Bonjour,
Je viens rencontrer Athéna dans le panthéon grec
Athéna : La Déesse de la Sagesse ne vous trouve pas assez cultivé(e). Lisez un livre qui met la mythologie grecque à l'honneur.
Avec
"Antigone" de Sophocle
L’Antigone de Sophocle.
Magistral ! Un pur chef d’œuvre !
Antigone, fille d’Œdipe le Maudit ! Antigone ne pourra échapper à son destin.
On n’appartient pas impunément à la famille des Labdacides, des descendants du roi Laïos. Chaque génération connaît les pires malheurs…
Antigone est la fille d’un père parricide et incestueux, la sœur de frères fratricides et la nièce d’un tyran !
Je connaissais l’histoire d’Antigone mais je n’avais encore jamais lu auparavant cette tragédie antique. Grave lacune réparée…
Les annotations dans l’édition en ma possession
(Editions Larousse 2012) m’ont été d’une précieuse aide. J’ai ainsi pu profiter pleinement de la pièce. Je me suis immiscée avec bonheur dans l’histoire. Et c’est avec délectation que je me suis replongée à nouveau dans l’œuvre pour cette fois ne plus être interrompue.
Comme toute tragédie grecque qui se respecte, l’histoire est sombre, l’ambiance pesante et l’issue fatale.
Etonnamment, Sophocle y glisse pourtant quelques touches d’humour cinglant (interventions d’un garde).
C’est une œuvre incontournable. Il faut avoir lu l’oeuvre de Sophocle.
Les annotations m’ont été d’une aide précieuse. J’ai ainsi pu profiter pleinement de la pièce. Je me suis immiscée avec bonheur dans l’histoire. C’est avec délectation que je me suis replongée dans l’œuvre pour cette fois ne plus être interrompue.
Exemples :
"Dans un torrent d’or" : métaphore pour désigner les torches que les Argiens lançaient pour incendier Thèbes.
"Cette voix d’or" : la voix de l’espérance, qui fait croire des merveilles et qui déçoit.
Dans cette tragédie, Sophocle montre l’opposition entre la croyance en la toute-puissance divine sur terre et la volonté de croire que les hommes sont maîtres de leurs décisions et de leur vie.
Antigone appartient au cycle des pièces thébaines avec Œdipe roi et Œdipe à Colone. Elle décrit le sort tragique de la descendance d’Œdipe roi. Il s’agit de la dernière pièce de la trilogie, bien qu’elle ait été écrite avant les autres.
Après la fuite d’Œdipe, Étéocle et Polynice décident de régner un an chacun. Mais à la fin de la première année, Étéocle refuse de laisser le pouvoir à son frère qui doit s’enfuir. Polynice se réfugie à Argos, épouse la fille du roi Adraste et marche sur Thèbes à la tête d’une armée. Les Thébains sortent vainqueurs de cette guerre mais les deux frères s’entretuent. Créon, leur oncle, étant le seul survivant mâle de la famille royale devient alors roi de Thèbes. Sa première décision est de rendre les honneurs funèbres à Étéocle, le héros de Thèbes et de laisser pourrir, sans aucune sépulture, le cadavre de Polynice. C’est lui refuser toute paix dans l’au-delà. Quiconque, ordonne Créon, tentera d’ensevelir Polynice, sera lapidé ! Par piété et par amour pour son frère, Antigone n’en décide pas moins de l’ensevelir. Pour avoir transgressé l’interdiction de son oncle, elle sera condamnée à mort.
J’ai adoré plonger dans cet univers d’une autre époque (pièce écrite vers 442 avant J.-C.). Cette pièce demeure néanmoins intemporelle.
Antigone illustre magistralement le conflit éternel entre la conscience individuelle et la raison d’Etat, entre les lois humaines, variables et éphémères, et les lois divines "non écrites mais immuables".
Aux yeux d’Antigone, refuser toute sépulture à Polynice, son frère, c’est aller à l’encontre de la volonté des dieux. Ne pas inhumer un mort équivaut, dans la religion et les croyances grecques, à vouer ses mânes (les âmes des morts) à l’errance éternelle, sans aucune possibilité de repos. C’est contraire aux lois divines qui sont par nature supérieures aux lois humaines.
Tout en reconnaissant la justesse du geste d’Antigone, Ismène, sa sœur, refuse de la suivre dans cette entreprise. Elle se soumet à Créon, à la raison d’État :
"Et puis, nous recevons les ordres de plus puissants que nous; il faut nous y soumettre et même à de plus durs. Pour moi donc, je prie les mânes de me pardonner, car je cède à la force; mais j’obéirai à ceux qui sont au pouvoir. Essayer plus qu’on ne peut, c’est folie."
Antigone brave les ordres de Créon en sachant pertinemment qu’en agissant de la sorte, elle se condamne à mort. Elle ne veut pas par crainte de froisser l’orgueil d’un mortel, s’exposer à la vengeance des dieux pour avoir transgressé les lois divines. "Au contraire, si j’avais laissé sans sépulture celui qui connut les mêmes parents que moi, grande serait mon affliction. Ce que j’ai fait ne m’en cause aucune. Si donc ma conduite te paraît insensée, peut-être est-ce un fou qui me taxe de folie."
