Minerva McGonagall [Harry Potter]

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PtiteCitrouille

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Re: Minerva McGonagall [Harry Potter]

Message par PtiteCitrouille »

Chapitre 65 : Sous la face sombre de la Lune

Que faire alors que son amie vivait dans la détresse et la peur des actes et comportements de son copain ? Alors qu'elle appelait à l'aide par tous les moyens, qu'elle essayait de rentrer en contact avec Alfie, Minerva, Lewis, qu'elle présentait sa famille à Minerva, qu'elle acceptait de mettre son copain en porte-à-faux afin de lui montrer qu'il était surveillé, au risque que cela se retourne contre elle. Que faire alors que Minerva réalisait que le département de la Justice n'était pas le seul corrompu, mais que celui d'Alfie l'était également ? Que pouvait-elle faire, elle, simple employée sans relations hiérarchiques ? Devait-elle se débrouiller seule avec ses amis ? Elle qui se reposait sur les lois et les structures gouvernementales pour régir la société, elle se retrouvait perdue. Si ni la police, ni les Aurors, ni la Justice sorcière n'étaient utiles envers sa population, quelle direction prenait donc cette société ? Quels espoirs pouvaient y être portés ? Elle-même, que faisait-elle dans ce cercle ?

- Vous êtes souvent dans vos pensées en ce moment.

Minerva se redressa et se racla la gorge avant de prendre une gorgée de son thé. Elle lança un regard d'excuse à Elphinston qui l'observait d'un air curieux mais bienveillant.

- Quelque chose vous tracasse ?

Elle s'apprêtait à dire non mais se retint.

- Un peu, mais j'essaie de la régler.

Il y avait un certain soulagement à avouer ses difficultés. Elle n'avait pas besoin de s'étendre dessus, mais mentir ou dissimuler était épuisant. Comme prévu, Elphinston hocha la tête et n'insista pas. Simplement, il ajouta avant de croquer dans un scone :

- Rappelez-vous que vous pouvez toujours demander de l'aide autour de vous. Cela ne fait rien si vous ne gérez pas tout toute seule. Vous avez le droit de demander de l'aide.

Minerva eut un léger sourire, nostalgique. Il parlait comme Dougal. Comme Dougal dans... son illusion ? Elle redressa la tête et observa longuement son supérieur. Celui-ci ne semblait pas se rendre compte de l'attention qu'il recevait. Était-ce une simple coïncidence ? Lorsqu'elle était au plus bas, que son esprit sombrait dans la crainte, la tristesse et la solitude, quelqu'un était venu. A défaut de Dougal, elle se serait bien tournée vers l'hypothèse qu'elle avait tout simplement imaginé cette scène. Qu'elle avait imaginé ce que Dougal lui aurait dit s'il l'a découvrait dans cet état. Mais c'était sans compter les scones et le thé qui avaient été laissés sur sa table de chevet. Le regard de Minerva se déporta sur l'assiette de scones concoctés par Soky.

- Vous aimez ces gâteaux, dit-elle dans un souffle.

Elphinston haussa les sourcils, étonné de son changement de sujet.

- Mmh oui, plutôt, répondit-il néanmoins. Amusant, non ? Sans beurre ou marmelade, ces scones pourraient absorber toute l'eau du lac de Poudlard tellement ils sont étouffants. Mais je les trouve réconfortants, surtout chauds sortant de cuisson.

« Maman, ça signifie quoi, le coquelicot ?

- Les fleurs ont souvent plusieurs significations. Le coquelicot représente l'apaisement, la consolation, car elle fait partie de la même famille que le pavot, qui a des vertus calmantes.

- Le langage des fleurs peut être scientifique ? s'étonna Minerva. Je pensais que c'étaient des pures inventions.

Isobel sourit.

- Je te reconnais bien, tiens. C'est en partie des inventions comme de la science. C'est pour cela que je dis que les fleurs ont plusieurs significations. On y associe les caractéristiques d'une plante par rapport à sa composante, mais également la couleur de ses pétales, sa forme. Si tu reprends ton coquelicot, on dit aussi qu'il représente l'ardeur fragile.

- L'ardeur fragile ? répéta Minerva en levant un sourcil dubitatif.

- Ne fais pas cette tête-là, rit Isobel. C'est une manière de dire qu'il faut profiter de la vie. Un coquelicot c'est vif, c'est rouge sanglant, mais une fois cueilli, il meurt rapidement et se fane, se flétrit. »


- Vous revoilà partie dans vos pensées, sourit Elphinston en passant une main devant ses yeux.

- Hein ? Pardon, je... je dois partir.

- Déjà ?

Elphinston se leva et Minerva recula d'un pas en détournant le regard. Le cœur battant, elle tenta de maîtriser les balbutiements de sa voix, sans succès.

- J'ai... du travail. Pardon.

Elle lui tourna le dos, son thé encore fumant et les scones du réconfort abandonnés sur le comptoir. Elle sentait le regard perdu d'Urquart sur son dos frémissant et ses pas n'étaient pas assurés en se rendant aux toilettes, où elle s'y enferma, les doigts tremblants. Depuis le début, Urquart était celui qui était venu chez elle y déposer des scones et un thé aux coquelicots, celui qui l'avait vue dans les abysses les plus profondes. Il avait lu la dernière lettre que Dougal lui avait adressée. Ses larmes, sa détresse. Il avait lu son histoire la plus secrète, sa peine la plus douloureuse, sa blessure qui ne cicatrisait pas.

Et elle se souvenait de ce qu'elle avait ressenti à sa présence. La chaleur de sa main réconfortante, sa voix apaisante, ses mots doux, ses paroles de consolation. Elle pouvait encore sentir son pouce passer sur sa joue, effacer le sillon de ses larmes comme s'il rebouchait les griffures laissées sur sa peau. Ses doigts qui avaient été tendres dans ses cheveux. Elle laissa échapper un sanglot alors que son cœur bondissait aux souvenirs qui affluaient. Elle pleurait des émotions contradictoires qui la submergeaient. L'affection qu'elle lui portait se heurtait à sa loyauté et attachement à Dougal. Elle ne parvenait pas non plus à accepter qu'Urquart ait été au courant tout ce temps. Son plus grand secret : celui qui avait régi sa vie depuis la fin de Poudlard, celui qui lui avait fait choisir sa carrière plutôt que son amour, celui qui l'avait envoyée dans son enfer personnel, qui l'avait rendue malheureuse, qui l'avait faite douter de ses choix, de sa vie, de ses relations. Celui qui l'avait faite continuellement mentir à ses parents, l'avait fait craindre de retourner à Caithness, l'avait rendue malade, l'avait fait sentir comme une incapable au travail, dépressive. Voilà ce qu'Urquart avait découvert à son insu, alors qu'elle gardait tout ceci dissimulé au plus profond d'elle-même, prête à emporter cette tranche de vie dans sa tombe. Voilà le voile qu'il n'aurait pas dû soulever, cette vulnérabilité dont elle n'était pas guérie et qu'il n'aurait pas dû voir.

Le reste de la semaine lui fut éprouvant. Elle avait accepté de rencontrer Lewis et attendait une confirmation du lieu et de l'heure du rendez-vous. Pendant ce temps-là, elle n'avait pas de nouvelles d'Etna. Pas qu'elle s'attendait à en avoir; le silence de son amie était plutôt régulier et surtout, fréquent. Elle savait qu'elle devait patienter jusqu'au prochain signe, mais espérait obtenir plus d'informations grâce à Lewis. La situation de son amie s'était-elle dégradée ? Leo était-il devenu encore plus imprévisible ? Était-il terrifié ? Méfiant ? Irritable ? Menacé, menaçant ?

Dans le même temps, Minerva était devenue distante avec Urquart. Elle se battait toujours avec ses émotions contradictoires, si bien que sa vie au Ministère était encore plus solitaire que d'habitude maintenant qu'elle évitait une des rares personnes avec qui elle s'entendait. Urquart semblait perplexe face à son comportement mais paraissait attendre patiemment que Minerva revienne à son état normal. Si tant soit peu qu'elle ait été dans son état normal depuis son arrivée au Ministère. Elle était de plus en plus fébrile, elle rentrait tendue du travail et déjà épuisée de sa journée du lendemain. Elle imaginait son futur au Ministère comme un chemin brumeux et infini. Qu'y avait-il au bout de cette route ? Elle n'en avait aucune idée. Peu à peu, le tracé était encore plus flou, les contours plus vides : vides d'activités, d'amitiés, vides de choses auxquelles se raccrocher. Dans quel but vivait-elle ? Elle partait le matin pour travailler, rentrait le soir pour se nourrir et se coucher. Jour après jour, elle rentrait dans un rythme amorphe tout en s'éloignant de la seule once de vie qui dynamisait ses journées, à savoir, ses rencontres avec Elphinston. Plus elle réfléchissait, plus elle se demandait : maintenant qu'elle le rejetait de son tableau, elle voyait de plus en plus la futilité de sa vie au Ministère. Par Morgane, elle avait rejeté un homme pour venir dans cette sphère fermée, et maintenant qu'elle y était, elle s'y retrouvait coincée à cause d'un autre homme ? Bien sûr, tout ne tournait pas autour de lui, mais si elle enlevait Elphinston, purement et simplement de sa vie, ne serait-elle pas partie du Ministère depuis fort longtemps ? N'en se serait-elle pas libérée plus facilement ?

- Minerva ?

Peut-être aurait-elle craqué et abandonné, ce jour où il était venu chez elle. Peut-être aurait-il été plus aisé de lâcher prise à ce moment-là, sans songer à ses remords d'avoir mal choisi entre Dougal et le Ministère.

- Minerva, vous m'entendez ?

Minerva se redressa vivement pour la énième fois de la journée et se tourna vers Marchbank qui l'interpellait depuis probablement quelques minutes.

- Vous avez besoin de quelque chose ?

- De votre attention.

Minerva rosit tandis que Marchbank déchaussait ses lunettes pour observer attentivement son ancienne assistante.

- Lorsque vous êtes arrivée parmi nous, fraîchement diplômée de Poudlard, des félicitations de vos professeurs plein les poches, je vous ai sentie perdue dans ce monde ministériel. Puis, vous avez eu l'air de prendre vos marques.

- C'est juste qu'aujourd'hui..., tenta Minerva avant de s'arrêter, stoppée par la main levée de Marchbank.

- Ensuite, je vous ai à nouveau perdue. Le travail avec Maître Ross vous a à la fois bien occupée mais aussi vidée de votre énergie. Vous avez vécu des instants de faiblesse après votre promotion et j'ai été ravie que vous soyez revenue parmi nous.

Elle laissa planer un silence, durant lequel Minerva attendait le « mais » qui se cachait derrière son discours.

- Je crois que nous vous perdons à nouveau.

Minerva leva la tête.

- Je vous assure, je vais bien mieux. Comme vous l'avez dit, j'ai eu des instants de faiblesse, une mauvaise santé. Désormais, tout va mieux, il faut juste que je me remette dans le rythme.

Mais Marchbank secoua la tête.

- Je ne parle pas de ce... genre de perdition. Je n'ai pas dit que vous vous perdiez. C'est nous, qui sommes en train de vous perdre.

- Je ne comprends pas.

Marchbank croisa ses mains devant son menton.

- C'est bien simple. Il semble que le Ministère ne s'adapte pas à votre pied.

- Je peux y remédier.

- Vous n'y êtes pas du tout, à nouveau. Vous pourrez essayer autant que vous voudrez. Le Ministère ne changera pas pour vous.

Minerva sentit son sang refluer lentement de son cerveau, ses bras s'engourdir.

- Qu'est-ce que vous sous-entendez ?

- Que je vais avoir besoin d'une nouvelle assistante.

- Maître Marchbank !

Minerva s'était levée d'un bond. Vexée, elle sentait des larmes de frustration et de déception lui monter aux yeux.

- Je sais qu'avec mon poste de greffière je suis moins en votre présence mais... je pensais faire un bon travail.

Marchbank soupira, à peine surprise par l'éclat de son assistante.

- Vous n'y êtes pas, répéta-t-elle. Vous faites un excellent travail. Et vous me manquerez si vous décidez de partir.

- Partir ?

- Vous êtes jeune, continua Marchbank sans relever l'exclamation de Minerva. Jeune et déjà coincée ici. Vous avez vu toutes les momies qui travaillent dans ce département ? Moi, incluse. Que faites-vous ici ?

Minerva mit du temps à rassembler ses pensées avant de sortir :

- Pour changer certaines choses...

- Certaines choses ? Lesquelles ? Où ? Avez-vous avancé dans vos ambitions ? Quelque chose a -t-il changé ?

- Cela prend du temps... Maître Marchbank, s'il vous plaît...

- Je ne suis pas là pour vous jeter la pierre, bien au contraire, vos intentions sont plus que louables. Mais vous avez frappé à la mauvaise porte, Minerva. Regardez notre département, regardez qui est à sa tête. Vous croyez que des gens comme Maître Ross ont la même vision que la vôtre ? Vos projets prendront du temps, oui. Tellement de temps que vos arrières petits-enfants verront à peine les premières pousses des graines que vous aurez vaillamment plantées.

Minerva se laissa tomber sur sa chaise, les jambes cisaillées. Coupées par la vérité qu'elle avait refusé de voir, dont elle s'était détournée. Cette vérité qui la poussait au bord du précipice et lui soufflait : et maintenant ?

- Quittez le navire, Minerva. Pour votre bien à vous, votre santé physique et mentale, cessez d'essayer de vider l'eau d'un bateau à la coque percée.

***


La conversation avec Marchbank virevoltait dans la tête de Minerva alors qu'elle se rendait au point de rendez-vous que Lewis et elle s'étaient donné. « Quittez le navire », avait-elle conseillé. Mais Minerva sentait une corde la retenir : sa peur de se lancer, de se jeter dans les vagues froides et tumultueuses de l'inconnu. D'une manière ou d'une autre, elle avait besoin d'être poussée.

Lewis n'habitait pas à Londres. Minerva avait accepté de le rejoindre aux alentours de son village, à l'espace de jeux pour enfants. Il était déjà présent, sa silhouette se découpant dans le soleil rougeâtre. Il était assis sur un cheval de bois, ses pieds le berçant d'avant en arrière, pensivement.

- Lewis ?

Il releva la tête. Il était drôle de remarquer qu'il n'avait absolument pas changé. Il avait grandi, bien sûr. Il était plus proche de l'homme que de l'adolescent qu'elle avait connu. Ses cheveux blonds étaient coupés plus courts, faisant ressortir ses pommettes anguleuses. Ses yeux bleu délavé semblaient hésitants alors que son sourire, lui, paraissait assuré.

- Bonsoir, Minerva.

Il se leva et ils se tinrent l'un en face de l'autre, en silence, gênés. Minerva fut ramenée des années en arrière. Lorsqu'ils s'étaient embrassés pour la première fois au mariage de Fleamont. Lorsqu'il avait rompu avec elle deux ans plus tôt au spectacle de Noël. Les deux rares fois où Minerva avait été mise au pied du mur : par rapport à ses sentiments, par rapport à ses hontes. Lewis personnifiait donc cette dague nécessaire qui lui rappelait qui elle était, qui elle devait être. Il en devenait un être dont elle était à la fois reconnaissante et dont elle avait peur, ce qui était assez paradoxal.

- Cela me fait plaisir de te voir.

Minerva sourit. A elle aussi. Si elle séparait Jedusor du reste, elle pouvait affirmer que sa relation avec Lewis lui avait beaucoup apporté. Plus de confiance, d'estime. Des rires aussi. Il avait été son premier copain et du début jusqu'à la fin, il lui avait démontré un profond respect et de la sincérité.

Elle alla s'asseoir sur le tourniquet tandis que Lewis retournait sur son cheval.

- Qu'est-ce que tu deviens ?

Il semblait déjà savoir qu'elle travaillait au Ministère mais lui n'avait rien dit de sa situation professionnelle.

- Je suis en train de passer un diplôme en psychologie. Chez les moldus.

- Chez les moldus ?

Lewis sourit.

- J'aimerais installer un cabinet dans les environs et pouvoir avoir des patients sorciers comme moldus. Mais chez eux, mon diplôme de Poudlard... comment dire ? Paraîtra un peu léger et louche. Je suis en formation dans l'université moldue de Reading. C'est plutôt intéressant. J'aime ce que je fais.

Minerva hocha la tête. Pouvait-elle en dire autant ? Aimait-elle ce qu'elle faisait ? Pas franchement. Mais elle était heureuse et absolument pas surprise que Lewis ait trouvé sa voie. Depuis ses années à Poudlard, il avait semblé vivre avec du recul sur lui-même, à rechercher à se développer selon ses passions et envies. C'était quelque chose qu'elle admirait franchement chez lui : il avait le courage de travailler sur son développement personnel. Elle l'enviait. Elle aurait pu passer plusieurs heures à lui demander comment il procédait pour vivre de cette manière, mais sûrement aurait-il répondu quelque chose du genre « c'est à toi de trouver ta façon de faire ». Et puis, ce n'était pas la raison de leur rencontre. Lewis sembla capter le changement d'ambiance et il s'éclaircit la gorge.

- Etna t'a dit qu'elle m'avait vu ?

Minerva acquiesça.

- Je ne connais pas les détails, mais oui. Elle a dit que tu allais bien.

- On a pu parler assez longuement. C'était étonnant, nous n'avions aucune conversation à Poudlard. Je crois qu'elle voulait juste discuter avec une connaissance.

- Je crois qu'elle voulait discuter avec beaucoup de connaissances...

Lewis hocha la tête.

- Je l'ai trouvée étrange aussi. Il était déjà anormal qu'elle passe autant de temps avec moi. Donc je savais que quelque chose clochait.

Minerva se mordilla la lèvre.

- Tu as pu avoir plus de détails ? Elle me donne plusieurs signes, mais je n'arrive pas à les croiser entre eux, à en faire des preuves, à trouver un moyen de l'aider. Elle m'a présenté ses parents, mais je ne sais pas quoi faire de cette rencontre.

Lewis parut étonné.

- Elle t'a présenté ses parents ? Elle doit vraiment être désespérée...

- C'est ce que j'ai pensé, acquiesça Minerva. Plus le temps passe, plus je m'inquiète.

Lewis eut un instant de réflexion.

- Il lui faut un endroit plus en sécurité. Je pense qu'elle aura le courage de fuir, mais le tout est de s'assurer qu'ils ne la trouveront pas.

- Elle le fera, assura Minerva qui voyait les tentatives d'Etna une preuve de son courage, mais... attends. Comment ça, « ils » ?

Lewis cligna plusieurs fois des yeux.

- Parce que les deux sont coupables... Minerva, de qui tu parles exactement ?

- De son copain, Leo. Toi, de qui tu parles ?

Lewis se redressa lentement.

- De ses parents, Minerva. Ce sont des parents dont je m'inquiète.

- Ses...?

Lewis se leva et se rapprocha d'elle.

- Pourquoi son copain ?

Minerva se leva à son tour, le cœur s'accélérant.

- La blessure d'Etna, ses remarques abusives, les mensonges qu'elle utilise, sa bague. Lewis, as-tu vu sa bague ? Pour éloigner les autres hommes ? C'est son copain qui a fait ça, qui d'autres ? Il l'empêche d'utiliser des hiboux, elle sort aux heures où il travaille pour qu'il ne remarque pas ses tentatives de prises de contact avec moi.

Lewis avait les yeux tellement ronds qu'elle se sentit obligée de s'arrêter là.

- C'est forcément son copain..., balbutia-t-elle alors qu'en même temps, elle se souvenait des hésitations d'Alfie qui préconisait de ne pas tirer des conclusions hâtives.

Lewis ouvrit la bouche, la referma. Puis la rouvrit à nouveau :

- Dans tout ce que tu viens de me dire... qu'est-ce qui prouve que le copain est le coupable ?

- Je...

- J'ai les mêmes soupçons que toi mais... pour les parents. Elle vit chez eux.

- Elle... quoi ? Elle ne vit pas avec son copain ?

Le malaise qu'elle avait ressenti à table chez les Stevenson revint. Elle se souvint de la tension qui y régnait. De son étonnement en réalisant que ses parents ne semblaient pas savoir où vivait Etna étant donné qu'ils ne connaissaient pas la relation entre leur fille et Leo. Peut-être qu'ils ne posaient pas de question car il n'y avait pas besoin d'en poser : ils savaient déjà où elle vivait, avec eux. Si elle sortait aux heures de travail, c'était peut-être aussi pour échapper à ses parents.

- Mais je ne comprends pas... Elle était blessée un jour, à la pommette. Elle a dit à un ami qu'elle était tombée de balai. Mais à moi, elle a annoncé qu'elle avait arrêté le Quidditch et qu'elle était tombée de la mezzanine de son appartement. Si ces informations sont mensongères, cela voudrait dire que...

Elle ne termina pas sa phrase, et Lewis non plus. Simplement, il secoua la tête.

- Ce n'est pas vers ses parents qu'elle se tourne pour demander de l'aide. S'il y a bien une personne qui semble être de son côté, c'est son copain.

- Mais pourquoi me donner son adresse, si ce n'est pas pour...

A nouveau, Minerva s'arrêta. Etna ne lui avait pas donné l'adresse du copain pour qu'elle aille le menacer. Minerva avait demandé un lieu où elle pourrait la contacter. Etna l'avait donc donné. Pourquoi ne pas avoir donné la maison familiale ? Si elle changeait sa perspective... d'où était réellement venue la tension chez les Stevenson ? Des parents ou de Leo ?

Tout était une question de point de vue. Les coupables pouvaient tout aussi bien être les parents que Leo, au détail près qu'Etna semblait bel et bien vivre chez sa famille et qu'en toute logique, elle n'aurait pas donné l'adresse du responsable pour demander de l'aide.

La silhouette d'un homme apparut un peu plus loin, et Minerva espéra qu'il ferait un détour pour leur éviter de changer de sujet.

- C'est pour cela que je suis inquiet qu'elle t'ait présentée ses parents. Elle a dû voir que tu visais la mauvaise personne et a décidé d'opérer une tactique plus... frontale.

- Ses parents m'ont invitée à déjeuner chez eux...

Elle repensa à son ton mielleux, ses remerciements polis, ses compliments... alors qu'ils étaient responsables du malheur de leur fille.

- Ils ont dû vouloir te juger. Savoir si tu allais leur poser problème ou pas.

L'homme derrière ne semblait pas vouloir faire de détour car il continuait de monter dans leur direction d'un pas hésitant. Peut-être avait-il bu.

- J'ai dit que j'avais des contacts dans la police et avec des avocats grâce à mon travail.

Pour la première fois, Lewis parut amusé.

- Ce n'est pas plus mal. En voulant faire peur à son copain, tu peux être une menace pour eux. Le département de la Justice du Ministère est très réputé.

- Ne parle pas trop fort, prévint Minerva en remarquant l'homme qui s'était arrêté à quelques mètres dans le dos de Lewis. Moldu.

Lewis mima un « ah » avec sa bouche mais par discrétion, ne se retourna pas. Après quelques secondes de silence durant lesquelles l'homme dissimulé dans la pénombre ne bougea pas, Minerva commença à ressentir une boule au ventre. Elle inspira avant de lancer :

- Vous cherchez quelque chose ?

L'homme s'avança et Minerva capta quelques traits de visage. Bizarrement, elle avait l'impression de l'avoir déjà vu quelque part. Il s'avança d'encore quelques pas. Lewis sentit le changement d'ambiance et mit discrètement sa main dans sa poche, là où se trouvait sa baguette.

- Lewis Rollin, finit par dire l'homme. Je cherche Lewis Rollin.

Minerva tiqua, fronça les sourcils. Elle se tourna vers son ami. Son cœur rata un battement. Sur le visage du jeune homme se mélangeait un tourbillon d'émotions, un patchwork si changeant qu'elle ne parvenait pas à distinguer ce qu'il ressentait. Il se redressa, les genoux tremblants. Les doigts qui tenaient sa baguette paraissaient faibles. L'homme derrière était presque impassible, si ce n'est la lueur d'impatience qui luisait dans ses yeux bleu délavé.

Lewis lui faisait face, blanc. Leur regard était terrifiant de similitudes. Leurs cheveux étaient du même blond, leurs traits provenaient du même moule, excepté que l'homme avait une cicatrice le long de sa mâchoire. Sous le choc, Minerva se souvint d'une photo qu'elle avait longuement regardée chez Lewis il y a de ça plus de deux ans et qui avait causé tant de douleur à la mère de Lewis. Elle reconnaissait l'homme en face. L'homme qui ne devait être depuis bien longtemps ; l'homme qui avait animé et en même temps détruit la vie de Lewis. Un homme qui ne pouvait pas être ici.

- Albert ...? bredouilla Lewis et Minerva aperçut le petit frère dans son menton tremblant, ses sourcils plissés, ses yeux emplis de doutes et d'espoirs.

Elle vit le petit garçon qui revenait à chaque vacances de Poudlard en espérant y voir son grand frère de retour de sa mauvaise blague.

- Salut, petit frère.

Les lèvres de Lewis tremblèrent.

- Je suis de retour.

Minerva était figée. Ce n'étaient pas de simples retrouvailles d'entre les morts. Dans la réaction de Lewis, elle sentait une terreur contrôlée. Il avait passé des années à chercher des réponses sur la mort de son frère, à flirter avec la menace de Jedusor. Sa détermination n'en éliminait pas sa peur. Albert était mort. Ses parents avaient recueilli le corps. Ils l'avaient enterré.

