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Alexander et Malia – Passage secret de la sorcière borgne + Forêt Interdite – 9&10 janvier 2022 et 17 janvier 2022 – Partie 2
Ça ne faisait que quelques jours depuis que tous les élèves de l’école étaient revenus entre les murs de Poudlard. Alexander ne regrettait pas vraiment le silence qui avait régné dans les lieux pendant la brève période où il était resté ici. Dès le lendemain de cette fameuse fête de la nouvelle année, sa mère l’avait renvoyé ici en prétextant qu’elle n’avait pas de temps à lui accorder, qu’il serait une nuisance pour son avancée professionnelle tant désirée et que de toute manière, il avait mieux à faire à Poudlard.
Tout ça ne le surprenait pas de la part de sa mère adoptive.
La raison pour laquelle il accueillait aussi volontiers les bruits discordants de l’école, c’était que ça lui permettait de ne pas réfléchir à la nouvelle qu’on lui avait remise quatre jours plus tôt. Berkeley avait réussi à coincer Lévesque avant que celle-ci réussisse à lui échapper, par un moyen quelconque. Ce n’était toutefois pas l’annonce qui avait détruit absolument tout son univers. Même s’il s’était senti aussi énervé que Berkeley à ce propos.
C’était d’ailleurs cette frustration qui avait camouflé le choc qui avait suivi.
Les quelques jours où Allison Lévesque s’était retrouvée entre les mains d’Elliot, ce dernier avait obtenu les dernières informations dont il avait besoin pour confirmer ses théories, concernant son ascendance à lui, Alexander Parkinson. Et apparemment, il n’était pas plus un Parkinson qu’Allison une Lévesque. À vrai dire, ils avaient même quelque chose en commun : leur nom de famille. Tous deux avaient été, et étaient toujours, des Williams de naissance. Enfants de feux Charles Williams et Marianne Lévesque-Williams.
Il se souvenait encore d’avoir eu un sourire satisfait à l’annonce de la mort de cette dernière.
Il avait eu envie d’arracher les yeux d’Elliot Berkeley et de les lui faire avaler lorsqu’il lui avait appris sans pincette que ses deux parents avaient été tués. Et par la personne même que, lui, Alexander, avait aidée. En toute connaissance de cause. Avec certaines informations en moins, mais le résultat était quand même là. Il se rappelait très bien toutes ces nuits où, pour réussir à s’endormir, il avait imaginé les retrouvailles avec ses parents. Et peut-être avec un frère ou une sœur. Il se l’était imaginé en s’incorporant dans des situations qu’il avait vu se produire avec certaines familles qu’il enviait. Une bourrade avec son père, un échange de sourires tendres et d’accolade tranquille avec sa mère. Des coups sur l’épaule avec sa fratrie. Une joyeuse petite famille, sans ennuis ni histoires.
Sauf que ce ne serait pas pour lui.
Ses parents étaient morts et tout le reste de la famille. Et la sœur qu’il avait… la seule sœur qu’il avait… Il avait tout fait pour qu’elle le déteste. Et inversement. À vrai dire, il la détestait encore. Plus vraiment avec la même hargne aveugle qu’avant, mais maintenant avec un degré plus… intime et une douleur insidieuse. Elle avait eu la chance de passer du temps avec leur mère! Et pas lui! Berkeley lui avait dit que ses parents l’avaient abandonné. Il ne mentionna évidemment pas pourquoi, même s’il sous-entendit que c’était par préférence pour sa sœur. Une chose restait toutefois certaine…
Allison Lévesque était la dernière personne de sa famille d’origine.
Et malgré les sentiments désagréables qu’il avait à son égard, il n’arrivait pas à se défaire de la sensation que Berkeley lui cachait encore des choses. Et de toute manière, la seule façon qu’il pouvait obtenir des réponses concernant la vie de ses parents, c’était d’en parler avec la seule personne susceptible de les avoir connus de près. Donc, sa sœur.
Mais s’il se fiait à leur brève, très brève rencontre, d’il y a quelques jours… il n’arriverait pas à grand-chose avant d’avoir réglé son problème avec ses sentiments confus et contradictoires concernant Lévesque. Elle le détestait, alors lui parler calmement s’avérerait délicat. Tout comme s’il ne se maîtrisait pas. Après tout, il avait bien vu que ce n’était pas le cas, car il avait foudroyé du regard Lévesque avec la même haine habituelle. Il devait donc trouver une solution pour régler le problème portant son prénom et celui concernant l’aversion que lui portait sa sœur.
Toutes ces pensées l’empêchaient de se concentrer.
Mais il y en avait aussi une autre, concernant quelqu’un de complètement différent et qui n’appartenait pas à sa famille. Il se souvenait très bien de la proposition qu’il avait faite à Malia McDonald. Et autant qu’il avait envie d’oublier toute cette histoire… il ressentait encore plus le besoin d’aller jusqu’au bout. D’autant plus que ça lui permettrait de se changer les idées et que ça ne pourrait pas vraiment lui faire de mal pour obtenir la sympathie d’Allison… éventuellement. S’il le lui disait. S’il le faisait.
Mais comment savoir si McDonald serait intéressée de toute manière?
Il poussa un soupir, il n’y avait qu’un seul moyen de le savoir sans attirer l’attention des personnes à risque dans cette école. Il leva donc les yeux sur les différents hiboux et chouettes présents dans la Volière pour les analyser un à un. Lorsqu’il arrêta finalement son choix sur l’un des nombreux oiseaux de l’école, il saisit le bout de parchemin qu’il avait mis dans sa poche, ainsi que la plume et le pot d’encre. Il inscrivit alors rapidement « Si tu es intéressée par ce que je t’ai proposé le 31 décembre, rejoins-moi à 19h00 demain devant la Sorcière Borgne. On pourra en discuter. » Il inscrivit la date actuelle dans le coin du parchemin, puis enroula le message sur lui-même avant de l’attacher à la patte du volatile.
