Chapitre 3
Mon réveil ne fut pas aussi doux que d'habitude. A peine mes yeux s'étaient-ils ouverts qu'on me demanda de me rendre dans les appartements de la reine, le Conseil m'y attendait. Je ne pris donc pas la peine de me vêtir en bonne et due forme, si le Conseil m'attendait de sitôt cela ne pouvait être que pour m'annoncer une grave nouvelle. Mes dames de compagnie ne savaient rien de ce qui se passait au château, elles m'avaient averti que tout le monde s'agitait partout et que tout le monde semblait paniqué mais elles ne pouvaient m'en dire plus.
A mon arrivée, Dame Laster m'accueillit aussitôt. Elle avait l'air tout aussi paniqué que le reste de la cour.
- Ma chère enfant, il faut que vous gardiez votre calme...
Elle n'eut pas le temps de m'en dire davantage, la Première Ministre fit éruption et me demanda dans la chambre de la reine. Je m'attendais à y voir reposer le corps sans vie de Margaret, un corps froid et figé par la douleur de sa mort mais il n'en était rien. Le lit de la reine était vide.
- Votre Altesse, le lit de Sa Majesté a été retrouvé vide ce matin. Les gardes postés devant la porte ne l'ont point vu sortir et personne à la cour n'a revu la reine depuis que celle-ci est officiellement tombée malade...
- Où voulez-vous en venir Madame la Ministre ? l'interrogeai-je inquiète de sa réponse.
Elle prit une forte inspiration et ferma quelques instants les yeux afin de reprendre ses esprits. Jamais je n'avais vu cette femme perdre son mythique masque de marbre, c'était même d'ailleurs pour sa sagesse et son sang-froid que la reine l'avait nommé Première Ministre du royaume.
- La reine a disparu... Nous l'avons perdu. Personne ne sait où elle se trouve, ni même si elle est en danger ou si l'un de nos ennemis a réussi à la capturer pendant la nuit. Elle est introuvable.
Ma respiration se bloqua pendant un court instant mais assez pour me faire chanceler.
Ma tête me tournait et les mots de la Première Ministre résonnaient en boucle dans ma tête. La reine, ma sœur, avait disparu... Volatilisée, perdue... La reine.
Comment est-ce possible ?
- Hier encore elle...elle était mourante, comment une telle chose a pu se produire sans que personne ne s'en rende compte ? dis-je d'une voix tremblante.
- Nous ne le savons, Votre Majesté, mais la Marquise de Beaulieu a déjà envoyé ses troupes sillonner le royaume...
- « Votre Majesté » ? m'offusquai-je.
- Oui Madame, en l'absence de votre sœur sur le trône vous êtes celle nommée pour prendre sa place. En l'absence de descendance, la reine Margaret a fait de vous son héritière et aujourd'hui vous êtes la seule à pouvoir gouverner.
Pour le coup je dus réellement m'asseoir pour ne pas tomber malgré les mains que m'offrait Dame Cécile pour me soutenir. Mon plus grand cauchemar devenait réalité, on me plaçait à la tête du royaume, on faisait de moi la reine... Tout ce que j'avais toujours redouté arrivait enfin.
Toutes les personnes présentes dans la pièce s'inclinèrent alors devant moi. La peur redoubla d'intensité à l'intérieur de moi et je sentis mes mains et mes jambes trembler.
- Majesté, quels sont vos ordres ? m'interrogea Lady Burton.
Mes ordres ? Que pouvais-je bien ordonner dans une telle situation ? Des recherches, des enquêtes, des espionnes, des rondes, des fouilles... Je ne savais par où commencer. Une phrase de la Première Ministre me revint alors en tête. Elle avait exprimé l'hypothèse que cela pouvait être un coup de l'ennemi. Si tel était le cas, nous nous devions d'agir et vite pour pouvoir riposter au mieux contre notre assaillant.
- Madame la Première Ministre, je veux que chaque domestique soit interrogé, qu'on sache où chacun était et ce qu'il faisait avec une preuve de son activité. Que la Marquise de Beaulieu s'assure également qu'il n'y a pas eu de traitre parmi ses rangs. Quant à moi, je vais de ce pas commencer l'interrogatoire avec les derniers prisonniers arrêtés sur nos terres pour savoir si l'ennemi complote contre nous et si Margaret n'a pas été capturée par ces brutes.
