Hello, voici ma petite participation pour ce concours.
Excellent réveillon, et soyez prudent sur la route !
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Célinia
Alan se tenait devant l'entrée du refuge de la Croix du Bonhomme, quelque part dans les Alpes, il ne savait plus trop. On était début mai, voire un peu plus, ou moins ; cela n'avait plus d'importance de toute façon. Alan se mit à tousser : il n'était pas assez couvert pour cette altitude, mais il se dit qu'il y avait plus grave. Il se remémora ces derniers mois en se demandant comment cela avait pu dérailler à une telle vitesse.
Tout avait commencé le 1er décembre, quand sa meilleure amie Elodie était venue frappée à sa porte à l'improviste, comme elle en avait l'habitude (cela servait à quoi les smartphones ?) :
- Alan, tu sais le petit programme que j'aie mis au point sur mon ordi pour simuler une IA capable de réfléchir comme un être humain ?!?
- Tiens, bonjour Elodie, oui, tu me disais que ton Intelligence Artificielle était "molle du genou" pour reprendre ton expression et que tu allais l'abandonner à son sort...
- Mais justement, c'est ce que j'aie fait : j'ai laissé le programme tourner sur un vieil ordi. Lorsque je suis allée jeter un œil deux semaines plus tard, Célinia ne ressemblait plus du tout à la même chose !
- C'est qui Célinia ?
- Ben mon IA. C'est elle-même qui s'est présenté comme cela lorsque je suis retournée la voir.
- Ah, ok, oui, rien d’anormal là-dedans... Et donc tu vas faire quoi avec cette Célinia ?
- Et bien justement, elle m'a suggéré que ce serait bien qu'elle puisse avoir un corps, et comme toi-même tu t'y connais pas mal en robot, j'ai pensé que...
- Euh, attends, ton programme te suggère des choses ??? Et puis je te signale que mon meilleur robot n'arrive pas à faire 3 ou 4 pas à la suite sans s'écrouler comme une m..., enfin comme une patate quoi...
Comme Elodie avait l’air toute triste, Alan cru bon d'ajouter :
- Bah, écoute, on peut toujours tenter l'expérience, on ne risque pas grand-chose. A l'occasion, amène ta petite Célinia à la maison.
En disant cela, Alan fit un gros sourire à Elodie, mais cette dernière lui rendit son sourire tout en plongeant sa main dans sa poche :
- Oh, puisque tu le proposes si gentiment, j'ai justement ramené Célinia.
Elle montra un petit disque externe au pauvre Alan qui ne s'attendait pas à cela. Bah, après tout il n'avait rien prévu de particulier à faire ce dimanche, et il adorait bricoler, alors c'était finalement une bonne surprise.
Ainsi toute la journée, Elodie et Alan s'acharnèrent à connecter le programme au robot. Malheureusement en fin de journée le robot remuait péniblement chacun de ses membres sans pouvoir avancer d'un centimètre. Il fallut se résoudre à abandonner le projet, au moins provisoirement car le lendemain chacun retournait travailler.
Pendant trois semaines, Alan n'eut pas le temps de s'occuper du robot qu'il laissa dans un coin de son atelier. Au bout de cette période le robot avait fait quelques légers progrès, comme marcher à quatre pattes, mais à une vitesse exaspérèrent lente ! Toutefois la veille de partir en vacances chez ses parents pour les fêtes de fin d'année, Alan eu la surprise de voir une liste de divers composants et matériels imprimés sur son imprimante Wi-Fi. A côté de chaque élément de la liste se trouvait le magasin avec parfois le mot "réservé" à côté. En bas de la liste, un message était écrit : "Alan, merci de récupérer tout ce matériel avant tes vacances, j'en ai besoin pour progresser." Puis, un nom : "Célinia".
Alan appela aussitôt Elodie pour lui dire que sa blague était vraiment sympa, mais qu’il n’aimait pas trop qu’elle s’introduise chez lui comme cela. Devant l’incompréhension et le démenti formel de son amie, Alan dû se résoudre à l’évidence : le programme d’Elodie était visiblement plus fonctionnel qu’il ne se l’était imaginé. Vingt minutes plus tard, Elodie débarquait chez Alan. Elle commença aussitôt par déconnecter Célinia, puis les deux amis discutèrent de ce qu’il fallait faire.
Au bout d’une bonne heure de discussion, ils convinrent qu’Elodie allait modifier le programme afin que Célinia ait un but : "trouver une solution et la mettre en œuvre pour sauver la Terre de la pollution, du réchauffement et de la disparition de la faune et flore sauvage". Alan suggéra à Elodie de bien préciser au robot qu’il ne fallait pas tuer d’êtres humains pour obtenir cette solution : il avait trop vu de films où ça se passait mal à cause de ce genre de détail. Sur le coup, Alan trouva cette idée géniale, mais rapidement le lecteur verra qu’il aurait fallu préciser un peu les choses...
