu veux les entendre, n'hésite pas à m'envoyer un MP :)
Quant à ton premier message, tu retranscris très bien ce que je ressens.

Pour toutes ces raisons, si tu le désires, je suis prête à t'aider, que ce soit pour discuter de l'univers, de l'écriture ou même tout bêtement réduire un peu ton travail en relisant. Ton histoire mérite une suite, et pour l'entendre je suis prête à mettre la main à la pâte.

Dans tous les cas, bonne continuation et merci pour ce beau projet!
Micum

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Re: Les âmes croisées - La suite !

Message par Micum »

Hey !

Que ça rappelle de bons souvenirs...

Ton écriture est belle, les dialogues crédibles, il y a très peu de fautes, pour moi ça relève d'une pensée bien arrêtée, et d'une volonté de rigueur que j'apprécie fort !
Bon, je dois reconnaître que je suis comme un peu parachuté dans cet univers, il faudrait que je relise les séries, et les Âmes Croisées pour vraiment me sentir dedans, mais c'est très plaisant ! Le vocabulaire est beau et il y a de la recherche.

Ce qui serait intéressant, ce serait de comparer ton écriture et/à celle de Bottero, dans le rythme, l'emploi de certaines formes, le choix des mots, des images. Je ne m'en souviens guère, mais je crois que les Âmes Croisées disposait d'un langage plus relevé que D'un Monde à l'Autre par exemple.
Enfin voilà, merci de m'avoir redonné l'envie de lire ces monuments du livre !
Thynie

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Re: Les âmes croisées - La suite !

Message par Thynie »

Bonjour à tous/toutes !

Merci beaucoup pour vos commentaires si gentils !

@Nirvana : ravie que ça t'ait replongée dans l'histoire :)

@Noelle : Ton message me fait vraiment plaisir, à tous points de vue !! J'écris lentement mais je vais faire en sorte de terminer ce projet. J'ai essayé en effet de construire un scénario avant de me lancer dans l'histoire, ça me paraissait nécessaire ahah !
J'avoue qu'Eryn m'avait laissée une forte impression, alors que Natan et Elio, beaucoup moins, j'ai donc plus de mal à les retranscrire que les autres.
J'aimerais beaucoup avoir ton avis et/ou ton aide sur ma fiction, et je suis preneuse de tous les commentaires, même négatifs :) je t'envoie un MP !

@Micum : Oui j'imagine que si ça fait très longtemps que tu n'as pas lu les livres, ça doit être un peu difficile de te replonger dans l'histoire, surtout que dans ce chapitre je raconte plus la suite de l'Autre que celle des Ames croisées.
Ca me fait plaisir que tu aies remarqué le vocabulaire. J'ai essayé de rester le plus proche possible du style de Pierre Bottero, mais c'est assez difficile au final d'imiter sans copier !

Je vous redis un grand merci pour vos commentaires, l'écriture du deuxième chapitre est en cours !
Micum

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Re: Les âmes croisées - La suite !

Message par Micum »

À quand la suite ? 😁
Thynie

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Re: Les âmes croisées - La suite !

Message par Thynie »

Le chapitre 2 est quasiment terminé ! (Il manque environ 500 mots sur 3000) Je suis extrêmement lente, je sais 😭
Micum

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Re: Les âmes croisées - La suite !

Message par Micum »

Non non ! Travaille ton chapitre 2 comme tu le veux ! Ça ne sert à rien de se précipiter !
Et la patience est une vertu ! :)
Thynie

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Re: Les âmes croisées - La suite !

Message par Thynie »

Bonjour à tous ! Voici le chapitre 2 (il sera sûrement amené à évoluer en fonction des retours que j'aurais)

CHAPITRE 2


Déjà douze jours que je marche dans cette jungle infecte.

Douze jours à boire l’eau des ruisseaux en espérant qu’elle ne me rendra pas malade.

Douze jours à croquer dans les fruits qui croulent de quelques arbres en priant pour qu’ils ne soient pas empoisonnés.

J’ai appris à mes dépends que si l’eau des ruisseaux est correcte, les petits fruits bleus ressemblant à des pommes ne sont pas conseillés si on souhaite garder un système digestif en bon état de fonctionnement.

La jungle regorge de pièges en tout genre. Entre le sol spongieux, les lianes aussi épaisses que le bras, les énormes arbres aux branches tombantes, les buissons épineux… avancer est un combat de chaque instant. L’air vicié n’est filtré qu’à moitié par mon Armure, Venia, et des bestioles toutes plus infernales les unes que les autres viennent régulièrement vérifier s’il n’y a pas sous ma peau de métal un morceau de chair fraîche à déguster.

Anthor, Lyam, Ergaïl, Philla et même Louha me manquent terriblement. Mes conversations avec Venia m’empêchent de devenir folle mais ne remplacent pas le contact avec un être humain.

J’ai besoin de trouver ces enfants.



Nawel referma son cahier. Elle l’avait ouvert parfois au cours de ces derniers jours pour réaliser un rapide croquis de son environnement. Deux fois, elle s’était surprise à dessiner à nouveau Alantha, la Glauque qui l’intriguait tant.

Ces derniers mois, Nawel avait croisé la jeune femme plusieurs fois. Ensemble, elles avaient ouvert la Porte qui reliait leur monde natal à cette jungle infestée de monstres. Ensemble toujours, car leurs destins étaient croisés, elles avaient scellé la Porte. Mais si Alantha était restée du bon côté, Nawel avait dû rester seule dans la jungle.

Plusieurs fois par jour, un découragement intense la prenait. Elle avait envie de se rouler en boule sur le sol et se laisser doucement mourir. Quel futur existait-il pour elle ? Heureusement, la vision qu’Alantha lui avait envoyée donnait en général un but à ses pas. Rencontrer cet adolescent et ces enfants. Tenir jusqu’à eux. Les escorter dans un endroit plus sûr. Mais parfois, cette vision n’était plus suffisante. L’espoir devenait si infime qu’elle ne trouvait plus de raison de se battre.

Les mots qui l’avaient guidée ces derniers mois lui revenaient alors.

Tenir droite.

Encore et toujours, tenir droite.

Tenir sur l’espoir infime de rentrer un jour chez elle. De revoir ses proches et sa sœur d’âme.

Tenir droite.

Elle ne ressassait jamais les événements qui l’avaient menée jusqu’ici. Elle aurait pu se morfondre et regretter ses choix.

Regretter d’avoir choisi la caste des Armures plutôt que de suivre la destinée familiale.

Regretter d’être allée à la Cité des Fleurs, cette ville magnifique mais abandonnée, pour son voyage initiatique.

Regretter d’avoir trouvé cette Porte, si loin sous terre dans une des tours de la cité.

Regretter d’avoir rapporté l’étrange inscription inscrite sur la chaînette accrochée à la Porte.

Regretter d’avoir accompagné Phillia, sa meilleure amie d’enfance, lorsqu’elle avait voulu aller voir cette inscription de plus près.

Regretter d’avoir enlevé la chaînette qui bloquait la Porte, et ainsi libéré les monstres se cachant derrière.

Regretter encore et encore…

Elle ne regrettait rien.

Car si ses choix l’avaient menée jusqu’ici aujourd’hui, ils lui avaient aussi permis de devenir la femme qu’elle voulait être. De trouver une famille dans les autres Armures. De rencontrer Alantha et de lier leurs destins.

Et pour toutes ces raisons, elle ne regrettait pas ses choix. Elle préférait mille fois être ici qu’enfermée dans le destin que ses parents auraient voulu pour elle.

Même si cela signifiait mourir.


***


Destan marchait en tête, comme toujours. Le regard acéré, ne portant aucune attention aux odeurs infectes qui l’entouraient, il avançait impitoyablement à travers la jungle. Alors qu’ils marchaient depuis deux heures sans prendre de pause, Eryn tira doucement la manche de Destan.

– J’ai mal aux pieds.

Le visage de Destan se durcit une fraction de seconde avant de s’adoucir à nouveau. Il jeta un coup d’œil aux sandales de la petite. Elles étaient tâchées de sang là où la peau avait trop frotté.

– Peux-tu te dessiner des chaussures plus confortables ?
– Et je suis fatiguée. Et Elio aussi. Tu as toujours marché si vite ?
– Peux-tu te dessiner des chaussures plus confortables, Eryn ?
– Non. Depuis qu’on est ici, je ne peux faire que des dessins faciles.
– Et dessiner un rocher d’une tonne, c’est plus facile qu’une paire de chaussures ? dit-il en faisant référence à leur conversation de tout à l’heure.

Eryn le fixa longuement avant de répondre.

– Bien sûr. Tu sais, c’est un vrai métier, fabricant de chaussures.

Destan pinça les lèvres. Il détestait s’être fait moucher par une petite fille de sept ans, mais il ne laissa pas ses émotions prendre le dessus.

– Je vais te porter sur mon dos. Mais tu dois me promettre de sauter par terre si jamais je lâche tes jambes. Si tu restes accrochée alors qu’un monstre arrive, tu me gêneras et je risque d’être blessé, voire de mourir. Est-ce que tu me promets de lâcher, Eryn ?
– Et toi tes chaussures, elles ne te font pas mal aux pieds ?
– Eryn, tu me le promets ?
– Oui…
– Qu’est-ce que tu me promets ?
– Mais, tu viens de le dire !
– Je m’assure juste que tu as bien écouté.
– J’ai bien écouté !
– Alors prouve-le moi, Eryn…
– Pourquoi ?

Destan se pinça l’arête du nez entre deux doigts. Difficile de ne pas s’énerver avec une tête de mule pareille !

– Parce qu’il en va de notre sécurité à tous. Mais si tu n’es pas d’accord, tu peux continuer à marcher !

Pour toute réponse, Eryn s’assit par terre et commença à tresser des brins d’herbe.

– Laisse, Destan, intervint Elio.

Il s’assit à côté d’elle et lui chuchota à l’oreille. Elle ne semblait pas écouter, mais au bout d’un moment, elle se releva et, tout en continuant de jouer avec ses brins d’herbe, déclara de sa voix flutée :

– Si tu es en danger, je saute de ton dos. Sinon tu pourrais être encore plus en danger. J’ai compris.

Destan hocha la tête. Il sortit son sabre de son fourreau, sachant qu’il lui fallait être encore plus vigilant qu’en temps normal. Il se baissa et lui fit signe de grimper sur son dos. Elle entoura son cou de ses bras et serra sa taille de ses jambes fluettes. Il se releva sans effort, une main soutenant les pieds d’Eryn tandis que l’autre brandissait son arme devant lui.

Ils continuèrent leur route, suivant les instincts d’Elio. Deux ans auparavant, ses parents avaient été enlevés et Rafi, un ami de la famille, s’était occupé de lui pendant ces longs mois. Quelques temps après, il s’était sacrifié pour lui transmettre un merveilleux cadeau : l’héritage de sa Famille, les Guides. Elio, même s’il n’avait pas appris à les contrôler, percevait des signes lui indiquant le meilleur chemin à prendre. C’était donc lui qui les guidait depuis que leur périple avait commencé.

Destan se fiait au jeune garçon. Depuis qu’il l’avait rencontré, environ un an auparavant, il témoignait d’une maturité exceptionnelle pour son âge. Destan savait qu’il pouvait lui faire confiance et qu’Elio ne faillirait pas à sa tâche.

La végétation commença à changer. Les lianes entremêlées et les buissons épineux laissèrent place à des arbustes rachitiques qui semblaient se battre pour le peu d’eau que le sol semblait contenir. Les herbes se firent rares et la terre ocre plus visible. Le sol était légèrement fissuré par endroits et l’air empestait la poussière et le soufre. A travers le feuillage moins dense, ils pouvaient observer une montagne qui se dressait à quelques kilomètres d’eux.

Une montagne… Ou un volcan.

Car ils eurent bientôt très chaud. De grosses gouttes coulaient sur le front de Destan. Des ondes de chaleur émanaient d’Eryn, qui était toujours calée sur son dos. Habitué aux températures glaciales de la Citadelle, là où il avait vécu la plupart de son enfance, le jeune homme souffrait bien plus d’Elio. Et si les vingt kilos de la petite fille ne lui avaient posé aucun problème dans un premier temps, ses épaules et son dos commençaient maintenant à le faire souffrir. Néanmoins, il n’aurait avoué ça pour rien au monde et mettait un point d’honneur à se tenir droit.

Ils marchaient à présent au milieu de ravines de pierre noire. Des éboulis de cailloux légers dégringolaient les parois de manière aléatoire et le sol fumait par endroit.

– Nous ne sommes plus très loin, dit Elio.

Destan acquiesça. Il avait hâte de passer cette Porte et de fuir cette maudite chaleur.

Ils finirent par arriver dans une sorte de cirque d’une cinquantaine de mètres de diamètre. Elio s’arrêta. Destan sourit. Enfin, ils touchaient au but.

– Je sens…

Elio ne finit pas sa phrase. Tout d’un coup, il avait l’air inquiet.

– Tu sens un danger ? le pressa Destan.

Il fit descendre Eryn de son dos et commença à tourner autour des deux enfants, surveillant les alentours.

– Je… je ne sais pas. Non.
– Quoi alors ?
– Je ne sens plus la Porte.
– On l’a dépassée ?
– Non, je continuerais à la sentir. Elle a disparu.
– Comment une Porte peut disparaître ?

Les deux garçons se regardèrent gravement.

– Elle s’est peut-être fait avaler par le volcan ? fit Eryn au bout d’un moment.
– C’est possible, réfléchit Elio. Il est très certainement en éruption, et sa lave a pu condamner la porte.
– Alors on est bloqués ? On n’a plus qu’à faire demi-tour ?
– Je ne sais pas… Je ne sens plus rien.
– Par le caleçon de Merlin !