Alors que faisait-il ici ? Minerva voyait son ami se débattre entre l'espoir d'avoir retrouvé son frère et les questions, l'incompréhension. Il leva le bras, sa main enveloppant la silhouette de son frère de haut en bas.

- Je ne comprends pas. Albert, je...

Albert sourit.

- C'est pourtant simple, non ? Je suis de retour.

Lewis secoua la tête.

- Tu... ne peux pas revenir comme ça. Pas aussi tard, pas ainsi. Albert, tu étais mort, tu...

Les larmes l'empêchèrent de continuer. Le visage d'Albert s'assombrit.

- Je sais.

- Mais explique-moi ! s'emporta Lewis soudainement. Car je ne sais rien. Où étais-tu ? Que faisais-tu ? Les parents t'ont enterré, par Merlin, tu...

Il sembla être à la fois à court de mots et avoir besoin de libérer ce flot de paroles qui lui obstruait la gorge, qui l'étouffait.

- Ils ont enterré un corps, répondit plus doucement Albert. Mais pas le mien.

- Pas le...? répéta Lewis mais son souffle le lâcha.

Minerva sentait le sang lui battre aux tempes. Lewis semblait prêt à vomir. Elle se souvenait qu'il n'avait pas été là pour la mise en terre. Ses parents n'avaient pas attendu qu'il rentre de Poudlard pour effectuer son dernier au revoir à son frère. Quel parent oserait faire cela ?

- Papa et maman ont sciemment enterré quelqu'un d'autre, reprit Albert. Pour me protéger, te protéger.

- En quoi simuler ta mort me protégerait ?

Albert tenta un pas en avant mais s'arrêta en voyant Lewis se crisper. Minerva, elle, n'était qu'un individu invisible qui tentait de comprendre comment cette histoire allait se terminer.

- Tu me tenais en si haute estime... Si tu savais ce que j'ai fait... En me croyant mort, tu ne devais rien apprendre. Mais tu as fait l'inverse : tu as cherché tant de réponses que tu t'es mis en danger, à jamais. Mon ami m'avait prévenu...

- Ce que tu dis n'a aucun sens. De quel ami parles-tu ? Albert, rentrons à la maison. Il faut que papa et maman te voient.

Albert secoua la tête, le coin de sa bouche se crispa compulsivement.

- Mon ami... Il a été le seul à me soutenir après mon attaque, après ça.

Il pointa la cicatrice qui parcourait sa mâchoire. Lewis frissonna et tendit une main que Minerva retint, par réflexe.

- Qui t'a fait ça ?

Albert ne répondit pas. Minerva ne connaissait pas de sortilèges qui pouvaient créer une telle marque, à part peut-être un sortilège Impardonnable.

- Mon ami m'a dit... qu'il y avait un jeune homme dangereux pour toi. Sur un simple bout de papier, il a écrit des initiales, puis une adresse.

- Tu y es allé ? C'est qui cet homme ? pressa Lewis.

Albert se prit la tête dans les mains et marmonna tout bas avant de se redresser.

- Un jeune qui venait de sortir de Poudlard. C'est passé à la Gazette, un ancien joueur de Quidditch de Gryffondor.

Le sang de Minerva se glaça dans ses veines et ce fut elle qui tituba cette fois-ci. Pour la première fois, Albert sembla la remarquer. « J.T. dangereux » Oui, Jedusor Tom était dangereux.

J.T.

Jedusor Tom.

Jimmy Thomas.

- Oh, Merlin... bredouilla Minerva. Oh, Merlin...

Le papier dans sa poche qu'elle avait brûlé sembla refaire son apparition, plus lourd que jamais. Lewis se plaça à côté d'elle, en soutien. Il leva un visage torturé sur son frère.

- Tu l'as tué...?

Albert cligna des paupières, trois fois.

- Je... Je ne voulais pas. Je voulais savoir pourquoi il t'était dangereux. J'ai fait semblant d'avoir besoin d'aide près de chez lui et... et il m'a accueilli, m'a donné à boire et des biscuits, m'a demandé s'il pouvait contacter ma famille, des amis... il avait l'air gentil, je ne comprenais pas pourquoi mon ami... et puis, j'ai eu un moment d'absence. Quand je me suis réveillé, la maison était dévastée et le jeune homme... le jeune homme... il y en avait partout...

Minerva s'affaissa au sol, les jambes coupées, le cœur au bord des lèvres. Elle leva la tête.

- Vous mentez, furent ses premiers mots. Le corps de Jimmy a été retrouvé intact.

Lewis parut reprendre une once d'espoir, attendant que son frère confirme qu'il n'était pas un meurtrier. Mais Albert secoua la tête.

- Mon ami était là quand j'ai commencé à paniquer. Il a pris les choses en main, il a arraché un cheveu du jeune homme, m'a dit qu'il gérait tout. Qu'il remplacerait le corps par un autre. Il est revenu avec un autre homme mort, un fermier...

Albert avait des yeux fous, horrifiés en relatant son histoire, comme s'il réalisait à peine qu'il avait été sur les lieux.

- Il lui a fait boire une potion et le fermier a pris l'apparence de ce jeune homme...

- Le Polynectar n'a d'effets que sur quelques heures, répliqua Lewis tout en agrippant le bras de Minerva.

Celle-ci ne savait pas qui soutenait qui. Elle n'avait plus de force. Tout ce à quoi elle songeait, étaient les derniers instants de Jimmy, des instants de terreur pure.

- Je crois que cela a suffi pour l'enquête, répondit Albert. Mon ami a tout nettoyé et m'a emmené avec lui. Il m'a dit que tout irait bien.

L'ami qui semblait avoir tout prévu. L'ami Jedusor, qui avait fait assassiner Jimmy et qui l'avait planifié durant des mois, mijotant son polynectar funeste.

- Le corps que les parents ont reçu... C'était celui du jeune Gryffondor, avoua Albert. Mon ami m'a dit que pour votre sécurité, à toi et aux parents, il fallait que je m'éloigne. Que je pouvais vous faire du mal. Et que le seul moyen de vous laisser à l'écart était de vous faire peur. Ce corps était la preuve que mes actes pouvaient entraîner une mort terrible.

Dans son brouillard de pensées morbides, Minerva comprenait enfin pourquoi la mère de Lewis était si terrorisée de voir son deuxième fils courir après son frère et « l'ami ».

- Mais j'avais si besoin de te revoir, après tout ce temps.

Dans son regard fou, Minerva pouvait déceler une réelle affection pour son petit frère. Mais une affection incontrôlée, fébrile. Il passa une main saccadée dans ses cheveux, les ébouriffa. Son œil droit fut saisi d'un tic.

- Mais m'aurais-tu accepté ? L'idée que tu me rejettes m'était insupportable.

- Tu es mon frère, Albert, pourquoi...

- Je ne suis plus le même frère qui est parti de la maison, coupa Albert. Mon ami m'a dit que le seul moyen pour que tu m'acceptes, c'est que tu deviennes comme... comme moi.

- Comment ça, comme toi ?

Minerva se releva. Son instinct de chat lui soufflait que le vent avait de nouveau tourné, était plus lourd. Quelque chose n'allait pas. Albert se massa la nuque, son front commençait à briller de transpiration.

- Tu es malade ? s'inquiéta Lewis.

Minerva songea à la mort de Jimmy. Aucun sortilège ne pouvait déchiqueter un corps ainsi. Et aucun sortilège classique ne pouvait laisser une telle cicatrice sur la peau d'Albert. La cause était animale. Albert grogna, gémit. Lewis s'avança mais Minerva le retint.

- Attends ! La lune...

- Quoi, la lune ?

Minerva se tourna vers la lueur qui transparaissait au loin : le haut d'un disque blanchâtre, parfaitement arrondi, luisait dans l'obscurité. Elle regarda à nouveau Albert, forme humanoïde au sol.

- C'est un loup-garou !

Lewis pâlit aux,mots de Minerva et se tourna vers son frère qui se recroquevillait de douleur, le corps convulsant.

- Albert ! Albert écoute-moi !

Mais Albert était à des lieux de son frère. Ses cris transperçaient la nuit, inhumains. Ses doigts se tendirent alors que des griffes déchiraient l'ongle, la peau. Des poils commencèrent à lui pousser sur le corps, ses bras et ses jambes se déformèrent, son visage s'étira vers l'avant. Les os claquaient tels des coups de feu.

- Albert !

- Ça ne sert à rien, cria Minerva en tentant de tirer Lewis vers elle. Il faut partir !

Mais Lewis se débattait avec une telle ardeur que Minerva chuta au sol. Lewis rampa en avant, la main tendue, suppliante, vers son frère.

- Je t'en prie, Albert, reviens-moi...

Mais Albert n'était plus. A sa place, se tenait un loup-garou aux babines retroussées. Un loup-garou qui ne reconnaissait plus rien, plus personne. Pour lui, il se jeta sur un sorcier qui tentait impunément de l'approcher. Pour Lewis, c'était son grand-frère qui lui tomba dessus et le mordit à la hanche.

- Lewis ! hurla Minerva en même temps que son cri de douleur retentissait dans la clairière.

Le sortilège qu'elle lança était si puissant que le loup-garou vola plusieurs mètres plus loin. Elle se rua sur Lewis, attrapa sa main et transplana au premier endroit qui lui traversa l'esprit, juste pour fuir. Lewis était tout ensanglanté. La morsure était profonde, les dégâts, irréparables. Elle ne pouvait rien faire.

- Je dois t'emmener à Sainte-Mangouste.

- Non, pitié ! haleta Lewis. Pitié, ne fais pas !

Elle ne savait pas si ses larmes étaient dues à l'acte de son frère, sa douleur ou sa peur. Les mains de Minerva tremblaient violemment alors qu'elle épongeait le sang sur la hanche de son ami. Son cerveau avait pris le contrôle de son corps ; la vision du frère de Lewis en train de se jeter sur Lewis tournait en boucle dans sa tête.

- Je ne saurais pas te soigner seule, il te faut des soins d'urgence.

- Je t'en prie Minerva, ils vont m'enregistrer, ils vont me signaler au Ministère ! Je serai rejeté à tout jamais, ils vont tout m'interdire, je t'en supplie Minerva laisse-moi ici !

- Et t'abandonner à la mort ? Hors de question !

- Par Morgane...

Lewis s'étouffa dans un sanglot désespéré. Sa détresse était telle que sa poitrine se soulevait à un rythme erratique. Son futur était entre les mains d'une autre personne et il ne pouvait pas prendre de décisions par lui-même. Son corps ne répondait plus, se vidait de son sang, le même sang que celui qui lui avait infligé ce destin.

- Minerva, appela-t-il en cherchant le regard de la jeune fille. Minerva ne m'y emmène pas. Je préfère mourir, ne me fais pas ça, ne me condamne pas à cette vie.

Sa supplication brisa et piétina le cœur de la jeune fille. Son estomac se recroquevilla sur lui-même, elle ne parvenait plus à déglutir. Il avait prononcé ces mots d'une voix plus posée, rauque de douleur et emplie de peur. Son nom, il l'avait murmuré, mais elle aurait pu l'entendre à des kilomètres de là.

- Tu n'as pas le droit de me dire ça, de me demander ça, pleura-t-elle.

- Je ne t'ai jamais rien demandé Minerva, je t'en supplie, implora-t-il en agrippant la main de la jeune fille.

Elle lâcha un nouveau sanglot en croisant le regard bleu de Lewis jadis si confiant et sarcastique, ce soir hanté et anéanti. Elle avait fait beaucoup d'erreurs à son encontre, elle n'en ferait pas une autre qui le mènerait à la mort. Même si elle savait qu'il lui en voudrait à tout jamais.

- Pardonne-moi...

- NON !

Et Minerva transplana dans un craquement, laissant derrière elle une flaque de sang et l'écho du hurlement de Lewis.
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Re: Minerva McGonagall [Harry Potter]

Message par PtiteCitrouille »

Chapitre 66 : Clôture d'un chapitre

Entre ses bras, le corps de Lewis était lourd. Entre ses bras, se trouvaient la peine, la douleur de Minerva, sa culpabilité et sa peur. Il bougeait à peine, sa blessure drainant ses forces. Peut-être, lui qui avait été si désireux de mourir seul au milieu de nulle part, faisait tout ce qu'il pouvait pour ne pas survivre.

Elle vit des secouristes de Sainte-Mangouste accourir vers eux, leur longue robe flottant à leurs chevilles.

- De l'aide..., supplia Minerva entre ses larmes.

De l'aide pour qui ? Pour Lewis, cette âme trahie par son frère et qui souhaitait abandonner à tout jamais son corps déchiqueté ? Pour elle, qui voyait le premier garçon qu'elle avait aimé perdre la vie ? Ce garçon qui avait été le premier à voir clair en elle, à la pousser à chercher qui elle était, qui elle voulait être. Le premier à avoir aimé ses insécurités, ses défauts. Qui l'avait fait grandir, lui déjà si mature à Poudlard, si sûr de ses décisions et du Lewis qu'il cherchait à atteindre.

Mais ce soir, dans la lumière des lampadaires brouillée par ses larmes, Minerva tenait un corps recroquevillé et si petit, si brisé.

- Aidez-nous, balbutia-t-elle alors qu'un médecin allongeait Lewis sur un brancard.

Il sembla lui parler, mais elle ne parvenait pas à l'entendre. Les sanglots de Lewis, la panique dans sa voix résonnaient dans sa tête, dans une litanie qui ne paraissait jamais vouloir s'arrêter, et qu'elle n'oublierait probablement jamais. Jamais elle ne l'avait vu pleurer, se plaindre. Son seul instant d'apparente détresse, il l'avait offerte lorsqu'il lui avait montré la photo de son frère. Aujourd'hui, Albert était à nouveau responsable.

- Si vous voulez le sauver, il faut nous dire ce qu'il s'est passé.

La voix du médecin perça dans son brouillard de détresse.

- Dites-nous ce qu'il s'est passé, répéta-t-il.

Minerva renifla, laissa échapper un sanglot étranglé. Elle songea à mentir, terrifiée des conséquences que la vérité pouvait avoir.

- Un loup-garou, finit-elle par lâcher, craignant finalement que la blessure soit mal soignée si elle donnait une autre raison.

L'air du médecin prit en gravité. Il donna plusieurs ordres autour de lui et les infirmiers et infirmières attrapèrent le brancard en un seul mouvement. D'un pas rapide, tous prirent la direction du service des urgences, Minerva titubant dans leur sillage, percutée et percutant les autres patients et visiteurs. Tout ce qu'elle voyait était la forme allongée de son ami, poupée inerte sur le drap blanc immaculé.

Les mains du médecin l'arrêtèrent à l'entrée du sas pour les urgences.

- Vous ne pouvez pas aller plus loin.

- Mais mon ami...

Le médecin secoua la tête.

- C'est nous qui avons votre ami en charge, désormais.

Il lui tourna le dos mais ses doigts faibles étreignirent un pan de sa tunique. Lorsqu'il la regarda, elle savait ses yeux suppliants, brillants de larmes qu'elle ne parvenait plus à contenir.

- Vous... vous allez le consigner ? Sur le registre ?

Le médecin tira lentement sur sa robe, cherchant à se détacher de ses doigts qui lui demandaient une faveur bien trop élevée.

- C'est le règlement. C'est la loi.

- Vous pourriez... faire une entorse ?

Le médecin se raidit.

- Je vous demande pardon ?

La gorge de Minerva émit un gargouillis alors que sa complainte mourrait avant d'atteindre ses lèvres. Une exception, pour son ami. Pour Lewis, son premier amour. Elle pouvait supplier à genoux s'il le fallait, promettre toutes les promesses, obéir à toutes les obligations, tout pour rendre la vie de Lewis moins misérable qu'elle n'allait être.

Le médecin lui tourna le dos sans qu'elle ait pu procéder, la laissant le cœur meurtri, le chagrin dévorant, l'esprit mort.

Ses pleurs dans le hall n'émurent personne, chacun se focalisant dans sa propre inquiétude, ses propres traumatismes. Elle-même n'avait que faire de cet enfant à la jambe dans le plâtre qui ne parvenait pas à avancer sur son fauteuil roulant, de cette vieille dame à la canne tremblotante, de cet homme au front barré de bandages. Lewis était au bord de la mort et sa vie allait devenir qu'une simple chute libre dans un océan de rejets, de douleurs et de peur. Elle voulait remonter le temps, revenir aux jours où il venait la soutenir aux matchs de Quidditch, une écharpe rouge autour du cou, aux jours où ils travaillaient ensemble dans l'insouciance des examens de Poudlard, aux jours de murmures et confidences sous le Saule Cogneur, dans le jardin de Fleamont, sur la terrasse des McGonagall. Elle voulait retourner aux jours emplis des rires de Lewis, de ses remarques sarcastiques, de son esprit vif, aux jours où il avait embrassé ses défauts, ses qualités, son être entier. Elle était prête à retourner aussi loin dans le passé, quitte à revivre sa rupture avec Dougal, sa dépression au Ministère, si cela voulait dire changer le destin de son ami. Elle pouvait tout endurer pour réparer ses décisions, tout supporter pour sauver celui qui l'avait guidée tant de fois durant son adolescence, qui l'avait aimée le premier avant qu'elle ne s'aime elle.

Elle attendit des heures. Des heures durant lesquelles elle espérait revoir le médecin annoncer que la morsure n'était pas assez profonde pour transformer Lewis en loup-garou, pour lui annoncer qu'ils avaient réussi l'opération. Parfois, des heures à espérer qu'il revienne avec un air de regret, ses traits annonçant avant la parole que Lewis les avait quittés. Qu'il était parti dans un monde où le loup-garou n'existerait pas, où les hommes et les femmes admireraient son être et ne regarderaient pas sa blessure, où le Ministère et ses lois n'exerceraient pas leur influence dévastatrice. Un monde dans lequel il serait plus heureux que dans celui où Minerva avait cherché à le garder.

Elle se réveilla, les yeux gonflés par les larmes, par une main qui la secouait. Le médecin.

- Mademoiselle ? Mademoiselle.

Il se redressa quand elle sembla reprendre conscience de son endroit. Ses yeux n'arboraient aucun indice, comme si lui non plus ne savait pas si le résultat de l'opération était une bonne nouvelle ou pas.

- Il va s'en sortir, dit-il simplement. Ses parents attendent d'entrer dans sa chambre, mais vous pourrez y aller après.

Il la quitta sans un mot de plus, laissant une Minerva immobile sur son siège froid. Lewis était vivant. Elle ne savait pas ce qu'elle ressentait. Elle ne saurait sûrement jamais. Lewis était vivant et désormais, il allait la haïr pour le restant de sa longue vie douloureuse et solitaire.

Elle se leva, les yeux maintenant secs, vides de larmes et d'émotions. Elle allait rentrer chez elle et ne plus jamais le revoir. Elle garderait à jamais en tête sa dernière image de Lewis, une silhouette pitoyable, détruite par un frère tout aussi misérable. Elle se souviendrait à jamais des supplications qu'elle n'avait pas écoutées. Un jour, elle l'espérait, elle aurait le courage de lui faire face et accepterait sa colère et son ressentiment.

Car dans son intention de vouloir bien faire, elle l'avait condamné à vivre.

***


Cher Lewis

Si je n'ai pas eu le courage de te faire face à l'hôpital, laisse-moi au moins écrire ces mots. Déteste-moi autant que tu le souhaites ; ce ne serait pas ta première déception venant de ma part. Tu m'as demandée de te laisser là-bas, je t'ai trahie. La seule requête que tu aies jamais prononcé à mon égard, je n'y ai pas accédé. Mais peu importe ce que tu penses, je ne laisse pas mes amis à la mort. Je ne les abandonne pas dans un lieu inconnu, meurtri par une blessure fraternelle. A vrai dire, je ne demande pas ton pardon. Je n'en ai pas besoin. Tu peux détester ton état, ta condition, tu peux me haïr, mais je ne regretterai pas mon choix. Je l'ai fait en accord avec ce en quoi je crois, avec qui je suis. C'est ce que tu as essayé de m'apprendre lorsque nous sortions ensemble, ce que j'ai échoué à comprendre pendant si longtemps.

Le jour où tu souhaiteras me revoir, je serai là. J'attendrai. Peu importe l'endroit où je serai à cette période de ta vie, je veux que tu saches que je viendrai, toujours. Parce que je te dois tout. À tes yeux, j'ai peut-être détruit ta vie. Et cela va probablement te paraître culotté mais à l'inverse, tu as sauvé la mienne. Tu fais partie intégrante de ma vie, de qui je suis maintenant. Que tu le veuilles ou non désormais, ma vie sans toi aurait pris des virages différents.

Aujourd'hui, je vais poser ma démission. Je vais quitter ce Ministère qui m'a fait souffrir, qui m'a fait grandir par la douleur, qui m'a fait traverser des périodes de peine et de désespoir. Un Ministère pour lequel je me suis accrochée, aveuglée par mes craintes mais aussi par mes espoirs d'un monde nouveau auquel je voulais déposer ma pierre. Désormais, j'ai épuisé toutes mes forces, expiré tout mon souffle pour une vie qui ne m'aiderait pas. Pour une vie qui me brûle à petit feu. Je ne travaillerai plus pour ce Ministère qui cherche à te rejeter, dont les lois paraissent immuables, gravées dans un roc indestructible. Je ne veux plus de cela.

Et c'est encore toi qui me sauve. À nouveau.

Lewis. Lorsque tu seras prêt, laisse-moi être là pour toi.

À jamais,

Minerva


Elphinston baissa les yeux de la lettre que Minerva lui tendait.

- Vous êtes sûre ?

Minerva hocha la tête.

- Même avec...

- Même avec votre promotion, oui.

Une promotion prestigieuse. Qui avait fait battre son cœur. Qui lui avait fait miroiter des champs de possibilités, de renouveau, de refonte du département de la Justice. Une promotion qui finirait comme la précédente : une routine lassante, effrayante, inarrêtable. Infernale.

Alors, pas cette fois. Cette fois, elle partirait, volontairement, consciemment, la tête haute, l'esprit assuré et soulagé. Cette lettre de démission qu'Elphinston tenait entre ses doigts, elle ne la regretterait pas.

- Soyons réalistes, dit-elle, je ne...

- La plupart du temps, les personnes réalistes sont juste des idéalistes qui ont vu leurs rêves se briser en chemin, interrompit Elphinston. Ne soyez pas réaliste, Minerva, pas vous.

Il posa la lettre, s'adossa à son siège. Se passa la main dans les cheveux.

- Est-ce à cause de moi ? Je vous ai trouvée distante depuis quelques jours.

Minerva émit une sorte de ricanement.

- Ne soyez pas trop prétentieux. Vous n'avez rien fait de mal.

Au contraire. Il avait été bon, attentif. Trop, peut-être. Si elle réfléchissait bien, la condition de Lewis n'était pas la seule raison qui la poussait à son départ, même s'il en était l'instigateur. Les sentiments qu'elle éprouvait pour Elphinston lui étaient douloureux. Ce n'était pas de l'amour, mais l'affection qu'elle lui portait était bien plus forte qu'une simple relation entre collègues ou même amis. A lui aussi, elle devait beaucoup. Mais le spectre de Dougal pesait encore bien lourd sur son esprit, et le moindre instant d'affection qu'elle éprouvait pour son supérieur se soldait par l'ombre de la culpabilité. Alors, s'éloigner d'Elphinston quelques temps lui serait bénéfique, même si tout paraissait plus simple parce que lui, était sorcier. Ce qui ajoutait une nouvelle raison à son départ du Ministère. Elle n'avait jamais été en accord avec les lois de son département. Elle songeait à Alan né-moldu, son père moldu marié à une sorcière, Filius le mi-gobelin, Dougal son amour... Aucune des ces relations n'étaient bien perçues par son administration. Et désormais, Lewis le loup-garou, dont la vie était condamnée par des lois décidées par des sorciers pourris jusqu'à la moelle.

Lewis, celui qui avait longtemps cherché à lui ouvrir les yeux, à lui donner confiance en elle, à la forcer à être elle-même, droite, en accord avec ses valeurs, avait enfin réussi. Dans son sacrifice non-intentionnel, il avait éclairci l'esprit de Minerva. Et la voilà qui déposait, dans un cri silencieux de soulagement, une démission à la saveur de victoire amère.

- Vous avez tout de même conscience qu'il vous reste un mois ici ? Votre préavis entre en effectivité dès aujourd'hui.

Minerva acquiesça.

- Vous pourrez compter sur moi durant tout ce mois, bien évidemment.

Elphinston sourit et laissa planer quelques secondes de silence.

- Je suis triste de devoir vous laisser partir. Vous avez fait du bon travail. Mais j'imagine, et j'en suis satisfait malgré tout, que le travail bien fait n'est pas votre seul objectif de vie. J'espère que vous serez plus heureuse, peu importe où vous vous trouverez.

Son sourire prit une touche de nostalgie.

- Vous resterez en contact, n'est-ce pas ?

Elle prendrait des nouvelles, écrirait des lettres, discuterait autour d'un thé... Avec la distance physique, elle parviendrait à faire la part des choses, à maîtriser et dompter les sentiments qui l'habitaient.

- En attendant, vous n'êtes pas encore partie, alors au boulot !

Minerva sourit et obéit en reprenant le chemin vers son bureau. Elle qui avait tant craint ce jour, s'en était échappéé, cette perspective qui l'emplissait de désespoir, se retrouvait le cœur libéré, léger. Elle ne savait pas ce qu'elle ferait après, où elle irait, qui elle rencontrerait, mais désormais, elle était prête à accepter l'inconnu. Tout simplement parce qu'elle tournait le dos à quelque chose de pire.

