)Prologue
An 537
La faible lueur des torches éclairait doucement les visages fantomatiques de l'assemblée muette. A peine une dizaine de personnes se tenait là, immobile. Elles formaient un cercle,entourées de hauts et imposants chênes, dans la forêt sombre. Près d'eux, on entendait le faible ruissellement d'un cours d'eau, seul bruit dans cet étrange rassemblement. Les hommes et les femmes attendaient, immobiles et silencieux, leur flambeau à la main.
Soudain, alors que personne ne l'avait vue arriver, la völva(1) fut devant eux, accompagnée d'une autre jeune femme. Petite, les yeux pâles, elle darda sur l'assemblée un regard perçant. Elle était vêtue d'une ample cape noire en laine bordée d'un liseré aux motifs étranges bleu nuit, la capuche rabattue sur la tête, un grand bâton à la main. Lentement, des ses doigts fins comme des brindilles, elle en défit les lanières et tendit le manteau à son assistante. Elle apparut alors dans une longue tunique, peut-être bleue. Une fine ceinture tressée ceignait sa taille élancée, à laquelle pendant une petite bourse de cuir. Ses pieds étaient chaussés de bottes en fourrure. Sa longue chevelure sombre brillait sous le jeu des flammes.
Enfin, rompant le silence d'une voix basse et rauque, elle se tourna vers une des silhouettes :
-Est-ce ton seigneur qui a requis ma présence ?
La jeune femme à laquelle elle s'adressait inclina la tête dans un signe affirmatif.
-Très bien, commençons alors, Alix, ajouta-t-elle, s'adressant à son assistante, lui confiant son imposant bâton.
Le silence se fit encore plus pesant, si cela était possible. Une dizaine de paire d'yeux se posèrent sur la frêle prophétesse tandis qu'elle se préparait.
Alix, aussi discrète et sombre qu'une ombre, sortit alors d'un sac un gobelet en laiton qu'elle remplit à l'aide d'une gourde. Puis elle le tendit à la völva. Celle-ci prit dans sa bourse un petit couteau en cuivre et des racines de plantes séchées qu'elle râpa au-dessus du gobelet. Après avoir mélangé son étrange mixture, elle la but. Elle s'assit sur une souche d'arbre, au centre du cercle. Elle ferma les yeux. Et attendit.
La voix claire et étonnamment puissante de son assistante rompit la quiétude de la forêt, entonnant un galdr(2) aux accents gutturaux qui emplirent la forêt silencieuse.
Brusquement, la tête de la völva bascula en arrière, son corps tremblant violemment. Puis elle s'affaissa lentement sur elle-même, semblant perdre conscience. Personne ne bougeait. Les minutes s'écoulaient lentement, le temps semblant s'être figé.
Après ce qui parut être une éternité, la völva redressa la tête. Elle posa un regard vide sur l'assemblée et demanda d'une voix basse :
-Quelle est la question que vous souhaitez adresser aux esprits ?
Un homme s'avança d'un pas et dit avec assurance :
-Nous désirons savoir si la paix reviendra.
-La paix est une notion relative...
Après un long moment, elle dit, comme psamoldiant :
-" A l'aube du 2ème millénaire
De l'union du serpent et du cheval
La lune rouge naîtra
De sang elle se nourrira
La tête de l'aigle la seule assez puissante à faire choir
La nuit immortelle elle amènera vers la rédemption
L'union elle apportera"
Puis sa tête retomba sur sa poitrine, inerte. Alix se précipita, l'allongea délicatement sur le sol. L'assemblée, lentement, se dispersa dans la nuit, flambeaux s'éparpillant doucement. Le Seidr était fini.
1- la völva est une prophétesse dans la religion germanique
2- le galdr est un chant de pouvoir du Seidr, rituel de magie pratiqué par les völvas
). Je précise que ce n'est qu'une partie de ce chapitre. Je ne sais pas si je vais en voir le bout