Dernier chapitre du triptyque, je sais, le titre n'annonce rien de bon..!
Petite annonce à la fin du chapitre, et je vous souhaite une très bonne lecture !
Chapitre 44 : Triptyque III, meurs
Telle une condamnée, elle s’apprêtait à fermer les yeux sur un monde qu’elle avait à peine entrevu. Telle une bourreau, elle s’apprêtait à trancher les liens qui l’unissait à l’homme qu’elle aimait. La mort dans l’âme, elle se leva avec difficultés du sol de sa chambre. Chaque geste lui semblait une épreuve, chaque muscle qu’elle actionnait portait un cri de souffrance, une volonté de ne pas obéir et de laisser la nuit s’étioler doucement, d’attendre le lever du soleil et de continuer ainsi les jours suivants, les mois, les années à venir. Chaque pas en avant était une dernière expiration, et seule sa baguette dans sa main la ranimait, inlassablement.
L’agonie s’enfonçait en elle alors que ses pas descendaient l’escalier de la maison ignorante du supplice d’une de ses habitantes. Minerva affronterait la douleur seule. Qui pourrait la comprendre ? A qui pourrait-elle parler de son histoire ? Elle n’aurait aucune épaule sur laquelle pleurer. Elle partirait pour Londres le jour même, et réussirait son entretien. Elle quitterait Caithness et ses souvenirs désormais au goût de larmes, à l’odeur de l’amertume et du regret.
Ce qui la menait au bord du désespoir, c’était qu’elle sentait que c’était la seule décision qu’elle devait prendre. Renoncer à Dougal était le coup de poignard nécessaire pour qu’elle puisse s’envoler. Et ô combien ce geste lui demandait toute sa force, tout son cœur lacéré. O combien cette obligation la poussait à la limite du précipice. Si elle pouvait revenir en arrière, jamais elle n’aurait laissé Dougal l’atteindre. Pas pour se protéger elle. Mais pour lui. Il lui avait tant apportée, et elle, s’apprêtait à lui arracher encore plus. Si elle avait l’occasion de recommencer l’été 1954, elle était plus que prête à renoncer à elle-même si cela pouvait préserver Dougal.
L’air étonnamment doux de l’aube ne parvenait pas à réchauffer Minerva. Elle avait froid au cœur, au corps. Avant même de prononcer les mots fatidiques, elle sentait les bras chaleureux de Dougal la lâcher, s’éloigner. Elle sentait son cœur à lui cesser de battre pour elle. Elle sentait déjà que leur couple se séparait en deux pour prendre une route différente. Son regard se faisait distant dans son esprit, son souffle se faisait plus faible, son sourire plus triste…
Minerva s’arrêta un instant, le poing serré sur sa poitrine. Si elle pleurait maintenant, elle ne savait pas si elle serait capable de continuer. Parce qu’elle ne voulait pas continuer, son cœur ne le souhaitait pas. Mais elle comprenait que si sa raison seule ne devait pas gouverner, ses émotions non plus ne pouvaient pas prendre entièrement le contrôle. Elle devait trouver l’équilibre. Et l’équilibre lui demandait de sacrifier Dougal. De sacrifier son amour. Il avait peut-être stabilisé sa vie de moldue… mais ce n’était pas ce qu’elle était. Elle, Minerva McGonagall, était à moitié moldue, et à moitié sorcière. Et cette dernière part d’elle-même qu’elle avait récemment renié, rejeté, répudié, elle la faisait sienne pleinement, aux détriments de Dougal McGregor.
Le chemin vers l’annexe, très court, lui parut infini. Sa douleur était telle qu’elle ne semblait pas avancer. Elle repoussait le moment fatidique et s’en rendait malade. Et d’un autre côté, il était aussi trop court, car elle s’apprêtait à mettre un terme à la joie de son fiancé… Et ce mot, fiancé, qui avait une saveur particulière dans sa bouche, elle voulait le garder longtemps. Elle aurait voulu être la fiancée de Dougal pendant plus d’heures, de jours, de mois. Elle ne pouvait être sa femme, mais elle aurait souhaité rester sa fiancée juste un peu plus de temps.