Il restait maintenant à espérer qu’il ne passerait pas des heures à attendre devant l’accès à ce passage secret. Il ne comptait pas y amener McDonald immédiatement, il attendrait de voir comment elle réagissait à toute cette histoire, si elle voulait de son aide et s’il pouvait lui faire confiance avec le secret qu’il n’avait jamais révélé à qui que ce soit : son sanctuaire.
De toute manière, il faudrait déjà que quelqu’un s’intéresse à ce qu’il faisait.
Ce qui n’était pas le cas. Les seules personnes que l’on pourrait considérer comme ses amis ne l’étaient pas vraiment, ils ne faisaient que traîner ensemble parce qu’ils partageaient certaines pensées et certains idéaux… même si depuis quelques jours, Alexander les évitait autant que possible. Il n’avait aucune envie de traîner avec eux. Pas qu’il en avait déjà eu l’envie, mais quand même.
Ils étaient tous des abrutis, il n’y en avait pas un pour rattraper les autres.
L’ironie de la chose, c’était qu’il n’appréciait pas vraiment la solitude, même si ça lui arrivait souvent de se retrouver seul. S’il avait un ami digne de porter ce titre, sans doute que ce dernier lui ferait remarquer qu’il ne pouvait que s’en prendre à lui-même. Après tout, s’il n’était pas arrivé à Poudlard avec dans l’idée d’embêter et de nuire au plus grand nombre de personnes possible… il ne serait sans doute pas aussi seul.
- Alors c’est ici que tu traînes! s’exclama une voix dans son dos.
Une voix particulièrement agaçante et qui ne pouvait qu’appartenir à une seule personne.
Theodore Crabbe.
Un rictus apparaît immédiatement sur ses lèvres alors qu’il se retourne vers son compatriote de Serpentard. Incarnation même de la catégorie de personne qu’il n’a aucune envie de voir. Et bien évidemment, c’est celui-là qui l’a trouvé!
- Qu’est-ce que tu veux, Theo?
- On n’a pas eu l’occasion de reparler, au sujet de Lévesque.
Il se tendit presque aussitôt à la mention de ce nom. De quoi est-ce que Theo parlait? Était-il au courant pour leur lien de parenté? Pour le moment, Elliot n’avait pas l’air d’avoir envie de le divulguer à tout le monde, il appréciait beaucoup trop de lui lancer des pointes discrètes… Mais alors pourquoi Theo voudrait-il lui parler de Lévesque si ce n’était pas pour ça?
- Et qu’est-ce qu’on aurait à en dire? s’enquit-il et la grimace qui prit possession de son visage n’était même pas feinte.
Il n’avait pas particulièrement envie d’en parler, peu importe à quel sujet ça pouvait être.
- Tu sais bien, Alex. On est censé frapper à nouveau, pour la déstabiliser et faciliter les choses…
Instantanément, il se souvint d’avant les vacances de Noël. Ils avaient essayé de discuter d’un plan pour affaiblir Lévesque tandis qu’elle était encore affectée par l’annonce de la disparition de sa mère, et de sa mort. Ils n’avaient pas pu en discuter en profondeur, car à ce moment ils avaient été attaqués par un loup. Et ensuite, ces imbéciles de Potter, Weasley et Malefoy les avaient coincés, les privant de toute opportunité supplémentaire pour en parler.
Et depuis, ils n’étaient pas revenus sur le sujet.
Notamment parce qu’entre-temps, Alexander était retourné chez lui et avait obtenu la réponse à sa question trop longtemps restée dans le néant. Et maintenant qu’il savait ce qu’il en retournait, son besoin d’agacer et énerver Lévesque n’était plus une priorité. En ce moment, tout ce qu’il arrivait à penser c’était comment parvenir à régler son conflit intérieur, ce qui signifiait éventuellement d’en parler avec l’intéressée et donc de trouver un moyen pour le faire. Le problème avec tout ça, c’est qu’il était presque certain qu’Elliot Berkeley le surveillait de près.
Il ne pouvait pas dire ni faire n’importe quoi…
- Je crois que j’ai une idée, lâcha-t-il brusquement sans même arriver à s’en empêcher.
Une solution venait de s’offrir à lui sur un plateau. Le principal problème, c’est qu’il ne devait pas la partager avec l’idiot devant lui, à la base. Sauf qu’apparemment son subconscient avait outrepassé ses droits et maintenant… Ah, mais oui!
- Quelle idée? l’interrogea Theo en fronçant les sourcils, suspicieux.
- On a qu’à enlever Lévesque au cœur même de sa Maison!
- Hein?
- Je n’ai qu’à m’arranger pour subtiliser un ingrédient particulier à un membre de sa Maison ainsi que d’autres ingrédients à notre professeur de Potions. Ce qu’il faut pour faire du polynectar, donc. Ensuite, je m’arrange pour l’entraîner avec moi.
- Et tu comptes t’infiltrer dans leur Maison comment? On ne connait pas le mot de passe!
- Oh, Merlin, Theo! Réfléchis un peu! Il va bientôt y avoir un match de Quidditch de Gryffondor et cet idiot de Potter fera sans doute tout pour qu’il gagne. Et lorsqu’ils gagnent, il organise toujours une fête. C’est l’occasion rêvée!
- Pas bête comme idée.
L’air satisfait de Theo lui donna envie de lui envoyer son poing au visage. Cet imbécile agissait toujours ainsi, le cerveau du groupe pouvait être Alexander, mais il faisait toujours comme si c’était grâce à lui que les idées arrivaient. Ce comportement ne faisait que lui donner des envies particulièrement violentes envers l’intéressé. Il savait pourtant très bien que lorsqu’on en venait aux poings, c’était Theo le plus doué.