Dame Laster me raccompagna jusqu'à ma chambre pendant que tous les autres se mettaient au travail. Son soutient m'était nécessaire et je voulais m'assurer d'avoir pris les bonnes décisions. Pour la première fois de ma vie tout le monde attendait de moi que je les guide et que je leur dise que faire dans une telle situation or je me retrouvais dans la même impasse qu'eux. Jamais on ne m'avait appris comment devenir reine ni comment savoir quoi faire lorsqu'une reine venait à disparaitre sans laisser de trace.
- Vous avez agi le plus dignement possible, même Margaret n'aurait su faire mieux.
- J'en doute fort, Margaret savait toujours tout, elle n'aurait pas eu besoin de faire des recherches pour savoir où trouver la reine disparue, elle l'aurait su d'elle-même.
- Elle l'aurait su avant même que la personne ne disparaisse.
Je ne pus me retenir de sourire. Dame Laster avait raison, Margaret savait toujours tout avant tout le monde, cela n'aurait même pas été étonnant qu'elle sache des choses avant même qu'elles ne se produisent. Mais alors pourquoi avait-elle disparu ? N'avait-elle pas pu prévoir sa propre disparition ?
Une fois de retour dans mes appartements, les pages de chambre se dépêchèrent de m'habiller et de me coiffer correctement pour que je puisse commencer au plus vite mon interrogatoire. Je ne perdis pas une seconde. Je faisais annuler le petit déjeuné et descendis directement dans les cachots suivis par deux gardes qui avaient l'obligation de m'accompagner, comme l'avait souhaité Margaret. Arrivée devant la cellule de l'homme je constatais avec étonnement que ce dernier était, pour une fois, déjà levé.
- Toutes mes condoléances Madame, m'accueillit-il.
- Pour ? m'étonnai-je.
- Le bruit court que la reine est morte durant la nuit, étant votre sœur je suppose que cela doit fortement vous affecter...
Je ne supportais pas la présence des gardes à mes côtés. La conversation que je menais avec l'homme n'était ni naturelle ni sincère, je ne pourrais pas obtenir d'information de sa part en restant dans ces conditions.
- Gardes, qui vous a donné l'ordre de rester ici ? leur demandai-je.
- La reine, Majesté.
- Et qui est la reine ?
Je vis l'incompréhension se former sur leur visage, le trouble pouvait se lire dans leurs yeux. La reine avait changé et les ordres n'étaient plus les mêmes pourtant Margaret avait « simplement » disparu, elle n'était pas forcément morte, ils ne savaient donc à qui ils devaient obéir. M'écouter ou suivre les ordres de la reine Margaret ? L'homme et la femme se dévisagèrent un long moment sans savoir quoi faire. Je pris les devants pour ne pas perdre plus de temps, la vie de ma sœur était peut-être en jeu après tout.
- Voici les ordres de votre reine, remontez immédiatement à l'étage et continuez les fouilles dans le château. Je veux que chaque pièce soit inspectée minutieusement. Si vous trouvez quoi que ce soit qui puisse nous être utile pour retrouver Margaret je veux en être aussitôt informée. Est-ce clair ?
- Oui, Votre Majesté.
Ils s'inclinèrent puis se dépêchèrent de remonter. Une fois seule avec l'homme je lâchai un long soupire. Je n'avais pas l'habitude de devoir me montrer froide et supérieur avec tout le monde. Devoir donner des ordres, me montrer digne de ma place et consciente de ma place était bien plus compliqué que je ne l'imaginais. Le prisonnier rit doucement en me voyant si tracassée.
- Le relais est dur à prendre ?
- A vrai dire c'est plutôt de devoir gérer cette situation qui est dur car comme vous avez dû le comprendre ma sœur n'est pas morte, elle a... disparu.
- Comment est-ce possible ?
- Eh bien, là est toute la question. Il semblerait que par miracle elle est guérie et se soit volatilisée.
Il me dévisagea pendant quelques instants.
- Tu n'y crois pas.
- En effet. Vous savez qu'on pourrait vous faire tuer pour me manquer de respect ?