Destan donna un coup de pied dans une pierre pour se défouler. Des petites mains vinrent attraper son bras.

– T’énerve pas Destou. Ça rend triste Elio.
– Je suis désolé, compléta ce dernier. J’aurais dû le voir. Je vous ai menés là pour rien et… maintenant je ne sais même plus où aller.

Destan prit une grande inspiration. S’énerver ainsi n’était pas digne du futur Seigneur des Marches du Nord.

– On ferait mieux de s’éloigner du volcan. On ne voudrait pas ressembler à une certaine Porte.

Eryn émit un rire flûté.

– Mais on ne ressemble pas du tout à des portes !

Destan lui jeta un regard mi-exaspéré, mi-amusé.

– Aller, grimpe au lieu de raconter des bêtises.

Il s’assura qu’Eryn était bien accrochée. Avec cette chaleur et la fatigue, la suite du trajet allait…

Dans une explosion assourdissante, une partie du volcan explosa.

Pendant un instant hors du temps, ils observèrent les projections d’un rouge flamboyant qui s’élevaient puis retombaient sur les parois de la montagne.

Puis…

– On fonce !

Elio prit la tête sous sa forme de jaguar, revenant en arrière de temps à autre pour indiquer à Destan le meilleur chemin. Celui ci utilisait toutes les ressources de son formidablement entraînement pour échapper à la lave fluide qui les poursuivaient.

Au bout d’une demi-heure, ils traversèrent une rivière, le terrain remonta et la végétation recommença à apparaître. Ils s’effondrèrent, épuisé par leur sprint dans cette chaleur étouffante.

Eryn remplit leurs gourdes d’eau et fit apparaître trois sandwichs. Ils étaient bien moins bons que ceux qu’elle dessinait dans la Maison dans l’Ailleurs, mais ils avaient tellement faim qu’ils les dévorèrent en deux minutes.

Ils finirent par repartir. Elio restait muré dans le silence, ressassant ses pensées. Destan finit par venir lui toucher un mot.

– C’est un simple échec, tu sais.

Elio darda son regard vert dans celui de Destan.

– Un simple échec qui aurait pu tous nous tuer. Un simple échec qui nous laisse marcher sans but.
– Nous ne sommes pas morts. Quant à notre but, nous trouverons une solution.

Elio haussa les épaules. Son malaise était plus profond que cela. Lors de sa quête contre l’Autre, il avait toujours su où aller, que faire. Le pouvoir des Sept Familles qui vibrait en lui l’avait porté jusqu’à la défaite de l’Autre, car il était né pour cela.

Son pouvoir était intrinsèquement lié à celui de l’entité. A sa disparition, les capacités d’Elio avaient décliné.

Aujourd’hui, prendre des décisions se révélait bien plus complexe. Si ses aptitudes l’aidaient de manière évidente, il n’avait plus de certitudes absolues.

Peut-être était-ce cela, grandir.

– Ne te laisse pas renverser. J’ai confiance en toi. Comme je l’ai dit, c’est un simple échec.

Elio pinça les lèvres. Il se souvenait distinctement de sa dernière conversation autour de ce mot…


*


Elio essuya la sueur sur son front d’un revers de main. Malgré toutes ses tentatives, il n’arrivait pas à percer la garde de Destan !

Les deux garçons s’exerçaient dans la cour de la maison de vacances appartenant à la famille de l’Alavirien, sous le regard perçant de leurs parents. Le principe était simple : armé d’un bâton, Elio devait toucher Destan et ce dernier devait seulement esquiver. Elio avait pensé que cela serait facile, mais il s’était lourdement trompé. Le jeune homme le repoussait sans difficulté particulière. Il sautait sur le côté quand nécessaire, ou se tournait simplement d’un mouvement fluide.

Elio haletait sous l’effort. Il se retenait de se transformer en jaguar, forme sous laquelle il était bien plus rapide. Il était désarçonné de ne pas réussir à toucher Destan. Il avait hérité de son ascendance de Cogiste une vigueur physique exceptionnelle, et ses gènes Scholiastes lui permettaient d’apprendre absolument tout, simplement en regardant.

Absolument tout… Ou presque. Car il ne parvenait pas à imiter les gestes fluides et impeccables de Destan.

Il ne comprenait pas.

– Echangez, maintenant. Destan, tu prends le bâton.

Elio blêmit légèrement et se tourna vers Edwin, qui venait de parler. Le père de Destan se tenait dans l’ombre de la maison de pierre. De stature moyenne, les cheveux blancs et la peau burinée, il aurait pu facilement passer pour un vieil homme si la vigueur qui se dégageait de lui ne clamait pas le contraire. Il lut dans son regard qu’il ne plaisantait pas. Elio soupira en donnant le bâton à Destan. Il ne faisait pas d’illusions : il avait déjà lamentablement échoué dans l’exercice le plus facile, il ne ferait pas mieux dans celui-ci.

Elio se mit en garde, versant toutes ses forces pour redoubler de vitesse et de dextérité. Il perçut l’attaque de Destan à gauche, plongea sur la droite, roula sur son épaule, tenta de se relever…

Echec.

Un coup dans le dos l’avait rabattu au sol.

Le souffle coupé, il se releva, crachant le caillou qui s’était infiltré entre ses lèvres.

Il focalisa à nouveau son attention sur Destan, attendit un signe…

Echec.

Le bâton avait frappé ses côtes sans qu’il n’ait pu réagir.

Il s’éloigna un peu, fluide sur ses appuis, prêt à sauter…

Echec.

Echec.

Echec.

Elio en aurait pleuré de rage si le regard perçant de son père ne l’en empêchait pas aussi sûrement.

– Tu n’es pas dans le temps.

Elio sursauta. Ellana s’était avancée vers eux sans qu’il ne s’en aperçoive. De tous ceux qu’il avait rencontrés en Gwendalavir jusqu’alors, c’était sûrement celle qui l’impressionnait le plus.

La peau mate, les cheveux d’un noir de jais parsemés ici et là de quelques cheveux blancs, fine et élancée malgré ses quarante ans, la mère de Destan brûlait d’une énergie sauvage qui laissait pantois n’importe qui ne la connaissant pas. Les petites rides au coin de ses yeux et sur son front rehaussaient la beauté de son visage. Mais ce qui l’impressionnait le plus, c’était sa façon sibylline de parler et l’humour décalé dont elle faisait preuve.

– Dans le temps ?
– Oui.

Elle croisa les bras et le regarda d’un air amusé.

– Je ne comprends pas.
– C’est bien là le problème.

Elio fronça les sourcils.

– L’échec n’est pas un obstacle à franchir, reprit-elle, mais une marche qui t’aide à t’élever. L’échec est une force, qui peut te
renverser mais aussi te porter. A toi de savoir l’utiliser.

Elio déglutit. Il s’imprégna lentement des phrases d’Ellana. La différence ne semblait pas grande, et pourtant… Et pourtant elle lui offrait un nouveau champ des possibles, une nouvelle façon de voir le monde.

Il hocha la tête.

– Je vois. Mon échec contre Destan peut me décourager ou me motiver à progresser. Cela ne dépend que de moi de choisir la voie que je souhaite emprunter. Je dois comprendre seul comment être dans le temps, comme tu le dis, et mes pouvoirs ne pourront pas m’y aider car être dans le temps ne peut venir que de l’expérience et donc, de l’échec.

Ellana sourit finement pour toute réponse.


*


Tard ce soir-là, Edwin rejoignit Ellana dans le lit qu’ils partageaient. Il se lova contre son dos et l’embrassa dans le cou.

– Il est exceptionnel, n’est-ce pas ? dit-elle.
– Oui. Tu pourrais en faire un bon marchombre.

Ellana sourit.

– Je laisserai plutôt Salim s’en occuper...

Elle se tourna vers lui.

– Car j’ai déjà fort à faire avec toi, ajouta-t-elle, un air joueur dans les yeux.
– Je suis un élève si pénible ? chuchota-t-il.
– Le plus pénible.


*


Après leur course effrénée pour échapper au volcan, les trois enfants avaient ralenti mais Destan supportait toujours le poids d’Eryn sur son dos. Son énergie retrouvée, elle bombardait de questions Destan qui commençait à se demander s’il n’allait pas l’abandonner derrière lui.

Accaparé par Eryn, il lui manqua une précieuse seconde pour réagir lorsque les Helbrumes attaquèrent.

Créatures intelligentes et vicieuses, elles les avaient attendu à un endroit stratégique et s’étaient réparties en cercle autour d’eux.

Puis elles avaient attaqué.

Eryn émit un hoquet de dégoût face au corps humanoïde et lisse des Helbrumes. Débarrassés des contraintes terriennes, ils avaient enlevé leurs vêtements et leur peau nue ne présentait qu’une seule aspérité, leur bouche plissée dans une grimace de haine. Dans leurs mains, des armes hétéroclites se balançaient.

Destan para à la dernière seconde un sabre qui aurait dû l’égorger, fit vriller sa lame et trancha le bras d’un Helbrume dans le même mouvement. Mais les monstres étaient bien trop nombreux et Eryn sur son dos ralentissait ses mouvements. Il lui hurla de le lâcher, mais elle se cramponna à la place de plus en plus fort.

Si les Gröens et les autres monstres du même acabit ne l’avaient jamais effrayée, la vision de ces absurdes imitations humaines l’avait poussée dans ses retranchements. Elle avait voulu tous les aplatir comme des galettes de naam ou les transformer en spaghettis, mais son pouvoir lui faisait défaut. Pétrifiée par la peur et réduite à l’impuissance, elle n’entendait plus les cris de Destan.

Le sabre de Destan virevolta et perfora la poitrine d’un Helbrume tandis que les mâchoires puissantes du jaguar à ses côtés déchiquetaient un mollet. Tous les deux continuèrent leur travail de boucherie et pendant un instant, ils crurent être tirés d’affaire malgré la contrainte qu’Eryn leur imposait.

Puis Destan, peu habitué à sa nouvelle charge, anticipa mal une esquive. Il se jeta sur le côté trop lentement.

Une épée lui transperça le dos. Etonné, il observa d’abord la pointe ruisselante de sang qui ressortait par son épaule gauche.

Puis il sentit la douleur. Terrible.

Enfin, un hurlement retentit. Un instant, il ne comprit pas. Puis l’épée disparut et avec elle, la charge qui pesait sur son dos.

La vérité éclata dans son esprit. Brutale.

L’épée qui l’avait éventré avait touché Eryn !


*


Nawel se figea.

Par une trouée entre les arbres, elle apercevait un volcan.

Un volcan en éruption !

Elle les connaissait grâce à un livre de géographie, qui faisait état de leur existence dans les confins des montagnes de l’Ouest de son monde natal. Un schéma détaillé complétait les explications, mais elle n’aurait jamais pensé qu’il puisse être si éloigné de la réalité.

Car il ne représentait absolument pas la majestuosité du volcan ni l’incroyable attirance qu’il exerçait sur elle. Elle l’observa durant de longues minutes.

Fascinée.

Nawel allait s’éloigner quand elle entendit un cri. Le cri d’une petite fille apeurée.

Son cœur rata un battement.

Il ne pouvait s’agir que d’une petite fille.

Nawel court, plus vite que la peur, plus vite que la mort. Elle court sauver son destin.

N'hésitez pas à me laisser un petit commentaire, ça me fait toujours extrêmement plaisir !
Dernière modification par Thynie le ven. 27 août, 2021 7:34 pm, modifié 3 fois.
Micum

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Re: Les âmes croisées - La suite !

Message par Micum »

Super ! Je lis ça demain sans faute ! 😁
Thynie

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Re: Les âmes croisées - La suite !

Message par Thynie »

Parfait :P
Aramir

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Re: Les âmes croisées - La suite !

Message par Aramir »

Tout simplement exceptionnel, je viens de me replonger une énième fois dans la série et suis arrivé une énième fois au terme avec un sentiment de tristesse et de frustration de ne pas connaitre le futur de cette série. Mais pour une fois je me suis penché sur une potentielle suite écrite par un autre et alors que je m'attendais à tomber sur une 30 aine de lignes synthétiques dont je devrais imaginer les détails, me voila devant 2 chapitres d'une qualité bien supérieure à ce que j'espérais.
Je retrouve en grande partie les personnages, et le style et si il n'est pas parfaitement identique à celui de pierre bottero, il en est suffisamment proche pour que ce que tu as écrit s'inscrive naturellement dans son univers.
Les 2 seules remarques que j'aurais à faire seraient par rapport à la forme et non pas au fond (que j'ai trouvé j'insiste exceptionnel) je trouve les scènes sont un peu trop courtes et je pense que tu gagnerai à rester avec un/plusieurs souvenir(s)=un chapitre et le présent= un autre (avec des transition à la toute fin ou au tout début peut être ?)
Et enfin, potentiellement revoir le registre de parole de certains personnages pour qu'ils soient toujours cohérent (dans la majorité des cas je ne l'ai pas ressenti mais pour salim et eryn je les trouves parfois très proches de l'image que j'en ai et parfois un peu en dehors du "temps" exemple eryn avec destan= l'image que j'ai d'elle, eryn avec sa mère je l'ai trouvé un peu trop enfantine dans son registre, et pour salim idem j'ai trouvé que la description de ce qu'il ressentait était parfaite mais le registre de langage qu'il utilisait me semblait trop brut, pas assez fin pour un marchombre (qui plus est en couple avec ewilan)
ces 2 remarques sont liées à ma perception de la personnalité des personnages qui est probablement différente de la tienne et elle ne sont en rien un problème et encore moins importantes pour apprécier ce que tu as écrit
j'espère que tu as trouvé cela constructif et j'insiste : tu as dépassé de très loin les attentes que j'avais et je trépigne d'impatience à l'idée de lire la suite !
Micum

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Re: Les âmes croisées - La suite !