Elle était devant la porte de l’annexe. Cette annexe, elle avait failli y vivre. Quelques mois de plus, et elle aurait eu les clefs des lieux. Dedans, aurait pu se jouer cette autre vie qu’elle avait failli choisir. Y aurait-elle élevé des enfants ? Auraient-ils, elle et Dougal, attendu quelques années avant de fonder une famille plus grande ? Quelles disputes auraient-ils subi, quelles joies auraient-ils accueilli ? Combien de rires cette annexe aurait-elle absorbé ? Combien de câlins, de baisers, ces murs auraient dissimulé aux yeux des plus pudiques ? Elle ne le saurait jamais. Et peut-être, était-ce là un regret nécessaire qu’elle traînerait avec elle toute sa vie.
Le cœur glacé, la main froide et le souffle figé, Minerva frappa au battant de la porte. Elle espérait qu’il ne répondrait pas, qu’elle puisse repousser son acte, retourner chez elle et oublier ce terrible cauchemar.
La porte s’entrouvrit sur l’œil curieux de Dougal. Sa pupille chocolat, similaire à celle de son rêve, brilla un instant face à la personne qui lui rendait visite.
- Minerva ! Que fais-tu là ? Rentre… Non, attends, viens avec moi.
Il referma la porte derrière lui, attrapa la main de sa fiancée et l’entraîna avec lui. Elle n’eut pas le cœur à se dégager. Elle voulait profiter une dernière fois de son toucher, de sa main chaude et calleuse, réconfortante, douce et amoureuse. Il avait l’air si heureux de la voir. Ses yeux scintillaient, son visage était éclairé malgré l’heure matinale, et son sourire… son sourire si joyeux… Par Merlin, elle ne le méritait pas.
Il la conduisit, sans surprise, vers leur coin habituel. Ce cerisier brisa le cœur de la jeune sorcière. Il avait été leur point de rendez-vous, le centre de leurs rencontres, le gardien de leurs secrets, le chaperon de leurs baisers. Durant l’été, ils s’étaient toujours dirigés vers ce même endroit, et celui-ci en était désormais leur dernier. Il avait vu leur premier baiser, il verrait leur dernier regard.
- Tu devrais dormir, murmura Dougal d’une voix chaude en passant des doigts délicats derrière l’oreille de Minerva.
- Je ne pouvais pas.
- C’est annoncer notre mariage à tes parents qui te tracasse ? demanda-t-il tendrement. Je viendrai avec toi si cela te rassure.
Notre mariage. Celui-ci n’existait pas, n’existait plus. Le ventre de Minerva se noua.
- Tu n’auras pas besoin de venir, souffla-t-elle. Il n’y aura pas de mariage.
Dougal fronça très légèrement les sourcils. Il avait le regard de ceux qui ne comprennent pas une situation qui n’était pas prévue. Minerva prit la main de Dougal, et celui-ci suivit de son regard son geste. D’un mouvement douloureux, qui lui arrachait le cœur, elle plaça la bague dans la paume de son ex-fiancé.
- Je ne peux pas…
Son murmure, qu’elle avait voulu simplement regretté, renfermait une peine sans nom. Elle espérait qu’il sentirait qu’elle n’avait pas le choix, qu’elle l’aimait du plus profond de son cœur, qu’elle se tuait un peu en lui disant son adieu.
- Je ne comprends pas…, fit Dougal avec un air incertain et inquiet. De quoi parles-tu exactement ?
Minerva observa ses yeux noisette, éclairés par le soleil qui se levait peu à peu. Ils étaient emplis de doutes, elle savait qu’il espérait se tromper. Mais ses yeux à elle, désespérés, affligés, déchirés par la tristesse, ne mentaient pas. Elle arracha sa main à celle de Dougal. Le froid envahit son cœur.
- Je suis désolée, continua-t-elle et elle haït la voix tremblante qu’elle avait, mais je ne peux pas t’épouser.