Pas étonnant que sa cervelle n’arrivait pas à suivre…
Ni sa baguette, d’ailleurs.
- On commence quand? s’enquit son interlocuteur après un moment de silence.
- Comment ça, « on »?
- Allons, Alex, ne me dit pas que tu as l’intention de faire ça seul!
- Absolument! cracha-t-il d’un ton froid. Ta seule présence risquerait de faire rater la préparation de polynectar. Et tu n’es pas capable de jouer un rôle. Ça serait une question de survie et tu n’y arriverais pas.
En voyant le visage de l’autre Serpentard tourné au rouge foncé, il sut qu’il avait touché un point sensible. Ça n’empêchait pas que c’était la vérité. Il n’avait jamais vu quelqu’un être aussi nul en potion, ce qui rendait le fait qu’il n’ait pas continué ce cours pas très surprenant. Pour lui, il appréciait énormément les cours de Métamorphose et de Potions. Il n’était pas mauvais dans les autres, mais les Sortilèges ou la Défense contre les forces du mal ne l’attiraient pas autant.
- Surveille tes paroles, Parkinson, gronda son présumé ami.
- Sinon quoi? Tu vas aller en parler à ta mère? Ou peut-être à ton petit papa? On sait tous les deux que tu as passé tes cours seulement parce que tu as copié sur mes examens.
L’air ahuri qui s’afficha sur le visage de Theo valait le détour. Ainsi que la rougeur qui s’intensifia. Apparemment, il n’aimait pas les paroles qu’il avait prononcées et il ne croyait pas qu’Alexander avait remarqué, pendant toutes ces années, qu’il copiait chacun de ses examens. Évidemment, l’autre Serpentard n’était pas complètement débile. Pas totalement étant le mot-clé. Il arrivait à utiliser presque à la perfection tous les sortilèges qui pouvaient être utilisés contre quelqu’un.
- Je t’assure, Lévesque va regretter de s’être moqué de nous, Theo. Tu peux compter sur moi.
- Je l’espère, Alex. On sait tous les deux ce qu’Elliot réserve aux traîtres.
La mise en garde lui donna des sueurs froides, mais il se contenta de lever les yeux au ciel, puis de dépasser Theo avant de prendre le chemin menant à la sortie de la Volière pour pouvoir rejoindre le château.
Maintenant, il ne restait plus qu’à espérer que tout se passerait bien…
Autant pour cette histoire avec Malia McDonald que celle avec Lévesque.
Le retour à Poudlard s’était fait comme à l’habitude, sans qu’aucune partie de leur routine habituelle ne soit changée quant à cet évènement. Le fait que Malia se soit fait attaquer par un loup-garou ne changeait aucunement les préparatifs habituels, après tout. C’était à peine s’ils avaient discuté de ce qu’ils feraient pour la première pleine lune, d’ailleurs. Elle n’avait pas osé mentionner l’idée saugrenue d’Alexander Parkinson. De toute manière, elle était convaincue que c’était une mauvaise plaisanterie. Pourquoi l’aiderait-il alors qu’il exécrait tout le monde?
C’était tout simplement du délire!
Malheureusement, alors qu’elle espérait que son retour à Poudlard lui permettrait de retrouver un certain optimisme, elle se retrouva confrontée à toute l’histoire horrible avec Alli. La seule consolation qu’elle avait, c’était de ne pas avoir eu à la voir dans l’état que le décrivait Rose. Simplement s’imaginer les horreurs qu’avait traversées son amie la faisait blêmir. Pourtant, comme à l’habitude, Alli continuait à avancer en souriant.
Mais peut-être pas aussi gaiement qu’avant…
C’était peut-être seulement parce qu’elle-même venait de vivre quelque chose de passablement horrible que Malia avait l’impression que son amie avait perdu une partie de la lumière qui l’habitait auparavant… mais jamais auparavant son instinct ne l’avait trompé. Au moins, sa toute nouvelle relation avec Albus semblait l’aider à surmonter les épreuves qui lui étaient tombées sur les épaules. Elle n’était pas seule.
Pour cette simple raison, elle enviait Allison.
Elle aurait aimé pouvoir en discuter avec quelqu’un, pouvoir se lamenter sur son sort et crier l’injustice de toute cette histoire. Souvent, elle s’imaginait le raconter à ses amies… À Teena, Rose et Alli. Sauf que ce qui lui était arrivé lui semblait tellement bénin en comparaison des horreurs présentes dans la vie d’Allison cette année. Elle savait bien qu’elle ne devait pas se comparer…
Mais elle le faisait quand même.
Dans ces moments-là, elle repensait à sa discussion avec Parkinson et se disait que, techniquement, quelqu’un d’autre que sa famille était au courant à ce propos. Et que peut-être qu’elle ne possédait pas un jugement objectif quant à celui-là, simplement parce que son amie et certaines connaissances avaient été intimidées par lui. Dans ces moments-là, elle s’imaginait lui donner une chance et aller lui parler. Chaque fois, pourtant, son cerveau lui ramenait le sourire moqueur de Parkinson et ses répliques cinglantes. Répliques qu’il n’hésiterait pas à utiliser contre elle.
À nouveau.
Alors elle se retrouvait à tourner en rond et à éviter autant que possible ses amies. Ce n’était pas suffisamment conscient et marqué pour qu’elles le constatent. De toute manière, Teena était toujours à courir les mecs… quant à Rose et Alli, elles semblaient manigancer quelque chose avec Albus. Surement pour la fête à Scorpius qui approchait à grands pas. Ainsi, se retrouver seule et éviter ces mêmes personnes dont elle était si proche… n’était pas très compliqué.