- Te manquer de respect ? dit-il avec un faux air d'innocent.
- Je suis devenue reine en l'absence de ma sœur.
Il se leva de sa paillasse et vint s'incliner devant moi de manière très exagérée.
- Veuillez m'excuser Votre Divine Majesté, mes manières de paysan ont eu raison de moi je ne voulais point vous offenser.
Je le regardais en souriant d'exaspération. Les hommes étaient des êtres têtus et méprisables sans nul doute mais celui- là avait quelque chose de particulier, il paraissait si fatigué et si lassé de la vie qu'à première vue il semblait faible et âgé. Mais sous sa barbe et son visage épuisé se cachait un homme d'une trentaine d'années tout au plus et encore plein de ressources dans sa tête.
Mais je ne devais pas m'égarer, ces enfantillages ne m'aideraient pas à savoir où était ma sœur ni à la ramener ici. Je devais en savoir plus sur notre ennemi et vite.
- Ecoutez, je ne suis pas venue ici simplement par recherche de distraction. J'ai besoin de certaines informations et j'espérais...
- Que je pourrais te les fournir. Je pensais avoir été clair pourtant en te disant que cela faisait très longtemps que je n'avais pas mis les pieds dans mon pays, je ne pense pas pouvoir t'aider.
- Mais pourtant vous savez beaucoup de choses, vous devez bien savoir s'il prépare une attaque contre nous.
Son visage avait retrouvé sa lassitude et avait même prit une teinte de noirceur que je ne lui connaissais pas. Il n'avait jamais voulu me dire pour quelle raison exactement il avait dû quitter son royaume et refusait à chaque fois d'aborder ce sujet. Au début j'avais cru qu'il souhaitait simplement cacher la vraie nature de son séjour chez nous pour éventuellement cacher une certaine mission que lui aurait confier son « président » mais maintenant, avec les semaines, j'avais du mal à voir en lui un ennemi potentiellement dangereux au service d'un quelconque gouvernement.
- Je vous en prie ne m'obligez pas à devoir en venir aux menaces, je ne souhaite pas vous faire de mal mais je dois absolument retrouver la reine, elle est mourante et qui sait dans quel état elle doit être en ce moment.
- Elle doit certainement être déjà morte vu comment tu parles d'elle, murmura-t-il.
Je ne pouvais cacher ma déception. Cela faisait des semaines que lui et moi avions l'habitude d'échanger sur un bon nombre de sujets divers et variés et le jour où j'avais le plus besoin de ses précieuses informations il refusait de coopérer. Je ne niais pas le fait que je ressentais un certain respect envers cet homme malgré le fait qu'il nous vienne tout droit du royaume ennemi et qu'il ait été capturé pour vol ainsi que pour non-autorisation de circulation dans notre royaume. Il n'avait jamais rien tenté de mal à notre égard et n'avait jamais manqué de respect ne serait-ce qu'aux gardes. J'étais persuadée qu'avec un peu de temps nous pourrions lui accorder notre confiance et lui permettre de vivre avec nous et peut-être même le faire travailler pour nous. J'avais de grands espoirs quant à ce que nous pourrions faire uni et j'espérais que cette mission pourrait le montrer au reste de la cour.
- Comment vous appelez-vous ? lui demandais-je des semaines après notre première rencontre.
- Henri et vous vous nommez Elizabeth, Princesse Elizabeth... Pardon Reine Elizabeth, sœur cadette de la reine Margaret et première prétendante au trône ainsi que reine en l'absence d'héritière de la part de votre sœur. Ai-je oublié quelque chose ?
- Heu... Non, vous êtes bien renseigné je dois dire que cela m'étonne même. De mon côté je ne sais rien de vous mise à part ce que vous avez accepté de me dire mais je suppose que vous devez avoir une famille qui vous attend quelque part.
- Non. Personne ne m'attend de là où je viens.
- Mais vous ne souhaitez pas retrouver votre liberté ? Ecoutez si vous m'aider à retrouver ma sœur et à en apprendre plus sur les intentions de notre ennemi je peux vous faire libérer et je peux même vous donnez un certain statut, vous ne manquerez de rien et vivrez convenablement pour le restant de votre vie. N'était-ce pas ce que vous étiez venu chercher chez nous ? Eh bien je vous l'offre à cette condition...
