Dynasties / Cassandra [High Fantasy / Royauté / Intrigues politiques]

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Dynasties / Cassandra [High Fantasy / Royauté / Intrigues politiques]

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« Sometimes severity is the price we pay for greatness. »
Margaery Tyrell – Game of Thrones
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ACTE I : LA TRAÎTRESSE
1/4
2/4
3/4
4/4


ACTE II : L'USURPATRICE
1/4
2/4


◊~◊~◊


Bonjour bonsoir,

Bienvenue dans l'univers (à peine) sanglant de Dynasties. Avant que vous ne vous engagiez plus loin, quelques mots pour vous introduire au concept.

Dynasties, c'est un recueil de trois histoires, pas vraiment des nouvelles, pas vraiment des romans, qui se déroulent sur le même continent, à quelques dizaines d'années de décalage. Dans l'ordre chronologique, ce seront donc :
◊ Cassandra
Eliane
Kyara

Chacune d'elles peut être considérée comme une histoire indépendante, mais elles se référenceront mutuellement. Cassandra a été intégrée au projet il y a quelques temps, basée sur une nouvelle que vous pouvez aller lire ici si vous avez envie de vous spoiler, mais ne vous étonnez pas, le script a un peu changé depuis. Entre temps, on a eu une belle évolution dans l'histoire, et la nouvelle ne constituera qu'une seule partie de ce projet qui est devenu un véritable one shot à part entière.

Au programme, du sang, des morts, un soupçon de violence.

Sur cette joyeuse note, on repart quelques centaines d'années en arrière, pour ceux qui auraient lu Eliane et/ou Kyara, dans l'histoire d'Avalaën. Et comme d'habitude, welcome to the trauma. :lol:


ACTE I : LA TRAÎTRESSE
(1/4)


Les tintements des larges cloches du cardigrê faisaient vibrer l’air à l’intérieur de l’immense cathédrale. Cassandra les sentait résonner dans sa poitrine comme de violents battements de cœur, aiguillant ses doutes, attisant son appréhension. Soudain, le regard de Raven, auquel elle s’était raccrochée tout le long de la cérémonie, ne parvenait plus à l’ancrer dans cette réalité. Il se tenait debout à côté d’elle, habillé de pourpre et de blanc, aussi droit et majestueux qu’il pouvait l’être en tant qu’adulte récemment sorti de l’adolescence. Il avait coiffé ses cheveux noirs mi-longs en natte aplatie à l’arrière de sa tête, et sa lourde couronne ceignait son front. Il portait tous les insignes de pouvoir, depuis la longue cape rouge brodée de blanc jusqu’à la main d’or d’Esga, que lui avait remise le prêtre pour la cérémonie, en passant par une infinité de colliers et de bracelets qui pendaient le long de ses vêtements.
Et, derrière tous ces ornements, ces vêtements et ces marques de pouvoir, Cassandra ne voyait qu’un jeune homme pâle, trop jeune pour être Empereur, qui bientôt ne le serait certainement plus. Elle voyait l’opraki, le grand conseiller du trône et principal prêtre d’Esga, l’approcher lentement, tenant dans ses mains un coussin de brocart sur lequel reposait la Couronne, mais son esprit s’était perdu ailleurs, dans les souvenirs des préparatifs. Les aiguilles de ses couturières attitrées, leur patience à toute épreuve, leurs yeux vigilants qui traquaient la moindre imperfection dans la robe. Les mains griffues de Mayeri qui tiraient ses cheveux en arrière, le lourd silence qui régnait dans la pièce.
— Jures-tu, Cassandra Zaor’Vil, de servir le peuple d’Avalaën, de le protéger et de l’aimer, de remplir tes devoirs de souveraine dans la justice et la foi ?
Elle ne put manquer le grommellement nerveux qui, malgré le temps écoulé, parcourut la foule de nobles venus assister au sacre. Le temps n’effaçait jamais tout, et surtout pas la haine.
— Je le jure sur le nom d’Esga.
Parjure, songea-t-elle. Elle commencerait donc son bref règne en traînant le nom de la divinité protectrice d’Avalaën dans la boue et le sang. Un bref sourire nerveux lui échappa lorsqu’elle croisa le regard de Raven, qui fixait d’un regard songeur le ruban de soie violette qui liait leurs poignets.
— Alors relève-toi aux côtés de ton époux, Aveltia Sen. Vous êtes désormais unis en un seul être devant Esga. Vous serez pour l’un et l’autre la foi, la force, et le regard clairvoyant qui vous empêchera de transgresser la justice.
Tandis qu’elle se relevait, la couronne entra en contact avec sa tête, glissa dans ses cheveux jusqu’à se loger en équilibre entre ses larges boucles, lourde et froide, étrangère. Elle dut presque lutter contre le poids de l’or serti de rubis pour se redresser totalement et saisir la main de Raven, et elle vacilla à nouveau lorsque la lourde mante pourpre, identique à celle de son nouvel époux, fut déposée sur ses épaules. Seul le bras de Raven, discrètement tendu pour l’aider à se maintenir debout, la retint. Ils pivotèrent lentement ensemble, alourdis tous les deux par leurs ornements, firent face à la Cour qui s’était rassemblée pour le couronnement.
— Leurs Grâces Raven et Cassandra d’Avalaën, puissent-ils longtemps régner.
Cassandra Zaor’Vil.
Cassandra la Maudite.
Cassandra de Wikandil.

— Puissent-ils longtemps régner, répéta sentencieusement le public.
Suivant le rythme de la cérémonie, main dans la main, les nouveaux époux s’engagèrent le long de l’allée centrale vide en direction des portes qui donnaient sur la ville. Raven souriait, pleinement satisfait. Cassandra souriait aussi, mais son sourire était crispé par la situation et la vérité qu’elle était encore la seule à connaître. Un chœur mixte caché dans les balcons en hauteur de l’immense cardigrê accompagna leur progression d’un canon magnifique, mais la jeune femme était incapable d’apprécier le chant à sa juste valeur. Elle avait la terrible sensation du regard de sa mère qui pesait sur ses épaules, alors qu’elle savait bien que c’était impossible.
— Tout va bien ? lui murmura Raven alors qu’ils atteignaient les vantaux de bois.
Il avait à peine murmuré, sachant pertinemment que les sons les plus doux se répercutaient trop fort entre les murs de pierre du cardigrê. Elle l’entendit malgré tout sans mal, tourna un instant la tête vers lui alors que la lumière du jour et la brise fraîche se faufilaient entre les battants qui s’écartaient.
— Tout va bien, prétendit-elle avec un sourire.
Il ne parut pas dupe, fronça les sourcils. Mais déjà, les portes étaient grandes ouvertes.
L’accueil du peuple à sa nouvelle Impératrice fut très différent de l’accueil de la noblesse. À peine eut-elle franchi les portes que Cassandra fut noyée dans le vacarme des cris, des applaudissements et des vivats. La population de la cité ne se compliquait pas la vie avec des histoires de politique, d’alliances ou d’origines. C’était une belle journée, durant laquelle ils étaient en majorité dispensés de travailler, sauf les auberges et les tavernes qui seraient certainement remplies tout le long de la journée pour permettre à tous de célébrer le mariage impérial. Pour les citadins, c’était simplement un jour de fête, et ils remerciaient la personne à qui ils le devaient : Cassandra. Cette dernière, un sourire aux lèvres, se laissa brièvement emporter dans la folle joie qui agitait la grande place, puis grimpa dans la calèche qui les attendait au bas des marches, et l’attelage se mit en branle.

En tant qu’étrangère à la Cour, Cassandra avait longtemps entendu parler de la cérémonie de mariage, sans jamais réellement savoir à quoi s’en tenir jusqu’à deux jours auparavant. Lorsque le délai légal de « rétractation » avait fini par expirer – elle n’avait même pas idée avant qu’on pouvait se rétracter d’un mariage – on l’avait prise à part et on lui avait fait un cours complet sur les véritables traditions. Il s’était avéré que, après le mariage à proprement parler, il existait un rite moins connu, plus privé et religieux, appelé l’Abandon.
Traînant sa lourde robe derrière elle dans la large chapelle privée attenante au palais, elle accompagna Raven, qui la guidait le long de l’allée centrale jusqu’à un autel où les attendaient deux prêtres d’Esga vêtus de gris délavé. Un silence éthéré, presque irréel, régnait dans la chapelle. Le culte d’Esga était loin d’être un aspect de la vie avalonienne vers lequel Cassandra se serait tournée d’elle-même, aussi n’en savait-elle pas beaucoup. Elle savait distinguer les rangs principaux des simples officiants, mais elle ne connaissait guère les responsabilités religieuses de chacun en-dehors des cérémonies officielles.
Raven lâcha sa main, et se dirigea vers l’homme à leur droite, tandis que celui de gauche indiquait à la jeune femme une petite porte latérale. Elle coula un dernier regard à son nouvel époux, puis s’y engagea avec un frisson qui mêlait appréhension et expectative.
L’officiant la laissa pénétrer seule dans la pièce attenante, une petite chambre vide et froide. Une vieille femme, semblable à Mayeri, osseuse et grisonnante, y patientait en silence. Elle referma la porte derrière elle tandis que Cassandra pivotait lentement. Il n’y avait pas d’autre porte pour accéder à cette salle, et à part un petit banc sur lequel avait été jeté un drap de bure chiffonnée, elle était totalement vide.
— Bienvenue, Aveltia Sen, croassa la femme. T’a-t-on expliqué le rite ?
Cassandra secoua la tête, mutique. Elle n’aimait guère le culte d’Esga, sa sacralisation d’une divinité unique, asexuée, omnisciente et toute-puissante. Elle préférait la foi patiente, tangible, en les esprits de la forêt de Wikandil. Mais était-ce un blasphème que de songer aux forces primitives de la nature dans un sanctuaire d’Esga ? L’idée la fit rire sous cape. Elle n’était guère à un blasphème près aujourd’hui, entre les vœux qu’elle n’honorerait pas et les cultes qu’elle dénigrerait bientôt.
— Très bien. Le rite de l’Abandon est une tradition qui remonte aux racines d’Avalaën. Avant de t’asseoir pour la première fois sur le trône, tu dois abandonner celle que tu étais auparavant. Tes allégeances, tes affections, ta foi en autre chose qu’Esga.
La future Impératrice d’un jour pinça les lèvres en une moue perplexe, réfrénant un petit sourire malvenu. Ce n’était guère le moment, à quelques heures de l’invasion, de faire échouer un plan aussi dûment préparé. Elle aurait certes adoré être ailleurs, préparer l’entrée des troupes dans la capitale, planifier les changements de gardes avec Mayeri, mais ce n’était pas là son rôle. Alors elle se força à écouter l’Abandon, qui consistait en premier lieu à se dévêtir. Avec l’aide de la prêtresse, elle se débarrassa de sa lourde cape pourpre de l’Empire, puis de son corset et de ses jupons, jusqu’à se retrouver en bas seulement. Frissonnante dans le froid des pierres centenaires, elle ne fit guère d’histoire lorsqu’elle comprit qu’elle devait également retirer ses bas, et enfiler seulement la robe de bure qui gisait dans un coin à même sa peau.
— Raven est-il déjà passé par là ? interrogea-t-elle en luttant pour ne pas claquer des dents.
— Une fois, lors de son intronisation.
— Et il doit le refaire une seconde fois avec moi ?
— Chaque souverain le refait lorsqu’il prend un époux ou une épouse, expliqua la femme en nouant l’attache du col de la robe. Il se libère ainsi des remords et des attaches du passé, des éventuelles promesses qu’il ne saurait tenir à un mort. Et, dans le cas de notre Empereur, il abandonne la charge d’avoir à régner seule.
C’était presque beau, présenté ainsi. Quelque peu enfantin, certes, mais non-dénué d’un charme certain. Dois-je abandonner également mon allégeance à Wikandil et à ma mère ? se demanda Cassandra sans le formuler à haute voix. Il était un peu tard pour cela.
— Il est dit également que le jour où un parjure voudra procéder à l’Abandon, l’eau du bassin de l’Abandon se teintera de rouge.
Cassandra dressa une oreille intéressée. Sa mère ne lui avait jamais parlé de cela, elle n’avait même jamais mentionné un rite d’Esga quelconque au moment de son intronisation. Pourtant, elle avait régné quelques lunes en tant qu’Impératrice légitime. L’eau du bassin s’était-elle colorée de rouge pour elle ?
Finalement, abandonnant ses questions, la Wiccane se laissa conduire à nouveau dans la chapelle centrale, et de là vers un escalier dissimulé derrière l’autel central. Elle descendit quelques marches pieds nus, pestant en silence contre le froid, avant de se faire arrêter une dernière fois.
— À partir de maintenant, tu ne parleras plus. Lorsque tu atteindras ton époux, tu t’agenouilleras à côté de lui. Après avoir communié, lorsque vous vous sentirez prêts, vous entrerez ensemble dans le bassin.
— Combien de temps devrait-on au moins communier ?
— Oh, pas moins de quelques heures, Aveltia Sen. La torche vous servira d’indicateur pour la durée minimale, mais personne ne s’étonnera si vous n’émergez qu’au coucher du soleil.
Cassandra faillit répliquer qu’il était à peine midi, mais elle s’en abstint. Une discrète lueur de fond éclairait un passage étroit en bas des marches. Elle s’y engagea en silence, ses yeux s’habituant progressivement à la seule source de lumière de la cavité. Elle entendit un grincement, puis la trappe se referma derrière elle, et le bruit chuintant d’un tapis qui glissait obstrua les derniers rayons de lumière provenant de derrière elle. Elle s’approcha à pas de loups de Raven, qui s’était agenouillé face à un petit lac à l’eau limpide, dans lequel se reflétaient les flammes de la torche. Cette dernière avait été fichée dans un piton rocheux taillé au centre, entre eux deux. Elle s’accroupit lentement, s’agenouilla pour imiter Raven, sentit le froid mordant de la pierre nue sur ses genoux, et la douce chaleur ondoyante de la torche sur son épaule gauche. Au moins trois heures dans ce trou sombre ? Cette simple idée paraissait infernale.
Puis, elle sentit une main effleurer son bras discrètement, les doigts de Raven s’entrelacer aux siens, et un sourire discret affleura sur son visage. Communion, vraiment ? Communion d’âmes, d’esprits… ou de corps ? Esga était une divinité suffisamment ambiguë pour semer le doute. Peut-être était-ce pour cela que Laëtitia n’avait pas voulu partager les détails – ni même le cœur – de cette cérémonie.
Soudain plus sereine, Cassandra fixa son attention sur les crépitements de la torche à côté de son oreille et les reflets rougeoyants qu’elle projetait sur l’eau étale. Le lac souterrain paraissait peu profond, à peine quelques brasses de long, et tout juste de quoi permettre à trois personnes de se placer côte à côte en largeur. Elle serra ses doigts autour de ceux de Raven, tourna légèrement la tête pour observer son visage. Dans la pénombre des flammes, son profil net avait un aspect tranchant, creusé d’ombres profondes. Il paraissait vieilli, ressemblait aux portraits de son père qu’on voyait dans la galerie des souverains du palais. Pourtant, elle sentait les frémissements de sa peau, sa légère transpiration dans la fraîcheur de l’air. Il était plus anxieux qu’elle encore, pour peu que ce soit possible. Dépouillé de ses ornements, des vêtements qui le faisaient paraître plus grand, il ressemblait soudain à un adolecent émacié qui aurait grandi un peu trop vite.
En retour, il pivota imperceptiblement vers elle et lui offrit un sourire paisible, détendu. Loin de la cour et de ses folies, de l’allure distante qu’il manifestait, il paraissait aussi humain que dans les moments où ils s’isolaient, juste tous les deux. Elle lui rendit son sourire, et sa robe chuinta lorsqu’elle se décala vers lui pour saisir sa main.
Bientôt, ils étaient couchés l’un contre l’autre, muets, contraints par l’obligation de silence de la tradition. Étrangement, Cassandra était persuadée que c’était là l’objectif même du rite. Elle avait la chance de connaître Raven depuis huit saisons maintenant, mais maints mariages avaloniens étaient célébrés après des fiançailles hâtives, politiques, et les jeunes époux ne se connaissaient guère. Les obliger à passer du temps enfermés ensemble, incapables de parler, mais pas incapables de s’exprimer, n’était finalement qu’un prétexte, elle en était certaine. Et cela lui convenait.

Cassandra s’était noyée dans la musique. Après le silence paisible des forêts de Wikandil, elle avait découvert les instruments à cordes, les mélodies entraînantes et enjouées qui n’étaient pas des chansons paillardes de soldats rentrés de bataille. Elle avait découvert qu’elle aimait le rythme lent d’une valse des vagues pondérée, le tempo vif et les pirouettes des assariennes, la langueur vagabonde des ilakeses aux pas complexes. Elle avait dansé des dizaines – si ce n’était même des centaines – de fois, en plus d’une trentaine de lunes, mais deux de ces soirées avaient été marquantes : celle-ci, et la première, tout aussi terrifiantes l’une que l’autre.
Durant son premier bal à Avalaën, elle n’était encore qu’une débutante dans l’art de la courtoisie avalonienne. Elle était terrifiée à l’idée d’être renvoyée pour le moindre faux pas. Elle détestait la haine dans les regards des autres. Tout le monde ne se la représentait comme la fille de l’usurpatrice.
Mais Raven avait bien fait les choses. Il s’était présenté à elle dès de la première danse, distant mais poli et coridal, et il avait imposé ses standards aux courtisans, qui avaient dès lors été obligés de se plier aux règles de l’étiquette. Ce premier pas qu’il avait fait dans sa direction lui avait permis de s’intégrer progressivement, même si cela avait été laborieux. Elle s’était même fait quelques « amies », si l’on pouvait les considérer ainsi, qui encore aujourd’hui étaient présentes dans la pièce. Elles n’avaient guère que des contacts distants, et la demande en mariage avait quelque peu délité les affections naissantes qui auraient peut-être perdurer si Cassandra n’avait été qu’une autre de ces courtisanes sans ambition.
Ce soir cependant, elle ne leur accordait aucune attention. Elle sentait le bras de Raven contre sa taille, son souffle chaud, leur proximité, et cela lui suffisait amplement. Ils avaient débuté leur soirée sur une valpame, une danse sudiste dont l’usage se perdait progressivement à la cour, mais qui était l’une des préférées de l’Empereur. Un tempo lent mais des pas complexes que Cassandra avait mis bien des soirées à mémoriser. Néanmoins, maintenant qu’elle se sentait assez à l’aise avec les croisements, les pirouettes et les passages individuels, elle pouvait pleinement profiter de cet instant. Pas de réflexion, juste le flux des mouvements et les instruments.
Elle se détacha des bras de Raven sur une délicate impulsion, tourbillonna sur elle-même, sa large robe prenant du volume autour d’elle, jupons se soulevant dans les courants d’air, et elle sourit lorsque Raven la réceptionna souplement, et elle ploya en arrière. La musique marqua un bref temps d’arrêt, durant lequel elle demeura suspendue, courbée comme un roseau plié par le vent, le regard tourné vers le plafond chargé de dorures. La salle explosa en applaudissements de circonstance, et ils repartirent d’un pas léger, à peine décalés avec les instruments qui reprenaient.
Ils valsèrent longtemps, sur une pièce qui leur avait été spécialement composée et dédiée, plus longue que les danses de coutume. À la fin, Cassandra ne sentait déjà plus ses pieds, et elle savait que la soirée ne faisait que commencer. Et, elle voyait dans les épaules de Raven qu’il était déjà fatigué aussi. Mais ils avaient tous les deux un devoir à remplir, désormais. Leur soirée ne leur appartiendrait plus pour de longues heures.
Cassandra s’inclina profondément face à son nouvel époux, qui fit de même, et elle tomba rapidement dans les bras de l’un des plus proches conseillers du trône. En principe, elle aurait d’abord dû danser avec le père de Raven, et ce dernier avec sa mère à elle, mais il s’avérait qu’ils étaient tous les deux orphelins ce soir d’une certaine manière.
Sciemment, Cassandra chassa le souvenir de sa mère de son esprit, et se focalisa sur celui qui lui faisait face. C’était un homme de haute taille, large d’épaules au contraire de Raven qui était mince, aux traits secs et au regard trop direct pour qu’elle ne l’apprécie réellement. Tandis qu’ils démarraient sur le pas un peu plus allègre d’une assarienne, elle leva le menton, la couronne dans ses cheveux causant une résistance nouvelle à ce mouvement.
— Je te vois, Aveltia Sen, murmura-t-il après une large volte qui la ramena proche de lui.
— Je te vois aussi, Helvak Sen, mais j’ai du mal à saisir ce que tu vois de ton côté.
Il esquissa un sourire grinçant sous sa moustache.
— Je sais comment tu en es arrivée là. L’Empereur n’est plus le même depuis longtemps, ça n’a pas échappé au conseil.
Elle ne répondit rien, ce qui sembla le mettre en colère, mais il ne resserra pas la prise qu’il avait sur sa main.
— Nous n’avons pas oublié qui tu es.
Votre nouvelle Impératrice en titre pour une nuit ? La réplique lui brûla la langue, mais elle la ravala comme un vin aigre, et s’en tint à une réponse plus circonvenue, mais tout aussi irritante pour le pauvre homme :
— J’apprécie cela, car il m’a semblé récemment qu’aucune mention récente de mes origines n’a été faite jusqu’à maintenant. D’autant plus que l’effort de guerre semble consommer du bois et que Wikandil pourrait en fournir des réserves conséquentes…
— Je ne…
— Oui, pardon, ce n’est pas le lieu pour discuter de cela. Nous en reparlerons peut-être demain, à tête reposée ?
Ce fut à son tour de ronger son frein pour ne pas être discourtois. Il parut particulièrement mal le prendre, car son expression se froissa, et il ne lui adressa plus un mot jusqu’à la fin du morceau. Ce qui n’était pas totalement pour déplaire à Cassandra, en vérité, car elle réfléchissait à autre chose. Elle faisait de son mieux pour occulter le fait que cette soirée était la dernière, que plus jamais elle ne serait considérée de la même manière ensuite. Ce qui lui semblait étrange, c’était la facilité avec laquelle elle parvenait à se détacher ce soir. Elle n’avait pourtant bu qu’un petit verre de valka, l’alcool traditionnel, aigre et fort, et elle ne se sentait pas plus légère. D’habitude, il en fallait plus pour la rendre aussi insouciante.
Elle s’inclina devant son partenaire de danse, l’esprit ailleurs, et eut à peine le temps de faire trois pas pensifs qu’elle se retrouvait face à quelqu’un d’autre. Ils tinrent pendant l’ilakese une conversation, polie mais dénuée d’intérêt, et bientôt, elle était dans les bras d’un autre encore. Ce ne fut que lorsqu’elle avisa l’ombre grise de Mayeri, allant et venant entre les tables dans un coin de son champ de vision qu’elle devina pourquoi elle se sentait aussi bien. Elle pinça les lèvres, mais ne put se résoudre à lui en vouloir, comprenant son raisonnement.
Alors, plutôt que de lutter contre le calme artificiel qui l’avait envahie, elle s’y abandonna. Elle sourit à Raven, qui passait à côté d’elle dans une suite de pas sautillants, une jeune femme pendue à son bras, l’air aussi heureuse qu’irritée. C’était Alseli, une héritière d’un petit duché de l’est de l’Empire, qui aurait pu être l’amie de Cassandra s’il n’y avait eu le trône pour les séparer. Depuis la demande en mariage, Alseli lui vouait une haine féroce, qui occupait tous les ragots de la Cour, mais qui commençait à lasser les gens, faute de conflit tangible.
Pourtant, Alseli avait été une compagne d’un soutien indéfectible les premières lunes. Convaincue que Cassandra cherchait seulement à s’intégrer à une Cour qui ne la reconnaissait pas, l’héritière l’avait introduite dans tous ses cercles, l’avait progressivement aidée à se faire une place. Elles avaient passé un temps considérable ensemble, bras-dessus bras-dessous à la plupart des sorties, promenades et voyages. Mais toute cette trame d’amitié s’était déchirée lorsqu’Alseli avait compris que Cassandra ne lui avait jamais parlé de ses rencontres fréquentes avec l’Empereur. Car une course silencieuse, fourbe et jonchée de pièges traîtres, opposait toutes les jeunes héritières de duchés et de marquis. Cassandra avait, d’une délicate et élégante manière, coupé à la plupart des défis, et c’était cela plus que sa victoire en elle-même qui rendait Alseli si amère.
Finalement, après une dernière valse des vagues qui rassembla l’espace d’une danse presque toutes les femmes de la salle, Cassandra abandonna l’idée de poursuivre, et considéra d’enfin pouvoir s’asseoir. Son Empereur de mari s’était déjà fait « emprunter » alors même que la danse suivante n’avait pas encore commencé. Elle repéra Alseli non-loin, louvoya entre les groupes et couples qui se formaient pour l’ilakese suivante, adressant des sourires polis mais fermés sur son chemin. Personne ne semblait enclin à l’intercepter, ce qui lui convenait très bien.
— Alseli Sen, l’interpella-t-elle.
La jeune femme releva la tête vers elle, pinça les lèvres, cachant les fossettes qui avaient creusé ses joues un instant plus tôt.
— Aveltia Sen, répondit-elle d’une voix posée mais tendue. Que puis-je faire pour toi ?
— J’aimerais parler avec toi un moment.
Alseli pivota vers les trois hommes avec qui elle discutait, les épaules crispées et un sourire plat plaqué sur son visage.
— Messires, si vous voulez bien m’excuser…
Elle esquissa une courbette polie, et ils s’inclinèrent en retour, puis elle se tourna à nouveau vers Cassandra :
— Que puis-je pour Sa Grâce ?
Cassandra lui offrit son bras, qu’Alseli saisit avec une certaine circonspection, et elles se dirigèrent ensemble vers un balcon. Sans même y prendre garde, Cassandra nota les yeux qui s’accrochaient à leurs silhouettes, les commentaires qui suivaient leur progression. Elle s’était habituée à être scrutée en permanence depuis qu’elle était arrivée, au combien cela puisse être frustrant parfois. C’était le cas actuellement, elle aurait aimé pouvoir avoir un moment réellement tranquille avec Alseli, mais elle savait qu’elle n’en aurait pas l’occasion.
Sur le balcon, elle congédia d’une main les serviteurs et les courtisans qui profitaient de l’air tiède de la fin de l’été, et s’accouda à la balustrade en pierre en soupirant intérieurement. Elle s’était choisi un axe de conversation difficile, mais c’était un axe qui pourrait apporter peut-être une réconciliation. Ou peut-être apporterait-il seulement enfer et destruction sur son passage.
— Alseli, nous étions amies fut un temps.
La concernée ne répondit rien, comme Cassandra s’y attendait. Elle n’était pas le genre de personne à chercher une confrontation ouverte, mais elle n’aimait pas non plus se laisser marcher sur les pieds. Elle détourna la tête vers le croissant de lune lointain qui diffusait sa clarté dans les fins nuages, les lèvres pincées.
— J’aimerais retourner à cette amitié qui nous liait, mais je ne sais pas si tu le souhaites aussi.
Toujours plus vraie, plus honnête, plus vulnérable, songea-t-elle avec un amer sourire. C’était ce qui l’avait amenée là, c’était ce qui l’avait distinguée d’Alseli aux yeux de Raven. Elle ne paraissait jamais moins dangereuse que lorsqu’elle était elle-même, la petite fille perdue dans un monde d’adultes, l’étrangère isolée dans une Cour qui ne lui ressemblait pas et ne l’adoptait pas. Aujourd’hui, avec la couronne dans ses cheveux, elle se sentait encore plus hypocrite et fausse que d’habitude.
— Et si je refuse ? demanda finalement l’héritière d’une voix terne, lointaine.
— Que voudrais-tu que je te fasse ? rétorqua Cassandra avec une douceur calculée. Te chasser du palais ? T’isoler ? Qui crois-tu que je suis ?
— Je ne sais pas ! C’est là tout le problème.
La nouvelle impératrice haussa un sourcil perplexe, ne sachant trop où Alseli voulait en venir avec elle, mais elle inclina finalement la tête, acceptant que le dialogue était trop fermé pour avoir une véritable réponse aujourd’hui. Elle se détourna, s’arrêta dans l’embrasure de la porte, se retourna une dernière fois :
— Fais-moi signe lorsque tu le sauras, alors.

Cassandra ouvrit les yeux dans les ténèbres de la chambre, le cœur battant la chamade, des fourmis d’appréhension dans les doigts. Intuitivement, au plus profond de son âme, elle savait que quelque chose s’était passé dans la nuit. Son sommeil avait été agité, ses rêves troublés. Ce n’était pas la peur qui la mettait dans cet état, elle le savait, seulement une sourde certitude, profonde et viscérale. Elle se redressa lentement, considéra d’un regard la forme sombre étendue dans les draps à ses côtés. Un rayon de lune découpé par les rideaux tombait sur les épaules nues de Raven, éclairait ses longs cheveux noirs qu’il avait détachés pour la nuit. Une boule se forma au creux de l’estomac de la jeune femme, elle pinça les lèvres.
Il était l’heure de dire adieu au Raven qu’elle avait commencé à connaître. Celui qui se réveillerait demain ne l’aimerait plus – pour peu que l’on puisse considérer comme de l’amour le philtre qu’elle lui avait fait boire régulièrement ces dernières lunes. C’était davantage une adoration obsessionnelle et inconditionnelle que de l’amour, mais Cassandra n’avait pas vu assez d’amour dans sa vie pour saisir les subtilités de la différence.
Elle se saisit de la fiole qu’elle gardait sur elle depuis la veille, qu’elle avait glissée dans sa table de chevet avant de se coucher, éreintée, et d’un mouchoir en tissu sur lequel elle versa à l’aveuglette une généreuse dose du liquide. Puis, elle en tamponna doucement les tempes de Raven, sa nuque et son cou. Et tandis qu’il grognait, agité dans son sommeil par le contact, elle en profita pour verser quelques gouttes dans ses lèvres entrouvertes. Puis, elle se recoucha, le souffle court, l’esprit alerte, avec la conscience aiguë de son corps chaud si près du sien.
Elle ne se rendormit pas.
Des bruits lointains, venus des ailes les plus éloignées du palais, la tinrent éveillée durant le reste – somme toute plutôt court – de la nuit. Bientôt, le soleil se leva, l’obscurité de la pièce se dissipa dans la lumière qui filtrait entre les rideaux. Dans les heures écoulées, une certaine sérénité avait envahi l’esprit agité de Cassandra à mesure qu’elle réalisait que la contre-potion faisait effet, qu’elle le veuille ou non. Il était trop tard pour reculer, tout comme la première fois qu’elle avait administré le filtre d’amour.
Elle se roula en boule sur le côté, songeant à la première fois où elle avait réellement eu l’occasioin de parler à Raven, se demandant comment elle avait fait pour le convaincre depuis qu’elle n’était qu’une innocente jeune femme dans le coup d’État qui se tramait.

— Kalekti Sen, enchantée de te rencontrer.
Les regards mauvais de la Cour pesaient sur ses épaules, mais elle plongea malgré tout dans une profonde révérence qu’elle savait parfaitement inappropriée pour la situation. C’était volontaire. Si elle montrait qu’elle connaissait déjà tout des traditions, ils sauraient qu’elle avait été élevée par sa mère.
— Je me nomme Cassandra, et voici ma suivante, Mayeri.
Mayeri esquissa une courbette de circonstance avec l’air gêné des serviteurs qui étaient placés au centre de l’attention. Raven les considéra en silence, les sourcils froncés, l’air de se demander pourquoi il avait accepté cette folie en premier lieu. Ce que Cassandra comprenait totalement.
— Ravi de te rencontrer, Cassandra de Wikandil, finit-il néanmoins par proférer. J’espère que tu te plairas à la Cour d’Avalaën.
— C’est un nouveau monde mais je ferai de mon mieux pour m’y adapter,
Kalekti Sen, approuva-t-elle en s’inclinant à nouveau. Je te remercie pour ton accueil.
Il hocha la tête, et l’audience se clôtura.


La froide courtoisie qu’il lui avait manifestée ce jour-là, certes dénuée d’aménité, mais guère plus tendre qu’envers n’importe laquelle des autres courtisanes, s’était progressivement muée en une curieuse attention. Consciente de ce fait, Cassandra n’avait sciemment pas cherché à éviter les espions. Grâce à eux, il avait appris qu’elle était peut-être meilleure cavalière que la moitié des hommes du palais, qu’elle passait son temps dans les jardins avec un livre chapardé à la bibliothèque impériale, et qu’elle demeurait résolument seule malgré les lunes qui s’écoulaient. Elle n’avait pas cherché à bousculer la rencontre, jouant plutôt sur ses différences pour attiser sa curiosité, mais il avait fini par l’approcher un jour, sous le couvert d’un arbre centenaire dans les jardins du palais.

— Cassandra Sen ?
Elle plissa les yeux, se releva brusquement en voyant la couronne étinceler dans les rayons du soleil qui traversaient le dense feuillage.
— Kalekti Sen, quel honneur…
— C’est ce qu’ils disent tous, marmonna-t-il dans sa barbe naissante.
Il y avait une amère rancœur dans sa voix, et Cassandra dressa l’oreille, attentive à la moindre inflexion. Elle esquissa la courbette de circonstance appropriée, puis le considéra avec attention. Il piétinait, incertain, comme s’il avait espéré autre chose.
— Voudrais-tu t’asseoir avec moi, Altesse ?
Raven haussa les sourcils, finit par sourire et s’affaler aussi impérialement que possible sur la couverture étendue au sol.
— Cela doit bien être la première fois qu’on m’invite à faire quelque chose comme ceci. Que fais-tu ici ?
Elle hésita un moment, incapable de savoir ce qu’il espérait exactement, puis décida de se fier à son instinct. Il était venu la retrouver, après tout, sachant pertinemment que c’était là qu’elle se rendait tous les après-midis à une certaine heure, même si cette prévisibilité la rendait parfois vulnérable aux assassins.
— Je… je lis,
Kalekti Sen. Et je profite de la vue.
— La vue ? releva-t-il, perplexe.
Elle désigna du menton le feuillage dense qui s’agitait mollement au gré des courants d’air.
— Cela me rappelle les forêts de chez moi. Je me sens… parfois à l’étroit, entre les murs.
La sincérité dans sa voix était si authentique que Raven se pencha vers elle, captivé. Elle savait que la Cour était un univers de masques et de faux-semblants. Admettre ses craintes, ses peurs et ses peines aussi ouvertement la distinguait certainement des autres femmes, de toutes celles qui espéraient atteindre le trône. Être aussi honnête que possible était la plus vicieuse des manipulations dans cette cour d’artifices.


◊~◊~◊

ACTE I (2/4)
Dernière modification par vampiredelivres le sam. 12 août, 2023 1:59 pm, modifié 8 fois.
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Re: Dynasties / Cassandra [High Fantasy / Royauté / Intrigues politiques]

Message par TcmA »

hehe (c'est totalement pour recevoir les notifs et me souvenir de lire tout ça)
TcmA

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Re: Dynasties / Cassandra [High Fantasy / Royauté / Intrigues politiques]

Message par TcmA »

Hiello~

Bon.

"Du sang, des morts, et un soupçon de violence".
Je m'attends pas à autre chose.
Z'est parti.

C'est une chouette première partie d'acte ! On a pas l'impression d'avoir un déballement d'événements, c'est noice.
On est tout de suite dans l'ambiance, avec des petits éléments lâchés par ci par là (une p'tite invasion, un léger coup d'Etat, quelques gouttes de drogue ou de philtre d'amour dans un coin, une usurpatrice quelque part), c'est bien géré.
En effet, tu nous as fait un backgroung religieux bien spicy, j'ai pas hâte (faux, j'ai menti) de voir comment ça va rentrer dans les jeux de pouvoir par la suite parce que ça risque d'être funny fun fun.

Bref, je sens que tu nous réserves une dinguerie et je te suis à 200%. (D'ailleurs, niveau dinguerie, on est plus du niveau d'Eliane ou du niveau de Kyara ?)

Niveau rythme de publi, tu penses avoir lequel ?

La bise !
louille

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Re: Dynasties / Cassandra [High Fantasy / Royauté / Intrigues politiques]

Message par louille »

Magnifique.
Heureuse de retrouver cet univers (après avoir honteusement disparu d'un coup, me revoilà) et ta façon de le rendre vivant. Les mots étranges, les titres dans ce dialecte inventé, les rites et l'omniprésence de la religion, voire de la foi, les esprits qui semblent habiter les murs, les personnages et leur caractérisation tranchante, en quelques mots — bref tout ce que tu conjures avec force et qui nous rend l'ensemble si crédible.
C'est très beau aussi : la description du rite est très impressionnante et tout semble palpable. Quelle belle et sensible imagination.

J'aime beaucoup Cassandra déjà et je pense que ça tient essentiellement à ta maîtrise psychologique du personnage. On en sait peu et en même temps tout y est pour commencer à la cerner. "Être aussi honnête que possible était la plus vicieuse des manipulations dans cette cour d’artifices." : c'est génial.

Quant à ton style, je suis aussi impressionnée, comme d'habitude. Tu allies super bien précision et raffinement, il y a une recherche de justesse — du mot, comme de la psychologie — qui rend tout très cohérent et donne cette impression de maîtrise, sans non plus perdre en rythme plus poétique. C'est très élégant.

Bref, I'm fully in for this, l'intrigue paraît déjà tellement bien tenue, les personnages aussi, on est happés et je veux la suite.

À bientôt:)))
louji

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Re: Dynasties / Cassandra [High Fantasy / Royauté / Intrigues politiques]

Message par louji »

Bonjouuuur


Est-ce qu'on a signé une 1e fois en sachant qu'on allait souffrir ? oui 🫡
Est-ce qu'on a signé une 2e fois en sachant qu'on allait souffrir ? oui 🫡
Est-ce qu'on signe une 3e fois en sachant qu'on va souffrir ? ouiiiiiii 😄🔫👈

Sur ce, j'attaque ma lecture.
(déjà hâte de voir si je vais retrouver des traces des événements/personnages dont je me souviens vaguement par rapport à la nouvelle)
(mdr je pensais qu'elle datait de 2020 la nouvelle, comment ça 2017 ??? comment ça 6 ans ????)

Du coup on retrouve Mayeri, déjà 8-)
Je suis très contente de retrouver ton écriture dans un cadre différent de LCDS. Mine de rien, je trouve qu'on change tous un chouïa (ou beaucoup) notre style en passant d'un univers d'histoire à un autre. Et j'aime beaucoup le soin apporté aux descriptions dans Dynasties.
L'opposition entre le culte d'Esga et le culte des esprits de Cassandra est super intéressant. Smells pas bon pour la suite.
J'aime beaucoup les échos à la culture avalonienne qu'on a déjà pu croiser dans Kyara (les danses, le vocabulaire).
Ho-ho, j'avais oublié cette histoire de philtre. Soit c'est inédit à cette "réécriture" de la nouvelle, soit c'était déjà le cas et ma mémoire est nulle (bon après ça fait 6 ans, pas 3 :lol: ). Dans mes souvenirs, Raven et Cassandra avaient développé des sentiments sincères l'un pour l'autre, même si ç'avait été assez bref.
Après, tu vas me dire, on est qu'au début, il reste toute l'histoire à dérouler hehe

Booon, pour être honnête, je crois que je me rappelle vraiment pas bien la nouvelle :lol: Pour moi, Laetitia était encore envie, mais Cassandra l'a justement détrônée... Je crois ? Des trucs comme ça ?
Bon, je me doute que y'a eu des changements parce que faut quand même construire un truc plus long et dense qu'une nouvelle. Mais les objectifs de cette Cassandra me semblent pas exactement les mêmes que celle de la nouvelle. Puisque sa mère est décédée (ou cachée, etc, comme on dit, pas de corps, pas de mort), qui manigance le coup d'État en toile de fond ? Est-ce que c'est juste Wikandil ? Est-ce qu'ils ont des alliés ? Qui chapote ça ? Je me doute que c'est pas Cass toute seule, elle est beaucoup trop jeune. Bref, plein de questions as usual :lol:

Je crois qu'au fil de nos discussions tu avais dit que tu avais pas complètement fini d'écrire Cassandra, qu'il te manquait des scènes. J'espère qu'on attendra pas trop longtemps 🥺


Quelques remarques ortho-typo en vrac :
"lorsqu’elle croisa le regard de Raven, qui fixait d’un regard songeur" -> répétition
"Et, dans le cas de notre Empereur, il abandonne la charge d’avoir à régner seule." -> seul
"distant mais poli et coridal" -> cordial
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Re: Dynasties / Cassandra [High Fantasy / Royauté / Intrigues politiques]

Message par vampiredelivres »

TcmA a écrit : sam. 06 mai, 2023 12:16 pm Hiello~

Bon.