Elle haïssait ces chevrotements, ces larmes qui embuaient ses yeux. Elle se haïssait de souffrir alors qu’elle infligeait le pire à Dougal. Elle se haïssait de ne même pas pouvoir donner une explication sur son changement d’avis, au risque de le payer de sa place au Ministère.
- Je ne peux pas me marier avec toi, répéta-t-elle alors qu’il ne réagissait pas, sonné.
Dougal continua à l’observer et elle trouva impossible de soutenir ses yeux qu’elle aimait tant, qu’elle connaissait tant, qu’elle attendait tant chaque matin, chaque soir. Elle devrait partir, là maintenant. Mais comment le pouvait-elle, alors qu’elle espérait encore entendre sa voix une dernière fois ? Comment pouvait-elle détourner le regard alors qu’elle souhaitait tant encore se remémorer les traits de son visage ? Comment pouvait-elle s’éloigner alors que sa présence lui était encore essentielle ?
- Explique-moi, je t’en prie… implora Dougal d’une voix soudainement rauque. Peu importe le souci, nous saurons faire face. Laisse-moi t’aider.
Minerva sentit son cœur imploser en un millier de fragments. Jamais il ne pourrait faire face à ce qu’elle affrontait. Jamais leur monde respectif n’autoriserait cela. Elle voulait le supplier de la repousser, de rendre les choses moins difficiles.
- C’est impossible… Dougal, je t’en prie… arrête. Pour notre bien à tous les deux…
Minerva s’arrêta un instant, un poids dans la gorge. Elle cligna des yeux pour disperser les larmes qui brouillaient sa vision et l’empêchaient d’absorber le visage de son amour. Celles-ci roulèrent sur ses joues.
- Pour ton bien… oublie-moi.
Elle fit un pas en arrière, tremblant, récalcitrant, intolérable. Dougal lui attrapa la main, l’empêcha de continuer.
- Minerva…
- Lâche-moi, s’il te plaît.
Elle baissa les yeux, et réitéra sa demande, l’âme brisée. Il y eut un instant de silence, les branches du cerisier immobiles au-dessus d’eux, comme si elles aussi, retenaient leur souffle. Finalement, lentement, doucement, malgré la promesse qu’il lui avait faite la veille, Dougal la lâcha. Parce qu’il l’aimait si fort, il n’irait pas à l’encontre de son souhait. Minerva sentit son cœur s’effondrer, avec une impression que plus jamais il ne serait entier à nouveau. Elle aurait voulu qu’il la retienne aujourd’hui, demain, les mois et les années qui viendraient. Mais sa main à elle pendait le long de son corps, comme détachée, ne lui appartenant plus, mais n’appartenant pas non plus à l’homme qu’elle aimait. Elle voulait le serrer dans ses bras une dernière fois avant de disparaître à tout jamais de sa vie. Mais au risque qu’elle ne parvienne pas à le quitter, elle recula d’un nouveau pas, plus franc.
Et elle lui tourna le dos, rompant le lien qui l’unissait à Dougal, laissant l’amour de sa vie sous un cerisier qui n’attendrait plus personne.
La femme qui s’avançait d’une démarche faussement assurée, vêtue d’une longue robe foncée, ne se sentait que l’ombre d’elle-même. C’était elle, Minerva, qui parcourait le grand hall du Ministère de la Magie. Entourée de sorciers à l’allure pressée, de hiboux apportant les courriers, de journaux dont les photos s’animaient, de cheminées laissant surgir les employés dans un flash vert… Tout ceci, elle ne le voyait pas. Elle marchait en regardant droit devant elle, en se focalisant sur son but, cet ascenseur qui la mènerait vers son entretien. L’entretien qui lui avait tant coûté, au fond.
Elle secoua la tête. Y penser ne servirait à rien. Elle était venue jusqu’ici, elle repartirait avec un emploi. Elle rajusta le pansement autour de son doigt. Quelques heures plus tôt, elle avait enfilé une tunique de sorcière pour la première fois depuis des semaines, avait attrapé sa baguette magique, avait laissé un mot à ses parents encore endormis et avait transplané pour Londres. A l’arrivée, elle s’était désartibulé et avait perdu l’ongle de son annulaire gauche. Dans son sac, se trouvaient des pansements, que Dougal lui avait donné un jour. Elle en avait posé un sur son doigt ensanglanté, taisant la douleur lancinante de son cœur.
