MorganeP79 a écrit : ↑ven. 06 août, 2021 2:03 am☽ Blue ☾
☽ 17 ans • Ancienne droguée et anorexique • Morte enceinte • Suicide ☾
Fear of the Water
Nous sommes plongés là, dans l'obscurité la plus totale, tous deux assis sur le carrelage froid de la piscine.
Le silence emplit la pièce, et j'ai l'impression que le jeune homme qui se tient allongé à quelques mètres de moi est tout autant plongé dans ses pensées que moi. À présent, je me sentais plus sereine, plus légère, comme si sa présence y était pour quelque chose, il se met aussi en position de faiblesse en restant assis ici, n'essayant pas de me brusquer. Il n'avait rien de menaçant, et au fond de moi je sentais bien qu'il ne cherchait pas à me mettre mal à l'aise, seulement l'idée qu'un homme soit dans la même pièce que moi après ce qui m'est arrivé me terrifie toujours autant. Je me détends encore un peu, avant qu'il ne rompe ce moment précieux en me posant une question. Il me demande mon nom, et nos regards se croisent, je n'arrive pas à clairement le distinguer dans le noir, mais je sais qu'il m'observait minutieusement et silencieusement alors que je lui avais répondu. Mon regard si fragile se détache de son visage pour se plonger de nouveau face à moi, regardant l'eau se mouvoir doucement.
Il répéta mes mots, étrangement mon prénom sonnait d'une manière si délicate lorsqu'il le prononça pour lui-même, comme si...Comme si plus aucun mot n'avait d'importance. Comme si j'étais cet être fragile qu'il voulait protéger.
Mais je n'avais pas besoin d'être protégé, et je n'ai pas besoin de lui. J'aurais dû être protégée, il y a si longtemps, mais j'ai appris à le faire seul, parce que personne n'était là pour moi quand j'en avais le plus besoin. Ce n'est pas aujourd'hui, maintenant que tout est censé être fini que ça changera.
Je tourne la tête dans sa direction, restant silencieuse, et esquisse un sourire. Sourire qui ne parait pas très sincère, un sourire qui laisse entrevoir toute cette peine et ses émotions que je porte sur mes épaules, que je porterais pour l'éternité.
Du coin de l'œil, je le vis se relever de la position dans laquelle il se trouvait depuis de longues minutes et s'étirer. Il se leva, retira ses chaussures puis ses chaussettes, et réduisis de peu la distance entre nous pour faire tremper ses pieds. Je le regarde méfiante, mon corps venant de se raidir, à l'affut d'un geste de trop qui me paralyserait de peur. Mais il n'en fit aucun, il ne cherche même pas à se réduire la proximité entre nous, seulement me demander si j'aimes l'eau.
Je n'ai jamais eu peur de l'eau, j'aimais bien aller me baigner dans des rivières, ou encore aller sur les plages de Brooklyn pour regarder les étoiles se refléter dans l'eau salée. Mais c'est aussi de cette façon que je me suis enlevé la vie, je suis morte sur le coup en me laissant tomber du Brooklyn Bridge, mon dernier souffle s'est arrêté lorsque mon corps à heurté l'eau brutalement, je n'ai aucun souvenir de la sensation que j'ai ressenti à ce moment précis.
En le regardant, je laisse mon corps glisser, poussant légèrement sur mes mains pour me rapprocher dangereusement du bord. Mes jambes rentrent dans l'eau, le bas de mon pantalon est totalement trempé mais ça ne me dérange pas, puisqu'à présent je rentre entièrement dans la piscine habillée. Prenant une grande respiration, la froideur de l'eau me surprends, et je nage désormais dans mes vêtements qui ont pris l'eau. Je ne vois pratiquement rien, mais j'apprécie le moment, là debout dans la piscine, totalement vêtue. Je rejette la tête en arrière, laissant mon corps s'habituer à la température en essayant de distinguer clairement le plafond.
- Je préférais les endroits calmes, comme les piscines ou les plages. Même si ces dernières peuvent être déchainées, un peu semblable à un ouragan. L'eau peut te retirer la vie en une fraction de seconde, sans que tu ne ressentes quoi que ce soit, d'un coup sec. Ou alors tu sens tes poumons se remplir et tu luttes contre la noyade sans même réussir à maintenir ta tête hors de l'eau.
Je dis ces deux dernières phrases avec la voix un peu plus tremblante, ne sachant pas si je viens vraiment de dire ça à voix haute.
Lorsque vint la question de son prénom, nos regards se sont croisés. Brièvement, mais cela m'avait suffit pour en être troublé. J'avais répété son prénom, comme pour moi-même, sans même réellement m'en apercevoir. J'aurais du mal à l'expliquer, ni même à l'exprimer, mais elle ne me laissait pas indifférent. Pas dans le sens où j'avais envie de coucher avec elle, même si je devais avouer que je la trouvai très belle, j'avais cette peur qu'elle se brise en mille éclats rien qu'en la frôlant. Je ne saurais l'expliquer réellement, mais c'était au-delà de cela. J'avais envie de comprendre ses fragilités, et... d'être là pour elle.
