Nous étions en voiture, avec Dimitri. Nous roulions depuis au moins quatre heures. Quatre longues heures… Mais j’avais réussi à obtenir de Dimitri la permission de mettre la station radio de mon choix. La chanson « How to save a life » de The Fray, passa, et je commençai à en fredonner l’air. Cela m'apaisait et m'empêchait d'avoir des pensées déprimantes.
-Tu sais, je commence à me dire que ton style de musique est plutôt pas mal, déclara Dimitri en haussant les épaules.
- Tu es sérieux ?
De toute façon j'écoutais de tout, donc comme style de musique...
- Oui.
J’écarquillai les yeux.
- Alors c’est fini l’ère des cow-boys ? Fini les chapeaux ? Les vestes en cuir ?
- Non ce n’est pas fini. Et je ne porte pas de chapeaux.
- Mouais…
Je repérai un panneau où il était écrit : « Fall Street ». Je ne savais même pas où nous étions, je m'étais assoupie.
Ladite rue se présenta devant nous un peu plus tard.
- Tu crois qu'on sera en sécurité ici ? demandai-je.
- Je l'espère, Roza.
Nous roulâmes dans la rue. Elle semblait d’ailleurs, inhabitée.
Il y avait une maison tout au bout, qui m’intrigua.
- Bon on avait dit qu'un endroit isolé ne serait pas top, commençai-je. (Je regardai autour de moi. Il n’y avait qu’un bâtiment qui avait l’air assez confortable. Le reste était en ruine.) Tu crois que cette maison…
- Elle fera l’affaire. Et nous n'avons pas le choix.
Je réfléchis.
- Il y a quand même un avantage. Si je me sers de mes pouvoirs par accident et que la maison tremble, personne ne le verra…
Nous sortîmes de la voiture et je pris un instant pour observer la maison. Elle était jolie, avec sa façade blanche. Elle était plutôt grande. Nous nous approchâmes de l’entrée et Dimitri sortit la clé de l'enveloppe. La porte s'ouvrit.
L’endroit sentait le renfermé, et il y avait une grosse couche de poussière.
- Nous allons avoir du boulot, soupirai-je.
Nous fouillâmes et dénichâmes des produits ménagers, des balais, des serpillières, et de la nourriture plus du tout consommable.
- Un brin de ménage, camarade ?
- C’est parti.
Je lui lançai un balai et une serpillière, qu’il rattrapa avec beaucoup d’aisance.
Il me fit son fameux « haussement d’un seul sourcil », comme je l’appelais.
- Il faut vraiment que tu m’apprennes à faire ça, lançai-je.
- Un magicien ne dévoile jamais le secret de ses tours, répondit-il en me défiant du regard.
Je secouai la tête en levant les yeux au ciel.
Je fis aérer les pièces du rez-de-chaussée. Ce n’est qu’en montant à l’étage que je ressentis un certain malaise. Et en entrant dans une des chambres, la plus petite, je fus prise d'un atroce tremblement, comme si j'allais mourir de froid. Et pourtant, la fenêtre était fermée. Je chassai ces pensées de ma tête, et allai aérer. Le vent souffla sur ma figure, et je fis demi-tour. Je m'empressai d'en sortir en refermant la porte. La chaleur de l'intérieur me réchauffa un peu.
Quelques heures plus tard, nous en avions finis avec le ménage.
- Une bonne chose de faîte, lançai-je en passant mon bras sur mon front.
- Il faut qu’on aille faire des courses, si on espère manger. Et il nous faut des draps.
- Ouais en fait on s’installe carrément ici, souris-je sans m'en rendre compte.
Ça ne me dérangeait pas. J’avais souvent rêvé d’une vie normale, dans une maison, en compagnie de Dimitri. Seulement, il y avait une pièce, à l’étage, qui me faisait légèrement flipper.
- Oui c’est à peu près ça, répondit-il.
- Très bien. Mais… (Je regardai ma montre.) Il est déjà dix-neuf heures ! Tu crois qu’il y a beaucoup de magasins encore ouvert ?
- Les grandes surfaces, oui, je crois. Et, je pense que ça serait plus pratique si on se calait sur les horaires des humains.
- De toute façon c’est déjà ce qu’on est en train de faire, m’amusai-je.
Nous atteignîmes le parking d’un supermarché. Dimitri prit son porte-feuille, et nous descendîmes de la voiture. Nous entrâmes par les doubles portes coulissantes automatiques de l’entrée.
- Bon alors, commençai-je, je vais vers la partie droite du magasin. Si on se sépare on ira plus vite.
- Tu crois que c’est prudent ? s’enquit-il, une vague d’inquiétude dans les yeux.