Marchbank sembla comprendre avant même que Minerva n'ait à prononcer un mot. La vieille dame opina de la tête, l'air d'approuver.

- Ce navire ne mérite pas que vous tentiez de le sauver. Vous avez raison de sauter avant de couler avec lui.

***


Etna arriva pile à l'heure. Malgré les événements passés, la morsure de Lewis, la démission, Minerva n'avait pas oublié le cas de son amie. Consciente des rares possibilités qu'elle avait de la voir, elle avait adressé sa lettre à la ruelle des sorciers errants. Ne sachant pas si Etna la verrait rapidement, elle avait décidé d'une date pour une semaine plus tard. Minerva avait quitté le travail plus tôt spécifiquement pour rentrer dans le délai de liberté que son amie avait, avant que ses parents (ou son copain ?) ne rentrent du travail.

Le toquement à la porte était discret, presque timide, hésitant. Cette fois, lorsque Minerva ouvrit la porte, elle n'eut pas la surprise de voir son amie, pas d'attente de voir Dougal.

- C'est bon de te voir, dit-elle. Volontairement, je veux dire.

Minerva avait compris que leurs rencontres n'avaient pas été dues au hasard, et Etna sembla le réaliser. Elle entra dans le studio à petits pas et s'assit naturellement sur le lit de Minerva, l'appartement toujours aussi peu meublé et qui n'avait désormais plus aucune chance de l'être.

- Du thé ? proposa Minerva avant de se diriger vers son seul mais indispensable produit électroménager, à savoir sa bouilloire. Comment vont tes parents ?

Elle observa attentivement la réaction d'Etna : un regard fuyant, des mains sagement placées sur ses genoux.

- Ils vont bien...

- Et ton copain ?

- Bien aussi.

Mais le ton était plus léger, c'était indéniable.

- J'ai parlé à Lewis, il y a peu, tu sais.

Etna redressa la tête, surprise.

- Oh, comment va-t-il ?

Minerva ne répondit pas. S'il y avait des explications à donner, elle les fournirait plus tard, mais pas aujourd'hui.

- On a parlé de toi, de ta rencontre avec lui.

Minerva chercha ses mots, longuement, pour ne pas la blesser, ne pas lui faire peur. Puis elle se dit que la manière de rendre la conversation plus naturelle était peut-être juste de ne pas prendre trop de pincettes. Si Etna était venue la trouver, c'était qu'elle lui faisait confiance avec la manière dont elle pouvait gérer la situation.

- A vrai dire, j'ai toujours trouvé ton copain étrange. Peu aimable lors de notre rencontre et très suspect.

- Leo...

- Lorsque j'en ai parlé à Lewis, il n'a pas semblé d'accord, continua Minerva en fixant sa bouilloire qui commençait à émettre un sifflement. Que ton copain était probablement plus suspicieux que suspect. Alors, Etna, je vais te poser une question simple.

Elle se retourna, s'adossa à son plan de travail et fixa son amie qui serrait ses mains entre elles.

- Est-ce de ton copain ou de tes parents dont je dois me méfier ?

Etna ouvrit la bouche, la ferma. Elle inspira brièvement, comme si elle cherchait à débloquer un nœud dans sa gorge avant de baisser la tête. Et de fondre en larmes. Minerva lâcha précipitamment sa bouilloire et s'approcha, une main tendue mais qui s'arrêta, comme d'habitude, avant d'atteindre son objectif. A la place, elle s'assit, les genoux repliés, patientant sagement qu'Etna finisse de pleurer. Elle sentait que de toute façon, elle n'avait pas besoin de la consoler. Il n'y avait personne à consoler. C'était des larmes d'angoisse et de pression qui retombaient, de soulagement mêlé. Et Minerva se sentie à nouveau coupable, coupable de ne pas avoir compris plus tôt le problème, découvert plus rapidement les responsables.

- Je suis désolée, fit la voix d'Etna entre deux sanglots.

- T'en fais pas, le parquet ne craint pas l'eau.

Etna s'étouffa mais releva la tête dans un sourire humide. Minerva retourna à la préparation du thé. Elle laissa son amie reprendre son souffle puis lui tendit sa tasse.

- Tu veux bien m'expliquer ? J'étais persuadée que ton copain...

Minerva grimaça.

- Si ce sont tes parents... alors, depuis combien de temps cela dure-t-il ?

- Je ne sais pas trop... Depuis ma quatrième année de Poudlard ? Mais cela allait à l'époque, je rentrais rarement pour les vacances, et durant l'été, je traînais avec Leo. Mais depuis que j'ai quitté Poudlard...

Etna baissa la tête.

- Est-ce que... commença Minerva avant de s'arrêter quelques secondes, sans trop savoir comment aborder le sujet. Est-ce que... cela arrivait souvent qu'ils...?

Elle pointa sa pommette et Etna sembla comprendre. Elle secoua la tête.

- C'était la première fois, ce jour-là. Mon père est violent quand il boit, mais jamais encore il ne m'avait... frappée. C'est plus... mental, en général.

Par mental, Minerva comprit qu'elle parlait d'harcèlement moral. Probablement un harcèlement continu, constant, pressant pour qu'elle en vienne à demander de l'aide aussi ardemment.

- Lorsqu'ils t'ont invitée, c'était effectivement pour apprendre à te connaître. Savoir si tu représentais une menace, si tu pouvais les soupçonner. Jamais ils n'ont pu repousser Leo sans que cela paraisse étrange, car nous avons presque grandi ensemble.

Minerva repensa à son comportement lors du déjeuner. Ils avaient dû la prendre pour la plus idiote des sorcières, avec ses allusions contre Leo. Bien évidemment que celui-ci était resté tendu durant tout le repas, voyant qu'elle ciblait la mauvaise personne.

- Je sais à quoi tu penses, fit Etna, mais tu leur as bel et bien fait peur en mentionnant tes connaissances du Ministère de la Justice et chez la police.

Minerva alla la rejoindre avec sa propre tasse et s'assit en tailleur, sans trop savoir comment enchaîner les explications.

- Avec ma mère, reprit Etna finalement, c'est compliqué. J'ai toujours grandi avec ses remarques, son regard réprobateur, ses reproches sur mon comportement, mes actions, mon physique. Que je ne devais pas être trop gourmande dans mes ambitions. Que j'étais déjà jolie et qu'il ne fallait pas que j'en demande plus.

Minerva se souvint de toutes ces fois où les élèves de Poudlard se retournaient sur son passage et au lieu de s'en enorgueillir, Etna avait tout fait pour ignorer les regards. Quand elle assurait qu'elle était plus qu'un joli visage. La frustration provenait d'au delà des étudiants de Poudlard, elle était déjà présente par sa mère, assez toxique pour détester et repousser le succès de son enfants.

- Tu sais pourquoi c'est toi que j'ai cherché à contacter ? demanda-t-elle soudainement. J'en étais venue à croire ma mère, à me dire que j'en demandais trop. Mais au moment où je commençais à baisser la tête, j'ai été sélectionnée dans l'équipe de Quidditch. Je suis devenue douée pour quelque chose, réellement douée. On me voyait désormais pour mon talent. Le Quidditch m'a donnée de la valeur.

Minerva songea à Grace, à elle-même. À Etna désormais. Trois filles avec chacune leurs problèmes, leur manque d'estime de soi. Trois filles repêchées par le Quidditch.

- Tu m'as confiée ce rôle de poursuiveuse, puis de capitaine. Te rends-tu compte du bonheur que tu m'as donnée en me valorisant ainsi ? En me rendant si humaine ?

Minerva ne répondit pas.

- Tout ceci, mes parents me l'ont enlevée également. C'était ce qui me rendait indépendante, ma bouffée d'air frais, alors ils se sont débarrassés de mon balai.

Minerva hocha la tête. C'était compréhensible, d'un point de vue pragmatique. Les deux parents travaillant durant la journée, ils pouvaient bien se douter qu'Etna ne resterait pas sagement assise dans le salon à attendre leur retour. Ne pouvant jouer au Quidditch, elle finissait par errer au Chemin de Traverse, croiser Minerva, Alfie, Lewis, demandant silencieusement de l'aide, se réfugiant chez Leo lorsque cela lui était possible.

- Je me suis rendue chez ton copain, dit-elle soudainement. Il a eu une réaction très étrange et à vrai dire, très suspicieuse.

Etna eut un léger sourire un peu coupable.

- Il m'a raconté. Il est très méfiant et il ne savait pas vraiment qui tu étais. Il pensait que tu étais liée d'une manière ou d'une autre à mes parents, alors il a préféré être prudent. C'est le seul homme que mes parents tolèrent dans mon entourage, car cela fait trop longtemps que l'on se connaît pour pouvoir rompre la relation sans être suspicieux.

Minerva se souvenait de la tension de son amie en présence d'Alan, ou même de son comportement distant avec Alfie. Etait-ce par crainte que ses parents l'apprennent ?

- Ta bague, demanda-t-elle, j'imagine qu'elle n'est pas de ton copain ?

A nouveau, Etna sembla essayer de la retirer mais son annulaire se rétracta comme par instinct.

- Je... j'essaie de l'enlever mais... ils m'ont dit que c'était simplement pour ma sécurité, que je ne serais pas embêtée ainsi, et je sais que ce sont des mensonges mais... dès que j'essaie de l'enlever, je n'y parviens pas. je sais que je vais avoir des problèmes s'ils s'en rendent compte.

Elle se tut pendant quelques instants, puis baissa la tête et la releva avec un sourire vaillant.

- Je sais que cela peut paraître stupide, je fais probablement toute une histoire pour pas grand chose.

A ce moment, Minerva eut de la peine. Elle pensait qu'Etna, consciente de la toxicité de ses parents, avait juste besoin d'un coup de main pour se dégager de leur emprise. Mais sa dernière remarque démontrait bien qu'ils avaient déjà investi son cerveau en l'obligeant à relativiser et amoindrir ses problèmes.

- Etna, si tu es là aujourd'hui chez moi, si tu es venue me chercher autant de fois, c'est que tu as besoin d'aide. Que ce que tu vis est non seulement grave, mais grave pour toi aussi. Tu n'as pas le droit d'étouffer cette douleur ; elle est là, alors il faut la prendre en main et tout faire pour s'en débarrasser.

- J'essaie, Minerva, j'essaie. Je te le promets. Mais quand tu cries et que personne ne t'entend, est-ce que tu as vraiment crié ?

Minerva se mordilla la lèvre.

- C'est moi qui n'ai pas su t'entendre. Je te demande pardon. C'est moi qui, dans ma précipitation aussi, allait accuser un innocent, alors qu'il a été le seul à pouvoir t'aider.

Elle posa sa tasse sur son parquet et se rapprocha.

- Je ne te laisserai plus tomber, Etna. Cette fois-ci, c'est moi qui te le jure.
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Re: Minerva McGonagall [Harry Potter]

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Chapitre 67 : Réparations

Etna avait pris l'ancienne chambre de Satya. Il s'était passé deux semaines depuis ses aveux et sous conseils de Leo et Minerva, elle avait décidé d'enfin déménager. Ses parents ne l'en avaient pas empêché, estimant probablement qu'ils ne pouvaient pas la garder éternellement dans la maison. Au fond, ils ne l'avaient jamais gardé prisonnière, mais Etna n'avait pas non plus trouvé le courage de faire ses valises et de couper les ponts. La proximité avec Minerva était bienvenue. Cette période semblait être un tournant pas seulement pour elle mais aussi pour Minerva qui commençait doucement à préparer son départ du Ministère. Elle n'acceptait plus de nouveaux dossiers et pouvait tranquillement finir ceux en cours, sa pile diminuant enfin sur son bureau. Cela lui permettait également de rentrer plus tôt chez elle, se reposer. Souvent, elle pensait à Lewis, à sa réaction en lisant sa lettre -si jamais il l'avait lue. Elle se demandait ce qu'il devenait. Elle voulait lui rendre visite sans savoir si elle serait la bienvenue. Ou devait-elle disparaître de la circulation ?

Alfie avait été mis au courant de la situation d'Etna. Il avait eu un air navré mais également soulagé de voir une sortie se dégager du marasme d'incertitudes dans lequel les deux avaient été plongés.

- Tu avais raison de ne pas accuser immédiatement Leo, admit Minerva en reconnaissant son erreur de jugement.

- J'ai failli croire à cette histoire également, ce n'est rien. Je ne suis pas parvenu à saisir les sentiments qui liaient Etna et Leo.

Il eut un léger sourire triste, et son regard se déporta sur la ruelle, peu passante en ce début d'après-midi. Minerva observa son ami.

- Y a-t-il quelque chose que tu souhaiterais me dire ?

Alfie sursauta et sourit à nouveau. Il secoua la tête, la baissa, sourit à nouveau, encore de cette manière fataliste.

- Cela m'a fait du bien de retrouver Etna et j'aurais souhaité... j'ai beaucoup d'affection pour elle mais...

Alfie hocha la tête, comme s'il essayait de se convaincre lui-même.

- Elle semble avoir trouvé quelqu'un de bien dans sa vie. Quelqu'un qui l'a toujours aidée et soutenue.

Minerva se mordilla la lèvre.

- Je suis désolée pour ça, Alfie.

Celui-ci s'esclaffa.

- C'est ton grand cœur romantique qui parle ?

Minerva eut un sourire fin. Peut-être pas son cœur romantique, mais son cœur avait effectivement connu la souffrance amoureuse. Elle comprenait.

- Ce n'est rien, reprit-il, le temps fera son affaire. Tant qu'elle est heureuse avec lui, tout ira bien.

Minerva sirota sa boisson, resta silencieuse quelques instants, puis dit :

- T'es quelqu'un de bien, Alfie. Elle sera contente de t'avoir quand je serai partie.

Alfie leva un visage surpris.

- Comment ça, partie ?

- J'ai démissionné du Ministère.

Alfie se redressa violemment et se cogna le genou contre la table.

- Tu ..? Mais pourquoi ?

Minerva haussa les épaules, l'air de dire que ce n'était rien alors que c'était une des plus grosses décisions qu'elle ait faite de sa vie (après celle d'entrer dans le Ministère, ironiquement).

- Je n'y étais pas bien, pour ne pas dire mal. Rien n'allait, je m'enfermais juste dans un travail qui m'assurait un salaire, un semblant de reconnaissance, et un soulagement d'avoir l'impression de réussir ma vie. Alors que je n'étais pas heureuse, que j'y mourrais lentement.

- Wah..., souffla Alfie en posant ses coudes sur la table. Et qu'est-ce que tu vas faire, maintenant ?

Minerva réfléchit un instant.

- Je ne sais pas trop, je crois que j'ai besoin de changer d'air.

Elle n'osait pas encore le dire, mais la dernière lettre de Holly lui était revenue en tête lors de sa prise de décision. Son amie avait lâché son poste d'attrapeuse chez Holyheads pour rejoindre l'équipe de recrutement. Son courage l'avait impressionnée et surtout, elle n'avait pas oublié sa proposition de la mettre en contact avec la directrice de l'école de Uagadou. Elle n'en n'avait touché mot à personne, mais elle était curieuse de l'enseignement en métamorphose proposé. Elle qui avait lutté pour devenir Animagus, découvrait que sur un autre continent, la plupart des élèves disposaient également de ce talent.

- Mais Etna aura probablement besoin d'un peu de familiarité autour d'elle, donc je vais rester un peu dans les parages quelques temps.

Cela lui paraissait une bonne idée, mais moins aux yeux d'Alfie qui sembla interloqué.

- Mais, pendant combien de temps ? Et que feras-tu en attendant ?

- Je ne sais pas, je vais déjà terminer mes deux dernières semaines de travail, et je verrai après pour la suite.

Alfie haussa un sourcil.

- Ça te terrifie tant que ça ?

Minerva papillonna des yeux.

- Quitter le Ministère et ne pas avoir un filet de secours auquel te raccrocher, ça te terrifie, n'est-ce pas ?

- Qui ne le serait pas, bougonna Minerva qui avait l'impression d'être angoissée de tout dans sa vie.

Alfie croisa ses bras et inspira.

- C'est vrai, mais Etna est une grande fille qui sait prendre soin d'elle. Elle détesterait vivre à tes crochets.

Oui mais cela lui donnait une excuse pour rester à Londres, ville dans laquelle elle n'appréciait pourtant pas habiter. Au moins avait-elle conscience d'en partie utiliser son amie comme excuse pour ne pas rentrer immédiatement. Du moins, pas avant d'avoir un plan qui prendrait suite à sa démission. Elle n'allait tout de même pas retourner chez ses parents en leur annonçant que, jusqu'à nouvel ordre, elle resterait à Caithness parce qu'elle avait quitté son emploi, somme toute stable et prestigieux, pour se jeter dans l'inconnu. Dans quelques jours, elle vivrait sur ses économies et lesdites économies ne tiendraient pas éternellement. Elle n'avait pour le moment rien annoncé à ses parents, de peur de leur réaction -la joie de sa mère à sa prise de poste au Ministère restait gravée dans son esprit- mais elle ne pourrait pas garder le secret éternellement. Pour une fois cependant, elle avait la certitude d'avoir fait le bon choix. Il fût une époque où elle aurait considéré son geste comme trop impulsif, qu'elle aurait dû attendre d'avoir un plan B, qu'elle aurait dû vérifier que le mousqueton de sécurité était bien en place avant de sauter. Mais elle en était arrivée à un point où elle ne parvenait plus à supporter son rythme au Ministère, sa vie là-bas, et presque à ne plus se reconnaître. Alors tant pis. Il était trop fatiguant de toujours penser à ce qu'il pouvait arriver, à en avoir tellement peur que cela l'empêchait d'agir. Désormais, il lui fallait assumer les conséquences de ses décisions, et c'était une chose plus compliquée à faire que ce qu'elle n'avait pensé. D'autant plus que l'ambiance au travail s'était détériorée. Ses collègues ne prenaient plus la peine de lui adresser la parole, elle la jeune diplômée qui n'avait même pas tenu deux ans alors que son supérieur lui proposait une promotion.

Comme d'habitude, c'était toujours les mêmes qui éprouvaient de la sympathie envers sa personne, à savoir Elphinston, Marchbank et la secrétaire -toujours autant débordée par le travail. A l'inverse de Minerva, celle-ci n'avait pas le luxe de tout lâcher comme elle le souhaiterait, ayant une famille à sa charge.

Plus les jours passaient, plus les tâches de Minerva au Ministère étaient mécaniques. Elle faisait toujours bien son travail et n'avait, selon elle, rien à se reprocher, mais jamais son poste ne lui avait paru aussi ennuyeux qu'il ne l'était depuis quelque temps. Peut-être était-ce à cause de sa démission, peut-être ne se sentait-elle plus obligée de faire semblant d'apprécier ce qu'elle faisait, de se rassurer. Donc ses journées se résumaient à travailler en surveillant le calendrier et passer ses soirées avec Etna sa nouvelle voisine. Cela au moins, était une des rares activités qu'elle trouvait appréciable et qu'elle regretterait en quittant son emploi. Depuis le départ de Satya, la chambre avait été tristement vide, attendant désespérément sa nouvelle locataire. Etna ne cherchait pas encore d'emploi. Elle avait repris son habitude d'errer au Chemin de Traverse et rentrait juste avant les horaires de fin de travail, comme si son horloge interne ne parvenait pas à se défaire de la stratégie qu'elle avait suivie pendant de si longues semaines. Les deux amies passaient leurs soirées à discuter tranquillement, créant une douce routine qui semblait apaiser leur deux esprits.

- Cela va me faire tout drôle lorsque tu vas partir, fit Etna allongée sur le matelas de fortune de Minerva.

Celle-ci sourit.

- Ce n'est pas pour tout de suite.

Etna se redressa, en même temps que son sourcil droit.

- Bah pour quand, alors ? Tu vas t'ennuyer si tu ne fais rien ici.

- Il y a plein de choses à faire à Londres, répondit simplement Minerva.

Le deuxième sourcil d'Etna se leva.

- Tu vas rester dans la capitale ? Je croyais que tu n'aimais pas cette ville.

Non, elle ne l'aimait pas. Trop de monde, trop de personnes pressées et surtout, elle accueillait trop de mauvais souvenirs.

- Où veux-tu que j'aille de toute façon ?

Etna s'assit en tailleur et pointa un doigt accusateur sur elle.

- T'as eu le courage de quitter le Ministère, et maintenant tu comptes rester sagement dans ton logement en attendant qu'une solution te tombe toute cuite dans le bec ?

- Pas vraiment...

- Pour me convaincre de partir de chez mes parents, tu m'as dit que ça me ferait du bien de partir, de m'éloigner d'un environnement toxique. Toi aussi, prends de la distance avec ton cercle toxique.

Minerva soupira.

- Je t'ai promis que je ne te laisserai plus tomber.

Etna eut le culot de rouler des yeux.

- Tu n'as pas besoin de vivre de l'autre côté de mon mur d'appartement pour me soutenir, tu exagères. Arrête de vouloir prendre soin des autres avant de prendre soin de toi.

Minerva ouvrit la bouche, puis la referma, vexée. Etna sembla amusée de sa réaction.

- Tu es une bonne amie, et je te suis très reconnaissante. A jamais, d'ailleurs. Mais tu ne m'aideras pas si tu ne te prends pas en main à cause de moi.

Minerva hocha la tête, afin de mettre un terme à la conversation. Cela ne résolvait pas son problème sur son plan B. Ou du moins, son nouveau plan A.

- Et puis, je ne suis pas seule ; Leo est là, Alfie aussi. Lewis probablement, même si je n'ai pas eu l'occasion de beaucoup lui parler la dernière fois. D'ailleurs, comment va-t-il ? Je ne parviens plus à avoir de ses nouvelles.

***


La dernière fois qu'elle était venue ici, elle était une autre Minerva. Plus jeune, plus innocente, plus protégée dans sa bulle de Poudlard, qui ne prêtait pas attention au monde extérieur. Elle était amoureuse, aussi.

Elle ignorait s'il serait là. Elle ne savait pas ce qui lui était arrivé depuis la dernière fois qu'elle l'avait vu. La boule qu'elle avait au ventre ne faisait que grossir au fur et à mesure qu'elle s'approchait du pas de la porte. La suite des événements la terrifiait mais elle n'avait pas le choix. Quitter l'hôpital avait été lâche. Aussi bouleversée avait-elle été, Lewis devait l'être encore plus. Tant pis s'il lui hurlait dessus, s'il mettait un terme aux dernières bribes de relations qu'ils avaient, elle se devait lui rendre visite.

Ce fut Faye Rollin, la maman de Lewis, qui lui ouvrit. Elle avait à peine entrouvert la porte, son air méfiant apparaissant dans l'encadrement. Bien qu'elle n'ait pas vu Minerva depuis plusieurs années, elle sembla la reconnaître car elle ouvrit un peu plus la porte. Ses cheveux blonds étaient attachés dans une queue de cheval basse et négligée et sa peau était pâle, presque maladive. Sous ses yeux, étaient dessinés deux arcs bleutés de fatigue et d'angoisse mêlée. Son dos voûté la força à lever les yeux vers Minerva.

- Ah, bonjour. Pardon, je ne peux pas trop discuter...

- C'est à propos de Lewis...

Le coin de la bouche de Faye eut un tic nerveux.

- Je n'ai pas le temps.

Elle s'apprêtait à refermer la porte, mais Minerva s'avança.

- On ne vous a pas dit ? C'est...

Elle inspira, la respiration tremblante. « C'est moi qui suis responsable de l'état de votre fils » ? « J'étais là quand votre aîné a mordu votre plus jeune enfant » ? Rien ne semblait approprié. Surtout, peu importe comment elle tournait la phrase, la culpabilité lui rongeait l'estomac.

- J'étais à l'hôpital, ce soir-là, finit-elle par avouer du bout des lèvres et rien que ces mots lui firent tourner la tête.

Faye resta immobile un très long moment, ou peut-être le temps parut ralenti au regard de Minerva, alors qu'elles se regardaient droit dans les yeux, chacune se remémorant ce soir tragique. Faye finit par détourner les yeux pour jeter un œil derrière elle.

- Faisons le tour.

- Lewis est ici ? demanda Minerva en trébuchant sur ses pieds alors que Faye s'avançait.

Celle-ci s'arrêta quelques secondes, les yeux baissés.

- Il ne voudra pas te voir.

Minerva sentit son cœur dégringoler et rejoindre la boule dans son ventre, mais elle hocha la tête. Elle comprenait.

- Faisons le tour, répéta la mère de Lewis avant de longer la maison.

Elle désigna une table et deux chaises posées à l'ombre d'un arbre tout maigre. Les deux s'assirent de manière raide, sans se regarder, la respiration pesante et contrôlée. Minerva ne savait pas qui devait commencer la conversation et si c'était à elle, de quelle manière.

- Je suis soulagée de savoir Lewis chez lui, dit-elle dans un souffle.

Faye leva des yeux creux vers elle.

- J'ai déjà perdu un fils, comment pourrais-je abandonner mon deuxième enfant ?

Minerva acquiesça, ce qui voulait tout et ne rien dire. Elle n'avait aucune idée de comment réagir. Mais au moins savait-elle que Lewis était entre de bonnes mains.

- Je suis profondément désolée, dit Minerva en se tournant vers Faye.