"Du sang, des morts, et un soupçon de violence".
Je m'attends pas à autre chose.
Z'est parti.

C'est une chouette première partie d'acte ! On a pas l'impression d'avoir un déballement d'événements, c'est noice.
On est tout de suite dans l'ambiance, avec des petits éléments lâchés par ci par là (une p'tite invasion, un léger coup d'Etat, quelques gouttes de drogue ou de philtre d'amour dans un coin, une usurpatrice quelque part), c'est bien géré.
En effet, tu nous as fait un backgroung religieux bien spicy, j'ai pas hâte (faux, j'ai menti) de voir comment ça va rentrer dans les jeux de pouvoir par la suite parce que ça risque d'être funny fun fun.

Bref, je sens que tu nous réserves une dinguerie et je te suis à 200%. (D'ailleurs, niveau dinguerie, on est plus du niveau d'Eliane ou du niveau de Kyara ?)

Niveau rythme de publi, tu penses avoir lequel ?

La bise !
Hiello ~

L'intro est la même pour les trois romans, tu ne peux pas dire que tu ne t'y attendais pas :lol:

Ouais, j'ai vraiment essayé de rester délicate, parce que la géopolitique du continent c'est vraiment ma came mais si je vous bombarde d'emblée avec tout le bordel, vous allez pas vous en sortir x) Donc merci !
Le background religieux… il est venu assez spontanément j'avoue, étant donné que j'avais déjà donné un peu (très peu) d'infos sur le culte d'Esga dans Kyara et que Cassandra était obligée d'être radicalement différente par bien des aspects. Mais oui ça promet :D

Ça dépend, c'est quoi l'échelle de dinguerie pour toi ? Eliane en haut et Kyara en bas ?

Je pense poster toutes les deux semaiens si j'avance bien dans mon écriture. J'ai des grosses parties d'écrites et une bonne idée de ce que je compte faire dans la suite, reste plus qu'à poser les mots sur papier. Mais Dynasties (et Cassandra surtout je trouve) requiert un flow d'écriture parfois difficile à atteindre, donc je me laisse de la marge de manœuvre à coups de 2 semaines par chapitre. Et je pense poster les vendredis !

Merci beaucoup pour ton passage, hâte de te voir dans le drama *-*
La bise !
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Re: Dynasties / Cassandra [High Fantasy / Royauté / Intrigues politiques]

Message par vampiredelivres »

louille a écrit : dim. 07 mai, 2023 7:56 am Magnifique.
Heureuse de retrouver cet univers (après avoir honteusement disparu d'un coup, me revoilà) et ta façon de le rendre vivant. Les mots étranges, les titres dans ce dialecte inventé, les rites et l'omniprésence de la religion, voire de la foi, les esprits qui semblent habiter les murs, les personnages et leur caractérisation tranchante, en quelques mots — bref tout ce que tu conjures avec force et qui nous rend l'ensemble si crédible.
C'est très beau aussi : la description du rite est très impressionnante et tout semble palpable. Quelle belle et sensible imagination.

J'aime beaucoup Cassandra déjà et je pense que ça tient essentiellement à ta maîtrise psychologique du personnage. On en sait peu et en même temps tout y est pour commencer à la cerner. "Être aussi honnête que possible était la plus vicieuse des manipulations dans cette cour d’artifices." : c'est génial.

Quant à ton style, je suis aussi impressionnée, comme d'habitude. Tu allies super bien précision et raffinement, il y a une recherche de justesse — du mot, comme de la psychologie — qui rend tout très cohérent et donne cette impression de maîtrise, sans non plus perdre en rythme plus poétique. C'est très élégant.

Bref, I'm fully in for this, l'intrigue paraît déjà tellement bien tenue, les personnages aussi, on est happés et je veux la suite.

À bientôt:)))
Hellooooo !
Ne t'en fais pas, j'ai des moments d'absence phénoménaux sur ce forum donc je ne vais pas me plaindre :D

Ravie que l'univers continue à te plaire autant ! Tu vas voir, autant Eliane était sobre dans la terminologie inconnue, autant dans Kyara et Cassandra j'ai commencé à prendre mes aises (et aussi parce qu'Avalaën est un peu mon continent "étranger" envers et contre tout, peu importe laquelle des trois protagonistes s'y trouve).

Cassandra est un juste entre-deux je pense entre Eliane, avec qui j'étais très à l'aise, et Kyara, avec qui j'étais pas du tout à l'aise au départ, donc j'aime bien que tu apprécies cet équilibre.

Merci beaucoup pour tes compliments et ton enthousiasme, et bienvenue dans le train de la folie ! :D
À bientôt ^-^
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Re: Dynasties / Cassandra [High Fantasy / Royauté / Intrigues politiques]

Message par vampiredelivres »

louji a écrit : dim. 07 mai, 2023 12:35 pm Bonjouuuur


Est-ce qu'on a signé une 1e fois en sachant qu'on allait souffrir ? oui 🫡
Est-ce qu'on a signé une 2e fois en sachant qu'on allait souffrir ? oui 🫡
Est-ce qu'on signe une 3e fois en sachant qu'on va souffrir ? ouiiiiiii 😄🔫👈

Sur ce, j'attaque ma lecture.
(déjà hâte de voir si je vais retrouver des traces des événements/personnages dont je me souviens vaguement par rapport à la nouvelle)
(mdr je pensais qu'elle datait de 2020 la nouvelle, comment ça 2017 ??? comment ça 6 ans ????)

Du coup on retrouve Mayeri, déjà 8-)
Je suis très contente de retrouver ton écriture dans un cadre différent de LCDS. Mine de rien, je trouve qu'on change tous un chouïa (ou beaucoup) notre style en passant d'un univers d'histoire à un autre. Et j'aime beaucoup le soin apporté aux descriptions dans Dynasties.
L'opposition entre le culte d'Esga et le culte des esprits de Cassandra est super intéressant. Smells pas bon pour la suite.
J'aime beaucoup les échos à la culture avalonienne qu'on a déjà pu croiser dans Kyara (les danses, le vocabulaire).
Ho-ho, j'avais oublié cette histoire de philtre. Soit c'est inédit à cette "réécriture" de la nouvelle, soit c'était déjà le cas et ma mémoire est nulle (bon après ça fait 6 ans, pas 3 :lol: ). Dans mes souvenirs, Raven et Cassandra avaient développé des sentiments sincères l'un pour l'autre, même si ç'avait été assez bref.
Après, tu vas me dire, on est qu'au début, il reste toute l'histoire à dérouler hehe

Booon, pour être honnête, je crois que je me rappelle vraiment pas bien la nouvelle :lol: Pour moi, Laetitia était encore envie, mais Cassandra l'a justement détrônée... Je crois ? Des trucs comme ça ?
Bon, je me doute que y'a eu des changements parce que faut quand même construire un truc plus long et dense qu'une nouvelle. Mais les objectifs de cette Cassandra me semblent pas exactement les mêmes que celle de la nouvelle. Puisque sa mère est décédée (ou cachée, etc, comme on dit, pas de corps, pas de mort), qui manigance le coup d'État en toile de fond ? Est-ce que c'est juste Wikandil ? Est-ce qu'ils ont des alliés ? Qui chapote ça ? Je me doute que c'est pas Cass toute seule, elle est beaucoup trop jeune. Bref, plein de questions as usual :lol:

Je crois qu'au fil de nos discussions tu avais dit que tu avais pas complètement fini d'écrire Cassandra, qu'il te manquait des scènes. J'espère qu'on attendra pas trop longtemps 🥺


Quelques remarques ortho-typo en vrac :
"lorsqu’elle croisa le regard de Raven, qui fixait d’un regard songeur" -> répétition
"Et, dans le cas de notre Empereur, il abandonne la charge d’avoir à régner seule." -> seul
"distant mais poli et coridal" -> cordial
Hellow ~

Trois fois oui, c'est signé 🔫 :D

On va retrouver quelques personnes, à peu près dans le même rythme/ordre d'apparition que dans la nouvelle ^^
(Oui c'est vieux. Oui, ça date. :lol: )

Comme je le disais à Sasa, Dynasties et Cassandra en particulier, requièrent de ma part un état et un flow assez particulier je trouve. J'adore les écrire, mais y'a des fois c'est coooompliqué x) Mais oui, je vois ce que tu veux dire, et merci !
Smells like… teen spirit ? Mauvaise ref, désolée.
L'histoire de philtre a toujours été là, on glissait dessus un peu plus rapidement dans la nouvelle because… le format nouvelle, hein, mais c'était la source même de l'intrigue, comme ici. Un peu plus de Rasandra (je doute de ça, on valide ?) dans le prochain chapitre pour t'expliquer deux ou trois trucs ^^

C'est possible vu ce que tu me racontes :lol: Bon, tu redécouvriras au fur et à mesure du coup, c'est pas nécessairement plus mal ! Enjoy l'intrigue et une Cassandra un peu refactorée alors !

Je me laisse un délai de deux semaines par chapitre, et on va faire des efforts. La ligne directrice est là, ne reste plus qu'à écrire !

Merci pour les remarques, merci pour ton passage et ton commentaire !
La bise ~
louji

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Re: Dynasties / Cassandra [High Fantasy / Royauté / Intrigues politiques]

Message par louji »

vampiredelivres a écrit : mar. 09 mai, 2023 11:42 pm Hellow ~

Trois fois oui, c'est signé 🔫 :D

On va retrouver quelques personnes, à peu près dans le même rythme/ordre d'apparition que dans la nouvelle ^^
(Oui c'est vieux. Oui, ça date. :lol: )

Comme je le disais à Sasa, Dynasties et Cassandra en particulier, requièrent de ma part un état et un flow assez particulier je trouve. J'adore les écrire, mais y'a des fois c'est coooompliqué x) Mais oui, je vois ce que tu veux dire, et merci !
Smells like… teen spirit ? Mauvaise ref, désolée.
L'histoire de philtre a toujours été là, on glissait dessus un peu plus rapidement dans la nouvelle because… le format nouvelle, hein, mais c'était la source même de l'intrigue, comme ici. Un peu plus de Rasandra (je doute de ça, on valide ?) dans le prochain chapitre pour t'expliquer deux ou trois trucs ^^

C'est possible vu ce que tu me racontes :lol: Bon, tu redécouvriras au fur et à mesure du coup, c'est pas nécessairement plus mal ! Enjoy l'intrigue et une Cassandra un peu refactorée alors !

Je me laisse un délai de deux semaines par chapitre, et on va faire des efforts. La ligne directrice est là, ne reste plus qu'à écrire !

Merci pour les remarques, merci pour ton passage et ton commentaire !
La bise ~
Holaaa

Carrément signé avec notre sang et nos larmes :lol:

Quand tu dis état de flow, tu veux dire que tu as besoin d'être un mood costaud d'inspiration/motivation pour être satisfaite de ce que tu écris ? C'est vrai que c'est satisfaisant à la relecture quand t'as tapé juste dans ce que tu cherchais, mais très frustrant à côté quand tu regardes ton écran sans trouver l'étincelle 🥲
Nirvana n'est jamais une mauvaise ref enfin 🙄
Décidément, le philtre j'étais passée à côté. Rasandra, je valide perso (ou Rassandra ?). Mais oui, curieuse de voir leur relation au fil du temps ! Si l'affection va se développer au-delà de cet artifice (dans mes souvenirs, il me semblait que oui, mais vu leur fiabilité... hm hm)

Je vais clairement redécouvrir toutes les étapes là :lol:

Ca marche !!

Avec plaisir 🫡
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Re: Dynasties / Cassandra [High Fantasy / Royauté / Intrigues politiques]

Message par TcmA »

vampiredelivres a écrit : mar. 09 mai, 2023 10:49 pm Hiello ~

L'intro est la même pour les trois romans, tu ne peux pas dire que tu ne t'y attendais pas :lol:

Ouais, j'ai vraiment essayé de rester délicate, parce que la géopolitique du continent c'est vraiment ma came mais si je vous bombarde d'emblée avec tout le bordel, vous allez pas vous en sortir x) Donc merci !
Le background religieux… il est venu assez spontanément j'avoue, étant donné que j'avais déjà donné un peu (très peu) d'infos sur le culte d'Esga dans Kyara et que Cassandra était obligée d'être radicalement différente par bien des aspects. Mais oui ça promet :D

Ça dépend, c'est quoi l'échelle de dinguerie pour toi ? Eliane en haut et Kyara en bas ?

Je pense poster toutes les deux semaiens si j'avance bien dans mon écriture. J'ai des grosses parties d'écrites et une bonne idée de ce que je compte faire dans la suite, reste plus qu'à poser les mots sur papier. Mais Dynasties (et Cassandra surtout je trouve) requiert un flow d'écriture parfois difficile à atteindre, donc je me laisse de la marge de manœuvre à coups de 2 semaines par chapitre. Et je pense poster les vendredis !

Merci beaucoup pour ton passage, hâte de te voir dans le drama *-*
La bise !

Ah ben de toute manière, avec toi, on ne peut que s'y attendre. Je serais vraiment surprise si tu nous faisais un truc tout pipou sans drama, sans meutre, tout est sunshine and glitters. Sauf que ça n'arrivera pas, parce que ce ne serait pas toi mdr.

Bravo, parce que ça pète des culs. La géopol en même temps ❤️
Ouiiii ça permet d'y aller plus en profondeur (quoique, pas sûre que je veuille vraiment parce que ce genre de religion (culte?) me trauma à chaque fois avec les pensées zélées).

MDRRRR c'est vrai qu'on est pas sur une échelle de dinguerie mais plutôt sur une référence tridimensionnelle :sob: En vrai, Eliane est tout en haut pour moi, c'était l'entrée en matière dans l'univers, la base pour la suite... Mais on est d'accord que Kyara a son bon lot de trauma :')

Okay pour le rythme de publi ! Te mets pas la pression non plus, si en 2 semaines tu sens que t'as pas eu le temps de sortir quelque chose qui te plaît !

Hahaha je vais souffrir.

La bise~
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Cassandra I (2/4)

Message par vampiredelivres »

Hello ~
C'est la petite (ouais, question de point de vue) lecture du weekend :)
Enjoy !


LA TRAÎTRESSE
(2/4)


Une main douce effleura son visage, elle tourna vivement la tête pour rencontrer le regard sombre, encore embrumé, de Raven, toujours couché à côté d’elle. Il émergeait lentement des brumes du sommeil, et Cassandra attendait avec une crainte mêlée d’impatience le moment où il réaliserait que tout ce temps n’avait été que faux-semblants. De toutes celles autour de lui, elle l’avait trompé avec le plus de mauvaise foi, jouant de tout, même de son honnêteté, pour se rapprocher de lui.
Il se redressa, et la première chose qu’il fit fut de l’embrasser. Sur ses lèvres, elle perçut les relents aigres de la potion qu’elle lui avait fait boire des heures plus tôt, mais elle s’abandonna à son contact chaud et sa tendresse malhabile, incapable de savoir ce qui le poussait à agir ainsi, indécise quant à l’idée de le repousser. Elle ne pouvait se résoudre à avouer qu’elle appréciait son toucher, mais elle ne souhaitait pas qu’il s’éloigne. Était-ce la solitude de ces dernières saisons qui la poussait à s’accrocher à lui ainsi ?
Alors, dans son étreinte, elle oublia ce qui se jouait en arrière-plan, le coup d’État qui devait avoir lieu en ce moment même s’il n’avait pas déjà eu lieu dans la nuit. Elle abandonna l’idée qu’elle n’était qu’un pion dans les plans de sa mère, elle fit l’effort d’ignorer sciemment l’appréhension qui lui avait étreint la poitrine.
Mais la réalité refit brutalement surface lorsque Raven lui offrit le plus étrange des commentaires :
— Je me demandais si ce serait différent sans être soumis à cette adoration aveugle…
Cassandra cilla, ouvrit la bouche, se tourna, incapable d’émettre un son. Raven se contenta d’un petit ricanement étranglé, plutôt cynique.
— C’est une expérience étrange d’y être soumis. Mais j’aurais presque aimé que tu me laisses ainsi… au moins n’aurais-je pas eu à détourner le regard par la suite.
— Qu’est-ce que…
Il sortit du lit, se releva, s’étira, le rayon de soleil tombant sur son flanc. Cassandra traça du regard la courbe de sa hanche, remonta le long de son dos, croisa à nouveau son regard las et résigné lorsqu’il tourna la tête vers elle :
— Je pensais que tu l’aurais compris… je n’avais jamais demandé à être l’Empereur. Au moins sous ton emprise, j’aurais peut-être pu être dédouané de mes prochains actes… Car je suppose qu’il est advenu quelque chose durant la nuit ?
La rapidité avec laquelle il avait compris la situation la foudroya, mais il la détrompa bien vite :
— J’en étais conscient tout le long. Je n’avais juste… aucun moyen, aucune raison d’agir… Je savais que j’étais biaisé, mais je… refusais, consciemment, d’aller à l’encontre des choses.
Au moment où il terminait sa phrase, la porte latérale grinça doucement, et une silhouette osseuse et voûtée, couverte d’une robe violette qui épousait ses formes maigres, entra dans la pièce. Cassandra s’assit brusquement dans son lit, électrisée.
— Aveltia Sen, salua-t-elle d’une voix âpre, grinçante. Tu devrais te préparer.
Sans discuter, Cassandra se glissa hors de son lit. L’aube n’était pas encore levée depuis bien longtemps, et elle manquait clairement de sommeil, mais elle savait que la journée qui viendrait serait longue. Aussi demanda-t-elle à Mayeri une infusion de thé revigorante, et la vieille sorcière s’esquiva en hochant la tête.
— Bien sûr qu’elle n’est pas muette… grommela Raven après son départ. Je ne suis qu’un pauvre fou, n’est-ce pas ?
Cassandra pinça les lèvres, n’osant pas le regarder en face. Elle savait en arrivant qu’elle devrait mentir comme une arracheuse de dents tout le long de son séjour, mais elle s’était laissée aller au fil des lunes. Elle se détourna lâchement, le cœur serré, guère encline à affronter sa peine et sa colère.
— Juste…
Il la rattrapa par la main alors qu’elle s’enfuyait vers son dressing, et elle ne s’arracha pas à sa prise. Un frisson courut le long de son échine, elle ne put s’empêcher de tourner la tête en entendant son ton rauque d’animal blessé :
— Dis-moi… qu’est-ce qui était vrai ? Sur quoi n’as-tu pas menti ?
Sur mes émotions. Cette fois, elle tira sur son bras, et il la laissa partir presque en courant, ne chercha pas à la retenir. Elle ne pouvait admettre à haute voix ce que sa mère abhorrait au plus au point : qu’elle ait laissé ses émotions prendre le dessus, qu’elle soit elle-même tombée dans le piège qu’elle était en train de tisser. Car, d’une certaine et étrange manière, elle aimait Raven. Elle avait apprécié chaque moment qu’elle avait passé avec lui, et elle avait craint et détesté chaque instant où elle le trahissait consciemment.
Elle ferma derrière elle la porte du dressing, et s’y adossa avec une plainte sourde. Le calme qu’elle avait ressenti dans la nuit avait totalement disparu. Elle sentait à nouveau son cœur battre la chamade dans sa poitrine, sa poitrine se soulever trop vite. Un frémissement nerveux agita ses mains, elle les bloqua entre ses cuisses pour ne plus les sentir trembler. Je vais revoir ma mère, songea-t-elle, et cette idée lui fit l’effet d’une piqûre d’abeille. Elle appuya sa tête contre le battant, ses pieds nus sur le carrelage glacé, et ferma les yeux, cherchant à retrouver son souffle et son calme dans le même temps.

Ce fut ainsi que Mayeri la trouva quelques minutes plus tard, tremblant encore par moments, l’œil hagard, incapable de se reprendre. Comprenant immédiatement le problème, pour l’avoir vécu plus d’une fois au cours des lunes passées, elle n’hésita pas. Ses vieux os craquant avec ses mouvements, elle déposa le plateau de thé sur une commode de marbre, s’accroupit près de Cassandra et passa doucement son pouce sur son visage pour essuyer une larme solitaire qui avait coulé.
— Sais-tu qui tu es ? lui demanda-t-elle à voix basse.
Cassandra renifla, se mordit la lèvre.
— Cassandra de Wikandil, asséna Mayeri.
Cassandra la Maudite.
— Cassandra Zaor’Vil, insista-t-elle.
Elle releva la tête, chercha les yeux gris de la sorcière, si pâles qu’ils paraissaient presque se fondre dans le blanc de l’œil sur le pourtour de l’iris, parsemés de points verts, marqueurs de sa sorcellerie. Dans ces yeux, elle vit Wikandil, les forêts profondes, la magie dans laquelle elle avait baigné depuis toute petite. Elle se redressa quelque peu, leva le menton.
— Cassandra de Wikandil, marmonna-t-elle avec une conviction encore vacillante.
— Tu n’as jamais été Cassandra d’Avalaën, et tu le sais. C’était un acte, un simple stratagème pour t’amener là où tu devais être au moment le plus important.
— Mais Raven…
Le regard d’acier de la sorcière s’adoucit quelque peu, elle se releva, la tira debout comme si Cassandra ne pesait rien.
— Tes émotions t’appartiennent, mais elles ne te définissent pas. Tu peux être l’héritière de ta mère et l’aimer malgré tout si tu le souhaites. Cependant…
Elle l’amena face au miroir, et la jeune femme commença à recouvrer un peu de sa volonté d’antan.
— Ce sera difficile. Et contradictoire pour toi. Sache toujours de quel côté penche ton allégeance avant de faire un choix par affection.
Cassandra croisa son propre regard violet, le même que celui de sa mère. Ses cheveux blonds, ses sourcils fins. Sa peau pâle, si pâle. Mayeri attendait patiemment, curieuse de voir sa réaction, décryptant les émotions qui transparaissaient sur son visage sans qu’elle ne cherche à les réprimer.
— Trouve-moi ce corset rouge, commanda-t-elle d’une voix encore quelque peu vacillante. Et la robe noire.
La sorcière s’enfonça dans les piles de vêtements, n’eut pas à chercher bien longtemps étant donné que c’était elle qui rangeait tout. La veille, pendant la cérémonie et la soirée, elle avait elle-même orchestré le déménagement des vêtements de la nouvelle Impératrice dans la penderie impériale attenante à la chambre. Cassandra n’avait pas osé protester que c’était inutile, même si elle était certaine que sa mère envahirait les quartiers le lendemain, car le théâtre était toujours nécessaire aux yeux de la Cour.
Pendant que Mayeri tirait les habits qu’elle cherchait, Cassandra se débarrassa de sa chemise de nuit, se vêtit de bas confortables, en revint au miroir, cherchant sa mère dans le reflet. Elle en vit les échos, chercha à la faire remonter davantage à la surface. Les vêtements aidèrent quelque peu. Si à Avalaën, le noir était la couleur du deuil, à Wikandil, c’était la couleur de la vie, des sols riches et fertiles. Mêlé au rouge impérial discret, le noir profond de la robe lui donna brièvement l’impression de retourner chez elle. Elle leva le menton, pinça les lèvres, prit une expression dédaigneuse et méprisante.
Sa mère était de retour dans ses traits, et ce retour la rasséréna quelque peu. Au fond, d’un côté de la frontière ou de l’autre, avait-elle jamais été elle-même ? Elle n’en était pas certaine, car jouer un rôle à Avalaën n’avait guère été différent de ce qu’elle faisait déjà à Wikandil. Mais c’était ainsi.
Quelque peu rassurée par le masque qu’elle parvenait à endosser aussi aisément, elle laissa maquiller sommairement, puis se tourna à nouveau vers la sorcière :
— Et maintenant ?
Cette fois, sa voix ne vacilla pas, et elles sourirent toutes les deux.
— Laëtitia est dans la salle du trône, répondit Mayeri à voix basse.
Surprenant… songea Cassandra avec une amère ironie.
— Allons-y alors.
Elles prirent toutes les deux le chemin de la chambre, et Cassandra remarqua que Raven n’était plus là. Elle n’aurait su dire si le constat la rassurait ou l’inquiétait. Peut-être les soldats de sa mère l’avaient déjà emmené dans les geôles du palais. Peut-être qu’il s’était simplement réfugié dans son petit bureau. Mais l’une des choses dont elle était au moins presque certaine, c’était que Laëtitia ne le tuerait pas tout de suite. Elle était implacable et parfois cruelle, mais au moins, elle avait toujours un froid sens des réalités. Elle savait très bien ce qu’elle risquerait à faire cela le lendemain d’un mariage.
La surprise vint lorsque, en franchissant la porte de la suite royale, Cassandra se retrouva brusquement encadrée par un groupe de gardes bien plus large que les escortes dont elle avait l’habitude. Elle s’arrêta un instant, jusqu’à ce que l’un d’entre eux, qui semblait être le capitaine, ferme ses deux poings sur sa poitrine et la salue dans le plus pur style de Wikandil. Alors seulement, elle se relâcha visiblement et prit avec eux le chemin de la salle du trône.
L’une des premières choses qu’elle réalisa en parcourant les couloirs, c’était qu’ils étaient étrangement vides pour l’heure. Même les serviteurs se faisaient aussi discrets que possible, rasant les murs lorsqu’ils étaient obligés de passer en public, disparaissant dans les coursives obscures dès qu’ils le pouvaient. La seconde, c’était que les soldats étrangers s’orientaient trop aisément déjà, comme s’ils connaissaient déjà tous les chemins possibles. Ils guettaient les angles morts, anticipaient certaines intersections trop larges en bloquant les couloirs qu’ils n’emprunteraient pas, communiquaient par signes et mots brefs, efficaces. C’était au-delà de ce que Cassandra avait vu de leur part sur les champs de bataille.
Elle demeura plongée dans ses pensées jusqu’à parvenir aux immenses battants de la pièce principale du palais, s’immobilisa un bref instant devant, adressant un signe de tête aux gardes pour qu’ils n’ouvrent pas tout de suite. La Citadelle Rouge était tombée aux mains de Wikandil. Si elle connaissait ne serait-ce qu’un peu sa mère, les vaincus seraient rassemblés dans la salle du trône pour assister à leur propre déchéance tandis que Laëtitia s’emparait du pouvoir. D’après l’allure des gardes, le palais était sous contrôle, mais ils se méfiaient malgré tout de potentielles agressions. La situation semblait donc être plutôt stable, mais elle ne savait pas vraiment à quel accueil s’attendre de la part de sa mère.
Il n’y avait qu’un seul moyen de le découvrir, réfléchit-elle avec une grimace intérieure. Elle se rappela les denses forêts de Wikandil, Ysilvar et ses maisonnettes dissimulées entre les clairières, les tribus libres qui circulaient sans crainte. Le calme qui y régnait, la paix en harmonie avec la nature sauvage.
Elle fit un signe de tête, et les portes s’ouvrirent en grand.
— Son Altesse Impériale Cassandra d’Avalaën, annonça le héraut à l’entrée d’une voix de stentor.
L’Usurpatrice, compléta-t-elle en s’avançant dans le silence pesant qui régnait. Elle chercha du regard le trône occupé, mais il n’était étrangement pas occupé par celle à qui elle s’attendait. C’était Raven qui était installé dessus, l’air incertain face à la foule massée au centre de la salle. Elle plissa les yeux, curieuse, à la recherche de la mince silhouette qu’elle s’attendait à trouver à l’origine, finit par la repérer dissimulée dans l’ombre d’un mur. À la manière dont elle se tenait, Cassandra comprit qu’elle ne souhaitait pas être exposée avant qu’elle n’en décide autrement, aussi la jeune femme s’avança-t-elle vers le trône vacant à la droite de son époux. Ce dernier avait tenté de cacher sa perplexité, mais il paraissait malgré tout plus que confus de pouvoir s’asseoir sur le siège qu’il occupait depuis sa majorité.
— La séance matinale est ouverte !
Cassandra fronça les sourcils en direction du héraut, qui portait clairement les insignes de Wikandil sur ses épaulettes. Elle-même, malgré la situation planifiée, ne savait trop sur quel pied danser. Elle jeta un coup d’œil en biais à Raven, qui crispait les mains sur ses accoudoirs, le détailla en silence. En principe, la séance de doléances était d’abord ouverte aux habitants du palais, et ensuite seulement au peuple. Cependant, seuls les conseillers les plus proches de l’Empereur étaient présents ce matin, et à leurs expressions, elle devinait qu’ils n’avaient pas seulement été invités… mais plutôt incités à venir.
Le seul qui manquait cruellement à l’appel dans cette foule familière était l’opraki, le conseiller spirituel de l’Empereur. Il n’était pas vraiment un ministre à part entière, et sa présence n’avait jamais été obligatoire, mais il avait été si souvent présent que Cassandra ressentit son absence comme un vide inhabituel à la gauche de son époux.
— Eh bien, les doléances sont aussi moroses que dans mes souvenirs…
La voix traînante, moqueuse, s’était élevée depuis le coin d’ombre où se cachait Laëtitia. Elle s’arracha lentement à l’appui du mur, se déplia comme une araignée dans sa longue robe noire étroite, s’approcha à pas lents de l’estrade. Ses bottines cloutées claquaient contre le sol, ses épaulettes d’acier étincelaient dans l’éclat du soleil qui traversait les fenêtres.
— Que fait-elle ici, Kalekti Sen ? Pourquoi les gardes ne l’ont-ils pas jetée dans les cachots dès son arrivée ?
La voix d’un conseiller, l’un de ceux que Cassandra appréciait le moins parmi le petit groupe qui de toute manière la haïssait profondément, s’était élevée dans le silence tranchant. La jeune femme nota les bordures bordures d’or et de vert sur la robe de sa mère, qui dessinaient un complexe motif de feuillage.
— J’espérais en vérité que l’Empereur voudrait bien m’accorder une audience, expliqua-t-elle paisiblement. Il s’avère que le mariage de ma fille a, quelque part, uni Wikandil et Avalaën… ce qui nous épargne à tous une pénible guerre qui dure depuis de trop longues saisons.
Un bruissement de mécontentement parcourut le petit groupe qui faisait face aux nouveaux époux.
— Aussi la population de Wikandil sera ravie d’apporter son aide militaire aux courantes et futures conquêtes d’Avalaën. Je ne suis qu’une porte-voix pour le peuple, aujourd’hui, ajouta-t-elle avec un sourire rusé.
Une porte-voix qui a supplanté la garde en une nuit pour la remplacer par la sienne… songea Cassandra avec un fin sourire.
— Bien sûr, je ne resterai que si l’on veut de moi…
Laëtitia se tourna vers Raven et Cassandra, l’air de leur demander leur avis, même si tous les deux savaient très bien que ce n’était pas une question. Elle resterait, que Raven refuse ou non ; elle le contraindrait à accepter d’une manière ou d’une autre. La seule chose que sa fille ne comprenait pas, désormais, était pourquoi elle adoptait une approche aussi pacifique. Pourquoi ne s’était-elle pas déjà emparée du pouvoir ? Elle l’avait à portée de main, elle n’avait qu’à se saisir de la couronne de l’Empereur. Il n’oserait pas la lui refuser, pas avec les gardes aux écussons de Wikandil postés partout autour, dans l’ombre des colonnades.
— Ce serait un honneur, répondit enfin Raven d’une voix que Cassandra trouva étonnamment ferme, d’avoir enfin les terres libres de Wikandil pour alliées et non pour ennemies. Je suppose que nous officialiserions cela avec un traité ?
— Ce serait en effet l’idéal.
— Alors permets-moi de t'inviter à séjourner dans le palais au moins jusqu’à sa signature, Laëtitia Sen.
— Mais Kalekti S… voulut se récrier l’un des ministres.
Ce fut Cassandra qui le fit taire, le foudroyant d’un regard si polaire, si similaire à celui de sa mère, qu’il en ravala son cri. La jeune fille discrète et délicate, qui n’attirait pas l’attention plus que ce n’était nécessaire, avait disparu. Et même si cette attitude assurée ne lui était pas non plus naturelle, elle l’avait tant de fois exploitée qu’elle pouvait presque s’en couvrir comme d’une seconde peau, d’un masque invisible. Prétendre. Quel que soit le palais, quels que soient les enjeux. Ne jamais dévoiler ses faiblesses, ne jouer dessus que si c’était avantageux.
Laëtitia, elle, se contenta d’un fin sourire.
— J’en serais ravie. Merci pour ton invitation, Kalekti Sen, j’espère que nous pourrons attaquer les négociations au plus vite.
Elle pivota vers les conseillers avec son rictus de vipère, et ils blêmirent en se rappelant brusquement à quoi avait ressemblé l’Empire lorsqu’elle le gouvernait. La plupart d’entre eux avaient lutté la moitié de leur vie pour la chasser du trône, et ils avaient espéré s’être débarrassés d’elle après la révolte, mais elle était soudain de retour, aussi à l’aise dans le palais que si elle ne l’avait jamais quitté.
— Messires, je conçois que nous ne sommes pas quittés en bons termes… mais comprenez que je n’ai d’intérêt que pour les terres libres et le bonheur de ma fille. Le reste est obsolète, désormais.
À leurs expressions, ils ne croyaient pas un mot de ce qu’elle disait, mais il était difficile de le remettre en question pour le moment, aussi se contentèrent-ils de la laisser s’esquiver sans attendre la permission impériale, marquant de ce simple départ le nouveau rapport de forces entre la Couronne et elle.
Ce départ aussi soudain plongea Cassandra et Raven dans une totale perplexité, et ils se concertèrent d’un regard incertain. Cassandra en particulier ne savait soudain plus quelle part de cette histoire était un acte, et de quelle manière sa mère voulait dominer Avalaën si elle se contentait d’un simple traité. Mais, clouée à son siège par ses nouvelles obligations, elle endura en silence sa toute première séance de doléances aux côtés de Raven dès que les portes furent ouvertes au reste de la noblesse du palais, puis au petit peuple. Se sachant peu expérimentée, elle laissa totalement son époux gérer la situation, se contentant d’écouter et d’observer, songeuse. On était loin de la conquête sanglante et des grandes batailles qui avaient été menées dans son enfance par Laëtitia aux frontières wiccanes.
Néanmoins, le bruit du retour de l’usurpatrice semblait s’être répandu comme une traînée de poudre, car elle nota bien des regards nerveux dans sa direction, des œillades suspicieuses qui ne lui avaient plus été adressées depuis des lunes. Et Raven sembla également en prendre un coup, car l’attitude de défiance du ses courtisans à son égard était soudain nettement perceptible dans la prudence avec laquelle ils s’adressaient à lui. De petits groupes de concertation s’étaient formés, profitant de la foule matinale pour essayer d’être discrets, n’y parvenant guère pour l’œil acéré de Cassandra.
La matinée s’acheva sur une lente procession de paysans venant de l’est, qui se plaignaient des incursions régulières des soldats de Kalven dans la forêt d’Ansava. Ils habitaient loin, à plus d’une semaine à cheval, mais ils avaient fait le choix de venir malgré tout au palais eux-mêmes, trois chasseurs étant déjà morts à cause des soldats kalveniens. Cassandra nota dans un coin de son esprit que la menace kalvenienne se faisait de plus en plus perceptible, et qu’elle devrait en parler à sa mère. Elle savait qu’Avalaën déployait une partie de son armée dans le secteur justement pour empêcher ce genre d’incidents, mais il semblait que cela ne soit plus assez. Était-ce à cause des guérillas au nord, avec Wikandil ?
Elle plissa le nez. La géopolitique n’avait jamais été son sujet de prédilection, même lorsque des tuteurs la lui enseignaient, petite. Elle n’avait aucun mal à retenir les noms, mais se rappeler les relations entre chaque ville, pays ou famille influente était autrement plus complexe. Elle se fit la promesse d’en discuter plus tard avec sa mère puis, lorsque le héraut signifia la fin des audiences, elle prit la main que Raven lui tendait, se redressa avec lui, et quitta la pièce en se demandant pourquoi le contact de sa main était aussi agréable, malgré la tension qui les habitait tous les deux.
Il la conduisit au travers des couloirs, leur escorte wiccane sur leurs talons, muets mais vigilants, jusqu’à une petite salle en haut d’une tourelle à laquelle Cassandra n’avait jamais accédé par le passé.
— Laissez-nous, commanda-t-elle lorsque l’un des gardes fit mine d’entrer avec eux.
Il mit quelques angoissantes secondes à considérer l’ordre avant de finalement s’y plier, reculer et fermer derrière eux après avoir soigneusement vérifié que la pièce ne semblait pas avoir d’autre entrée… ce qui était un pieux mensonge dans ce palais. Cassandra avait bien vite appris que c’était un nid de fourmis, avec des couloirs cachés derrière des pierres soi-disant épaisses, des murs qui avaient plus que des oreilles et parfois même des yeux, et qu’un placard pouvait toujours être l’entrée d’un passage secret. Néanmoins, elle songea que la dernière chose que Raven voulait peut-être actuellement était d’être écouté, et que par conséquent il avait choisi un lieu peu accessible, aussi protégé que possible.
— Je vais avoir besoin d’explications… grommela-t-il en s’affalant sur une chaise.
Il riva son regard ébène dans ses yeux violets, et Cassandra frémit sous l’intensité du contact. Elle s’adossa contre le mur le plus proche et murmura, incertaine :
— Je t’avoue que je ne sais pas non plus… Je ne comprends pas…
— Tu essaies peut-être de me faire croire que tu n’es pas au courant alors que tu planifies ce jour depuis ton arrivée ?
Son ton était rogue et cassant mais, étrangement, elle ne discernait pas d’agressivité latente, pas à son égard en tout cas. Elle rejeta la tête en arrière, détailla les épais blocs de pierre qui constituaient le plafond, souffla lentement en se pinçant l’arête du nez.
— Je n’étais qu’une distraction, admit-elle finalement d’une voix sèche. Je n’ai rien fait moi-même. Jusqu’à ce matin, je n’étais même pas certaine qu’ils soient parvenus à entrer.
— Et pourtant, tu m’as soustrait à l’effet de ce philtre d’attraction.
Elle ne put que hocher la tête. Cela n’avait jamais fait partie d’un quelconque plan. Sa mère escomptait probablement d’elle qu’elle garde Raven sous son influence jusqu’au bout… mais elle n’en avait pas été capable.
— Je ne pouvais pas me résoudre à… t’obliger à assister à tout ceci comme un pantin.
Il encaissa le coup, resta quelques secondes figé, incapable de réagir. À défaut d’un aveu d’amour, c’était au moins une preuve de compassion à laquelle il ne s’attendait certainement plus de la part de la fille de Laëtitia Zaor’Vil. Il s’assit sur un petit tabouret en bois, le regard dans le vague, emporté dans un tourbillon de réflexions dont il ne pouvait s’extraire que par lui-même. Cassandra le laissa réfléchir, car elle faisait de même de son côté, et elle appréciait le silence qui s’était installé.
Il fallait qu’elle parle à sa mère. Elle ne pouvait rester dans cette infernale attente qui l’empêchait de comprendre ce qui se tramait réellement. Mais devait-elle parler à Laëtitia en compagnie de Raven, ou sans lui ? C’était là une question à laquelle elle ne savait pas répondre par elle-même. Peut-être que Mayeri saurait l’aiguiller.
— Tu n’as pas répondu à ma question de ce matin, soupira son époux en se redressant.
Elle blêmit. Qu’est-ce qui était vrai ? Sur quoi avait-elle menti, au juste ? Pas grand-chose finalement, seulement tout ce qui touchait au plan d’invasion, et à une partie de ses souvenirs de Wikandil. Être honnête, autant que possible, avait été son mantra pour séduire le jeune Empereur. Mais elle n’était certainement pas prête à l’admettre.
Raven la regardait droit dans les yeux, et malgré le rapport de forces inversé, Cassandra fut la première à détourner la tête. Était-ce sa trahison ou l’absence de haine qu’il lui témoignait qui la rendait aussi vulnérable, elle n’aurait su le dire. Mais elle était incapable de lui faire face pour le moment.
— Ce n’est pas grave, sourit-il avec un rictus désabusé. Je suppose que tu dois parler à ta mère ?
— C’est le cas, grommela-t-elle.
— Alors vas-y. Pour ma part, je vais aller dîner, et vous me ferez certainement part de vos intentions… plus tard.
— Je ne…
Il pivota, franchit la porte, et la moitié de la garde l’entoura aussitôt.
— Cassandra ? Malgré le philtre d’attirance, malgré la situation, sache que je n’oublie pas ces dernières saisons. J’ai vu une femme que j’appréciais sincèrement, quelque part. Je sais qu’elle est vraiment là.
Et il s’en fut.

