JAPONAIS | 19 ANS | BONBON ACIDULÉ | HYPERACTIF SPORTIF POLYGLOTTE| #16
Au rez-de-chaussée - Avec Saskia (Yumeko)
Toute cette histoire me dépasse, et je n'aime vraiment pas ça. J'ai l'habitude de tout comprendre, ou du moins de toujours finir par comprendre à un moment, et quelque chose me dit que notre problème, là, il n'a pas de solution. On piétine tous à comprendre comment on a foutu les pieds ici, où est "ici" et pourquoi nous. Depuis que je suis arrivé ici, je n'arrive pas à me concentrer sur quoi que ce soit d'autre, pas même sur essayer de trouver un moyen de sortir d'ici alors que ça semblerait bien plus urgent. A voir comment se comporte les autres, beaucoup ont déjà abandonné l'idée de trouver une explication, se contentant de faire leur vie comme s'ils se revoyaient un jour de lycée. J'aimerais me contenter de ça, me dire qu'on ne parviendra à avoir une explication à tout ça, mais mon esprit refuse de croire qu'il n'y a pas de justification rationnelle.
Et puis, quand bien même on continuerait de chercher, Saskia est aussi perdue que moi, sa dernière question le prouve. Aucun de nous deux n'a quoi que ce soit à se mettre sous la dent. Si je savais comment j'étais arrivé ici, je ne lui aurais pas demandé comme cela s'était passé pour elle, j'aurais su. Sauf que je ne comprends pas comment j'ai débarqué ici. J'étais dans ma chambre, je faisais face à mon lit, puis tout s'est brouillé, j'ai fais ce que je suppose être un malaise. Je me suis réveillé en tombant par terre, sans doute à cause du choc. Entre les deux, c'est comme nimbé de brumes, opaque, incompréhensible. Indéchiffrable.
- En tombant, je crois. C'était comme être arrivé en haut d'un escalier mais croire qu'il y a encore une marche, tu vois ?
Je n'ai pas envie de lui dire que je n'en sais rien, parce qu'elle semble attendre une réponse. Pas une réponse à sa question, une réponse à son inquiétude. Si j'ai besoin d'une explication pour comprendre et me sentir de nouveau maître de la situation, Saskia a elle besoin d'une réponse pour se sentir rassurée, à l'aise. La connaissant, je vois mal comment elle pourrait trouver une quelconque forme de réconfort ici. Nous avons tous les deux besoin d'espoir, de nous dire qu'on va se sortir de là. S'apercevoir que nous nageons tous les deux dans le vide ne me semble pas une bonne solution, et je sais que je peux mieux gérer mes troubles qu'elle : c'est à moi de faire en sorte qu'aucun de nous deux ne baisse les bras.
Le problème c'est que je ne sais pas quel sujet aborder avec elle. Il y a toujours cette espèce de latence entre nos réponses, ce moment où nous réfléchissons aux bons mots pour ne pas faire de faux pas envers l'autre. La glace que nous avions brisée il y a des années s'est de nouveau reformée et, dans ce lieu lugubre, elle est encore plus épaisse et plus solide. Quelques mots ne suffiront pas à la fissurer, pas même un sujet qui nous passionnerait tous les deux. Nous nous répondrions, bien entendu, mais toujours avec ce tremblement dans la voix, le doute permanent que nous ne savons pas où nous sommes.
Alors que je cherche un quelconque indice dans mon téléphone, celui-ci vibre à nouveau. Un autre message du roi. Je me surprends à hésiter quelques secondes avant de l'ouvrir. J'ignore quelle nouvelle je pourrais y lire. L'ordre a été réalisé. Neal et April se sont embrassés. Je me mords la lèvre. Il n'y a pas de nouvel ordre pour l'heure, ça signifie sans doute que nous sommes tranquilles pour le moment, mais cela ne va pas durer. S'embrasser, ce n'est vraiment pas le défi le plus terrible du monde, mais je sais que tout le monde n'est pas de mon avis. J'ai déjà embrassé plein de gens dans la classe, par envie, défi ou erreur. Je ne crois pas que ce soit le cas d'April, et encore moins de Neal.
Néanmoins, je ne peux pas me permettre d'arborer un regard inquiet alors que je me sais observé par Saskia. Elle découvrira tôt ou tard que le défi a été réalisé, et j'ignore si elle le prendra pour une bonne ou une mauvaise nouvelle, mais si elle se remémore mon visage déconfit, ça risquerait fortement de faire pencher la balance. Il faut que je trouve un moyen quelconque de lui faire retrouver le sourire.
- Bon, est-ce que ça te dirait d'essayer de nous trouver vraiment de quoi faire un chocolat chaud ? Il doit probablement y avoir une cuisine ou un truc semblable dans le coin, m'exclamé-je avec un grand sourire.
Je crains que mon soudain changement d'attitude ne la brusque un peu. Ca ruinerait un peu ma tentative. On croise les doigts. D'autant plus que je ne serais honnêtement pas contre un petit chocolat.