Mission Divine : faire découvrir Diadorim de João Guimarães Rosa

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ZeBebelo

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Mission Divine : faire découvrir Diadorim de João Guimarães Rosa

Message par ZeBebelo »

Mes salutations,

En furetant sur ce forum, je me suis rendu compte qu'il n'y avait aucune mention de mon auteur favori, qui me suit, pour ne pas dire qui me hante, depuis 2018 déjà : João Guimarães Rosa. (A part une mention de pwachevski en 2017)
C'est un titre, certes autoproclamé dont je ne suis pas très fier puisqu'il est synonyme de solitude tant cet auteur est méconnu en France, mais je dois être le fan numéro un français de João Guimarães Rosa !
La déprime passée, je me suis donné pour objectif de faire connaitre cet écrivain par divers canaux.
Le premier, le réel, en achetant d'occasion des exemplaires (facile entre 20 et 30 en 4 ans) de son roman culte, Diadorim, pour les déposer dans les Boîtes à Livres que je croise ou en en faisant la "propagande" orale !
Et puis, la magie d'internet, où j'arpente la plupart des sites francophones spécialisés dans la littérature.

DIADORIM

Image

936 pages

L'auteur :

Pour la partie biographique, je pourrai me laisser tenter par un vulgaire copier/coller de sa fiche Wikipedia, mais étant un esthète et parlant de mon idole, j'ai décidé de faire une biographie de tête avec tous les éléments que j'ai glané à droite et à gauche :

João Guimarães Rosa, que j'appellerai à l'avenir JGR, est né en 1908 dans le riche et populeux Etat brésilien du Minas Geraïs. Très jeune versé dans la littérature et surtout dans l'étude des langues (il a commencé à apprendre le français tout jeune et il parlait couramment de nombreuses langues), son destin dans l'écriture était tout tracé.
Mais ce n'est pas la voie qu'il a choisi de suivre directement puisqu'avant d'écrire, JGR, a eu une carrière de médecin de campagne dans son sertão mineiro (sertão = arrière-pays plus ou moins désertique selon l'Etat) mais aussi de guerre lors d'une guerre civile dans son Etat.
JGR abandonnera ce métier pour une carrière diplomatique qui le mènera aux ambassades du Brésil en France, en Allemagne durant la Seconde Guerre Mondiale où il sera interné dans une sorte de camps de transit quand son pays sortira de sa neutralité pour déclarer la guerre au IIIe Reich (par ailleurs, sa femme sera Une Juste parmi les Nations pour son rôle dans l'établissement de passeport pour les Juifs Allemands malgré les contre-indications de son gouvernement) et en Colombie.

Vient enfin sa troisième et dernière carrière, celle d'écrivain !
JGR commencera doucement en écrivant quatre petites nouvelles pour un concours, qui seront publiées de manière posthume en 2011 et qui ne sont pas encore traduites en français, et un recueil de poèmes : Magma. Lui aussi, encore inédit en français.
Il écrira ensuite un recueil de nouvelles, Sagarana avant de sortir coup sur coup et en cette année 1956, son roman culte, Diadorim, et un autre recueil de nouvelles, Corpo de Baile. Diadorim sera son seul roman puisqu'il publiera avant son décès en 1967 (quelques jours après avoir été intronisé dans l'équivalent brésilien de l'Académie Française) deux autres recueils de nouvelles : Premières Histoires et Toutaméia. A titre posthume sera aussi publié Mon oncle le Jaguar et autres histoires.

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Comme dit ci-dessus, JGR, était un amoureux des mots et un grand adepte des néologismes mais aussi de l'utilisation de mots tombés en désuétude. La lecture de son oeuvre est réputée  très fastidieuses, que ce soit dans sa version originale, que dans sa traduction française. J'ai lu six fois Diadorim en quatre ans mais je dois concéder que ce roman m'est tombé un bon nombre de fois des mains avant d'entrer définitivement dedans lors de ma première lecture !

Outre l'amour des belles et nouvelles formules, il y a énormément de récurrence dans l'oeuvre roséenne. Notamment et le plus important, le domaine spatiale et les acteurs de toutes ces histoires : le sertão et ses habitants, les sertanejos (quelques rares nouvelles ne déroulent pas dans le sertão, mais le chiffre est négligeable). Le sertão est un terme générique pour qualifier l'arrière-pays comme l'outback en Australie, plus ou moins aride et désertique selon l'Etat. En l'occurrence, dans l'oeuvre de JGR, c'est le sertão mineiro (de Minas Geraïs) qui est à l'honneur et ce dernier est beaucoup plus luxuriant que les sertões de Bahia ou du Ceara par exemple. Le désert y côtoie des forêts presque tropicales et surtout des veredas, sorte d'oasis, où les buritis règnent en maitre. Ces fameux buritis, qui sont présent dans quasiment tous les écrits de l'auteur, est un palmier de l'intérieur des terres et qui est synonyme d'eau pour les divers voyageurs qui arpentent le sertão. Pour reprendre les mots d'un préfacier, le buriti est une sort de totem pour JGR ou une "église" comme l'auteur le fait dire à un personnage.

Mais, et c'est une interprétation toute personnelle, la grande obsession de JGR est le Temps ! Le Temps passé, le Temps qui passe, le Temps qui revient nous hanter malgré nos mesures ou nos précautions pour l'oublier ou avancer malgré lui. Mais le Temps, comme nous le rappelle la lemniscate qui clos Diadorim, revient sans cesse nous remémorer nos faits passés, les bons comme les mauvais. Quoiqu'on fasse, nous sommes obligés de vivre avec et de l'assumer. Malgré la nostalgie constante dans l'oeuvre roséenne, ou la saudade pour reprendre un terme portugais, JGR reste un auteur très optimiste et agréable à lire. D'ailleurs, la saudade peut se définir comme ressentir de la tristesse pour un fait passé, pour quelque chose mais aussi la joie d'avoir vécu ce que nous avons vécu etc. En lisant du JGR, on en ressort pas complétement dépressif comme après avoir lu du Kafka ou du Dostoïevski !