- 2ème étage, annonça la voix féminine de l’ascenseur, département de la Justice Magique et bureau des Aurors.
Mécaniquement, Minerva sortit, le dos droit et le regard fixe et concentré. Elle devait réussir cet entretien. Pas par intérêt pour le poste ; elle postulait pour un travail au service d’administration du Magenmagot. Rien qui la faisait rêver, mais elle devait s’éloigner de Caithness. Fuir.
Elle frappa au battant de la porte et entra. Un homme, probablement le responsable des Ressources Humaines, M. Gordon, se leva.
- Mademoiselle McGonagall ? Bienvenue, asseyez-vous donc. Thé ?
Minerva refusa d’un sourire poli.
- Du whisky peut-être ? plaisanta-t-il.
Elle releva la tête et le fixa sans rien dire. Dougal aurait dit la même chose, tout en sachant très bien qu’elle n’en n’aimait pas le goût. Il aurait pris un malin plaisir à la taquiner et elle serait très sûrement tombée dans son piège.
- C’était une plaisanterie, reprit Gordon en notant son silence. Bien, nous allons commencer alors.
Elle n’écouta que d’une oreille son monologue. Comme prévu, le poste consistait à assister un des membres du Magenmagot : entretien des documents juridiques, se maintenir informée des dates et horaires des procès et gérer le planning du juge auquel elle serait associée, assurer le déroulé des procédures juridiques… Peut-être qu’elle aussi, comme Alan, elle finirait par faire les cafés. Il fallait bien commencer quelque part.
Puis ce fut à son tour de se présenter et de vanter ses qualités. Elle n’allait pas mentir, il lui était facile de paraître crédible et responsable aux vues de ses résultats aux examens, de son statut d’ancienne Préfète-en-Cheffe ou encore de sa capacité à se transformer en chat. Tout cela lui semblait si aisé. Ce qui était plus compliqué, c’était se remémorer toute sa vie de sorcière. Par exemple, depuis combien de temps n’avait-elle pas pris sa forme d’Animagus ? Était-elle même encore capable de se transformer ? Retrouver ce pan de sa vie était tout autant un bol d’air qu’un étouffement : en le récupérant, elle rayait un été complet de sa vie.
Elle répondit aux questions, offrit même un sourire de circonstance pour ne pas avoir l’air d’une porte de prison.
- Bien, bien, c’est très bien tout cela, commenta Gordon. Si vous êtes sélectionnée vous serez l’assistante de Mme Griselda Marchbank. A vrai dire, lorsqu’elle a eu besoin d’aide administrative, elle a pensé à vous. Ce n’est peut-être qu’un poste d’assistante, mais vous serez au Ministère. Les perspectives d’évolution sont légions.
Minerva eut pour la première fois une réaction sincère. Elle gardait un bon souvenir de la sorcière qui l’avait évaluée lors de ses BUSES et qui l’avait encouragée dans son processus d’Animagus. Travailler à ses côtés apaiserait peut-être sa nouvelle solitude.
- Êtes-vous mariée ? Si oui, moldu, sang-mêlé, sang-pur… ?
Elle s’attendait à cette question. Elle était loin d’être anodine. Un candidat marié à un moldu perdait ses chances pour le poste, quel qu’il soit. Elle resta longtemps silencieuse, le regardant longuement. Était-ce là les derniers mots tranchants qu’elle allait devoir prononcer avant de pouvoir tourner la page ?
- Non, souffla-t-elle. Je suis seule.
Très seule.
L’entretien s’acheva. Elle serra la main de Gordon, le remercia, et repartit comme elle était venue. En silence, le cœur vide, le visage inexpressif.