Faye ne dit rien. Minerva se demanda si elle considérait de lui crier dessus, de la frapper, de la jeter en dehors de chez elle ou de fondre tout simplement en larmes. Elle accepterait tout. Elle n'osait pas imaginer dans quel état cette mère se trouvait. Elle avait dû apprendre à vivre avec l'idée que son fils aîné, devenu loup-garou et meurtrier, avait rejoint le côté sombre de la magie, avait menti à son benjamin pour le préserver de tout malheur alors qu'elle le voyait fouiller dans des ténèbres dangereuses. Minerva se souvenait de son éclat de colère lorsqu'elles s'étaient rencontrées. « Tu vas finir par te brûler les ailes ». Comme devait-elle se sentir aujourd'hui, elle qui avait été si terrifiée de la fin de cette histoire, et qui voyait sa prédiction s'accomplir, sans n'avoir rien pu faire ?

- Tu m'as ramenée mon fils, murmura-t-elle finalement au prix de grands efforts.

Elle s'arrêta là. Derrière l'absence de mots, Minerva sentait que l'état de Lewis lui était bien trop lourd pour qu'elle puisse exprimer une forme de reconnaissance. La mère en elle était tiraillée entre le soulagement d'avoir son garçon près d'elle, et le chagrin de savoir sa vie détruite.

- Pourquoi as-tu quitté l'hôpital ce soir-là ? demanda Faye d'une voix monotone. Le médecin a dit que la jeune fille qui avait ramené notre fils avait attendu durant toute l'opération pour avoir des nouvelles. Pourquoi être partie après ?

Minerva s'agrippa les mains.

- Je me sentais coupable. Je me sens toujours coupable.

- As-tu parlé de ce qu'il s'est passé à quelqu'un ?

Minerva secoua vivement la tête.

- Non, pas du tout, je garderai le secret !

Personne n'était au courant, pas même Etna, à qui elle avait dit que Lewis semblait très occupé. Faye secoua la tête.

- Tu devrais en parler. Aux personnes de confiance. Toi aussi, tu as vécu une situation terrifiante et qui a dû te marquer l'esprit. Ce n'est pas bon de tout garder pour soi.

- Je...

- Ne néglige pas tes émotions sous prétexte que tu penses que ceux des autres sont plus légitimes que les tiens.

Elle sourit devant le regard surpris de Minerva qui trouvait qu'elle parlait comme son fils.

- Lewis nous parlait beaucoup de toi, tu sais. Même après votre rupture, il se demandait si tu avançais dans le bon chemin.

Faye se leva, semblant vouloir mettre fin à leur discussion, sûrement trop difficile pour elle.

- Prenez soin de lui, balbutia Minerva d'un ton suppliant. Il... il préférait mourir plutôt que de devenir loup-garou et je...

Elle eut un hoquet et Faye posa une main sur son épaule. Comment pouvait-elle tenter de la consoler alors qu'elle savait que son fils aurait voulu mourir, Minerva ne le saurait jamais.

- Lewis n'a vu personne depuis son accident. Ce n'est pas toi qu'il rejette, c'est tout le monde. Je lui dirai que tu es passée.

Minerva comprit le message. Il était temps de partir. Faye avait épuisé toutes ses forces et toutes ses ressources pour lui ouvrir la porte, discuter et la rassurer. Elle allait retourner à son fils et son désespoir, espérant que Lewis lui rouvre la porte, un jour.
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Re: Minerva McGonagall [Harry Potter]

Message par PtiteCitrouille »

Chapitre 68 : Lâcher prise

Isobel se tenait dans l’encadrement de la porte, bras croisés, la mine interloquée et inquiète. Sa fille, fraîchement revenue du Ministère, effectuait des aller-retours entre ses placards et sa valise.

- Ne faudrait-il pas que l’on parle tout de même ?

Isobel amorça un mouvement pour entrer dans la chambre avant de s’arrêter, décroiser un bras pour passer la main dans son chignon, soupirer.

- T’es sûre de toi ? C’est quand même… incongru comme décision.

- J’en suis certaine, maman, j’en ai besoin.

Minerva ne s’était même pas tournée vers elle en prononçant ces mots. Elle empila trois hauts dans sa malle et se gratta le crâne, réfléchissant à ce qu’elle avait bien pu oublier. Elle comprenait l’état dans lequel se trouvait sa mère. A vrai dire, même Minerva avait peur de la direction qu’elle prenait. C’était si nouveau, si brutal comme changement. Mais qu’avait-elle à perdre ? Maintenant qu’elle avait enfin quitté le Ministère, elle n’avait plus de plan. C’était à la fois angoissant et reposant. Angoissant par son aspect nouveau, parce qu’elle n’avait jamais osé lâcher la bride ainsi. Reposant parce que justement elle décidait de ne plus s’accaparer l’esprit. Il y avait une certaine liberté à décider et accepter d’improviser sur son projet de vie, surtout lorsqu’elle était à nouveau perdue. Sauf que cette fois-ci, elle avait pris conscience que ses peurs ne la mèneraient à rien et qu’elle parviendrait toujours à trouver une solution. Malgré les détours, les demi-tours, les carrefours, elle trouverait toujours une solution, même si cela prendrait du temps.

- Besoin, d’accord, reprit Isobel, mais… mais pourquoi l’Ouganda ?

Minerva se redressa. Oui, pourquoi l’Ouganda ?

***

- Pourquoi ne partirais-tu pas à l’étranger ?

Minerva s’étrangla dans son thé.

- Qui ça, moi ?

Pomona parut se retenir de rouler des yeux.

- Non, Merlin. Bien sûr que je parle de toi. Pourquoi ne partirais-tu pas ailleurs ?

Minerva papillonna des yeux.

- Mais pour quoi faire ? J’étais déjà mal à Londres, comment veux-tu que je me sente heureuse à l’étranger ? Et qu’est-ce que j’y ferai ?

Cette fois, Pomona roula vraiment des yeux.

- Ce n’est pas parce que tu as détesté Londres que tu vas ressentir la même chose partout où tu iras. Ce n’est pas comme ça que cela fonctionne. Tu adoptes un lieu comme étant le tien de par tes expériences. Bien sûr que tu hais Londres : tu y as fui, et tu y as macéré dans le malheur le plus total.

- C’est une manière de dire les choses… Mais qu’est-ce que j’y ferais, à l’étranger ?

- Eh, je ne vais pas te mâcher le travail non plus, se fâcha gentiment Pomona en la pointant de l’index. C’est de ta vie que l’on parle, pas de la mienne. Et puis, si tu retournes à Caithness, qu’est-ce que tu y feras aussi ? Hein ? Autant partir à l’étranger, tu y apprendras beaucoup sur toi. Je peux t’assurer qu’en revenant, tu seras une nouvelle personne.

Minerva ne répondit pas et fit tournoyer son thé, songeuse.

- Ne pars pas pour partir, rajouta Pomona. Le but n’est pas de fuir, mais de chercher. Donc tu dois partir là où te guide ton cœur.

Minerva fit la moue. Jamais elle n’avait considéré l’idée de partir en dehors de son pays. Pas que cela ne l’intéressait pas, mais plutôt qu’elle n’en voyait pas l’intérêt pour elle. Elle avait l’impression d’avoir besoin d’un but si jamais elle devait partir. Pomona était partie dans le cadre de ses études, c’était donc différent pour elle. Minerva avait fini ses études et dans deux jours, elle quittait son poste.

- Tu as tant aimé que cela, Castelobruxo ? demanda Minerva, curieuse.

Pomona sourit.

- Beaucoup. J’ai découvert l’ailleurs, d’autres cultures, un rythme de vie différent, un système de relations entre camarades différent. J’ai appris à profiter de ma vie là-bas sans penser au retour. J’ai acquis de la patience, de l’empathie. A m’adapter aussi, à grandir.

Minerva l’observa. Cela oui, elle avait bien grandi depuis leur première rencontre, cette jeune Pomona qui demandait avec un regard mi-curieux, mi-inquiet des informations sur les maisons, son visage rond tout triste de quitter sa famille. Minerva réalisait que son amie avait eu bien du courage de partir à l’autre bout du monde, se frotter à une culture si différente. Aujourd’hui, elle en voyait un joli et impressionnant résultat.

- Tu m’as parlé d’une enseignante à l’école de Uagadou, non ?

Minerva acquiesça.

- La directrice de l’école, oui. Enfin, c’est Holly qui m’a parlé d’elle. Elle l’a rencontrée dans le cadre de son travail. Apparemment, leurs techniques de métamorphoses sont exceptionnelles.

- Tu as son contact ?

- A la directrice ? Non, mais Holly dit qu’elle s’entend bien avec le professeur de Quidditch là-bas. Que si j’étais intéressée, elle pouvait jouer l’intermédiaire entre moi et l’école.

Pomona dressa un sourcil.

- Cela t’intéresserait ?

- Bah… pourquoi pas, oui. C’est de la métamorphose.

- Bon alors, tu as ta réponse pour l’étranger, décréta Pomona.

Minerva s’avança sur son siège.

- Mais… c’est l’Ouganda… Je n’y connais rien à ce pays.

- Tu crois que je connaissais quelque chose au Brésil ? Bien sûr, c’est toujours mieux de s’informer avant d’y poser ses valises, mais si tu te rends à l’école de Uagadu, les gens là-bas t’aideront.

- Oui, mais…

Pomona posa son verre et eut un sourire compatissant.

- Cela peut paraître effrayant, mais tu as peur parce que c’est très nouveau et quelque chose que tu n’avais pas planifié. Cependant, l’improvisation, c’est bien aussi. Trop de sécurité t’empêchera de vivre pleinement ta vie, Minerva.

***

Elle retournerait chez ses parents quelques jours, le temps de rebondir, mais elle espérait ne pas s’y attarder. Caithness ne serait qu’une période de transition. Les mots de Pomona erraient dans sa tête, et la graine qu’elle avait plantée grandissait lentement, mais sûrement.

- Cela me fait tout de même étrange de te voir faire ton carton. J’espérais voir venir ce moment tout en le redoutant.

Minerva fit un tout petit sourire à Marchbank. Désormais, elle savait bien qu’avec ces mots, sa mentor montrait qu’elle ne voulait que son bonheur. A croire que tout le monde semblait avoir deviné qu’elle n’avait jamais et ne serait jamais heureuse dans une sphère comme le Ministère, encore moins dans celle de la Justice. Minerva avait juste mis plus de temps à le comprendre et surtout, à l’accepter.

Elle n’avait pas beaucoup accumulé en un an et demi de travail ici. En tout cas, rien qu’elle chérissait. La plupart de ses biens ministériels avaient fini à la poubelle, ou donnés.

Son carton dans les bras, Minerva se sentit de plus en plus légère. C’était là ses derniers instants à cet étage du Ministère. Elle avait déjà une sorte de nostalgie à l’idée de le quitter. Elle avait détesté son travail ici, mais elle y avait vécu aussi de bons instants avec Elphinston notamment. Et puis, il était tout simplement compliqué de quitter un lieu dans lequel elle avait vécu la majeure partie de sa vie. Sans y être attachée, elle ne pouvait pas purement supprimer cette tranche de vie. Elle avait été là, hideuse principalement, mais elle avait fait de Minerva ce qu’elle était aujourd’hui. Désormais, elle espérait trouver la nouvelle tranche qui rééquilibrerait son esprit troublé.

Elphinston avait insisté pour la raccompagner jusqu’à la sortie mais avant, elle avait un autre adieu à faire. Un adieu qu’elle se devait de faire, sans en avoir l’envie. Un adieu qui tournerait une nouvelle page.

Lorsqu’elle frappa à la porte du bureau, elle n’avait aucune crainte, aucun malaise comme la dernière fois. Leopold Ross ne lui faisait plus peur, elle n’était plus effrayée de ses réactions, de ses avis, de ce qu’il pourrait penser de ses choix. Elle ne lui en donnait plus le droit. Il n’aurait jamais dû le recevoir. Il n’avait jamais fait partie de sa vie, n’avait jamais soutenu sa propre fille et avait fait en sorte d’ignorer l’existence de sa petite-fille. Minerva avait soufflé sur les dernières poussières d’espoir qu’elle avait stupidement eues de trouver en lui le grand-père maternel. Il s’était avéré que Leopold n’était pas Eugene.

Ross ouvrit la porte de son bureau, avisa Minerva d’un air neutre, puis le carton. Il leva un sourcil.

- Qu’est-ce que c’est ?

- Des adieux, répondit simplement Minerva.

Leopold cligna lentement des yeux et s’effaça pour la laisser entrer. Mais Minerva secoua fermement la tête.

- Pas besoin, Maître Ross, je ne reste pas longtemps.

- Maître Ross ? s’esclaffa-t-il. Drôle de façon de s’adresser à moi ainsi. Je suis ton grand-père, après tout.

- Vous êtes le père de ma mère, mais vous n’avez jamais revêtu le rôle de grand-père.

Ross accusa le coup tandis que le cœur de Minerva effectuait un bond précipité. C’était là des mots durs qu’elle prononçait, elle le savait. Mais c’était le choix qu’elle avait décidé de faire.

- Vous aviez tort, lorsque vous me disiez que j’avais pris le droit chemin, contrairement à ma mère. Je n’avais jamais été aussi perdue qu’ici, aussi malheureuse. Mon mal-être ne vous a pas une seule fois préoccupé, ni même intrigué. Je doute même que vous ayez vu quoi que ce soit.

- Comment…

- Mais ce n’est pas grave, coupa Minerva en grande partie parce qu’elle ne voulait pas lui laisser une chance de la faire douter de ses paroles. Je ne cherche pas du réconfort de votre part, ou du moins, je n’en cherche plus. J’ai enfin compris que cela était inutile de voir en vous le possible grand-père que vous auriez pu être.

Leopold ne dit rien cette fois, semblant attendre qu’elle continue.

- Il me sera plus facile de ne plus rien attendre de votre part. Je quitte ce Ministère l’esprit bien plus apaisé qu’à mon arrivée.

Elle inspira profondément.

- Vous aviez cependant raison sur une chose : le garçon que vous avez vu avec moi à Halkirk, c’était bien un moldu. Que j’aimais de tout mon cœur. Que j’aime toujours. A l’époque, je pensais avoir choisi ma carrière plutôt que mes sentiments, que j’avais fait le choix inverse de ma mère. Aujourd’hui, je comprends que j’emprunte une troisième route. Il y a toujours eu une troisième route pour moi, j’ai juste effectué mon virage trop tôt. Je serai heureuse sur cette troisième route qui ne m’impose pas un choix entre une carrière ou mon amour.

Elle retomba dans le silence, Leopold l’accompagnant. Son souffle à elle était court. Jamais elle n’avait autant avoué tout en tenant tête à quelqu’un, mais celui lui avait fait du bien. Qu’allait-il dire ? Allait-il la mépriser ? L’insulter ? Rire ? Se moquer ? Montrer un minimum d’admiration ?

Finalement, il changea de position, le visage toujours aussi imperturbable.

- Donc, adieu, c’est bien cela ? Bien.

Il se tut et Minerva sentit la dernière once d’espoir mourir doucement, amère mais reconnaissante de pouvoir enfin disparaître. Elle n’aurait jamais rien à attendre de lui et pouvait donc partir en paix.

- Je serai heureuse, affirma-t-elle. Parce que c’est bien plus important que de m’assurer cette carrière au Ministère qui vous paraît royale. Bonne chance dans votre travail.

Elle lui tourna le dos. Son cœur, contrairement à ce qu’elle avait craint, n’était pas vide. Le pincement n’était pas étonnant, mais elle s’en remettrait sans problème.

Elphinston attendait devant son bureau, mains dans les poches, l’air dépité mais semblant avoir accepté ce départ.

- Prête à partir ? lança-t-il en la voyant arriver son carton dans les bras.

Minerva hocha la tête.

- J’ai mis du temps, mais oui.

- Vous n’aviez pourtant pas beaucoup de choses à déménager, dit-il.

Elle sourit. Ce n’était pas de cela dont elle parlait.

- Vous enverrez de vos nouvelles, lorsque vous serez là-bas ?

- Je ne partirai pas longtemps, quelques semaines environ.

Ou plus, ou moins. Sa date de retour était très aléatoire. En y songeant un peu, elle avait transformé sa vie en ce qu’elle avait le plus peur : un tourbillon d’incertitudes. Cependant, elle avait cette fois-ci choisi cette incertitude et se l’était appropriée pour en retirer tous ces bienfaits. Son cœur palpitait de peur et de curiosité mêlées à de l’excitation. Elle qui avait toujours voulu s’assurer un filet de sécurité dans tous ses projets, se libérait enfin de son carcan.

Elle entendit Elphinston soupirer légèrement.

- Je ne crois pas vous avoir déjà vu aussi heureuse. Cela me rend reconnaissant que vous partiez, mais également déçu de ne pas avoir su vous garder ici.

Il s’arrêta aux pieds des cheminées qui menaient à la sortie du Ministère. Minerva n’avait guère prêté attention au trajet. Malgré le temps passé dans cette enceinte, elle n’y gardait que trop peu de souvenirs. Elle n’éprouvait pas ce sentiment d’appartenance qui aurait pu naître, qui aurait dû naître. Elle quittait les lieux sans regret, à part celui de ne pas avoir eu le courage plus tôt de plier bagage.

- Vous avez été une des rares personnes à avoir illuminé mon temps au Ministère. Sans vous, mon malheur n’aurait été que plus grand.

Sans lui, sa dépression l’aurait peut-être emporté. A jamais, garderait-elle en souvenir et dans son cœur les scones et le thé aux coquelicots.

- Peut-être même, mon seul ami ici.

Elphinston parut ravi et soulagé qu’elle l’appelle de cette manière. Probablement, avait-il longuement attendu qu’elle cesse de le considérer seulement comme son supérieur.

- Alors, vivez bien votre nouvelle aventure. Soyez heureuse et fière, et revenez en bonne santé, grandie.

Elle ne reviendrait pas les mains vides, cela, elle s’en assurerait. Elle était déterminée à se chercher et à se trouver encore plus, à vivre de ce dont elle était passionnée, à laisser ses peurs derrière elle, à apaiser son esprit. Elle ne recommencerait pas de zéro ; le Ministère, aussi cruel qu’il eût été, lui avait au moins montré la Minerva qu’elle ne voulait pas être. Elle en acceptait les épreuves et se tournait désormais vers un futur plus ouvert, plus libre.

Elle partait, pour mieux revenir.
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Re: Minerva McGonagall [Harry Potter]

Message par PtiteCitrouille »

Chapitre 69 : Bienvenue à Uagadou

Elle laissait à nouveau Bonnie derrière elle. Sa chouette semblait s’habituer aux absences de sa maîtresse, et Minerva s’en sentait d’autant plus coupable. Sa vie au Ministère n’avait pas été des plus tendres pour aucune d’entre elles. Bonnie devait se trouver délaissée et, intérieurement, Minerva se disait qu’effectivement, elle n’avait pas pris soin d’elle. Mais elle ne pouvait décemment pas l’emmener avec elle en Ouganda alors qu’elle-même ne savait pas à quoi s’attendre.

Elle avait rendu les clés à sa propriétaire, qui regrettait son départ précipité.

- Avec vous, j’étais bien tranquille et je ne me souciais pas de l’appartement. C’est difficile de trouver de bons locataires, avait-elle soupiré.

Compliqué de faire du bruit quand on vivait une demi-vie, avait songé Minerva en tendant en silence ses clés. Etna avait paru soulagée de la voir partir.

- Ne le prends pas mal, t’étais une bonne voisine, mais cela te fera du bien de partir un peu.

Minerva avait acquiescé.

- Tu vas pouvoir explorer, apprendre, voir ailleurs, respirer un nouvel air… Tu en as besoin.

Après avoir quitté la stabilité financière du Ministère, elle avait hâte de se frotter à ce nouveau pays. En mettant de côté sa peur de l’inconnu, elle voyait en ce projet un moyen de rebondir et de ne pas s’enfoncer dans une oisiveté malsaine.

La dernière fois qu’elle avait préparé précipitamment ses affaires, c’était pour fuir son chagrin amoureux, fuir avec réticence Dougal. Cette fois-çi, elle s’échappait de sa prison (de sa tombe ?), et le sentiment était bien différent. Maintenant que son départ était bien arrivé, elle voyait à quel point elle s’était jetée dans une impasse, une route qui se resserrait encore et encore jusqu’à presque la tuer. L’Ouganda, au-delà de l’intérêt pour la métamorphose, représentait son chemin de liberté, plus lumineux. Si le Ministère dans son sous-sol londonien l’avait étouffée, elle regardait désormais avec espoir vers la montagne qui accueillait les murs de Uagadou. Uagadou, ce n’était pas juste une école qui excellait dans sa matière de prédilection, ce n’était pas juste des dizaines et des dizaines d’étudiants qui, comme elle, pouvaient prendre la forme d’un animal. Uagadou, c’était l’espoir vers des portes nouvelles, vers un futur qu’elle embrasserait et qu’elle accueillerait avec soulagement et bonheur. Elle voulait trouver la voie qui animait Alan, la voie qui apaisait Pomona, qui faisait de Filius une personne assurée. Elle avait soif de trouver la sienne.

***


- Votre baguette, je vous prie. Raison du séjour ?

- Heu… Voyage, je dirais.

- Drôle d’idée.

Minerva ne répondit pas et laissa l’agent examiner sa baguette et y apposer un sortilège.

- Pour des raisons de sécurité et de légalité, vous ne pouvez rester sur le territoire ougandais plus de quatre semaines. En cas de besoin, le ministère de la Magie britannique a une branche ainsi qu’un représentant protectoral au gouvernement magique ougandais. C’est là que vous arriverez par portoloin et par là que vous reviendrez. Tenez.

Il lui rendit sa baguette, se leva et fit signe de le suivre vers une salle attenante où étaient entreposées toutes sortes d’objets allant du tableau à un yo-yo poussiéreux. L’employé du ministère s’approcha d’un set de bracelets dorés et le pointa du doigt.

- Votre carrosse. Départ dans douze minutes. N’oubliez pas de vous déclarer à l’arrivée. Des questions ?

Minerva secoua à la tête et raffermit sa prise sur la malle. Elle en aurait sûrement plein à l’arrivée, en revanche.

- Bien. Bon… voyage, alors.

Et il disparut, au moment où un autre employé faisait entrer une vieille dame.

- Pour le Canada madame, c’est la peluche juste ici, départ dans quarante-deux minutes. Vous êtes en avance.

L’employé les laissa toutes les deux, se tenant debout, l’une avec une peluche en main, l’autre avec des bracelets, dans un silence entrecoupé de raclements de gorge.

- Et où allez-vous comme ça, jeune fille ?

- En Ouganda.

- Drôle d’idée.

- Apparemment…, murmura Minerva presque pour elle-même. Canada pour vous ?

La dame grogna.

- C’est ma fille qui a eu la drôle d’idée de marier un canadien et de partir là-bas. Devinez qui fait le trajet jusque là-bas. Ce n’est plus de mon âge. Mais qu’est-ce que vous allez faire en Ouganda ? C’est où, d’ailleurs, l’Ouganda ?

Minerva lui expliqua que c’était en Afrique, ce qui parut très vague à la dame.

- Mais qu’est-ce que vous allez faire là-bas ? répéta-t-elle.

- Apprendre, lança à la va-vite Minerva en espérant qu’elle arrête de poser des questions auxquelles elle ne savait pas trop répondre.

- Ah, vous allez étudier… Mais pourquoi là-bas, franchement ?

- Et vous, pourquoi vous déplacez-vous au Canada si vous considérez que ce n’est plus de votre âge ?

La sorcière parut vexée et serra sa peluche dans ses bras. Alors que Minerva commençait à regretter sa sécheresse, ses bracelets se mirent à luire, annonçant son départ proche.

- Bon voyage, dit-elle tout de même à la dame.

Elle sentit le crochet désagréablement familier la prendre au nombril alors qu’elle disparaissait dans un tourbillon de couleurs.

Le sol sur lequel elle atterrit (chuta) était recouvert d’un tapis aux motifs orange et doré.

- Mademoiselle McGonagall ?

Minerva leva la tête, l’estomac encore retourné par le voyage. La pièce était lumineuse, éclairée par les rayons du soleil. Rien qu’à travers la vitre, elle sentait que la météo y était bien plus clémente qu’en Ecosse ou à Londres. De lourds rideaux étaient retenus de chaque côté de la vitre par des cordons dorés.

Minerva se releva et s’épousseta les mains.

- Oui, c’est moi. Bonjour.

- Hujambo, comme on dit ici !

L’homme, bedonnant, portrait des lunettes rondes qui trônaient sur son crâne presque dépourvu de cheveux.

- Je suis M. Fernand, secrétaire du représentant britannique en Ouganda. Installez-vous, que je vous prenne en charge. J’aurais besoin de votre baguette.

Il sembla vérifier que le sortilège avait bien été placé par l’agent en Angleterre, inscrit les caractéristiques dans un fin registre.

- Il n’y a pas beaucoup de Britanniques qui viennent ici, à part les enseignants et les politiciens. Vous n’êtes pas l’un des deux ?

Minerva secoua la tête. Il pointa la baguette de la jeune fille sur le registre et plusieurs mots, à l’envers pour Minerva, se dessinèrent à l’encre noire.

- Ah, cela indique que vous venez pour un voyage. Si je puis me permettre, c’est une…

- Drôle d’idée, je sais, soupira Minerva.

- Une idée intéressante, termina monsieur Fernand. Ah, oui, d’un point de vue britannique, c’est effectivement une drôle d’idée. L’Ouganda est sous protectorat britannique, et même si c’est une affaire de moldus, les sorciers suivent toujours l’Histoire de nos compères. Je peux vous demander ce que vous allez faire ici ?

- Je me rends à Uagadou, l’école de magie.

- Ah, d’autant plus intéressant ! Passionnant, même. Cette école a beaucoup à nous apprendre. On vous a expliquée comment vous y rendre ?