- Garde tes titres et tes honneurs, ce n'est pas ce que je cherche.
- Alors que voulez-vous ? Demandez-moi n'importe quoi et je vous l'offrrirai.
- Je souhaite simplement être oublié...
Il avait dit cette dernière phrase en chuchotant comme si elle cachait un bon nombre de sous-entendus que je ne pouvais comprendre. Son passé devait être très douloureux pour souhaiter une telle chose et alors je me rendis compte que cela, je ne pouvais le lui offrir. S'il nous aidait à retrouver la reine il deviendrait célèbre dans notre royaume et il était évident qu'on lui accorderait beaucoup de choses mais certainement pas l'oubli. Jamais le royaume ne voudrait oublier celui qui lui avait rendu sa reine.
Je ne savais que lui répondre ni comment arriver à mes fins, certainement que Margaret aurait su comment gérer une telle requête mais pour ma part il me semblait que cela était impossible. Et puis je ne connaissais même pas l'histoire de cet homme comment pouvais-je alors lui venir en aide ? Et malheureusement je n'avais pas non plus assez de temps pour faire une biographie sur lui.
- Je vous en supplie Henri, j'ai besoin de votre aide. Elle ne peut être partie d'elle-même et je le sens au fond de moi qu'elle est en danger, j'ai réellement besoin de vous.
- Et je ne peux rien pour toi.
A bout de patience je poussai un hurlement de frustration et donnai un coup contre la grille du cachot. Il ne pouvait me rabrouer de la sorte et après tout je commandais ce royaume en l'absence de ma sœur et il était sur mes terres, il me devait obéissance comme chacun de mes sujets.
- C'est un ordre !
- Parce que tu penses avoir ce pouvoir là sur moi ? Je ne suis pas de ce royaume, j'obéis à la loi de mon pays.
Je décidais de partir maintenant avant de perdre plus patience. J'étais écœurée par ce manque d'humanisme, ne voyait-il pas que ma sœur risquait de mourir à tout instant ? Furieuse je remontais prestement les escaliers qui menaient au rez-de-chaussée. Je devais savoir si les recherche à travers le royaume donnait ne serait-ce qu'un début de piste et je devais également convoquer les quatre duchesses qui contrôlaient les terres du royaume. Puisque en effet le royaume était divisé en quatre parties. Le Nord, le Sud, l'Ouest et l'Est. Certes les noms n'étaient pas forcément très originaux mais en instaurant une telle division cela permettait de satisfaire au mieux le peuple. Lors des regroupements annuels les duchesses nous faisaient part des choses qui devaient être changées ou améliorées selon leur territoire et ainsi nous pouvions agir de la meilleure des manières pour le peuple.
Je me rendis dans le cabinet de la reine pour commencer à rédiger des lettres. Je devais faire venir les duchesses au plus vite pour que nous puissions agir aussi rapidement que possible. Dans mes lettres je leur faisais part de la situation actuelle, leur expliquais la disparition de la reine, le début de nos recherches et leur demandais de venir à la cour dès la réception de ce message pour pouvoir préparer un plan d'action. Je les mettais également en garde contre une possible attaque de l'ennemi, non pas pour les inquiéter mais pour qu'elles se tiennent prêtes en cas de déclaration de guerre de la part du royaume voisin. Je fis ensuite venir ma messagère et lui donna l'un de mes chevaux de mon écurie personnelle, l'un des plus rapides, et lui demanda de livrer ces messages au plus vite en lui faisant comprendre que l'avenir du royaume dépendait de la rapidité de livraison. Elle partit aussitôt sans demander son reste.
Je reçus également une lettre de la part de ma cousine qui me faisait part de ses inquiétudes et m'annonçait qu'elle était en chemin pour venir me soutenir dans cette épreuve. La Princesse Marie était la cousine dont nous étions les plus proches ma sœur et moi, cela ne m'étonnait pas d'apprendre qu'elle souhaitait être à mes côtés et comme à chaque fois qu'elle faisait quelque chose pour nous je ne pouvais que l'en remercier.