Et ça la rendait triste.
En un sens, elle n’en voulait pas vraiment à Alli ni même à Rose, car ces deux-là formaient un quatuor très serré avec Albus et Scorpius. Elle savait très bien qu’ils étaient tous beaucoup plus proches qu’elle ne l’était avec ses compagnes de dortoir. Par contre, Teena… elle était sa meilleure amie. Sa meilleure amie depuis même avant Poudlard. Leurs parents se connaissaient, du côté sorcier. Alors, depuis qu’elles étaient toutes petites, elles traînaient et faisaient des bêtises ensemble. Comme aller dans des camps d’équitation pendant l’été alors même qu’elles devaient quand même faire leurs devoirs de sorcières.
Mais Teena n’avait rien remarqué de différent!
Elle poussa un soupir en dévisageant son petit-déjeuner. Son appétit n’avait fait que chuter depuis qu’elle était de retour. Elle jeta un coup d’œil du côté de ses amies et croisa le regard d’Alli. Cette dernière lui adressa un grand sourire et elle s’efforça d’afficher le même, ou du moins d’y mettre la même intensité. Son artifice sembla fonctionner, car son amie détourna la tête pour prêter attention à ce que lui disait Albus.
Ils se tenaient côte à côte, les mains enlacées. Comme s’ils n’avaient plus la moindre attention de se lâcher maintenant. Elle n’était pas vraiment surprise par la situation, après tout, comme elle l’avait dit à Allison avant le bal de Noël, elle était au courant pour les sentiments d’Albus depuis un bon moment. Quant à son amie… ses soupçons existaient depuis le début de l’année. Sa réaction face à la brusque disparition d’Albus parmi eux en avait démontré beaucoup, et tout particulièrement celle qu’elle avait eue vis-à-vis de Rebecca Corner.
Elle se retrouva à les envier encore et dut se forcer à détourner le regard.
Ce fut à ce moment précis que les hiboux et les chouettes firent leur apparition dans la Grande Salle à grands cris. Une nouvelle fois, elle soupira. Elle n’attendait aucune lettre de ses parents ni même d’aucun membre de sa famille. Et tous ses amis se trouvaient ici, alors jamais ils ne lui écriraient, sauf peut-être pour plaisanter. Pour le coup, elle accepterait n’importe quoi. Tout élément pouvant lui détourner l’attention de ce qu’elle était devenue… serait le bienvenu.
Elle passa tout près de bondir vers l’arrière et tomber de manière disgracieuse lorsqu’un hibou voleta au-dessus d’elle à quelques reprises avant de se poser les deux pattes dans son assiette. Une grimace s’afficha sur son visage, mais comme elle n’avait pas l’intention de manger de toute manière… Elle saisit rapidement le rouleau de parchemin attaché à la patte de l’oiseau. Apparemment, ce qu’il fallait pour attirer l’attention de ses amies était la réception de courrier, car Teena lui demanda, curieuse :
- C’est de qui?
Elle regarda même pas et affirma :
- Ma mère, sans doute.
Après tout, qui d’autres ça pourrait être?
Elle déroula le parchemin et comprit juste à l’écriture que ce n’était définitivement pas sa mère. La signature lui donna la preuve supplémentaire : Alexander Parkinson. Mais que lui voulait-il donc? Elle rougit assez furieusement en voyant le contenu.
- Qu’est-ce que ça dit? s’enquit sa meilleure amie avec un sourire narquois.
Sans doute parce qu’elle avait rougi comme une idiote. Elle reposa le regard sur le message et ne put s’empêcher de le lire à nouveau.
9 janvier 2022
Si tu es intéressée par ce que je t’ai proposé le 31 décembre, rejoins-moi à 19h00 demain devant la Sorcière Borgne. On pourra en discuter.
Se souvenant brusquement que Teena lui avait posé une question elle répondit distraitement :
- Ma mère veut qu’on se voie à la prochaine sortie à Pré-au-Lard.
Ce n’était pas un mensonge en tant que tel, puisque sa mère avait effectivement exprimé le désir qu’elles se voient pendant la prochaine visite à Pré-au-Lard. Ceci dit, le mensonge résidait dans le fait que le message ne provenait pas de sa mère. Et très loin de là, d’ailleurs. Une chose était sûre, elle était immensément soulagée que Parkinson n’eût pas fait allusion plus spécifiquement à leur sujet de conversation… ni à sa personne, d’ailleurs. Elle ne voulait même pas imaginer la réaction des filles si elles tombaient sur cette lettre en sachant ce qu’elle signifiait exactement.
Dans les circonstances actuelles, le pire qu’elles pourraient s’imaginer, c’était qu’elle avait un rendez-vous galant avec quelqu’un une heure avant le couvre-feu. Ce qui ne risquait pas de diminuer leur intérêt, mais au moins le choc n’existerait pas. Ni la peur qu’elle risquait de leur inspirer si elles devaient être au courant. C’était peut-être la paranoïa qui parlait, mais elle ne supporterait jamais que ses amies aient peur d’elle.
Elle supporterait encore moins de leur faire le moindre mal, d’ailleurs.
Elle devrait peut-être songer à abandonner Poudlard? Pour la sécurité des élèves et plus particulièrement celle de ses amies. Après tout, Alli, entre autres, n’avait certainement pas besoin d’ajouter ce problème supplémentaire à sa liste. Partir… partir serait la meilleure solution. Et ne jamais revenir. Pourtant, son regard se retrouva appelé à nouveau vers le rouleau de parchemin. Elle referma fortement sa main dessus, prenant une décision qui risquait de l’entraîner dans bien des ennuis.
En commençant par ses parents.
