Reviens, je t'aime ! ( texte se voulant réaliste)

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Fatima44

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Reviens, je t'aime ! ( texte se voulant réaliste)

Message par Fatima44 »

Avertissement : ce texte est fortement déconseillé aux âmes sensibles :evil:


Reviens, je t'aime.

Blandine ne pense plus qu’à refaire sa vie. À s’inventer une nouvelle identité à l'autre bout du pays. L’idée lui est venue en raccrochant le combiné.

Sa voix éraillée, déformée par la haine, avait craché les insultes et la menace ouvertement formulée de « lui faire la peau », de « venir tout cramer. » Y compris elle qui partirait en fumée avec les meubles. La peur d’être rouée de coups, d’être surprise n‘importe où n'importe quand lui coupe le souffle. Les appels retentissent en pleine affluence, quand les clients se pressent derrière le guichet, réclamant toute son attention. Ou au beau milieu de la nuit dans ces moments sans sommeil pendant lesquels elle pianote sur son téléphone des messages échangés sur Instagram avec un inconnu. Parfois, Il tambourine de toutes ses forces sur sa porte, à coup de poings et de pieds. Pantelante, épouvantée, pétrifiée, elle attend qu'il en finisse, écoute son pas lourd descendre les escaliers. Le cœur battant, sous le coup de l’émotion qui fait chevroter sa voix, elle appelle la police. On lui rit au nez en lui demandant : « c’est votre ex ? »

Blandine a beau changer de numéro, il téléphone en passant par Messenger, Skype ou WhatsApp, se tapit sous des profils changeants. Elle le confond avec les amants virtuels qu'elle choisit en fonction de leur vocabulaire. Il lui écrit d’abord des mots sucrés, lui envoie des gifs truffés de souhaits, de bonjours, de "belle semaine" et de "douce nuit". Puis il compose son numéro. La voix suave qu'il prend, qu'elle reconnaît tout de suite à son accent la révolte. Elle coupe court à ses minauderies en le rabrouant. Il l'injurie. Elle raccroche, le bloque jusqu’à la prochaine confusion.

À l’heure de la débauche, elle se faufile entre la foule qui a envahi les trottoirs avec la certitude qu’elle ne rentrera pas ce soir chez elle. Strasbourg sera sa destination, une halte de quelques jours avant de franchir la frontière. Après, elle ne sait pas. Peut-être ira-t-elle rejoindre une de ces communautés sans tabous qui l'acceptera pour ce qu’elle est. Des flocons de neige se sont mis à tomber, qui dansent au-dessus des têtes, et elle presse le pas, le visage renfrogné, les mains dans les poches. Rien ne va. Le vide grouillant d’angoisse transpire sa solitude ; les ruminations vaines frayent avec le vertige et la nausée, au point qu’il lui semble basculer de l'autre côté. La peur la mord par surprise au moment où elle s'y attend le moins. Au détour de la cage d’escaliers, à l’angle d’une rue quand elle se retourne pour vérifier qu’elle n’est pas suivie, dans le parking souterrain lorsqu’il vibre du claquement d'une porte ou résonne du crissement des pneus.

Disparaître. Ne pas laisser de traces, ne rien emporter, se volatiliser. Qui s'en soucie ? Ses pas la portent vers la gare. Là, elle achète un billet au guichet et attend l'heure du train. Dans le hall, ses yeux se posent sur la raclette avec laquelle un employé nettoie les vitres. Elle laisse ses pensées vagabonder au gré du ballet de l’ustensile. Le jour où elle s’était déplacée au commissariat pour porter plainte, le policier qui l’avait reçue lui avait conseillé de déposer plutôt une main courante. Faute de preuves, on ne pouvait intervenir, juste faire des rondes aux alentours de son immeuble. « Qu'il laisse un message sur votre répondeur, un élément tangible, et on l'interrogera, » avait-il conclu. Mais rien de tel ne s’était produit, si bien qu’elle en était venue à penser que son prédateur n’était pas si fou. Leurs face à face, la vie commune ne sont plus qu'un vague souvenir. Les moments de bonheur amputés par la violence lui paraissent être une regrettable compromission. Un fourvoiement, une illusion, un mensonge.

Plus que vingt minutes avant l’arrivée du train. Sur le quai numéro 1, Blanchine attend, connectée à Instagram. L’homme à qui elle vient d’envoyer une photo d’elle en nuisette , dont le tissu en dentelle relevé jusqu’au pubis dévoile une vulve glabre, est un soldat envoyé en mission à Kandahar. Ce geste ne revêt pour elle qu'un peu de compassion et d’encouragement. Quand son téléphone se met à chanter, elle en reconnaît la tonalité tant redoutée. Elle laisse la sonnerie retentir jusqu’à ce que le répondeur se déclenche. Mais son appel se renouvelle avec insistance, la poussant à se lever pour s’écarter des autres. Elle marche presque en courant le long de la bordure du quai, le téléphone en main sonnant et vibrant incessamment. La colère succède à l’affolement. Elle décroche. Un souffle, un bonjour auquel elle ne répond pas puis un rire sardonique, avant que leurs hurlements et leurs jurons ne se superposent.
- Espèce de salopard ! Maintenant tu ne pourras plus m’atteindre parce que je m'en vais. Je quitte Nantes définitivement.
- Et pour aller où ? Tu es incapable de refaire ta vie. Tu finiras seule comme ta mère. Ne t’attends pas à crever comme la chienne que tu hais dans un mouroir la gueule ouverte. Je te tuerai bien avant. Regarde derrière toi pour voir si j'y suis.

Elle raccroche. C’est comme si le sol se dérobait sous ses pieds, comme s'il s'effritait pour l'aspirer dans ses abîmes. Statufiée, elle ne voit plus que la voie ferrée et le ballast hypnotique. Il lui semble que ces gros cailloux noirs, amoncelés entre les traverses qui séparent les rails, fourmillent, rampent et se hérissent. Elle recule. Et s'il ne mentait pas ? S'il l'avait suivie pour mettre sa menace à exécution ? Quand elle ose enfin se retourner, elle aperçoit un homme qui marche dans sa direction. Lui. Ses gros poings qu’il cache dans son dos mine de rien. Sa démarche chaloupée comme s'il était ivre. Sa gavroche de guingois. Elle regarde ces particularités qui l’avaient enchantée jadis avec dégoût. Il se tient maintenant en face d’elle, la dévisage de ses yeux fous qui roulent sur eux-mêmes. Dans son affolement, elle n’entend pas ce qu'il lui dit. Tout plutôt que cette hideuse confrontation. Tout plutôt que lui, plutôt que les jours éteints et les nuits éveillées. Elle saute. Des cris de protestation et des sauve-qui-peut s’élèvent du quai. À genou au milieu de la voie ferrée, elle regarde les fils électriques qui l’entourent. Les rails se mettent à vibrer, le train au loin gronde. Elle aperçoit maintenant sa locomotive trépidante, se redresse, vacille, tombe, foudroyée par le courant.

P.S : j'ai copié collé le texte de mon téléphone Androïd mais je ne sais pas comment le justifier.
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