Le Théâtre du Pouvoir [fantasy-dark fantasy-guerre-intrigue]

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Elersor87

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Le Théâtre du Pouvoir [fantasy-dark fantasy-guerre-intrigue]

Message par Elersor87 »

Le Théâtre du Pouvoir
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Chers amis lecteurs, je poste aujourd'hui les premiers chapitres de mon livre intitulé: Le théâtre du pouvoir.
Chacune de ses pages vont former un ensemble de fantaisie médiéval, d'intrigue, de guerre et de jeu politique.
Je vous préviens donc que ce livre ne sera pas de tout repos. Chaque personnage évolue dans un monde qui lui est propre. Dans des intrigues qui lui sont propres. Ce livre marque le début d'une grande épopée pour ses héros. Une épopée qui les entraînera loin dans les coulisses de la guerre, et finalement apparaît sur la scène d'un théâtre. Celui du pouvoir.
Ne soyez pas surpris par ce que vous allez y trouver.

Bonne lecture à vous.



[img]D:\livre\le théatre des pouvoirs\carte\Grand-Royaume.webp[/img]
[img]C:\Users\utilisateur\Desktop\domaine royal.png[/img]

Sommaire des chapitres:

Chapitre 1 viewtopic.php?p=21827558#p21827558
Chapitre 2 viewtopic.php?p=21828138#p21828138
Chapitre 3 viewtopic.php?p=21828678#p21828678
Chapitre 4 viewtopic.php?p=21829145#p21829145
Chapitre 5 viewtopic.php?p=21829733#p21829733
Chapitre 6 viewtopic.php?p=21830289#p21830289
Chapitre 7 viewtopic.php?p=21830774#p21830774
Chapitre 8 viewtopic.php?p=21831423#p21831423
Chapitre 9 viewtopic.php?p=21831981#p21831981
Chapitre 10 viewtopic.php?p=21833064#p21833064
Chapitre 11 viewtopic.php?p=21833629#p21833629
Chapitre 12 viewtopic.php?p=21834269#p21834269
Chapitre 13 viewtopic.php?p=21834903#p21834903
Chapitre 14 viewtopic.php?p=21835538#p21835538
Chapitre 15 viewtopic.php?p=21836163#p21836163
Chapitre 16 viewtopic.php?p=21837241#p21837241
Chapitre 17 viewtopic.php?p=21838298#p21838298
Partie 1

Victor. I


Sur le fleuve, rien ne laissait présager la guerre. Les navires de marchands naviguaient sur l’Hersœur dans un sens comme dans l’autre. Rien ne pouvait perturber leur commerce. Il en était de même pour les pêcheurs qui n’avaient pas arrêté leur activité. Si Victor n’avait pas su que le royaume était en guerre, il ne l’aurait jamais deviné.

En temps de guerre, les marchands comme les pêcheurs rentraient leurs marchandises et leurs affaires et évitaient de naviguer sur les fleuves qui étaient une cible importante. Si on contrôlait un fleuve, c’était comme contrôler une frontière ou une route, cela donnait un pouvoir immense. Pourtant cela ne s’appliquait pas ici. Les marchands remontaient le fleuve pour aller vers la cité d’or ou le descendaient pour aller vers le port de l’Hersœur. Les pêcheurs eux étaient sortis et avaient commencé leur activité dès le matin. On aurait pu penser qu’ils n’avaient pas été prévenus, mais il n’en était rien. La Troisième étoile, le navire où se trouvait Victor, avait envoyé des oiseaux à la cité d’or, pour les prévenir que la guerre était déclarée. Mais soit le roi n’avait pas pris la peine de les avertir, soit les gens du fleuve n’en avaient tout simplement rien à faire. Mais le plus fou pour Victor, c'était que les deux raisons soient vraies.

Il regarda le fleuve et le soleil qui se refléter sur les quelques vagues. tout était calme. trop calme.

Le roi avait bien reçu leur message. La Troisième étoile avait sus qu’il avait rassemblé une troupe de vingt mille hommes sous les murs de la cité d’or pour faire front à envahisseur. Mais il n’avait pas jugé utile de prévenir ses sujets. Si le roi ne les avait pas prévenus, les marchands avaient pourtant dû voir que la plupart des bannerets des terres de la couronne convergeaient vers la cité d’or. Par cela, il aurait rapidement dû comprendre que la guerre était lancée. Et c’était le cas, le capitaine Herse avait demandé à des matelots de descendre sur la berge pour questionner les pêcheurs. Ces derniers avaient rapidement compris qu’il y avait la guerre, mais il n’avait pas réagi en conséquence.

Victor les comprenait. Il est trop peu probable qu’une armée ennemie arrive à remonter l’Hersœur ou encore à rentrer sur les terres de la couronne et établir un siège devant la cité d’or, pensa-t-il. Aucune armée n’a jusque-là réussi cet exploit.

L’aube approchait et avec elle le petit matin froid. Ce n’est pas normal, pensa Victor. L’été vient de prendre fin et le temps devrait pourtant être encore doux. D’habitude à cette période de l’année, avoir un temps aussi froid était plutôt rare. L’automne froid n’avait pas encore commencé, et pourtant, Victor dut resserrer son manteau sur ses épaules. L'hiver sera froid.

Le capitaine, Yordan Herse, était un homme prudent. Âgé de quarante ans, tout au plus, il avait vu passer bon nombre d’hivers et comptait en voir encore beaucoup. Il avait ordonné que cinq hommes de quart soient réveillés et surveillent les flots en cas d’attaque. Ainsi, un homme avait été placé à la vigie, un sur le gaillard arrière, deux sur le pont principal et un sur le gaillard avant. Victor occupait la place sur le gaillard avant. La porte de la cabine était gardée par sir Radolf de la maison Boisseaux des terres de la couronne dont Victor ne savait pas grand-chose. Sir Radolf avait rejoint l’équipage, il y a moins d'une semaine, il avait embarqué au port de l'Hersœur. Le pont principal était aussi gardé par un chevalier du Marquis Rivière du nom de sir Raymond Florent. Même si ce dernier se donnait de grands airs et se croyait supérieur en tout et pour tout à Victor, il pouvait se révéler être un très bon compagnon de voyage, ayant beaucoup d’humour avec les gens autour de lui. Les dernières places étaient occupées par deux matelots du capitaine Herse: un père et son fils. Le premier était sur le gaillard arrière et crachait quand il voyait Victor. Pour cette raison, Victor ne connaissait pas son nom et ne cherchait pas à le connaître. Le fils ne changeait pas beaucoup du père au détail que Victor savait qu’on l’appelait la Puce.

Sentant du mouvement sur sa gauche, il se retourna et vit sir Raymond Florent. Comme à son habitude, il ne tenait pas en place. Il avait encore abandonné son poste sur le pont pour venir discuter avec Victor. Il savait très bien que Victor ne lui ferait pas de reproche, aussi, il en profitait.

“L’hiver est en avance cette année, dit le chevalier. C'est la première fois qu’il est autant en avance depuis des années, si je me souviens bien. J’espère qu’un hiver prématuré ne signifie pas un hiver froid. sinon, je jure que je repars dans le sud, il y fait bien meilleur.”

Victor lui sourit puis rapporta son attention sur le fleuve. “En théorie, non. Mais il faut s’attendre à tout, surtout en temps de guerre.

- Facile à dire pour toi, tu viens de l’Ardenne.” Il resserra son manteau contre ses épaules et prit une profonde inspiration. “Pourquoi fallait-il que nous allions dans le sud. Ca aurait été tellement plus simple de se préparer un un rude hiver dans le nord. ne lui dites pas, mais le prince est vraiment un crétin. Il ne peut pas dire non à son frère. même si celui-ci l’humiliait. Il reviendrait comme un gentil chien.”

Le prince Louis, que servait Victor, avait reçu, de son frère le Roi, des ordres clairs et simples: négocier avec le Royaume de Mitiléne et éviter la guerre. Il y a quelques mois, le second frère de Louis, le prince Richard, premier conseiller et maître des armées de tout le Grand-Royaume, avait conclu un marché avec le Roi de Mitiléne. Victor ne savait pas pourquoi le prince cherchait à s'allier à Mitiléne, tout étant qu’à la fin des négociations le prince Richard s'était retrouvé fiancé à la sœur du Roi de Mitiléne. Tout aurait pu s’arrêter là. L'alliance conclue entre les deux royaumes aurait alors créé la plus puissante des armées. Peut-être pour attaquer le continent au sud. Mais il y a deux mois, le prince Richard était mort. Beaucoup affirmait alors qu'il avait été assassiné. Mais qu'il soit assassiné ou non, nul n'aurait pu prédire ce qu'il se serait passé ensuite. Sitôt la nouvelle de sa mort lui était parvenue, que le Roi de Mitiléne avait exigé que sa sœur revienne dans son Royaume. Suite à cela le prince Louis avait été nommé pour négocier un arrangement avec les Mitiliens. Mais même si le prince Louis était un très bon négociateur, la guerre avait tout de même été déclarée entre les deux royaumes.

Le bâtiment, la Troisième étoile, n’avait pas perdu son temps. Sitôt, après avoir pris la haute mer, le prince Louis avait envoyé des oiseaux à la cité d’or pour rendre compte de l’échec de sa mission diplomatique. Étant en haute mer, ils n’avaient pas pu recevoir de nouvelle et avaient dû attendre presque un mois avant d’arriver au port de l’Hersœur pour en avoir. À leur arriver Victor, mais aussi tout l’équipage s’était posé la question s'ils avaient reçu leur message. Certes, une flotte défensive s’était rassemblée devant le port pour le défendre, mais c'était tout. La famille des Herses ne pensait pas être en véritable danger. Si une petite flotte était rassemblée devant le port, le marquis du port n’avait pas organisé la défense des remparts. De plus, sa flotte ne se composait que d’une dizaine de galères de guerre, de cinq voiliers, et de sept navires de pêcheurs. Rien qui ne pourrait réellement faire face à la flotte ennemie. Même si en dernier recours une chaîne pouvait être relevée et bloquer l’accès au port, une armée assez nombreuse pourrait prendre les remparts d’assaut et les forces du Marquis Herse n'étaient pas assez pour les repousser. Le prince Louis, que Victor servait depuis maintenant trois ans, avait été scandalisé d’apprendre que ses avertissements n’avaient pas été pris au sérieux. Il avait tenté de parler au Marquis en envoyant Victor, mais ce dernier l’avait renvoyé prétextant refusé de parler à un bâtard. Victor l’avait mal pris.

Certes, les origines de Victor étaient sujet à débat, mais de là à le traiter de bâtard cela faisait beaucoup.

En vérité, même Victor ne savait pas d’où il venait. Aussi loin qu’il se souvienne, il ne se rappelait pas qui était son père. Il avait été élevé dans le Duché de l’Ardenne, à l'ouest de la grande cité de Tombétoile, en tant que chasseur et pisteur en temps de guerre. Il avait passé son enfance là-bas, et été devenu un des archers les plus talentueux du duché. Puis il avait rejoint la cité d’or et était entré au service du prince Louis. Le prince avait treize ans à l’époque et déjà, il était un homme intelligent. Bien qu’il soit un bon bretteur, Louis se passionnait surtout pour les livres et la politique. Il était tout l’opposé de son frère aîné le roi.

Le roi Charles était d’un tempérament colérique et n’aimait pas être remis en question. Il avait toujours raison, sous-estimait ses adversaires et était bon a créé des problèmes. Il l’avait d’ailleurs montré en entrant en guerre, alors même qu’il préparait une autre guerre dans le sud. Il avait d’ailleurs rejeté la faute sur ses conseillers.

Le benjamin des trois frères était feu le prince Richard. Des trois frères, il était sûrement le plus aimé. A à peine vingt-et-un ans, Richard était l’un des meilleurs chevaliers du grand royaume. En plus d’être un excellent bretteur, Richard était l’un des meilleurs stratèges du pays. Et le premier conseiller de son frère le Roi. Beaucoup le disaient meneur d’hommes et bouclier protecteur du Grand-Royaume. Et beaucoup s’accordaient à dire qu’il était fort aimable et d’une nature amicale. Pourtant, Victor ne lui avait jamais parlé, pour une raison simple : il ne s’entendait pas avec Louis qu’il considérait comme faible. Victor n’avait jamais vraiment parlé au frère de Louis. Il aurait bien aimé pourtant, mais désormais cela était impossible. Sa mort, il y a deux mois, était l'élément déclencheur de la guerre.

Mais c'était aussi sa mort qui avait permis à Louis de montrer ses talents au monde. Jusqu'à présent, c'était toujours le prince Richard qui réglait les problèmes. Mais désormais mort, il fallait une nouvelle personne pour assurer la stabilité du royaume. Et si jusqu'à présent le Roi refusait de le voir, Victor savait que la seule personne à pouvoir remplir ce rôle était le prince Louis.

Aujourd’hui Victor était le porte-parole du prince Louis, ainsi que son meilleur ami. Il le servait depuis trois ans, mais depuis longtemps déjà ils étaient meilleurs amis. Où que Louis aille, Victor l'accompagnait C’était d’ailleurs pour cette raison que la Troisième étoile avait repris sa route sans avoir parlé au Marquis Herse. Si le porte-parole de Louis n’était pas respecté, alors Louis ne l’était pas non plus. Jusqu'à présent ils n'avaient pas accompli grand-chose. Le prince Richard s'occupait de toutes les affaires du royaume, et Louis qui n'avait que seize ans, comparé à son frère qui en avait vingt-et-un, n'avait rien à faire de sa vie. À part peut-être étudier la politique et les arts de la chevalerie. Et bien entendu manger mais surtout boire en compagnie de Victor, dans ce domaine ils étaient tous deux très doués. Il y a à peine deux mois, leur quotidien à tous les deux se résumait encore à cela. Mais maintenant que le frère de Louis était mort, c'était à lui de combler le vide laissé par son frère. Et Victor l'accompagnait, comme toujours.

Victor regarda une nouvelle fois le fleuve avant de se retourner et de s'excuser auprès du chevalier. Il descendit du gaillard avant et se dirigea vers la cabine à l’arrière du bateau. Sur le pont principal, il ne vit pas grand monde. C’était l’heure du déjeuner et les hommes devaient partir dans la salle à manger.

Arrivé devant la cabine arrière, il salua sir Radolf Boisseaux qui montait la garde. Ce dernier lui rendit son salut et le laissa rentrer. À l’intérieur, il faisait bien meilleur, bien que l’air avait un goût de renfermer, la cabine préservait bien du froid. Il regarda autour de lui et vit ses compagnons à table avec le capitaine (Louis et son escorte prenaient leur repas séparé de l’équipage.). On avait servi du poisson accompagné par des légumes et du fromage, avec de simples pommes pour le dessert. Si certain, comme sir Errik Carvall, avait déjà fini son assiette, ce n’était pas le cas de Louis qui n’y avait pas touché.

Victor comprenait. Cela faisait presque un mois que la guerre était déclarée et on ne voyait aucun changement dans le paysage, cela inquiétait beaucoup Louis qui en avait en perdu l’appétit. Il devait sûrement penser que ses messages n’aient pas été pris au sérieux par le roi Charles. Si des marchands sur le fleuve ne leur avaient pas dit qu’une armée n’avait pas été rassemblée devant les murs de la cité d’or, il aurait bien pu penser que le roi ne l’avait pas cru.

Louis le remarqua alors et lui fit signe de venir. Il avait revêtu une simple tunique avec à sa ceinture un poignard où sur le pommeau était gravé une étoile d’or. L’étoile d’or sur champs noir était le symbole de la maison royale des Roy. Mais Louis avait créé son blason personnel : trois-étoiles sur champs noir pour symboliser sa place comme troisièmes fils. C’était d’ailleurs pour cette raison que le navire s’appelait la Troisième étoile.

En s'approchant, Victor vit qu’il regardait une carte posée sur la table avec le capitaine Herse. « Selon mes calculs, nous devrions arriver en vue du lac dans une demi-heure et nous accosterons au port dans au maximum une heure et demie.» Le capitaine ne semblait pas avoir remarqué Victor, et avait alors les yeux rivés sur le prince.

«Très bien, répondit Louis. Allez-vous assurer des préparatifs pour l'arrivée et dites à l’équipage qu’il pourra rester en ville jusqu’à notre retour. Même si je pense que nous ne remettrons pas les pieds sur un navire avant longtemps. Alors arrivé à la cité d’or, je veux qu’il puisse se reposer.

- Bien mon prince et merci.» Sur ces mots, il recula et prit congé.

Puis après qu’il fût sorti, Louis s’adressa à Victor : « Je ne pense pas que nous reprendrons la mer avant longtemps. Si le port de l’Hersœur tombe, notre puissance navale ne pourra jamais le reprendre.” Sur ces mots, il invita Victor à s’asseoir et demanda à ce qu’on lui donne une assiette. Cela fait, il continua : « On dit que le royaume de Mitiléne a des balistes avec des épieux enflammés pour embrasser les navires adverses. Eux au moins respectent leur devise : contre vents et tempêtes.»

Il disait vrai, c’était leur devise depuis maintenant vingt ans, depuis la guerre de l’indépendance. Et nul ne pouvait dire qu'ils ne la respectaient pas.

Sur le moment, Victor eut des frissons. Des engins de mort, voilà ce qu'ils avaient inventé. Rien ne pouvait arrêter la flotte de mort. La carapace de cuivre qui protégeait les bâtiments ennemis était recouverte de pique pour empêcher tout abordage. Les ingénieurs de Mitiléne avaient compris que si leurs bâtiments étaient pris par l’ennemie et leurs secrets divulgués, le royaume perdrait alors leur atout le plus précieux. Ainsi, les navires avaient été recouverts de pique sur la carapace en cuivre. De cette manière, en cas de bataille navale, il suffisait aux marins de rabattre la voile et d’avancer grâce aux rames situées sur les flancs du bâtiment. Il avait ainsi une meilleure mobilité sur mer que n’importe quel voilier. De plus, les ingénieurs avaient rajouté des balistes sur tous les côtés du navire, leur permettant alors de tirer des projectiles enflammés de tous les côtés et d’avoir toute chance au cas où un bâtiment viendrait d'être séparé de la flotte et isolé. Ainsi seul, ils étaient plus dangereux qu'à plusieurs. Il était alors impossible de les enflammer, à cause du cuivre qui les recouvrait. Et pour être sûr d’être parfaitement à l’abri, des piques avaient été mises sur le cuivre pour empêcher un quelconque abordage au cas où par miracle pour l’adversaire, un bâtiment arrive à l’approcher. Aucun adversaire n’oserait alors le prendre d’abordage.

Victor savait que s'ils rencontraient un bâtiment de Mitiléne, leurs chances de survie étaient maigres. La Troisième étoile n’aurait aucune chance face à une galère de Mitiléne. Ils pourraient peut-être espérer les distancer, mais il leur faudrait un bon vent. Or, les bons vents étaient plutôt rares sur un fleuve, et les bâtiments de Mitiléne étaient des galères, donc plus rapides dans ces conditions.

Il savait néanmoins que dire cela à Louis ne lui remonterait pas le moral. Il pensa alors à dire que les forces de Mitiléne étaient nulles sur terre, mais sir Errik le devança : « Les mots sont du vent, les actes eux sont bien réel. Si les troupes de Mitiléne débarquent sur le sol du Grand-Royaume, nous les renverrons à la mer de là où ils sont sortis. Si leur puissance maritime n’a plus rien à démontrer, leur puissance terrestre est nulle. Donnez-moi deux cents hommes et je les massacrerai avant même qu’il n’est pu faire le moindre dégât ou pillage.»

Assis à leur table depuis le début de la conversation, il n’avait pas encore parlé. Sir Errik pensait réellement ses paroles. Ses mots avaient été prononcés avec force et assurance. Et il avait raison, le royaume de Mitiléne n’avait jamais été très doué pour les batailles terrestres, et sans nul doute sir Errik pourrait les abattre avec un nombre d’hommes réduit.

Mais ce n’était pas le cas de Louis qui voyait les choses autrement : «Je ne doute pas de votre courage sir. Mais le royaume de Mitiléne a beaucoup d’argent. Et qui a de l’argent peut se payer une armée pour combattre à sa place. Mais surtout, ils ont l’étoile pourpre à leur côté. Et ce n’est en aucun cas un détail a négligé.

L’étoile pourpre se trouve à des centaines de mille au sud à faire des conquêtes pour son empire, dit Victor. Il est peu probable qu’il cherche à attaquer le Grand-Royaume. Non, le roi de Mitiléne nous a menti pour nous impressionner. » Victor remarqua tout de même que Louis ne semblait pas convaincu par ses paroles.

Puis Louis se leva : « Nous arriverons bientôt. Alors finissez de manger et rendez vous présentable pour débarquer. » Sur ce, il sortit de la cabine pour aller sur le pont principal.

Moins d’une heure plus tard, ils étaient en vue de la cité d’or.
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Enoria. II

Enoria était la princesse de Mitiléne. Son frère avait quinze ans de plus qu’elle, et il était le roi du plus grand des royaumes maritimes de toute l’histoire. On le surnommait le kraken vert, en raison du cuivre oxydé qu’il avait mis sur les bateaux de sa flotte. Second roi de Mitiléne, il avait succédé à leur père il y a dix-neuf ans. A à peine dix ans, il dirigeait la plus grande flotte du monde connue et remportait la plus grande victoire navale du siècle. Et pourtant, sa propre sœur était prisonnière de son pire ennemi.

Enoria avait dans un premier temps été promise en mariage au frère du roi du Grand-Royaume. Et si elle s’était réjouie de cette nouvelle, aujourd’hui elle le regrettait. Aujourd’hui son prince était mort et elle était promise à son frère, le pire des monstres.

Enoria savait que la capitale était un nid de vipère. Tout le monde le savait. Mais pour une fille qui n’avait jamais quitté sa péninsule, elle ne désirait qu'une chose : être la reine du plus grand royaume existant. Toute sa jeunesse, elle avait rêvé d’aller à la cité d’or. Mais plus encore, toute sa jeunesse elle avait rêvé de devenir la reine du grand royaume. Elle se rappelait avoir tant prié pour que son frère la propose en mariage au frère roi du grand royaume. Elle ne savait que peu de choses sur le prince Richard, mise à part que tout le monde disait que ce devait être lui le Roi du Grand-Royaume. Quand elle l’avait vu pour la première fois, il avait été la figure emblématique d’un prince charmant. Très bon bretteur et cavalier, excellent jouteur et fin stratège, il était parfait. S’il ne semblait pas ressentir grand-chose pour Enoria, elle savait que cela changerait vite. Tout le monde le lui disait, elle était l’une des plus belles dames de Mitiléne et sûrement de tous les continents connus. Nul ne pouvait l’égaler en beauté, ou du moins c'était ce que ses dames de compagnie lui disaient. Elle s’était alors dit que si le prince ne semblait pas réellement s’intéresser à elle, cela aurait rapidement changé. Et cela avait été le cas, jusqu’à ce que le prince meurt assassiné.

Mort il y a à peine deux mois, Enoria avait pleuré sa mort comme tout le Grand-Royaume. Si le prince ne la considérait pas beaucoup, il était pourtant d’une gentillesse déconcertante. Elle savait que ses premiers jours à la cité d’or ne seraient pas les plus faciles, mais avec le prince Richard à ses côtés cela aurait été simple à supporter. Il était l’homme le plus puissant du Grand-Royaume, presque plus que son frère le Roi. Voilà pourquoi il avait été assassiné. Sans lui le Grand-Royaume perdait son bouclier et son épée, il perdait toute sa défense. Enoria s’était imaginé qu’elle serait renvoyée à Mitiléne. Après la mort de son prince, il n’y avait plus de prétendant digne d’elle. Digne de la princesse du plus puissant empire maritime. Et pourtant elle s’était trompée, il en resté un, le Roi Charles du Grand-Royaume. Dans les débuts, elle s’en était réjouie, mais rapidement elle avait compris qu’une chose clochait.

Le roi Charles l'avait enfermé dans la citadelle Phœnix, ne l’autorisant à sortir qu'une ou deux fois par jour. Le plus souvent, il la faisait sortir de la citadelle Phœnix pour les doléances dans la salle du trône. Le roi la faisait amener dans la salle du trône pour qu’elle puisse observer comment il faisait pour recevoir des doléances. Mais Charles n’était pas d’une nature très généreuse, surtout maintenant que son frère était mort et ne pouvait plus le retenir. Il prenait un malin plaisir à humilier ses bannerets en leur accordant des faveurs, mais en leur demandant des choses ridicules en échange, parfois, il leur demandait des sommes d’argent exorbitant, voire leur ordonne des combats à mort pour son simple divertissement. Tout le monde voyait qu'il était en colère après la mort de son frère, mais surtout qu'il souhaitait faire peur pour avoir l'ascendant de feu son frère. Mais cela était plus difficile qu'il ne le souhaitait.

Elle savait qu’aujourd’hui un tournoi devait se préparer, le Roi avait eu la bonté de la prévenir. Elle devait alors se préparer à la venue de servante qui ferait en sorte de l’habiller pour ses événements.

Il lui restait encore un peu de temps avant que ces dernières n’arrivent et Enoria décida de se déplacer encore un peu dans sa chambre. Le Roi Charles avait été généreux avec elle. Il lui avait donné une chambre assez grande, bien qu’elle soit bien moins au goût que celle qu’elle avait eu en attendant son mariage avec le prince Richard. Il y avait plusieurs coffres pour ranger ses affaires. On retrouvait une salle de bains bien que petite, dans un coin de la pièce avec une fenêtre qui donnait sur la cour toute autour de la citadelle étoilée. Elle possédait aussi un lit et plusieurs autres meubles dont une table, où on lui apportait ses repas quand le roi ne désirait pas manger avec elle. C’était d’ailleurs ce qu’elle préférait, manger seule sans avoir à subir la vue du visage du roi tellement différente de celle de son frère. Le reste de la chambre était décorée avec des tapisseries du Sud et les armoiries des Roy: des étoiles d'or sur fond noir. Elle alla sur le balcon et put observer les jardins de la citadelle d’or. Il était positionné tout autour de cette dernière. Les jardins avaient une forme assez particulière, ils représentaient les constellations dans le ciel. On ne pouvait en aucun cas critiquer la cité d’or pour cela, les Orois avaient un don pour l’art. Les jardins étaient taillés toutes les semaines, on y retrouvait toute sorte d’arbres fruitiers qui représentait des étoiles, mais aussi des haies qui les reliaient entre eux. De cette façon du balcon d’Enoria, l’on pouvait facilement distinguer les constellations du grand royaume. Depuis la création du donjon étoilé, les alentours étaient taillés de façon à représenter le ciel étoilé. On pouvait ainsi apercevoir les constellations, mais aussi des dessins faits avec des haies représentant les figures et héros que l’on voyait dans le ciel.

Les jardins étaient quant à eux dominés par la citadelle étoilée. Elle était le symbole de la puissance des Roy. Cette dernière était construite tout autour de la salle du trône où le roi pouvait recevoir des doléances. Construite en forme d’étoile, la salle du trône possédait cinq portes menant aux cinq villes.

Enoria se demanda en combien de temps la cité avait été construite. Elle savait que la cité avait commencé sa construction il y a un millénaire, mais elle ne savait pas quand elle s’était achevée. D’après la légende, s’était le général Phœnix qui avait bâti les fondations. Les Roy disaient être ses descendants directs, affirmant ainsi que leur lignée était légitime. Mais Enoria savait que cela était peu probable. Si les Roy étaient réellement les descendants directs du général Phœnix, cela voudrait dire que leur dynastie prospère depuis plus de mille ans, pensa-t-elle, or cela est tout bonnement impossible.

Elle regarda encore un moment les jardins puis se retourna quand ses servantes suivie d’un chevalier entrèrent.

Le chevalier était sir Eommund Tigre de Tigreforte. Il portait son armure avec un surcot sur lequel était dessiné les couleurs de sa maison : trois tigres sur fond rouge. Il avait retiré son casque pour s’adresser à Enoria et l’on pouvait voir ses longs cheveux noirs lui descendre jusqu’aux épaules. En plus de son armure et de son surcot, il avait une cape rouge sur les épaules. À sa ceinture, il portait une épée ainsi qu’un poignard. Enoria se demanda s'il serait capable de s’en servir contre elle, sir Eommund avait beau être un chevalier, il était au service du roi qui prenait plaisir à la voir souffrir.

Elle remarqua que ce dernier l'a regardé et vit qu’il avait compris à quoi elle pensait : «Madame, je vous prie de bien vouloir m’excuser, mais le roi vous attend dans les jardins pour que vous assistez au tournoi de cet après-midi. Il désire vous savoir près de lui.

- Vous a-t-il dit si j’avais le choix de venir. Ou veut-il plutôt que vous m’ameniez de force ?

- Il n’a rien dit de telle, mais je crains qu’il ne les ait pensées. » Le son de sa voix s’était adouci en disant ses derniers mots.

Sir Eommund n’avait jamais été méchant avec elle. Généralement, il lui demandait gentiment, ce qui n’était pas le cas de tous les chevaliers du roi. C’était pour cette raison que le roi ne l’envoyait que rarement la chercher, il préférait que Enoria refuse de venir et que ses hommes la traînent de force. Mais certains chevaliers comme sir Eommund refusaient de le faire et de l’amener au roi sans lui faire mal.

Elle s’avança dans la pièce et après avoir demandé à sir Eommund de sortir pour qu’elle puisse se préparer, ses servantes s’activèrent autour d’elle pour l’aider dans sa tâche.

Elle choisit de mettre une robe bleu sombre de cette façon, la poussière engendrée lors du tournoi ne viendrait pas trop la salir. On lui brossa ses cheveux lisses et blond puis on finit de la préparer pour le tournoi. Elle se regarda dans le miroir avant de sortir. Elle ressemblait alors à une dame du grand royaume, mais pas à une dame de Mitiléne ou même du sud, elle en eut honte. Jamais elle ne devait renier ou avoir honte de ses origines.

Elle finit par sortir de sa chambre, moins de vingt minutes après que sir Eommund soit rentré dans sa chambre. Ils descendirent ensemble les escaliers qui menaient aux jardins sans qu'aucun des deux ne dise un mot.

Étrangement, Enoria remarqua que les couloirs et les escaliers étaient vides. Hormis quelques serviteurs qui croisèrent leur chemin, ils ne croisèrent pas une seule personne.

Enoria se dit alors que les courtisans, chevaliers, mais aussi les ministres de Charles devaient déjà être partie au tournoi. Enoria avait appris par l’intermédiaire de servante, que le roi entrerait en lices l'après-midi.

Le tournoi avait été simplement composé d’une mêlée. Les joutes étaient souvent préférables à des fêtes, vues comme un sport noble et en accord avec les principes de la chevalerie. Mais Enoria savait qu’une immense armée s’était massée devant les remparts de la cité pour la guerre contre son royaume. Avec autant d’hommes, il était préférable de faire des mêlées, et ce pour plusieurs raisons. Les mêlées permettaient à tous de s’inscrire (il ne fallait pas forcément être chevalier.), mais aussi, les hommes de troupe préféraient la violence et le chaos d’une mêlée, aux manières de la joute.

Enoria finit par briser le silence avec sir Eommund: «Pensez-vous que le roi va remporter la mêlée ? On le dit des meilleurs bretteurs du pays. »

Sir Eommund la regarda puis tourna de nouveau sa tête vers le bas des escaliers en lui répondant : « Le roi Charles est certes un bon bretteur, mais il est bien meilleur à la joute. Je doute qu’il parvienne à remporter la mêlée. On retrouve d’autre bretteur plus doué que lui. Mais surtout de véritable guerrier.»

Il disait vrai ce dit Enoria. Les exploits du roi étaient connus dans tout le pays. Mais ses exploits comme jouteur et non comme bretteur. Bon nombre d’hommes qui composaient l’armée aux pieds des remparts était bien meilleur que lui. Elle pensait même que sir Eommund pourrait le battre en duel singulier comme en mêlée. Le roi avait beau être un bretteur d’exception, il lui manquait beaucoup de choses pour pouvoir être considéré comme l’un des meilleurs du pays.

Après avoir descendu les escaliers, ils débouchèrent sur une grande pièce circulaire qui servait de halle à la citadelle Phœnix. Sir Eommund la conduisit directement vers l’extérieur de la citadelle. Ils passèrent sous la herse qui barrait l’accès à la citadelle et purent mettre le pied sur la chaussée.

Cette dernière était le seul moyen d’entrer dans la citadelle, hormis les passages secrets qu’Enoria ne connaissait évidemment pas. La herse de la citadelle était positionnée à cinquante pieds du sol. Elle offrait ainsi une protection idéale contre toute attaque, faisant de la citadelle Phœnix une forteresse dans une forteresse.

La chaussée se terminait ainsi dans les jardins de la citadelle étoilée, devant la constellation du Phœnix. Ce dernier représentait un phœnix les ailes déployées. Bien entendu, c'était celle du ciel, et Enoria la trouvait assez peu ressemblante à un phœnix. À vrai dire, elle n’avait jamais réellement réussi à faire le lien entre les étoiles et la figure que l’on leur donnait. Pour Enoria, les constellations ne ressemblaient pas à des animaux, mais à de simples formes. Elle se disait souvent que les hommes qui avaient créé les constellations avaient beaucoup d’imagination, ou qu’il était complètement fou.

Arrivaient en bas de la chaussée, sir Eommund lui fit prendre à leur droite. Enoria vit alors que la plupart des courtisans et des conseillers avaient déjà commencé à quitter la citadelle. Le peu qu’il restait se préparait à sortir. Certains sont montés à cheval quand d'autres prenaient des palanquins.

Le roi quant à lui s’était détaché du groupe dès qu’il avait vu Enoria et sir Eommund. Seulement son grand conseiller l’avait suivi. Messire Erlender Rover avait été nommé grand conseiller après que l’ancien grand conseiller le frère du roi, le prince Richard, soit mort. Bien qu’il ne soit pas aussi bon dans sa tâche de premiers conseillers que ne l’était le prince Richard, messire Erlender avait l’oreille du roi et savait tempérer ses ardeurs. Il serait aussi un excellent conseiller pour le grand royaume en temps de guerre. Pourtant, Enoria le détestait. C’était de sa faute si Enoria avait été arraché à sa maison. S'il avait mieux su contrôler le roi, Enoria n’aurait jamais été enlevé.

Le roi avait enfilé une armure, ce qui confirmait l’hypothèse d’Enoria comme quoi il allait participer à la mêlée. Son armure avait sur son plastron une étoile d’or gravée. L’armure était noire et devait peser au moins, soixante livre, ainsi, elle était certes lourde, mais apportait une véritable protection dans un combat. Et ce ne serait pas de trop dans une mêlée.

Dommage, pensa Enoria, qui aurait été ravie de le voir mourir lors de la mêlée.
Elersor87

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Re: Le Théâtre du Pouvoir [fantasy-dark fantasy-guerre-intrigue]

Message par Elersor87 »

Voila le chapitre 3, si vous y voyez des incohérences, ou si vous voulez simplement donner votre avis, alors n'hésitez pas. ce chapitre est beaucoup plus long que les autres et aussi assez difficile à comprendre en raison des nombreux personnages.


Victor. III


Quand ils débarquèrent enfin dans le port de la cité d’or, Louis fût furieux de ne pas voir des gens pour les accueillir sur le quai, pire ils durent attendre vingt longues minutes pour qu'une escorte d’une dizaine de cavaliers, viennent les escorter. Victor ne l’avait pas vu depuis longtemps énervé de cette manière.

L’escorte envoyée par le Roi était menée par sir Harold Cornoi, un chevalier des terres de la couronne qui avait réussi à être nommé capitaine d’un rempart de la ville du commerce par ses prouesses de joute.

Il s’adressa directement à Louis en arrivant, il leur expliqua alors que si le roi ne leur avait pas envoyé de comité d’accueil, c'était parce qu'une mêlée était en train de se dérouler sur un champ de la ville verte. Mais Louis déclara d’une voix froide: «Une mêlée, vraiment dites-moi surtout qu’il n’a pas voulu se bouger pour venir m’accueillir. Allons bon, voyons quelle surprise il nous a encore réservé.»

L’escorte de sir Harold avait au moins eu le bon sens de leur prendre des chevaux. Sitôt sur l’un d’eux, Louis renvoya l’un des hommes d’armes de sir Harold à la citadelle étoilée pour chercher des serviteurs afin de sortir leurs affaires de la Troisième étoile, et de les ramener à la citadelle étoilée.

Par la suite, sir Harold leur fit traverser un premier mur, pour déboucher sur la cité du commerce. Victor remarqua alors que rien ne pouvait perturber les marchands dans leurs trafics. La situation en ville n’était pas très différente de celle sur le fleuve: personne ne croyait vraiment que la guerre contre Cuivre pourrait remonter jusqu’aux terres de la couronne et à la cité d’or.

Ils franchirent ensuite le mur qui les séparait de la ville verte, et là le changement fût ressenti. On ne pouvait tomber sur une rue ou une place sans voir des soldats. Seulement cette partie de la cité laissait penser qu’une guerre se préparait. Chaque ruelle avait des chevaux, chaque taverne était remplie de soldats ainsi que chaque bordel.

«Combien d’hommes le Roi mon frère a-t-il rassemblé dans la cité, questionna Louis?

- Presque vingt mille, répondit sir Harold. Tous les contes, marquis, barons et chevaliers des terres de la couronne ont répondu à l’appel du roi. On dénombre presque six mille cavaliers lourds, plus de cinq mille hommes d’armes en comptant ceux de la cité, plus de cinq mille archer et deux mille picquiers lourds. Mais des centaines de soldats franchissent les portes de la cité chaque jour. Si les troupes de Mitiléne débarquent sur nos terres, nous aurons de quoi les accueillir.

- Et pourtant cela ne suffira sûrement pas face à un ennemi qui se bat sur mer,» fit remarquer Louis.

Depuis déjà vingt ans, la péninsule de Mitiléne avait vu mystérieusement leur gouverneur mourir et s'était insurgée contre le grand royaume. La péninsule étant un avant-poste important dans les territoires du sud, que se soit au niveau commercial ou militaire, le Grand Royaume était entré en guerre pour le reprendre. Le royaume de Tombétoile, à l’ouest du détroit, avait vu un moyen d’avoir une porte d’entrée sur le Sud. Par la suite, des dizaines de royaumes étaient rentrés en guerre: le grand royaume, le royaume de Tombétoile, réputé pour leur commerce; au sud des mille îles, le royaume de Mitiléne; mais aussi et surtout les contrés du Nord au Nord de l’océan des glaces.

La guerre avait été une défaite et une victoire pour tous. Les seuls véritables gagnants de l’histoire avaient été les contrés du Nord, qui voyant les royaumes du sud s’entre-déchirer, avaient saisi l’occasion. Tous les duchés au sud de l’océan de glaces avaient été pillés et quand la cité de Tombétoile avait envoyé des renforts à leurs vassaux, ils avaient finalement vu leur capital être pillés pour la première fois de son histoire. Par la suite, Tombétoile était trop affaiblie financièrement pour repousser de nouveaux assauts. Et ainsi, le grand royaume avait saisi sa chance et l’avait fait plier, l’intégrant ainsi à son royaume. Pourtant la guerre n’était pas finie pour autant. Et le vent n’avait pas fini de tourner. Suite au sac de Tombétoile, le nouveau royaume de Mitiléne avait mis au point une nouvelle flotte, surnommée par leurs adversaires: la flotte verte (rapport au cuivre oxydé qui formait une carapace pour le navire); ou encore la flotte de mort. On l’avait surnommé ainsi, car si on en croyait la légende, la bataille qui avait eu lieu au large de la baie des étoiles et qui opposait le grand royaume à la nouvelle flotte de cuivre, avait vu être détruit cinquante navires du grand royaume pour zéro de cuivre. Même si les chiffres peuvent être erronés par les chansons, le résultat est là: le royaume de cuivre est désormais indépendant du grand royaume. Et cela avait apporté un rude coup au Grand-Royaume et à la dynastie des Roy, qui avait perdu un avant-poste pour de futures conquêtes du sud.

Alors on pouvait effectivement dire qu'après avoir été humilié alors qu’il était le plus grand royaume au Nord des mille îles, le grand royaume voulait se venger. Pourtant, même si le grand royaume voulait la guerre contre Mitiléne, il lui fallait un prétexte. Et se prétexte que le frère de Louis et donc le roi, leur avait fourni sur un plateau d’argent.

Ils continuèrent leur chemin jusqu’à un parc où plusieurs centaines d'hommes étaient rassemblés. On entendait les fracas des épées et des masses contre les armures. Ils mirent alors pied à terre pour se frayer un chemin dans la foule.

Les hommes criaient tout autour d’eux. Le nom de Charles était souvent prononcé, mais aussi celui de sir Aymar Darcane. Sir Aymar était le commandant de la ville verte, et il était vu comme le meilleur bretteur de la capitale.

Quand ils arrivèrent enfin devant le champ où se dérouler la mêlée, ce dernier touchait à sa fin. Seuls trois hommes étaient encore en lice. Victor reconnue immédiatement le Roi avec une étoile doré sur champs noir à peine visible sur son bouclier, ainsi que des étoiles dorés sur son armure toute noir, maniant une épée bâtarde avec sa main droite. Sir Aymar était aussi reconnaissable avec sa cape noir avec des étoiles, blason des gardes de la ville, il maniait quant à lui deux épée bâtardes et était en prise entre le prince et le dernier chevalier. Ce chevalier, Victor ne le connaissait pas. Il maniait une épée dans sa main droite et une masse dans la gauche et son armure ressemblait presque à des écailles lui rappelant beaucoup les écailles d’un dragon mais faites d’acier. Mais surtout il ne disposait pas de casque, et si ce dernier était tombé, cela ne le dérangeait pas outre-mesure. Soudain Victor comprit. Ce n’était pas un chevalier mais un housecarl du nord au service de la famille Russ.

Sir Aymar ne put tenir tête aux deux hommes qui avait fait alliance. Le housecarl lui décocha un coup de masse à l’arrière du crâne et sir Aymar chuta au sol pour ne pas se relever. Puis le Roi et le housecarl se firent face et la danse commença. Le Roi Charles avait beau être un bretteur d’exception, Victor compris rapidement que le housecarl était meilleur. Si le prince cherchait à lui envoyer un coup, le housecarl ne le paraît pas, laissant l’armure le faire à sa place et en envoyant sa masse sur l’armure du roi. En quelque minute à peine, celle-ci fût cabossée et le Roi à bout de souffle. Le housecarl quant à lui était en pleine forme, ne faisant aucune action inconsidéré et attendant que son adversaire se fatigue. D’un coup le Roi jeta son bouclier au sol et lança avec sa main droite et ses dernières forces une attaque sur le flanc droit du housecarl. L’attaque était désespéré et maladroite, mais pourrait donner au Roi du temps pour reprendre son souffle. Mais le housecarl avait une autre idée derrière la tête. Il para l’attaque, et plutôt que d’envoyer sa masse contre le frère de Louis, il la lâcha attrapa le poignet armé de son adversaire pour le tirer vers le haut en même temps que son épée appuyait contre celle du Roi. Ce dernier n’eut pas le choix et lâcha son arme. Entre-temps, l’épée du housecarl s’était positionnée contre la gorge de son adversaire à une vitesse surprenante. Le Roi se mit à genoux et implora grâce.

La mêlée était finie.

Les hommes tout autour de Victor et son groupe acclamaient le vainqueur en criant son nom: «Arrik, Arrik, Arrik!»

Plusieurs écuyers vinrent pour aider le Roi à se relever et à retirer son armure. Avec les coups que celle-ci avait pris cela ne fût pas une mince affaire, et ils mirent plusieurs minutes à retirer les restes cabossés de son plastron et de son casque.
Quand cela fût fait, le Roi Charles s’avança vers le housecarl. Il demanda le silence, puis lui adressa la parole: «Sir Arrik je n’ai jamais vu de chevalier se battre tel que vous. Pour tout dire je n’ai jamais vu d’homme se battre de cette façon, et mettre à bat un bretteur telle que Sir Aymar.» Il désigna sir Aymar que l’on relevait et que l’on transportait à la forge. Son armure étant trop cabossé, ses écuyers devraient la retirer avec l’aide d’un forgeron.

Le housecarl mit un genou à terre et lui répondit: «Sire, j’chuis un Housecarl du Nord. J’porte point l’titre de ch’valier.

- Alors laissez-moi vous adouber pour cet exploit. Et aussi vous offrir une place au sein de ma maison. J’ai besoin d’hommes tels que vous pour combattre l’étoile pourpre et ses salauds de pirates.»

Les hommes autour de Louis murmuraient. Son frère venait de faire l’un des plus grands honneurs que l’on ne puisse faire à un simple soldat. Mais surtout jamais un housecarl du Nord, jugé trop barbare voire trop proche des clans du Nord, n’avait eu s’y grand honneur. Aussi la réponse du housecarl étonna plus d’une personne: «Sir, j’suis d’jà au service d’la famille des Russ, quel homme j’cherait si je rompais mon serment pour vous servir.d’plus, j’commande plus de deu’cents hommes venue du Nord pour vou’servir, ‘peux pas les aband’ner. ‘si, j’chuis un hous’carl et je désire point être un ch’valier, qu’importe les privilèges que c’l’implique.» Le Roi parut déconcertait et sur le point de se mettre en colère quand un homme apparut derrière lui. Habillé en vert avec une lune qui paraissait griffée cousue sur sa tunique, et âgée d’une trentaine d’année, Victor reconnut le nouveau premier conseiller du roi, nommé suite à la mort du prince Richard : messire Erlender Rover. À sa gauche venait une jeune femme du même âge que Victor, voire plus jeune et d’une grande beauté.

Le roi n’était pas marié et s’il l’avait été, Victor et ses compagnons auraient été informés sur le chemin de l’Hersœur. Quant à la femme de messire Rover, il l’avait déjà vue et elle était loin d’être aussi jolie et jeune que celle-ci, et il n’avait pas de fille. Puis il comprit.

La fille n’était pas la femme du roi, mais sa fiancée: lady Enoria Holl. C'était la sœur du roi de Mitiléne, prisonnière de la famille des Roy, celle qui aurait dû se marier avec le frère de Louis, le prince Richard.

Messire Rover posa sa main sur l’épaule du roi et déclara: «Sire, quel homme serait-il, s' il abandonnait ses hommes et son bataillon. Son aide, contre Mitiléne et ces traître du Sud, nous sera plus utile en commandant les forces du Nord» Bien que en colère et non convaincu, le Roi dégagea le bras de messire Rover d’un revers de main, puis hocha la tête avant de repartir vers l’armurier sans prêter attention à sa fiancée.

La foule commença alors à se dissiper, quand messire Rover remarqua Louis et son groupe. «Prince Louis, on ne vous attendez pas de sitôt. Comment s’est déroulé votre voyage.»

Louis afficha alors un sourire pour répondre au mondanité: "Il s’est plutôt bien déroulé dans l’ensemble. Les vents étaient favorables et la mer peu houleuse.» Puis il se tourna vers Enoria Holl pour la saluer: «Je salue madame. Je suis navré de vous l’apprendre, mais les négociations avec votre frère n’ont malheureusement pas abouti et nos deux royaumes sont désormais en guerre l’un contre l’autre. Acceptez aussi mes condoléances pour votre fiancée, mon frère le prince Richard»

La princesse Enoria n’afficha au départ aucune expression avant de finalement répondre presque sur un ton de mépris: «Je vous remercie mon seigneur de ces informations, mais je puis vous dire que j’en avais déjà connaissance. Le Roi Charles a eu la bonté de me les apprendre. Aussi, sachez que désormais je suis fiancé au Roi, mais cela vous devez déjà le savoir, étant donné que c’est la raison de la guerre. » Victor remarqua tout de même que la princesse avait hésité sur ses deux dernières phrases et il se dit que Louis avait aussi dû le voir.

Le comte Rover regarda la petite troupe qui suivait Louis et déclara: «Voilà une bien modeste troupe pour assurer votre escorte, prince.» Il regarda Victor ainsi que Nuit et ajouta: «Et bien étrange qui plus est. Je ne savais pas que vous vous faisiez accompagner par bâtard ainsi que de fannars du Sud.»

Le sourire de Louis disparu. Il était prêt à se mettre en colère, mais se ravisa. Au lieu de cela il se tourna vers Victor et Nuit pour les présenter: «Voici Nuit de Sombre-Astre, qui est, comme vous venez si justement de le dire, un fannar des terres du Sud. Quant à Victor, vous le connaissez déjà je crois, alors tâchez de retenir que ce n’est pas un bâtard.»

En vérité, cela ne gêne plus Victor d’être traité de bâtard. Chaque seigneur qu’il rencontrait le lui faisait remarquer, aussi il avait appris à les ignorer. Voire parfois de s’en servir comme d’une arme. Aussi, désormais cela ne le gêne plus, par contre pour Louis, s’était comme si on l’insultait lui, et il ne supportait pas cela. N’oubliant jamais de le faire remarquer au seigneur qui se moquait de Victor, comme il l’avait fait avec le comte de l’Hersœur.

Le premier conseiller hocha. Puis après avoir dit au prince de le retrouver à la salle du trône de la citadelle étoilée, se tourna regagner la citadelle entraînant alors la princesse de Mitilène avec lui.

Après qui les ait perdus de vue, Louis ordonna qu’ils remontent sur les chevaux et qu’ils rejoignent la citadelle. Ils refirent alors le chemin dans l’autre sens pour retrouver leurs montures.

Sur le chemin, Louis chuchota à l’oreille de Nuit, jusqu’à ce que ce dernier hoche la tête et se sépare alors du groupe pour retourner sur le champ où avait eu lieu la mêlée. Une fois à cheval et sur le chemin de la citadelle, Victor vint le questionner sur le sujet. Et le prince se contenta de répondre: «Les troupes de Mitiléne vont bientôt débarquer sur nos rivages. Et j’ai besoin d’hommes loyaux sous mes ordres. De plus d’hommes qui savent se battre et qui m’obéissent. Je souhaite avoir une armée privée indépendante de celle de Charles. Voilà ce que va me chercher Nuit.»

Certes Louis n’avait pas d’armée privée, mais il était prince du grand royaume, il était le frère du roi. S’il avait vraiment voulu de troupe pour assurer sa sécurité, il aurait demandé plus de chevaliers et d’hommes d’armes à son frère. Ce dernier lui en aurait certainement accordé, surtout si c'était pour sa protection. Mais Louis avait tout de même précisé qu’il souhaitait une armée indépendante de celle du Roi. Des hommes accordés par son frère ne lui auraient jamais vraiment appartenu, pensa Victor. Il n’aurait alors jamais pus leur faire confiance. Alors que des hommes qu’il aurait trouvés lui-même, lui seraient certainement plus loyaux.

Arrivé à la porte de la citadelle après avoir traversé la ville verte, les gardes les laissèrent passer, après avoir salué le prince. Ils pénétrèrent alors dans la citadelle d’or.

Bien que cela ne soit pas la première fois que Victor y pénètre, la vue de l'intérieur de la citadelle lui coupait toujours le souffle.
La citadelle d’or n’avait rien à voir avec toutes les autres cités du grand royaume. Sa splendeur n’avait d’égal que sa puissance. Symbole de la puissance du grand royaume, on disait qu’une centaine d'architectes du monde entier, avait construit la citadelle sur presque six générations. Que se soit les jardins en forme de constellations, les cinq petites forteresses entre les portes d’accès ou la citadelle étoilée faite d’une centaine de styles d’architectures différente, ils coupaient le souffle à Victor.

La citadelle étoilée portait très bien son nom. De toutes les parties de la cité d’or, c’était elle que Victor trouvait la plus belle. Elle devait représenter la puissance de la cité d’or et elle remplissait ce rôle à merveille. La citadelle renfermait la salle du trône où le roi recevait les doléances mais s’était aussi là-bas que se trouvait les cuisines, les écuries, les salles du conseil, celles des cartes, ou encore les cellules. Elle portait le nom de citadelle étoilée car cinq grand flèches dominaient la citadelle, avec à leurs bouts une étoile faite en or massif. Pourtant cela n’était pas la seule raison de son nom. On l’appelait aussi citadelle aux étoiles car sur ses vitraux étaient dessinés des étoiles. Chaque vitraux possédait une étoile mais affichait aussi une étape de l’histoire de la cité. On retrouvait également des étoiles dessinées sur les murs, avec aussi une grande frise chronologique relatant tous les événements importants que la cité d’or et son peuple avait vécus. Si certaines étaient effacées pour quelques raisons, des artistes étaient appelés pour les refaire à l’identique. De cette façon, la cité d’or n’oublierait jamais son histoire. Si la citadelle avait subi des assauts ou même des incendies, les rois avaient toujours fait refaire les dessins sur les murs. La citadelle étoilée était plus qu’un symbole de la puissance du grand royaume, elle était l’histoire du grand royaume.

Victor et son groupe traversèrent alors les jardins faits en constellations de la citadelle d’or.

Là aussi la puissance de la cité d’or y était démontrée. Fait sur le plan des constellations dans le ciel. On y retrouvait une grande variété de plantes et d'arbres ainsi que de sculptures faites avec les buissons.

Ils durent contourner la constellation du cheval de la lumière pour accéder au chemin menant à la citadelle. Ils passèrent ensuite entre celle du phœnix et celle de l’oiseau des lacs. Finalement ils passèrent à gauche de la constellation de l’Éternel pour faire enfin face aux portes de la citadelle.

Ils rentrèrent alors à l'intérieur pour finalement découvrir que la foule de seigneur des terres de la couronne ainsi que les courtisans du roi les avaient devancé. Heureusement le fait d’être le frère du roi accordait au prince Louis, ainsi qu’à ses compagnons, permettait de passer devant tous ces seigneur et courtisans. Ils s’installèrent alors vers l’avant de l’assemblé à gauche de la file qui venait demander les doléances.

La salle qu’en à elle était bondée. En plus des personnes venues pour les doléances, on y retrouvait tous les courtisans du Roi ainsi que les seigneurs et chevaliers importants venues rejoindre l’armée royale. On y retrouvait ainsi les comtes et marquis les plus importants des terres de la couronne. Le comte Ewine de la maison Worll avait quitté son fief de Worrl dans les montagnes pour venir. On retrouvait aussi les comtes Pargarennt et Glone, les deux grands défenseurs de la côte au Nord du golf aux joyaux; mais aussi les comtes Standfford Argenté et Ulfrid Artagnac dont les familles se vouaient une haine éternel. Ainsi que les comtes Carvall, Boisseaux ou Néoforme toute de grande famille des terres de la couronne. Le comte Carval se démarquer par rapport au autre notament avec sa corpulence, il était l’un des hommes les plus gros que Victor n’est jamais vu, et étant un seigneur. Pourtant Victor nota qu’il n’y avait que des comtes des terres de la couronne. Il ne voyait nulle part un comte ou un duc des autres duchés du royaume. Et cela étonna quelque peu. Si le Roi avait convoqué toutes ses armées, il aurait dû normalement voir des ducs voir des comtes des autres duchés du grand royaume. Mais aucuns n’était présent dans la salle du trône, seulement les seigneurs des terres de la couronne.

Chacun avait rejoint l’armée royale, pour se battre contre l'ennemi commun, mais aussi pour profiter de la guerre pour diverses raisons. Si certains venaient réellement pour défendre le grand royaume, la plupart venait surtout pour leur gloire ou les richesses de la victoire.

Le Roi fît finalement son entrée dans la salle du trône par une porte se situant vers l’arrière de la salle. L’assemblé entier s’agenouilla ainsi que Louis et son groupe, dont Victor. Il remarqua que la princesse de Mitiléne n’accompagnait pas le Roi. Il la chercha du regard, avant de découvrir que celle-ci était sur une estrade sur le côté de la salle à gauche du trône.

La salle était immense. Pendant longtemps Victor l’avait étudié avec Louis, et ils savaient tout sur elle. Elle pouvait contenir plus de deux mille personnes. Elle mesurait presque cent quarante pieds de longueur, soixante-dix de largeur et vingt de hauteur. On y retrouvait les bannières de chaque Duché du grand royaume accrochées aux plafonds. Sur les côtés à sept pieds du sol, se trouvait un balcon où se posaient des gardes avec arcs ou arbalètes. La salle avait près de six portes: une grande qui se situait au Sud; quatre portes plus petites situées sur les côtés; et une dernière toute petite, à la gauche du trône. Quatre piliers, grand en hauteur mais petit en largeur, permettait de soutenir la voûte de verre au-dessus de la salle. Les murs étaient faits assez simplement, rien n’avait été gravé dessus. Et le tout était éclairé par la lumière du soleil. En effet, on retrouvait quatre immenses vitraux, en plus du plafond de verre, chacun représentant une religion importante dans le monde. Un était pour les quatre dieux, que priait Louis; un pour les étoiles priées par les navigateurs ou les clans du Nord; un pour les sept apocalypses; et un pour l’Éternel, le grand mur à l’Ouest.

Le trône du grand royaume en lui-même était assez particulier. Victor avait vu de nombreux trônes dans sa vie, celui du royaume de Mitiléne était à la fois fait en bois et en cuivre. Celui de l’ancien royaume de Tombétoile était fait à partir de perle ramassé sur la baie d’étoile au nord de la cité. Mais celui de la famille de Louis faisait ressortir l’histoire de son royaume et de ses dynasties. Le trône était intégralement composé de pierre blanche, le matériau le plus solide au monde, plus solide encore que l’acier Fannar. Selon les légendes, on en retrouvait qu’à l’Ouest des montagnes de cuivre, sur les terres des sept peuples. La pierre blanche leur aurait été prise comme butin de guerre par le général Phœnix lors de la grande guerre. De plus sur chaque face du trône était sculpté la tête des rois de chaque dynastie depuis la création du trône sur une surface de moins d’un pouce. Si on ne discernait plus les rois en haut du trône, on pouvait très bien voir celle des derniers rois de la dynastie qui n’avait pas encore été touchés par l’usure du temps. Victor se surprit alors à penser que la tête de Louis y serait gravée.

Le Roi Charles ordonna alors à l’assemblée de se relever avant de monter s’asseoir sur le trône qui se situait à six pieds du sol. De cette hauteur, il dominait toute l’assemblée. Il ordonna que les doléances commencent.

Les hommes venaient pour tout. Certains hommes étaient des marchands, commerçants ou aubergistes qui venaient pour se plaindre de l’armée stationnée devant la cité, dont les hommes semaient la pagaille dans la ville. Plusieurs demandèrent alors un remboursement pour les pertes qu’il avait subis. Le Roi écouta pour la plupart leurs plaintes mais cela ne l'intéressa pas vraiment. Il accepta de rembourser la moitié des dégâts que ses hommes avaient commis mais ne fît rien pour arranger le problème. Pire, quand un aubergiste vint se plaindre d’un chevalier qui avait poignardé un homme dans son auberge, il répondit que le chevalier devait avoir une bonne raison pour cela et que ce serait l’aubergiste qui serait puni pour ne pas avoir su faire régner l’ordre. Il décréta que l’aubergiste ne serait pas remboursé mais que la prochaine fois il aurait le droit d'arrêter les soldats, il précisa seul et sans la garde. D'autres personnes venaient pour des règlements de compte. Deux chevaliers venaient pour savoir lequel des deux avait raison dans une dispute d’un champ. Le Roi décida finalement qu’aucun des deux n’en serait digne et s’appropria la terre en dépit des protestations de chevaliers.

Finalement quand les doléances furent enfin finies, Louis se leva de son siège et alla se présenter devant le trône du Roi. Ce dernier le regarda puis demanda: «Et bien Louis. Tu as aussi une doléance à me demander. Je tiens à te rappeler que tu es un prince, tu n’as donc pas réellement besoin de venir me voir devant le trône. À moins que tu te considères désormais comme une simple gens du peuple.» Suite à ses paroles la salle entière fût prise d’un petit rire. Même le roi se moquait de son frère, du haut de son trône. Le visage du prince, lui, restait de marbre. Sans que son visage ne trahisse ses émotions, Louis regarda le Roi droit dans les yeux et présenta sa requête: «Sire, je reviens du royaume de Mitiléne, où mes propositions de paix avec le Kraken vert n’ont malheureusement pas aboutie.» Le kraken vert était l’un des noms que l’ont donné au Roi de Mitiléne. Notamment en raison de ses prouesses guerrières mais aussi du cuivre oxydé qui recouvrait la coque de ses navires.

«Je te remercie cher frère, mais je sais lire, répondit le roi avec un sourire narquois. Nous avons reçu ta lettre, nous informant de la situation. Je vois d’ailleurs que contre les attentes de tous, tu n’es pas si douée que cela en politique.»

Encore une fois la salle fût prise d’un rire. Tous des moutons, pensa-t-Victor. Il s’attendait à recevoir des moqueries de la part des gens du Roi. Ceux-là, ne cherchaient qu’à s’attirer les bonnes faveurs du Roi en riant à ses blagues ou aux moqueries qu’il infligeait à ses conseillers et sa famille. Mais le pire était que la plupart d’entre eux ne faisaient pas semblant de se moquer, la plupart était tout simplement comme cela. Ils ne se rendaient même pas compte des idioties qu’il faisait.

Après que les ricanements se soient enfin tût, Louis reprit enfin la parole, tout en gardant une expression et une voix de marbre: «En effet, je n’ai pas réussi à avoir la paix avec Mitilène. Mais même avec le meilleur des diplomates, les négociations n’aurait pus aboutir.» D’un coup, le visage de Louis le trahit et il afficha de la colère envers son frère. «Sire, votre frère et premier conseiller est mort. Et vous, votre premier réactions et de choisir un nouveau mari pour la sœur du Kraken vert. Vous avez quasiment enlevé la sœur de l’homme avec la plus puissante armée maritimes de toutes les mers connues. Et de plus vous vous fiancez avec elle. Comment dans ces conditions, aurions-nous pu négocier la paix!

- Enoria Holl a été promise au Grand-Royaume. Donc si notre frère ne pouvait plus l’épouser, je pouvais très bien choisir pour elle. Je n’ai fait que prendre ce qui m’appartenait. »

Victor regarda sur l’estrade à la gauche du trône et regarda la princesse. Le visage de ce dernier trahissait la peur. Elle avait peur d’être impliquée dans la dispute du Roi et de son frère. Elle avait peur dans le pire des cas d’être humiliée devant toute la cour de la cité d’or.

Le Roi se leva d’un coup de son siège et reprit: «J’ai assemblé plus de vingt-mille soldats pour défendre les terres de la couronne. Vingt-mille soldats sont devant les portes de la cité et attendent mes ordres pour partir à la guerre. Que les troupes du kraken vert débarquent sur nos côtes et je les renverrais à la mer d’où ils sont sortis. S’ils débarquent dans les terres de la couronnes ou dans le grand royaume, j’anéantirais leurs armées et mettrait fin à la lignée des Holl en tuant le kraken vert.» Ses paroles furent suivies des acclamations de la foule ainsi que les cris de guerre des soldats présents. Certains criaient «Charles» ou «Roy» quand d’autre criaient «Mort au Kraken».

Louis dût attendre que les cris cesse pour enfin reprendre la parole: «Les armées du kreken vert n’en ont rien à faire de tes vingt-mille hommes. La puissance de leur royaume n’est pas terrestre mais naval. Or nous ne pourrons jamais rivaliser dans ce domaine.»

Victor vit alors le Roi se rasseoir. Et commençait à se laisser distraire par le monde autours lui. Les paroles de Louis ne l’intéressaient plus. Le Roi Charles n’aimait pas être contredis, mais si quelqu’un le faisait, il commençait alors à ne plus l’écouter ne répondant qu’en donnant des réponses simples et stupide. Ainsi il lui répondit, sur un ton las: «Dans ce cas-là nous n’avons rien à craindre d’un ennemi qui ne nous attaque que là où nous ne sommes pas. Et dans le pire des cas où leur flottes seraient trop dérangeante, nous possédons toujours un otage: la princesse Enoria de Mitiléne.» Le Roi fît un signe de la main vers la princesse Enoria. Celle-ci baissa la tête à la mention de son nom. Victor la plaignit, en aucun cas il n’aurait aimé être à sa place. Promise en mariage à son ennemie après avoir vu son ancien fiancé mourir, et prisonnière de ce dernier, il savait qu’il n’aimerait pas cela. Surtout avec un homme comme le Roi.

Le Roi allait continuer pour renvoyer son frère ou lui dire de se taire, mais ce dernier le devança: «Certes tu as un otage. Certes l’armée du kraken vert est maritime. Mais le royaume de Mitiléne est riche et peut se payer de très bon et fort allié, même dans le grand royaume. Si la guerre est longue nous ne pourrons pas tenir très longtemps, mais eux pourront. Quant à ton otage, ils auront vite fait de le libérer par divers moyens.

- Quels moyens, cria le roi. Le grand royaume est le plus vaste des royaumes existant, et le plus fort des royaumes existant. Quelle puissance pourrait nous défier. Notre père a soumis Tombétoile il y a vingt ans, et c’était les seuls à pouvoir défier notre autorité.

- C’est toi qui a déclenché cette guerre!» Plusieurs gardes du Roi s’avancèrent alors pour le faire taire, mais d’un signe de main le Roi les stoppa. «Nous avions besoin de la flotte du kraken vert pour affaiblir le Sud, mais en te finançant la sœur du Roi alors que nous étions en pourparlers, tu as détruit toute nos chances de l’avoir en allier. Et si tu veux savoir quelle alliée le kraken vert a trouvé sache que se n’ait ni plus ni moins que...» Louis hésita, puis termina sa phrase: «...l’étoile pourpre.»

D’un coup la salle entière se mit à murmurer, à s'agiter et à comprendre la situation. Partout dans le grand royaume, le nom de l’étoile pourpre était craint. Tous avaient entendu parler de ses exploits dans le Sud ainsi que de ses conquêtes. Là où personne n’avait réussi, lui l’avait fait et en seulement quatre ans. Il avait conquis les terres du Sud. Si on l’appelait l’étoile pourpre, c'était en raison de son blason, mais aussi de sa réputation de guerrier.