Message par Micum »

Thynie a écrit : mar. 10 août, 2021 10:03 pm Bonjour à tous ! Voici le chapitre 2 (il sera sûrement amené à évoluer en fonction des retours que j'aurais)

Chapitre 2

Déjà douze jours que je marche dans cette jungle infecte.

Douze jours à boire l’eau des ruisseaux en espérant qu’elle ne me rendra pas malade.

Douze jours à croquer dans les fruits qui croulent de quelques arbres en priant pour qu’ils ne soient pas empoisonnés.

J’ai appris à mes dépends que si l’eau des ruisseaux est correcte, les petits fruits bleus ressemblant à des pommes ne sont pas conseillés si on souhaite garder un système digestif en bon état de fonctionnement.

La jungle regorge de pièges en tout genre. Entre le sol spongieux, les lianes aussi épaisses que le bras, les énormes arbres aux branches tombantes, les buissons épineux… avancer est un combat de chaque instant. L’air vicié n’est filtré qu’à moitié par mon Armure, Venia, et des bestioles toutes plus infernales les unes que les autres viennent régulièrement vérifier s’il n’y a pas sous ma peau de métal un morceau de chair fraîche à déguster.

Anthor, Lyam, Ergaïl, Philla et même Louha me manquent terriblement. Mes conversations avec Venia m’empêchent de devenir folle mais ne remplacent pas le contact avec un être humain.

J’ai besoin de trouver ces enfants.



Nawel referma son cahier. Elle l’avait ouvert parfois au cours de ces derniers jours pour réaliser un rapide croquis de son environnement. Deux fois, elle s’était surprise à dessiner à nouveau Alantha, la Glauque qui l’intriguait tant.

Au cours des derniers mois, Nawel avait croisé la jeune femme plusieurs fois. Ensemble, elles avaient ouvert la Porte qui reliait leur monde natal à cette jungle infestée de monstres. Ensemble toujours, car leurs destins étaient croisés, elles avaient scellé la Porte. Mais si Alantha était restée du bon côté, Nawel avait dû rester seule dans la jungle.

Plusieurs fois par jour, un découragement intense la prenait. Elle avait envie de se rouler en boule sur le sol et se laisser doucement mourir. Quel futur existait-il pour elle ? Heureusement, la vision qu’Alantha lui avait envoyée donnait en général un but à ses pas. Rencontrer cet adolescent et ces enfants. Tenir jusqu’à eux. Les escorter dans un endroit plus sûr. Mais parfois, cette vision n’était plus suffisante. L’espoir devenait si infime qu’elle ne trouvait plus de raison de se battre.

Les mots qui l’avaient guidée ces derniers mois lui revenaient alors.

Tenir droite.

Encore et toujours, tenir droite.

Tenir sur l’espoir infime de rentrer un jour chez elle. De revoir ses proches et sa sœur d’âme.

Tenir droite.

Elle ne ressassait jamais les événements qui l’avaient menée jusqu’ici. Elle aurait pu se morfondre et regretter ses choix.

Regretter d’avoir choisi la caste des Armures plutôt que de suivre la destinée familiale.

Regretter d’être allée à la Cité des Fleurs, cette ville magnifique mais abandonnée, pour son voyage initiatique.

Regretter d’avoir trouvé cette Porte, si loin sous terre dans une des tours de la cité.

Regretter d’avoir rapporté l’étrange inscription inscrite sur la chaînette accrochée à la Porte.

Regretter d’avoir accompagné Phillia, sa meilleure amie d’enfance, lorsqu’elle avait voulu aller voir cette inscription de plus près.

Regretter d’avoir enlevé la chaînette qui bloquait la Porte, et ainsi libéré les monstres se cachant derrière.

Regretter encore et encore…

Elle ne regrettait rien.

Car si ses choix l’avaient menée jusqu’ici aujourd’hui, ils lui avaient aussi permis de devenir la femme qu’elle voulait être. De trouver une famille dans les autres Armures. De rencontrer Alantha et de lier leurs destins.

Et pour toutes ses (ou ces ?) raisons, elle ne regrettait pas ses choix. Elle préférait mille fois être ici qu’enfermée dans le destin que ses parents auraient voulu pour elle.

Même si cela signifiait mourir.


***


Destan marchait en tête, comme toujours. Le regard acéré, ne portant aucune attention aux odeurs infectes qui l’entouraient, il avançait impitoyablement à travers la jungle. Alors qu’ils marchaient depuis deux heures sans prendre de pause, Eryn tira doucement la manche de Destan.

– J’ai mal aux pieds.

Le visage de Destan se durcit une fraction de seconde avant de s’adoucir à nouveau. Il jeta un coup d’œil aux sandales de la petite. Elles étaient tâchées de sang là où la peau avait trop frotté.

– Peux-tu te dessiner des chaussures plus confortables ?
– Et je suis fatiguée. Et Elio aussi. Tu as toujours marché si vite ?
– Peux-tu te dessiner des chaussures plus confortables, Eryn ?
– Non. Depuis qu’on est ici, je ne peux faire que des dessins faciles.
– Et dessiner un rocher d’une tonne, c’est plus facile qu’une paire de chaussures ? dit-il en faisant référence à leur conversation de tout à l’heure.

Eryn le fixa longuement avant de répondre.

– Bien sûr. Tu sais, c’est un vrai métier, fabricant de chaussures.

Destan pinça les lèvres. Il détestait s’être fait moucher (ou se faire moucher ?) par une petite fille de sept ans, mais il ne laissa pas ses émotions prendre le dessus.

– Je vais te porter sur mon dos. Mais tu dois me promettre de sauter par terre si jamais je lâche tes jambes. Si tu restes accrochée alors qu’un monstre arrive, tu me gêneras et je risque d’être blessé, voire de mourir. Est-ce que tu me promets de lâcher, Eryn ?
– Et toi tes chaussures, elles ne te font pas mal aux pieds ?
– Eryn, tu me le promets ?
– Oui…
– Qu’est-ce que tu me promets ?
– Mais, tu viens de le dire !
– Je m’assure juste que tu as bien écouté.
– J’ai bien écouté !
– Alors prouve-le moi, Eryn…
– Pourquoi ?

Destan se pinça l’arête du nez entre deux doigts. Difficile de ne pas s’énerver avec une tête de mule pareille !

– Parce qu’il en va de notre sécurité à tous. Mais si tu n’es pas d’accord, tu peux continuer à marcher !

Pour toute réponse, Eryn s’assit par terre et commença à tresser des brins d’herbe.

– Laisse, Destan, intervint Elio.

Il s’assit à côté d’elle et lui chuchota à l’oreille. Elle ne semblait pas écouter, mais au bout d’un moment, elle se releva et, tout en continuant de jouer avec ses brins d’herbe, déclara de sa voix flutée :

– Si tu es en danger, je saute de ton dos. Sinon tu pourrais être encore plus en danger. J’ai compris.

Destan hocha la tête. Il sortit son sabre de son fourreau, sachant qu’il lui fallait être encore plus vigilant qu’en temps normal. Il se baissa et lui fit signe de grimper sur son dos. Elle entoura son cou de ses bras et serra sa taille de ses jambes fluettes. Il se releva sans effort, une main soutenant les pieds d’Eryn tandis que l’autre brandissait son arme devant lui.

Ils continuèrent leur route, suivant les instincts d’Elio. Deux ans auparavant, ses parents avaient été enlevés et Rafi, un ami de la famille, s’était occupé de lui pendant ces longs mois. Quelques temps après, il s’était sacrifié pour lui transmettre un merveilleux cadeau : l’héritage de sa Famille, les Guides. Elio, même s’il n’avait pas appris à les contrôler, percevait des signes lui indiquant le meilleur chemin à prendre. C’était donc lui qui les guidait depuis que leur périple avait commencé.

Destan se fiait au jeune garçon. Depuis qu’il l’avait rencontré, environ un an auparavant, il témoignait d’une maturité exceptionnelle pour son âge. Destan savait qu’il pouvait lui faire confiance et qu’Elio ne faillirait pas à sa tâche.

La végétation commença à changer. Les lianes entremêlées et les buissons épineux laissèrent place à des arbustes rachitiques qui semblaient se battre pour le peu d’eau que le sol semblait contenir. Les herbes se firent rares et la terre ocre plus visible. Le sol était légèrement fissuré par endroits et l’air empestait la poussière et le souffre (avec un f). A travers le feuillage moins dense, ils pouvaient observer une montagne qui se dressait à quelques kilomètres d’eux.

Une montagne… Ou un volcan.

Car ils eurent bientôt très chaud. De grosses gouttes coulaient sur le front de Destan. Des ondes de chaleur émanaient d’Eryn, qui était toujours calée sur son dos. Habitué aux températures glaciales de la Citadelle, là où il avait vécu la plupart de son enfance, le jeune homme souffrait bien plus d’Elio. Et si les vingt kilos de la petite fille ne lui avaient posé aucun problème dans un premier temps, ses épaules et son dos commençaient maintenant à le faire souffrir. Néanmoins, il n’aurait avoué ça pour rien au monde et mettait un point d’honneur à se tenir droit.

Ils marchaient à présent au milieu de ravines de pierre noire. Des éboulis de cailloux légers dégringolaient les parois de manière aléatoire et le sol fumait par endroit.

– Nous ne sommes plus très loin, dit Elio.

Destan acquiesça. Il avait hâte de passer cette Porte et de fuir cette maudite chaleur.

Ils finirent par arriver dans une sorte de cirque d’une cinquantaine de mètres de diamètre. Elio s’arrêta. Destan sourit. Enfin, ils touchaient au but.

– Je sens…

Elio ne finit pas sa phrase. Tout d’un coup, il avait l’air inquiet.

– Tu sens un danger ? le pressa Destan.

Il fit descendre Eryn de son dos et commença à tourner autour des deux enfants, surveillant les alentours.

– Je… je ne sais pas. Non.
– Quoi alors ?
– Je ne sens plus la Porte.
– On l’a dépassée ?
– Non, je continuerais à la sentir. Elle a disparu.
– Comment une Porte peut disparaître ?

Les deux garçons se regardèrent gravement.

– Elle s’est peut-être fait avaler par le volcan ? fit Eryn au bout d’un moment.
– C’est possible, réfléchit Elio. Il est très certainement en éruption, et sa lave a pu condamner la porte.
– Alors on est bloqués ? On n’a plus qu’à faire demi-tour ?
– Je ne sais pas… Je ne sens plus rien.
– Par le caleçon de Merlin !

Destan shoota (ce n'est que mon avis, mais l'emploi de cet anglicisme est barbare :D ) dans une pierre pour se défouler. Des petites mains vinrent attraper son bras.

– T’énerve pas Destou. Ça rend triste Elio.
– Je suis désolé, compléta ce dernier. J’aurais dû le voir. Je vous ai mené s là pour rien et… maintenant je ne sais même plus où aller.

Destan prit une grande inspiration. S’énerver ainsi n’était pas digne du futur Seigneur des Marches du Nord.

– On ferait mieux de s’éloigner du volcan. On ne voudrait pas ressembler à une certaine Porte.

Eryn émit un rire flûté.

– Mais on ne ressemble pas du tout à des portes !

Destan lui jeta un regard mi-exaspéré, mi-amusé.

– Aller, grimpe au lieu de raconter des bêtises.

Il s’assura qu’Eryn était bien accrochée. Avec cette chaleur et la fatigue, la suite du trajet allait…

Dans une explosion assourdissante, une partie du volcan explosa.

Pendant un instant hors du temps, ils observèrent les projections d’un rouge flamboyant qui s’élevaient puis retombaient sur les parois de la montagne.

Puis…

– On fonce !

Elio prit la tête sous sa forme de jaguar, revenant en arrière de temps à autre pour indiquer à Destan le meilleur chemin. Celui ci utilisait toutes les ressources de son formidablement entraînement pour échapper à la lave fluide qui les poursuivaient.

Au bout d’une demi-heure, ils traversèrent une rivière, le terrain remonta et la végétation recommença à apparaître. Ils s’effondrèrent, épuisé par leur sprint dans cette chaleur étouffante.

Eryn remplit leurs gourdes d’eau et fit apparaître trois sandwichs. Ils étaient bien moins bons que ceux qu’elle dessinait dans la Maison dans l’Ailleurs, mais ils avaient tellement faim qu’ils les dévorèrent en deux minutes. (Petite question, je ne me souviens guère des séries, mais les personnages peuvent-ils manger ce qu'ils dessinent ? Y a pas un moment où on en parle ? Je suis sûr de rien.)

Ils finirent par repartir. Elio restait muré dans le silence, ressassant ses pensées. Destan finit par venir lui toucher un mot.

– C’est un simple échec, tu sais.

Elio darda son regard vert dans celui de Destan.

– Un simple échec qui aurait pu tous nous tuer. Un simple échec qui nous laisse marcher sans but.
– Nous ne sommes pas morts. Quant à notre but, nous trouverons une solution.

Elio haussa les épaules. Son malaise était plus profond que cela. Lors de sa quête contre l’Autre, il avait toujours su où aller, que faire. Le pouvoir des Sept Familles qui vibrait en lui l’avait porté jusqu’à la défaite de l’Autre, car il était né pour cela.

Son pouvoir était intrinsèquement lié à celui de l’entité. A sa disparition, les capacités d’Elio avaient décliné.

Aujourd’hui, prendre des décisions se révélait bien plus complexe. Si ses aptitudes l’aidaient de manière évidente, il n’avait plus de certitudes absolues.

Peut-être était-ce cela, grandir.

– Ne te laisse pas renverser. J’ai confiance en toi. Comme je l’ai dit, c’est un simple échec.