◊~◊~◊

ACTE I (3/4)
Dernière modification par vampiredelivres le sam. 10 juin, 2023 11:46 am, modifié 1 fois.
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Re: Dynasties / Cassandra [High Fantasy / Royauté / Intrigues politiques]

Message par TcmA »

Hiello~

Bon ben ça sent pas bon tout ça.
Très chouette partie !!

Laëtitia me fait l'effet d'un bon gros serpent tapi dans l'ombre (mais gros =/= lent). Ca va chier :v
(Elle m'a l'air aussi complexe que l'écriture de son prénom mdr)

Raven est surprenant et très intéressant, il est choupi.

J'ai hâte de voir ce que la suite nous réserve.

La bise !
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Re: Dynasties / Cassandra [High Fantasy / Royauté / Intrigues politiques]

Message par vampiredelivres »

TcmA a écrit : dim. 04 juin, 2023 6:32 pm Hiello~

Bon ben ça sent pas bon tout ça.
Très chouette partie !!

Laëtitia me fait l'effet d'un bon gros serpent tapi dans l'ombre (mais gros =/= lent). Ca va chier :v
(Elle m'a l'air aussi complexe que l'écriture de son prénom mdr)

Raven est surprenant et très intéressant, il est choupi.

J'ai hâte de voir ce que la suite nous réserve.

La bise !
Hiello ~

Nan, on pourrait même dire que ça pue. x)

Oui, tu as bien cerné Laëtitia, c'est une sale vipère qui t'attend dans les herbes pour te défoncer. Mais c'est ça qui est fun avec elle.
(Ouiiii, c'est vrai que c'est pas le plus simple que j'aie écrit.)

Raven est mignon le pauvre chat, il avait rien demandé à la base mais il s'accroche comme il peut.

Get ready, shit's gonna go down :)
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Cassandra I (3/4)

Message par vampiredelivres »

LA TRAÎTRESSE
(3/4)


Cassandra passa une bonne demi-heure à arpenter le palais d’un bout à l’autre, cherchant une trace de sa mère dans les corridors inhabituellement déserts. Généralement, à cette heure, les courtisans avaient fini d’émerger de leur somme matinal, avaient pris leur petit-déjeuner seuls ou en famille, et commençaient à se réunir dans les petits salons et salles de jeux. Aujourd’hui cependant, une ambiance pesante planait sur les couloirs, et le silence était trop dense pour que les murmures portent au-delà de quelques pas. Devant Cassandra, les rares passants s’écartaient avec une crainte et une déférence certaine, les motifs de feuilles de l’armée de Wikandil juste assez apparents sur les cuirasses des gardes pour véhiculer le message. Le calme d’une tempête naissante régnait, ce qui était d’autant plus inquiétant que Laëtitia était introuvable.
Elle finit par entendre un écho de rumeur de la part des gardes de la délégation wiccane, qui mentionnaient la crypte. Doutant de la véracité de ces propos, mais incapable de les réfuter puisqu’elle n’arrivait pas à trouver sa mère ailleurs, Cassandra finit par faire le tour du palais pour se diriger vers la chapelle attenante dans laquelle elle avait procédé à la cérémonie de l’Abandon. Elle laissa ses gardes sur le pas de la porte malgré leur réticence, ayant déjà remarqué le second détachement qui patientait non-loin. Puis, elle s’engagea en silence dans la chapelle vide, adressa un bref signe de tête à la prêtresse qui s’était occupée d’elle la veille, contourna l’autel. Elle n’était jamais descendue elle-même dans la crypte impériale, n’y ayant évidemment pas le droit d’accès, mais cela avait changé désormais.
Derrière le large autel de pierre, il y avait une volée d’étroits escaliers en colimaçon. Elle les descendit précautionneusement, tâtonnant les murs pour se repérer lorsque la clarté de la chapelle se fit distante. Un silence agréable régnait entre les pierres froides, uniquement rompu par le bruit de ses chaussures qui chuintaient contre la roche. On était loin du poids des non-dits qui alourdissaient l’ambiance dans le palais, des incertitudes qui planaient, des murmures qui n’osaient pas s’élever.
Puis, enfin, elle arriva en bas, et au lieu de l’obscurité à laquelle elle s’attendait, elle aperçut les ondoiements orangés d’une torche qui découpaient la silhouette noire d’une femme. Elle s’arrêta un instant, hésita, puis appela doucement :
— Hvear ?
La silhouette frémit, pivota, et les boucles blondes des cheveux brillèrent d’un or rouge dans l’éclat des flammes.
— Cassandra.
Abandonnant toute retenue, Cassandra s’avança précipitamment, et plongea dans les bras de sa mère sans se préoccuper de la torche levée ni de sa retenue.
— Tu m’as manqué, murmura-t-elle.
— Tu ne m’as pas appelée Merake, releva Laëtitia en wiccan.
— Pourquoi le ferais-je ?
Elle se détacha lentement, recula pour observer sa mère, notant enfin sa froide distance, ses traits imperturbables. Un halo chaud et doux entourait son visage, mais ne parvenait pas à adoucir la rudesse de son expression. Elles avaient le même nez fin, aplati au bout, le même menton effilé, les mêmes yeux d’un violet améthyste En fait, à l’exception des rondeurs des joues de Cassandra, on aurait pu croire à une parfaite copie, à des jumelles dont le temps se serait écoulé différemment. Laëtitia portait son âge sans crainte ni honte, une cinquantaine d’hivers bien avancés, tandis que Cassandra atteignait tout juste les vingt. Les premiers cheveux blancs se perdaient encore dans ses boucles couleur blé, mais les ridules de sa mère s’étaient creusées durant les deux étés où elles ne s’étaient pas vues.
— Tu as vieilli.
— Cela arrive quand je ne bois pas le sang de jeunes vierges innocentes.
La plaisanterie cynique leur tira à toutes les deux un bref sourire. Laëtitia en avait été accusée lorsqu’elle régnait aux côtés de l’empereur Karo. Haïe pour sa beauté, sa froideur et ce que le peuple associait à de la cruauté, elle n’avait jamais été aimée par personne à la Cour. Cela avait rendu son départ d’autant plus facile.
— Pourquoi tant de simulacres ? Le traité, les gardes, le trône…
Laëtitia se fendit d’un petit rire.
— T’est-il déjà venu à l’esprit que je tiendrais réellement à la souveraineté des terres de Wikandil ?
— Oui, mais…
Cassandra s’interrompit, prise d’un doute soudain.
— Mais le trône, tu as toujours… tu as toujours tant haï Avalaën, tant voulu le récupérer…
— Après avoir passé tant de temps ici, est-ce que cet empire te semble si monstrueux ? releva sa mère, l’air curieux.
Consciente que sa mère ne posait que rarement des questions au hasard, Cassandra prit le temps de réfléchir.
— Non… finit-elle par soupirer. Il y a les mêmes gens ici que partout ailleurs… bons, mauvais, vicieux ou naïfs…
Laëtitia esquissa quelques pas dans la crypte, garda le silence un moment, puis désigna l’une des statues taillées à même la roche de la crypte. Chaque fois qu’un souverain avalonien mourait, on creusait un peu plus la grotte étroite pour lui offrir une demeure de pierre auprès de ses prédécesseur. Ils étaient des dizaines, veillant depuis ce qui semblait être l’aube de l’Empire, gardiens silencieux de l’histoire qui avait eu lieu.
— Lui est mort empoisonné.
Cassandra n’eut pas le temps de lire l’inscription au pied de la statue que Laëtitia pivotait déjà vers celle qui lui faisait face.
— Ça, c’était sa fille. On l’a égorgée à la mort de son père.
La jeune femme blêmit en réalisant que la stèle représentait une gamine d’une douzaine d’étés peut-être. Une naissance de poitrine, des hanches encore droites, à peine l’allure d’une adolescente, des traits encore trop doux pour être sortie de l’enfance.
— Celui-ci est décédé dans une guerre contre Wikandil, une sorcière l’aurait transformé en arbre.
Elle parcourut la crypte en énonçant chaque décès, chaque meurtre, chaque « accident » qui n’y ressemblait pas. Seuls une demi-douzaine sur la quarantaine qui étaient honorés là avaient eu une mort paisible, dans leur lit, entourés par leur famille. Certains avaient été tués par leurs propres frères, avides de pouvoirs, d’autres empoisonnés, d’autres poignardés dans les guerres successives menées par Avalaën au cours des années.
— Et lui empoisonné par Laëtitia Zaor’Vil.
La voix ferme de Raven résonna dans l’étroitesse de la crypte, râpant sur les sonorités âpres du wiccan. Cassandra pivota brusquement sur ses talons, aperçut sa silhouette qui se découpait dans le lointain éclat de la torche.
— Kalekti Sen.
Laëtitia haussa un sourcil, se fendit d’un sourire et s’inclina. Salut de pure forme car, un instant plus tard, elle reprenait en wiccan sans le moindre égard pour le souverain avalonien :
— Dis-moi Cassandra, quelle leçon peut-on tirer de cette crypte ?
La concernée n’eut pas à réfléchir longtemps pour deviner où sa mère voulait l’emmener.
— Le trône est mortel.
— Et c’est exactement la raison pour laquelle je ne veux plus m’asseoir dessus. Il m’aura fallu du temps pour le réaliser.
Elle jeta un regard en coin à l’empereur, debout à côté d’elle, et le sourire dont elle ne s’était pas départie se tordit en un rictus vicieux.
— C’est pour cela que je demeurerai désormais dans l’ombre du trône. Le peuple aime les histoires d’amour et la paix. C’est ce qu’il verra en vous.
Figée, Cassandra sentit un frisson de peur courir le long de sa colonne vertébrale. Deux hivers plus tard, elle avait presque oublié ce que cela faisait de se retrouver prise dans le faisceau glacial de ces yeux violets, écrasée par cette détermination de serpent en chasse, paralysée par le souffle glacial de cette voix chargée de mépris.
Raven finit par reculer. Il s’inclina devant Laëtitia, un rictus faussement poli aux lèvres, et tourna les talons. Ses pas résonnèrent dans le couloir de pierre tandis qu’il s’éloignait et, longtemps, leurs échos continuèrent à ricocher dans l’obscurité.

Les jours défilèrent, se transformèrent en mois, s’entremêlèrent dans une obscure suite de journées identiques les unes aux autres où Cassandra découvrit avec une certaine stupeur les nombreuses obligations qui lui incombaient. Préparée à ce que sa mère reprenne la main juste après son intronisation, elle se retrouva à devoir fouiller dans les obscurs souvenirs de ses lointains cours de politique pour réussir à suivre les débats qui avaient lieu au conseil, les audiences qu’elle donnait le matin et les polémiques qui agitaient la Cour.
Passé le premier choc de l’arrivée de l’ancienne usurpatrice et de la relève pas si discrète de la garde royale – il avait fallu une annonce de Raven pour définitivement établir que ce n’était pas une invasion, mais que les soldats wiccans allaient effectivement demeurer au palais et remplacer la plupart de ceux qui y avaient travaillé – un calme annonciateur d’orage s’était installé. Entre deux discussions à propos du traité, Laëtitia avait subtilement fait comprendre que ceux qui restaient de l’armée avalonienne d’origine avaient été soit tués, soit rachetés et gentiment envoyés à la campagne auprès de leurs familles avec une somme qui les mettait hors du besoin. Et Cassandra avait découvert sans surprise que, avant même qu’elle ne s’asseye sur le trône pour la première fois, Mayeri s’était occupée de piocher dans les caisses de l’Empire et de rédiger des lettres tamponnées au sceau impérial.
L’administration avalonienne est un gruyère, avait dit sa mère une fois, une éternité plus tôt. Paradoxalement, là-dessus, Cassandra, Raven et Laëtitia se rejoignaient tous les trois, et cela facilitait les discussions au conseil restreint. Raven souhaitait tout autant que quiconque rendre son Empire imperméable aux coups d’État comme celui qui venait d’avoir lieu, même s’il devait pour cela accepter de devenir lui-même une marionnette, conscient qu’il avait failli et que c’était là la conséquence de l’administration laxiste de ses conseillers. Dans cette quête, il avait trouvé un équilibre fragile, étonnamment policé et sincère, avec Cassandra. Ils dînaient tous les deux régulièrement ensemble, débattaient, opposaient leurs points de vue en amont des violents affrontements au conseil pour trouver une ligne directrice commune.
Cassandra sentait que, lentement, malgré toute l’attente et l’expectative, elle s’éloignait de sa mère. Elle qui avait attendu si impatiemment son arrivée se retrouvait à craindre parfois sa présence, ses brusques accès de colère, son intransigeance sévère. Elle avait à nouveau l’impression d’être une petite fille en constante quête d’approbation, doutant de tout et surtout d’elle-même.
Plongée la tête la première dans la tension permanente de cette nouvelle politique à laquelle elle n’avait pas prévu de participer, elle ne prêta d’abord guère d’attention aux nausées qui lui donnaient le tournis régulièrement. Elle passait ses journées sur le trône, la tête lourde, l’esprit en vrac après des heures de débats qui, trop souvent, étaient stériles et vains, et les migraines n’étaient qu’une conséquence normale.
Mais, un matin où elle enfilait son peignoir en silence, encore mal réveillée après la longue soirée de la veille, l’estomac barbouillé, elle eut la surprise de sentir Mayeri lui tapoter doucement l’épaule de ses doigts crochus. Elle pivota vers la sorcière, haussa un sourcil, puis gémit de douleur :
— Aïe !
Mayeri retira vivement l’aiguille à coudre avec laquelle elle venait de lui piquer l’épaule, tira de ses poches cachées une petite coupelle de bois et une poignée d’herbes, qu’elle émietta entre ses doigts à la vitesse de l’éclair en murmurant des incantations rituelles. La préparation commença à fumer, dégageant une odeur de métal chauffé, et la sorcière en profita pour prélever quelques gouttes du sang qui perlait sur l’épaule de Cassandra. Chaque goutte grésilla au contact des herbes, et Mayeri tendit la coupelle sous le nez de la jeune femme.
— Et donc ? releva Cassandra, perplexe.
Les feuilles arboraient désormais une jolie teinte lilas pâle, de la même couleur que sa chemise de nuit. Mais Cassandra n’avait jamais été versée dans les enchantements, malgré tout ce que les magiciennes de Wikandil avaient voulu lui apprendre.
Mayeri poussa un soupir. Les ridules sur son front se contractèrent, lui donnant brièvement un air de faucon, avec son nez à l’extrémité pointue et recourbée vers le bas.
— Enceinte, murmura-t-elle simplement.
Depuis le retour de Laëtitia, la rumeur qu’elle n’était pas muette avait filtré, mais elle demeurait exactement ce qu’elle était : une rumeur. Et ni Cassandra ni Mayeri n’avaient d’intérêt à la démentir.
Cassandra mit un moment à comprendre et à encaisser ce que Mayeri venait de formuler à haute voix. Puis, un sourire affleura sur son visage, et elle fila vers le dressing pour s’habiller en hâte. Enceinte ! Elle n’avait jamais vraiment osé parler à sa mère du fait qu’elle voulait des enfants, étant donné qu’elle n’était toujours pas certaine de son rôle et de sa place sur le trône. Mais désormais, ce n’était plus vraiment une question.
Elle se précipita dans la salle du conseil, où Raven et Laëtitia étaient déjà attablés avec ce qui ressemblait à une armée de conseillers, le cœur battant, les mots au bord des lèvres. Ils jaillirent avant même qu’elle n’ait le temps de raisonner, réfléchir au fait que la salle était trop remplie pour une annonce aussi prématurée et aussi personnelle.
— Mère, Raven, je suis enceinte !
Si le silence avait pu être plus lourd encore, il se serait solidifié en plomb. Elle se figea sur le pas de la porte, la main encore sur la poignée que les pages n’avaient pas eu le temps de saisir à sa place, les pieds en équilibre précaire. Le regard violet de sa mère oscillait entre terreur et fureur, son visage s’était déformé en un mélange d’émotions contradictoires et incompréhensibles. Durant une petite seconde, Cassandra demeura suspendue dans l’incompréhension la plus totale. Tous les regards s’étaient tournés vers elle, et personne ne capta le fragment d’instant où Laëtitia se recomposa un solide masque impénétrable, si froid et dur que même sa fille aurait pu douter de la véracité de ces expressions qui avaient défilé si rapidement. Mais elle les avait vues.
— Aurais-tu peut-être pu songer qu’un autre moment aurait été plus… judicieux…? interrogea l’usurpatrice d’une voix aussi posée que tranchante.
Cassandra sentit un long frisson d’appréhension glacée descendre le long de son échine.
— Je…
Elle vacilla, se rétablit, l’esprit tournant à mille à l’heure pour essayer d’appréhender ce qu’elle venait de voir de sa mère.
— Navrée Mère, murmura-t-elle, encore incertaine.
— En outre, tu es en retard.
— J’avais des nausées… justement dues à…
— Ah. Eh bien, je suppose que c’est justifiable.
Laëtitia jeta un bref regard à Raven, l’interrogeant en silence sur la véracité de ces faits. Mais Raven et elle avaient fait chambre à part cette nuit, comme il était parfois d’usage à Wikandil. Elle lui avait expliqué la coutume quelques décades plus tôt, à l’occasion d’une longue soirée qu’ils avaient passé en tête à tête. Les couples ne dormaient en vérité pas ensemble toutes les nuits car la qualité de leur sommeil dépendait de leur environnement… et dormir avec l’autre avait ses inconforts. Raven avait prêté une oreille intéressée à l’anecdote, et ils avaient déjà tenté l’expérience quelques fois. Elle savait déjà combien cela ferait jaser si ça s’apprenait dans le palais, mais l’arrangement semblait leur convenir à tous les deux. Ça demeurait occasionnel, et c’était agréable d’avoir un lit à elle toute seule parfois.
— Les félicitations sont de rigueur, Aveltia Sen.
Surprise d’entendre quelqu’un s’exprimer aussi ouvertement, Cassandra tourna la tête. C’était le général Esirath, un homme d’une quarantaine d’hivers, un soldat expérimenté de l’armée wiccane qui avait supplanté le commandant avalonien récemment. Ami proche de Laëtitia depuis son retour à Wikandil, il ne semblait pas avoir peur de donner son opinion en face. Il lui adressa un sourire circonstancié, poli, qui plissa les ridules de ses yeux, et elle inclina la tête en guise de remerciement.
— Oui, nos félicitations Aveltia Sen, renchérit un autre conseiller, avalonien cette fois.
Cassandra garda son regard rivé sur Esirath encore une seconde de plus, curieuse, puis finit par se diriger vers le siège vacant qui l’attendait entre Raven et sa mère.
— Pardon pour l’interruption. Reprenons, nous aurons largement le temps de distribuer des félicitations durant les lunes qui viennent.
Il y eut des raclements de gorge, des papiers agités, et le fil de la discussion reprit.
— Donc nous parlions de l’essor de Lumière.
— Effectivement. Les frontières à l’est avec la coalition des provinces d’Helvethras semblent pour le moment fragiles. Lumière a acquis une réserve de forces considérable qui peut menacer…
Cassandra s’absorba dans les documents pour retrouver les rapports qui dataient de quelques jours auparavant, des missives d’espions qui avertissaient d’un rassemblement de troupes menaçant à l’est des frontières. Elle n’oublia cependant pas ce qu’elle avait vu sur les traits, comme un miroir distordu de son propre visage, hanté par une peur qui menait à la rage, déformé jusqu’à montrer une nature qui tendait vers la violence pure.
Elle n’avait jamais douté des intentions de sa mère, si ce n’était depuis que cette dernière était arrivée à Avalaën. Depuis, le monde lui semblait être sens dessus-dessous, incompréhensible par moments. Elle ne comprenait toujours pas pourquoi elle siégeait encore sur cette chaise, présidait ce conseil alors même que sa mère était bien plus compétente et qu’elle avait le pouvoir pour saisir la couronne. Elle avait dit qu’elle n’en voulait pas. Mais y avait-il autre chose ? Quelque chose qui lui aurait fait peur ?

Cassandra avait longtemps marché après cette séance du conseil qui avait failli tourner au fiasco, ruminant en silence des souvenirs du passé. Elle ne parvenait pas à trouver une signification plausible aux expressions de sa mère, mais elle ne parvenait pas non plus à se convaincre qu’elle les avait imaginées. Elle avait vu la peur, la haine, presque viscérales, peintes sur le visage de Laëtitia Zaor’Vil en nuances d’expressions qu’elle ne manifestait sinon jamais. Elle qui supportait mal l’odeur du sang depuis sa première visite sur un champ de bataille avait presque elle-même ressenti la soudaine soif de sang qui émanait de sa mère comme une aura écœurante.
Sans trop savoir comment elle en était arrivée là, elle se retrouva dans les jardins impériaux, au pied de l’orme centenaire sous lequel elle s’était réfugiée presque tous les jours après son arrivée à Avalaën. Elle n’y était plus retournée depuis l’arrivée de sa mère. L’arbre, qui lui rappelait tant Wikandil durant la période où elle tentait de se fondre dans la masse, avait été un refuge et un havre de paix jusqu’à ces dernières lunes où, prise dans le tourbillon de ses nouvelles responsabilités, elle n’avait plus eu le temps d’y retourner.
D’un geste vague, anxieux, elle chassa son escorte et s’assit précautionneusement dans l’herbe, avant de se laisser aller contre le tronc de l’arbre. La sensation familière de l’écorce rêche, réchauffée par le soleil, apaisa ses battements de cœur erratiques, elle se laissa aller à fermer les yeux.
Quelque chose avait changé depuis le retour de sa mère, elle en était désormais certaine. Le mal-être qui l’avait habitée des lunes durant, qu’elle avait tenté de ravaler comme un arrière-goût amer, s’était déversé aujourd’hui dans sa bouche et refusait de partir. Elle poussa un long soupir, affala sa tête contre le tronc épais, et se laissa sombrer dans les réminiscences de celle que sa mère avait été, cherchant une trace de cette folie qui avait un instant hanté ses iris.

Un sourire dans les yeux, elle fixait l’enfant qui lui faisait face. Il faisait une bonne tête de plus qu’elle, peut-être le double de son poids. Elle avait toujours été petite et menue, tandis que lui, même s’il n’avait certainement que quelques saisons de plus qu’elle, avait grandi sous le régime intraitable de l’armée. Il devait être nouveau dans la cité cachée d’Ysilvar, sinon jamais il n’aurait osé la défier ainsi.
— Alors, brindille ? nargua-t-il.
Elle se souvint de sa mère qui se tenait face à des hommes pareils, dans le même rapport désavantageux de taille et de poids. Et elle sut, au moment où il se ruait sur elle, qu’elle ne flancherait pas.
Malgré tout ce qu’elle avait appris de ses professeurs militaires, les coups percèrent ses défenses. Elle rabattit ses coudes devant son visage pour se protéger comme elle pouvait, rendit deux ou trois coups de pied inefficaces. Elle se sentit submergée, mais refusa de ployer, craignant davantage le regard polaire de sa mère que les coups de ce gamin.
Puis, soudain, la tempête s’apaisa aussi soudainement qu’elle s’était déchaînée. Cassandra rouvrit un œil trouble, avisa le garçon agenouillé dans la boue, une expression de révérence craintive sur ses traits. Elle s’inclina à son tour, bien moins bas, mais bien plus solennellement.

— Hvear, salua-t-elle d’une voix éraillée par les coups.
Sa mère lui rendit un simple haussement de sourcils, se tourna vers le gamin qui, soudain, ne savait plus où se cacher.
— Dis à ton père de se présenter à mes gardes ce soir. Et tu devras l’accompagner.
Il hocha la tête, muet.


Onze hivers s’étaient écoulés depuis cette rencontre, et le gamin et son père avaient survécu à cette âpre première rencontre, épargnés par la bienveillance de la petite fille qui avait plaidé pour eux devant sa mère. Leith et elle étaient même devenus amis par la suite.
Puis, il était parti pour sa première bataille.

Premier champ de cadavres, première vision de l’horreur de ces sempiternels affrontements le long de la frontière de la forêt de Wikandil. Les os brisés, le sang, les armures cabossées et les visages défigurés. Elle contempla Leith, ce gamin qui l’avait frappée quelques temps auparavant, une estafilade sur le front, un bras replié en écharpe. Il gisait aux côtés de son père, en première lignes de longues tentes blanches qui avaient été dressées pour les blessés après les combats. Derrière lui, la plaine fumait encore des derniers incendies, les hommes couverts de sang et de poussière ratissaient les lieux à la recherche d’objets de valeur, pareils à des vautours qui s’arrachaient les carcasses.
Horrifiée, Cassandra leva la tête vers sa mère. D’une oreille, elle écoutait le rapport de son général, qui alignait des phrases dénuées de sens pour la petite fille, mais son regard était aussi froid que la glace, concentré sur la scène qui s’étendait devant elle. L’ébauche d’un sourire flottait sur ses lèvres, une étincelle brillait dans ses yeux polaires, pareille au reflet du soleil sur la neige fraîche.

— Hvear ? osa Cassandra.
— Oui,
daanl ?
— Pourquoi… pourquoi est-ce nécessaire ?
Laëtitia pencha la tête sur le côté, l’étincelle de son regard temporairement étouffée par un voile d’incompréhension.
— Tu ne… le sens pas ?
Puis, le sourire qui s’était imperceptiblement effacé de ses lèvres revint, plus doux, presque maternel, empreint d’une nuance d’espoir dont elle ne comprit pas la cause.
— Peut-être n’es-tu pas comme moi finalement…


— Je me doutais bien que je te trouverais ici.
Cassandra ouvrit un œil endormi, sursauta en reconnaissant la silhouette de Raven qui se découpait en contre-jour. Les reflets du soleil couchant s’accrochaient à sa couronne d’or, mais plongeaient son visage tourné vers la jeune femme dans l’ombre. Il lui tendit la main pour l’aider à se redresser, et dans le mouvement, la tiare qu’elle portait glissa de ses cheveux et tomba au sol dans un tintement mat. Elle se pencha pour la ramasser, épousseta la terre qui s’accrochait entre les arabesques de métal finement forgées.
— Il est tard ? hésita-t-elle, contemplant le ciel qui s’était obscurci depuis qu’elle s’était assoupie.
— Le dîner ne va pas tarder, je te l’ai fait porter dans ta chambre.
Elle lui adressa un mince sourire, se raccrocha à son bras avec la sensation étrange que, pour une fois, ils regardaient dans la même direction.
— Par ailleurs, ajouta-t-il avec une grimace nerveuse, je n’ai pas eu l’occasion de t’offrir mes félicitations pour notre premier enfant.
Son ton était légèrement guindé, comme s’il n’arrivait pas à trouver la juste tonalité pour formuler sa phrase. Elle lui coula un discret regard en coin, inclina la tête en guise de remerciement.
— As-tu vu…
Elle hésita, anxieuse à l’idée d’aborder le sujet de sa mère avec lui, finit par se raviser. Mais Raven semblait avoir compris, car la grimace qu’il arborait s’élargit.
— J’ai vu, en vérité. Pourquoi Laëtitia…
Les têtes de leur escorte ne se tournèrent pas, mais Cassandra sentit l’attention de ses gardes se focaliser sur leur discussion comme un rayon de soleil qu’on orientait brusquement au travers d’une loupe. Elle inspira lentement pour s’empêcher de gigoter, nerveuse.
— Je ne sais pas. Nous verrons bien, de toute manière.
Elle s’abstint de mentionner que l’appréhension qui l’avait hantée durant tout le reste du conseil, tandis qu’elle tentait de faire sens de la réaction émotionnelle de sa mère, lui enserrait encore la poitrine dans un étau glacial. Il était encore trop tôt pour penser à ce genre de chose, elle n’était enceinte que de quelques lunes.
En rentrant dans les couloirs frais du palais d’ambre, ils croisèrent Alseli de Gervaun, sanglée dans une somptueuse robe d’un bleu éclatant, ses longs cheveux bruns tressés de rubans assortis coulant en cascade le long de ses épaules. Depuis les récents changements, elle était l’une des rares à refuser de se conformer au changement progressif de la mode du château.
— Altesses, salua-t-elle en s’inclinant profondément malgré la raideur de ses épaules et son ton glacial.
La colère qui habitait la jeune héritière depuis que Cassandra avait eu la main de Raven ne s’était pas estompée avec l’arrivée des troupes wiccanes sur les terres avaloniennes. Au contraire, sa haine n’en avait semblé que croître, alimentée par les rumeurs et les murmures des couloirs. Et Cassandra ne pouvait pas lui en vouloir, car ils avaient raison. Tout le long de son séjour, elle n’avait fait que comploter pour atteindre le trône.
— Mes félicitations pour l’heureuse nouvelle, ajouta-t-elle, à peine plus mesurée.
Cassandra vit Raven et Alseli échanger un regard furtif, et son cœur se pinça. Les doutes et l’incertitude au sujet de sa mère l’empêchaient d’être aussi heureuse qu’elle ne l’avait été à l’annonce de sa grossesse, d’accueillir ces félicitations, même prononcées à contre-cœur, avec la satisfaction qui leur était due. Le trouble qui obscurcissait son jugement lui donnait la sensation d’avancer pieds et poings liés vers un puits de ténèbres sans fond, et les souvenirs qui avaient hanté son sommeil lui laissaient un goût amer sur les lèvres.
— Merci, Alseli Sen, répondit-elle néanmoins.
Raven serra doucement la main de son épouse, qu’il tenait toujours, et ils se remirent en route en direction de l’aile qui leur était réservée. Ils marchèrent en silence, peau contre peau, et dans la tiédeur de leur contact, Cassandra ne put s’empêcher de se demander si elle ne volait pas la place d’une autre. Une autre, comme peut-être Alseli.
La question, qui l’avait effleurée plus d’une fois durant les longues lunes solitaires passées à attirer l’attention de l’Empereur, semblait résonner différemment cette fois-ci. Par le passé, elle s’était convaincue que, même si elle le faisait, même si elle empiétait sur les plates-bandes des autres, c’était son devoir, et c’était là une bonne raison. Ce n’était qu’un rôle, elle œuvrait pour sa mère, elle n’était là que temporairement.
En vérité, elle s’était retrouvée prisonnière de ce rôle qu’elle avait joué. Quelque part, elle était aussi captive que son époux de la situation.
Ils s’immobilisèrent devant les lourds vantaux des appartements impériaux, et Cassandra comprit à la prise sur sa main qui se relâchait que Raven n’avait pas l’intention de dîner avec elle. Cependant, il souriait, et son expression semblait étrangement soulagée.
— Je suppose que j’ai au moins un indice sur la question que je t’ai posée il y a quelques temps, hasarda-t-il d’une voix douce.
— Qui est ? releva-t-elle, perplexe.
— Il y a certains lieux, certaines choses ici, auxquelles tu tiens vraiment. C’est rassurant de voir que tu n’étais pas juste un masque de pierre.
Il s’inclina, les poings fermés sur sa poitrine en une esquisse de salut wiccan, et s’esquiva sans attendre de réponse. Sidérée, Cassandra resta quelques instants plantée sur le pas de sa porte, incapable de formuler une phrase cohérente. Puis, elle s’engouffra dans sa suite, les larmes aux yeux.
— Mayeri !
La sorcière pointa sa tête par la porte de la petite pièce attenante, qui lui servait à la fois de chambre et de bureau, dans laquelle elle s’isolait lorsque sa maîtresse ne la sollicitait pas. Elle ne dit mot, mais ses yeux pâles portèrent sa question muette aisément.
— J’ai besoin de savoir si quelqu’un est vivant.
— En d’autres termes, sourit la sorcière, une once de venin dans la voix, tu veux savoir s’il n’est pas mort.
Doutant de suivre son raisonnement, qu’elle devinait être lié à des enchantements, Cassandra se contenta d’opiner silencieusement, puis suivit sa compagne lorsque celle-ci lui indiqua de rentrer avec elle dans son antre, une petite pièce obscure dont les murs disparaissaient derrière des étagères surchargées d’ingrédients en tout genre. Herbes, fioles remplies, roches étranges, scintillantes ou ternes, plumes d’oiseaux ; c’était un assemblage hétéroclite d’éléments provenant des quatre coins de l’Empire, qui coûtait certainement une petite fortune à faire acheminer au palais. Cassandra y était déjà entrée auparavant, mais comme à chaque fois qu’elle venait, elle fut frappée par la noirceur qui émanait du lieu, comme si la lumière était retenue prisonnière entre les murs de la pièce. L’obscurité semblait vouloir aspirer le moindre rayon du soleil qui s’infiltrait au travers des rideaux tirés, et conférait au lieu la même ambiance ésotérique que les temples cachés du nord de Wikandil.
La sorcière passa une main dans ses cheveux, tendit la main vers ses potions. Elle récupéra dans les flammes de l’âtre un charbon encore ardent, qu’elle déposa dans un petit brasero au centre d’un petit pentacle. Puis, elle indiqua à Cassandra de se placer là où elle se tenait, dans un autre pentacle, bien plus grand, si large qu’il touchait les bords des étagères posées le long des murs. Cassandra s’exécuta, observant avec curiosité les symboles rituels qui ornaient les rebords du cercle qui entourait l’étoile à cinq branches, et ceux qui étaient inscrits entre les pointes de l’étoile. Malgré la pénombre de la pièce, elle avait l’impression qu’ils avaient été teints en rouge, mais connaissant la sorcière, elle n’était pas capable de certifier que c’était un colorant végétal.
— Son nom ? demanda Mayeri en se redressant.
— Leith Sinlens.
— Quoi que tu fasses, ne sors pas du pentacle.
Cassandra opina, entrelaça ses doigts dans son dos et ferma les yeux, se préparant à observer l’ancienne magie des forêts à l’œuvre. Les premiers murmures de Mayeri, bas et rauques, emplirent ses oreilles, pareils au ressac de la mer sur les rochers. Elle tenta en vain de se raccrocher aux sonorités familières pour comprendre les mots, mais ce n’était pas du vieux wiccan. Ce n’était même pas l’ayawë, l’ancienne langue du continent, dont on retrouvait les cursives anciennes gravées dans le bois de certains arbres ou la pierre de certaines falaises. C’était un idiome plus ancien encore, râpeux et grinçant, manquant de voyelles, uniquement marqué de temps morts dont la longueur semblait faire partie de la grammaire.
Tout en grinçant ces étranges sons, Mayeri tira une dague de sa longue robe pourpre et, d’un mouvement souple et fluide, s’entailla la paume sans hésiter. Le sang perla, presque noir dans la pénombre. Elle tendit la main, serra le poing jusqu’à faire goutter son sang sur le charbon ardent. Le grésillement discret monta en même temps que le parfum âcre de l’hémoglobine qui s’évaporait. Dans les murmures, Cassandra capta nettement le nom de Leith, mais rien d’autre. Bercée par le rythme mystique de l’incantation, elle mit un moment à sentir que la pièce se refroidissait à une vitesse qui n’était absolument pas naturelle. Elle le réalisa seulement lorsqu’un vent froid sorti de nulle part balaya ses pieds, faisant frémir sa longue jupe, et amenant la chair de poule sur ses bras. Frissonnant en silence, elle ramena ses bras devant elle, les croisa devant sa poitrine dans une vaine tentative de se protéger.
L’intérieur de l’autre pentacle s’obscurcissait. Ce fut d’abord imperceptible, puis nettement visible lorsqu’il devint réellement noir, comme le ciel d’une nuit sans lune, et que des silhouettes de fumée vaporeuses commencèrent à apparaître. D’un blanc spectral, elles se matérialisaient quelques secondes durant, puis disparaissaient en volutes de brume. Leur manège durait quelques dizaines de secondes. À chaque fois, elles cherchaient à s’approcher du brasero dans lequel le charbon se mourait lentement, et s’effaçaient à son contact, ou alors fuyaient vers le plafond. Puis vinrent leurs cris. D’abord simples gémissements plaintifs, leur volume alla crescendo jusqu’à de longues lamentations incompréhensibles.
Terrorisée, Cassandra eut un mouvement de recul inconscient, mais la poigne inflexible de Mayeri la figea sur place, l’empêchant de sortir du cercle protecteur. Pas un instant, la sorcière n’avait détourné les yeux du charbon, ni n’avait cessé de scander sa litanie. Pourtant, elle ne la relâcha que lorsqu’elle fut certaine qu’elle n’essaierait pas de s’enfuir.
Les bras toujours croisés sur sa poitrine en un rempart illusoire, la jeune femme observa les spectres qui allaient et venaient. Leurs plaintes évoquaient le crissement de l’acier, le rugissement des flammes, la peur de la mort, la solitude du champ de bataille. Leurs gémissements ramenaient à la surface de ses souvenirs les regards hantés des survivants des combats, leurs tremblements incontrôlables, leurs voix rauques, rompues par les hurlements agressifs qui essayaient de dissimuler leur peur.
Et, lentement, alors qu’elle pensait qu’elle ne supporterait plus ces allées et venues surnaturelles, les entités disparurent, s’en-allant en même temps que la voix de Mayeri s’éteignait. Le silence, lourd et pesant, tomba dans la pièce, mais il y avait dans son poids une familiarité rassurante. Cassandra laissa échapper un long souffle haché, réalisant qu’elle avait retenu sa respiration durant les derniers instants de l’incantation.
— Il n’a pas répondu à l’appel.
— Donc il n’est pas mort ? murmura-t-elle, peinant à garder sa voix égale.
Mayeri esquissa une ombre de sourire.
— Exactement. Autre chose, Aveltia ?
Il y avait une pointe de moquerie dans sa voix, mais Cassandra n’y prit pas garde.
— Non, merci Mayeri.
Et, tandis qu’elle sortait de la pièce, la peur et la souffrance qu’elle avait ressenties en écoutant les esprits s’éloignèrent, remplacées par un espoir incongru. Leith était vivant.

◊~◊~◊

ACTE I (4/4)
Dernière modification par vampiredelivres le dim. 25 juin, 2023 3:15 pm, modifié 1 fois.
TcmA

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Re: Dynasties / Cassandra [High Fantasy / Royauté / Intrigues politiques]

Message par TcmA »

Yeyo~

Z'est parti.

C'est plus "Où est Charlie?" c'est "Où est Laëtitia?", ça me fume. Elle me met les heebee-jeebees elle, je la sens tellement pas. Encore moins avec la réaction qu'elle a eu à l'annonce de la grossesse de Cassandra.