En effet, sur son blason était peint l’étoile de la famille royale des Rois du grand royaume. Mais plutôt que d’être doré comme celle des Roy, elle était rouge sang. Beaucoup disaient que c'était parce qu’il était le frère bâtard du roi et avec changer les couleurs comme le voulait la tradition. Mais si telle avait été le cas, les couleurs aurait été inversé, pour donnait étoile noir sur champ doré. Pourtant la sienne était rouge sang sur champ noir. L’autre raison était qu’il s’était fait une réputation sanglante dans le sud. On disait qu’il avait égorgé les vaincus d’une ville dans le sud et avait anéantie la lignée de plusieurs grandes familles. Aussi, en plus d’être son blason personnel, tout le monde l’appelait l’étoile pourpre.

Le Roi se leva bouillonnant de rage et regarda son frère du haut de son trône, avant de prendre la parole: «Le bâtard Auguste se trouve dans le Sud à mener des conquêtes pour sa gloire personnelle. Il se trouve à dix mille lieux d’ici. Et jamais il ne remontra au Nord. Jamais il ne rentrera dans le grand royaume. Et jamais il ne s’alliera avec la flotte du kraken vert. »

Si désormais tout le monde l'appelait l’étoile pourpre, le Roi Charles persistait à l’appeler par son vrai nom: Auguste. Il détestait son demi-frère. Étant un bâtard soit un enfant illégitime de leur père, Auguste avait grandi à la cour de la cité d’or ne s’entendant qu’avec le prince Richard. Mais pourtant si le frère du Roi aimait bien son demi-frère, ce n’était pas le cas du Roi qui le voyait comme une tache sur l’honneur de sa famille. Parler de lui à la cour en présence du Roi était plus que dangereux.

Louis, pourtant, ne s’en soucier que peu: «Le kraken vert me l’a pourtant dit. Les troupes de l’étoile pourpre se sont jointes à ses forces et ensemble ils peuvent nous battre sur n’importe quel terrain. Que ce soit sur mer ou sur terre, ils ont désormais l’avantage.

- Que Auguste débarque sur nos rivages et je l'accueillerai comme il se doit. Je le renverrais à la mer, lui et tous les soldats de Mitiléne, du Sud ou tout autre traître à la couronne!

- Il se dit que dans le Sud, on le surnomme le prince des batailles, en raison du fait qu’il n’en est presque jamais perdue.» Louis marqua une pause et repris. «Auguste est le plus grand stratège du siècle et sûrement le plus grand des mille dernières années. S' il débarque sur nos rivages, ce n’est pas nous qui le renverrons à la mer, mais lui qui anéantira nos armées, détruira nos châteaux et mettra à bas nos maisons.

- La ferme, cette fois si le Roi hurla dans toute la salle. Louis, du fait que tu sois mon frère, j’accepte d’oublier ces paroles qui ne sont que trahison. Mais je ne tolérais pas que tu insultes encore le Grand-Royaume en parlant du bâtard Auguste. Rien ne prouve qu’il ait rejoint les troupes du kraken vert, et rien ne prouve que le kraken vert ait alors la moindre chance face au Grand-Royaume. Je t'ai envoyé pour établir une paix avec le royaume de Mitiléne. Ils l’ont refusé. Ainsi ce sera la guerre.» Le Roi reprit son souffle puis continua: «J’ai envoyé des messages par le biais d’oiseaux à Tombétoile. Bientôt sa flotte arrivera au port de l’Hersœur. Nous y ferons débarquer nos hommes, et partirons pour la péninsule de Mitiléne. Cela fait vingt ans que la péninsule est indépendante, cela va changer. Bientôt le monde entier verra la puissance du grand royaume.»

Le Roi mit alors fin à la doléance. Il s’apprêtait alors à descendre du trône quand un homme affolé entra dans la pièce. Victor le reconnue aussitôt, s’était le fils du marquis Rivers un certain Edouarde Rivers. De toute la famille du marquis, il était le dernier de la fratrie. On l’avait envoyé devenir chevalier en servant dans la garde de la ville. Mais quand il rentra dans la salle du trône, Victor pu lire la peur sur son visage.

Le jeune chevalier, qui devait avoir tout au plus seize ans, s’avança jusqu’au trône où s’était rassit le Roi. Arrivé à la hauteur de Louis, il mit un genou à terre et salua le Roi, il releva alors la tête et déclara d’une voix affolée: «Sire, le conte du château Ergernt vient de nous envoyer un message. Son château ainsi que le duché de Fort-Rivers a été attaqué par une armée affichant la bannière étoile rouge sur champs noir. Le château a été pris par les troupes de l’étoile pourpre.» Il hésita puis termina: «Le bâtard Auguste est dans Le Grand-Royaume.»
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Alenna. IV


Alenna avait débarqué dans la baie Tornac avec l’armée de l’étoile pourpre. C’était sa première campagne militaire et elle espérait que cela ne soit pas la dernière.

En quelque jour, l’armée de l’étoile pourpre, forte de six mille cinq cent hommes, avait débarqué dans la baie dans la baie de Tornac. Et avait parcouru plus de quatre vingt mille depuis la côte.

L’armée avait rencontré plusieurs forteresses sur son chemin, mais pas une seule n’avait été attaquée. Jusqu’à la forteresse d’Ergernt.

Si les premiers jours de la campagne avaient été principalement de la marche à pied ou dans des chariots, leur première véritable journée de pause était en train de se produire.

Alenna avait installé sa tente dans la section du camp réservé au Fannar. Le camp avait été installé au Sud de la forteresse.
De là où elle était, Alenna pouvait voir les têtes accrochées au porte du château. Elles n'avaient pas encore commencé à décomposer. Certaines avaient les orbites vides, les oiseaux s’étaient occupés de les vidés. Dans quelques jours la chaire commencera à tomber et les têtes ne ressembleraient plus à rien. Mais pour l’instant, les têtes n’étaient là que depuis le matin.
Cela faisait presque quatre jours que l’armée avançait sans savoir les plans de leur général, l’étoile pourpre. Quand ils avaient atteint la Forteresse l'Ergernt à presque quatre vingt treize milles des côtes. Il avait choisi de passer à l’action sans révéler les plans de la campagne. Il avait immédiatement choisi ses meilleurs hommes pour monter à l’assaut des remparts.

Au plus profond de la nuit une cinquantaine des meilleurs grimpeurs de l’armée avait escaladé les mur en silence, avait tué les gardes sur les remparts et avait ouvert les portes au reste de l’armée. L’armée n’avait pas attendu et elle était rentrée dans la brèche.

La garnison de Ergent forte d’une centaine d’hommes, n’avait rien pu faire et s’était rendue. Au total aucune perte n’était à déplorer chez l’étoile pourpre. Quant à la garnison de l'Ergernt, sauf les hommes de garde sur les remparts, on comptait seulement deux pertes. La première était un chevalier qui avait tenté de faire barrage aux hommes de l’étoile pourpre qui rentraient dans le château. Il n’avait pas eu le temps de se rendre compte qu' aucun de ses hommes d’armes ne le suivait, qu’il avait été piétiné par les chevaux de l'avant-garde. Le second était un serviteur qui avait juste eu le temps d'envoyer un message à la cité d’or pour les prévenir de la chute du château. Il avait été pourfendu par les épées des hommes d’armes de l’étoile pourpre.
On avait planté leur tête sur des piques, avec celle des hommes morts sur les remparts, en signe d’avertissement devant la porte du château.

Alenna se détourna du spectacle que offraient les têtes, et regarda le camp de l’armée de l’étoile pourpre. Elle n’était pas très grosse pour une campagne militaire contre le grand royaume. À peine six mille cinq cent hommes. Mais pourtant les hommes avaient été choisis et triés sur le volé pour participer à la campagne.

On comptait presque deux mille fantassins. La plupart était en armure lourde. Bien que beaucoup d’entre eux soient du désert, des grandes plaines du sud ou encore (bien qu’en très petit nombre) de Lémociens, elle était composée d’hommes du grand royaume qui avaient suivi l’étoile pourpre au tout début de son épopée dans sa conquête du Sud.

Ensuite venait le principal corps de l’armé: la cavalerie. On comptait presque deux milles cavaliers lourds. Presque tous étaient des vétérans qui avaient été avec l’étoile pourpre là aussi dès le début. Sans sa cavalerie, l’étoile pourpre n’aurait jamais gagné autant de bataille. Pourtant seulement deux cents d’entre eux étaient des chevaliers. Le reste était composé d’hommes d’armes qui le servaient. Et un petit nombre seulement représentait les forces du sud avec trois cents cavaliers des steppes. De plus, un millier d’archers servait de soutien aux deux autres corps. La dessus, seulement trois cents était composé d’arbalétrier vétérans le l’étoile pourpre, le reste venait de partout dans les terres du sud et était majoritairement des archers. On y retrouvé des hommes du désert, beaucoup de Lémoviciens, mais aussi des Sidoniens ou des Saragnars, ainsi qu’une cinquantaine de guerriers Fannars.
Le tout était complété par l’armée d’élite de l’étoile pourpre: la garde pourpre. Ils n’étaient que cinq cent, mais étaient la garde personnelle de l’étoile pourpre. S’était la force la plus importante de l’armée, le fer de lance de l’étoile pourpre. Chacun de ces hommes avaient un cheval, mais pouvaient aussi bien se battre à pied qu'à cheval et étaient le corps le plus polyvalent de toute l’armée.

Alenna faisait partie du corps d’armée des archers. Bien qu'en vérité elle ne soit pas une archer mais une assassins. Les fannars avaient eu pour ordre de se dissimuler chez les archers pour ne pas que leurs ennemis ne sachent que des fannars ne fassent partie de l’armée. De cette façon, l’étoile pourpre était sûr que l’un de ses atouts ne soit pas révélé.

Cela fait sourire Alenna. Si l’étoile pourpre prenait autant de mal pour les dissimuler, cela montrait qu’il les considérait comme l’atout principal de son armée.

Elle regarda une nouvelle fois les remparts et les têtes qui se décomposèrent, puis se leva et partit en direction du camp des fannars pour aller déjeuner.

Suite à la victoire sur le château de l'Ergernt, l’étoile pourpre avait accordé aux hommes deux jours et deux nuits de pause.
Après la prise du château, il avait lu les messages et les annales du château, et avait décrété qu'aucune armée n’allait arriver et que les hommes pouvaient se reposer.

La marche avait duré presque trois jours et l’armée était épuisée, pour cette raison Alenna remerciait le ciel de cette pose. Elle avait beau s’être préparée à ce rythme, cela était plus dur en pratique et qu' en théorie. Alenna n’avait pas de cheval et avait été obligée de marcher le premier jour. Le second, elle avait eu de la chance et était montée sur un chariot de bagage. Chaque jour, de nouvelles personnes étaient choisies pour monter sur les chariots et pouvaient éviter la marche. Cela avait été le cas pour Alenna la seconde journée. Mais le troisième jour elle avait dû marcher.

Mais seulement les Fannars avaient le droit de faire cela. Les hommes d’armes et les archers eux devaient être à pied. Elle pensait alors que cela devait être une torture pour eux. Pourtant, les hommes de l’étoile pourpre étaient habitués à des campagnes de ce genre et pour eux cela était aussi facile que d’être à cheval. Les guerres dans le sud les avaient habitués à ce genre de situation où ils devaient marcher à pied sur n’importe quel terrain. Ainsi pour eux c'était un jeu d’enfant. Par ailleurs, on les voyait se moquer des hommes qui n'avaient pas l’habitude de marcher autant.

Bien qu’elle n'ait jamais vu ses hommes en mouvement et elle doutait qu’ils disaient la vérité sur leur déplacement. En effet, la plupart des corps d’armées n'avançait pas par les mêmes routes. Il était ainsi impossible de savoir la véritable vitesse ou la technique de déplacement des autres corps d’armées. Mais étrangement les corps d’armées vétérans arrivaient plus rapidement au lieu dit des camps, que les corps d’armée qui venaient de rentrer dans l’armée de l’étoile pourpre.

Sur le chemin jusqu’à sa partie du campement, Alenna pus saluer plusieurs hommes et soldats qu’elle connaissait. Dès son arrivée dans l’armée le premier jour, son commandant qui l’avait accompagné depuis Sombre-Astre, lui avait montré tous les bons plans du campement. Cela faisait déjà trois ans qu’il servait l’étoile pourpre, aussi connaissait t il déjà beaucoup d'hommes. Il lui avait montré où trouver le chef de l’intendance, qui pour lui était l’homme le plus important du campement. Jayden Fornd était pour son commandent, l’homme le plus important du campement. Il devait s’occuper de toute l’intendance de l’étoile pourpre, et n’oublier jamais qu’il possédait des amis. Alenna fit alors un détour par la tente de l’intendance, mais après que Jayden était occupé à préparer le repas du soir, elle décida de continuer sa route en direction du campement des Fannars.

Une fois à mis chemin, elle rencontra Zechariah de Saragnor. Il faisait partie des quelques centaines d’hommes du désert rouge à avoir pris part à l’expédition. Comme à son habitude il interpella Alenna sur son chemin pour lui demander des nouvelles. Étrangement il s’intéressait beaucoup à sa vie. Lui posant souvent des question sur son passé, mais aussi sur ce qu'elle comptait faire après l’expédition. Si bien qu’elle commençait à se demander ce qu'il souhaitait vraiment d’elle. Après tout, elle en avait bien une petite idée, mais elle trouvait cela amusant de voir Zechariah tenter de lui faire la cour. Plusieurs hommes du désert trouvaient aussi cela très amusant, et se moquaient allègrement de lui. Pour ce qui était d’Alenna, il avait vite fait de ne plus se moquer d’elle, après avoir vu à quel point elle maîtrisait ses lames. Alenna se disait que cela pouvait alimenter le commérage du camp, et cela était très bien pour le moral.

Comme d’habitude elle écouta Zechariah lui parler de sa vie, et de comment le désert rouge lui manquait. Elle ne l’écoutait que d’une oreille. À chaque fois qu’elle le croisait, il lui parlait des beauté du désert. Pourtant ce n'était pas les beautés du désert qui intéressaient Alenna. Elle regarda par-dessus son épaule pour voir le compagnon de Zechariah se moquer de lui en tentant de l’imiter, en train de parler à Alenna. Elle dut alors se retenir de pouffer de rire. Leurs imitations était quasiment parfaite, même si elle trouvait qu’il avait l’aire encore plus stupide en lui parlant comme cela tous les jours. Finalement, il remarqua qu’elle ne le regardait qu’à moitié, et se retourna pour voir ses compagnons qui reprennent une posture détendue et naturelle, comme s' ils ne s’étaient en aucun cas moqué de lui. Alenna sourit avant de se retourner et de continuer son chemin sans prêter attention à Zechariah qui lui demandait de rester.

Traverser le camp ne n’était pas d’une très grande difficulté. Bien qu’elle soit encore fatiguée par les événements de la veille, la journée de repos donnait par l’étoile pourpre avait donné ses fruits, et Alenna était en pleine forme.

Quand elle arriva dans le camp des Fannars, Alenna s’aperçut que le recensement du corps d’armée n’avait pas été encore fait. En effet, l’étoile pourpre avait ordonné que chaque soir un recensement soit fait chez chaque corps, pour comptabiliser le nombre d’hommes, et que les chiffres lui soit envoyé dans l’heure. Toutes personnes non présentes au recensement, qui avait lieu matin, midi et soir à chaque repas, devrait alors subir des sentences si son motif n’était valable. Au-delà de faire régner la discipline dans le camp, cela permettait à l’étoile pourpre de toujours connaître les effectifs aux chiffres près de son armée.

Elle rentra dans le camp et alla directement vers la tente du chef du corps d’armée. Elle s’apprêtait à rentrer dans la tente quand un guerrier avec une hallebarde sortit. Et le reconnut aussitôt. Il s’agissait de Vardlenne l’un des meilleurs guerriers qui avait été engagé dans l’armée. De plus, c'était l’un des rares Fannars du camps à être un petit peu bavard et donc l’un des rares à parler avec Alenna. «Est ce que le recensement va bientôt commencer ou on a encore du temps avant le couvre-feu?» Vardlenne défit le foulard noir qu’il portait pour cacher son visage et lui répondit: «Il a quasiment terminé de lire les ordres pour notre corps d’armée. Je doute que tu aies encore du temps pour tes petites balades. En revanche je suis ouvert à une partie de Goudte.»

Si il y avait bien quelque chose que Alenna aimait, c'était de se balader le soir avant le recensement et avant le dîner. Cela lui permettait de se vider l’esprit et de se calmer quand elle en avait besoin. Bien que cela soit déconseillé par les généraux car cela représente un risque de désorganisation en cas d’attaque, l’étoile pourpre ne l’avait pas interdit. En revanche, elle n’aimait pas faire des parties de Goudte avec Vardlenne. Il gagnait à chaque fois contre elle. Il était sûrement l’un des plus forts à ce jeu dans le camp. Alenna ne l’avait pas vu perdre une partie une seule fois. Pour elle comme pour beaucoup, Vardlenne était ce qu'on appelle un enfoiré. Ou du moins dans ce jeu là. Le jeu se jouait sur un petit plateau avec des figurines mesurant généralement un pouce et demie. Il consistait à créer plusieurs petite équipe de soldat représentant un peuple dans le monde et à le faire se battre en jouant aux dés. Étrangement Vardlenne avait une chance aux dès que personne d’autre ne possède. Il existait bien une variante au jeu, mais celle ci était la plus répandue, et la plus simple à jouer en temps de guerre.

Étrangement le jeu du Goudte faisait partie de toutes les cultures, du sud comme du nord, et de l’est comme de l’ouest.
Alenna adorait voir les autres cultures. Elle adorait découvrir les peuples et les arts des différents peuples. Et l’armée de l’étoile pourpre était l’idéal pour cela. On y retrouvait toute sorte de peuples différents tous conquis, soumis ou sous ses ordres.
Certains étaient seulement ses alliés et non ses vassaux. C’était le cas pour les Lémociens qui étaient ses alliés, et qui étaient toujours indépendants de son empire. Mais aussi et surtout des Fannars qui étaient seulement des alliés. De toute la partie que l’étoile pourpre avait conquis au sud seulement ses deux territoires n'étaient pas soumis à son empire. Les Lémociens avaient acquis leur indépendance pour l’avoir sauvé et les Fannars en devenant ses mercenaires, mais surtout en l’empêchant de rentrer dans leur territoire.

Étant une Fannar, Alenna ne faisait pas partie de l’empire de son empire. Mais elle aurait bien voulu en faire partie. Si Alenna avait vu le jour et passait sa jeunesse à Sombre-Astre la capitale des Fannars, elle l’avait quitté à quatorze ans, pour devenir un membre de l’armée de l’étoile pourpre.

Elle n’avait certes pas vécu grand-chose à par la chute de la ville de Termor, porte d'entrée sur la Lémovicie et sur les terres à l’Est, mais elle avait été choisie pour faire partie de l’armée qui attaquait le grand royaume. Et Alenna savait qu’elle pourrait se démarquer dans cette campagne. Elle espérait de tout cœur pouvoir monter sur les remparts de la cité d’or et de se faire remarquer de l’étoile pourpre. Elle connaissait son objectif et serait prête à tout pour l’atteindre.

Elle regarda Vardlenne et déclina son invitation avant de continuer sa route vers sa tente.

Sur le chemin, elle croisa plusieurs guerriers Fannars en train d’affûter ou d’entretenir leurs armes. Les tentes des Fannars étaient toutes noires et toutes étaient totalement refermées ne laissant rien voir de l'intérieur. Les Fannars étaient méfiants par nature et ce même avec leur propre peuple.

Elle continua sa route pour finalement tomber sur sa propre tente. Elle y rentra et vérifia que personne ne s’y était introduit. Avant de partir faire sa ballade autour du château, elle avait mémorisé toute sa tente et tous les emplacements des objets qu’elle disposait. Étant l’une des seules filles du corps d’armée, elle disposait de sa propre tente. Si cela n’était en aucun cas pratique pour les marches à pied, elle trouvait cela très avantageux quand ils devaient monter le camp. Cela lui apportait une certaine intimité, mais aussi et surtout un espace où elle était sûre d’être seule et tranquille sans qu’on ne la dérange.

finalement, elle ouvrit son sac posé contre son lit de camps et regarda le peu de bien personnel qu’elle avait apporté pour la campagne: plusieurs couteaux de lancé, une petit arbalète avec des carreaux, des vêtements de rechange de couleur noir, du matériel pour manger, et de quoi entretenir ses armes. Maigres biens en ajoutant ceux qu’elle portait sur elle: une cotte de maille, une ceinture avec une dague et deux épées courtes, une bourse avec son argent et ses vêtements de voyage. C’était les seuls biens qu’elle avait pour la campagne contre le Grand-Royaume. N’ayant pas de maison dans le sud, c'était ses seuls biens. Alenna préférez voyager léger, en cas d’attaque surprise sur le camp, elle pourrait facilement rassembler ses affaires.

Elle se changea et s’allongea finalement sur son lit de camp. Elle ferma les yeux et décida de se reposer jusqu’à ce que l’on sonne l’heure du dîner et du recensement.

Cette dernière arrive trop tôt. Elle se leva et sortit en vitesse de sa tente en attrapant tout de même sa dague qu’elle accrocha à sa ceinture. Dehors les Fannars sortaient de leurs tentes et se dirigeaient vers le campement des archers où aurait lieu le recensement.

Arrivé sur les lieux, Alenna s’assit par terre en attendant d’entendre son nom et de pouvoir aller manger. Il y avait cinq cent hommes dans le corps d’armée et Alenna ne faisait pas partie des premiers, aussi aurait-elle préférait s’asseoir sur une pierre ou une souche d’arbre mais les seuls qu’elle voyait étaient déjà occupés et Alenna n’avait pas envie de les chercher. Elle se contenta d’attendre sur le sol dur.

Bien que l’organisation du camp ne soit pas parfaite, on y retrouvait une certaine cohérence. Il avait été installé au sud du château. Quelques barricades avaient été installées mais rien de très important. En théorie, s’ils étaient attaqués, les hommes devraient mieux se défendre avec des fortifications. Mais l’étoile pourpre voyait les choses d’un autre œil. Le château offrait une véritable tour de gué et permettait de voir arriver n’importe quelle ennemie de loin. De plus la lune n’était pas noir et dans se cas on pouvait facilement distingué à des lieux à la ronde. Mais surtout, cela permettait de donner l’alerte en cas d’attaque. Le fait de ne pas avoir de barricade permettrait aux hommes de se déployer facilement en une formation cohérente et compacte. Les hommes du grand royaume avaient tendance à privilégier la force individuel et d’ainsi prouvait sa valeur, que de se battre ensemble. De cette façon, n’importe quelle ennemie du grand royaume viendrait se briser telle une vague sur un rocher, sur les déploiements de l’étoile pourpre. Une barricade pourrait apporter un avantage, mais gênerait les hommes dans les manœuvres. Aussi cela ne serait pas très utile vu le temps sur lequel ils resteraient à Ergent. La partie nord du camp étant protégée par le château, les hommes d’armes pouvaient former plusieurs lignes et faire ainsi un véritable mur humain. En cas d’attaque ils se déploient rapidement face à l'ennemi avec les archers pour les couvrir, et les cavaliers pour prévoir une contre-attaque sur les flans.

Aussi le camp était plus organisé qu’il ne le laissait paraître. On retrouvait une allée centrale qui reliait l’extérieur du camp à la porte principale du château mais aussi une deuxième allée plus petite qui traversait le camp dans l’autre direction de manière perpendiculaire à l’allée centrale. De plus les hommes étaient séparés en fonction de leur corps d’armée mais aussi de leurs origines. Cela ne permettait pas une ouverture entre les hommes, mais cela empêchait les disputes et mettait les hommes en compétition pour savoir qui aurait le meilleurs camp. Cela n'apporterait aucuns avantages, mais donnait de meilleurs gestion de camps et pouvait même faire sympathiser les corps entre eux.

Son nom fut finalement prononcé et après avoir confirmé sa présence Alenna put enfin aller manger. Elle récupéra son assiette auprès de Jayden Fornd. Se dernier la reconnut et lui laissa un peu plus de légume en lui souriant. Elle le remercia et alla s’asseoir assez proche du foyer. Il n’y avait pas de table aussi dut-elle s’asseoir par terre avec les autres Fannars.

Alenna se doutait qu’il ne manquerait personne à l’appelle. Tous les hommes du corps d’armée étaient présents, et aucuns n’avaient manqué à l’appelle. C’était normal, les combats n'avaient pas encore réellement commencé et rien ne justifiait que des hommes manquent au recensement. Mais quand les combats commenceraient, là des hommes manqueraient.

Pour l’heure le commandant de leur corps étaient partie dans la tente de l’étoile pourpre pour connaître la suite des événements et devait revenir pour les en informer.

Le repas était plutôt simple pour le soir. L’étoile pourpre avait ordonné qu’une assiette de légumes soit donnée à chaque soldat. Bien que cela paraisse peu, c’était idéal pour le soir. De plus cela permettait de conserver un stockage important de vivre pour la suite de la campagne. Grâce à Jayden Fornd, Alenna en récupéra un peu plus que les autres. Mais bien sûr il fallait que ce dernier soit là pour les servir, et cela n’arrivait pas très souvent.

Le repas se fit dans le silence, jusqu’à l'arrivée de leur commandant qui le rompit: «Dès que vous aurez fini de manger, allez directement vous reposer. La journée de demain va être longue.» Puis il s’assit et demanda une assiette de légumes.
Un guerrier se leva en agrippant sa hallebarde. Alenna n’était pas sûr de qui il s’agisse car plusieurs hommes maniait des hallebardes de se genre chez les Fannars, et celui-ci avait un foulard noir sur le visage, mais elle le reconnu au sons de sa voix: «Sait-on au moins où on va. Ou est ce qu’on va devoir marcher encore à l’aveugle.» Il s’agissait de Vardlenne. Le capitaine lui répondit sans sourciller: "L’étoile pourpre ne donne aucune information sur ses plans. Pas même à ses meilleurs généraux. Mais nous allons vers le nord et si nous devions assiégeait Fort-Rivers, il ne nous aurait pas autant avancé vers l’est. De plus, il ne veut pas d’une guerre longue. Alors tirez en vos propre conclusion et foutez moi la paix.»

Sur ce, il se leva et alla terminer son assiette dans sa tente. Rapidement il fût imité par beaucoup de Fannars, jusqu’à ce que seulement Vardlenne et Alenna soit seul au milieu du campement.

Il avait raison. Beaucoup d’homme avait tenté de conquérir le Sud mais un seul avait réussi: l’étoile pourpre. Alors on ne discutait jamais ses ordres. Si beaucoup le disent fou, beaucoup d'autres le considéraient comme un dieu libérateur. Alenna et beaucoup d’autres le considéraient comme un dieu libérateur. L’étoile pourpre n’avait perdu aucune des batailles qu’il avait mené. Il avait mis à genoux les neuf plus grandes cités du Sud, détruit toutes les armées qui lui avaient fait face et conquis le plus grand empire jamais vu depuis presque mille ans. Et ce en moins de quatre ans. Beaucoup disaient que son jeune empire allait s’effondrer comme un château de carte, mais Alenna n’y croyait pas. Il avait fait des alliances avec les plus grands dangers du Sud et même s' il n’avait pas la plus grande armée du continent, l’étoile pourpre était le prince des batailles. Aucune armée ou général n’avait réussi à le battre sur un champ de bataille. Aucune ville n’avait réussi à tenir un siège face à lui. Aucune guérilla n’avait réussi à durer. Mais surtout aucune révolte n’avait éclaté dans son gigantesque et jeune empire. Rien ne pouvait l'arrêter.

L’étoile pourpre avait beau être un homme du grand royaume, dans le sud c'était un dieu. On lui donnait bien des noms: dictateur, tyran, fou, psychopathe. Mais pourtant, beaucoup s’accordaient à dire que c'était un stratège de génie, sûrement le plus grand des derniers siècles. Dans nombre de pays, on l'appelle le conquérant voire le grand. Mais dans toutes les cultures on le connaissait sous le nom du prince des batailles.

Alenna se tourna vers Vardlenne et demanda: «Il voulait dire quoi par: tirez en vos propres conclusions.»

Il la regarda et lui répondis: "Il sait que l’étoile pourpre ne veut pas attaquer Fort-Rivers. Attaquer de front serait une erreur. Si l’étoile pourpre veut une guerre rapide, il doit pénétrer dans les terres de la couronne sans trop de perte et rapidement. Or il n’y a qu’un seul moyen d’y parvenir. Il veut traverser le fleuve à gué. Et il n’y à qu’un seul endroit.»
Dernière modification par Elersor87 le sam. 02 nov., 2024 11:21 pm, modifié 1 fois.
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Re: Le Théâtre du Pouvoir [fantasy-dark fantasy-guerre-intrigue]

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Enoria. V

Enoria regardait, sur les remparts de la ville verte, les soldats qui s’activaient. Elle pouvait facilement les comparer à des fourmis qui travaillent. Les hommes d’armes allaient et venaient dans tous les sens. Les chevaliers ainsi que les lanciers de l’armée du Roi Charles préparaient les chevaux pour le départ. Les archers et piqués de l’armée préparaient le matériel, aidé par toutes les personnes qui suivraient les pour s’occuper de l’intendance de toute l’armée durant leur voyage vers le duché de Fort-Rivers.

Quand sir Edouarde Rivière avait débarqué dans la salle du trône pour annoncer la prise de la forteresse Ergent, le cœur d’Enoria avait bondi de joie. Pendant un moment, elle avait hésité entre hurler de bonheur ou se moquer du Roi. Elle s’était tout de même ravisé se rappelant que cela ne se faisait pas, surtout pour une dame de son rang. Pourtant la situation avait tout d’ironique: d’un coté, le Roi et son frère le prince Louis qui se disputaient pour la cause de la guerre; et de l’autre, sir Edouarde annonçant l'arrivée de l’étoile pourpre.

Le prince Louis avait débarqué la veille, il était rentré dans la salle du trône et les premiers mots de son frère le Roi à son égard avaient pour but de l’humilier. Si le prince Louis ne laissait rien transparaître de ses émotions, Enoria savait très bien que le prince devait bouillonner de rage. Pourtant il avait tenté de ne pas s’énerver envers son frère. Il avait tenté de parler calmement avec le Roi, mais ce dernier ne l’entendait pas de cette oreille. Là où le prince avait tenté de comprendre pourquoi le grand royaume n’était pas prêt à une guerre contre le royaume d’Enoria le royaume de Cuivre, le Roi avait rejeté la faute sur le frère d’ Enoria ou avait nié le fait qu’ils étaient en guerre contre Cuivre.

Pendant un instant elle avait bien cru qu’elle serait encore une fois humiliée devant toute la cour du Roi. Mais Enoria avait compris qu’elle possédait une sorte d’allier dans la salle: le prince Louis. Bien que celui-ci ne s’en rende pas totalement compte, Enoria savait qu’il était son atout le plus précieux dans la salle. Elle avait rapidement vu que le prince la regardait très souvent. D’après ce qu'elle savait, le prince Louis était ce qu'il y avait de plus proche du chevalier parfait. En effet, elle avait écouté les rumeurs sur le prince et savait bon nombre de choses sur lui. Par exemple, le prince privilégiait toujours la douceur et la compassion à la violence. Il ne cherchait jamais à se faire des ennemis, mais saisissait chaque occasion pour se faire des alliés. C’était notamment le cas du page qui l'accompagnait partout depuis presque trois ans et qui était son ami était son ami le plus précieux (on disait que le prince lui avait sauvé la vie, mais Enoria n’avait pas encore découvert comment). Mais surtout le prince Louis cherchait toujours à aider et n’aimait pas voir des gens souffrir ou avoir peur. Pour cette raison Enoria avait affiché un visage figé par la peur, à chaque mention de son nom mais aussi et surtout quand le prince la regardait. Ainsi elle était sûre que si la dispute convergait trop sur elle, le prince chercherait plutôt à la défendre face à son frère le Roi.

Mais désormais tout avait changé. Le royaume était déjà officiellement en guerre même si le Roi Charles refusait de l’admettre. Mais avec l'arrivée de l’étoile pourpre, la guerre entrait dans une phase active pour le grand royaume. L’étoile pourpre avait à peine débarqué, qu’il avait déjà pris l’ascendant sur le grand royaume. Non seulement en rentrant profondément dans les terres, mais surtout en ayant pris une forteresse en une journée et sans déplorer une seule perte. Elle était alors aux yeux d’ Enoria à la hauteur de sa réputation.

Pour le cas de la réaction du Roi, elle était fidèle à son caractère. Il avait tout simplement hurlé de rage dans toute la pièce, pour finalement descendre de son trône et avait frappé la tête du jeune chevalier sir Edwarde. Il lui avait envoyé son poing en plein dans la figure. Sir Edwarde s’était alors écroulé par terre, bien que non évanouie. Le Roi l’avait alors enjambé pour passer à côté du prince Louis, tout en prenant attention à le bousculer. Il avait ensuite ordonné de préparer l’armée au départ avant de quitter la salle suivi par messire Erlender Rover, son premier conseiller.

On ne les avait alors pas revue de la journée, ni l’un ni l’autre. Ainsi avec l’absence du Roi et de son premier conseiller, s’était au reste du conseil royal de s’occuper du départ épaulé par le prince Louis. Bien que le prince ne soit rien en comparaison de son frère le Roi ou l’ancien premier conseiller son autre frère le prince Richard sir des armées, il savait tout de même se débrouiller. Si le prince Louis ne savait pas reconstruire un navire brisé pour une course, il savait néanmoins le reconstruire pour que celui-ci flotte et avance. Il en était de même pour les vingt milles hommes devant la capitale. Il ne saurait jamais leur faire repousser l’étoile pourpre, mais il pourrait les préparer à l’affronter. Ainsi était le prince Louis, se n’était pas le prince parfait qui gagne chaque bataille et qui est le meilleur conseiller en temps de paix, mais il savait comment survivre dans les deux cas. Pourtant c'était le problème et la qualité du prince. Si dans une bataille il était incapable de la gagner, il, savait néanmoins comment et quand donner l’ordre de se replier. Certes cela ne lui permettait pas de gagner, mais plutôt de survivre. Et c'était déjà une grande qualité de reconnaître sa défaite, ce que peu de personne ne savait réellement faire dans le grand royaume.

Le prince, aidé par les conseillers du Roi, avait alors dû rester dans la ville verte à donner des ordres pour éviter que le départ ne tourne mal. Là encore, Enoria pouvait le voir en train de donner des ordres et de gérer le départs des convois de nourriture par la grande porte de la ville verte.

C’était notamment grâce à lui que Enoria avait enfin pu sortir de la citadelle d’or. En effet, quand le Roi était partit s’enfermer dans la citadelle Phoenix avec messire Erlender Rover, les conseillers avait immédiatement donné les pouvoirs au prince Louis pour le temps que le Roi soit de retour. Enoria s’était alors attendue à devoir retourner elle aussi dans ses appartements dans la citadelle Phoenix, mais en réalité il n’en était rien. Moins d’une demi-heure après que le Roi se soit enfermé, sur le chemin de retour vers la citadelle un homme du prince Louis l’avait alors interpellé. Escortée par sir Eommund Tigre, Enoria s’était vue accorder le droit de sortir de la citadelle d’or pour aller voir le départ de l’armée. Enoria ne savait alors si c'était grâce à ses talents d’actrice dans la salle du trône ou simplement car le prince avait pitié d’elle, mais elle s’en intéressait finalement que très peu, elle était trop heureuse d'enfin pouvoir sortir de la citadelle d’or.

Le départ de l’armée n’avait pourtant rien à voir avec ce qu'elle s’était imaginé. Pour elle les hommes seraient soit tous partie d’un coup soit l’organisation aurait été des plus nul. Il était presque midi quand la nouvelle du débarquement de l’étoile pourpre avait été annoncée dans la salle du trône. Le départ avait alors été prévu pour le lendemain par le prince Louis. Si la cavalerie aurait pu partir sur l’instant, le reste de l’armée qu’en à elle n’aurait malheureusement pas pu suivre, en particulier l’intendance. Les ordres du prince étaient que les hommes devaient être prêts à partir le lendemain, avec la cavalerie pour former l'avant-garde. Ainsi les troupes du grand royaume avaient la journée pour se préparer. En effet, le prince Louis n’avait eu d’autre choix que de fixer le départ au lendemain. Le Roi Charles n’avait pas préparé un départ, à vrai dire il n’imaginait même pas que la guerre soit réelle, il espérait que montrer sa puissance au royaume d’ Enoria le dissuaderait de partir en guerre. Mais avec l'arrivée de l’étoile pourpre dans le grand royaume cela changé considérablement la situation. Ainsi Louis avait dû prévoir l’intégralité du voyage vers le duché de Fort-Rivers au Sud. Et si le Roi avait assemblé l’armée, il n’avait ni prévue comment la nourrir ni comment la faire voyager. La tâche en incombait alors à Louis.

Ayant la permission de sortir voir les préparatifs par le prince, Enoria avait décidé de monter aux remparts avec ses gardes. Elle pouvait ainsi observer avec une vue de hauteur les mouvements et préparatifs de l’armée du grand royaume. Enoria adorait les vue de hauteur, cela lui permettait de toujours avoir une vue d’ensemble de son environnement. Cela lui permettait aussi d’avoir une vue large et de pouvoir profiter au maximum de la beauté de la capitale. Penchée devant les remparts, elle avait une vue magnifique sur la ville verte. Elle pouvait ainsi observer tous les préparatifs et profiter du temps de répit que le prince lui avait accordé avec son frère le Roi. Les hommes du grand royaume s’activaient dans tous les sens. Enoria vit alors que les soldats étaient débordés, aucuns ne s’attendaient à partir en guerre d’un seul coup, mais surtout à devoir affronter l’étoile pourpre. Elle savait que si seulement la moitié de ce que l’on disait sur lui était vrai, les hommes du grand royaume n'auraient alors aucune chance. Les chevaliers étaient séparés en deux groupes. D’un côté les arrogants qui étaient heureux de partir en guerre pour pouvoir accomplir des exploits. Et de l’autre ceux qui avaient la peur au ventre à l’idée que le temps des tempêtes était arrivé.

Quelle ironie, pensa Enoria. Le matin encore, chacun de ces chevaliers criaient ou participaient à la mêlée. Ils étaient simplement en train de jouer à la guerre. Mais quand la réel guerre est arrivée, tout leur courage les a fui. Peut-être savaient-ils que la moitié d’entre eux serait mort ou estropié avant que ne surgisse l’hiver.

Elle entendit des bruits de pas à côté d’elle et se retourna. Un jeune homme armé d’un arc et d'une épée simple venait de s’appuyer aux remparts à côté d’elle. Il regarda la vue puis dit: «D’ici on peut voir quasiment toute la ville verte. Il n'y a rien à dire, elle est magnifique, n’est ce pas?»

Elle l’étudia un moment. Le jeune homme devait avoir le même âge qu’elle si elle se fiait à sa taille. Il était vêtue d’une armure légère ce qui montrer qu’il faisait partie des rares hommes de l’armée à avoir prévu un départ imminent. En plus de son arc et de son épée, il portait une dague à la ceinture et avait plusieurs objets accrochés à sa ceinture ressemblant à du matériel de survie, ce qui confirmait la théorie d’ Enoria comme quoi il était assez prévoyant. Elle regarda alors son visage. Ses traits étaient assez basique, le visage normal sans grande particularité hormis quelques cicatrices sur ses joues. et des yeux étrangement sombre, presque noir. Ses cheveux était quand à eux à la limite entre le brun et le noir, et était coupé assez court.

Enoria aurait pu être aimable avec lui, mais n’avait aucune confiance dans les gens qui l’entouraient. Elle savait très bien que le Roi Charles surveillait tous ses moindre faits et gestes. Aussi elle adopta les traits d’une personne désintéressée que l’on venait de déranger, ce qui était le cas, il l’avait interrompue dans sa contemplation de la ville verte et du chaos qui y régnait.

«Qui êtes-vous?» Bien que la phrase soit simple, la façon dont Enoria l’avait dite était plus que insolente. Mais surtout elle montrait au jeune homme qu’il ne l’intéressait pas du tout .

«Victor, du Duché de l’Ardenne, au service du prince Louis.

- Et?»

Enoria voulait être tranquille et ne souhaiter que le jeune homme parte, pour cela chacun de ses mots était prononcé dans le but de le provoquer pour qu’il s’en aille. Pourtant le jeune homme avait dû comprendre qu’elle cherchait à le provoquer. Et ne s’indigna pas. Au lieu de cela, il se tourna vers elle en restant accoudé au rempart.

«Je suis navré que vous ne me reconnaissez pas. Pourtant c’est en partie grâce à moi si vous avez pus sortir de la citadelle et si vous avez pus sortir de la citadelle.»

Enoria le regarda alors une nouvelle fois, puis le reconnut. C’était lui qui était venue la voir pour lui annoncer qu’elle pouvait sortir pour voir le départ de l’armée sur les remparts.

Il allait repartir quand Enoria le reteint: «Attendez, je n’aurais pas dû vous parler ainsi. Le fait de rester dans la citadelle Phoenix pendant des semaines m’a quelque peu rendue insociable.

- Je vous comprends, dit le jeune homme en s’appuyant de nouveau sur le rempart. Je n’ai moi non plus jamais vraiment aimé me trouver à la capitale. La première fois que je suis venue à la cité d’or, mon séjour a failli être écourté par le Roi qui voulait ma tête.»
Enoria le considéra alors une nouvelle fois. Puis lui demanda: «Comment un des serviteurs du prince Louis pourrait être condamné par le Roi?

- Je n’étais pas le serviteur de Louis. Je ne le suis pas non plus aujourd’hui. Je suis simplement un de ses rares amis. Ou si vous voulez un vrai titre, son garde du corps.

- Excusez-moi, dans ce cas.

- Ne vous inquiétez pas j’ai l’habitude. Sinon pour répondre à votre question, il faut d’abord savoir que je n’avais à l’époque que treize ans et je n’avais jamais vu ni le Roi ni le prince. Je venais du duché des Ardennes au nord de Tombétoile. On m’avait envoyé à la capital du grand royaume, car certaines personnes de ma région pensaient que je possédais des pouvoirs comme les mages de l’Eternel. Quand je suis arrivé à la capitale, la première réaction du Roi, a été de vouloir pendre pour espionnage pour le compte des mages de l’Est. Seul l’arrivé salvatrice du prince Louis m’a sauvé.»

Enoria fut impressionné. On racontait beaucoup d'histoires sur les mages de l'Eternel. Beaucoup affirmait que leurs pouvoirs dépassent tout ce que l’on pouvait imaginer. De toutes les nations qui avaient existé dans l’histoire, seuls les mages avaient réussi à conquérir le monde, si bien sûr on ne comptait pas les sept peuples. Elle était tout de même curieuse de savoir qu’elle était les facultés du jeune homme.

«En avez-vous vraiment?»

Victor ne parut pas comprendre.

«Je veux dire des pouvoirs.

- Oh. Et bien on peut dire cela, oui.» Il claqua des doigts et une flamme apparut sur son index. «Mais le prince Louis et moi avons beaucoup étudié les mages de l’Est dans les livres d’histoires et nous sommes arrivés à la conclusion qu’il ne devait pas être développé. Voyez-vous, beaucoup d’historiens affirment que les mages peuvent créer des tornades de feux ou encore remonter le temps. Mais pour moi, faire une sphère de feu me demande tant d’énergie et de concentration que mes pouvoirs ne sont en réalité que peu utiles.»

Pour Enoria cela fut presque une déception, pourtant elle ne laissa rien transparaître. Au lieu de cela, elle scruta à nouveau la ville verte. Son regard s’arrêta sur une place où on pouvait voir le prince Louis en train de donner des ordres. Il se trouvait au milieu de chariots prêts à partir. Les hommes allaient et venaient autour de lui en suivant ses indications.

Il n’y a rien à redire, pensa Enoria. Le prince Louis accomplit à merveille sa tâche en l’absence du Roi.

Elle se demanda tout de même pourquoi Victor n’était pas avec lui, elle lui posa alors la question et se dernier soupira avant de répondre: «En effet je devrais. Mais il m’a envoyé pour vous chercher. Il veut que nous le rejoignions à notre nouveau campement pour vous annoncer la suite des événements pour vous.

- Pourquoi ne pas me l’avoir dit directement? Nous devrions déjà être partie le rejoindre.»

Victor la regarda puis désigna la ville ainsi que le prince en train de gesticuler: «Pour la vue. Je voulais en profiter encore un peu avant de partir. Et aussi parce Louis n’est pas prêt d’en avoir fini avec l’organisation du départ.»

Cela le fit alors rire. Enoria le dévisagea puis sourit avant elle aussi de se mettre à rire.

En effet, le prince devait sûrement être débordé. Il ne remarquera pas que je ne suis pas arrivé à son rendez-vous, pensa-t-elle. De plus, elle voulait en profiter pour connaître un peu plus la personnalité du prince par l’intermédiaire de Victor. Si je choisis bien mes mots, il me révélera beaucoup d'informations sans le vouloir.

Depuis qu’elle était arrivée à la cité d’or elle s’était mise à appliquer les conseils de son frère. En vérité, celui-ci devait se douter que le Roi Charles l’enlèverait. La veille de sa «capture» il était venu la voir dans ses appartements sur la péninsule de Mitilène. Il lui avait alors dit ces mots: «Je sais que tu veux partir épouser le prince Richard du grand royaume. Et la réponse est non. N’essaie pas de me faire changer d’avis, ce sera toujours non. Mais si cela peut te consoler, saches que tu verras bientôt la cité d’or, même si j’aurais voulu que cela n’arrive pas. Alors écoute bien ce que je vais te dire: la cité d’or est un nid de vipère avec qu’un seul objectif nous visant, celui de nous annexer au grand royaume. Quand tu seras là-bas , n'oublie pas d’où tu viens. Mais surtout, analyse et apprend. La cour de la cité d’or est le meilleur endroit où apprendre le jeu des pouvoirs. Apprend à survivre, puis apprend de tes ennemis. N’oublies pas que tu n’as aucuns amis là-bas, n’oublie pas que tu es entouré d’adversaires, alors apprend d’eux et trouve leur point faible. Saches que quand tu reviendras ta vision du monde changera et alors nous aurons besoin de toi.» Sur ces mots il était parti. Et c’était la dernière fois que Enoria l’avait vue. Pendant la nuit qui suivit le Roi Charles l’avait enlevé.

Au départ, Enoria n’avait pas compris les paroles de son frère. Et s’était alors dit que celui-ci devait soit lui faire une blague soit lui sortir une phrase philosophique comme il en avait l’habitude. Mais après quelque temps passé au côté du Roi Charles, elle avait compris. D’abord la vérité était bien différente des contes auxquels elle croyait. Ensuite elle devrait servir d’espion dans la cité d’or, même sans pouvoir transmettre ses observations. Elle devrait alors comprendre comment étaient les gens de la cour, tout autant qu’ils sont. Et en dernier lieu, son frère savait qu’elle allait être enlevée et n’avait rien fait pour l’empêcher. Et pour cela, Enoria lui en voulait beaucoup.

Aujourd’hui, elle savait ce qui lui restait à faire: profiter de chaque instant pour en apprendre le plus sur ses adversaires, ici le prince Louis et son entourage. Bien-sûr cela ne serait pas facile. Mais celui-ci vient de me donner plusieurs informations sur lui sans même sans rendre compte, pensa-t-elle. Alors lui en soutirer encore un peu sera chose aisée.

Elle le regarda encore une fois. Si on omettait le fait qu’il porte sa tenue de guerrier, avec son armure et ses armes, il était vêtue avec un surcot vert typique de l’Ardenne. Il avait aussi des bottes de chasse ainsi qu'une ceinture où il y avait, en plus de son épée et de ses dagues, des affaires de chasse et de pistage. Donc cela veut dire que c’est un pisteur. La plupart de ses affaires était en cuir, sauf son armure et son surcot. Mais ce qui étonna le plus Enoria, s’était que rien ne laissait penser que c'était un mage. Alors soit son apparence était trompeuse et s’était mage puissant mais qui savait le cacher, soit il lui avait dit la vérité et se il était loin d’être un grand mage. Enoria choisis alors la deuxième option, qui pour elle, était la plus crédible.

Pourtant, c'était sur le prince Louis que Enoria voulait en savoir le plus. Pour cela, si ce que Victor disait était vrai, il était l’une des personnes à mieux le connaître, du moins de ces dernières années. L’opportunité était alors idéale pour en savoir un peu plus sur le prince. Mais dans ce cas, Enoria devait bien choisir ses mots.

«Je vous ai vue aujourd’hui dans la salle du trône. Vous faisiez partie du groupe de garde du prince de Louis. Je me demandais comment le trouvez-vous?

- Comment cela, demanda Victor sans se détourner de la ville.

- Je veux dire, comment avez-vous vécue ces dernières années avec lui?» Enoria se demanda alors si Victor avait compris ce qu'elle essayait de faire. Elle regarda alors son visage pour tenter de lire son expression, mais se dernier restait de marbre. Voyant qu’il ne répondait pas, elle demanda encore: «Si j’ai bien compris, cela fait trois ans que vous êtes à son service. J’aimerais en savoir plus sur lui. J’aimerais savoir à quoi m’attendre en le rencontrant, savoir si je peux me fiais à lui.» Parfois, se dit-elle, il vaut mieux être directe.

Victor se tourna alors vers elle avec un regard amusé. Il se déplaça alors de l’autre côté des remparts pour observer la plaine devant la cité. Enoria se demanda alors si elle devait le suivre mais se ravisa. Si je le suis, il va penser que c’est lui qui mène la conversation. Elle se contenta alors de rester appuyer contre les remparts à attendre qu’il réponde. Et il ne se fit pas attendre.

«La première fois où je suis rentré dans la cité d’or cela à presque signé mon arrêt de mort, commença t-il. Le Roi voulait me faire exécuter pour être un mage. Seule l’intervention de Louis m’a sauvé. Je ne sais toujours pas pourquoi il l’a fait. Mais je sais qu’il l’a fait et qu' aujourd’hui je suis son porte parole, ainsi que, je l’espère, son ami le plus proche. Croyez-moi, Louis est sûrement la seule personne en qui vous pouvez avoir confiance dans cette cité.

- Vous lui faites confiance?

- Oui et je lui ferais toujours confiance. Même si dans le monde dans lequel nous vivons, la confiance n’a pas sa place.»
Enoria ne savait pas quoi répondre. Dans tous les scénarios possibles qu’elle avait imaginé pour le prince Louis, jamais elle n’aurait pensé qu’elle pourrait lui faire confiance. Pourtant, Victor disait le contraire.

Elle se demanda alors s' il lui avait menti. Mais ses mots étaient sincères et sa voix n’avait pas hésité. Elle se dit alors que cela devait sûrement être vrai ou au moins en partie. Les meilleurs mensonges étaient toujours faits avec un brin de vérité. Mais elle ne pensait pas que Victor cherche à lui mentir. S’il voulait vraiment me mentir, il aurait décrit Louis comme son frère le Roi mais qui cache son jeu ou encore comme un faible. Pourtant Victor l’avait montré comme une personne que l’on admire voire que l’on veut comme ami.

«Il possède des défauts, comme tout le monde sur terre. Mais croyez moi, il est l’un des meilleurs hommes que vous rencontrerez dans votre vie. Des trois frères de la famille royale, il est le meilleur en politique, le meilleur en culture ou pour se faire apprécier par tous. Si il n’est pas le meilleur bretteur du royaume, il n’est pas moins redoutable à l’épée et ce même si je l’ai battue. En stratégie il est doué mais malheureusement pas autant que le prince Richard. Et n’arrive pas à la cheville de l’étoile pourpre. De toute façon, personne n’arrive à la cheville de l’étoile pourpre. Il est le maître incontesté de la guerre.» Il allait continuer mais sir Eommund qui escortait toujours Enoria depuis le début de la journée leurs fit signe. Il indiqua alors la place où précédemment se trouver Louis. Ils virent alors que le prince avait quitté son poste. Ils cherchèrent un moment avant de se rendre compte qu’il remontait vers ce qui semblait être son campement. Il se trouvait à quelque centaines de pieds de l’endroit où s’était tenu la mêlée et affichait la bannière à trois étoiles du prince Louis.

«Il est temps d’y aller, dit Victor.»

Ils descendirent alors de la tour où s’était posté Enoria pour regarder la ville. Ils prirent les escaliers pour finalement tomber sur les remparts. Ils durent alors faire une vingtaine de pas, avant de tomber sur un escalier qui leur permettaient de descendre du rempart. Une fois en bas, Enoria découvrit qu’on leur avait amené des chevaux pour rejoindre le campement de Louis. Une fois à cheval, ils purent alors commencer à traverser la ville. Si Victor connaissait un raccourci il n’en montra rien. Il les firent passer par plusieurs petites ruelles avant d’enfin déboucher sur l’allée principale de la ville. La plupart des personnes qui empruntent la route, allaient vers l'extérieur. Ainsi cela crée un gigantesque bouchon sur la sortie. Heureusement Enoria et Victor la remontent, ils purent alors voir le bazar qui régnait dans l’allée mais aussi vivre ce qu'il avait pu observer.

En raison de la sortie des troupes de la ville, plus d’un problème est survenu. Ils rencontrèrent plusieurs marchands qui avaient cassé la ou les roues de leurs chariots. Beaucoup se disputaient pour savoir qui était le coupable. Ils rencontrèrent aussi des soldats ou chevaliers qui se disputaient pour savoir qui serait le premier à passer. Le plus amusant pour Enoria était de savoir qu’ils allaient tous au même endroit pour tous recevoir la même chose. Il virent alors plus d’une personne qui se disputait pour quelque raison que ce soit. Cela amusa beaucoup Enoria, mais elle ne laissa rien paraître. Elle avait assez de problème comme cela et ne voulait pas en donner à Victor ou au prince Louis.

Quand elle aperçut enfin le camp de Louis ce fût presque une heure après avoir quitté son poste d’observation. Elle remarqua tout de même une chose étrange. Vue de loin, le campement du prince Louis semblait abriter des housecarls du Nord. Que peuvent-ils bien faire là, se demanda-t-elle.

- Mais comment se fait t-il que le prince Louis est réussi à faire rentrer à son service des housecarls du nord, demanda Enoria.

- Pour être réellement honnête avec vous, je n’en sais absolument rien. ils ne faisaient pas partie de notre escorte quand nous étions sur la péninsule de Mitiléne. Mais je puis tout de même vous dire que le prince Louis a un très bon esprit de persuasion et qu’il a sûrement dû l’utiliser.»

Arrivé dans la campement du Prince, Victor les fit mettre pied à terre. Aidé par sir Eommund, Enoria descendit de son cheval et put voir que l’organisation du campement de Louis était exemplaire. Les tentes étaient toutes parfaitement alignées, ordonnées et propres.

La tente du prince quant à elle paraissait simple vue de l’extérieur. Elle se demanda même si Victor ne s’était pas trompé. Mais une fois rentré à l'intérieur, la différence fut frappante. Si l’extérieur paraissait appartenir à un simple voire pauvre chevalier, l’intérieur était qu’en à lui celui d’un prince de sang royal. Le prince Louis l’avait rapidement fait décoré. On y retrouvait des tapis ou des teintures sur les murs et le sol de la tente. Il y avait plusieurs meubles, tel un coffre ou une petite commode, un lit de camp qui paraissait tout de même très confortable, ainsi qu’une sorte de mannequins où était accrochée l’armure de plaque du prince. Le centre de la tente était lui occupé par une immense table où avaient été placées les cartes du Grand-Royaume, telle les terres de la couronne ou celle de Fort-Rivers. Enoria put alors apercevoir quelques pions placés sur la table. Bien que cela soit de loin, elle put tout de même distinguer les différentes armées. Elle vit alors plus de sept pions en forme d’étoile d’or positionnés sur l’emplacement de la cité d’or. Elle en vit deux autres, mais cette fois en forme d’étoile rouge, sur la forteresse de l’Ergernt, ainsi que dix navires de couleurs verte sur la mer. Elle allait regarder les pions plus petits quand un chevalier fit retourner la moitié de la carte, en la regardant avec méfiance. Il doit sûrement penser que je cherche à les espionner, se dit-elle. En voilà un intelligent.

Elle repéra alors le prince Louis à l’autre bout de la tente entrain de regarder les cartes, tout en discutant avec un homme tout de noir habillé. Celui-ci leva les yeux et sourit en voyant Enoria. Quelque part, Enoria fut soulagée. Contrairement à son frère, le Roi Charles, le sourire de Louis n’avait rien de méchant. Et aurait plutôt dit que le prince était satisfait qu’elle soit enfin là. Il congédia alors les hommes de la tente, sauf sir Eommund et Victor puis s’adressa directement à Enoria: «Madame, je suis navré que nous n’ayons pu nous voir plus tôt. Je vous pris de bien vouloir m’excuser mais les formalités du départ de notre armée avaient un grand besoin d’être modifié.»

Puis d’un signe de main il invita Enoria à s’asseoir. Enoria déclina d’un signe de la main, avant de répondre à ces formalités: «En effet nous n’avons pas eu le temps. Mais je peux toujours vous remercier pour m’avoir fait sortir de la citadelle. Jusqu’à présent, je n’avais pas pus en sortir, et je dois dire que la cité est magnifique.» Mais en voyant que le sourire du prince avait disparu, elle compris qu’elle avait mal choisi ses mots. Toujours d’une voix calme mais avec un regard à glacer le sang le prince lui répondis: «Je pense qu’il serait préférable pour nous deux que vous ne m'étiez pas. Je sais que la ville n’est pas belle, je les observais assez souvent pour savoir que avec le départ d’une armée cela n’est encore moins le cas.» Puis il se déplaça pour aller s’asseoir sur un fauteuil à quelques pas d’Enoria. Assis, il la regarda entièrement puis reprit: «Allons droit au but. Si je vous ait fait venir jusqu’ici, c’est pour vous informer de la suite des événements.» Il souffla un moment, avant de reprendre. «L’armée royale part en direction de Fort-Rivers pour stopper l'avancée de l’étoile pourpre. Bien que vous soyez la fiancée de mon frère le Roi, vous ne nous accompagnerez pas. Le Roi Charles voulait vous emmenez avec nous. J’ai réussi à l’en dissuader, aussi vous resterez à la cité d’or.»

Sur ces mots, Enoria ne sut pas quoi ressentir ou répondre. Si elle était plus qu' heureuse à ne pas à avoir à accompagner le Roi dans cette guerre contre son frère. Mais d’un autre côté, elle aurait aimé les accompagner pour observer les batailles contre l’étoile pourpre. Voir le Roi Charles humilié par son demi-frère lui aurait donné plus de bonheur que tout l’or du monde. Elle aurait pu saisir l’occasion de s’enfuir et de rejoindre l’armée de l’étoile pourpre qui était alliée au royaume de Mitiléne. Si l’étoile pourpre était vraiment l'allié de son frère alors ce dernier lui aurait sûrement permis de le rejoindre. Mais elle se rappela que son frère l’avait laissé se faire capturer pour justement qu’elle serve d’espionne. Quel connard, pensa-elle. Son frère devait vraiment en être un pour la laisser aux griffes du Roi Charles dans le seul but qu’elle lui serve d’espionne.

Voyant qu’elle ne répondait pas, le prince Louis reprit la parole: «Vous allez donc rester à la cité d’or pour les prochains jours. Le Roi Charles m’a aussi dit de vous transmettre ceci: étant donné que vous n’avez pas tenté de vous enfuir ou mené une action qui aurait pu nuire au Grand-Royaume, vous aurez donc le droit de visiter sous escorte la cité.»

Enoria s’accorda alors un petit sourire. Le prince lui faisait déjà confiance, et c’était une bonne chose. Donc j’ai réussi à le manipuler pour qu’il m’accorde ce que je veux, pensa-t-elle. Mais le prince dut voir son sourire, car il continua: «Il y a tout de même quelques conditions. Vous ne pourrez quitter la citadelle Phoenix avant le départ de l’armée. Au moindre écart de conduite, cette permission vous sera retirée, et vous devrez attendre que l’armée soit de retour pour pouvoir ressortir. Vous serez confiné dans vos appartements et vous pouvez me croire, je ne pourrais rien contre la colère de mon frère.»

Sur ces mots, le visage d’Enoria blêmit. Et compris alors que le prince ne s’était alors pas laissé manipuler et que c'était lui qui la contrôlait. Et compris alors que le prince Louis réfléchissait à chaque acte avant d’agir. Il contrôlait tout autour de lui et était ce que le frère d’Enoria voulait qu’elle devienne.

Le prince se leva, puis se dirigea vers la sortie. Il releva alors la toile de la tente lui indiquant la sortie et dit: «Sir Eommund va vous raccompagner à la citadelle Phoenix. Ne faites pas le moindre action stupide et le Roi ne restreindra pas votre vie, il ne pourra pas vous faire souffrir.» Enoria se dirigea alors vers l’extérieur. Escortée par sir Eommund, elle sortit de la tente. Une fois à l'extérieur, le prince Louis la regarda et, alors qu’elle allait rejoindre son cheval, lui dit: «En fait, je suis désolé de ne pas avoir réussi à instaurer la paix entre nos deux royaumes. Je sais que c'est pour cela que vous n’avez pas passé d’excellent jour dans la citadelle Phoenix. Je demande alors de bien vouloir me pardonner.» Puis il lâcha la toile de la tente et disparut derrière.
Elersor87

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Re: Le Théâtre du Pouvoir [fantasy-dark fantasy-guerre-intrigue]

Message par Elersor87 »

Avant de vous dévoiller le prochain chapitre, je partage ici le lien de mon compte instagrame. PS: c'est pour les cartes j'ai pas trouvé d'autre moyen elles sont trop grosse :) https://www.instagram.com/fantasy_ecrivain87/



Victor . VI


Quand la princesse de Mitiléne sortit de la tente, Victor s’autorisa à respirer. Au départ, il avait cru que Louis allait être des plus froids avec la princesse. Mais au contraire Louis avait été aimable, ou plutôt bien plus que par nature avec des nobles. Victor avait vu que son ami n’avait pas voulu être méchant avec la princesse, il avait été direct comme à son habitude. Ne cherchant pas à la provoquer, mais à se montrer compréhensif. Il avait surtout été direct, pour la raison qu’il n’avait aucune confiance en la princesse Enoria. Victor le savait, et c'était pour cette raison que le prince l’avait envoyé lui.

En effet, Louis lui avait fait part de ses intuitions. Il ne croyait qu’à moitié à l’histoire que le Roi de Mitiléne lui avait faite. Que la sœur du Roi se soit fait enlever dans son propre château et par l’invité avec lequel il s’était disputé, semblait quelque peu simple. Pour Louis, le Roi de Mitiléne avait voulu que sa sœur soit enlevée, pour avoir de cette manière des yeux et des oreilles dans toute la cité d’or. C'était pour cela qu’il n’était pas venu lui-même et avait envoyé Victor. De cette façon, il serait sûr que la princesse n’apprenne rien sur lui. Il avait tout de même dit à Victor quelle information il pourrait révéler à la princesse, pour ne pas qu’elle comprenne son jeu au cas où elle lui poserait des questions. Mais le pire était que le plan de Louis avait fonctionné à la perfection. La princesse avait cherché à avoir des informations sur Louis, et même sur Victor, et ce dernier lui en avait donné. Les informations que Louis lui avait dit de dire. Les informations qui ne paraîtraient pas suspectent, et qui ne révéleraient pas trop de chose sur lui. Louis voulait comprendre comment la princesse fonctionnait. Si elle était là en tant qu'espionne ou même comme une manipulatrice qui veut arriver à ses fins par tous les moyens. Mais cela s’était révélé être faux dans les deux cas. La princesse n’était pas une manipulatrice ni une espionne très douée. Si cela avait été le cas, elle cachait très mal son jeu en raison du fait qu’elle se surestime dans les deux domaines. Peut-être que son frère l’avait envoyée en tant qu’espionne ou en tant que manipulatrice, mais il l’avait sûrement surestimé, car la princesse Enoria n’était ni l’un ni l’autre. Victor l’avait vu, la princesse avait mis un pied dans un nid de vipères, mais elle l’avait fait sans y être préparé.

Il entendit Louis appelait les hommes qui venaient de quitter la tente pour qu’il revienne. Lui-même rentra dedans. Il se servit une petite coupe de vin, puis commença à remettre la carte que sir Errik avait retournée à l’arrivée de la princesse et de Victor. Une fois, cela fait, il se positionna sur le bord ouest et contempla la carte avant de déclarer: « Donc, tu as parlé plus de temps que moi avec elle, quel est ton avis ?»

Victor s’était attendu à cette question, il répondit alors directement en exprimant le fond de sa pensée : « Il n’y a pas grand-chose à dire. Son frère l’a sûrement laissé se faire capturer pour qu’elle lui serve d’espionne dans la cité. Ce doit être un véritable connard pour faire cela.

- Ou sinon, on ne lui a pas laissé le choix, répliqua Louis avant de lui faire signe de continuer.

- Oui probablement. Ce qui est sûr, c’est qu’il l'a totalement surestimé dans ce domaine. Elle ne sait pas plus manipuler une personne pour lui soutirer des informations, que de se servir de ses charmes pour y parvenir. Il a dû penser qu’elle était déjà très intelligente ou que sa beauté naturelle ferait tout le travail. Mais je doute qu’il y est vraiment réfléchi sur ces deux points.» Victor marqua une pause pour se servir lui aussi d'une coupe de vin. Puis cela fait, il continua : « Je doute qu’il ait vraiment réfléchi à la question. Pour tout dire, je ne pense pas qu’il soit vraiment très doué dans ce domaine. Je veux dire l’intelligence.

- Donc, pour toi, on ne devrait pas lui faire confiance ? Je veux dire, à la princesse ?