Elio pinça les lèvres. Il se souvenait distinctement de sa dernière conversation autour de ce mot…


*


Elio essuya la sueur sur son front d’un revers de main. Malgré toutes ses tentatives, il n’arrivait pas à percer la garde de Destan !

Les deux garçons s’exerçaient dans la cour de la maison de vacances appartenant à la famille de l’Alavirien, sous le regard perçant de leurs parents. Le principe était simple : armé d’un bâton, Elio devait toucher Destan et ce dernier devait seulement esquiver. Elio avait pensé que cela serait facile, mais il s’était lourdement trompé. Le jeune homme le repoussait sans difficulté particulière. Il sautait sur le côté quand nécessaire, ou se tournait simplement d’un mouvement fluide.

Elio haletait sous l’effort. Il se retenait de se transformer en jaguar, forme sous laquelle il était bien plus rapide. Il était désarçonné de ne pas réussir à toucher Destan. Il avait hérité de son ascendance de Cogiste une vigueur physique exceptionnelle, et ses gènes Scholiastes lui permettaient d’apprendre absolument tout, simplement en regardant.

Absolument tout… Ou presque. Car il ne parvenait pas à imiter les gestes fluides et impeccables de Destan.

Il ne comprenait pas.

– Echangez, maintenant. Destan, tu prends le bâton.

Elio blêmit légèrement et se tourna vers Edwin, qui venait de parler. Le père de Destan se tenait dans l’ombre de la maison de pierre. De stature moyenne, les cheveux blancs et la peau burinée, il aurait pu facilement passer pour un vieil homme si la vigueur qui se dégageait de lui ne clamait pas le contraire. Il lut dans son regard qu’il ne plaisantait pas. Elio soupira en donnant le bâton à Destan. Il ne faisait pas d’illusions : il avait déjà lamentablement échoué dans l’exercice le plus facile, il ne ferait pas mieux dans celui-ci.

Elio se mit en garde, versant toutes ses forces pour redoubler de vitesse et de dextérité. Il perçut l’attaque de Destan à gauche, plongea sur la droite, roula sur son épaule, tenta de se relever…

Echec.

Un coup dans le dos l’avait rabattu au sol.

Le souffle coupé, il se releva, crachant le caillou qui s’était infiltré entre ses lèvres.

Il focalisa à nouveau son attention sur Destan, attendit un signe…

Echec.

Le bâton avait frappé ses côtes sans qu’il n’ait pu réagir.

Il s’éloigna un peu, fluide sur ses appuis, prêt à sauter…

Echec.

Echec.

Echec.

Elio en aurait pleuré de rage si le regard perçant de son père ne l’en empêchait pas aussi sûrement.

– Tu n’es pas dans le temps.

Elio sursauta. Ellana s’était avancée vers eux sans qu’il ne s’en aperçoive. De tous ceux qu’il avait rencontrés en Gwendalavir jusqu’alors, c’était sûrement celle qui l’impressionnait le plus.

La peau mate, les cheveux d’un noir de jais parsemés ici et là de quelques cheveux blancs, fine et élancée malgré ses quarante ans, la mère de Destan brûlait d’une énergie sauvage qui laissait pantois n’importe qui ne la connaissant pas. Les petites rides au coin de ses yeux et sur son front rehaussaient la beauté de son visage. Mais ce qui l’impressionnait le plus, c’était sa façon sibylline de parler et l’humour décalé dont elle faisait preuve.

– Dans le temps ?
– Oui.

Elle croisa les bras et le regarda d’un air amusé.

– Je ne comprends pas.
– C’est bien là le problème.

Elio fronça les sourcils.

– L’échec n’est pas un obstacle à franchir, reprit-elle, mais une marche qui t’aide à t’élever. L’échec est une force, qui peut te
renverser mais aussi te porter. A toi de savoir l’utiliser.

Elio déglutit. Il s’imprégna lentement des phrases d’Ellana. La différence ne semblait pas grande, et pourtant… Et pourtant elle lui offrait un nouveau champ des possibles, une nouvelle façon de voir le monde.

Il hocha la tête.

– Je vois. Mon échec contre Destan peut me décourager ou me motiver à progresser. Cela ne dépend que de moi de choisir la voie que je souhaite emprunter. Je dois comprendre seul comment être dans le temps, comme tu le dis, et mes pouvoirs ne pourront pas m’y aider car être dans le temps ne peut venir que de l’expérience et donc, de l’échec.

Ellana sourit finement pour toute réponse.


*


Tard ce soir là (avec un petit tiret ;) ), Edwin rejoignit Ellana dans le lit qu’ils partageaient. Il se lova contre son dos et l’embrassa dans le cou.

– Il est exceptionnel, n’est-ce pas ? dit-elle.
– Oui. Tu pourrais en faire un bon marchombre.

Ellana sourit.

– Je laisserai plutôt Salim s’en occuper...

Elle se tourna vers lui.

– Car j’ai déjà fort à faire avec toi, ajouta-t-elle, un air joueur dans les yeux.
– Je suis un élève si pénible ? chuchota-t-il.
– Le plus pénible.


*


Après leur course effrénée pour échapper au volcan, les trois enfants avaient ralenti mais Destan supportait toujours le poids d’Eryn sur son dos. Son énergie retrouvée, elle bombardait de questions Destan qui commençait à se demander s’il n’allait pas l’abandonner derrière lui.

Accaparé par Eryn, il lui manqua une précieuse seconde pour réagir lorsque les Helbrumes attaquèrent.

Créatures intelligentes et vicieuses, elles les avaient attendus à un endroit stratégique et s’étaient réparties en cercle autour d’eux.

Puis elles avaient attaqué.

Eryn émit un hoquet de dégoût face au corps humanoïde et lisse des Helbrumes. Débarrassés des contraintes terriennes, ils avaient enlevé leurs vêtements et leur peau nue ne présentait qu’une seule aspérité, leur bouche plissée dans une grimace de haine. Dans leurs mains, des armes hétéroclites se balançaient.

Destan para à la dernière seconde un sabre qui aurait dû l’égorger, fit vriller sa lame et trancha le bras d’un Helbrume dans le même mouvement. Mais les monstres étaient bien trop nombreux et Eryn sur son dos ralentissait ses mouvements. Il lui hurla de le lâcher, mais elle se cramponna à la place de plus en plus fort.

Si les Gröens et les autres monstres du même acabit ne l’avaient jamais effrayée, la vision de ces absurdes imitations humaines l’avait poussée dans ses retranchements. Elle avait voulu tous les aplatir comme des galettes de naam ou les transformer en spaghettis, mais son pouvoir lui faisait défaut. Pétrifiée par la peur et réduite à l’impuissance, elle n’entendait plus les cris de Destan.

Le sabre de Destan virevolta et perfora la poitrine d’un Helbrume tandis que les mâchoires puissantes du jaguar à ses côtés déchiquetaient un mollet. Tous les deux continuèrent leur travail de boucherie et pendant un instant, ils crurent être tirés d’affaire malgré la contrainte qu’Eryn leur imposait.

Puis Destan, peu habitué à sa nouvelle charge, anticipa mal une esquive. Il se jeta sur le côté trop lentement.

Une épée lui transperça le dos. Etonné, il observa d’abord la pointe ruisselante de sang qui ressortait par son épaule gauche.

Puis il sentit la douleur. Terrible.

Enfin, un hurlement retentit. Un instant, il ne comprit pas. Puis l’épée disparut et avec elle, la charge qui pesait sur son dos.

La vérité éclata dans son esprit. Brutale.

L’épée qui l’avait éventré avait touché Eryn !


*


Nawel se figea.

Par une trouée entre les arbres, elle apercevait un volcan.

Un volcan en éruption !

Elle les connaissait grâce à un livre de géographie, qui faisait état de leur existence dans les confins des montagnes de l’Ouest de son monde natal. Un schéma détaillé complétait les explications, mais elle n’aurait jamais pensé qu’il puisse être si éloigné de la réalité.

Car il ne représentait absolument pas la majestuosité du volcan ni l’incroyable attirance qu’il exerçait sur elle. Elle l’observa durant de longues minutes.

Fascinée.

Nawel allait s’éloigner quand elle entendit un cri. Le cri d’une petite fille apeurée.

Son cœur rata un battement.

Il ne pouvait s’agir que d’une petite fille.

Nawel court, plus vite que la peur, plus vite que la mort. Elle court sauver son destin.

N'hésitez pas à me laisser un petit commentaire, ça me fait toujours extrêmement plaisir !


Alors, au-delà des petites remarques en rouge, je trouve que tu écris très bien. Car il n'y pas que les mouvements de Destan qui soient fluides, il y a aussi ton écriture ! Les dialogues sont très crédibles !
Il y a du vocabulaire, les mots ne sont pas plats et l'histoire ne stagne pas.
Je pense qu'il est davantage compliqué de s'approprier univers pré-existant, inachevé, que de monter le sien de toutes pièces. Mais, je n'ai pas noté de dissemblances, de "trucs qui clochent". En sus de cela, les descriptions sont là, mais pas envahissantes, juste le nécessaire. J'aime bien aussi l'alternance de personnages et aussi des passages dialogués et narrés. Ni les uns ni les autres sont trop longs, à mon goût.
Conclusion : c'est très plaisant !

Que ton avancée soit aussi preste que l'élancement de Nawel ! Bon courage ! Et merci de cette publication !

Micum
Aramir

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Re: Les âmes croisées - La suite !

Message par Aramir »

Micum a écrit : mer. 11 août, 2021 7:13 pm
Thynie a écrit : mar. 10 août, 2021 10:03 pm Bonjour à tous ! Voici le chapitre 2 (il sera sûrement amené à évoluer en fonction des retours que j'aurais)

Chapitre 2

Déjà douze jours que je marche dans cette jungle infecte.

Douze jours à boire l’eau des ruisseaux en espérant qu’elle ne me rendra pas malade.

Douze jours à croquer dans les fruits qui croulent de quelques arbres en priant pour qu’ils ne soient pas empoisonnés.

J’ai appris à mes dépends que si l’eau des ruisseaux est correcte, les petits fruits bleus ressemblant à des pommes ne sont pas conseillés si on souhaite garder un système digestif en bon état de fonctionnement.

La jungle regorge de pièges en tout genre. Entre le sol spongieux, les lianes aussi épaisses que le bras, les énormes arbres aux branches tombantes, les buissons épineux… avancer est un combat de chaque instant. L’air vicié n’est filtré qu’à moitié par mon Armure, Venia, et des bestioles toutes plus infernales les unes que les autres viennent régulièrement vérifier s’il n’y a pas sous ma peau de métal un morceau de chair fraîche à déguster.

Anthor, Lyam, Ergaïl, Philla et même Louha me manquent terriblement. Mes conversations avec Venia m’empêchent de devenir folle mais ne remplacent pas le contact avec un être humain.

J’ai besoin de trouver ces enfants.



Nawel referma son cahier. Elle l’avait ouvert parfois au cours de ces derniers jours pour réaliser un rapide croquis de son environnement. Deux fois, elle s’était surprise à dessiner à nouveau Alantha, la Glauque qui l’intriguait tant.

Au cours des derniers mois, Nawel avait croisé la jeune femme plusieurs fois. Ensemble, elles avaient ouvert la Porte qui reliait leur monde natal à cette jungle infestée de monstres. Ensemble toujours, car leurs destins étaient croisés, elles avaient scellé la Porte. Mais si Alantha était restée du bon côté, Nawel avait dû rester seule dans la jungle.

Plusieurs fois par jour, un découragement intense la prenait. Elle avait envie de se rouler en boule sur le sol et se laisser doucement mourir. Quel futur existait-il pour elle ? Heureusement, la vision qu’Alantha lui avait envoyée donnait en général un but à ses pas. Rencontrer cet adolescent et ces enfants. Tenir jusqu’à eux. Les escorter dans un endroit plus sûr. Mais parfois, cette vision n’était plus suffisante. L’espoir devenait si infime qu’elle ne trouvait plus de raison de se battre.

Les mots qui l’avaient guidée ces derniers mois lui revenaient alors.

Tenir droite.

Encore et toujours, tenir droite.

Tenir sur l’espoir infime de rentrer un jour chez elle. De revoir ses proches et sa sœur d’âme.

Tenir droite.

Elle ne ressassait jamais les événements qui l’avaient menée jusqu’ici. Elle aurait pu se morfondre et regretter ses choix.

Regretter d’avoir choisi la caste des Armures plutôt que de suivre la destinée familiale.

Regretter d’être allée à la Cité des Fleurs, cette ville magnifique mais abandonnée, pour son voyage initiatique.

Regretter d’avoir trouvé cette Porte, si loin sous terre dans une des tours de la cité.

Regretter d’avoir rapporté l’étrange inscription inscrite sur la chaînette accrochée à la Porte.

Regretter d’avoir accompagné Phillia, sa meilleure amie d’enfance, lorsqu’elle avait voulu aller voir cette inscription de plus près.

Regretter d’avoir enlevé la chaînette qui bloquait la Porte, et ainsi libéré les monstres se cachant derrière.

Regretter encore et encore…

Elle ne regrettait rien.

Car si ses choix l’avaient menée jusqu’ici aujourd’hui, ils lui avaient aussi permis de devenir la femme qu’elle voulait être. De trouver une famille dans les autres Armures. De rencontrer Alantha et de lier leurs destins.

Et pour toutes ses (ou ces ?) raisons, elle ne regrettait pas ses choix. Elle préférait mille fois être ici qu’enfermée dans le destin que ses parents auraient voulu pour elle.

Même si cela signifiait mourir.


