Emotions ( laissez des avis svp )

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lecorbeau

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Emotions ( laissez des avis svp )

Message par lecorbeau »

Bon, j'ai pas vraiment d'idée pour intituler ce bout de texte donc je vous laisse découvrir et laisser des avis !

La lune éclaire doucement le parquet abîmé et l'odeur de la poussière lui serre la gorge. Elle n'ose pas troubler le silence de la nuit en posant ses pieds sur le sol froid. Alors, immobile, les yeux rivés sur le mur jaune sale, elle attend. Attend que le soleil lui donne la permission de partir en offrant un éclairage nouveau sur la pièce sordide. Au-dehors, les vrombissements des voitures ne cessent pas et se succèdent dans une symphonie moderne. Ses vêtements sentent la cigarette et le citron, un mélange écœurant et qu'elle n'apprécie pas plus que le commun des mortels. Les minutes s'écoulent, avec la paresse coutumière des minutes d'insomnie. Tic. Le vent soulève le volet mal fermé. Tac. Les murs soupirent sous le poids de la bâtisse. Tic. Le bruit d'un klaxon troue le fond sonore des moteurs. Tac. Déjà une heure qu'elle attend. Elle sent un mouvement dans son dos. Alors, elle se retourne. Et elle le voit, lui, si parfait dans son sommeil. Elle croit qu'elle l'aime mais elle n'a jamais vraiment su ce que ça voulait dire. Elle sourit faiblement quand il remue encore doucement, froissant les draps et répandant son odeur partout. Elle n'a plus la force. C'est ce qu'elle se dit quand elle se retourne vers le mur sale. Plus l'envie. Sa mère lui disait souvent qu'un ras-le-bol ça arrive. De temps en temps on veut tout envoyer valser. Elle comprend ça. Mais son ras-le-bol à elle, son coup de blues personnel dure depuis si longtemps. Au début, avec lui, ça allait mieux. Puis, peu à peu, elle s'est aperçue que c'est pour eux qu'elle nourrissait le plus grand dégoût. Elle l'aime lui, mais pas ce qu'elle est avec lui. Parfois, elle croit que c'est lui qui l'oblige à être quelqu'un d'autre, quelque chose d'autre. Mais, là, assise sur le rebord de son lit, elle se demande surtout si ce n'est pas elle qui change pour lui plaire.
Elle pourrait se justifier dans le blanc matin. Elle pourrait dire qu'il est tellement lui, tellement lointain et tellement proche qu'on ne peut que vouloir lui appartenir. Se traîner avec lui comme un bagage trop lourd. Mais elle n'en a pas envie. Elle n'a plus envie de rien de toute manière. Elle va attendre encore un peu, pas beaucoup, juste quelques secondes, quelques minutes, le temps de dire adieu puis elle partira. Dehors, les voitures continuent leur ronde incessante. Leur son est si monotone qu'elle pourrait l'imiter en fredonnant. Le temps passe vite parfois. Si vite. Quelques pensées, quelques espoirs et c'est déjà une journée qui s'achève. C'est l'heure de partir. Elle jette un dernier regard sur les persiennes mal fermées, sur le mur mal peint, sur le lit mal fait. Sur l'homme mal aimé, mal aimant. Sans un bruit, elle pose ses pieds sur le parquet abîmé. Se lève et avance, doucement, tranquillement, avec lassitude et légèreté. Il ne bouge pas. Elle aimerait pourtant. Qu'il se réveille, qu'il la retienne, qu'il lui dise qu'il l'aime. Il ne le fera pas. Même s'il l'entend il ne dira rien. Il a un don pour laisser partir les gens après les avoir attirés. Alors elle le regarde une dernière fois, entortillé dans les couvertures, comme un enfant fragile. Et elle ferme la porte derrière elle.

