[Réaliste] Je me souviens...

Postez ici tous vos écrits en une partie !
Répondre
auramillia

Profil sur Booknode

Messages : 1
http://tworzymyatmosfere.pl/poszewki-jedwabne-na-poduszki/
Inscription : jeu. 20 déc., 2018 6:15 pm

[Réaliste] Je me souviens...

Message par auramillia »

Bonsoir (ou bonne nuit ?)

-J'ai parcouru les règles du forum mais comme c'est mon premier message dites-moi si je fais quelque chose de mal-

Je suis Auramillia, j'ai récemment découvert booknode et je suis tombée en admiration sur le site ! A force de lire beaucoup de livre, d'en rendre ou d'en revendre, j'oublie souvent un super livre que j'avais lu mais dont la d'un coup je me souviens plus, du coup booknode est super pour quelqu'un comme moi !
Comme j'écris aussi occasionnellement, j'avais envie de partager avec vous aujourd'hui un texte que j'ai fait pour édilivre 48h pour écrire... Il s'appelle : Je me souviens... Sur le thème, eh bien oui, du souvenir !

Bonne lecture !

Ps : On peut mettre le texte en justifié quelque part ?

-------------------------


Je me souviens…




L’eau étreint délicatement mon pied lorsqu’il pénètre sa surface. La porcelaine est froide. Pourtant, une douce chaleur se repend sur moi. Réconfortante. Mon corps semble si frêle entouré de cette présence diaphane. Un parfum de thé vert flotte dans l’air. Embaume la pièce, comme de coutume. Accompagné d’un arôme de pomme, celui de mon shampoing. L’odeur de mon enfance.

Je me souviens, comme-ci c’était hier, de ce jour. J’avais huit ans. Le soleil de l’été brillait, à son zénith. Je jouais dehors, seule. Baignée dans une douce euphorie. Ma mère m’avait donné un euro. Qu’est-ce qu’un euro aujourd’hui ? Pour moi, c’était tout. Ma petite fortune. Et j’étais avide, j’en voulais plus. Alors j’ai joué. Mon unique euro. Un jeu à gratter. Gagné. Un euro en remplaçant un autre. Et, si j’avais gagné une fois, alors pourquoi pas deux ? Je venais d’une famille pauvre, un euro, chez nous, était un repas pour trois. Alors, bêtement, à une époque où les jeux d’argents n’avaient aucunes restrictions d’âge, j’ai parié mon deuxième euro. Perdu. À la maison, j’ai pleuré toutes les larmes de mon corps. Ma mère a remplacé mon euro gagné puis reperdu par une nouvelle pièce étincelante. Infiniment précieuse.
Ce jour-là, je me souviens avoir appris la valeur d’un euro.
« L’argent se perd bien plus vite qu’il se gagne, alors il ne faut pas jouer avec ». Réflexion d’une gamine de huit ans. Trop crédule.

Une douce torpeur s’empare de moi. L’eau étincelle sur ma peau pâle. Une myriade d’étoiles perdues sur mon poignet. Le robinet fait du goutte-à-goutte. À chaque clapot, une petite bille se perd dans l’immensité de ma baignoire. Elle s’imprègne de la couleur et de la composition de ses consœurs, perd son identité et est engloutie par la masse. Pour rien au monde, je souhaiterais être comme elle. S’intégrer au profil de sa différence, perdre son essence et devenir la « norme ».

Je me souviens, de l’époque où je ne pensais pas ainsi. À l’âge de dix ans. Je rêvais d’être banale, commune, entourée, à n’importe quel prix. Sans succès. Le onze décembre, ma mère est venue me chercher à l’école. Mon père et elle étaient séparés avant ma naissance. Comment peut-on cesser d’aimer quelqu’un à qui on a dit « oui » ? Je ne comprends pas. Il y a tant de choses que je ne comprends pas encore. Bernard, mon père était malade. Quelque chose d’ignoble dévorait son cœur et ses poumons. Je me rappelle de la pompe à morphine collée à sa ceinture. Avais-tu si mal, papa ? Ce onze décembre, j’ai su que la visite de ma mère, la discussion privée avec ma prof, et son visage ne pouvait dire qu’une seule chose. Mon père venait de mourir. Pour la gamine de dix ans, qui ne s’était jamais intégrée à sa classe, c’était l’excuse inespérée de rater quelques jours d’école. Ma mère ne voulait pas m’en parler avant d’être à la maison. Alors je suis rentrée, sans qu’on ne me dise rien, mais sachant tout. En sautillant comme une gamine heureuse à la perspective d’un week-end prolongé.
Papa, as-tu senti mes petites chaussures piétiner ton cœur meurtri ?