***


Destan marchait en tête, comme toujours. Le regard acéré, ne portant aucune attention aux odeurs infectes qui l’entouraient, il avançait impitoyablement à travers la jungle. Alors qu’ils marchaient depuis deux heures sans prendre de pause, Eryn tira doucement la manche de Destan.

– J’ai mal aux pieds.

Le visage de Destan se durcit une fraction de seconde avant de s’adoucir à nouveau. Il jeta un coup d’œil aux sandales de la petite. Elles étaient tâchées de sang là où la peau avait trop frotté.

– Peux-tu te dessiner des chaussures plus confortables ?
– Et je suis fatiguée. Et Elio aussi. Tu as toujours marché si vite ?
– Peux-tu te dessiner des chaussures plus confortables, Eryn ?
– Non. Depuis qu’on est ici, je ne peux faire que des dessins faciles.
– Et dessiner un rocher d’une tonne, c’est plus facile qu’une paire de chaussures ? dit-il en faisant référence à leur conversation de tout à l’heure.

Eryn le fixa longuement avant de répondre.

– Bien sûr. Tu sais, c’est un vrai métier, fabricant de chaussures.

Destan pinça les lèvres. Il détestait s’être fait moucher (ou se faire moucher ?) par une petite fille de sept ans, mais il ne laissa pas ses émotions prendre le dessus.

– Je vais te porter sur mon dos. Mais tu dois me promettre de sauter par terre si jamais je lâche tes jambes. Si tu restes accrochée alors qu’un monstre arrive, tu me gêneras et je risque d’être blessé, voire de mourir. Est-ce que tu me promets de lâcher, Eryn ?
– Et toi tes chaussures, elles ne te font pas mal aux pieds ?
– Eryn, tu me le promets ?
– Oui…
– Qu’est-ce que tu me promets ?
– Mais, tu viens de le dire !
– Je m’assure juste que tu as bien écouté.
– J’ai bien écouté !
– Alors prouve-le moi, Eryn…
– Pourquoi ?

Destan se pinça l’arête du nez entre deux doigts. Difficile de ne pas s’énerver avec une tête de mule pareille !

– Parce qu’il en va de notre sécurité à tous. Mais si tu n’es pas d’accord, tu peux continuer à marcher !

Pour toute réponse, Eryn s’assit par terre et commença à tresser des brins d’herbe.

– Laisse, Destan, intervint Elio.

Il s’assit à côté d’elle et lui chuchota à l’oreille. Elle ne semblait pas écouter, mais au bout d’un moment, elle se releva et, tout en continuant de jouer avec ses brins d’herbe, déclara de sa voix flutée :

– Si tu es en danger, je saute de ton dos. Sinon tu pourrais être encore plus en danger. J’ai compris.

Destan hocha la tête. Il sortit son sabre de son fourreau, sachant qu’il lui fallait être encore plus vigilant qu’en temps normal. Il se baissa et lui fit signe de grimper sur son dos. Elle entoura son cou de ses bras et serra sa taille de ses jambes fluettes. Il se releva sans effort, une main soutenant les pieds d’Eryn tandis que l’autre brandissait son arme devant lui.

Ils continuèrent leur route, suivant les instincts d’Elio. Deux ans auparavant, ses parents avaient été enlevés et Rafi, un ami de la famille, s’était occupé de lui pendant ces longs mois. Quelques temps après, il s’était sacrifié pour lui transmettre un merveilleux cadeau : l’héritage de sa Famille, les Guides. Elio, même s’il n’avait pas appris à les contrôler, percevait des signes lui indiquant le meilleur chemin à prendre. C’était donc lui qui les guidait depuis que leur périple avait commencé.

Destan se fiait au jeune garçon. Depuis qu’il l’avait rencontré, environ un an auparavant, il témoignait d’une maturité exceptionnelle pour son âge. Destan savait qu’il pouvait lui faire confiance et qu’Elio ne faillirait pas à sa tâche.

La végétation commença à changer. Les lianes entremêlées et les buissons épineux laissèrent place à des arbustes rachitiques qui semblaient se battre pour le peu d’eau que le sol semblait contenir. Les herbes se firent rares et la terre ocre plus visible. Le sol était légèrement fissuré par endroits et l’air empestait la poussière et le souffre (avec un f). A travers le feuillage moins dense, ils pouvaient observer une montagne qui se dressait à quelques kilomètres d’eux.

Une montagne… Ou un volcan.

Car ils eurent bientôt très chaud. De grosses gouttes coulaient sur le front de Destan. Des ondes de chaleur émanaient d’Eryn, qui était toujours calée sur son dos. Habitué aux températures glaciales de la Citadelle, là où il avait vécu la plupart de son enfance, le jeune homme souffrait bien plus d’Elio. Et si les vingt kilos de la petite fille ne lui avaient posé aucun problème dans un premier temps, ses épaules et son dos commençaient maintenant à le faire souffrir. Néanmoins, il n’aurait avoué ça pour rien au monde et mettait un point d’honneur à se tenir droit.

Ils marchaient à présent au milieu de ravines de pierre noire. Des éboulis de cailloux légers dégringolaient les parois de manière aléatoire et le sol fumait par endroit.

– Nous ne sommes plus très loin, dit Elio.

Destan acquiesça. Il avait hâte de passer cette Porte et de fuir cette maudite chaleur.

Ils finirent par arriver dans une sorte de cirque d’une cinquantaine de mètres de diamètre. Elio s’arrêta. Destan sourit. Enfin, ils touchaient au but.

– Je sens…

Elio ne finit pas sa phrase. Tout d’un coup, il avait l’air inquiet.

– Tu sens un danger ? le pressa Destan.

Il fit descendre Eryn de son dos et commença à tourner autour des deux enfants, surveillant les alentours.

– Je… je ne sais pas. Non.
– Quoi alors ?
– Je ne sens plus la Porte.
– On l’a dépassée ?
– Non, je continuerais à la sentir. Elle a disparu.
– Comment une Porte peut disparaître ?

Les deux garçons se regardèrent gravement.

– Elle s’est peut-être fait avaler par le volcan ? fit Eryn au bout d’un moment.
– C’est possible, réfléchit Elio. Il est très certainement en éruption, et sa lave a pu condamner la porte.
– Alors on est bloqués ? On n’a plus qu’à faire demi-tour ?
– Je ne sais pas… Je ne sens plus rien.
– Par le caleçon de Merlin !

Destan shoota (ce n'est que mon avis, mais l'emploi de cet anglicisme est barbare :D ) dans une pierre pour se défouler. Des petites mains vinrent attraper son bras.

– T’énerve pas Destou. Ça rend triste Elio.
– Je suis désolé, compléta ce dernier. J’aurais dû le voir. Je vous ai mené s là pour rien et… maintenant je ne sais même plus où aller.

Destan prit une grande inspiration. S’énerver ainsi n’était pas digne du futur Seigneur des Marches du Nord.

– On ferait mieux de s’éloigner du volcan. On ne voudrait pas ressembler à une certaine Porte.

Eryn émit un rire flûté.

– Mais on ne ressemble pas du tout à des portes !

Destan lui jeta un regard mi-exaspéré, mi-amusé.

– Aller, grimpe au lieu de raconter des bêtises.

Il s’assura qu’Eryn était bien accrochée. Avec cette chaleur et la fatigue, la suite du trajet allait…

Dans une explosion assourdissante, une partie du volcan explosa.

Pendant un instant hors du temps, ils observèrent les projections d’un rouge flamboyant qui s’élevaient puis retombaient sur les parois de la montagne.

Puis…

– On fonce !

Elio prit la tête sous sa forme de jaguar, revenant en arrière de temps à autre pour indiquer à Destan le meilleur chemin. Celui ci utilisait toutes les ressources de son formidablement entraînement pour échapper à la lave fluide qui les poursuivaient.

Au bout d’une demi-heure, ils traversèrent une rivière, le terrain remonta et la végétation recommença à apparaître. Ils s’effondrèrent, épuisé par leur sprint dans cette chaleur étouffante.

Eryn remplit leurs gourdes d’eau et fit apparaître trois sandwichs. Ils étaient bien moins bons que ceux qu’elle dessinait dans la Maison dans l’Ailleurs, mais ils avaient tellement faim qu’ils les dévorèrent en deux minutes. (Petite question, je ne me souviens guère des séries, mais les personnages peuvent-ils manger ce qu'ils dessinent ? Y a pas un moment où on en parle ? Je suis sûr de rien.)

Ils finirent par repartir. Elio restait muré dans le silence, ressassant ses pensées. Destan finit par venir lui toucher un mot.

– C’est un simple échec, tu sais.

Elio darda son regard vert dans celui de Destan.

– Un simple échec qui aurait pu tous nous tuer. Un simple échec qui nous laisse marcher sans but.
– Nous ne sommes pas morts. Quant à notre but, nous trouverons une solution.

Elio haussa les épaules. Son malaise était plus profond que cela. Lors de sa quête contre l’Autre, il avait toujours su où aller, que faire. Le pouvoir des Sept Familles qui vibrait en lui l’avait porté jusqu’à la défaite de l’Autre, car il était né pour cela.

Son pouvoir était intrinsèquement lié à celui de l’entité. A sa disparition, les capacités d’Elio avaient décliné.

Aujourd’hui, prendre des décisions se révélait bien plus complexe. Si ses aptitudes l’aidaient de manière évidente, il n’avait plus de certitudes absolues.

Peut-être était-ce cela, grandir.

– Ne te laisse pas renverser. J’ai confiance en toi. Comme je l’ai dit, c’est un simple échec.

Elio pinça les lèvres. Il se souvenait distinctement de sa dernière conversation autour de ce mot…


*


Elio essuya la sueur sur son front d’un revers de main. Malgré toutes ses tentatives, il n’arrivait pas à percer la garde de Destan !

Les deux garçons s’exerçaient dans la cour de la maison de vacances appartenant à la famille de l’Alavirien, sous le regard perçant de leurs parents. Le principe était simple : armé d’un bâton, Elio devait toucher Destan et ce dernier devait seulement esquiver. Elio avait pensé que cela serait facile, mais il s’était lourdement trompé. Le jeune homme le repoussait sans difficulté particulière. Il sautait sur le côté quand nécessaire, ou se tournait simplement d’un mouvement fluide.

Elio haletait sous l’effort. Il se retenait de se transformer en jaguar, forme sous laquelle il était bien plus rapide. Il était désarçonné de ne pas réussir à toucher Destan. Il avait hérité de son ascendance de Cogiste une vigueur physique exceptionnelle, et ses gènes Scholiastes lui permettaient d’apprendre absolument tout, simplement en regardant.

Absolument tout… Ou presque. Car il ne parvenait pas à imiter les gestes fluides et impeccables de Destan.

Il ne comprenait pas.

– Echangez, maintenant. Destan, tu prends le bâton.

Elio blêmit légèrement et se tourna vers Edwin, qui venait de parler. Le père de Destan se tenait dans l’ombre de la maison de pierre. De stature moyenne, les cheveux blancs et la peau burinée, il aurait pu facilement passer pour un vieil homme si la vigueur qui se dégageait de lui ne clamait pas le contraire. Il lut dans son regard qu’il ne plaisantait pas. Elio soupira en donnant le bâton à Destan. Il ne faisait pas d’illusions : il avait déjà lamentablement échoué dans l’exercice le plus facile, il ne ferait pas mieux dans celui-ci.

Elio se mit en garde, versant toutes ses forces pour redoubler de vitesse et de dextérité. Il perçut l’attaque de Destan à gauche, plongea sur la droite, roula sur son épaule, tenta de se relever…

Echec.

Un coup dans le dos l’avait rabattu au sol.

Le souffle coupé, il se releva, crachant le caillou qui s’était infiltré entre ses lèvres.

Il focalisa à nouveau son attention sur Destan, attendit un signe…

Echec.

Le bâton avait frappé ses côtes sans qu’il n’ait pu réagir.

Il s’éloigna un peu, fluide sur ses appuis, prêt à sauter…

Echec.

Echec.

Echec.

Elio en aurait pleuré de rage si le regard perçant de son père ne l’en empêchait pas aussi sûrement.

– Tu n’es pas dans le temps.

Elio sursauta. Ellana s’était avancée vers eux sans qu’il ne s’en aperçoive. De tous ceux qu’il avait rencontrés en Gwendalavir jusqu’alors, c’était sûrement celle qui l’impressionnait le plus.

La peau mate, les cheveux d’un noir de jais parsemés ici et là de quelques cheveux blancs, fine et élancée malgré ses quarante ans, la mère de Destan brûlait d’une énergie sauvage qui laissait pantois n’importe qui ne la connaissant pas. Les petites rides au coin de ses yeux et sur son front rehaussaient la beauté de son visage. Mais ce qui l’impressionnait le plus, c’était sa façon sibylline de parler et l’humour décalé dont elle faisait preuve.

– Dans le temps ?
– Oui.

Elle croisa les bras et le regarda d’un air amusé.

– Je ne comprends pas.
– C’est bien là le problème.

Elio fronça les sourcils.

– L’échec n’est pas un obstacle à franchir, reprit-elle, mais une marche qui t’aide à t’élever. L’échec est une force, qui peut te
renverser mais aussi te porter. A toi de savoir l’utiliser.

Elio déglutit. Il s’imprégna lentement des phrases d’Ellana. La différence ne semblait pas grande, et pourtant… Et pourtant elle lui offrait un nouveau champ des possibles, une nouvelle façon de voir le monde.

Il hocha la tête.

– Je vois. Mon échec contre Destan peut me décourager ou me motiver à progresser. Cela ne dépend que de moi de choisir la voie que je souhaite emprunter. Je dois comprendre seul comment être dans le temps, comme tu le dis, et mes pouvoirs ne pourront pas m’y aider car être dans le temps ne peut venir que de l’expérience et donc, de l’échec.