- Non, je veux dire qu'à la base, elle devait sûrement servir d’espionne. Mais qu'au final elle ne connaît rien à ce domaine.» Il but alors une gorgée de vin. Ce dernier était un vin blanc du duché de Thertre à plus de cinq cent mille au Sud-Est de leur position. Il préférait le vin blanc au vin rouge qui était plus fort. Bien que dans les débuts cela lui brûle la gorge, le goût était finalement passé. Pourtant, il n’appréciait toujours pas le vin rouge qui était plus fort. Si Louis lui avait dit qu’il finirait par s'y habituer, cela n’était toujours pas arrivé. «Tu m’as toujours dit que le vin finirait par passer. Je pense que le Roi de Mitiléne agit de cette manière. Il souhaite que sa sœur s’habitue au jeu des pouvoirs, comme on s’habitue au vin en prenant progressivement.

- Drôle de comparaison. Tu compares le vin et une princesse maintenant ? Mon ami crois moi, tu vas finir alcoolique, si tu ne l’es pas déjà.

- Tu vois très bien ce que je veux dire. Par ailleurs, je ne me souviens pas que tu aies reçu une autorisation pour que la princesse puisse sortir de la citadelle.

- C’est vrai, je n’en ai pas reçu. Mon frère me ferait étripé s'il le savait, c’est pourquoi elle ne pourra sortir qu’après le départ de l’armée et du Roi. Mais j’estime qu’elle a assez souffert en restant confinée dans la citadelle, et si ce que tu dis est vrai, elle ne représente aucun danger. De plus, j’adore faire l’inverse de ce que dit mon frère.»

Ils se regardèrent et éclatèrent de rire.

Au bout de quelques instants sir Errik apparus dans la tente suivie d’un housecarl que Victor reconnue comme le commandant Arrik des forces nordistes. D’autres rentrèrent alors comme Nuit le Fannar du Sud au service de Louis, un autre housecarl avec lui aussi une armure ressemblant à des écailles, plusieurs chevaliers au service de Louis ou encore plusieurs seigneurs des terres de la couronne et conseillers du Roi qui venaient tous pour le conseil de guerre.

Pour Victor le plus difficile à comprendre était que les forces nordistes menaient par le housecarl Arrik soit dans la tente. Il se rappelait encore de la mêlée où il avait déclaré au Roi ne pas vouloir rentrer dans sa garde et ne le servir qu'en tant que commandant des housecarls. Il se demanda alors pourquoi il se trouvait ici avec ses hommes. Le matin même, Victor avait évalué le nombre de housecarl et il n’était pas plus de deux cent cinquante. Certes les housecarls étaient de très bons guerriers, peut-être les meilleurs du continent, mais d’autres comtes ou marquis avaient amené un nombre plus conséquent d’hommes, et ils n’avaient pas été invités. D’autre comme le sir Errik était au service du prince Louis. De cette façon, une place lui était automatiquement donnée au conseil du prince. Alors comment se faisait-il que le housecarl Arrik se trouve dans la tente ? S'il faisait partie de l’armée privée de Louis, cela serait plus logique, pensa-t-il. Il décida alors de directement demander à Louis. Il alla alors à sa hauteur et lui demanda alors à voix basse : « Comment se fait-il que le housecarl Arrik se trouve à nos côtés. Il ne possède pas un nombre important de troupes et n’est pas non plus à ton service.

- Il n’était pas à mon service, c’est vrai. Mais Nuit a réussi à le faire rejoindre nos rangs. Il vient donc renforcer mon armée privée de deux cent quarante-sept hommes exactement.

- Ton frère ne risque pas d’aimer cela. S'il découvre que tu as une armée privée, composé en plus avec un homme qui a refusé d’intégrer la sienne après l’avoir humilié, je ne donne alors pas cher de ta peau.

- C’est vrai et c’est tout là l’objectif, répondit Louis en souriant.»

Il se tourna alors vers la table, vérifia que tous ses généraux étaient là, et une fois fait, il demanda à messire Carvall de faire un rapport sur les informations qui étaient en leur possession. Le comte s’avança alors vers la carte et commença à parler en indiquant des pions sur la carte : «D’après les rapports que nous avons reçus, l’étoile pourpre aurait débarqué dans la baie de Tornac avec plus de six mille hommes, dont deux mille cavaliers voire plus. Pour ce qui est de la composition exacte de son armée, il a bien pris soin de ne pas se montrer, ce qui fait que nous ne savons pas plus de choses sur ses forces. Nous devons alors nous attendre au pire. En revanche, nous avons une vague idée de ses déplacements. » Il indiqua alors la baie de Tornac et son château, ainsi que celui de Pierre-Forte. « Nous n’avons aucune information sur ceux qui c’est passé sur les terres du duché de Rol’dorne. Nous n’avons reçu aucun message de ces châteaux, mais tout porte à croire qu’ils ont été pris avant de pouvoir nous avertir. Ainsi, il est fort à parier que la famille Dorne voudra défendre ses terres et va remonter vers le Nord. Cela nous sera sûrement utile lors de la campagne, mais continuez.» Il désigna la forteresse de l’Ergernt et les étoiles rouges positionnaient dessus. « Nous savons des derniers rapports que l’étoile pourpre a pris la forteresse. Étant donné que nous ne savons pas quand il a débarqué à Tornac, nous ne pouvons pas déterminer la vitesse de déplacement de son armée. Mais il est à n’en pas douter qu’elle est extrêmement rapide. De plus, il a été dit que la forteresse est tombée en une nuit.» Il marqua une pause avant de terminer. « Voilà tout ce que nous avons.» Puis il se recula et alla s’asseoir sur une chaise juste derrière lui.

Louis, qui était toujours assis, déclara : «Messeigneurs, voilà la situation. J’attends vos propositions.» Il dut attendre un moment avant qu'un seigneur ne s’avance. Quand ce fut le cas, Victor reconnut le comte Glone, avec le crâne de sa maison peint sur sa tunique, qui s’avança pour poser une question : « Savons-nous seulement quel est l’objectif de l’étoile pourpre ?

- Étant allié à Mitiléne, cela est plutôt logique, répondit Louis. Il cherche à retrouver la princesse Enoria et au passage à piller le royaume pour ses propres conquêtes.

La tente entière ne fut alors plus que silence. Nul ne savait quoi faire ou quelle stratégie proposer. Victor comprenait. Aucun des seigneurs ne s’était préparé à ce que la guerre arrive si rapidement sur le continent. La plupart ne pensaient même pas devoir affronter l’étoile pourpre. Pour eux, la guerre se ferait surtout lors de batailles navales ou de batailles terrestres où ils auraient eu l’initiative. Ils ne se doutaient sûrement pas que la guerre touche réellement les terres de la couronne.

Messire Worrl s’avança alors pour demander : « Est-ce que nous savons où est la flotte de Mitiléne ? Pour débuter la guerre, il serait préférable de savoir où se trouvent tous nos adversaires.

- Non, répondit le comte Carvall. Mais il est fort à parier que ce dernier se dirige vers l’Hersœur. Leur puissance est navale, si elle fait une attaque combinée avec l’armée de l’étoile pourpre, nous nous retrouverons à combattre à la fois sur terre, mais aussi sur mer.

- Alors ne leur laissons pas un tel avantage. Nous pourrions tenir l’Hersœur contre la flotte du kraken vert avec une armée réduite. Mitiléne étant naval, ils ne pourront percer les défenses terrestres. Même s'ils y parviennent, nous pourrions rendre le fleuve inaccessible à leur bâtiment en le piégeant. Si l’Hersœur tient suffisamment longtemps, cela nous donne le temps de vaincre l’étoile pourpre puis de faire volte-face, pour repousser la flotte du kraken vert.»

Si le plan semblait idéal pour Victor comme pour bien des seigneurs dans la salle, il ne plaisait pas à Louis. Ce dernier se leva alors de son fauteuil pour se placer devant la table et dire : « La flotte du kraken est le cadet de nos soucis. Messire Worrl, votre plan peut bien marcher, mais à la condition que nous réussissions à vaincre l’étoile pourpre et son armée. Or, il est dit qu’il n’a pas perdu une seule bataille dans ses guerres au Sud.

- Les troupes du Sud ne valent rien de celle du Grand-Royaume, répliqua le comte Worrl. Il a beau ne pas avoir perdu une bataille, c’était face à des troupes légères. Il a peut-être pris la forteresse de l’Ergernt, mais c'était par ruse et pendant la nuit. Que ses troupes essayent de se mesurer à notre cavalerie lourde et nous n’en ferons qu’une bouchée.

- Que les quatre dieux vous entendent, répondit Louis. Pour l’instant, nous savons que l’étoile pourpre se trouve au Sud de Fort-Rivers, s’il veut remonter au Nord, il devra traverser le fleuve ou faire un détour par la passe de Montgargant. Prendre par Montgargant serait trop lent, surtout s'il désire une campagne courte. Et attaquer Fort-Rivers lui coûterait trop d’hommes. De plus, s'il désirait vraiment l’attaquer, il n’aurait pas pris la forteresse de l’Ergernt.

- Ce ne sont pas les seuls moyens rentrés dans les terres de la couronne.» La salle entière se tourna vers le son de la voix. Victor découvrit alors que c'était sir Edouarde qui avait parlé. Il s’avança alors vers la carte et posa son doigt sur une forteresse minime juste au Nord du fleuve. Victor s’avança alors vers la carte et pu lire ce qui y était marqué : La Tour. Étant une forteresse minime, il ne connaissait pas la famille ni même le château. Le chevalier reprit la parole : « Le marquis La Tour contrôle une partie du fleuve. J’y suis déjà allé dans ma jeunesse et je sais qu'à cette période le fleuve est moins profond. Cette partie du fleuve peut alors révéler quelques gués permettant de traverser la rivière. Si l’étoile pourpre connaît le terrain, ce qui est fort probable avec le nombre de chevaliers qui l’accompagne, il passera par cette zone s'il veut traverser sans encombre.”

Louis regarda alors la carte de plus près et déclara : « Cela pourrait expliquer pourquoi il a pris ce chemin. S'il rentre dans les terres de la couronne sans perte, il pourra alors choisir un lieu de bataille à sa convenance pour nous affronter. Reste à savoir comment le contrer.»

Victor se demanda alors quel seigneur serait le premier à répondre, mais au lieu de cela ce fut un housecarl qui s’avança. Il scruta un moment la carte puis exposa son idée : « Nous sommes en automne, bientôt la saison des pluies va arriver, à partir de là l’étoile pourpre n’aura aucun moyen fiable d’assurer son ravitaillement. Si on parvient à garder sous notre contrôle l’Hersœur, il ne pourra pas faire durer sa campagne sans avoir à prendre l’entièreté des châteaux du duché de Fort-Rivers. Mais si nous arrivons à le maintenir hors des frontières, la guerre n’aura pas besoin de durer. Plus il restera dans le duché de Fort-Rivers et plus cela nous sera bénéfique. Un jour ou l’autre, le duc Dorne va débarquer. L’étoile pourpre sera alors prise entre le marteau et l’enclume. Nous alignons plus de vingt mille hommes, plus vingt mille autres des duchés de Rol’dorne et de Fornost, il aura face à lui plus de quarante mille hommes. Avec six mille têtes avec lui, il ne pourra pas gagner la guerre.

- Les duchés extérieurs ne viendront nous aider que si nous ne leur montrons pas que nous sommes plus forts que l’étoile pourpre, répliqua Louis. Il nous faut donc une victoire rapide contre l’armée de l’étoile pourpre, mais aussi tenir face à la flotte du kraken.

- Alors séparez vos forces en deux. Que mille voire deux mille hommes s'occupent de tenir le port de l’Hersœur pendant qu'avec le reste de l’armée fait route en direction du Sud. Envoyez un message à Fort-Rivers. Dites-leur de tenir leur foutu fleuve jusqu’à votre arrivée. Une fois fait, il suffirait de passer le fleuve à Fort-Rivers et d’attaquer l’étoile pourpre par l’ouest. En l’attaquant de nuit, la victoire est assurée. Vous aurez un double effet de surprise en débarquant par l’ouest et en pleine nuit.» Il attrapa alors le pion de l’étoile pourpre sur la table et le déplaça en le poussant vers l’est. «Positionnez de cette façon, il ne pourra se replier vers la mer. Poussez-le ainsi vers les montagnes, voire vers Fort-Raven. Cela donnera le temps au duché de Rol’dorne et de Fornost de rassembler leurs troupes. Une fois fait, il sera alors pris sur trois fronts sans aucune chance de repli. Et la victoire sera la vôtre. » Ayant positionné le pion de l’étoile pourpre à Fort-Raven entre les montagnes, il le fit alors tomber.

Victor regarda alors le housecarl de plus près. Ce dernier était armé comme un homme du Nord. Comme son chef, son armure ressemblait à des écailles. Il avait aussi une épée nordiste à une main accrochée à sa ceinture, ainsi que deux petites haches. Une plus grande était accrochée derrière son dos. Victor estima son âge entre seize et vingt ans. Cela était plus dur avec les hommes du Nord qui différaient de la moyenne. Ses cheveux long et blond aussi typique des Nordistes lui descendaient juste en dessous des épaules. Victor pouvait aussi voir qu’il portait une moustache blonde elle aussi, ainsi que le début d’une barbe.

« Donc tout repose sur la garnison du port de l’Hersœur et sur celle de La Tour, dit Louis.
- Mais aussi sur les duchés du Grand-Royaume.

- Et si le port tombe lorsque nous serons dans le sud ?

- Si tout se passe bien, vous n’aurez cas envoyé une petite armée remontait vers la cité d’or pour la défendre ou le reprendre. Sans l’étoile pourpre, les marins de Mitiléne ne peuvent espérer prendre la cité.»

Louis se pencha la carte un moment.

Victor se demanda à quoi il pensait. La stratégie proposée par le housecarl paraissait bonne. Mais il faudrait que l’armée du Grand-Royaume combine vitesse et chance. Pour Victor, le plan résidait un peu trop sûr de la chance. Si une seule des conditions n’était pas assurée, alors c’était la défaite assurée.

Louis se redressa et se tournant vers les seigneurs présents, leur demanda leurs avis. Si les seigneurs Worrl, Tigre et Argenté hochèrent la tête en signe d’approbation, le seigneur Carvall se leva de son siège et déclara ce que beaucoup pensaient : « Ce plan que vous nous proposez, réside trop sur la chance. Il peut fonctionner, certes. Mais à la condition que l’étoile pourpre échoue dans chacune de ses tentatives de percer nos lignes ou qu’il reste passif. Or, jusqu’à présent, il nous a prouvé le contraire.»

Le housecarl allait lui répondre, mais Louis le devança : « Ce plan n’est certes pas infaillible, mais à preuve du contraire, c’est le seul que nous ayons. Dans le cas contraire, je vous invite à nous le prouver.» Nul ne posa d’objections. Même le comte Carvall ne savait pas quoi proposer d’autres. « Très bien, reprit Louis. Alors allez préparer vos hommes. Demain, nous sortirons de la cité d’or et partirons en direction de La Tour.» Les comtes saluent Louis et se mirent à sortir. Mais au moment où le housecarl qui avait proposé le plan allait sortir, Louis le retient : « Non, pas vous. Ni toi Victor.»

Que peut-il bien vouloir, se demanda Victor. Il était plutôt rare que Victor et un housecarl se retrouvent dans la même pièce. En général, Victor préférait l’éviter. Il avait toujours vécu dans la crainte des clans du Nord et des housecarls. Que ce soit l’Ardenne d’où il venait, de Tombétoile ou d’un autre duché à l’Ouest du détroit, chacun avait peur des clans du Nord. C'était la plus grande peur de tout ce continent. Pas que pour le sac de Tombétoile, vingt ans plus tôt. Les clans du Nord avaient de tout temps pillé le continent de Tombétoile. Étant un continent riche de par le commerce, mais aussi de par ses ressources, il devenait la cible principale des pillards. Si dans le Sud les pillards étaient facilement repoussés, dans le Nord, c'était autre chose. Les clans du Nord étaient les plus farouches guerriers que l’on puisse trouver au Nord des mille îles. Seuls les housecarls de la famille Russ pouvaient les égaler. De par leur férocité, mais aussi de leurs différentes techniques de combat. Les clans du Nord pouvaient s’adapter à n’importe quel terrain. Il pouvait faire front à n’importe quel adversaire, qu’ils soient seuls ou en groupe. La plus répandue et la plus utilisée étaient sûrement le mur de boucliers. Il consistait à faire deux ou trois rangs de guerriers. La première ligne protégeait le bas du corps pendant que la seconde s’occupait du haut du corps, notamment la tête. Mais le plus impressionnant et le plus craint sur le continent de Tombétoile, était un Yarl du Nord. Avec leurs épées enflammées, faites à partir d’un alliage de pierre blanche comme le trône du Grand-Royaume et d’acier Fannar: le Fann. Les épées s’enflammaient, pour une raison encore inconnue à Victor, au moindre choc. Pour cette raison, un Yarl du Nord était particulièrement craint sur le continent de Tombétoile. L’Ardenne n’en échappait pas, et pendant sa jeunesse, Victor avait entendu et écouté les histoires sur les Yarls. Et comme toute personne du continent, il en avait peur. les housecarls étaient leur pire ennemies, mais pourtant ils se ressemblaient beaucoup. Pour Victor, housecarls ou clans du nord, c’était la même chose.

Victor regarda les hommes qui étaient restés sous la tente. Il y avait lui, Louis, le housecarl Arrik ainsi que celui qui avait proposé le plan et Nuit le Fannar au service de Louis. Il remarqua que les deux housecarl commençaient à s’impatienter, Louis aussi avait dut le remarquer, car il déclara à l’adresse du second housecarl: « Quel est votre nom?

- Trymian, monseigneur.

- Et bien Trymian, j’aimerais savoir où as- tu appris à faire des plans de campagne comme celui-ci.

- Dans les livres. Pendant un temps, j’ai servi le duc Russ à Nocturne. J’ai beaucoup étudié la bibliothèque du château. Les livres peuvent aussi nous apprendre à nous battre.»

Ils auraient pu le traiter de menteur. Victor vit la façon de parler de Trymian, et sut comme Louis qu’il ne mentait pas. Il n’avait aucun accent, contrairement à Arrik. Et il parlait presque comme un seigneur. Dès qu’il avait commencé à parler pour proposer son plan, c'était la chose qui avait le plus étonné Victor. Bien que sur le moment, il était plus concentré sur le plan de la campagne que sur la voix du housecarl, sa voix l’avait quelque peu perturbait. Le housecarls Arrik portait lui un accent bien prononcé, qui montrait bien d’où il venait : du Nord et sûrement de la campagne. Mais pour Trymian, c'était totalement différent. Victor se demanda alors s'il n’était pas un noble. Même si dans le Nord le titre de noble n’existait pas réellement, il existait comme dans tous les duchés du Grand-Royaume des comtes, des marquis et des barons. Il était tout à fait possible que Trymian soit l’un d’entre eux.

Louis sourit puis se dirigea vers les deux housecarl. Il s’adressa alors à Trymian : « Je sais que vous êtes très attaché à votre patrie, et que votre capitaine Arrik a déjà refusé aujourd’hui de servir dans la maison du roi, mais je veux tout de même vous le demander. J’ai besoin de personne telle que vous autour de moi, alors acceptez-vous de me servir en tant que garde du corps ?»
Trymian se tourna alors vers son capitaine en lui demandant son avis. Ce dernier lui fit signe que le choix lui appartenait. Alors il demanda : « Je devrais être fait chevalier pour vous servir ?

- Pas nécessairement, répondit Louis.

- Alors c’est d’accord. Je vous servirais comme garde du corps, mais seulement le temps de la campagne. Après cela, mon chemin se dirigera vers le Nord.»

Sur ce, il salua Louis en se courbant et prit congé avec le capitaine des housecarls. Il ne resta alors plus que Louis, Nuit et Victor.
Bizarrement, la présence de Nuit ne le dérangeait pas. Victor avait pris pour habitude que Nuit soit tout le temps au côté de Louis. Peut-être aussi, parce qu’il savait que Nuit était partout. Où qu’il soit avec Louis, Victor savait que Nuit était proche. Il était aussi l’un des grands mystères qui entouraient le prince. Étrangement, personne ne le remarquait vraiment. Nuit savait très bien se faire oublier lors d’une conversation. Et généralement, peu de personnes demandaient au prince que faisait un Fannar de Sombre-Astre au côté d’un prince du grand royaume. À force de le voir accompagner Louis partout et lui faire plus confiance, Victor avait fini par remarquer la présence de Nuit, mais surtout, il s’était demandé pourquoi était-il là. Plusieurs fois, il avait demandé à Louis, mais il lui répondait toujours la même chose. Si à chaque fois ses mots changeaient, à chaque fois, ils voulaient dire la même chose. De ce que Louis en avait compris, Nuit était entré aux services à son de son plein gré. Il n’avait pas été invité, mais avait proposé ses services à Louis, pour presque rien. Nuit désirait simplement manger à sa faim, et servir d’espion au prince. Il désirait aussi être toujours au côté du prince, d’une façon ou d’une autre. Si la réponse de Louis restait quelque peu vague, celle de Nuit était encore pire. À chaque fois que Victor lui demandait un conseil ou quelque chose d’autre, Nuit répondait à la fois par oui et non, quand bien sûr, il ne lui répondait pas par une énigme. Pour Victor, Nuit était comme un philosophe, mise à part le fait qu’il ne parle que très peu. Lorsqu'on lui posait une question, il répondait souvent par une autre question. Il préférait laisser les personnes réfléchir par eux-mêmes pour qu’ils arrivent seuls à leur propre conclusion. S’il donnait des indications à son interlocuteur, c’était simplement pour l'aider dans son raisonnement. Il ne cherchait pas à imposer sa façon de penser, mais voulait que les personnes de son entourage la développent seules. Si Victor avait trouvé cela poétique quand il l’avait rencontré, il avait rapidement trouvé cela plus que énervant.

Il dirigea son attention vers Louis. Ce dernier s’était resservi une coupe de vin. Encore une fois un vin blanc de Thertre. Il en proposa à Victor qui refusa d’un signe de mains. Le départ aurait lieu le lendemain et il souhaitait avoir les idées claires pour la route vers Fort-Rivers.

« Bien manœuvrais pour le housecarl Trymian. Désormais, tu as un nouveau garde du corps.

- Vrai. Mais l’objectif est surtout de montrer à l’armée et à mon frère, le Roi, que nous pouvons nous entendre avec les autres duchés. Pour faire face à l’étoile pourpre, nous devons être unis. De cette façon, je rapproche le duché des Russ et les terres de la couronne.» Il soupira puis prit une gorgée de vin. « Richard aurait agi de la même façon.»

Et voilà, c’est reparti. Il ne peut pas faire une seule chose sans se demander comment son frère l’aurait fait, pensa Victor. La vérité était que Louis avait un gros problème avec son frère le prince Richard. Il ne pouvait pas passer une journée à se comparer à lui. À se demander comment Richard aurait fait ou comment Richard agirait. Dans chacune de ses actions, on pouvait voir une partie de Richard. En même temps, il était le prince parfait. Doué à la joute, à la mêlée comme au duel. Il était l’ancien premier conseiller du Roi Charles et menait cette tâche à la perfection. Durant toute sa jeunesse Louis avait été écrasé par les talents de son frère. S’il était bon en une chose, son frère était meilleur. Si Louis révélait des capacités ou des talents dans un domaine, le prince Richard se révélait être bien meilleur. Jamais le Grand-Royaume n’avait connu ou ne connaîtrait un premier conseiller tel que lui. Il était tout ce que son frère le Roi n’était pas. Extrêmement doué en politique comme en militaire. Proche des soldats de l’armée comme de tous les seigneurs qu’il connaissait, il était respecté par tous. Aussi, quand il était mort, le Grand-Royaume avait ressenti un vide qu’il ne pouvait espérer combler. Si Louis avait tenté de remplacer son frère, cela s’était soldé par des échecs. Quoi qu’il fasse, Louis ne pouvait espérer remplacer Richard. Surtout que si le Roi respectait voire, certains se le demandaient, craignait le prince Richard, il considérait son plus jeune frère comme un moins-que-rien, comme un incapable. Ainsi, il avait nommé le comte Rover premier conseiller à la place de Louis, prétextant que celui-ci n’avait pas assez d’expérience et que le comte Erlender serait un meilleur choix. Peu de monde avait compris ce choix, mais Victor se doutait que c'était juste pour humilier son cadet.

Louis regarda la tente en grimaçant puis après avoir posé sa coupe, déclara : « Comment Richard pouvait-il bien aimer dormir sous la tente, c’était vraiment le prince parfait. Un jour, il m’a dit qu'en cas de guerre, il faut toujours dormir avec les hommes. De cette façon, on se rapproche plus d’eux et ils se battent mieux, ils savent ainsi que leur chef se considère à leur égal.» Il grogna. « Moi, je trouve cela ridicule. On dort mal et on a moins les idées claires le lendemain.

- Alors pourquoi le fais-tu, demanda Victor ? Tu as une chambre pour toi au palais, vas dormir et ferme là.

- Richard l’aurait fait lui, et sans se plaindre. Il aurait dormi avec ses hommes pour y maintenir une solidarité.» Puis son humeur changea d’un coup et il frappa violemment sur la table. « Lui, il saurait quoi faire. Il saurait comment repousser l’étoile pourpre sans que ses conseillers ne l'aident à trouver un plan. Je doute même que l’étoile pourpre aurait attaqué le Grand-Royaume s'il était encore là.

- Il n'est pas là. Et quoi que tu en dises, cela ne changera pas. Le Grand-Royaume n’a que toi. Nous l’avons tous vue, ton frère le Roi n’est qu’un incapable. Un enfoiré même. Jamais il ne pourra sauver le Grand-Royaume. Alors arrête de pleurer, tu as une armée à diriger, des hommes qui dès demain attendront tes ordres. Ils se foutent que tu ne sois pas ton frère. Tout ce qui compte, c’est que tu les mènes à la victoire. Si tu laisses l’étoile pourpre remportée la guerre, tout ce que ta dynastie a battis en mille ans s’effondrera. Alors on se fout que tu ne sois pas Richard, on veut que tu sois Louis. Que tu sois le prince Louis. C’est tout.»
Elersor87

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Re: Le Théâtre du Pouvoir [fantasy-dark fantasy-guerre-intrigue]

Message par Elersor87 »

Alenna . VII

Les ordres étaient clairs: tenir le fleuve et attendre le signal pour attaquer. Postée sur la rive Sud, Alenna se répétait les ordres pour ne pas se déconcentrer. Elle ainsi que deux mille deux cents soldats étaient postés sur la rive et attendaient l’affrontement. Armée d’une arbalète, elle s’était cachée dans un buisson à dix pieds de l’eau. Comme elle, plus de deux mille hommes de l’étoile pourpre attendaient de lancer une embuscade sur les soldats qui allaient franchir le fleuve à gué. La guerre allait réellement commencer dans quelques instants.

L’armée de l’étoile pourpre avait parcouru presque soixante mille en seulement trois jours. Il était parti d'Ergernt en direction du Nord et de La Tour. D’après ce qu'Alenna savait à ce moment-là, il n’existait que peu de moyen d’accéder aux terres de la couronne, l’une d’entre elles était La Tour. L’étoile pourpre avait donc dirigé ses forces vers la petite forteresse. Si de cette façon, il pouvait traverser le fleuve sans déplorer la moindre perte cela serait le mieux. Or, cela ne se passait pas comme prévu: les loyalistes venaient à leur rencontre.

Alenna et l’armée de l’étoile pourpre étaient arrivées sur le rivage Sud face à La Tour, il y a trois jours. Les ordres de l’étoile pourpre avaient été de monter un campement dans la forêt au sud du fleuve. Au départ, Alenna pensait que c'était pour éviter d’être vus, mais rapidement elle avait compris que leur troupe avait été repérée. Beaucoup d’observateurs avaient été vus, mais surtout, les villages aux alentours avaient été abandonnés ou évacués. Le baron de La Tour avait remarqué leur présence. Aussi, l’étoile pourpre avait ordonné qu’un second camp soit créé sur la rive Nord, le troisième jour. Elle avait alors pensé que l’armée s’y installerait, mais les capitaines chargés de monter le camp avaient déclaré que celui-ci serait seulement un leurre. En effet, plus tard dans la soirée, Alenna avait appris que le comte de Fort-Rivers avait devancé l’armée Royale, et marchait vers La Tour avec trois mille hommes (enfin d’après les rumeurs qu’elle avait entendues). Aussi, elle avait eu beaucoup de mal à comprendre pourquoi l’étoile pourpre voulait créer un second camp qui servirait de leurre. Puis elle s’était rappelé que ce n’était pas n’importe qui, s’était l’étoile pourpre et que nulle personne sur terre ne pourrait deviner ses intentions. Ainsi, elle n’avait pas cherché à poser des questions, ni d’avoir des explications. Le second campement avait été monté en une demi-journée. Cela fait, faisant partie du corps des archers, Alenna, et les Fannars avec elle, avaient reçu l’ordre de se repositionner sur la rive Sud, et de se préparer au combat. Seulement mille hommes d’infanterie avaient été positionnés dans le nouveau campement. La plupart, avait remarqué Alenna, étaient des hommes d'infanterie légers, dont beaucoup, des vétérans de la guerre dans le Sud. Et pendant une journée et demie, l’armée avait attendu.

Le soir du deuxième jour de leur arrivée, les bannières de Fort-Rivers avaient été repérées. Les bannières du château gris surmontant un fleuve bleu avait été aperçu avec trois mille hommes. L’étoile pourpre avait ordonné à toute son infanterie (contenant les archers) de se positionner devant le fleuve près à se battre au signal. Les hommes avaient alors reçu l’autorisation de dormir, à condition d’avoir des sentinelles qui montaient la garde. D’après ce que le commandant leur avait dit, l'étoile ne prévoyait pas que leur adversaire ne les attaque pendant la nuit. La marche avait dû être forcée et ainsi, les hommes étaient épuisés et dans l’incapacité de se battre. Il attendrait alors la nuit que leurs hommes se reposent et attaquerez sûrement au matin. «De cette façon, le faible effectif serait compensé par la surprise de l’attaque, leur avait dit le commandant.» En effet pour Alenna, le plan pourrait fonctionner, mais leur adversaire avait oublié une chose, c’est qu’il combattait l’étoile pourpre, le prince des batailles.

Les ordres étaient clairs. Restait au Sud du fleuve, embusqué et les armes au poing. Et quand les troupes ennemies franchiraient le fleuve, leur tendre une embuscade. C’était tout ce qu'Alenna et la troupe savaient, et d’après leur commandant, ils ne devaient pas en savoir plus.

Elle scruta la rive opposée du fleuve. Par chance, il était encore très tôt, le soleil ne s’était pas encore levé et une épaisse brume recouvrait le fleuve et ses environs. On ne voyait pas à plus de trente pieds. Assez pour tirer sur n’importe quel ennemi avant qu’il ne tente le corps-à-corps, se dit-elle. Elle entendit du bruit d’acier, ainsi que celui de personnes rentrant dans l’eau. Elle leva alors son arbalète et se prépara à viser. Au moment où elle aperçut le premier soldat dans la brume, elle vit leur commandent de lever le bras pour qu’il ne tire pas : «Ce sont les hommes qui étaient dans le faux camp.» Alenna baissa son arbalète comme la plupart des soldats autour d’elle. Elle étudia alors les soldats des corps d’infanterie qui revenaient vers eux. Ils semblaient ne pas avoir combattu. Aucun ne portait de traces de combats, mais pourtant, ils se repliaient. Les ordres de l’étoile pourpre étaient pour eux de rester dans le faux camp, du moins c'était ce qu'Alenna avait compris. Pourquoi reviennent-ils vers nous?

Rapidement, les mille soldats se rassemblèrent sur le bord Sud du fleuve. Aucun ne portait des traces visibles de combats et ils ne semblaient déplorer aucune perte. Alors que les soldats se mettaient en position au niveau des archers et des hommes d’infanterie déjà présents, Alenna remarqua que son commandant discutait avec celui qui venait d’arriver. Elle décida de se rapprocher d’eux pour mieux les entendre.

«…vue des mouvements de troupe se dirigeant vers le camp. Leurs hommes sont en marche. Bien qu’ils fassent des efforts pour ne pas être entendus, on avait posté quelques éclaireurs pour les voir arriver de loin.

- Combien sont-ils, demanda le commandant d’Alenna.

- S'ils sont malins ils n’ont engagé que la moitié de leurs effectifs, mais nos éclaireurs affirment que tous leurs hommes sont réunis. Ils foncent droit dans la gueule du loup. Et aujourd’hui, c’est nous les loups.

- Très bien, trouvez un homme pour transmettre le rapport à Auguste. Ils ne vont pas tarder à comprendre qu’il n’y a personne dans le faux camp et vont commencer à traverser le fleuve à gué. On se prépare à les accueillir.»

Le premier fit un signe d’approbation et alla transmettre l’ordre à un de ses hommes. Le commandant d’Alenna regarda alors la rive, puis fit signe aux hommes que l’heure de l’affrontement était venue. Les hommes comme Alenna commencèrent alors à armer l'arc et arbalète et à les diriger vers la rive opposée. D'autres dégainaient leurs épées et se préparaient à l’embuscade. S'ils avaient peur, aucun d’entre ne le montraient. Chaque soldat de l’étoile pourpre savait ce qu’il devait faire. «Respectez les ordres que l’on vous donnera et tout se passera bien, avaient dit leurs capitaines. Si tout se déroule correctement, ce soir, nous serons dans les terres de la couronne sans aucune perte.»

Alenna y croyait. Elle avait foi en l’étoile pourpre. Foi en son armée, et foi dans les soldats qui l’entouraient. Aucun homme sur terre ne pourrait battre l’étoile pourpre. Rien ne l’arrêter. Il était le feu et le sang. La mort et l’enfer sur tous ses ennemis. Ils ne pouvaient perdre cette bataille avec lui comme général. Elle remarqua alors que ses mains tremblaient. Normale, se dit-elle. Surtout avant une bataille. Surtout avant ma première bataille sous le commandement de l’étoile pourpre. À la vérité, c'était la toute première bataille d’Alenna. Certes, elle avait suivi un entraînement Fannar. Mais elle n’avait jamais réellement pu prouver sa valeur au combat. Patience, se dit-elle. Ton heure va venir et plus rapidement que prévu. Surtout ne pas se lancer à corps perdu dans la bataille, ou s’était la mort assurée. Elle devait rester concentrée et ne pas laisser la folie guerrière la submergeait. Écouter les ordres, et ne pas entrer en transe de combat. Ne pas accomplir d’action inconsidérée. Rester concentré sur ses adversaires. Elle vérifia son arbalète et la braqua sur le fleuve. Bientôt, un homme arriverait, suivis par des milliers d’autres. Il faudrait tous les tuer. Pas de quartier, pensa-t-elle. Pas de quartier pour les soldats des terres de la couronne. Elle devait se focaliser sur eux et c’était tout.

Soudain, un premier soldat apparu à travers la brume. L’eau lui arrivant à la taille, l’épée posée sur le bouclier brandie devant lui. Il le protégeait quasi entièrement. Mais un carreau d’arbalète bien tiré pourrait lui transpercer le crâne. Elle s’apprêtait alors à tirer, quand elle remarqua que le commandant faisait signe aux archers d’attendre qu’il avance un peu plus. Quelque battement de cœur plus tard, d’autres soldats émergèrent de la brume. Ils étaient des milliers. Beaucoup portaient les couleurs bleues de Fort-Rivers. Même si la brume était épaisse, on pouvait presque distinguer le blason sur les plastrons. Pour l’instant, ils ne semblaient pas les avoir remarquées. Une bonne chose, se dit Alenna. Mais les soldats se rapprochaient. Toujours un peu plus.

Trente pieds.

Soudain, Alenna fut prise d’un doute. Et si tout cela n’était qu’un piège.

Vingt-cinq pieds.

Et si c'était eux qu’ils leur avaient tendu une embuscade. S'ils savaient que l’étoile pourpre se trouvait là. Que devrait elle faire.

Vingt pieds.

Et pourquoi devrait-elle les tuer ? Ils ne lui avaient rien fait. Elle ne les connaissait pas. Elle se demanda alors pourquoi elle s’était engagée dans cette guerre. Elle n’avait rien à elle dans le Grand-Royaume. Sa place était dans le Sud. Sa place était à Sombre-Astre. Elle regretta et eut peur. Et si elle mourrait. Loin de chez elle. Loin de tout ce qu’elle connaissait. Elle n’aurait jamais dû venir. Ne jamais s’engager dans cette guerre. Elle regretta.

Quinze pieds.

Soudain, le commandant laissa tomber son bras et ordonna de décocher. Alenna hésita. Puis elle visa et décocha son trait sur un homme dans le fleuve. La boucherie commença.

Les carreaux d’arbalète pleuvaient sur les soldats de Fort-Rivers. Ils tombaient comme des mouches sous l’embuscade. Certains tentaient bien de continuer à avancer, mais pour chaque pied gagné, il fallait recevoir un trait d’arbalète. Les archers de Lémovicie faisaient aussi des dégâts en décochant des volées de flèches mortelles sur la rive opposée. S'ils ne voyaient pas grand-chose, les tires paraboliques de leurs arcs leur permettaient d’atteindre la rive opposée. De plus, les cris des hommes de l’autre rive leur permettaient de savoir s'ils touchaient quelque chose. Bientôt, le fleuve fut rempli de cadavres. Quelques soldats de Fort-Rivers parvinrent néanmoins à atteindre la rive Sud, mais à peine s’étaient-ils hissés sur la rive que l’infanterie de l’étoile pourpre les évisserait. Chaque soldat qui atteignait la rive, se voyait combattre une dizaine de soldats de l’étoile pourpre.

Alenna décochait et rechargeait à une vitesse folle. Une arbalète ne permettait pas de faire de nombreux tirs, mais chacun atteignait sa cible, ou du moins Alenna l’espérait. Elle ne vérifiait même pas si elle avait atteint sa cible, seule tirer et recharger lui importait. Tirer, recharger. Tirer, recharger. Elle ne se souciait même plus de savoir où étaient les hommes de Fort-Rivers.
Soudain, un homme lui agrippa le bras. Elle se tourna immédiatement prête à lui enfoncer un poignard dans la gorge, mais se ravisa quand elle reconnut Vardlenne.

«Arrête de tirer, ils battent en retraite, dit-il»

Elle regarda alors le fleuve et vu qu'effectivement les soldats de Fort-Rivers battaient en retraite de façon totalement désorganisée.

«Ils ont dû perdre la plupart de leurs capitaines, et les derniers restant doivent être totalement paniqués pour organiser une retraite en bon ordre, continua Vardlenne.» Alenna hocha la tête et regarda le carnage. Rien que devant, elle comptait une trentaine de cadavres ou de blessés. Certains étaient évacués avec les fuyards, mais la plupart était tout simplement abandonnés sur place. Les soldats étaient littéralement tétanisés par la peur et ne cherchaient pas à aider leurs camarades blessés.

Soudain, elle entendit un son grave. Le cor de guerre de l’étoile pourpre, le signal. Pour tous ceux qui attendaient de combattre contre l’étoile pourpre, cela signifiait la mort. Le plus gros coup de l’étoile pourpre allait se jouer. Pour chacune des batailles où il avait commandé, ce cor de guerre avait toujours été sonné. À chaque bataille, chaque siège, cela signifiait que l’étoile pourpre lançait son plus gros assaut, son plus gros coup de maître stratège. La bataille allait dégénérer pour les troupes de Fort-Rivers.

Mais pour l’instant cela ne voulait dire qu’une seule chose pour Alenna, elle devait traverser le fleuve et poursuivre les fuyards. Elle dégaina alors une épée, accrocha son arbalète à la ceinture. Elle allait sauter dans le fleuve quand Vardlenne la retint : «L’infanterie d’abord. Nous, on attend qu’ils soient passés. Alenna ne l’oublie pas, on est censé faire partie du corps d'archers.» Bien que répulsive, elle attendit que les soldats de l’infanterie soient passés avant de se jeter dans le fleuve.

L’eau lui arrivait elle aussi à la taille. Elle leva son arbalète et l’accrocha dans son dos pour ne pas que la corde soit mouillée et pouvoir retirer avec. Avancer dans le fleuve ne fut pas chose aisée. Si le gué leur permettait d’avoir pied, les cadavres les gênaient pour avancer. De plus, les galées au fond de l’eau étaient glissantes et Alenna manqua de tomber plus d’une fois, mais à chaque fois, Vardlenne qui était derrière elle la rattrapait. Alenna sentait une certaine sécurité quand il était à ses côtés.

Finalement, elle arriva rapidement sur la berge Nord. Elle fut alors rapidement déçue. Les troupes d’infanterie étaient déjà passées par le chemin d’Alenna, et il n’avait laissé que des cadavres sur leur passage. Aussi, Alenna ne trouva aucun adversaire sur la rive. Les troupes de l’étoile pourpre avaient percé la ligne de Fort-Rivers comme un carreau d’arbalète s’enfonçant dans une cotte de mailles. Les effectifs de Fort-Rivers fondaient comme neige au soleil. Certains soldats tentaient néanmoins de contre-attaquer, mais c’était peine perdue. Ils se battaient à trois contre un.

Alenna se jeta alors dans la mêlée. Bien qu’ils soient nombreux, la ligne de Fort-Rivers avait été percée de part en part. Aussi, les soldats se battaient, pour la plupart, en duel, souvent contre plusieurs adversaires. Alenna fit alors des coups d’estoc et de tailles sur tous les ennemis qu’elle rencontrait. Quand elle rentra dans la mêlée, les soldats ennemis étaient déjà en prise contre des adversaires, Alenna pouvait facilement les attaquer par-derrière, leur donnant des coups en traître dans leur dos. Puis les troupes de Fort-Rivers se firent plus nombreuses. Alenna se retrouva alors en prise face à un chevalier à en juger par son équipement, mais aussi par son blason : une épée sur champ rouge. Ce dernier balança son épée de façon peu hasardeuse sur le côté droit d’Alenna. Elle comprit alors qu’il faisait cela juste pour la tester. Aussi, elle devait saisir la chance de blesser son adversaire maintenant. Elle para l’attaque avec son épée, avant de viser sa jambe droite.

Le chevalier voulut stopper l’attaque, mais il ne fut pas assez rapide. L’épée d’Alenna était en Fann, aussi elle transperça sans mal la faible cotte de mailles qui protégeait sa cuisse. Blessé à la jambe, le chevalier recula, appuyant la blessure avec son bras armé. Alenna saisit l’instant et taillada son bouclier jusqu’à ce que le chevalier tombe à terre son bouclier en charpie. Elle voulut donner le coup final pour l’achever, mais elle se rendit compte que le chevalier lui tendait son gantelet de fer comme signe de sa reddition. Elle se rappela alors que son commandant lui avait dit que souvent les chevaliers du Nord se rendaient et rachetaient leur liberté grâce à des rançons. Elle accepta le gantelet, et repartit dans la mêlée.

Elle rencontra plusieurs adversaires, mais aucun n’était un chevalier. Aussi, ils ne pouvaient lui rapporter de rançon. Elle en tua un et en blessa un autre de façon à ce qu’il ne puisse plus se battre.

Alors que ses bras commençaient à se faire lourds, elle entendit de nouveau le son du corps de l’étoile pourpre. Si le premier son annonçait le début des mouvements de l’étoile pourpre, le second ne signifiait qu’une seule chose : la bataille était perdue pour ses adversaires. Ce second coup de corps était toujours donné quand l’étoile pourpre donnait le signal pour la fin de la bataille, il voulait dire qu’il assénait le coup final à son adversaire.

Autour d’elle, les soldats se tinrent immobile. Même au nord des milles îles ce son était redouté. Il signifiait la fin pour chaque ennemi de l’étoile pourpre. Ne voyant rien arriver les soldats de Fort-Rivers allaient se remettre à combattre, quand la cavalerie de l’étoile pourpre fit irruption dans l’intérieur du faux camp par le flanc ouest.

Alenna s’était étonné de ne voir aucun cavalier sur la rive sud. Pour elle, c'était le marteau de l’étoile pourpre, et l’infanterie était l’enclume. La cavalerie était le fer de lance de l’armée de l’étoile pourpre, rien ne pouvait l’arrêter. Aussi, elle avait trouvé cela étrange de ne pas les voir sur la berge Sud, et se demandait où elle pouvait se trouver. Maintenant elle avait la réponse à sa question. Encore une fois, la cavalerie était le marteau de l’étoile pourpre. Elle avait sûrement traversé le fleuve sur un autre gué plus à l’ouest, et attendait d’attaquer les troupes de Fort-Rivers sur leur flanc droit.

Alenna vit la cavalerie lourde traverser le camp, tailladant tout sur son passage. Rapidement, le peu de soldats de Fort-Rivers qui était resté, commença à fuir le champ de bataille.

Alenna voulut les poursuivre, mais quand elle voulut s’élancer à leur poursuite une main la reteint. Elle se retourna pour découvrir Vardlenne tout ensanglanté. Et se demanda si c'était son sang. Il dut lire dans ses pensées car il lui répondit : «N'inquiète pas pour moi, c’est le sang d’un Rivers. Il a tenté de m’enfoncer son épée dans le corps, mais ma hache lui à sectionner la tête juste avant.

- J’espère que ce n’était pas un chevalier. Je ne sais pas pourquoi, mais j’en ai épargné un sur le chemin. Je me demande s'il y est toujours et s’il est vivant.

- Si c’est vraiment le cas, ça veut dire que tu vas recevoir une belle rançon pour sa capture. Je ne sais pas pourquoi, mais les types du Nord préfèrent se rendre et finir ruinés, que de mourir pour leur royaume. Ils ont vraiment un problème dans leur tête. » Il soupira puis reprit : «Quoi qu’il en soit, ne cherche pas à les poursuivre, ça ne servirait à rien. Avec la cavalerie sur leurs talons, ils n’iront pas bien loin. Tout de même je ne pensais pas que les Orois et les Rivers étaient d’aussi bon combattant. J’ai bien cru que j’allais y passer plus d’une fois, ils se battent bien ces enfoirés.

- Dit plutôt qu’ils ont de bonnes protections. Sans leurs foutues armures, on les aurait décimés avant que la cavalerie ne débarque.

- En-tout-cas, toi, tu ferais mieux de te trouver une de ces foutues armures, dit-il en désignant le bras gauche d’Alenna.» Elle n’avait même pas remarqué que son bras saignait. Sûrement, à cause de l’adrénaline, elle ne s’en était pas rendu compte. Elle trébucha avant que Vardlenne ne la rattrape au vol. «C’est sûr, ce sont de sacrés adversaires. Viens, il faut qu’on la nettoie avant qu’elle ne s’infecte.»

Vardlenne la prit sous le bras et commença à se diriger vers la rive Sud, où étaient les soignants. Alenna put alors voir le carnage laissé par l’armée. Des morts et des agonisants gisaient partout. Étrangement, il n’était pas aussi nombreux qu’elle croyait. La plupart, pour ne pas dire tous, étaient des soldats de Fort-Rivers. Leurs pertes doivent être élevées, se dit-elle. Ils ont dû perdre au moins cinq cents hommes, sans compter le millier de blessés et prisonniers. Elle fit alors part de ses pensées à Vardlenne, qui se contenta de grogner quand ils rentrèrent en même temps dans l’eau. La traversée du fleuve ne se fit pas aussi rapidement qu’à l'aller. Avec son bras qui lui lançait des décharges, Alenna n’aurait pu franchir le gué sans l’aide de Vardlenne.

Finalement, ils arrivèrent enfin sur la rive sud. Alenna ne vit pas plus d’une cinquantaine de blessés, aussi elle se dit que l’on viendrait rapidement s’occuper d’elle. Et en effet, les soignants ne se firent pas attendre. Ce fut un prêtre des quatre dieux, qui vint s’occuper d’elle. Il demanda à Vardlenne ce qui avait fait la blessure, mais ni lui ni Alenna n’en avait la moindre idée. Elle était trop occupée lors des combats qu’elle n’avait même pas remarqués la blessure. Il déclara finalement que la plaie était propre, mais qu’il fallait tout de même la bander si elle voulait éviter la gangrène. Une fois, cela fait, il lui dit que sa vie dépendait maintenant des dieux. Puis il se leva pour aller s’occuper d'autres personnes blessées.

«Il a capté que dans le Sud, on ne priait pas les quatre, ou il est juste con ?

- Il vient de te sauver la vie, répondit Vardlenne. Ne l’oublie pas.» Puis sa voix se changea en colère. «Putain, mais qu’est qui ta pris de te lancer comme ça dans la bataille! Pour l’instant, nous sommes des archers, nous sommes faits pour les combats de distance et les embuscades, pas pour les corps-à-corps. Si je ne t’avais pas suivie, tu te serais fait tuer à la première occasion.

- Peut-être que je savais que tu allais me suivre, répondit Alenna en souriant.» Vardlenne baissa alors la tête et soupira. Il doit en avoir marre de moi, se dit-elle, ce qui la fit sourire. Il se leva et déclara : « Reste ici et repose toi. Je vais aller voir le commandant pour la suite des événements. Il faut savoir combien d'hommes on a perdu, et combien Fort-Rivers en a perdu. J’espère que nous aurons une journée de pause après cette victoire. Reste ici, et repose toi.» Puis il se retourna et partit vers l’intérieur du campement.

Alenna le regarda partir avant de se tourner vers la rive nord. La brume s’était dissipée et malgré la forêt où était Alenna, on pouvait distinguer le petit manoir de La Tour. Pourtant, une seule chose l’intrigua réellement. Elles sont où leurs putains de tour? Sans le vouloir elle commença à s’endormir.

Elle sentit une goutte d’eau tomber du ciel.
Elersor87

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Re: Le Théâtre du Pouvoir [fantasy-dark fantasy-guerre-intrigue]

Message par Elersor87 »

Victor . VIII



L’armée royale avançait plus vite que prévu. Elle était partie de la cité d’or il y a douze jours, elle avait déjà atteint Fort-Carvall. À ce rythme là, nous serons à Fort-Rivers en moins d’une semaine, pensa Victor.

Étant un pisteur, Victor avait été positionné à l’avant-garde. Il pouvait bien, entendue quitter la route quand il le souhaitait et pouvoir ainsi regarder les mouvements de l’armée. S’il se positionnait sur une colline assez haute, il pouvait alors discerner les colonnes de soldats sur la route de l'Auberyonne. En les regardant depuis sa position, elle ressemblait plus à des serpents géants totalement faits d’acier. On voyait naturellement les couleurs des différentes maisons des terres de la couronne, mais le métallique ressortait beaucoup plus avec le soleil se reflétant dessus. Dans un sens, cela faisait peur à Victor. De gigantesques serpents métalliques se glissant entre les plaines des terres de la couronne. Vu du ciel, le spectacle devait sûrement être effrayant.

Victor pensa alors aux dix-neuf mille hommes qui composaient l’armée (deux mille étaient postés à l’Hersœur). Beaucoup d’entre eux trouveront la mort contre l’étoile pourpre, elle les massacrera comme du bétail, se dit-il. Bientôt, ces magnifiques serpents métalliques seront dépecés par l’étoile pourpre et ses hommes. Pour Victor, la guerre était la pire des calamités qui puisse tomber sur le monde. Mais la guerre contre l’étoile pourpre était bien pire. Victor avait foi en la cause du Grand-Royaume. Mais il savait que contre l’étoile pourpre le prix à payer pour la vaincre serait élevé, très élevé.

Il resta encore un moment sur son rocher à contempler les serpents métalliques. Victor avait pour ordres de vérifier si aucun ennemi ne cherchait à prendre en embuscade l’armée royale. Il avait alors gravi l’une des seules collines du comté pour trouver un rocher sur lequel il pourrait avoir une meilleure vision. Il savait très bien qu’il faudrait être fou pour attaquer une telle armée en rase campagne. Les chances de mourir étaient plus qu'élevées. Aussi, même si l’étoile pourpre aurait réussi à rentrer dans les terres de la couronne, il n’aurait pas pu avoir déjà atteint leur position. Les distances étaient trop grandes.

Il finit par descendre et se dirigea vers le bas de la colline. Après avoir marché pendant dix minutes, il finit par tomber sur Trymian qui l’attendait avec leurs chevaux.

Louis avait insisté pour que Trymian et Victor tissent des liens. Il voulait absolument que son garde du corps et son meilleur ami deviennent tous deux amis. D’après lui, cela renforçait la cohésion au sein de son armée privée. Aussi, quand il avait envoyé Victor faire du repérage, il avait insisté pour que Trymian soit avec lui. Si Victor n’y voyait pas d’inconvénient dans un premier temps, il s’était finalement demandé si Trymian allait réellement pouvoir suivre son rythme. Finalement, il avait été surpris de découvrir qu’il s’adaptait parfaitement au terrain et réussissait très bien à suivre le rythme de Victor. Étant un housecarl, Victor s’était dit que cela devait être facile pour lui. Les terres du Duché de Nordruss étaient des terres froides et sauvages, les housecarl du nord connaissaient la vie sauvage bien mieux que Victor ne les connaîtrait jamais. Victor avait donc obéi aux ordres de Louis, et en fin de compte se lier d’amitié avec Trymian, avait été plutôt facile. Il avait appris pourquoi Trymian était allé défendre le domaine royal. En vérité Trymian n’avait pas rejoint les terres de la couronne par patriotisme, mais plutôt par amour. D’après ce que Victor avait compris, Trymian avait dû quitter les terres du nord parce qu’il était amoureux de l’une des filles du Duc Russ. Ce dernier l’avait envoyé dans les terres de la couronne en espérant qu’il y meure et que sa fille l’oublie. Ou tout du moins s’était la version qu’il avait comptée à Victor. Mais ce dernier se doutait qu’il manquait quelques faits à son récit.

Il salua Trymian d’un signe de la main, avant de monter sur son cheval et de déclarer : « Pas de trace d’ennemie en vue, si l’étoile pourpre est dans les environs, il doit être très discret. De toute façon, avec le boucan que fait l’armée royale, il faudrait être fou pour s’en aventurer à moins de trois mille.

- Une chance pour nous, alors, répondit Trymian.

- Oui en effet, répliqua Victor. » Puis il donna un coup de talons dans les côtes de son cheval pour le faire avancer. Ce dernier était un étalon de l’Ardenne, le duché d’origine de Victor. Il était idéal pour ce genre de mission. Assez robuste pour porter les matériels d’un éclaireur, tout en étant rapide et en pouvant voyager à travers bois. Il était dressé pour cela.

Sur le chemin de retour vers l’armée royale, il questionna Trymian sur les housecarls du nord. Il voulait en savoir plus sur ces redoutables guerriers réputés dans tout le Grand-Royaume. Et pas seulement pour tisser des liens avec Trymian, comme Louis lui avait demandé. Mais aussi parce que cela l’intéressait beaucoup. Les housecarls du nord étaient réputés partout. Pas seulement pour leur réputation de guerrier, mais aussi pour leur don pour le survivalisme. Depuis toujours Victor avait voulu aller dans le nord. Découvrir le duché de Nordruss, découvrir comment les gens de là-bas faisaient pour vivre. Le climat étant tout sauf doux, Victor se demandait bien comment il faisait pour y habiter et travailler.

«Tu as raison, répondit Trymian quand il lui posa la question. On ne vit pas dans le Nordruss, on survit. Même avec l’aide des duchés du sud ou des terres de la couronne, la vie est dure. On mange rarement à notre faim, on se les gèle à chaque hiver. Parce que quand ce n'est pas la faim qui nous tue, c’est le froid. Mais pourtant certains d’entre nous ont une chance. De quoi, me diras tu ? Et bien simplement d’avoir un don pour le maniement des armes. Depuis toujours la vie dans le nord n’est pas facile. Entre les pillards des clans du Nord, les ours, les loups et toutes ses autres putains de créatures, on a de quoi s’occuper. C’est pour cela que certains d’entre nous peuvent entrer au service des Russ. Ils nous vêtissent, nous nourrissent et nous préparent pour le combat. Et en échange, on sert dans leur armée pour quelques années avant de partir défendre nos terres.

- C’est ce que tu devais faire normalement ? Avant de venir combattre à nos côtés.

- Oui, répondit-il en soupirant. Normalement, c’était ce que je devais faire.

- Alors pourquoi être venu ? C’est selon moi, ce que tu as toujours voulu. Pourquoi être venue dans les terres de la couronne ?

- Je te l’ai dit. En tombant amoureux de la fille du comte.» Il se tourna vers Victor et le dévisagea. «Le problème dans le Nordruss, c’est que l’hiver y est rude. Plus rude que dans n’importe quel autre duché. Alors on ne dit jamais non à une bouche en moins à nourrir.

- Tu veux dire, que le duc de Nordruss fait tout pour vous voir mourir rapidement.

- Et bien oui. D'une certaine façon, on peut le comprendre de cette façon. Oh, ne fait pas cette tête. Une mort rapide est très souvent préférable dans les duchés du nord. C’est toujours mieux, que de mourir de froid. Mais bien entendu, on est rarement exécuté dans le nord. Les comtes ou le duc Russ préfèrent nous voir mourir pour une cause utile. C’est pour cela qu’il nous envoie nous faire tuer. Ce qui d’une certaine façon, est quasiment pareil. Mais au moins, on aura l’impression que notre mort aura été utile à quelqu’un.»

Il stoppa alors sa monture pour pouvoir regarder les bannières des terres de la couronne qui flottait au vent. On aurait pu en compter des centaines. Toutes étenduent sur une route sans fin. Avec le soleil au zénith on pouvait bien distinguer les couleurs des différentes maisons, si bien qu’elles formaient un magnifique camaïeu de couleur. Bien entendue les bannières noir et or des Roy étaient majoritaire, l’armée étant principalement composée de soldats du Roi.

Victor regarda la distance qui les séparait des premières bannières et estima qu’il leur faudrait encore une dizaine de minutes à cheval avant d’atteindre la colonne. Il fit alors claquer ses reines et poursuivie vers les bannières, Trymian sur ses talons.
Il se tourna alors vers lui pour demander : « Donc si je comprends bien, tu es tombé sous le charme de la fille de ton duc, et pour éviter que cela devienne compromettant et que ta mort soit utile, il t'a envoyé te battre pour les Roy, c’est ça ?

- Un peu rapidement résumé, mais oui, c’est cela.

- Et il espère que tu meurs en te battant contre l’étoile pourpre. Oui, c’est plutôt logique. Mais si tu ne meurs pas, tu pourras revenir dans le nord, sans craindre d’être décapité en retournant à Nocturne-au-confins.

- Et bien, jusque-là, aucun de ceux qui sont partie à ma connaissance, ne sont revenus. Donc, non, c’est peu probable.» Puis il afficha un sourire amusé en voyant la tête de Victor.

Ils tombèrent sur la colonne de marche plus rapidement que Victor ne l’avait pensé. En les voyant, des soldats leur jetèrent des regards envieux. Trymian et Victor étaient à cheval, alors qu'eux devaient endurer la terrible marche, presque forcée. Ils longèrent la colonne en cherchant la garde royale ou celle du prince Louis.

L’avant-garde était formée par le comte Worrl ainsi que ses hommes. Victor le reconnut par sa bannière : une montagne surmontée d’un croissant de lune. On pouvait compter plus d’une dizaine de bannières ainsi que la bannière royale, cette fois s’y une étoile dorée sur champ noir. L’avant-garde était formée principalement de cavaliers lourds. Mais on y retrouvait aussi beaucoup d’hommes d’infanterie lourde. Victor savait que le comte Worrl avait près de sept-cents hommes sous ses ordres, mais seulement deux-cents étaient des cavaliers. Le reste de l’avant garde était fait avec des cavaliers de famille mineures ou de chevaliers errants. Bien sûr tous les cavaliers de l’avant garde été lourds, en cas d’attaque cela apporter plus de sécurité. La suite de la colonne était faite avec les hommes des comte Carvall et Argenté. A eux deux ils formaient presque un cinquième de l’armée royale. C’étaient les seigneurs les plus puissants des terres de la couronne. Les Carvall, grâce à leur route et donc le commerce et les Argenté pour leurs importantes mines d’argent. Aucun des autres seigneurs des terres de la couronne ne pouvait se vanter d’avoir autant d’hommes ou d’être aussi riche, sauf les Roy bien entendus.

Une fois avoir vue passait les Carvall et Argenté, ils virent enfin la bannière de Louis : trois-étoiles sur champs noir. De toute l’armée, on ne pouvait pas le manquer. Mise à part la centaine de cavaliers et d’hommes d’armes sous ses ordres, les restes étaient composés par les deux cents housecarl de Nordruss.

Ce fut Louis qui les aperçut en premier. Il se détacha de la colonne, pour aller leur parler, suivi par sir Errik Carvall, sir Radolf Boisseaux ainsi que de Nuit. « Alors ce que vous avez vu un mouvement de troupe ou des signes de l’étoile pourpre ?

- Non, rien à signaler, répondit Victor. Ce soir, nous pouvons dormir tranquille, sans craindre qu’il nous tombe dessus.»

Cela fit sourire Louis, qui se tourna vers sir Radolf: « Allez en tête de colonne et faites passer le mot. Et dites au comte Worrl de s’arrêter, la marche à assez duré pour aujourd’hui.» Sir Radolf acciesta et partit au galop vers l’avant-garde.

Finalement, l’armée royale s’arrêta dans un champ à quelque mille de Fort-Carvall. Le comte Carvall proposa à Louis ainsi qu'au Roi de venir loger dans sa place-forte. Mais Louis refusa, prétextant qu'il valait mieux dormir dans le camp avec les hommes et entretenir le moral. Ce fut donc de contrecœur que le Roi décida de dormir dans le camp. Il ordonna qu’un conseil de guerre soit fait avant la nuit, et que le comte Carvall aille à son château pour savoir si des informations avaient été reçues concernant l’étoile pourpre et son armée.

Le campement fut donc monté à cinq mille au sud de Fort-Carvall. Les premières tente monté furent celles des seigneurs et celle des chevaliers. Certains seigneurs avaient apporté des tentes pour leurs hommes, mais la plupart des soldats devraient dormir à même le sol pendant la nuit. Les seigneurs se souciaient peu du confort de leurs hommes, tant qu'eux dormaient bien, ils se fichaient de savoir si leurs hommes dormaient bien. Le véritable problème pour les comtes était leurs places dans le campement. Chaque seigneur voulait être au plus près de la tente royale. Chacun avait des arguments. Protection du roi, ou honneur qui devait lui revenir. Heureusement que le comte Carvall dort avec ses hommes dans son château, sans quoi, Louis ne dormirait pas de la nuit, pensa Victor. Chaque soir, c’était la même chose. Chaque seigneur demandait l’honneur d’être à côté de la tente du Roi. Victor s’amusait à les comparer à des enfants dans une salle de classe avec un scribe. Chacun voulait être au plus proche du maître pour se faire bien voir. Victor ne comprenait pas beaucoup à quoi cela leur servirait. Il avait encore du mal à comprendre le jeu des pouvoirs. Si Louis savait s’y prêter, lui n’y comprenait rien. Son ami lui faisait d’ailleurs bien souvent la remarque. Il fallait qu’il apprenne.

Finalement, ce fut le comte Argenté qui put installer son campement au plus près de celui du Roi, et ceux à la fureur des hommes du comte Artagnac. Le camp fut alors monté tout autour de la route, et non sans peine. Il eut plusieurs disputes entre les hommes des différents camps, c’était ça le problème avec une armée aussi grande. Louis voulait une cohésion dans l’armée, aussi, il demanda aux comtes de faire en sorte que les hommes communiquent et ne forment pas des groupes. Il vit rapidement que cela a été une mauvaise idée. Rapidement, ce fut le chaos dans le camp. Les hommes marchaient littéralement dans la boue. Toute l’armée était désorganisée, toutes sauf l’armée privée de Louis. Les housecarls avait refusé de se mélanger ou de s’ouvrir au reste de l’armée et resté dans son coin. C’étaient les seuls à ne pas avoir le chaos dans leur campement.

D’un certain côté, Victor fut heureux que sa tente soit dans leur campement. Avec les chariots et quelques tentes, les housecarls avaient fait un rond autour de la tente de Louis. L’intérieur du cercle était rempli des tentes gris et bleu des housecarls. Habitué au froid, les housecarls avaient choisi cette couleur qui conservait moins la chaleur pour ne pas avoir trop chaud pendant la nuit. On comptait pas loin de soixante-cinq tentes. Soit une pour trois housecarls. Les tentes étaient assez grandes pour accueillir trois hommes ainsi que leur affaire, bien que la plupart est laissé leurs armures lourdes dans les chariots. On retrouvait aussi des têtes d’animaux plantées sur les piques de chaque tente. Les housecarls étaient des guerriers très organisés. Contrairement au reste de l’armée, il n’y avait pas de maître intendant. Chaque soldat faisait sa nourriture lui-même avec ce que l’on lui donnait. D’après ce que Trymian lui avait dit cela permettait aux hommes d’être plus autonome surtout s’il venait d'être séparé du reste du groupe. Ce qui dans les terres de Nordruss était plus que régulier.

En arrivant dans le campement, Victor fut surpris de découvrir que Trymian s’était occupé de monter la tente. Louis voulait que lui et Trymian deviennent meilleurs amis, aussi cela impliquait que les deux doivent dormir dans la même tente. La plus grosse surprise fut quand il découvrit que Trymian avait déjà installé ses affaires. Trymian quant à lui était sur son lit de camp à affûter sa hache longue.

« Comment tu as fait pour installer… Même montée, la tente, le questionna Victor ? C’est impossible de le faire seul.

- J’ai eu le droit à un coup de main de la part de Nuit, répondit-il toujours penché sur sa hache. D’ailleurs, tu sais pourquoi il ne cause pas. Et même comment se fait-il qu’un Fannar de Sombre-Astre se retrouve au service d’un prince du Grand-Royaume ?

- Il faudra que tu poses la question toi-même à Louis, répondit-il en s’allongeant sur son lit de camp. Mais n’espère pas trop de réponse, ça fait des années que je lui pose la question et il ne m’a jamais vraiment répondu. J’en ai conclu que Louis avait un très bon sens de la persuasion.”