Durant l'après-midi, je décidais de passer du temps dans la chambre de ma sœur. Peut-être avait-elle laissé un indice quelque part, un message qu'elle aurait pu recevoir, des menaces venant de l'ennemi ou ne serait-ce qu'un morceau de papier qu'elle aurait écrit avant son départ m'expliquant la situation ou du moins m'indiquant une adresse pour la retrouver. Elle qui savait toujours tout devait forcément savoir que quelque chose allait se produire malgré le fait qu'elle soit faible, malade et au bord de la mort. Margaret ne laissait jamais aucun détail lui échapper même mourante, j'étais persuadée que ses espionnes lui avaient annoncé que quelque chose se préparait.
Cela me fit alors réaliser que nous n'avions pas interrogé ses espionnes. Je me tapai le front du plat de la main de ne pas avoir pensé à commencer par cela. Il semblait pourtant que c'était le plus important puisque c'est elles qui connaissaient chaque menace qui pesait sur la reine. J'avais encore beaucoup de choses à apprendre avant de devenir une vraie reine... Pour l'avenir du royaume il valait mieux que ma sœur soit vite retrouvée.
Je me rendis dans les couloirs dans l'espoir d'y croiser quelqu'un du Conseil et je fus pour une fois heureuse de tomber sur la Ministre. Son si dur visage paraissait inquiet aujourd'hui et cela me fit de la peine pour elle car il était vrai que ma sœur et la Ministre étaient de très proches amies en dehors de leurs obligations royales. La disparition de ma sœur devait doublement l'attrister.
- Madame la Ministre, je vous cherchais.
- Que puis-je faire pour vous Majesté ? dit-elle en s'inclinant devant moi.
- Où sont les espionnes de ma sœur ? J'aimerais les interroger pour savoir si elles avaient été mises au courant de quelque chose qui pouvait mettre en danger Margaret.
- Eh bien... Je pensais qu'on vous avait mise au courant mais il semblerait que les espionnes aient également disparu, Madame.
- Que dîtes-vous ?
Alors ça c'était la meilleure. Si on ne me donnait pas toutes les informations comment étais-je censée mener à bien les recherches ? Je soupirai d'exaspération et tentais de garder mon calme. Cela ne devait pas être la faute de la Ministre ni de personne, j'avais pour ma part complètement oublié les espionnes je ne pouvais donc en vouloir au Conseil d'avoir omit de m'informer à leur sujet. Et puis c'était une journée particulière, je devais me montrer tolérante pour ne pas faire paniquer tout le monde et assurer un bon déroulement des choses.
- Veuillez m'excuser Votre Majesté, je vais de ce pas faire en sorte qu'on envoie des troupes à leur recherche également...
- Laissez, cela ne sert à rien. Ce sont des espionnes, si elles souhaitent ne pas être retrouvées nous ne les retrouveront pas même avec nos meilleurs éléments. Restons concentrés sur ma sœur.
- Oui vous avez raison Majesté, je vais prendre des nouvelles auprès de la Marquise de Beaulieu.
- Faîtes les moi parvenir lorsque vous en aurez.
- Bien évidemment, Madame.
Je retournais dans les appartements de ma sœur. Cette journée me paraissait sans fin et plus elle se prolongeait plus je sentais la peur s'agripper à mes tripes. Cela ferait bientôt dix heures que personne n'avait eu de nouvelle de ma sœur et que plus personne ne l'avait vu. Comment une reine pouvait-elle si facilement passer inaperçue ? En fouillant son bureau, je tombai sur une lettre qui retint mon attention. Elle n'était pas écrite de la main de ma sœur. En commençant à lire je compris que je ne pourrais rien en tirer car tout était codé et n'ayant pas la clé je ne pouvais comprendre ce qui y était dit. Mais ce qui me surprit le plus était de constater qu'elle était signée d'un homme.
Ma sœur avait toujours refusé tout mariage et disait attendre de trouver celui qui ferait battre son cœur. Elle souhaitait un mariage d'amour mais pour ma part je pense plutôt qu'elle ne souhaitait pas se marier, elle détestait le royaume voisin et n'avait pas confiance dans les hommes. Tout son entourage était constitué de femmes et elle aimait à dire qu'ainsi elle pouvait avoir confiance en tous ses sujets. Selon elle, les hommes étaient tous mauvais par nature et ne méritaient qu'on ne leur apporte ni confiance ni importance. Tous aussi mauvais les uns que les autres, telle était sa devise. Avait-elle raison ? Je ne le sais mais une chose était sûre, elle n'était pas près d'avoir une héritière pour le trône.