Minerva acquiesça. La directrice avait eu la diligence d’envoyer une lettre avec toutes les indications nécessaires, en lui assurant qu’elle serait présente pour l’accueillir en personne.

- Bien que je sois sceptique du moyen, dit-elle tout de même. Il faut traverser une brume ?

Fernand hocha vivement la tête.

- La brume agit comme un Transplanage. Uagadou est spécialisée dans la magie sans baguette, ils n’en n’ont jamais eu besoin. Vous aurez juste à marcher tout droit et lorsque vous en sortirez, vous arriverez au pied de l’école. C’est assez mystique comme expérience. Vous trouverez plusieurs entrées dans le pays et le continent, dont une au souterrain de ce bâtiment.

Il lui rendit sa baguette.

- Evitez de trop sortir de l’enceinte de l’école, du moins pas sans être accompagnée.

- La ville est dangereuse ?

Fernand parut hésiter.

- Je n’irai pas jusque-là. Comme vous le savez peut-être, l’Ouganda est en plein processus de décolonisation. S’il n’y a pas de violences, du moins pour l'instant, car l’Empire britannique moldu est actif dans cette décolonisation, des tensions peuvent régner tout de même. Les sorciers essaient de se tenir à l’écart de… tout ça.

Il y avait assez de soucis dans le monde magique pour que Minerva aille se frotter à ceux des moldus. Alors, elle promit de faire attention et récupéra sa malle avant de franchir la porte. Le secrétaire lui indiqua un ascenseur, identique à celui du Ministère britannique.

- Au dernier sous-sol, vous tomberez directement sur le passage secret. Bonne découverte de Uagadou à vous.

Contrairement au Ministère de la Justice, Minerva n’avait pas l’impression de s’enfoncer dans les tréfonds de la Terre. Elle n’avait pas encore réalisé qu’elle était en Ouganda, car le processus complet lui avait paru simple à réaliser. L’invitation de la directrice avait joué son rôle également, car Minerva n’avait pas eu à remplir certaines données sur les raisons de sa venue. Aux yeux des deux gouvernements ougandais et britannique, elle effectuait une sorte de stage d’observation.

L’ascenseur s’arrêta dans un tintement grave et les portes dorées s’ouvrirent sur un jeune homme aux cheveux rasés de très près. Il portait une tunique couleur crème, traversée par deux longs colliers rouges. Il consulta un parchemin long comme son bras et demanda :

- Minerva McGonagall ? Je vous attendais.

Il se leva et inclina la tête.

- Je suis Babirye, le contrôleur du passage vers l’école de Uagadou.

- Vous contrôlez tous les passages ? s’étonna Minerva qui se souvenait avoir entendu Fernand parler de plusieurs passages à travers le continent.

Babirye secoua la tête.

- Juste ceux de l’Ouganda.

- Juste…

- J’ai un groupe qui m’attend de l’autre côté de Kampala, prévint-il, je ne peux pas rester longtemps. Approchez-vous.

Ce fut lorsqu’elle obéit qu’elle remarqua le tunnel brumeux qui s’ouvrait devant elle. Il ne paraissait pas inquiétant avec ses volutes claires, mais si elle avait eu le choix, elle se serait passée de le traverser. L’idée de ne pas savoir où elle allait ni où elle marchait la rendait anxieuse. Babirye sembla le remarquer car il s’approcha d’un pas léger.

- Il vous suffit de marcher sans vous arrêter. Il n’y aura absolument rien sur votre chemin. Pensez seulement à votre destination finale, ou vous risquez de marcher longtemps.

- Des gens sont-il déjà restés coincés à marcher sans but ?

Babirye fit une drôle de tête, comme si l’idée lui paraissait bizarre.

- C’est impossible. Que vous soyez distraite c’est une chose, mais ne penser à aucun endroit pour l’éternité ? Au pire des cas, vous songerez aux toilettes du Ministère et malheureusement vous y finirez, mais c’est tout.

- Il fallait que vous me fassiez penser aux toilettes du Ministère, grogna-t-elle.

Babirye sourit finement en penchant la tête.

- Ne vous faites pas de tracas. Si l’accès est fermé, vous ne pourrez pas entrer. Songez à l’école, et tout ira bien.

Minerva acquiesça, inspira profondément, tenta de ne pas penser aux toilettes du Ministère et s’engouffra dans la brume.

Ses sens étaient tous bouleversés. Elle ne voyait rien, ne sentait rien que du frais sur ses narines, ne pouvait toucher à rien. Même le son semblait étouffé, comme si elle avait plongé la tête sous l’eau.

Pense à Uagadou.

Elle ne savait même pas à quoi ressemblait l’école, mais elle essayait de s’imprimer dans l’esprit le nom ainsi que celui de la directrice. Ses premiers pas en avant furent tremblants, incertains. Elle avait l’impression de marcher dans le vide, qu’à tout moment elle allait chuter, de très haut, dans les eaux du Nil.

Pendant plusieurs secondes qui lui parurent des minutes, il ne se passa rien, au point que Minerva commençait à se demander si elle ne devait pas commencer à s’imaginer des lieux où elle pourrait ressortir, juste pour s’assurer qu’elle ne resterait pas coincée à tout jamais ici. Mais finalement, plus loin, elle perçut la brume s’évaporer, petit à petit, comme si des rayons de soleil tentaient de percer ses épaisseurs de volutes. Puis, son pied heurta une surface rocailleuse, buta contre des cailloux, créant un nuage de fumée qui acheva de sortir Minerva de son tunnel. D’un seul coup, le soleil surgit haut dans le ciel bleu, frappant violemment la peau de Minerva qui s’était attendue à une température plus clémente. Derrière elle, le tunnel de brume avait complètement disparu, tel un mirage s’évaporant dans un soupir.

Autour d’elle, s’étendait une vaste zone rougeâtre de pierres et de poussière, excepté devant elle où se dressait, haute, très haute, une montagne au sommet invisible. Pendant un moment, Minerva se demanda si elle avait bien imaginé le lieu. Où se trouvait l’école ? Sous terre ? Ou alors… dans la montagne ?

Un cri d’oiseau lui fit brutalement lever la tête, sa nuque gémissant de douleur. D’où s’était élancé l’oiseau -un aigle, semblerait-il- dansaient des lacets de brouillard, comme doués d’une vie propre. Le comportement était bien trop étrange pour être considéré comme naturel. Et entre deux rubans grisés, Minerva aperçut des esquisses d’un édifice. Uagadou, songea-t-elle. A l’instant où ses mots résonnèrent dans son esprit, le brouillard s’évapora, laissant place à un magnifique bâtiment de pierre de couleur argile, rouge, carmin et même vertes, formant un patchwork caméléon à flanc de montagne, se confondant avec la roche et les arbres.

L’aigle poussa un nouveau cri, cette fois beaucoup plus proche. Minerva le suivit du regard avant de réaliser que l’oiseau fonçait droit sur elle. Il n’allait tout de même pas l’attaquer ? Cela n’attaquait pas des humains, un aigle, si ? eut-elle le temps de penser avant de se mettre à reculer précipitamment, de plonger sa main dans poche pour sortir sa baguette et de la pointer vaillamment sur l’aigle qui… se posa à quelques mètres de distance de la jeune fille. Il pencha la tête et, derrière son plumage mordoré, Minerva était persuadé de le voir rire. Puis, il se mit à frissonner, à secouer ses plumes dans une attitude que Minerva connaissait pour l’avoir déjà vécu de nombreuses fois.

L’aigle grandit, ses ailes s’affinèrent pour laisser place à des bras couverts de bijoux. Le bec disparut et fut remplacé par un nez plus épaté. Le plumage mordoré prit la forme d’une tunique orange, simple mais drapée savamment autour du corps de la femme qui venait de prendre la place de l’animal. Ses yeux pétillaient bien lorsqu’elle regarda Minerva qui tenait toujours sa baguette. Elle rajusta sa coiffe, orange elle aussi, et sourit :

- Bienvenue à Uagadou, Minerva. Je suis la directrice de cette école, Tumusiime.
PtiteCitrouille

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Re: Minerva McGonagall [Harry Potter]

Message par PtiteCitrouille »

Chapitre 70 : La montagne de la Lune

Minerva mit du temps à sortir de sa contemplation. Encore étourdie par l’arrivée de l’aigle et sa soudaine transformation, elle ne rangea pas de suite sa baguette. Tumusiime haussa un sourcil amusé à sa main armée, ce qui la fit rougir.

- Pour une Animagus, vous êtes drôlement surprise.

Minerva bafouilla tout en rangeant maladroitement sa baguette dans sa poche intérieure.

- Personne dans mon entourage ne peut faire ça, c’est… impressionnant à voir.

La directrice sourit.

- Il faudra vous habituer. Laissez-donc le Portoloin ici, notre service de récupération des objets magiques viendra le chercher.

Minerva se retint de s’exclamer sur l’existence de ce service ; ce ne serait pas là la seule différence qu’elle observerait de son séjour ici. Elle essaya de détailler la femme de manière discrète. Elle semblait âgée d’une quarantaine d’années. Ses yeux chargés de khôl lui donnaient un regard profond mais très doux au-dessus de ses pommettes hautes. Sa coiffe orange comme son habit, était sertie d’un bijou doré, une simple chaîne mais qui paraissait faite d’or et qui encerclait dans une spirale le cylindre de tissu dans ses cheveux. La tunique recouvrait son corps jusqu’à ses genoux, en revanche ses bras étaient dénudés, eux aussi agrémentés de bijoux. Elle marchait pieds nus. Elle sembla la laisser la dévisager sans vergogne avant de faire un mouvement de bras pour l’enjoindre à la suivre.

- C’est l’école, là-haut ? demanda Minerva en désignant le bâtiment qu’elle avait vu.

Évidemment que c’était bien l’école, mais elle ne savait juste pas comment entamer la conversation sans ressentir la gêne du silence.

- Une partie, répondit la directrice. Nous avons plusieurs sections dans la montagne.

Minerva se demanda dans quelle mesure la montagne était creusée. Était-ce une immense galerie labyrinthique, telle une fourmilière et qui accueillait les salles de classe, le réfectoire, les dortoirs ? Peut-être aurait-elle dû étudier un peu l’école, son histoire, avant de venir, pour témoigner une forme de respect ?

- Je vous remercie de m’accueillir dans l’école. J’ai hâte d’apprendre avec vous.

Tumusiime sourit.

- J’ai été intriguée par votre prise de contact. Il est rare que l’on s’intéresse à notre école, cela change.

- Vous avez dû rencontrer mon amie, Holly Harpen, il y a quelques mois ?

La directrice acquiesça.

- Effectivement, mais brièvement. Notre professeur de Quidditch s’est bien plus entretenu avec elle et ses collègues.

- Je ne pensais pas que vous auriez du Quidditch ici aussi. Par où…?

Tumusiime l’emmenait le long du flanc de la montagne, jusqu’à atteindre un renflement où avait arrêté sa course un éboulement de roches et de pierres. Certains endroits étaient recouverts de fleurs sauvages et de de mousse, étrange vision dans ce désert aride.

- Faites attention où vous mettez les pieds, avertit la directrice. Marchez sur les mêmes rochers que moi. Certains sont faux, dessinés par la magie.

- Ceux avec des plantes, devina Minerva. Impossible que cela pousse ici, n’est-ce pas ?

Tumusiime sourit.

- Bien vu.

Elle entama son ascension, ses pieds nus ne semblant pas embêtés par la rudesse de la roche, et Minerva la suivit.

- Comment faites-vous si vous avez des élèves blessés ? s’enquit-elle en évitant une roche moelleuse de mousse tendre.

- Les autres élèves l’aident, répondit simplement l’enseignante. C’est tout. Et ce n’est pas haut, là où nous nous rendons. Regardez par ici.

Elle pointa une corniche qui s’ouvrait sur un tunnel, invisible d’en bas.

- La montée empêche juste les Humains de tomber sur l’entrée de l’école trop facilement.

- Vous appelez les Moldus les Humains ?

Tumusiime arriva sur la corniche et tendit une main pour aider Minerva à la rejoindre.

- Et vous, vous appelez les Humains des Moldus. Et les Américains les Non-Maj. Nous ne voulons pas définir les gens par ce qu’ils n’ont ou ne sont pas. Ils sont humains, et c’est déjà bien suffisant.

Minerva médita un moment ses paroles et évalua les quelques mètres de hauteur parcourus. Elle voyait à quel point un simple nom révélait quel marque de respect l’on portait à autrui.

- Aucun Mol… Humain n’a jamais trouvé l’entrée alors ?

Tumusiime haussa les épaules.

- Oh si, très probablement. Mais nous avons notre propre système pour les éloigner. Venez.

Elle l’entraîna dans la grotte, simple boyau qui s’ouvrait sur une immense salle éclairée par des flammes enfermées dans des bocaux de verre.

- Saleh, Elizabeth, fit la directrice, tout se passe bien ?

Minerva tiqua, se demandant à qui elle parlait ainsi. Soudain, elle sentit un souffle chaud derrière elle, dans son oreille. Elle eut un sursaut de terreur et se retourna pour se retrouver nez à nez avec des babines luisantes et blanches, se découpant sur un pelage brun clair et tacheté.

- Hoda, s’exclama la directrice qui ne semblait pas inquiète. C’est une invitée.

Minerva regarda « Hoda » redresser la tête, les yeux brillants de… rire ? Elle s’ébroua, claqua un coup de mâchoire et rejoignit deux autres congénères, apparus comme par magie devant Tumusiime.

- Qu’est-ce que…, fit Minerva mais sa voix la lâcha alors qu’elle observait ses trois immenses gros chiens au poil ras et aux yeux ronds, noir profond. Hoda s’étira, faisant ressortir une crête de poils longs de sa colonne vertébrale et sembla émettre un ricanement.

- Une invitée, j’ai dit, gronda Tumusiime.

Hoda, dans une réaction presque humaine, sembla pousser un soupir faussement déçue et s’assit. Saleh et Elizabeth, eux, restaient calmes.

Tumusiime se tourna vers Minerva.

- Voilà notre système repousse-Humains. Aucune personne saine d’esprit n’entrerait dans une cave gardée par un trio de hyènes. De gauche à droite, Saleh, Elizabeth et Hoda. Vous trois, je vous présente Minerva McGonagall, d’Angleterre.

- D’Ecosse, corrigea du bout des lèvres Minerva.

- Ah, mes excuses. Votre lettre venait de Londres. Enfin, Minerva est là en tant qu’observatrice, je vous demanderai de bien l’accueillir et de ne pas l’attaquer si jamais elle venait à repasser par cette entrée.

- M’attaquer…? répéta Minerva d’une toute petite voix.

Cette fois, les trois hyènes ricanèrent en concert.

- Ne vous en faites pas, ils ne feront rien. L’école entière était au courant de votre venue… même ces trois-là, termina d’une voix forte la directrice en faisant des gros yeux aux hyènes qui s’arrêtèrent dans quelques étouffements.

Le trio se regarda, l’air un peu coupable, avant de se mettre à trembler et se redresser sur leurs pattes arrières. Leur silhouette se flouta pour prendre une forme humanoïde. Des Animagus, songea Minerva. C’était évident, en y repensant. Elle était dans une école où chaque élève apprenait à le devenir. Un garçon et deux filles d’environ son âge se tenaient l’un contre l’autre, les mains croisées devant eux. Hoda, à droite, offrit un clin d'œil taquin à Minerva avant de baisser une tête faussement contrise, laissant ses tresses recouvrir ses joues. Elizabeth était une jeune fille métisse qui avait teint ses cheveux crépus en blond. Le garçon à côté paraissait être le plus calme ainsi que le plus âgé. Il s’avança d’un pas et inclina la tête.

- Bienvenue à Uagadou. Pardon pour la peur, Hoda est gentille et aime beaucoup plaisanter, c’est tout.

- Pas… pas de souci, fit Minerva en lorgnant sur Hoda qui lui fit un grand sourire, comme si elle souhaitait lui ramener des souvenirs de sa large dentition de charognarde. Merci.

- Merci pour votre travail, fit la directrice. Allons-y, maintenant.

Les trois s’écartèrent du passage et inclinèrent la tête avant de se transformer à nouveau. Minerva sentit Hoda se retenir de claquer des dents derrière elle, et elle tenta de l’ignorer.

- Ne soyez pas inquiète des élèves. Ils voient rarement une sorcière d’Europe, alors ils sont curieux. Certains vont vouloir vous tester, plaisanter, mais ne le prenez pas mal. Ils ont tous un bon fond. Hoda est une personne de confiance, vous verrez. Ce n’est pas pour rien qu’elle garde l’entrée avec Elizabeth et Saleh.

Minerva nota qu’elle nommait tous ses étudiants par leur prénom, contrairement à Poudlard où une telle familiarité était rare, voire inexistante.

- Ce sont toujours ces trois-là qui restent à l’entrée ?

Tumusiime secoua la tête.

- Il y a un roulement. Seuls les étudiants les plus âgés et les plus doués peuvent prétendre à venir ici. C’est une mission qui prend du temps et de l’énergie, alors l’étudiant doit savoir gérer ses études à côté, la plupart du temps le soir. Un aménagement des cours est prévu pour eux, certains enseignants proposent des cours du soir pour les gardiens qui ont leur tour de garde en journée, mais ce n’est pas toujours possible. L’étudiant doit avoir un haut niveau d’autonomie pour étudier par lui-même.

Tumusiime s’engagea dans un autre tunnel qui s’ouvrait lui aussi sur une galerie, plus basse mais surtout, beaucoup plus étalée et plus lumineuse. Des dizaines et dizaines de wagons attendaient garés dans une sorte de parking ferré et des rails s’enfonçaient dans l’obscurité plus loin.

- On accède à l’école par funiculaire ?

- Pas le plus rapide des transports, mais oui. C’est ce qui est le plus pratique quand la moitié de l’école est construite à l’intérieur de la montagne.

Au lieu de se diriger vers une des voitures, elle marcha d’un pas rapide vers une bâtisse semi-ouverte, où attendait un autre élève.

- C’est le même principe que pour les gardiens que nous avons croisés tout à l’heure, expliqua la directrice. Vous verrez bien vite que beaucoup de services ici sont gérés par des étudiants. Bonjour, Ali.

Ali se retourna et salua la directrice avec une inclination de la tête. Lui aussi semblait du même âge que Minerva, voire plus âgé.

- Madame la directrice, bonjour. Bonjour, Minerva. Je vous attendais toutes les deux. Une voiture pour la salle principale ?

Tumusiime secoua la tête.

- Emmène-nous directement à mon bureau. Nous ferons les présentations officielles à l’école plus tard.

Ali acquiesça.

- Il n’y a aucune autre voiture garée à votre étage madame la directrice, souhaitez-vous que je vous laisse celle-ci ou dois-je la redescendre ?

- Redescendez-là, nous prendrons les chemins à pied. Merci.

- Quai numéro 6 alors, voiture jaune, madame la directrice.

Tumusiime le remercia à nouveau et Ali les emmena directement vers la voiture correspondante, d’un jaune poussin.

- Asseyez-vous, je vous prie. Nous nous reverrons au buffet, fit Ali avec un sourire. Bonne installation Minerva.

Minerva bredouilla un remerciement. Elle avait tant de questions, était prise d’une bouffée de curiosité qui l’émerveillait. Cela faisait longtemps qu’elle n’avait pas exploré un décor aussi différent.

- Pourquoi y a-t-il des couleurs différentes pour les wagons ? demanda-t-elle en premier.

Tumusiime attendit qu’elle soit toutes les deux assises pour répondre.

- Ces rails mènent aux hauteurs de l’école. Celle-ci est creusée sur la face ouest et les rails desservent un quai à chaque étage principal par le centre de la montagne. Le quai six où nous sommes mènent à l’étage le plus élevé, mon bureau. Ensuite à l’étage cinq, vous trouverez les dortoirs. Au quatre, quelques salles de classe. Au trois, la salle principale, où les repas et les cérémonies ont lieu. Puis au deuxième et au premier étage, vous aurez le reste : que ce soit des salles de loisir, de sport, de détente… C’est un schéma grossier, et vous explorerez l’école par vous-même. Mais disons que chaque wagon porte la couleur de son étage. Vous voyez, il y a peu de wagons jaunes : très peu de personnes se rendent à mon étage. En revanche, le wagon rouge, lui, se rend à la salle principale. Les jours de rentrée, c’est le plus utilisé, car les élèves se rendent en premier à la salle du dîner.

- Ça c’est quelque chose qui ne change pas selon les écoles, j’ai l’impression, rit Minerva.

- Sans surprise, sourit-elle. J’en suis désolée, mais vous n’aurez pas autant de paysage à voir qu’à Poudlard.

- Ce n’est pas grave, je ne suis pas venue pour voir un deuxième Poudlard.

- J’aime cet état d’esprit, fit Tumusiime alors que le wagon s’ébranlait vers l’étage six.

Contrairement à ce qu’elle avait cru, les tunnels qui remontaient dans la montagne n’étaient pas si étroits et elle ne ressentait aucune humidité. En revanche, elle n’était pas à l’aise dans ce dôme de pierre qu’elle trouvait étouffant.

- Où sommes- nous exactement ? Je veux dire, où en Ouganda ?

Elle se demandait si le lieu de l’école était gardé aussi secret que Poudlard ou encore BeauxBâtons.

- Nous ne cherchons pas à dissimuler l’école tant que cela. Il y bien une brume magique qui la cache, mais qui s’évapore dès que l’on sait que l’école se trouve là. Nous sommes aux origines du Nil, sur les monts de la Lune -son nom poétique. C’est les Humains qui lui ont donné ce nom à cause du pic enneigé. Les Humains cherchent depuis longtemps d’où commence le plus grand et majestueux fleuve d’Afrique. Il y a eu de nombreuses expéditions. C’est un marchand grec, Diogenes, qui a trouvé la provenance dans notre chaîne de montagnes, la Rwenzori. Bien sûr, les faits sont réfutés encore aujourd’hui, et les explorateurs se disputent toujours le lieu précis. Tout le monde veut être celui qui trouve.

- Vous ne craignez pas que des villageois aux alentours tombent dessus ?

- Les villageois n’en ont que faire des explorations du Nil, encore moins d’une montagne comme la nôtre. Ici, les gens cherchent à travailler pour nourrir leur famille. Ceux qui s’intéressent à la montagne de la Lune sont les étrangers, souvent les Britanniques. Croyez-moi, trois hyènes suffisent largement à les effrayer.

Minerva rougit et rentra la tête dans les épaules, un peu honteuse. En venant, elle s’était demandée quel serait l’accueil envers elle, provenant de l’Empire colonisateur.

- Nous arrivons bientôt, ne vous levez pas tant que le wagon n’est pas complètement arrêté.

Minerva hocha la tête et se retourna. Derrière, elle ne voyait que l’obscurité, pas le moindre point de lumière.

- Nous sommes à quelle hauteur, exactement ?

- Un peu plus de 3000 mètres, pourquoi ?

Minerva se sentit pâlir.

- 3000…? Mais comment… comment respirez-vous ?

- Nous avons mis en place une protection magique. La seule, d’ailleurs, mais elle était essentielle à notre survie. Ne vous en faites pas, vous vous sentirez comme sur le niveau de la mer !

Elle se leva et agita la main, actionnant une porte à double-battant s’ouvrant sur un couloir aux allures de jungle presque terrifiante.

- Cela ne semble pas le plus accueillant des étages, mais c’est le mien. Vous n’y trouvez que mon bureau et une salle de réunion.

- C’est vous qui avez choisi la… euh… l'ambiance ?

Minerva la rejoignit d’un pas hésitant. Elle ne savait pas trop à quoi elle s’attendait, mais certainement pas à cela. Le plafond de la roche était bien haut, invisible à ses yeux et surtout, obstrué par des immenses arbres, presque trop grands pour être vrais. Tout semblait trop massif : les fougères, les fleurs, la mousse sous ses pieds, étouffant leurs pas, était plus épaisse que celle du coin le plus reculé de la Forêt Interdite. Il y avait des espèces de flore qu’elle ne connaissait absolument pas, des couleurs qu’elle n’aurait pas affilié à des plantes. Tout autour, flottait une brume permanente, lourde, comme magique, qui transportait de fortes odeurs qu’elle ne parvenait pas à identifier.

- C’est une forêt de nuages, typique à cette altitude, expliqua la directrice d’une voix basse. Nos étages disposent d’une faune et d’une flore caractéristique de l’altitude dans laquelle ils se trouvent. Cette montagne dispose d’une biodiversité plus diverse que ce que vous pouvez imaginer. L’humidité constante, que nous avons supprimée pour notre peau d’hommes et femmes, favorise la croissance extrême de cette végétation.

- La flore, je vois bien, mais la faune …?

Tumusiime sourit, ce qui fit plisser ses yeux.

- Oh, elle est là. Vous la verrez de temps en temps. Ne vous en faites pas non plus. Vous ne serez peut-être pas habituée à cette faune, mais jamais elle ne vous fera de mal. Elle ressent en nous l’Animagus, et l’atmosphère est tellement chargée d’odeurs d’animaux de toutes sortes, que la loi de la Nature fait son travail.

Minerva prit un temps de réflexion. Elle ne savait que penser de cet endroit qui, en toute honnêteté, lui filait la chair de poule. Elle avait l’impression d’être si minuscule au milieu de ces plantes plus grandes qu’elle et qui semblaient la regarder d’en haut. Le silence était si pesant, qu’elle pouvait presque entendre la brume lui murmurer à l’oreille. Parfois, elle surprenait un couinement, un crissement, un craquement provenant d’un animal non identifié et dissimulé dans la végétation.