Pendant un moment, Victor regarda la toile de la tente à se demander qu’elle était les raisons de Nuit, ou comment Louis faisait pour faire rentrer ces personnes à son service. Il réfléchit pendant un moment, mais rapidement la fatigue le rattrapa et il finit par s’endormir.

Ce fut sir Raymond Florent qui le réveilla en le secouant. Encore les yeux embrumés par le sommeil, il ne se rendit pas compte au début que sir Raymond lui criait de se lever. Quand enfin, il comprit les paroles de sir Raymond, ce qu’il entendit lui fit peur : «… ont perdu. Le Roi a convoqué un conseil de guerre avec tous ses bannerets. Et le prince Louis veut que tu sois présent à ses côtés.» Victor se leva de son lit de camp, pour s’apercevoir qu’il y avait du mouvement tout autour de la tente. Il se tourna vers sir Raymond : «Euh, tu peux redire. Je n'ai pas tout compris.» Sir Raymond le regarda d’un air exténué. Puis lui cria: « Louis t’attend pour un conseil de guerre, abrutie.» Sur ce, il sortit d’un coup de la tente.

Toujours pris par son sommeil, Victor se leva néanmoins très vite. Il récupéra son arc posé contre son lit de camp par Trymian, ainsi que son carquois et sortit en vitesse de la tente. Dehors les housecarls s'activaient dans tous les sens. Victor ne comprenait toujours pas ce qui se passait, mais cela devait sûrement être grave vu la panique dans les yeux des housecarls.

Il finit par apercevoir Trymian qui préparait une paire de chevaux pour lui et Victor. Dès qu’il l’eut rejoint, ils se mirent à cheval et se dirigèrent vers le centre du camp et de la tente royale. À mi- chemin, il se tourna vers Trymian pour savoir ce qu’il se passait.

« Le comte Carval est revenu de sa forteresse avec des nouvelles du front, répondit-il. Les troupes de Fort-Rivers n’ont pas écouté les ordres du prince Louis et sont allés au-devant de l’étoile pourpre. Les deux armées se sont rencontrées près d’une forteresse du nom de La Tour. Tu connais ?

- Oui, cela me dit vaguement quelque chose. Une forteresse du domaine royal, juste au nord du fleuve et à l’ouest des montagnes Gargante. Et bien quoi, il y a eu une bataille ? Qui a gagné ?

- À ton avis ? Les troupes de Fort-Rivers se sont fait décimer. Je n’ai pas d’autre information. Mais franchement, la guerre contre l’étoile pourpre s’annonce mal. Le Roi a immédiatement convoqué un conseil et le premier conseiller à demander au seigneur de se préparer à un départ imminent. Le prince Louis veut que nous soyons tous les deux présents pour le conseil de guerre. On devrait avoir plus d'informations pendant.

- Si l’étoile pourpre a vaincu les forces de Fort-Rivers. Alors, oui, tu as raison, la guerre s’annonce mal.»

Finalement, ils arrivèrent rapidement à la tente royale. Cette dernière était, de l’extérieur, beaucoup plus grande et plus belle que celle de Victor ou même celle de Louis dans le camp des housecarl. Faite aux couleurs de la famille royale, soit noir et or, le tissue de la tente était l’un des plus beaux que l’on puisse trouvait dans les terres de la couronne. Plusieurs gardes étaient postés tout autour pour surveiller les quatre entrées de la tente. La tente faisait presque cinquante pieds de diamètre, aussi, il était normal d’y avoir autant d’entrées. Devant chacune des entrées, en plus des gardes, on pouvait voir les bannières de chacune des maisons qui s’étaient joint à l’armée : la lune argentée des Argenté; la montagne et le croissant de lune des Worll; la tour surmontée de deux aigles des Carvall; le sanglier des Boisseaux; le lion écartelé avec l’aigle des Pargarennt; la criste-marine des Glone et bien d’autres maisons qui s’était joint à l’armée. La plupart, Victor ne les connaissait pas. Il avait encore du mal à retenir les blasons des différentes familles.

Une fois à l’intérieur, Victor s’aperçut qu’il y avait moins de monde qu’il ne l’aurait imaginé. Sûrement, qu’ils ne voulaient pas affronter la fureur du Roi. Il chercha du regard Louis, et l’aperçut près de la table centrale avec les cartes, en train de parler avec le comte Carval, l'un dees pmus gros homme que Victor connaisse. Il s’avança, se positionnant juste à côté de lui. Louis parut alors le remarquer. Il remercia le comte Carvall et se tourna vers Victor : «Ravie de voir que tu es là. La situation est bien pire qu'on l’imaginait. Trymian t'as dit ce qu’il s’est passé?
- Si ce qu’il s’est passé est la victoire de l’étoile pourpre à la bataille de La Tour, alors oui je sais. Ton frère n’est pas encore là ?

- Non. Ni lui ni le comte Rover. On les attend avant de commencer le conseil de guerre. Le comte Carval va nous raconter la bataille et nous faire un état des lieux. Enfin quand le Roi mon frère daignera arriver.»

Ce dernier ne se fit pas attendre et entra dans la tente d’un pas plein de fureur. Directement, il se dirigea vers son siège pour s’y poser. Le premier conseiller, messire Erlender Rover, arriva dans la tente quelques secondes plus tard. Il prit alors un siège et se positionna juste à la droite du Roi. Le Roi dévisagea les seigneurs de la tente.

«Est-ce que tout le monde est là? demanda-t-il d'une voix glaciale.

- Oui, répondit Louis. Du moins tous les principaux seigneurs de l’armée. Nous n’attendions plus que vous sire.»

Le Roi regarda un moment Louis. Sans comprendre pourquoi, Victor lut dans les yeux du Roi une haine contre son frère. Il n’aurait pas sus l’expliqué pourquoi. Puis le Roi Charles se tourna vers les autres seigneurs de la tente, et déclara avec une voix calme mais pleine de rage : « Donc, qui pourrait bien m’expliquer, comment il fait que le comte de Fort-Rivers se soit pris une branlée fasse au bâtard Auguste ? Qui veut bien me dire comment il se fait que nous soyons déjà en train de perdre cette putain de guerre ?»

Tout à coup, il eut un silence de mort dans la tente. Victor aurait pu entendre une mouche voler. Puis le comte Carvall s’avança aussi vite que son poids le permettait et se positionna devant la table avec les cartes. Le plus courageux d’entre nous, pensa Victor. Ou le plus suicidaire. Il allait ouvrir la bouche, quand Louis ordonna d’expliquer pour les seigneurs qui n’étaient pas au courant de la situation. Il regarda Victor et lui adressa un sourire avant de faire un signe de tête en direction du comte Carval. Ce dernier se racla la gorge avant de commencer.
« Nous avons donc reçu des informations du front. D’après les rapports de Fort-Rivers, les troupes de l’étoile pourpre allait franchir le fleuve à La Tour. Le Marquis Rivers a donc pris l’initiative d’attaquer l’étoile pourpre.

- Rappelez-moi, l’interrompu Louis. Vous lui avez bien transmis les ordres d’attendre que l’armée royale soit là avant de l’attaquer. Ses ordres étaient de faire en sorte que l’étoile pourpre reste de l’autre côté du fleuve, pas de l’attaquer ou de tenter de détruire son armée ! J’espère que ce con à une excellente raison d’avoir désobéi ! Est-ce qu'au moins il a donné des raisons de son attaque ?

- D’après le message qu’il nous a envoyé, l’étoile pourpre était sur le point de franchir le fleuve. Il avait même construit un campement sur le côté nord du fleuve.» Il marqua une pause et montra sur la carte le côté nord du fleuve juste devant la forteresse de La Tour. « Avec prêt de trois mille hommes sous ses ordres, il pensait pouvoir les prendre par surprise et a donc décidé de passer à l’acte juste avant l’aube. D’après lui, un épais brouillard flottait sur le fleuve et ses alentours. Avec l’effet de surprise, il pensait détruire le camp avant même que les hommes de l’étoile pourpre aient le temps de se réveiller. Mais apparemment, il l’avait sous-estimé. Ils sont rentrés sans encombre dans le campement avant de découvrir que l’étoile pourpre avait fait replier ses hommes à la dernière minute sur l’autre rive. D’après lui, même le campement était un leurre, et l’étoile pourpre prévoyait de leur tendre un piège. Ils ont donc cherché à rattraper sa retraite.»

Il s’arrêta un moment comme hésitant. Le Roi Charles le remarqua et se fut presque comme s’il lui cria dessus : « Et donc ? Que c’est, il passait après ?

- Une fois dans le fleuve, ce fut une boucherie. L’étoile pourpre les attendait avec des arbalétriers et des archers. Ils ont perdu des centaines d’hommes avant que le comte Rivers ne parvienne à les faire se replier. Mais sur la berge nord, la cavalerie de l’étoile pourpre les a pris à revers.

- Comment c’là à revers, demanda le comte Worll. Il y avait un fleuve entre l’étoile pourpre et La Tour. Comment ont y pût passer ? Le fleuve est trop profond pour le traverser. Et même avec un autre gué, la cavalerie n’aurait pas pu traverser. Le terrain est trop difficile.

- Si on traverse à gué seulement, répondit le comte Artagnac. L’étoile pourpre se faisait appeler le prince des batailles dans le sud. Vous ne croyez pas vraiment qu’un fleuve un peu trop profond va l’arrêter ? Une fois, j’ai fait une visite à La Tour. Il y a plusieurs gués sur cette partie du fleuve, dont un à moins d’un mille de La Tour et de là où s’est déroulée la bataille. Il est passé par là.

- Il a raison, dit le comte Carval. D’après le message l’étoile pourpre y aurait fait construire un pont avec des bateaux et aurait permis à sa cavalerie de traverser. Ils l’auraient sûrement fait pendant la nuit, pour les attaquer à l’aube. Le Marquis Rivers a juste été trop rapide et s’est fait prendre à revers. L’étoile pourpre a fait traverser ses hommes d’armes et le marquis Rivers s’est fait submerger. Il a perdu presque deux mille hommes. Mort, blessé ou prisonnier. Un tiers de ses effectifs est hors d’état de combattre.

- Avec une victoire pareille, il a forcément dû perdre des soldats lui aussi. Le Marquis sait combien ?

- Malheureusement oui, répondit le comte Carvall. D’après lui, l’étoile pourpre à perdue moins d’une vingtaine d’hommes. Et seulement une cinquantaine de blessé, dont la plupart ne le sont pas gravement.»

Il eut un silence de mort dans la tente. Comment on peut perdre autant d’hommes comme cela, se demanda Victor. C’est juste impossible. L’étoile pourpre aurait dû en perdre plus. Il regarda l’expression sur les visages des seigneurs. Chacun affichait la même mine que lui. Tous se demandaient comment un tel désastre était possible. Il regarda le Roi et vit qu’il bouillonnait de rage, mais arrivait à garder la tête haute.

Finalement, Louis s’avança jusqu’à la table. Il regarda un moment la table avec les pièces en forme d’étoile rouge, puis se tourna vers le comte Carval: « Où est-il maintenant ?

- Monseigneur ?

- L’étoile pourpre ! Et son armée ! Avec une victoire pareille, ils doivent être à moins de quelques jours de notre position. Nous devons nous préparer à l’affronter. Alors dites-moi où il se trouve !

- Toujours de l’autre côté du fleuve.

- Quoi ? Pourquoi n’a-t-il pas encore traversé ? Avec seulement une cinquantaine de blessés, n’importe qui aurait poussé son avantage et serait rentré dans le domaine royal.

- Le prince Louis a raison, dit le comte Worrl. N’importe qui aurait compris qu’avec un avantage tel que celui-ci, on pourrait faire tomber un empire. Pourquoi est-il resté de l’autre côté du fleuve, ce n’est pas logique.

- Je pense que la logique n’a rien avoir là-dedans, reprit le comte Carval. Je dirais plutôt que c’est le temps.» Devant la mine interloquée des autres seigneurs et du Roi, le comte sourit avant de reprendre. «Pendant la nuit après la bataille, il a beaucoup plut. Un violent orage a éclaté sur La Tour. Le lendemain, la hauteur du fleuve avait triplé. Impossible donc de faire traverser son armée. Le soir de la bataille, l’étoile pourpre avait fait revenir ses hommes ainsi que ses prisonniers sur la berge sud. Il ne peut donc plus traverser, grâce aux dieux.»

Victor regarda Louis qui semblait soulager. À vrai dire, l’atmosphère de la tente semblait, toute entière, mieux se porter. Pour Victor, aussi, c'était un soulagement. Il ne savait pas s’il fallait remercier les quatre ou non, mais une chose était sûre, c'était que l’affrontement contre l’étoile pourpre allait encore attendre, il leur restait donc encore quelques jours ou semaines à vivre. Il savait pourtant très bien que cela ne suffirait pas. D’une manière ou d’une autre, l’étoile pourpre trouverait un moyen de remporter la guerre. Il n’était pas le prince des batailles pour rien. Une chose est certaine, se dit-il. S’il veut remporter la guerre, il doit rentrer dans les terres de la couronne. Or, le fleuve est désormais infranchissable. Fort-Rivers pourra tenir, même avec son armée réduite, la forteresse pourra résister jusqu’à ce que nous arrivions. Donc il ne passera pas par là, ou sinon, c’est dire adieu à toute sa campagne. Ce qui ne laisse plus que la passe de Montgargant. Il se tourna immédiatement vers Louis pour lui faire part de son idée, mais ce dernier l’avait sûrement devancé dans son analyse.

« Remercions les quatre en effet. Mais je doute qu’ils nous aident plus. Il ne reste qu’un seul moyen pour l’étoile pourpre de rentrer dans le domaine royal : Montgargant.

- Cela nous laisse donc une chance," dit le comte Worll. Il s’avança jusqu’à la table et montra la passe entre les montagnes avec sa main droite. «La passe de Montgargant peut être tenue avec un nombre d’hommes limité. Tout du moins, elle peut tenir un certain temps. Si le comte Gargant arrive à tenir contre l’armée de l’étoile pourpre, cela nous laissera le temps de rallier ses forces et d’affronter l’étoile pourpre en supériorité numérique.

- Le comte de Montgargant ne pourra jamais tenir le temps que l’on fasse avancer l’armée royale, répliqua Louis. L’étoile pourpre va forcément trouver un moyen de passer. Nous avançons trop lentement.

- Alors il nous suffit de nous alléger. Si nous avançons seulement avec la cavalerie, nous aurons rallié Montgargant en moins d’une semaine. Il nous suffira de tenir la passe le temps que l’infanterie arrive, et nous pourrons affronter l’étoile pourpre avec toutes nos forces réunies.»

De tous les seigneurs de la tente, le comte Worrl était l’un des plus vieux. À presque soixante ans, il était l’homme avec le plus d’expérience militaire de la tente. Victor ne fut donc pas surpris quand il vit que tous les seigneurs de la tente étaient du même avis que lui. Même Louis semblait recommencer à respirer. Mais si cette partie du plan était terminée, il fallait désormais gérer pour Louis tous les détails. En effet, chaque seigneur voulait mener la nouvelle avant-garde ou commander telle ou telle force de l’armée. Rapidement, le bruit se fit entendre dans la tente. Cela amusa quelque peu Victor. Même si voir Louis dans une telle posture était triste, voir les comtes se quereller pour quasiment rien l’amusait beaucoup. Cela ressemblait au jeu des pouvoirs. Chaque seigneur voulait tel ou tel privilège, en temps de paix comme en temps de guerre. Puis Victor comprit que c'était cela qui retardait l’avancée de l’armée royale. Chaque seigneur se chamaillant pour une rien.

Victor regarda le Roi puis le comte Rover, et remarqua qu’ils étaient les seuls de la tente à ne pas valider le plan du comte Worrl. En les regardant de plus près, Victor remarqua que s’était presque comme s’ils n’étaient pas contents d’être là. Aucun des deux ne cherchait à aider Louis pour la distribution des rôles. Ils restaient tous les deux à regarder Louis faire. Si parfois le premier conseiller donnait son approbation, ce n’était que rarement. Et jamais il ne cherchait à exprimer ses propres idées.

Comment se fait-il que le Roi ait nommé cette chose, au poste de premier conseiller, pensa Victor. Se devrait être Louis à cette place, c’est lui qui s’occupe de toute l’organisation de l’armée. Et il le fait de son plein gré. Car il veut aider le Grand-Royaume. À vrai dire se devrait d'être lui le Roi. Victor le pensait vraiment. Le Roi Charles n’avait en aucun cas la carrure d’un Roi. Feu le prince Richard aurait été le meilleur pour ce rôle. Ou du moins c’était ce que pensaient les seigneurs du Grand-Royaume. Mais il était né en second, et désormais, il était mort. Chaque seigneur des terres de la couronne ou du Grand-Royaume voulait qu’il devienne roi. Mais c’était son frère aîné Charles qui avait hérité du titre à la mort de leur père feu le Roi Amaury V. Charles était monté sur le trône comme le Roi Charles VI, souverain du Grand-Royaume. De ce que Victor en savait, son règne avait bien commencé. Il avait nommé son frère Richard à la tête du Royaume comme premier conseiller et l’avait laissé en grande partie gérer les affaires d’état. À ce moment-là, Charles ne s’intéressait qu’à la chasse et au tournoi. On le disait des plus grands bretteurs du Royaume et excellent jouteur. Il passait plus de temps dans les campagnes à faire le tour du Grand-Royaume, qu’à être à la capitale. Il était revenu seulement il y a six ans, quand il avait appris que son frère le premier conseiller avait nommé pour le rôle de premier amiral leur frère bâtard, Auguste. Nul ne savait encore pourquoi, ni même Victor que Louis, mais le Roi Charles détestait son frère bâtard Auguste. Il avait immédiatement renvoyé du Grand-conseil, et expédier en exil au duché de Largonne au sud des terres de la couronne, sans aucun prétexte que celui d’être un bâtard de feu le Roi Amaury V. Moins de dix-huit mois plus tard, sans que personne ne sache comment il avait fait, Auguste partait en campagne dans le sud avec plus de trois mille hommes. Personne ne savait comment il s’était trouvé une armée privée d’hommes d’armes, mais une chose était certaine, c'était que désormais il était devenu le plus grand conquérant des mille dernières années et qu'aujourd’hui, il était revenu pour envahir le Grand-Royaume.
Finalement, Louis donna l’avant-garde au comte Worrl. Le comte Carval dirigerait l’infanterie pour les rejoindre à Montgargant. Louis serait lui avec l’avant-garde et mènerait les hommes contre l’étoile pourpre en brandissant la bannière royale.

Une fois, les préparatifs terminaient le Roi Charles se leva et s’approchant de Louis, il déclara d’une voix forte pour que tout le monde puisse l’entendre : « Je veux être de l’avant-garde. Je suis le Roi, et un Roi doit se porter au-devant de son ennemi. Aussi, je veux faire partie de l’avant-garde. À vrai dire, cela devrait être à moi de porter la bannière royale. Ce serait que honte que je sois après mon petit frère.

- Sire, répliqua Louis. Il n’y a aucune honte à rester en arrière. Je vous assure qu’il restera assez d’hommes du sud à combattre quand vous arriverez pour nous renforcer lors de la bataille finale contre l’étoile pourpre.

- Je trouve que le Roi a raison, répliqua le comte Rover. Il est le Roi, il n’est pas normal que ce soit vous qui dirigiez l’avant-garde.
- Ce sera le comte Worrl qui dirigera l’avant-garde, pas moi.

- Le petit frère du Roi, ou l’un des hommes les plus vieux du domaine royal, dit le comte Rover avec un sourire sadique. Je ne vois pas la différence. Ce doit être au Roi de nous mener, pas à vous. »

Victor regarda le comte Ewine Worrl pensant qu’il allait s’offusquer, mais ce dernier arrivait à garder son calme, essayant de ne pas laisser transparaître ses émotions. Mais Victor comme beaucoup d'autres dans la tente n’était pas dupe. Le comte était rouge de colère, n’appréciant que très peu que l’on se moque de son âge. Victor rapporta son attention à Louis, qui fixer droit dans les yeux le premier conseiller du Roi. Au bout de quelques secondes, il le quitta des yeux, en regardant à coté du visage du premier conseiller. Il sourit un moment, puis déclara: « Messire Rover, je doute que vous pensiez à mal en disant cela. Mais à mon avis, je pense qu’il est préférable pour le Roi de rester à l’arrière-garde. Il y sera plus en sécurité et vous à ses côtés. Car naturellement, vous devez commander les hommes d’armes de la cité d’or, qui ne sont malheureusement pas à cheval.» Il se tourna alors vers le Roi son frère et s’adressa à lui sur un ton plus doux : «Sire, il serait triste qu’il vous arrive malheur en chemin. Les routes jusqu’à Montgargant sont très peu sûres. Aussi, il ne serait préférable que vous et le comte Rover soyez bien entouré. Bien sûr si vous insistez, je vous laisserais bien entendue ma place à l’avant-garde. Affronter l’étoile pourpre dans la passe de Montgargant devrait être un jeu d’enfant pour vous. Ainsi, je pourrais être le sauveur de cette campagne en menant l’infanterie et les renforts qui nous sauveront lors de cette campagne.»

Le Roi Charles voulut répondre à son frère, mais Victor remarqua qu’il eut un moment d’hésitation et se rétracta. À en voir sa tête, Victor conclut qu’il ne savait pas quoi répondre. Les arguments de Louis étaient idéals pour l’empêcher de mener l’avant-garde. En vérité, même Victor savait qu’avec le Roi à la tête de l’avant-garde, la campagne serait un désastre. À la première occasion, il attaquerait l’étoile pourpre, même sur un terrain défavorable. Ses généraux ne pourraient pas le retenir et le comte Rover serait le premier à l’encourager dans une action aussi stupide. Victor se demandait encore pourquoi le seigneur Erlender Rover avait été choisi pour le poste de premier conseiller, il était totalement incapable de contrôler un tant soit peu le Roi. De cette façon, Louis devait être sûr de pouvoir mener l’avant-garde. Avec le seigneur Worrl pour l’aider, il pourrait commander la cavalerie et ne pas faire d’action inconsidérée avant que l’intégralité de l’armée royale soit réunie. Le seigneur Worrl avait vu passer assez d’hiver pour ne pas faire d’erreur de ce genre. Louis avait dû habilement parler pour que le Roi reste avec le gros des forces royales. Le Roi Charles aurait été de ceux qui foncent en ne pensant qu’à l’honneur et à détruire leur adversaire. Mais contre l’étoile pourpre, il fallait un stratège. Louis et le comte Ewine Worrl étaient les plus aptes à remplir ce rôle. Ou sinon cela aurait certainement terminé avec une bataille comme celle de Garanne, la honte du Grand-Royaume.

De toute façon, presque aucun des seigneurs des terres de la couronne ne voulait du Roi Charles comme général de l’armée. En vérité, Victor savait que s’il avait pu choisir, ce serait feu le prince Richard. Or ce dernier était mort, probablement assassiné par l’étoile pourpre qui profitait beaucoup de la situation selon Victor. Mais surtout, Victor savait que Louis ressemblait beaucoup à feu son frère. Que ce soit physiquement ou mentalement, il avait plus de points communs que feu le prince et le Roi Charles. En raison, du fait qu’il leur rappelle beaucoup son frère qui était un excellent stratège militaire, les seigneurs des terres de la couronne le voulaient absolument comme maître des armées.

Il rapporta son attention sur le Roi et vit que ce dernier n’avait toujours pas trouvé de choses à répondre. Finalement, il lâcha prise en jetant un regard noir à son frère : « Très bien, je commanderai l’infanterie. Mais tâche de nous garder quelques ennemies à abattre, mais surtout de tenir en échec ce bâtard d’Auguste. Ou sinon… je pense que je devrais me trouver un nouveau général pour l’armée. Voire peut-être un nouveau frère.» Puis il se leva et se dirigea d’un pas furieux vers l’extérieur de la tente. Il s’arrêta juste avant la sortie, se retourna et déclara à tous les seigneurs de la tente : «Je ne tolérais pas que mon règne soir la fin de la dynastie des Roy. Si un bâtard du sud parvient à vaincre la plus forte armée du continent, alors… je refuse de voir ce qu’ont battis mes aïeuls s’effondrer en quelques semaines. Alors écoutez bien mes prochains mots. Si le bâtard Auguste parvient par je ne sais quel moyen à vous battre, alors vous pouvez être sûr de dire adieu à vos seigneuries.» Sur ces mots, il sortit de la tente.

Le comte Erlender Rover se leva aussi et après avoir jeté un regard de mépris sur tous les hommes de la tente, sortit pour suivre le Roi.

D’un seul coup, l’atmosphère de la tente se radoucit et Victor se permit de respirer. Il remarqua notamment que la plupart des autres seigneurs respiraient eux aussi. C’est fou, pensa-t-il. Il suffit que le Roi s’en aille et tout le monde est content. À en croire que personne ne l’aime. Puis il se rappela que c’était la vérité. Peu des seigneurs de la tente aimaient le Roi, même ceux des terres de la couronne.

Le comte Arstan Garne de La Lionné s’avança et déclara à l’intégralité de la tente : « Je doute que les paroles de notre Roi soient des paroles en l’air. Quoi qu’il en soit, il a raison sur un point. Il ne faut en aucun cas que l’étoile pourpre remporte cette guerre. Les autres duchés le verraient comme un signe de faiblesse et en profiteraient pour nous envahir. Alors ce serait la fin des Roy, mais aussi de beaucoup de nos maisons.

- Sur ce point, je suis d’accord, continua le comte Tigre. Nous n'avons pas trop le choix et devons remporter cette guerre au nom du Roi Charles.

- J’emmerde le Roi, répliqua le comte Worrl, puis voyant le visage des autres seigneurs, il comprit qu’il avait parlé à voix haute et se tourna directement vers Louis. Veuillez m’excuser Votre Altesse, après ce que votre frère m’a dit, je pense que ma réaction ne devrait pas trop vous choquer.

- En effet, ce n’était pas très malin de vous traiter de vieillard de la part de mon frère. Je vais tâcher d’oublier vos dires. Mais avant cela, je veux que vous m’exposiez la fin de votre pensée.»

Le comte soupira de soulagement puis reprit: « Notre Roi n’a de souverain que le titre. Vous l’avez vu vous-même. Il préfère nous humilier, plutôt que de chercher à nous unir. La plupart des seigneurs présents ici font tout pour s’attirer ses faveurs, et il les remercie en les humiliant. Jamais feu le prince Richard n'aurait agi de cette façon.

- Parler du Roi ainsi n’est que de la trahison, avança le comte Tigre. Vous pourriez être condamné pour cela.

- Dites ce que vous voulez, mais vous ne pouvez pas me traiter de menteur. La preuve en est, quand nous avons atteint votre place-forte de Tigreforte , est-ce que le Roi vous a fait l’honneur de sa présence ? Non ! Il a préféré dormir dans un campement avec ses hommes, alors que nous savons tous qu’il déteste ça. Et je ne vous parle pas des remarques pervers qu’il a faites sur mes filles, quand ma famille et moi l’avons invité à Worrl. Non, désolé, mais il n’a de Roi que le titre.»

D’un coup, Victor remarqua une chose quelque peu étrange. La tente était séparée en deux. D’un côté, se trouvaient tous les barons au nord de l’Hersœur et de l’autre les barons du sud de l’Hersœur. Il remarqua aussi que les deux clans se foudroyer du regard. Il comprit alors que leurs places dans la tente n’étaient pas dues au hasard. D’un côté se trouver les barons fidèles au Roi, même si ce dernier était le premier des enfoirés et qu’il se moquait d’eux. De l’autre, on retrouvait ce qui le détestait et qui aurait préféré que feu le prince Richard devienne Roi. Louis quant à lui se trouvait juste au milieu. Incapable de faire un choix. Devait-il rester fidèle à son frère le Roi qu’il faisait tout pour l’humilier, ou se mettre du côté des barons du sud de l’Hersœur et être le concurrent du Roi ? Victor le connaissait assez bien pour savoir que le choix était impossible pour lui. Louis n’aimait pas beaucoup son frère, mais pas au point d’être son concurrent. Il voulait le bien du royaume, mais cela voulait dire que son frère le Roi devait abandonner le pouvoir. Et s’il le faisait, Louis savait très bien qu’il était le prochain sur la ligne de succession. Or, Louis ne voulait en aucun cas être Roi, même si la survie du royaume en dépendait. De plus, les seigneurs du sud adoraient feu son frère. Et Louis lui ressembler beaucoup. Certains le voyaient déjà comme son successeur, et potentiellement comme nouveau Roi.

Aussi, il ne savait pas où se placer. Soit il se ralliait les seigneurs du nord et restait fidèle à son frère vivant, même si ce dernier était le pire des enfoirés. Soit il ralliait les seigneurs du sud, et devenait le principal espoir du Grand-Royaume, mais aussi une menace pour son frère. Victor savait qu’il n’y avait pas l’option de la neutralité pour Louis. Il ne supportait pas qu’une personne ne fasse pas de choix. Ainsi, il devrait lui aussi faire un choix.

Louis fit alors un large mouvement de la tête, de manière à pouvoir dévisager tous les seigneurs de la tente. Il s’arrêta sur le seigneur Worrl, avec un regard de regret. Victor comprit alors. Il ne va pas dire ce qu’il pense. Il va agir selon ce qu’il lui semble être la voix de la raison. Louis se racla alors la gorge et déclara d’une voix forte pour que tout le monde l’entende : « Notre souverain est le Roi Charles. Et il le restera. Nous lui devons obéissance même en temps de guerre.»

Il s’est rangé du côté des seigneurs du nord et de son frère, pensa Victor. Puis il regarda le comte Worrl, ce dernier voyait bien que Louis ne pensait pas réellement ses paroles. Mais que pouvait-il y faire? Il venait parler de trahison envers son Roi et son principal acteur refusait de se joindre à lui. Finalement il s’inclina et présenta ses excuses avant de sortir de la tente.

«La nuit porte conseil comme on le dit, exprima le comte Carvall. De toute façon la priorité est de vaincre l’étoile pourpre. Demain nous reprendrons la marche. En espérant que l’étoile pourpre ne nous est pas encore une fois pris de vitesse.»

Un à un les seigneurs s’inclinèrent devant Louis et quittèrent la tente. Le comte Arstan Garne fut le dernier à quitter la tente, puis il ne resta plus que Louis, Trymian et Victor. Pendant un moment ils se dévisagèrent sans dire un mot. Puis Louis alla se servir une coupe de vin. Il en proposa à Trymian, qui déclina l’offre. Victor, lui, accepta. Le vin permettait surtout d’apaiser l’esprit et le corps. Louis se posa sur un siège devant la table, puis contempla les pièces pendant un moment.

«Cette guerre s’annonce mal, dit-il. Nous avons à peine quitté la cité d’or, que les seigneurs se disputent entre eux. Les seigneurs du sud ne veulent pas de Charles sur le trône. C’est clair comme du cristal. Les comtes Worrl, Argenté, Artagnac, Boisseaux et même Carval prévoient de destituer mon frère à la fin de la guerre.

- Donc ce sont des traîtres, avança Trymian. Si tu veux rester fidèle à ton frère ou même garder ta tête, tu dois les dénoncer.
- Le problème est que ces comtes sont les plus puissants des terres de la couronne, répliqua Victor. Ils cumulent presque sept mille hommes à eux seuls. On ne peut pas se passer de leur aide pour gagner la guerre. Si leurs hommes désertent nos rangs car on a accusé de trahison leurs seigneurs, nous ne pourrons jamais contenir l’armée de l’étoile pourpre. Pire, et s’ils le rejoignent. Non, nous devons faire en sorte qu’il reste à nos côtés. Ou sinon se sera la fin de la dynastie des Roy et du Grand-Royaume.

- Alors que doit-on faire?" demanda Trymian.

Que faire? Victor n’en avait pas la moindre idée. Soit Louis trahissait le Roi, soit il laissait tomber les seigneurs du sud et condamnait sûrement le Grand-Royaume avec un roi comme Charles. Charles était sûrement l’un des pires Roi de la dynastie de Roy. Beaucoup le considéraient comme un pervers sadique, un peu, voire beaucoup dérangé. En bref, la plupart des seigneurs du Grand-Royaume le considéraient comme fou. Aucun ne voulait de lui comme roi. L’étoile pourpre ne serait que la goûte d’eau qui ferait déborder le vase.

«Rien, répondit Victor en regardant Louis qui hochait la tête en signe d’approbation. On commence par gagner cette foutue guerre. Et puis on avisera.»
Elersor87

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Re: Le Théâtre du Pouvoir [fantasy-dark fantasy-guerre-intrigue]

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Enoria. IX



Depuis que l’armée royale était partie, la capitale et la citadelle étoilée étaient étrangement calmes. Les serviteurs étaient assez rares et les courtisans du Roi étaient moins présents dans les couloirs de la citadelle. Quasiment tous les soldats étaient partis avec le Roi et le prince Louis. Enoria était donc libre de se balader dans toute la citadelle, sans qu’on ne la dérange. L’armée royale était partie il y a quatorze jours et cela se faisait très bien ressentir. La citadelle étoilée manquait cruellement d’animation.

Enoria avait été invité par la femme du seigneur Worrl, lady Alayna Worrl, a passé sa journée en sa compagnie et celle de sa fille, lady Alyssa, a visité les jardins étoilés et à aller en ville pour se promener. Elle se préparait donc pour sa balade dans ses appartements de la citadelle Phœnix.

Étrangement depuis que le prince Louis lui avait donné l’autorisation de sortir se promener et depuis que l’armée royale commandée par le Roi Charles était partie, sa vie était devenue beaucoup plus simple. Elle ne vivait pas dans la peur constante. Le Roi étant partie en guerre, elle jouissait d’une certaine liberté qu’elle n’avait pas connue depuis son arrivée à la capitale. Plusieurs lady avaient déjà demandé à la rencontrer, que ce soit pour visiter les jardins, la citadelle étoilée voire même dans quelque occasion de visiter la cité verte, du commerce voire même le port doré. Étrangement depuis que le Roi était partie, les nobles se moquaient moins d’elle et faisaient même plus attention à elle. Si d’un côté elle n’aimait pas ce revirement de la part des nobles, cela lui faisait plaisir d’être enfin considéré à sa juste valeur.

Une fois habillé pour sa promenade dans les jardins, elle sortit de sa chambre pour découvrir que sir Eommund Tigre l’attendait hors de sa chambre. Même si l’armée royale était partie, lui devait rester ici pour la surveiller, comme quoi on ne lui faisait pas encore totalement confiance. Un jour, il faudra que je trouve un moyen de me débarrasser de lui, pensa-t-elle. Il a beau être l’un des hommes de la capitale à être le plus gentil avec moi, il est collant. Finalement elle le salua et commença sa marche jusqu’au jardin étoilé.

Comme à son habitude, sir Eommund Tigre était silencieux. Il ne parlait généralement pas, sauf pour dire des choses qui vaillent vraiment la peine d’être dite. Plus d’une fois, Enoria avait tenté de lui faire la conversation, mais elle savait qu’il ne l'écoutait pas réellement. Quand elle avait été fiancée au Roi Charles de force, il était l’un des seuls chevaliers à avoir été gentil avec elle. Maintenant il lui en voulait en peu de devoir la surveiller, alors que l’armée royale était partie guerroyer. Elle se demandait si c’était pour cette raison qu’il était encore moins bavard que d’habitude. Elle voulut alors lui poser la question, mais se tournant vers lui et le regardant elle se ravisa. Il valait mieux ne pas le lui demander, il ne lui aurait certainement pas dit la vérité en plus.

Finalement au bout de quinze longues minutes à marcher dans les couloirs de la citadelle Phœnix et sur la grande chaussée, ils débouchèrent enfin dans les jardins étoilés. Les Orois ont vraiment un problème avec les étoiles, pensa-t-elle. À mettre des étoiles partout ou des symboles partout. Lady Alayna Worrl lui avait donné rendez-vous au nord de la constellation du cheval de la lumière. Ils contournèrent alors la constellation du Phœnix et se mirent en route direction celle du cheval.

Les jardins étaient curieusement animés. Enoria pensait qu’avec le départ de l’armée royale la citadelle serait moins vivante, mais étrangement c’était tout l’effet inverse qui s’était produit. Chaque seigneur qui avait rejoint l’armée royale à la capitale, était aussi venu avec sa femme et ses enfants. Là où les hommes étaient partis en guerre, les femmes, elles, étaient restées à la capitale pour y attendre le retour de l’armée et de leurs maris. Ainsi chaque épouse menait sa vie dans les jardins étoilés et bien-sur chacune avait emporté de quoi ne pas s’ennuyer. Que ce soit troubadour, jongleur, cuisinier, ou simple artiste de toute sorte, les jardins étoilés étaient bondés. Il était impossible de faire un pas sans tomber sur une personne venue pour distraire les nobles. Voilà comment Enoria imaginait la cité d’or depuis toujours. Un lieu plein d'animations et de loisirs, où il était bon d’y vivre. Jusqu’à présent elle ne l’avait pas vraiment vécue. Quand elle était fiancée à feu le prince Richard, il ne lui prêtait pas réellement attention. De plus, la cour royale n’était que très peu animée avec lui. La cour se déplaçait avec le Roi, qui lui ne se rendait que rarement à la cité d’or. À l’époque il préférait visiter ses duchés et rendre des visites à ses bannerets, tout en participant à des tournois. Aussi il ne se passait pas grand-chose à la cité d’or. Cela avait duré seulement quelques semaines. À peine quelques semaines après leur arrivée, le prince Richard était mort assassiné, et Enoria avait été donné en mariage au Roi son frère, Charles. Ce dernier était revenu en trois semaines à la capitale. Son frère Louis avait reçu pour ordre d’aller renégocier les termes de l’alliance avec le frère d’Enoria, le kraken vert. Au retour du Roi, Enoria avait directement été fiancé. Le Roi Charles ne voulait sûrement prendre aucun risque en se finançant avec elle aussi rapidement. De cette manière le frère d’Enoria n’aurait d’autre choix que d’accepter les nouveaux termes de l’alliance. Mais pour Enoria c’était totalement stupide. Son frère était le kraken vert, à dix ans il avait menait une guerre et l’avait remporté. Une guerre contre le Grand-Royaume. Il était le roi le plus puissant de tous les océans réunis. On ne pouvait pas lui forcer la main. Pas de cette façon-là. Si on souhaitait se moquer de lui de cette manière, c’était le meilleur moyen de provoquer une guerre. Et à en juger par la réaction du Roi quand il avait appris que son frère avait échoué dans ces tentatives de négociation, il souhaitait la paix. Ou tout du moins, il ne voulait pas d’une guerre contre le royaume de Mitiléne et contre l’étoile pourpre.

Enoria pensait qu’avec la venue du Roi à la capitale, sa vie aurait changé, et elle avait eu raison, mais pas comme elle l’espérait. Jamais elle n’aurait imaginé que le Roi la fasse enfermer dans la citadelle Phœnix. Elle pensait que la vie aurait été plus belle avec la venue du Roi voire plus mouvementée, mais il n’en était rien. Elle s’était vu enfermée dans une chambre sans pouvoir en sortir, sans pouvoir rien faire, sauf parfois paradait au côté du Roi et assistait aux doléances. Rien de ce que la petite princesse de Mitiléne aurait aimé. Mais elle avait dû s’y faire.

Se déplaçant dans les jardins étoilés, elle ne savait pas réellement quoi faire. Profitait en sachant que tout pouvait lui être retiré le lendemain ou se rétracter et se faire passer pour une enfant qui à peur.

Arrivant juste au nord de la constellation du Cheval de la Lumière, Enoria vit lady Alayna Worrl et sa fille. Finalement elle décida d’adopté, le choix d’une fille qui a peur, voire même d’une fille stupide. Cela avait plutôt bien marché jusqu’à présent. Si on la croyait stupide, les gens déliait leur langue plus rapidement et lui raconter des choses souvent très intéressante. De cette façon, elle avait pu découvrir qui était Alayna Worrl.

La première chose qui l’avait surpris en découvrant son invitation, était son prénom. Alayna n’était pas un prénom du Grand-Royaume. Au contraire, il semblait provenir des terres du sud. Par l’intermédiaire de lady Eris Glone nièce de l’actuel comte de Fort-Glone, âgée d’un an de plus qu’Enoria, elle avait appris que lady Alayna était la fille d’un marchand d’Elersor l’une des plus grande cité du sud, et la première à avoir été prise par l’étoile pourpre. Elle avait vécu toute son enfance là-bas, travaillant pour se nourrir, ce qui faisait beaucoup rire lady Eris Glone qui la considérait comme une pauvre. Mais au contraire, tout ce travail lui avait servi à elle et à toute sa famille. Au départ simple vendeur de tissus, rapidement le père de lady Alayna avait fait de son petit commerce l’un des plus importants de la ville. Il n’avait jamais abandonné et investissait tout ce qu’il avait dans son commerce. Quand lady Alayna avait vingt-cinq ans, son père était l’un des hommes les plus fortunés de la ville. Il avait commencé avec quasiment toutes les cités du sud, et une grande partie de celle du Grand-Royaume. Le seul problème pour lady Alayna était d’être la dernière de sa famille. La dernière de deux frères et de trois sœurs. Aucun homme ne voulait l’épouser étant donné ses faibles chances de la voir hérité du commerce de son père. De plus, son père l’avait élevé de façon à penser comme une personne intelligente, et aucun homme ne voulait d’une femme qui pense. Puis lors d’une guerre entre Elersor et les hommes du désert, la cité avait engagé des hommes du Grand-Royaume pour les aider dans la guerre. Et parmi eux se trouver Ewine Worrl. Il n’était que le troisième fils de sa famille et n’espérait pas non plus hérité de la forteresse de Worrl. Il avait participé à la guerre et avait rencontré Alayna. Tous les deux était tombés amoureux sans savoir que le destin allait leur sourire. Deux des frères d’Alayna était morts pendant une épidémie avant leur mariage ainsi que les trois sœurs Alayna. Ewine Worrl avait alors reçu une dote conséquente lors du mariage, leur assurant richesse pendant des années. Finalement, avant la fin de la guerre contre les hommes du désert, un soldat de Dune, la capitale des hommes du désert, avait tué en combat singulier le frère benjamin d’Ewine Worrl. Il était revenu au Grand-Royaume avec sa femme et les os de son frère pour y voir son aîné y mourir lors d’un accident de chasse. Et ainsi lady Alayna était devenue comtesse du Grand-Royaume avec une grande partie de la fortune du père d’Alayna, qui était mort lors de la guerre d’indépendance de Mitiléne.

Enoria n’était pas réellement sûr que toute l’histoire soit vraie. En vérité, Lady Eris Glone lui avait dit que c'était lady Alayna qui avait empoisonné ses sœurs et ses frères. D’autre personnes, comme lady Léris Oyp, qui avait l’âge d’Enoria, disait que c’était le comte Ewine Worrl qui avait tué ses frères, et même qu’il avait fait assassiner les deux frères d’Alayna, dans le but d’avoir la fortune familiale. Le dernier frère l’avait découvert et chassé d’Elersor. Elle avait aussi eu des informations visant à glorifier leur histoire. Lady Olyssa Argenté par exemple disait que c’était grâce à Ewine Worrl que la cité d’Elersor avait remporté la guerre et que le père d’Alayna lui avait donné sa fille en mariage en récompense. D’autres même, comme Lady Nael Carvall, affirmaient que le Dunois avait fait prisonnier lady Alayna et que c’était Ewine Worrl qui l’avait libérée tout seul. Enoria avait rapidement compris que chaque fille de chaque famille avait sa propre histoire sur le sujet. Souvent les histoires dérivaient de la réalité. Il valait mieux sans tenir à la version la plus simple de l’histoire. C’est sûr, la plupart de ces filles ne connaissent rien au sud, se dit-elle. Je parie qu’elles ne savent même pas à quoi ressemble le monde extérieur. Elles sont toutes les mêmes, aucune ne connaissait réellement le monde au-delà des châteaux de leur père. Finalement, elles ressemblent beaucoup à tous ces stupides garçons qui sont partis vers la guerre. Peu d’entre eux vont revenir, et ils ne s’en rendent même pas compte. Pour eux, la vie est un jeu. Ils ne connaissent pas le monde, le vrai monde.

Ils trouvèrent lady Alayna avec toute une troupe de suivante, juste au nord de la constellation du cheval de lumière. De tous les jardins, c’était l’endroit où il y avait le plus de monde. Enoria pensait y trouver seulement Lady Alayna et sa fille Alyssa, avec peut-être quelques servantes et suivantes. Mais au lieu de cela, elle découvrait que c’était un vrai rassemblement des dames de la noblesse du domaine royal. En plus de la famille Worrl, Enoria pouvait voir les familles Argenté, Boisseaux et Carvall. Elle faisait partie toutes les quatre des plus grandes familles des terres de la couronne. Chacune d’elle avait une particularité la rendant riche ou puissante.

En arrivant dans la constellation, Enoria ne s’attendait à rien. Elle savait qu’elle était la raison de la guerre entre l’étoile pourpre et le roi Charles. C’était donc de sa faute si le Grand-Royaume était entré en guerre. De sa faute si chacune des lady présentes pouvaient ne pas revoir le mari ou leurs pères. Pourtant elle ne pouvait s’empêcher de se demander si lady Alayna avait pensé à se détacher en l’invitant dans son cercle. Enoria ne l’avait jamais rencontrée. Aussi il était impensable pour Enoria, que Lady Worrl lui veuille du mal. Certes elle ne la connaissait pas, mais les personnes n’étaient pas toujours comme Charles à vouloir du mal d’elle. Ce n’était pas de sa faute si elle était une Holl de Mitiléne. Si elle était la sœur de leur ennemie.

Non, se dit-elle. Tu ne peux plus te permettre de penser comme ça. S’était l’enfant qu’il le pensait. C’était une stupide petite fille qui rêvé de quitté sa cité natal. Et pourquoi ? Pour épouser un homme qui ne s'intéresse même pas à toi. Pourquoi Lady Alayna serait différente de Richard ou de Charles?

L’un s’était fiancé avec elle par alliance politique et obligation. Et l’autre pour pouvoir entrer en guerre et se servir d’elle comme souffre-douleur. Finalement il se servait d’elle. Tous se servaient d’elle. Même son frère l’avait fiancé avec le prince, pour créer une alliance politique et pour lui servir d’espion. Dans ce monde, elle n’était qu’un pion sur un échiquier. Tout le monde se servait d’elle.
En quittant Mitiléne, elle se voyait comme dans ses livres de contes. La princesse qui allait épouser un prince charmant. Incapable de savoir maitriser son avenir, elle s’en était remise à son frère et était devenue un pion.

Peut-être que lady Alayna est comme le Roi Charles, se dit-elle. Ou peut-être comme le prince Louis. La seule personne qui, avec son serviteur Victor, avait vraiment été gentil avec elle. Non, il vaut mieux imaginer le pire, et de cette manière je ne serais pas déçu.

Escortée par sir Eommund, elle s’avança dans sa nouvelle expérience.

Comme elle se l’attendait, les dames de compagnies et filles ou femmes de seigneurs ne se bousculèrent pas pour lui parler. Au contraire, elles préféraient la prendre de haut, voire l’ignorer. Certaines lui jetèrent même des regards assassin. Enoria comprit alors que ce serait difficile de se faire accepter dans leur groupe. Elles la considéraient comme la responsable de la guerre. Bien-sûr elle ne s’attendait pas non plus à ce qu’elles la considèrent comme une sœur, mais elle avait tout de même espéré au fond d’elle que les dames autour de lady Alayna seraient compatissantes à son égard. Plutôt que de la considérer comme une étrangère, elle aurait aimé qu’on la voit telle qu’elle était vraiment, soit une jeune fille perdue dans un monde qui lui était totalement inconnu. Mais à priori, elle ne risquait pas de se faire des amis de sitôt.

Au fond d’elle, Enoria se demandait si elle ne le méritait pas un peu. La vérité était que son frère l’avait envoyé à la cité d’or pour espionner la cour des Roy. Il devait donc être normal alors qu’une espionne ne se fasse pas réellement d’ami. De toute façon, son frère ne l’avait pas envoyé dans le Grand-Royaume pour qu’elle s’y fasse des amis. Non, ce salopard m’a fait fiancer pour une alliance politique. Je paris qu’il savait que je finirais comme otage, et il a tout de même accepté. Il n’a pas hésité à me sacrifier pour servir ses intérêts. Alors pourquoi j'obéis encore à ses ordres. Il me fait vivre un enfer, et tout ça pourquoi ?

Ne trouvant pas lady Alayna en balayant la constellation du cheval du regard, Enoria s’apprêtait à partir, quand une jeune fille d’une vingtaine d’années se présenta devant elle, avec un sourire qu’Enoria devina forçait : «Lady Enoria Holl. Nous ne vous attendions pas de sitôt. Veuillez excuser ma mère, elle se trouve quelques étoiles plus loin. Nous ne pensions pas vous voir arriver si vite, aussi à elle préférait se reposer à l’ombre. Je pense que vous le comprendrez en raison de son âge. »

Puis, sans attendre de réponse ou même lui demander son avis, lady Alyssa lui passa le bras autour du sien et l'entraîna plus loin dans la constellation. Elles contournèrent plusieurs étoiles sans qu’Enoria ne soit abordé par une autre personne. A vrai dire, la plupart des femmes présentes lui jetèrent des regards noirs. Mal à l’aise, Enoria comprit qu’il aurait été préférable de ne pas venir, mais désormais c’était trop tard, elle devait assumer son choix.

Elles ne durent pas marché très longtemps avant de trouver Lady Alayna. Cette dernière était sûrement l’une des femmes les plus âgées présente dans les jardins et au passage l’une des plus importantes. Arrivé à sa hauteur, Enoria découvrit avec stupeur des dizaines de fauteuils avec des coussins mais aussi plusieurs tables avec de la nourriture comme Enoria n’en avait jamais vu. Toute cette partie de la constellation était recouverte par d’épais voiles pour protéger du soleil, ainsi que plusieurs tapis posés sur le sol. Enoria se serait presque crut dans une tente, pourtant elle pouvait encore voir le soleil qui réchauffé les femmes présentes. Bien que le onzième mois soit commencé, le soleil avait encore assez de puissance pour les réchauffer.

Toute cette partie de la constellation était décorée avec des tissus du sud, même les arbres et buissons avaient été taillés il y a peu. Cela veut dire qu’elles viennent souvent ici et que leurs petites fêtes doivent se dérouler assez régulièrement. Comme j’ai été stupide de penser qu’elle s’intéressait à moi, la vérité c’est qu’elles doivent tout simplement s’ennuyer et cherche un moyen de se distraire. Évidemment je suis une source de distraction. Sentant la colère monter en elle, Enoria préféra se concentrer sur Lady Alayna pour ne pas montrer ses émotions.

Celle-ci était posée sur un divan au couleur de de sa famille, soit bleu et argenté. Elle portait une robe de couleur violette, typique d’Elersor ainsi qu’un châle avec des croissants de lunes brodés dessus. Etrangement, Enoria ne lui aurait pas donné plus de soixante ans. Lady Alayna paraissait plus jeune qu’elle ne l’était. Bien que ses cheveux noirs laissaient apercevoir des mèches argentées, le reste de sa personne semblait aller pour le mieux.

Après l’avoir vu, Enoria tourna sa tête et regarda comment Lady Alyssa était elle aussi habillée. Aussi de la même façon que sa mère, elle portait une robe de couleur violette avec sur le bas de petits croissant de lunes cousue. Elle avait aussi les mêmes cheveux noirs que sa mère à la différence que ceux-ci étaient beaucoup plus longs. De plus elle portait un collier à la forme d’un croissant de lune tout autour de son cou de couleur argenté. Enoria se demanda alors si s’était réellement de l’argent ou simplement une couleur. Mais lady Alyssa dû lire dans ses yeux car elle lui répondit : « C’est du véritable argent. Le symbole de notre famille, une montagne surmontée d’un croissant de lune argenté. Il est important de conserver les symboles de sa famille, c’est ce qui nous définit dans le nord. Vous n’avez pas de symbole à Mitiléne ? Je veux dire vous n’avez pas de blasons vous les Holl ?

- Non. A vrai dire, on ne comprend pas pourquoi vous les nordistes avez besoin de vous identifier à des symboles ou des animaux. Après vous en faites des histoires pour finalement quasiment rien.
- C’est vrai, cela n’a que peu de sens. Mais cela a tout de même l’avantage que l’on puisse nous reconnaître facilement. Cela peut aussi vous donner notre façon de penser, souvent on en fait beaucoup pour ressembler à nos symboles. C’est le même principe que nos devises. Si elle donne du courage aux hommes dans les batailles, cela nous définit aussi, d’une certaine manière. Regarder celle des Roy : nous ne cédons jamais. D’une certaine façon, cela les caractérisaient très bien. Ou tout du moins, cela caractérisait très bien le prince Charles. Il était le fer de lance du Grand-Royaume, l’étoile d’acier. Bien-sûr, cela ne s’applique pas très bien pour ses deux frères. Mais pour son demi-frère Auguste, la devise est presque parfaite. Je m’étonne que vous n’en ayez pas.
- Nous en avons une : contre vent et marées, nous sommes la tempète, répliqua Enoria agacé. Certes j’ai encore du mal à la définir en moi, mais je trouve qu’elle correspond très bien aux habitants de Mitiléne. Et vous quelle est votre devise ?

- Oh je pense qu’elle nous définit très bien. Cherchez-nous dans l’obscurité. »

Elle se tourna vers Enoria avec un grand sourire, puis celle-ci s'aperçut qu’elles se trouvaient devant le divan de lady Alayna Worll et que celle-ci la dévisageait. Finalement Lady Worrl claqua du doigt et deux serviteurs arrivèrent avec des fauteuils pour Enoria et Lady Alyssa. Les deux filles se positionnèrent ainsi juste devant Lady Alayna, et elles se dévisagèrent un moment.

Au bout de quelque instant qui parut être une éternité à Enoria, lady Alyssa ouvrit enfin la bouche :

- Lady Enoria Holl, je vous présente ma mère : Lady Alayna Worll de la citadelle de Worrl.

- Pourquoi dit-on toujours citadelle, dit lady Worrl avec un brin d’agacement. C’est à peine quelques pierres que tes ancêtres ont déposées sur une montagne. Il y a quelques tours, mais de là à dire citadelle… Non, c'est plutôt un tas de ruines. Ca, dit-elle en indiquant la citadelle étoilée, c’est une citadelle. Une vraie forteresse, même si entre nous la ville pue-la merde. » Voyant le visage étonné d’Enoria, Lady Worll sourit et faillit même rire. « Allons ma chère, c’est vrai. Tout le monde le pense, même si tout le monde ne le dit pas tout haut comme moi. C’est néanmoins vrai. Cette ville a certes un beau donjon, mais la plupart des quartiers vivent dans la pauvreté. Cela doit être une horreur pour les habitants. Bien entendu, dans le sud je doute que cela soit très différent. Quand je vivais à Elersor la vie y était pareille, au détail qu’il n’y avait pas de donjon comme celui-ci. Pour tout dire, il n’y avait pas du tout de donjon. Je suppose que maintenant que l’étoile pourpre y réside, cela a dû changer ?

- Je n’en ai pas la moindre idée Lady Worrl, répondit Enoria. Je n’y suis jamais allé. Mais on me dit que vous êtes originaire du sud, et d’Elersor. Je pense bien que vous devez vous tenir informé de la situation, n’est-ce pas ? »

Lady Worrl parut amusée, puis elle répondit à son tour : « Oui, étrange que cela puisse être, j’aime savoir ce qu’il s’y passe. Même si je l’ai quitté il y a longtemps, c’est la cité de mon enfance, et la politique extérieure au Grand-Royaume est toujours intéressante. Mais trêve de cela. Je ne vous ai pas invité dans les jardins étoilés pour parler de qui a le plus grand château. »

Elle appela des serviteurs qui vinrent poser une table juste à la droite d’Enoria avec dessus de la nourriture. Enoria regarda un moment les plats avec différents gâteaux dessus ainsi que des boissons que les serviteurs avaient posés. Etonnamment elle ne vit que très peu de vin. Ce n’était pas la boisson qu’elle préférait en raison de son goût amer. Mais elle fut heureuse de découvrir plusieurs carafes avec des jus de fruits ainsi que du tee avec plusieurs parfums. Lady Worrl se servit de tee et sa fille de jus de raisin. Lady Alyssa demanda ce que Enoria voulait, mais cette dernière n’avait ni faim, ni soif. Il vaut mieux gardée les idées claires avec une femme comme lady Worrl en face de soi. Je ne sais pas encore pourquoi elle m’a réellement fait venir dans les jardins, et une boisson me déconcentrera. Lady Alyssa ne chercha pas à insister, et après avoir pris une part de gâteau à la pomme, alla se caler au fond de son divan pour commencer à siroter sa boisson.

« Alors, débuta Lady Worll, comment trouvez-vous la vie à la capitale ? Je doute que vous l'appréciez beaucoup. On ne vous a quasiment pas vu ces derniers mois. Et pour cause, quand ce n’était pas le Roi Charles dont vous aviez peur, c’était des dames de la cour ou de la cour tout simplement ? »

J’ai eu raison de ne pas boire, celle-là doit avoir des espions partout dans le château. Il vaut mieux rester concentré. « En effet, le Roi refusait que je sorte de la citadelle Phœnix, répondit-elle. Il ne voulait pas que d’autre chevalier ou comte ait des vues sur moi. Mais aussi parce qu’il pensait que j’étais une espionne. C’est le prince Louis qui m’a donné l’autorisation de sortir.

- Et pourtant nous ne vous voyons qu’aujourd’hui. Ne me mentez pas, j’étais à votre place dans le temps. Quand je suis arrivé dans le Grand-Royaume, j’ai mis beaucoup de temps à faire mon entrée dans la cour. Généralement les dames du Grand-Royaume n’aiment pas celles du sud. Elles nous trouvent inférieures à elles. Mais le fait de venir du sud, nous rend plus forte. D’une certaine façon. A vrai dire j’ai fait mon entrée dans la cour, quand mon mari Ewine Worll est devenu le seigneur du semblant de château de Worll. Mais avant, même ma belle-famille ne voulait pas m’accepter. Je comprends que vous ayez peur de sortir de votre chambre et de vous balader avec les autres dames dans les jardins ou dans la ville. Mais sachez ceci, plus vous attendrez, plus cela sera difficile.

- Je ne doute pas que cela a dû être difficile pour vous Lady Worll, répliqua Enoria d’une voix tremblante et peu sûre d’elle. Mais quand vous êtes arrivé dans le Grand-Royaume, s’était tout de même au bras d’un héros, qui venait de participer à une guerre dans le sud. Et…

- Héros, je ne suis pas sûre, la coupa-t-elle avant de lui faire signe de continuer.

- Moi je suis la sœur d’un ennemi, la fiancée d’un Roi que quasiment tout le monde déteste et la cause d’une guerre contre le pire ennemi du Grand-Royaume : l’étoile pourpre. » Elle se stoppa venant de se rendre compte que la moitié de ses mots pourraient être perçue comme de la trahison. Mais voyant que cela ne semblait guère déranger Lady Worll, elle se décontracta. « Veuillez m’excuser je n’aurais pas dû dire cela. C’était de la trahison.

- Non, c’est vrai, dit Lady Worrl de manière conciliante Vous êtes la cause de la guerre et toutes les dames de la cour le savent.

- Alors vous comprenez pourquoi je sors à peine. Dès que je le fais, soit elles me regardent avec haine, soit elles rit de moi.

- Que voulez-vous, il faut apprendre à les ignorer. Et puis de toute façon, il vaut mieux qu’elle vous sous-estime. » Lady Worrl bu une gorgée de son tee puis après avoir regardé la citadelle étoilée, elle se tourna de nouveau vers Enoria. « Ma fille vous a sûrement dit la devise de notre famille : Cherchez nous dans le noir. Je trouve qu’elle va aussi bien pour les hommes que pour les femmes. Notre famille ne compte pas réellement comme l’une des plus puissantes que Grand-Royaume. Et pourtant vous nous retrouver dans chaque grand conseil. A chaque fois qu’il y a un événement nous sommes là. Généralement nous agissons dans l’ombre. Et ainsi on nous considère comme une grande famille. Dites- vous cela, nous les femmes n’avons pas de pouvoir visuellement. Mais nous avons notre intelligence. Et agir dans l’ombre est souvent la meilleure des solutions. Vous n’êtes pas trop exposé et vous êtes pourtant très proche. Alors si on ne vous accepte pas à la cour, servez vous en à votre avantage. Croyez moi il y a plus de choses dans l’obscurité que nous ne saurions jamais en compté»
Elersor87

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Re: Le Théâtre du Pouvoir [fantasy-dark fantasy-guerre-intrigue]

Message par Elersor87 »

Victor. X

Louis faisait avancer l’avant-garde à marche forcée. Victor se demandé comment les chevaux faisaient pour tenir le coup. L’avant-garde composée entièrement de cavaliers devait parcourir près de cent quatre-vingt milles en moins d’une semaine. Or Louis voulait le faire en moins de cinq jours. L’armée entière devait alors être au trot pendant presque six heures. Beaucoup de chevaux n’avaient pas tenu les premiers jours, et beaucoup ne tiendraient pas mes prochains. Mais qu’importe, il fallait arriver à Montgargant avant l’étoile pourpre.

Victor chevauchait juste à la gauche de Louis. En le regardant, il avait l’impression que Louis n’avait pas dormi depuis des jours. Et d’un certain point de vue c’était vrai. Il avait quitté Fort-Carvall et l’armée royale ainsi que le Roi Charles il y a trois jours. Louis n’avait presque pas fermé l’œil depuis. Il s’inquiétait pour la guerre. Si l’étoile pourpre arrivait à passer Montgargant avant lui, alors il pourrait rentrer dans les terres de la couronne et affronter l’armée royale sur un terrain qu’il ait choisi. Cela inquiétait tellement Louis, qu’il en avait perdu le sommeil. À le regarder, Louis ressemblait à un mort vivant. Avec d’immenses cernes sous ses yeux brun à moitié fermé, et ses cheveux blond qui maintenant crasseux teintaient désormais plus vers le brun. Ses mains arrivaient encore à tenir les rênes de sa monture mais Victor voyait bien que ceux-ci tremblaient. A chaque pas de son cheval, on pouvait voir son corps se balancer avec la monture, comme s’il tanguait sur un bateau. Louis n’était plus que l’ombre de lui-même. C’était à peine s’il mangeait pendant les repas. Soit il somnolait, soit il écoutait les rapports concernant les mouvements de l’étoile pourpre ou encore sur l’organisation de l’avant-garde. S’était à peine s’il prenait du temps pour manger et boire.

Il regarda une nouvelle fois Louis tanguer sur sa selle. Jamais il ne pourra tenir le rythme. S’il continue, on arrivera à Montgargant avec un cadavre pour général. Déjà hier près de trente chevaux sont mort. Tous les jours on perd des chevaux, et bientôt ce sera les hommes. Il est hors de question qu’il soit le premier. Il est même hors de question qu’il en fasse partie.

Il regarda autour de lui et remarqua qu’ils étaient en train de gravir une pente. La route était en terre avec des pierres qui en ressortaient ou des racines. Les chevaux étaient habitués à ce genre de terrain. Victor n’avait pas remarqué au début, qu’ils avaient quitté la route entretenue en pierre. La progression était plus simple qu’il ne se l'imaginait. Les cavaliers en tête étaient presque arrivés en haut de la colline, et Victor ainsi que Louis les suivaient. Arrivé en haut, il aurait un excellent point de vue pour connaître leur position. Avec de la chance, il pourrait demander au comte Worll de faire faire à l’armée une pause. Le soleil indiquait presque midi, aussi une pause serait plus que profitable à Louis, mais aussi à toute l’armée.

Juste derrière lui et Louis se trouvait les chevaliers Raymond Florent, Errik Carvall et Radolf Boisseaux. Ils étaient les seuls gardes du corps de Louis avec Trymian qui se trouvait juste à la droite de Louis. L’armée de housecarls n’avait pas pu les accompagner. Composé dans l’entièreté de soldats à pied, seul Trymian avait pu venir et cela en raison du fait que Louis lui avait fait prendre un cheval pour son usage personnel à la cité d’or. Louis s’était donc retrouvé avec seulement trois chevaliers, un housecarl et un pisteur à son service. Même sans son armée privée, Louis était avec le comte Worll le général de l’avant-garde, il devait donc se débrouiller sans. Ils étaient sûrement les cinq personnes en qui Louis avait réellement confiance.

Arrivé en haut de la colline, Victor se déplaça sur le côté suivis par le cheval de Louis. Ce dernier était littéralement avachi sur l’encolure de son cheval et ne contrôlait plus rien. Il stoppa son cheval puis regarda un moment le paysage. De là où il était, Victor pouvait voir l’immense forêt de Boisselée, la plus grande forêt des terres de la couronne. Leur colline dominait toute la forêt, Victor pouvait même distinguer au loin en tout petit le château de Boisseaux, dont la forêt appartenait au comté. Toute la vallée était dominée par la colline. On pouvait apercevoir plusieurs fermes et moulins, ou encore un petit village à quelque mille de leur position.

Il se retourna et regarda cette fois le chemin qu'ils leur restaient à faire. Victor fut alors étonné de voir qu'ils leur restaient encore une dizaine de mille avant d'arriver à Montgargant. Ils étaient beaucoup plus rapides qu'il ne se l'était imaginé. Nous aurons atteint la passe dans l'après-midi. Aucune chance que l'étoile pourpre y soit arrivée avant nous. Pourtant il sentit un goût aigre dans sa bouche. Si l'étoile pourpre les avait déventés, alors il était bon pour faire route arrière et rejoindre l'armée royale. De plus Louis devrait subir la fureur de Charles son frère le Roi. Et il n'était clairement pas en état de la soutenir.

