Chapitre 1
Tess n'avait jamais été aussi terrifiée de toute sa vie. Le mois d'août avait semblé plongé dans un profond brouillard. Elle n'arrivait pas à formuler une seule pensée cohérente. La petite fille frissonna et croisa le regard de son reflet, dans le miroir. Là, elle était là. Deux yeux noirs, deux bras, deux jambes, une bouche, un petit nez légèrement tordu, des cheveux châtains et bouclés, des joues rondes et quelques grains de beauté. Elle était toujours la même, cette bonne vieille Tess. Sauf que maintenant, elle était une sorcière et partait vivre dans un internat pendant un an. Elle avait bien remarqué que des événements étranges avaient tendance à se produire en sa présence. Mais elle avait toujours cru à de la malchance ou à de la maladresse. Jamais, au grand jamais, elle aurait pu imaginer que de tels contes de fées soient réels. Lorsqu'elle avait reçu une lettre de Poudlard, elle avait d'abord cru à un immense canular, tout comme ses parents. Mais les lettres s'étaient multipliées, un employé du Ministère de la Magie, dont Tess ignorait jusqu'alors l'existence, s'était présenté chez elle et elle s'était rendu avec lui sur le Chemin de Traverse. Et maintenant, elle se tenait là, devant son miroir, prête à partir dans quelques minutes. La malle, qu'elle avait acheté suite aux recommandations de Mr. Finley, trônait au pied de son lit. Dedans, elle avait entassé des piles de vêtements, des livres à l'allure de grimoire et même des bouteilles d'encre. Elle lissa du plat de la main sa jupe. Elle avait tenu à faire bonne allure, et au lieu d'enfiler son jean et son tee-shirt habituel, elle avait revêtu sa plus jolie robe. Tout semblait en ordre, Saturne, sa chouette fraîchement baptisée, dormait dans sa cage, son lit était fait et elle n'avait plus qu'à enfiler un pull. Malgré tous ses efforts, Tess était terrifiée. Elle n'avait jamais été très douée pour se faire des amis et elle débarquait dans un tout nouveau monde, qui en plus d'être étrange, était aussi effrayant. Tess avait feuilleté quelques livres sur l'histoire sorcière, achetés sur le Chemin de Traverse. Les histoires de guerre et de mages noirs l'avaient fait frissonné, et elle avait préféré ne pas en lire plus. Néanmoins, le plus dur avait été d'accepter que toute la vie qu'elle s'était imaginée était chamboulée. Tess allait entrer au collège, où elle retrouverait ses quelques amis, elle n'avait d'ailleurs penser qu'à ça pendant le mois de juillet. Mais maintenant, elle ne savait pas quoi attendre de cette année scolaire. Elle caressa sa baguette, qui dépassait de son sac, en bois d'if et faite de ventricule de dragon. Tess avait été très impressionnée par la découverte du monde sorcier, mais découvrir que les dragons et les licornes existaient l'avait plongée dans un état de stupeur. Elle jeta un dernier regard à sa petite chambre aux murs roses et attrapa la cage de Saturne, qui se réveilla d'un seul coup, l’œil hagard. Tess la caressa doucement, distraite. Saturne était une petite chouette hulotte, au caractère joyeux et doux. La petite fille l'adorait déjà. Au rez-de-chaussée, sa mère était assise dans le salon, avec son frère Cécil. Tess en conclut que son père était parti chercher sa malle. Si elle avait peur de ce qui l'attendait à Poudlard, Tess était surtout triste de quitter son petit frère. Âgé de sept ans, il était adorable et la suivait partout. Quand elle lui avait annoncé qu'elle partait en internat, il avait fondu en larmes. Avec ses parents, Mr. Finley avait décidé qu'il valait mieux que Cécil ne sache rien, notamment pour éviter qu'il en parle à l'école. Tess avait vite compris que le monde des sorciers était un monde très secret. Ce qui expliquait qu'elle n'ait jamais imaginé leur existence. Ses parents non plus, d'ailleurs. La petite fille s'en était vite rendu compte, puisqu'ils sursautaient à chaque fois qu'elle entrait dans la pièce et la regardaient sans arrêt d'un air bizarre. Elle avait fait mine de ne rien voir, trop blessée pour réagir. Cependant, sa mère l'embrassa en essuyant une larme et lui fit promettre