Ils allaient vouloir l’étriper de prendre autant de risques, mais une fois que ce serait fait, il n’y aurait pas de marches arrières. Il était toutefois rare que Malia revienne sur ses propres décisions lorsqu’elle les prenait. Et là, elle avait décidé qu’elle irait à la rencontre de Parkinson. Et si elle se fiait à la date figurant sur le message, c’était ce soir même que ça se produirait. Ce soir, elle saurait si toute cette histoire d’aide que lui proposait le sixième année de Serpentard n’était qu’une plaisanterie ou quelque chose de sérieux.
Elle passa le reste de la journée dans l’expectative de ce qui ne s’était pas encore produit. Alors, lorsque le moment arriva enfin, elle se retrouva presque à courir dans les couloirs pour rejoindre le lieu de rendez-vous. La crainte faisait battre son cœur à toute vitesse, lui éclatant les tympans de l’intérieur. Elle tournait tout juste le coin pour arriver près de la Sorcière Borne, qu’elle percuta de plein fouet quelqu’un.
Elle se serait sans doute retrouvée à plat ventre par terre si la personne dans laquelle elle avait foncé ne l’avait pas attrapé par le bras pour les stabiliser, et ainsi les empêcher de se trouver tous deux dans une position embarrassante. En levant les yeux, elle croisa ceux d’un magnifique bleu gris de… Parkinson. Elle se libéra d’un coup sec de sa poigne et de son regard en grommelant :
- Merci.
- Apparemment, ce n’est pas la gratitude qui t’étouffe, hein, McDonald, marmonna Parkinson.
Elle se contenta de le fusiller du regard. Ça commençait vraiment bien! Oh, oui, vraiment! Maintenant, c’était certain, toute cette histoire n’était qu’une ignoble et détestable plaisanterie! Malia se retourna d’un bond et s’apprêtait à s’en aller sans mot dire lorsqu’une main se referma sur son poignet, l’empêchant de faire le moindre pas supplémentaire. Un sifflement lui échappa, mais dès qu’elle se mit face à lui, Parkinson la relâcha en se contentant de dire :
- Je croyais que l’on devait discuter.
- À quoi ça sert! répliqua-t-elle vertement. Tu n’as aucune intention de m’aider, juste de te moquer!
- As-tu eu si souvent raison pour croire que c’est impossible que tes soupçons puérils soient faux?
- Et toi, as-tu déjà appris à fermer ta gueule ou est-ce que tu aimes à ce point le son de ta propre voix?
Il ouvrit la bouche une seconde avant de la refermer. Muet! Il était muet! Elle n’était peut-être pas Alli, mais elle savait boucher le coin à quelqu’un quand il lui prenait envie! Seulement… ça n’arrivait pas souvent. Déjà, parce qu’elle avait souvent de la difficulté à ne pas se mettre à bredouiller. Elle n’était pas vraiment timide, seulement elle n’arrivait pas toujours à énoncer son opinion à voix haute, particulièrement quand elle était en colère.
Sauf que là, elle avait dépassé ce stade.
Malgré tout, en voyant qu’il ne savait toujours pas quoi dire, elle commença à se dandiner d’un pied sur l’autre sans plus arriver à soutenir son regard. Après tout, ce qu’avait dit Parkinson n’était pas complètement dénué de sens. Elle se permettait de juger seulement sur son comportement avec d’autres élèves. Et d’ailleurs, il n’avait jamais fait semblant d’aider quelqu’un pour ensuite se moquer de lui… Non, Parkinson commençait directement en se moquant. Ce qui n’était pas mieux, mais ça rendait son accusation complètement, eh bien, puérile.
Par contre, ce qu’elle avait dit le concernant n’était pas faux non plus.
Malgré tout…
- Désolée, lâcha-t-elle. Je suis juste…
- À cran? proposa-t-il.
Elle jurerait que c’était la première fois qu’elle l’entendait parler avec un timbre normal. Pas de condescendance, pas de moquerie, pas même de geignement. Rien que… Rien qu’une personne discutant avec une autre de manière totalement anodine. Elle acquiesça rapidement à ces propos et il afficha immédiatement un air compréhensif.
- La pleine lune est pour bientôt, alors c’est normal, je dirais… dit-il calmement.
Elle haussa des épaules. Il avait sans doute raison, mais qu’on lui arrache le cœur si elle devait l’avouer à voix haute! Non pas qu’il puisse avoir raison… plutôt que son humeur avait un lien avec la pleine lune. Ça la rendait malade rien que d’y penser… Elle revint à elle complètement lorsque Parkinson se gratta la tête. Il semblait, comment dire? Inquiet? Nerveux? Anxieux? Fébrile? Elle n’arrivait pas à mettre le doigt sur l’émotion qu’il laissait entrevoir avec ses mouvements. Incertain! Voilà! Ce fut avec une voix qui reflétait cette même caractéristique qu’il s’enquit :
- Alors… Euh… Est-ce que tu veux de mon aide?
- Je croyais qu’on était là pour discuter de ce que tu as à proposer?
- Oui, mais… Je veux que tu acceptes avant. Parce que je n’ai pas l’intention de parler ici et je n’ai certainement pas l’intention de t’emmener là où on pourra discuter tranquillement sans savoir que tu veux de mon aide.
Elle l’observa longuement et elle pourrait jurer que l’attention accrue qu’elle lui portait l’avait fait rougir très légèrement. Peut-être n’en avait-il pas l’habitude… Après tout, il devait surtout être habitué à se faire dévisager avec haine et dégoût plutôt qu’avec beaucoup d’interrogation. Au bout d’un moment, un assez long pour que le visage de Parkinson augmente encore de deux tons de rouge, elle hocha de la tête solennellement. Elle ajouta ensuite :
- C’est la meilleure offre que j’ai reçue, alors… j’accepte ton aide.