Je remarquai que j'avais toujours mon regard posé sur elle, seulement lorsqu'elle se retourna d'à nouveau vers moi pour me sourire. Malgré l'obscurité, je perçus que son sourire ne semblait pas réellement sincère. Elle semblait... tellement brisée ? Je sentis mon cœur se serrait face à son regard, qui semblait reflété un véritable séisme. J'eus envie de la prendre dans mes bras, de la serrer fort contre moi. Mais je n'en fis rien. Je restai là, paralysé à l'idée de la briser encore plus qu'elle ne l'était déjà. Je sentis une larme coulait silencieusement le long de ma joue. Seulement une, mais je détournai le regard. Elle ne l'avait certainement pas vu, je l'espérai du moins. Je n'avais pas pour habitude de pleurer. Je ne me souvenais même pas à quand remonter la dernière fois où cela s'était produit. J'étais sûr que d'une seule chose, j'allais dorénavant tout faire pour la protéger. Cette détresse dans ses yeux... je voulais la transformer.
Je contemplai en silence l'obscurité qui semblait dévorer le plafond pendant encore un temps, me sentant ridiculement petit par rapport à tout le reste. Impuissant, vulnérable. Cependant, je n'avais pas envie d'y penser pour l'instant. Encore moins alors que je n'étais pas seul. D'autant plus que la personne avec moi, m'avait déjà fait versé une larme. De plus, le carrelage devenait trop froid et engourdissant, je me décidai donc à me redresser pour prendre une position plus confortable, ainsi que pour tenter de me changer un peu les idées. Alors que je retirai mes chaussures et mes chaussettes pour plonger mes mollets dans l'eau légèrement froide de la piscine, je sentis son regard sur moi. Je ne relevai pas, ne la regardai pas. J'avais l'impression de ressentir une tension rejaillir de son côté, et je ne voulais pas risquer de lui donner des raisons de s'inquiéter. Je me contentai d'observer l'eau chlorée se mouvoir doucement sous les légères impulsions de mes pieds. Néanmoins, une idée me vint à l'idée face au contact de l'eau qui me devenait vraiment agréable. À ma question, posée sous le ton du défi, elle y répondit, sans me lâcher du regard, en se laissant se glisser dans l'eau. Je fus à la fois surpris et... charmé ? Je l'observe s'éloigner du rebord, avec amusement. Sans vraiment réfléchir, je me relevai et je plongeai. La froideur de l'eau me surprit d'à nouveau et me chatouillait, mais le choc de la plongée l'atténua. Je remontai assez rapidement à la surface, m'inquiétant de conserver une distance respectueuse et non-stressante envers Blue. Mes vêtements, dorénavant trempés, me collaient à la peau. L'eau, plongée dans l'obscurité, semblait surréaliste. Je lâchai un soupir d'aise, ayant l'impression d'être dans un rêve au milieu de cette paisible étendue d'eau artificielle. J'eus l'impression que le temps avait été ralenti un instant. Pourtant, je revins à la réalité brutalement, en entendant les paroles tremblantes de Blue. Je tressaillis. Je me revis, plusieurs années en arrière, découvrir ma sœur se faire plonger la tête dans l'eau des toilettes de notre école primaire par d'autres élèves. Certains d'entre eux, se disaient être mes amis. J'eus l'impression qu'une boule tomba au creux de mon estomac. La culpabilité de ne pas avoir réussi à lui épargner ces moments difficiles, de ne pas avoir réussi à la protéger, revient me ronger comme un termite affamé. Je me revis me venger, leur faire payer. Leur dissuader de recommencer. Mais malgré ça, le mal été fait. Cela avait brisé davantage ma sœur. Je fermai les yeux, pris une profonde inspiration. Inspire. Expire. Inspire. Expire. Inspire. Expire. Je pris de l'eau au creux de mes mains et me l'aspergea sur le visage, pour tenter m'éclaircir les idées. Une fois d'à nouveau calmé, je me retournai vers elle. Ce fut seulement en la regardant, que je pris conscience de l'importance de ses mots. Sa mort... avait-elle un lien avec l'eau ? J'eus envie de poser la question, mais je n'osai pas. Je préférai faire comme si je n'avais potentiellement pas compris. Après tout, je n'en étais pas certain pour autant, cela ne servait à rien de la brusquer pour cela. Elle se confiera lorsqu'elle s'en sentira prête.
- Je comprends. Je préfère aussi les endroits paisibles... J'aime nager, j'ai l'impression que cela me coupe du reste du monde, comme si le contact de l'eau sur ma peau créée une sorte de bulle qui insonorise tout le reste. Eh ouais, c'est vrai que c'est assez impressionnant comment cet élément peut être autant destructeur que vital ; avais-je avoué doucement, rêveur, encore sonné par ses mots.
En réalité, c'était aussi pour cela que j'adorais l'eau. L'eau est un élément paisible, mais qui pouvait s'avérer redoutable. Je m'y identifiai. Je voulais être redoutable, pour pouvoir protéger ceux que j'aimai. Pour protéger Lou. C'est pour cela que j'avais commencé la boxe, la muscu et mes autres activités sportives. Et j'avais continué pour ces mêmes raisons, mais aussi pour ces aspects gratifiants. Et je devais admettre que c'était devenu addictif de voir mon corps se transformait, se développait. Cependant, je n'étais pas certain qu'il puisse continuer à se développer dorénavant. Puisque j'étais mort. Mais je savais que malgré cela, je continuerais, parce que c'était "mon truc". Cela me faisait me sentir vivant. Et fort. Mais aussi, cela me poussait à toujours me surpasser.
Je réduisis légèrement l'espace qui nous séparait. Suffisamment pour mieux la distinguait dans l'obscurité, mais suffisamment éloigné pour ne pas l'effrayer.
- Alors, on fait quoi maintenant ? L'interrogeai-je en souriant doucement, faisant allusion au fait que l'on se retrouve comme deux cons, trempés dans une piscine plongée dans le noir.