Sa mère l’attendait dans la cuisine. Elle avait lu son mot et son visage trahissait son excitation lorsque sa fille passa le pas de la porte de derrière. Celle-ci avait fait exprès de ne pas emprunter le chemin principal, au risque de croiser Dougal.
- Alors ? Comment ça s’est passé ? s’enquit Isobel. Depuis quand cet entretien est-il prévu ? Nous n’étions pas au courant !
Parce que Minerva n’avait d’abord pas eu l’intention de répondre positivement à l’annonce. Parce qu’elle avait soudainement changé de vie, de projets. Parce qu’elle s’était à la fois trouvée et perdue et qu’aujourd’hui, elle n’arrivait pas à savoir si elle se battait pour se maintenir à la surface, ou si elle se laissait couler lentement.
- Bien, répondit-elle. Ça s’est bien passé.
- Au Ministère ! s’exclama Isobel. Oh, je suis si fière de toi !
Minerva l’observa. Sa mère aussi avait eu des prétentions pour un poste au Ministère. Elle avait été tout aussi brillante durant ses études. Aujourd’hui, elle voyait sa fille accomplir ce qu’elle n’avait pas pu vivre, mais savait-elle quel prix Minerva avait dû payer ? Elle pouvait l’imaginer. Après tout, elles avaient vécu les mêmes doutes, les mêmes tiraillements, les mêmes conflits internes. Elles avaient juste emprunté le chemin opposé. Isobel ne s’était jamais ouverte à sa fille sur les incertitudes qui l’avaient assaillie. Mais par procuration, elle avait vu sa fille aller à Poudlard, perpétuer son sang. Elle l’avait vue exceller en magie comme elle, voler haut grâce au Quidditch. Quand Minerva avait posé à jamais son balai, Isobel avait été incapable de la consoler. Elle aurait pu avoir les mots, elle aurait compris l’arrachement que sa fille avait subi ce jour-là. Mais silencieuse, elle avait baissé la tête. Aujourd’hui, Minerva refusait de mentionner Dougal. Aurait-elle été si fière d’elle si elle savait que contrairement à elle, sa fille n’avait pu tirer un trait sur la magie ? Aurait-elle toujours ce sourire en comprenant que sa propre chair, avait fait son choix inverse presque vingt ans plus tard, et avait brûlé son cœur à vif ? Isobel avait pu se confier à sa grand-mère Minerva, mais ironiquement, Minerva ne pouvait se confier à Isobel.
Si Minerva s’était appuyée sur sa mère, aurait-elle choisi différemment ?
Elle ferait face seule. Elle n’avait jamais été consolée, n’avait jamais voulu l’être. Le seul qui avait pu, et qui aurait pu, c’était Dougal. Mais il était désormais la source de son chagrin. Que faire lorsque l’un des piliers s’effondrait ?
Il fallait se tenir plus droit, regarder plus haut et plus loin, supporter deux fois plus de poids et de peines. Ce que Dougal lui avait offert, elle allait tout garder et en faire une force. Il l’avait aimée si fort, qu’elle s’était rendue compte qu’elle pouvait s’aimer en retour. Maintenant qu’il n’était plus là, elle ne lui ferait pas déshonneur en oubliant. Elle allait continuer à s’aimer, parce que Dougal lui avait prouvé qu’elle en avait le droit, et parce qu’elle savait qu’elle le méritait aussi. Elle allait s’aimer parce qu’elle pouvait s’aimer, devait, voulait. Aussi forts étaient ses sentiments pour Dougal, elle ne serait plus dépendante de l’amour qu’il lui portait pour s’y accrocher.
- J’ai juste besoin de quatre semaines de loyer, après je me débrouillerai, c’est promis.
Isobel et Robert Sr observaient leur fille faire ses valises, l’air inquiet.
- Mais tout est si soudain…, tempéra sa mère, tu es sûre que tu ne veux pas attendre au moins une ou deux semaines ?
- Pourquoi cela ? demanda Minerva en levant la tête de sa malle. Le Ministère vient de m’embaucher, je suis disponible. Pourquoi attendre ? J’ai déjà passé tout mon été ici.