Je fis appel à l'une des expertes de la cour pour tenter de déchiffrer la lettre. Non pas que je sois curieuse de la correspondance de ma sœur mais il était rare qu'on utilise des lettres codées pour cacher une simple petite discussion. Elle prit peur au départ car dans l'esprit de tous Margaret restait notre reine mais pour le bien des recherches elle n'avait pas le choix et puis en ce moment j'étais sa reine et comme tout le royaume elle me devait obéissance.
La soirée se déroula tristement. Aucun divertissement n'accompagna le dîner, toute la cour chuchotait et murmurait des rumeurs toutes aussi grotesques les unes que les autres à propos de la disparition de la reine. J'assistais à leur conversation de loin et lançais des regards noirs à quiconque osait remettre en doute ma sœur. Pour ma part, j'étais certaine que cela ne pouvait être qu'un coup de l'ennemi. Jamais Margaret n'aurait pu d'elle-même disparaître, elle avait toujours été dévouée à son royaume et avait passé sa vie à se battre pour lui.
Je finis par me rendre dans les cachots ne supportant pas l'ambiance du château. Je devais prendre une décision concernant le prisonnier et malgré le fait que je m'étais habituée à sa présence je devais prendre certaine mesure si celui-ci refusait de coopérer.
- Henri, l'appelai-je pour le réveiller.
Il grogna, comme à son habitude mais ne bougea pas de sa paillasse.
- Tu ne respecteras donc jamais mes heures de sommeil ? se plaignit-il.
- Je n'ai que faire de vos plaintes. Je suis venue vous laisser une dernière chance de nous aider. Les informations que vous possédez pourraient nous permettre de retrouver la reine et de la sauver. Mais dans le cas d'un refus de coopération, cela serait traduit comme un acte de rébellion et donc de trahison de votre part.
Il prit enfin la peine de se lever. Ces quelques mots lui avaient fait comprendre que je n'étais pas venue ici en amitié. Je tenais à me montrer ferme et déterminée, je ne voulais pas être abusée par un simple prisonnier et s'il le fallait je mettrais tout en place pour imposer mon pouvoir. Je devais me montrer à la hauteur de mon statut et ce n'était pas un prisonnier qui allait me manquer de respect et remettre mon ordre en doute.
- Je te l'ai déjà dit Elizabeth, je ne peux t'aider.
- Veuillez-vous adresser correctement à votre reine.
Je gardais un visage froid et fermé avec un ton hautin dans la voix. Si je voulais qu'il coopère il devait me craindre. La gentillesse, la patience et l'amitié n'avaient pas d'effet sur lui je me devais donc de passer à l'étape supérieur qu'importe ce que je devrais faire pour parvenir à mes fins.
- A quoi joues-tu ? Je ne crains pas ton autorité, je ne suis pas de chez toi alors tu peux exiger ce que tu veux de moi, je n'ai ni le devoir ni l'obligation de t'écouter.
- Je vous laisse une dernière chance, Henri.
- Sinon quoi ?
- Vous serez exécuté demain en place public. Le peuple raffole des exécutions surtout lorsqu'il s'agit d'ennemi masculin.
Je vis dans son regard quelque chose passer comme de la déception ou bien de la douleur. Il essayait de capter mon regard pour m'amadouer et me faire prendre pitié de son sort. Mais je ne pouvais me permettre d'être généreuse avec quelqu'un comme lui. Certes, il avait un lourd passé et cachait plus de choses que je ne pouvais l'imaginer, il n'empêche qu'il était toujours l'ennemi et qu'il refusait de m'obéir.
- Tu ne le feras pas. Si je suis ici c'est qu'on me considère comme un prisonnier de valeur sinon on m'aurait tout simplement enfermé dans une simple prison en attendant mon exécution. J'ai du mal à croire que tu te débarrasserais de moi maintenant sur un simple coup de tête.