- Je comprends votre sentiment, dit Tumusiime. Cet endroit, personne ne l’aime… sauf si vous apprenez à le connaître. Ne l’apprivoisez pas, vous n’y parviendrez pas. Comprenez-le et vous apprendrez à l’apprécier. Allons dans mon bureau.

Minerva ne traîna pas. Pour aujourd’hui, elle ne comprenait pas cet endroit. Mais elle apprendrait.

Comme l’avait précisé Tumusiime, l’étage était petit, avec seulement deux portes immenses à double battant en bois creusé de spirales et volutes, à l’image de la brume permanente du couloir. La directrice entra la première avant de s’effacer pour laisser Minerva passer le pas de la porte, sur lequel elle s’arrêta, le souffle coupé. Le bureau de la directrice était une large pièce, presque aussi grande que la Grande Salle de Poudlard et qui donnait… sur le vide. Ici, il n’était pas question de fenêtre vitrée, presque tout un pan de la pièce ne comportait tout simplement pas de mur, juste une ouverture sur l’extérieur.

- C’est d’ici que je suis descendue pour vous rejoindre, annonça Tumusiime comme s’il était tout à fait normal pour une femme de se tranformer en aigle et de se jeter dans le vide du haut de son bureau pour rejoindre une petite écossaise minuscule perdue au milieu du désert.

Minerva était habituée au vide avec le Quidditch, mais là, alors qu’elle s’approchait du bord, elle sentait un vertige la cueillir au creux du ventre. Une simple bourrasque pouvait la jeter tout en bas.

- Pourquoi n’ai-je pas froid ? demanda-t-elle alors qu’elle réalisait qu’elle ne ressentait aucun effet de l’altitude.

- Les étages cinq et six sont magiquement protégés par la météo, trop extrême à cette hauteur.

- Les étages cinq et six ? Pas les autres ?

Tumusiime secoua la tête.

- Non. Nous souhaitons vivre en communion avec la nature. Qu’il fasse chaud, froid, qu’il vente, qu’il pleuve, nous nous adaptons. Les Humains le font bien, pourquoi pas nous ?

Il n’empêche, c’était risqué selon Minerva.

- Ne vous en faites pas, fit Tumusiime et Minerva trouva qu’elle disait beaucoup cette phrase, nous sommes habitués. Et d’ailleurs, notre centre de météomagie nous a prévu de fortes pluies dans la soirée.

Minerva ne lui demanda même pas plus d’explications sur ce centre. Tout était si nouveau, si différent qu’il lui faudrait une année entière pour apprendre les spécificités de cette école. Elle découvrirait au fur et à mesure, en expérimentant, et elle avait plus que hâte. Elle se détourna du vide et observa la pièce. Etonnamment, elle ne s’attendait pas à un lieu aussi chaleureux. L’ensemble de la salle était boisé, avec des poutres apparentes au plafond. La directrice y avait suspendu des plantes retombantes et, étrangement, des ampoules moldues fonctionnant non pas à l’électricité mais au feu. L’endroit était séparé en deux parties distinctes, l’une qui accueillait le bureau de la directrice, et l’autre qui donnait sur un salon, probablement à l’intention des visiteurs. Deux canapés marrons se faisaient face, moelleux de leurs coussins aux couleurs chaudes et une table basse en bois également les séparaient. Une natte en paille tressée sous la table éclairait l’ensemble. Derrière les canapés, se tenait une immense bibliothèque murale de bois sombre et ciré, agrémenté d’un lierre grimpant d’un vert riche et profond. Minerva pouvait même apercevoir quelques papillons virevolter dans les feuilles de leurs ailes scintillantes et délicates. Tumusiime avait installé un espace de lecture constitué d’un fauteuil vert émeraude et d’une table ronde d’appoint.

Côté bureau, le mur derrière la grande chaise au dossier plus grand que Minerva soutenait une étagère où étaient rangées des œuvres d’art telles que des statuettes, des vases, des masques traditionnels africains… Minerva était époustouflée. Elle n’avait pas l’impression de vivre dans une école mais plutôt dans un musée à ciel ouvert. Elle sentait que la pièce était vivante : Tumusiime y travaillait en harmonie avec la nature. Elle n’avait pas fait de cette pièce sa pièce, ne se l’était pas appropriée. La directrice sembla lire dans ses pensées, car elle dit :

- Notre école est l’une des plus grandes et des plus anciennes écoles magiques. Mais cette montagne était là bien avant nous. Nous sommes reconnaissants d’avoir un tel lieu si majestueux pour nous accueillir.

Minerva sentit l’excitation faire palpiter son cœur. Elle était comme entrée dans un univers parallèle. L’Angleterre et le Ministère lui paraissaient déjà tellement loin. Elle retrouvait le goût à la curiosité, elle se sentait renaître.

- Installez-vous, nous allons discuter de votre séjour. Un café ?

Minerva hésita à demander un thé, mais elle se doutait qu’en Ouganda, la religion était plutôt à la caféine, alors elle accepta. Elle remarqua que Tumusiime utilisait ses mains pour faire le café. Alors qu’en Angleterre, elle voyait les sorciers sortir leur baguette dès que possible pour tout et n’importe quoi, Tumusiime semblait vouloir prendre le temps d’offrir un café préparé par ses soins. C’était là une attention appréciable.

- Nous buvons du thé aussi, résultat de la colonisation britannique. Mais nous sommes spécialisés dans le café en Ouganda, il faut le tester au moins une fois dans sa vie. Tenez, celui-ci provient des cultures de notre montagne. Vous y sentirez quelques notes fruitées.

Elle lui servit un breuvage fumant et d’un noir profond, presque velouté. L’odeur était forte, bien plus que le café qu’elle trouvait en Angleterre.

- Pour le moment, le café ougandais n’est que trop peu mis en valeur, expliqua Tumusiime. Mais les Humains ougandais ont compris que ce serait leur point fort économique. Déjà, ils parlent de vouloir exporter massivement notre café après l’indépendance.

- Vous êtes ougandaise ? s’enquit Minerva qui venait de réaliser qu’elle ne connaissait même pas la nationalité de la directrice.

Elle hocha la tête.

- Née et élevée sur ces magnifiques terres. Vous aurez l’occasion de voir que ce continent a beaucoup à offrir. Ce ne sont pas juste des déserts à l’infini, il y a une telle diversité culturelle et écologique, allant du plus sec des sols jusqu’aux neiges éternelles, en passant par des forêts boisées, des jungles mystérieuses… Sa population est tout aussi intéressante et j’ai hâte de vous voir explorer cette Humanité.

Décidément, Minerva aimait bien Tumusiime. Elle aimait son esprit apaisé, sa passion et son amour pour son pays, pour son école, son désir de promouvoir sa manière de vivre, son rapport à la Nature, le respect qu’elle portait à son environnement.

- Raconte-moi ton histoire, Minerva, fit Tumusiime et la jeune fille nota le tutoiement. Je suis curieuse de savoir ce qui t’amène ici.

Était-ce parce qu’elle était loin de son pays, qu’elle avait l’impression d’en être détachée, à l’abri, était-ce parce qu’elle sentait une relation de confiance s’installer entre la directrice et elle, que l’environnement autour d’elle l’apaisait, la rassurait, elle n’en savait rien, mais elle lui expliqua tout. Sans nécessairement entrer dans les détails, elle décida de lui confier la vérité, ses secrets. Elle mentionna Dougal, leur histoire, leur amour inachevé, arraché, repoussé. Son désespoir, sa vie au Ministère. Elle avoua ses pensées les plus sombres de cette période difficile, ses regrets, ses peurs. Elle n’omit pas ses fuites, ses erreurs avant de finalement trouver sa porte de sortie. Elle admit être toujours perdue, même si plus en paix avec elle-même.

- La différence aujourd’hui, c’est que j’accepte de ne pas savoir où aller. Rien que cette idée me libère d’un poids monumental, même en parler m’offre une bouffée d’air salvatrice.

- Et que recherches-tu, ici ?

Tumusiime n’avait pas ouvert la bouche une seule fois. Elle avait écouté, patiemment, avec attention, sans jugement. Minerva sentait en elle une femme empathique. Avec elle, elle avait l’impression que ses secrets seraient à tout jamais bien gardés.

- Je ne suis pas certaine…, réfléchit Minerva. Je sens que j’ai fait un bon choix en quittant le Ministère, en venant ici. J’ai une sensation d’être là où il faut aujourd’hui, là où j’ai besoin d’être. Je sens que mon séjour ici va me mener dans la bonne direction. Oui, voilà, je crois que c’est cela que je recherche, une direction.

Elle grimaça. Elle si pragmatique et concrète, n’avait pas l'habitude de parler en termes de « ressentis ». Il lui était ardu de poser les mots sur ce qu’elle avait au cœur. C’était étrange, mais toutes ses émotions qui l’habitaient lui étaient nouvelles, floues, impossibles à saisir ; elles tourbillonnaient dans sa tête dans un joyeux mélange. Joyeux car pour une fois, elle acceptait de ne pas tout comprendre et d’attendre que les réponses viennent à elle. Et les réponses viendraient, elle le savait, parce qu’aujourd’hui elle vivait en accord avec ses désirs et ses besoins. Cette symbiose était le seul chemin qui la mènerait dans la bonne direction.
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Re: Minerva McGonagall [Harry Potter]

Message par PtiteCitrouille »

Chapitre 71 : Communauté, solidarité

Comment s’était-elle retrouvée à faire léviter des sacs de sable dans l’entrée, elle n’en savait que trop peu. Une alarme avait retenti alors qu’elle était encore en pleine discussion avec la directrice, et des nuées d’oiseaux étaient sorties des hauteurs sous plafond de la pièce pour s’enfuir par l’ouverture de la montagne. Le directrice avait jeté un coup d'œil à son horloge murale (des lianes entrelacées qui formaient les chiffres des heures) et avait dressé un sourcil.

- Elle est en avance.

- L’heure ..? avait demandé Minerva d’une petite voix alors que l’alarme beuglait dans ses oreilles.

La directrice avait eu un sourire et s’était redressée, rajustant sa tunique.

- La pluie. Tu vas pouvoir nous aider à protéger l’école.

Minerva papillonna des yeux, puis elle se souvint que seuls les étages cinq et six étaient protégés de la météo. Elle se demanda si tous les niveaux disposaient d’ouverture comme chez la directrice. Elle remarqua qu’il faisait encore beau dehors mais sentait dans le vol des oiseaux une atmosphère lourde, annonciatrice de l’orage.

- Suis-moi, je vais te montrer ce qu’il faut faire.

Elles empruntèrent le même couloir pour monter à nouveau dans le funiculaire. Cette fois-ci elles ne descendirent que de quelques étages, combien, Minerva n’en n’avait pas la moindre idée.

- L’inconvénient de mon étage et de celui des dortoirs, c’est qu’ils sont vraiment trop hauts pour être atteints à pieds, dit la directrice. Dans ce genre d’urgence, je mets toujours plus de temps à rejoindre les étudiants et professeurs.

- Pourquoi ne pas inverser les étages alors ?

- C’est aussi un avantage. Si nous devons protéger les élèves, nous les envoyons dans leurs dortoirs et nous avons juste à couper les accès du funiculaire. Il est impossible de monter à pied jusqu’aux cinquième et sixième étages. Allons-y.

A cet étage, la forêt se faisait moins dense, les plantes plus basses et plus éparses. Il y avait également plus de fleurs, d’arbres fruitiers. Contrairement à l’étage de la directrice, celui-ci semblait construit sur le flanc de la montagne et en longueur, non pas en profondeur, ce qui laissait passer bien plus de lumière. Il ne semblait pas y avoir d’escaliers pour atteindre les autres niveaux de l’école, juste des chemins en pentes, composés de terre poussiéreuse recouverte par des nattes tressées. Ici, les élèves s’entrecroisaient d’un pas pressé, le visage sérieux, semblant tous savoir quoi faire.

- Je suis affiliée à l’étage trois, annonça la directrice.

- Affiliée ? répéta Minerva en évitant un élève qui passait dans sa direction.

- Dans ce genre de situation, chacun doit savoir où aller et quoi faire pour être efficace. Autrement, imagine le bazar.

Minerva observa les étudiants et les professeurs agir autour d’elle. Ce n’était pas la cohue, elle pouvait même voir deux files distinctes sur les chemins pour éviter de se percuter.

L’étage trois était, semblerait-il, l’équivalent de la Grande Salle. Minerva comprenait pourquoi la directrice y était postée. C’était probablement l’endroit le plus à risques : la majorité de la pièce était à ciel découvert, ce qui faisait que l’endroit tenait plutôt lieu d’une grotte. La seule partie couverte était un espace qui ressemblait à un autel avec des statuettes et de l’encens et le chemin par lequel elles étaient venues. Le reste se trouvait à l’air libre, abrité seulement par des canopées de grandes toiles de tissu, simple protection au soleil. Déjà, des étudiants disposaient de lourds poteaux de bois pour incliner la toile et faire glisser l’eau qui tomberait vers le bas de la montagne. D’autres rassemblaient le mobilier vers le centre. Au milieu, un professeur semblait superviser le tout d’un œil acéré.

- Tu vois les sacs de sable là-bas ?

Minerva suivit le doigt de la directrice, qui pointait vers un abri de bois rempli de sacs de sable.

- Dispose-les le long des accès, cela évitera à l’eau de s’infiltrer dans les rouages du funiculaire.

Minerva hocha la tête et sortit sa baguette pour remarquer qu’autour d’elle, les élèves ne semblaient qu’agiter leur main avec une dextérité étonnante. Seule une fillette d’une dizaine d’années semblait lutter à ses côtés avec son sac de sable. Minerva s’apprêtait à l’aider lorsqu’un étudiant plus âgé surgit, les mains sur les hanches.

- Rosa ! Je te cherchais partout, tu es encore trop jeune pour aider, file.

La Rosa fit la moue mais obéit, comme si elle savait que son renvoi n’était qu’une question de temps. Son sac de sable retomba lourdement sur le sol et Minerva le récupéra, tandis que l’étudiant la raccompagnait vers un groupe de jeunes sorciers du même âge, attendant sagement devant le funiculaire.

Sans qu’elle s’en soit rendue compte, le ciel s’était assombri, et des nuages gorgés d’eau s’étaient amassés autour de la montagne. Les premières gouttes ne tardèrent pas à tomber, et Minerva entendit la directrice et le professeur crier quelques mots pour les encourager.

De temps en temps, Minerva sentait les regards s’attarder sur elle. Étant une des rares personnes de peau blanche, les autres étudiants devaient bien avoir remarqué qu’elle n’était pas une étudiante de l’école. Sans que lesdits regards soient désagréables, elle qui n’était en général pas à l’aise au centre de l’attention, essayait tant bien que mal de les ignorer. Entreposer bêtement ces sacs lui donnait l’impression de faire partie de leur groupe. Elle sentait leur dévouement dans leur volonté de protéger cette école. Mine de rien, inclure les élèves dans ce processus devait forcément créer un sentiment de communauté, de collectivité et de solidarité.

Lorsque les gouttes se mirent à tomber de plus en plus fort, la plupart des tables et chaises avaient été décalées au centre de la terrasse. Il n’y avait plus de sacs de sable à transporter, aussi, Minerva ne savait plus trop quoi faire. La directrice semblait occupée de son côté, tandis que certains étudiants tendaient la main au-dessus du vide pour sentir les gouttes de pluie.

- Tu devrais t’abriter, fit une voix derrière elle.

Elle se retourna et reconnut Saleh, un des gardiens de l’entrée. Elle le salua timidement avant de demander :

- N’es-tu pas censé surveiller l’entrée de la montagne ?

Saleh passa une main sur ses cheveux coupés à ras.

- J’ai fini mon roulement. Quelqu’un m’a remplacé. Je devais avoir un cours mais…

Il désigna le ciel.

- Cela arrive souvent ? s’enquit Minerva alors que la pluie s’intensifiait.

- Cela dépend des saisons. Aujourd’hui, ce n’est pas grand chose. Tant que l’orage ne s’invite pas, ce n’est pas très dangereux.

Derrière, la voix de la directrice ordonnait aux élèves de se réfugier dans la montagne. Elle arriva au niveau de Minerva.

- Ah, te voilà. Saleh, parfait, peux-tu emmener Minerva aux étages inférieurs avec les autres s’il te plaît ? Je dois vérifier les autres niveaux et voir si les protections des dortoirs ont tenu.

Saleh acquiesça et fit signe à Minerva de le suivre.

- Je croyais que les étages du dessous étaient aussi sujets aux inondations ?

- L’espace dans la montagne y est plus profond, expliqua Saleh. Ici, on ne peut pas abriter tous les élèves, alors on se répartit entre les étages un, deux et quatre.

Il la dirigea vers l’unique chemin qui semblait mener plus bas, une file d’étudiants s’y rendant déjà. Elle sentait que l’air s’était humidifié avec la pluie et son front se couvrit d’une fine pellicule de sueur.

- Où vont les plus jeunes dans ce genre de situation ? demanda Minerva en remarquant que tous les étudiants de l’âge de la petite Rosa étaient absents.

- Les élèves en dessous de treize ans ont interdiction de sortir lors d’opérations comme celle-ci. Ils sont envoyés dans les dortoirs, où des protections sont mises en place. Certains élèves sont chargés de les rassembler, de les accompagner et de les surveiller là-haut.

- Pourquoi treize ans ?

Il agita la main.

- Leur magie est encore trop instable pour être efficace. Ils pourraient nous noyer, plaisanta-t-il.

Minerva sortit sa baguette et l’observa.

- J’ai remarqué que vous n’utilisiez pas de baguette. Comment vous faites ? Chez nous, la magie sans baguette est une prouesse.

Saleh sembla être interloqué.

- Aucune idée. Ce n’est qu’un réceptacle, non ? Nous apprenons à maîtriser la magie directement avec nos mains, donc j’imagine que ce n’est qu’une question d’habitude.

Ils s’étaient arrêtés au deuxième étage, lui aussi composé d’une partie en intérieur et d’une autre en extérieur, comme une immense esplanade en terrasse. Juste en dessous, Minerva pouvait apercevoir l’étage inférieur avec sa terrasse plus étendue où se trouvait un espace (étrangement) gazonné mais vide.

L’étage où elle se trouvait était clairement un espace de loisir. Pour le moment, les poufs, les hamacs et les tables de picnic avaient été déplacés à l’abri, créant un joyeux bazar de monticule de mobilier sur lequel quelques étudiants s’étaient installés. La zone couverte paraissait particulièrement grande, car plusieurs tunnels s’enfonçaient dans le flanc de la montagne semblant mener vers d’autres pièces.

- Ce sont les étages préférés des étudiants, expliqua Saleh qui venait de s’improviser un rôle de guide de l’école. Ici, c’est principalement de la détente. Il y a une bibliothèque tout de même pour les recherches, mais on l’utilise très peu pour cela, car nous avons surtout des évaluations de pratique. Il me semble que chez vous, vous avez beaucoup de théorie ?

Minerva se demanda comment il savait cela, mais elle acquiesça.

- Le reste, je te laisserai explorer par toi-même, mais tu trouveras une salle de méditation, de repos, de prières. Si l’envie te prend de boire un thé ou un café sur la terrasse, des vendeurs des villages des alentours viennent de temps en temps à l’école avec leur stand. Le premier étage accueille le sport, dont le Quidditch, dont vous êtes très friands chez vous.

- Comment tu connais tout cela ? demanda-t-elle finalement.

Elle, ne savait rien de l’Ouganda, ni même de l’Afrique, et elle se sentait honteuse.

- Mon père travaille au ministère de la Magie ougandais, au service international, expliqua-t-il simplement.

Minerva regarda autour d’elle et fut surprise de constater que les élèves se mélangeaient assez facilement entre eux, que ce soit filles et garçons, ou même entre différents âges. Pour certains, il était clair qu’il y avait quelques années d’écarts entre chaque membre d’un groupe. Quelques-uns semblaient particulièrement âgés.

- A quel âge vous entrez et sortez de l’école ? s’enquit-elle alors qu’elle regardait une fille clairement plus âgée que Minerva.

Saleh suivit son regard.

- Cela dépend. Il n’y a pas vraiment d’âge de fin de scolarité, n’importe qui peut venir apprendre la magie, mais en général, les plus âgés ont la vingtaine, peut-être 25 ans ? Quant aux plus jeunes, l’âge légal d’entrée est à 10 ans, pas avant. Mais chacun est libre d’entrer à l’école quand il le souhaite. Avant, on avait cinq ans d’études mais avec la colonisation britannique, l’école a été influencée et a augmenté ses années à sept, comme en Angleterre. Au bout de ces sept années, on est autorisés à rester jusqu’à trois années de plus, mais c’est surtout pour assister l’école dans les tâches de sécurité, parfois d’enseignement. Travailler en échange du logis et des repas. De ce que j’ai compris en discutant avec la directrice, c’est dans ce genre de programme que tu as été placée. Maintenant que tu as achevé tes sept années d’études, tu vas pouvoir assister des enseignants tout en étant logée et nourrie.

- Tu sembles proche de la directrice, remarqua-t-elle.

Elle avait noté qu’il avait l’air plus au courant du système de l’école, plus familier avec Tumusiime. Saleh haussa les épaules.

- J’ai aussi étudié pendant sept années et j’en suis à ma troisième et dernière année de volontariat. Tumusiime me connaît bien, elle est comme une tante pour moi.

- Et tu enseignes ?

- Pas du tout, répondit-il. J’assure la sécurité à l’école. Sur mes dernières années d’études, j’ai commencé à être un des gardiens à l’entrée. J’ai décidé de continuer mais à temps plein sur ma première année de volontariat car l’école manquait d’étudiant qui pouvaient allier études et ce genre d’activités. Maintenant, je travaille aussi avec la directrice sur l’administration.

Le système de Uagadou était encore plus différent de ce qu’elle avait imaginé. A Poudlard, des personnes étaient embauchées pour faire ce genre de travail. Si les étudiants devaient se focaliser sur des activités extra-scolaires mais aussi des travaux d’intérêts généraux, comment pouvaient-ils pleinement étudier ?

- Je sais à quoi tu penses, mais nous ne sommes pas si débordés que cela. Nous n’avons que très peu de cours à Uagadou. Ces missions ne sont pas obligatoires, la majorité n'en fait pas. Mais elles nous permettent d’avoir de l’expérience professionnelle.

Minerva s’apprêtait à lui expliquer que l’expérience professionnelle, ils pouvaient l’acquérir durant leur premier emploi, avant de se rappeler qu’elle avait eu de grandes difficultés à s’adapter au Ministère justement à cause de ce manque d’expérience. Qu’elle avait eu le sentiment d’être perdue, pas à la hauteur, peu professionnelle. Et finalement, elle profitait actuellement de ce système apparemment.

La pluie tombait drue dehors, tellement que Minerva peinait à distinguer les contours des rares arbres du désert. La situation paraissait habituelle pour les étudiants qui riaient entre eux, jouaient à un jeu de cartes… Ils paraissaient tout bêtement attendre que la pluie se calme pour remettre tout en ordre et vaquer à leurs occupations. Mais certains, déjà, quittaient les lieux.

- Ça va être l’heure du repas. Je pense que la directrice va vouloir te présenter. Quand la pluie ne se calme pas au bout de trente minutes de forte intensité, il nous est demandé de retourner à nos activités. En général, ceux n’ayant rien de prévu se portent volontaire pour surveiller l’évolution de la météo mais comme c’est le dîner… tu comprends bien que personne ne veut rester là le ventre vide !

Il lui fit signe de le suivre pour remonter là où ils étaient précédemment. Minerva ne dit rien mais elle ne se souvenait pas avoir vu d’endroit abrité pour dîner, seulement la terrasse en extérieur qui justement, avait été évacuée à cause de la pluie. Mais Saleh semblait savoir où il se rendait car au lieu de retourner au même endroit, il longea la grotte jusqu’à une petite entrée dissimulée sous des feuillages et lianes devant laquelle une file d’étudiants patientait déjà.

- C’est notre salle de secours, plaisanta Saleh en plissant ses yeux sombres en amande. En général, on mange tout le temps dehors, sauf en cas de météo comme celle d’aujourd'hui.

Le tunnel qu’ils empruntèrent était profond, sombre et étriqué. Pas étonnant que certains étudiants soient partis plus tôt de la terrasse, l’attente devait être interminable en heure de pointe. Quand Minerva eut l’impression qu’elle allait étouffer entre les pierres humides,le tunnel s’ouvrit enfin sur une immense salle circulaire aux murs lisses, comme s’ils avaient été polis par l’eau d’une cascade. Des feux magiques étaient suspendus dans des globes tout autour de la salle ainsi que sur les tables rondes. Tout était en bois, et les chaises étaient en fait des morceaux de troncs d’arbres découpés.

Si l’école avait jusqu’à lors démontré un esprit de collectivité et de proximité entre étudiants et professeurs, la table de ces derniers était tout de même détachée du reste, rectangulaire et légèrement en hauteur. Une deuxième, plus petite, se tenait à côté. Enfin, au fond, était dressée une immense table qui longeait le mur et offrait un buffet aux plats infinis. Minerva y remarquait des drapeaux qu’elle ne connaissait pas au dessus de la nourriture et des boissons.

- Vous vous servez vous-même ? demanda-t-elle à Saleh tandis que les étudiants s’installaient dans un brouhaha.

Saleh acquiesça.