D'ailleurs, on peut en parler de ça ??? Le pire move de l'histoire, madame, ça peut tellement être utilisé par les serpents de la Cour et ça va mal finir 💀 (Bon, d'après ton arbre généalogique, peut-être pas) mais j'ai pas pu m'empêcher de gueuler "NAN MAIS ELLE A PAS FAIT CA" quand elle est allée le dire :')

J'ai consulté plusieurs fois l'arbre généalogique d'ailleurs, parce que bon : cheveux blonds, yeux violets, c'est pas comme si on avait jamais vu ça dans Dynasties :roll: J'ai hâte de voir à comment les branches vont se rejoindre pour qu'on trouve notre chère Eliane (version 1.0).
Et je me pose des questions sur les bulles que tu nous as cachées avec des nuages. L'une d'entre elle est peut-être réservée à Leith, qui sait. Hâte de voir ce qu'il vient faire dans tout ça, lui aussi.

Quoi qu'il en soit, ça pue un max, Laëtitia est tarée, j'ai peur de ce qu'elle va faire. Le call-back des circonstances des décès des personnes qui sont montées sur le trône ne prévoit rien de bon, notamment pour Raven (bébi, j'espère que tu resteras un peu en vie quand même, tu es très chouette). "Le trône est mortel" oui, surtout s'il est convoité. 💀

Puis c'est tellement la merde walo, y a rien qui va dans l'admin du royaume aled :')

J'ai peur pour la suite.

La bise~
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Re: Dynasties / Cassandra [High Fantasy / Royauté / Intrigues politiques]

Message par louji »

Biiijouuur

Bon bah go reposer les pieds en zone mortelle avec Dynasties 🫡

Chap 2 :

Le début du chapitre 🥲 Raven bébé chat. Il me fait beaucoup de peine et, en même temps, j'ai de l'admiration pour la résignation qu'il a adoptée très rapidement.
Laëtitia avec le métal sur ses chaussures et ses épaulettes, c'est un mood :lol:
"en se demandant pourquoi le contact de sa main était aussi agréable, malgré la tension qui les habitait tous les deux." :arrow: bichette, vous êtes piliers l'un de l'autre, littéralement l'une de tes dernières ancres
La petite déclaration de Raven à la fin 😔


Chap 3 :

J'aime beaucoup les premiers paragraphes, je trouve le style très fin et soigné !
Le passage dans la crypte était très cool aussi 👍 La tension entre les persos, yeeees
Aish, dans mes souvenirs, la grossesse de Cassandra (du moins la partie maternité) était pas un moment facile. Je crois qu'à la fin c'était même clairement craignos pour sa fille ? Bref, je vais bien voir :(
"— Mère, Raven, je suis enceinte !" Guuuuurl, really ? :lol: La spontanéité incarnée, Cass :lol: Ca va lui retomber dessus, oskur.
"c’était agréable d’avoir un lit à elle toute seule parfois." :arrow: teeeeeeellement
"Lumière a acquis une réserve de forces considérable qui peut menacer…" Dans quelques décennies, Eliane is coming :roll:
"elle n’était enceinte que de quelques lunes." :arrow: si c'est 3 ou 4 lunes, ça fait déjà un bon bout de grossesse
Ça me fait de la peine pour Rassandra que Raven ne parvienne pas à voir à travers Cassandra. Entre ce qu'on sait d'elle, puisqu'on est dans sa tête, et ce qu'il exprime quand ils sont tous les 2, y'a un tel gap. J'espère que la grossesse leur permettra d'être encore plus proches et ouverts l'un envers l'autre.
Je me rappelle de la cérémonie pour appeler les fantômes, trop bien :D

Mdr j'ai lu le com de Sasa et je me suis rappelé de l'arbre généalogique. J'avais en tête que la fille de Cassandra (l'arbre m'a rappelé son prénom :lol: ) était bien l'ancêtre d'Yngvar (les yeux violeeets), mais waw j'avais pas réalisé quand tu nous as partagé l'arbre tous les autres gosses que Cassandra a :lol: Entre son 2e compagnon (je rejoins Sasa, Leith a pas l'air d'être introduit dans le vent... on verra où ça nous mène) avec qui elle en a 3 et la ligne de pointillés, je suis ??? Que peuvent bien signifier des pointillés :lol:


Corrections ortho-typo en vrac :
- "c’était que les soldats étrangers s’orientaient trop aisément déjà, comme s’ils connaissaient déjà tous les chemins possibles." :arrow: répétition déjà
- " La jeune femme nota les bordures bordures d’or et de vert" :arrow: 2 fois bordures
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Re: Dynasties / Cassandra [High Fantasy / Royauté / Intrigues politiques]

Message par vampiredelivres »

TcmA a écrit : dim. 11 juin, 2023 3:55 pm Yeyo~

Z'est parti.

C'est plus "Où est Charlie?" c'est "Où est Laëtitia?", ça me fume. Elle me met les heebee-jeebees elle, je la sens tellement pas. Encore moins avec la réaction qu'elle a eu à l'annonce de la grossesse de Cassandra.

D'ailleurs, on peut en parler de ça ??? Le pire move de l'histoire, madame, ça peut tellement être utilisé par les serpents de la Cour et ça va mal finir 💀 (Bon, d'après ton arbre généalogique, peut-être pas) mais j'ai pas pu m'empêcher de gueuler "NAN MAIS ELLE A PAS FAIT CA" quand elle est allée le dire :')

J'ai consulté plusieurs fois l'arbre généalogique d'ailleurs, parce que bon : cheveux blonds, yeux violets, c'est pas comme si on avait jamais vu ça dans Dynasties :roll: J'ai hâte de voir à comment les branches vont se rejoindre pour qu'on trouve notre chère Eliane (version 1.0).
Et je me pose des questions sur les bulles que tu nous as cachées avec des nuages. L'une d'entre elle est peut-être réservée à Leith, qui sait. Hâte de voir ce qu'il vient faire dans tout ça, lui aussi.

Quoi qu'il en soit, ça pue un max, Laëtitia est tarée, j'ai peur de ce qu'elle va faire. Le call-back des circonstances des décès des personnes qui sont montées sur le trône ne prévoit rien de bon, notamment pour Raven (bébi, j'espère que tu resteras un peu en vie quand même, tu es très chouette). "Le trône est mortel" oui, surtout s'il est convoité. 💀

Puis c'est tellement la merde walo, y a rien qui va dans l'admin du royaume aled :')

J'ai peur pour la suite.

La bise~
Let's go !

Ah je te jure, trouver cette femme dans le palais c'est comme trouver une aiguille dans une botte de foin, elle est toujours fourrée dans l'ombre à intriguer x) Bon, si elle te file la chair de poule c'est que j'ai réussi mon taf. :D

Mehhh, elle était contente la pauvre choupette. Elle a un peu miscalculated la situation, parce qu'elle était vraiment hypée par le fait d'avoir un enfant, sauf que… well, timing.

On en a parlé en voc mais Eliane v1.0 c'était cheveux blonds, yeux bleus, c'est pas de la même faille. Mais bien tenté !
J'avais teeeellement oublié cette histoire de bulles, c'est terrible :lol: Bon vous verrez bien, mais ça va être fun :D Leith arrive, promis !

Je peux pas dire grand-chose de plus parce que la suite arrive mais… j'avoue que j'ai hâte que vous lisiez la suite ^-^
Merci pour ton passage, la bise !
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Re: Dynasties / Cassandra [High Fantasy / Royauté / Intrigues politiques]

Message par vampiredelivres »

louji a écrit : dim. 11 juin, 2023 5:13 pm Biiijouuur

Bon bah go reposer les pieds en zone mortelle avec Dynasties 🫡

Chap 2 :

Le début du chapitre 🥲 Raven bébé chat. Il me fait beaucoup de peine et, en même temps, j'ai de l'admiration pour la résignation qu'il a adoptée très rapidement.
Laëtitia avec le métal sur ses chaussures et ses épaulettes, c'est un mood :lol:
"en se demandant pourquoi le contact de sa main était aussi agréable, malgré la tension qui les habitait tous les deux." :arrow: bichette, vous êtes piliers l'un de l'autre, littéralement l'une de tes dernières ancres
La petite déclaration de Raven à la fin 😔


Chap 3 :

J'aime beaucoup les premiers paragraphes, je trouve le style très fin et soigné !
Le passage dans la crypte était très cool aussi 👍 La tension entre les persos, yeeees
Aish, dans mes souvenirs, la grossesse de Cassandra (du moins la partie maternité) était pas un moment facile. Je crois qu'à la fin c'était même clairement craignos pour sa fille ? Bref, je vais bien voir :(
"— Mère, Raven, je suis enceinte !" Guuuuurl, really ? :lol: La spontanéité incarnée, Cass :lol: Ca va lui retomber dessus, oskur.
"c’était agréable d’avoir un lit à elle toute seule parfois." :arrow: teeeeeeellement
"Lumière a acquis une réserve de forces considérable qui peut menacer…" Dans quelques décennies, Eliane is coming :roll:
"elle n’était enceinte que de quelques lunes." :arrow: si c'est 3 ou 4 lunes, ça fait déjà un bon bout de grossesse
Ça me fait de la peine pour Rassandra que Raven ne parvienne pas à voir à travers Cassandra. Entre ce qu'on sait d'elle, puisqu'on est dans sa tête, et ce qu'il exprime quand ils sont tous les 2, y'a un tel gap. J'espère que la grossesse leur permettra d'être encore plus proches et ouverts l'un envers l'autre.
Je me rappelle de la cérémonie pour appeler les fantômes, trop bien :D

Mdr j'ai lu le com de Sasa et je me suis rappelé de l'arbre généalogique. J'avais en tête que la fille de Cassandra (l'arbre m'a rappelé son prénom :lol: ) était bien l'ancêtre d'Yngvar (les yeux violeeets), mais waw j'avais pas réalisé quand tu nous as partagé l'arbre tous les autres gosses que Cassandra a :lol: Entre son 2e compagnon (je rejoins Sasa, Leith a pas l'air d'être introduit dans le vent... on verra où ça nous mène) avec qui elle en a 3 et la ligne de pointillés, je suis ??? Que peuvent bien signifier des pointillés :lol:


Corrections ortho-typo en vrac :
- "c’était que les soldats étrangers s’orientaient trop aisément déjà, comme s’ils connaissaient déjà tous les chemins possibles." :arrow: répétition déjà
- " La jeune femme nota les bordures bordures d’or et de vert" :arrow: 2 fois bordures
♬ I went to the danger zone ♬

Chap 2 :
Bébé Raven, il a fait tellement d'efforts pour en arriver là où il est, tout ça pour se résigner au fait qu'il est en train de se faire balader de bout en bout.
Ouiiiii, bon, le style de Laëtitia c'est vraiment un kif à décrire :D
On est d'accord, ils se reposent tellement l'un sur l'autre pour tenir les p'tits chats…

Chap 3 :
Merci beaucoup !
Je te laisserai redécouvrir au fur et à mesure, je sais pas si fun c'est le bon mot, mais en tout cas, c'est une sacrée aventure.
Mais la pauvre, elle se fait bash alors qu'elle était heureuse. x) Oui, ça va lui retomber dessus, mais ça c'est un autre détail :lol:
On a encore quelques siècles de marge avant qu'Eliane n'arrive, là c'est plus les origines du conflit qui oppose le Royaume d'Helvethras et l'Empire d'Avalaën justement. On n'en est qu'aux prémices, et c'est ça qui est fun. :D
La communication c'est komplikay tu sais. Entre ce que Cass pense, dit, montre et prétend, le pauvre Raven ne sait pas trop où se placer, donc il avance les yeux bandés avec le maximum de foi qu'il peut avoir en elle.

Yep, les yeux violets caractéristiques des Zaor'Vil. Les vraies infos sur ce truc arrivent aussi, d'ailleurs. (Hehe, les pointillés… je vous observe analyser et essayer de tirer les fils dans le bon sens, c'est toujours marrant :mrgreen: )

Merci pour les corrections et pour ton passage *-*
louille

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Re: Dynasties / Cassandra [High Fantasy / Royauté / Intrigues politiques]

Message par louille »

Hellooo
J'ai beaucoup aiméééé (surtout que j'en ai eu deux pour le prix d'un avec mon retard ehe). Raven est tout mimi, Cassandra est attachante et Laëtitia, terrifiante. J'aime tous les petits moments où tu laisses sous-entendre que quelque chose se joue sans qu'on puisse le saisir, on a vraiment l'impression de manquer un truc essentiel, qui va rejaillir bien salement et tragiquement plus tard, c'est parfait (genre : la réaction de Laëtitia à l'annonce du bébé, ses phrases sybillines sur leur absence de ressemblance, les raisons plus cachées pour lesquelles elle se tient loin du trône et que Cassandra pressent, etc). Ça marche super bien, parce qu'on a l'impression d'une intrigue plus sous-jacente qui a lieu malgré nous, mais tout en instillant son atmosphère un peu flippante.
Ton style est toujours aussi soigné et marche super bien avec l'univers et le vocabulaire étrangers. Je suis fan des titres, de l'étiquette et des moments très officiels (dans la crypte, j'avais un peu l'imagerie de GOT dans la tête).
J'ai trop hâte de voir où tu nous emmènes (j'ai un peu peur ouais), d'en apprendre un peu plus sur Leith, même si j'aime trop le Rassandra (ils sont tout touchants à soulever la vulnérabilité de l'autre constamment les choupis) et de voir les plans terrifiants de Laëtitia à l'oeuvre. La vipère qui se coule dans l'ombre pour mieux t'enserrer, brrr.

Des bisous !
vampiredelivres

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Re: Dynasties / Cassandra [High Fantasy / Royauté / Intrigues politiques]

Message par vampiredelivres »

louille a écrit : mer. 21 juin, 2023 5:07 pm Hellooo
J'ai beaucoup aiméééé (surtout que j'en ai eu deux pour le prix d'un avec mon retard ehe). Raven est tout mimi, Cassandra est attachante et Laëtitia, terrifiante. J'aime tous les petits moments où tu laisses sous-entendre que quelque chose se joue sans qu'on puisse le saisir, on a vraiment l'impression de manquer un truc essentiel, qui va rejaillir bien salement et tragiquement plus tard, c'est parfait (genre : la réaction de Laëtitia à l'annonce du bébé, ses phrases sybillines sur leur absence de ressemblance, les raisons plus cachées pour lesquelles elle se tient loin du trône et que Cassandra pressent, etc). Ça marche super bien, parce qu'on a l'impression d'une intrigue plus sous-jacente qui a lieu malgré nous, mais tout en instillant son atmosphère un peu flippante.
Ton style est toujours aussi soigné et marche super bien avec l'univers et le vocabulaire étrangers. Je suis fan des titres, de l'étiquette et des moments très officiels (dans la crypte, j'avais un peu l'imagerie de GOT dans la tête).
J'ai trop hâte de voir où tu nous emmènes (j'ai un peu peur ouais), d'en apprendre un peu plus sur Leith, même si j'aime trop le Rassandra (ils sont tout touchants à soulever la vulnérabilité de l'autre constamment les choupis) et de voir les plans terrifiants de Laëtitia à l'oeuvre. La vipère qui se coule dans l'ombre pour mieux t'enserrer, brrr.

Des bisous !
Helloooo !
Ça fait super plaisir de te revoir ici ! Comme d'habitude, merci beaucoup pour ton commentaire qui fait toujours super plaisir ♡
Effectivement, quelque chose se trame en arrière plan… mais vous aurez les réponses bientôt, promis ! Laëtitia est en train de faire frémir les herbes pour essayer de détourner l'attention de l'endroit où elle est vraiment, mais les plans sont en train de se révéler.
Ah, la crypte, c'était totalement inspiré de GoT aussi dans ma tête :lol:
À bientôt =)
louji

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Re: Dynasties / Cassandra [High Fantasy / Royauté / Intrigues politiques]

Message par louji »

vampiredelivres a écrit : mar. 20 juin, 2023 10:57 am ♬ I went to the danger zone ♬

Chap 2 :
Bébé Raven, il a fait tellement d'efforts pour en arriver là où il est, tout ça pour se résigner au fait qu'il est en train de se faire balader de bout en bout.
Ouiiiii, bon, le style de Laëtitia c'est vraiment un kif à décrire :D
On est d'accord, ils se reposent tellement l'un sur l'autre pour tenir les p'tits chats…

Chap 3 :
Merci beaucoup !
Je te laisserai redécouvrir au fur et à mesure, je sais pas si fun c'est le bon mot, mais en tout cas, c'est une sacrée aventure.
Mais la pauvre, elle se fait bash alors qu'elle était heureuse. x) Oui, ça va lui retomber dessus, mais ça c'est un autre détail :lol:
On a encore quelques siècles de marge avant qu'Eliane n'arrive, là c'est plus les origines du conflit qui oppose le Royaume d'Helvethras et l'Empire d'Avalaën justement. On n'en est qu'aux prémices, et c'est ça qui est fun. :D
La communication c'est komplikay tu sais. Entre ce que Cass pense, dit, montre et prétend, le pauvre Raven ne sait pas trop où se placer, donc il avance les yeux bandés avec le maximum de foi qu'il peut avoir en elle.

Yep, les yeux violets caractéristiques des Zaor'Vil. Les vraies infos sur ce truc arrivent aussi, d'ailleurs. (Hehe, les pointillés… je vous observe analyser et essayer de tirer les fils dans le bon sens, c'est toujours marrant :mrgreen: )

Merci pour les corrections et pour ton passage *-*
Hi !

Raven est clairement un personnage-victime. Mais hâte de voir comment il va gérer ce statut (s'il y reste coincé) ou comment il va évoluer si ça se fait.

Je vois pour l'écart d'époque entre Cassandra et Eliane ! Effectivement on est sur un autre délire.

Oui, ils me font de la peine les bébés chats. Mais bon, c'est le début de leur "vraie" relation. Ça ne peut que s'améliorer en soi.

Les pointillés, vraiment le mystery challenge de Cassandra :lol:
vampiredelivres

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Cassandra I (4/4)

Message par vampiredelivres »

Hiello ~
Désolée, le chapitre a un peu traîné, le temps d'affiner certains passages… mais le voici ! Bon, ce ne sera pas une surprise pour vous, c'est une fin d'acte, donc évidemment, c'est drama :mrgreen:
(En vrai, c'est surtout un chapitre charnière pour l'intrigue, mais esshh, vous allez voir !)
Bonne lecture !


LA TRAÎTRESSE
(4/4)


Un silence doux, agréable, régnait sur le petit kiosque qui avait été construit à quelques pas de l’arbre favori de l’Impératrice. Le bruisssement des feuilles qui jaunissaient la berçait tandis qu’elle dévorait les pages d’une chronique qui narrait les origines des guerres entre Avalaën et Wikandil. La plume de l’auteur, froide et factuelle, manquait cruellement de fluidité, mais c’était la seule œuvre qui traitait de la période qu’elle cherchait, et elle avait passé des heures dans la bibliothèque du palais, avec pour seule compagnie les libraires taciturnes, pour la trouver. Aussi, entièrement focalisée sur un passage qui racontait l’une des premières apparitions – du moins, l’une des premières apparitions rapportées – des sorcières sur les champs de bataille, elle ne vit pas les deux silhouettes qui s’approchaient à pas lents.
— Bonjour princesse !
Elle redressa la tête brusquement, tirée de sa concentration par l’exclamation narquoise, mais surtout indubitablement wiccane, qui avait résonné fort dans le jardin vide. Un sourire fleurit sur ses lèvres, elle se leva.
— Leith !
Les courtisans ayant déserté cette aire des jardins depuis qu’elle était devenue l’Impératrice Maudite, la traîtresse qui avait ramené l’Usurpatrice au palais, il n’y avait aucun regard posé sur elle à l’exception de ceux de sa petite escorte. Aussi étreignit-elle son vieil ami de toute ses forces, comme ils le faisaient à Wikandil des saisons auparavant, tirant des sourires nostalgiques aux soldats présents.
— C’est Impératrice, maintenant. Aveltia Sen pour toi, ajouta-t-elle, forçant volontairement pour se donner un faux accent wiccan en prononçant les termes en avalarë.
— Oh, pardon Votre Grâce ! s’exclama Leith en s’agenouillant brusquement. Je me confonds en excuses devant Votre Grandeur. Puisse Son Altesse Impériale être magnanime malgré mon impudence.
Ils échangèrent un bref regard, qu’ils voulaient tous les deux aussi sérieux que possible, puis ils éclatèrent de rire, incapables de s’en retenir davantage. Elle l’invita à s’asseoir à côté d’elle, remercia Mayeri d’un hochement de tête, et la sorcière prit ses distances, rejoignant l’escorte à quelques pas de là.
— C’est moi ou il y a eu quelques changements depuis que je t’ai vue la dernière fois, Cassandra Sen ?
Malgré l’effronterie et le ton moqueur, il y avait une indubitable pointe de sérieux dans la question. Ses yeux avaient esquissé un lent aller-retour entre la tête et les pieds de Cassandra, glissant le long de ses épaules, de son ventre sensiblement arrondi, de la robe qu’il n’était pas habitué à la voir porter. Lorsqu’il croisa à nouveau le regard violet de son amie, son expression était empreinte d’un doute incongru.
— Beaucoup de choses ont changé, admit-elle. C’est aussi pour ça que je t’ai fait rappeler.
— Je me disais bien que c’était imprévu…
Elle lui offrit un sourire penaud.
— Désolée, je t’ai éloigné de tes champs de bataille et de tes…
— Cassandra.
Leith lui saisit les mains, doucement, fermement, et elle s’abandonna au contact familier avec soulagement. Elle réalisait seulement, maintenant qu’il était là, combien il lui avait manqué. La sensation s’était estompée après son arrivée à Avalaën, au fur et à mesure que les lunes passaient et qu’elle s’acclimatait à son nouvel environnement, mais elle ne s’était jamais totalement résorbée, comme une vieille blessure qui refusait de guérir. Sa présence, aujourd’hui, lui donnait la sensation d’avoir rouvert la plaie pour enfin appliquer le baume adéquat.
— Tu sais que tu n’avais qu’à m’appeler. J’aurais déserté s’il le fallait pour venir t’aider.
Il le disait avec une conviction qui, un instant, la fit frémir, mais elle s’obligea à sourire.
— Je ne te l’aurais jamais demandé, maintenant que j’ai les moyens de te faire courir d’un bout à l’autre du continent, nargua-t-elle.
Il ricana.
— C’est vrai, je ne suis qu’un roturier que tu peux balader à ta guise.
Un silence s’installa brièvement, mais elle le trancha d’une question subite, incapable de le laisser s’apesantir sur eux :
— Comment vas-tu ?
— Oh, tu sais, entre les combats et les patrouilles, ça ne change pas de d’habitude. Quelques cicatrices de plus, rien de trop grave puisque je marche encore. La routine.
Cassandra ne put s’empêcher de hausser un sourcil, surprise par le détachement avec lequel il en parlait, et en voyant son expression, Leith se résigna à raconter. Ils s’étaient quittés pour la dernière fois ce qui semblait être une éternité auparavant, bien avant que Cassandra ne rejoigne la cour avalonienne. À l’époque, le plan n’était qu’une vague ébauche dans l’esprit acéré de Laëtitia, et Leith n’était qu’un jeune adolescent qui rêvait de terminer son entraînement éreintant.
Depuis, il était devenu le soldat qu’il avait toujours voulu être. Il conta des anecdotes de combat, certaines plus sanglantes que d’autres, des histoires de feux de camp, des journées passées à marcher dans les paysages inconnus, des heures passées à patrouiller dans le froid ou sous le soleil écrasant. Il avait une étrange manière d’en parler, une distance qui donnait la sensation qu’il avait davantage été spectateur qu’acteur de ces évènements, mais la cicatrice qui zébrait son bras n’était pas là lorsque Cassandra l’avait vu partir. Pourtant, il l’occultait. Il narrait davantage les aventures de ses camarades que les siennes, comme s’il souhaitait épargner à celle qui l’avait connu enfant l’image de celui qui avait plus d’une fois tué.
Cassandra l’écouta longtemps, avec un plaisir non dissimulé malgré les horreurs qu’il égrenait, profitant simplement de sa présence, du tempo lent de sa voix et de ses mots soigneusement choisis. Elle détaillait sa carrure qui s’était asséchée et affinée avec le régime strict de l’armée, ses longs cheveux bruns qui pointaient en épis au-dessus de sa tête, ses traits auparavant droits et nets, déformés par les multiples fratures. Sa mâchoire semblait avoir été sortie de son emplacement naturel, puis replacée, mais un peu décalée, son nez avait des bosses qu’elle ne lui avait jamais vues auparavant, son arcade sourcilière portait encore les stigmates d’une fracture récente.
Auparavant, les filles de Wikandil se seraient pâmées devant lui. Désormais, c’était plutôt les femmes d’Avalaën qu’il risquait d’attirer, celles qui étaient attirées par l’inconnu et le mystère, l’interdit d’une guerre dont elles avaient à peine perçu les échos.
Lorsqu’il en eut enfin assez de raconter ses propres histoires, et qu’il interrogea les raisons de sa présence, Mayeri avait eu le temps de faire un aller-retour aux cuisines et de ramener un plateau de petits gâteaux. Sur un signe de Cassandra, ils s’installèrent tous les trois autour de la table, à l’abri du soleil sous la toiture penchée du kiosque. L’Impératrice prit une longue inspiration en se saisissant d’une tasse de thé, posa une main sur son ventre. Elle sentait le bébé bouger, comme s’il savait que c’était de lui qu’on allait parler.
— Mayeri.
La sorcière riva sur elle ses yeux pâles, pailletés de l’argent de la magie de la forêt. Elle portait sa longue robe bleu sombre, signe de son rang dans la sororité de Wikandil, et le soin qu’elle apportait à son apparence était presque aussi étudié que celui de Cassandra. L’une des particularités de ce soin résidait étrangement dans ses cheveux, qu’elle semblait lutter pour maintenir aussi volumineux et emmêlés que possible.
— C’est moi que tu sers, n’est-ce pas ?
— Je t’ai voué ma vie, acquiesça-t-elle d’une voix râpeuse.
La jeune femme étudia un long moment la réponse, essayant de déterminer une faille dans son raisonnement. Elle n’en trouva pas, mais ne s’en sentit pas rassérénée pour autant.
— Je vais avoir besoin de votre aide à tous les deux.
Elle s’interompit, prise d’un doute violent. Le poids de ces dernières lunes s’était accumulé dans sa gorge, le poids des secrets, des préparatifs qu’elle avait entamés, des quelques rares discussions avec Raven qu’elle avait pu ébaucher à ce sujet.
— C’est au sujet de… hésita Leith.
Son regard glissa à nouveau vers la main posée sur le ventre de Cassandra, qui l’avait tant surpris.
— Oui.
Elle frémit, serra le poing, et finit par énoncer lentement :
— Ma mère a changé. Quelque chose dans son regard, dans son attitude envers moi. Depuis que je suis enceinte. J’ai un mauvais pressentiment.
Les mots, qu’elle avait tant retenus depuis la première annonce de sa grossesse, la libérèrent de ce poids qui l’étouffait. Elle les regarda produire leur effet sur ses interlocuteurs, frapper un peu trop juste. Leith, parce qu’il connaissait suffisamment Laëtitia pour connaître ses comportements de serpent. Mayeri parce qu’elle avait enfin l’explication à ce mal-être qu’elle avait noté chez la jeune femme depuis qu’elle l’avait diagnostiquée.
— Je ne sais pas pourquoi, et elle a refusé d’aborder la question à plusieurs reprises. Plus j’essaie d’en parler avec elle et plus j’ai la sensation…
Ses mains se crispèrent. Elle ne parvint pas à le dire, mais elle le pensa suffisamment fort pour qu’ils le comprennent. Il va arriver quelque chose à cet enfant.
— Au-delà de ça, reprit-elle après un silence lourd, je ne veux pas que cet enfant grandisse ici, dans les conflits et les luttes de pouvoir. Je veux qu’il soit… en sécurité.
Et j’ai besoin de votre aide.

Durant les lunes qui suivirent, Cassandra vit Leith s’acclimater doucement à l’ambiance si particulière du Palais d’Ambre avalonien. Lui qui aimait les grands espaces, la frénésie des combats et la l’énergie communicative des expéditions, s’enfonça dans la mollesse de la garde du palais avec le tranchant d’un couteau dans une motte de beurre. Et même si Cassandra essaya de le forcer à se tenir aussi discret que possible, il ne pouvait s’empêcher de se faire remarquer. Durant ces longues décades solitaires, où elle se garda de l’approcher de trop près en public, elle jongla agilement entre les rapports et les affectations afin de l’amener finalement au poste exact où elle le voulait.
Ainsi, le jour où Yrisbel Zaor’Vil, princesse héritière d’Avalaën ouvrit les yeux, il était placé devant la porte de la nursery, portant fièrement l’insigne de la garde princière. Et si Laëtitia se rappelait de lui, elle n’en montra aucun signe. Elle n’avait même pas daigné jeter un œil à la liste que Cassandra lui avait soumise lorsqu’elle lui avait fait valider les membres de la garde.
Le jour où des assassins s’infiltrèrent au mépris de la sécurité wiccane qui pourtant avait comblé les trous du gruyère qu’était la garde du palais auparavant, il fut là pour les repousser, récoltant une nouvelle cicatrice sur la joue au passage. Le jour où le tapis près de la cheminée prit malencontreusement feu suite à la chute d’une braise, il fut là pour éteindre l’incendie. Le jour où la nouvelle nourrice eut un comportement suspicieux dès son arrivée, il la fouilla de la tête aux pieds jusqu’à retrouver une mince aiguille de tricot dissimulée dans sa manche.
Les incidents successifs mirent les nerfs de Cassandra à rude épreuve. Chaque assaut était plus vicieux que le précédent et, chaque fois, il n’y avait aucune trace qui ne permette de remonter au commanditaire. Plus les lunes passaient et les incidents se multipliaient, plus Cassandra se persuadait que sa mère y était intimement liée. Car elle continuait à régenter dans l’ombre des rideaux, perchée sur un fauteuil derrière le trône comme un oiseau de mauvais augure, elle continuait à exciter les tensions avec les ambassadeurs helvethriens et à provoquer les cités indépendantes du sud-est. La guerre qui avait fait rage dans le nord d’Avalaën durant des années semblait se déporter vers les états les plus proches, et Laëtitia Zaor’Vil grignotait les frontières autant qu’elle le pouvait, forte du traité qu’elle avait arraché à Avalaën.
Et, avec chaque nouvel assaut, chaque nouvelle attaque sur sa fille, Cassandra regarda les agresseurs périr avec une sensation étrange. Cette nausée qu’elle ressentait en permanence à l’arrière de sa gorge depuis qu’elle était enceinte ne s’était pas dissipée avec l’accouchement. Elle n’avait pas empiré, mais elle était demeurée, nichée dans sa poitrine comme un arrière-goût amer qui ne semblait se dissiper temporairement que lorsque l’assaut passait. La jeune mère avait fini par l’associer au calme avant la tempête, à la tension qui l’habitait presque en permanence puisque le monde semblait se déchaîner sur sa fille.
Mais finalement, après des mois à lutter contre les assauts répétés et à essayer de se persuader que c’était seulement parce qu’il s’agissait de la princesse héritière, elle se résigna à prendre la décision la hantait depuis tant de temps. Ce matin-là, lorsqu’elle croisa Raven au détour du couloir qui liait leurs deux suites, elle lui murmura simplement :
— Aujourd’hui.
Et elle s’en fut à sa longue journée.
Les heures s’écoulèrent avec la lenteur d’un magma visqueux, dans la touffeur moite du début de l’été. Yrisbel avait bien grandi, elle faisait ses nuits seule et elle avait même commencé à ramper de son plein gré. La nourrice ne savait plus où se donner de la tête avec elle en l’absence de Cassandra, car elle avait la mauvaise habitude de faire des crises de larmes lorsque sa mère était à plus de quelques pieds de distance. La jeune mère avait donc exigé qu’on la lui amène régulièrement durant les séances des multiples conseils qui s’enchaînaient, autant pour l’allaiter encore un peu que pour la simple sensation réconfortante de l’avoir dans ses bras.
Aujourd’hui cependant, à chaque fois qu’elle la confia à nouveau à sa nourrice, elle eut la sensation d’essayer de s’arracher une part d’elle-même. Et, plus la journée avançait, plus elle commença à appréhender la soirée. Saurait-elle réellement lui dire au-revoir ainsi, même si c’était pour son bien ?
Nauséeuse, elle finit par s’esquiver plus tôt durant la réception qui était donnée pour le dîner, prétextant un malaise passager. Sur le retour à son aile, elle passa devant la suite princière, où Leith lui adressa un bref hochement de tête pour lui signifier qu’il était prêt, et elle le remercia d’un faible sourire. Protège-les, aurait-elle voulu lui demander, mais elle savait qu’elle ne pouvait pas se permettre le moindre murmure entre ces murs dotés d’oreilles. De toute manière, elle lui avait déjà dit tout ce qu’elle pouvait. Le reste leur incombait.
Elle s’enferma dans son bureau avec cette sensation de malaise perpétuelle, travaillant jusque tard dans la nuit, plongeant dans les rapports et les compte-rendus pour essayer d’occulter ses sentiments. Les cursives dansaient devant ses yeux, et elle avait du mal à se concentrer, mais elle s’obligea à persister, à repousser cette envie perpétuelle d’aller jeter un œil dans la chambre de son époux ou de sa fille. Il ne fallait surtout pas qu’elle s’en mêle avant le moment voulu, sinon le plan partirait en fumée, les mettant tous en danger. Elle avait déjà remarqué les nouveaux pions que sa mère avait commencé à avancer sur l’échiquier de leurs relations désormais si politisées, et elle n’aimait pas la fresque qui se dessinait devant elle.
Un voyage était prévu dans le nord pour l’ensemble de la famille impériale. Durant ce voyage, Yrisbel, Raven et Cassandra voyageraient ensemble pour afficher la ferme alliance entre Wikandil avec Avalaën. Cependant, les routes qu’ils empruntaient passaient par des régions qui étaient connues – du moins pour Cassandra – pour les bandits qui les sillonnaient et les disparitions fréquentes. Cassandra et Raven n’avaient aucun moyen de refuser cette initiative, étant donné que c’était Laëtitia qui gouvernait par le biais de leurs mains, et que le projet de voyage avait été approuvé par un Conseil réticent mais conscient de sa position précaire. Ils avaient essayé autant qu’ils le pouvaient de faire pencher la balance en leur faveur, mais le fâcheux incident qui leur arriverait à tous les trois semblait aussi prévisible qu’inévitable, et cette perspective les terrifiait tous les deux.
C’est donc le moment de leur dire adieu. Du moins pour un moment, songea l’Impératrice en titre, la gorge nouée. Elle n’aurait jamais voulu devoir prendre cette décision, mais Laëtitia Zaor’Vil lui avait forcé la main, l’avait forcée à choisir entre sa fille et son allégeance de naissance.
Elle repoussa lentement les piles de parchemins qui s’étaient accumulées sur son lourd bureau de bois foncé, fixa d’un regard morne les jardins qui s’étendaient devant sa fenêtre. Trop proches de l’aile de la famille impériale, ils étaient toujours désertés par les courtisans, et sous l’éclat blafard d’une lune décroissante, ils prenaient une allure spectrale, éthérée. Ils lui rappelaient un peu les forêts du nord de Wikandil, figées dans une neige presque éternelle, ne dégivrant que quelques lunes par été. La cloche lointaine du cardigrê sonna une fois, marquant la mi-nuit. Cassandra sentit un long frisson parcourir ses épaules nues, tendit la main vers son châle.
Il était temps.
D’un pas moins résolu qu’elle ne l’aurait voulu, elle se dirigea vers la chambre attenante, où elle fut accueillie d’une tête hirsute pointant dans l’embrasure de la porte.
— C’est le moment.
Mayeri acquiesça d’un simple hochement de tête, la fit entrer.
— Est-ce que tout est prêt ?
Un râle lui répondit. Elle pivota vers la source du bruit, avisa un homme, enchaîné et bâillonné, à genoux au centre du pentacle par lequel la sorcière avait par le passé invoqué les défunts en appelant Leith. Les yeux écarquillés, l’homme poussa une plainte sourde au travers du chiffon qui avait été forcé entre ses lèvres. Cassandra ressentit une pointe de pitié pour cet homme qui ne savait pas pourquoi il était là, qui ne saurait jamais.
— Il ne lui ressemble pas.
Mayeri se fendit d’un ricanement aigu mais discret et, comme auparavant, lui demanda de se placer dans le second pentacle. En théorie, la jeune femme savait qu’elle n’était même pas obligée d’être là. Mais elle l’avait voulu. Elle savait que, d’une certaine manière, c’était nécessaire pour elle, pour qu’elle puisse se détacher de son mari. Elle prit une brève inspiration, et se plongea entièrement dans son rôle comme si elle sautait dans un lac profond.
— Il ne lui ressemble pas, Mayeri. Ça ne fera pas l’affaire.
Son cœur battait fort dans sa poitrine alors qu’elle proférait le mensonge. Car il ferait l’affaire, elle le savait.
— Tu préférerais peut-être qu’on se fasse démasquer ? insista-t-elle.
Mayeri entra dans son jeu sans difficulté.
— Tu veux quelqu’un d’autre ? interrogea-t-elle de sa voix caverneuse. Il vaut mieux le tuer, alors, sinon il parlera.
L’homme émit une plainte étouffée au travers de son bâillon, et Cassandra fit mine de le regarder comme si elle le remarquait vraiment pour la première fois. Elle pinça les lèvres, réfléchit, le détailla tandis qu’il s’agitait dans ses chaînes en essayant vainement de parler.
— Tu penses ?
Mayeri hocha la tête, et l’homme gémit sourdement en secouant la tête de gauche à droite, niant de toute la force de son âme et de ses yeux fous.
— Je n’aime pas l’idée de le tuer… tu as encore l’une de ces potions de serment ?
L’air insatisfaite, la sorcière plissa les yeux et détourna la tête, mais acquiesça à contre-cœur. Cassandra s’approcha précautionneusement de l’homme qui la fixait, un espoir vain au fond de ses prunelles sombres.
— Si tu bois cette potion, tu ne pourras pas rompre le serment qui t’empêche de parler de ce qui s’est passé ici. Mais si tu acceptes de la boire… on te laissera partir.
Larmoyant, il opina et, lentement, Cassandra défit son bâillon.
— Je vous le jure ! haleta-t-il. Je ne dirai rien. Juste… laissez-moi rentrer chez moi… s’il vous plaît… j’ai deux jeunes sœurs…
Le cœur de Cassandra se serra. Elle n’avait jamais eu de fratrie, elle ne savait pas ce que c’était. Mais, par la tendresse et l’affection qu’elle pouvait ressentir envers Leith, elle comprenait d’une certaine manière le désir que chacun avait de protéger les siens. C’était après tout ce qu’elle faisait pour Raven et Yrisbel.
Sur l’impulsion de la vieille femme, le prisonnier accepta de boire au goulot la fiole de potion qu’on lui tendait, grimaça en sentant le goût très probablement amer, frissonna puis leva un regard empli d’espérance. Puis, soudain, son visage se déforma en un rictus de pure souffrance, et il s’affaissa sur lui-même avec un cri inarticulé. Les runes du pentacle dans lequel il se tenait s’illuminèrent d’un éclat argenté, semblable à celui des rayons de lune qui perçaient difficilement l’obscurité de la tanière. Mayeri prononça un mot d’une voix forte et claire, si loin de l’habituel murmure discret qu’elle employait au palais lorsqu’elle avait réellement besoin de parler pour se faire comprendre.
L’éclat des runes se teinta d’un carmin sanglant, l’homme poussa un hurlement déchirant qui transperça les oreilles de Cassandra. Il s’effondra sur le côté, le corps agité de soubresauts incontrôlables, le visage strié de larmes de souffrance qui coulaient à flots brûlants. Le cœur en miettes face à son agonie déchirante, dont elle était pourtant entièrement responsable, Cassandra le regarda se tordre de douleur à ses pieds, essayant de se convaincre que c’était un sacrifice nécessaire pour sauver sa fille.
Et, soudain, une onde parcourut la peau mate du prisonnier, pareille à une vaguelette qui se propageait dans un étang lisse. Elle sembla se propager de son cœur en direction des extrêmités, rougeoyant sur son passage, laissant derrière elle une chair bien plus pâle. Lorsque le chatoiement atteignit son visage, l’homme émit une nouvelle plainte de pure souffrance. Cassandra entendit une série de brefs craquements secs, nettement audibles, vit la peau se déformer, les formes du visage se reconstituer. La mâchoire fine de Raven, rasée de frais, remplaça son l’épaisse barbe, son nez s’affina et s’aplatit, ses joues se creusèrent.
Il perdit conscience avant la fin du processus de transformation. Lorsque, finalement, les scintillements cessèrent de parcourir son corps, l’homme n’avait plus rien à voir avec le malheureux prisonnier qu’elle avait vu en arrivant dans la pièce. C’était une copie conforme de Raven, toujours enchaîné au centre de son pentacle, avec un filet de sang mousseux qui coulait du coin de ses lèvres, là où il s’était certainement mordu la langue jusqu’au sang dans son agonie.
Cassandra prit une inspiration courte, nerveuse, en le voyant ouvrir les yeux. Même le bleu de ses iris s’était mué en noir profond. Le rituel était moins terrifiant que le précédent auquel elle avait eu l’occasion d’assister, celui des fantômes, mais il était autrement plus dérangeant, d’une certaine manière.
— Que m’avez-vous…
— Silence ! intima la sorcière.
Il se tut instantanément, comme si on venait de lui arracher la langue, et ses yeux encore troublés par son moment d’inconscience s’écarquillèrent. Il voulut porter ses mains attachées à sa bouche, n’y parvint pas, et son regard dériva sur Cassandra, se faisant accusateur. Même s’il était réduit au silence par l’ordre de la sorcière, elle lut le reproche et l’incompréhension dans ses yeux sombres, et les traits de Raven portèrent le message avec encore plus d’intensité.
— Ne bouge pas, ajouta Mayeri, et l’homme se figea.
Elle vint défaire ses chaînes sans qu’il ne puisse ne serait-ce que bouger un orteil, puis elle lui jeta un paquet de vêtements dans les bras.
— Habille-toi.
En quelques gestes hagards, rendus approximatifs par l’anxiété et le choc d’être ainsi asservi, il s’exécuta. Bientôt, il portait les vêtements de nuit de l’Empereur, rendant l’illusion parfaite.
— Suis-nous.
Elle se dirigea vers la chambre à laquelle son repaire était accolé, et il ne put qu’obéir. Cassandra s’engagea derrière eux, referma précautionneusement la porte dans son dos, encore secouée. La potion de « serment » était en vérité une potion d’obéissance, couplée à un sort de transformation, dont la puissance combinée dépassait l’entendement de la jeune femme..
— Allonge-toi dans le lit, puis ne bouge plus.
Le ton de la sorcière était froid, désincarné, tandis qu’elle délivrait ses instructions avec la rigueur froide d’un commandant militaire. Le faux Raven s’étendit là où aurait dormi en principe le véritable époux de Cassandra. Il se recouvrit d’un geste nerveux de la couverture, mouvement spontané que Mayeri ne lui avait pas demandé mais qui témoignait de sa terreur grandissante tandis qu’il essayait de garder au moins une mince maîtrise sur ses actions. Puis, il s’immobilisa comme elle le lui avait ordonné.
— Ferme les yeux, murmura Cassandra, et même si sa voix ne charriait pas la magie qui le forcerait à obéir, il s’exécuta.
Lentement, comme dans un rêve, elle se saisit de la dague que son acolyte de toujours lui tendait. Le manche de cuir était tiède entre ses mains, signe que Mayeri s’en était servie peu auparavant. Elle se raccrocha au poids familier de la lame, s’approcha du lit, se hissa à côté de son simulacre d’époux, qui frissonna mais n’osa pas rouvrir les yeux. L’estomac noué, elle leva la lame haut, droit au-dessus de son cœur.
— Tsss…
Mayeri émit un claquement de langue désapprobateur, indiqua d’un index sa propre gorge dans un lent mouvement horizontal. Cassandra serra les dents, fixa l’imposteur, songea au véritable Raven, certainement aux côtés de Leith en ce moment même, en train de préparer leur fuite. Elle aurait tant aimé être avec eux en train de leur dire adieu, mais elle était ici, à accomplir cette tâche sordide.
Un frisson courut dans ses mains et, d’un seul geste, elle inclina la lame. Le mouvement brusque tira un bref sursaut de surprise à l’homme, qui ouvrit les yeux au moment où le fil acéré cinglait sa gorge, l’ouvrant de tout son long. Le sang gicla, pas assez fort pour salir Cassandra, mais suffisamment pour se déverser à gros bouillons sur les draps. Cassandra recula, les doigts gourds, serrés autour de la lame, une étrange sensation lui enserrant la gorge. Elle regarda l’étincelle d’incompréhension et de reproche s’éteindre dans son regard sombre, elle se convainquit, l’espace de quelques secondes que, d’une certaine manière, elle avait tué le véritable Raven.
Et cette idée laissa un vide béant dans sa poitrine.
— Je ne pourrai pas le faire pour Yrisbel… murmura-t-elle. Fais-le.
— C’est déjà fait, acquiesça Mayeri en récupérant la lame.
Cassandra tourna les talons, fuyant la vision d’horreur de son époux mort.