d'être prudente et de lui envoyer une lettre toutes les semaines. Tess promit, bien qu'elle n'était pas sûre de le faire. Cécil s'accrocha à sa taille en pleurant, et la vue de ses yeux embués de larmes serra le cœur de la petite fille. Quand la portière de la voiture claqua derrière elle, et que les silhouettes de son petit frère et de sa mère rétrécirent dans le lointain, Tess s'autorisa à verser une larme, la gorge nouée. Le stress s'empara de son ventre et elle respira longuement, en fixant la route, écoutant d'une oreille sourde le bavardage de son père. En plus de se rendre dans une nouvelle école très loin de chez elle, Tess découvrait un nouveau monde. Derrière son angoisse, elle était excitée de découvrir la magie, Poudlard et tous les autres mystères que recelait la sorcellerie.
Le trajet dura bien moins longtemps que l'avait espéré Tess, mais son père mit tellement de temps à trouver une place sur le parking de la gare qu'elle eut peur de rater son train. Arrivée dans la gare, Tess suivit les instructions de Mr. Finley, en serrant Saturne contre elle, de peur que quelqu'un la remarque. Arrivé entre le quai 9 et le quai 10, elle se retourna vers son père pour lui dire au revoir. Il la regardait avec des yeux brillants et elle frissonna, elle n'avait jamais vu son père pleurer. Il la prit dans ses bras et elle inhala l'odeur familière de la maison, consciente que c'était la dernière fois avant longtemps, bercée par sa voix grave :
"Allez, ma puce, je dois y aller..."
Elle soupira et hocha la tête. Après un dernier regard pour son père, qui lui faisait coucou de la main, elle avança, en traînant le chariot qui contenait sa malle. Elle accéléra un petit peu et ferma les yeux, en se préparant à la collision, mais rien ne vint, et le souffle court, elle osa ouvrir un œil. De l'autre côté du mur, l'atmosphère était radicalement différente. La vapeur embrumait le quai et des rires résonnaient de tous les côtés. Tess avisa deux adolescentes qui tombaient dans les bras l'une de l'autre et déglutit, plus que jamais consciente de sa solitude. Elle frémit quand un garçon brun d'environ treize ans la bouscula et avança, les jambes tremblantes. Traverser ce quai fut la chose la plus difficile qu'elle ait jamais eu à faire. Elle entra dans le train, où il régnait une chaleur étouffante et essaya de traîner sa malle à l'intérieur, tout en surveillant la cage de Saturne du coin de l’œil. Soudain, son bagage se souleva avec une facilité déconcertante, et elle manqua de tomber. Un garçon, à la peau mate et aux cheveux roux lui souriait chaleureusement et Tess comprit qu'il l'avait aider. Derrière lui, plusieurs adolescents, tous roux, semblaient s'impatienter. Elle balbutia un "merci" inaudible, les joues brûlantes, et fila, sa chouette sous le bras. Dans le long couloir du train, elle trébucha sur une malle abandonnée et rougit de plus belle quand une fille pouffa à son passage. Elle s'engouffra dans le premier compartiment vide qu'elle trouva et s'autorisa à souffler. Une fois installée, elle réprima des larmes de panique et regarda le paysage ou tout du moins, l'absence de paysage puisqu'ils se trouvaient toujours dans la gare. Soudain, le train s'ébranla et au même moment, la porte s'ouvrit. Elle sursauta et se tourna vers l'entrée du compartiment, mais la personne qui s'y trouvait bascula en avant alors que le Poudlard Express prenait de la vitesse. Tess ne discerna plus que des cheveux blonds et Saturne poussa un cri strident. Elle se serra contre la fenêtre en faisant semblant de ne pas s'intéresser à la chute improbable de l'inconnu. L'inconnu était en réalité un jeune garçon, de son âge, aux cheveux très pâles et aux yeux gris, comme put le constater Tess lorsque le train se stabilisa. Le garçon rougit légèrement en croisant le regard de Tess et elle baissa les yeux. Un silence inconfortable suivit, tandis qu'il installait ces affaires. Une minute plus tard, la petite fille entendit l'inconnu s'asseoir et une main apparut dans son champ de vision. Le garçon prit la parole :
"Salut ! Je m'appelle Scorpius."