Alors qu'il regardait le futur chemin à emprunter pour rejoindre Montgargant, un cavalier au galop remonta la pente menant à Montgargant et arrivé à sa hauteur il stoppa sa monture et s'adressa à Louis: «Monseigneur, le comte Worll n'envoie vous avertir que nous ne sommes plus qu'à deux heures de cheval de Montgargant. Il voudrait savoir si nous nous arrêtons pour faire une pause.» Victor regarda la tour grise sur son bouclier, et le reconnut aussitôt, c'était sir Edouarde Rivers. Il était l'une des personnes qui connaissait le mieux la région, aussi il était normal qu'il les accompagne. Voyant le prince avachi sur l'encolure du cheval, il se tourna vers Victor pour demander: «Excusez-moi, mais le prince Louis serait souffrant?

- Non, répondit Victor. Ça fait juste trois jours qu'il n'a pas fermer l’œil.» Sachant très bien que Louis voudrait continuer à avancer, Victor hésita. Puis il décida qu'il était préférable pour tout le monde de stopper la marche. «Dites au comte Worll de stopper la colonne. Nous reprendrons la marche après que les hommes aient eu le temps de manger et de se reposer. Dites lui que ce sont les ordres du prince Louis.»

Victor vit alors que le chevalier hésitait à obéir. Évidement, il me voit comme un bâtard, comme la moitié des seigneurs des terres de la couronne, se dit-il. Mais il sait aussi que je suis le meilleur ami de Louis. S’il refuse de m'obéir, c'est comme s'il refusait d'obéir à Louis, et donc son prince le frère du Roi. Finalement le chevalier acquiesça et repartit vers l'avant de la colonne au grand galop.

Quelques secondes plus tard, Louis chuta de son cheval. Victor démonta directement pour aller voir comment ce dernier allait. Il le trouva incapable de se relever. Trop de fatigue, pensa Victor. Faisant signe à Trymian et sir Raymond Florent de venir l'aider, ensemble ils l'allongèrent près d'un groupe de rocher où ils pourraient manger tout en ayant une vue sur la vallée. Alors que sir Raymond s'occupait d'installer correctement Louis, sir Errik Carvall et Trymian s'occupèrent eux de préparer le repas. Le matin, alors qu'il était parti en éclaireur, Victor avait abattu près de la forêt de la Boisselée un couple de lapin, aussi le menu serait ce midi du lapin en ragoût. Bien que cela ne soit pas le meilleur repas qu'il ait connu, c'était plus simple à préparer que bien d'autre chose.

Une fois que Louis fut correctement installé pour dormir, sir Raymond Florent vint les rejoindre. Sir Errik s'occupant de surveiller la cuisson du repas, le reste du groupe s'installa pour manger. Tous sauf Radolf Boisseaux qui l'avait déjà fait la veille,s'occupèrent de vérifier et de réparer si besoin leur armement.

Sir Raymond n'ayant pas assez d'argent pour avoir un écuyer devait s'occuper lui-même de l'entretien de son matériel. Bien qu'il en prenne très bien soin, son armure commençait à se faire vieille, son épée avait plusieurs impacts qui la rendait presque fragile, et même son alezan commençait à être vieux. Il sortit alors sa cotte de maille ranger dans une sacoche de sa selle et commença à la graisser pour éviter qu'elle ne rouille.

Sir Raymond était au service de Louis depuis maintenant un an et demi. Avant cela, il était un chevalier errant. Fils cadet d'un fils cadet de la famille de Florent de la citadelle de Florentaress, il n'avait aucune chance d'hériter de quoi que ce soit. Aussi, à l'âge de douze ans, il était parti à Fort-Rivers pour y servir d'écuyer. Il avait servi pendant huit ans avant d'être finalement adoubé. Puis il est devenu un chevalier errant. Il y a six ans, six mois avant la conquête de l'étoile pourpre dans le sud, il était entré au service de la famille de la forteresse de l'Ergernt. Là-bas, il avait servi quatre ans avant de redevenir un chevalier errant. D'après lui, il était parti parce que le comte de l'Ergernt ne le payait pas assez bien pour ses services. Mais Louis avait dit la vérité à Victor. Sir Raymond avait été chassé de la forteresse pour avoir tenter de séduire la femme du comte. Il avait presque réussi, mais le comte de l'Ergernt l'avait su et sir Raymond avait juste eu le temps de s'enfuir pour ne pas perdre sa tête. Quand, ils avaient reçu la nouvelle de la prise de la forteresse par l'étoile pourpre, sir Raymond était sûrement l'une des rares personnes à s'en être réjouie. Malgré cela, c'était l'une des rares personnes à ne pas juger Victor. Il se fichait que ce dernier soit oui ou non un bâtard. Il était l'une des rares personnes à le considérer à sa juste valeur, même s'il aimait rappelé qu'il était une personne de haute naissance.

N'ayant jamais été fortuné, sir Raymond avait appris à s'occuper de ses affaires tout seul. Entretenir son équipement était pour lui un jeu d'enfant. À vrai dire, seul sir Errik Carvall et Louis avaient chacun un écuyer à leur disposition. L'écuyer de sir Errik s'appelait Balfran Arforne. Il venait du duché de Largonne, il était lui aussi un fils cadet, et était venu servir à la capitale pour devenir chevalier. Il avait beaucoup de chance d'être tombé sur sir Errik. Ils s'étaient rencontrés dans une taverne de plaisir. Le genre d'endroit où l'on peut boire jusqu'à ce soûler, danser et bien d'autre chose. Victor n'y avait jamais mis les pieds, mais il savait que ces tavernes étaient réputées partout dans le Grand-Royaume. Quelque soit l'heure, il y avait toujours de l’animation, ou tout du moins c'était ce que sir Errik lui avait raconté. En temps normal, sir Errik était quelqu'un de très raisonnable. Mais une fois par mois, il allait dans ce genre de taverne pour se défouler. S'était là-bas qu'il avait rencontré Balfran. Il lui avait proposé un poste comme écuyer, et ce dernier n'ayant plus un sous en poche suite à son voyage, avait accepté. Avant cela sir Errik n'avait pas d'écuyer. Balfran l'avait rejoint avant leur départ de la cité d'or.

Il regarda Balfran aiguiser l'épée de son mentor, puis décida qu'il ferait mieux d'en faire de même. Il alla décrocher son carquois de sa selle, puis ayant sorti les flèches qui s'y trouvaient et s'étant posé sur une pierre près du foyer, il se mit à les aiguiser une par une.

Beaucoup d'archers pensaient que cela ne servait à rien d'aiguiser ses flèches, mais pour Victor cela apportait une perforation supérieure pour les armures. Il connaissait chacune de ses flèches. Pour lui chacune pouvait avoir une direction différente, aussi après les avoir marqué de signes distinctif, il s'était entraîné à les tirer sur une cible pour savoir comment visait avec chacune d'entre elles. De cette façon, il était devenu un excellent tireur que ce soit pour la chasse comme pour la guerre. Son arc aussi était adapté à sa manière de tirer. Plutôt que d'avoir un arc de guerre de six pieds avec une porté de huit-cent pieds, il préférait un arc plus court, plus adapté pour la chasse et les tirs de précision. Bien entendu, la portée était beaucoup plus courte, dans les quatre-cent cinquante pieds, mais il était beaucoup plus simple à maîtriser que les arcs de six pieds. Ceux-là demandaient un entraînement plus rigoureux pour pouvoir les maîtriser. Bien entendu il était idéal pour la guerre, surtout lors de bataille rangé qui demandait une cadence de tir très rapide. L'arc de Victor était plus fait pour les tirs de précision. De plus, on pouvait aussi s'en servir lors de combat rapproché. Étant plus petit, il était plus simple à ranger pour ensuite dégainer son épée, voire dans certains cas se battre avec. Victor n'avait jamais fait le teste, mais dans le duché de l'Ardenne il avait connu plusieurs personnes qui utilisaient cette technique. Victor n'avait jamais connu de vraie bataille. Mais il savait que cela n'allait plus tarder, aussi il valait mieux savoir se battre avec n'importe quelle arme, quelle qu'elle soit.

Alors qu'il commençait à aiguiser sa trentième flèche, Trymian vint s'asseoir à côté de lui. Il regarda un moment le tas de flèches devant Victor, puis demanda: «Tu crois vraiment que cela améliorera tes tirs?

- Non, mais cela améliorera leurs perforations. Plus une flèche est pointu plus elle a de chance de rentrer dans une armure et de tuer son occupant. Il vaut mieux avoir toutes les chances de son côté lors d'une bataille, tu ne crois pas?

- Franchement non. Les arcs sont des armes de lâches, mais plus que cela il n'inflige que des dégâts minimes. Dans la Nordruss, à part pour la chasse, il vaut mieux avoir de vraies armes. Lances, épieux, haches, épées, même un marteau d'arme est plus utile. Plus une arme inflige de dégâts à ton adversaire, plus elle te sera utile.

- Oui, mais ce sont des armes qui, si elle ne te tue pas, infligent la douleur. Va dans le sud, et on te dira qu'un seul coup peut tuer ton adversaire. Plus l'arme est petite, plus elle perfore. Plus elle perfore, plus ton sang à de chance de couler. Or si tu perds ton sang, tu es mort. Dans le nord, vous voulez absolument détruire votre adversaire sous les coups. Mais au final, il suffit de le percer d'une flèche et il est mort. Une flèche bien tirée et bien affûté.»

Trymian eut un petit sourire et ne chercha pas à contester. Tant mieux, pensa Victor. J'ai épuisé tous mes arguments. Jamais je pourrais lui avouer que je pense que l'arc est aussi pour moi une arme de lâche. Mais bon les armes de lâche peuvent très bien faire gagner une guerre. Et seul le vainqueur compte.

«C'est prêt, dit sir Errik au reste du groupe.» Puis attrapant la petite marmite, il la sortit du feu et la posa juste devant Victor et Trymian. Trymian récupérera alors trois bol, et après avoir servi une part à Louis, que sir Raymond alla déposé auprès du prince, il servit chaque personne du groupe. Le dernier fut l'écuyer de Louis, qui les avait rejoint lui aussi à leur départ de la cité d'or: Emril Lion. Se regroupant tout autour du feu, ils commencèrent à manger. Étrangement, Victor voulut mettre sa cape sur ses épaules, il avait froid. Sûrement à cause de l'altitude et du vent, se dit-il. Le ragoût n'était pas trop mal, certes il en avait connu des meilleurs, mais celui-ci lui donnait de la chaleur, et s'était tout ce qui importait pour Victor. L'hiver arrivait, et la guerre avec lui. Il y a au moins une consolation dans tout ça, se dit-il. Si l'étoile pourpre arrive à nous vaincre et nous faire se replier jusqu'à la cité d'or, l'hiver serait sûrement la seule chose qui pourrait peut-être les sauver.

Victor était de l'Ardenne, la-bas les exploits de l'étoile pourpre était légendaire. On disait qu'il avait vaincu des armées trois fois plus grande que la sienne, pris des cités en seulement quelques jours et mis à bas près d'une dizaine d'empire. Même si Victor pensait qu'une partie devait sûrement être fausse, les mensonges contenaient toujours de la vérité. On ne l'appelait pas le prince des batailles pour rien. C'était pour cette raison qu'il pensait que l'étoile pourpre réussirait tout de même à rentrer dans les terres de la couronne. Quelque soit la raison de sa venue ou ce qu'il voulait, il l'obtiendrait. Il était l'étoile pourpre, le plus grand conquérant du siècle. Victor savait qu'il ne fallait pas croire en sa défaite, mais il savait reconnaître une cause perdue. Une guerre contre l'étoile pourpre était une cause perdue. C'était une chose que Louis refusait de voir. Lui gardait toujours espoir, et ce même s'il en perdait le sommeil.

Il s’arrêta de manger en entendant des bruits de sabots venir vers leurs positions. Se levant, il vit alors flottait la bannière argentée des Worll. Menés par le comte Ewine Worll, une demi-douzaine de cavaliers s'arrêtèrent juste devant Victor. Le comte démonta et s'adressa directement à Victor: «Où est le prince Louis, je dois lui parler.

- Actuellement il se repose, répondit Victor. Si vous avez un message à lui faire parvenir, je m'occuperai de lui transmettre.

- Très bien. Transmettez lui cette lettre.» Il tendit un message au sot brisé à Victor, avant d'ajouter: «Réveillez-le le plus vite possible. Dites lui que l'étoile pourpre n'a pas traîné son cul.» Puis il remonta sur son cheval et repartit dans le sens inverse suivi par ses cavaliers.

Victor attendit que le comte soit hors de vue pour ouvrir la lettre et la lire. Il n'en crut pas ses yeux. Non c'est pas possible, pensa-t-il.

«Alors, demanda Trymian. Que dit la lettre?

- L'étoile pourpre a finalement changé ses plans, ajouta sir Raymond. Ou mieux, il est reparti dans le sud?

- Non, répondit Victor. Réveillez Louis, il voudra lire la lettre lui-même.»

Sir Errik se chargea de sortir Louis de son sommeil. Celui-ci fut dans un premier temps furieux de voir qu'ils s'étaient arrêtés, puis après que Trymian lui est dit qu'il était tombé de son cheval il grogna avant de demander pourquoi on l'avait réveillé. Victor lui tendit alors la lettre. Après avoir remarqué que le sot était brisé, il l'ouvrit et la lu. Devant sa mine horrifiée, Trymian se tourna vers Victor et demanda: «Quoi, que s'est il passé!

- Il y a eu une autre bataille, répondit Victor. Proche de la forteresse de Soragar, les seigneurs des terres de Fort-Rivers ont rassemblé quatre-mille hommes et ont affronté l'étoile pourpre. Ce dernier s'est positionné sur une colline et a attendu qu'ils lui fonce dessus. C'est donc ce qu'ils ont fait et...» Victor hésita.

- Ils se sont fait massacrer, continua Louis. Ses archers ont décochait volée de flèches sur volée de flèches. À peine étaient-il arrivé en haut de la colline, que la moitié de leur force avait fondu comme neige au soleil. Et puis, épuisés par l'effort, les hommes se sont fait massacrer par son infanterie. L'étoile pourpre n'a pas à déplorer une seule perte. Quant aux seigneurs du Duché et bien... La quasi-totalité de leurs forces ont été balayées. Seulement mille-cinq-cent hommes ont survécu ou n'ont pas fui. Ils ont rejoint Montgargant et nous attendent. D'après eux, l'étoile pourpre se trouve à une journée tout au plus de Montgargant. Prenez vos affaires, on doit y arriver avant lui et son armée.»

Moins de dix minutes plus tard, il était à nouveau à cheval, en direction de Montgargant, et avec eux près de quatre-mille cavaliers.
Le chemin jusqu'à Montgargant devait durer moins de deux heures, Victor le savait. Mais Louis obligea la colonne à le faire au petit galop sur la zone en descente et sur le plat pour plus de rapidité. Il fallait atteindre Montgargant au plus vite.

La veille, il avait discuté de cela avec Louis: «Faire avancer l'avant-garde à marche forcée ne nous servira à rien, si on arrive à Montgargant avec des chevaux morts. Louis, si on continue à cette allure, on va perdre la moitié de nos hommes et chevaux. Rien qu' hier, une dizaine de chevaux se sont écroulés de fatigue. On ne pourra repousser l'étoile pourpre avec la moitié de nos effectifs.

- Je n'ai pas besoin de tous les chevaux, avait répondu Louis. Ni même de la moitié de ces chevaliers. L'objectif est de tenir Montgargant le temps que le Roi Charles arrive avec le reste de nos forces. En attendant, nous devons atteindre Montgargant avant l'arrivée de l'étoile pourpre.

- Mais à quoi cela peut bien servir, si nous sommes dans l'incapacité de tenir la forteresse? L'étoile pourpre a plus de six mille hommes avec lui. Nous n'en avons que quatre mille. Si encore il était tous à cheval, cela pourrait fonctionner. Mais à ce rythme là, on risque d'y arriver qu'avec la moitié. On ne peut gagner face au plus grand stratège du siècle avec deux mille hommes comme avec quatre mille.

- L'idée n'est pas de gagner mais de tenir la passe, avait rétorqué Louis. La forteresse de Montgargant n'a de forteresse que le nom. Incapable de tenir un siège, on doit forcement se battre devant. Or, il se trouve que la passe, qui est juste devant, est à trois cent pieds de hauteur et n'en fait que trois-cent autres de large. On peut tenir la passe avec une armée disciplinée et réduite. Tant que l'on arrive à contenir l'étoile pourpre, tout ira pour le mieux. La passe de Montgargant n'a jamais été prise. Aucune armée n'a jamais réussi à passer. Il suffit de bloquer la passe avec deux mille fantassins et de tenir les falaises avec quelques centaines d'archers et l'étoile pourpre ne pourra jamais passer. Or, nous avons tout cela à notre disposition.

- Tu oublie une chose dans ton plan. L'étoile pourpre ne va pas gentiment rester devant toi et te foncer dessus. Il connaît la région je te rappelle. Il va forcément trouver un endroit pour passer.

- Il n'y a aucun autre endroit. La passe de Montgargant est la seule passe capable de faire traverser une armée. Et l'étoile pourpre le sait, voilà pourquoi nous devons y être avant lui.»

Victor ne répondit rien. Il savait que le plan de Louis pouvait fonctionner, même si pour lui il restait une faille. L'étoile pourpre ne resterait pas sans rien faire. Il trouverait forcément un moyen de passer. Il trouverait une ruse et forcerait le barrage ou bien le contournerait. Mais le plus probable était qu'il trouve un moyen pour battre l'armée royale. De cette façon il n'aura aucun ennemi dans le dos, pensa t-il en regardant la passe de Montgargant qu'il distinguait mieux maintenant. Vu comment il avance, le ravitaillement ne doit pas être un problème pour lui. Mais c'est toujours gênant d'avoir un ennemi dans le dos. Son armée était trop petite pour qu'il doive la séparer. Aussi il ne prendrait pas le risque de diviser son armée. Il y aurait forcément une bataille à Montgargant. Aussi il était préférable qu'elle se déroule selon les plans de Louis. L'étoile pourpre était totalement imprévisible dans ses mouvements, mais s'il avait les hommes du duché de Fort-Rivers avec eux, cela serait plus facile de tenir la position. Encore une fois, il avait bien joué son coup en écrasant leurs forces à la bataille de Soragar, Non seulement il n'avait plus aucun ennemi dans le dos, mais en plus il leur infligeait encore une humiliation.

De là où il était, Victor distinguait mieux la passe de Montgargant. Louis avait raison, à plus de trois-cent pied de haut et trois-cent autres de large, c'était une forteresse idéale pour bloquer un ennemi, même supérieur en nombre. Située entre deux autres montagnes la passe offrait un terrain idéal pour repousser n'importe qu'elle adversaire avec un nombre d'homme réduit. Sur la montagne Est on retrouvait la forteresse de Montgargant, ainsi qu'un tout petit village qui l'entourait. La montagne Ouest quant à elle, était recouverte de forêt sauf le sommet qui lui, montrer quelque arbre calciné ou abattu.

Victor pouvait aussi voir que les survivants de la bataille de Soragar avaient commencé à monter des tentes sur les deux flans nord des montagnes. À vue d’œil, il ne semblait pas être plus de quelques centaines. La plupart doivent être dans les tentes ou de l'autre côté, se dit-il pour se rassurer. Cela veux au moins dire que l'étoile pourpre n'est pas encore arrivée, ou qu'il les a massacrées et nous tend un piège. Cette pensée le fit tressaillir. Si l'étoile pourpre leur tendait effectivement un piège, la bataille pour reprendre la passe se ferait avec de nombreuses pertes. Mais surtout cela pourrait être la fin de toute l'ost de Louis. Il préféra se concentrer sur la passe.

En plus de la forteresse, il pouvait voir une tour sur chacun des rebords de la passe. Avec des archers à l’intérieur, le passage était impraticable. Les tours pouvaient couvrir presque toute la passe et empêcher n'importe qu'elle adversaire de passer entre. La passe semblait tout simplement imprenable. À espérer qu'elle le soit vraiment.

Il arrivèrent à la passe en moins de deux heures, et au grand soulagement de Victor, il ne semblait pas y avoir de piège. Par certains hommes, ils reçurent des applaudissements, mais par d'autres injures. Ils étaient arrivés après la bataille de Soragnar et après celle de La Tour, et ils venaient se battre sur le terrain le plus praticable et le moins dangereux pour eux, cela ne jouait pas en leur popularité. À vrai dire, Victor regarda le visage de la plupart des combattants et ils semblaient exténué, comme s'ils avaient vu la mort dans le blanc des yeux. Sûrement un des nombreux effets de l'étoile pourpre. La peur se lisait dans leurs yeux. Quand ce n'était pas le cas, il semblait au bord de l'écroulement.

Étrangement il ne vit que très peu de bannières: la fontaine de gorge, étalons noir de Lidove, la fleur de Florentaress, et un étendard déchiré qui semblait montrer les chauve-souris de Ogure. Moins de la moitié des bannières du duché était présente, donc moins de la moitié des seigneurs.

Ils remontèrent ainsi jusqu'à la forteresse et le village pour découvrir que les seigneurs du duché avaient installé leur quartier général juste devant une falaise surplombant la passe. Là ils mirent pied à terre, et après avoir ordonné que les hommes fassent de même et s'installent, Louis se dirigea vers la tente. Ils furent immédiatement suivis du comte Worrl et de ses hommes. Ils rentrèrent dans la tente pour y découvrir les comtes du duché avachie sur des sièges soit avec du vin soit avec de la bière à la main. Seul le comte Florent avec une fleur sur son blason se leva à l'entrée de Louis: «Mon seigneur, on ne vous attendait pas de sitôt.

- Comme vous n'attendiez pas l'étoile pourpre à Soragnar, répliqua Louis. Concernant le résultat, vous avez perdu la moitié de vos forces dans une seule bataille. Même ici, vous ne nous attendiez pas. Mais excusez-moi, attendiez-vous l'étoile pourpre? Il pourrait débarqué, les défenses ne sont même pas prêtes. Il nous a déjà humiliés deux fois en moins de quelques semaines, et je ne parle même pas des forteresses qu'il a dû prendre sur le chemin. Et bien entendu je vous retrouve à boire et à attendre notre arrivée. Pardonnez-moi, mais que se passerait-il, s'il était arrivé avant nous?»

Le comte Lidove avec son étalon noir cousu sur la poitrine se leva d'un coup et rouge de colère aboya: «Je ne me laisserais pas insulté par gamin qui n'a pas combattu une seul fois de sa vie! Vous n'étiez pas à la bataille de Soragnar, vous ne savez pas ce que cela fait de combattre l'étoile pourpre. Il est la mort en personne. Il prévoit chacun de nos mouvements à l'avance, avant même que nous y ayons pensé. À Soragnar on a bien cru tous y passer. J'ai perdu deux fils dans cette bataille. Croyez- moi, nous savons ce qui est bon pour nous et comment le repousser. Nous avons fait tout ce que nous pouvions, maintenant, c'est aux dieux de nous aider.»

Louis et le comte se dévisagèrent un moment avant que Louis ne rompt le duel. Il retira sa cape et la posa sur un fauteuil. Il regarda un à un les seigneurs puis demanda: «Dites-moi exactement le nombre d'hommes qu'il vous reste.

- Mille-quatre cent cinquante-neuf, répondit le comte Florent. Quasiment cinq cent archers et le double de fantassins. Et vous?

- Où se trouve l'étoile pourpre actuellement, enchaîna Louis en ignorant la question. Et qu'elle est l'état de ses forces.»

Le comte Lidove pointa une carte accrochée à la toile de la tente: «D'après nos éclaireurs et guetteurs, il se trouve à moins d'une demi-journée de marche. Pour ce qui est d'où exactement, c'est impossible à définir. Il a divisé l'intégralité de sa troupe en petite division pour les faire avancer plus vite. De cette manière, il emprunte toutes les routes disponibles, si bien qu'il est impossible de savoir où il se trouve véritablement. En théorie, chaque division est composée de cinq-cent hommes, et ils ne sont espacés que de quelques heures de marche. Si on en attaque une, les autres rapplique de partout et on se retrouve pris au piège. C'est ce qui est arrivé au comte de Laredo il y a trois jours. Il n'en est pas ressortie vivant, ni lui, ni ses hommes. Ils étaient quatre cent. Quant à ses forces, et bien... Je pense qu'il n'a perdu que très peu d'hommes. À Soragnar, on n'a même pas atteint ses lignes. Les seuls qui ont réussi sont morts.

- Vous devez bien savoir combien il a d'archers, de chevaux, et de fantassins?

- Mille archers, deux-mille cinq cent cavaliers, de même pour son infanterie, et cinq-cent hommes de la garde pourpre. Il a bien préparé son invasion.

- La garde pourpre, demanda le comte Worrl, qu'est ce c'est encore?

- Ses hommes les plus fidèles, répondit le comte Lidove. Ils sont avec lui depuis le début de sa guerre dans le sud. Mais surtout ce sont les meilleurs de ses hommes. Des machines à tuer. Certains de nos hommes les ont combattu. Moi aussi d’ailleurs. Croyez-moi, je n'ai jamais vu la mort d'aussi prêt. Ce sont les vétérans des vétérans, ils sont impossible à tuer.»

Victor en avait entendu parler. Les gardes personnelles de l'étoile pourpre. Ils étaient le fer de lance de son armée. Implacable dans la bataille. C'était notamment grâce à eux que l'étoile pourpre avait pris un grand nombre de villes dans le sud. Ils étaient tout simplement invincibles.

Il regarda les seigneurs du duché, la peur se lisait dans leurs yeux. Eux aussi avaient vu la mort de près. Il préféra sortir voir les préparatifs. Après l'avoir dit à Louis, celui-ci ordonna à Trymian de l'accompagner. Ils quittèrent ainsi la tente, laissant Louis avec les chevaliers pour se diriger vers les falaises qui surplombaient la passe.

Alors qu'ils étaient à mi-chemin, Trymian demanda: «Comment se fait-il que vous ayez aussi peur de l'étoile pourpre? Je veux dire, vous ne l'avez jamais rencontré, jamais combattu. Et pourtant vous le craignez comme la mort. Dans le nord, on ne pense rien sur un adversaire avant de l'avoir combattu.

- Voilà pourquoi vous ne savez jamais quand les clans du nord vous attaquent, répliqua Victor. Et pourquoi ils font un carnage jusqu'à ce que vous ne les arrêtiez. Il vaut mieux toujours connaître son adversaire, même si cela implique d'avoir peur de lui. La peur est souvent le meilleur sentiment, cela maintient nos sens en alerte.»

Ils arrivèrent devant les falaises et Victor regarda en contrebas. Au loin, on pouvait deviner les divisions de l'étoile pourpre en train de converger vers la passe. Même si elles semblaient ressembler à des fourmis, Victor savait que c'était des meutes de loups.

Une main se posa alors sur son épaule. Victor sursauta et se retourna d'un coup pour y découvrir Nuit qui le regardait. Il l'avait complètement oublié. À vrai dire, cela faisait plusieurs jours qu'il ne l'avait pas vu, ou tout du moins il le croyait. Nuit se dissimulé tellement bien, qu'on en venait à l'oublier.

En regardant son visage, il comprit que celui-ci demandait où était Louis. Victor désigna la tente du quartier général. D'un signe de main, Nuit le remercia et se dirigea vers la tente.

«Lui il me fait peur, afffirma Trymian. Il était où toute la journée? J'ai même pas remarqué son absence.

- Moi non plus, répondit-Victor dans un soupir. Moi non plus.»
Elersor87

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Re: Le Théâtre du Pouvoir [fantasy-dark fantasy-guerre-intrigue]

Message par Elersor87 »

Victor. X

Louis faisait avancer l’avant-garde à marche forcée. Victor se demandé comment les chevaux faisaient pour tenir le coup. L’avant-garde composée entièrement de cavaliers devait parcourir près de cent quatre-vingt milles en moins d’une semaine. Or Louis voulait le faire en moins de cinq jours. L’armée entière devait alors être au trot pendant presque six heures. Beaucoup de chevaux n’avaient pas tenu les premiers jours, et beaucoup ne tiendraient pas mes prochains. Mais qu’importe, il fallait arriver à Montgargant avant l’étoile pourpre.

Victor chevauchait juste à la gauche de Louis. En le regardant, il avait l’impression que Louis n’avait pas dormi depuis des jours. Et d’un certain point de vue c’était vrai. Il avait quitté Fort-Carvall et l’armée royale ainsi que le Roi Charles il y a trois jours. Louis n’avait presque pas fermé l’œil depuis. Il s’inquiétait pour la guerre. Si l’étoile pourpre arrivait à passer Montgargant avant lui, alors il pourrait rentrer dans les terres de la couronne et affronter l’armée royale sur un terrain qu’il ait choisi. Cela inquiétait tellement Louis, qu’il en avait perdu le sommeil. À le regarder, Louis ressemblait à un mort vivant. Avec d’immenses cernes sous ses yeux brun à moitié fermé, et ses cheveux blond qui maintenant crasseux teintaient désormais plus vers le brun. Ses mains arrivaient encore à tenir les rênes de sa monture mais Victor voyait bien que ceux-ci tremblaient. A chaque pas de son cheval, on pouvait voir son corps se balancer avec la monture, comme s’il tanguait sur un bateau. Louis n’était plus que l’ombre de lui-même. C’était à peine s’il mangeait pendant les repas. Soit il somnolait, soit il écoutait les rapports concernant les mouvements de l’étoile pourpre ou encore sur l’organisation de l’avant-garde. S’était à peine s’il prenait du temps pour manger et boire.

Il regarda une nouvelle fois Louis tanguer sur sa selle. Jamais il ne pourra tenir le rythme. S’il continue, on arrivera à Montgargant avec un cadavre pour général. Déjà hier près de trente chevaux sont mort. Tous les jours on perd des chevaux, et bientôt ce sera les hommes. Il est hors de question qu’il soit le premier. Il est même hors de question qu’il en fasse partie.

Il regarda autour de lui et remarqua qu’ils étaient en train de gravir une pente. La route était en terre avec des pierres qui en ressortaient ou des racines. Les chevaux étaient habitués à ce genre de terrain. Victor n’avait pas remarqué au début, qu’ils avaient quitté la route entretenue en pierre. La progression était plus simple qu’il ne se l'imaginait. Les cavaliers en tête étaient presque arrivés en haut de la colline, et Victor ainsi que Louis les suivaient. Arrivé en haut, il aurait un excellent point de vue pour connaître leur position. Avec de la chance, il pourrait demander au comte Worll de faire faire à l’armée une pause. Le soleil indiquait presque midi, aussi une pause serait plus que profitable à Louis, mais aussi à toute l’armée.

Juste derrière lui et Louis se trouvait les chevaliers Raymond Florent, Errik Carvall et Radolf Boisseaux. Ils étaient les seuls gardes du corps de Louis avec Trymian qui se trouvait juste à la droite de Louis. L’armée de housecarls n’avait pas pu les accompagner. Composé dans l’entièreté de soldats à pied, seul Trymian avait pu venir et cela en raison du fait que Louis lui avait fait prendre un cheval pour son usage personnel à la cité d’or. Louis s’était donc retrouvé avec seulement trois chevaliers, un housecarl et un pisteur à son service. Même sans son armée privée, Louis était avec le comte Worll le général de l’avant-garde, il devait donc se débrouiller sans. Ils étaient sûrement les cinq personnes en qui Louis avait réellement confiance.

Arrivé en haut de la colline, Victor se déplaça sur le côté suivis par le cheval de Louis. Ce dernier était littéralement avachi sur l’encolure de son cheval et ne contrôlait plus rien. Il stoppa son cheval puis regarda un moment le paysage. De là où il était, Victor pouvait voir l’immense forêt de Boisselée, la plus grande forêt des terres de la couronne. Leur colline dominait toute la forêt, Victor pouvait même distinguer au loin en tout petit le château de Boisseaux, dont la forêt appartenait au comté. Toute la vallée était dominée par la colline. On pouvait apercevoir plusieurs fermes et moulins, ou encore un petit village à quelque mille de leur position.

Il se retourna et regarda cette fois le chemin qu'ils leur restaient à faire. Victor fut alors étonné de voir qu'ils leur restaient encore une dizaine de mille avant d'arriver à Montgargant. Ils étaient beaucoup plus rapides qu'il ne se l'était imaginé. Nous aurons atteint la passe dans l'après-midi. Aucune chance que l'étoile pourpre y soit arrivée avant nous. Pourtant il sentit un goût aigre dans sa bouche. Si l'étoile pourpre les avait déventés, alors il était bon pour faire route arrière et rejoindre l'armée royale. De plus Louis devrait subir la fureur de Charles son frère le Roi. Et il n'était clairement pas en état de la soutenir.

Alors qu'il regardait le futur chemin à emprunter pour rejoindre Montgargant, un cavalier au galop remonta la pente menant à Montgargant et arrivé à sa hauteur il stoppa sa monture et s'adressa à Louis: «Monseigneur, le comte Worll n'envoie vous avertir que nous ne sommes plus qu'à deux heures de cheval de Montgargant. Il voudrait savoir si nous nous arrêtons pour faire une pause.» Victor regarda la tour grise sur son bouclier, et le reconnut aussitôt, c'était sir Edwarde Rivers. Il était l'une des personnes qui connaissait le mieux la région, aussi il était normal qu'il les accompagne. Voyant le prince avachi sur l'encolure du cheval, il se tourna vers Victor pour demander: «Excusez-moi, mais le prince Louis serait souffrant?

- Non, répondit Victor. Ça fait juste trois jours qu'il n'a pas fermer l’œil.» Sachant très bien que Louis voudrait continuer à avancer, Victor hésita. Puis il décida qu'il était préférable pour tout le monde de stopper la marche. «Dites au comte Worll de stopper la colonne. Nous reprendrons la marche après que les hommes aient eu le temps de manger et de se reposer. Dites lui que ce sont les ordres du prince Louis.»

Victor vit alors que le chevalier hésitait à obéir. Évidement, il me voit comme un bâtard, comme la moitié des seigneurs des terres de la couronne, se dit-il. Mais il sait aussi que je suis le meilleur ami de Louis. S’il refuse de m'obéir, c'est comme s'il refusait d'obéir à Louis, et donc son prince le frère du Roi. Finalement le chevalier acquiesça et repartit vers l'avant de la colonne au grand galop.

Quelques secondes plus tard, Louis chuta de son cheval. Victor démonta directement pour aller voir comment ce dernier allait. Il le trouva incapable de se relever. Trop de fatigue, pensa Victor. Faisant signe à Trymian et sir Raymond Florent de venir l'aider, ensemble ils l'allongèrent près d'un groupe de rocher où ils pourraient manger tout en ayant une vue sur la vallée. Alors que sir Raymond s'occupait d'installer correctement Louis, sir Errik Carvall et Trymian s'occupèrent eux de préparer le repas. Le matin, alors qu'il était parti en éclaireur, Victor avait abattu près de la forêt de la Boisselée un couple de lapin, aussi le menu serait ce midi du lapin en ragoût. Bien que cela ne soit pas le meilleur repas qu'il ait connu, c'était plus simple à préparer que bien d'autre chose.
Une fois que Louis fut correctement installé pour dormir, sir Raymond Florent vint les rejoindre. Sir Errik s'occupant de surveiller la cuisson du repas, le reste du groupe s'installa pour manger. Tous sauf Radolf Boisseaux qui l'avait déjà fait la veille,s'occupèrent de vérifier et de réparer si besoin leur armement.

Sir Raymond n'ayant pas assez d'argent pour avoir un écuyer devait s'occuper lui-même de l'entretien de son matériel. Bien qu'il en prenne très bien soin, son armure commençait à se faire vieille, son épée avait plusieurs impacts qui la rendait presque fragile, et même son alezan commençait à être vieux. Il sortit alors sa cotte de maille ranger dans une sacoche de sa selle et commença à la graisser pour éviter qu'elle ne rouille.

Sir Raymond était au service de Louis depuis maintenant un an et demi. Avant cela, il était un chevalier errant. Fils cadet d'un fils cadet de la famille de Florent de la citadelle de Florentaress, il n'avait aucune chance d'hériter de quoi que ce soit. Aussi, à l'âge de douze ans, il était parti à Fort-Rivers pour y servir d'écuyer. Il avait servi pendant huit ans avant d'être finalement adoubé. Puis il est devenu un chevalier errant. Il y a six ans, six mois avant la conquête de l'étoile pourpre dans le sud, il était entré au service de la famille de la forteresse de l'Ergernt. Là-bas, il avait servi quatre ans avant de redevenir un chevalier errant. D'après lui, il était parti parce que le comte de l'Ergernt ne le payait pas assez bien pour ses services. Mais Louis avait dit la vérité à Victor. Sir Raymond avait été chassé de la forteresse pour avoir tenter de séduire la femme du comte. Il avait presque réussi, mais le comte de l'Ergernt l'avait su et sir Raymond avait juste eu le temps de s'enfuir pour ne pas perdre sa tête. Quand, ils avaient reçu la nouvelle de la prise de la forteresse par l'étoile pourpre, sir Raymond était sûrement l'une des rares personnes à s'en être réjouie. Malgré cela, c'était l'une des rares personnes à ne pas juger Victor. Il se fichait que ce dernier soit oui ou non un bâtard. Il était l'une des rares personnes à le considérer à sa juste valeur, même s'il aimait rappelé qu'il était une personne de haute naissance.

N'ayant jamais été fortuné, sir Raymond avait appris à s'occuper de ses affaires tout seul. Entretenir son équipement était pour lui un jeu d'enfant. À vrai dire, seul sir Errik Carvall et Louis avaient chacun un écuyer à leur disposition. L'écuyer de sir Errik s'appelait Balfran Arforne. Il venait du duché de Largonne, il était lui aussi un fils cadet, et était venu servir à la capitale pour devenir chevalier. Il avait beaucoup de chance d'être tombé sur sir Errik. Ils s'étaient rencontrés dans une taverne de plaisir. Le genre d'endroit où l'on peut boire jusqu'à ce soûler, danser et bien d'autre chose. Victor n'y avait jamais mis les pieds, mais il savait que ces tavernes étaient réputées partout dans le Grand-Royaume. Quelque soit l'heure, il y avait toujours de l’animation, ou tout du moins c'était ce que sir Errik lui avait raconté. En temps normal, sir Errik était quelqu'un de très raisonnable. Mais une fois par mois, il allait dans ce genre de taverne pour se défouler. S'était là-bas qu'il avait rencontré Balfran. Il lui avait proposé un poste comme écuyer, et ce dernier n'ayant plus un sous en poche suite à son voyage, avait accepté. Avant cela sir Errik n'avait pas d'écuyer. Balfran l'avait rejoint avant leur départ de la cité d'or.

Il regarda Balfran aiguiser l'épée de son mentor, puis décida qu'il ferait mieux d'en faire de même. Il alla décrocher son carquois de sa selle, puis ayant sorti les flèches qui s'y trouvaient et s'étant posé sur une pierre près du foyer, il se mit à les aiguiser une par une.

Beaucoup d'archers pensaient que cela ne servait à rien d'aiguiser ses flèches, mais pour Victor cela apportait une perforation supérieure pour les armures. Il connaissait chacune de ses flèches. Pour lui chacune pouvait avoir une direction différente, aussi après les avoir marqué de signes distinctif, il s'était entraîné à les tirer sur une cible pour savoir comment visait avec chacune d'entre elles. De cette façon, il était devenu un excellent tireur que ce soit pour la chasse comme pour la guerre. Son arc aussi était adapté à sa manière de tirer. Plutôt que d'avoir un arc de guerre de six pieds avec une porté de huit-cent pieds, il préférait un arc plus court, plus adapté pour la chasse et les tirs de précision. Bien entendu, la portée était beaucoup plus courte, dans les quatre-cent cinquante pieds, mais il était beaucoup plus simple à maîtriser que les arcs de six pieds. Ceux-là demandaient un entraînement plus rigoureux pour pouvoir les maîtriser. Bien entendu il était idéal pour la guerre, surtout lors de bataille rangé qui demandait une cadence de tir très rapide. L'arc de Victor était plus fait pour les tirs de précision. De plus, on pouvait aussi s'en servir lors de combat rapproché. Étant plus petit, il était plus simple à ranger pour ensuite dégainer son épée, voire dans certains cas se battre avec. Victor n'avait jamais fait le teste, mais dans le duché de l'Ardenne il avait connu plusieurs personnes qui utilisaient cette technique. Victor n'avait jamais connu de vraie bataille. Mais il savait que cela n'allait plus tarder, aussi il valait mieux savoir se battre avec n'importe quelle arme, quelle qu'elle soit.

Alors qu'il commençait à aiguiser sa trentième flèche, Trymian vint s'asseoir à côté de lui. Il regarda un moment le tas de flèches devant Victor, puis demanda: «Tu crois vraiment que cela améliorera tes tirs?

- Non, mais cela améliorera leurs perforations. Plus une flèche est pointu plus elle a de chance de rentrer dans une armure et de tuer son occupant. Il vaut mieux avoir toutes les chances de son côté lors d'une bataille, tu ne crois pas?

- Franchement non. Les arcs sont des armes de lâches, mais plus que cela il n'inflige que des dégâts minimes. Dans la Nordruss, à part pour la chasse, il vaut mieux avoir de vraies armes. Lances, épieux, haches, épées, même un marteau d'arme est plus utile. Plus une arme inflige de dégâts à ton adversaire, plus elle te sera utile.

- Oui, mais ce sont des armes qui, si elle ne te tue pas, infligent la douleur. Va dans le sud, et on te dira qu'un seul coup peut tuer ton adversaire. Plus l'arme est petite, plus elle perfore. Plus elle perfore, plus ton sang à de chance de couler. Or si tu perds ton sang, tu es mort. Dans le nord, vous voulez absolument détruire votre adversaire sous les coups. Mais au final, il suffit de le percer d'une flèche et il est mort. Une flèche bien tirée et bien affûté.»

Trymian eut un petit sourire et ne chercha pas à contester. Tant mieux, pensa Victor. J'ai épuisé tous mes arguments. Jamais je pourrais lui avouer que je pense que l'arc est aussi pour moi une arme de lâche. Mais bon les armes de lâche peuvent très bien faire gagner une guerre. Et seul le vainqueur compte.

«C'est prêt, dit sir Errik au reste du groupe.» Puis attrapant la petite marmite, il la sortit du feu et la posa juste devant Victor et Trymian. Trymian récupérera alors trois bol, et après avoir servi une part à Louis, que sir Raymond alla déposé auprès du prince, il servit chaque personne du groupe. Le dernier fut l'écuyer de Louis, qui les avait rejoint lui aussi à leur départ de la cité d'or: Emril Lion. Se regroupant tout autour du feu, ils commencèrent à manger. Étrangement, Victor voulut mettre sa cape sur ses épaules, il avait froid. Sûrement à cause de l'altitude et du vent, se dit-il. Le ragoût n'était pas trop mal, certes il en avait connu des meilleurs, mais celui-ci lui donnait de la chaleur, et s'était tout ce qui importait pour Victor. L'hiver arrivait, et la guerre avec lui. Il y a au moins une consolation dans tout ça, se dit-il. Si l'étoile pourpre arrive à nous vaincre et nous faire se replier jusqu'à la cité d'or, l'hiver serait sûrement la seule chose qui pourrait peut-être nous sauver.

Victor était de l'Ardenne, la-bas les exploits de l'étoile pourpre était légendaire. On disait qu'il avait vaincu des armées trois fois plus grande que la sienne, pris des cités en seulement quelques jours et mis à bas près d'une dizaine d'empire. Même si Victor pensait qu'une partie devait sûrement être fausse, les mensonges contenaient toujours de la vérité. On ne l'appelait pas le prince des batailles pour rien. C'était pour cette raison qu'il pensait que l'étoile pourpre réussirait tout de même à rentrer dans les terres de la couronne. Quelque soit la raison de sa venue ou ce qu'il voulait, il l'obtiendrait. Il était l'étoile pourpre, le plus grand conquérant du siècle. Victor savait qu'il ne fallait pas croire en sa défaite, mais il savait reconnaître une cause perdue. Une guerre contre l'étoile pourpre était une cause perdue. C'était une chose que Louis refusait de voir. Lui gardait toujours espoir, et ce même s'il en perdait le sommeil.

Il s’arrêta de manger en entendant des bruits de sabots venir vers leurs positions. Se levant, il vit alors flottait la bannière argentée des Worll. Menés par le comte Ewine Worll, une demi-douzaine de cavaliers s'arrêtèrent juste devant Victor. Le comte démonta et s'adressa directement à Victor: «Où est le prince Louis, je dois lui parler.

- Actuellement il se repose, répondit Victor. Si vous avez un message à lui faire parvenir, je m'occuperai de lui transmettre.

- Très bien. Transmettez lui cette lettre.» Il tendit un message au sot brisé à Victor, avant d'ajouter: «Réveillez-le le plus vite possible. Dites lui que l'étoile pourpre n'a pas traîné son cul.» Puis il remonta sur son cheval et repartit dans le sens inverse suivi par ses cavaliers.

Victor attendit que le comte soit hors de vue pour ouvrir la lettre et la lire. Il n'en crut pas ses yeux. Non c'est pas possible, pensa-t-il.

«Alors, demanda Trymian. Que dit la lettre?

- L'étoile pourpre a finalement changé ses plans, ajouta sir Raymond. Ou mieux, il est reparti dans le sud?

- Non, répondit Victor. Réveillez Louis, il voudra lire la lettre lui-même.»

Sir Errik se chargea de sortir Louis de son sommeil. Celui-ci fut dans un premier temps furieux de voir qu'ils s'étaient arrêtés, puis après que Trymian lui est dit qu'il était tombé de son cheval il grogna avant de demander pourquoi on l'avait réveillé. Victor lui tendit alors la lettre. Après avoir remarqué que le sot était brisé, il l'ouvrit et la lu. Devant sa mine horrifiée, Trymian se tourna vers Victor et demanda: «Quoi, que s'est il passé!

- Il y a eu une autre bataille, répondit Victor. Proche de la forteresse de Soragar, les seigneurs des terres de Fort-Rivers ont rassemblé quatre-mille hommes et ont affronté l'étoile pourpre. Ce dernier s'est positionné sur une colline et a attendu qu'ils lui fonce dessus. C'est donc ce qu'ils ont fait et...» Victor hésita.

- Ils se sont fait massacrer, continua Louis. Ses archers ont décochait volée de flèches sur volée de flèches. À peine étaient-il arrivé en haut de la colline, que la moitié de leur force avait fondu comme neige au soleil. Et puis, épuisés par l'effort, les hommes se sont fait massacrer par son infanterie. L'étoile pourpre n'a pas à déplorer une seule perte. Quant aux seigneurs du Duché et bien... La quasi-totalité de leurs forces ont été balayées. Seulement mille-cinq-cent hommes ont survécu ou n'ont pas fui. Ils ont rejoint Montgargant et nous attendent. D'après eux, l'étoile pourpre se trouve à une journée tout au plus de Montgargant. Prenez vos affaires, on doit y arriver avant lui et son armée.»

Moins de dix minutes plus tard, il était à nouveau à cheval, en direction de Montgargant, et avec eux près de quatre-mille cavaliers.
Le chemin jusqu'à Montgargant devait durer moins de deux heures, Victor le savait. Mais Louis obligea la colonne à le faire au petit galop sur la zone en descente et sur le plat pour plus de rapidité. Il fallait atteindre Montgargant au plus vite.

La veille, il avait discuté de cela avec Louis: «Faire avancer l'avant-garde à marche forcée ne nous servira à rien, si on arrive à Montgargant avec des chevaux morts. Louis, si on continue à cette allure, on va perdre la moitié de nos hommes et chevaux. Rien qu' hier, une dizaine de chevaux se sont écroulés de fatigue. On ne pourra repousser l'étoile pourpre avec la moitié de nos effectifs.

- Je n'ai pas besoin de tous les chevaux, avait répondu Louis. Ni même de la moitié de ces chevaliers. L'objectif est de tenir Montgargant le temps que le Roi Charles arrive avec le reste de nos forces. En attendant, nous devons atteindre Montgargant avant l'arrivée de l'étoile pourpre.

- Mais à quoi cela peut bien servir, si nous sommes dans l'incapacité de tenir la forteresse? L'étoile pourpre a plus de six mille hommes avec lui. Nous n'en avons que quatre mille. Si encore il était tous à cheval, cela pourrait fonctionner. Mais à ce rythme là, on risque d'y arriver qu'avec la moitié. On ne peut gagner face au plus grand stratège du siècle avec deux mille hommes comme avec quatre mille.

- L'idée n'est pas de gagner mais de tenir la passe, avait rétorqué Louis. La forteresse de Montgargant n'a de forteresse que le nom. Incapable de tenir un siège, on doit forcement se battre devant. Or, il se trouve que la passe, qui est juste devant, est à trois cent pieds de hauteur et n'en fait que trois-cent autres de large. On peut tenir la passe avec une armée disciplinée et réduite. Tant que l'on arrive à contenir l'étoile pourpre, tout ira pour le mieux. La passe de Montgargant n'a jamais été prise. Aucune armée n'a jamais réussi à passer. Il suffit de bloquer la passe avec deux mille fantassins et de tenir les falaises avec quelques centaines d'archers et l'étoile pourpre ne pourra jamais passer. Or, nous avons tout cela à notre disposition.

- Tu oublie une chose dans ton plan. L'étoile pourpre ne va pas gentiment rester devant toi et te foncer dessus. Il connaît la région je te rappelle. Il va forcément trouver un endroit pour passer.

- Il n'y a aucun autre endroit. La passe de Montgargant est la seule passe capable de faire traverser une armée. Et l'étoile pourpre le sait, voilà pourquoi nous devons y être avant lui.»

Victor n'avait rien répondu. Il savait que le plan de Louis pouvait fonctionner, même si pour lui il restait une faille. L'étoile pourpre ne resterait pas sans rien faire. Il trouverait forcément un moyen de passer. Il trouverait une ruse et forcerait le barrage ou bien le contournerait. Mais le plus probable était qu'il trouve un moyen pour battre l'armée royale. De cette façon il n'aura aucun ennemi dans le dos, pensa t-il en regardant la passe de Montgargant qu'il distinguait mieux maintenant. Vu comment il avance, le ravitaillement ne doit pas être un problème pour lui. Mais c'est toujours gênant d'avoir un ennemi dans le dos. Son armée était trop petite pour qu'il doive la séparer. Aussi il ne prendrait pas le risque de diviser son armée. Il y aurait forcément une bataille à Montgargant. Aussi il était préférable qu'elle se déroule selon les plans de Louis. L'étoile pourpre était totalement imprévisible dans ses mouvements, mais s'il avait les hommes du duché de Fort-Rivers avec eux, cela serait plus facile de tenir la position. Encore une fois, il avait bien joué son coup en écrasant leurs forces à la bataille de Soragar, Non seulement il n'a plus aucun ennemi dans le dos, mais en plus il leur infligeait encore une humiliation.

De là où il était, Victor distinguait mieux la passe de Montgargant. Louis avait raison, à plus de trois-cent pied de haut et trois-cent autres de large, c'était une forteresse idéale pour bloquer un ennemi, même supérieur en nombre. Située entre deux autres montagnes la passe offrait un terrain idéal pour repousser n'importe qu'elle adversaire avec un nombre d'homme réduit. Sur la montagne Est on retrouvait la forteresse de Montgargant, ainsi qu'un tout petit village qui l'entourait. La montagne Ouest quant à elle, était recouverte de forêt sauf le sommet qui lui, montrer quelque arbre calciné ou abattu.

Victor pouvait aussi voir que les survivants de la bataille de Soragar avaient commencé à monter des tentes sur les deux flans nord des montagnes. À vue d’œil, il ne semblait pas être plus de quelques centaines. La plupart doivent être dans les tentes ou de l'autre côté, se dit-il pour se rassurer. Cela veut au moins dire que l'étoile pourpre n'est pas encore arrivée, ou qu'il les a massacrées et nous tend un piège. Cette pensée le fit tressaillir. Si l'étoile pourpre leur tendait effectivement un piège, la bataille pour reprendre la passe se ferait avec de nombreuses pertes. Mais surtout cela pourrait être la fin de toute l'ost de Louis. Il préféra se concentrer sur la passe.

En plus de la forteresse, il pouvait voir une tour sur chacun des rebords de la passe. Avec des archers à l’intérieur, le passage était impraticable. Les tours pouvaient couvrir presque toute la passe et empêcher n'importe qu'elle adversaire de passer entre. La passe semblait tout simplement imprenable. À espérer qu'elle le soit vraiment.

Il arrivèrent à la passe en moins de deux heures, et au grand soulagement de Victor, il ne semblait pas y avoir de piège. Par certains hommes, ils reçurent des applaudissements, mais par d'autres injures. Ils étaient arrivés après la bataille de Soragnar et après celle de La Tour, et ils venaient se battre sur le terrain le plus praticable et le moins dangereux pour eux, cela ne jouait pas en leur popularité. À vrai dire, Victor regarda le visage de la plupart des combattants et ils semblaient exténué, comme s'ils avaient vu la mort dans le blanc des yeux. Sûrement un des nombreux effets de l'étoile pourpre. La peur se lisait dans leurs yeux. Quand ce n'était pas le cas, il semblait au bord de l'écroulement.

Étrangement il ne vit que très peu de bannières: la fontaine de gorge, étalons noir de Lidove, la fleur de Florentaress, et un étendard déchiré qui semblait montrer les chauve-souris de Ogure. Moins de la moitié des bannières du duché était présente, donc moins de la moitié des seigneurs.

Ils remontèrent ainsi jusqu'à la forteresse et le village pour découvrir que les seigneurs du duché avaient installé leur quartier général juste devant une falaise surplombant la passe. Là ils mirent pied à terre, et après avoir ordonné que les hommes fassent de même et s'installent, Louis se dirigea vers la tente. Ils furent immédiatement suivis du comte Worrl et de ses hommes. Ils rentrèrent dans la tente pour y découvrir les comtes du duché avachie sur des sièges soit avec du vin soit avec de la bière à la main. Seul le comte Florent avec une fleur sur son blason se leva à l'entrée de Louis: «Mon seigneur, on ne vous attendait pas de sitôt.

- Comme vous n'attendiez pas l'étoile pourpre à Soragnar, répliqua Louis. Concernant le résultat, vous avez perdu la moitié de vos forces dans une seule bataille. Même ici, vous ne nous attendiez pas. Mais excusez-moi, attendiez-vous l'étoile pourpre? Il pourrait débarqué, les défenses ne sont même pas prêtes. Il nous a déjà humiliés deux fois en moins de quelques semaines, et je ne parle même pas des forteresses qu'il a dû prendre sur le chemin. Et bien entendu je vous retrouve à boire et à attendre notre arrivée. Pardonnez-moi, mais que se passerait-il, s'il était arrivé avant nous?»

Le comte Lidove avec son étalon noir cousu sur la poitrine se leva d'un coup et rouge de colère aboya: «Je ne me laisserais pas insulté par gamin qui n'a pas combattu une seul fois de sa vie! Vous n'étiez pas à la bataille de Soragnar, vous ne savez pas ce que cela fait de combattre l'étoile pourpre. Il est la mort en personne. Il prévoit chacun de nos mouvements à l'avance, avant même que nous y ayons pensé. À Soragnar on a bien cru tous y passer. J'ai perdu deux fils dans cette bataille. Croyez- moi, nous savons ce qui est bon pour nous et comment le repousser. Nous avons fait tout ce que nous pouvions, maintenant, c'est aux dieux de nous aider.»

Louis et le comte se dévisagèrent un moment avant que Louis ne rompt le duel. Il retira sa cape et la posa sur un fauteuil. Il regarda un à un les seigneurs puis demanda: «Dites-moi exactement le nombre d'hommes qu'il vous reste.

- Mille-quatre cent cinquante-neuf, répondit le comte Florent. Quasiment cinq cent archers et le double de fantassins. Et vous?

- Où se trouve l'étoile pourpre actuellement, enchaîna Louis en ignorant la question. Et qu'elle est l'état de ses forces.»

Le comte Lidove pointa une carte accrochée à la toile de la tente: «D'après nos éclaireurs et guetteurs, il se trouve à moins d'une demi-journée de marche. Pour ce qui est d'où exactement, c'est impossible à définir. Il a divisé l'intégralité de sa troupe en petite division pour les faire avancer plus vite. De cette manière, il emprunte toutes les routes disponibles, si bien qu'il est impossible de savoir où il se trouve véritablement. En théorie, chaque division est composée de cinq-cent hommes, et ils ne sont espacés que de quelques heures de marche. Si on en attaque une, les autres rapplique de partout et on se retrouve pris au piège. C'est ce qui est arrivé au comte de Laredo il y a trois jours. Il n'en est pas ressortie vivant, ni lui, ni ses hommes. Ils étaient quatre cent. Quant à ses forces, et bien... Je pense qu'il n'a perdu que très peu d'hommes. À Soragnar, on n'a même pas atteint ses lignes. Les seuls qui ont réussi sont morts.

- Vous devez bien savoir combien il a d'archers, de chevaux, et de fantassins?

- Mille archers, deux-mille cavaliers, de même pour son infanterie, et cinq-cent hommes de la garde pourpre. Il a bien préparé son invasion.

- La garde pourpre, demanda le comte Worrl, qu'est ce c'est encore?

- Ses hommes les plus fidèles, répondit le comte Lidove. Ils sont avec lui depuis le début de sa guerre dans le sud. Mais surtout ce sont les meilleurs de ses hommes. Des machines à tuer. Certains de nos hommes les ont combattu. Moi aussi d’ailleurs. Croyez-moi, je n'ai jamais vu la mort d'aussi prêt. Se sont les vétérans des vétérans, ils sont impossible à tuer.»

Victor en avait entendu parler. Les gardes personnelles de l'étoile pourpre. Ils étaient le fer de lance de son armée. Implacable dans la bataille. C'était notamment grâce à eux que l'étoile pourpre avait pris un grand nombre de villes dans le sud. Ils étaient tout simplement invincibles.

Il regarda les seigneurs du duché, la peur se lisait dans leurs yeux. Eux aussi avaient vu la mort de près. Il préféra sortir voir les préparatifs. Après l'avoir dit à Louis, celui-ci ordonna à Trymian de l'accompagner. Ils quittèrent ainsi la tente, laissant Louis avec les chevaliers pour se diriger vers les falaises qui surplombaient la passe.

Alors qu'ils étaient à mi-chemin, Trymian demanda: «Comment se fait-il que vous ayez aussi peur de l'étoile pourpre? Je veux dire, vous ne l'avez jamais rencontré, jamais combattu. Et pourtant vous le craignez comme la mort. Dans le nord, on ne pense rien sur un adversaire avant de l'avoir combattu.

- Voilà pourquoi vous ne savez jamais quand les clans du nord vous attaquent, répliqua Victor. Et pourquoi ils font un carnage avant que vous ne les arrêtiez. Il vaut mieux toujours connaître son adversaire, même si cela implique d'avoir peur de lui. La peur est souvent le meilleur sentiment, cela maintient nos sens en alerte.»

Ils arrivèrent devant les falaises et Victor regarda en contrebas. Au loin, on pouvait deviner les divisions de l'étoile pourpre en train de converger vers la passe. Même si elles semblaient ressembler à des fourmis, Victor savait que c'était des meutes de loups.
Une main se posa alors sur son épaule. Victor sursauta et se retourna d'un coup pour y découvrir Nuit qui le regardait. Il l'avait complètement oublié. À vrai dire, cela faisait plusieurs jours qu'il ne l'avait pas vu, ou tout du moins il le croyait. Nuit se dissimulé tellement bien, qu'on en venait à l'oublier.

En regardant son visage, il comprit que celui-ci demandait où était Louis. Victor désigna la tente du quartier général. D'un signe de main, Nuit le remercia et se dirigea vers la tente.

«Lui il me fait peur, dit Trymian. Il était où toute la journée? J'ai même pas remarqué son absence.

- Moi non plus, répondit-Victor dans un soupir. Moi non plus.»
Elersor87

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Re: Le Théâtre du Pouvoir [fantasy-dark fantasy-guerre-intrigue]

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Alenna. XI

Le Grand-Royaume était magnifique. Elle adorait les paysages, que ce soit de montagne ou de forteresse, pour elle c'était magnifique. Pour une personne qui n'avait jamais vu autre chose que les terres des fannars, le Grand-Royaume était d'une splendeur incomparable. Bien-sûr, il y avait de très beaux paysages dans le sud. Alenna pouvait voir chaque matin quand elle se réveillait, sur les monts du Fann, de la neige sur les sommets. Mais celle du Grand-Royaume dégageait quelque chose d'autre. En regardant le haut des monts Calnoir et Barnud de chaque côté de la passe de Montgargant, elle pouvait voir de la neige fraîche s'étant posée sur les sommets. D'une certaine façon, cela lui rappelait les monts du Fann. Elle voyait sa maison et l'endroit où elle avait grandi. Mais désormais, il y avait son ennemie entre les montagnes.

Le camp avait été dressé la veille. Alforne Glennt, leur commandant était fou de colère en arrivant. Il avait crié sur ses hommes, les maudissant et les insultant d'avoir été trop lent. Alenna avait alors compris que l'armée royale était arrivée avant eux. Elle avait d'abord eu des doutes, mais tout s'était confirmé en voyant flotté la bannière royale de l'étoile d'or sur fond noir sur la forteresse de Montgargant. Elle savait aussi que le frère du Roi devait sûrement être présent. Il devait s'appeler Richard, mais elle n'en était pas sûr. Toujours étant qu'elle voyait la bannière à trois étoiles à côté de la bannière royale. Si les bâtards changeaient la couleur comme l'avait fait l'étoile pourpre avec la sienne, les enfants légitimes quant à eux se contenteraient de multiplier les symboles. Les trois étoiles voulaient donc dire qu'il était le troisième fils.

«Tu regardes quoi, questionna Vardlenne juste à côté d'elle.

- Les montagnes, répondit-elle. La neige paraît différente de celle dans le sud. J'essaie de deviner pourquoi.

- Peut-être parsque il y a une armée juste à côté, avec des dizaines de bannières qui perturbent ton champ de vision. J'imagine que tu as rarement dû en voir sur les monts Fann?

- Non, c'est vrai, dit Alenna. Et toi tu en as déjà vu? Je veux dire sur les monts Fann? On dit qu' aucune armée n'a jamais passé la forteresse de Sombre-Astre. À ton avis c'est vrai?

- Pour être honnête, non. Mais c'était il y a très longtemps, trop longtemps.»

Bien que étonné, Alenna se dit qu'il faudrait mieux lui poser la question une autre fois. Pour l'heure, elle avait d'autres questions qui méritaient des réponses. «La bannière la haut, à côté de la royale avec une étoile doré?

- Celle avec trois étoiles doré sur champ noir?

- Oui. Cela veut dire que le frère du Roi se trouve là-bas, c'est vrai?

- Oui, c'est vrai. Le prince Louis du Grand-Royaume, aussi appelé la troisième étoile. C'est lui qui a mené les pourparlers avec le royaume de Mitiléne. N'ayant pas abouti, il est retourné dans le Grand-Royaume servir son frère aîné. Manque de bol pour lui, un autre seigneur la déventé et a été nommé premier conseiller à sa place. Peut-être que son frère le Roi a vu son erreur et l'a renommé à cette charge pour défendre le royaume, mais j'en doute. Le Roi n'est pas une perle en intelligence, il préféra s'amuser de cette situation, plutôt que de la rectifier tout de suite.

- Le prince Louis, demanda Alenna interloqué. Tu es sûr de toi. Ce ne serait pas plutôt le prince Richard?

- Non. Le bannière du prince Richard était deux étoiles ou une étoile d'acier. Celui-ci est mort il y a plusieurs mois. C'est d'ailleurs sa mort qui a fait que nous sommes rentrés en guerre.»

Alenna se sentit bête, mais en même temps troublé par le fait que Vardlenne en sache autant. Elle se retourna et partit en direction de sa tente. Vardlenne l'a suivie directement. À mi-chemin, il lui demanda comment allait son bras. En effet, depuis la bataille de La Tour, la blessure d'Alenna avait rapidement guéri. Le médecin avait bien raison, la blessure n'était pas profonde, Alenna avait de nouveau pu manier une arme sans que son bras ne lui lance des décharges. Bientôt elle serait redevenue aussi bonne bretteuse qu'avant la bataille. En attendant, elle devait tout de même servir au tire et au combat à distance. La blessure avait failli de nouveau s'ouvrir avec la bataille de Soragnar. Avec la cadence de tire que l'étoile pourpre avait demandé, elle avait sentit son bras comme pris de courbature. Elle avait stoppé avant que la blessure ne s'ouvre de nouveau.

La bataille de Soragnar avait été une victoire grandiose. Il n'y avait aucune perte à déplorer dans les rangs de l'étoile pourpre, seulement une dizaine de blessés et plus de deux mille morts, blessés et fuyards chez leurs adversaires. La bataille s'était engagée sur la plaine devant la forteresse de Soragnar. Les soldats du duché de Fort-Rivers s'étaient mis en position et s'étaient mis à charger. En théorie, ils n'auraient jamais dû foncer tête la première. C'était contre toute logique. Mais la veille, quatre-cent hommes du duché avaient trouvé la mort dans une escarmouche près de la forteresse de Laredo. Suite à pareille humiliation, ils avaient voulu se venger. Pris de fureur, les comtes du duché avaient fait chargé leur cavalerie lourde. Celle-ci avec le terrain boueux suite aux dernières pluies, s'était enfoncé à mi-chemins, plus la pluie de flèche d'Alenna et des autres archer, la cavalerie n'avait pas pu avancer. Rapidement le combat s'était fait contre le terrain lui-même. L'infanterie qui avait pris le relais, avait eu plus de succès face au terrain. Mais avec la pluie de flèche, seulement la moitié d'entre eux avait atteint le haut de la colline, puis épuisé par l'effort ils s'étaient fait massacrer par les hommes de l'étoile pourpre. Suite à cela, le peu de survivants à la bataille était partie en direction de Montgargant sans demander son reste. L'étoile pourpre avait lancé les Lémoviciens à leur trousse. Ainsi très peu d'entre eux avait atteint Montgargant indemne.