Le clair de lune projetait ses rais argentés, aveuglants, sur le jardin du palais, faisant miroiter des gouttes de rosée vespérales. Elle s’était assise contre le tronc épais de l’orme sous lequel elle se réfugiait toujours, repliant ses genoux contre ses jambes, frissonnante dans la tiédeur de l’air. L’été n’était pas encore arrivé, et les nuits étaient encore fraîches. Elle s’était repliée sur elle-même dans le havre qu’était son jardin, essayant de comprendre pourquoi elle se sentait aussi détachée de la réalité. Transpercer cet homme d’une lame avait secoué quelque chose en elle, quelque chose qu’elle n’avait jamais encore ressenti auparavant, mais elle ne parvenait pas à éprouver la culpabilité oppressante qu’elle aurait cru associer à l’idée de tuer quelqu’un de sang froid.
— Tu es prévisible, daanl.
Cassandra se figea, comme pétrifiée. La voix venait de sa gauche, un peu derrière elle, là où se situait le kiosque. Elle fut suivie d’un chuintement d’herbe froissée, foulée après foulée, et sans même qu’elle n’ait à tourner la tête, elle devina la présence fantômatique de sa mère derrière elle.
— Ces derniers temps, tu ne m’appelles chérie qu’en situation tendue, mère… murmura-t-elle en wiccan, le souffle court.
Elle n’osait pas se redresser, ni même se retourner. Impossible que sa mère soit là, à ses côtés, ce soir où tout se jouait.
— C’est vrai… mais peut-être est-ce toi qui te fourres toujours dans des situations tendues. En tout cas, coup de maître pour récupérer le pouvoir et écarter Raven définitivement.
Laëtitia esquissa quelques pas de plus pour entrer enfin dans son champ de vision. Dans le clair de lune, ses boucles blondes étaient nimbées d’un halo argenté, presque blanc, et avec les ombres qui se creusaient sur son visage, elle paraissait avoir pris vingt ans. Pourtant, sa voix n’en était pas moins douce – et paradoxalement si tranchante – lorsqu’elle poursuivit :
— Quoique je n’aurais jamais cru que tu risquerais la vie de ta fille ainsi.
Cassandra blêmit, se redressa lentement. Dans sa tête, les questions se bousculaient. Que signifiait sa présence ici ? Pouvait-elle savoir ? Elle ne pouvait pas savoir.
— Tu es au courant ?
Sa mère s’esclaffa doucement.
— Oh, chérie. Tu as fait des efforts, je le vois bien, mais tu n’es pas encore assez discrète. Tu as ramené ce soldat, tu as passé des alliances. Je t’ai observée pendant que tu apprenais à manœuvrer ; ce n’est pas encore assez efficace, mais l’idée est là.
Malgré les félicitations implicites, Cassandra sentit un long frisson glacé descendre dans sa nuque, pressentant le danger. Avec sa mère, il y avait toujours un « mais ».
— Ils ne passeront cependant pas la grande porte.
Le froid frisson qu’elle avait ressenti se mua en picotements anxieux.
— Quel plan machiavélique, vraiment… tu m’impressionnes. Tu incites Raven à s’enfuir en kidnappant l’héritière, ce qui fait par défaut de lui un traître à la couronne et un lâche. Il est par malheur rattrapé en train d’essayer de passer la muraille, mettant en danger Yrisbel, et les gardes ont ordre de tirer à vue sur le kidnappeur… ce qui fait de toi la seule et unique souveraine d’Avalaën. Magistral.
Sonnée par tant d’allégations capillotractées et par le ton gentiment moqueur, presque moralisateur, la jeune femme bégaya :
— Non, je ne…
— Si par hasard il survit et que tu le défends, le Conseil t’accusera de l’avoir incité à fuir pour récupérer le pouvoir. Ou pire, de l’avoir aidé à fuir ses responsabilités. Ce sera donc toi traîtresse, et lui le lâche. À ton avis, que vont-ils vous faire ? Ils vont vous envoyer couler des jours bienheureux dans un joli domaine au nord-ouest, entourés de serviteurs qui seront aussi vos gardes, et ils élèveront Yrisbel ici, comme ils ont élevé Raven avant elle, coupée du monde et de la réalité.
Le souffle coupé, Cassandra avait du mal à encaisser le flot des mots, aussi froids et tranchants que des lames de glace. Elle recula d’un pas, la poitrine déchirée. Soudain, elle comprenait où sa mère l’avait amenée.
— Et je ne pourrai que leur donner raison, sinon on m’accusera de partialité, ajouta sa mère avec un sourire glacial. Oh quel malheur, je serai donc la Régente jusqu’à l’âge adulte de l’Héritière.
Jamais sa mère n’avait eu l’intention de la laisser achever son plan… mais elle n’avait jamais voulu l’en empêcher pour autant. Elle s’en était simplement servie. Elle l’avait détourné à son avantage, amenant sa fille exactement là où elle voulait, préparant une parade si jamais, emportée par ses sentiments, sa fille choisissait de ne pas accepter de la suivre dans sa folie.
Il faut que je les arrête, songea-t-elle, le cœur battant. Que je les ramène.
— Tu ne les arrêteras pas, ricana la voix doucereuse, fiel et miel en même temps, sans aménité ni haine, mais aussi totalement dépourvue de bienveillance. Je t’en empêcherai s’il le faut. Tu ne le sens pas ? C’est ainsi que nous gagnons.
Elle leva les yeux vers les prunelles myosotis qui lui faisaient face, osant pour la première fois de la soirée les affronter réellement. Et, en plongeant dedans, elle eut l’impression de basculer dans un puits sans fond sillonné de courants turbulents. Sa mère lui agrippa le poignet, la tira vers elle, un sourire venimeux aux lèvres.
— Tu pourras amener tant de carnage lorsque tu seras seule au pouvoir…
Cassandra blêmit, tira pour se dégager de la prise ferme de sa mère, en vain. Elle en avait douté durant des lunes et des lunes, elle avait essayé de se voiler la face, mais elle le voyait dans le trouble de son regard, dans l’étincelle dansante qui illuminait ses pupilles. Sa mère était folle. Avide de sang, de mort et de violence. Elle avait ce même regard que la première fois qu’elle l’avait vue sur un champ de bataille, cette frénésie animale au fond de ses pupilles.
— Tu ne le ressens pas autant que moi… mais je sais que tu le ressens. L’appel du sang.
Sa voix était empreinte d’une sorte d’espoir muet, combiné à la douce ironie d’une terrible prophétie qui se réalisait. Il n’y avait aucune étincelle mesquine dans ses yeux, aucun ricanement narquois à ses lèvres. Ce n’était pas une farce, un piège, un entraînement quelconque. Elle était mortellement sérieuse.
— Qu’est-ce que…
— Peut-être que pour toi, cela agit avec de la latence. Peut-être que c’est parce que je ne te l’ai pas murmurée comme une berceuse, comme ma mère l’a fait pour moi.
Elle l’attira à elle, ses lèvres tout près de son oreille, et susura d’une voix emplie de venin quelques phrases en vieux wiccan. Une ritournelle qui aurait effectivement pu s’apparenter à une berceuse, si les paroles n’étaient pas si monstrueuses. Cassandra, qui essayait de s’arracher à sa poigne, se tétanisa progressivement tandis que les mots se déversaient dans son esprit, s’enroulaient autour de son cœur comme un serpent. Lentement, Laëtitia saisit sa dague, trancha dans sa propre paume, frémissant à peine, et relâchant sa fille toujours figée, elle amena la plaie sanglante près de son visage. L’odeur de l’hémoglobine la saisit à la groge comme une soudaine main qui l’agrippait, tirant sur ses doutes, s’enroulant autour des mots que sa mère répétait encore et encore comme une incantation.

Al vanakrill diem vindaziet
Ka vahelum tragen da svaan’na vil
Vil Zaorden, svantalier has yvailer, heven
Promau havien kravilisien


Le parfum doucereux lui faisant tourner la tête, les mots embrumant sa conscience, Cassandra esquissa un autre pas de recul, buta contre une racine. Seule la main sanglante de sa mère la rattrapa par le bras avant qu’elle ne chute. Elle se raccrocha à son bras de toutes ses forces, essayant de repousser les vers qui agitaient quelque chose au fond d’elle-même, un désir de violence qu’elle étouffait depuis si longtemps qu’elle s’était convaincue que c’était du dégoût. De l’amour à la haine de quelque chose, n’y avait-il vraiment qu’un pas ? L’appel du sang, avait dit Laëtitia Zaor’Vil.
Cassandra Zaor’Vil.
Cassandra de Wikandil.
Cassandra la Maudite.

Était-ce de là que cela venait ? Tous le savaient-il, ou était-ce seulement une rumeur qui s’était propagée de bouche à oreille, de lèvres en lèvres ? Avait-elle un fond de vérité ?
Cassandra fut prise d’un frisson anxieux qui la secoua de la tête aux pieds, elle contempla sa mère avec un mélange de déni et de désespoir.
— Qui nous a…?
— On l'appelait le Roi-Corbeau. C’était un roi qui, dans son dernier souffle, nous a condamnées à semer le carnage et la destruction. Cela fait des siècles que nous semons des cadavres dans notre chemin, daanl. Raven n’en sera qu’un parmi tant d’autres.
Le sang, avec sa délicate odeur métallique, lui embrumait toujours autant l’esprit. Elle sentit le changement qui s’opérait en elle alors que les mots instillaient leur propre poison dans son âme, s’enracinaient dans son cœur et prenaient la main sur les émotions qu’elle avait repoussées durant toute son enfance et son adolescence. Le parfum qui avait été troublant se fit enivrant, ses yeux descendirent lentement en direction de la plaie. Elle perçut, presque physiquement, le moment où elle basculait, où la situation se décomposait en simples faits.
Raven allait mourir si elle ne faisait rien. Mais sa mère lui bloquait le passage.
Le mouvement fut souple, intuitif.
Contrairement à Cassandra, Laëtitia n’était pas une combattante. D’un geste qu’elle pensait avoir oublié, mais que l’adrénaline avait exhumé des tréfonds de ses souvenirs de combats, Cassandra tordit le poignet de sa mère et appuya de toutes ses forces, par automatisme. La dague fit une volte-face éblouissante, Laëtitia émit un hoquet étranglé, mais elle parvint à réprimer son cri de douleur. Froide et composée jusqu’au bout, elle glissa mollement au sol.
Elle souriait.
— J’ai eu peur… que tu ne sois pas comme moi, murmura-t-elle.
Une plainte étouffée, chargée de souffrance contenue, lui échappa lorsque Cassandra retira la lame d’un mouvement sec. Elle battit des paupières, cherchant son souffle entre les pulsations de son sang qui se déversait à flots de sa poitrine.
— Mais peut-être que… si tu n’avais pas été comme moi… tu aurais pu rompre…
Elle n’acheva jamais ses paroles, mais sa fille avait compris. La malédiction. Le rugissement de satisfaction dans ses veines, malgré l’horreur de la situation, tandis qu’elle regardait le sang couler. Elle savait que, même si elle l’avait voulu, elle aurait été incapable de pleurer. Pourtant, la douleur de voir sa mère inerte, par terre, lui déchirait déjà la poitrine. Mais le meurtre avait tout étouffé, enveloppé son monde d’un voile cotonneux qu’elle ne parvenait pas à déchirer.
Cassandra se redressa avec la sensation de porter le poids du ciel sur ses épaules, contemplant le cadavre de celle qui l’avait élevée, l’esprit hanté par une comptine aussi vieille que le monde. Son cœur était lourd, mais comme anesthésié. Les mots résonnaient entre ses oreilles, et elle savait déjà qu’elle les entendrait tous les soirs, comme une sombre ritournelle, jusqu’à ce que son tour ne vienne.

Amène les hommes à la ruine
Et plonge le monde dans le chaos
Zaor’Vil damnées du berceau au tombeau
Telle est la malediction du corbeau


◊~◊~◊
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Cassandra II (1/4)

Message par vampiredelivres »

ACTE II : L'USURPATRICE
(1/4)


Raven avait disparu.
La nouvelle lui avait fait l’effet d’un coup de poing dans la poitrine, un choc qui lui avait coupé la respiration. Il avait disparu, emportant avec lui leur petite fille, Yrisbel, faussant compagnie à Leith, qui était censé l’accompagner et qui avait un moment ferraillé avec un garde pour leur permettre de passer les remparts. Mais Raven ne s’était pas enfui par le chemin prévu. Il avait outrepassé le plan, pris l’initiative, s’était arraché aux fils de marionnettiste que Cassandra avait inconsciemment tressés autour de lui, avait jugé qu’il se débrouillerait mieux seul. Et, maintenant qu’il n’y avait plus de danger pour lui ou pour leur fille, il était introuvable.
Cassandra avait encaissé la nouvelle sans un cri, sans une larme, le visage blafard et le cœur battant à tout rompre. Elle sentait la terreur d’une situation qui lui échappait pulser dans ses veines, et seules des années de pratique dans la forêt de Wikandil parvenaient à lui faire garder le contrôle sur son propre corps. Un éclaireur avait été envoyé à chaque porte de la Citadelle Rouge afin de la faire fermer, mais elle savait déjà, inconsciemment, que ce serait inutile. Raven était intelligent, il ne chercherait pas à forcer les barricades qu’elle allait dresser pour le retrouver. Il les contournerait, en temps et en heure, sans se presser.
Finalement, le général Esirath arriva. Premier commandant de Laëtitia, il paraissait avoir été tiré du lit au vu de son uniforme mal lacé et de ses cheveux en bataille, mais son regard était déjà vif et alerte. Il se planta devant elle avec la raideur militaire qui l’avait toujours caractérisé, dans une attitude franche et ouverte qui signifiait qu’il avait certainement une vague idée de ce qui avait pu exiger de lui un réveil nocturne aussi brutal.
— Aveltia Sen, salua-t-il.
Cassandra inspira profondément.
— Sortez, intima-t-elle aux autres soldats dans la petite salle de la tourelle de garde.
Tous ceux qui avaient été désignés s’inclinèrent les uns après les autres et s’esquivèrent avec un soulagement palpable. Comment expliquer qu’ils avaient mis tant de temps à retenir un seul homme, un de leurs compagnons d’armes ? Comment justifier qu’ils n’avaient pas réussi à empêcher l’Empereur de s’enfuir du palais avec l’héritière dans les bras ?
— Je suppose que vous savez pour la malédiction ? entama Cassandra, le cœur au bord des lèvres, tremblant même si elle essayait de le dissimuler au mieux.
— Oui,
.
— Ma mère et moi avons eu un… différend.
— Mes condoléances, Altesse.
Il n’y avait aucun regret ni aucune tristesse dans sa voix, seulement le plus froid constat. Ce n’était pas pour autant qu’il paraissait dénué d’émotions, mais elle lut sans mal sur son expression qu’il s’y attendait depuis longtemps déjà.
— Mon épée est la vôtre, et mes soldats également, ajouta-t-il en s’inclinant.
— Merci. Mais nous avons un autre problème.
Esirath haussa un sourcil, l’air perplexe.
— Qui est ?
Cassandra prit un bref moment pour considérer comment elle allait présenter la chose, puis réalisa que personne ne savait réellement, à part Mayeri, elle et sa mère – désormais morte – comment le plan avait été pensé à l’origine. Les seuls ordres que les gardes avaient reçu avaient été de tuer les fuyards qui tenteraient de kidnapper l’héritière, mais il s’était avéré qu’ils avaient eu quelques hésitations lorsqu’ils avaient vu qu’il s’agissait de l’Empereur et de sa fille. Leith s’en était tiré par un miracle certain, car même son adresse à l’épée n’aurait pu lui permettre d’échapper aux flèches des gardes en principe.
— Mon époux a choisi de fuir, finit-elle par expliquer, choisissant soigneusement ses mots.
Malgré la fraîcheur de l’air, ses paumes se couvraient doucement de sueur. Inconsciemment, même si elle n’y prêtait pas beaucoup d’attention dans l’instant, elle savait que c’était certainement le jeu politique le plus délicat dans lequel elle s’était jamais engagée.
— En emportant ma fille.
Les sourcils du général Esirath s’infléchirent, il pinça les lèvres.
— Ma mère semble en avoir eu vent. Elle m’a attirée dans le jardin pour m’en parler, mais m’a clairement signifié qu’elle comptait le faire tuer pour cela, et a refusé de me laisser partir. J’ai dû…
Le souvenir du corps inerte dans ses bras la fit vaciller, elle s’appuya contre le bord d’une table, l’esprit en miettes. Combien d’années de solitude, maintenant ? Combien de temps avant qu’elle ne retrouve quelqu’un dans sa vie pour l’appuyer comme Raven et Laëtitia l’avaient fait, chacun à sa manière ? La pensée l’effleura telle un courant d’air, la fit frissonner jusqu’au plus profond de son âme. Elle inspira profondément à nouveau, le cœur au bord des lèvres, sentant la tête lui tourner.
Sans même lui demander, le général lui saisit doucement la main, l’amena vers l’une des rares chaises de la pièce, un bras dans son dos pour la soutenir, l’autre en appui pour la guider. Elle s’y laissa tomber, le regard trouble, l’odeur du sang dans ses narines, et il lui fallut quelques longues minutes pour récupérer un semblant de contenance. Lorsqu’elle parvint finalement à tenir plus de quelques instants sans se rappeler la mort de sa mère ou le silence qui allait hanter sa grande chambre désormais vide, elle reprit lentement :
— Raven a réussi à s’enfuir. Avec ma fille.
— Et nous voilà donc sans Héritière Impériale, sans Empereur et sans Impératrice-Mère.
La perplexité dans son expression était évidente, mais elle vit dans le fond de ses yeux qu’il commençait déjà à calculer toutes les différentes possibilités pour stabiliser la situation au plus vite.
— Et ici, que s’est-il passé ?
— Ma mère avait donné l’ordre d’abattre tous les fuyards, mais les soldats semblent avoir eu quelques états d’âme en découvrant qu’il s’agissait de leur Empereur.
Esirath pinça les lèvres, apparemment agacé.
— J’aurais presque envie de dire qu’il s’agit d’un manque de discipline punissable, mais d’un autre côté, il vaut certainement mieux qu’il ne gise pas mort dans la cour à l’heure actuelle, ce serait un malentendu… regrettable. Y avait-il quelqu’un avec lui ?
— Oui, un soldat qui semblait l’avoir aidé à s’échapper, répondit Cassandra, le cœur battant à tout rompre à la pensée d’inculper Leith. Il est actuellement détenu dans la geôle la plus proche. Mais Raven ne semblait pas lui faire suffisamment confiance, semble-t-il, pour le tirer de là, puisqu’il a pris les devants.
Un lourd silence tomba entre l’Impératrice en titre et le général, à peine rompu par les crépitements des flammes des torches qui illuminaient faiblement la pièce. Cassandra songeait à comment elle pourrait tirer Leith de ce guêpier sans révéler son propre rôle dans l’histoire. Si la version qu’elle maintenait tenait la route, il serait condamné, et la peine capitale serait certainement requise. Or, c’était la dernière chose qu’elle aurait voulu en guise de prix pour son aide et son soutien. Elle serra les dents, irritée de ne pas avoir réfléchi davantage à la manière dont elle allait le présenter.
— Un autre problème, Altesse ? demanda Esirath en voyant son expression.
— Non… enfin, si, mais j’avoue que je ne vois pas comment le résoudre.
— J’écoute.
— Le soldat qui l’a aidé à s’enfuir, Leith… il s’agit de l’un de mes plus vieux amis, à l’époque où nous n’étions encore que des enfants à Wikandil.
— Ah.
Il prit un moment pour réfléchir, puis finalement admit :
— Cela est effectivement un problème. Mais c’est un problème qui peut attendre, je pense, puisqu’il est dans les geôles du château. En revanche, pour l’Empereur… quelles ont été les mesures qui ont été prises ?
— Des éclaireurs ont été envoyés aux portes pour les faire fermer sans tarder. Mais même s’il est encore dans la citadelle, le retrouver sera…
— Quasiment impossible, à moins de ratisser la ville de porte à porte, ce qui n’est pas vraiment envisageable en termes d’effectifs… si l’on ne parle qu’en termes d’effectifs et pas de conséquences sur la vie de la cité.
Il s’assit en face d’elle, et son regard se perdit dans le vague. Ils demeurèrent ainsi l’un et l’autre durant ce qui sembla à Cassandra une éternité, réfléchissant chacun de leur côté, débattant de temps en temps d’une ébauche de solution et des problèmes que cela soulevait, sans jamais parvenir à une possibilité viable. La seule chose qui les interrompit finalement dans ce silence ponctué de discussions occasionnelles fut un bref coup anxieux toqué à la porte. Un homme se présenta dans l’embrasure, l’air essoufflé.
— Les portes ont été verrouillées, Aveltia Sen. Mais… demain…
— Demain, nous aviserons, soupira Cassandra. D’ailleurs, demain…
Elle jeta un bref regard à la pendule qui trônait dans un coin, réalisa que la nuit était déjà bien avancée, et une grimace lui échappa. À l’aube, il faudrait qu’elle ait une solution, au moins temporaire, et une ligne directrice dans son discours. Elle ne pouvait se permettre de laisser l’Empire lui échapper, malgré une situation a priori plus que tendue. Pas d’héritière, pas de souverain, pas de mère pour tenir les rênes en arrière plan.
— Des instructions à me donner, Aveltia Sen ? interrogea encore l’éclaireur épuisé. Général ?
— Des bruits ont-ils déjà couru ? s’enquit le général.
— Le capitaine du guet a interdit aux hommes de quitter les lieux pour le moment.
— Parfait. Peux-tu rester également avec les autres éclaireurs jusqu’à l’aube ?
Ce n’était pas vraiment une question, et le soldat le comprit très bien, puisqu’il s’inclina avec la raideur du salut avalonien.
— Oui, Mon Général.
Et il referma la porte derrière lui. Cassandra se laissa aller en arrière avec un long soupir, songea à la situation, esquissa une grimace.
— Il va falloir une solution. Pour Raven, et pour expliquer la mort de ma mère. Une Impératrice matricide n’est pas exactement la meilleure position pour moi, pour ainsi dire.
— Pour ainsi dire, approuva-t-il avec un sourire. Mais je pense avoir une idée.
Il prit une inspiration, et elle se pencha en avant inconsciemment, curieuse de voir ce qu’il avait pu imaginer. Et lorsqu’il commença à parler, un soulagement profond déferla en elle. Ils débattirent longtemps, et vivement, mais c’était une solution viable. Ils essayèrent, dans cette pièce isolée, presque coupée du reste du monde, de pallier à tous les défauts apparents de la stratégie, ils en imaginèrent toutes les dérives qu’ils étaient capables de supposer. Avec leurs deux esprits disparates, tant en termes de stratégie qu’en termes d’approche humaine, elle estima qu’ils avaient comblé la plupart des problèmes imminents. Pour le rese, ils étaient tous les deux conscients qu’il faudrait composer avec les moyens du bord.
— Aveltia, seras-tu prête à faire un discours dès l’aube ? demanda finalement le général lorsqu’ils eurent terminé de débattre des options possibles.
Elle hocha simplement la tête, consciente que c’était la première chose qu’il faudrait faire. Ce n’était pas un beau plan. Ce n’était même pas un bon plan. Mais c’était un plan qui lui permettrait de survivre, et peut-être, avec un peu de chance, de récupérer Raven et Yrisbel si tout se passait bien et que les filets fonctionnaient correctement. En étant parfaitement honnête avec elle-même, elle n’y croyait guère, mais elle aurait voulu y croire de toute son âme. Sa fille lui manquait déjà cruellement, même si c’était elle qui l’avait poussée à fuir à l’origine.
— Très bien. J’informerai les soldats présents cette nuit de ce qui s’est réellement passé, et j’enverrai une brigade ratisser le jardin pour vérifier si l’Empereur ne s’y est pas caché.
— Je vais aller me préparer, approuva-t-elle.
Son anxiété s’était quelque peu calmée, mais elle sentait toujours la pulsation nerveuse de l’appréhension et de l’expectative. Esirath s’inclina, et elle se détourna pour se diriger vers la porte. Alors qu’elle saisissait la poignée métallique, une terrible idée l’effleura, et une peur glaciale, liquide, déferla dans ses veines. Figée, elle songea à se retourner, à exiger des garanties, à essayer de deviner s’il y avait une chance qu’elle ait raison.
— Aveltia Sen ? interrogea le général en la voyant s’immobiliser.
Mais au bout du compte, cette idée ne changeait absolument rien. Et elle n’avait aucun pouvoir là-dessus.
— Pardon, je m’étais perdue dans mes pensées. À tout à l’heure, Général.
Un bref sourire éclaira son visage, elle pressa la poignée. Les regards insistants des soldats au-dehors la suivirent tout le long de sa descente de la tour de guet, si bien qu’elle finit par leur signifier que c’était Esirath qui s’occuperait de leur donner les ordres nécessaires. Alors seulement, elle réussit à sortir des murs sans être hantée en tout temps par des questions muettes qui flottaient dans l’air même si tout le monde s’interdisait de les poser à haute voix.
Elle parcourut les jardins d’un pas rapide, inattentive aux habituels bruissements de feuillage et petits mouvements de jeunes animaux qu’elle aimait tant. La lune avait plus qu’entamé sa lente course vers le sol, l’aube n’allait pas tarder à rosir le ciel d’ici quelques heures… et Cassandra avait encore quelques affaires importantes à régler.
Parvenue à l’entrée du palais, elle hésita quelques instants sur la marche à suivre la plus appropriée, puis décida de se diriger vers les oubliettes. Seule, elle ne parviendrait pas à rattraper la situation dans la suite impériale, même avec l’aide de Mayeri. Elle n’avait pas tout dit au général Esirath, évidemment. Elle ne lui avait jamais parlé du plan de fuite qu’ils avaient élaboré, du cadavre qui gisait dans son lit avec le visage de Raven, de l’enfant décédée qui était censée être Yrisbel. Tout cela était contraire à la stratégie qu’elle avait élaborée avec le Général, aussi se devait-elle de réparer les dégâts avant qu’ils ne nuisent au plan.
Elle trouva Leith dans la première cellule des prisons du palais, assis dos au mur. Il ne paraissait pas particulièrement mal en point, mais il avait une mine sombre. Lorsqu’il la vit, néanmoins, ses traits s’éclairèrent d’une sorte de sérénité soudaine, et elle songea qu’elle en avait encore beaucoup à lui demander avant qu’il ne puisse avoir la paix.
— Fais-le sortir, commanda-t-elle.
— Mais, Aveltia Sen, il a…
— Je sais ce qu’il a fait. Fais-le sortir.
— Aveltia Sen, je ne peux faire ça. Je ne suis…
Elle poussa un long soupir, le fixa droit dans les yeux.
— Dois-je te faire enfermer à sa place pour insubordination, soldat ?
Il se figea, blêmit.
— Non, Aveltia Sen.
Et il sortit son trousseau de clefs. Cassandra l’observa en silence faire sortir un Leith apparemment raidi et endolori, inclina la tête froidement à son intention, puis se détourna.
— Suis-moi, commanda-t-elle à Leith sur le ton froid qu’elle utilisait toujours pour lui parler en présence d’autres personnes.
Il lui emboîta le pas sans mot dire, et elle le guida au travers des couloirs jusqu’à sa chambre. Heureusement, les couloirs étaient encore déserts, sinon des questions auraient pu se poser quant à l’Impératrice qui ramenait un soldat avec elle dans la chambre qu’elle partageait avec l’Empereur.
— Je suis vraiment désolée pour ce chaos… soupira-t-elle lorsque la porte se fut refermée.
Leith esquissa un bref sourire, et hocha la tête. Malgré l’épuisement qu’elle discernait désormais clairement sur ses traits, elle voyait toujours son habituelle malice briller dans ses yeux.
— Ça faisait longtemps qu’on ne m’avait pas mis une telle dérouillée. Heureusement que, quand ils ont vu que j’étais avec l’Empereur, ils ont décidé de frapper moins fort, parce que je ne suis pas certain que j’aurais survécu sinon.
Elle répondit à son rire léger, insouciant, d’un sourire faiblard, teinté de mélancolie.
— Je vais encore devoir te demander un service avant de te laisser te reposer.
— Dis-moi. Car je sens que tu ne vas pas te reposer non plus tout de suite, Aveltia, rétorqua-t-il avec un haussement de sourcils narquois.
Elle fronça le nez en songeant à la terrible journée qui l’attendait, au temps qui lui restait, et une plainte sourde lui échappa.
— J’irai dormir dans l’après-midi si on me laisse un peu tranquille.
— On ne te laissera pas tranquille, surtout après ce qui vient de se passer.
— Certes. En attendant, aide-moi.
Elle lui désigna le cadavre qui gisait dans le grand lit, inerte dans les draps soyeux. Mayeri l’avait tué proprement, si bien qu’il s’était davantage vidé de son sang dans son propre corps que sur le lit. En le faisant tomber sur le sol, elle constata que bien des heures s’étaient en effet écoulées, car la raideur cadavérique avait gagné presque l’entièreté du corps.
— Il faut le ramener par là-bas, indiqua-t-elle en désignant une petite porte latérale dissimulée dans le mur.
Leith ne posa aucune question mais, tandis qu’ils traînaient le mort sur les épais tapis, Cassandra lui donna les grandes lignes du stratagème imaginé pour couvrir le départ de Raven. Leith ne posa guère de question, se contenta d’un éclat de rire nerveux occasionnel tandis qu’elle assemblait les éléments d’un plan conçu dans l’urgence. Un plan qui le disculpait, lui, qui déplaçait quasiment toute la responsabilité sur Raven lui-même, et qui s’occupait également du second cadavre de la soirée, celui de Laëtitia. Il fallait juste que Leith accepte de jouer le jeu avec elle. Mais au vu de son expression, ce ne serait pas un problème.
Elle ouvrit d’une main et d’un pied la porte, récupéra le pied qu’elle avait laissé tomber, et ahana en traînant le cadavre derrière elle pour le faire rentrer dans les quartiers d’une Mayeri ébahie.
— Bonsoir Mayeri. Il y a eu quelques changements de plan. Peux-tu récupérer également… la petite fille ?
Ses mots s’étranglèrent dans sa gorge lorsqu’elle songea à Yrisbel. Mayeri ne posa aucune question, toujours dans son rôle mutique qu’elle semblait tout particulièrement affectionner, et elle attendit qu’ils soient tous les deux passés pour pouvoir entrer dans la chambre à coucher à son tour et en ramener une forme molle, enrobée de chiffons, dans ses bras.
— Il va falloir s’en débarrasser, expliqua Cassandra à son intention. Des deux.
À nouveau, elle lui retraça le plan dans les grandes lignes, et tandis que les yeux de Mayeri s’agrandissaient sous l’effet de la surprise, puis s’étrécissaient à nouveau tandis qu’elle encaissait les informations, elle songea qu’elle avait bien de la chance d’avoir ces deux-là à ses côtés. Seule, elle n’aurait jamais pu gérer une telle crise.
— Puis-je te laisser en disposer ? demanda-t-elle à la sorcière.
Cette dernière hocha la tête et lui signifia, par gestes familiers, connus d’elles seules, qu’il valait mieux d’ailleurs qu’elle ne soit pas là pour cela. En se rappelant du rituel terrifiant auquel elle avait assisté plus tôt dans la nuit, elle acquiesça sans protester.
— Merci, Mayeri, dit-elle à voix basse.
Une lueur d’affection sembla poindre dans les yeux sombres de la wiccane, et elle lui adressa un sourire racorni. Cassandra prit Leith par la main, le tira hors de la petite pièce, et soupira.
— Je suis désolée, je vais devoir te demander de retourner en cellule jusqu’à la fin de cette nuit d’enfer. Mais je t’assure que je ne te laisserai pas croupir là-bas.
— Bien sûr, princesse, sourit-il avec son ton taquin habituel.
Il s’inclina brièvement, guère pointilleux sur la rigueur du salut, puis disparut, refermant les grandes portes derrière lui. Cassandra grimaça, regarda rapidement les draps souillés de sang, songea qu’il faudrait certainement les faire nettoyer, même si au vu du peu de sang qui avait en vérité coulé, elle pouvait se permettre de le faire passer pour du sang de menstrues. Mais ce serait un problème à régler plus tard.
Plutôt que de s’attarder dans la chambre avec le fantôme de Raven et d’Yrisbel, elle préféra enfiler une chemise plus douce que celle qu’elle avait portée au-dehors, une robe de chambre par-dessus, et s’enferma dans le petit bureau attenant. Là, elle s’effondra dans le fauteuil, songea un instant à la situation, puis se saisit d’une plume et d’un parchemin pour essayer de coucher sur papier un discours qui pourrait rattraper au moins un peu la crise à venir.
Cher peuple d’Avalaën…

— Cher peuple d’Avalaën, entama-t-elle.
La foule était massive, aussi dense que le jour où Raven avait proclamé le retour de Laëtitia Zaor’Vil au palais. L’ironie de la situation n’échappait pas à Cassandra, mais elle ne pouvait guère se permettre de perdre l’attention du public, aussi embraya-t-elle rapidement sur les mots qu’elle avait écrits puis appris par cœur.
— Aujourd’hui est un jour de noir pour l’Empire, car l’Empereur a disparu.
Elle fit abstraction des cris qui s’élevaient.
— Si vous avez déjà essayé de sortir de la ville ce matin, vous aurez remarqué que les grandes portes sont barricadées, et que les contrôles d’identité à la sortie comme à l’entrée sont de rigueur. En effet, l’Empereur a décidé de prendre la fuite, d’abandonner son peuple et son Empire. Et, dans sa fuite, il a emmené notre fille, l’Avelke Yrisbel.
« Comment ni pourquoi il a décidé de fuir, les détails ne sont pas encore clairs. En revanche, ce que nous savons, c’est qu’il a le sang de ma mère sur les mains. Elle a certainement essayé de l’empêcher de partir, car elle a été retrouvée morte ce matin dans le jardin, poignardée, sur le trajet qu’il a emprunté dans sa course effrénée.
Le tumulte s’était fait si intense qu’elle fut obligée de s’interrompre, laisser à la foule le temps de hurler son incompréhension et sa colère. Durant ces quelques minutes de tollé, elle n’essaya pas de rétablir le calme avec sa seule voix, sachant pertinemment que c’était impossible. Elle préféra regarder sur le côté, en direction du général Esirath qui se tenait sur le côté de l’estrade et observait la foule avec un regard de stratège. Elle le vit tandis qu’il calculait en silence toutes les opportunités, toutes les possibilités, tous les risques. Sa présence, malgré les risques qu’elle induisait, la rasséréna quelque peu. Elle saurait composer avec les ambitions d’Esirath. Ou du moins, elle espérait réellement en être capable.
— Je ne sais pas où il est à l’heure actuelle. J’espère sincèrement qu’il est toujours quelque part en ville et que, s’il m’entend actuellement, il reviendra au palais. Quels que soient nos différends, quelles qu’aient été les raisons qui t’ont poussé à s’enfuir comme un voleur, Kalekti Sen, j’espère que tu auras le courage de revenir pour que nous puissions rendre à notre fille l’héritage qui lui revient. Je suis moi-même une fille de Wikandil, mais Yrisbel vient des deux mondes. Donne-lui une chance, même si tu ne crois plus en moi.
Sa voix se brisa sur la fin de la tirade, et les derniers mots résonnèrent dans un silence mortuaire. C’était peut-être cet appel désespéré qui parviendrait à convaincre le peuple de sa sincérité, puisque ce n’était certainement pas sa légitimité d’Impératrice mariée à la couronne, fille d’une précédente souveraine tyrannique, qui le ferait.
— À vous, habitants d’Avalaën, je ne vous demanderai qu’une seule chose. Aidez-moi à le retrouver, je vous en prie.