Tess releva la tête et remarqua qu'il lui souriait de toutes ses dents, les yeux pétillants. Elle tâcha de masquer sa timidité et serra la main, un peu plus à l'aise. Scorpius avait l'air gentil, ce qui la rassura un petit peu. Elle se racla la gorge et avec un sourire incertain, se présenta :
"Je m'appelle Tess, je rentre en première année et toi ?
- Oh ! Super ! Moi aussi. J'ai hâte de savoir dans quelle maison je suis ?
- Une maison ?"
Tess fronça les sourcils et alors que Scorpius lui expliquait avec enthousiasme le concept, la porte du compartiment se rouvrit d'un coup. Les deux enfants se tournèrent vers l'entrée. Un garçon brun, que Tess reconnut comme celui l'ayant bousculé sur le quai de la gare, manifestement plus âgé qu'eux, sourit et appela :
"Eh ! Albus, Rose ! Je vous ai trouvé un compartiment !"
Deux visages apparurent : un garçon brun à lunettes à l'air maussade et une fille rousse qui semblait déborder d'assurance. Le garçon plus âgé les poussa à l'intérieur et s'adressa au brun :
"Maintenant, Albus, fiche-moi la paix !"
Le dénommé Albus sembla vouloir prendre la parole, mais la porte du compartiment claqua et il referma la bouche en soupirant. La petite fille rousse s'exclama :
"Qu'est-ce qu'il est pénible, quand même, ton frère !
- Ne me le fais pas dire, se plaignit Albus."
Tess jeta un coup d'oeil à Scorpius, qui s'était renfrogné à la venue des nouveaux arrivants. Elle s'apprêtait à se présenter quand la rousse reprit la parole :
"Je suis Rose Weasley, et voici mon cousin Albus Potter. Vous êtes ?"
Tess, intimidée, s'empressa de répondre :
"Je m'appelle Tess, et c'est Scorpius, que je viens de rencontrer."
Rose et Albus échangèrent un regard que la petite fille ne sut pas interpréter. Elle tenta de se rappeler du terme que Mr. Finley avait utilisé et rajouta :
"Je suis née-moldue, et vous ?"
L'atmosphère se fit pesante et Tess remarqua qu'Albus lançait un regard discret à Scorpius, comme si il s'attendait à ce que celui-ci réagisse. Néanmoins, le blond gardait les yeux résolument baissés vers le sol. Interloquée, la petite fille fronça les sourcils tandis que Rose lui répondait :
"Non, nos parents sont sorciers, mais je suis sûre que tu t'habitueras vite à la magie."
Malgré la tension palpable, son ton était chaleureux et bienveillant, et Tess se sentit un peu plus à l'aise. Elle bavarda quelques minutes avec Rose, qui lui apprit qu'elle avait au moins une dizaine de cousins plus âgés à Poudlard et Tess se remémora la tribu d'enfants roux qui attendaient de monter dans le train. Elle eut un sourire, bien vite effacé par la mine sombre de Scorpius et la moue maussade d'Albus. Elle qui avait espéré se faire des amis... Sans savoir pourquoi, elle ne pouvait s'empêcher de penser que les trois autres enfants se connaissaient.