Intérieurement je souhaitais de tout mon cœur qu'il change d'avis et qu'il me livre les informations qu'il avait en sa possession. Cela me faisait de la peine de devoir déjà ordonner l'exécution de quelqu'un surtout quand il s'agissait d'une personne avec qui j'avais longuement échangé durant plusieurs semaines.
- Henri...
Une faiblesse me prit et je me retiens au dernier moment. Je voulais le supplier, lui promettre richesse, respect et tout ce dont il désirait mais je ne devais pas, je ne pouvais pas. Je fermai les yeux et expirai fortement pour garder mon calme et resté majestueuse dans ma décision.
Que la Déesse me vienne en aide, je vais condamner quelqu'un.
Je fis venir les gardes et annonçai le jugement devant eux.
- Pour trahison, espionnage sur nos terres, refus de coopération et irrespect envers votre reine, en vertu des pouvoirs qui me sont conférés et selon la volonté de notre Déesse, je vous condamne à la sentence qui s'applique à toute trahison envers la couronne.
Je pris une pause pour prendre le temps d'observer longuement Henri. Je me devais de retenir son visage, sa personne, celui qu'il était. Je devais me souvenir de celui que j'allais condamner, faire tuer. Je ne voulais pas prendre cette décision sur un coup de vent, cela devait être réfléchie et assurée. Je devais m'en souvenir et pouvoir réfléchir à mon geste sans éprouver de regret ni de honte. Je devais agir parce que telle était la volonté de la Déesse et non pas par simple vengeance.
Je perdis mon regard dans le sien et en retenant du mieux que je le pouvais le tremblement de ma lèvre inférieure, je repris la parole :
- Je vous condamne à mort.
Le visage du prisonnier m'apparut alors différent. Derrière son masque de douleur et de souffrance apparut le vrai Henri. Il ne parut plus aussi vieux qu'il en donnait l'air mais comme l'homme d'à peine trente ans qu'il était réellement. Une vague de peur traversa son regard sans pour autant donner l'impression que cette sentence l'effrayait vraiment. Il paraissait à la fois plus fragile et plus fort qu'il ne l'avait été durant toute sa période dans cette cellule. Il prenait conscience de ce que je venais de lui dire et commençait à faire le vide dans sa tête.
Mais je pus lire autre chose sur son visage, quelque chose que je lisais depuis le premier jour sur cet homme et ce pourquoi j'avais commencé à échanger avec lui. Il y avait toujours ce même mystère et ces mêmes secrets qui restaient en lui et sur lui comme un habit qu'il ne pouvait retirer, comme un masque collé sur lui et qui ne pouvait plus s'enlever. J'eus de la peine pour lui et ressentis pendant une fraction de seconde tout le malheur qu'il portait sur ses épaules depuis plusieurs années maintenant.
Il murmura quelque chose dans sa barbe que je ne pus comprendre puis repartit se coucher dans sa paillasse sans adresser une phrase de plus. Je demandais au garde de faire réunir le Conseil demain à la première heure sachant qu'à une heure aussi tardive je ne pourrais regrouper personne. J'attendis que les gardes aient quitté le couloir pour laisser une petite partie de ma peine s'échapper.
Je posai ma main sur les barreaux puis mon front.
- Vous ne m'avez pas laissé d'autre choix... chuchotai-je plus pour moi-même que pour Henri.
Il ne répondit pas. Qu'aurait-il pu me répondre de toute manière ? Il refusait de nous livrer des informations et était pleinement conscient de sa condition, il devait s'y être préparé, il devait s'attendre à ce qu'un jour une telle condamnation lui tombe dessus. Du moins, je l'espérais.
Je me repris et quittais, non sans un dernier regard pour Henri, son couloir pour remonter dans mes appartements. Au dernier moment j'entendis sa voix résonner dans le fond de sa cellule.
- J'espère que le croire te permets d'alléger ta conscience.
Horrifiée par ses mots je me dépêchais de remonter et regagner mon lit.
Je venais de condamner une personne, je venais de tuer un homme.
La suite...
***
Hello, j'espère que ce nouveau chapitre vous a plu ! N'hésitez pas à me laisser un commentaire, ça m'aiderait énormément !