Elle descend les marches. Elle a trop de souvenirs. Trop de sentiments. Elle l'aime désespérément, comme on aime le poison qui nous sauve d'une vie trop dure. Sa voiture l'attend mais elle n'en veut pas. La seule chose qu'elle veuille dort quelques mètres plus haut. Ou alors ne dort pas. Elle espère qu'il pense à elle, qu'il s'habille en vitesse pour lui courir après puis elle se souvient que sa vie n'est pas un film romantique ou un roman. Que c'est la vie. Que les étoiles sont belles mais si fugaces. Alors elle marche dans le petit matin, elle longe les véhicules morts, les bâtiments tristes. Et elle pense à tous ces couples qui se séparent dans la lueur d'un matin, à tous ces gens qui disparaissent sur la pointe des pieds, comme des voleurs. Chaque pas est une torture. Elle croit voir son reflet partout, sentir son odeur sur elle, dans l'air. Parfois, rarement, elle croise quelqu'un dans la rue. Un regard vite échangé, un rien, même pas un sourire. Elle se sent transparente sans lui. Elle était belle, elle n'est plus que banale. Elle était incroyable, elle n'est plus qu'elle. Elle est tellement lasse qu'elle ne ressent rien d'autre qu'un grand vide. Le vent sur son visage ne la réveille même pas, et pourtant, elle sent sa morsure piquante sur ses joues humides. Peut-être qu'elle pleure, elle ne sait plus ce que c'est. Elle a oublié.
Elle aimerait oublier les souvenirs. Ils l'appellent, la tirent. Elle ne sait pas si elle sera assez forte alors elle marche toujours, tout droit, traversant les rues. Peu à peu, au fur et à mesure que l'horloge avance, les rues se remplissent. Elle se fond et se confond dans la foule. Elle se noie dans une masse de gens anonymes. Elle s'oublie puisqu'elle ne peut l'oublier.

Mais c'est plus fort qu'elle. Ses jambes vont céder, les digues de ses yeux vont se rompre et laisser couler le flot impétueux de ses larmes. Elle va mourir. C'est une évidence. Ça finira par arriver, comme le soleil finit par se coucher après une longue course. Alors maintenant ou plus tard, quelle importance ? C'est ce qu'elle se demande tandis qu'elle marche, ou plutôt qu'elle se traîne dans la foule. De toute manière, sa vie est finie. Sans lui. C'est comme si on lui avait arraché le cœur, l'âme et l'esprit. Elle n'avait jamais aimé avant ça. C'est si dur l'amour. Si beau aussi. Tout un paradoxe, tout un monde, toute une douleur. Toute une vie peut-être. Elle ne croit pas aux longues histoires, n'y a jamais cru. Pourtant, elle a espéré, tellement longtemps, être l'exception. Elle voulait qu'ils soient l'exception mais ils ne l'ont pas été. Elle le sait maintenant et, étrangement, elle pense ça sans douleur. Ses pas ralentissent encore. Il n'y a plus personne à ses côtés. Seule, face à elle-même, sa vieille amie, sa pire ennemie. Elle est là, nulle part tout en ayant l'impression d'être partout. Elle sent comme la main de l'homme chéri derrière elle, qui la pousse doucement. Il l'accompagne pour la première fois. Elle ne peut alors retenir un sourire. Elle s'assoit sur un banc, le premier qu'elle voit dans ce parc désert. Le soleil caresse les feuilles jaunies et le vent secoue les branches qui tanguent dans un ballet silencieux. Elle est bien. Sans son cœur, sans son âme, peut-être, mais elle est bien. Alors elle se recroqueville sur le banc, les genoux repliés contre sa poitrine menue. La tête sur la pointe de ses os, les bras autour, comme un rempart, les yeux vers le soleil qui commence sa longue agonie.

Elle pleure. Elle lâche enfin les rênes de sa vie, de sa douleur, de ses souvenirs. Elle pleure pour ce qu'elle était, qu'elle ne sera jamais plus. Elle pleure sur l'image de leurs mains jointes. Elle pleure pour ce qu'elle sera. Elle pleure. Elle coule avec ses larmes salées et amères. Son souvenir coule avec elles. Tout son être s'échappe vers le soleil. Elle sourit malgré son visage inondé. Son sourire est plus beau qu'il n'a jamais été. C'est un sourire d'adieu, de résignation. Un sourire de soulagement et de peur.

