Hello ! Je ne sais pas si le livre Les Enfants du silence de Gong Jiyoung peut remplir la consigne
- Lutins de cornouailles
Lire un livre avec une couverture bleue, car sa couverture est ce que je qualifierai de bleu-vert
, sinon je peux le mettre dans
- Maîtriser Petrificus Totalus
Lire un livre se déroulant sur plus de six mois.
Dans "Les Enfants du silence", Gong Jiyoung, précédemment saluée pour son roman "Ma très chère grande soeur", dégaine à nouveau sa plume engagée pour défendre le viol d'enfants sourds dans une école de Corée du Sud. Bien qu'il s'agisse ici d'un roman, ce dernier s'inspire de faits réels, et dénonce toute la cruauté et l'horreur de ces actes.
En mettant en scène le personnage de Inho, l'auteure emporte le lecteur à la découverte de la ville de Mujin, et plus particulièrement de son école privée destinée aux enfants sourds. Cet enseignant, fraîchement embauché, remarque dès son arrivée que quelque chose sonne faux dans cet établissement. Très vite, accompagné de la protagoniste Yujin, il va se battre pour défendre la cause des enfants violés par les hauts responsables de l'école.
Le lecteur ne peut qu'être pris de violentes émotions à la lecture de ce roman. En effet, à travers la plume simple et brute de Gong Jiyoung, les faits sont relatés crument ; les mots sont durs, égaux aux actes qu'ils relatent. Cette descriptions des crimes pédophiles est d'autant plus horrifiante qu'elle est faite avec les mots des enfants violés. Des paroles d'enfants, exprimées dans leur plus affreuse vérité ; leurs maux n'en sont que plus déchirants lorsque ce sont eux-mêmes qui témoignent du récit des abus dont ils ont été victimes. A la lecture, le coeur se tord et la main se tend vers ces chétives victimes.
Le premier point dénoncé par l'auteure pouvant être relevé est l'ignoble système qui entretient cette culture du viol, qui étouffe précipitamment les faits. Au sein de cette petite ville, une toile semble s'être tissée pour taire les horreurs commises en son sein. De cette manière, Gong Jiyoung établit la métaphore filée du brouillard : tout au long du roman, elle nous décrit l'épais brouillard qui semble ne jamais quitter cet endroit. Ce fameux brouillard semble représenter l'opaque voile de non-dits qui protège les criminels. En effet, un brouillard peut diminuer la vision mais ne dissimule jamais complètement les formes alentours. De la même manière, la ville, ses habitants, confortablement installés dans leur quotidien nie les faits, les refuse. Or, en réalité, rien n'est inconnu ; en réalité, les yeux se ferment avec diligence devant les crimes commis. Il ne faut pas tout chambouler.
Dans cette idée, le système judiciaire est directement pointé du doigt. Il semblerait primordial que la justice s'empare de cette affaire, la défende à corps et âmes, alliée de ces pauvres enfants handicapés abusés. Et pourtant, c'est avec dégoût qu'est découverte un corps de justice à la limite de la complicité. "Ecoutez-moi, madame So. Vous pensez vraiment que c'est la justice qui l'emporte dans un tribunal ?", cette interrogation est dure, mais dénonce avec justesse la cruauté de la justice face aux questions de viol, de pédophilie. Malheureusement, aux idéaux de justice sont préférés la corruption et les contacts faisant pression.
De fait, il semble que la corruption pourrisse de tous les coins dans la ville de Mujin, et, sûrement, en Corée du Sud. A peine Inho est il arrivé dans ce nouvel établissement où il s'apprête à enseigner qu'il découvre que son embauche ne tient en vérité qu'à un habile jeu de ficelles habilement tirées. "Ne me dis pas que je vais devoir t'expliquer ? En temps normal, on demande un seul gros billet, mais comme votre femme est une très bonne amie de notre nièce, cinq petits suffiront." En quelques mots, contacts et argent semblent déterminer une carrière en Corée du Sud. Est-il alors toujours autant surprenant de découvrir des abus au sein du système ?
Dans ce roman est également dénoncé le viol. Ce crime est exposé dans ses formes les plus ignobles, dans le système qui l'entretient, le cache, le normalise. C'est avec une vérité marquante que l'auteure évoque la culture du viol et donne une forme de parole aux victimes.
La justice doit œuvrer dans le sens des victimes. Sans cela, comment mettre fin à cette horreur innommable ? "Il faut d'abord que justice soit faite avant de pouvoir pardonner". Il est aujourd'hui plus que temps que les criminels subissent les conséquences de leurs infamies et que les victimes soient entendues.
Plus que le système judiciaire en lui-même, c'est la vision du viol en Corée du Sud qui est ici pointée du doigt. En effet, un constant non-dit semble flotter autour de ces mots, viol, pédophilie. En refusant de s'y confronter, en les esquivant parce qu'ils mettent mal à l'aise, la société ne fait que donner plus de pouvoir aux bourreaux. Cet ignoble engrenage est notamment perçu à travers le personnage d'Inho, dont les premières réactions après découverte des faits sont de nier, presque d'excuser les criminels. L'idée que des adultes hauts-placés puissent profiter d'enfants sourds lui semble complètement absurde. Et pourtant. Le viol est commis partout, dans toutes les sphères de la société, par n'importe qui.