La lutte entre Antigone et Créon est au centre de la pièce, cette opposition entre force brutale émanant soi-disant de la Cité, la raison d’Etat, et la voix individuelle, qui se réclame de valeurs supérieures qu’on appelle lois divines. Sophocle met en avant l’opposition entre les personnages. Il décrit admirablement leurs motivations, hésitations et convictions.
Le patriotisme de Créon l’aveugle au point d’ignorer tout pardon et toute générosité : même vaincu, même mort, Polynice demeure pour lui un traître qui doit être traité comme tel. Son autoritarisme le perd.
La fatalité entraîne inexorablement Antigone à la mort. A aucun moment, elle n’entend renoncer à son devoir, qu’elle estime sacré, de donner une sépulture décente à son frère.
Antigone a délibérément transgressé ses ordres et cela, il ne peut le tolérer. Son acte est un symbole pour lui de révolte et d’insoumission. Le crime d’Antigone est encore aggravé par son audace. Elle aurait pu cacher sa faute mais elle se dresse ouvertement contre lui. Elle n’a pas bafoué l’Etat mais lui, Créon, sa personne. Et cela, par vanité, il ne peut le lui pardonner.
Si tout sépare Créon d’Antigone, tous deux se ressemblent par leur obstination. Ils sont enfermés dans leurs conceptions de ce qui est bien et de ce qui est mal.
Le conflit entre Antigone et Créon est donc inéluctable et sans autre issue que la mort d’Antigone, la fiancée de son fils Hémon : enfermée vivante dans le tombeau des Labdacides, destinée à mourir de faim et de soif.
Le tyran Créon refuse de revenir sur sa décision malgré les lamentations des vieillards de Thèbes et les supplications de son propre fils Hémon, le fiancé d’Antigone. Le devin aveugle Tirésias intervient également en dévoilant que les dieux n’approuvent pas son action et qu’il en pâtira pour la Cité si Antigone n’est pas libérée et Polynice enterré. Interprète des dieux, Tirésias annonce leurs volontés qui vont inéluctablement se réaliser.
Seules les sombres prédictions de Tirésias feront changer d’avis Créon, mais il sera déjà trop tard…
Tirésias :
"Sache donc, toi aussi,
Que tu ne verras pas s’achever le jour
avant que ne périsse un de ceux qui
sont nés de toi. Tu échangeras un mort
contre des morts, parce que tu
auras précipité une âme vivante aux
enfers et que tu l’auras indignement
enfermée dans une tombe, parce
qu’enfin tu retiens ici, sur terre, loin
des dieux infernaux, et c’est un
sacrilège, un cadavre privé des
derniers honneurs. Car tu n’as pas ce
droit, même les dieux du ciel ne l’ont
pas; c’est toi qui leur fais violence.
Aussi les Furies, tôt ou tard
vengeresses de l’Enfer et des dieux,
vont-elles t’épier et te feront-elles
tomber dans de semblables
malheurs."
Dans le tombeau des Labdacides, on retrouve Antigone pendue, le cou serré par un lacet formé avec le tissu de ses vêtements.
Antigone triomphe de la mort. Créon vit certes encore mais sa survie est son châtiment. L’hybris (ὕϐρις), la démesure en grec, dont il a fait preuve, conduit au désastre : Hémon, son fils, se suicide au pied du corps sans vie de sa fiancée Antigone, Eurydice, son épouse, se donne la mort après avoir appris le suicide de son fils Hémon. Créon, lui qui n’a pas voulu être roi, après avoir tout eu, a tout perdu : honneur, famille, puissance.
Il appelle la mort de tous ses vœux.
Créon :
"Qu'il se mette en marche, qu'il se mette en marche,
Qu'il apparaisse, le plus beau de tous les sorts,
Celui qui m'apportera mon tout dernier jour,
Je le mets au-dessus de tous; qu'il se mette en marche, qu'il se mette en marche,
Que je ne voie plus d'autre jour."
Le coryphée :
"Le plus grand bien
pour l’homme est la vertu sereine.
Qui méconnaît les lois de la sagesse
appelle sur lui les malheurs.
L’audacieux mortel que son orgueil
pousse à braver les dieux souverains,
s’il prétend l’ignorer, l’apprendra
par les pleurs."
La défaite de Créon est la victoire posthume d’Antigone.
Antigone a survécu à la pièce de Sophocle et à sa propre mort. Elle est devenue un incontournable mythe. Elle n’a jamais cessé de fasciner, de soulever des interrogations et également de susciter des interprétations et des réécritures.
A travers les personnages d’Antigone et de Créon, c’est également l’affrontement entre les hommes et les femmes, Créon n’ayant que du mépris pour elles : "Moi vivant, jamais une femme ne fera ici la loi."
C’est aussi l’affrontement entre les deux sœurs, Antigone et Ismène, entre le père et le fils, entre Créon et son épouse, Eurydice désavouant par le suicide l’attitude de son époux.
Antigone promeut la supériorité du pardon sur la vengeance et la notion de justice. En mourant déshonoré, Polynice a déjà suffisamment payé.
Antigone soulève moult questions. Jusqu’où obéir à un pouvoir ?
Que peut exiger un Etat de ses citoyens ? Le conflit entre conscience et pouvoir a été présent à toutes les périodes de l’Histoire.
Chaque époque peut trouver son Antigone !
Lien vers le récapitulatif :
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