Elle pense qu'un jour peut-être elle aimera à nouveau, même si pour l'instant elle n'arrive pas à voir plus loin que le lendemain. Même si pour l'instant elle l'aime lui. Elle sait que ce sentiment fanera, tombera avec les feuilles cuivrées de l'automne. Elle attend ce moment avec une impatience si grande qu'elle croit devenir folle de devoir attendre si longtemps. Se sentir libérée, enfin de tous ces liens, de tous ces souvenirs, de tous ces sourires, de tous ces jours qui déjà ne lui appartiennent plus. Elle pourrait se regarder dans le miroir sans avoir honte de croiser son reflet, sans craindre les cernes, les lèvres mordues et les traits tirés de celle qui ne sait plus comment être aimée. Et oui, peut-être, peut-être qu'un jour elle saura aimer. Elle sait qu'il faudra du temps et il faudra qu'on la comprenne, qu'on la rassure, qu'on l'aime mieux qu'il n'a su le faire. C'est à ça qu'elle pense, silhouette fragile, abandonnée au soleil, recroquevillée sur un banc public. Elle se fait le fantôme de ses années passés, le sosie de tant de femmes, le modèle de tant d'autres. Ses larmes coulent toujours, doucement, ruissellent sur ses joues comme des sillons. Les tranchées humides de sa peine. Rien ne lui semble plus naturel que cela à présent, comme si la sensation du vent sur ses joues humides, le goût salé sur ses lèvres avaient toujours été là, attendant le fracas de son cœur et le chaos de ses pensées pour faire leur grande entrée.

Tic. Le vent pousse les feuilles mortes au pied du banc. Tac. Les cris des enfants s'esquissent sur le trottoir. Tic. Le gravier crisse sous les pas d'un inconnu. Tac. Les derniers rayons du soleil éclairent ses yeux fermés. Enfin elle se réveille. Elle ouvre ses yeux, fatiguée d'avoir tant pleuré. Elle déplie ses jambes endolories et pose ses pieds sur le gravier sale. Un robot. C'est ce qu'elle a l'impression d'être. Enchaîner les gestes sans y penser, parce que penser est trop douloureux. Se lever, faire quelque pas. Son esprit prie seulement pour que personne ne la voit dans cet état déplorable. Un reste de dignité sans doute. Mais ses prières sont vaines, elle le sait, elle sent le regard lourd de quelqu'un sur elle alors qu'elle se retourne pour quitter le parc. Mais elle ne veut pas voir, pas savoir. Alors elle reprend sa marche mécanique. Cette fois, plus de pensées torturées, plus de larmes. Ses joues sont sèches, ses lèvres gercées, ses yeux gonflés. Et comme vestige suprême de son désespoir, sa tête lui hurle le souvenir des sanglots de l'après-midi. Mais elle doit faire comme si rien n'était.
normalement

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Re: Emotions ( laissez des avis svp )

Message par normalement »

Bonjour !

Je te laisse un commentaire parce que je sais que ca donne toujours le sourire de savoir que quelqu'un apprécie son travail !
Je trouve ce texte magnifique, tout simplement. Je ne sais jamais comment expliquer pourquoi j'aime quelque chose mais je vais faire de mon mieux.
Beaucoup de poésie dans le début : on pense que c'est le début d'une histoire belle, heureuse. Tu retransmet bien les sons, ce qui est, à mon sens, l'un des cinq sens le plus difficile à décrire ! Ton texte est très imagée, très graphique je dirais.
Ensuite, une mélancolie arrive dans le texte (je m'attendais à ce qu'elle aille ce suicider dans sa salle de bain mais non, elle va juste errer dans les rues, complètement seule, perdue physiquement et mentalement).
Je dois dire que j'aime les textes courts lorsqu'ils sont bien écrits. J'aime lorsqu'ils commencent avec des personnages sans descriptions particulières, sans connaître leur histoire ou leur vie. En fait, j'aime quand je suis dans la peau d'un personnage et que ce soit réaliste, c'est-à-dire qu'il ne va pas se mettre a se décrire comme ça, d'un coup, puis à expliquer toute sa vie sans raison. Bref, j'aime arriver dans l'inconnu et repartir dans l'inconnu et c'est ce que ton texte parvient a parvient à retransmettre, ce que tu parviens à retransmettre.
Ici, c'est réussi car même si c'est à la troisième personne, c'est la fille qui pense, c'est ses pensées qui sont écrites, on sens même que tant elle est perdue, elle tente de trouver de la magie, quelque chose d'incroyable ou de réconfortant dans les alentours pour se convaincre que tout va bien, mais à chaque fois, après la description agréable de quelque chose, vient des pensées plus sombres, plus mélancoliques.
Bref, je m'attarde, de divague mais tout ça pour te faire un éloge, à toi, inconnue qui m'a fait voyager pendant une pause dans mes révisions de bac, et pour cela, je te remercie ! :)
Charmimnachirachiva

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Re: Emotions ( laissez des avis svp )

Message par Charmimnachirachiva »

Salut, moi j'aime beaucoup les récits nostalgiques, je trouve ça toujours émouvant quand c'est bien écrit, et en conséquence la ça l'est.
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