L’eau commence à se tiédir ou est-ce moi qui ai froid ? Aujourd’hui pas de shampoing, pas de gel douche. Seulement l’eau et moi. Les petites étoiles brillantes sur mes poignets écarlates. La baignoire qui se teint de rose. Les effluves de fer qui recouvrent la pomme. Le bonheur m’a quitté plus vite que le sang s’échappe mon corps. J’aurais voulu que ce soit plus rapide. Des souvenirs me reviennent, par bribes. L’enfance, la mort, ton regard. Comme j’aurais aimé ne jamais te connaître toi et tes yeux traîtres. Ton sourire assassin. Tes lèvres si douces en apparence. Ce sont des roses, attirantes, délicates, mais pleines d’épines.

Je me souviens de toi, Maxence. Mais te rappelles-tu seulement de mon prénom ? J’entends encore les mots d’amours que tu me chuchotais. Ils allaient droit au cœur, sur un chemin tout tracé. Rien que pour toi. Ces mots semblaient si spontanés, que je les ai crus sincères. Comment peut-on arrêter d’aimer quelqu’un à qui on a dit tant de belles choses ? Alors, j’ai su. Comme lorsque mon père est mort. Avant même que ton parfum envoûtant n’ai été relâché par mes cheveux, j’ai su que tu m’avais menti. La veille, tu disais que notre amour était si fort qu’il ne pourrait jamais se détruire, et si passionnel que le quotidien n’aurait jamais raison de nous. Et le lendemain, tu m’as repoussée. Devant tes amis et les miens. J’ai entendu ce que tout le monde disait : « Quelle sotte, comment un gars comme lui pourrait réellement s’intéresser à elle ? ». Oui, quelle sotte. Sotte, car à tes mots, j’ai cru. À ton sourire assassin, mon cœur s’est attaché. Comme je pensais pouvoir être riche en utilisant mon euro dans un jeu à gratter. Si crédule. Tes mots seront mon tombeau.
Tu m’as donné espoir, j’ai cru que j’étais spéciale pour une personne. J’aurais été l’héroïne d’un roman chick-lit où une fille banale trouve celui qu’elle aime et qu’ensemble, ils surmontent tout.
Mais la vie n’est pas un roman n’est-ce pas ?
Tu me l’as fait comprendre, maintenant c’est à toi de savoir, que quand on fait mal aux autres, on se blesse aussi.

L’eau est chaude. Finalement, c’est moi qui ai froid. J’ai voulu rouvrir le robinet, mais je n’ai plus la force. Ma tête tourne. Je suis si fatiguée. Mes yeux se ferment sur le carrelage où repose une lettre. Comment peut-on cesser d’aimer quelqu’un a qui on a dit « oui » ? Je ne le comprends toujours pas, car malgré tout, je t’aime Maxence, mais pas assez pour t’épargner. Pourquoi ferais-je preuve d’une délicatesse dont tu m’as privée ? Cette lettre détaille en termes très clairs notre histoire, tes mots, tes actes, puis finalement ton dédain. Et, j’ai cette conviction qu’elle te parviendra très vite.
Mes yeux sont clos et ma conscience s’échappe. Je sens la vie s’extirper de mon corps. Une dernière image de toi apparaît devant mes paupières. Je me souviens de ton sourire et je l’emporte avec moi. Je t’aime. Mais je ne pardonne pas. Ni ma bêtise, ni tes choix.
Je t’aime, Maxence, mais pas assez pour vivre dans ton dédain.
Pian

Profil sur Booknode

Messages : 14
Inscription : jeu. 23 nov., 2017 1:54 am

Re: [Réaliste] Je me souviens...

Message par Pian »

Waouh. J'adore comment tu as décris la scène et les souvenirs.
Répondre

Revenir à « Autres textes en une partie »