Ellana sourit finement pour toute réponse.


*


Tard ce soir là (avec un petit tiret ;) ), Edwin rejoignit Ellana dans le lit qu’ils partageaient. Il se lova contre son dos et l’embrassa dans le cou.

– Il est exceptionnel, n’est-ce pas ? dit-elle.
– Oui. Tu pourrais en faire un bon marchombre.

Ellana sourit.

– Je laisserai plutôt Salim s’en occuper...

Elle se tourna vers lui.

– Car j’ai déjà fort à faire avec toi, ajouta-t-elle, un air joueur dans les yeux.
– Je suis un élève si pénible ? chuchota-t-il.
– Le plus pénible.


*


Après leur course effrénée pour échapper au volcan, les trois enfants avaient ralenti mais Destan supportait toujours le poids d’Eryn sur son dos. Son énergie retrouvée, elle bombardait de questions Destan qui commençait à se demander s’il n’allait pas l’abandonner derrière lui.

Accaparé par Eryn, il lui manqua une précieuse seconde pour réagir lorsque les Helbrumes attaquèrent.

Créatures intelligentes et vicieuses, elles les avaient attendus à un endroit stratégique et s’étaient réparties en cercle autour d’eux.

Puis elles avaient attaqué.

Eryn émit un hoquet de dégoût face au corps humanoïde et lisse des Helbrumes. Débarrassés des contraintes terriennes, ils avaient enlevé leurs vêtements et leur peau nue ne présentait qu’une seule aspérité, leur bouche plissée dans une grimace de haine. Dans leurs mains, des armes hétéroclites se balançaient.

Destan para à la dernière seconde un sabre qui aurait dû l’égorger, fit vriller sa lame et trancha le bras d’un Helbrume dans le même mouvement. Mais les monstres étaient bien trop nombreux et Eryn sur son dos ralentissait ses mouvements. Il lui hurla de le lâcher, mais elle se cramponna à la place de plus en plus fort.

Si les Gröens et les autres monstres du même acabit ne l’avaient jamais effrayée, la vision de ces absurdes imitations humaines l’avait poussée dans ses retranchements. Elle avait voulu tous les aplatir comme des galettes de naam ou les transformer en spaghettis, mais son pouvoir lui faisait défaut. Pétrifiée par la peur et réduite à l’impuissance, elle n’entendait plus les cris de Destan.

Le sabre de Destan virevolta et perfora la poitrine d’un Helbrume tandis que les mâchoires puissantes du jaguar à ses côtés déchiquetaient un mollet. Tous les deux continuèrent leur travail de boucherie et pendant un instant, ils crurent être tirés d’affaire malgré la contrainte qu’Eryn leur imposait.

Puis Destan, peu habitué à sa nouvelle charge, anticipa mal une esquive. Il se jeta sur le côté trop lentement.

Une épée lui transperça le dos. Etonné, il observa d’abord la pointe ruisselante de sang qui ressortait par son épaule gauche.

Puis il sentit la douleur. Terrible.

Enfin, un hurlement retentit. Un instant, il ne comprit pas. Puis l’épée disparut et avec elle, la charge qui pesait sur son dos.

La vérité éclata dans son esprit. Brutale.

L’épée qui l’avait éventré avait touché Eryn !


*


Nawel se figea.

Par une trouée entre les arbres, elle apercevait un volcan.

Un volcan en éruption !

Elle les connaissait grâce à un livre de géographie, qui faisait état de leur existence dans les confins des montagnes de l’Ouest de son monde natal. Un schéma détaillé complétait les explications, mais elle n’aurait jamais pensé qu’il puisse être si éloigné de la réalité.

Car il ne représentait absolument pas la majestuosité du volcan ni l’incroyable attirance qu’il exerçait sur elle. Elle l’observa durant de longues minutes.

Fascinée.

Nawel allait s’éloigner quand elle entendit un cri. Le cri d’une petite fille apeurée.

Son cœur rata un battement.

Il ne pouvait s’agir que d’une petite fille.

Nawel court, plus vite que la peur, plus vite que la mort. Elle court sauver son destin.

N'hésitez pas à me laisser un petit commentaire, ça me fait toujours extrêmement plaisir !


Alors, au-delà des petites remarques en rouge, je trouve que tu écris très bien. Car il n'y pas que les mouvements de Destan qui soient fluides, il y a aussi ton écriture ! Les dialogues sont très crédibles !
Il y a du vocabulaire, les mots ne sont pas plats et l'histoire ne stagne pas.
Je pense qu'il est davantage compliqué de s'approprier univers pré-existant, inachevé, que de monter le sien de toutes pièces. Mais, je n'ai pas noté de dissemblances, de "trucs qui clochent". En sus de cela, les descriptions sont là, mais pas envahissantes, juste le nécessaire. J'aime bien aussi l'alternance de personnages et aussi des passages dialogués et narrés. Ni les uns ni les autres sont trop longs, à mon goût.
Conclusion : c'est très plaisant !

Que ton avancée soit aussi preste que l'élancement de Nawel ! Bon courage ! Et merci de cette publication !

Micum
Si je me souviens bien il était plus question d'apporter des sandwich préexistant que de les materialiser depuis les spires car ils sont soit éphémères (et donc ne rassasient que pour une durée limitée) soit éternels (et notre organisme ne peut les digérer).
Thynie

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Re: Les âmes croisées - La suite !

Message par Thynie »

b]Aramir[/b] : Merci infiniment pour ton retour, c'est vraiment très gratifiant ! Ça me fait vraiment plaisir que les chapitres te plaisent et même que tu retrouves en partie le style de Pierre Bottero !

Je prends en compte tes remarques pour la suite, aurais tu des exemples de phrases qui t'auraient gêné ?
J'essaierai de revoir ces passages :)

Micum : Un grand merci à toi aussi, vos messages me poussent vraiment à continuer !
Moi je trouve plus simple de partir d'un univers existant, ça me pose des contraintes sur lesquelles je peux me baser !
J'ai modifié mon texte grâce à tes remarques, merci encore !

Par rapport aux sandwichs, dans le tome 3 de l'autre, Eryn dessine des sandwichs pour Elio dans la Maison dans l'Ailleurs, j'ai donc repris cela !

Petite demande pour que le topic soit plus simple à lire : est ce que vous pourriez mettre sous balise "spoilers" quand vous citez mon texte ? Merci beaucoup !!
Thynie

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Re: Les âmes croisées - La suite !

Message par Thynie »

Bonjour à tous ! Voici le chapitre 3, j'ai essayé de tenir compte des remarques que j'ai pu avoir ! Qu'en pensez-vous ? N'hésitez pas à citer des phrases / passages que vous avez aimé ou que vous n'avez pas aimé :)
CHAPITRE 3

Destan n’avait pas jeté un regard à Eryn. Il savait qu’il ne pourrait s’en occuper tant que les Helbrumes seraient toujours en vie. Son bras gauche hors service, il continua tout de même le travail méticuleux qu’il avait entamé.

Elio, en voyant la chute d’Eryn, avait instinctivement repris son apparence humaine. N’ayant pas les réflexes de Destan, il s’était précipité à son côté, sans penser une seconde au danger qu’il courrait. Assister impuissant aux pleurs de douleur d’Eryn le rendait fou. L’épée avait touché son bras, et une mare de sang s’étendait doucement sous elle. Il déchira un bout de sa tunique pour bander la plaie, ne sachant que faire d’autre.

Destan para un coup qui aurait décapité Elio, feinta, brisa une rotule d’un coup de pied, sauta pour ouvrir une plaie dans le ventre d’un assaillant…

Cela ne suffisait pas.

– Elio ! Relève-toi !

Elio n’entendit pas. Il restait encore quatre Helbrumes… et la vision de Destan devenait de plus en plus floue.

Une dague traça un premier trait de feu sur son flanc droit. Puis un deuxième, sur sa cuisse. Ses gestes se faisaient plus lents, il n’essayait même plus d’attaquer les monstres. Garder les enfants en vie tenait déjà du miracle.

Du coin de l’œil, il vit une arme scintiller. Il se retourna, leva son bras pour parer, le geste lui sembla lourd, manquant de grâce, et l’Helbrume n’eut aucun mal à contourner sa défense pour exploser sa masse d’arme sur son épaule blessée. Destan, au prix d’un effort surhumain, réussit à rester debout, presque aveuglé par la douleur. Une autre arme fusa vers sa gorge. Cette fois, il savait qu’il n’arriverait pas à la parer. Il avait échoué. Echoué à protéger les deux enfants. Echoué à trouver une autre Porte. Echoué à retrouver ses …

Une lame venait de contrer le sabre à deux centimètres de sa gorge.

Inespérée.

Destan reprit espoir. Elio était enfin sorti de sa torpeur ! Mais la silhouette qui se dessina devant ses yeux brumeux n’avait rien à voir avec celle d’Elio. Entièrement recouverte d’un métal luisant, la statue vivante qui se campait devant lui ressemblait plus à un Helbrume qu’à un humain.

A la limite de perdre connaissance, Destan observa que malgré son apparence, la statue métallique semblait de leur côté. En moins de deux minutes, elle abattit les derniers monstres. Elle n’avait pas hésité à parer les coups de son bras, ou à attraper les lames à pleine main.

Rassuré, Destan s’évanouit.


*


– Alors, qu’est-ce qui vous amène dans cette si belle jungle ? sourit Nawel.

Nawel, aidée d’Elio, avait pansé les plaies de Destan avant de le charger sur son dos pour s’éloigner de la scène de carnage. Ils se reposaient maintenant dans une petite grotte. Nawel observait Elio. Le garçon dégageait une aura exceptionnelle. Il brillait, d’une lumière non perceptible par les yeux mais par le corps. Occupé à rassurer Eryn, il ne semblait pas avoir conscience de l’attention particulière que Nawel lui portait.

Eryn ne pleurait plus. Elle se taisait depuis une vingtaine de minutes, ce qui pour elle était un petit exploit et montrait à quel point le combat l’avait affecté. Son visage exsangue commençait à reprendre des couleurs. Elle leva ses yeux redevenus malicieux vers Nawel.

– On aime beaucoup les monstres ! Surtout en pâte à crêpes ! C’est quoi ton vêtement ? Une armure ? Ça ressemble à une armure et en même temps ça n’y ressemble pas.

– C’est une armure, mais un peu spéciale. Elle s’appelle Venia et réagit à ce que je lui dem…

– Et tes cheveux, pourquoi ils sont courts alors que tu es une fille ?

– Parce que la longueur de nos cheveux n’a rien à voir avec notre genre. Tu peux avoir les cheveux longs en étant un...

– Et ton armure, elle est vivante ?

– Non, elle n’est pas vivante. Elle peut me parler dans ma tête, mais elle a été créée par les Anciens, un peuple de mon monde qui a dispa…

– C’est où ton monde ?

– Derrière une Porte, qui a été condamnée derrière moi.

– Comme la Porte par laquelle on est passés ?

– Peut-être. Sûrement.

– Ma maman dit que ce sont des Pas sur le côté matériels.

– Des pas sur le côté ?

– Tu sais, j’ai eu vraiment très peur tout à l’heure, parce que je ne pouvais plus dessiner. Heureusement que tu es arrivée !

– Tu dessines ? Moi aussi, j’ai même mon carnet avec moi. Tu me montreras tes dessins ?

Eryn émit une trille joyeuse et se cacha la bouche de sa main valide.

– Je ne pense pas que tu parles du même genre de dessin.

– Comment ça ?

Destan émit un grognement et ouvrit les yeux avant qu’Eryn ne puisse répondre.

– Destou !

Eryn se précipita pour venir l’embrasser.

– Pour une bagarre, c’était une sacrée bagarre !

– Et tu ne m’as pas trop aidé… bougonna-t-il en la repoussant légèrement de sa main droite.

Il en profita pour la regarder sous toutes les coutures. A part son bandage au bras, elle avait l’air en pleine forme.

– Tous ces monstres ! Tu les as tous trucidés de ton épée !

– C’est un sabre, et je n’ai pas tous pu les tuer à cause de toi.

– C’est pas grave ! Nawel nous a sauvés !

– Nawel ?

Eryn fit un grand sourire et un geste en direction de la jeune femme.

– Elle a une armure qui n’est pas vivante mais qui parle !

Destan s’assit difficilement.

– Ah. Je te remercie de nous avoir sauvé, Nawel la Statue. Même si cela me fend le cœur de l’admettre, nous étions en fâcheuse position.

– Il n’y a pas de honte à l’admettre. Nous étions destinés à nous trouver de cette façon.

Six mois auparavant, elle s’était convaincue que le hasard n’existait pas. Comment expliquer d’une autre façon alors qu’elle les aie sauvés au tout dernier moment, si ce n’était grâce au destin ?

– Je m’appelle Destan, et malgré mon nom, je ne crois pas au destin.

– Je n’y croyais pas non plus il y a seulement quelques jours.

Destan prit son temps pour observer la jeune femme. Son armure libérait sa tête, révélant un visage qui, s’il n’était pas particulièrement joli, dégageait une volonté farouche à laquelle il était sensible.

– Cela nous fait donc déjà un point de désaccord, Nawel la Statue. Espérons que ce ne soit pas le dernier.

Elle resta interdite un moment, ne sachant pas comment interpréter cette phrase. Finalement, elle haussa les épaules.

– Tu devrais te reposer. La lame a ripé sur ton os et elle est passée sous l’articulation de ton épaule. Elle a du sectionner quelques muscles, et je ne sais pas quand tu retrouveras l’usage de ton bras.

Destan grimaça. La douleur qui pulsait dans son épaule était atroce, mais elle lui semblait presque anodine par rapport à la sensation de n’être plus qu’à moitié maître de son corps. Son bras gauche avait été bandé contre son torse et ses doigts réagissaient à peine.

