L'introspection du professeur Vanhersen [Nouvelle d'horreur lovecraftienne : cycle du rêve]

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lectures-d-alex

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L'introspection du professeur Vanhersen [Nouvelle d'horreur lovecraftienne : cycle du rêve]

Message par lectures-d-alex »

C'est en observant un patient que l'idée m'est venue. Le pauvre homme n'avait de cesse de bredouiller un mot, un seul. Lorsqu'on lui donnait du papier et de quoi écrire, il cessait de parler et griffonnait frénétiquement ce seul et unique mot : Gbuuh. Était-ce un nom, un mot d'une langue étrangère ? Nous l'ignorons toujours aujourd'hui.


Il avait été journaliste à Bruxelles jusqu'à ce qu'au retour de ses congés payés, il fut pris de démence. Tant et si bien qu'il frappa son supérieur hiérarchique au visage; alla déblatérer au commissariat le plus proche, un flot d'inepties au sujets de monstres marins et de marins devenus des monstres. Enfin, dans sa folie, il mit le feu à son appartement, incendiant tout l'immeuble mais heureusement, sans faire de victimes. On le retrouva nu dans une ruelle, triturant un étrange bijou irisé.

Lorsqu'on lui enlevait, il devenait hystérique, poussait des cris et attaquait tel un berserker toute personne alentour jusqu'à récupérer son joyau. En concertation avec mes collègues, les professeurs Fongier et Dupachy, nous décidâmes de lui laisser son bien afin de garantir la sécurité du personnel de l'asile.

Bref, un soir, alors que j'étais de garde, je passai voir mon patient et le trouvai dans un état de somnolence hypnotique. Durant ce sommeil, il semblait converser. Avec qui ? Je l'ignore tant ce qu'il disait ne ressemblait à aucune langue qui me fut connue. Je notais cependant ce comportement et en informais mes confrères. Ces derniers firent appel à différents linguistes et traducteurs dans l'espoir de comprendre ce qu'il marmonnait. Sans résultat.

C'est là que me vient l'idée de me plonger dans un état d'autohypnose afin d'explorer mon esprit. Mal m'en pris.

Alors que mon cerveau devenait à chaque instant plus lent, je me vis monter sur un cerf-volant au côté de cerfs volant. Nous survolions des nuages. Dans ce ciel infini, je me sentais nu et sans âge. Je n'étais qu'une âme lorsque nous survolâmes mon jardin secret. Une prairie, un pré où l'on rit, tout rempli de pensées et de narcisses. Nous passâmes au dessus d'un lac et en observant mon reflet, je me vis tel Narcisse, surprenante pensée.

Nous arrivâmes devant une barrière, un grand sceau. Il nous barrait le passage vers mon inconscient. Je ne fus pas très sage, je fus même inconscient et très sot quand pour briser l'obstacle, je fis le grand saut.

Je fracassai mon front contre cette frontière et elle vola en éclat et chacun de ses morceaux brillait d'un bel éclat autour de moi.

J'atterris en une pièce dans une drôle de pièce. Sitôt à terre : je ris. J'aurais du être atterré par ma stupidité mais je riais de n'être point encore enterré. Je poursuivais alors mon chemin dans cette salle aux murs sales, je passai une porte et me retrouvai à déambuler tel un funambule sur les dalles de ce dédale, entre les sillons de mon encéphale.

Alors que j'avançais dans cette toile de neurones, je voulu observer la voûte céleste de mon crâne. Âne que je fus. En lieu et place des étoiles se tenaient sur ce plafond osseux, un nombre astronomique d'araignées. L'une d'elle se présenta à moi. Grand fut mon émoi lorsqu'elle me dit avoir régné ici en des temps lointains mais qu'à présent, près de l'étang, m'attend le nouveau souverain.

Alors, toujours enfermé dans ce corps qui dort, elle me guida à travers les corridors. Nous arrivâmes au plus profond du fond de mon âme. Là, s'épanouissait la vermine. En ces lieux naissait des petits vers. Ils minent ma matière grise, la dévorent, l'abîment. Mais le pire était à venir, une vision qui façonnerait mon avenir. Avançant vers un abime, je vis au fond de ce trou : un tas de rats tout ratatinés. De cette pile de cadavre dont il avait fait son havre, il surgit : le Père Ver. Je ne saurais décrire ce monstre pervers tant sa laideur prendrait des heures à conter. D'y repenser, j'en étouffe des cris.

Il est la folie qui me démange. Il est l'hydre sournoise qui mange mon cerveau. Il est le serpent qui dans mes angoisses serre ma gorge et me pend. Il est le roi des animaux qui en mon sein anime tous mes maux.

Je n'osais bouger alors que cette bête s'adressait à moi. Fièrement dressée, me dominant de toute sa hauteur. Son souffle nauséabond était rance et sentait le souffre. Chacune de ses respirations m'infligeait une énorme souffrance. Je me bouchais le nez pour ne plus sentir cette pourriture. C'est alors que je vis mes chairs se nécroser, le gaz creuser ma peau et mes os se briser.

Je n'étais plus qu'un tas de cendre que d'un geste il fit descendre au fond d'une urne. Bien que sans corps, je me senti choir et voulant pousser un cri, je me réveillais au fond de mon lit.

Plus jamais je ne tenterai d'autohypnose. J'ai bien trop peur de ce que je pourrais y découvrir. Désormais, même la vue du visage de mes semblables m'est douloureuse. Je vois dans leurs yeux la lueur machiavélique que j'entraperçu au sein du regard du Père Ver. Leurs faces m'évoquent la gueule des serpents et autres sauriens. Peut-être ne suis je pas le premier à lui avoir fait face. Peut-être que l'utilisation du terme cerveau reptilien n'est pas complètement étrangère à la présence de ce monstre dans notre psyché. Je crains que la question ne demeure à jamais sans réponse.

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Cette nouvelle a été publiée pour la première fois sur Wattpad à cette adresse : https://www.wattpad.com/1291284834-l%27 ... -vanhersen
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Lectures-d-Alex / Viktor Void
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