— Ça s’est plutôt bien passé, soupira Leith en la raccompagnant dans sa suite.
— Plutôt. J’aurais bien aimé pouvoir en dire plus, mais disons qu’avec l’état de la foule…
— Tu feras publier un édit, Aveltia, intervint patiemment le général.
— Certes.
Elle se tut un moment, songeuse, franchit les portes du petit salon seule, puis se tourna pour les inviter à entrer tous les deux.
— Je vous en prie, entrez. Nous n’avons pas encore fini, malheureusement.
Ils s’installèrent chacun sur un petit canapé, et Mayeri apparut dans les ombres comme un fantôme, glissant de l’un à l’autre pour leur verser un thé fumant, rouge sang.
— Qu’est-ce donc ? interrogea Esirath en regardant le liquide épais.
— Un thé des montagnes orientales de Wikandil, tiré de fleurs quasiment introuvables. On les appelle isaray en wiccan, les « fleurs de feu ».
Un sourire vint flotter sur le visage de Leith, et sans même avoir à lui demander, Cassandra sut qu’il se rappelait comme elle la période où ils s’esquivaient du camp principal ou de la petite cité fortifiée pour partir dans les montagnes à la recherche des isaray. Le premier défi était d’arriver à les repérer, le second de les cueillir. Ces petites plantes adoraient pousser la tête en bas, certainement à cause de leur tête extrêmement lourde, impossible à soulever sur une tige aussi fine que celle de la plupart des fleurs.
En général, lorsqu’ils partaient en chercher, souvent sur un coup de tête nocturne, ils y passaient les trois quarts de la journée, manquaient tous leurs entraînements et cours respectifs, et se faisaient incendier par leurs professeurs et leurs parents. Mais les punitions sévères ne les avaient jamais empêchés de récidiver, d’autant plus que, lorsque Laëtitia s’en mêlait, elle les récompensait largement s’ils parvenaient à en trouver. Ces fleurs étaient trop rares et trop précieuses pour elle pour ne pas inciter les cueilleurs à récidiver lorsqu’ils pouvaient. Et elle s’amusait bien de leur dépit lorsqu’ils revenaient les mains vides, conscients qu’ils allaient le regretter.
À force, ils avaient fini par trouver une combine presque parfaite. Ils prenaient les la majeure partie de la journée pour la cueillette et les acrobaties qui en résultaient, et une ou deux heures en fin d’après-midi pour repérer un autre endroit où elles étaient atteignables. C’était là qu’ils commençaient la fois suivante pour s’assurer d’avoir une récolte.
— La belle époque… soupira Leith.
Cassandra approuva d’un sourire, et le regard d’Esirath fit la navette entre eux, et elle se rappela que, contrairement aux petits généraux qui vivaient à la Cité Oubliée avec eux, Esirath n’avait jamais vraiment vécu en ville avant la conquête. Il n’était donc pas au courant que Cassandra et Leith se connaissaient, et n’avait certainement que très peu entendu parler de leurs aventures ensemble.
— Nous nous connaissons, acquiesça-t-elle à sa question muette.
— Ah.
Son regard sombre lui indiqua qu’il savait bien qu’elle ne lui avait pas tout dit au sujet de cette terrible nuit qui venait de les précipiter dans le chaos. Mais elle n’en avait certainement pas l’intention.
— Quel est la stratégie à partir de maintenant, Aveltia Sen ?
— Il va falloir que je reprenne les affaires de l’Empire. Comme si je les avais toujours gérées.
Une transition en douceur, sans accroc. Elle aurait cru entendre sa mère lui murmurer à l’oreille. L’espace d’un instant, la peine lui déchira la poitrine, mais elle refoula les larmes et la tristesse en bloc. Impossible de montrer sa faiblesse maintenant. C’était la loi du plus fort qui primait.

◊~◊~◊
ACTE II (2/4)
Dernière modification par vampiredelivres le sam. 12 août, 2023 1:58 pm, modifié 1 fois.
TcmA

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Re: Dynasties / Cassandra [High Fantasy / Royauté / Intrigues politiques]

Message par TcmA »

Hiello~

Et c'est reparti pour un tour, et pas des moindres.
J'imagine qu'ils vont finir par se retrouver, et que Raven va lui en mettre plein la tronche (en même temps, mérité). On a une bonne situation de merde. A voir comment Cassandra va sortir ses épingles du jeu.
Ngl ça pique un peu.

Hâte de lire la suite ~
La bise
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Re: Dynasties / Cassandra [High Fantasy / Royauté / Intrigues politiques]

Message par vampiredelivres »

Spoiler : J'aime le personnage de Cassandra du plus profond de mon âme dans ce chapitre. :D

L'USURPATRICE
(2/4)


Quelques jours passèrent, lents, effrayants. Cassandra était en permanence occupée, courant de droite à gauche comme si sa vie en dépendait, allant de réunion en déjeuner en petit comité et de déjeuner en réunion. Elle mit tellement d’énergie dans la reprise progressive des affaires, qui avaient pris un violent coup avec la disparition de Laëtitia, qu’elle finit presque par en oublier la douleur de l’abandon et de la solitude qui la hantaient dès qu’elle se retrouvait seule avec elle-même. Elle parvenait à l’occulter lorsqu’elle était occupée, car la quantité d’évènements qui s’amoncelaient soudain semblait à la fois démesurée et exponentiellement proportionnelle au temps libre qu’elle perdait. Mais il suffisait d’un instant de solitude, un moment avec une pensée vagabonde et elle songeait à sa fille, qui lui avait été arrachée, à sa mère, qu’elle avait dû tuer.
Environ une décade après l’incident de la disparition de Raven, elle finissait ainsi une longue et éreintante journée qui s’était achevée sur une brève visite des casernes avec son complice de général. En parvenant devant sa chambre, jusqu’à laquelle il l’avait raccompagnée, elle se retourna pour lui souhaiter une bonne nuit, mais il la prit de vitesse :
Aveltia Sen, je voudrais un mot en privé.
Cassandra fronça un sourcil, considéra l’homme avec la suspicion traditionnelle de sa mère dans la forêt de Wikandil. Et le soldat parut s’en rendre compte, parce qu’il sourit. Il n’y avait rien de menaçant dans son attitude, ni l’ombre d’une agressivité dans son regard. En outre, il avait été le général le plus proche de sa mère… ce qui incitait Cassandra autant au doute qu’à la confiance.
Elle finit par acquiescer d’un bref signe de tête, et les soldats de sa suite le laissèrent entrer dans l’antichambre. Derrière elle, Mayeri s’approcha en observant silencieusement, comme si elle était encore privée de parole. Le général jeta sur elle un regard perplexe, puis agacé, mais il n’osa pas demander son départ. Cassandra savait que, depuis l’arrivée de sa mère, les rumeurs avaient circulé sur Mayeri et son prétendu mutisme, et le secret s’était progressivement éventé. Aujourd’hui, elle ne gardait le silence que parce qu’elle n’avait rien à dire dans la discussion, mais la jeune Impératrice se sentait rassurée par sa présence muette et familière. Elles avaient passé tant de temps ensemble par le passé, dans sa chambre ou dans le jardin, Cassandra échaffaudant silencieusement des plans pour faire tomber Raven sous sa coupe, Mayeri attendant les ordres et prodiguant des conseils dans un souffle à peine audible.
— Dis-moi, Général Esirath ?
Elle avait sciemment gardé un ton neutre et posé, malgré son cœur qui s’était soudain mis à battre à tout rompre. Elle pressentait une proposition, une offre, quelque chose qui risquait autant de déséquilibrer la fragile position qu’elle avait acquise que l’aider à se stabiliser. Mais c’était là un jeu dangereux dans lequel elle s’engageait, elle le savait. Les eaux stagnantes du pouvoir en construction étaient troubles, et permettaient bien souvent aux prédateurs de s’approcher sans qu’on ne les remarque.
Lorsqu’elle était plus jeune, sa mère lui avait fait observer un banc de salmires d’eau douce qui chassaient une grosse truite. Le souvenir doux-amer lui tira un sourire pensif, elle considéra le Général en se demandant qui d’eux deux était la samire, et qui la truite. Avec son air calme et son regard franc, il semblait presque bon, mais elle savait combien cela pouvait coûter que de se fier aux apparences.
— Ta légitimité se stabilise progressivement, Aveltia Sen. Avec les rumeurs…
— Va droit au but, se força-t-elle à couper sèchement. Tu as quelque chose à me proposer.
Elle fut surprise de voir une étincelle de respect s’allumer dans le regard sombre de l’homme lorsqu’elle l’interrompit. Elle ne connaissait que trop de personnes qui détestaient qu’on leur coupe la parole, alors même que leurs mots étaient vides de sens et qu’ils tournaient en rond dans un débat stérile. Pourtant, Esirath ne semblait guère s’en préoccuper. Au contraire, il semblait satisfait qu’elle ose s’affirmer alors même qu’elle était toujours dans une position plus que précaire face à lui.
Il prit quelques secondes pour réordonner ses pensées, interrompu dans le fil qu’il avait tenté de tisser pour présenter les choses sous le bon angle, puis contre-attaqua tout aussi posément :
— Ta mère et moi avions un arrangement.
Cassandra coula un bref regard à Mayeri, qui opina silencieusement, validant l’affirmation.
— Nous partagions nos intérêts stratégiques et notre lit. Et j’ose croire, Aveltia, que cela nous serait également profitable.
Elle haussa un sourcil pour l’inviter à poursuivre, incapable de dire un mot. Son estomac s’était liquéfié en une sorte de magma brûlant, si chaud qu’il l’empêchait de parler. Elle n’était pas vraiment surprise pourtant, mais entendre l’offre ainsi, assénée avec une telle assurance et un tel calme, la stupéfiait.
— Je vais être honnête, tu n’es encore qu’une enfant dans l’art de la politique, Aveltia. Je ne le dis pas dans le but de te mépriser, mais même si Laëtitia t’a donné de solides bases, il te manque l’expérience et l’assurance pour régenter une nation. Surtout une nation déchirée. Et les contestations dans le gouvernement se font chaque jour plus fortes.
Cassandra encaissa la critique en silence, incapable de la démentir. Elle avait la nette sensation d’être un imposteur lorsqu’elle s’asseyait sur le trône de la grande salle, seule. Son époux, l’Empereur, était porté disparu ; sa mère, l’ancienne Impératrice – ou Usurpatrice, en fonction des interprétations – était morte. Elle n’avait elle-même d’Impératrice que le titre, un titre qui avait déjà été contesté au moment où elle avait épousé Raven. Au fond, son trône ne tenait qu’à un fil précaire et elle le savait bien. Elle prétendait chaque jour qu’elle était légitime, qu’elle savait ce qu’elle faisait et qu’elle occupait la place qui lui revenait de droit, mais il n’en était rien.
— Si, néanmoins, je t’appuyais, personne n’oserait dire mot car tu aurais le soutien inconditionnel de l’armée.
— Et cet appui vient au prix de mon corps, n’est-ce pas ? cingla-t-elle avec un venin acide dans la voix.
Si sa gorge s’était débloquée, le feu liquide n’avait pas cessé de couler dans ses entrailles.
— Oui, Aveltia Sen, répondit-il avec une honnêteté sidérante. C’est une alliance purement politique… comme tu avais avec ton époux, si je puis me permettre.
Elle serra les dents, mais ne nia pas. Elle avait aimé Raven, réellement, sincèrement. Mais les fondements de leur union avaient été stratégiques, surtout pour elle. Elle avait tout donné pour réaliser le plan de sa mère, obtenir ce trône, et même si elle en avait tiré davantage que simplement la victoire et le pouvoir, elle ne pouvait nier l’approche qu’elle avait choisie. Et elle ne pouvait réfuter non plus la froideur qui avait dominé leurs échanges après le coup d’État, même s’ils avaient trouvé dans cette tension un équilibre précaire.
Cette réflexion intense sur Raven parvint, après quelques minutes, à apaiser les flammes qui la dévoraient de l’intérieur. Elle prit une profonde inspiration, dériva sur les intérêts stratégiques de ce genre d’alliance. Certains étaient évidents, d’autres étaient plus subtils. Il fallait qu’elle y repense à froid, qu’elle rumine l’idée jusqu’à savoir comment elle pourrait en tirer le maximum. Car il était hors de question qu’elle se prenne un couteau dans le dos.
— Je vais y réfléchir. J’aurai une réponse claire dans deux jours au plus tard.
Il sourit, s’inclina, se détourna pour s’esquiver, et elle songea dans un éclair de lucidité qu’il n’avait jamais mentionné ce qu’il ferait si elle refusait. Mais après tout, était-ce vraiment une question qui valait la peine d’être posée ? ll avait le commandement de l’armée de Wikandil, la maîtrise quasiment totale du palais. Si demain il ordonnait à ses soldats de ne pas la laisser sortir de sa chambre, la seule solution qu’elle aurait serait de fuir par la fenêtre… or c’était bien haut de sauter du troisième étage du palais d’ambre.
— Très bien Aveltia Sen, fit Esirath en se détournant.
Il s’inclina, n’attendit pas qu’on lui fasse signe de déguerpir pour s’esquiver de lui-même. Lorsqu’il eut disparu, Cassandra s’affala dans le fauteuil le plus proche.
— Ma mère avait-elle vraiment ce genre d’accord avec lui ? demanda-t-elle à Mayeri.
Cette dernière hocha la tête, son visage ridé dénué d’une quelconque expression, et Cassandra eut l’impression que son cœur sombrait dans sa poitrine. Elle ne s’était jamais vraiment fait d’illusions sur la vie qu’entretenait sa mère. Elle n’en avait guère eu l’occasion en vérité puisqu’elle avait vu tant les champs de bataille que les pactes signés d’une poignée de main. Mais elle n’avait jamais considéré à quel point Laëtitia s’était elle-même engagée dans le rude chemin qu’elle avait emprunté. Elle soupira longuement, marmonna pour elle-même :
— Ce n’est pas vraiment comme si j’avais le choix, en vérité.
Cette pensée en tête, elle se redressa et se remit au travail.

Quand, quelques heures plus tard, elle s’étendit dans le grand lit vide et froid, la pensée que Raven lui manquait l’effleura, mais fut trop vite contrebalancée par une réflexion plus cynique, mais plus véridique : ce n’était pas Raven lui-même qui lui manquait, c’était la sensation de son corps chaud contre le sien. Si elle avait réellement regretté son époux, elle aurait souffert en le laissant partir. Elle aurait hurlé en apprenant qu’il avait disparu, qu’il s’était évaporé dans l’inconnu tel un fantôme, qu’elle ne le retrouverait peut-être jamais. Elle aurait pleuré, peut-être, en songeant à l’idée de devoir faire son deuil de cette relation étrange qu’ils avaient appris à construire. Mais la seule chose qui lui manquait vraiment était la chaleur de sa peau. C’était un manque physique, qui méprisait le cœur et l’affection sincère qu’elle avait pourtant vouée à Raven. C’était une absence qu’elle pouvait combler.
Le général Esirath était assez bel homme, en vérité. Son âge lui conférait une prestance que les jeunes de la génération de Cassandra n’avaient pas encore acquise, son expérience et son savoir avaient quelque chose d’attrayant. Mais pouvait-elle réellement céder à une telle folie ? En campagne, des filles plus jeunes qu’elle se mariaient à plus vieux que lui pour assurer leur avenir. Dans l’armée de la forêt de Wikandil, il n’y avait aucune règle entre hommes et femmes, si ce n’était le consentement. Mais elle n’était plus dans l’armée, et elle n’était pas une fille de la campagne. Elle était l’Impératrice Maudite, comme le peuple aimait l’appeler désormais. Elle ne semait que mort et destruction dans son passage. Sa mère, son époux, sa fille.
Et elle avait besoin d’une protection. Le constat était amer et douloureux, frustrant au possible, mais si véridique qu’elle ne voulait même pas essayer de le nier. Seule, sans Raven, ni Laëtitia, ni même une héritière, elle n’était qu’un obstacle sur le trône. Elle avait besoin d’assurer sa sécurité et sa stabilité.

À la réunion du lendemain matin, elle croisa à nouveau Esirath, et elle lui parla comme si de rien n’était. Ils débattirent de fortifications, de camps, de recrutement, sous l’œil acéré des ministres avaloniens qui espéraient grapiller au moins une once de pouvoir, un semblant de possibilité d’intervenir pour placer une phrase et prouver leur utilité. Mais ni Cassandra ni Esirath ne trahirent une seule fois, ni dans leur voix ni dans leur attitude, la discussion qu’ils avaient eue la veille. Au départ, Cassandra mit même un point d’honneur à ne pas laisser transparaître qu’elle avait fait son choix, même si elle le vit plus d’une fois l’observer intensément, l’air concentré. Mais très vite, les heures se prolongèrent, et bien vite, et elle s’oublia dans les affaires de l’Empire, si bien qu’elle finit par ne même plus songer à la proposition qu’il lui avait faite.
Aux alentours de midi, les serviteurs ramenèrent un repas dans la salle de réunion, et plusieurs heures plus tard encore, un service de thé complet, le tout sous les ordres silencieux de Mayeri. Épuisée par les discussions qui s’éternisaient, parfois autour d’un point aussi absurdement sensible qu’une virgule mal placée dans un édit impérial, Cassandra la bénit en silence de veiller sur elle ainsi. Elle exigea des conseillers une véritable pause, puisque le repas de midi n’avait été qu’un mince prétexte pour se taire entre deux bouchées de viande et parler politique malgré tout le reste du temps, puis de s’y remettre d’autant plus vite qu’ils avaient l’estomac plein. Ainsi, le thé fut un répit bienvenu puisque, lorsque certains firent mine d’outrepasser sa demande pour discuter malgré tout à voix basse, elle les fit sortir de la pièce. Dès lors, un silence absolu, à peine rompu par les bruits des tasses et des cuillères, tomba.
Cependant, même si elle aurait adoré que la paix se prolonge, elle finit malgré tout par se terminer lorsque toutes les théières furent vidées et que les autres personne dans la pièce recommencèrent à la regarder avec une insistance mêlée de méfiance, n’osant guère lui dire qu’il était temps au risque de se faire chasser, mais essayant malgré tout de faire passer le message discrètement.
— Très bien, soupira-t-elle avec un sourire fatigué. Reprenons.
Et les discussions qu’elle aurait pensé oubliées furent relancées aussi sec. Elles se poursuivirent jusqu’à l’heure du souper, et se seraient encore éternisées jusqu’au milieu de la nuit si elle n’avait fini par se lever et fait signe au scribe de remballer ses affaires.
— Je suis navrée, messieurs, mais ce souper est une célébration qui était prévue depuis fort longemps et je ne peux y couper. Merci beaucoup pour votre temps aujourd’hui, nous reprendrons demain.
Il faillit y avoir des protestations, puis ceux qui avaient passé une vingtaine de minutes dehors se rappelèrent comment elle avait exigé qu’ils sortent lorsqu’ils avaient essayé d’interrompre l’heure du thé, et ils reconsidérèrent leur idée. Satisfaite, elle lissa sa longue robe, froissée après tant d’heures passées assise, se dirigea vers la porte avec un soupir de soulagement intérieur. Les couloirs lumineux, hantés par une masse grouillante de courtisans qui la saluaient à tout instant et à qui elle se devait de répondre, lui parurent infinis. Elle faillit se décider à emprunter un corridor de service pour se faire plus discrète, mais parvint finalement à garder une maîtrise suffisante d’elle-même pour dire bonsoir à tous ceux qui passaient et parvenir malgré tout jusqu’à sa chambre. Là, elle n’attendit même pas que Mayeri ferme soigneusement la porte pour s’affaler sur son lit avec une plainte sourde.
— Par tous les esprits de la forêt…
Déjà, Mayeri lui faisait préparer un bain chaud. Elle se débarrassa de ses vêtements aussi adroitement qu’elle pouvait en n’ayant presque aucune marge de manœuvre avec les larges manches bouffantes – il faudrait vraiment qu’elle exige un changement dans la mode vestimentaire du palais – et plongea presque la tête la première dans la baignoire de cuivre pour s’y noyer. Mais, bien vite, le souvenir de la conversation de la veille revint la hanter, et son humeur vira au maussade. Elle s’immergea dans l’eau jusqu’au ras des oreilles, malgré la grimace évidente de Mayeri qui serait chargée de rattraper l’état des racines humides de ses cheveux relevés après qu’elle soit sortie. Elle persista malgré tout dans la baignoire jusqu’à ce que l’eau soit tiède, et finit par sortir à contre-cœur, peu encline à passer la soirée sur ses pieds, à danser avec tous ceux qui quémanderaient ses faveurs. La cour venait de se transformer en champ de bataille, et c’était une mêlée générale qui l’attendait. Elle qui était la seule à porter l’étendard, désormais, se ferait assaillir de toutes parts.
C’était avec cette certitude que, une bonne heure de préparation plus tard, elle franchit les portes de la halle où la fête battait déjà son plein. Les conversations, qui allaient bon train jusque là, s’éteignirent presque immédiatement lorsque le hérault posté près des battants l’annonça à pleine voix, accompagnant son cri d’un coup de trompe.
— Son Altesse Impériale Cassandra d’Avalaën !
La Maudite, compléta-t-elle en silence. Elle se fit la réflexion qu’il faudrait peut-être abolir cette tradition d’annoncer le souverain dès qu’il avait le malheur de passer une porte, puis elle se rappela sa mère. Tu dois être reconnaissable, ma chérie. Toujours. Elle inspira profondément, leva le menton, se força à faire face. L’absence de Raven à ses côtés lui paraissait soudain cruelle, et l’absence de l’ombre pesante de sa mère, étrangement peu libératrice. D’un seul coup, malgré la menace perpétuelle qu’elle avait représentée, Cassandra aurait tant aimé l’avoir à ses côtés, savoir qu’elle veillait sur elle.
Elle s’avança dans la foule, ses talons claquant contre le sol au rythme de la lente valse des vagues de l’orchestre, les courtisans s’écartant devant elle en murmurant. Un frisson courut le long de son échine lorsqu’elle franchit la dernière ligne qui la séparait du dais sous lequel avait été dressé un siège à son intention. Sur les conseils d’Esirath – et après un âpre débat – elle avait ordonné de ne faire installer qu’un seul trône ce soir. Encore maintenant, elle avait l’impression de passer pour une usurpatrice, mais elle ne pouvait nier que le silence lourd s’était paré d’une once de respect. Elle prétendait assumer le règne solitaire qui l’attendait si Raven ne revenait pas. Et si les Avaloniens respectaient foncièrement une une chose, c’était le pouvoir et l’assurance de leur souverain. Oh elle ne se faisait guère d’illusions sur le temps qu’elle pouvait gagner en prétendant ainsi : à l’échelle d’un règne, il était dérisoire. Quelques décades, quelques lunes tout au plus ?
Son regard sonda la foule, elle lissa sa longue robe rouge sur ses genoux. Sur ses épaules, elle portait le châle noir du deuil de sa mère. Son corps avait officiellement été embaumé la veille par le culte d’Esga, et depuis, les rumeurs allaient bon train sur le coupable de son meurtre. Certaines âmes sceptiques supposaient à juste titre que la soudaine ascension de Cassandra au pouvoir total n’était pas décorrélée de ces évènements. D’autres spéculaient, dans des chuchotements nerveux, l’hypothèse de Raven, qui avait disparu comme un voleur… ou plutôt comme un meurtrier, de fait, au pire moment. Et enfin, certains penchaient vers une rébellion, qui aurait arraché le pauvre Empereur au joug cruel des deux Zaor’Vil, en tuant l’une d’entre elles au passage.
Cassandra était consciente de tous ces murmures. Et elle savait aussi que, tôt ou tard – et le plus tôt serait le mieux – elle devrait établir l’une des hypothèses comme un fait. Son cœur penchait vers la troisième pour innocenter Raven, mais sa raison penchait pour la seconde. Avec la seconde, elle pourrait rédiger un mandat d’arrêt pour précipiter les recherches et les retrouver, lui et leur fille, au plus vite.
— Nobles amis, merci d’être venus.
Son regard glissa sur Esirath, debout au fond à droite de la salle, elle se força à ne pas s’arrêter sur lui plus d’un instant. Prétendre. Ça, elle savait faire.
— Je conçois vos craintes et vos inertitudes. Mais cet Empire a déjà traversé des siècles, et ce ne sont pas les changements de souverain qui l’ont déséquilibré. Ainsi, je dirigerai seule l’Empire jusqu’à ce que Raven revienne et que la vérité soit rétablie.
Un vent d’agitation secoua la salle, mais elle acheva fermement :
— D’ici-là, que la soirée reprenne. Musique !
Et elle se recula dans son trône miniature, le cœur battant. Prétendre, encore un peu, encore et toujours. Jusqu’au bout.
Les cercles d’amis, qui s’étaient déliés lorsque les gens s’étaient tournés pour la regarder, se reformèrent progressivement, les discussions reprirent comme si elles ne s’étaient jamais arrêtées. Mais Cassandra savait qu’elle leur avait donné du grain à moudre pour les prochaines décades. Un bref délai pour réajuster ses plans, recalculer les trajectoires, préparer les alliances. C’était comme le somli, un jeu de cartes wiccan, où les joueurs nouaient et rompaient des pactes au fur et à mesure que la partie progressait. Elle-même n’y jouait que rarement, mais elle avait mille fois vu sa mère se mêler aux soldats de Wikandil et à leurs rires éraillés.
Soudain, son esseulement se mit à lui peser au milieu de cette dense foule de courtisans. Elle se laissa aller dans son fauteuil, le vague à l’âme, et son regard et son esprit se perdirent dans les discrets mouvements des groupes.
Finalement, l’un des courtisans, un jeune héritier à peine plus vieux qu’elle, osa aller à sa rencontre pour l’inviter sur la piste de danse. Elle avait convenu avec Esirath qu’il serait l’un des derniers à l’approcher, pour éviter que cela ne paraisse trop opportun. Elle accepta donc l’invitation du jeune homme avec grâce et – même si elle le dissimulait bien – avec un certain plaisir. Il paraissait nerveux, et bien trop conscient des regards qui pesaient sur eux, ce qui rendait son toucher glissant et son allure empâtée.
— Merci de m’avoir invitée, Weiran Sen, lui souffla Cassandra avec un sourire, ramenant son attention sur elle.
Elle ne se rappelait que trop bien de ses propres premiers bals, de la terreur absurde de commettre un faux pas, de l’angoisse oppressante de se ridiculiser. Weiran était l’héritier du Duché de Boval, au sud de la Citadelle Rouge, en direction des Principautés indépendantes. La pression était forte sur ses épaules encore fines ; son désir de faire bonne figure, lui, était évident. Son Duc de père n’était pas très loin, c’était certainement même lui qui avait initié le mouvement de son fils.
— Dis-moi, l’interrogea-t-elle après que l’ouverture de la danse les ait séparés de quelques pas puis rapprochés à nouveau, comment se porte le duché de ton père ?
— Il… se porte assez bien… Aveltia Sen.
Cassandra ne put s’empêcher de sourire en voyant à quel point il était concentré sur les pas. Le souvenir d’un bal similaire, au cours duquel Raven lui avait donné une première chance de ne pas apparaître comme l’ennemie publique, l’effleura. Elle se souvint d’elle-même, tournoyant au bras du jeune Empereur, lui qui était certainement aussi nerveux qu’elle à l’époque, tout juste intronisé depuis quelques mois.
— Détends-toi, Weiran. Regarde-moi.
Il l’effleura de son regard sombre, se détourna aussitôt, nerveux face à ses yeux lilas si inhabituels. Nerveux tout court.
— Je me rappelle mon premier bal… soupira-t-elle. J’avais dix-huit hivers. J’étais… terrorrisée…
Elle l’admit avec un bref rire, et parvint même à tirer un sourire tendu à Weiran.
— Je ne connaissais pas encore bien les pas, poursuivit-elle, et mon cher Empereur non plus, même si personne ne l’aurait admis. Mais nous nous sommes débrouillés.
— Tu l’aimais, cela se voyait.
L’affirmation lui pinça le cœur, surtout après la décision qu’elle avait prise au sujet d’Esirath, mais elle exploita cette peine amère pour répondre tristement :
— Je crois que je n’avais jamais réalisé à quel point, jusqu’à ce qu’il disparaisse. Mais il reviendra, affirma-t-elle fougueusement. J’y crois.
— Et si… osa Weiran avant de s’interrompre.
Un silence les enveloppa le temps de quelques mesures, elle se mordilla la lèvre.
— Je crois…
Elle hésita, se tut. Prétendre. Encore et toujours. Mais combien prétendait-elle souffrir de son absence, combien était-ce réel ? Était-ce davantage que de la solitude ? Elle n’était sûre de rien.
— Je ne sais pas… Je suppose que si, après quelques mois, malgré les annonces et les avis de recherche… il ne se manifeste pas…
Sa voix lui faillit, Weiran redressa la tête, osant enfin affronter son regard lorsqu’il entendit sa peine. Elle s’en voulut un instant de le manipuler ainsi, mais elle savait combien c’était nécessaire.
— Alors je devrai certainement me remarier un jour. L’Empire est une charge immense, deux paires d’épaules ne seront guère de trop pour la supporter quotidiennement.
Le jeune Duc battit des paupières, une terrible confusion peinte sur son visage, puis un éclair de lucidité sembla traverser ses yeux. Il afficha une compassion policée, et un regret maîtrisé, contenu, transparut dans sa voix lorsqu’il répondit :
— Ce serait navrant, Aveltia Sen. Sire Raven était certainement le plus à même de régner à tes côtés.
Leur danse s’acheva sur cette affirmation, Cassandra s’inclina, Weiran aussi. Déjà, un autre homme, galvanisé par la tentative du jeune Duc, qui s’était soldée par un succès, entrait en scène. Mais à lui, Cassandra tint un tout autre discours. Elle blâma Raven autant que l’étiquette le lui permettait, mentionna même la disparition étrange d’une servante de leur suite – Esirath s’était chargé de la congédier discrètement dès l’aube de la disparition de Raven. Elle fut venimeuse, cassante, directe, bien loin de la jeune femme tourmentée qu’elle avait prétendu être quelques minutes plus tôt.
Puis, tandis qu’elle voltigeait aux bras des uns et des autres, elle choisissait la version qui semblait convenir le mieux à la personnalité qu’elle avait en face. Aux opportunistes, elle se présentait faible et vulnérable, aux sceptiques, elle donnait matière à réflexion sans engager sa propre responsabilité dans les évènements. Bientôt, la salle de bal bruissait de murmures surexcités, tendus, qui s’éteignaient évidemment dès qu’elle passait à portée de voix, mais reprenaient sans tarder. Une agitation anxieuse s’était emparée de ceux qui, commençant à comprendre le petit jeu de leur Impératrice, comparaient les versions, essayaient de comprendre quel axe elle allait choisir pour présenter le final au peuple.
Dans tout ce chaos mondain, la danse qu’elle réussit à obtenir avec le Général Esirath passa presque totalement inaperçue. Certes les yeux étaient constamment posés sur eux, c’était une chose à laquelle Cassandra avait dû s’habituer rapidement en devenant l’épouse de Raven, mais les esprits étaient pour une fois ailleurs. Aussi, quand elle se laissa emporter par le pas souple et maîtrisé de l’ancien officier de sa mère, Cassandra put se permettre un bref sourire.
— C’était une belle performance, Aveltia, reconnut Esirath en la regardant droit dans les yeux.
Selon la plus pure tradition wiccane, il la fit pirouetter dans un large cercle autour de l’endroit où ils évoluaient, et les autres danseurs s’écartèrent lorsque sa longue robe tourbillonna sur son passage. Lorsqu’elle revint dans ses bras, elle se fendit d’un remerciement plutôt sincère, mais sur lequel elle ne s’attarda guère, profitant de l’espace silencieux qui s’était dégagé autour d’eux d’un seul coup.
— Merci. Mais au sujet de ta proposition, Esirath Sen
Il haussa un sourcil, et elle prit une brève inspiration tendue. C’était le moment où elle trouvait un moyen de lui faire comprendre qu’elle ne serait pas sa marionnette pour autant, au combien il veuille lui faire croire que ce n’était pas non plus ce qu’il voulait d’elle.
— Il y aura certaines conditions.
Il n’eut même pas la décence de paraître surpris.
— Je t’écoute.
— Conditions que je t’exposerai ce soir.
Cette fois-ci, elle eut la satisfaction d’arracher une mince grimace à son visage impassible. Elle lui offrit un sourire éclatant, un léger rire, comme si elle venait de faire une curieuse plaisanterie.
— Ce n’est pas le lieu. J’enverrai Mayeri te chercher.
L’expression du général s’assombrit encore davantage, mais il finit par incliner la tête et se fendre d’un rictus.
— Laëtitia semble t’avoir donné de solides bases.
— Elle a fait de son mieux. Que donnent les rumeurs ?
Esirath profita d’un crescendo de la mélodie pour se donner le temps de réfléchir. Il lui donna d’un changement de pieds l’impulsion d’une volte-face. Elle voltigea au rythme complexe des cinq temps de l’assarienne, croisa deux fois ses bras, oscilla et pirouetta entre ses bras adroits, suscitant des murmures d’admiration dans l’assemblée, et un sourire lui échappa. Elle qui n’était même pas une native d’Avalaën avait l’habitude des pas alambiqués, même si c’était une autre forme de danse qu’elle avait apprise, petite. Sa mère avait insisté pour qu’elle soit versée dans l’art de l’épée, dans la danse des dagues, et si Cassandra n’avait jamais été incroyablement douée dans le combat, elle estimait qu’elle ne s’en sortait pas trop mal aujourd’hui. Aussi, apprendre des petits pas, des pirouettes et des mouvements de bras ne lui avait jamais paru compliqué quand elle était arrivée.
Il répondit lorsqu’elle revint dans ses bras, portée par la fin de la volte complexe qu’ils avaient effectuée ensemble. Sa voix était basse, grave et mesurée.
— La soudaine disparition d’Arîn a soulevé quelques questions dans les bas quartiers le premier matin, mais guère plus. Avec ces nouvelles… informations, il y a déjà un nouvel intérêt pour l’événement.
— Quelques indices traîneront certainement dans sa chambre, non ?
— Elle la partage avec d’autres servantes.
— Mais peut-être un mouchoir sous l’oreiller…
Elle devait pouvoir retrouver cela dans les affaires de Raven, qui n’avaient pas encore été vidées.
— Certes.
Ils achevèrent leur danse sur un silence pensif, s’inclinèrent l’un devant l’autre, et Cassandra se retira ensuite, assez discrètement compte tenu de son titre. Elle abandonna toute retenue dans les couloirs vides, laissa sa tête pencher en arrière un moment, songea que la soirée était loin d’être finie malheureusement, et qu’elle aurait bien besoin de repos. Ses gardes, attentifs, l’attendaient en silence, immobiles. Elle s’accorda une longue minute d’inertie qui, après la longue heure de danses variées et rythmées, était plus que bienvenue, puis elle se ressaisit et reprit le chemin de ses appartements.
En marchant, elle songea à Raven. Son nom avait hanté toutes les conversations ce soir, son fantôme avait pesé sur son esprit en permanence. Mais il n’était plus là. Et, si elle devait être honnête avec elle-même, malgré les faux espoirs de sa solitude dévorante, elle se doutait qu’il ne reviendrait pas. Il avait choisi de fuir, Leith le lui avait bien confirmé. Et il avait emporté Yrisbel. C’était cela, bien plus que l’absence de son époux, qui minait Cassandra. Elle avait été prête à abandonner sa fille pour lui garantir un meilleur avenir, un avenir certain, mais elle n’avait jamais été prête à ce qu’on la lui arrache ainsi.
En parvenant à sa chambre, elle était d’humeur particulièrement maussade, mais une agréable surprise l’attendait. Mayeri avait fait venir Leith, et même si elle ne pourrait le garder que pour un moment, Cassandra fut contente de l’avoir à ses côtés. Elle tomba dans ses bras comme une masse, si brusquement et totalement qu’il vacilla en la rattrapant, et l’assit doucement sur un petit canapé.
— Ça va ? s’enquit-il avec une mine préoccupée.
Elle hocha la tête.
— Après cette nuit, un peu de repos sera bienvenu. Mais ça me fait plaisir de te voir.
Il se fendit d’un sourire malicieux.
— Comme toujours, non ?
Elle roula des yeux, ne répondit rien, et il s’accroupit à ses côtés.
— Tu t’es trouvé une fille, d’ailleurs ? demanda-t-elle de but en blanc.
Leith ouvrit de grands yeux.
— Tu es malade ?
— Juste fatiguée, éluda-t-elle, guère encline à lui expliquer la discussion qui l’attendait avec Esirath.
— Mmhm.
Il garda un silence obstiné, tant bien que Cassandra finit par rire doucement, amusée.
— Elle est du palais ?
— Altesse, je te demanderais de bien vouloir mettre ton nez ailleurs que dans mes affaires de cœur. Quoique mes affres de cœur serait plus approprié.
— Très bien, soupira-t-elle, quelque peu déçue.
Elle fouinerait de son côté. S’informer, elle savait faire.
Elle finit par se rasseoir, et ils demeurèrent côte à côte jusqu’à ce que la lune soit haute dans le ciel, devisant de tout et de rien comme s’ils ne s’étaient jamais quittés. La guerre avait certainement affecté Leith plus qu’il n’osait l’admettre, même à lui-même, mais Cassandra voyait au travers de ses regards vagues lorsqu’il se perdait dans ses pensées. Finalement, elle lui serra doucement la main, et sourit :
— Je ne vais pas tarder à aller me coucher… et tu devrais faire de même. La journée a été longue.
Au vu de son expression soudain fermée, c’était bien la dernière chose qu’il aurait voulue faire, mais il se refusa à nier. Au lieu de cela, il lui rendit son sourire, se redressa, s’inclina en lui tenant toujours la main. Elle se releva à son tour, fit une brève courbette, et ils pouffèrent doucement devant le simulacre.
— Cassandra ? appela-t-il à mi-chemin de la sortie.
— Oui, Leith ?
— Je sais comme toi que Raven ne reviendra certainement pas… ou pas de son plein gré, semble-t-il, mais…
Il hésita, et la gorge de Cassandra se serra à l’idée de ce qu’elle s’apprêtait à entendre. Elle avait déjà compris. Et même si elle n’avait guère eu d’espoirs, son cœur se fissura lorsqu’il lui demanda d’une voix douce, presque suppliante :
— Ne me donne pas d’espoirs s’il te plaît. J’apprécie sincèrement quelqu’un, ne me fais pas entrevoir un mirage pour lequel je serais prêt à tout abandonner.
Elle frémit, mais ne faillit pas.
— Mirage de quoi ? Leith, c’est notre amitié qui m’est précieuse, j’y tiens autant que toi je pense.
Il s’inclina une nouvelle fois, le regard voilé, et elle lui rendit un bref salut de la tête.
— Bonne nuit Leith.
— Bonne nuit Cass’.
Ce ne fut que lorsqu’il eut franchi et refermé les portes qu’elle s’autorisa à s’effondrer, furieuse contre elle-même. Elle ne savait même pas ce qu’elle avait espéré obtenir comme réponse. Elle savait bien que c’était impossible, pourtant, mais la solitude et la peur d’affronter la nuit à venir l’avaient poussée à demander. Elle ne le regrettait pas vraiment, cependant. Elle avait eu une réponse limpide, et une demande claire. Et elle s’y conformerait. De toute manière, un tout autre chemin l’attendait.
Mayeri s’était esquivée lorsqu’elle avait signifié à Leith qu’il était temps qu’il se retire, était partie chercher Esirath. En l’attendant, Cassandra se planta face au miroir, remit un peu d’allure dans ses cheveux et sa robe, même si elle ne chercha pas à masquer la fatigue sur ses traits. Le temps que le général arrive, elle avait repris point par point, calmement, les éléments qui l’incitaient à accepter cette alliance, et les conditions qu’elle y poserait. Elle avait chassé ses émotions, repoussé la peur. Elle songeait au premier jour où elle avait rencontré Raven, à l’objectif qu’elle avait alors : atteindre le trône.
Désormais, il s’agissait de le conserver.