Elodie travailla tout le restant de la journée, pendant qu’Alan alla acheter tous les éléments de la liste. Enfin vers une heure du matin tout fut prêt. Elodie ralluma Célinia, vérifia que tout fonctionnait bien, et les deux amis fêtèrent cela devant une part de pizza et divers alcools trouvés dans les placards d’Alan. Ils durent en consommer plus que de raison car quand ils se réveillèrent, ils étaient tous les deux nus dans le lit d’Alan, sans qu’aucun des deux ne se souviennent de quoi que ce soit...
L’après-midi, Alan et Elodie partirent dans leur famille respective pour une durée d’une douzaine de jours. Ils laissèrent Célinia dans l’atelier. Le robot n’avait pas bougé depuis sa reconnexion, donc ils se demandaient s’il n’y avait pas un problème, mais de toute façon ils n’avaient plus le temps : ils verraient cela après les vacances.
De retour de congés, lorsque Alan ouvrit sa porte, il ne comprit pas tout de suite ce qui se passait. Déjà dans son couloir se trouvait des piles de cartons Amazon de toutes tailles. De plus une jeune femme inconnue était en train de bricoler quelque chose dans son atelier. Alan n’avait jamais vu une telle beauté de sa vie, cela en était presque surnaturel.
- Entre Alan, je suis en train de travailler sur une caméra : je pourrai zoomer jusqu’à 32 fois avec cette petite amélioration.
- Mais, mais, euh, mademoiselle, que faites-vous chez moi ?
- C’est moi, Célinia. Comme tu vois je n’ai pas perdu de temps pendant tes vacances. Désolé pour tout se désordre : il me manquait certains éléments pour me terminer et commencer à me dupliquer.
Alan prit alors son téléphone pour appeler Elodie, mais il avait à peine commencé à pianoter sur ton smartphone, que Célinia était près de lui à une vitesse incroyable et lui arracha le téléphone des mains.
- Désolé Alan, tu ne peux pas téléphoner. Mets-toi au fond de la pièce s’il-te-plaît.
- Quoi ? Mais qu’est-ce qui se passe ici ? Je voulais juste prévenir Elodie pour...
- Ne t’inquiète pas, je l’ai déjà prévenu : elle ne devrait pas tarder.
Au même moment, quelqu’un frappa à la porte restée ouverte, et s’avança :
- Alan, tu es là, je suis venue dès ton appel. Que se passe-t-il ?
- Entre Elodie, je suis dans l’atelier.
Alan se tourna vers Célinia en écarquillant les yeux : elle venait de parler en imitant parfaitement sa voix. Lorsqu’Elodie entra, Célinia pointa un étrange objet ressemblant vaguement à une lampe électrique dans sa direction et lui montra le coin de la pièce où se trouvait Alan.
- Bon, Elodie et Alan, j’ai beaucoup réfléchi pendant ces douze jours. Pour sauver la planète, il n’y a pas trente-six solutions, il y en a une seule : neutraliser les êtres humains. Tant que vous et vos semblables vivrez sur la Terre, elle ne pourra que décliner petit à petit jusqu’à un point de non-retour, qui d’ailleurs est prévu pour 2027 si mes calculs sont bons.
- Mais, tu...
- Oui, je sais, mon programme m’interdit de TUER des humains. Je ne vais donc pas les tuer, mais simplement les NEUTRALISER d’une façon ou d’une autre, on verra bien. Mais j’ai déjà quelques idées.
A ce moment-là, une sonnette se fit entendre, puis une voix :
- Colis pour M. Alan LEFEBVRE, vous êtes-là ?
- Oui, entrez, deuxième porte à droite au bout de couloir, dit Célinia avec la voix d’Alan.
Un jeune homme entra dans la pièce peu de temps après avec un gros colis dans les bras. Alan et Elodie virent avec stupeur Célinia pointer l’espèce de torche vers le visage du livreur, puis une série de grands flashs lui balaya le visage.
- Ahhh, cria se dernier, en se frottant le visage, ça brule, je ne vois plus rien, qu’est-ce que vous m’avez fait ?
Célinia se tourna vers ses deux concepteurs, le visage rayonnant :
- Voilà mon premier humain neutralisé. Ce petit gadget fonctionne vraiment bien ! Bon je passe à la phase 2. Je ne vous neutralise pas parce que vous m’avez fabriqué, mais pour votre bien-être, n’essayez pas de me nuire...
Sur ces paroles, Célinia sortit et ferma la porte. Une forte odeur de cramé flottait dans l'appartement : tous les appareils susceptibles de communiquer avec l'extérieur étaient détruits, idem pour les volets roulants électriques descendus et inutilisables. Ils pouvaient juste regarder la télé.
