Wyllialeviosa a écrit : ↑lun. 24 oct., 2022 4:41 pm
En même temps, ton commentaire fut si passionnant que nous ne pouvions que nous précipiter, la professeure et moi-même, vers la librairie la plus proche nous délester de quelque argent contre cet ouvrage brillant.
La pierre accepte toute offrande faite avec ferveur. Elle aime les histoires bien contées et la votre l'est.
Winlow flotte de joie à votre approche. Il est ravi de votre contribution sirupeuse à la soirée !
Désolée, pavé en approche. J'espère ne pas m'être trompée sinon ça va être un peu gênant, mais j'ai quand même envie d'essayer pour voir
![Laughing :lol:](./images/smilies/icon_lol.gif)
(et désolée si j'ai brisé tout le lore, je me suis réappropriée l'histoire à ma façon
![Laughing :lol:](./images/smilies/icon_lol.gif)
)
Je contemple un instant la
pierre tombale. Mon parapluie me protège du déluge mais mes pieds sont peu à peu aspirés par la boue du cimetière. Pourtant, je sens à peine le froid s’insinuer dans mes chaussettes. Une guirlande lumineuse s’illumine dans mon esprit, chaque ampoule alimentée par des indices qui, combinés, forment une vérité inébranlable.
- D'accord, je déclare. Je comprends enfin. (Je mets mes mains en porte-voix et hurle à la cantonade : ) Réunion dans cinq minutes à la
salle de bal ! Les retardataires seront sévèrement punis !
- Aïe, mes oreilles, marmonne tristement la pierre tombale.
Je l’ignore et l’incite à me suivre. C’est d’un pas déterminé que je gagne la vaste pièce dans laquelle attendent déjà le maître farceur et un homme que je n’ai pas encore rencontré – le
Colonel, en toute vraisemblance. Je guette
Violet-Fatal du coin de l’œil : il se frotte les mains et répond à mon regard avec un rictus un brin démoniaque. Les autres habitants du manoir arrivent petit à petit. Je remarque l’air impassible de la
Professeure Leblanc-Funèbre, la nervosité de
l’araignée qui pianote sur sa toile, les yeux suppliants de Winlow.
Quand plus personne ne franchit la double porte, j’annonce :
- Bien. Merci à tous d’être venus. (Je commence à arpenter la salle de bal avec une lenteur étudiée, le menton posé sur mon poing.) Comme vous le savez tous, une terrible tragédie s’est produite cette nuit. Epona, votre hôtesse, celle-là même qui vous a invités pour fêter Halloween, partager des moments inoubliables et rattraper le temps perdu… Epona, dis-je, s’est lâchement fait assassiner.
Winlow glapit. Le pauvre fantôme tremble de tout son drap, tandis que les autres semblent affectés par la nervosité à des degrés divers. Même
Violet-Fatal a cessé de sourire.
- Plus tôt, j’ai inspecté la
salle de bal. En vérité, il est plus juste de dire qu’elle m’a parlé. Et le verdict est sans appel : c’est ici que le meurtre s’est produit !
L’assemblée inspire dans un bel ensemble.
Dame Pervenche-Macabre porte ses mains à sa bouche, tout comme
l’araignée ; un frémissement agite la
pierre tombale. La plupart des spectateurs ont reculé d’un pas en contemplant les tapis sous leurs pieds comme s’ils pouvaient les engloutir à tout instant.
- Voilà une autre preuve ! je tonne en tirant de ma poche un fil rouge. Si vous vous approchez, vous le reconnaîtrez sans doute : il s’agit de la fibre d’un tapis de cette pièce.
Violet-Fatal s’approche, imité par d’autres convives ; je tends le fil dans leur direction pour qu’ils l’observent tout à leur aise. La
professeure, elle, a gardé son masque d’indifférence et ne s’est pas approché. Quand ils ont accepté la preuve pour ce qu’elle est, je la fais disparaître dans ma poche avant de poursuivre :
- Venons-en maintenant à l’arme du crime. (Je me tourne vers la
pierre tombale qui produit un bruit semblable à un claquement de dents, tellement elle tremble fort.) Vous semblez très abîmée, n’est-ce pas ?
- C’est que… Eh bien… Je suis vieille ! s'écrie-t-elle, saisie par une inspiration subite. Les intempéries m’ont abîmée !
- Vous êtes en marbre ! L’érosion ne devrait pas vous ronger autant que si vous étiez en pierre ! Elle ne devrait pas non plus produire des fissures comme celles qui vous parcourent. Et puis, j’ajoute en avançant d’un pas, le doigt tendu – la
pierre recule aussi sec –, remarquez ce coin, chers convives.
L’assemblée encercle la pauvre
pierre tombale pour la scruter.
- Il est cassé, note la
maître Rose-Sépulcrale.
- Exactement. Comme si l’assassin s’en était servi pour fracasser le crâne de la pauvre Epona !
Nouveau mouvement d’horreur. Tout le monde dévisage la
pierre comme si elle était pestiférée. Ses tremblements sont si violents qu’elle tombe à la renverse, agitée de sanglots déchirants. Le
docteur Olive-Mortifère s’agenouille pour la réconforter. Rassurée que quelqu'un s'occupe d'elle – mon but n’était pas de traumatiser l’arme du crime –, je recommence à faire les cent pas.
- Il est maintenant temps de passer au plus essentiel. Qui, parmi vous, aurait eu l’idée si tordue d’assassiner sa propre amie ? J’ai interrogé plusieurs d’entre vous, ai lu de nombreux livres pour satisfaire vos exigences, tout en prenant des notes sur mon carnet. Un indice en particulier, tombé d'une certaine poche, m’a mis sur une piste intéressante. Je vous l’ai montré tout à l’heure.
- Le fil ? hasarde
l’araignée.
- Tout à fait. Plus aucun doute n’est permis. (Je m’arrête brusquement et pivote en tendant un doigt théâtral vers la
professeure.) Le coupable, c’est vous !
La
professeure Leblanc-Funèbre sursaute. Mais son masque impassible ne vacille pas.
- Vraiment ? Vous m’accusez ? (Elle émet un gloussement mal assuré, avant de me poignarder d'un sourire ironique.) Quel aurait été mon alibi, je vous demande ? Epona était mon amie, jamais je ne l’aurais assassinée… Et puis, regardez-moi : ai-je vraiment la force de soulever une pierre aussi lourde ?
Du coin de l’œil, je vois que Winlow tremble, mais cette fois moins d’appréhension que de rage. Il resserre les plis de son drap en poings. Son regard me brûle. Je ne peux pas le décevoir ; c’est d’une voix ferme que je réitère mon verdict :
- Désolée,
professeure, mais c’est bien vous que j’accuse : vous être l’autrice du meurtre d’Epona ! Vous l’avez attirée dans la
salle de bal sous un faux prétexte, profitant que les autres soient plongés dans un profond sommeil. Quand elle est entrée, vous n’avez pas hésité une seconde : vous avez abattu la
pierre tombale sur son crâne sans le moindre remord. Bien sûr, le coup a été fatal. Ai-je tort ? C’est le moment de vous confesser, professeure !