- Oui mais…
- Je trouverai une chambre pas chère et mon salaire suffira pour plus tard. Il faut que je commence à travailler, si je ne me bouge pas maintenant, quand le ferais-je ? Tous mes amis trouvent leur voie, je ne suis pas différente.
Isobel ne prononça plus mot.
- Tu reviendras régulièrement, n’est-ce pas ? fit son père doucement.
Minerva hocha vaguement la tête. Il allait se passer plusieurs mois avant qu’elle ne pose à nouveau les pieds à Caithness. Croiser Dougal lui serait au-dessus de ses forces pendant un long moment. Voilà pourquoi elle partait si rapidement, trois jours après l’entretien. Dougal n’avait pas essayé de la voir, probablement sous le choc et à essayer de comprendre ce qu’il croyait avoir raté dans leur relation. Mais plus elle restait chez ses parents, plus elle diminuait leur chance de pouvoir tourner la page. Alors elle préparait sa valise, prête à louer la première chambre libre qu’elle trouverait.
Robert Sr fit une moue légèrement attristée avant de quitter la chambre. Isobel resta silencieuse quelques instants.
- Tout va bien ? s’enquit-elle au bout d’un moment.
- Pourquoi cela n’irait pas ?
Minerva respira profondément et reprit d’une voix plus posée :
- Oui, tout va bien, ne t’en fais pas.
Comme elle l’avait déjà décidé, elle gérerait ses émotions et son chagrin toute seule, comme elle l’avait toujours fait. Avec la distance, tout serait plus facile. D’ailleurs, l’enchaînement de l’entretien, de son retour et faire sa valise avait déjà un effet positif sur son moral, car elle se sentait moins en détresse qu’auparavant. Oui, tout irait bien.
Elle traîna sa valise dans les escaliers, sa mère lui emboîtant le pas, serrant un châle autour d’elle. Malcolm attendait, affalé dans le canapé, et Robert Jr se tenait debout sur ses petites jambes, un soldat de plomb serré entre ses doigts. Il paraissait soucieux du départ de sa sœur et Minerva se sentit coupable de l’abandonner ainsi, en particulier après l’avoir délaissé tout l’été au profit de Dougal. Elle se promit qu’à son retour, elle jouerait avec lui, lui ferait des tours de magie. Elle espérait revenir, mais la présence de Dougal l’empêchait d’appréhender un retour sans inquiétude. Et sans douleur.
- T’enverras des cartes postales de Londres, hein ? demanda Malcolm qui semblait être le seul à ne pas trouver son départ étrange.
- J’y vais pour travailler, pas pour faire du tourisme.
Malcolm mima un bâillement et retourna à sa position avachie. Robert Jr s’approcha à petits pas timides et tendit silencieusement le soldat de plomb. Celui-ci avait perdu son fusil et ses bras pliés vers l’avant semblaient se tendre vers un objet, une personne inatteignable.
- C’est pour moi ? s’enquit-elle, et son frère hocha la tête. Merci.
Elle ébouriffa tendrement ses cheveux avant de se tourner vers ses parents.
- Bon, c’est le moment. Je vais y aller.
Isobel détourna le regard, le contour de ses yeux devenant rouge. Minerva l’observa et étrangement, se reconnut un peu en elle : elle regardait ailleurs, semblant vouloir occuper son esprit vers un point invisible afin de ne pas pleurer. Mais elle savait que tout ce à quoi son cerveau pouvait penser actuellement, c’était l’envol de son premier enfant. Malgré les sept années à Poudlard, il y avait un parfum différent dans l’air lorsque l’aîné quittait le nid pour en fonder un autre. Minerva quittait la maison familiale. Son bazar sur le bureau aurait disparu, ses chaussons ne traîneraient plus dans le salon, un de ses livres n’attendrait plus sur la table de la cuisine, sa brosse à dents ne serait plus posée sur le bord du lavabo avec les autres, il n’y aurait plus que quatre serviettes de bain accrochées à la porte de la salle d’eau, des repas à préparer pour seulement quatre personnes… Et ce, sans pouvoir se dire que sa fille reviendrait de toute façon pour les prochaines vacances.