◊~◊~◊
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Re: Dynasties / Cassandra [High Fantasy / Royauté / Intrigues politiques]

Message par louji »

Bonjouuur

Je remets enfin les pieds par ici :lol: Je sais pas, j'étais moins dans le mood Dynasties ces dernière semaines :D


Chap 4 : Oooh voici donc Leith qui ramène sa fraise. C'est cool, on aura pas attendu trop longtemps avant de le voir !
Leurs retrouvailles sont touchantes. C'étaient encore un peu des gamins quand ils se sont quittés, mais là chacun a été propulsé dans le monde des "adultes" à leur manière.
Aaah en vrai la grossesse se passe super vite ! C'est perturbant, mais bon faut faire avancer l'histoire I guess :lol:
"mais le fâcheux incident qui leur arriverait à tous les trois semblait aussi prévisible qu’inévitable, et cette perspective les terrifiait tous les deux." :arrow: 🥲🥲🥲 dans l'absolu on sait pas si c'est le plan de Laëtitia, mais mmmmh la bonne tension qui règne là
Waouh par contre la scène du "sacrifice" de prisonnier 😦 Ca me paraît tellement choquant par rapport au caractère de Cass. Je sais pas si elle se le pardonnera un jour.
"mais peut-être est-ce toi qui te fourres toujours dans des situations tendues. " :arrow: j'ai trouvé que la phrase faisait assez familière pour un dialogue de personne de pouvoir
La fin ??? Bon je me disais que c'était facile tout ça, mais Laëtitia a vraiment bien joué son coup :lol: Par contre entraîner sa fille dans la malédiction, euuuh, du moins la "réveiller" c'est pas ouuuf.
OK je m'attendais pas au meurtre pur et simple :lol: En même temps, c'est logique. Mais du coup Laëtitia prévoyait quoi ? 2 plans ? L'un où Cass se contente d'assister à son plan volé par sa mère. L'autre où Cass la tue et devient à son tour une semeuse de chaos et de violence ? Beeeh j'espère que ce sera pas le 2e plan 🥲
Par contre la "comptine" incroyable 😍 Elle était déjà dans Raven's Omen non ? Il me semble qu'elle me dit quelque chose.


Chap 1 (acte 2) : oh-ho, Raven a pris des initiatives. Je sais pas si c'est par manque de confiance envers Cass ou si c'est parce qu'il a pressenti la merde. Mais du coup j'imagine que Cassandra est bien dégoûtée. Maintenant que sa mère est morte il y à priori moins de dangers potentiels.
" Mayeri l’avait tué proprement" :arrow: mais c'est Cass qui l'a tué 🤔
OOOOK je suis étonnée que Raven s'en prenne plein la gueule (dans le discours) ? Soit j'ai pas bien suivi et ils s'entendaient plus du tout (ce que je n'ai pas ressenti) soit elle espère bien le "sauver" derrière malgré cette mascarade.


Chap 2 :
"Nous partagions nos intérêts stratégiques et notre lit. Et j’ose croire, Aveltia, que cela nous serait également profitable." :arrow: j'ai absolument vomi 👍
Je suis sincèrement confuse par Cassandra, je vais pas te mentir. Alors, y'a plusieurs explications : la malédiction s'éveille de + en +, elle a indéniablement dû mûrir et changer ses perspectives suite à la disparition de Raven et Cassandra. Mais là je n'éprouve plus rien en termes d'émotions. Je veux dire, même les chapitres précédents sont un peu vaporeux et distants. Mais celui-ci, c'est autre chose. Déjà, je suis effectivement passée à côté de la relation diluée qu'elle a avec Raven. Bon, c'est mentionné et clairement compréhensible vues les conditions de leurs fiançailles, mais j'ai été déstabilisée qu'elle l'efface aussi vite. Et le passage sur le fait qu'il lui manque pas, que c'est clairement les relations charnelles qui lui manquent, ça a été le pompon :lol: Vraiment, bim, tout ce qui a été introduit dans les 3 premiers chapitres est effacé. Toute la subtilité de leur relation, l'affect qui résidait entre eux est balayé.
Franchement, je ne reconnais plus du tout Cassandra. Et, encore une fois, j'imagine que c'est volontaire. Mais à titre personnel, ça m'a complètement détachée d'elle. Je ne vois en elle plus qu'une personne avide de pouvoir. Elle reconnaît elle-même ne pas être légitime. Alors pourquoi s'obstiner ? Elle prend juste le chemin de sa mère. Dans l'absolu, c'est l'histoire qui veut ça, mais du coup j'ai plus vraiment d'empathie pour elle :?
A côté de ça, j'ai ce sentiment de justification perpétuelle. Pour expliquer qu'elle s'apprête à accepter la proposition du Général, elle songe à son lit marital vide et au fait qu'il soit bien portant et attirant. C'est... ouais, j'avoue que c'est cynique, comme tu dis, mais ça enlève toute humanité du coup. Et j'avoue que c'est pas le genre de personnages ou de contexte qui me plaisent à titre perso. Là je vois juste deux animaux haha (sans parler du fait que c'est franchement dégueulasse (à mes yeux) d'envisager de partager la couche d'un homme qui a partagé celle de sa mère :roll: ).
Alors je dis pas qu'elle est effectivement pas bloquée puisque comme c'est bien expliqué, le Général a l'armée avec lui et donc le coup d'État s'il le veut. On en revient au fait que Cass a choisi le pouvoir au-dessus de sa famille (elle pourrait laisser tomber son trône, potentiellement accepter un Régent du conseil et chercher à retrouver sa fille à tout prix par elle-même).
Donc je vais pas te mentir, j'ai franchement peur de la direction que ça prend. Tu disais que Cass était une espèce de point médian entre Eliane et Kyara, mais pour moi on est carrément sur la même ligne qu'Eliane là :lol: Juste la folie en moins (pour l'instant et j'espère que ça changera pas).
"La cour venait de se transformer en champ de bataille, et c’était une mêlée générale qui l’attendait. Elle qui était la seule à porter l’étendard, désormais, se ferait assaillir de toutes parts." joli la petite métaphore filée :D
"— Je crois que je n’avais jamais réalisé à quel point, jusqu’à ce qu’il disparaisse. " :arrow: j'ai ri, du coup
"lle avait été prête à abandonner sa fille pour lui garantir un meilleur avenir, un avenir certain, mais elle n’avait jamais été prête à ce qu’on la lui arrache ainsi." hhm, mais même si le plan initial avait fonctionné, je ne comprends pas bien. Raven était donc prêt à abandonner le trône aussi simplement que cela ? Et puis envoyer Yrisbel ailleurs était une solution que temporaire. Qu'est-ce que Cass comptait faire, une fois seule ? A priori, elle aurait eu d'autres enfants. J'avoue que je suis confuse, je comprends plus grand-chose à leurs plans de base. Parce que les faire passer pour morts dans le plan initial, c'était ne jamais les revoir quoi qu'il en soit. Donc Cassandra prévoyait déjà de finir seule (du moins avec sa mère dans les coulisses). Mais son état d'esprit suite à l'évolution du plan correspond pas à ça. Bref, je suis un peu perdue dans les motivations et les états d'esprit des personnages.
"Elle songeait au premier jour où elle avait rencontré Raven, à l’objectif qu’elle avait alors : atteindre le trône." aaaaah ? pardon mais j'avais pas du tout ça en tête au début :lol: L'objectif c'était oui d'épouser l'Empereur, mais pour donner le trône à sa mère.

Bon, mon retour sur le chap 2 t'a dû le faire comprendre, mais ce début d'acte II me laisse franchement perplexe. Mayeri est peut-être le personnage que j'apprécie le plus maintenant :lol: Parce qu'elle reste stable et véritable à elle-même. J'ai sincèrement perdu la fraîcheur de Cassandra au milieu des intrigues politiques. Alors bon j'imagine que c'est ton intention, mais ouais j'ai plus trop d'affect pour son personnage. Et je trouve dommage la rapidité de sa relation avec Yrisbel. En fin de compte, je ressens sa détresse de mère comme sa fille n'est plus là, mais je n'ai pas senti son amour lorsqu'elle était près d'elle. Et je parle pas de Raven, je t'ai déjà expliqué.
Plus que jamais, Dynaties porte bien son nom. Je vais pas te mentir, les personnages avides de pouvoir, c'est pas mon délire. Même si je trouve intéressant de voir les couleurs et les nuances de Cassandra devenir fades ou s'éparpiller au fur et à mesure des alliances et des manipulations politiques. Pour le coup, on voit bien à quel point ça affecte les personnes, les positions de pouvoir.

Corrections ortho-typo en vrac :
- "toute ses forces" :arrow: touteS
- "Désormais, c’était plutôt les femmes d’Avalaën qu’il risquait d’attirer, celles qui étaient attirées par l’inconnu et le mystère, l’interdit d’une guerre dont elles avaient à peine perçu les échos." :arrow: je sais pas si la répétition de "attirer" est volontaire alors je la relève au cas où :)
- "La mâchoire fine de Raven, rasée de frais, remplaça son l’épaisse barbe" :arrow: son épaisse barbe
- "L’odeur de l’hémoglobine la saisit à la groge" :arrow: gorge
"— Je suppose que vous savez pour la malédiction ? entama Cassandra, le cœur au bord des lèvres, tremblant même si elle essayait de le dissimuler au mieux.
— Oui,
.
— Ma mère et moi avons eu un… différend." y'a eu un souci ici ?
- "Les seuls ordres que les gardes avaient reçu " :arrow: reçuS
- "Pour le rese," resTe
- "Ils prenaient les la majeure partie de la journée pour la cueillette" les / la
- "Quel est la stratégie à partir de maintenant, Aveltia Sen ?" quelle
- "la douleur de l’abandon et de la solitude qui la hantaient" hantait
- "à la fois démesurée et exponentiellement proportionnelle au temps libre" c'est lourd :lol: puis je pense que tu peux choisir entre proportionnelle et exponentielle qui par ailleurs s'opposent dans leur sens si on doit jouer les casse-couilles :ugeek:
- "salmires d’eau douce / qui d’eux deux était la samire" un coup un L, un coup non :D Et c'est censé être quoi ?
- "troisième étage du palais d’ambre." tu mets des majuscules parfois, je crois =)
- "autres personne" personneS
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Re: Dynasties / Cassandra [High Fantasy / Royauté / Intrigues politiques]

Message par vampiredelivres »

louji a écrit : dim. 13 août, 2023 8:55 pm Bonjouuur

Je remets enfin les pieds par ici :lol: Je sais pas, j'étais moins dans le mood Dynasties ces dernière semaines :D
Hellooo ~
Absolument aucun souci, j'étais bien à la rue aussi.
(Je teste un nouveau format de réponse, on va voir ce que ça donne !)

louji a écrit : dim. 13 août, 2023 8:55 pm
Chap 4 : Oooh voici donc Leith qui ramène sa fraise. C'est cool, on aura pas attendu trop longtemps avant de le voir !
Leurs retrouvailles sont touchantes. C'étaient encore un peu des gamins quand ils se sont quittés, mais là chacun a été propulsé dans le monde des "adultes" à leur manière.
Aaah en vrai la grossesse se passe super vite ! C'est perturbant, mais bon faut faire avancer l'histoire I guess :lol:
"mais le fâcheux incident qui leur arriverait à tous les trois semblait aussi prévisible qu’inévitable, et cette perspective les terrifiait tous les deux." :arrow: 🥲🥲🥲 dans l'absolu on sait pas si c'est le plan de Laëtitia, mais mmmmh la bonne tension qui règne là
Waouh par contre la scène du "sacrifice" de prisonnier 😦 Ca me paraît tellement choquant par rapport au caractère de Cass. Je sais pas si elle se le pardonnera un jour.
"mais peut-être est-ce toi qui te fourres toujours dans des situations tendues. " :arrow: j'ai trouvé que la phrase faisait assez familière pour un dialogue de personne de pouvoir
La fin ??? Bon je me disais que c'était facile tout ça, mais Laëtitia a vraiment bien joué son coup :lol: Par contre entraîner sa fille dans la malédiction, euuuh, du moins la "réveiller" c'est pas ouuuf.
OK je m'attendais pas au meurtre pur et simple :lol: En même temps, c'est logique. Mais du coup Laëtitia prévoyait quoi ? 2 plans ? L'un où Cass se contente d'assister à son plan volé par sa mère. L'autre où Cass la tue et devient à son tour une semeuse de chaos et de violence ? Beeeh j'espère que ce sera pas le 2e plan 🥲
Par contre la "comptine" incroyable 😍 Elle était déjà dans Raven's Omen non ? Il me semble qu'elle me dit quelque chose.
Leith p'tit chat, il est choupi. J'aime beaucoup sa relation avec Cassandra parce qu'ils ont bien évolué chacun à sa manière, mais ça ne les empêche pas de se reconnaître dans le fond, malgré tout.
Effectivement, on avance très vite dans Cassandra en termes de temporalité, bien plus qu'Eliane ou Kyara. Là où Eliane et Kyara s'étirent sur quelques mois, globalement deux ans max dans les trois premiers actes, on va jongler sur un registre un peu plus étendu ici.
Laëtitia cette belle psychopathe. (Oui la phrase qu'elle lâche est un peu familière, je la changerai à l'occasion.)
C'est là où on rentre dans la situation un peu touchy de Cassandra dans le sens où elle va commencer à faire des décisions de plus en plus tendues et risquées. Le meurtre de ce pauvre random en est une. Celui de Laëtitia en est une autre, quoi qu'elle a moins de contrôle dessus. Et oui, Laëtitia avait en gros trois plans, les deux que tu as énoncés, et le plan de secours absolu… sortir Cassandra du trône (à la manière qu'elle avait décrite) et le récupérer elle-même. Mais dans tous les cas, elle la poussait à l'action.
La comptine-malédiction était déjà dans Raven's Omen effectivement ^^


louji a écrit : dim. 13 août, 2023 8:55 pm
Chap 1 (acte 2) : oh-ho, Raven a pris des initiatives. Je sais pas si c'est par manque de confiance envers Cass ou si c'est parce qu'il a pressenti la merde. Mais du coup j'imagine que Cassandra est bien dégoûtée. Maintenant que sa mère est morte il y à priori moins de dangers potentiels.
" Mayeri l’avait tué proprement" :arrow: mais c'est Cass qui l'a tué 🤔
OOOOK je suis étonnée que Raven s'en prenne plein la gueule (dans le discours) ? Soit j'ai pas bien suivi et ils s'entendaient plus du tout (ce que je n'ai pas ressenti) soit elle espère bien le "sauver" derrière malgré cette mascarade.
Il a choisi le pire-meilleur timing on va dire. :lol: Mais un peu des deux, manque de confiance envers Cass, et inquiet à l'idée de mourir quand il voit les gardes dégainer leurs armes sur lui. Et puis, on rappelle qu'il est techniquement prisonnier de son propre palais, même s'il garde une certaine liberté de mouvement.
Effectivement, petite incohérence, c'est Cass.
L'un des nombreux paris risqués : c'est plus "facile et légitime" de faire rechercher un potentiel criminel. Et puis, elle doit aussi se dédouaner de sa disparition, sinon c'est elle qu'on accusera en premier de l'avoir peut-être même tué.

louji a écrit : dim. 13 août, 2023 8:55 pm
Chap 2 :
"Nous partagions nos intérêts stratégiques et notre lit. Et j’ose croire, Aveltia, que cela nous serait également profitable." :arrow: j'ai absolument vomi 👍
Je suis sincèrement confuse par Cassandra, je vais pas te mentir. Alors, y'a plusieurs explications : la malédiction s'éveille de + en +, elle a indéniablement dû mûrir et changer ses perspectives suite à la disparition de Raven et Cassandra. Mais là je n'éprouve plus rien en termes d'émotions. Je veux dire, même les chapitres précédents sont un peu vaporeux et distants. Mais celui-ci, c'est autre chose. Déjà, je suis effectivement passée à côté de la relation diluée qu'elle a avec Raven. Bon, c'est mentionné et clairement compréhensible vues les conditions de leurs fiançailles, mais j'ai été déstabilisée qu'elle l'efface aussi vite. Et le passage sur le fait qu'il lui manque pas, que c'est clairement les relations charnelles qui lui manquent, ça a été le pompon :lol: Vraiment, bim, tout ce qui a été introduit dans les 3 premiers chapitres est effacé. Toute la subtilité de leur relation, l'affect qui résidait entre eux est balayé.
Franchement, je ne reconnais plus du tout Cassandra. Et, encore une fois, j'imagine que c'est volontaire. Mais à titre personnel, ça m'a complètement détachée d'elle. Je ne vois en elle plus qu'une personne avide de pouvoir. Elle reconnaît elle-même ne pas être légitime. Alors pourquoi s'obstiner ? Elle prend juste le chemin de sa mère. Dans l'absolu, c'est l'histoire qui veut ça, mais du coup j'ai plus vraiment d'empathie pour elle :?
A côté de ça, j'ai ce sentiment de justification perpétuelle. Pour expliquer qu'elle s'apprête à accepter la proposition du Général, elle songe à son lit marital vide et au fait qu'il soit bien portant et attirant. C'est... ouais, j'avoue que c'est cynique, comme tu dis, mais ça enlève toute humanité du coup. Et j'avoue que c'est pas le genre de personnages ou de contexte qui me plaisent à titre perso. Là je vois juste deux animaux haha (sans parler du fait que c'est franchement dégueulasse (à mes yeux) d'envisager de partager la couche d'un homme qui a partagé celle de sa mère :roll: ).
Alors je dis pas qu'elle est effectivement pas bloquée puisque comme c'est bien expliqué, le Général a l'armée avec lui et donc le coup d'État s'il le veut. On en revient au fait que Cass a choisi le pouvoir au-dessus de sa famille (elle pourrait laisser tomber son trône, potentiellement accepter un Régent du conseil et chercher à retrouver sa fille à tout prix par elle-même).
Donc je vais pas te mentir, j'ai franchement peur de la direction que ça prend. Tu disais que Cass était une espèce de point médian entre Eliane et Kyara, mais pour moi on est carrément sur la même ligne qu'Eliane là :lol: Juste la folie en moins (pour l'instant et j'espère que ça changera pas).
"La cour venait de se transformer en champ de bataille, et c’était une mêlée générale qui l’attendait. Elle qui était la seule à porter l’étendard, désormais, se ferait assaillir de toutes parts." joli la petite métaphore filée :D
"— Je crois que je n’avais jamais réalisé à quel point, jusqu’à ce qu’il disparaisse. " :arrow: j'ai ri, du coup
"lle avait été prête à abandonner sa fille pour lui garantir un meilleur avenir, un avenir certain, mais elle n’avait jamais été prête à ce qu’on la lui arrache ainsi." hhm, mais même si le plan initial avait fonctionné, je ne comprends pas bien. Raven était donc prêt à abandonner le trône aussi simplement que cela ? Et puis envoyer Yrisbel ailleurs était une solution que temporaire. Qu'est-ce que Cass comptait faire, une fois seule ? A priori, elle aurait eu d'autres enfants. J'avoue que je suis confuse, je comprends plus grand-chose à leurs plans de base. Parce que les faire passer pour morts dans le plan initial, c'était ne jamais les revoir quoi qu'il en soit. Donc Cassandra prévoyait déjà de finir seule (du moins avec sa mère dans les coulisses). Mais son état d'esprit suite à l'évolution du plan correspond pas à ça. Bref, je suis un peu perdue dans les motivations et les états d'esprit des personnages.
"Elle songeait au premier jour où elle avait rencontré Raven, à l’objectif qu’elle avait alors : atteindre le trône." aaaaah ? pardon mais j'avais pas du tout ça en tête au début :lol: L'objectif c'était oui d'épouser l'Empereur, mais pour donner le trône à sa mère.
ALORS.
Oui. Je comprends totalement. Et oui c'était d'une certaine manière volontaire. :lol:
On attaque la partie vraiment délicate de Cassandra, parce qu'elle vire Eliane-like. Il y a un peu de tout. Il y a surtout et avant tout le choc de devoir soudain gérer tout toute seule, d'être totalement dépassée par les évènements, et de se rabattre sur les choix les plus stratégiques à défaut d'être les plus… humains ? Décents ? Whatever. Faut reprendre en compte le fait que, techniquement parlant, elle est presque complètement isolée dans le palais. Elle et sa mère ont instauré le coup d'État, mais tout le monde savait que c'était Laëtitia aux commandes, et Raven l'homme de paille. Limite, Cassandra faisait office de figurante sur le trône jusqu'à un certain point. Et là elle se retrouve à devoir tout assumer seule.
Il y a aussi les doutes sous-jacents. Raven s'est enfui, d'accord, il pressentait la merde. Mais elle a lancé un appel pour le retrouver. Elle a clairement établi que Laëtitia était morte (même si elle le lui a mis sur le dos). Et il ne revient pas… La seule chose qu'elle peut en tirer, c'est qu'il n'a pas confiance en elle.
Et puis, pourquoi s'obstiner ? Parce que sinon, elle meurt, tout simplement. :lol: Le conseil ou l'armée aura sa peau d'une manière ou d'une autre. Esirath ne l'a pas dit parce qu'il n'avait pas besoin de le dire, m'enfin c'est lui l'homme aux commandes pour le moment, il a juste récupéré toute la mainmise que Laëtitia avait via lui. Elle est la fille de l'Usurpatrice-Mère, elle n'est qu'une gêne sur le trône… à moins de servir d'homme de paille à son tour, d'une certaine manière.
Si elle n'a pas le trône, elle n'a rien. Elle prend les décisions en conséquence. Et je comprends que ça t'arrache complètement au personnage, parce que ce n'est absolument pas ton genre de personnage, mais… j'apprécie aussi que tu prennes le temps d'en parler. Ça m'aide à voir si je tire sur les bonnes cordes.

louji a écrit : dim. 13 août, 2023 8:55 pm
Bon, mon retour sur le chap 2 t'a dû le faire comprendre, mais ce début d'acte II me laisse franchement perplexe. Mayeri est peut-être le personnage que j'apprécie le plus maintenant :lol: Parce qu'elle reste stable et véritable à elle-même. J'ai sincèrement perdu la fraîcheur de Cassandra au milieu des intrigues politiques. Alors bon j'imagine que c'est ton intention, mais ouais j'ai plus trop d'affect pour son personnage. Et je trouve dommage la rapidité de sa relation avec Yrisbel. En fin de compte, je ressens sa détresse de mère comme sa fille n'est plus là, mais je n'ai pas senti son amour lorsqu'elle était près d'elle. Et je parle pas de Raven, je t'ai déjà expliqué.
Plus que jamais, Dynaties porte bien son nom. Je vais pas te mentir, les personnages avides de pouvoir, c'est pas mon délire. Même si je trouve intéressant de voir les couleurs et les nuances de Cassandra devenir fades ou s'éparpiller au fur et à mesure des alliances et des manipulations politiques. Pour le coup, on voit bien à quel point ça affecte les personnes, les positions de pouvoir.
On est dans une phase où Cassandra va devoir grandir trop vite, aller peut-être trop loin. Moi j'adore parce que c'est la zone d'ombre où j'aime les voir évoluer, mais je comprends aussi l'autre point de vue. Pour Yrisbel… on va dire qu'elle n'a pas eu le temps, avec elle, c'est un thème qui reviendra par la suite.
D'une certaine manière, je conçois le parallèle que tu fais avec Eliane, et ce qui t'inquiète. Parce qu'Eliane avait une certaine rigueur morale, malgré tout ce qu'elle pouvait faire, surtout au début. Elle campait sur ses positions plus fermement, et elle savait aussi échouer plus élégamment. Cassandra… se raccroche à ce qu'elle a sous la main, peu importe la morale.

J'espère que malgré ton dégoût pour le personnage en lui-même, tu apprécieras de suivre la lente descente en enfer du personnage (je dramatise peut-être un peu :roll: ).

Et merci beaucoup pour les corrections !
louji

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Re: Dynasties / Cassandra [High Fantasy / Royauté / Intrigues politiques]

Message par louji »

vampiredelivres a écrit : jeu. 17 août, 2023 11:23 pm
louji a écrit : dim. 13 août, 2023 8:55 pm Bonjouuur

Je remets enfin les pieds par ici :lol: Je sais pas, j'étais moins dans le mood Dynasties ces dernière semaines :D
Hellooo ~
Absolument aucun souci, j'étais bien à la rue aussi.
(Je teste un nouveau format de réponse, on va voir ce que ça donne !)

louji a écrit : dim. 13 août, 2023 8:55 pm
Chap 4 : Oooh voici donc Leith qui ramène sa fraise. C'est cool, on aura pas attendu trop longtemps avant de le voir !
Leurs retrouvailles sont touchantes. C'étaient encore un peu des gamins quand ils se sont quittés, mais là chacun a été propulsé dans le monde des "adultes" à leur manière.
Aaah en vrai la grossesse se passe super vite ! C'est perturbant, mais bon faut faire avancer l'histoire I guess :lol:
"mais le fâcheux incident qui leur arriverait à tous les trois semblait aussi prévisible qu’inévitable, et cette perspective les terrifiait tous les deux." :arrow: 🥲🥲🥲 dans l'absolu on sait pas si c'est le plan de Laëtitia, mais mmmmh la bonne tension qui règne là
Waouh par contre la scène du "sacrifice" de prisonnier 😦 Ca me paraît tellement choquant par rapport au caractère de Cass. Je sais pas si elle se le pardonnera un jour.
"mais peut-être est-ce toi qui te fourres toujours dans des situations tendues. " :arrow: j'ai trouvé que la phrase faisait assez familière pour un dialogue de personne de pouvoir
La fin ??? Bon je me disais que c'était facile tout ça, mais Laëtitia a vraiment bien joué son coup :lol: Par contre entraîner sa fille dans la malédiction, euuuh, du moins la "réveiller" c'est pas ouuuf.
OK je m'attendais pas au meurtre pur et simple :lol: En même temps, c'est logique. Mais du coup Laëtitia prévoyait quoi ? 2 plans ? L'un où Cass se contente d'assister à son plan volé par sa mère. L'autre où Cass la tue et devient à son tour une semeuse de chaos et de violence ? Beeeh j'espère que ce sera pas le 2e plan 🥲
Par contre la "comptine" incroyable 😍 Elle était déjà dans Raven's Omen non ? Il me semble qu'elle me dit quelque chose.
Leith p'tit chat, il est choupi. J'aime beaucoup sa relation avec Cassandra parce qu'ils ont bien évolué chacun à sa manière, mais ça ne les empêche pas de se reconnaître dans le fond, malgré tout.
Effectivement, on avance très vite dans Cassandra en termes de temporalité, bien plus qu'Eliane ou Kyara. Là où Eliane et Kyara s'étirent sur quelques mois, globalement deux ans max dans les trois premiers actes, on va jongler sur un registre un peu plus étendu ici.
Laëtitia cette belle psychopathe. (Oui la phrase qu'elle lâche est un peu familière, je la changerai à l'occasion.)
C'est là où on rentre dans la situation un peu touchy de Cassandra dans le sens où elle va commencer à faire des décisions de plus en plus tendues et risquées. Le meurtre de ce pauvre random en est une. Celui de Laëtitia en est une autre, quoi qu'elle a moins de contrôle dessus. Et oui, Laëtitia avait en gros trois plans, les deux que tu as énoncés, et le plan de secours absolu… sortir Cassandra du trône (à la manière qu'elle avait décrite) et le récupérer elle-même. Mais dans tous les cas, elle la poussait à l'action.
La comptine-malédiction était déjà dans Raven's Omen effectivement ^^


louji a écrit : dim. 13 août, 2023 8:55 pm
Chap 1 (acte 2) : oh-ho, Raven a pris des initiatives. Je sais pas si c'est par manque de confiance envers Cass ou si c'est parce qu'il a pressenti la merde. Mais du coup j'imagine que Cassandra est bien dégoûtée. Maintenant que sa mère est morte il y à priori moins de dangers potentiels.
" Mayeri l’avait tué proprement" :arrow: mais c'est Cass qui l'a tué 🤔
OOOOK je suis étonnée que Raven s'en prenne plein la gueule (dans le discours) ? Soit j'ai pas bien suivi et ils s'entendaient plus du tout (ce que je n'ai pas ressenti) soit elle espère bien le "sauver" derrière malgré cette mascarade.
Il a choisi le pire-meilleur timing on va dire. :lol: Mais un peu des deux, manque de confiance envers Cass, et inquiet à l'idée de mourir quand il voit les gardes dégainer leurs armes sur lui. Et puis, on rappelle qu'il est techniquement prisonnier de son propre palais, même s'il garde une certaine liberté de mouvement.
Effectivement, petite incohérence, c'est Cass.
L'un des nombreux paris risqués : c'est plus "facile et légitime" de faire rechercher un potentiel criminel. Et puis, elle doit aussi se dédouaner de sa disparition, sinon c'est elle qu'on accusera en premier de l'avoir peut-être même tué.

louji a écrit : dim. 13 août, 2023 8:55 pm
Chap 2 :
"Nous partagions nos intérêts stratégiques et notre lit. Et j’ose croire, Aveltia, que cela nous serait également profitable." :arrow: j'ai absolument vomi 👍
Je suis sincèrement confuse par Cassandra, je vais pas te mentir. Alors, y'a plusieurs explications : la malédiction s'éveille de + en +, elle a indéniablement dû mûrir et changer ses perspectives suite à la disparition de Raven et Cassandra. Mais là je n'éprouve plus rien en termes d'émotions. Je veux dire, même les chapitres précédents sont un peu vaporeux et distants. Mais celui-ci, c'est autre chose. Déjà, je suis effectivement passée à côté de la relation diluée qu'elle a avec Raven. Bon, c'est mentionné et clairement compréhensible vues les conditions de leurs fiançailles, mais j'ai été déstabilisée qu'elle l'efface aussi vite. Et le passage sur le fait qu'il lui manque pas, que c'est clairement les relations charnelles qui lui manquent, ça a été le pompon :lol: Vraiment, bim, tout ce qui a été introduit dans les 3 premiers chapitres est effacé. Toute la subtilité de leur relation, l'affect qui résidait entre eux est balayé.
Franchement, je ne reconnais plus du tout Cassandra. Et, encore une fois, j'imagine que c'est volontaire. Mais à titre personnel, ça m'a complètement détachée d'elle. Je ne vois en elle plus qu'une personne avide de pouvoir. Elle reconnaît elle-même ne pas être légitime. Alors pourquoi s'obstiner ? Elle prend juste le chemin de sa mère. Dans l'absolu, c'est l'histoire qui veut ça, mais du coup j'ai plus vraiment d'empathie pour elle :?
A côté de ça, j'ai ce sentiment de justification perpétuelle. Pour expliquer qu'elle s'apprête à accepter la proposition du Général, elle songe à son lit marital vide et au fait qu'il soit bien portant et attirant. C'est... ouais, j'avoue que c'est cynique, comme tu dis, mais ça enlève toute humanité du coup. Et j'avoue que c'est pas le genre de personnages ou de contexte qui me plaisent à titre perso. Là je vois juste deux animaux haha (sans parler du fait que c'est franchement dégueulasse (à mes yeux) d'envisager de partager la couche d'un homme qui a partagé celle de sa mère :roll: ).
Alors je dis pas qu'elle est effectivement pas bloquée puisque comme c'est bien expliqué, le Général a l'armée avec lui et donc le coup d'État s'il le veut. On en revient au fait que Cass a choisi le pouvoir au-dessus de sa famille (elle pourrait laisser tomber son trône, potentiellement accepter un Régent du conseil et chercher à retrouver sa fille à tout prix par elle-même).
Donc je vais pas te mentir, j'ai franchement peur de la direction que ça prend. Tu disais que Cass était une espèce de point médian entre Eliane et Kyara, mais pour moi on est carrément sur la même ligne qu'Eliane là :lol: Juste la folie en moins (pour l'instant et j'espère que ça changera pas).
"La cour venait de se transformer en champ de bataille, et c’était une mêlée générale qui l’attendait. Elle qui était la seule à porter l’étendard, désormais, se ferait assaillir de toutes parts." joli la petite métaphore filée :D
"— Je crois que je n’avais jamais réalisé à quel point, jusqu’à ce qu’il disparaisse. " :arrow: j'ai ri, du coup
"lle avait été prête à abandonner sa fille pour lui garantir un meilleur avenir, un avenir certain, mais elle n’avait jamais été prête à ce qu’on la lui arrache ainsi." hhm, mais même si le plan initial avait fonctionné, je ne comprends pas bien. Raven était donc prêt à abandonner le trône aussi simplement que cela ? Et puis envoyer Yrisbel ailleurs était une solution que temporaire. Qu'est-ce que Cass comptait faire, une fois seule ? A priori, elle aurait eu d'autres enfants. J'avoue que je suis confuse, je comprends plus grand-chose à leurs plans de base. Parce que les faire passer pour morts dans le plan initial, c'était ne jamais les revoir quoi qu'il en soit. Donc Cassandra prévoyait déjà de finir seule (du moins avec sa mère dans les coulisses). Mais son état d'esprit suite à l'évolution du plan correspond pas à ça. Bref, je suis un peu perdue dans les motivations et les états d'esprit des personnages.
"Elle songeait au premier jour où elle avait rencontré Raven, à l’objectif qu’elle avait alors : atteindre le trône." aaaaah ? pardon mais j'avais pas du tout ça en tête au début :lol: L'objectif c'était oui d'épouser l'Empereur, mais pour donner le trône à sa mère.
ALORS.
Oui. Je comprends totalement. Et oui c'était d'une certaine manière volontaire. :lol:
On attaque la partie vraiment délicate de Cassandra, parce qu'elle vire Eliane-like. Il y a un peu de tout. Il y a surtout et avant tout le choc de devoir soudain gérer tout toute seule, d'être totalement dépassée par les évènements, et de se rabattre sur les choix les plus stratégiques à défaut d'être les plus… humains ? Décents ? Whatever. Faut reprendre en compte le fait que, techniquement parlant, elle est presque complètement isolée dans le palais. Elle et sa mère ont instauré le coup d'État, mais tout le monde savait que c'était Laëtitia aux commandes, et Raven l'homme de paille. Limite, Cassandra faisait office de figurante sur le trône jusqu'à un certain point. Et là elle se retrouve à devoir tout assumer seule.
Il y a aussi les doutes sous-jacents. Raven s'est enfui, d'accord, il pressentait la merde. Mais elle a lancé un appel pour le retrouver. Elle a clairement établi que Laëtitia était morte (même si elle le lui a mis sur le dos). Et il ne revient pas… La seule chose qu'elle peut en tirer, c'est qu'il n'a pas confiance en elle.
Et puis, pourquoi s'obstiner ? Parce que sinon, elle meurt, tout simplement. :lol: Le conseil ou l'armée aura sa peau d'une manière ou d'une autre. Esirath ne l'a pas dit parce qu'il n'avait pas besoin de le dire, m'enfin c'est lui l'homme aux commandes pour le moment, il a juste récupéré toute la mainmise que Laëtitia avait via lui. Elle est la fille de l'Usurpatrice-Mère, elle n'est qu'une gêne sur le trône… à moins de servir d'homme de paille à son tour, d'une certaine manière.
Si elle n'a pas le trône, elle n'a rien. Elle prend les décisions en conséquence. Et je comprends que ça t'arrache complètement au personnage, parce que ce n'est absolument pas ton genre de personnage, mais… j'apprécie aussi que tu prennes le temps d'en parler. Ça m'aide à voir si je tire sur les bonnes cordes.

louji a écrit : dim. 13 août, 2023 8:55 pm
Bon, mon retour sur le chap 2 t'a dû le faire comprendre, mais ce début d'acte II me laisse franchement perplexe. Mayeri est peut-être le personnage que j'apprécie le plus maintenant :lol: Parce qu'elle reste stable et véritable à elle-même. J'ai sincèrement perdu la fraîcheur de Cassandra au milieu des intrigues politiques. Alors bon j'imagine que c'est ton intention, mais ouais j'ai plus trop d'affect pour son personnage. Et je trouve dommage la rapidité de sa relation avec Yrisbel. En fin de compte, je ressens sa détresse de mère comme sa fille n'est plus là, mais je n'ai pas senti son amour lorsqu'elle était près d'elle. Et je parle pas de Raven, je t'ai déjà expliqué.
Plus que jamais, Dynaties porte bien son nom. Je vais pas te mentir, les personnages avides de pouvoir, c'est pas mon délire. Même si je trouve intéressant de voir les couleurs et les nuances de Cassandra devenir fades ou s'éparpiller au fur et à mesure des alliances et des manipulations politiques. Pour le coup, on voit bien à quel point ça affecte les personnes, les positions de pouvoir.
On est dans une phase où Cassandra va devoir grandir trop vite, aller peut-être trop loin. Moi j'adore parce que c'est la zone d'ombre où j'aime les voir évoluer, mais je comprends aussi l'autre point de vue. Pour Yrisbel… on va dire qu'elle n'a pas eu le temps, avec elle, c'est un thème qui reviendra par la suite.
D'une certaine manière, je conçois le parallèle que tu fais avec Eliane, et ce qui t'inquiète. Parce qu'Eliane avait une certaine rigueur morale, malgré tout ce qu'elle pouvait faire, surtout au début. Elle campait sur ses positions plus fermement, et elle savait aussi échouer plus élégamment. Cassandra… se raccroche à ce qu'elle a sous la main, peu importe la morale.

J'espère que malgré ton dégoût pour le personnage en lui-même, tu apprécieras de suivre la lente descente en enfer du personnage (je dramatise peut-être un peu :roll: ).

Et merci beaucoup pour les corrections !
Je sais pas si je vais réussir à suivre le nouveau format de réponse, ça devient vite chaotique en réponse à une réponse :lol:

Je suis d'accord pour Leith ! On ressent une espèce de complicité d'enfance qui s'est pas effacée malgré les années. C'est très chouette.
Ah je vois ! Je comprends mieux pourquoi ça se passe "si vite". Et la difficulté que ça implique pour faire évoluer les personnages.
Pour le meurtre, en soi, j'étais pas si "choquée". Mais j'aurais été curieuse de savoir si elle a fait un choix teinté d'une "morale" (prendre un homme qui a commis un crime ou je ne sais quoi ou un homme vraiment pris au hasard dans la rue). Peut-être que c'est précisé et que je suis passée à côté 🤔
Je vois pour les plans de Laëtitia !