Le roman :

Ceci n’est pas une critique à proprement parler, Diadorim, un peu comme la Bible ou le Coran, n’est pas le genre de texte que l’on peut critiquer. Pas dans le sens que c’est un chef-d’oeuvre et que personne n’est habilité à le faire mais juste parce qu’il est très difficile de cerner ce texte et d’exprimer ce que l’on ressent à son propos. C’est pour moi impossible malgré la passion que je lui porte ! Donc voici une petite présentation :

Grande Sertão : Veredas, est le seul et unique roman de João Guimarães Rosa. Publié en 1956, son succès fut instantané et ne s’est toujours pas démenti dans son pays d’origine, le Brésil. Il s'agit d'un long monologue où le narrateur, Riobaldo, raconte sa vie à un voyageur de passage. C'est peut-être un texte autobiographique car je cite JGR : "[Diadorim] est une "autobiographie irrationnelle", ou plutôt, mon auto-réflexion irrationnelle."

Il a depuis été traduit en plusieurs dont l’anglais (une seconde traduction est en cours), l’allemand (idem), l’italien, l’espagnol, l’espagnol d’Argentine, le catalan, le néerlandais, le suédois, le danois, le norvégien mais aussi, et plus récemment, l’hébreu !

Traductions françaises :

Ce roman a été traduit deux fois en français. Une première fois dans les années 60 par Jean-Jacques Villard (version plus éditée à ce jour) et une seconde fois, dans les années 90 par Maryvonne Lapouge-Pettorelli (MLP), version que vous êtes plus susceptible d’avoir entre les mains un jour. Une troisième traduction est en cours mais j’ignore quand elle sortira et même si elle sortira un jour.
Les traductions françaises ont la particularité d’avoir un titre qui n’a rien à voir avec le titre original : Diadorim. Diadorim est le nom d’un personnage. Plus le temps passe, plus je me dis que ce titre a influé et impacté ma lecture étant donné que l’on sait dès le départ qu’il va falloir se focaliser sur ce personnage, qui sans cela, est plutôt secondaire. Je me demande si ma lecture aurait été la même avec un autre titre ? Enfin bref…
Ayant lu les deux versions, je trouve celle de MLP meilleure. Celle de JJV souffrant d’ailleurs d’une erreur de traduction assez dommageable mais pas rédhibitoire !

Le roman en lui-même :

C’est un roman fourre-tout, roman-somme, un roman-monstre par le nombre de thème abordé mais aussi par la possibilité de l’interpréter comme bon nous semble !

En effet, nous pouvons le prendre comme un roman d’aventure, telle l’Odyssée d’Ulysse ou l’Enéide auquel il est comparé, car nous suivons les pérégrinations guerrière de Riobaldo dans le sertão (arrière-pays brésilien plus ou moins désertique selon l'Etat). Diverses factions de guerriers se battent en poursuivant des idéaux différents avec tous les renversements  d’alliances, intervention de l’Armée typiques de ce genre de conflits. Les récits de batailles sont très captivants et le suspens est très bien géré ! Et on y retrouve aussi tous les lieux-communs des récits épiques de l’Antiquité et du Moyen-Âge. Cet aspect reste malgré mineur, comme un fil rouge choisi par l’auteur pour exprimer ses pensées !

Il est aussi possible de le voir comme un roman initiatique où le jeune Riobaldo (du temps de ses aventures) comme le vieux Riobaldo (du temps où il raconte l’histoire à un voyageur de passage) se pose tout un tas de questions existentielles sur Dieu, le Démon, le Temps qui passe irrémédiablement et les conséquences de nos actes sur notre Présent et Futur mais aussi pour les personnes qui nous entourent, l’Amour, le sens de la Vie. Ce roman est un peu comme un recueil d’aphorismes à la Nietzsche (si on fait abstraction des digressions) où certaines phrases, sorties de nulle part, peuvent nous chambouler et nous faire réfléchir un bon bout de temps. Certains passages m’ont fait penser à du Hesse (notamment Demian) et à du Rilke (JGR appréciait ce dernier et avait d’ailleurs un certains nombres de livres d’auteurs de langues germaniques).

Il y a aussi de l’amour ! D’ailleurs, c’est pour cette raison que Riobaldo s’en va en guerre alors qu’il est destiné à une vie bien rangée ! L’amour "normal", l’amour interdit et impossible, l’amour charnel… Tout y abordé ! Toutes personnes qui a connu un amour interdit et/ou impossible ne peut que se reconnaître dans ce roman et éprouver de la compassion pour Riobaldo.

C’est un roman aussi très picturale car JGR se permet énormément de digressions en décrivant la faune (il a une forte appétence pour les oiseaux), la flore (avec son fameux arbre totémique, le buriti) et surtout l’environnement qui l’entoure ! La plupart des oiseaux et arbres n’existant pas dans nos contrées, il faudra user de google images pour les plus curieux, mais il n’est pas utile à la compréhension du texte de s’attarder sur ces informations. Je trouve qu’elles sont plus là pour nous faire souffler qu’autre chose !

Voilà, je ne peux en dire plus sans mettre en péril certains temps forts du roman.

En conclusion :

Tentez-le !!
Et n'abandonnez pas car le style d'écriture est vraiment très décontenançant. Pour vous rassurez, ce livre m'est tombé un bon nombre de fois des mains avant d'en être complétement gaga !
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