C’était forcément la pire bêtise de toute sa vie! Pourtant, en voyant un sourire en coin étirer les lèvres de Parkinson, dépourvu de malice pouvait-elle noter, elle n’en était pas aussi certaine. Peut-être… Peut-être qu’en effet, elle l’avait mal jugé. Ou peut-être qu’il était tombé sur la tête pendant les vacances de Noël et que ça lui avait permis d’avoir une illumination sur « Comment une personne devait se comporter en société ».
Dommage que cette sorte d’illumination n’existe pas!
Mais elle croyait profondément dans les nuances de gris. Personne n’était soit noir, soit blanc. Lorsque c’était le cas, on faisait souvent face à des gens déséquilibrés. C’était son opinion en tout cas. Malgré que certains pourraient affirmer le contraire, elle était persuadée qu’Allison frôlait souvent plus le noir que le blanc. Simplement parce que tout ce qui touchait le chaos se rapportait plus au noir qu’au blanc. Et puis, Alli pouvait se montrer violente et très… enfin, Alli, quoi.
Alors pourquoi Parkinson ne serait-il pas un autre personnage particulièrement sombre, mais avec sa touche de gris blanc? Peut-être que tout ce dont il avait besoin, c’était d’une bonne influence dans sa vie. Elle n’irait pas jusqu’à affirmer qu’elle était la meilleure personne pour le faire, mais le peu qu’elle avait vu de l’entourage de Parkinson ne lui donnait pas l’impression que c’était des modèles à suivre.
Que ce soit au niveau moral… ou mental.
Elle ne fut pas surprise lorsque Parkinson enclencha le mécanisme pour le passage secret se trouvant derrière la sorcière borgne. Elle le connaissait. Elle avait suivi Alli dans quelques-unes de ses bêtises et ce passage secret les avait souvent conduits vers ou hors des ennuis, principalement ceux entourant Rusard. Le sixième année ne chercha pas à voir sa réaction, alors elle supposa que ce n’était pas une question de l’impressionner s’ils passaient par-là.
Elle s’attendait sincèrement à continuer tout droit jusqu’à la sortie et elle ne retint un hurlement que de justesse lorsque le jeune homme la saisit par le poignet pour lui faire prendre un virage qu’elle jurerait n’avoir jamais vu! Et qui ne devrait donc pas exister! Ils marchèrent encore un moment en prenant quelques virages supplémentaires, puis dès qu’ils s’arrêtèrent enfin, Parkinson éclaira les lieux. Elle se retrouva ainsi avec les yeux écarquillés et la bouche entrouverte par ce qu’elle voyait.
En ce 17 janvier, Alexander se trouvait étendu sur son lit en proie à un profond dilemme intérieur. Depuis déjà sept jours, six s’il ne comptait pas le premier, il rejoignait Malia à son endroit secret pour la préparer à sa première métamorphose. Il s’y connaissait un peu à ce sujet, alors il lui avait appris tout ce qu’il savait. Le soir même où elle avait accepté son aide, il lui avait donné la potion Tue-Loup qu’il avait concoctée quelques jours avant.
Évidemment, elle ne l’avait bu qu’après qu’ils se soient bien expliqués sur tout ce que cette potion entraînait, et sur ce qu’on son aide à lui, entraînait. Malgré ses nombreuses tentatives pour la convaincre d’accepter qu’il l’accompagne, en tant qu’humain, dans la forêt interdite pour sa métamorphose, ça s’était toujours terminé avec un refus catégorique de Malia.
Mais ce n’était pas comme si elle avait son mot à dire dans l’histoire.
Il savait très bien son niveau en potion et puis il y avait sa botte secrète. Qui n’en était pas vraiment une puisqu’il était déclaré depuis sa première métamorphose… qui s’était déroulée juste avant le début des cours, à la fin du mois d’août. Il ne regrettait absolument pas d’avoir entamé le processus pour devenir un Animagus. Malgré la lenteur et les nombreuses problématiques rencontrées, le résultat en valait vraiment la peine.
Sans compter que grâce à ça, il pourrait suivre Malia sans même qu’elle le sache.
Et donc s’assurer qu’il ne l’ait pas conduite vers un accident d’encore plus d’envergure que celui qu’elle avait déjà eu à supporter. L’unique inconvénient, c’était qu’il mourrait d’envie qu’elle sache que c’était lui qui était là. D’où le dilemme. Que ce ne serait pas un coyote particulièrement bizarre qui se mettrait à la suivre sans raison! Et puis, son ignorance ne risquait-il pas de la pousser à se méfier de l’animal? D’en avoir peur? C’était bien la dernière chose qu’il voulait!
Et il ne savait même pas pourquoi ça l’embêtait autant!
Ni même pourquoi il s’était embarqué dans cette histoire pour commencer! Évidemment, il pourrait se mentir à lui-même et être hypocrite à ce propos, en disant que c’était dans le but d’amadouer Allison Lévesque… après tout, il avait des années à rattraper toutes les merdes qui lui avaient balancé au visage. Sauf que ce n’était pas pour sa sœur tout nouvellement déclaré. N’avait-il pas un plan de toute manière pour gérer sa sœur?
Et puis… sa proposition avait été faite avant qu’il ne sache à ce propos.
Il donnerait n’importe quoi pour oublier ce qu’il s’était produit la veille… Oublier à quel point ça avait été bon de voir Malia rire pour la première fois, rire pour quelque chose qu’il disait, et dans cette optique. Il n’avait toujours pu qu’observer de loin les sourires de la Gryffondor, tout comme ses rires. Mais hier, oh, hier… il était là, à quelques pas. Et malgré qu’il n’avait répondu que par un sourire en coin, ça ne changeait rien au fait que normalement, il n’aurait pas agi. Et il aurait encore moins cherché à obtenir ce genre de réaction de la part de quiconque qu’il… aimait bien. Qu’il aimait vraiment bien.