Ils marchèrent un moment dans le silence jusqu'à ce qu'ils entendent leur commandant brailler des ordres. Suivant la direction de la voix, ils découvrirent que leur commandant ne donnait pas d'ordres mais appelait à un rassemblement de leur division. Leur campement se trouvait à quelques centaines de pieds de la montagne. Alenna n'avait pas très bien compris le choix de l'étoile pourpre à les placer là. Sa division était composé entièrement d'archers, c'était tout simplement stupide de les placer en première ligne. Ils étaient fait pour soutenir un assaut, que ce soit en défense ou en attaque, mais jamais ils ne pourraient stopper leur ennemie s'ils se retrouvaient en première ligne. Dans le cas où il y aurait eu des barricades pour les protéger voire des soldats d'infanterie, ils auraient été largement efficaces. Elle avait alors pensé que l'étoile pourpre aller le commandait de construire des barricades, mais il n'avait rien dit de tel. De plus, ce n'était pas dans ses habitudes de construire un camp. Il préférait être constamment mobile, il préférait la guerre de mouvement à la guerre de siège. Or dans leur cas, pour prendre la passe de Montgargant, il devrait la jouer en guerre de siège. Du moins, Alenna ne voyait pas d'autre façon de procéder.

«Écoutez moi tous, cria le commandant de leur division.» S'adressant au cinq-cent hommes présent, il tira d'une sacoche accrochée à sa ceinture un rouleau de papier, puis après avoir brisé le sceau rouge de l'étoile pourpre, il le lut. «Comme vous avez pu le remarquer, la passe de Montgargant va être difficile à prendre. Le frère du Roi, le prince Louis, est arrivé avant nous sur les lieux et avec lui quasiment toute l'avant garde de l'armée royale. Mais ne vous y trompez pas, nous sommes plus forts qu'ils ne le seront jamais. Conduisez-vous comme à La Tour, comme à Soragnar et comme à Laredo. Obéissez aux ordres, et la victoire sera nôtre.»

Des cris retentirent dans tout le campement, et aussi dans les autres parties du camp de l'armée.

«S'il pense pouvoir gagner avec de belles paroles, dit Vardlenne à côté d'elle en désignant l'étoile pourpre, et bien il se met le doigt dans l’œil. Leur position est bien meilleure que la nôtre, il nous faudrait des jours pour les en déloger.

- Jusqu'ici il n'a perdu aucune bataille, répliqua Alenna.

- Tu peux très bien gagner toutes les batailles, mais perdre la guerre. C'est d'ailleurs ce qui nous arrive. On a eu beau gagner toutes les batailles, et pourtant l'armée royale nous bouche l'entrée des terres de la couronne. Cela va être plus que difficile de prendre la passe, surtout avec notre nombre. Et même si nous y arrivons, que se passera-t-il? Ils sont beaucoup plus nombreux que nous, ils connaissent mieux le terrain que nous. Et plus nous avancerons, plus nous nous retrouverons loin de notre ravitaillement. On ne peut pas tenir une guerre longue, surtout si l'hiver approche. Le siège de Montgargant va être long, et plus on attend, plus c'est bénéfique pour l'armée royale.» Il attendit qu'Alenna réponde ou trouve quelque chose à dire, mais celle-ci ne savait pas quoi répondre.

C'est vrai qu'une guerre longue n'est bénéfique pour personne, pensa-t-elle. Mais l'étoile pourpre va trouver un moyen de forcer le passage. Il est le meilleur stratège du siècle, il trouvera une solution.

Le commandant referma la lettre et cette fois s'adressa directement à la division: «Les ordres que l'on nous a donné sont simples à suivre. Mettez vos armures, affûtez vos flèches et préparez vous au départ, on partira de là avant le crépuscule. On va sûrement marcher toute la nuit. Mais ne prévoyez pas de torche, à moins d'en avoir reçu l'autorisation ou l'ordre. Prenez le stricte nécessaire, des allumes feu, ainsi que des flèches enflammées.

- A quoi ça nous servira si on a pas de torche, cria quelqu'un dans la foule.

- C'est pour ça qu'il vous faudra des allumes feu crétin, répliqua le commandant de la division. Prévoyez aussi des flèches normales. Et sinon préparez vous à marcher, alors reposez-vous bien jusqu'au crépuscule.»

Sur ce, il se retourna et partit en direction opposé de la foule. Les soldats restèrent un moment pour discuter, puis s'en allèrent en direction de leur tente respective. Alenna fit de même accompagné par Vardlenne et Zechariad qui l'avait rejoint. Il avait beau ne pas être un fannar, il était l'amant d'Alenna depuis maintenant quatre jours et elle l'autorisait donc à rentrer dans leur campement. À vrai dire il l'était depuis qu'elle s'était remise de la bataille de La Tour.

Ils s’arrêtèrent devant la tente d'Alenna. Vardlenne regarda un moment l'entrée de la tente, puis voyant les deux autres qui attendaient, il leva les yeux au ciel et soupira. «Bon, je vais aller voir s'il n'ont pas besoin d'aide pour les préparatifs ou autre chose.» Puis il partie en direction de la tente du commandement.

Ils le regardèrent s'éloigner un moment, pour finalement rentré dans la tente d' Alenna. Là, Alenna n'attendit pas et se déshabilla. Au fond, pensa-t-elle, c'est le meilleur moyen que je connais pour me reposer.

Si elle avait pu choisir, elle ne se serait pas arrêté sur Zechariad. Mais après la bataille de La Tour, elle avait besoin de le faire avant sa mort. Elle l'avait vu de très près en voyant couler le sang de son bras. Même si on lui avait dit que la blessure n'était pas grave, elle avait vu sa vie défiler devant ses yeux et tout ce qu'elle n'avait pas pu faire. Avoir un amant en faisait partie. Depuis quatre jours elle l'avait pris comme amant. C'était plutôt normal s'était-elle dit. Elle avait déjà seize ans, et la vie pouvait être très courte. Chaque soir ils le faisaient. Bientôt elle devrait changer de partenaire. Certes avec Zechariad elle avait accepté, mais c'était car celui-ci voulait le faire dès la première fois qu'il l'avait vu. Mais elle commençait déjà à se lasser de lui. Parfois elle se demandait pourquoi il n'y avait pas de pute homme. On lui avait dit qu'à la cité d'or on trouvait de tout. Peut-être qu'elle en trouverait là-bas.

Finalement quand Zechariad eut fini et se fut endormie, elle décida de se lever. Elle se demanda si c'était vraiment ce qu'elle avait voulu en venant dans le Grand-Royaume. Après tout elle voulait se découvrir elle même, voilà qui était fait. Mais est-ce que c'était vraiment ce qu'elle recherchait. Quand elle était arrivée dans l'armée de l'étoile pourpre, elle était comme une fille perdue dans un monde trop grand pour elle. Maintenant elle était une femme, mais est-ce que cela résoudrait ses problèmes, elle n'en savait rien.
Elle regarda ses affaires qu’elle avait été jeté à la va-vite devant son lit de camp. Elle les ramassa et les enfila avant de sortir.
Dehors l'atmosphère était calme, trop calme. Vérifiant que son épée était bien accrochée à sa ceinture et alla faire son tour habituel dans le campement. Autour d'elle les hommes était partie se reposer. Certains étaient partis dormir, quand d'autres préféraient jouer au carte ou au Goudte. Elle les regarda en passant. Certains paraissaient exciter quant d'autres commençaient à avoir des doutes sur l’expédition. Généralement c'étaient les nouveaux, ceux qui avaient rejoint l'armée de l'étoile pourpre pour l'expédition, comme les hommes de Saragnor ou Lortorasse. Les hommes qui suivaient l'étoile pourpre depuis longtemps, eux étaient tout à fait confiant et savaient qu'il trouverait un moyen de les sortir de là et de vaincre l'armée royale.

Le climat était tendu depuis plusieurs heures, et avec raison. Au matin, l'étoile pourpre avait lancé mille deux-cent hommes à l’assaut de la passe. Les hommes de l'armée royale les avaient accueillis comme il se doit avec des volées de flèches et de pierres. À peine avaient-ils parcouru deux-cent mètres, que l'étoile pourpre avait ordonné le replie. C'était la première fois durant la campagne, que l'étoile pourpre avait ordonné un replie pareil. Lors de la bataille de La Tour, il l'avait aussi fait, mais c'était une feinte. Cette fois, Alenna n'en était pas sûr. Il avait sûrement fait cela pour tester les forces de l'armée royale, ou du moins elle l'espérait. Forte heureusement, il n'y avait aucune perte à déplorer dans les rangs, mais le moral était redescendu d'un coup. C'était sûrement pour cette raison qu'il avait ordonné à ses généraux de faire lire son discours à chaque division. Il devait espérer que cela remonterait le moral. Alenna l’espérait.

Elle passa devant les hommes en train de jouer puis se dirigea vers la forêt dans l'espoir d'y trouver Vardlenne. D'une certaine façon, il était de meilleure compagnie que Zechariad. Elle le découvrit finalement assis sur un banc devant la forêt, a affûté son hallebarde.

«A force de l’affûter, elle sera aussi aiguisé qu'un rasoir, lui dit-elle.»

Il se retourna calmement pour la regarder, puis repartit aiguiser son arme avant de lui dire: «Tu ferais mieux de faire de même. De nos jours, les lames s'émoussent vite. De plus, je crois que depuis quelques jours tu ne t'occupe plus trop de ça. Tu as des activités que tu ne devrais pas avoir.

- Je te signale que tu n'es pas mon père. Je fais ce que je veux avec mon corps. À moins bien-sûr que tu ne sois jaloux?

- Le problème n'est pas là, répondit-il sans cesser d’affûter son hallebarde. Alenna nous sommes en guerre. Imagine que nos ennemis nous tombent dessus sans prévenir alors même que tu pratiques tes activités dans ta tente. Et même, tu es une fannar, et c'est la seule raison pour laquelle tu fais partie de cette armée. À par dans notre campement, tu vois beaucoup de femme dans l'armée. Non. Et cela avec raison. L'étoile pourpre veut de l'organisation dans son armée, toi avec tes activités avec ce type du désert tu provoque le contraire. J'imagine que tu commences déjà à te lasser, et ne le nie pas, ça m'est arrivé de connaître des femmes. Imagine que la moitié des hommes de l'armée se soit retrouvée dans ton lit. D'une façon ou d'une autre cela créerait des problèmes.

- Tu crois vraiment que les personnes avec qui je couche pourraient créer des problèmes.

- Crois moi, j'ai vu des royaumes s'effondrer pour des histoires comme ça. Bien plus de royaumes que tu ne crois.

- Très bien, dit-elle bien que énervée. Je ne le ferait qu'avec Zechariad, cela ne devrait pas causer trop de problèmes.

- Même, cela ne suffit pas. Je te l'ai dit et te le répète, nous sommes en guerre. Qui sait s'il ne mourra pas à la prochaine bataille. Tu pourrais être anéanti voire même vouloir te venger et entraîner ta propre mort. Ses amis aussi pourraient vouloir le venger. Certains pourraient même penser que tu es responsable.

- Ce n'est tout de même pas ma faute, si un crétin ne sait pas se battre.

- C'est vrai, mais c' était ton amant. Il pourrait dire n'importe quoi pour t'accuser de sa mort. Plus un mensonge est gros, plus il semble logique. Les gens sont comme ça. Ils sont stupide au fond. Un conseil, si tu ne veux pas devenir comme eux plus tard, apprends à être plus malin qu'eux. Je ne doute pas que tu veuilles rester toi-même. Être la gentille Alenna qui dit oui à tout ce qu'on lui demande. Mais cela ne servira à rien. Si tu veux t'élever dans la société apprend à porté un masque, mais apprend à bien le porter, sinon tout pourrait s'effondrer comme un château de carte. Coucher avec Zechariad est une erreur. Cela entraînera des problèmes, soit en sûr.

- Tu me dis ça, mais toi qu'est-ce que tu fais, répliqua-t-elle furieuse. Tu restes ici à affûter ta hache et à me faire la morale. Qu'est-ce que tu accomplis? Tu ne fais rien. Tu t'engages dans une armée dont tu ne crois même pas en la réussite. Dans une campagne militaire que tu pense perdue d'avance. Tu n'as aucune valeur, tu n'as rien. J'ai demandé aux autres fannars du campement, aucun ne connaît ton histoire ou ne sait pas qui tu es. Est-ce que tu es vraiment un fannar au moins? Alors dit-moi pourquoi es-tu venu te battre ici?»

Il ne s'était pas arrêté d'affûter son hallebarde depuis qu'ils avaient commencé à parler, mais cette fois il s'arrêta et testa le tranchant de sa hache avec son doigt. Ce dernier saigna directement au contacte. Le sang paraissait noir avec le nuit qui approchait. Il tourna la tête vers elle et la regarda dans les yeux. Elle remarqua alors qu'il avait les yeux d'une couleur très sombre presque noir. «Je suis venu pour protéger ma maison et ceux que j'aime.»

Furieuse et mécontente de la réponse qu'elle se pensait destiner, elle s'éloigna à grand pas.

Elle marcha un moment dans le campement à se demander ce qu'elle pouvait faire. Mine de rien Vardlenne était l'une des rares personnes avec qui elle pouvait parler. Peu de fannar avait le don de la conversation. La plupart ne parlaient pas et restaient renfermé sur eux même. Vardlenne échappait à la règle, mais elle ne voulait plus lui parler après ce qu'il lui avait dit.

D'où est-ce qu'il se permet de juger mon attitude, pensa-t-elle. Après tout je fais ce que je veux avec mon corps et il ne peut rien en redire.

Zechariad était un bon partenaire de lit, mais en conversation il ne savait que parler de lui. Cela insupportait Alenna au plus haut point. Mais à part lui et Vardlenne elle ne savait pas à qui parler. Elle n'avait pas revu Jayden Fornd depuis la bataille de La Tour, mise à part pour les repas. Depuis que la bataille avait eu lieu, tout s'était accéléré. Elle n'avait que très peu de temps pour elle, ou à s’ennuyer, et cela ne favorisait pas les contacts sociaux. La vitesse de marche avait augmenté, si bien que quand venait la pause du soir, Alenna s'endormait directement après s'être arrêter. Le peu de temps qui lui rester, elle le passait à affûter ses armes ou à réparer son matériel notamment son armure qui méritait un entretien plus approfondi si elle désirait la garder pour le reste de la campagne.

Sans même s'en rendre compte, elle arriva sur le campement de la seconde division. À son étonnement, elle vit qu'ils étaient en train de se préparer à monter à l'assaut. La seconde division était formée uniquement d'homme d'arme en équipement lourd. C'était les cinq-cent hommes avec les meilleures armures de toute l'armée de l'étoile pourpre. De plus, la plupart était sous les ordres de l'étoile pourpre depuis très longtemps. La plupart était des hommes du sud, notamment venue des cités de Lortorasse, Néoportas, Saragnor et Elersor. Peu d'entre eux étaient des hommes du désert, généralement on les retrouvé comme Zechariad dans l'infanterie légère. La seconde division était complété par des hommes du Grand-Royaume. Des hommes d'armes, chevaliers, et simples mercenaires s'étaient engagés dans l’armée de l’étoile pourpre dans le même et unique but: servir l’étoile pourpre. D’une certaine façon, Alenna en faisait partie. Elle était elle aussi venue pour servir l’étoile pourpre. Mais ces hommes étaient du Grand-Royaume, elle, elle venait du sud.

À peine eut-elle fait quelques pas, qu’un capitaine la stoppa: «Q’es tu fout toi? C’t interdit d’venir ‘ci. L’toile pourpre a d’nné ordre qu’personne vienne. Dégage et’n vitesse.

- Pourquoi les hommes de la division se prépare à un départ, questionna-t-elle. Je pensais qu’il n’y aurait pas de nouvelle attaque.

- Et en’ra pas p’toi si t’reste ‘ci. R’joins ta d’vision, à moins bien sûr qu’tu soit une pute.

- Ça va pas la tête. J’ai l'air d’être habillé comme une pute.

- C’une idée. Ca fait d’année qu’j’en ai pas vu. Elles sont‘terdite dans le cam’ent, comme les femmes d’ ‘leuirs. Maintenant d’gage sale f’nnar de merde. R’tourne dans ton cam’ent ‘vec tes c’nnar de frères. Dégages!

Elle n’attendit pas d’être plus insultée et partit par le chemin qu’elle avait emprunté à l'aller. Rarement on lui avait parlé comme ça. Généralement les capitaines étaient gentils avec elle, et la traitaient bien, mais celui-ci devait être à bout de nerfs et prêt à exploser. C’est sûrement dû à la défaite de ce matin, pensa-t-elle. Pourtant ce n’était pas cela qui la gênait. L’attitude du capitaine n’était pas normale, il n’aurait jamais dû lui parler comme cela. Mais pourtant Alenna ne pensait pas réellement à cela. En vérité, elle n’en était pas sûr mais elle avait cru voir que les hommes de la division avaient fait des tas d’ossements. Elle savait reconnaître les ossements animaux et ceux des humains. Et bien qu’il y avait des os d’animaux, mais aussi des os humains.

Il n’irait pas jusqu’à pratiquer du cannibalisme, se dit-elle horrifié. Ils n’ont pas perdu la raison après une seule défaite.

Encore horrifiée, elle arriva très rapidement au campement des fannars pour découvrir que le crépuscule approchait. Sans même se poser de questions, elle se dirigea vers sa tente alors que le campement commençait à s’agiter. Elle rentra dans la tente pour voir Zechariad à moitié nue en train de chercher son pantalon dans la tente. Elle lui fit signe qu’elle voulait se changer en lui indiquant la sortie. Il lui sourit et après avoir retrouvé son pantalon, il s'approcha d’elle pour l’embrasser. Alenna eut alors un geste de recule encore l’esprit embrouillé par la discussion avec Vardlenne et la vision des ossements. Zechariad eut un moment d’hésitation, puis sans se poser de question il sortit de la tente.

Elle le regarda sortir, puis alla s’habiller. Son armure de plaque était aux couleurs et motifs des fannars, soit noir avec les ailes argentés. Elle enfila après avoir mis une cotte maille de la même couleur. Elle récupéra son épée courte ainsi qu’une demi-douzaine de couteaux de lancé et une dague qu’elle enfila à sa ceinture. Finalement elle récupéra son arc et son carquois rempli de flèche et se dirigea hors de la tente. Dehors, le campement s’était enfin réveillé. Les hommes allaient et venaient dans tous les sens. Elle alla là où elle avait vu Vardlenne pour la dernière fois, mais elle découvrit qu’il était partit. Sans trop savoir pourquoi, elle se dirigea vers l’entrée du campement où un nombre important d'hommes s’était rassemblé.

Ils regardaient tous dans la direction de la passe. En regardant de plus près, Alenna découvrit que la seconde division s’était rassemblé juste devant la passe et attendait d’attaquer. En haut de la passe, l’armée royale s’était rassemblée et attendait l’assaut.

Elle trouva finalement Vardlenne assit sur un tronc d’arbre en train de regarder comme tout le monde la passe et la seconde division. Elle se rapprocha de lui et lui demanda: «Je pensais que c’était à nous de faire le prochain assaut? En plus avec le crépuscule ils ne vont rien voir. Ils vont mettre un temps fou à franchir la passe, si toutefois ils y parviennent.

- Je ne suis pas dans la tête de l’étoile pourpre. Mais j’imagine qu’il doit avoir un plan. Il n’est pas assez stupide pour envoyer cinq-cent hommes seul monter à l’assaut d’une position comme celle de l’armée royale. J’imagine qu’il doit avoir un plan.

- La seconde division n’arrivera pas à prendre la position. Même avec un soutien. Il les envoie droit au massacre. S’il a un plan, alors c’est un putain de plan. La position est imprenable.

- Je ne pensais pas que tu douterais de lui si facilement. En arrivant sur les côtés du Grand-Royaume tu semblais plus croire en l’étoile pourpre.

- C’était avant. Maintenant je sais que le sud et le Grand-Royaume n’ont rien avoir. J’ai assez d’expérience pour savoir que la situation est impossible. La guerre est perdue d’avance contre les Roy.

- Et toi tu es arrogante, répliqua Vardlenne. Trois batailles ne font pas de toi une experte en stratégie militaire. L’étoile pourpre en à des dizaines à son actif. Et moi j’en ai plus que tu ne peux l’imaginer. Crois moi, la situation n’est pas aussi pire que tu peux l’imaginer. On peut gagner la campagne, même si cela va être assez difficile.»

Il s’arrêta en voyant que la seconde division se mettait en marche. La bannière écarlate de l’étoile pourpre en avant, ils commencèrent à gravir la pente. En regardant de plus près, Alenna vit que leurs capes étaient déchirées. Avec le crépuscule et la petite brume, cela donnait à la division une allure fantomatique.

Les deux premières centaines de pieds se déroulèrent sans incident. L’armée royale ne tirait pas de flèche et ne faisait rien pour empêcher l’avancée. Ils devaient sûrement se dire qu’il s’agissait d’un piège. Voir si peu d'hommes les attaquer semblait invraisemblable.

Quand ils furent à huit cent pieds de l’armée royale, cette dernière envoya une première volée de flèches. Quelques hommes de la seconde division tombèrent, mais la plupart continuèrent leur ascension. Arrivé à cinq cent pieds, Alenna eut du mal à distinguer les soldats. Là, l’armée royale décocha. Qu’il s’agisse d’un piège ou non, les hommes de la seconde division tombèrent par dizaines. À chaque volée de flèche, des dizaines d’hommes tombaient au sol. La cadence de tire de l’armée royale n’avait pas d’égal. En moins d’une minute ils décochaient presque six volées de flèches. Mais rien à faire, les hommes de l’étoile pourpre continuaient d'avancer en enjambant les cadavres de leurs camarades. Arrivé à deux cent cinquante pieds, seulement la moitié de la division était encore debout.

Alenna ne comprenait pas. Pourquoi l’étoile pourpre ne faisait pas sonner la retraite. Il perdait trop d’hommes et il ne pouvait pas se le permettre. La division comptait presque cinq-cent hommes au début de l’ascension, maintenant elle en comptait moins de deux-cent cinquante. Cette ascension n’avait pas de sens. Trop d’hommes mouraient et cela ne ressemblait pas à l’étoile pourpre.

Mais il attend quoi, se questionna-t-elle. Bientôt tous les hommes de la division seront morts. Ses hommes! Il ne peut pas les envoyer au massacre comme ça.

Et pourtant l’ascension continuait. L’étoile pourpre n’envoyait aucun signal de repli. Il ne faisait rien et ses hommes mouraient par dizaines chaque seconde. Les tambours de guerre sonnaient encore et les hommes continuaient leur ascension, mais leur nombre diminuait chaque seconde. Le vacarme diminuait chaque seconde. Bientôt Alenna ne distingua presque plus la cliquetie des armures. Et l’étoile pourpre ne faisait rien, aucun signal.

Elle regarda les troupes de l’armée royale et se dit qu’il ne devait pas comprendre eux non-plus. Pourtant il continuait de décocher leurs flèches sur les assaillants à mesure que ceux-ci se rapprochaient. Elle entendit les hommes autour d’elle qui criaient de faire un replie, demandaient s’ils pouvaient les aider, mais surtout pourquoi l’étoile pourpre ne faisait rien. Ce plan n’a pas de sens, pensa-t-elle. Ça ne ressemble pas à l’étoile pourpre. Merde, il est le meilleur stratège du siècle, et il envoie cinq-cent hommes à une mort certaine.

«Mais qu’est-ce qu’il attend, cria un archer derrière elle. Il doit sonner le repli, ils se font massacrer!» Des hommes autour de lui le suivirent et commencèrent à demander des explications aux commandants des divisions. Mais rien ne se passait, l’étoile pourpre ne donnait aucun ordre, il ne faisait rien. Finalement quand ils ne furent plus qu’une vingtaine à continuer l’ascension, les voix autour d’Alenna se turent. Se ne fut plus que silence. Un silence de mort. On entendait seulement le bruit des hommes qui tombaient et les flèches qui fendaient l’aire sous les ordres des comtes de l’armée royale.

À cent-cinquante pieds des barricades de l’armée royale, le dernier des hommes de la seconde division tomba au sol pour ne pas se relever. La passe entière était recouverte de flèche. Tel un énorme tas de pique au milieu du paysage. Plus rien ne bougeait. Même les loyalistes avaient cessé de décocher leurs flèches. Les dernières lueurs du jours disparurent et se fut le noir. Aucun homme ne parlait, tout était silence. Les hommes autour d’Alenna affichaient tous des mines sombres. Certains s’étaient mis à genoux et commencèrent à prier pour les morts.

Alenna se tourna vers Vardlenne et pleine de tristesse elle parvient à articuler: «Ce n’est pas possible. Dit moi que ce n’est pas pas possible, que c’est un rêve.» Mais comme d’habitude le visage de Vardlenne ne trahissait pas son expression. Il restait de marbre, mais hocha la tête d’un signe approbateur.

Non, non, non
, se dit Alenna. Ce n’est pas possible. Ils ne peuvent pas mourir. L’étoile pourpre n’ enverait pas cinq-cent hommes au massacre sans un plan. Ce n’est pas possible, non!

«Soldats de la septième division!»

Alenna se retourna pour découvrir que c’était leur commandant Alforne Glennt qui parlait à l’ensemble des archers de la divion. Dès que l’intégralité de la division fut présente, il déclara: «Vous êtes soldats pour mourir, moi je vous envoie là où l’on meure. En enfer. »
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Re: Le Théâtre du Pouvoir [fantasy-dark fantasy-guerre-intrigue]

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XII. Victor

«C’est juste impossible, dit-il. Cinq-cent hommes sont morts, pour ça?»

L’attaque de la division de l’étoile pourpre venait d’avoir lieu, et on concernait seulement les feux de camp de l’armée de l’étoile pourpre. La brume commençait à monter dans la vallée, si bien que Victor voyait à peine l’étendue de cadavre qui recouvrait la passe de Montgargant. Des flèches étaient dans le corps des soldats, donnant à la passe une allure de champ de pique.

Cinq cent hommes morts en une seule attaque, pensa Victor. Ça n’a pas de sens, l’étoile pourpre ne ferait jamais une chose pareille. Il est trop malin. Merde, c’est le prince des batailles, le conquérant du sud. Il ne peut pas envoyer cinq-cent hommes au massacre comme ça.

«L’étoile pourpre devait sûrement penser que leurs armures suffiraient pour les protéger, répondit Louis à sa droite. Il s’est trompé. Même les meilleurs font des erreurs.

- Des erreurs, je suis bien d’accord. Mais là c’est une division entière qui vient d’être massacrée. Cinq-cent hommes Louis!! Cinq-cent! Il doit forcément avoir un plan derrière la tête.»

L’attaque avait été rapide et sanglante. Les comtes de Fort-Rivers avaient fait installer des barricades pour protéger les archers. Ceux-ci s'étaient positionnés derrière à la vue des mouvements de la division ennemie et avaient attendu les ordres. Pendant un moment les hommes de l’étoile pourpre avaient gravi la pente menant à la passe. Sans que Louis ne donne aucun ordre. Non seulement il trouvait cela stupide, mais il attendait aussi que leur ennemie soit à porter. Une fois cela fait, il avait hésité avant de donner l’ordre. Il avait confié à Victor qu’il pensait que voyant la volée de flèche, les soldats de l’étoile pourpre ferait demi-tour, mais ils avaient continué leur ascension. Louis avait alors hésité. Peut-être que c’était un piège de l’étoile pourpre. L’avancée n’avait pas réellement de sens. L’étoile pourpre ne bénéficiait pas de l’avantage de ses archers à cause de la pente, et le terrain était impraticable pour la cavalerie. Il avait voulu stopper les tirs, mais poussait pas les comtes présents il avait donné l’ordre, et cette fois les archers ne s'étaient pas arrêtés. Volée de flèches, après volée de flèches ils avaient vu le nombre d’homme diminué jusqu’à devenir nul. Victor pensait que l’étoile pourpre allait donner un ordre de replie, mais rien. Pas un cor de guerre, pas un battement de tambour ou de sonnerie de trompette, rien. Le calme absolu, à par les cris de ses hommes et le sifflement des flèches qui fendait l’aire. En un peu plus d’une dizaine de minutes, cinq-cent hommes s’étaient écroulés pour ne plus se relever. Cinq-cent.
Désormais c’était le calme absolu. Les hommes de l’armée royale n’en croyaient pas leurs yeux. L’étoile pourpre venait de subir une grande défaite et eux une grande victoire, mais rien. Pas un son, pas un hourra. Les hommes étaient silencieux comme de la pierre. Beaucoup des hommes qui étaient morts, étaient avant des hommes du Grand-Royaume. Nombreux étaient ceux avec qui il avait bus et ris, avec qui il était amis. Mais désormais ils étaient morts.

En bas de la passe, on n’entendait rien non plus. L’armée de l’étoile pourpre devait être anéantie par ce qu’il venait de voir. Leurs frères d’armes venaient de mourir sous leurs yeux, sans qu’ils ne puissent rien faire. Ils étaient morts sans que l’étoile pourpre ne fasse rien. À n’en pas douter, il y aura de la désertion dans leur campement cette nuit, pensa Victor. Avec une défaite pareille, le moral de leurs troupes allaient prendre un coup, dont l’étoile pourpre aurait du mal à se relever. Alors pourquoi a- t-il fait une action pareille?

Il se tourna vers Louis, mais ce dernier s'adressait à sir Errik, lui demandant de faire venir tous les seigneurs pour un conseil de guerre. Sir Errik obéit sur le champ et se dirigea vers la forteresse de Montgargant où se trouvaient les seigneurs de Fort-Rivers. Seul le comte Worll était présent lors de l’attaque. Les autres seigneurs avaient préféré rester à Montgargant, laissant Louis à la tête de l’armée royale et gardant leurs propres hommes en réserve près à intervenir au cas où il y aurait un débordement de l’étoile pourpre sur les lignes du prince. Victor soupçonnait tout de même qu’il ait pris cette position pour pouvoir fuir plus facilement. Leurs derniers combats contre l’étoile pourpre leur avaient appris à le craindre comme la mort. Maintenant ils ne vont plus avoir peur de lui, pensa-t-il. Ils vont agir comme ils le font tout le temps et demandaient l’honneur d’être en première ligne. Avec cette victoire le moral de la troupe va drastiquement remonter. Louis va enfin s’affirmer comme un grand chef militaire et être respecté comme il le doit.

Le problème allait aussi venir de là. Si Louis réussissait à vaincre l’étoile pourpre, certains seigneurs des terres de la couronne voudraient qu’il monte sur le trône de pierre blanche à la place de son frère Charles. Louis ne voulait pas d’une guerre civile. Mais quand il aurait vaincu l’étoile pourpre, elle approchait à grand pas. Elle serait même inévitable. Les plus puissants comtes et marquis des terres de la couronne voulaient mettre Louis sur le trône. Mais cela allait inévitablement à une guerre civile. Si l’étoile pourpre ne détruisait pas le Grand-Royaume alors une guerre civile le ferait. Louis ne voulait rien de tout cela. Il l’avait bien montré à Fort-Carval en déclinant le sujet prétextant vouloir finir la guerre avant tout. Mais les seigneurs des terres de la couronne n’était pas comme lui, il prévoyait déjà l’après-guerre. Il ne voulait surtout pas voir le Roi Charles encore longtemps sur le trône. Il serait la ruine du Grand-Royaume, et Louis avait toutes les qualités requises pour devenir un bon roi. Les grands seigneurs des terres de la couronne allaient fomenté un coup d’état à la fin de la guerre contre l’étoile pourpre. Et il voulait mettre Louis à la place de son frère.

«Ça a beau être une victoire, cela n’annonce rien de bon, dit-t-il.

- Qu’est-ce que tu veux dire, demanda Louis.

- L’étoile pourpre ne va pas laisser tomber aussi facilement. La guerre n’est pas près d’être finie. Et même quand nous aurons fini. La moitié des seigneurs des terres de la couronne ne veulent pas de ton frère comme roi. Ne fait pas l’innocent. Tu vois très bien que plus la guerre avance, plus sa popularité diminue. Après la guerre, il y aura sûrement un coup d'État. Et je sais que tu vois qui remplacera ton frère.

- Tu parles de trahison là. On pourrait te faire exécuter pour ce que tu dis, ne l'oublie pas.

- M’exécuter pour dire la vérité. Allons bon, tu le sais très bien mais tu refuses de le voir. Après la guerre, il sera trop tard.» Il savait que Louis n’entendrait pas raison, mais il ne pouvait s’empêcher d’exprimer sa pensée. «Un coup d’état se prépare, et que tu le veuilles ou non, tu seras à sa tête.

- D’abord nous avons une guerre à gagner, dit Louis pour changer de sujet. Comme tu viens de le dire, l'étoile pourpre ne va pas s’arrêter à une seule défaite. Il va continuer la guerre, il a trop d’ego et d’ambition pour s’arrêter maintenant. C’est sur ça que nous devons jouer. Avec les nombreuses défaites que nous avons subi jusqu’à présent, il se croit plus fort que nous. Il faut qu’il continue de croire qu’il peut gagner, sinon il partira et reviendra dans quelques années avec une armée bien plus forte. Avec cette victoire, les seigneurs des duchés de Rol’Dorne et de Fornost vont rapidement nous rejoindre et il est primordial qu’ils nous rejoignent. S’ils voient que nous n’avons pas besoin d’eux pour gagner ils ne viendront jamais. Donc nous ne devons pas gagner de batailles trop importante.»

Il a raison, pensa Victor. Si les autres duchés pensent que l’étoile pourpre n’a aucune chance de survie contre nous, ils ne viendront pas. Pourquoi réunir une armée et la mettre en marche si la victoire est assurée même si on ne vient pas. Les chevaliers et comtes voudraient venir pour se couvrir de gloire : ceux qui ont vaincu l’étoile pourpre, le conquérant du sud. Mais les ducs ne prendraient pas le risque de mettre en mouvement leurs troupes si le vent à déjà tourné dans la direction du Grand-Royaume. Le problème est que s’ils ne viennent pas, cela ne renforcera pas la cohésion du Grand-Royaume. Les Roy ne sont pas aimés de tous. Mais une guerre contre un ennemi commun pourrait y remédier. De plus, l'étoile pourpre était un génie militaire. Même avec des effectifs réduits et démoralisés, il pourrait faire tomber l’armée royale. Sans oublier que la flotte du kraken vert menace encore nos côtes. Avec les duchés de Fornost et de Rol’Dorne avec nous, la victoire est assurée.

«Dès que mon frère nous aura rejoint, nous lancerons un assaut sur le campement de l’étoile pourpre. Une simple charge de cavalerie lourde soutenue par des archers. S’il est malin, il déguerpira immédiatement. Nous séparons nos troupes de façon à ce qu’il ne cherche pas à rejoindre la côte mais aille vers les montagnes. Il se retrouvera alors bloqué face aux montagnes ou sous les murs de Fort-Raven. Il n’aura plus aucun moyen de replie. On n’aura qu’à attendre qu’il soit affamé pour lancer l’assaut final.

- Tu te doutes bien qu’il ne va pas resté sans rien faire? Tu as prévu un truc dans le cas où il réagirait.

- Il ne réagira pas, répondit Louis. Dès que mon frère sera là, tu mèneras les archers montées pour lui faire vivre un enfer. Je veux que chaque jour des dizaines de ses hommes se prennent des flèches. Tu devras maintenir une pression constante pour ne pas qu’il cherche à nouveau l’affrontement. Et surtout un lieu d’affrontement à leur convenance.»

Victor n’y croyait pas, il allait mener des hommes. Il ne l’avait jamais fait avant. D’habitude il obéissait aux autres il n’en donnait pas. «Tu es sûr? Je veux dire, je n'ai jamais mené d’hommes. Je suis un pisteur, je suis fait pour obéir.

- Si cela te dérange, dis-toi que tu ne fais qu'obéir à mes ordres, répliqua Louis avec un sourire. Si comme tu le dis un coup d’état se prépare, alors j’aurais besoin d’hommes de confiance avec moi. Et des hommes qui savent diriger. Victor, je te nomme commandant des archers monté de l’armée royale.» Puis sur un sourire, il se dirigea vers la tente de commandement, laissant Victor digérer l’information.

Ce dernier n’y croyait pas. Pour la première fois de sa vie, il allait être nommé au commandement d’un corps d’armée. Mais si devant Louis il s’était réjouie, en réalité il était terrorisé. Il n’était pas un chef, pas un meneur. Il était un pisteur, un homme qui obéie aux ordres. C’est tout. Louis voulait des personnes de confiance dans son état-major. La moitié des comtes semblaient être des rebelles, aussi il ne pouvait porter son choix vers eux. Il en était de même avec les chevaliers qui l'accompagnaient, sir Errik et sir Raymond, il n’avait qu’une confiance limitée en eux. Quant à Nuit, il ne parlait jamais et ne désirait pas commander, il servait et rien d’autre. Il ne restait plus que Trymian et Victor. Bien qu’il ait confiance en Trymian, Louis ne pouvait pas mettre un housecarl de Nordruss au commandement de soldats du Grand-Royaume. Ainsi il ne restait plus que Victor. D’une certaine façon, il en voulait à Louis d’avoir fait ce choix. Cela montrait au yeux de tous qu’il le considérait. Victor n’était plus qu’un pion de l’échiquier de Louis, et il n’appréciait pas cela. Être vu comme un simple pion par son ami, était une chose assez dérangeante, même pour Victor qui faisait en sorte que les autres pensent qu’il ne ressentait rien. Mais Louis avait besoin de lui. La guerre civile commencerait juste après la campagne de l’étoile pourpre. Une guerre qui opposerait Louis à son frère le Roi. Même si Louis voulait à tout prix l’éviter, il n’aurait pas le choix. De plus, il se fichait de l’honneur, la seule chose qui l'importait était la survie du Grand-Royaume et celle des Roy. Si fallait qu’elle survive à travers lui, c’était que les quatre le voulaient comme cela.

Il se promena le long des barricades au bord de la passe. Tout était calme, trop calme. C’est normal, se dit Victor. Après cette victoire les hommes ont bien besoin de repos. Mais Louis devrait tout de même faire attention, un animal blessé est encore plus dangereux. Ça ne m’étonnerait pas si l’étoile pourpre lancé une attaque surprise. Le carnage serait total. Il regarda alors les feux du campement de l’étoile pourpre, mais tout semblait calme, rien ne bougeait. L’étoile pourpre ne lancerait pas d’attaque maintenant, il attendrait probablement que ses hommes se soient remis. Il faudrait tout de même prévenir Louis, une attaque à l’aube serait probable. Mais pas avant. La nuit était trop noir, il n’y avait pas de lune donc aucune lumière sauf les étoiles et les feux. Faire remonter la passe à ses hommes serait une tâche trop ardue, pensa Victor. Marcher dans le noir ne serait pas chose aisé et avec des torches ils seraient repérable à des lieux à la ronde. De plus, il lui faudrait un nombre important d’hommes, pour attaquer les défenses de la passe. Faire avancer trop d'hommes ferait un bruit qui pourrait réveiller un mort.

Il marcha ainsi pendant un moment, perdue dans ses pensées, il ne vit même pas sir Raymond se rapprocher de lui pour lui parler: «Alors comme ça tu as été nommé comme commandant des archers-montés?» Avec un sourire embarrassé, Victor hocha la tête en signe d’approbation. Il se demanda alors comment Florent le savait. Celui-ci avait dû lire dans ses pensées. «C’est le prince Louis qui me l'a dit. Mes félicitations. Certes ce n’est pas le meilleur des postes, mais c’est un début. Peut-être qu’un jour tu commanderas une armée. Regarde l’étoile pourpre. Bâtard de feu le Roi Amaury, il a commencé avec rien. Mais aujourd’hui il est considéré comme le plus grand conquérant du siècle. Bon, quand tu vois le résultat, tu n’es pas sûr que ce soit une réussite. Qui l’aurait crue. Cinq-cent hommes sont morts en un seul assaut. Et il n’a rien fait pour les en empêcher. Rien. Ce con pensait sûrement qu’il suffisait d’assassiner son demi-frère pour gagner la campagne. Et bien si tu veux mon avis, il aurait mieux fait d’aussi tuer le prince Louis.

- Ce n’est pas l’étoile pourpre, qui à tuer le prince Richard. À vrai dire, on ne sait pas qui sait. On ne peut pas l’accuser. De plus, Louis m’a dit qu’il était très proche tous les deux dans sa jeunesse. Je doute qu’il ait pu faire ça.

- À ton avis, à qui à le plus profité la mort de feu le prince Richard. Il était la seule personne, à l’époque, qui faisait peur à l’étoile pourpre. Il aurait très bien pu nous attaquer il y a longtemps. Et pourtant il a continué ses conquêtes dans le sud. Pourquoi? Il ne marchait même pas dans les pas du général Phoenix. C’était stupide de continué. S’il l’avait pu, il aurait directement attaqué le Grand-Royaume. Dès qu’il aurait eu une armée assez grande, il aurait pu attaquer. S’il ne l’a pas fait c’est parce que feu le prince Richard était encore en vie. Il l’a donc fait assassiner pour nous attaquer.

- Ca, c’est la version que le Roi Charles nous a donné. S’il est entré en guerre, c’est simplement parce que Enoria Holl a été enlevé. Étant allié au royaume de Mitiléne, il n’a fait que soutenir ses alliés. La mort de feu le prince Richard n’est qu’une coïncidence. Certes elle intervient au bon moment. Mais ce n’est qu’une coïncidence.

- Je te croyais plus intelligent Victor. Tu crois vraiment que l’étoile pourpre n’a fait que profiter de la situation. Bordel, ça se voit à des mille. Cette enflure profite trop de la situation. Dans tout le Grand-Royaume, grand et petit pensent que Louis est faible. Le Roi Charles est détesté de tous. Évidement que si feu le prince Richard mourait la situation serait propice à lancer une attaque ou une guerre sur le Grand-Royaume. C’était feu le prince qui gouvernait. La moitié des seigneurs déteste le Roi Charles. Certains pensent qu’il aime les hommes. Ce serait d’ailleurs pour cette raison qu’il a nommé le comte Erlender Rover comme premier conseiller au lieu du prince Louis.

- D’où tu tiens ça, questionna Victor qui n’en croyait pas ses oreilles.

- Victor, répondit sir Raymond. Pendant des années j’étais un chevalier errant. Crois-moi, on entend beaucoup de choses dans les campagnes. Les petits gens colportent des ragots et des prédictions. Je te l’accorde, souvent cela ne vaut rien. Mais souvent c’est vrai. Si tu veux diriger apprend à connaître le point de vue de tes hommes. Va dans les tavernes, dans les bordels, c’est là où on en apprend le plus. Les prostitués connaissent plus de choses que tu ne le crois. Commander une armée c’est une chose. Commander une armée avec des hommes que tu connais, c’en est une autre. Si tu agis comme tes hommes ils se battront mieux pour toi. C’est un fait. Après il faut savoir se salir les mains. Je pense que tu en es capable.»

Victor hocha la tête. D’une certaine façon les conseils de sir Raymond était très bon. Il était un chevalier errant depuis longtemps, très longtemps, il s’y connaissait très bien sur le sujet.

Victor regarda la passe. Rien ne bougeait, ou du moins il ne voyait rien. Au matin, des vautours viendraient faire le déjeuner avec la chair des cadavres. Il faudrait enterrer les morts, ou les brûlés en fonction de la croyance. Si l’armée de l’étoile pourpre levait le camp, il faudrait s’attendre à brûler les corps. Louis ne voudrait pas perdre de temps. Brûler les corps serait un moyen sûr et efficace de dégager la passe. Certes seuls ceux qui priait les étoiles ou les sept apocalypse utilisaient ce genre de procédé, mais ils étaient en guerre. Il n’y avait pas de place pour la religion pour combattre l’étoile pourpre. Brûler ou les enterrer, quelle différence, pensa Victor. De toute façon, cela ne changera rien. Ils sont morts et nous ne pouvons plus rien pour eux. Certains se servaient même des corps de leurs ennemis comme d’une arme. On disait que l’étoile pourpre avait fait crucifier ses ennemis dans le sud pour faire un exemple. Certains comme lui se fichaient de ce qui pouvait arriver à leurs corps après la mort. Il avait même entendu que les personnes priant les sept apocalypse, mangeaient les corps de leurs morts. Victor ne connaissait pas assez cette religion pour savoir si elle était fondée ou non. Mais les sept apocalypses étaient une religion assez particulière.
Préférant penser à autre chose, il se détourna de la passe pour regarder le village de Montgargant. Situé plus en hauteur, il devait comporter une vingtaine de maisons. La plupart des habitants était des mineurs ou des bûcherons. On retrouvait aussi quelque chasseur qui venait pour vendre leur bien, mais en réalité le village était situé trop en hauteur pour attirer du monde. Victor se demandait comment le village faisait réellement pour vivre.

Il devait presque être minuit quand le sommeil l’appela enfin. Se tournant vers sir Raymond Florent, il allait lui souhaiter bonne nuit quand il aperçut un mouvement en contrebas. Sir Raymond Florent se retourna et scruta la passe. Lui aussi avez vu ou entendue quelque chose. Ensemble ils regardèrent la passe, mais rien ne bouger. «Sûrement un charognard, dit sir Raymond Florent.

- Non, c’est autre chose.

- À par nous, il n'y a rien de vivant ici.»

Victor sortit son arc et encocha une flèche. Plusieurs soldats de veille s'étaient rapprochés, eux aussi avaient vu quelque chose. Sir Raymond dégaina son épée et sortit son écus qu’il accrocha à son bras. Il se passe quelque chose, pensa Victor.

Il s'apprêtait à partir prévenir Louis, quand il le vit.

Un des cadavres venait de se mettre debout. Avec la nuit, Victor ne distinguait pas très bien, mais il voyait bien qu’un des cadavres venait de se relever. C’est impossible, il devrait être mort, pensa Victor pris par la terreur.

Sans hésiter, il lâcha sa flèche, puis en attrapa une enflammée sur la barricade. Il l’encocha et l’enflamma, avant de la décocher sur le mort-vivant. Celle-ci ricocha contre l'armure sans même la percer. Mais ce n’était pas l’objectif. Victor voulait seulement éclairer la passe et le mort-vivant. Avec la lumière provoquée par sa flèche, il distinguait mieux le cadavre. Et ce dernier avait vraiment l'air d’un cadavre. La moitié de son armure était recouverte d’os. D’os humains. «Des morts-vivants," voulue criait Victor, mais rien n’échappa de sa bouche. En regardant sir Raymond Florent, il vit que lui aussi trembler, lui aussi était terrorisé. Puis ce fut un deuxième qui se leva, un troisième, un quatrième… Ils se levaient tous. Tous des squelettes, tous morts. Il entendit alors un son de cor. Ce dernier résonna dans toute la passe et les morts chargèrent la barricade défendue par des hommes terrorisés.
Les morts-vivants escaladèrent la barricade en un rien de temps. Incapable de bouger, car pris par la terreur, les soldats en poste se firent empaler sur les épées des morts.

À la première giclure de sang, Victor retrouva ses esprits. Les morts avaient attaqué les barricades à une centaine de pieds de sa position. Mais d'autres arrivaient vers lui. Sans perdre une seule seconde, il arma son arc et décocha une flèche sur un cadavre approchant de la barricade. Celle-ci se planta dans l’armure sans que le mort-vivant ne réagisse. Il en décocha une autre, cette fois en visant la gorge. Mais elle fut stoppée par le bouclier du mort. C’est impossible, on doit pouvoir les tuer, pensa-t-il.

«Oublies tes flèches, cria sir Raymond Florent. Prends une épée. Le seul moyen de tuer un mort, c’est de le démembrer.»
Ou de le brûler, pensa Victor. Il saisit une flèche enflammée. Il l’alluma et la décocha contre un mort qui venait de s’agripper à la barricade. Celle-ci se planta dans les os, mais ne fit aucun dégât. Le mort poussa tout de même un cri puis l’arracha avec sa main gauche. À court d’idée, Victor rangea en vitesse son arc et dégaina sa kopis, une sorte de sabre court. Un premier mort-vivant escalada la barricade. Pendant un moment Victor fut incapable de bouger. Il pouvait voir le corps entier du mort. Totalement recouvert d’ossements, le surcot en loque, mais le pire était sa tête. Ce n’était pas le crâne d’un humain. Victor aurait dit celui d’un animal. Ces créatures sortaient directement des enfers.

Le mort-vivant sauta sur le sol, se retrouvant face à sir Raymond Florent et Victor. Comme un éclair, sa lame fusa vers la gorge de Victor. Il la para non sans mal, avant que sir Raymond Florent ne donne toute sa force dans une attaque à la tête. Le mort esquiva sans mal et riposta avec tant de rapidité que sir Raymond Florent se retrouva désarmé. Les deux amis reculèrent. Victor n’avait jamais vu quelqu’un se battre comme cela. Un adversaire en prise avec deux autres n’avait que peu de chance de survie. Lui venait de les faire reculer avec quelques passes d'armes. On ne peut pas combattre des morts.

D'autres cadavres escaladèrent la barricade, et bientôt ce fut Victor et sir Raymond Florent en infériorité numérique. Ils voulurent les charger mais ayant vu que la barricade était perdue et que les hommes qui la défendaient s'étaient fait submerger, les deux amis avaient tourné les talons et pris la fuite.

En courant vers le camp, ils croisèrent plusieurs hommes qui se dirigeaient vers la barricade pour repousser l’attaque. Victor voulut leur dire de faire demi-tour, mais rien n’échappa de sa bouche. Il était terrorisé par l’attaque des morts. Et puis de toute façon, il comprendrait assez vite que la barricade était perdue, et feraient demi-tour. À condition d’être encore en vie, pensa Victor terrorisé.

«Il faut absolument prévenir le prince, cria sir Raymond à côté de lui. Je ne sais pas si c’est vraiment des morts ou autre chose, mais une chose est sûre: si la barricade n’est pas reprise, nous ne pourrons tenir la passe.» Dans leur course, sir Raymond avait perdu son bouclier en plus de son épée qu’il avait laissé près de la barricade après que le mort-vivant l’ait désarmé. En courant il attrapa une hache sur le sol et la plaqua sur sa poitrine pour être sûr de ne pas la perdre.

Le campement se situé à une centaine de pieds la barricade. En y arrivant, Victor comprit que reprendre cette dernière serait plus ardue qu’il ne le pensait. Les morts-vivants les avaient devancé. Les combats avaient commencé dans le campement, et les morts avaient déjà pris l’avantage. Victor put voir un chevalier dont il manquer le heaume ainsi que la moitié de l’armure, se battre contre deux mort-vivants; un cheval à moitié en flamme galopant comme un fou entre les combats; des morts-vivants avec des torches en train de mettre le feu à des tentes; un soldat sans plus aucune arme en train de se faire déchiqueter par les armes de trois mort-vivants. Le camp entier n’était plus que chaos. Les hommes du Grand-Royaume étaient submergés par les morts. La plupart refusait tout simplement le combat en jetant leurs armes et fuyant le campement.

Tout d’un coup, Victor entendit des cris de guerre venant du village de Montgargant «Roy», «Worrl», «Boisseaux», «Montgargant» et «Lidove». Victor se retourna pour voir, venant de Montgarant, Louis à cheval menant les forces de réserve. Ils étaient des centaines, peut-être un millier venant de Montgargant. Pendant un moment, Victor se prit à espérer. Puis il entendit le son d’une catapulte et un rocher de la taille d’un homme vint s’écraser au milieu des hommes de Louis. La charge fut stoppée nette. Elle fut suivie de sifflements de flèche qui vinrent s’abattre partout dans le camp. Des hommes du Grand-Royaume tombèrent par dizaines. Les mort-vivants quant à eux ne tombèrent pas. Certains tombèrent avec la force des flèches, mais simplement pour mieux se relever et repartir à la charge. La volée de flèche fut suivie par une autre et encore une autre. Les flèches étaient noir, sois non allumé pour que l’on puisse pas les voir dans la nuit, aussi il devait se protéger au dernier moment. Victor n’avait qu’une seule idée en tête: retrouver Louis.

Il regarda où il l’avait vu lors de la charge, mais c’était un chaos complet. De plus, avec la nuit, il ne percevait qu’à quelques dizaines de pieds devant lui. Il chercha sir Raymond du regard et le retrouva en prise avec deux morts à quelques pas de lui. Sans réfléchir, Victor saisit sa kopis et chargea le mort-vivant le plus proche de lui. Ayant une épée longue, celui-ci prit rapidement le dessus sur Victor. Heureusement grâce à son aide, sir Raymond eut plus de succès. Donnant un coup de hache sur le crâne de son adversaire, il saisit l’instant où celui-ci fut sonné pour lui arracher son arme des mains. Il donna un coup de hache sur les jambes de son adversaire et réussit à le faire tomber. Immédiatement après, il vint en aide à Victor qui lui allait se faire désarmé. Sans perdre une seconde, sir Raymond se retrouva derrière le mort et lui envoya sa hache entre les jambes. Ce dernier poussa un hurlement de douleur, avant de s’écrouler sur le sol dur.

Alors qu’il allait se relever, Victor lui envoya son pied dans la poitrine. Grâce à la pente le mort-vivant partie en roulé vers la barricade. Sir Raymond lui tendit alors la main pour se relever.

«Si on reste ici on va se faire massacrer, cria sir Raymond à l’adresse de Victor. On doit remonter la passe, là où il y aura assez d’homme pour soutenir l’assaut des morts!»

Se relevant, Victor n’avait pourtant qu’une seule idée en tête: «Le prince Louis! On doit le retrouver!

- On s’en fout du prince! Si on reste ici, on est mort! Je suis pas pressé de les rejoindre! Et de toute façon, je pense qu’il va penser la même chose que moi! Il a les meilleurs chevaliers de toute la zone avec lui! Ils sauront le protéger!»

Soudain une volée de flèche s’abattit sur le camp, tuant et blessant des dizaines de loyalistes. Victor vu aussi des morts-vivants tomber, mais la plupart se relevèrent juste après.

«Il faut qu’on bouge! Ou sinon on est mort!»

Sans même savoir si Victor le suivait, sir Raymond tourna les talons et commença à courir en direction de l’arrière de la passe. Victor le suivit en regardant autour de lui.

Autour de lui, le camp était en flammes. Les morts-vivants frappaient et massacraient tout ce qui était du Grand-Royaume. C’était à peine si Victor discernait les morts des vivants et encore moins les morts-vivants. Pendant un moment, Victor crut bien voir un démon sortir des flammes pour attraper des soldats. Une volée de flèche le ramena à la réalité. Victor croyait bien qu’il en pleuvait toutes les secondes. D’où provienne-t-elle en plus, se demanda t-il. Il regarda le mont Calnoir, mais malgré le brasier provoqué par les tentes, il ne pouvait en discerner le sommet. Il regarda alors Montgargant et s'aperçut que la moitié du village était en flammes. La forteresse l’était aussi, mais le feu semblait un peu mieux contrôlé. Néanmoins la forteresse paraissait subir un assaut. Les portes étaient fermées avec un bélier juste devant qui essayait de l’enfoncer. Des dizaines d’hommes qui paraissaient avoir les couleurs de Montgargant gisaient tout autour. Victor aperçut le pavillon de Louis, ou du moins ce qu’il en restait. La moitié de la tente s’était écroulée (sûrement pas naturellement) et l’oriflamme du Grand-Royaume était en train de brûler juste au-dessus. D’ailleurs tous les oriflammes de chaque maison brûlaient.

Sans même s’en rendre compte, Victor et sir Raymond avaient atteint la seconde partie du campement. Pendant un instant, ils crurent que les hommes qui s’y trouvaient n'allaient pas les laisser passer, mais une personne derrière cria, et les gardes les laissèrent. Rentrant dans le camp, Victor fut trop heureux de le voir. «Trymian! Comment as-tu fait pour te sortir de ce merdier?

- Avec un gros coup de chance, répondit-ce dernier. Louis venait de m’envoyer chercher le seigneur Worrl, pour lui demander son avis sur le prochain lieu de bataille. La bataille a commencé alors que je venais à peine de l’atteindre. Et vous comment avez-vous survécu, on dit que c’était un enfer sur la barricade?

- Et c’est un enfer. Ce n'est pas de simple soldat qu’on combat, c’est la mort. Ils ont l’apparence, la voix, ils ne ressentent rien et sont impossible à tuer. Sans oublier que ce sont d'excellents combattants. Si on n'aurait pas été deux, on y serait passé. Mais d’abord, est-ce que tu sais où est Louis?

- Plus en arrière. Il a tenté de prendre les assaillants à revers avec une charge de cavalerie, mais ces salauds avait un coup d’avance. Ils ont réussi on ne sait comment à prendre tous les trébuchets et catapultes qui défendait la passe. Leurs archers se sont positionné en hauteur et nous tire dessus en utilisant des flèches noir, je suppose que vous avez remarquer. Ils n’ont rien vu venir. La charge a été stoppée net. Louis s’est pris une flèche dans l’épaule. Son armure l’a assez bien protéger, mais les seigneurs qui étaient avec lui ont insisté pour qu’il aille se faire soigner. Le seigneurs Worrl a pris le relais, mais alors qu’il se trouvait dans le village de Montgargant, lui et ses hommes se sont fait attaquer par des guerriers tout en noir. Il s’est battu en duel contre l’un d’entre eux et s’est fait décapité. On est donc sans aucun chef. Les seigneurs ne savent plus quoi faire. Ils se battent entre eux pour savoir qui va prendre le commandement. Et en attendant, on se fait massacrer comme du bétail.»

Victor ne pouvait pas le croire: le comte Worrl était mort, et Louis était blessé. Sans chef, l’armée royale n’avait aucune chance de mener une contre-attaque. Pourtant il fallait mener une contre-attaque. Si les morts parvenaient à percer les lignes de cette partie du camp, rien ne pourrait les arrêter.

«Les hommes sont terrorisés, reprit-Trymian. Une armée de morts-vivants qui nous attaque, sans parler que se sont ceux que l’on vient de tuer. L’étoile pourpre a bien réussi son coup.

- Comment ça, demanda-Victor. Tu penses que ce sont les hommes de l’étoile pourpre? Dis plutôt que les sept apocalypses viennent de nous tomber dessus.»

Victor n’était pas très croyant, même quand il s’agissait de la religion des sept apocalypses. Il préférait prier les étoiles comme les gens du nord. Là au moins c’était des dieux utiles. Quand on lui parlait de religion,il cherchait d’abord des preuves lui prouvant qu’elle existe. Il avait rapidement compris que la religion était surtout une communauté. Elle servait à réunir des gens autour d’elle, et souvent les personnes qui la dirigeaient n’avait réellement aucune preuve de son existence. Parfois ils disaient voir des signes, mais généralement ce n’était que tromperie. Voilà pourquoi il priait les étoiles. La religion était très peu développée. Aucune prière, rien à dire, les gens faisaient comme ils le souhaitaient. Mais là, il venait de voir des morts se relever. Des cadavres avec des dizaines de flèches dans le corps avançaient, sans que rien ne puisse les arrêter. D’une certaine façon, cela ressemblait aux saintes écritures des sept apocalypses. Cette religion était beaucoup plus présente dans le sud. Peut-être que leurs dieux venaient de se manifester et avaient choisi leur camp en leur apportant leur soutien.

«A ton avis, à qui profite le plus la situation, continua-Trymian. L’attaque des morts était parfaitement coordonnée avec celle des archers. En quelque minute nous avons perdu le village de Montgargant, la barricade, les armes de siège qui défendaient la passe. À n’en pas douter, tout fait partie du plan de l’étoile pourpre. Il a vu que prendre la passe par la force, serait impossible. Il a donc décidé de la prendre par la ruse. On s’est fait avoir de bout en bout.

- Il doit sûrement avoir raison, argumenta-sir Raymond. La situation était parfaite. Après la pseudo défaite, il devait se douter qu’on relâcherait notre garde. Il a saisi l’occasion, le lâche.»

Victor voulut leur dire qu’ils devaient sûrement avoir raison, quand un nouveau son de cor retentit dans la passe. Identique au précédent, à glacer le sang. Le son lui noua les tripes. Il savait ce que cela signifiait: l’étoile pourpre lançait l’attaque finale. Partout ce son était redouté. À chaque bataille, il le faisait sonner. Ils ont vraiment raison, pensa Victor. C’est l’étoile pourpre qui est derrière cette attaque. Pas des dieux de quelque sorte, c’est Le dieu, l’étoile pourpre lui-même.

Le son de cor fut immédiatement suivi des cris de guerre de l’étoile pourpre. Son nom était crié aussi fort que Victor ne l’avait jamais entendu, «étoile pourpre», «Auguste». Mais aussi des cris de guerre du sud, comme «Elersor», «Saragnor», «Dune», «Sombre-Astre», «Lémovicie», «Termor» et bien d'autres que Victor ne connaissait pas.

Pourtant les morts n’attendirent pas les renforts de l’étoile pourpre. Ils se jetèrent comme un seul homme sans l’ombre d’une hésitation dans les lignes de l’armée royale. De son côté, le cor de l’étoile pourpre avait fait son effet. Les hommes laissaient tomber leurs boucliers, leurs épées, lances haches, masse d'armes. En un rien de temps, la ligne de défense se vit réduire de moitié. Les morts traversèrent les rangs de l’armée royale sans aucun mal. Souvent à deux contre un, les royalistes reculaient de partout. Ils ne pouvaient plus tenir.

Victor vit alors un groupe de morts-vivants les charger. Faisant signe à ses amis, il se positionna en garde, de manière défensive. Il y avait quatre morts-vivants, et il était trois. Sans hésiter, Trymian en chargea deux avec sa hache. En voilà un pressé de mourir, se dit Victor. Sir Raymond chargea lui aussi un mort, laissant le dernier à Victor. Armé d’une kopis, il savait qu’il ne faisait pas le poids contre son adversaire qui maniait un long piolet. À chaque attaque de son adversaire, Victor croyait bien que son arme allait se briser. Mais elle teint le coup. Son adversaire n’était pas très rapide, mais il n’en avait pas besoin. Ses attaques étaient si puissantes qu’à peine Victor s’en était remis, il devait de nouveau parer un nouveau coup. Son adversaire ne fatiguait pas, tout le contraire, il semblait regagner des forces à chaque coup. Dès les premières attaques, il savait qu’il ne pourrait pas tenir indéfiniment. Mais ce fut à la dixième, qu’il perdit son arme. Sans s’en rendre compte, il se retrouva au sol à la merci de son adversaire. Alors que celui-ci levait son arme au-dessus de sa tête pour lui donner le coup final, Victor cru qu’il allait y passer. Mais le coup ne vint jamais. Au lieu de cela, son adversaire rugit de douleur et tomba à genoux devant lui. Il découvrit alors sir Raymond qui venait de lui sectionner l’arrière des genoux. Il poussa du pied le blessé, puis tendit sa main gauche à Victor pour l’aider à se relever. Victor la saisit et se remis sur ses pieds. Il regarda sir Raymond, puis Trymian qui apparut à côté de lui. Les deux étaient couverts de sang. Sir Raymond avait une coupure au visage qui le défigurait à moitié, mais il ne semblait pas sans soucier. À côté Trymian était couvert de sang, mais ce n’était pas le sien.

«Une chance que Trymian ait été là, dit sir Raymond. Sans lui je serais mort. Et toi tu n’as rien?

- Non, répondit Victor.»

Mais sir Raymond n’entendit jamais sa réponse. À peine avait-il fini sa phrase que Victor fut éclaboussé par le sang de son ami. Une lance traversa la bouche de sir Raymond. Elle en ressortit immédiatement, alors que le corps du chevalier tombait sur Victor. Trymian se retourna directement et fit face au chevalier qui se trouvait derrière lui. Il portait dans sa main droite la lance dont la pointe dégoulinant du sang de leur ami, et dans la gauche un bouclier où Victor pus voir malgré la nuit comme un cheval avec des ailes. Victor fit rouler le corps de sir Raymond sur le côté, puis saisit son épée avant de se relever.

Fou de colère, il allait se jeter sur lui, quand il fut bousculé par un soldat du Grand-Royaume. Il fut suivi par un autre et encore un autre jusqu’à que Victor soit pris par la masse incalculable de soldat qui le poussait vers l’arrière de la passe.

Pris par la masse, Victor fut déséquilibré et tomba au sol où il commença à être piétiné par les soldats. Se retrouvant sous la masse, il s’agrippa de toutes ses forces aux hommes autour de lui. Pendant un moment, il crut qu’il ne respirait plus tellement la pression contre lui était forte. Les hommes n’étaient plus des hommes, ils étaient devenus des animaux. Ils poussaient de tout ce qu’ils pouvaient et broyaient les côtes de Victor. Il réussit tant bien que mal à s’extirper de la masse et se retrouva quelques pouces au-dessus de tout le monde. Il regarda dans toutes les directions. Sans même savoir comment, il s’était retrouvé à quelque centaine de pieds de l’autre versant de la passe. Regardant dans l’autre direction, il apercu la bannière pourpre de leur ennemie: Étoile rouge sur fond noir. Il comprit alors pourquoi la masse de soldats s’était formée. Les hommes avaient vu l’étoile pourpre remonté la passe et avaient compris qu’il ne pourrait plus la tenir. Ils s’étaient alors repliés, mais sans chef pour les guider, ils avaient fui en désordre et tous en même temps. La masse s’était alors formée à l’endroit le plus étroit de la passe.

Il entendit alors son nom, quelque part dans le chaos que formait la masse. Suivant le son de la voix, il repéra Trymian à quelques pieds de lui qui lui faisait des signes. Il lui demanda s’il allait bien. mais Victor ne parvenait pas à bouger.