– Non. Je peux repartir.

– Ne sois pas stupide. Eryn a besoin de repos, tu as besoin de repos. Avec Elio, nous vous protégerons si besoin.

Les yeux de Destan s’assombrirent.

– Eryn va bien. N’est-ce pas ? grommela-t-il en regardant la petite fille.

– Ça va ! C’est juste une égratignure !

Elle tapota son bandage avec un sourire qui se transforma vite en grimace.

– Et ce n’est pas à toi de décider si je suis apte ou non à continuer. En revanche, insulte moi encore une fois et tu ne douteras plus de mes capacités à trancher les têtes qui me barrent la route.

Nawel fixa longuement les yeux gris du jeune homme. La menace était si totalement disproportionnée qu’elle en devenait comique, mais la jeune femme ne voyait pas trace d’un quelconque humour dans le visage de Destan.

– Je vois que tu es prompt à oublier ta reconnaissance envers ceux qui t’ont sauvé la vie, Destan-qui-ne-croit-pas-au-destin, commenta-t-elle en haussant un sourcil.

Il grommela quelque chose d’inaudible, puis se releva avec difficulté.

– En tous cas, on y va. Tu es libre de rester ici si tu le souhaites.

– Dites-moi que je rêve, murmura Nawel en secouant la tête.

Elle reprit de manière audible :

– Je vous ai enfin trouvés. Ce n’est pas pour vous laisser partir.

– Tu nous as trouvés ? Tu nous cherchais ?

– Une… amie m’a dit que la suite de mon destin serait à vos côtés.

Destan soupira d’un air consterné mais ne répondit rien et se mit en marche. Elio lui emboîta le pas et reprit la conversation.

– Pardonne Destan, il est très mauvais perdant.

Nawel esquissa un sourire.

– J’ai pu remarquer.

– Il n’est pas mauvais perdant, intervint Eryn en chuchotant, c’est juste qu’il n’a pas confiance en lui.

Les deux autres la regardèrent avec surprise.

– Tonton Edwin et tata Ellana sont tous les deux très très forts. Il a peur de ne pas être à la hauteur. Alors il se débrouille comme il peut pour se prouver qu’il est fort lui aussi.

Nawel trouvait Eryn de plus en plus surprenante. A six ans, elle portait déjà un regard acéré sur son entourage et parlait mieux que beaucoup d’adultes.

Nawel reporta son regard sur Destan. Il avait beau rester un crétin fini, les quelques phrases de la petite fille adoucirent le jugement qu’elle portait sur lui. Après tout, elle avait elle-même été pendant longtemps une personne qu’elle abhorrait à présent. Elle le désigna du menton.

– Pourquoi est-il si pressé ? Que cherchez-vous ?

– On cherche une autre Porte, répondit Elio. Pour passer dans un autre monde.

– Vous souhaitez retourner dans votre monde ? Vous vous êtes faits enfermer ici ?

– Non. Nous cherchons…

Destan se retourna et lui jeta un regard assassin. Elio s’arrêta net et reprit :

– On cherche juste une autre Porte.

– D’accord. Vous n’avez pas trop le syndrome du chercheur d’aiguille dans une meule de foin ?

– On va la trouver, répondit-il avec certitude.

– Comment en es-tu sûr ?

– C’est une longue histoire.

– J’imagine que cette fameuse Porte ne nous attend pas dans les dix prochains mètres...

– D’accord. Dans mon monde, il y a des milliers d’années…

Destan se retourna à nouveau pour faire taire Elio. Cette fois-ci, celui-ci ne se laissa pas faire.

– Non ! Destan, je sais que tu trouves ça étrange que Nawel soit arrivée pile au bon moment, mais nous ne pouvons pas rester dans la peur de l’autre. Nous sommes dans un monde qui n’est pas le nôtre, peuplé de monstres tous plus dangereux les uns que les autres, mais celle que tu décides de redouter est une fille de ton âge !? Moi, je sais qu’elle veut nous aider ! Je lui fais confiance. Nous devons lui faire confiance.

Le jeune homme réfléchit un long moment en silence. Il finit par leur jeter :

– Mieux vaut que tu te mettes tout de suite à raconter cette historie alors, Elio.

Le garçon sourit et ferma les yeux, replongeant dans ses souvenirs.

Puis il commença à raconter.

– Il y a des milliers d’années...


*


Natan reprit son récit après l’interruption de Salim sur les Métamorphes.

– Enfin, la dernière famille, les Bâtisseurs, dont Shaé et Elio descendent, ont créé la Maison dans l’Ailleurs dont, j’ai l’impression, rit-il en faisant référence au dessin d’Ewilan, vous avez déjà connaissance. Ils ont réussi à relier notre monde avec le vôtre en passant par ces fameuses Portes dont la Maison regorge. Chaque Porte de la Maison s’ouvrait sur un endroit différent sur Terre.

– Des grands pas sur le côté physiques… Ils devaient avoir énormément de pouvoir pour cela, réfléchit Ewilan.

– Des grands pas sur le côté ?

– L’art du Dessin ne permet pas seulement de faire basculer certaines choses dans la réalité, il permet aussi de se rendre dans des endroits connus grâce à des pas sur le côté. Les dessinateurs les plus doués peuvent faire un grand pas, c’est-à-dire passer d’un monde à l’autre avec cette technique. Quant à les matérialiser pour qu’ils soient accessibles en permanence… Je ne pense pas que j’en serais moi-même capable.

Natan et Shaé s’en doutait déjà, mais ils eurent ainsi la confirmation qu’Ewilan possédait un don extraordinaire – à moins qu’elle ne soit extrêmement prétentieuse, ce qui était aussi possible.

– Penses-tu que les Bâtisseurs soient des Dessinateurs ?

– J’aurais tendance à dire que non. Ils utilisent sûrement l’Imagination mais d’une manière totalement différente de la nôtre. Ce n’est pas rare chez nous. De nombreuses professions font appel à l’Imagination sans que je puisse détecter leur route à travers les Spires – les chemins de cette dimension – , comme les rêveurs ou les sculpteurs de rougeoyeurs. D’un autre côté, Merwyn – le plus grand dessinateur que Gwendalavir ait connu – a réussi à créer des voyageuses, des perles enfermant un pas sur le côté utilisable par n’importe qui. L’art des Dessinateurs et celui des Bâtisseurs n’est donc peut-être pas si éloigné...

Il y eut un instant de silence.

Puis Ewilan et Shaé prirent la parole au même moment :


– Tu penses qu’on pourrait en reconstruire une ?

Elles sourirent. Ewilan hocha la tête.

– Je pense que oui. Avec l’aide de la Desmose.

– Je pense aussi, répondit Shaé.

– La Desmose ? questionna Natan.

– Un mélange de Dessin et d’Osmose. Mon ami Liven a inventé ce terme. Je fais partie des Sentinelles, nous veillons sur l’Imagination pour contrecarrer tout danger qui en viendrait. Avec Liven et les autres Sentinelles, nous avons créé une Desmose, c’est à dire que nous fusionnons dans l’Imagination en une seule volonté qui nous permet de parcourir les spires bien plus loin que ce que nous pourrions individuellement. Depuis quinze ans, nous sommes parvenus à des réalisations que nos prédécesseurs n’osaient même pas imaginer…

– Par exemple ?

Ewilan esquissa un sourire.

– Secret défense.

– Moi-même, je ne suis pas au courant de tout, soupira Salim, la voix emplie d’une désolation feinte. Ewilan est reine de mon cœur, mais je ne suis pas roi du sien. Mon amour infini pour elle lui ouvre toutes mes fenêtres, et elle s’engouffre en moi comme les rayons du soleil levant, pour ensuite me laisser sombre et froid lorsqu’elle disparaît. Et je sais que jamais, je ne l’atteindrai ni percerai ses secrets, et que...

– Arrête de jouer le martyr, tu as tes secrets aussi, sourit Ewilan.

Elle lui passa amoureusement le pouce sur la joue et les yeux de Salim pétillèrent. Natan ramena la conversation sur le sujet principal.

– Et tu penses donc que la Desmose permettra de créer une nouvelle Porte ?

– Je n’en suis pas sûre, mais en étudiant le pouvoir de Shaé, nous pourrons peut-être comprendre son fonctionnement et le reproduire. Si tu le souhaites, Shaé, bien évidemment.

Shaé réfléchit. Elle n’avait absolument pas envie de servir de rat de laboratoire, mais sans se l’expliquer, son instinct lui disait de faire confiance à Ewilan. Elle dégageait les mêmes ondes que Rafi, le Guide qui les avait aidés de si nombreuses fois et qui avait rempli le rôle de grand-père pour Elio.

De plus, Ewilan n’avait jamais proposé de réaliser ses tests sur Elio, bien que son don soit manifestement plus grand que celui de Shaé.

Enfin, il fallait avouer que construire une Porte serait une aventure exceptionnelle.

– C’est d’accord. J’en suis.

Natan coula un regard surpris en direction de sa compagne.

– Avant que nous nous réjouissions tous de ce projet, il faut sûrement que nous vous expliquions la suite de notre histoire. Car au vu du passé, ce n’est peut-être pas une bonne idée de recréer une Porte.

« Les Bâtisseurs, en plus des mille sept cent autres Portes joignant la Terre et la Maison, ont créé quatre nouvelles Portes. Celles-ci menaient vers un nouveau monde, une jungle nauséabonde et marécageuse. Des créatures toutes plus infâmes les unes que les autres ont surgi de ces Portes, que les Sept Familles ont réussi à repousser. Puis, une nouvelle créature est apparue, bien plus puissante et maléfique que ce qu’ils pouvaient imaginer : l’Autre. Elle a commencé à ravager le monde avant que les Sept Familles, soudées, parviennent à la contrer, la diviser en trois parties et l’enfermer dans des bulles mondes, accessibles à partir de trois nouvelles Portes qu’ils avaient créées. Mais, afin de pouvoir le détruire complètement, ils ont aussi créé une huitième Porte, qui permettait d’accéder à l’Autre dans son intégralité.

« Mais l’Autre n’a jamais été détruit, et au fil des ans, il a été oublié. Mais il y a quinze ans, un chercheur a ouvert la Huitième Porte et le chaos de l’Autre s’est déversé sur le monde. Les Familles avaient toutes été décimées par les Cogistes, et n’étaient ni assez puissantes ni assez soudées pour faire front. Tout l’espoir résidait donc sur Shaé et moi. Shaé car elle est Métamorphe, Bâtisseuse et Guérisseuse, et moi car je suis Cogiste, Mnésique et Scholiaste. Avec Shaé, nous avons détruit les deux premières parties, mais nous ne pouvions battre la troisième, l’ me de l’Autre. Pendant quinze ans, il a renforcé son emprise sur les hommes. Si vous êtes retournés sur Terre parfois, vous avez sûrement vu son impact.

Ewilan et Salim hochèrent la tête, pensifs.

– Elio est alors né, descendant de six des sept Familles. Nous avons vécu ces quinze dernières années dans un village berbère, le village de Rafi, un Guide et un très bon ami. Quinze années de calme et de douceur, jusqu’à ce que l’Autre nous retrouve. Le village fut détruit et Elio séparé de nous. Je te laisse raconter la suite si tu le souhaites, Elio, finit-il en se tournant vers son fils.

Elio, bien qu’en pleine discussion avec Eryn, se tourna vers lui en donnant l’impression d’avoir parfaitement écouté tout ce qui avait été dit.

– Bien sûr ! Avec Rafi, nous avons vécu trois mois à Marseille. Des monstres prenant l’apparence d’humains étaient présents sur tous les écrans, et poussaient la population à un lavage de cerveau continuel. Mais l’Autre nous a retrouvés et nous avons dû nous enfuir. Puis Rafi… Rafi s’est sacrifié pour me donner son pouvoir de Guide. Celui qui me manquait. J’étais très triste mais je le sentais toujours, ici, dit-il en touchant son torse à l’endroit du cœur.

« Avec Gino, un autre Guide, nous sommes allés voir la Huitième Porte, celle où l’Autre avait été retenu pendant des milliers d’années. Je suis entré dedans, et j’ai appris ses secrets. Finalement, nous sommes retournés à Marseille. Nous sommes entrés dans le studio, et j’ai utilisé leur système pour transmettre un message qui a été diffusé sur, je crois, des écrans partout dans le monde. Pendant ce temps là, Gino, maman et d’autres personnes se battaient contre les monstres, fit-il en adressant un petit sourire à sa mère. Sans le pouvoir des Sept Familles, je n’aurais jamais pu réussir, mais lorsque j’ai parlé les hommes et les femmes partout dans le monde ont pu se libérer de l’emprise de l’Autre.

« Finalement, il n’y avait plus qu’à réaliser la dernière partie de mon plan. L’Autre avait perdu son pouvoir sur les humains mais il existait toujours. Il est venu à moi, et il m’a suivi jusque dans la Maison. J’ai sauté dans la Pratum Vorax, lui aussi… Mais j’avais un avantage : Eryn m’a aspergé d’eau, ce qui m’a permis de ne pas me faire dévorer par la prairie. Contrairement à lui.

Un long silence suivit son monologue.

Comment un garçon de dix ans avait pu accomplir un tel exploit ? Ewilan et Salim durent se rappeler qu’ils n’étaient pas bien plus âgés lorsqu’ils avaient sauvé Gwendalavir.

– Voilà pourquoi je pense qu’il faudrait bien réfléchir avant de créer une nouvelle Porte, reprit Natan. Car nous pourrions réveiller une créature plus dangereuse encore.

Un débat passionné débuta alors. Finalement, ils décidèrent qu’il faudrait étudier dans le détail les Portes de la Maison et le pouvoir de Shaé lorsqu’elle interagit avec. De plus, s’ils avaient le moindre doute, l’opération serait avortée.