On avait toujours attendu des choses de lui.
Mais Malia ne semblait pas avoir ce genre d’attentes, même si son regard se faisait parfois craintif quand elle le regardait. Et ça… Oui, ça, ça lui donnait envie de se donner des coups de poing à répétition, voire de se cogner la tête à plusieurs reprises contre un mur. Parce que c’était de sa faute. Sa faute à lui si elle ressentait ce genre d’incertitudes.
Et sa faute à lui si ça le préoccupait.
Il ne devrait pas se préoccuper de ce qu’elle pensait de lui. Il ne devrait pas avoir le ventre noué à la simple idée qu’elle pourrait du jour au lendemain se dire qu’il n’était rien d’autre que ce qu’il avait toujours été. Il n’aurait pas dû se sentir aussi bien en la voyant sourire. Et rire. Ça ne pourrait que mal se terminer de toute façon… Comment pourrait-il en être autrement? Depuis qu’il était petit, il avait appris à détester les Moldus et tous ceux qui y étaient reliés. Les choses pouvaient être légèrement différentes désormais, mais à un moment ou un autre, il déconnerait. Il commettrait une erreur et ce serait fini.
Mali…a était trop… quoi?
Comment la décrire en quelques mots? Si ce n’était qu’elle était tout ce qu’il n’était pas. Douce, gentille, prête à tendre la main à n’importe qui. Tout en sachant quand se défendre et quand garder la bouche close. Pourtant, malgré tout ce qu’il se répétait, il ne pouvait s’empêcher de sentir son rythme cardiaque s’accélérer à chaque fois qu’il la voyait. Ou chaque fois qu’il pensait que peut-être, seulement peut-être ça pourrait marcher. Qu’elle voyait plus loin que ce quiconque avait pu voir.
Sauf que c’était des foutaises.
Toutes ces pensées ne faisaient qu’ajouter du poids à son dilemme. S’il ne la suivait pas ce soir, il respecterait sa demande et ils ne feraient que se voir pour la potion. Elle vivrait seule sa pleine lune et lui pourrait faire en sorte de tout oublier. Du mieux qu’il pouvait en tout cas. Mais s’il la suivait… que ce soit sous l’une ou l’autre forme, il ne respecterait pas la volonté de Malia et celle-ci pourrait lui en vouloir, si elle l’apprenait. Il y avait un moyen que ça ne se produise pas, sauf qu’il ne possédait même pas un gramme de volonté de lui cacher la vérité.
Il n’arrivait même pas à déterminer si c’était parce qu’il voulait l’impressionner.
Ou si c’était seulement pour qu’elle sache qu’elle pourrait ne pas être seule. Le problème, c’était qu’il n’avait pas le temps d’y réfléchir si profondément. Dans moins de trente minutes, il allait devoir se rendre à la Grande Salle pour le repas du soir et à dix-huit heures précisément, il rejoindrait Malia à leur lieu de rendez-vous habituel. Et là, il la conduirait à la forêt interdite avant de faire demi-tour comme elle le désirait.
Si c’était bien ce qu’il décidait de faire…
Il passa l’intégralité du temps qui lui restait et de celui de manger pour essayer de démêler toutes ses pensées et ses sentiments, mais tandis que ses pas le conduisaient à son coin secret, il n’avait toujours aucune réponse. En ce moment, toutefois, tout ce dont il avait envie, c’était de la voir. D’essayer de calmer l’angoisse qui devait avoir pris possession d’elle un peu plus à chaque heure qui passait.
Il avait bien vu que son visage se décomposait un peu plus à chaque nouvelle journée.
Il inspira profondément en écartant toutes ces nouvelles pensées de son esprit et ouvrit le passage secret de la sorcière borgne. Comme il connaissait le chemin par cœur, il ne prit pas la peine de s’éclairer et se rendit à grands pas jusqu’au couloir bien caché qui menait à son repaire. Là, alors qu’il suivait les tournants et revirements du passage il commença à voir une lueur au loin.
Apparemment, Malia était déjà là.
Son cœur se mit à tambouriner dans sa poitrine lorsqu’elle se retourna vers lui et qu’il put constater la sueur qui perlait à son front, ainsi que la pâleur mortelle de sa peau. Il n’y avait vraiment plus aucun doute désormais. Pas qu’il en avait eu à aucun moment, mais là… là c’était indéniable. Et percutant. Il commença à s’approcher en tendant les mains vers elle. Il se trouvait à quelques pas lorsqu’il songea que c’était profondément déplacer de sa part.
Oh et puis tant pis, songea-t-il en franchissant les quelques pas qui restaient.
Il leva un peu la main, juste assez pour frôler le front de Malia. Il lâcha doucement :
- Que dirais-tu de sortir d’ici?
Elle hocha de la tête sans prononcer un mot et sans se dérober à son contact non plus. Il ne chercha pas à en profiter davantage et s’efforça de s’écarter. Elle éteignit sa baguette d’un Nox murmuré tout bas et tendit la main vers lui. Il s’en empara comme il l’avait convenu la veille et il prit les devants, la conduisant dans les ténèbres de ce lieu qu’il connaissait par cœur.
- Tu… J’aurais pu y aller toute seule, affirma-t-elle alors qu’ils étaient en dehors du château.
Ils en avaient discuté des dizaines de fois et il trouvait toujours ça aussi stupide.
- Dans l’état où tu es, il vaut mieux que quelqu’un te guide un minimum. Et puis, ce n’est pas comme si j’ai mieux à faire! rétorqua-t-il.