- Avant, la nourriture apparaissait directement sur les tables, mais au fur et à mesure que de plus en plus d’étudiants de tous les pays d’Afrique venaient, chacun voulait de la nourriture de leur pays ou d’un autre, et cela créait un bazar pas possible quand les étudiants se déplaçaient entre les tables pour piquer la nourriture des autres. Maintenant, on se débrouille avec ce buffet, et tout le monde est satisfait.

Intriguée, Minerva demanda également :

- Et comment vous asseyez-vous ? Par Maison, pas âge …?

Elle remarquait que les tables ne pouvaient accueillir qu’un maximum de six étudiants. Cela parut rendre Saleh encore plus interloqué.

- Des Maisons ? Non, on s'assoit comme on le souhaite. Nous les volontaires, on dispose de notre propre table près des professeurs.

Il lui attrapa gentiment le bras pour la guider.

- Dis, c’est quoi une maison dans votre école ?

Elle lui expliqua que Poudlard était séparé entre quatre Maisons, représentant chacune des états d’esprit, des personnalités.

- Cela nous permet de nous rassembler, de créer un sens communautaire. Des tensions, aussi, admit-elle en pensant à la rivalité Gryffondor-Serpentard.

Saleh hocha la tête, songeur mais peu convaincu.

- Je comprends l’intérêt.

- Mais ? devina Minerva en tirant sa chaise alors que Tumusiime apparaissait dans l’entrée de la salle.

La directrice les vit et se dirigea d’un pas nonchalant vers eux. Saleh sembla réfléchir.

- Je ne sais pas… L’idée me semble étrangement non applicable chez nous. Ah, Madame Tumusiime, vous voilà.

Tumusiime les salua.

- Tout est sécurisé aux étages, merci pour votre travail.

- Madame Tumusiime, vous saviez qu’ils avaient un système de maisons en Angleterre ?

- Bien sûr. Un système avec ses points forts et faibles, n’est-ce pas ? Ici, ce serait même un système dangereux.

- Justement, pourquoi ? demanda Saleh et Minerva eut l’impression que la discussion tournait à un cours privatif.

Tumusiime leur enjoignit de s’asseoir.

- Il y aurait beaucoup de choses à dire, mais pour plus de simplicité je dirais ceci : notre continent est déjà bien assez divers, avec bien assez de tensions entre Humains et même sorciers. Des tensions politiques, financières, sociales… L’existence même de cette école, avec autant d’ethnies et de nationalités si différentes, est un exploit. Nous n’avons pas besoin de Maisons. Elles ne créeraient aucun sens communautaire et exacerberaient les divisions. C’est un sujet intéressant et complexe, mais pour ce soir, mieux vaut aller vous chercher à manger.

Saleh hocha la tête.

- Merci Madame Tumusiime.

Minerva songea aux paroles de la directrice. Depuis son arrivée, le moindre détail, le système entier insistait sur la coopération et le solidarité : pour grimper à l’entrée de l’école, pour sécuriser l’entrée de l’école, le volontariat, le rapport à la Nature, accepter ses dangers et vivre avec en harmonie, le buffet aux multiples nationalités, les tables autour desquelles s’installaient les amis et non pas des Maisons… Savoir que les autres élèves seraient toujours un soutien devait sûrement représenter une charge mentale en moins.

Elle rejoignit à petits pas hésitants Saleh, en pleine réflexion sur son dîner. Minerva observa le buffet qui s’étalait devant elle. Elle ne reconnaissait rien, excepté le riz et quelques légumes. Elle sentait des effluves de citron, de cacahuètes d’elle ne savait quel plat, apercevait probablement de la banane flambée, de la viande séchée, marinée, grillée, recouvertes de sauce ou d’épices, des ragoûts… Séparément, elle reconnaissait des ingrédients, mais jamais elle n’aurait pensé faire de tels mélanges. Après tout, elle n’était pas non plus grande cuisinière et la plupart des légumes et fruits présents n’avait jamais constitué son régime personnel. Elle n’avait jamais vu autant de bananes rassemblées au même endroit. La dernière fois qu’elle en avait mangé, c’était à Poudlard, mais en dehors de l’école, il était plus difficile d'en trouver et surtout, c’était bien trop cher.

Elle se décida avec précaution sur un ragoût de viandes et de légumes mijotés qui dégageait des odeurs prometteuses (et non épicées, contrairement à d’autres).

- Prends du riz avec, suggéra Saleh. Avec ton plat de Harira, c’est délicieux.

Minerva décida de suivre son conseil et de retourner à sa table. Assise plus loin avec d’autres étudiants, Hoda l’observait avec un sourire en coin. Minerva ne savait que trop penser d’elle. Même si elle était digne de confiance selon Saleh et la directrice, elle ressentait une sorte de gêne en sa présence. Sans que cela soit malsain, elle avait une forme de malaise.

La salle s’était bien remplie et le brouhaha des discussions résonnait dans la grotte. Tous les professeurs avaient rejoint la directrice autour de la table rectangulaire et celle de Saleh et Minerva était désormais composée de trois autres volontaires qui regardaient la nouvelle arrivante avec des yeux curieux. Après un silence, Minerva les salua et se présenta.

- C’est toi qui sera avec le Professeur Sékou ? demanda une des volontaires.

- Heu, peut-être, répondit Minerva sans savoir qui était le professeur en question.

La fille désigna un homme à la table des professeurs et Minerva reconnut celui qui supervisait l’étage qu’elle avait aidé à protéger. La volontaire se présenta comme étant Inaya, elle veillait à la préservation de la faune et flore de l’école avec le professeur de biodiversité, l’équivalent de la botanique de Poudlard.

Tumusiime finit par se lever et Minerva sentit que le moment de sa présentation arrivait. Son cœur fit un bond dans sa poitrine alors qu’elle tentait d’essuyer ses mains moites sur son pantalon.

- Je vous demanderai de bien attendre que la pluie s’arrête avant de remettre le mobilier en place. Comme d’habitude, les élèves de moins de treize ans sont priés de ne pas participer.

Tumusiime jeta un coup d'œil à Minerva, lui faisant signe de se lever. Le tabouret émit un raclement dans le silence de la grotte et tous les regards convergent vers elle.

- Comme je vous l’avais annoncé, une sorcière écossaise, diplômée de l’école de Poudlard va séjourner chez nous quelques temps en tant que volontaire enseignante de métamorphose. Je vous demanderai de lui réserver un accueil chaleureux.

Les étudiants applaudirent poliment, semblant jauger Minerva du regard. Celle-ci remarqua que les rares étudiants de peau blanche étaient en majorité rassemblés entre eux, et sans savoir pourquoi, elle en ressentit un malaise. Elle demanderait à Saleh des détails, songea-t-elle en se rasseyant.

Une main se posa sur son coude, et Minerva se retourna pour voir le professeur Sékou penché dans sa direction. Elle se leva, le salua.

- Je serai ton tuteur, annonça-t-il. Demain matin, viens devant mon bureau, nous verrons ensemble les missions que je vais t’assigner.

Il repartit sans un mot de plus et Minerva se rassit, sans trop savoir quoi penser. Saleh la rassura après avoir une bouché de poulet :

- Professeur Sékou n’a pas l’air comme ça, mais c’est un enseignant attentionné. Il ne le montre pas trop, mais il ferait tout pour ses élèves. Il n’est pas si sévère que ce que les étudiants disent, il souhaite juste nous voir réussir. Tu verras, tu es entre de bonnes mains.

Saleh ajouta enfin qu’il lui expliquerait comment se rendre au bureau du professeur Sékou le lendemain et Minerva lui fit reconnaissante. Elle avait l’impression de vivre une deuxième première rentrée scolaire. Comme lors de son premier jour à Poudlard, elle allait devoir apprendre un nouveau système de vie, rencontrer de nouvelles personnes, se perdre dans le labyrinthe de couloirs, espérer ne pas arriver en retard aux cours… Mais cette fois-ci, au-delà de la peur, elle ressentait une fibre d’excitation qu’elle n’avait pas ressentie depuis un moment. Elle avait hâte d’être à demain, hâte de se familiariser avec ce nouvel environnement, d’apprendre aux côtés de professeurs collègues.

Pour la première fois depuis trop longtemps, elle allait se coucher en espérant que le temps passe plus vite, en espérant être immédiatement à demain.
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Re: Minerva McGonagall [Harry Potter]

Message par PtiteCitrouille »

Bonjour ! (Je continue de poster ici au cas où il y a des lecteurs fantômes, mais sachez que cette histoire est également disponible sur Wattpad)

Chapitre 72 : En blanc ou noir


Tout comme les tables des volontaires avaient été différenciées des autres, les dortoirs l’étaient également. S’ils disposaient d’une salle commune, chacun des volontaires avait droit à une chambre privée, certes petite et frugale, mais qui avait le mérite d’être présente. Minerva n’avait pas eu accès aux dortoirs, mais elle avait entendu que chacun était séparé en fonction de leur tranche d’âge. Tous les dortoirs étaient rassemblés au cinquième étage, ce qui était encore une nouveauté pour Minerva, qui s’était habituée aux quatre dortoirs dispatchés à travers les étages. S’il y avait bien un aspect négatif au rassemblement des élèves comme ainsi à Uagadou, c’était les bouchons. Heureusement que les étudiants paraissaient patients et bien disciplinés. Minerva parvenait juste à faire preuve de compréhension : il devait être difficile de construire une école dans une montagne. Les six alcôves suffisaient pour l’instant à contenir tout le monde mais elle ne voyait pas de place supplémentaire. Pour une fois peut-être, devront-ils utiliser la magie pour agrandir magiquement l’espace, au lieu de tout laisser à la Nature. Elle qui avait étudié dans un château sensiblement bien lumineux avec du moins de grands espaces verts, l’aspect montagneux et caverneux de Uagadou la laissait avec une impression d’étouffement par moments.

Sa chambre avait la forme circulaire d’une grotte : le mobilier était constitué d’un lit aux draps crème, d’une bureau et d’une penderie. Simple, mais efficace. Elle n’y ferait que dormir de toute façon. Et elle était d’ailleurs si épuisée qu’elle prit à peine le temps de prendre une douche avant de s’effondrer dans son lit. Le soleil, le monde, la chaleur, l’humidité, la pression et ce tourbillon de nouveauté avaient été durs sur son corps et esprit, et s’allonger lui fit le plus grand bien avant qu’elle ne disparaisse dans les limbes du sommeil.

Sentiment très étrange mais au réveil, même sans fenêtre, elle sentit que c’était le matin. Peut-être grâce aux remous des étudiants à l’extérieur qui se préparaient doucement pour leurs cours. L’espace à l’extérieur des chambres était vaste mais divisé en plusieurs sections, chacune séparée par des plantes, en pots, grimpantes, suspendues… Des tables de travail étaient disposées au fond, au calme et à l’abri des distractions extérieures, coupées du regard des autres par des lianes tombantes qui formaient un rideau de verdure. Le reste constituait en un espace repos, combiné par une zone de jeux bien plus bruyante que partout ailleurs. Les étudiants semblaient avoir le droit de grignoter dans la salle commune, mais Minerva ne trouva que de l’eau et quelques biscuits secs. Les chargés de ménage devaient avoir trop peur de retrouver du couscous sur les canapés.

Saleh apparut, semblant venir de l’extérieur. Minerva le salua.

- Tu as déjà déjeuné ?

Saleh secoua la tête.

- Pas encore. Je suis allé voir le lever de soleil. Je t’y emmènerai un jour, cela vaut le coup.

De la façon dont il en parlait, il paraissait régulièrement sortir à l’aube avant tout le monde. Pour l’instant, il lui montrait une face de lui posée, solitaire et très apaisée. Il n’avait pas l’air d’avoir beaucoup d’amis proches, son statut de volontaire devant probablement mettre une distance avec les élèves, mais semblait s’entendre avec tout le monde. Avec ses années à l’école, il devait connaître tous les recoins, tous les endroits secrets, calmes, à l’écart des gens. Sa proximité avec les enseignants et la directrice, maintenant qu’il avait dépassé le statut de simple élève, devait faire de Uagadou sa deuxième maison, habitée par sa deuxième famille.

Le soleil s’était levé, et le petit déjeuner avait donc été installé dehors sur la terrasse en extérieur. Soulagée de ne pas à nouveau emprunter le boyau sombre qui menait à la salle circulaire de la veille, Minerva posa un pied joyeux sur les dalles de marbre entrecoupées d’herbes grasses qui tentaient de pousser entre les rainures. Les toiles blanches avaient été installées au-dessus des tables en bois, et voguaient dans le vent telles d’immenses voiles de bâteau. La bise était fraîche mais bienvenue sous le soleil et le ciel bleu. Les voix et rires des élèves s’envolaient dans l’air, pour cette fois libre de la caverne dans laquelle ils avaient été enfermés lors du dîner.

A nouveau au petit déjeuner, il y en avait pour tous les goûts, ou peut-être, pour tous les pays. Des beignets et pains sucrés aux purées de fève et pois cassés en passant par des biscuits aux effluves de miel et d’agrumes, Minerva ne savait que choisir. Elle était tentée de se diriger vers ce qu’elle connaissait plus ou moins dans leur forme, à savoir les beignets, mais d’autres mets l’intriguaient. Elle resta là les bras ballants, observant chaque étudiant choisir parmi l’immense choix qui leur était offert. Beaucoup d’élèves parmi les plus jeunes faisaient la queue devant une immense marmite remplie d’une bouillie de blé.

- Du kinche, lui apprit Saleh. Du blé, de l’eau et du beurre : facile, nutritif et peu cher. Avant d’arriver ici, beaucoup d’enfants mangeaient de cela le matin, c’était pratique pour les parents. Le kinche, cela leur rappelle leur maison.

Il lui désigna de la purée de fèves accompagnée de deux boules blanchâtres compactes.

- De la semoule de maïs. N’en prends pas trop, c’est très bourratif, mais délicieux. Cela vient d’Ouganda.

A vue d'œil, seuls les épinards sur le côté pouvaient lui indiquer que c’était un plat salé. Pour l’instant, le sucré dès le matin lui retournait l’estomac alors elle décida de suivre le conseil de son nouvel ami.

- Ta famille ne te manque pas ? s’enquit-elle alors qu’elle s’asseyait sur leur table de volontaires.

Saleh sembla réfléchir longuement.

- Un peu, parce que c’est ma famille j’imagine qu’elle doit me manquer.

Il surprit le regard troublé de Minerva et sourit.

- Pardon si cela te choque. J’ai juste passé très peu de temps avec mes parents. Mon père passait ses journées et soirées au travail, je ne le voyais jamais. Ma mère, elle, a préféré embaucher une nourrice, prétextant qu’elle ne parviendrait pas à s’occuper de son enfant seule.

- Ton père ne disait rien ?

Saleh haussa les épaules.

- Encore une fois, il n’était jamais là, que pouvait-il réellement voir ? Et je pense qu’il y avait certaines… connivences entre eux. Chacun menait sa vie sans embêter l’autre, et cela convenait à tout le monde.

Mais pas au seul enfant innocent de la famille, songea Minerva de manière désabusée. Saleh ne paraissait pas si affecté que cela.

- C’est courant, tu sais. Parfois, les parents n’ont juste pas le temps, ils travaillent dur… Pas ma mère, certes, mais ma nourrice a rempli un joli rôle dans ma vie.

Il prit quelques cuillerées de son porridge, songeur.

- Tant que l’on travaille dur, nos parents ne nous embêtent pas trop. Travailler dur, c’est s’assurer un emploi par la suite. Mon père aurait préféré que je sois un volontaire dans l’enseignement, comme ce que tu fais en ce moment. Être professeur, c’est plus prestigieux qu’être un “chien de garde” comme il dit. Littéralement d’ailleurs, puisque je suis Animagus hyène, ajouta-t-il les yeux pétillant d’un humour sarcastique.

Minerva ne sut sur le moment si elle devait en pouffer ou en être catastrophée. Elle opta pour un plongeon de sa cuillère dans sa semoule de riz afin de s’éviter le tracas de répondre.

Lorsqu’ils eurent fini leur petit déjeuner, Saleh insista pour l’accompagner jusqu’au bureau du professeur Sékou. Minerva aurait fini par trouver toute seule car les salles de classe et bureaux d’enseignants se trouvaient toutes au même étage, mais elle appréciait l’aide constante apportée par Saleh. Il la salua, se rendant apparemment à une session de méditation avant de prendre son tour de garde à l’entrée de l’école.

Le professeur Sékou avait laissé sa porte entrouverte. C’est lui qui vint l’accueillir lorsqu’elle frappa au battant.

- Ah, Minerva, bienvenue. Entre, je t’attendais.

Il s’effaça pour la laisser passer et Minerva entra d’un petit pas. Sékou en imposait un peu : il était grand, bien bâti, et ses yeux noir profond semblaient sonder son esprit entier. Avec ses cheveux tressés noués en une courte queue de cheval qui faisait ressortir ses pommettes hautes, elle l’aurait trouvé séduisant si elle avait eu une bonne dizaine d’années de plus. Ses lèvres charnues ne semblant sourire que très rarement, elle le trouvait intimidant.

Le bureau de Sékou était aussi de forme circulaire, comme beaucoup de salles dans cette école. Il avait la chance d’avoir une grande ouverture sur l’extérieur mais contrairement à la directrice qui avait fait le choix de la végétation, Sékou avait opté pour une grande vitre encerclée d’un fin métal argenté et à la poignée délicatement ouvragée. Il avait également préféré décorer à l’aide de fleurs séchées, parsemées un peu partout à des endroits parfois improbables, comme en équilibre sur une pile de copies, ou s’en servant comme d’un cale livres, ou de marque-page. Ce qui l’étonnait le plus, était la bibliothèque, elle aussi circulaire, qui trônait au centre de la pièce, comme un rond-point de pages griffonnées. La salle toute entière convergeait autour de ce centre de connaissances, tandis que le bureau et divers autres rangements avaient été relégués sur les côtés, le bureau profitant tout de même de la luminosité de la baie vitrée.

Sékou la conduit à son bureau et lui offrit un thé vert fumant sans un mot. Il resta silencieux pendant quelques secondes avant de demander :

- Comment t’adaptes-tu à Uagadou pour le moment ?

- C’est bien différent, mais je m’y ferai. Saleh m’aide beaucoup.

Sékou hocha la tête.

- Saleh est un de nos étudiants les plus prometteurs et les plus fiables. Deux qualités que nous tenons en haute estime dans cette école.

- Il sera resté longtemps à Uagadou, observa Minerva. C’est courant, des étudiants qui prolongent autant leurs études dans le volontariat ?

Sékou secoua la tête.

- Il arrive de temps en temps d’avoir des volontaires, selon les années il y en a beaucoup, parfois pas du tout. Mais rarement nous gardons nos volontaires pour trois ans. Souvent, les anciens étudiants font une année de volontariat pour se donner des compétences pratiques dans un domaine avant de postuler dans un emploi du secteur privé, ou alors ils prennent cette année en plus pour réfléchir à leur projet. Saleh… est un cas particulier qui te demandera d’être plus proche de lui pour connaître son histoire.

Minerva se demanda si cela avait un lien avec l’absentéisme de sa famille. Elle doutait de parvenir à imaginer à quel point leur enfance avait dû être bien différente.

- Et toi, que fais-tu ici ? La directrice a déjà dû te le dire, mais il n’est pas courant que l’Empire vienne aux colonies.

Elle ne perçut pas d’animosité dans sa voix mais elle ne put s’empêcher de signaler :

- Je suis écossaise, l’Ecosse, c’est une certaine forme de colonie un peu, non ?

Sékou ne réagit pas pendant un moment avant de former un sourire amusé.

- Les points de vue divergent sur le sujet, je crois ? L’Histoire est une chose bien délicate à manipuler.

Minerva rougit alors qu’il attendait toujours la réponse à sa question. Pourquoi était-elle là ? Tumusiime en avait déjà été curieuse, et elle trouvait intriguant que l’école l’ait accueilli par simple curiosité, sans avoir cherché à connaître ses motivations.

- J’imagine que je rentre dans votre deuxième case de volontaires. J’ai travaillé un an et demi au Ministère de la Magie britannique, et ça ne s’est pas très bien passé.

Pas du tout, même.

- Je pensais avoir trouvé ma voie après mes études dans un lieu et département prestigieux, mais…

- Quel département du Ministère ?

- La Justice, répondit-elle et Sékou fit un léger “ah” qui sembla tout expliquer. C’est un département reconnu et estimé, fit-elle sans trop savoir si elle défendait ses choix du passé, son ancien lieu de travail ou encore les personnes qui y travaillaient encore et qu’elle appréciait. Mais ce n’était pas fait pour moi, alors je suis retournée à ce que j’aimais, la métamorphose. Une amie est venue ici dans le cadre de son travail dans le secteur du Quidditch, et elle m’a parlé de vos méthodes d’enseignement, des étudiants Animagus ici… J’ai été très curieuse et je me suis dit que j’avais besoin de changement, de renouveau et peut-être de lâcher prise et de respirer loin des évènements qui m’avaient étouffée pendant longtemps. Reprendre le contrôle de ma vie, un peu ?

Un nouveau “ah” de la part de Sékou, plus long, plus songeur.

- Reprendre le contrôle de sa vie ? Ce n’est pas quelque chose que nous connaissons ici.

- Comment ça ?

Sékou s’adossa à sa chaise, croisa ses jambes.

- Tu l’entendras souvent de la part de la directrice qui aime bien dire cela : la vie est une soupe, et tu es une fourchette.

Minerva ouvrit la bouche, la referma.

- Pardon ?

Venant de la part de Dumbledore, elle aurait probablement hoché la tête, soupiré intérieurement attendant l’explication de génie qui viendrait derrière. D’un mentor à un autre, elle imagina qu’elle devait se résigner à accepter des mottos de ce genre.

- La vie est une soupe et tu es une fourchette, répéta Sékou et il sembla rire de ses yeux devant l’incompréhension de sa volontaire. En court, ta vie ne peut pas être contrôlée. Il faut apprendre à s’adapter à ce qu’elle nous offre, à en récupérer le meilleur, mais en aucun cas tu ne pourras la façonner. Ton but, c’est réussir à t’adapter et à rebondir sur les opportunités et aléas que la vie t’offre.

- En résumé, être passif ? fit Minerva d’un ton qu’elle trouva une pointe ironique.

Son esprit cartésien avait du mal à saisir les aspects positifs de cette manière de penser. Sékou pencha la tête sur le côté.

- C’est drôle, pour une Animagus passionnée de métamorphose, je sens que tu as encore du mal à t’adapter, à rendre tes pensées malléables. Non, pas passif. Les choix et décisions que tu fais face aux évènements construisent ta vie, ce n’est pas ce que j’appelle passif. Mais nous nous éloignons du sujet, s’exclama-t-il en décroisant ses jambes.

Il était vrai qu’elle venait initialement pour prendre connaissance de ses prochaines missions. Elle apprendrait les leçons de vie au fur et à mesure de son volontariat.

- Nous verrons comment tu te débrouilles et je t’assignerai des tâches plus diverses et à plus de responsabilités plus tard. Pour l’instant, j’aimerais que tu observes mes classes. Nos enseignements sont très différents de ceux de Poudlard, nos étudiants aussi, certaines classes requièrent plus de travail.

- Les dernières années ? s’enquit Minerva en se doutant que le niveau y était bien plus complexe.

A sa grande surprise, Sékou secoua la tête, l’air navré.

- Oh non, les deux premières années sont les pires. C’est durant ces deux années que nous enseignons aux élèves à devenir Animagus. Leur magie est encore incontrôlable, être Animagus demande une grande concentration que des enfants de 10 ans n’ont pas pour longtemps dans une salle de classe. On leur demande en même temps une grande maturité afin qu’il sache gérer leur processus de transformation, surveiller leurs potions… une simple erreur peut leur donner presque une année de retard sur leurs camarades, à cause des échéances à respecter. Et cela, ce n’est que pour la partie académique, on doit aussi maîtriser leur comportement. Quand certains réussissent la transformation avant d’autres, ils n’hésitent pas à s’amuser en classe et à prendre leur forme animale. Je ne te raconte pas le bazar.

Minerva papillonna des yeux. Allait-elle avoir de la patience pour cela ? Rien qu’à l’écouter, elle se sentait épuisée.

- C’est pour cela que dans un premier temps, tu observeras mes méthodes. Ensuite un jour, je te confierai un groupe de classe, probablement des troisième ou quatrième années. Ils sont plus contrôlables.

Minerva acquiesça vivement. Oui par Morgane, plus tard. Rien qu’à l’idée d’avoir ces élèves l’observer de derrière son bureau la terrifiait. Sékou sembla le remarquer car il offrit un sourire indulgent.

- Ne t’en fais pas, je ne t’y enverrai pas tant que je ne te sentirai pas prête. C’est normal d’avoir peur au début.

Il fit une pause puis se pencha un peu en avant :

- À dire vrai, les enfants sont parfois terrifiants.

Cela fit rire Minerva, qui se détendit en un instant. Elle voyait désormais pourquoi Saleh lui avait assurée de ne pas s’inquiéter sur Sékou. Son air impassible en extérieur cachait finalement un enseignant compréhensif et attentif.

Il jeta un coup d'œil à sa montre et se leva.

- Il va être temps d’y aller, suis-moi. Notre école n’étant pas bien grande, le nombre de salles de classe est limité et se sont les élèves qui se rendent dans la salle du professeur.

La logique se tenait, étant donné que les cours se déroulaient qu’à un seul étage. Et Minerva avait déjà remarqué qu’il n’y avait pas tant d’étudiants que cela, ce qui était très étonnant pour une école qui accueillait les enfants de tout un continent. Elle avait imaginé une usine éducative alors que de ce qu’elle voyait, elle découvrait plutôt une grande famille. C’était apaisant de ne pas les voir se déchirer entre Maisons.