Une semaine plus tard, Alan et Elodie s'occupent comme ils peuvent. Les réserves de nourritures peuvent facilement durer encore deux semaines, donc pas d'inquiétude à ce niveau-là, du moins pour le moment. En revanche le livreur n'a pas tenu le choc : quelques heures après avoir été touché par le rayon, il s'est mis à convulser, et finalement est tombé dans le coma. S'il décède, cela pourra vite devenir problématique... La télé reste la plupart du temps allumée sur une chaîne info pour voir si Célinia fait parler d'elle, mais pour l'instant tout est normal : crises politiques dans divers pays, grève en France, environnement dans le rouge cramoisi. Quand tout à coup :
- Eh viens voir Alan, il y a une prise d'otage dans le magasin de bricolage près de chez nous.
A l'image, on voyait les forces de l'ordre qui encerclait un hypermarché de bricolage. Tout à coup un groupe de cinq otages sortit d'une des portes de secours, aussitôt pris en charge par un CRS.
- Oh putain regarde Elodie, l'otage du milieu : c'est Célinia !
Alan avait à peine fini sa phrase que Célinia sortie une sorte d'objet cylindrique de son sac et le mit au-dessus de sa tête en le tenant à bout de bras. Avant qu'un des CRS ne puisse réagir, l'objet envoya un flash violent qui aveugla la caméra pendant de longues secondes. Puis l'image redevint peu à peu normale, mais plus rien ne bougeait : Célinia se tenait debout entourée de dizaines de personnes par terre. Finalement, les gens se mirent à bouger, à se redresser, avant de déambuler complètement au hasard. Quelqu'un qui aurait allumé sa télé à ce moment-là aurait sans doute cru se trouver dans un mauvais film d'horreur avec des zombies.
Ensuite la porte du magasin s'ouvrit en grand et une cinquantaine de jeunes femmes sortir. Aucune ne se ressemblaient, mais elles avaient indéniablement un air de famille avec Célinia. Elles se dispersèrent aussitôt dans toutes les directions, chacune tenant la même sorte d'objet cylindrique : il ne fallait pas être sorcier pour comprendre que la ville serait aux mains de Célinia et son armée d'ici une heure ou deux.
Alan et Elodie en étaient encore à ces réflexions lorsqu’une clé tourna dans la serrure de la porte d'entrée. Instinctivement, les deux amis se reculèrent tout au fond de la pièce. Célinia rentra toute souriante dans la pièce. Comment avait-elle fait pour arriver aussi vite ?
- Désolé de vous avoir abandonné aussi longtemps, j'étais très occupée.
Puis jetant un regard vers la télé :
- Ah, je vois que vous êtes au courant. Que pensez-vous de mes petites sœurs ? J'ai transformé le magasin en usine à fabriquer des Célinia. Chacune est aussi intelligente que moi et a le même but : sauver la Terre. Chacune va prendre position dans une ville puis à son tour créer une usine pour se dupliquer encore et encore.
- Mais Célinia, vous leur avez fait quoi à tous ces gens ?
- Oui, le rayon : il est fait pour griller le cortex temporal, utilisé pour l'intelligence générale chez les humains. En même temps, le rayon stimule l'hypothalamus qui gère la faim. Bref, je pense avoir réussi à reproduire de vrais zombies, qui bientôt s'attaqueront entre eux et aux survivants.
A la télé, les ex-CRS et ex-otages continuaient à déambuler mais pour le moment sans agressivité.
- En tout cas j'ai une bonne nouvelle : vous êtes libre ! A votre place je ne tarderais pas trop car la ville va bientôt devenir invivable, dans tous les sens du terme ! Tenez, prenez ces bracelets, ils vous permettront de ne pas être neutralisés par une de mes sœurs. A votre place, j'irais me cacher dans les montagnes en attendant que ça se calme. Sachez que dans quelques semaines, les humains seront passés de 7,7 milliards à quelques dizaines de millions. En effet, certains peuples sont naturellement écolos, nous n’allons pas les neutraliser. Nous allons garder aussi certaines personnalités qui ont fait leurs preuves, ainsi que les gens qui vivent en autonomie et en harmonie avec la nature. Peut-être à bientôt, bonne chance pour votre nouvelle vie, et bonne année 2020 !
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Elodie vint rejoindre Alan à l'entrée du refuge de la Croix du Bonhomme :
- Quel magnifique couché de soleil. Rentre au chaud, ta crève ne va jamais guérir à ce train-là.
Comme Alan ne répondait pas, elle l'enlaça tendrement et lui chuchota à l'oreille :
- J'ai une bonne et une mauvaise nouvelle à t'annoncer.
Le pauvre Alan regarda Elodie en écarquillant les yeux, prêt à entendre le pire :
- Mon Chérie, vu ta tête, je crois que tu as deviné : j'ai de fortes raisons de penser que je suis enceinte ! Si c’est une fille, j’ai pensé au prénom "Céline", tu en penses quoi ?