Pour Raven, je pense que saisissais peut-être pas assez bien ses motivations. J'étais restée sur un personnage très résigné, et qui avait de l'affect pour Cass malgré tout. Du coup c'est vrai que l'évolution des événements me surprend un peu, mais c'est pas choquant qu'il privilégie la vie de sa fille avant tout. Du coup, il s'était depuis longtemps fait à l'idée que son pouvoir était en miettes ?
Mmmh, donc Cass est prête à assumer les risques liés à une condamnation de Raven ? Elle pourrait essayer de limiter la casse (Cass lel) après coup, j'imagine. M'enfin, encore faut-il retrouver ce cher monsieur :lol:

Pour le fait que Cass soit complètement déstabilisée de se retrouver seule, j'en reviens à mes questionnements : elle prévoyait de finir seule sur le trône (en opposition avec sa mère) dès le plan originel. Alors qu'est-ce qui se passe ? C'est le fait que sa mère soit décédée ? Que finalement c'est largement plus compliqué et délicat qu'elle le pensait ? Je trouve pas forcément cette partie claire 🙂
Je trouve ça assez dingue cette isolation, justement. Ca fait des mois (des années maintenant ?) qu'elle est dans le Palais. C'est littéralement un nid à complots et alliances. Elle a donc noué aucune alliance tout ce temps ? Elle s'est contenté d'estimer que la garde de sa mère lui obéirait tout le temps ? Et anyway, la garde est donc plus fidèle à une personne qu'à un pays ? Puisque Cassandra reste l'héritière de Laëtitia quoi qu'il en soit, même sans parler du trône, il y a Wikandil. Wikandil obéit donc à Esirath et pas à la famille régnante ?
Comment lui en vouloir pour le manque de confiance ? :lol:
Si dans ce cas, l'objectif du Conseil, c'est juste de la virer et l'objectif d'Esirath, c'est de prendre le pouvoir... Qu'est-ce qu'ils attendent ??? :lol: Quelle est la plus-value de Cassandra dans ce contexte ? Ils se retiennent simplement pour que l'empire soit plus stable ?
En soi, je "comprends" ce qui la motive en en parlant avec toi, mais je n'avais complètement compris à la lecture. Donc soit j'ai lu trop vite je sais pas, soit ça manquait peut-être de clarté. Et c'est justement parce qu'il y a de tels changements que je me suis attardée dessus :D Parce que je voulais comprendre les motivations du personnage.

Alors effectivement, cette notion d'aller trop vite, trop loin, je la perçois bien. J'ai surtout eu du mal à comprendre, car ça se passe très vite, c'est assez abrupt et complètement opposé au personnage qu'on a connu littéralement le chapitre d'avant hehe.
Si la question revient plus tard par rapport à Yrisbel, je suis carrément preneuse. C'est une trame qui a été esquissée avant d'être poussée de côté.
C'est très bien résumé par rapport à Eliane / Cassandra. Quelque part Eliane a été honnête envers elle-même et ses objectifs dès le début. On savait de suite ce qu'elle visait et les extrêmes qu'elle pouvait embrasser. Cassandra, c'est beaucoup plus insidieux car on sait jamais réellement ce qu'elle veut en réalité avant de la voir agir brutalement. Son état d'esprit fait des aller-retour, elle pense une chose et n'agit pas en ce sens... C'est sûrement la plus manipulatrice des 3 quelque part. Mais du coup c'est très perturbant, car, quel que soit l'étape de l'histoire, j'ai jamais l'impression de la connaître. Je vois juste une femme différente à chaque fois. Donc sans parler de dégoût (pour l'instant en tout cas :roll: ), c'est surtout cette difficulté à m'attacher, à compatir, à comprendre. Eliane (du moins Eliane 1), même si je n'approuvais pas ses façons de faire, que je n'étais pas en phase avec ses objectifs, j'avais quand même de l'attachement et de la compassion car je comprenais son personnage.
Cassandra, je ne sais pas, ça colle pas du tout. Elle me glisse sous les doigts, je ne sais pas qui elle est. Elle se caractérise tellement selon sa mère qu'on ne sait même plus la personne qu'elle est. Je sais pas si ça fait sens.

Mais que tu me parles de descente en enfer, ça me rassure pas du tout :lol:

Spoiler
je suis en train de réaliser, les pointillés dans l'arbre généalogique, me dis pas que c'est un enfant illégitime. je vais vraiment vomir 🥲 et pleurer pour ce gosse


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Re: Dynasties / Cassandra [High Fantasy / Royauté / Intrigues politiques]

Message par vampiredelivres »

louji a écrit : ven. 18 août, 2023 7:43 pmJe sais pas si je vais réussir à suivre le nouveau format de réponse, ça devient vite chaotique en réponse à une réponse :lol:

Je suis d'accord pour Leith ! On ressent une espèce de complicité d'enfance qui s'est pas effacée malgré les années. C'est très chouette.
Ah je vois ! Je comprends mieux pourquoi ça se passe "si vite". Et la difficulté que ça implique pour faire évoluer les personnages.
Pour le meurtre, en soi, j'étais pas si "choquée". Mais j'aurais été curieuse de savoir si elle a fait un choix teinté d'une "morale" (prendre un homme qui a commis un crime ou je ne sais quoi ou un homme vraiment pris au hasard dans la rue). Peut-être que c'est précisé et que je suis passée à côté 🤔
Je vois pour les plans de Laëtitia !

Pour Raven, je pense que saisissais peut-être pas assez bien ses motivations. J'étais restée sur un personnage très résigné, et qui avait de l'affect pour Cass malgré tout. Du coup c'est vrai que l'évolution des événements me surprend un peu, mais c'est pas choquant qu'il privilégie la vie de sa fille avant tout. Du coup, il s'était depuis longtemps fait à l'idée que son pouvoir était en miettes ?
Mmmh, donc Cass est prête à assumer les risques liés à une condamnation de Raven ? Elle pourrait essayer de limiter la casse (Cass lel) après coup, j'imagine. M'enfin, encore faut-il retrouver ce cher monsieur :lol:

Pour le fait que Cass soit complètement déstabilisée de se retrouver seule, j'en reviens à mes questionnements : elle prévoyait de finir seule sur le trône (en opposition avec sa mère) dès le plan originel. Alors qu'est-ce qui se passe ? C'est le fait que sa mère soit décédée ? Que finalement c'est largement plus compliqué et délicat qu'elle le pensait ? Je trouve pas forcément cette partie claire 🙂
Je trouve ça assez dingue cette isolation, justement. Ca fait des mois (des années maintenant ?) qu'elle est dans le Palais. C'est littéralement un nid à complots et alliances. Elle a donc noué aucune alliance tout ce temps ? Elle s'est contenté d'estimer que la garde de sa mère lui obéirait tout le temps ? Et anyway, la garde est donc plus fidèle à une personne qu'à un pays ? Puisque Cassandra reste l'héritière de Laëtitia quoi qu'il en soit, même sans parler du trône, il y a Wikandil. Wikandil obéit donc à Esirath et pas à la famille régnante ?
Comment lui en vouloir pour le manque de confiance ? :lol:
Si dans ce cas, l'objectif du Conseil, c'est juste de la virer et l'objectif d'Esirath, c'est de prendre le pouvoir... Qu'est-ce qu'ils attendent ??? :lol: Quelle est la plus-value de Cassandra dans ce contexte ? Ils se retiennent simplement pour que l'empire soit plus stable ?
En soi, je "comprends" ce qui la motive en en parlant avec toi, mais je n'avais complètement compris à la lecture. Donc soit j'ai lu trop vite je sais pas, soit ça manquait peut-être de clarté. Et c'est justement parce qu'il y a de tels changements que je me suis attardée dessus :D Parce que je voulais comprendre les motivations du personnage.

Alors effectivement, cette notion d'aller trop vite, trop loin, je la perçois bien. J'ai surtout eu du mal à comprendre, car ça se passe très vite, c'est assez abrupt et complètement opposé au personnage qu'on a connu littéralement le chapitre d'avant hehe.
Si la question revient plus tard par rapport à Yrisbel, je suis carrément preneuse. C'est une trame qui a été esquissée avant d'être poussée de côté.
C'est très bien résumé par rapport à Eliane / Cassandra. Quelque part Eliane a été honnête envers elle-même et ses objectifs dès le début. On savait de suite ce qu'elle visait et les extrêmes qu'elle pouvait embrasser. Cassandra, c'est beaucoup plus insidieux car on sait jamais réellement ce qu'elle veut en réalité avant de la voir agir brutalement. Son état d'esprit fait des aller-retour, elle pense une chose et n'agit pas en ce sens... C'est sûrement la plus manipulatrice des 3 quelque part. Mais du coup c'est très perturbant, car, quel que soit l'étape de l'histoire, j'ai jamais l'impression de la connaître. Je vois juste une femme différente à chaque fois. Donc sans parler de dégoût (pour l'instant en tout cas :roll: ), c'est surtout cette difficulté à m'attacher, à compatir, à comprendre. Eliane (du moins Eliane 1), même si je n'approuvais pas ses façons de faire, que je n'étais pas en phase avec ses objectifs, j'avais quand même de l'attachement et de la compassion car je comprenais son personnage.
Cassandra, je ne sais pas, ça colle pas du tout. Elle me glisse sous les doigts, je ne sais pas qui elle est. Elle se caractérise tellement selon sa mère qu'on ne sait même plus la personne qu'elle est. Je sais pas si ça fait sens.

Mais que tu me parles de descente en enfer, ça me rassure pas du tout :lol:

Spoiler
je suis en train de réaliser, les pointillés dans l'arbre généalogique, me dis pas que c'est un enfant illégitime. je vais vraiment vomir 🥲 et pleurer pour ce gosse


En même temps nos réponses sont toujours chaotiques :lol:

Raven… tu comprendras plus tard, je ne m'avance pas trop. Mais dans l'idée, oui, il s'était fait à la situation depuis un moment.
Oui, elle pourrait le condamner et ensuite limiter la casse en jouant sur le pacte avec Avalaën, le fait que Laëtitia était malgré tout l'Usurpatrice, et qu'il est l'Empereur. Elle pourrait. :D

Tu soulèves des questions intéressantes qui me font aussi revoir la structure de la première partie, mais je vais essayer d'y répondre au maximum. Non, Cassandra n'avait pas prévu que sa mère meure, et le plan (flou dans sa tête, effectivement) c'était surtout et avant tout d'éloigner Raven et Yrisbel. Dans sa tête, Laëtitia resterait au pouvoir et Cass jouerait son rôle de marionnette comme jusqu'à maintenant, ce qui lui convenait.
Il y a une incohérence profonde que tu relèves qui est que Cass n'a vraiment noué aucune alliance malgré les mois. Dans ma tête, c'est en grande partie justifié par le fait que du côté d'Avalaën, elle et sa mère sont vraiment haïes (ça fait deux fois qu'elles font un putch pour prendre le pouvoir quand même), et du côté de Wikandil… oui, l'armée de Wikandil obéit à une personne. Je n'y ai pas beaucoup touché encore, mais Wikandil n'est pas un royaume dont Laëtitia est la souveraine (ou équivalent). Wikandil est dirigé par un consortium de sorcières, dont Laëtitia a toujours été le bras armé, et Esirath son second général. Cassandra n'ayant eu aucune formation militaire (officielle du moins) et aucun rôle de commandement, Laëtitia disparue, l'armée obéit bien à Esirath.
Pour le Conseil, Cassandra n'a pas de plus-value, d'où le fait qu'elle cherche à se protéger d'eux en s'alliant à Esirath. Pour Esirath, Cassandra est la face publique de l'Empire, celle que le peuple connaît bien maintenant. Et il sait qu'elle était déjà marionnette entre les mains de sa mère, donc il sait qu'elle peut l'être pour lui.

C'est vrai qu'elle change drastiquement, peut-être un peu trop. Le problème c'est qu'elle ne savait pas vraiment ce qu'elle voulait (à part que sa fille soit safe), et quand elle se retrouve dos au mur, elle réagit comme elle pense que sa mère aurait réagi, elle se rabat sur des comportements qu'elle connaît.
Cassandra, je ne sais pas, ça colle pas du tout. Elle me glisse sous les doigts, je ne sais pas qui elle est. Elle se caractérise tellement selon sa mère qu'on ne sait même plus la personne qu'elle est. Je sais pas si ça fait sens. :arrow: Ça fait sens. Et pour le coup, ce sera abordé en temps et en heure :D

Bon, du coup. Merci pour ta lecture ! Je ne suis pas sûre que tu vas l'apprécier dans les prochains chapitres, mais… à voir. En tout cas, tu m'as donné des pistes intéressantes pour une éventuelle correction, donc merci !

(Je ne dirai absolument rien sur l'arbre généalogique évidemment. :roll: :lol: )
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Cassandra II (3/4)

Message par vampiredelivres »

L'USURPATRICE
(3/4)


Lorsque le Général Esirath franchit le seuil de la porte dérobée dissimulée derrière une petite bibliothèque qui coulissait sur des rails invisibles, Cassandra avait retrouvé sa sérénité, du moins en apparence. Elle frémissait encore de douleur refoulée au souvenir de la conversation avec Leith, mais elle n’appréhendait plus la soirée qui l’attendait.
— Aveltia Sen, salua le général.
Elle le détailla à la volée. Il s’était débarrassé de son plastron qui ne semblait pourtant jamais le quitter, de son élégant pourpoint de velours, de sa longue cape. Il n’était qu’en pantalon noir, serré à la ceinture et aux chevilles, avec une chemise de lin et une veste aux épaulettes rigides. Pour autant, il n’en paraissait pas moins dangereux que d’habitude, ni même plus négligé. Il semblait simplement s’être délesté du poids des responsabilités officielles, pour n’être qu’un soldat au repos.
— Cassandra, corrigea-t-elle d’une voix douce.
Il inclina la tête avec un sourire.
— Je t’écoute.
— Comme je le disais, exposa-t-elle après une brève inspiration, j’accepte cet accord, mais à certaines conditions.
Comme elle ne disait rien de plus, il pressa :
— Qui sont ?
— Qui sont les suivantes : premièrement, je ne serai pas une marionnette entre tes mains.
Esirath inclina la tête comme si cela allait de soi, mais elle savait bien que c’était loin d’être le cas.
— Tu m’apprendras ce que je ne sais pas faire, tu ne profiteras pas de mon incompétence dans le domaine pour prendre le contrôle.
— En bref, je ne me retournerai pas contre toi.
Elle ferma les yeux un instant. Arrivait l’évènement qu’elle ne souhaitait guère mentionner, mais qu’elle était obligée de considérer.
— Second point : s’il advient que des enfants naissent de cette union, ils seront traités comme les miens. Cependant, Yrisbel restera, au moins jusqu’à la majorité de l’un d’entre eux, mon héritière, et ce peu importe si on la retrouve ou non.
Cette fois, Esirath ne répondit pas immédiatement. Il prit le temps de réfléchir à l’idée, d’en soupeser les tenants et aboutissants. Puis, alors que Cassandra commençait à penser qu’il n’allait pas répondre, ou alors qu’il allait refuser et exiger la priorité pour ses propres héritiers, il releva avec un haussement de sourcils :
— Mais Yrisbel est également maudite, non ? Cette affaire matricide est-elle vouée à se répéter ?
— Je nous en débarrasserai ! affirma fougeusement la jeune femme.
Puis, elle réalisa ce qu’elle venait de dire, et elle rougit.
— Ou du moins, je ferai tout ce qui est en mon pouvoir.
— Très bien. Mais je nommerai aussi pour ma part un héritier qui prendra le relais si Yrisbel n’est pas retrouvée.
Un terrible soupçon, le même que quelques nuits plus tôt, fusa dans l’esprit de Cassandra et glissa le long de sa nuque comme un courant d’eau froide, un terrible présage. Elle le prit en compte, y réfléchit, puis le laissa là où il était, dans son esprit. Ce n’était pas le moment de se lancer dans ce genre de supposition, quoi qu’elle soit dangereusement fondée. Elle préféra donc terminer sur un point qui ne lui était venu que tardivement, mais qui relevait davantage de la stratégie immédiate que de prévisions à long terme.
— Et enfin, c’est moins une clause qu’une exigence liée à la situation, nous n’apparaîtrons pas ensmble au début. Je dois apparaître comme une femme éplorée et abandonnée, grinça-t-elle avec un cynisme noir. Après tout, mon Empereur bien-aimé m’a abandonnée au profit d’une servante.
Esirath se fendit d’un rictus, la considéra intensément.
— Il ne s’agirait pas qu’on doute soudain de la véracité des rumeurs qui sont en train de se lever, approuva-t-il avec un hochement de tête.
— Parfaitement. Les premières suppositions ne devront pas courir tout de suite.
— Très bien.
Il s’approcha, passa doucement une main le long de son visage, écarta du bout du doigt une boucle folle qui avait décidé de tomber du chignon.
— Je t’ai connue petite fille… mais aujourd’hui, j’ai l’impression de voir Laëtitia…
Une soudaine pensée l’électrisa, elle se laissa aller à la caresse, l’enlaça lentement. Il pouvait être manipulé, lui aussi, et elle venait de découvrir l’un de ses points faibles. Son apparence. Et lorsque, serrée contre lui, elle laissa échapper un sourire qu’il ne pouvait voir, elle fut rassurée de sentir son cœur qui battait un peu trop fort. Elle savait qu’avec ses conditions, elle n’avait fait que se prémunir contre les plus prévisibles des évènements. Le retournement d’Esirath, la révolte du conseil. Elle ne pouvait encore pallier à un coup d’État sauvage, elle n’avait pas les ressources pour le faire. Plus tard, il faudrait qu’elle trouve sa propre armée, qu’elle ne soit plus dépendante d’Esirath pour sa protection. Ce serait malheureusement plus tard ; pour le moment, elle était totalement à sa merci. Mais elle devinait ce qui l’attirait chez elle, elle pouvait s’en servir.
Elle s’abandonna dans ses bras avec une aisance qu’elle trouva elle-même curieuse. Il n’était en rien comme l’homme précédent avec qui Cassandra avait partagé son corps et son lit : son toucher était ferme, assuré. Il n’avait pas les incertitudes occasionnelles qui paralysaient parfois Raven, les doutes qu’elle pouvait elle-même avoir lorsqu’elle ne savait pas exactement quoi faire. Et surtout, il ne s’oubliait pas à son détriment.
Bien plus tard dans la nuit, elle songea avec une certaine curiosité qu’il n’y avait rien de perturbant dans la sensation de fermer les yeux avec le poids de sa présence, pour elle qui s’était endormie les premiers jours avec le fantôme de Raven dans ce même lit.

Le lendemain en revanche, le réveil fut étrange. Cassandra ouvrit les yeux dans un grand lit vide, Mayeri debout à côté d’elle tenant négligemment une clochette qu’elle faisait tinter pour la sortir des limbes du sommeil. À côté d’elle, les draps étaient défaits, la chaleur rémanente d’un corps qui avait dormi là hantait encore les tissus. Mais il avait disparu, enfui comme un spectre qui ne pouvait s’attarder après le lever du jour. Un bref sourire lui échappa, et elle se redressa en se frottant le visage. Lorsqu’elle la vit émerger, Mayeri reposa la clochette, lui tint sa robe de chambre pendant qu’elle se levait pour se glisser dedans.
L’esprit encore embrumé, Cassandra se dirigea vers sa coiffeuse, s’assit, passa une main dans ses cheveux pour les démêler sommairement. Les longs doigts racornis de Mayeri passaient déjà au-dessus de son épaule pour attraper la longue brosse. Patiemment, dans le silence le plus total, elle démêla les boucles blondes de la jeune femme, tandis que Cassandra s’appliquait une crème sur le visage. Depuis qu’elle était arrivée à Avalaën, elle se lavait bien plus souvent qu’à Wikandil, et la fréquence de ses bains chauds, en plus de l’atmosphère poussiéreuse du palais, lui asséchait terriblement la peau. Mayeri lui avait préparé un baume gras et doux, qu’elle pouvait appliquer sur l’ensemble de son corps, même si elle préférait surtout le mettre sur le visage. Les restes, elle les étala sur ses mollets et ses avant-bras, puis regarda dans le miroir.
— Attends, appela-t-elle soudain.
Les mains de Mayeri, occupées à ramener ses cheveux en un chignon alambiqué comme elle avait l’habitude de porter, s’immobilisèrent dans ses cheveux.
— Pourrais-tu garder le haut comme tu me le fais, mais faire une natte en bas ?
La sorcière haussa un sourcil fin, considéra Cassandra en silence, interrogatrice.
— Un peu comme ma mère, finit par préciser l’Impératrice en titre avec un soupir.
Un sourire échappa à la vieille femme, qui pour éviter de parler jeta un regard équivoque au lit, et Cassandra pouffa. Mayeri n’avait guère besoin de mots pour se faire comprendre quand elle le voulait. Elle hocha néanmoins la tête.
— Oui, exactement.
Les branches d’arbre osseuses qui lui servaient de doigts recommencèrent à s’activer, défaisant une partie du travail fait précédemment. Lorsqu’elle fut satisfaite du haut de ses cheveux, Cassandra hocha la tête, et Mayeri s’appliqua à tresser le reste dans une longue et épaisse natte blonde. Ensuite, Cassandra s’habilla, veillant à s’approprier les lignes brutes et les courbes acérées des silhouettes de sa mère en les adoucissant avec ses propres robes, plus larges, plus douces. Elle mit bien une heure à être satisfaite de son apparence, mais lorsqu’elle sortit de sa chambre, elle remarqua immédiatement à quel point elle polarisait les regards. La couronne d’or se perdait quelque peu dans ses volumineuses boucles blondes, et elle songea un instant qu’elle la ferait peut-être changer plus tard si elle trouvait un artisan qui saurait travailler l’obsidienne. Puis, avec un soupir d’anticipation envers la longue journée qui l’attendait, elle se dirigea vers le grand hall pour grignoter avant de commencer ses réunions quotidiennes.

L’enterrement de sa mère eut lieu quelques jours plus tard, le temps que le délai du passage de l’âme dans la foi d’Esga soit respecté. Cassandra se vêtit d’un blanc immaculé, brodé pourpre éclatant de la Couronne impériale, et elle songea que sa mère avait décidément raison d’adopter ces couleurs au quotidien. Le souverain de l’Empire avançait après tout quotidiennement la conscience de ceux qu’il avait dûs sacrifier sur l’autel du pouvoir. Laëtitia et Raven, même s’il n’était certainement pas mort, n’étaient que les premiers. Elle-même était, d’une certaine manière, l’une d’entre eux aussi.
L’aube se levait à peine lorsqu’elle entama la procession funèbre qui traverserait la Citadelle Rouge. En tant que seule souveraine désormais, elle chevauchait en tête du cortège, encadrée par ses gardes habituels, dont les armures polies avaient pour l’occasion été recouvertes de simples voiles noirs, couvrant leur éclat. La cité était parfaitement réveillée, la plupart des gens présents pour soit se joindre au cortège, soit au moins le regarder passer. Un calme irréel pesait sur les maisonnettes de pierres larges, les enfants s’accrochaient à leurs mères, les hommes regardaient au loin, le visage rembruni. Partout où passait le cortège, la population s’inclinait devant Cassandra, dont le cheval faisait claquer ses sabots sur les pavés. C’était le seul bruit régulier qui résonnait à la ronde.
D’une certaine, ironique, manière, Cassandra songea que cette procession était son intronisation officielle. C’était le premier jour où elle se présentait en tant que souveraine unique. Elle n’en aimait pas la sensation, mais elle appréciait quelque peu le calme qui l’environnait. Elle percevait la présence réconfortante de ses soldats autour d’elle, le regard lointain d’Esirath qui pesait sur ses épaules. Malgré les étés passés à la Citadelle, elle aurait cru qu’elle était toujours aussi haïe en tant que fille de Laëtitia, mais la tranquillité de la population tandis qu’elle progressait dans les ruelles en pente douce lui affirmait qu’elle avait fini par être acceptée. Était-ce par toutes ces apparitions publiques qu’elle avait faites aux côtés de Raven ? Était-ce par son statut de veuve abandonnée par celui en qui tous avaient eu foi ? Elle n’aurait guère su dire ce qui inspirait cette soudaine confiance, mais elle la ressentait dans les regards qui la suivaient sans crainte ni colère ni amertume. Pourtant, s’ils avaient su ce qu’elle avait fait pour en arriver là, elle était certaine qu’ils ne la considèreraient plus de la même manière.
Secouant la tête pour chasser ses pensées cyniques, elle chercha des yeux l’horizon lointain et brumeux de la mer. La silhouette lointaine d’un navire de commerce rentrant d’une expédition lointaine. C’était Laëtitia qui avait commandé l’expédition à l’automne dernier, cherchant à retrouver la route maritime qui un jour avait mené à un autre continent. Sous le règne de Karo et de Laëtitia, elle avait été empruntée régulièrement mais ensuite, avec l’avènement du jeune Raven et du conseil qui avait gouverné pendant toute son enfance et adolescence, elle avait été fermée, le conseil préférant concentrer le commerce sur le continent d’Uvrastryn avec les différents duchés et royaumes indépendants.
En songeant à sa mère, Cassandra ne put s’empêcher de se tourner vers la litière qui la suivait, transportant le corps de la défunte. Encore une fois, comme toujours depuis qu’elle pensait à elle, elle ne put s’empêcher d’entendre la voix serpentine murmurer à son oreille les mots de la malédiction.
Elle ferma les yeux, se laissa quelques instants ballotter par le pas chaloupé de sa monture, se demandant si sa mère aurait apprécié bénéficier des funérailles d’Esga, ou si elle aurait préféré que son corps soit confié à la forêt, comme dans les traditions wiccanes. Elle n’était plus là pour le dire, et elle n’avait jamais formulé aucun vœu à ce sujet, guère encline à parler de sa mort alors qu’elle pensait sans doute régner encore quelques longs étés. Ainsi, étant donné qu’elle était décédée à Avalaën, Cassandra s’était pliée aux traditions de son nouvel Empire.
Le corps avait d’abord été transporté dans une crypte profondément dissimulée sous le château. Les températures dans cette caverne frisaient celles des hautes montagnes de Wikandil, là où les neiges ne fondaient jamais, car de fines couches de glace se formaient régulièrement sur le lac souterrain. Laëtitia avait été embaumée durant trois jours selon des méthodes connues seules des prêtres d’Esga, qui se transmettaient le secret une fois qu’ils avaient eux-mêmes passé les rites d’initiation. Le résultat était néanmoins saisissant : après les quinze jours supplémentaires de « voyage », où l’esprit de Laëtitia était supposé traverser le rempart du royaume des morts et être accepté dans les jardins éternels de la divinité, son corps était totalement préservé.
Encore maintenant, elle était figée sur sa couche mortuaire fermée, et on aurait dit qu’elle pouvait s’en relever à tout moment. Des larges pierres noires posées sur ses yeux la protégeaient de la lumière du soleil, qui aurait pu l’attirer à nouveau vers la terre où elle avait vécu. Des bracelets de plumes attachés à ses poignets et ses chevilles étaient censés lui donner la légèreté des esprits qui évoluaient dans le royaume des morts, la délester de son poids terrestre.
Derrière eux, un cortège se formait. Laëtitia n’était pas la seule à partir aujourd’hui, et si elle était en tant qu’ancienne Impératrice la seule à avoir son propre bûcher, cela n’empêchait qu’elle serait accompagnée de dizaines d’autres défunts dont les corps rejoignaient progressivement la progression. Cassandra en tête, secondée par Leith quelques pas derrière, descendait la grande rue qui menait du palais directement jusqu’à la plage.
Le vent salé de la mer lui fouetta le visage dès qu’elle quitta le couvert des remparts de la Citadelle Rouge, et son cheval dérapa brièvement lorsque ses sabots s’enfoncèrent dans le sable noir. Les bûchers avaient été dressés la veille. Ils étaient dressés en vérité deux fois par lune, afin d’éviter que les corps ne s’accumulent. Celui de sa mère était le plus proche de la ville, mais si la litière s’arrêta, la jeune femme, elle, poursuivit son chemin.
Le cortège qui s’était formé se rompait progressivement au fur et à mesure que les défunts étaient répartis les uns après les autres en une dizaine de bûchers. Lorsque les presque cent cinquante corps furent placés sur les amas de bois, Cassandra fit faire une volte-face à son cheval, et considéra la rangée funèbre qui s’alignait devant elle. À Avalaën, à l’exception de la famille impériale, tous étaient égaux devant la mort. Riches comme pauvres, jeunes et vieux, ils brûlaient tous de la même manière, et seul l’ordre dans lequel ils s’étaient placés dans la dernière procession déterminerait avec qui ils partiraient.
Cassandra officierait à l’ensemble de la cérémonie, elle le savait. Les opraki, grands prêtres d’Esga, et souvent conseillers du souverain, ne cédaient leur place que devant l’Empereur lui-même, pour peu qu’il soit présent. Et elle avait tenu à accompagner sa mère dans ce dernier voyage. Mais soudain, face à cette foule éplorée qui, comme elle, accompagnait ses propres défunts, elle se sentit immensément seule. Elle n’avait plus personne avec qui partager sa peine, et cette certitude lui serra violemment la gorge.
Elle se saisit de la torche qu’on lui tendait, le crépitement des flammes se mêlant au son du ressac qui déplaçait le sable par vagues régulières. Un vent léger soufflait, agitant les flammèches sans meancer de les souffler, ce qui rassura quelque peu la jeune Impératrice, même si elle n’était pas encore convertie à la foi d’Esga. Car on disait que si la flamme mourait avant que tous les bûchers soient allumés, le malheur s’abattrait sur les familles de ceux qui n’avaient pas pu partir dans la première vague.
— Nous vous disons aujourd’hui adieu, énonça-t-elle d’une voix claire et forte en se saisissant de la feuille qu’un prêtre d’Esga lui remettait. Ziran, Waili, Otra, Neiremi, Sakko, Nerha, Ehwa, Kyano, Barith, Rdawsa, Lonerik, Malsaral. Puissent vos mânes rejoindre celles de vos ancêtres et veiller sur ceux que vous laissez derrière vous.
Un léger murmure lui répondit :
— Au jardin d’Esga ton âme ne nous oubliera pas.
Elle inclina la tête, dessina une étoile à douze branches de sa main gauche, puis se déplaça lentement jusqu’au bûcher suivant, répéta le prêche du départ, et le refit, encore et encore. À chaque nouveau bûcher, les noms des morts étaient consignés juste avant qu’elle n’arrive, et elle leur disait adieu elle-même.
Jusqu’à ce que, enfin, elle parvienne devant celui de sa mère, le dernier, le plus proche de la ville. Sa voix trembla, un frisson parcourut son âme.
— Je te dis aujourd’hui adieu, Laëtitia Zaor’Vil. Puissent tes mânes rejoindre celles de tes ancêtres et veiller sur ceux que tu laisses derrière toi.
Une tristesse étouffante la submergea, elle serra les dents, se forçant à ne rien laisser paraître. Si sa peine et sa rancœur pour son époux étaient constamment utilisées comme des armes politiques, sa douleur pour sa mère pouvait être retournée contre elle à n’importe quel moment. Malgré les lunes qu’elle avait passées au palais, sa mère était restée aux yeux du peuple la seule, l’unique, Laëtitia Zaor’Vil, l’Impératrice Renégate. Elle avait d’abord épousé Karo, le père de Raven, avant de l’assassiner et de s’enfuir. Et si elle avait été officiellement disculpée du coup d’État qu’elle avait orchestré, les anciens de l’Empire n’oubliaient pas.
Alors, Cassandra s’obligeait à aborder une mine de circonstance, peinée mais guère trop déchirée. Elle demeura plantée en face du brasier tandis qu’il gagnait en ampleur, grignotait progressivement le corps inerte, les flammèches s’attachant aux vêtements avant de commencer à mordre la chair dans une horrible puanteur de chair brûlée que les rameaux de cèdre et de sapin ne parvenaient pas à effacer. Une épaisse fumée avait commencé à s’élever des bûchers, formant des tourbillons noirs de charbon et de cendres, soufflée en hauteur par le vent tiède qui descendait des collines et celui, glacé, qui provenait de la mer.
Dans le pieux silence qui était tombé sur la plage, Cassandra osa un instant tourner la tête. Sur le côté du bûcher, Leith, Mayeri, Esirath et quelques autres se recueillaient devant celle qui avait longtemps été la représentation de l’esprit sauvage et conquérant de Wikandil. Et, peut-être, celle qui avait fait tomber Avalaën, au moins le temps de placer sa fille sur son trône. D’autres, soldats, sorcières et généraux, avaient refusé d’assister à des funérailles aussi ésotériques, croyant fermement que le corps aurait dû être rendu au sol de la forêt-mère. Mais Cassandra avait été intraitable, sachant pertinemment qu’elle était encore loin d’être perçue comme l’Impératrice légitime, et refusant d’accentuer la fracture.
Alors, après une dernière salutation à l’esprit de sa mère, qui devrait seul regagner le chemin de la forêt, elle talonna son cheval, et reprit la route du palais.

Les jours filèrent, se transformèrent en décades, se confondirent dans le magma trouble du temps passé. Cassandra perdit le sens de la réalité, jusqu’au jour où, après une énième soirée avec Esirath, ce dernier suggéra presque innocemment :
— Demain tu pourras ôter tes couleurs de deuil.
Alors seulement, elle réalisa. Cinq lunes étaient passées, une durant laquelle elle avait d’abord prétendu que tout allait bien, que Raven ne tarderait pas à revenir, puis quatre durant lesquelles elle avait porté le deuil figuré de son Empereur et de sa mère. La Cour n’était pas dupe, elle savait qu’il était probablement en train de vivre une vie paisible quelque part dans une campagne perdue où personne ne le connaissait. Il y avait eu deux ou trois signalements de sa présence, qui provenaient chaque fois un peu plus du nord-est du territoire de l’Empire. Le dernier en date disait qu’un homme avec une petite fille correspondant à la description étaient passés au village d’Arkein, tout près de la frontière de Wikandil.
Au combien ces rapports soient véridiques – ou du moins ils prétendaient l’être – Cassandra et Esirath les avaient sciemment laissés filtrer dans le palais. Le messager s’était montré bavard, l’expédition de recherche avait été préparée un peu trop ostensiblement, même si elle n’avait finalement rien trouvé. C’était largement assez pour alimenter les ragots et consolider Cassandra dans sa position de régente. Et elle devait admettre, trois lunes plus tard, qu’elle s’était habituée à ce que Raven ne soit plus là pour prendre les décisions. Ses nuits avec Esirath ne débutaient désormais que rarement dans son lit. Souvent, ils s’asseyaient durant de longues heures en début de soirée, parlaient, organisaient, complotaient parfois.
Ils avaient déjà réussi à rallier par une lointaine supposition de mariage le Duché de Boval, qui depuis quelques étés faisait régulièrement valoir des envies d’indépendance, ils anticipaient une campagne contre Tragr et Kalven, deux petites villes sœurs qui avaient formé un état autocratique depuis des centaines d’années. La lente expansion de l’Empire les menaçait sérieusement, aussi avaient-elles fait appel à la province de Laussa qui les bordait à l’Est. Évidemment, le Royaume d’Helvethras, dont Laussa faisait partie, était trop heureux de pouvoir contrer Avalaën. Il s’était empressé d’envoyer un régiment entier défendre chacune des villes, et la conquête stagnait depuis la prise de pouvoir hostile de Laëtitia, un an plus tôt.
— Effectivement… sourit-elle.
Elle appuya sa tête contre son épaule dans un geste affectueux qui lui venait depuis quelques temps plus naturellement.
— Je pourrai peut-être même oser danser avec toi plus d’une valse…
Il pouffa, mais elle entendit sans mal le bref raté de son cœur dans sa poitrine. Elle laissa ses ongles longs glisser doucement le long de sa joue, sur son torse, et elle n’eut pas de mal à percevoir la soudaine tension de son corps. Son sourire se mua en rictus lorsqu’elle sentit, encore une fois, combien elle pouvait l’influencer simplement. En trois lunes, elle avait appris quels gestes le faisaient frissonner, lesquels lui étaient indifférents. Puisant dans ses souvenirs, elle s’était progressivement recréé une garde-robe qui rappelait, sans pour autant la copier totalement, sa défunte mère. Elle le manipulait, doucement, sournoisement, depuis le début de leur relation secrète. Et Mayeri lui avait concocté un parfum qui induisait un manque presque douloureux, qu’elle mettait toujours un peu avant qu’il vienne.
Elle se servait de lui, et si le secret n’avait pas été nécessaire, elle n’aurait guère eu de honte à l’admettre. Elle savait désormais exactement comment détourner son attention d’une conversation, d’un sujet qu’elle voulait traiter autrement. Elle ne rechignait plus à l’utiliser comme émissaire lorsque c’était nécessaire, comme contrepoint à sa voix dans les réunions où elle avait besoin de se faire entendre. Il n’était rarement aussi efficace que lorsqu’il prétendait la contredire pour finalement se ranger à son avis, et entraîner le conseil à sa suite. Il s’occupait également de l’armée du Royaume, et elle avait fini par se résigner à abandonner l’idée de se créer sa propre force personnelle. L’armée de Laëtitia, en pensant être acquise à Cassandra, obéissait toujours plus à Esirath malgré tout, et l’armée originelle d’Avalaën était un gruyère lorsqu’il s’agissait d’espions et de traîtres. Cassandra n’avait aucune confiance en eux, plutôt à juste titre.
— Nous pourrions peut-être même dîner ensemble un soir…
— Doucement mon cher, tu ne voudrais pas être le terrible opportuniste qui manipule une pauvre jeune veuve solitaire.
Il grimaça, mais sa grimace ne persista pas bien longtemps lorsqu’elle lui effleura la joue du bout du pouce. Elle se coucha sur lui avec la nette certitude qu’elle était en train de le manipuler encore une fois pour obtenir exactement ce qu’elle voulait… et de n’avoir aucun regret en le faisant. Car lui aussi n’était jamais parfaitement transparent avec elle. Parfois, elle lui signait des ordres de mutation des troupes qui n’avaient aucun sens stratégique, mais elle se doutait bien qu’il s’en servait pour écarter des rivaux. Parfois, il suggérait des modifications structurelles dans la hiérarchie du conseil, et elle les appliquait parce qu’elle savait qu’en consolidant son pouvoir à lui, elle pouvait s’assurer de son propre pouvoir à elle.
Ils jonglaient tous les deux sur un fil précaire, s’aidant pour demeurer en équilibre, s’associant
Elle n’avait pas encore osé passer à une manipulation plus directe, à employer des méthodes wiccanes que Mayeri connaissait, mais elle l’avait déjà envisagé plus d’une fois. Pour le moment, elle dansait encore sur une corde raide, incertaine quant à l’idée de voltiger avec plus d’amplitude mais aussi plus de risques. Elle en aimait l’idée, mais craignait encore les conséquences.
— Mais oui, ajouta-t-elle lorsqu’elle vit le léger dépit sur son visage, nous pourrons dîner ensemble un soir.
Elle savait même déjà exactement comment elle comptait s’y prendre pour suggérer à l’ensemble du palais qu’elle avait retrouvé un homme dans sa vie. Mais cela devrait attendre encore un peu.
Cassandra finit par s’endormir en réfléchissant à tous ces plans entrecroisés qui dessinaient une fresque immense, son corps autant emmêlé dans les draps que son esprit dans les intrigues, la chaleur familière du torse d’Esirath contre son dos.

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ACTE II (4/4)
Dernière modification par vampiredelivres le mer. 20 sept., 2023 4:27 pm, modifié 1 fois.
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