Il n’arrivait presque plus à bouger et ce n’était même pas lui qui se maintenait sur le sol. La pression autour de lui le faisait très bien et sans son aide. Il était même écrasé par elle, mais il ne pouvait rien faire. Il était dans l’incapacité totale de bouger, il ne pouvait rien faire. Tout d’un coup, il fut comme pris de panique comme s’il ne pourrait plus jamais respirer. Déployant toute son énergie, il se débattit violemment dans l’espoir de se dégager, mais à peine il s’arrêta, qu’il crut que la pression était encore plus forte. Mais il ne pouvait abandonner. Il était prisonnier dans cette masse et ne pouvait rien faire pour en sortir. Pendant un moment, il songea à abandonner. À se laissait tomber et piétinait par la masse. De toute façon, il lui faudrait un miracle pour en sortir.

Ce miracle arriva plus rapidement qu’il ne l’aurait cru. Les archers de l’étoile pourpre positionnés en hauteur avaient sûrement dû repérer la masse. Il n’y avait même pas à viser pour faire des dizaines de morts. Les flèches sifflèrent dans la nuit et des hommes tombèrent par dizaines.

Pendant un court instant, la pression s’amenuisa. Victor n’attendit pas une seconde de plus et se dégagea. Il du y mettre ses dernières forces, car à peine eut-il trouvé un endroit dégagé, qu’il s’écroula sur le sol.

Il ne sut pas combien de temps il resta sur le sol. Épuisé, il n’avait plus de force pour se relever. Imcapable de faire le moindre mouvement. Autour de lui, les hommes criaient, hurlaient de douleur, de désespoir. Rien n’était comparable à ses cris, il n’aurait jamais pu imaginer qu’autant de désespoir puisse sortir de son comme cela.

Le sol était dur, froid, mais Victor avait de l’espace. Enfin, se dit-il. Il n’était plus écrasé par la masse d’hommes qui se poussaient pour avancer. Il roula sur son dos pour regarder où il se trouvait. Mais épuisé, il se retrouva à regarder les étoiles. Le ciel était dégagé. Les étoiles formaient les constellations, mais Victor n’en avait cure. Le ciel était magnifique et rien d’autre importait. Ni les cris de douleur, ni le désespoir, ni rien. Seules les étoiles comptaient. Seulement leur beauté.
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Re: Le Théâtre du Pouvoir [fantasy-dark fantasy-guerre-intrigue]

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XIII. Enoria



Enoria se réveilla en sursaut. Toute trempée de sueur, les draps de son lit lui collent à la peau. Son cœur battait la chamade et sa respiration était rapide. Pour autant qu’elle s’en souvienne, son rêve était atroce. Encore une fois, elle avait rêvé du Roi Charles et de se qu’il lui ferait subir une fois rentré à la cité d’or. Chaque jour depuis la nouvelle, elle faisait ce rêve, toujours le même, encore et encore. À chaque fois, Enoria se réveillait en sursaut, le corps entier transpirant. Rien n’était plus horrible que ce rêve. Elle savait que le Roi Charles allait revenir, et elle n’y pouvait rien. Elle devait, comme d’habitude, attendre et subir, toujours.

Se mettant assise sur son lit, elle repoussa ses draps pour avoir moins chaud. Elle n’arrivait pas à chasser de son esprit les images de son rêve. Le Roi Charles la terrorisait toujours et encore. Et elle n’y pouvait rien.

Elle voulait rentrer chez elle. Elle en avait assez que chaque matin la scène se rejoue. Elle devait se lever, sourire, complimenter les dames sur le tenu, encourager les chevaliers pour diverses raisons. Elle en avait assez. Les dames comme les chevaliers et seigneurs présents dans la cité d’or la méprisaient. Elle le voyait bien. La guerre contre l’étoile pourpre se soldait par une suite de défaites de l’armée royale. L’étoile pourpre et son armée étaient rentrées dans les terres de la couronne et avaient déjà pris les forteresses de Boisseaux, Chartamarg, quant à celle d'Argenté, nul doute qu’elle allait bientôt tomber. L’armée royale était en déroute total, elle ne parvenait même pas à regagner la cité d’or. Mais le pire venait à peine d’arriver. Il y a trois jours, Enoria avait pu apprendre en même temps que la moitié de la cité, que son frère le kraken vert venait de faire son apparition avec une cinquantaine de navires de guerre au large de L’Hersœur. Le port n’avait pas assez d’hommes pour le défendre et ne pouvait compter d’aucune aide de quelque sorte venant de la part de l’armée royale. Le Roi était trop débordé face à l’étoile pourpre, pour s’occuper du frère d’Enoria.

Elle fit passer les couvertures sur son côté gauche et sortit de son lit. Elle enfila une robe de chambre puis alla se mettre à table où des servantes lui avaient préparé un déjeuner. Un déjeuner typique du Grand-Royaume fait à partir de bacon, d'œufs, de gruau, de lait, de tee, ainsi que de pain avec des confitures. Après chacun de ses rêves, une seule chose lui faisait du bien: la nourriture. Son estomac commençait déjà à gargouiller aussi, elle n’attendit pas et débuta son déjeuner.

Les servantes vinrent plus rapidement qu’elle ne l’aurait souhaité. Elles s’occupèrent de changer ses draps, ainsi que de lui préparer un bain et de lui sortir ses affaires. Après avoir fini son repas, Enoria rentra dans le baquet d’eau chaude et laissa les servantes s’occuper d’elle. Elles la baignèrent, lavèrent ses cheveux blonds puis la firent sortir de son bain avant de la sécher. Elle enfila une robe bleu sombre, sa couleur préférée et se laissa coiffer. En sortant de sa chambre, elle avait presque oublié son rêve et totalement retrouvé son calme.

Sir Eommund Tigre se présenta alors juste devant elle comme à son habitude pour l’escorter en dehors de la citadelle Phoenix. Mais cette fois au lieu de sortir comme à son habitude par les jardins et la grande porte, ils prirent par les escaliers qui montaient.

Elle avait prévenu la veille sir Eommund qu’elle passerait sa journée en compagnie de Lady Alyssa Worrl. Depuis les nouvelles de la mort de son père feu le comte Ewine Worrl, les deux jeunes filles étaient devenues assez proches. D’après ce qu’elle savait, le comte Worrl était mort de la façon la plus héroïque qu’il soit. Il avait défié en duel un général de l’étoile pourpre. Le combat avait duré des heures et avait finalement vu le comte mourir, non sans avoir blessé mortellement son adversaire. Enoria se doutait bien que tout n’était pas vrai. Les dames de la cour aimaient souvent embellir les exploits des chevaliers morts au combat. Lors de la bataille, le frère du Roi le prince Louis avait lui était blessé par une flèche et avait dû être évacuer des combats vu l'ampleur de la blessure. Pour lui seul, Enoria se faisait du souci. Elle espérait qu’il ne trépasse pas, sinon sa vie avec le Roi allait sûrement devenir un enfer. En réalité, elle aurait tout donné pour que se soit lui qu’elle doive épouser. Il était tout le contraire de son aîné, sans oublier qu’il ressemblait beaucoup à son frère feu le prince Charles.

Arrivés en haut de la citadelle Phoenix, ils durent attendre que le pont-levis qui les conduiraient au rempart s’abaisse. En réalité la citadelle Phoenix était coupé des remparts la séparant de la ville par une haute douve. De cette façon, elle formait une forteresse au cœur d’une forteresse. En cas d’assaut, la citadelle possédait ainsi une double protection.

En regardant par dessus les remparts, elle put voir la douve en contrebas. Cette dernière était en réalité une prison réservée au criminel devant subir la pire des tortures. Abandonné dans la douve seiche, à la merci du froid, de la faim et de la pluie. Elle s’était souvent imaginée que le Roi l’y mettrait. Pour la guerre contre son frère ou simplement pour son plaisir personnel. Le Roi était à moitié fou, et elle ne serait pas la première qu’il jetterait dans la douve. En contrebas, Enoria pouvait voir les cadavres en décomposition de ses dernières victimes. Il ne ressemblait à rien maintenant. La pourriture s’était installée et d’ici quelques jours il ne resterait que des os.

Le pont s’abaissa, mettant fin à ses rêveries. Accompagnée par sir Eommund, elle traversa le pont et commença à marcher sur les remparts pour rejoindre la garnison qui séparait la ville verte de la cité du commerce.

«Pourquoi passer par là, demanda Enoria. Pour rejoindre les parcs de la ville verte, ne vaudrait-il pas mieux prendre par les jardins étoilés et la grande porte menant à la ville? Cela semble plus simple.

- En effet, répondit sir Eommund. Mais voyez vous, nous sommes en guerre. La populace n’aime pas cela, et avec raison. Il y a trois jours encore, il y a eu plusieurs meurtre dans la ville. Sans oublier qu’une émeute ne risque pas de tardé dans la ville pauvre. Passer par là serait trop dangereux.

- Mais la ville verte n’est pas sécurisée par les gardes de la ville? Sans oublier qu’elle n’est peuplée que par des nobles, y circuler ne devrait pas être très dangereux, je me trompe?

- C’est vrai, la ville est sécurisée, mais seulement pour les nobles, pas pour vous. Vous êtes la sœur du kraken vert. La raison de cette guerre. Des dizaines de chevaliers ou soldats de grande ou petite famille sont morts. L’étoile pourpre nous humilie sur le champ de bataille, chaque jour qui passe. Des personnes pourraient vous en vouloir. Vous êtes la cause de la guerre à leurs yeux. Il pourrait vouloir se venger d’une façon ou d’une autre et peu de monde ne souhaiterait vous défendre contre eux.

- Mais je suis innocente, je ne leur ai rien fait ni à eux ni à personne d’autre. Ce n'est pas moi qui est tué par ses hommes ou qui commande l’armée. Je ne leur ai jamais fait aucun mal. Et je ne leur en ferait jamais.

- Vous croyez qu’ils en auront quelque chose à faire. La guerre change les hommes. Qu’il soit bon ou mauvais en guerre, une seule chose nous soulage de nos problèmes: tuer.»

En voyant son regard, elle sut qu’il pensait chaque mot. Ses yeux étaient plein de fureur, pas contre elle mais contre le monde entier.

«Cela vous plait autant de tuer?

- Oh, prenez-moi pour un chien enragé si vous le souhaitez, mais il n’y a rien de plus agréable que de tuer en temps de guerre. Certains disent que la vengeance est un plat froid. Mais ceux-là, non jamais eu à se venger. Quand vous en voulez à une personne, et que vous avez l'opportunité de lui faire du mal, croyez moi, rien ne vous arrête.

- Pourquoi vous en vantez? Il n’y a rien de chevaleresque à cela.

- Mais qu’est que la chevalerie, dit -il sur un ton rageur. Une tape sur la joue, quelques belles paroles philosophiques et c’est tout.

- Il y a aussi vos actes, c’est eux qui vous définissent.

- Nos actes, oui, dit-il en levant les yeux au ciel. Je connais beaucoup de chevaliers qui font de beaux actes comme dans les chansons. Ou du moins j’en connaissais. Maintenant ils sont tous morts ou ils le seront bientôt. A votre avis, qu’est ce qu’un bon comportement. Pour vous qu’est ce qu’un bon chevalier.» Enoria ne savait pas vraiment quoi répondre. «Je vais vous le dire. C’est un homme qui tue, quand on lui demande. À la base, la chevalerie était simplement une appellation pour ceux qui montent à cheval. Mais les poètes de la Largonne sont venus sur nos terre et on commençait à parler de l’art courtois. Celui que l’on entend dans vos chansons. À partir de cet instant, les seigneurs ont commencé à nous donner des codes. On devrait idolâtrer la femme. Lui faire la cour et tout ce que l’on dit dans les chansons. Mais nous ne sommes pas tous comme cela. Certains se fichent totalement de ces belles paroles. Ils sont chevaliers parce qu'ils en ont les moyens. C’est tout.»

Ils arrivèrent finalement devant la garnison qui devait garder la porte permettant de passer d’une ville à l’autre. Sir Eommund leva le bras et leur fit signe. Les gardes ouvrirent les portes permettant d'entrer dans le petit fort. Une fois à l'intérieur, sir Eommund offrit son bras à Enoria pour la descente des escaliers vers la ville verte.

Même à l'intérieur des murs du fort, elle pouvait entendre les bruits de l’agitation de la ville. Le martèlement des sabots contre les dalles des rues de la capitale, les marchands criant pour vendre leurs produits, les forgerons martelant les armures pour les prochaines batailles, les cris des enfants dans les rues en train de jouer, ou encore les chevaux énissants dans les rues de la ville. Toute la ville devait sûrement former un gigantesque chaos.

Lady Alyssa l’avait invité à passer la journée avec elle pour regarder les chevaliers et page s’entraînaient dans la ville verte. Enoria n’en avait généralement pas grand-chose à faire. Ces chevaliers et pages se moquaient d’elle quand ils lui prêtaient attention. Mais Lady Alyssa avait insisté, prétextant que son frère le nouveau comte de Worrl y serait et qu’elle voulait le voir s'entraîner. Enoria aurait pu décliner, mais les distractions étaient très rares dans la capitale ces derniers jours.

Cela faisait presque un mois et demi que la guerre avait débuté sur les terres de la couronne. Un peu moins d’un mois depuis la bataille de Montgargant, où les loyalistes s'étaient fait battre par l’étoile pourpre et disait-on une armée de morts-vivants. Enoria n’y croyait pas vraiment, mais avec l’étoile pourpre, tout était possible. Cela faisait presque un mois que le Roi et son frère Louis bataillaient avec les comtes des terres de la couronne, pour faire battre en retraite l’étoile pourpre. Mais pour l’instant, ils allaient de défaite en défaite.

Le nouveau comte El-Jon de Worrl, n’était pas à Montgargant lors de la bataille où son père avait trouvé la mort. Feu Ewine Worrl lui avait ordonné de garder le domaine familial lors de la campagne. Il avait ainsi réchappé au massacre. Mais après la nouvelle de la mort de son père, il avait pris ce qui restait de ses forces et était parti en direction de la cité d’or. Il devait avoir moins de deux-cent hommes avec lui le jour de son arrivée, il y a une semaine. Enoria ne l’avait jamais rencontré, il restait la plupart du temps avec ses hommes dans les faubourgs de la capitale. Mais elle avait entendu beaucoup de choses sur lui. On disait qu’il ne ressemblait en rien physiquement à sa mère contrairement à sa grande sœur Lady Alyssa. Il avait hérité des cheveux blonds de son père ainsi que de ses yeux bleus. Il était bon jouteur et excellent pour la mêlée ou les duels où il maniait un fléau d'armes impressionnantes. On le disait très bon cavalier même s’il préférait largement se battre à pied. Mais surtout, on le décrivait comme comme un incroyable musicien. Jouant de la harpe comme personne, et étant un excellent poète. Enoria avait pu remarquer que beaucoup de dames de la cour était amoureuse de lui, des jeunes filles pour la plupart. Enoria ne l’avait pas encore vu, mais elle en savait déjà beaucoup sur lui.

Finalement, ils arrivèrent à l’écurie de la petite garnison. Enoria monta sa jument en amazone alors que sir Eommund prenait place à ses côtés. Il fit claquer ses reines et ils se mirent en route vers les terrains d’entraînements où Lady Alyssa les attendaient. Sans se dire aucun mot, ils franchirent les rues de la ville verte qui débordé d’animation. Les Orois ne prennaient toujours pas la guerre au sérieux. Enoria se demanda s’ils la prendraient au sérieux un jour. Ils passèrent devant plusieurs terrains d’entraînement avant de s’arrêter devant celui qui arborait les couleurs des Worrl. Une petite foule s’était rassemblé devant les lices où Enoria pouvait voir des chevaliers en train de jouter.

Beaucoup de chevalier avait regagner la cité d’or suite à la défaite de l’armée royale à Montgargant. Pour la plupart, ils pensaient que la bataille le permettant de vaincre l’étoile pourpre se déroulerait devant les murs de la cité d’or, mais cela revenait à faire replier l’intégralité des troupes des terres de la couronne, ce que le Roi n’était pas prêt de faire. Des distorsions s’étaient donc créées dans les rangs, et beaucoup de chevaliers étaient revenus à la capitale. Les autres allaient de tout façon, bientôt les rejoindre, la défaite sur les terres de la couronne était inévitable. De plus, l’Hersœur allait bientôt être pris par le frère d’Enoria, il fallait donc qu’ils franchissent le fleuve avant que le port ne tombe.

Elle repéra Lady Alyssa, assise sur une petite estrade qui surplombait le terrain. Cette dernière la vit, et lui fit signe de la rejoindre.
«Vous nous avez finalement rejoint, dit-Lady Alyssa alors qu’Enoria s'asseyait à côté d’elle. Vous avez de la chance, aujourd’hui la plupart des chevaliers de la cité sont venus pour jouter. Mon frère en vaincra beaucoup, mais je paris plus sur sir Theo Argane. Il m'a demandé de porter mes couleurs. Bien sûr, je n’ai pas pu refuser. Nous sommes amis depuis l’enfance, par ailleurs ce sera bientôt mon promis.

- J’aurais imaginer que vous les donneriez à votre frère, dit Enoria perplexe.

- Oh non, je le laisse trouver lui même sa reine de beauté. Je préférerais faire taire les rumeurs concernant l’inceste du sud. Mais vous à qui allez vous donner vos couleurs. Ce n’est pas les chevaliers qui manquent. Je vous conseillerais bien mon frère. Après mon promit, il a de grandes chances de remporter la joute.

- Votre frère est jeune et sans expérience, rétorqua sir Eommund. J’aurais tôt fait de lui faire mordre la poussière.

- Alors heureusement que vous ne participez pas aux joutes, dit Lady Alyssa avec de mépris.

- Tous de jeunes chevaliers sans expérience, il n’y a aucune gloire à se battre contre eux. Ils tomberaient facilement si je participais à la joute. C’est à peine s’ils tiennent sur leurs destriers.

- Et pourtant vous êtes là, avec des dames à parler. Un vrai chevalier serait déjà sur les lices.

- Un vrai chevaliers, oui. Un idiot aussi. La guerre est à nos portes et eux, que font-ils? Ils jouent à la guerre. Il n’y a rien de glorieux là dedans. De plus, ce n’est pas un vrai tournoi. Je ne participe qu’au vrai tournoi.»

Lady Alyssa voulut rétorquer, mais des chevaliers en armure scintillante firent leur entrée. Enoria reconnut la plupart d’entre eux, ils se baladaient souvent dans les jardins étoilés ou les dames parlaient d’eux en les idolâtrant. Le premier était sir Alfarge Oypide, fils du comte Horad Oypide. Sir Harold Cornoi qui était un commandant de la cité. Sir Brice Rover, neveu du premier conseiller le comte Erlender Rover. Sir Giles Iris, fils du comte d’Iris. Sir Wilfrid Garne, avec son heaume en forme de lion. Puis elle vit sir El-Jon Worrl, comte de Worrl et frère de Lady Alyssa. Il montait un palefroi noir, sur lequel on pouvait voir les couleurs de la maison Worrl, un croissant de lune surmontant une montagne. Son armure était elle totalement polie, lui donnant une couleur argenté sur laquelle se reflétait le soleil. Sur sa hanche était accroché une épée avec un pommeau en forme de Lune. Sur son bras gauche était accroché un écus avec le croissant de Lune des Worrl et leur montagne. Il avait aussi dans sa main droite une lance de joute faisant près de douze pieds de long. Tout son attirail avait sûrement dû coûter une fortune.

«Il va faire un de ces boucans en tombant au sol, dit sir Eommund pour se moquer.»

Enoria était impressionné par le cavalier. Il était la parfaite image qu’elle s’était faite de la chevalerie. Mais elle ne put s'empêcher d’avoir un sourire en entendant les mots de sir Eommund.

Il fut suivi de sir Aymar Darcane, commandant de la cité et d’autre chevalier du Grand-Royaume qu’Enoria ne connaissait pas. De toute façon, elle s’en fichait, elle regardait sir El-Jon et seulement lui, les autres ne s'intéressaient pas. Il était magnifique dans son armure d’acier poli qui se miroitait au soleil. Il ne portait les couleurs d’aucune dame et ne chercha pas à en avoir. Directement il se mit en lice et attendit que son adversaire face de même. Une fois cela fait, il chargea. Son adversaire Enoria ne le connaissait pas, mais elle en avait cure. Il s’écroula à la première traversée, projeté sur le sol dans un fracas de tonnerre par la lance de sir El-Jon. Il fit de même avec ses deux adversaires suivants dont sir Aymar, qui laissa son pied dans l’étrier. Sir Aymar se retrouva alors pris, dans l’élan de sa monture et ne put continuer la joute après avoir été traîné sur le sol sur un cinquantaine de pied.

Ce fut avec son quatrième adversaire, sir Brice Rover, avec qui il eut plus de mal. Surnommé le cheval enragé, il fut projeté au sol par sir El-Jon, mais à peine se fut-il relevé, qu’il demanda son marteau d’arme pour continuer le combat au sol. Sir El-Jon démonta et demanda son fléau d'armes. Une fois en main, il chargea sir Brice Rover avec une férocité qu’Enoria n’avait jamais vu chez un chevalier du Grand-Royaume. Sir Brice Rover avait vingt et un ans, il était de trois ans l’aînée de sir El-Jon, et pourtant ce dernier avait un combat bien supérieur. Il maniait son fléau d'armes à la perfection. Le cheval enragé chercha à désarmer son adversaire en enroulant son fléau dans son marteau, mais ce fut sir El-Jon qui le désarma. Pour autant, sir Brice Rover n’abandonna pas et dégaina son épée accroché à sa ceinture. Tournant autour de son adversaire qui agitait son fléau au-dessus de sa tête, il lança une série d’attaque qui fut stoppé par l’écu de sir El-Jon. Soudain, sir El-Jon riposte en envoyant son fléau sur le crane de son adversaire. Le heaume du cheval enragé sauta, mais pourtant sir Brice Rover ne se rendit pas. Il réussit à emprisonner le fléau de son adversaire et, lâchant son écu, il tira à deux main sur son épée pour de nouveau tenter de désarmer son adversaire. Pendant quelque secondes, sir El-Jon résista, puis il lâcha son arme laissant choir son adversaire sur le sol. Le cheval enragé chercha à se relever, mais finit par glisser à cause du poids de son armure. Prenant son écu à deux mains, sir El-Jon lui donna un coup en pleine face, faisant de nouveau choir son adversaire pour plus qu’il ne se relève.

La petite foule qui s’était rassemblé cria alors les noms de «El-Jon», «Worrl», ou encore «Fléau». Alors que des écuyers venaient chercher sir Brice Rover qui ne se relevait pas pour le porter à sa tente, sir El-Jon remonta sur son palefroi. Il retira son heaume, puis après avoir pris une nouvelle lance de joute, et une couronne pour sa reine de beauté, il se dirigea vers les loges où se trouvaient Enoria et Lady Alyssa.

Enoria sentit alors son cœur s’arrêter, quand le cheval de sir El-Jon se stoppa devant elle. La couronne de fleurs au bout de sa lance, il la déposa dans les mains d’Enoria en disant: «Madame, aucune victoire ne vaut votre beauté.» Puis, alors que le temps s’était arrêté pour Enoria, il repartit en direction des lices.

Pendant le reste de la matinée, les joutes s’enchaînèrent, mais Enoria n’en avait cure. Seul sir El-Jon l’intéressait. À chaque fois qu'il entrait en lice, le cœur d’Enoria s’arrêtait, elle n’avait d’yeux que pour lui. Il fit mordre la poussière tour à tour à sir Elfird Garne, sir Alfarge Oypide et finit par remporter la joute face à un chevalier errant du nom de Orrine Snail, portant sur son blason un renard sur fond bleu. Sir El-Jon fut ainsi déclaré vainqueur de la joute.

Il était midi quand le petit tournoi prit fin, le ventre d’Enoria en témoigné. Lady Alyssa lui proposa alors de manger dans les jardins étoilés pour plus de fraîcheur. Bien qu’il soit presque en hiver, il faisait assez chaud, aussi Enoria accepta. Lady Alyssa fit alors mander une voiture pour les y conduire. Sir Eommund les y suivit, mais préféra rester sur son propre cheval, jusqu’à ce qu'ils franchissent le porche les faisant entrer dans les jardins où il démonta. Lady Alyssa les conduisit alors dans les jardins où ils marchèrent jusqu’à atteindre la constellation de l’ourse où un repas les attendait. Elle a tout prévu, pensa Enoria de Lady Alyssa. Elle se mirent à table et là une demi-douzaine de serviteurs apparurent avec divers plats pour le déjeuner.

Alors qu’Enoria commençait son repas, elle remarqua que sir Eommund ne mangeait rien. Resté en retrait, il attendait et les regardait manger. Enoria savait qu’il mangerait mais après que sir Lymmond Trafal vienne le remplacer auprès d’Enoria. Il devait manger dans un baraquement au cœur de la citadelle Phoenix.

Elle regrettait déjà sir Eommund, il avait beau être dur et ne pas mâcher ses mots, il était honnête avec elle et ne lui faisait aucun mal. Pour ce qui était de sir Lymmond, c’était une autre affaire. Il était totalement soumis au Roi, lui obéissant au doigt et à l'œil. Il venait du duché de Rol’Dorne et était tout de ce qu’il y a d’arrogant. Mais le pire, c’était qu’il ne détestait pas Enoria ou ne l’aimait, pour lui elle n’était rien à ses yeux une simple chose. Il ne la considéraient même pas. Elle n’était rien d’autre qu’une chose. Cela la terrifiait.

«Comment avez-vous trouvé mon frère aujourd’hui, questionna Lady Alyssa, la ramenant à la réalité.

- Il s’est bien battu, répondit Enoria du tac au tac.

- Vraiment?» Le ton était comme déçue. «J'espérais que vous pourriez m’en dire plus sur le sujet.

- Et bien c’est un bon jouteur, il l’a démontré. Mais aussi un bon combattant. Je doute pas qu’il donnera du file à retordre à l’étoile pourpre le moment venu.»

Lady Alyssa s’esclaffa recrachant la bouché qu’elle venait de prendre. «À n’en pas douter que c’est un bon combattant. Le moment venu, il sera un excellent meneur d'homme. Mais ce ne sont pas des pirouettes qui vont le sauver pendant cette guerre. Les hommes préfèrent suivre le vainqueur, même s’il n’est pas bien habillé ou qu’il se bat mal et sans honneur, les hommes préfèrent toujours se battre du côté du gagnant. Pour l'instant, le gagant de cette guerre semble être l’étoile pourpre.


- Vous semblait peu certaine de la victoire de l’armée royale, demanda Enoria. Et pourtant, vous et votre famille, continuez de soutenir le Roi Charles. Pourquoi cela?

- C’est vrai, je ne crois pas en notre victoire. L’étoile pourpre est imbattable sur le champ de bataille. Certes une bataille n’est pas la guerre. Mais jusqu’à présent, il mène cette guerre comme un cavalier mène sa dame lors d’une danse. À mon avis nous aurons la réponse à nos questions quand le duché de Rol’Dorne rentrera dans la danse.

- Alors la situation s’inversera?

- Pas forcément. Qu’il soit allié au Roi, Rogar Dorne est une tête de mule. Il créera plus de problèmes qu’il n’en résoudra. Les Dorne sont têtue et n’aime pas être remis en question. L’adversaire idéal pour faire face à l’étoile pourpre. Le marteau à ennemie qu’on l’appelle. Et croyez- moi, voilà un homme à la hauteur de sa réputation. Et en voilà un autre, dit-elle désignant un homme qui approché de la constellation.»

Enoria le reconnut directement, ses cheveux blond, ses yeux d’un bleu magnifique. El-Jon Worrl.
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Re: Le Théâtre du Pouvoir [fantasy-dark fantasy-guerre-intrigue]

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XIV. Edouarde Rivers



Il ne restait rien des champs autour de l'Argenté. Toute la zone avait été incendiée aux alentours, l'étoile pourpre avait rapidement compris que la forteresse était trop bien gardée pour tomber avant l'arrivée de l'armée royale, il avait donc pris le soins de faire incendier la campagne environnante pour ne rien laisser à l'armée royale. Les champs avaient été incendiés pendant la nuit, si bien que de leur position la nuit précédente, Edouarde et sa colonne avaient pu voire le rouge du feu éclairé à des lieues à la ronde. Le rouge des flammes se miroitent avec les nuages dans le ciel, un rouge magnifique mais plein de malheurs.

Quand Edouarde et la colonne qu'il commandait atteignirent le château, ils découvrirent porte close devant eux. Faisant signe de sonner du corps pour leur ouvrir, il attendit que le comte de l'Argenté viennent leur ouvrir.

Dès qu'il avait sus que l'étoile pourpre assiégeait sa forteresse, le comte Standfford Argenté avait pris toute la cavalerie qui était avec lui et avait filé vers son castral pour le défendre, laissant le Roi et l'entièreté de l'armée royale après leur avoir souhaité bonne fortune. Il avait réussi par miracle à traverser les lignes de l'étoile pourpre et rejoindre sa forteresse sans trop de perte. Il l'avait tenu pendant une semaine avant que l'étoile pourpre ne décide de quitter les lieux ayant sûrement eu vent que l'armée royale se dirigeait vers lui. Il s'était donc retiré après avoir mis le feu au champ environnant pour ne rien laisser à l'armée royale ou au comte Argenté.

En réalité, ce n'était pas l'armée royale qui se dirigeait vers l'étoile pourpre, mais simplement Edouarde et une centaine de cavaliers avec seulement une vingtaine de chevaliers parmi eux. Le prince Louis voulait créer une diversion pour que l'étoile pourpre se croit attaqué au nord et se prépare à un assaut pendant que le gros de l'armée royale les contourne par le sud afin de leur couper le ravitaillement. L'étoile pourpre ayant quitté la place, le plan ne fonctionnait pas, mais au moins la forteresse de l'Argenté ne subissait plus de siège. Mais pour combien de temps, se demanda Edouarde.

«Qu'est ce que vous voulez? cria un homme au dessus de lui.» Edouarde leva la tête pour découvrir le comte Standfford Argenté qui le regardait haut des remparts. «Seulement rentré, répondit Edouarde. Nous sommes les hommes du Roi Charles, je suis Edouarde Rivers, fils du Marquis Rivers.

- Qu'est qui me dit que vous n'êtes pas au service de l'étoile pourpre qui à encore tenté une ruse pour prendre mon castral. Ça ne serait pas la première fois qu'il essaye, cet enfoiré.

- A votre avis, c'est les bannières de l'étoile pourpre ça.» Edouarde indiqua la bannière noir avec une étoile d'or que portait un cavalier quelque rand derrière lui. «Ça pourrait très bien être celle de l'étoile pourpre que vous avez repeinte, répliqua le comte Argenté. Si je vous laisse entrer et que vous êtes ses hommes qui nous tend un piège, en combien de temps allez vous ouvrir les portes pour faire rentrer le reste de son armée qui attend cacher plus loin. Je refuse de prendre un tel risque.

- Alors faite moi simplement rentrer avec quelques chevaliers. Moins de dix. J'imagine que vous avez suffisamment d'hommes dans le château pour vaincre une dizaine d'hommes qui vous attaquent.»

Le comte disparut alors un moment du champ de vision de Edouarde. Il se demanda alors si ce dernier allait revenir avec des arbalétriers pour leur tirer dessus. Son estomac se noua si c'était vraiment son objectif, Edouarde n'aurait pas le temps de se mettre hors de portée des flèches. La guerre rendait les hommes beaucoup plus méfiants, et Edouarde ne voulait pas en faire les frais.

Finalement le comte réapparut. «Seulement vous et sept hommes, le reste attendra en dehors de mon château. L'étoile pourpre a fait suffisamment de place pour que vous puissiez vous installez.»

Cela ne plaisait pas à Edouarde, qui aurait préféré gardé plus d'homme avec lui, mais le comte Argenté avait raison d'être aussi méfiant. Mieux vaut trop que pas assez, pensa-t-il.

La herse commença à s'ouvrir avec lenteur suivie de la porte qui se trouvait derrière. «Restez ici, ordonna-t-il aux hommes derrière lui. Construisez des barricades et des fossés autour de votre campement, l'étoile pourpre est sûrement encore dans les parages, il est suffisamment lâche pour attaquer une petite troupe comme la nôtre. Sir Malterne Lidove! À vous le commandement. Si l'étoile pourpre débarque rapprochez vous des remparts, vous aurez la protection des archers postés.

- A condition qu'il ne nous envoie pas les flèches dans le dos ces enculés.

- Barricades et fossés, répéta t-il. Et ne cherchez pas à le poursuivre s'ils se retirent. Il a beaucoup plus d'hommes que nous, ce serait un piège.» Il fit alors claquer ses étriers et fis avancer son cheval Fleuve sous la herse suivi par sir Will Florent, sir Hugo Sparn, sir Canh Aiguille ainsi que leurs écuyers respectifs et le sien.

Il était les rares personnes en qui Edouarde avait une confiance absolue, il se connaissait depuis l'enfance où il avait grandi comme page à Fort-Carval avec un autre ami sir Coll Garde. Hormis ce dernier qui était repartis en Largonne il y a plusieurs mois, ils étaient resté ensemble au début de la guerre, même après la défaite à Montgargant, où ils avaient vu leur ami sir Dall Litarba mourir de la lance d'un faux mort-vivant de l'étoile pourpre.

La citadelle Argenté était une forteresse récente. La famille Argenté étaient une famille très riche, sûrement la plus riche des terres de la couronne. Les Carval étaient les seuls à avoir une fortune équivalente, mais seulement en raison du fait qu'ils possédaient un nombre important de routes sur lesquels ils faisaient payer un grand nombre de taxes. La maison Argenté tirait sa fortune des mines d'argent. Elle en possédait un grand nombre dans les montagnes et leurs terres, en temps de paix, étaient très fertiles. Pour cette raison, leur château était l'un des plus grands et des plus beaux des terres de la couronne. Les remparts pouvaient atteindre une hauteur de quatre-vingt pieds et leurs tours étaient pour la plupart rondes. En dehors des nombreuses poternes, le château ne possédait qu'une seule grande porte. Montrant la modernité, un barbacane avait été ajouté à l'entrée il y a quelques années. Le système rendait la tâche impossible à assaillant de prendre la forteresse par la porte. Si la première porte venait à céder, alors après cela venait une herse puis une seconde porte et enfin une seconde herse donnant finalement sur une petite cour. Le tout était situé en dessous des remparts ce qui permettait au défenseur de rendre la tâche impossible pour l'assaillant. Sur les côtés on pouvait aussi voir des meurtrières. La porte était donc imprenable sans un minimum de perte. Il fallait donc s'attaquer aux remparts, qui eux étaient trop haut pour ne pas subir de lourde perte.

En traversant la barbacane, Edouarde eut des frissons. Il s'imagina pris au piège dans une telle construction, ses chances de survie seraient sûrement nul. Les gardes postés à l’intérieur pour leur ouvrir les portes lui jetaient des regards méfiants, comme s'ils avaient peur qu'il soit un traître. Il ne le connaissait pas.

Edouarde avait été nommé lieutenant des terres de la couronne, il y a peu. Suite à la bataille de Montgargant il avait appris que deux de ses frères étaient morts lors de la bataille de La Tour. Le troisième, et désormais héritier Fall, avait été capturé par l'étoile pourpre lors de la bataille. Edouarde n'avait même pas eu le temps de pleurer ses frères morts, que le prince Louis avait insisté auprès du Roi pour qu'Edouarde reçoive le commandement d'une troupe. Il n'avait pas très bien compris. Le Roi ne semblait pas l'aimer (en même temps il n'aimait personne sauf son conseiller et amant sir Rover). Quant au prince Louis, il n'avait jamais vu aucun intérêt pour Edouarde depuis qu'il l'avait vu dans la salle du trône, déboulant pour annoncer que la guerre avait commencé et que l'étoile pourpre avait débarqué sur les terres de son père. Néanmoins, Edouarde s'était vu attribuer une place dans l'état major. Le prince avait justifier que c'était pour sa connaissance du terrain, mais Edouarde savait que c'était faux. Le prince comme le Roi savait qu'Edouarde avait les capacités pour devenir l'un des plus grands chevaliers du Grand-Royaume, en plus d'un des plus grands chefs militaires du siècles.

Ils arrivèrent finalement dans la petite cours où le fils du comte Argenté les firent descendre de cheval.

Ce dernier avait la même carrure que son père. Brun de cheveux et les mêmes yeux gris, il était plus grand qu'Edouarde mais seulement d'un demi-pied. Il portait une armure totalement argentée avec une lune gravée sur le plastronet par dessus une cape bleu laissant apparaître des reflets de la même couleur sur l'armure polie. La main sur la garde de son épée, il s'adressa directement à Edouarde: «Bienvenue à l'Argenté sir Rivers. Si vous ne voyez pas d'inconvénient, mon père voudrait que vous laissiez vos armes ici. Vous comprendrez sûrement sa méfiance. Il vaut mieux l'être trop que pas assez, selon lui.»

Edouarde hésita. Il rechignait à se séparer de son épée. Il l'avait toujours à la ceinture depuis que la guerre avait commencé. De plus, en cas d'attaque, il faudrait mieux l'avoir à portée de main.

Il allait demander pourquoi, quand le comte Argenté fit irruption dans la cour. Suivi par deux garde tout deux au couleur bleu de l'Argenté, il portait quant à lui, comme son fils, une cape bleu et une armure polie. Sans hésiter un seul instant il dégaina son épée, puis attrapant le surcot d'Edouarde, il la positionna contre sa gorge.

«Je vous laisse dix secondes pour me prouver que vous n'êtes pas à la solde de l'étoile pourpre, et pour me dire ce que vous faites là!»

Totalement surpris, Edouarde n'eut pas le temps de réagir. Ses amis dégainèrent leurs épées, mais rapidement il comprit qu'ils ne lui seraient d'aucun secour. Des arbalétriers étaient postés sur les remparts en haut de la cour et les tenaient en joue. «Dans ma sacoche, sur ma selle, il y a un parchemin avec le sot royal. Vous pourrez vérifier, il n'est pas brisé. Le prince Louis nous a envoyer vous transmettre le message, si nous arrivions à traverser les lignes de l'étoile pourpre. Il était déjà parti quand nous sommes arrivé.»

Sans desserrer sa prise, le comte fit un signe à son fils qui alla fouiller dans la sacoche d'Edouarde. Il en ressortit la lettre et après un signe d’approbation de son père, il la décela et la lut sans qu'Edouarde ne puisse entendre. «Il dit vrai, certifia le fils. La lettre n'est pas fausse et elle vient bien du Roi. Ou plutôt de son frère, le prince Louis.

- Celui-là, il aura ma peau, siffla le comte en lâchant Edouarde. Donne moi ça. J'espère qu'après les récents événements, il ne va pas nous demander de quitter la forteresse pour venir lui obéir à lui et à son frère comme des chiens.» Fourrant la lettre dans sa ceinture sans même la lire. Il se retourna et partit par l'endroit où il était venu en faisant signe à Edouarde de le suivre.

Edouarde défit son ceinturon et le donna au fils avant de le suivre. Il se retourna avant de rentrer dans la tour, faisant signe à ses amis de rester. Il ne pensait pas rester longtemps à l’Argenté.

Le prince Louis l’avait prévenue de la mauvaise humeur du comte Argenté, mais Edouarde ne pensait pas qu’elle était aussi forte. Il s’attendait à ce que le comte soit méfiant au début, mais pas à être menacé de mort dès son arrivée. Que se serait-il passé si nous étions arrivés avant que l’étoile pourpre n'ait levé le siège, pensa-t-il. Il ne nous aurait sûrement pas fait rentrer, et nous serions mort massacrer par l’étoile pourpre sous les remparts du château. Peut-être qu’une fois mort le comte nous aurait cru. Edouarde frissonna. Il valait mieux ne pas penser à cela.

Il suivit le comte dans la tour alors que celui-ci prenait les escaliers qui menaient aux remparts. Une fois arrivé en haut, Edouarde put voir la citadelle entière de l’Argenté.

Rien n’était comparable. La famille Argenté était l’une des familles les plus riches des terres de la couronne, et cela se voyait. Le château était séparé en trois parties. L’enceinte, où Edouarde se trouvait, était assez grande pour accueillir une armée entière. Juste après les remparts, s’étendait une grande plaine faite pour les entraînements des soldats en temps de paix, et pour accueillir une armée ainsi que les serfs du comte en temps de paix. Les paysans avaient ainsi rassemblé tout leur bétail dans l’enceinte du château avec sûrement toutes les moissons pour l’hiver, ou du moins ce que l’étoile pourpre n’avait pas brûlé. L’enceinte devait sûrement accueillir plus de cinq cent personnes, sans compter les hommes d'armes du comte et ses chevaliers. Il y avait très peu de maisons construites. Le peu de bâtiment qu’Edouarde pu voir, était des granges pour stocker le grain pour l’hiver et abriter le bétail. Les paysans et les soldats étaient logés dans des tentes. Edouarde en vu tellement qu’il ne pus les compter. Les chevaliers quant à eux, pouvaient dormir dans le castral du seigneur. Celui-ci était gigantesque faisant plus de quatre vingt pieds de haut. Il dominait l'entièreté de l’enceinte ainsi que les plaines environnants la citadelle. Tout en haut flotté l’étendard argenté du comte, lune argenté sur fond bleu. On pouvait accéder au castral que par un pont qui en cas de prise de l’enceinte pouvait se remonter. Mais le plus impressionnant était le donjon. Construit à une vingtaine de pieds du castral, il n’était même pas situé dans l’enceinte. Totalement à l’extérieur du château, il faisait plus de cent vingt pieds de haut, et on ne pouvait y accéder que par un second pont-levis. C’était là où le comte et sa famille logeaient. Cette partie du château était tout simplement impossible à prendre d’assaut. Que ce soit avec des tours d’assaut ou des échelles, le donjon était imprenable. Mais si le donjon en vient à être attaqué, c’est que le reste de la citadelle est tombé et qu’il n’y a plus aucun espoir, pensa Edouarde. Une position imprenable, mais totalement inutile.

Il se détourna du spectacle qu’offrait la forteresse pour rattraper le comte Argenté. Une fois arrivé à sa hauteur, il attendit que le comte ouvre la discussion. En même temps, c’était lui qui lui avait demandé de le suivre. Ils avancèrent en silence au-dessus de la barbacane pour finalement stopper la marche au-dessus de la porte. Là, le comte tira de sa ceinture le message et le lut. Une fois fait, il la fit brûler avec une torche accrochée aux remparts, puis il laissa tomber dans le vide les cendres. Finalement, il se tourna vers Edouarde: «Avez-vous lu la lettre avant de me la donner?

- Non, répondit Edouarde sans hésiter. Elle vous était destinée. Ou du moins c’est ce que le prince Louis m’a révélé. J’avais pour ordre de percer les lignes de l’étoile pourpre et de vous la remettre.

- Depuis quand êtes-vous lieutenant?

- Seulement depuis quelques semaines. Elles sont passées très vite. C’était après la bataille de Montgargant et notre défaite. J’ai appris que deux de mes frères étaient mort à la bataille de La Tour. Le troisième aurait été fait prisonnier par l’étoile pourpre.
- Connaissant la réputation de l’étoile pourpre, vous devez sûrement vous doutez qu’il est mort.»

C’était vrai, il y avait pensé. Fall pourrait très bien être mort dans le campement de l’étoile pourpre. À servir les dessins infâmes du bâtard. Même s’il en espérait le contraire, c’était plus que probable. L’étoile pourpre massacrait les honnêtes gens du Grand-Royaume par pur sadisme. Il aimait ça. Sinon pourquoi partir faire des massacres dans le sud. C’était l’incarnation de Hell en personne. Même son blason le prouvait. Il avait embrassé la foi du Dieu des enfers. Sinon comment aurait pu ramener ses hommes à la vie. Le prince Louis avait insisté pour que l’armée entière sache que c’était de faux mort-vivant, mais Edouarde savait ce qu'il avait vu. Rien ne pouvait les arrêter, aussi bien les flèches que les épées. L’étoile pourpre avait sûrement dû pactiser avec des démons pour accomplir son acte. Ou peut-être même avait t-il embrassé la foi des sept apocalypses. Lui et ses hommes n’étaient plus dignes de porter le titre de citoyen du Grand-Royaume. S’il avait pactisé, alors qui sait quel tourment il faisait subir à ses prisonniers et au frère d’Edouarde.

«Je préfère éviter d’y penser, affirma Edouarde. C’est mieux ainsi. Il vaut mieux se concentrer sur le temps présent et la guerre.

- Vous êtes encore plus cons que je ne l'imaginais, répliqua le comte.

- Je vous demande pardon?

- Oubliez ça. Donc si vous n’avez pas lu la lettre vous ne savez pas ce qu’elle contient. N’importe quel idiot l’aurait fait. Mais pas vous. En même temps, je trouve cela normal. Quatrième fils du marquis Rivers, vous ne vous attendiez pas à vous retrouver si rapidement en ligne de succession. Vos frères étaient fait pour diriger, on leur à appris toute leur vie. Vous, on vous a appris à suivre, à obéir. Et désormais vous voilà héritier du duché de Fort-Rivers.

- C’est Fall l’héritier de ma maison, protesta Edouarde.

- Bien-sûr. À condition qu’il survive, dit le comte avec un aire sournois et un sourire au lèvre. L’étoile pourpre n’a jamais été clément avec ses ennemis. Vous avez sûrement entendu parler de la ville de Termor. Plusieurs mois de siège dans le sud. La première fois que l’étoile pourpre a buté contre une ville. Quand il l’a enfin prise, il n’a fait aucun quartier. Grand ou petit. Prince et roturier en passant par simple marchand. Il les a tous massacrés. Pas un seul survivant. Et cela en moins de trois jours. Jusqu’alors, on le surnommait le prince des batailles. Après cela, ce fut l’étoile sanglante, ou l’étoile pourpre. Cet homme est un boucher. Si votre frère est entre ses mains, alors je ne donne pas cher de sa peau.»

Edouarde dégluti. Il savait pour la ville de Termor et le carnage qui avait suivi le siège. Il savait aussi pour la réputation de l’étoile pourpre. Il crucifiait les princes des grandes cité, noyé les marchands sur des roues tournantes, laissé ses hommes violé les femmes et les enfants des grands seigneurs, écorcher les soldats ennemis qui s’opposaient à lui, ou laissé des animaux en tout genre dévorait les paysans des terres qu’il conquérissait quand il refusait de se battre pour lui. Il était l’incarnation du diable. Pas très étonnant qu’il ait embrassé la foi des sept apocalypses et ne prit que le dieu des enfers. C’était un satanique, un fou, un meurtrier, un hérétique.

Face au vision d’horreur de son frère dans les mains de l’étoile pourpre, il préféra changer de sujet. «Je pensais que vous auriez plus de serf, vu l'étendue de vos terres. Est ce que les autres se sont fait massacrer par l’étoile pourpre avant d’avoir pu rallier la citadelle. Nous n’avons vu aucune ferme habitée pour venir ici.

- C’est vrai, la citadelle n’a pas assez de place pour accueillir tous mes serfs. Mais je vous rassure, ils n’ont pas été massacrés par l’étoile pourpre. Les seuls qui sont ici sont ceux qui étaient les plus à l’ouest de nos terres. Le reste s’est réfugié dans les montagnes. Au cas où l’étoile pourpre voudrait s’en prendre à eux, ils auront plus de facilité à se défendre ou à lui échapper. Mais en général, l’étoile pourpre ne s’attaque pas aux serfs. Il préfère garder ses hommes pour combattre nos armées. Avant d’être un boucher, c’est un militaire. Et il sait quand il doit préserver ses hommes. Sinon ma forteresse serait tombé avant même que je la rallie.»

Il se détourna d’Edouarde pour regarder un moment les hommes qui s'activaient pour créer un campement juste en dessous. Edouarde se pencha à son tour et pu voir ses hommes. Sir Malterne Lidove avait fait du bon travail. La plupart des tentes avaient été montées et les fossés commencèrent à se former tout autour du campement. Certains cavaliers revenaient même avec des troncs qu’ils avaient coupé dans un bois à quelques milles de la citadelle. Dans moins de deux heures le campement serait prêt, et ils pourraient commencer à se reposer. À moins que l’étoile pourpre ne débarque et ne lance une attaque surprise, songea Edouarde dans un frisson.

Finalement le comte Argenté se tourna vers lui avec une mine sévère: «Le prince Louis veut que j’abandonne ma forteresse pour venir défendre la sienne. Il pense que l’étoile pourpre veut forcer un affrontement avec toutes ses troupes devant la cité d’or. S’il parvient à prendre la cité, alors la guerre sera finie et moins de trois mois. La pire défaite du Grand-Royaume, en trois putain de mois. La famille Roy ne pourra jamais se remettre d’une telle défaite. Le Roi Charles sera sûrement obligé d’abdiquer. Cette maison est la mienne depuis quarante ans. Jamais elle n’a été prise de mon vivant. Je me suis battu toute ma vie pour que nous soyons la famille la plus puissante des terres de la couronne. Je n’abandonnerai pas mon château et ma maison pour empêcher le Roi Charles de perdre son trône. Mais je n’accepterais encore moins de voir l’étoile pourpre s’asseoir dessus. Je lui laisse donc tous mes chevaliers et hommes d’armes qui sont encore dans son armée. Ils défendront la cité d’or et les Roy comme ma famille le fait depuis mille ans, et mon fils vous accompagnera. Il portera ma bannière, mais il doit revenir vivant de cette guerre.

- Le Roi ne va pas aimer cela, fit remarquer Edouarde. Il voulait que ce soit vous qui représentez sa famille et pas sir Orrine.

- Orrine n’est plus mon fils, répliqua le comte d’un coup avec une expression de colère qu’Edouarde n’avait jamais vu ailleurs. Il a quitté la maison il y quinze mois pour devenir chevalier errant. Il a changé de nom et les dieux savent pour qui il se bat maintenant. C’est mon second fils qui viendra, celui que vous avez vu à l’entrer: Lend Argenté. Il n’est pas encore chevalier mais il le deviendra bientôt avec cette guerre. C’est lui mon véritable héritier, Orrine n’est plus digne d’être appelé mon fils, il n’est pas digne de porter le nom de mes ancêtres.» Puis d’un seul coup il se retourna et partit vers la direction du castral de ses ancêtres. «Vous partirez demain à la première heure. Je ne veux pas voir un seul de vos hommes devant mon enceinte au lever du soleil. Dites au prince que je resterais défendre ma maison, qu’il aurait dû faire le bon choix quand nous lui avions proposé. Son frère n'apporte que la ruine au Grand-Royaume.»
Elersor87

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Re: Le Théâtre du Pouvoir [fantasy-dark fantasy-guerre-intrigue]

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XV. Darrion Holl, le kraken vert


Les vagues frappaient contre la coque faisant vibrer l'entièreté du bâtiment. Les bâtiments de Mitiléne étaient solides, il n’y avait rien à craindre et cela Darrion le savait très bien. Ces navires étaient à l’image de son peuple, à son image. Implacable, invincible, les terreurs de l’océan. Chacun craignait ses voiles à l’horizon. Il était l’enfer sur mer et rien ne pouvait l’arrêter lui et sa flotte. Rien ne lui faisait peur. Ni lui, ni sa flotte.

Les vagues continuaient de s’écraser contre la coque du navire. Mais pourtant il n’y prêtait guère attention. Les cloches du port de l’Hersœur sonnaient. Elles nous acclament, pensa Darrion. Elles sonnent notre arrivée. Depuis que l'île du dragon était en vue, les cloches sonnaient. Le phare de l’Hersœur avait une très bonne, disait-on. Il était normal que les cloches aient commencé à sonner avant qu’il n’est aperçu le port.

D’après les rapports de l’Espadon, la flotte de l’Hersœur n’était composée que d’une vingtaine de bâtiments, et seulement une dizaine de galère. La flotte de Darrion, quant à elle, en avait quatre vingt dix, dont cinquante galères et dix bateaux tortues la perle de sa flotte. Lui et sa flotte n’en ferait qu’une bouchée. Il s’imaginait déjà perçant les coques de leurs bâtiments. Rien ne lui procurait autant de joie. Il faudrait néanmoins être magnanime, sinon il n’aurait pas le temps de monter à l’abordage. Darrion prenait du plaisir à voir ses ennemis couler, mais il préférait aborder lui-même les bâtiments ennemis et faire un carnage dans leurs rangs. Darrion était un soldat, un capitaine, un Roi, il devait faire honneur à ses titres. Il devait être le fer de lance de son armée.

L’air sentait le renfermé. Mais aussi l’odeur du sel et de la mer, pensa-t-il. Mon odeur. Celle de ma maison. Il passait sa vie dans son navire. Fait expressément pour lui, selon ses plans à lui. Le navire amiral de sa flotte. Même si tout le monde le surnommer la grande tortue, son véritable nom était le Grand-kraken. Presque quatre vingt pieds de longueur et totalement recouvert de pique, les matelots devaient passer leurs journées dans une grande cabine. Aménagé afin qu’elle soit confortable pour les occupants, mais Darrion n’en avait cure. Ses enfants, qu’il les appelait, étaient des bêtes de guerre, des engins de mort. Ils ne devaient pas être confortable, ils devaient être efficaces. Le navire pouvait tirer de tous les côtés. Ils possédaient une voile pour la haute mer, et des rames pour les batailles ou les manœuvres. La cabine était totalement recouverte de pique afin d’éviter tout abordage. En théorie, le bâtiment était fait pour la destruction. Il avait pour but de détruire le navire ennemi sans avoir à subir aucune perte. Mais Darrion aimait le goût du sang. Il avait alors fait construire au-dessus de la cabine, un poste d’abordage. Le bout était en forme de tête de dragon, et était assez solide pour s’écraser sur le pont ennemi et faire un abordage suivi d’un carnage.

Il regarda par une fenêtre de baliste à tribord pour voir si le reste de la flotte suivait le mouvement. Il menait la tête à bord du Grand-kraken. Comme à son habitude. Le bâtiment allait tellement vite qu’il dut regarder bien en arrière pour apercevoir le reste de sa flotte. «Devons-nous réduire l’allure majesté? demanda Walt son timonier.

- Non, répondit Darrion. Maintenez l’allure. Le reste de la flotte suivra. Nous serons les premiers dans la bataille.»

Des quatre vingt hommes jaillirent des cris de guerre. Ils avaient soif de sang, comme Darrion.

Le navire continua sa route. Darrion resta sur la fenêtre jusqu’à ce qu'il voit l'île du Dragon. Totalement recouverte de pierre et balayée par les vents. Elle servait au comte de l’Hersœur pour y mettre ses prisonniers, ou les personnes malades de sa cité. L'île était totalement entourée de récif, même avec un canot y accosté serait une tâche ardue. Darrion savait qu’il y a des dizaines d’années une maladie avait décimé une grande partie de la population du Grand-Royaume. Le marquis s’était servi de l'île pour y laisser mourir les malades sans qu’il ne contamine toute la ville. Pendant un moment, ils avaient cru que cela marchait, mais en réalité le mal était installé et la pandémie avait continué à décimer la population.

L'île était inhabitable. Il ne fallait pas être étranger pour le savoir. Mais cela devait être bon pour les prisonniers. De cette façon, ils étaient plus en communion avec les étoiles. Une mort dans l’océan ne valait aucune autre mort.

Quand ils eurent dépassé l'île du Dragon, Darrion alla se placer devant les fenêtres avant pour voir le port de l’Hersœur. Les vaisseaux du comte formaient comme une muraille devant lui. Seulement douze, compta -il. L’Espadon avait pourtant dit qu’il y en avait une vingtaine. Bah, de toute façon ils seront tous au fond de l’eau à la fin de la journée.

Le Grand-Kraken avançait plus vite que le reste de la flotte. Darrion l’avait construit pour cela. Il voulait que son navire soit le plus rapide de la flotte. Aussi il y avait deux fois plus de rameurs sur les flancs du bâtiment. Il y avait même plus de voile que n’importe quel autre bateau de la flotte, même si pour le moment il ne les utilisait pas. Il y avait trop de risque que l’ennemie cherche à embraser la voile afin de couler le Grand-Kraken.

Il regarda une nouvelle fois par un hublot et vit que la flotte ennemie avait défait sa formation. La plupart était des voiliers et avec le vent venant du sud soit sur leur côté gauche, ils avaient beaucoup de mal à faire avancer leurs bâtiments. Mais la marée était de leur côté et les poussaient au large. Seule une galère qui se tenait au centre de la formation avait réussi à se détacher du reste de la flotte et voguait droit sur le Grand-Kraken. Ce sont des braves ceux là, pensa Darrion. Ils n’ont pas peur de mourir, de vrais fils de la mer. Dommage que l’on doive les tuer.

«Ces salauds nous envoie un comité d’accueil, cria-il à son équipage. Allons les massacrer comme il se doit!» Des cris jaillirent de toute l’immense cabine. Des cris de joie, des cris de guerre. «Préparer les balistes sur tribord! Pas besoin d’aborder le navire, ni de l'éperonner! On se contente d’y mettre le feu et on passe au suivant! Je veux que ces chiens soient embrasé en moins d’une minute! Je veux que le navire soit au fond de la baie avant que le reste de notre flotte ne soit arrivé! Pensez vous être capable de faire cela! Pensez vous pouvoir envoyer ses fils de chien par le fond!» Partout dans la cabine des cris d'approbation et des rires fusèrent.

«Majesté, demanda un Orstenn son second à côté de lui. On aurait l’avantage en abordant leur navire. Nous pourrions même faire une belle prise.

- C’est juste, répondit Darrion. Mais je compte bien en attaquer un voire deux autres après. Pas besoin de précipiter les choses. De plus, il faut de la place à nos navires pour manœuvrer. Ces fils de chien ont fait avancer leur navire trop loin des remparts. Si nous abordons maintenant cela pourrait bloquer le passage au reste de la flotte. S’il y a un amas de bateau, un feu peut se déclencher et je ne veux pas prendre le risque de perdre le Grand-Kraken. Nous allons nous contenter d’y mettre le feu et de passer au suivant. Ne t’en fais pas il y en aura assez pour tout le monde.

- Sire, cria un homme sur le pont supérieur. La galère se trouve à moins de cent-cinquante pieds.

- Préparez vous à l’envoyer par le fond, cria Darrion en se postant vers le pont supérieur. Attendez mon ordre pour décocher. Après cela, recharger immédiatement, et continuer jusqu’à ce qu'il soit totalement en feu. Visez principalement le bas de la coque il doit couler le plus rapidement possible.»

Sitôt sa phrase terminée, il monta sur le pont supérieur. Le pont supérieur était beaucoup plus petit que la cabine. Il ne permettait qu’à une quinzaine d'hommes de se tenir. Il était protégé par les piques de la carapace de cuivre sur les côtés et avait une petite passerelle qui lui permettait de quitter le pont.

Il se positionna près du bastingage et regarda la galère ennemie qui approchait. La plupart des hommes qui s’y tenait était armée pour la plupart d’arc et d’arbalète avec des tenues légères. Les plus braves avaient revêtue des petites côtes de mailles. Ils ont peur de se noyer. Tous des pleutres, des lâches. La mer est notre ami. Une mort venant d’elle est de ce qu'il y a de plus beau. Le navire se tenait à une cinquantaine de pieds en avant du Grand-kraken. Darrion sentit la tension monter en lui. Il aurait voulu attaquer le bâtiment en l’abordant. Il voulait être au cœur du combat et sentir le sang gicler autour de lui, il était né pour ça. Mais il faudrait attendre. Mettre le feu à la galère serait plus rapide et plus efficace.

Il attendit que la galère vire de bord pour les éperonner quand il donna l’ordre. Juste en dessous de lui, des flèches enflammées sortent à la volée de la cabine. Elles traversèrent la galère d’un coup pour la plupart, créant des failles partout dans le navire. Darrion vit le bois se fendre un peu partout sur la coque. Certaines flèches se plantèrent simplement dans la coque commençant à provoquer de petit incendie. L’idée d’aborder le Grand-kraken abandonna rapidement les hommes d’équipage. Certains commencèrent à se jeter à l’eau quand d'autres essayer d’éteindre le feu. La deuxième volée des balistes traversa encore une fois la galère provoquant encore plus de dégâts qu’elle en avait déjà subie. Rapidement se fut la moitié de l’équipage qui sauta comme un seul homme à la mer. Leur capitaine leur aboya des ordres pour tenter de les faire remonter quand une flèche de baliste fit exploser son thorax l’envoyant au passage dans la mer. Puis dans un rugissement, la coque entière se fissura pour finalement tomber en morceaux. En quelque minute à peine le bâtiment coula alors que les rameurs prisonniers à l’intérieur essayaient de sortir. Darrion les regarda hurler essayant de sortir des débris de la galère alors que la mer les enlacer de ses bras.

Il se détourna du spectacle et cria à l’intérieur de la cabine: «Ordonnez au rameur s’accéléraient la cadence! Manœuvre d’éperonnage! Préparez vous aussi à un abordage! Je veux une trentaine d’homme avec moi pour aborder le prochain navire que l’on rencontrera!»

Ses hommes commencèrent alors à revêtir leurs armures et à attraper leurs armes. Darrion avait enfilé son armure il y a trois jours. Il ne l’avait pas quitté depuis. Son poids le rassurait. Il l'avait fait faire sur-mesure pour lui, à son image. L’armure était verte et noir, avec un kraken gravésur toutes les plaques. La casi enierté de l’armure était faite d’épaisse plaque d’acier noir ou vert. Seules les articulations étaient protégées avec du cuir et de la maille. Darrion n’avait pas peur de la noyade. La mer ne l’avait pas encore appelée. Il la rejoindrait le moment venu les armes à la main. Il se fichait bien de la mort. Celle par les eaux était la plus belle. Il la préférait mille fois à une mort dans le sang ou pire par le feu.

Rapportant son attention sur la flotte ennemie, il vit que deux voiliers se diriger temps bien que mal vers le Grand-kraken : l’Espadon et la Marais-noir. Le premier ressemblait plus à un bateau de pêche qu’à un vrai navire de guerre. Le second était un peu plus grand mais ne portait de militaire que le titre. Il devait y avoir au tout au plus cent-cinquante hommes sur les deux bateaux réunis. La Marais noir en comptait beaucoup plus que l’Espadon mais elle avait plus de mal à avançait que ce dernier.

«Préparez vous, cria Darrion. Dès que nous aurons percer la coque de l’Espadon nous monterons à l’assaut de la Marais-noir. Je veux une cinquantaine d’hommes avec moi pour l’aborder!»

Bien que l’Espadon est compris sa manœuvre, il n’arriva pas à changer sa trajectoire. C’était un simple voilier, de plus la marais le poussait vers le Grand-kraken. Sa coque fut percée dans un craquement sourd. Puis les balistes du Grand-kraken mirent feu à ce qu’il restait du bateau. En quelque minute à peine, les soldats et marins durent sauté à la mer pour ne pas couler avec le navire. Certains arbalétriers de Darrion vinrent se poster à côté de lui, et tirèrent des volés de carreaux sur les nageurs. Darrion pu voir les cadavres de plusieurs d’entre eux remonté à la surface. Certains tentèrent de s’agripper au débris de la coque. Mais les archers de Mitiléne ne rataient jamais leurs cibles. Cela ne servait à rien de se cacher. Chacun leur tour les nageurs finirent par être engloutis par l’eau qui les entraînait par le fond.

Puis le Grand-kraken vira de bord et se tourna vers la Marais-noir. Il était trop tard pour l'éperonner. Ayant pris une position de façon à ne pas exposer ses flans à l’éperon du Grand-kraken, il se préparait à un abordage de Darrion. Ce dernier ne se fit pas attendre et descendit dans la cabine pour accéder au poste d’abordage.

«Faite sortir la tête de dragon, cria-t-il. Stentor Nacre à vous le commandement.

- Bien Sire, répondit celui-ci.»

Puis sortant sa hache et attrapant son bouclier avec un kraken vert peint, il se tournant vers les hommes qui préparait l’abordage en criant: «Ceux sont des preux qui nous attaquent, allons les massacrer comme il se doit!» Ses hommes répondirent en criant «Kraken!» ou «Mitiléne!» et en levant leurs armes. Puis Darrion se dirigea vers la tête de dragon.

Une fois dessus, les hommes d’équipage actionnèrent un mécanisme afin de faire sortir la tête de dragon et la passerelle qui permettait l’abordage. Comme à son habitude, Darrion était en premier. Il n’attendit pas que la passerelle tombe dans un fracas sur le pont de la Marais-noir, il sauta de la parcelle sa cape verte tournoyant derrière lui, lui faisant l’effet d’aile de dragon. «Mitiléne", rugissa Darrion en retombant sur le pont de la Marais noir. à peine fut-il relevé que deux marins se jetèrent sur lui. Ils voulurent porter leurs attaques, mais Darrion fut plus rapide. Avec sa hache, il sectionna le bras du premier pendant que la lance du second fut stoppée par son bouclier. Il tira d’un coup sec son bouclier, si bien que le second adversaire fut projeté vers lui. Il lui envoya sa hache sur le crâne et lui fendit la tête du premier coup. Le marin s’écroula alors sur le sol dans une mare de sang.

Derrière lui, ses hommes déferlaient telle marais sur les ennemies, frappant de taille et d’estoc. Darrion se joignit à eux. Voilà ce qu’il aimait le sang et la peur de ses ennemis. Plusieurs idiots tentèrent de le tuer, mais aucun n’avait sa rage au combat. Un par un, il les défit pour finalement se retrouver couvert de sang frais.