Pendant des mois, l’excitation fût plus forte que la peur engendrée par le projet.

Puis ce fut le chaos.
Thynie

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Re: Les âmes croisées - La suite !

Message par Thynie »

Bonjour à tous !

Toutes mes excuses pour l'énorme temps depuis le dernier chapitre !
J'ai malencontreusement perdu le chapitre 4 alors que j'étais en train de l'écrire (les sauvegardes auto, ça ne marche pas toujours !)
J'ai donc eu une grosse période de démotivation, mais j'ai quand même réussi à réécrire une partie, que je vous laisse découvrir juste après.

C'est petit, mais j'ai préféré le poster plutôt que d'attendre encore plus...

Bonne lecture !


CHAPITRE 4

Elio pointa du doigt le centre de l’étang marécageux qui était apparu au détour du chemin. Une faune composée majoritairement d’insectes pullulait et un dôme rocheux écroulé y formait comme un petit château fort en son centre.

– C’est là-bas que nous nous rendons.

Destan et Nawel se regardèrent, inquiets.

– Et… On s’y rend à la nage ? dit-elle en écrasant un moustique sur sa joue.

Elio ne prit même pas la peine de répondre, et regarda juste Eryn. Elle fit un grand sourire et soudain, un radeau et des rames apparurent à quelques mètres d’eux. Nawel sursauta et regarda les objets avec de grands yeux.

– Ah oui ! Chez toi, vous avez des supers armures méga résistantes, tu disais ? Eh bien chez nous, on a Eryn. Elle peut faire basculer à peu près n’importe quoi dans la réalité, fit Elio avec un sourire joueur.

Nawel resta un instant interdite, avant d’éclater de rire. Elle se rapprocha de l’embarcation afin de vérifier si elle était bien réelle. Elle s’embourba jusqu’aux genoux avant de l’atteindre, et grimpa dessus. Le bois sous ses doigts avait la texture rappeuse de l’écorce et une odeur d’épicéa frais, presque imperceptible à travers les remugles infects de l’étang, s’en dégageait bel et bien.

Les autres l’avaient suivie et s’installèrent à ses côtés. Elle prit une pagaie, Destan une autre et ils commencèrent à avancer,
d’abord en poussant contre le fond, puis très vite en ramant. Ils s’aperçurent que le lac était bien plus profond que ce qu’ils avaient imaginé.

Ils arrivaient à la moitié lorsqu’un énorme coup fit trembler le radeau.

– Qu’est-ce que c’était ? dit Eryn d’une voix inquiète.

Personne ne répondit. Destan et Nawel n’osaient plus toucher aux rames. Le jeune homme sortit lentement son sabre de son fourreau.

Puis sans prévenir, un nouveau coup, bien plus fort que le précédent, souleva un coin du radeau. Destan s’accrocha comme il pouvait aux cordes qui reliaient les troncs, puis le radeau retomba dans une grande éclaboussure.

Haletant, il essaya de scruter l’eau pour repérer le monstre qui les chassait, mais un grand cri derrière lui le fit se retourner.

– ERYN !

Le cœur de Destan s’arrêta. Eryn avait disparu ! Le jeune homme devint aussi blanc que la neige. Sa petite protégée était…

Puis il vit Elio qui se penchait par-dessus bord, le bout du nez touchant quasiment l’eau. Il l’attrapa par le col et l’envoya valser en
arrière, en criant :

– NON !

Une gueule sortie tout droit des enfers, ronde et ornée de plusieurs centaines de dents pointues, vint claquer à l’endroit exact où s’était tenue la tête d’Elio une seconde auparavant.

Cette vision cauchemardesque glaça les trois adolescents. La seule chose qui rassura Destan fut d’observer les dents de la bête : elles n’étaient pas pleines de sang. Eryn avait peut-être encore une chance de s’en sortir…

La créature replongea. Mais le répit fut de courte durée. Le radeau trembla lorsque les crocs de la bête se plantèrent dans un tronc. Destan entendit l’arbre grincer atrocement, puis le bois explosa.

– C’est un Resork, fit Elio d’une voix blanche. Il a des pouvoirs de régénération comme les Kharx… Et Youssoura me dit qu’aucun n’a été tué jusqu’à ce jour.

Youssoura était la mémoire ancestrale qui parlait dans la tête d’Elio. Elle lui transmettait les connaissances que ses ancêtres avaient accumulées depuis des milliers d’années.

Si Youssoura disait qu’aucun n’avait été tué jusque là, alors c’était le cas.

Et Destan était bien déterminé à être le premier à démentir Youssoura.

Il raffermit sa prise sur son sabre et s’avança à quatre pattes vers la créature qui avait repris son travail de destruction. Une main sur son épaule l’arrêta net.

– Ne fais pas ça, Destan ! s’énerva Nawel. Tu as entendu Elio, nous n’avons aucune chance !
– Et alors ? Tu crois que je vais rester ici à me tourner les pouces, pendant que ce monstre dévore notre bâteau et digère peut-être Eryn ? Quel est ton plan ?
– Je n’en ai pas… Mais combattre une créature pareille, c’est du suicide !
– Alors quoi ? Tu veux attendre un miracle ?

Furieux, il observa Nawel. Ses yeux flamboyaient de colère et de peur à seulement quelques centimètres de lui et il pouvait en observer tous les arabesques envoûtants. La tension palpable qui crépitait entre eux lui fit oublier une seconde où il était.

Puis le radeau tout entier gémit et se tordit sous eux.

– Hum… Destan, Nawel ? les appela Elio d’une petite voix. On… comment dire ? On vole.

Destan se retourna. Le radeau, en effet, se trouvait déjà à un mètre au-dessus du niveau de l’eau ! Il remarqua les câbles qui étaient apparus sur les quatre coins de l’embarcation et leva les yeux : un énorme ballon en toile était relié aux troncs et leur permettait de voler !

– Attendre un miracle, tu disais ? chuchota Nawel. Oui, ça me semble plutôt une bonne idée.

Les trois adolescents restèrent ensuite silencieux, de peur de briser la magie qui les maintenaient en vie.
Puis Elio pointa du doigt l'îlot au centre du lac et s’exclama :

– Eryn ! C’est Eryn !

Destan tourna la tête.

La petite fille se tenait bel et bien sur la berge, bien droite et parfaitement trempée.
Dernière modification par Thynie le dim. 22 mai, 2022 5:24 pm, modifié 3 fois.
Victor-85

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Re: Les âmes croisées - La suite !

Message par Victor-85 »

Comme toi j'ai découvert l'univers de Pierre Bottero il y a une douzaine d'année et à la fin de des âmes croisées j'avais ressenti une grande tristesse et frustration qu'il n'y ait jamais de suite. Ma mère m'avait alors dit que je pouvais l'écrire moi même mais le projet n'avait pas abouti :roll: .
Je viens de relire tous ses livres et j'ai à nouveau ressenti cette tristesse et cette frustration. Cependant cette fois je suis tombé sur ta fanfiction et je dois te dire merci. La suite que tu proposes est très crédible et ton style est proche de celui de Bottero. Tu lui fais honneur. J'ai juste quelques remarques sur l'univers :
- à un moment Destan jure sur Merlin, je pense qu'il devrait plutôt jurer sur Merwyn qui est l'équivalent de Merlin en Gwendalavir
- tu as écrit que Elio était retourné à Marseille pour vaincre l'Autre après avoir visité la 8e porte, dans mes souvenirs c'est à Paris qu'il va (les studios sont dans le Louvre)
- je crois qu'il y a qu'une des 4 portes de fer qui mène en Fausse Arcadie et que l'on ne sait pas où vont les 3 autres (à vérifier mais je n'ai pas les livres sous la main).
Sinon quelques petits détails que j'ai remarqué dans les livres de Pierre Bottero :
- Le fou de roi dans les âmes croisées connaît Ewilan (il faisait parti de la desmose de Liven dans les tentacules du mal)
- Doume Fil' Batis qui est chroniqueur de l'empire dans les tomes d'Ewilan se retrouve auteur d'un livre sur les familles dans la maison de l'Ailleurs. Son nom laisse penser qu'il est batisseur et que donc les familles sont présentent en Gwendalavir. Cela laisse aussi penser qu'il a vécu à plusieurs époques.
- Il y a une théorie avec la BD Isayama qui laisse penser que les villes des âmes croisées se trouvent à l'est de la grande dévoreuse (carte qui est incomplète dans les livres qui se passent en Gwendalavir tiens tiens ;) )

Pour finir, un grand merci à toi, ta suite est très agréable à lire et j'ai lu les 3 premiers chapitres avec la même envie que les livres de Pierre Bottero. De plus le fait que ton style soit un peu différent de celui de Bottero n'est pas important car de toute façon son style a beaucoup changé entre Ewilan et Les âmes croisées.
Si jamais tu te poses des questions sur des théories que tu as de ce que voulait faire Bottero pour la suite ou que tu as besoin d'aide pour la suite, n'hésite pas à me DM je t'aiderai volontier.

Merci énormément et j'espère lire ta suite :D
Victor
Thynie

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Re: Les âmes croisées - La suite !

Message par Thynie »

Merci beaucoup Victor !! C'est des avis comme ça qui me poussent à continuer à écrire ^^

Pour le fou du roi, c'est même en fait un ami d'Ewilan (Ol), c'est bien intégré dans mon histoire ;)
Pour la théorie sur la bd, c'est intéressant, je ne connaissais pas (j'avoue que je ne l'ai pas lue) mais du coup je pense que je ne l'intégrerai pas parce que ça ne correspond pas à ce que j'ai prévu ^^

Ça marche pour les petites remarques, je reprendrai ça ;) (c'est vrai que j'ai mis Merlin, mince !!)
Merci encore !!!
Thynie

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Re: Les âmes croisées - La suite !

Message par Thynie »

Bonjour, voici la partie 2 du chapitre 4 :)
CHAPITRE 4 - PARTIE 2

Le radeau se trouvait encore à deux mètres du sol lorsque Destan sauta et se précipita vers Eryn. Il la serra contre lui une seconde puis la regarda sous toutes les coutures.

– Tu n’es pas blessée ?
– Moi aussi je t’aime Destan, mais on devrait vraiment s’éloigner du bord tu sais.

Ils firent quelques pas pour quitter la rive et s’assirent sur les rochers qui constituaient l’essentiel de l’ilôt.
Eryn expliqua que l’Imagination était devenue plus accessible à mesure qu’ils avançaient vers le centre du lac. Et lorsqu’elle était tombée à l’eau, elle s’était rendu compte qu’elle pouvait faire un pas sur le côté.

– Puis je vous ai vu en danger, et j’ai repensé à une des histoires que maman me racontait… Maman…

Elle geignit et commença à pleurer.

Elio la prit dans ses bras, lui chuchotant des mots à l’oreille, tandis que Destan s’assombrissait.
Nawel les observait.

La mère d’Eryn est-elle morte ? Et où sont leurs parents, à tous ?


Elle n’osa pas demander.

Au bout de quelques minutes, Destan décida que la pause était finie. Il se releva sans dire un mot, et tous le suivirent.
Ils déambulèrent un moment parmi les rochers. Puis Elio les appela d’une voix grave.

– Je l’ai trouvée.

Ils se regroupèrent devant un rocher d’environ trois mètres de haut.

Un liseré bleuté dessinait le contour d’une porte.

Elio observa Nawel avec attention. Il savait déjà que Destan et Eryn étaient capables de voir la Porte. Logiquement, ça ne pouvait être le cas de Nawel, mais il avait l’intuition qu’elle aussi avait du sang des sept Familles.

Nawel resta un moment interdite, ne voyant rien de plus qu’une paroi rocheuse. Puis lentement, le contour apparut devant ses yeux. Elle en resta bouche bée.

Elio lui pressa l’épaule et lui adressa un sourire rassurant.

– Ouvrons la ensemble.

Nawel hocha la tête et posa sa main sur la poignée. La main déjà calleuse d’Elio vint se superposer sur la sienne.

– Ensemble.

Ils appuyèrent sur la poignée et poussèrent.

Il ne se passa rien.

Elio fronça les sourcils et réessaya en forçant un peu plus.

Toujours rien.

Nawel retira sa main et Elio se concentra afin de déverrouiller la porte.

Il y eut un déclic et Elio retrouva son sourire. Il appuya sur la poignée à nouveau.

Et la Porte resta fermée.

– Elle doit être bloquée de l’autre côté…

Destan s’avança.

– Comment ça ? Tu ne peux pas l’ouvrir ?
– Non…
– Ce n’est pas possible Elio. Tu peux l’ouvrir. Tu dois l’ouvrir.
– Je ne peux pas. Je ne peux vraiment pas.
– Recommence ! On ne peut pas être bloqués maintenant ! s’emporta-t-il.
– Si tu veux, mais ça ne fonctionnera pas mieux…
– Je te dis que ça va fonctionner ! Ça doit fonctionner ! Tu ne peux pas nous laisser tomber Elio !
– Mais… Je ne vous laisse pas tomber… Ce n’est pas de ma faute…
– Tu nous as amené ici Elio, et nous avons failli tous mourir. Tu dois trouver une solution à présent.

Le jeune garçon avait les larmes aux yeux.

– Arrête Destan ! intervint Nawel. Elio n’est pas responsable ! Arrête de le traumatiser !
– Tu ne comprends pas Nawel ! Depuis huit jours nous risquons notre vie chaque minute en suivant aveuglément Elio ! Nous lui avons fait confiance et là…

Il se tut.

La porte s’était ouverte.

Une jeune femme aux cheveux sombres et tressés se tenait derrière.

Alantha.

– Bonjour à tous. Je vous attendais.
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