- Tu n’as pas des amis?
Son ton était plus qu’agressif, sauf qu’il ne s’en étonnait pas. La pleine lune faisait cet effet. Ou sinon, c’était lui. Toutes les réponses étaient plausibles.
- Aucun qui me donne spécialement envie de passer du temps avec.
- Vraiment?
- Oui. Est-ce que tu as des vêtements de rechange comme je te l’ai proposé?
- Oui, acquiesça-t-elle en désignant le sac à sa taille.
- Super.
Après quoi, ils ne prononcèrent plus un seul mot supplémentaire jusqu’au moment où ils arrivèrent à l’orée de la forêt interdite. Ils pénétrèrent de quelques mètres sous ses arbres gigantesques et une fois qu’ils furent certains d’être à l’abri de tous regards, ils s’immobilisèrent. Alexander n’était pas particulièrement certain si c’était l’endroit idéal, mais il y avait des arbres aux branches suffisamment basses pour qu’il puisse s’y rendre et ainsi attacher le sac contenant les vêtements.
- Tu me passes ton sac? lui demanda-t-il, brisant ainsi le silence. Que je puisse l’attacher à une branche.
Elle le lui tendit, mais pas sans jeter un regard méfiant à tous les arbres autour d’elle. Il réprima un sourire et en sortant discrètement sa baguette, il murmura à mi-voix un sortilège qui éloignerait toutes araignées du sac. Ou tout autre insecte, d’ailleurs. Même si les probabilités qu’il y en ait sont très… minimes. En plein mois de janvier. Mais avec la Forêt interdite, on ne pouvait jamais être sûr de rien. Sous les yeux scrutateurs de Malia, il alla attacher le sac à une branche suffisamment haute pour qu’un loup ne l’atteigne pas. Du moins, l’espérait-il, mais comme il avait à moitié grimpé dans l’arbre… Enfin.
- Tu peux t’en aller maintenant, souffla Malia d’un air tendu.
- La lune ne t’affectera pas avant encore une heure. Et tu es vraiment certaine de vouloir rester seule?
- Oui! gronda-t-elle et il vit luire une lueur particulièrement prédatrice dans son regard.
- D’accord. Mais je ne partirai pas avant trois quarts d’heure.
Il fit comme s’il n’avait pas remarqué son air furieux, puis alla s’installer nonchalamment contre un tronc d’arbre. Il faisait froid, mais la température était hautement supportable lorsque nous portions les vêtements adéquats. Éventuellement, Malia allait devoir retirer sa cape bien chaude et ses gants si elle désirait les conserver intacts.
Ainsi que ses autres vêtements d’ailleurs.
Il essaya tant bien que mal de se retirer cette image de l’esprit, mais n’y réussit qu’à moitié. Il secoua la tête et en la voyant le dévisager, il décida de reprendre la parole. Pendant près d’une demi-heure il tenta d’orienter ses pensées vers autre chose, comme les cours, ses B.U.S.E. ou n’importe quoi d’autre. Il ne toucha pas à la case « amis », car il n’avait aucune envie de parler d’Allison. Ou plutôt, il l’aurait souhaité, mais ça paraîtrait très, mais vraiment très étrange.
Quand on repensait à leur histoire passée… et actuelle.
- Il vaut mieux que tu t’en ailles maintenant, murmura-t-elle alors qu’il restait une dizaine de minutes avant qu’elle ne se transforme.
Il hocha tranquillement de la tête. Il n’avait toujours pas pris sa décision, mais peu importe son choix, il devait la laisser seule pour la transformation. Déjà, parce que pour faciliter les choses elle devrait se déshabiller… mais aussi parce qu’il préférait ne pas se transformer lui-même devant elle. S’il choisissait de la rejoindre, il préférait lui dire après. Pas avant. Comme ça, elle ne pourrait pas l’engueuler tout de suite.
- Tout va bien aller, lui promit-il. C’est le coin le plus tranquille de la forêt.
- Et comment tu le sais?
Elle semblait étonnée. Il eut un sourire en coin et répondit :
- Peut-être que je te le dirai demain matin?
Sur ces mots, il fit demi-tour et ne regarda pas une seule fois en arrière. Ses épaules se tendirent de plus en plus à chaque mètre supplémentaire, mais il s’efforça de sortir de la forêt pour laisser la Gryffondor à son intimité. Il s’arrêta à environ dix mètres de l’orée de la forêt et se mit à faire les cent pas. Pesant le pour et le contre inlassablement pendant les minutes qui suivirent.
Pourtant, à la seconde où il entendit les cris de douleur de Mali, il se transforma. Sa baguette tomba au sol alors que ses vêtements se fondaient dans sa nouvelle forme. Il plaqua ses oreilles de coyote vers l’arrière tandis que les cris retentissaient encore plus fortement avec son ouïe très développée. Il tenta de couvrir les sons avec ses pattes, mais rien n’y fit.
Il savait ce qu’il allait faire ce soir…
Mais il savait aussi ce qu’il ferait la prochaine fois. Il connaissait très bien les potions et il se doutait que quelque part dans la bibliothèque devait se trouver ce qui permettrait à Malia de traverser ses transformations sans aucune douleur… ou au moins plus facilement. S’il avait pu passer des heures à chercher un sortilège pour éloigner araignées et insectes en tout genre seulement parce qu’il avait cru entendre que la Gryffondor craignait les araignées, alors il pouvait bien en passer d’autres pour lui éviter de souffrir à toutes les pleines lunes!
Dès que les hurlements de douleur laissèrent leur place à des gémissements et des grondements de loup, il s’élança dans la neige, prenant qu’une seconde pour déposer sa baguette dans un coin relativement sécuritaire. En ce moment, ce n’était pas le plus important.