La plupart ne portait pas d’armure, aussi Darrion avait l’impression de tailler dans du beurre à chaque fois que sa hache rentrait dans la chair. Parfois certains réussissait à porter un coup à Darrion. Mais son armure était trop épaisse est paré tout les coup qui n’était pas intercepté par son bouclier. En seulement quelques minutes, son bouclier de pins vu tellement tailladé qu’on distinguait même plus le kraken. Un soldat réussit néanmoins à le faire craquer. Darrion ne savait pas le lequel s’était. Il avait perdu le compte depuis longtemps. Il portait une épée à deux mains qu’il maniait avec une fureur digne des hommes du nord. Il envoya de toutes ses forces son épée contre le bouclier de Darrion et celui-ci ne résista pas plus longtemps. Il explosa en une dizaine de morceaux de bois se projetant dans toutes les directions. Pris de fureur, Darrion leva haut sa hache et tenta de pourfendre le crâne de son adversaire. Celui-ci esquiva l’attaque en faisant un pas sur le côté et renvoya son épée sur Darrion. Sans son bouclier il dut encaisser l’attaque. Celle-ci fut si forte qu’elle projeta Darrion au sol à la merci de son adversaire. Son adversaire prit alors son épée par la lame de manière à lui envoyer la garde dans le ventre et avoir ainsi une chance de percer son armure. Darrion roula alors d’un coup sur le côté, manquant de peu la garde qui s’enfonçait dans le pont de bois. Alors que son adversaire tentait de la retirer, il lui envoya sa hache dans la jambe la tranchant d’un seul coup. Le soldat rugit de douleur et s’écroula au sol les mains appuyant sur sa jambe. Darrion se releva et regarda son adversaire. «Une dernière parole?» Le soldat le regarda avec des yeux horrifiés. La peur se lisait dans ses yeux. Mais aussi une rage envers Darrion. «Va chier connard!» Darrion s’esclaffa de rire. «Pas très doué pour mourir toi. T’étais meilleur au combat.» Puis levant sa hache, il lui enfonça dans le crâne avant de la retirer et regarda le cadavre s’écrouler sur le pont.

Il se retourna pour voir le carnage que ses hommes avaient laissé. Les cadavres des marins de l’Hersœur gisaient partout. Les crânes défoncés, les tripes leur sortant du ventre, les bras démembrés, les visages défigurés par les massues, les ventres transpercés par des lances et des épées. Autour de lui, ses hommes s'occupaient d'achever les mourants et de dépouiller les morts. Certains hommes demandaient grâce et il l’obtenait, une pointe d’épée dans la tête. «Pas de quartier, cria Darrion. Si s’est porc vous demande grâce, n’hésitez pas!» Cœur unis ses hommes rugirent la devise des Holl: «Contre vent et marais, nous sommes la tempête!»

Il se retourna et partit en direction de la tête de dragon. Il vit alors Balgarde Clyvorde couvert de sang. «Je vous laisse les hommes qui sont sur le pont, Balgarde. Le vaisseau est à vous, enfin pour ce qu’il vaut.

- Bien Sire. Merci Sire. Vous allez continuer l’attaque contre les autres bâtiments de la flotte de l’Hersœur?

- J’ai presque cent navires dans ma flotte. Ils n’en ont que vingt. Non, maintenant nous allons sur le port de l’Hersœur. Rejoignez nous quand vous aurez fini de vider la Marais-noir. Le port tombera dans la journée. Il serait dommage que vous manquiez l’événement.»

Puis le poussant sur le côté, il remonta sur la passerelle et regagna le Grand-kraken.

Une fois à bord il fit signe à Stentor Nacre de se dégager pour continuer vers l’Hersœur. Son écuyer, Ralf-une-main, lui apporta un nouveau bouclier avec un kraken peint. Ce dernier avait perdu sa main des années auparavant, mais savait très bien se débrouiller sans. Darrion s’était pris d’une affection pour lui malgré son jeune âge (quatorze ans).

Il enfila le bouclier sur son bras gauche avant de donner à Ralf-une-main sa hache pour qu’il l’affûte. Il se détourna de son écuyer et regarda les remparts de l’Hersœur qui approchait dominant de leurs tailles le Grand-kraken. Par dessus les archers commençaient à s’activer et encocher leurs flèches. Ils se préparent à accueillir leur mort, pensa-Darrion. Cela ne servira à rien mes hommes les massacreront comme du bétail.

Le navire se dirigea lentement vers les remparts sous une pluie de flèches. Chacune d’entre elles ricochent contre la carapace de cuivre de son navire. Aucune n’arriverait à percer la carapace trop épaisse. Puis alors qu’il observait la tour de la chaîne qui fermait l'entrée du port, le navire entier vu agité du grande secousse, avec un choc sourd au-dessus de Darrion.

«Ses salauds utilisent des trébuchets pour nous couler, cria Ralf-une-main.

- Qu’ils essayent, répliqua Darrion. Mais qu’ils essayent vite. Bientôt nous déverserons sur eux comme les sept apocalypses, cria-t-il à l’adresse de tout l’équipage. Ils nous imploront pitié, pendant que nos haches les pourfendront! Ses chiens se pisseront dessus alors que nous nous déverserons sur eux! Pas de pitié! Massacrez les tous et faites de même avec la ville! Vous avez quartier libre! Mais je veux que cette ville tombe avant la fin de la journée! Pas de pitié! Pas de pitié pour c’est pleutre qui se cache derrière leurs hautes murailles! Pas de pitié pour des lâches! Derrière ces remparts se cache l’immortalité! Personne n’a jamais réussi à attaquer, comme nous le faisons en ce moment, le Grand-Royaume! Quelque soit l’issue de cette bataille, vos noms seront gravés dans l’histoire! Jamais, au grand jamais, personne n’a pu faire trembler le Grand-Royaume et la dynastie des Roy! Mais aujourd’hui nous allons ouvrir les portes d’un royaume que personne n’a jamais réussi à pénétrer! Ouvrons les portes de l’immortalité! Je vous jure que vos noms seront gravés dans l’histoire et que personne ne pourra jamais les effacer! Pas de pitié! Mort aux Orois! Nous sommes la tempête! Rien ne nous arrêtera! Aujourd’hui la dynastie des Roy va trembler comme jamais! Nous sommes la tempête! Contre vent et marais, nous sommes la tempête!»

Comme d’une seule voix, d’un seul cœur, d’une seule âme, ses hommes rugirent: «Nous sommes la tempête! Contre vent et marais, nous sommes la tempête! Pas de pitié!»

Puis, saisissant sa hache que lui tender Ralf-une-main, il ouvrit la porte de la tête de dragon et se posta sur la passerelle. Cette dernière se leva d’un coup à l’avant du navire, alors qu’il n’était plus qu’à quelques dizaines de pieds des remparts de l’Hersœur. Accroché à un boute, il sentit le vent siffler dans ses oreilles ainsi que le sel et le sable provenant de la plage, voire même le sang qui ruisselait sur son visage. Atterrissant d’un coup sur le sable humide de la plage, il sentit une nuée de flèche lui tomber dessus. Mais il n’en avait rien à faire, son armure était solide. Regardant à sa gauche, il vit que trois autres bâtiments venait de s’échouer sur la plage et avec eux une marais de Mitilien en colère. La rage se sentant dans leurs yeux. «Mitiléne", rugie Darrion avant de s’élancer vers les remparts de la cité.

Derrière lui ses hommes sortirent du Grand-kraken des échelles por escalader les murs, et comme un seul homme ils les posèrent sur les remparts de l’Hersœur.

Darrion fut le premier à escalader les remparts. Les flèches des soldats de l’Hersœur ricochant contre son armure de plaques. Arrivé en haut des remparts, il fit tournoyer sa hache en criant «Kraken» avant de l’enfoncer dans le crâne de l’archer en face de lui, paralysé par la peur. Il sauta d’un bon sur la pierre dure en rugissant «Pas de pitié» les hommes reculant face à lui. Il n’attendit pas qu’ils reprennent leurs esprits et chargea avec toute sa rage. Tailladant de partout, frappant de taille sur tout ce qui n’était pas de Mitiléne. Bientôt sa hache se perdit dans un cadavre, son bouclier tomba une nouvelle fois en morceaux alors qu’il s’en servait bon exploser le crâne d’un adversaire. Aucun des soldats du rempart n’était de taille à lui faire face. Et encore moins à lui faire peur. Il dégaina son sabre épais et continua à frapper. Le rempart se gorgea rapidement de sang et de cadavres. Alors que Darrion les enjambait, il remarqua que les soldats de l’Hersœur battaient en retraite vers la tour de la chaîne. Il les poursuivit en frappant de partout et sans même sans rendre compte se retrouva à l’intérieur de la tour. Le sang ruisselant sur son visage, il commença à prendre l’escalier qui montait avant de se retrouver face à un adversaire. Ce dernier dominé Darrion avec sa position. Sans même hésiter, Darrion, rapide comme l'éclair, lui envoya son sabre dans le genou. Son adversaire rugit de douleur et Darrion en profita pour le faire passer par-dessus la rambarde avant de le regarder tomber dans le vide.

Il monta encore quelques marches puis se retrouva en haut de la tour. Il devait y avoir près de dix soldats au début de la bataille. Mais quand Darrion arriva seulement trois étaient encore debout. Le reste avait été abattu par des flèches ou des carreaux. Sans hésiter, Darrion chargea. Bien que épuisé par les combats sur les remparts, il trouva néanmoins la force de combattre. Ses adversaires avaient l’avantage sur lui et il s'en rendait bien compte. Dès qu’il le put, il envoya sa lame dans l’entrejambe d’un de ses adversaires. Celui-ci lâcha son épée et s’écroula au sol en gémissant. Les deux autres saisirent l’instant et alors que l’un d’entre eux lui portait un coup foudroyant contre son avant-bras armée, l’autre lui envoya son bouclier en pleine face. Tombant en arrière, il réussit tout de même à garder son sabre en main. Le premier lui lança une attaque à la tête alors que l’autre lança sa lame en direction du visage de Darrion. Mais l’épée n’atteignit jamais sa cible. Son bras fut tranché par Ralf-une-main qui avait suivi Darrion en haut de la tour. Il avait réussi à se bricoler un écus sur son moignon gauche de manière à s’en servir de bouclier. L’homme à la main tranchée s’écroula en sanglotant devant son moignon. Ralf-une-main n’hésita pas et lui trancha la gorge. Le second allait lui perforer la poitrine, quand Darrion se jeta sur lui. Lâchant son arme, il lui frappa de toutes ses forces sa tête. Pendant un moment, il n’eut plus de temps pour Darrion, qui se contenter de broyer avec ses poings le crâne de son adversaire. Puis voyant que celui-ci par quelques miracles bougeait encore, il le souleva et l’envoya hors des remparts pour qu’il aille s’écraser en contrebas.

Retombant en arrière, Darrion retira d’un coup sec son casque en forme de kraken qu’il envoya valser contre la pierre, il était tellement gorgé de sang que Darrion ne voyait presque plus rien. Puis il se releva et se mettant debout sur les créneaux, il regarda le spectacle qu’offrait la baie. Plus d’un tiers de la flotte avait engagé le combat. La plupart des navires de l’Hersœur était au fond de l’eau, quand ils n’étaient pas en train de brûler ou étaient capturer. Puis il vit le reste de la flotte ennemie. Les dix navires qu’il manquait avaient été séparés en deux petits groupes au nord et au sud du port. Sûrement caché au début de la bataille, la flotte nord avait engagé le combat trop tôt et se faisait massacrer quand Darrion n’avait perdu qu’un seul bâtiment. Seulement un seul se battait encore mais il avait été abordé par trois galères de sa flotte. La flotte du sud avait quant à elle plus de succès. Ayant attaqué plus tard, elle avait attaqué la flotte de Darrion sur le flan, alors que celle-ci était presque incapable de bouger. Ils avaient réussi à couler deux navires, en brûler deux autres pour seulement deux bâtiments perdus, dont un capturé.

Il se détourna de la mer et regarda les remparts en contrebas. Totalement rempli de cadavre, aussi bien marqué par les tour de chaîne de l’Hersœur que par le kraken de Darrion. Pourtant les seuls hommes encore debout étaient les siens. Ils avaient pris les arcs des morts et avaient commencé à tirer sur les soldats en contrebas. Malgré leur nombre supérieur d’archers, les soldats de l'Hersœur diminuaient très rapidement. Les archers de Mitiléne ne rataient jamais leur cible, Darrion le savait. Bientôt le marquis de l’Hersœur serait obligé de battre en retraite.

«Prend des hommes avec toi et allez faire tomber cette chaîne, ordonna t-il à Ralf-une-main. Il faut que ma flotte rentre dans l’Hersœur avant que ces fils de putes ne sabotent l’entrée du fleuve. S’ils y parviennent, alors nous mettrons des jours avant d'arriver à la cité d’or.

- Bien Sire, répondit Ralf-une-main. Je jure que le Roi Charles payera pour le viol de votre sœur.»

Darrion se retourna incrédule: «Ma sœur?

- Oui, votre sœur. Enoria Holl. Votre sœur.

- A oui, Enoria. Ils payeront. Allez-vous occupez de la chaîne. Nous ne devons pas perdre de temps.»

Une fois Ralf-une-main partie, Darrion quitta les créneaux pour atterrir sur le sol. Regardant un moment le port, il vit que les soldats de l'Hersœur commençaient à se replier dans la ville. Il attendit un moment avant d'entendre la chaîne tomber dans l'eau. Son Grand-kraken avait déjà quitté la plage et s'était mis en direction de l'entrée du port. Dès que la chaîne fut tombée, il fut suivi par une dizaine de galères qui se dirigeaient vers l'entrée du port. Il reprit l’escalier par lequel il était monté et vit Ralf-une-main qui avec une dizaine de Mitilien lui dirent que la chaîne était tombée.

«Très bien, répondit Darrion. Venez avec moi, les soldats de l'Hersœur se replient dans la ville. Nous ne devons pas leur laisser un moment de répit.» Il commença à se diriger vers la sortie de la tour, mais sentant que les hommes ne le suivaient pas, il se retourna et dit: «Le pillage est autorisé. Massacrez les tous.» Puis d'un coup, les hommes levèrent leurs armes.

Sur les deux mille hommes qui gardaient le port, seulement mille étaient restés pour défendre la cité. Et sur les mille, plus de sept cent étaient morts sur les remparts ou juste derrière. Les hommes de Darrion ne faisaient aucun quartier. Trois cent autres étaient restés pour défendre la partie sud de la cité ainsi que le château, mais ils étaient assaillis par plus de mille cinq cent hommes de la flotte de Darrion. La forteresse de l'Hersœur ne tiendrait pas longtemps. Le reste de l'après-midi fut un bain de sang dans les rues de la ville. Les quelques soldats qui restèrent pour la défendre furent massacrés. La ville entière subit les châtiments des Mitilien. Pendant la nuit des dizaines d'incendies furent déclarés, il n'y eut plus de justice ni de dieux. Les habitants furent livrés à eux-même. Tous les membres de la famille Herse qui n'était pas dans la forteresse furent attachés à des croix et furent envoyés sur la plage en attendant que la marée monte et les noie. Il en fut de même avec les officiers et les soldats. Pendant toute la nuit, on entendit leurs gémissements. La plupart des habitants de l'Hersœur qui résistèrent furent pendus, ou du moins les hommes.

Au beau milieu de la nuit, le capitaine de la Méduse, l'un de ses meilleurs navires, vint le trouver sur les remparts dominant la route qui menait à la cité d'or.

«Sire, dit le capitaine Regor. Ses fils de pute ont réussi à bloquer l'entrée du fleuve. Ils ont fait brûler le pont qui l'enjambait.

- Avez-vous commencé à le retirer, demanda Darrion.

- Oui, mes hommes y travaillent en ce moment. Mais il nous faudra tout de même plusieurs jours avant de le débloquer.

- Qu'il en soit ainsi. Autre chose?

- Oui. La forteresse est tombée. Nous avons capturé le marquis et toute sa famille.

- Que ceux qui étaient dans la forteresse soit mis sur la plage avec les autres. Sauf le marquis, il servira de figure de proue à mon navire. Quant à sa famille... Combien y avait-il de fille?

- Trois, Sire.

- Faites ce que vous voulez de deux d'entre elles, je vous les laisse. La dernière, je la garde pour moi. Mettez la dans la chambre du marquis. Je la rejoindrai plus tard.

- Bien Sire.»
Elersor87

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XVI. Alenna



L'hiver avait commencé. Cela se ressentait pas au vent froid, à l'air froid, aux habits froids, aux matins froids, tout était froid. Tout sauf la nourriture et le corps d'un homme. Et cela, Alenna l'avait bien compris. Quand ne bougeait pas, elle mangeait quand elle ne mangeait pas, elle était avec un homme. Et cela depuis Montgargant.

La bataille avait été rude et sanglante. Du moins, sanglante pour l'armée royale qui avait bien dut perdre des milliers d'hommes. Elle n'en était pas sûre. Elle ne faisait plus attention au nombre maintenant. Des dizaines, des centaines, des milliers, peu importe. Ils étaient morts. les cadavres ne pouvaient pas la contredire. Ils étaient morts. Cela Alenna l'avait bien compris. Elle ne referait plus jamais l'erreur de douter de l'étoile pourpre, comme personne d'autre dans l'armée. Sauf peut-être Vardlenne et son esprit entêté. Il doutait encore de l'expédition. Alenna se demandait dans combien de temps, il y croirait. Peut-être jamais. Cela n'avait pas d’importance. Rien n'importer. Rien pour le moment, sauf l'homme auprès d'elle.

Elle avait fini d'être avec Zechariad. Elle en avait fini avec lui. Certes il était gentil, mais c'était là le problème, il était trop gentil. Il laissait toujours Alenna choisir. Il n'avait en réalité aucune personnalité. Elle aurait bien voulu être avec Vardlenne, mais ce cons refusait toujours. Finalement elle dormait dans la tente d'un homme différent chaque soir. Généralement, elle ne se souvenait pas beaucoup de ses soirées. Lors de la plupart d'entre elles, Alenna était ivre et elle passait la nuit avec un homme qu'elle ne connaissait pas. Elle ne restait pas plus de deux nuits avec le même homme. Sauf celui qui était auprès d'elle actuellement.

Elle souleva un moment la couverture de fourrure qui les recouvrait. Celui-ci était de taille moyenne, les cheveux cendré voir gris. Il n'était pas très costaud mais savait faire en la matière.

Elle l'avait rencontré il y a trois jours, et elle ne s'était toujours pas lassé de lui. De ce qu'elle se rappelait s'était après avoir quitté l'Argenté. Elle s'était saoulé pendant la nuit, et au matin elle s'était retrouvée dans la tente de cet homme. Elle l'avait alors réveillé pour lui demander où elle se trouvait, mais il avait simplement répondu qu'ils étaient dans le quartier des généraux, avant de se rendormir. Elle avait alors peur d'avoir fait une erreur. Mais moins d'une demi-heure plus tard , il s'était de nouveau réveillé et l'avait rassuré en lui disant qu'il ne lui en voulait pas beaucoup et que grâce à elle il avait enfin réussi à dormir. Une chose qu'il n'avait pas faite depuis des semaines. Le soir elle avait réussi à retrouver sa tente ainsi que le soir d'après et celui d'après jusqu'à ce matin là.

Il ne refusait pas sa compagnie à la seule condition qu'elle parte avant le lever du soleil pour rejoindre sa propre tente. La seconde condition était qu'elle ne devrait pas dormir avec lui si le lendemain l'armée entière devait bouger. D'une certaine façon, Alenna ne se lassait pas de ça. Mieux, elle ne se lassait pas de lui et aimerait rester avec lui pour le reste de la campagne.

Elle laissa tomber la fourrure qui les recouvrait, et regarda la tente. Celle-ci était à peine décorée, comme le voulait les ordres de l'étoile pourpre. Simplement quelque fourrure sur le sol qui témoignait la noblesse de son amant, ainsi qu'un gros coffre où, lui avait-il dit, se trouvait son armure. On retrouvait aussi un petit mannequin avec un bouclier avec le blason de l'étoile pourpre, et un marteau d'arme. Le reste de ses affaires était rangé dans son coffre.

Même à l'intérieur de la tente, le froid était là. Elle dut se couvrir les épaules nues pour ne pas avoir froid. Mais même avec cela, le froid lui mordait la peau. C'était l'hiver.

Elle se mit sur une épaule et regarda le visage de son amant. Il était plus beau que Zechariad. Beaucoup plus beau. Même avec les cheveux brun argenté décoiffé lui retombant sur le visage. Sa barbe ne datait pas de plus de deux jours, il la rasait tous les trois jours lui avait-il dit. Même si la plupart des hommes préférait avoir de la barbe pour donner un aspect plus virile. Lui se fichait des stéréotypes et préférait être propre.

Alors qu'elle allait se rendormir, quand elle sentit le soleil commencer à lui caressait le visage. Il est l'heure de partir, pensa-elle. Elle dut alors faire un long effort avant de pouvoir sortir du lit. Le réveil était toujours difficile. Même après une nuit comme elle venait de passer.

Elle laissa ses pieds se poser sur les fourrures qui la protéger du sol froid puis se leva et attrapa ses vêtements. Elle commençait à enfiler son pantalon quand l'officier derrière remua.

«Tu pars? demanda-t-il.

- Oui, à moins que tu veuilles que je reste encore un moment.

- Non. On ne doit pas nous voir ensemble. Je préfère prendre aucun risque. Cela vaut mieux pour moi, comme pour toi.

- Très bien.» Elle finit demettre son pantalon et attrapa sa chemise noir avant de se retourner vers lui le haut de la ceinture nue. «Tu voudras que je revienne ce soir?

- Je n'ai reçu aucun ordre nous disant que l'armée va bouger aujourd'hui ou demain. Donc oui, tu pourras revenir.

- Est-ce que toi tu veux que je revienne?

- Tu n'as aucune obligation envers moi. Fait comme tu le souhaites. Mais dans tous les cas soit discrète. L'autre nuit tu étais encore saoul et tu as failli poignardé un homme en venant ici. L'étoile pourpre aurait pu te pendre pour ça.»

Alenna se souvenait du moment, elle n'était qu'à moitié saoul. «Ce salaud m'avait traité de pute. Il devrait être heureux que je ne lui ai pas sorti les boyaux. Ce camp n'a aucune considération pour les femmes. Les hommes ne voient en nous que des prostitués.

- Parce que tu n'en ais pas une peut-être.» Un sourire se dessina sur son visage, un sourire de provocation. «C'est comme tu le souhaites. Reviens ou ne reviens pas.

- Tu n'as donc aucune considération pour moi? Tu me vois simplement comme une pute?

- Jusqu'à présent je t'ai toujours accueilli dans ma tente. C'est bien la preuve que tu ne me dégoûtes pas. Et non, je ne te considère pas comme une pute. Maintenant va t'en. Le soleil commence à se lever et je ne veux pas qu'on se demande pourquoi une fannar est parmi les officiers. On va encore penser que tu es venue commettre un assassinat contre l'étoile pourpre. Dans le doute ou tu rencontres de nouveau un homme avant de venir, n'essayes pas de le poignarder la prochaine fois. Dis simplement que tu viens voir Daymar. Maintenant va t'en.»

Il se croit vraiment supérieur à moi, pensa Alenna en sortant de la tente. Après, il ne faut pas oublier que c’est un officier et pas moi.

Elle traversa le camp silencieux à pas de loup. Il n’y avait pas à craindre d’attaque. L’étoile pourpre avait envoyé des éclaireurs dans toutes les directions, de manière à être prévenue en avance si une armée se dirigeait vers eux. De plus, il était dans les collines et aucune armée n'irait les attaquer avec leur position. Elle était très bien défendable et se risquer à l’attaquer était une mort assurée. L’étoile pourpre faisait très attention aux défenses. C’était pour lui et pour son armée, une chose à ne surtout pas négliger.

Elle arriva finalement dans le campement des fannars sans un bruit. Tout était calme. Rien ne bougeait hormis les sentinelles postés devant les barricades. Les tentes étaient toutes parfaitement alignées et rien ne traînait. Un campement parfait. Elle se glissa en douceur dans sa tente et après avoir enfilé sa ceinture avec son épée, elle attendit sur son lit de camp que l’armée se réveille. Elle dut attendre un moment avant de sentir les tentes remuaient autour d’elle. Elle attendit alors un moment, puis sortit à son tour. Autour d’elle une quarantaine d’hommes était sortit. Chacun commençait à préparer son repas du matin.

D’après les ordres de Gorden Garste, l’étoile pourpre n’avait rien dit sur les manœuvres de la journée. Cela faisait presque deux mois qu’il ne bougeait plus. Parfois il devait faire de longue marche pour changer de campement comme il y a trois jours après avoir quitté l’Argenté. Mais généralement il ne bougeait que lorsque la forteresse qu’il assiégeait tombait. Depuis la bataille de Montgargant, l’étoile pourpre préférait la guerre de siège. L’armée royale avait été vaincue lors de la bataille, et depuis, ils faisaient leur possible pour surprendre l’étoile pourpre avec des manœuvres dans les terres de la couronne qui échouaient à chaque fois et qui les épuisaient. D’après ce qu’elle savait, le mécontentement s’était fait ressentir dans l’armée royale, et plusieurs bannerets avaient déserté. Certains étaient répartis défendre leur propre château, quand d'autres retournaient simplement à la cité d’or, en attendant de savoir ce qu'il se passerait. Le moral n’était pas bon dans l’armée royale, il commençait à ne plus croire en leur roi et à discuter ses ordres. Voilà pourquoi l’étoile pourpre ne faisait rien. Avec la bataille de Montgargant, il avait semé une graine, une idée. Et celle-ci se développait comme un virus chez les loyalistes. Le temps jouait en la faveur de l’étoile pourpre et de son armée.

La bataille de Montgargant était un coup de génie de l’étoile pourpre. Même Alenna avait cru en leur défaite. Voir plus de cinq-cent hommes mourir en seulement quelque minutes, le coup était magistral. Les loyalistes ne s'étaient pas douté une seule seconde que l’étoile pourpre venait de leur tendre un piège. Pendant la nuit, les deux divisions d’archers ainsi qu’une division d’hommes d’armes à pied avaient commencé l’ascension des montagnes qui crée la passe. Sous couvert de la nuit et des arbres, ils avaient pu avancer en toute tranquillité. Les loyalistes ne se doutaient de rien. Et alors que le premier son de cor avait retentit dans la passe, les cadavres s’étaient relevés pour attaquer les loyalistes. Ce n’était pas de vrai mort-vivant. Seulement des troupes d'élites de l’étoile pourpre, ceux à qui il avait payé pour la campagne, les meilleures armures du sud. Aucune flèches ne pouvait les transpercer, ni aucune épée. Les armures avaient été recouvertes d’ossements pour qu’ils aient l'aire de cadavres et la peur avait fait le reste. Les hommes de l’armée royale avait été paralysé par la peur, tous incapable de bouger. Les archers en haut des falaises s'étaient fait attaquer par les archers de l’étoile pourpre qui étaient dans les bois et du côté de la forteresse de Montgargant, une catapulte avait été prise. Alenna et les archers l'avaient retourné contre leurs adversaires et avait réussi à stopper une charge des loyalistes visant à faire une contre-attaque. Ils avaient par la suite décoché des centaines de flèches enflammé pour embrasé le camp et des flèches noir pour faire un massacre dans les rangs des loyalistes.

Leur victoire était encore fraîche dans les mémoires. Autour d’elle, les hommes en parlaient. Il y avait eu beaucoup de prisonniers, une fortune pour l’étoile pourpre. La plupart des chevaliers avaient été échangés contre rançon. Même ceux de la bataille de La Tour. Alenna avait ainsi reçu une prime pour le chevalier qu’elle avait capturé lors de la bataille. On lui avait donné une fortune pour sa libération. Même si l’étoile pourpre en avait récupéré la moitié, Alenna s’était retrouvé avec un coquette somme. De quoi s’acheter une nouvelle armure ainsi que plusieurs nouvelles armes qui ne serait pas de trop pour la prochaine bataille. Suite à la bataille de Montgargant, elle avait compris pourquoi il valait mieux avoir une épaisse armure lors d’une bataille. Seuls les grands seigneurs ou les héritiers n'avaient pas été libérés. L’étoile pourpre avait accepté la rançon, mais avait seulement affirmé au donneur que les prisonniers ne subiraient aucun mal. Les émissaires l’avaient très mal pris, mais ils n’avaient pas d’autre choix. De plus, l'armée royale n’avait presque aucun prisonnier lors des batailles. L’étoile pourpre dominait clairement la guerre.

Elle marcha un moment dans le campement avant de voir de loin Vardlenne. Il était comme à son habitude en train d'affuter sa hache. Elle l’avait laissé exactement au même endroit et dans la même position la veille. À croire qu’il ne faisait rien d’autre qu’entretenir son matériel. De toute l’armée, il était sûrement l’une des personnes avec le meilleur matériel. L’étoile pourpre lui avait aussi donné une prime suite à la victoire de Montgargant. Vardlenne avait tué, à la suite d’un duel, le comte Worrl.

Après avoir pris la catapulte qui défendait la passe, leur division avait pour ordre de prendre la forteresse de Montgargant. Ils avaient alors bifurqué vers la forteresse et avaient commencé à combattre dans le village alentour. Le marquis de Montgargant s’était réfugié dans sa forteresse, mais avec un feu dans son enceinte, il ne pouvait tenir face à la seconde division de l’étoile pourpre qui enfonçait ses portes. Le comte Worrl se trouvait dans le village quand les fannars avaient débarqué. Il devait avoir une centaine d’hommes avec lui, qui l’aidait à défendre le village. L’acier fannar et l’acier Worrl s’étaient alors entrechoqués dans un fracas de tonnerre.

Alenna se souvenait très bien du moment. Le fracas d’acier autour d’elle, les hurlements des blessés, les coups de cor du comte et de l’étoile pourpre. Elle même se trouvait au cœur de la mêlée. Les hommes du comte étaient des braves, on ne pouvait pas le nier. Chacun se battait pour sa vie et aucun ne fuyait ou n'abandonnait, de vrais hommes. Mais pourtant leur courage ne pouvait rien faire contre la technique des fannars. Alenna avait l’impression de tailler du beurre alors que les hommes mouraient autour d’elle. Puis le comte avait dû comprendre qu’il était perdu. Il avait rallié le peu de chevaliers qui lui rester et s’était lancé comme un fou dans la mêlée. Tailladant tout autour de lui, même quand la moitié de ses hommes étaient morts, nul fannars n’osaient s’approcher de lui. Nul sauf Vardlenne. Toujours aussi impassible, il s’était avancé face au comte et l’avait défié en un seul regard. Le comte lui avait lancé un regard noir de rage avant de s’écrier: «Regardez comment ça meurt un homme!» Les deux adversaires s’étaient alors élancés l’un sur l’autre. La danse avait été magnifique. Le comte était très doué à l’épée, on ne pouvait pas lui enlever cela. Son expérience se lisait dans ses mouvements. Chaque geste était calculé et correctement lancé. Alenna avait alors vu de passe d’arme qu’elle n’avait jamais vu ailleurs. Il savait utiliser tous ses atouts et tout son matériel. Aussi bien son bouclier, son épée que son armure. C' était un tueur fait. Mais il ne valait rien du talent de Vardlenne. Chaque attaque que le comte lancé, il la paraît comme s’il la connaissait. Chaque botte et passe d’armes. Aucune attaque du comte ne pouvait percer ses défenses. Son visage ne trahissait aucune émotion. Il ne chercher à lancer aucune contre-attaque, et se contentait de parer chaque attaque l’une après l’autre. Finalement après une demi-heure de combat, la lame du comte s’était prise dans la hallebarde de Vardlenne. D’un coup sec, ce dernier avait tourné la hallebarde. La lame s’était alors brisée, laissant son propriétaire désarmé et épuisé. Alors qu’il s'apprêtait à reculer, la hallebarde avait transpercé l’aire dans un sifflement et d’un seul coup le comte avait perdue sa tête.

Alenna n’avait jamais vu quelqu'un se battre comme Vardlenne. Il avait atteint la perfection dans l’art de tuer. Nul ne pouvait lui retirer cela. Il était le meilleur guerrier qu’Alenna n’avait jamais vu. L’étoile pourpre lui avait proposé une grosse somme d’argent pour la mort du comte, mais Vardlenne avait refusé prétextant qu’il avait tout ce qu’il lui fallait. On lui avait tout de même donné une petite somme d’argent. Refusé n’aurait donné une très bonne image à l’étoile pourpre. On l’aurait traité d’hommes qui ne récompense pas les actes de bravoure.

Vardlenne leva la tête et la vit approcher. Rangeant sa pierre à affûter dans une sacoche à la taille, il se leva et lui proposa de manger. Alenna refusa. Elle n’avait pas très faim ce matin, surtout qu’elle avait mangé dans la tente de Daymar au beau milieu de la nuit.

«Bon, si tu n’as pas faim, va chercher ton arbalète. Les ordres sont qu’on ne bouge pas aujourd’hui. Alors autant en profiter. Il y a une forêt au sud du camp. J’ai entendu dire que le gibier y était à profusion. Je vais aller chasser toute la mâtiné. Si tu n’as rien à faire, viens avec moi.»

Alenna avait prévu d’aller s’entraîner avec d'autres fannar. Mais les cours avec Vardlenne étaient toujours les plus intéressants. Alors s’il partait à la chasse elle partait avec lui. Sinon la journée serait très longue.

Grâce à la rançon du chevalier, elle avait réussi à s’acheter un cheval. Un étalon de Chartamarg, les meilleurs chevaux des terres de la couronne. Ils étaient rapides et dressés pour la guerre, mais ils pouvaient aussi très bien servir pour les marches. Elle le sella en quelque minute et une fois dessus, elle partit rejoindre Vardlenne à l’entré du bois. Attachant son cheval à un arbre, elle sortit son arbalète et suivit Vardlenne à travers la forêt.

Elle fut déçue par la chasse. Bien qu’ils réussirent à attraper un chevreuil, elle aurait préféré parler avec Vardlenne. Mais celui-ci était concentré sur leur gibier, et ne lui parlait pas sauf pour lui donner des indications sur leur piste.

Au bout de quatre heures de chasse, ils sortirent du bois par le côté sud. Devant eux s’étendait les collines de la région. Un spectacle magnifique. Les terres de la couronne était très belle rien de comparable aux terres du sud. Puis son regard s’arrêta. À une vingtaine de mille de leur position, on pouvait voir avancé vers eux une colonne de poussière. Elle regarda mieux, et distingua clairement. Une armée avançait vers eux.
Elersor87

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XVII. Victor

Victor était saoul. Ou tout du moins, il essayait de l’être. On lui avait dit que les hommes aimaient bien se soûler après une bataille, de manière à oublier les horreurs qu’ils avaient vu. Mais il n’arrivait pas à enlever les visions de sa tête. Les cadavres qui se relevaient, les mort-vivants qui l’attaquaient, le crâne de sir Raymond qui explosait, le feu et la fumée qui l’empêchaient de respirer, les cris de douleur des mourants, les flèches qui s’abattaient d’un coup et sans prévenir sur le champs de bataille, la masse qui lui écrasait les côtes jusqu’à qu’il n’est plus d’air pour respirer. Rien n’était plus horrible. Il voulait les oublier, mais dès qu’il arrêtait d’être saoul, les visions revenaient toujours plus fortes. Toujours plus horrible, toujours plus réaliste. Il cherchait des moyens de les faire disparaître. L’alcool était le moyen le plus simple, il y en avait à profusion. Il aurait pu tenter la drogue, mais c’était réservé à la médecine, et il n’y en aurait jamais assez. L’avantage était que désormais il supportait très bien n’importe quel vin.

Il essaya d’ouvrir les yeux. Autour de lui des ombres bougeaient, il crut que c’était des cadavres, mais les cadavres se jetaient toujours sur lui dans ses rêves. Celle-ci était totalement désintéressée par lui, preuve qu’il ne rêvait pas. Il releva sa tête et essaya de savoir où il se trouvait. C’était très compliqué ces derniers temps. Généralement, il ne se souvenait pas de ce qu’il lui était arrivé la veille, ni même où il se trouvait. La plupart du temps il se réveillait dans une taverne, parfois dans des écuries, d’autres dans une porcherie, une fois il s’était même retrouvé dans un cachot. Il avait ensuite appris qu’il n’avait pas payé la note dans une taverne ou bien qu’il s’était disputé avec un chevalier, en réalité il ne s'en souvenait plus. Sa tête et son esprit était poussière, il n’arrivait pas à se concentrer pour se rappeler de ce qu’il s’était passé. Il se rappelait simplement que c’était Trymian qui l’en avait sorti sur ordre du prince.

Autour de lui, il put voir une décoration faite sobrement, avec quelques têtes d’animaux, mais surtout de nombreuses tables, dont la moitié était occupée.

Il agrippa le carafe de vin qui se trouvait sur la table où il était et se servit dans un gobelet. Il le but d’une traite puis se resservit sans faire attention s’il en mettait la moitié à côté. Puis alors qu’il le vidait une nouvelle fois, un homme vint s’asseoir en face de lui. Il leva le nez de son gobelet pour le regarder, il dut plisser les yeux avant de voir qu’il s’agissait de Trymian.

«Qu’est ce que tu veux? demanda Victor.

- Toi, répondit-il. Louis veux que tu reviennes le conseiller. Que tu l’aides à gagner cette guerre. Ça fait presque deux mois que la bataille de Montgargant à eu lieu.

- Deux mois, dit Victor en se resservant de vin. Le temps passe si vite quand on s’amuse.

- L’étoile pourpre à déjà pris trois forteresses, reprit Trymian sans faire attention à la remarque. Il s’en est fallu de peu pour qu’il réussisse à prendre l’Argenté. Victor, on recule sur tous les fronts. Le kraken vert à la tête d’une flotte de quarante navires, à pris le port de l’Hersœur. Bientôt il va remonter le fleuve et assiégeait la cité d’or. Les seigneurs des terres de la couronne s’en vont défendre leurs terres. Ils nous laissent des hommes, bien-sûr. Mais bientôt on aura presque aucun comte pour les combattre. Les seigneurs de Fort-Rivers ne peuvent plus rien pour nous. L’étoile pourpre a fait trop de prisonniers. Et on est sans nouvelle des armées de Fornost. Ça ne te dérangerait pas de trouver une solution avec nous.”

Victor le regarda. Trymian portrait son armure du nord et ne le quittait pas des yeux. il essaya de se redresser mias faillie se casser la figure en le faisant. “Pour l’instant, la seule chose qui me dérange c’est toi. Tu me donnes mal à la tête avec toutes ses infos. De toute façon, la guerre est perdue.

- La guerre est loin d’être perdue, s’écria Trymian en abattant son poing sur la table. L’étoile pourpre a peut-être remporté les premières manches du jeu, mais il n’a pas encore gagné la guerre. Louis est l’une des rares personnes qui peut encore rétablir la situation. Et la seule personne qui peut l’aider dans cette guerre, se trouve devant moi, à baver dans du vin. Ça fait deux mois. C’est bien assez. Maintenant arrête de boire et viens nous aider à gagner cette guerre.» Il s'arrêta un moment et attrapa la carafe de vin. il regarda à l’intérieur et vit qu’elle était vide. Furieux, il l’envoya valser dans la taverne. «Il y a autre chose que tu dois savoir. On a eu l’information il y a peu de temps. Et ça ne fait qu’empirer la situation.

- La situation est déjà merdique, comment pourrait-elle être pire?

- Avec l'arrivée des armées de Rol’Dorne.

- C’est plutôt une bonne nouvelle. D’après mes souvenirs, le duc Dorne est un excellent combattant. D’une fureur incomparable. Ce n’est pas pour rien qu’on le surnomme le marteau à ennemi. S’il remonte vers le nord avec ses armées, alors cela va faire un ennemi dans le dos de l’étoile pourpre. La situation n’est pas si terrible que ça.

- Au détail, que le duc Rogar Dorne semble s’être rangé du côté de l’étoile pourpre. Lui et ses dix milles hommes sont en train de rejoindre ses forces dans les montagnes au nord de Boisseaux. On pensait avoir réussi à bloquer son avancée, mais en réalité il ne faisait que préparer le terrain pour le duc. Les forces de l’étoile pourpre seront bientôt multipliées par trois. Avec une telle force de frappe, il peut très bien réussir à faire tomber la plupart des châteaux des terres de la couronne. De plus, il a aussi l’appuie du kraken vert. On doit trouver un moyen de les vaincre. Ou au moins de les repousser.»

Bien qu’il est l’esprit encore embrouillé par l’alcool, il tenta de réfléchir. C’était vrai, leur chance de gagner la guerre avait encore diminué avec l'arrivée du marteaux à ennemie. S’il avait dix mille hommes avec lui, cela en faisait au moins seize mille hommes contre eux. L’armée royale avait encore l’avantage du nombre, mais jusque-là ça n’avait servi à rien. L’étoile pourpre arrivé très bien à les vaincre avec moitié moins d’hommes. Sans compter les hommes du kraken vert qui bloquaient toute la partie nord des terres de la couronne. Le seul avantage était qu’il était séparé. Même s’ils étaient encerclés, ils pouvaient toujours essayer de les vaincre séparément. C’était leur seule chance.

Il releva la tête et regarda Trymian: «Rassure moi, il y aura du vins dans la tente de Louis?

- C’est le quartier général. Là où tous les comtes se rassemblent. Bien Sûr qu’il y aura du vins. Et à profusion.

- Alors dit à Louis que je serai là demain matin.»

Le lendemain, bien qu’il est encore une horrible migraine, Victor partit en direction de la tente de Louis. Quand il y rentra, il découvrit que seulement la moitié des comtes des terres de la couronne était présent. La plupart ne firent pas attention à lui et cela l’arrangea. Il repéra Louis assis sur un siège devant la table ou reposer la carte des terres de la couronne, en train de discuter avec le comte Carval. Celui-ci le vit et se leva pour l’accueillir. «Tu as enfin fini de te soûler, dit -il en lui serrant la main.

- Trymian m’a dit que tu avais besoin de moi. Apparemment tu n’arrives pas à gagner cette foutue guerre.

- En effet, l’étoile pourpre refuse de déposer les armes. Je dois avouer que je ne comprend pas.» Il sourit puis repris: «Content de te revoir l’ami.

- Toi aussi Roy.»

Il se retourna et attrapa une carafe de vins posée sur la table. Il s’en servit un verre plein et commença à le boire.

«Est-ce que c’est vraiment raisonnable? demanda Louis.

- On est en train de perdre la guerre. L’étoile pourpre a une armée presque aussi grosse que la nôtre, le marteau à ennemi la rejoint, sans oublier que le kraken vert vient de prendre le port de l’Hersœur. Rien n’a jamais été aussi raisonnable. J’ai bien l’intention d’être fin saoul quand s’engagera la bataille final contre l’étoile pourpre.»

Louis voulut répliquer, mais son frère, le Roi Charles, déboula d’un coup dans la tente. Sans adresser la parole à aucun des seigneurs, il alla directement s’asseoir sur le trône qui dominait la tente. Sir Erlender Rover rentra juste après dans la tente et se positionna devant la carte. Il saisit le petit drapeau qui symboliser l’armée de Rogar Dorne et le positionna juste à côté de celui de l’étoile pourpre. Il regarda les seigneurs présents sous la tente et déclara d’une voix forte: «Rogar Dorne est rentré dans les terres de la couronne avec dix mille hommes. À l’heure actuel, il a rallié les forces de l’étoile pourpre.» Puis il se dirigea face au port de l’Hersœur et fit tomber le drapeau des Herse. «L’Hersœur est tombée. Le kraken vert à la tête de quarante bâtiments, s’est ouvert une porte jusqu’à la cité d’or. On suppose qu’il attend encore quarante autres navires pour remonter l’Hersœur. De plus, les clans du nord ont saisi l’instant pour piller les terres de Crakglone. On m’a informé qu’un yarl à la tête d’une trentaine de landskip vient d’attaquer la forteresse. Il a avec lui plus de trois cent guerriers. Les Glone nous ont envoyé la plupart de leur troupe pour défendre les terres de la couronne. Il n’y a donc presque plus personne pour défendre la forteresse. Elle tombera sous peu.”

Le comte regarda les hommes alignés sous la tente. Pendant un moment, Victor crut voir un sourire se dessiner sur son visage. Il sortit sa dague et s'asseyant à la droite du Roi, il commença à se tailler les ongles, comme indifférent à ce qu'il venait lui-même de dire.

“Pouvons-nous leur venir en aide? demanda Louis.

- Oui, répondit le comte sans quitter sa dague des yeux. Mais il faudrait nous séparer d’un quart de nos troupes. Cela nous mettrait en très mauvaise posture face à l’étoile pourpre.” Il releva la tête et pointa de sa dague le fleuve. “De plus il leur faudrait franchir l’Hersœur qui est impraticable à gué à cette période de l’année. Même si nous pouvions le faire, les forces du kraken vert massacreraient nos troupes lors de la traversée.” Il rabaissa la tête et continua de se tailler les ongles sous le regard ébahi des comtes présents.

Un homme s'avança. Étant de dos et ayant encore la vision troublée par l’alcool, Victor ne le reconnut pas tout de suite. mais il reconnut sa voix. “Il y a des ponts sur l’Hersœur, répliqua le comte Carval.

- Il y avait des ponts, rectifia le premier conseiller comme exaspéré de ne pas pouvoir terminer son œuvre. Dès que les troupes de l’Hersœur ont été défaites, elles ont remonté vers la cité d’or en prenant soin de saboter tous les ponts pour freiner l'avancée du kraken vert. Il ne reste que quelques ponts près de Slarfongarne. Trop loin pour venir en aide aux Glone. Ils sont seuls. Nous ne pouvons rien pour eux.»

Les comtes baissèrent la tête conscient qu’un Glone se trouvait dans la tente. Il se trouvait juste derrière le comte Erlender Rover. Victor examina sa réaction, il pensait voir de la tristesse dans ses yeux, mais tout le contraire. Celui-ci affichait une mine sombre mais un petit sourire se dessinait sur son visage. Il devait être ravie de la situation. Si la forteresse tombait, les hommes du nord massacreraient toute sa famille. Il se retrouverait donc comme nouveau comte. Il ne se rendait même pas compte que cela ne voulait rien dire s’il n’avait plus de forteresse.

Le Roi leva la tête et pria son premier conseiller de continuer. Celui-ci se racla la gorge et continua: «Il y a autre chose. Le comte de l’Hersœur est mort. Lui et tous ses fils qui défendaient la ville. Le kraken vert les a attachés à des croix et à laisser la marée les tuer. La plupart sont morts noyés. Tous les hommes qui défendaient la ville ont subi le même sort ou on était pendu. La forteresse n’a pas tenu une journée. Sa femme a été tuer et ses filles violaient par le kraken vert et ses capitaines. Une fois lassé d’elle, il les a laissées à ses hommes. D’après les rapports il aurait également égorgé la moitié de la cité obligeant le reste à regarder. Il a jeté les enfants dans le port sous les yeux de leurs mères. À torturer la plupart des hommes et décorer ses navires avec leurs corps.

- Ces fils de putes n’ont aucune pitié, déclara le comte Iris. Ils veulent nous faire peur. Mais il oublie que nous tenons en otage la sœur de leur Roi.

- Il a raison, dit le premier conseiller en se tournant vers le Roi. Nous devons le leur rappeler. Laissez moi, sire, retourner à la cité d’or. Je lui renverrai Enoria Holl en petits morceaux. Il payera pour le meurtre de la famille Herse. Il a violé les filles de comte. Alors laissez moi faire de même avec sa sœur.

- Vous en prendre à cette fille n’arrangera rien”, répliqua Victor avant de se rendre compte qu’il avait parlé tout haut. D’un seul coup toute la tente le regarda. Les comtes n’en revenaient pas qu’il est osé parlé ainsi. Qu’il est osé contredire le premier conseiller du Roi. Alors que Louis lui faisait des signes pour qu’il se taise, Victor remarqua une chose inattendue. Le Roi souriait. Par un sourire montrant qu’il voulait la mort de Victor comme la première fois qu’il l’avait vu. Cette fois s’était un sourire d’amusement.

«Continuez”, dit le Roi au grand étonnement de la tente. Bien que peu sûr de lui, Victor s’avança. «Si vous torturez la sœur du kraken vert, cela n’arrangera pas la situation, au contraire cela la rendra pire. Enoria Holl est sûrement notre meilleure protection. Envoyez lui plutôt un ultimatum. Dites-lui que s’il veut revoir sa sœur vivante qu’il ne massacre pas les familles qu’il captura. Les Mitiliens ne connaissent pas nos coutumes. Ils ne savent pas que si capture une famille, ils peuvent l’échanger contre rançon.

- Ils connaissent très bien nos coutumes, dit le premier conseiller en colère à Victor. Que valent les analyses d’un bâtard de l’Ardenne?» Il se tourna alors vers le Roi. «Sire, cet homme est un mage. C’est sûrement un espion d’Auguste, envoyé pour nous espionner. Il fait tout pour protéger la princesse. Mais ses mots ne sont que perfidie. Nous devrions envoyer sa tête à Auguste pour le prévenir que nous ne nous laissons pas dupé par ses supercheries.

- Vous avez raison, l’interrompu Louis en s’avançant. Auguste ferait tout pour nous piéger. Mais si je me souviens bien, jusqu’à présent, toutes vos déductions sur ses pièges se sont soldées par des échecs. À chaque fois Auguste nous a dupé. Et vos nombreuses prédictions se sont toutes révélées fausses. C’était vous qui avez supplié le Roi de ne pas forcer l’affrontement avec Auguste. Cela nous à fait perdre Boisseaux et Chartarmarg. Si nous tenions encore ces forteresses, Dorne n’aurait jamais pu rejoindre Auguste. Et nous ne serions plus en replié sur tous les fronts.”

Le comte Rover s’empourpra. “Boisseaux et Chartarmarg ne pouvaient pas être tenus. Les forteresses étaient perdues quoi que nous fassions. Nous devions sauver ce qui pouvait l’être. Et vous n’êtes pas non plus sans défauts. C’est vous, prince, qui avez perdu Montgargant. Si vous aviez tenu cette foutue passe au lieu de vous laisser berner par le piège de l’étoile pourpre, lui et son armée ne seraient jamais rentrés dans les terres de la couronne. Nous aurions sûrement déjà gagné la guerre actuellement. Vous n’êtes qu’un…

- Assez, rugit le Roi. Je ne suis pas venue ici pour vous entendre vous insulter en attendant de savoir qui aura le dernier mot. Auguste se joue de nous depuis le début de cette guerre. Même mes propres duché l’ont rejoint dans sa campagne. La situation est critique. Et vous… Vous préférez vous insulter dans cette tente pour votre honneur personnel. Je me fou de cet honneur.» Il désigna Victor. «Seul cet homme a dit une chose sensée depuis que je suis arrivé. Violer la sœur de Darrion Holl n'arrangerait pas la situation. Cela ne ferait que l'empirer.»

Alors qu’il se rasseyait sur son siège, Victor vit le premier conseiller lui jeter un regard assassin ainsi qu’à Louis. Sentant sa jambe trembler, il voulut repartir dans l’ombre. De plus, le vin lui donnait encore un mal de crâne. Mais alors que Louis, Victor, lui n’avait pas saisi l’instant pour s’éclipser dans l’ombre. Chaque seigneur le regardait et attendait qu’il dise quelque chose. Prenant une grand inspiration, il clama: «Chaque fois que l’une de nos armées à tenter de combattre l’étoile pourpre, cela s’est soldé par un échec. La preuve est là. Nous ne pouvons pas le vaincre. Nous devons nous replier. Il faut éviter la bataille face à lui.

- C’est stupide, vociféra le comte Carval en avancant. Nous ne pourrons pas toujours nous replier. De plus, cela ne ferait que rendre la situation impossible. Nous sommes entourés d'ennemies.

- C’est pour cela que nous allons devoir utiliser la ruse. Jouez au jeu de l’étoile pourpre. Depuis le début de la guerre, il nous a montré ses points forts. Mais aucun d’entre vous n’a remarqué ses faiblesses.

- Et quel est elle? demanda le comte Carval intéressé mais non convaincu.

- La guerre de siège, déclara Victor. Il a mis presque un mois à prendre la forteresse de Boisseaux, deux semaines à prendre celle de Chartarmarg, quant à celle de Fort-Rivers, il les a toutes prises par la ruse. L’Argenté, elle, a tenu le choc. La cité d’or tiendra, c’est certain.

- Vous ne parlez comme même pas de laisser la cité d’or être assiéger? demanda le comte Boisseaux.

- Si, répondit Victor. Nous avons presque vingt mille hommes avec nous. C’est largement assez pour vaincre les six mille de l’étoile pourpre.

- Vous ne m’avez sûrement pas écouté, siffla le comte Rover, mais l’étoile pourpre dispose également des forces de Rol’Dorne. Cela porte ses effectifs à plus de seize mille hommes. Et je ne compte même pas les forces du kraken vert, qui vont sûrement lui apporter cinq mille hommes en renfort. Mais peut-être cela vous à t-il échappé.

- En effet, mais si vous vous m’aviez écouté, vous vous seriez rappelé que j’ai parlé de ruse, répliqua Victor. Une chose que vous ne connaissez sûrement pas j’imagine.» Victor entendit plusieurs rires venant des comtes, mais il avait les yeux rivés sur le comte Rover qui s’empourprait encore une fois. «D’après ce qu'on m’a dit, vous avez envoyé le fils du comte Rivers, récupérer les hommes de la forteresse de l’Argenté.” Victor se racla la gorge et regarda le Roi. Etrangement celui-ci était très attentif. “Donnez lui quelques centaines d’hommes en plus et dites lui de partir en direction de la forteresse d’Argane. Retournons, en même temps, à la cité d’or pour préparer sa défense. L’étoile pourpre n’aura pas le choix de diviser ses forces. S’il ne le fait pas et s’attaque à Argarne alors nous lui tomberont dessus quand il assiégera la forteresse. S’il s’attaque à l’armée royale, alors se sera Edouarde Rivers qui sera derrière lui et qui l’enculera. Il ne va pas avoir d’autre choix que de diviser ses forces. Pendant que la moitié de son armée sera sur Argarne l’autre va partir en direction de la cité d’or. Ils n’auront pas assez d’homme pour attaquer frontalement la cité ou même pour l'assiégé totalement. Pas avec des effectifs réduits. Nous pourrons donc envoyer des émissaires négocier avec les clans du nord, et peut-être même en faire des mercenaires.

- Nous battre au côté des clans du nord, s’écria le comte Rover, vous n’y compter pas. C’est de l’infamie, impensable. Sire, cet homme cherche à nous envoyer dans un piège. C’est un traître, nous devrions…

- La ferme, ordonna le Roi à l’adresse du premier conseiller. Vous, dit -il en désignant Victor, continuez.

- Les clans du nord sèment la terreur partout. Ils sont même redoutés dans le sud. Si nos hommes se battent à leur côté, alors le courage et leur rage n’en sera que plus forte. De plus, il ferait un excellent fer de lance de notre armée. Comme la garde pourpre forme celle d’Auguste. Une fois à la cité d’or, ils nous aideront à percer leur ligne et à briser le siège.

- A condition que la seconde armée ne les rejoigne pas entre-temps, articula le comte Carval. Tout repose donc sur Edouarde Rivers, et le fait qu’il arrive à tenir la forteresse d’Argane.

- Oui, affirma Victor. Bien qu’en réalité il ne devrait la tenir qu’un certain temps. Je doute que même avec une garnison renforcée, la forteresse tienne longtemps. Elle doit seulement nous donner le temps de négocier avec les clans du nord et de briser le siège qu’ils ont mis sur Crakglone. Cela devrait prendre un mois. Peut-être deux au maximum.»

Le comte Rover se mit devant le Roi et déclara: «Sire, c’est homme parle d’infamie. Quelle expérience à t il de la guerre? Aucune! Ce n’est qu’un gamin qui se prend pour un homme. Hier encore il était ivre mort dans une taverne. Mes hommes l’ont vu.»

Victor aurait dû se taire. Mais le comte l’insultait certes avec des éléments vrais, mais il faisait courir le Grand-Royaume à la ruine. Il ne fallait surtout pas que le Roi l’écoute. «En effet, j’ai un penchant pour l’alcool. Mais interrompez-moi si j’ai tort messire, vos hommes vous ont-ils parlé des rumeurs qui circulent dans nos rangs. Non. Vous ne vous intéressez pas aux petits gens. Vous vous fichez de ce que pensent vos hommes. Ils pourraient être au bord de la mutinerie, que vous cherchiez encore un moyen de faire monter la position de votre famille. Si je passe mon temps dans les tavernes, c’est parce que moi j’ai combattu. Il y a deux mois j’étais à Montgargant. J’ai vu les morts se relever. Et croyez-moi, vous n’en seriez même pas ressorti vivant. À chacune de vos actions vous sous-estimez vos adversaires. Hors Auguste n’est pas un homme à sous-estimer.

- Auguste est un sale bâtard, répliqua le comte. À la moindre défaite, il repartira dans le trou duquel il est sorti. Il n’avait aucune raison de rentrer en guerre contre nous. Nous étions dans notre bon droit en réclamant Enoria Holl.

- Jusqu’à présent, sa majesté a écouté vos conseils. Cela nous fait perdre la guerre. Mais le pire… vos hommes se jouent de vous. De vous est de notre Roi. Si vous aviez un peu plus écouté les commérages de la troupe, vous sauriez peut-être que vos propres hommes se moquent de vous. Comme la plupart de vos alliés. Et même la plupart des hommes de cette tente.

- Je ne prête aucune attention au commérage. Ce n’est que pur mensonge afin de nous discréditer face à nos alliées.

- Et bien vous devriez.» Victor se tourna vers le Roi. «Sire, la moitié de la troupe pense que vous vous faites manipuler par se... serpent. L’autre partie pense que…” Non, si le Roi apprend de ma bouche que la moitié de ses hommes pensent qu’il couche avec son premier conseiller, il me ferais couper la langue. Il valait mieux se taire sur ce point. “Vous perdez la guerre parce cet homme ne sait pas reconnaître ses erreurs. Et qu’il refuse qu’aucun autre homme ne propose de plan. Si vous continuez à l’écouter, vous… nous perdrons la guerre.»

Le Roi devint alors blême. De longues secondes de silence s'écoulèrent avant qu’il ne se lève. «Nous appliquerons le plan du bâtard de l’Ardenne.” Puis se tournant vers son frère: “Louis, tu commanderas l'opération de replie. Faites bon te semble mais je veux que nous soyons partie demain. J’autorise les négociations avec les clans du nord. Tu les commanderas avec le bâtard. Voyons s’il saura aussi bien se servir de sa langue face à un yarl du nord.» Il se dirigea vers la sortie alors que Victor et les comtes s’agenouillait, avant de s'arrêter et d’ordonner au comte Rover sur un ton froid de venir avec lui.

Victor le regarda s’éloigner avant de se relever. Il se tourna vers Louis et vit que celui-ci lui souriait. D’une certaine façon, il était fière de lui. Victor avait dit la chose que tout le monde voulait dire depuis le début de cette guerre. et désormais, Louis n’aurait plus les mains liées par le comte Rover afin de commander l’armée royale.

«Messire Argane, appela Louis.

- Oui messire, répondit l'intéressé.

- Qui d’autre que vous pourrez mieux défendre votre fief. Choisissez deux cent hommes à pied et partez sur l’heure en direction de votre château. J’enverrais un oiseau pour prévenir Edouarde Rivers de vous y rejoindre.

- Bien messire, répondit le comte.”

Il s’inclina puis en sortit. Louis allait reprendre la parole quand le comte Néoforme s’avança: «Messire, si je peux me permettre, il y a un autre problème.

- Lequel? demanda Louis étonné.

- Celui de la succession du port de l’Hersœur. Toute la famille de Herse est morte pendant l’assaut des Mitilien. Bien-sûr il reste les filles du marquis. Enfin si elles ne sont pas mortes, et ne sont pas… comment dire… souillé. Il faut que nous sachions qui va hériter du titre du marquis. Il doit toujours y avoir un marquis pour tenir l’Hersœur.”

Louis écarquilla les yeux scandalisés, et se tourna vers les hommes sous la tente qui le regardaient. “Le comte vient de mourir avec toute sa famille. Et vous, vous ne cherchez qu’à se repaître de son cadavre.

- Certes la disparition des Herse est triste, continua le comte Néoforme. Mais pour autant il nous faut savoir qui va hériter du domaine. Qui sera le prochain marquis de l’Hersœur. Je suis marié avec lady Elise Herse. Elle était la sœur du marquis. De plus, mon comté est proche du sien. C’est tout à fait normal que ma famille hérite du domaine. Quand la guerre sera finie je pourrais marier mon fils premier né avec l’une des filles du comte. Ils se sont toujours bien entendus, l’union serait parfaite. Si bien entendu nous retrouvons les filles du marquis.» Le comte sourit bien que géné.

Donc dans tous les cas, c’est toi qui hérite du domaine, pensa Victor. Ce sont les lois de la guerre, et il faut toujours quelqu’un pour hériter. Ce vautour n’attendait que ça. Il regarda les comtes. Ils n’attendent que ça. Pour eux la guerre sert leurs intérêts et fait augmenter leur puissance.

«Actuellement le port de l’Hersœur est aux mains des Mitiliens, répliqua Louis.

- C’est vrai, mais si nous gagnons la guerre, dit le comte, ou même si nous la perdons… il faudra quelqu’un pour hériter. Une fille seule ne peut avoir le titre, cela serait en contradiction avec les lois de notre Roi. Une fille ne peut jamais hériter, c’est ainsi.» Le comte afficha un sourire et se tourna vers le comte Tigre. «Bien entendu le comte Tigre peut très bien hériter lui aussi, il possède lui, aussi beaucoup de lien avec les Herse. De plus, son comté est aussi proche des Herse que le mien. Mais après, je doute qu’il accepte de marier son fils, sir Eommund, à une fille qu’il ne connaît pas.

- C’est vrai, dit le comte Tigre. Mais mon fils est l’un des chevaliers les plus valeureux des terres de la couronne. Il serait tout à fait normal que se soit lui qui épouse la fille du marquis Herse. De plus, mon fils est un fidèle serviteur de la couronne. Sinon pourquoi notre Roi l’aurait choisi pour s’occuper de la sécurité de sa promise, lady Enoria Holl.»

Un ricanement provint alors de derrière Victor. Il se retourna et pu voir le comte Carval qui pouffait de rire dans son verre de vin. Il essuya le vin qui se trouvait sur sa barbe et regarda les deux autres comtes. «Pardonnez moi messires, je trouve la situation quelque peu comique.

- Et en quoi, demanda le comte Néoforme en se rapprochant de lui.

- Tous deux vous parlez de faire marier votre fils à la fille du marquis Herse. Seriez vous seulement capable de me donner le prénom de l’une d’entre elles.» Les deux comtes hésitèrent. Et voyant qu’il ne savait pas quoi répondre, le comte Carval reprit en ricanant: «Vous ne valez pas mieux que les Mitiliens. Vous parlez de marier vos fils à des filles que vous ne connaissez même pas. Non seulement vous ne savez pas si les filles du marquis sont encore en vie. Mais en plus, vous n’avez même pas vérifier si les fils du marquis étaient tous morts. L’un d’entre eux à très bien pu survivre à l’assaut du port.

- Il a raison, reprit Louis. Vérifions d’abord que toute la famille est bien morte avant de savoir qui va hériter. Mais surtout, ils serait préférable, pour tout le monde, que nous gagnions cette guerre avant de savoir qui va hériter de quoi.» Le comte Tigre ouvrit la bouche pour dire quelque chose, mais Louis reprit immédiatement: «Préparez vous. Demain nous rentrons à la cité d’or. Cette guerre n’a que trop duré, il est temps d’y mettre fin.»

Une fois les comtes sortit, il ne restait plus que Louis et Victor dans la tente. Ce dernier se saisit d’une carafe de vin, et se remplit un verre à rebord. Il le but d’une traite et s’en resservit un autre. Après son troisième verre, Louis lui arracha la carafe des mains. «Je pense que tu as assez bu pour le moment. Rassure moi, tu te rappelles bien de ce que tu as dit? Tu n’étais pas saoul?
- Tout ce que je peux dire, c’est que je le suis juste un peu plus maintenant. Oui, je me souviens de tout ce que j’ai dit. Mais j’avais besoin de boire. Si je ne l’avais pas fait, je n’aurais jamais osé proposer ce plan à ton frère.

- Négocier avec les clans du nord, dit Louis en se servant un verre de vin, je n’arrive pas à y croire. Mais où as tu eu cette idée?

- Il y a une semaine dans une taverne. Des hommes parlaient d'engager des hommes du nord pour mieux gagner la guerre. J’étais qu’à moitié saoul, mais l’idée m’a séduite. Grâce à eux, il serait beaucoup plus simple de briser les lignes de l’étoile pourpre.

- Ce n’est pas la même chose entre négocier avec des clans du nord et des Mitiliens. Je n’ai même pas réussi à obtenir la paix avec le kraken vert. Comment voudrais tu que j’arrive à engager des mercenaires du nord.

- Les clans du nord n’ont rien à voir avec les Mitiliens. Demande à Trymian. Ils n’aiment que l’or, la bière, les femmes et se battre. Propose leur tout ça, et en quelque jour ils seront à ta botte.

- Les comte n’aiment pas cette idée.

- On ne leur demande pas leur avis. Et puis de toute façon, c’est à cause de leur conneries qu’on perd la guerre.

- Autre chose. C’est quoi cette histoire entre le comte Rover et mon frère.

- J'imagine que tu fais exprès de fermer les yeux? demanda Victor en reprenant la carafe de vin. La moitié des comtes sont déjà au courant. Il y a une rumeur qui circule parmi la troupe et aussi parmi les nobles depuis quelque mois. Beaucoup pense que le Roi et son premier conseiller sont amants.

- C’est impossible. Si tu avais vu le nombre de bordel que mon frère m’a fait visité dans ma jeunesse. Je l’accorde, il a quelque fantasme étrange… même très étrange. Mais c’est impossible que sir Rover soit son amant.

- Pourtant c’est la rumeur qui circule parmi la troupe. Et quand on les observe de près c’est assez compliqué de la démentir. Mais j’espère que l’avenir te donnera raison.» Il se servit une coupe de vin et commença à la boire, mais lentement cette fois. Louis quant à lui était déjà sorti de la tente. Il le regarda s’éloigner.

Dehors un vent froid se levait et la neige commença à tomber le lendemain matin.
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