"Yeon-du est mignonne, ce qui pourrait expliquer qu'un pervers sexuel la désire... Il s'aperçoit alors qu'il tente de justifier le comportement bestial du principal. Il cherche, non, il se force -sans quoi il risque de devenir fou- à imputer à la faiblesse humaine ce qui s'est passé, tout en étant parfaitement conscient qu'un principal n'aurait jamais dû infliger un traitement aussi abject à une élève de quatorze ans et que l'homme est coupable d'un crime horrible".
Ce passage est tout autant cruel qu'il est vrai. Inho refuse de faire face à la réalité, car le viol est un crime bien trop souvent étouffé. Gong Jiyoung nous rappelle qu'il faut libérer la parole autour de ces crimes, qu'ils ne doivent pas être justifiés. Ils sont réels et il faut leur faire face.
Au-delà du viol, ce roman nous met également face aux discriminations subites par les personnes handicapées, dans le cas présent, de surdité. Dans ce roman, les personnes sourdes sont considérées comme inférieures. Pour beaucoup, ce handicap est signe d'une insuffisance intellectuelle. Marginalisés, ils sont exclus de la société, de leur propres familles qui ne se donnent pas toujours la peine d'apprendre la langue des signes pour communiquer avec eux.
Assez ironiquement, les visions des personnages vis-à-vis des personnes sourdes sont contradictoires, cependant, toujours péjoratives. "Un autre peuple. Ils n'ont ni la même langue, ni les mêmes coutumes que nous... Le mensonge en fait partie". "Des enfants, il faut le rappeler, ont de légers retards mentaux. Je m'excuse de ce que je vais dire, mais il ne sont pas assez intelligents pour inventer un tel mensonge".
Ce roman est le cri douloureux des personnes atteintes de surdité qui demandent à être entendues. C'est leur combat pour être considéré comme des membres de la société, des citoyens à part entière.
Je ne peux que vous conseiller de lire cet ouvrage. Car si d'un côté, il met en scène la cruauté de la considération de la surdité dans la société coréenne, il permet d'un autre d'en apprendre plus sur ce handicap. En mettant en scène ces enfants, j'ai appris que parler à une personne sourde sans le moindre geste est humiliant. Que dans la langue des signes, les jeunes avaient leur propres expressions, leur gestes à la mode. Que ces enfants, loin d'être retardés comme défendu par plusieurs adultes dans le roman, redoublent d'ingéniosité : ne pouvant entendre la venue d'adultes dans leurs chambres la nuit pour emmener l'un des leurs, ils attachent leurs mains les unes aux autres avec une corde. Une leçon est réellement libérée en lisant ce roman et l'on ressent la ferveur avec laquelle Gong Jiyoung a voulu aider à porter la parole des personnes atteintes de surdité, en leur rendant justice et attention.
Autre combat de l'auteure : la mise en lumière d'un sexisme normalisé en Corée du Sud. C'est en grande partie à travers le personnage de Yujin qui accompagne le personnage principal que nous découvrons avec répulsion le traitement des femmes. Tout au long du roman, nous assistons au dédain des personnages face à cette femme divorcée. En Corée du Sud, le divorce est un acte extrêmement mal perçu. Toutefois, au sein de cette société profondément mysogyne, une femme sans mari est prise de haut, moquée. "Il paraît qu'elle vit seule, qu'elle n'a pas de mari... Le genre de femme qui ne parle que de "peuple" et de "démocratie", il n'y a rien à en tirer...". L'émancipation des femmes semble donc loin d'être acceptée dans le pays.
Enfin, il est intéressant de se pencher sur ce livre pour en découvrir davantage sur la société coréenne. En plus des points précédemment évoqués, il est pertinent de s'interroger sur certains aspects décrits pouvant être surprenants pour des français. Tout d'abord, la vision du métier d'enseignant. Il semblerait qu'en Corée du Sud, se faire embaucher n'est pas nécessairement chose facile et que les contacts soient utiles. Quel contraste avec la France où l'on fait face à une pénurie d'enseignants. En effet, en Corée du Sud, les métiers dans l'éducation sont respectés et bien payés, signe de l'importance mise sur la scolarité. Au contraire, en France, le métier d'enseignant semble perdre de sa valeur et les salaires touchés sont bien conséquents.
De plus, la Corée du Sud nous est ici justement peinte dans tout son conservatisme. La tradition domine, chercher à renverser l'ordre établi est mal vu. "A la moindre occasion, on brandit l'étendard des droits de l'homme [...]". Le système est bien établi et réagit en grinçant des dents face à la pression des minorités qui souhaitent plus de droits et de considération. De plus, c'est à nouveau à travers cette personnification de la ville de Mujin que nous pouvons dresser un portrait du pays. "Honteux que ces évènements infames aient lieu dans leur ville, ils ne demandent pas mieux que de le suivre dans ses discours, qui apaisent leur conscience".
Bien sûr, ce roman n'est pas parfait. Le style de l'auteure ne m'a pas complètement convaincue, j'y ai été assez imperméable. En ce qui concerne les personnages, j'ai été assez déçue par celui d'Inho qui est pourtant celui au travers duquel nous découvrons l'histoire. Je n'ai pas réussi à m'y attacher et à vibrer à travers ses yeux.
Pour conclure, Les Enfants du silence est un très bon roman qui s'empare des non-dits étouffés dans la société conservatrice coréenne pour les faire éclater au grand jour. Emouvant, il ouvre les yeux, choque et nous rappelle que " Le bon sens n'existe pas... Tout est possible".
. Il marche dans les deux consignes donc à toi de choisir ce que tu veux valider avec. Pour l'instant, je t'ai validé un livre lu normal.
Oui tu peux cumuler 
La Légende des 4, Tome 3 : Le Clan des serpents