Robert Sr lui, la serra dans ses bras sans un mot. Il verserait probablement quelques larmes plus tard, quand chacun aurait le dos tourné. Peut-être, jouerait-il de la cornemuse, perdu dans ses pensées. Minerva toucha du bout des doigts l’épaule de sa mère qui lui fit un sourire tremblotant. Elle l’entoura avec un amour qu’elle démontrait rarement.
- Je suis fière de toi, souffla-t-elle, et Minerva sentit sa gorge se nouer.
Cette affection physique lui était si inconnue qu’elle toucha une corde sensible dont elle n’avait pas conscience jusqu’à lors. Se raclant la gorge, elle s’écarta et fit un bref sourire en baissant le regard.
- A bientôt, alors. Je vous donnerai des nouvelles très vite, c’est promis.
Elle empoigna sa valise, sa cage de hibou et sortit de la maison. Elle jeta un regard craintif vers chez les McGregor. Tellement de choses s’étaient passées en si peu de temps. Elle n’arrivait pas à croire qu’elle partait pour Londres ainsi, sans un adieu … sans le voir une dernière fois. Elle effleura pendant un bref instant l’idée de faire comme si rien ne s’était passé, simuler un passage chez la famille McGregor et espérer tomber sur Dougal… mais pour lui dire quoi ? Pour retourner le couteau dans la plaie, partir à l’autre bout du pays sans même lui donner de raison ? C’était non seulement insensé et égoïste, mais aussi cruel.
Elle secoua la tête et sortit sa baguette. Elle fit un geste de la main, appelant le Magicobus qui débarqua comme à son habitude, dans un concert de klaxons et de crissements de pneus. La porte s’ouvrit.
- C’est pour aller où ? s’écria le chauffeur.
- Londres, annonça Minerva, au Chemin de Traverse.
- Vous n’êtes pas la seule, montez !
Elle obéit, paya sa course, jeta un dernier coup d’œil à sa mère, ainsi qu’à son père et ses frères qui se tenaient dans l’entrée de la maison.
Le chauffeur referma les portes et Minerva partit s’installer sur un siège. Soudain, elle vit sa mère s’agiter en direction de la maison des voisins. Elle leva une main en direction de Minerva, l’air de vouloir lui dire d’attendre un peu. Sa fille détourna les yeux et fit semblant de n’avoir rien vu. Si c’était Dougal qui sortait de chez lui, qui cherchait à savoir qui partait ainsi, ou tout simplement pour obtenir des explications après avoir surmonté le choc de la rupture… Minerva ne pourrait pas le supporter.
Elle fixa son regard droit devant elle, ignorant les gestes de sa mère et laissa le Magicobus l’emmener loin ; loin de sa famille, loin de son bonheur et de sa peine, loin des souffrances qu’elle avait causées et loin d’un passé qui n’était pas parvenu à devenir un futur.
(Très mauvais bail de s'attacher à ses propres personnages)
Certain.es connaissaient déjà l'histoire de Minerva et n'ont donc aucune surprise quant à cette rupture, d'autres ne s'y attendaient pas du tout je crois bien au vu des commentaires sur les chap précédents... Bref, j'espère avoir bien retranscrit des émotions justes et crédibles et j'espère que vous avez apprécié !
Annonce : je vous avais dit que pour la relation Minerva/Dougal je posterai toutes les semaines. Bon, la relation est terminée (argh) et je comptais vous poster un dernier chapitre samedi prochain pour pas faire la transition trop brutale, maiiiiis il se trouve que je suis en plein déménagement donc ça m'arrange de reprendre les posts toutes les 2 semaines. Donc je suis au regret de vous annoncer que nous nous retrouverons le samedi 30 avril... Sorryyyy ! (si jamais je finis le chapitre pour la semaine pro je vous le poste sans souci hein mais je préfère mettre des warning)
Bisous à tous, profitez du beau temps pour ceux qui l'ont et à bientôt !!