La salle de classe était juste quelques mètres plus loin et déjà une file d’étudiants attendait devant la porte. Minerva nota, pour la seconde fois, un groupe d’étudiants blancs comme elle se tenant un peu à l’écart, en pleine discussion. Elle se demanda s’ils faisaient partie de sa classe ou pas.

Sékou salua ses élèves et leur indiqua de rentrer dans la pièce circulaire et surtout, très haute et dégagée de toute décoration. Les étudiants blancs suivirent et partirent s’installer sur un côté de la salle sans que personne ne bronche. Mais quand Minerva prit place aux côtés de Sékou derrière le bureau, la séparation était bien nette. Sékou sembla l’avoir remarqué car ses yeux avaient pris une pointe d’agacement et de déception mêlée avant qu’il ne croise ses mains dans le dos et s’adresser à toute la classe.

- Bonjour à tous. Aujourd’hui représente le premier jour de Minerva McGonagall en tant que volontaire dans cette école. Nous avons tous à apprendre l’un de l’autre alors j’espère que vous lui réserverez le meilleur des accueil et faire honneur à Uagadou.

Les élèves émirent des approbations sans conviction, déjà fatigués de leur début de semaine. Bizarrement, Minerva avait un aperçu ironique de ce que ses anciens professeurs ressentaient lorsqu’elle et ses propres camarades soupiraient à l’idée de se rendre en cours.

La classe devant elle étaient des sixièmes années. Ils n’étaient pas bien nombreux, une vingtaine tout au plus. Peut-être y avait-il une deuxième classe ? Elle avait intériorisé que l’école privilégiait la pratique plus que la théorie, il ne serait donc pas étonnant qu’ils aient séparé les élèves en plusieurs groupes. Ils ne pouvaient décemment pas être si peu à ce niveau…

Sékou se tourna vers Minerva.

- À ce stade, les élèves maîtrisent leur forme d’Animagus, qui fait désormais partie intégrante de leur vie. Le processus de transformation en Animagus est un pré-requis chez nous. c’est un des rares fait magiques dont on demande une maîtrise complète pour passer en cinquième année, donc il est étudié massivement les deux premières années. Les deux années suivantes, on y ajoute de la Métamorphose dite classique, en parallèle de l’Animagus pour les retardataires. Mais il est conseillé de savoir se transformer avant la troisième année, sinon les élèves se retrouvent submergés par le travail.

Il reprit la parole face aux élèves. Aujourd’hui, ils poursuivraient leur cours de la fois précédente qui consistait à changer un aspect physique de son voisin de classe. Minerva déglutit avec difficulté. À Poudlard, c’était du niveau de dernière année et une magie plus que délicate. Elle se souvenait lorsqu’elle en était arrivée à ce stade d’apprentissage d’avoir ressenti à la fois de l’excitation et une peur certaine. L’erreur était facile et rapide et les résultats parfois terrifiants. Parmi les élèves devant elle, elle en voyait qui ne devaient pas avoir plus de quinze ans. À l’inverse, certains semblaient plus âgés qu’elle.

Les étudiants sortirent leur baguette tandis que Sékou commençait ses rondes autour de chacun, rectifiant des postures, des gestes, observant attentivement les résultats. Pendant un instant, Minerva crut que tout le monde allait réussir leur transformation, mais elle fut rassurée -pour son ego- de voir la majorité échouer.

- C’est normal, rassura Sékou en voyant certains râler de frustration. Accrochez-vous, persévérez. Faites des erreurs sans détruire le visage de votre camarade bien entendu, mais pratiquez. Rappelez-vous, vous ne vous entraînerez sur ce genre de sortilège qu’en classe. Le premier que je surprends en train de l’utiliser dans les couloirs ou n’importe où ailleurs dans cette école sera puni et devra aller nettoyer les eaux du Nil.

Il fit une pause, songeur et reprit à moitié-taquin.

- Quoique, le fleuve aurait bien besoin d’un petit nettoyage, s’il y a des volontaires…

Minerva fit un sourire crispé, sans trop savoir s’il plaisantait ou pas. Elle se contenta de l’observer enseigner, et de regarder les élèves. Elle avait envie de s’approcher et de les aider mais elle ne s’en sentait pas encore la légitimité. Aucun élève non plus ne se tournait vers elle en quête d’assistance et tous se reposaient sur le professeur Sékou, aussi Minerva avait la sensation de lentement disparaître du décor.

Beaucoup avaient décidé de se concentrer sur les cheveux, une partie du corps qui semblait moins craindre que le nez ou les yeux par exemple. Le plus classique était de teindre les cheveux en couleurs extravagantes, ce qui semblait les faire bien rire.

- Volontaire Minerva ?

Minerva mit un moment avant que c’était elle qu’on appelait. Elle se retourna, les mains soudainement moites et avisa la main levée en l’air d’une jeune fille qu’elle reconnut avec malaise : Hoda. Minerva s’empêcha de jeter un coup d'œil angoissé à Sékou. C’était elle la volontaire, et si elle était là, c’était pour une bonne raison. Même si, pour une quelconque raison, Hoda la déstabilisait. Minerva se fraya un chemin entre les tables et rendit un regard interrogateur à la jeune fille.

- Oui ?

- J’ai réussi le sortilège sur ma camarade, annonça-t-elle et Minerva remarqua avec surprise le joli dégradé bleuté que Hoda avait réussi à faire sur l’afro de sa voisine qui paraissait ravie. Est-ce que je peux m’entraîner sur toi ?

Minerva s’apprêtait à lui demander de la vouvoyer et ensuite de refuser dignement, mais elle s’arrêta à temps. Hoda était loin d’être stupide et s’amusait juste. Elle savait très bien qu’elle n’aurait pas le droit d’utiliser sa magie contre elle, elle souhaitait simplement s’amuser. Et Minerva savait que son sérieux et son côté sévère étaient un terrain de jeu idéal pour les personnes comme Hoda.

- Ça marche, seulement si je peux le faire sur toi alors.

Au pire du cas, Minerva parviendrait aisément à rectifier le sortilège de Hoda si jamais celle-ci décidait de lui faire pousser des oreilles d’ânes sur la tête.

Elle avait vu juste, car les yeux de l’élève pétillèrent d’intérêt alors qu’elle se redressait de sa position avachie. Elle s’apprêtait à lever sa baguette lorsqu’un cri retentit du côté des élèves de peau blanche. Minerva n’avait pas remarqué, mais il y avait bel et bien un étudiant noir parmi eux finalement C’était lui qui semblait furieux.

- Ça va pas la tête ? s’écria-t-il envers sa camarade qui riait à gorge déployée. Enlève-moi ça !

Minerva chercha sur lui une quelconque mauvaise blague, des antennes d'insectes, des nageoires de poisson ou encore des dents de lapin, mais rien.

- Allons, allons, que se passe-t-il ? intervint Sékou alors que les élèves s’arrêtaient de travailler pour observer la scène.

Plusieurs élèves semblèrent comprendre une situation qui passait bien au-dessus de la tête de Minerva, toujours aussi perdue.

- Cela te va bien, Johannes. Allez, tout le monde se reconcentre, s’il vous plaît.

Mais Johannes ne parut pas satisfait du tout. Hoda avait le menton dans la main et regardait attentivement le garçon. Son air n’avait jamais été aussi sérieux ce qui fit étrange à Minerva qui pensait qu’elle aurait été du genre à se mêler de la joute verbale qui se jouait devant elle. Johannes lui, semblait rougir de fureur ou de honte.

- Tu te crois drôle ? lança-t-il à sa camarade responsable de sa transformation. Retransforme-moi tout de suite ! Ça me dégoûte.

Cela provoqua des remous de colère parmi les élèves que Sékou fit taire immédiatement.

- Gloria, retransforme ton camarade, ordonna-t-il d’une voix soudainement devenue froide. Johannes, tu as gagné un ticket pour le Nil et tu viendras me voir dans mon bureau. Les autres, retournez à vos exercices, tout de suite.

Tous obéirent, même Hoda, bien qu’elle ait un sourcil dressé et qu’elle marmonna dans sa barbe quelque chose que Minerva ne perçut pas. Minerva attendit discrètement, curieuse, que la Gloria, désormais un peu embarrassée, n’opère le sortilège inverse.

Et à ce moment-là, Minerva réalisa qu’elle ne s’était finalement pas trompée : il n’y avait jamais eu d’étudiant noir dans le cercle des élèves à peau blanche. Johannes était d’un teint aussi clair que celui de Minerva.

Alors elle réalisa une chose : Uagadou était peut-être une sorte de grande famille, mais toute famille avait ses propres haines, jalousies, mépris. Toute famille avait un membre préféré et un rejeté, le renégat dont personne ne voulait. Sauf que cette fois-ci, Minerva n’arrivait pas à savoir qui haïssait et qui était haï : le blanc ou le noir ?
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Re: Minerva McGonagall [Harry Potter]

Message par PtiteCitrouille »

Chapitre 73 : Concilier la diversité

- Tu ne manges pas ?

Minerva leva les yeux de sa purée de fèves. Saleh semblait l’observer depuis un moment et, curieux, avait fini par briser le silence. Minerva s’arrêta de touiller avec sa fourchette et tortilla ses lèvres ne sachant trop quoi dire. Son premier cours avec Sékou s’était achevé en silence, et même Hoda n’avait pas cherché à la taquiner. Elle était donc retournée à son rôle d’observatrice au milieu d’une ambiance très étrange, tapissée de coups d'œil en coin et de raclements de gorge. Sékou lui a dit qu’ils feraient un compte-rendu ensemble plus tard, car il devait se charger du fameux Johannes et Minerva s’était faufilée derrière les élèves à petits pas. Elle avait longuement erré dans l’école avant de prendre le chemin de la terrasse extérieure pour le déjeuner.

Elle ignorait comment aborder le sujet avec Saleh. Pas qu’elle craignait qu’il se vexe ou qu’il s’agace (ce jeune homme semblait être la dernière personne à pouvoir avoir des sautes d’humeur) mais surtout, elle ne savait pas par où commencer. Même, elle n’était pas sûre de savoir à quoi elle avait assisté. Elle était troublée. Du racisme, elle en avait déjà vu. Satya en avait fait les frais au Ministère, Filius aussi à l’école. Le racisme entre couleurs de peau, il y en avait en Angleterre. A Poudlard, sûrement aussi, elle imaginait. Elle n’avait pas vraiment fait attention, mais si elle y pensait franchement, elle n’avait pas non plus remarqué beaucoup d’étudiants à la peau noir à l’école.

Mais dans un continent où la majorité des étudiants étaient des africains noirs, elle aurait pensé que la dynamique serait différente. Or elle avait bien vu une claire séparation entre la minorité blanche et la majorité noire dans la salle de classe. D’ailleurs, si elle regardait bien autour d’elle, les quelques rares blancs de l’école étaient rassemblés autour des mêmes tables.

Saleh suivit son regard et fit une tête intriguée.

- Tu les connais ?

Minerva secoua la tête.

- Pourquoi ils sont… tous à la même table ? Je veux dire, les élèves de peau blanche sont à l’écart des élèves à la peau noire.

Ses lèvres butèrent sur les couleurs de peau, comme si elle insultait quelqu’un. Peut-être parce que pour certains c’était effectivement une insulte, comme Johannes. Cela parut faire sourire Saleh alors que Minerva était en nage.

- Il y a des élèves blancs qui se mélangent aux noirs, finit-il par répondre en pointant un autre élève blanc plus loin qui discutait gaiement avec d’autres élèves noirs. Mais ils sont rares, je le conviens. En général, ils sont enfants de représentants gouvernementaux, ambassadeurs ou autres dans les pays à la population majoritairement noire.

- Et les autres alors ?

- Des sud-africains. Une partie de leur population est blanche, et là-bas… je ne sais pas trop, je n’ai pas suivi, mais il me semble que blancs et noirs sont séparés dans les lieux publics. Je n’ai pas tous les détails, mais leur vie transparaît un peu dans notre école. Je ne suis pas certain que Tumusiime apprécie cela, mais beaucoup de parents de ces élèves sont haut placés et estiment déjà faire de gros efforts en envoyant leurs enfants dans une école à élèves majoritairement noirs.

Minerva réfléchit quelques secondes.

- En cours tout à l’heure, les élèves devaient transformer un détail physique chez leur camarade. L’un des élèves a eu sa peau changée en noire, cela l’a mis vraiment en colère.

- C’est donc cela qui te chiffonne, devina Saleh en hochant la tête. Si c’est un sud-africain, alors je ne suis pas étonné de sa réaction. Les professeurs doivent avoir plus de réponses que moi, tu devrais leur demander.

Minerva sourit.

- Tu es déjà mon recueil personnel d’informations. Je suis même étonnée que tu aies pu me répondre sur l’Afrique du Sud. Moi, je serais incapable d’expliquer comment vivent les populations dans les autres pays d’Europe.

Saleh fit un sourire évasif et répondit :

- Avec plus de 8 ans dans cette école, tu finis par retenir certaines choses. Quand se déroule ton prochain cours ?

- En fin d’après-midi, répondit Minerva après avoir consulté son emploi du temps. Pourquoi ?

Saleh se leva et fit signe de la suivre.

- Je vais te montrer un endroit, suis-moi.

Minerva engloutit ses dernières cuillères de fèves et le suivit. Il l’entraîna dans la montagne, dans les boyaux qui s’enfonçaient en plongeant dans la roche. Cette fois, les tunnels n’étaient pas trop étroits et le sol, normalement recouvert d’une natte tressée, semblait plus moelleux. Le tunnel s’ouvrit sur une pièce qui semblait circulaire, entrecoupée de voiles de couleur beige, eux-mêmes traversés par les rayons de lumières de l’ouverture dans la montagne. La brise fraîche faisait voleter doucement les voiles et laissait apparaître de temps en temps quelques rares étudiants, assis en tailleurs, yeux clos. Le silence régnait et instinctivement, Minerva se retrouva à marcher sur la pointe des pieds. Saleh l’emmena à l’écart, dans une alcôve. Le sol y était mousseux et des coussins crème étaient posés, petits nuages flottant sur un lac de verdure.

Saleh s’assit en croisant ses jambes et lui indiqua de l’imiter. Puis il se pencha en chuchotant :

- C’est notre pièce de méditation. Je viens souvent ici quand tout devient… trop. Trop compliqué, trop fatiguant, trop agaçant, trop frustrant…

Minerva n’avait aucune idée de ce qu’était la méditation. Satya avait déjà dû lui en parler dans ses souvenirs, mais à cette époque (qui n’était pourtant pas si lointaine), elle n’y avait guère prêté d’attention. Rester assise sans rien faire, cela ne l’enthousiasmait pas vraiment.

- Qu’est-ce que je dois faire ? demanda-t-elle.

- Laisse-toi aller. Laisse tes pensées s’éloigner et concentre-toi sur ta respiration. Ne songe plus à ton premier cours, à ce qu’il s’y est passé. Ferme les yeux.

Dubitative, Minerva obéit. Elle se tortilla sur ses fesses, arqua son dos, l’arrondit, chercha un dossier sans en trouver. Saleh se tenait droit, mains sur les genoux et fermait les yeux, respirant profondément. Lorsqu’elle prit la même position, elle sentit que son moment de méditation allait être long. Elle ressentait encore plus profondément qu’elle était mal installée et surtout, que ses pensées étaient bruyantes dans son crâne. Elle sentait la présence de Saleh à côté, si silencieuse et pourtant si imposante. Le moindre souffle de vent sur sa joue lui faisait rouvrir les yeux, le moindre mouvement d’étudiant qui sortait ou entrait également. Elle avait trop besoin d’observer son environnement, cela l’angoissait presque de ne pas voir ce qui se passait autour.

Comment oublier ses pensées de la journée ? Comment est-ce qu’on vidait son esprit ? Le fait même de penser à ne pas penser, n’était-ce pas penser ? D’ailleurs pensait-elle trop ? Saleh avait-il le cerveau vide de toute image actuellement ? Comment était-ce possible ? Lorsqu’elle se tenait immobile ainsi, elle ressentait tout en plus intense, le moindre chatouillis sur son nez devenait insupportable, le moindre reniflement devenait impossible à retenir, le moindre raclement de gorge… Les gens aimaient-ils vraiment méditer ? Ou était-ce quelque chose de socialement appréciable aux yeux de la société de Uagadou ? Comment oublier des pensées sombres ? Ce à quoi elle avait assisté n’était pas drôle du tout, mais quel était le but d’oublier ? Au contraire, ne fallait-il pas se souvenir ? Repousser le négatif, c’était fermer les yeux. Elle avait souvent fait cela, au point de s’en rendre malade mentalement au Ministère. A Uagadou, cela lui donnait l’impression d’assister à une mini-société parfaite et lisse : pas de compétition entre Maisons, pas de Maisons, le collectif et la solidarité en premier, l’accord avec la Nature… Et derrière, des tensions entre couleurs, que Tumusiime avait passé sous silence, que Sékou avait écarté au domaine du privé entre lui et Johannes au lieu de se saisir du sujet et le traiter en classe, que Saleh connaissait sans chercher à dénoncer.

- Tu n’y parviens pas encore.

Minerva rouvrit les yeux. Saleh l’observait. Lui non plus, n’avait pas l’air détendu.

- Je te sens gigoter dans tous les sens.

- Désolée, fit Minerva consciente qu’elle n’aimait pas la meilleure partenaire de méditation. Mais je ne comprends pas comment tu peux couper tes pensées comme ça.

Saleh jeta un coup d'œil autour de lui et lui indiqua de sortir pour discuter.

- Le but n’est pas vraiment de ne penser à rien. C’est surtout de laisser tes pensées glisser sur toi sans s’y accrocher. Qu’elles n’aient pas d’emprise sur ton humeur, tes émotions. Elles sont là, et c’est tout. Tu as raté un examen ? Tu feras mieux la prochaine fois, passe à autre chose. Tu as fait une erreur ? Elle est faite, tu ne peux pas revenir dans le passé, à quoi bon s’y attarder ? Tu angoisses de rencontrer quelqu’un ? Tu ne peux rien faire de plus qu’attendre.

- Et pour le cas de Johannes ?

Saleh haussa les épaules.

- L’évènement a eu lieu. Il est déplorable, oui. Es-tu responsable de Johannes ? Non. Ce qu’il s’est passé n’est pas une bête dispute entre deux amis qui peut être réglée rapidement. C’est un problème de société qui se travaille sur un long terme dont toi et moi ne verront probablement pas la fin.

- Et ça se règle par la méditation ? demanda Minerva sans empêcher son ton sarcastique de revenir.

- Ce n’est pas avec un esprit embrouillé que tu règles une situation. Il te faut des pensées claires. Et mes pensées, je les range et les rationalise par la méditation. Ce n’est pas un travail facile, la méditation. Il faut accepter de se retrouver seul avec soi-même, seul avec ses pensées, ses souvenirs, ses espoirs, ses peurs, et les laisser te passer dessus sans t’atteindre.

Minerva se racla la gorge. Elle venait de réaliser qu’elle avait parlé sur un ton défensif, presque agressif. Le calme de Saleh, qu’elle avait toujours apprécié depuis son arrivée, était arrivé à un stade qu’elle ne comprenait pas (encore ?). Son côté impulsif de Gryffondor s’insurgeait et s’agaçait de l’apparente apathie de son camarade. Puis son esprit Serdaigle, là où le Choixpeau avait hésité à l’envoyer, tentait de comprendre un avis qui n’était pas le sien. Peut-être, n’avait-il pas tort sur certains points ? Peut-être n’avait-elle pas toutes les cartes en main pour comprendre une situation qui la dépassait ? C’était probablement le cas. Elle était arrivée depuis seulement deux jours, comment pouvait-elle estimer en connaître assez sur les sociétés d’un continent entier dont elle ignorait tout jusqu’à peu ? Après une très courte réflexion, c’en était prétentieux. Alors, elle se mordilla la lèvre et dit :

- Je réessaierai la méditation, un jour.

Saleh sourit, et aussi simplement, avec ces mots qui semblèrent tout dire, il hocha la tête et approuva.

Elle resterait en observation en cours comme dans l’école en général. Elle avait beaucoup à apprendre, à intérioriser. Sûrement, y aurait-il des choses qu’elle n’apprécierait pas, mais c’était aussi le but de partir dans un pays totalement différent du sien : ce qui était anormal en Grande-Bretagne était normal ici, et inversement.

Le professeur Sékou apparut devant eux, mains croisées dans le dos. Il fit un salut à Saleh puis se tourna vers Minerva.

- Pouvons-nous discuter dans mon bureau ?

Ce n’était pas vraiment une question, plutôt une suggestion à laquelle il espérait une réponse positive. Saleh lui indiqua qu’il devait de toute manière faire sa ronde de surveillance à l’entrée et la quitta.

Dans le bureau, il lui montra un fauteuil de la main et lui servit un thé, sans un mot. Il s’assit, touilla dans sa tasse, fit tinter sa cuillère d’une manière très britannique et la posa avant de tremper ses lèvres.

- Tu as dû être surprise du cours de tout à l’heure.

Minerva ne dit rien cette fois. Elle attendit.

- Sais-tu pourquoi cette école prône la solidarité, le collectif plus que tout ?

- Parce qu’on va plus loin en groupe que tout seul ? répondit Minerva sans trop savoir si c’était une bonne perception.

- Parce que nous sommes le continent avec justement le moins de solidarité entre nous.

Il posa sa tasse, soupira.

- Bien sûr, en famille, entre amis, nous arborons un collectif presque irréprochable. Nous n’abandonnons pas les nôtres. Mais à l’échelle de notre continent… Aucun pays africain n’est d’accord avec l’autre, les allégeances varient en fonction des intérêts, des besoins. Les discordances sont légions, les disputes fréquentes, les haines mêmes, régissent les esprits par moment. Le travail de fond de notre école est par moment frustrant, car il donne l’impression d’être un simple coup d’épée dans l’eau.

- Cela prend du temps non ? releva Minerva en pensant au travail de long terme dont parlait Saleh.

- Sais-tu combien il y a d’étudiants sorciers en Afrique, Minerva ?

Elle leva les yeux au plafond, réfléchissant. Ils étaient quelques petites centaines, pas plus, à Uagadou.

- Ils sont des milliers, annonça Sékou en faisant arrondir les yeux de la jeune fille. Impossible à compter.

- Mais Uagadou…

- Uagadou n’est qu’une école de privilégiés. En Afrique, la magie est massive. Beaucoup de jeunes ont des pouvoirs. Mais beaucoup de jeunes proviennent de familles pauvres qui, non seulement n’ont pas l’argent pour envoyer leurs enfants à notre école, mais en plus ne voient pas l’intérêt de perdre des mains travailleuses pendant plusieurs années alors qu’ils ont besoin d’aide pour leurs récoltes. Pour l’immense majorité, les études ne suffiront pas pour obtenir un bon emploi. Les champs, hérités par la famille, sont la solution la plus viable et fiable. A quoi servent les études ? Et cela, c’est sans compter les haines entre pays, entre religions. Beaucoup de parents refusent d’envoyer leurs enfants dans une école qui mélange trop de diversité ethniques et religieuses.

- Mais alors, où vont les enfants qui ne s’inscrivent pas à Uagadou ? N’est-ce pas dangereux de ne pas contrôler sa magie ?

Sékou reprit une autre gorgée, tentant d’avaler le ton presque désespéré qui commençait à poindre.

- Il existe des écoles locales qui rassemblent les élèves de plusieurs villages. Elles ne sont pas homologuées auprès du Ministère, pas même légales en soit. Mais le Ministère laisse faire, car sinon les enfants seront incapables de contrôler leur magie. Mais les enseignements sont… rudimentaires. Certaines écoles contournent les curriculum officiels, voire sont tentées de virer sur la magie noire. Leur localisation est encore plus cachée que Uagadou, non seulement pour échapper aux Humains, mais aussi au gouvernement.

- Et pour les écoles qui respectent tout cela, en quoi ne sont-elles pas valorisées ?

Sékou leva les paumes de main au ciel.

- Ce sont des institutions instables et qui peuvent être victimes de fermeture brutale si elles n’ont pas les fonds financiers suffisants ni d’ancienneté. Bien évidemment, ces écoles visent en priorité les élèves sans moyens financiers donc la scolarisation est extrêmement peu chère, avec la qualité de l’enseignement qui va avec, et le gouvernement ne finance pas. En outre, elles ne sont pas aussi bien protégées par la météo ni par les bêtes sauvages, pas autant que Uagadou. Les édifices sont plus fragiles et donc plus faibles face aux aléas naturels. Certains élèves peuvent se retrouver sans études du jour au lendemain.

Minerva reposa son thé, l’estomac contracté. Tout était encore plus complexe qu’elle n’avait imaginé. Ce qu’elle avait pour acquis en Ecosse, en Angleterre, était si difficile à avoir pour les étudiants de ce continent. A cela s’ajoutait les oppositions entre couleurs de peau, et cela créait un cocktail de tensions et de challenges qui semblaient insurmontables. Sékou lui-même, à l’instant présent, semblait à nouveau réaliser tout le travail qu’il restait à faire. Et pourtant, dans ses yeux brûlait une détermination indéniable. Sékou était l’enseignant qui vivait pour l’élévation des étudiants, des enfants de son pays, de son continent, à travers l’éducation. Et dans ce regard, elle voyait un combat qui rallumait en elle la flamme passionnée qu’elle pensait avoir perdu.
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