Il regarda autour de lui discrètement, pour éventuellement détecter quelqu’un de suspect.
- T’inquiète camarade. Je ne ferais pas exploser les rayons.
- Ça me rassure, ironisa-t-il.
Je pris un panier, et partis de mon côté.
Je pris tout ce qui pourrait nous servir : produits pour la lessive, pour le ménage, pour la toilette, des friandises (J’étais tout de même Rosemarie Hathaway ! Même pendant une fugue j’étais quand même capable de m’arrêter devant une boutique de gâteaux…), et le maximum de nourriture nécessaire qui se trouvait dans la partie droite.
J’allais rejoindre Dimitri quand je vis une personne en blouson noir, m’observer depuis le coin du rayon surgelés. Il vit que je l’avais surpris en train de me toiser, et il baissa les yeux, avant de s’éloigner. Je restai figée un moment. J'eus brusquement envie d'aller retrouver Dimitri.
« Non Rose », me dis-je. « Ce n’est qu’un de ces vieux pervers qui pensent pouvoir mater les jeunes filles sans se faire griller… Surtout que t'es canon, Rose, ne l'oublie pas. »
J'essayais vraiment de me rassurer comme je pouvais. Mais j’avais l’impression que pleins de gens me fixaient, me sondaient avec une expression étrange…
« Stop ! »
Si je me mettais à suspecter VRAIMENT n’importe qui, j’allais rester cloîtrée dans la chambre de… notre maison. Je pouvais être parano. Oui, j’en avais vraiment le droit. Mais là je l’étais trop. Je n’avais désormais qu’une envie : retrouver Dimitri, et me barrer d’ici. Je me mis à le chercher
Je finis par le trouver et je fus extrêmement soulagée.
- Tout va bien ? s'inquiéta-t-il en fronçant les sourcils.
- Oui…, soupirai-je. On a tout ?
- Je crois.
Il continua à me regarder avec perplexité. Il y avait écrit "parano" sur mon front ou quoi ?
- J'ai cru que quelqu'un m'espionnait..., avouai-je dans un soupir.
- Quoi ? s'alarma-t-il.
Je levai les mains.
- Ce n'était qu'un vieux pervers ! affirmai-je sans en être sûre.
Cependant, je savais qu'aucune des deux possibilités ne l'enchantaient.
Nous passâmes à la caisse et payâmes. Nous sortîmes sur le parking et rejoignîmes la voiture. J’aidai un Dimitri aux aguets, à ranger les sacs dans le coffre. J’avais réellement l’impression qu’on m’espionnait. Vraiment. Je tournai lentement, et discrètement la tête, et vis l’homme au blouson noir, près d’une autre voiture, pas si loin que ça.
Mais je vis une femme et une petite fille le rejoindre, et ils s’en allèrent.
« Ouf… »
Puis je me mis à penser :
« Espèce de pervers. »
Je rangeai les provisions dans le frigo. C’était tout ce qu’il restait à faire. La maison semblait beaucoup plus confortable à présent.
Je montai ensuite à l’étage, (en évitant soigneusement de n’observer ne serait-ce qu'une seconde la porte de la petite chambre), et me dirigeai à la salle de bain. Je pris une douche, me séchai les cheveux, et enfilai une chemise de nuit. Celle rose bonbon. Celle que je préférais.
Dimitri fit de même pendant que je sortais des œufs, une casserole, et allumai une plaque au-dessus du four, pour faire une omelette. Quand mon chevalier servant revint, nous avalâmes avec appétit ma préparation en cinq minutes.
- Je ne savais pas que tu savais cuisiner des œufs, se moqua Dimitri.
- Fais gaffe, j’ai un verre plein à la main. Ça serait bête si tu te retrouvais mouillé alors que tu viens de te sécher.
Je le fis rire, et ça me fit sourire.
Je calai ma respiration sur celle de Dimitri, qui dormait. Nous étions dans notre chambre. Moi, je n’arrivais pas à dormir. J’avais l’impression que des choses bizarres se passaient dans l’étrange chambre d’à côté. Je crus également entendre des murmures. Mais j’étais aussi très fatiguée, alors je n’étais sûre de rien.
J’étais littéralement crevée, et je ne pouvais pas m’endormir, ce qui avait le don de m’énerver. Je me blottis un peu plus contre Dimitri, et passai un oreiller sur mes oreilles. Il m’attira aussi contre lui dans son sommeil.
Je commençai enfin à sombrer.
C’est pour cela que je n’entendis presque pas la voix venant de la pièce d’à côté, qui appelait :
- Rose…
Mais je ne savais pas si c’était réel.