Chapitre 2
Déjà douze jours que je marche dans cette jungle infecte.
Douze jours à boire l’eau des ruisseaux en espérant qu’elle ne me rendra pas malade.
Douze jours à croquer dans les fruits qui croulent de quelques arbres en priant pour qu’ils ne soient pas empoisonnés.
J’ai appris à mes dépends que si l’eau des ruisseaux est correcte, les petits fruits bleus ressemblant à des pommes ne sont pas conseillés si on souhaite garder un système digestif en bon état de fonctionnement.
La jungle regorge de pièges en tout genre. Entre le sol spongieux, les lianes aussi épaisses que le bras, les énormes arbres aux branches tombantes, les buissons épineux… avancer est un combat de chaque instant. L’air vicié n’est filtré qu’à moitié par mon Armure, Venia, et des bestioles toutes plus infernales les unes que les autres viennent régulièrement vérifier s’il n’y a pas sous ma peau de métal un morceau de chair fraîche à déguster.
Anthor, Lyam, Ergaïl, Philla et même Louha me manquent terriblement. Mes conversations avec Venia m’empêchent de devenir folle mais ne remplacent pas le contact avec un être humain.
J’ai besoin de trouver ces enfants.
Nawel referma son cahier. Elle l’avait ouvert parfois
au cours de ces derniers jours pour réaliser un rapide croquis de son environnement. Deux fois, elle s’était surprise à dessiner à nouveau Alantha, la Glauque qui l’intriguait tant.
Au cours des derniers mois, Nawel avait croisé la jeune femme plusieurs fois. Ensemble, elles avaient ouvert la Porte qui reliait leur monde natal à cette jungle infestée de monstres. Ensemble toujours, car leurs destins étaient croisés, elles avaient scellé la Porte. Mais si Alantha était restée du bon côté, Nawel avait dû rester seule dans la jungle.
Plusieurs fois par jour, un découragement intense la prenait. Elle avait envie de se rouler en boule sur le sol et se laisser doucement mourir. Quel futur existait-il pour elle ? Heureusement, la vision qu’Alantha lui avait envoyée donnait en général un but à ses pas. Rencontrer cet adolescent et ces enfants. Tenir jusqu’à eux. Les escorter dans un endroit plus sûr. Mais parfois, cette vision n’était plus suffisante. L’espoir devenait si infime qu’elle ne trouvait plus de raison de se battre.
Les mots qui l’avaient guidée ces derniers mois lui revenaient alors.
Tenir droite.
Encore et toujours, tenir droite.
Tenir sur l’espoir infime de rentrer un jour chez elle. De revoir ses proches et sa sœur d’âme.
Tenir droite.
Elle ne ressassait jamais les événements qui l’avaient menée jusqu’ici. Elle aurait pu se morfondre et regretter ses choix.
Regretter d’avoir choisi la caste des Armures plutôt que de suivre la destinée familiale.
Regretter d’être allée à la Cité des Fleurs, cette ville magnifique mais abandonnée, pour son voyage initiatique.
Regretter d’avoir trouvé cette Porte, si loin sous terre dans une des tours de la cité.
Regretter d’avoir rapporté l’étrange inscription inscrite sur la chaînette accrochée à la Porte.
Regretter d’avoir accompagné Phillia, sa meilleure amie d’enfance, lorsqu’elle avait voulu aller voir cette inscription de plus près.
Regretter d’avoir enlevé la chaînette qui bloquait la Porte, et ainsi libéré les monstres se cachant derrière.
Regretter encore et encore…
Elle ne regrettait rien.
Car si ses choix l’avaient menée jusqu’ici aujourd’hui, ils lui avaient aussi permis de devenir la femme qu’elle voulait être. De trouver une famille dans les autres Armures. De rencontrer Alantha et de lier leurs destins.
Et pour toutes
ses (ou ces ?) raisons, elle ne regrettait pas ses choix. Elle préférait mille fois être ici qu’enfermée dans le destin que ses parents auraient voulu pour elle.
Même si cela signifiait mourir.
***
Destan marchait en tête, comme toujours. Le regard acéré, ne portant aucune attention aux odeurs infectes qui l’entouraient, il avançait impitoyablement à travers la jungle. Alors qu’ils marchaient depuis deux heures sans prendre de pause, Eryn tira doucement la manche de Destan.
– J’ai mal aux pieds.
Le visage de Destan se durcit une fraction de seconde avant de s’adoucir à nouveau. Il jeta un coup d’œil aux sandales de la petite. Elles étaient tâchées de sang là où la peau avait trop frotté.
– Peux-tu te dessiner des chaussures plus confortables ?
– Et je suis fatiguée. Et Elio aussi. Tu as toujours marché si vite ?
– Peux-tu te dessiner des chaussures plus confortables, Eryn ?
– Non. Depuis qu’on est ici, je ne peux faire que des dessins faciles.
– Et dessiner un rocher d’une tonne, c’est plus facile qu’une paire de chaussures ? dit-il en faisant référence à leur conversation de tout à l’heure.
Eryn le fixa longuement avant de répondre.
– Bien sûr. Tu sais, c’est un vrai métier, fabricant de chaussures.
Destan pinça les lèvres. Il détestait
s’être fait moucher (ou se faire moucher ?) par une petite fille de sept ans, mais il ne laissa pas ses émotions prendre le dessus.
– Je vais te porter sur mon dos. Mais tu dois me promettre de sauter par terre si jamais je lâche tes jambes. Si tu restes accrochée alors qu’un monstre arrive, tu me gêneras et je risque d’être blessé, voire de mourir. Est-ce que tu me promets de lâcher, Eryn ?
– Et toi tes chaussures, elles ne te font pas mal aux pieds ?
– Eryn, tu me le promets ?
– Oui…
– Qu’est-ce que tu me promets ?
– Mais, tu viens de le dire !
– Je m’assure juste que tu as bien écouté.
– J’ai bien écouté !
– Alors prouve-le moi, Eryn…
– Pourquoi ?
Destan se pinça l’arête du nez entre deux doigts. Difficile de ne pas s’énerver avec une tête de mule pareille !
– Parce qu’il en va de notre sécurité à tous. Mais si tu n’es pas d’accord, tu peux continuer à marcher !
Pour toute réponse, Eryn s’assit par terre et commença à tresser des brins d’herbe.
– Laisse, Destan, intervint Elio.
Il s’assit à côté d’elle et lui chuchota à l’oreille. Elle ne semblait pas écouter, mais au bout d’un moment, elle se releva et, tout en continuant de jouer avec ses brins d’herbe, déclara de sa voix flutée :
– Si tu es en danger, je saute de ton dos. Sinon tu pourrais être encore plus en danger. J’ai compris.
Destan hocha la tête. Il sortit son sabre de son fourreau, sachant qu’il lui fallait être encore plus vigilant qu’en temps normal. Il se baissa et lui fit signe de grimper sur son dos. Elle entoura son cou de ses bras et serra sa taille de ses jambes fluettes. Il se releva sans effort, une main soutenant les pieds d’Eryn tandis que l’autre brandissait son arme devant lui.
Ils continuèrent leur route, suivant les instincts d’Elio. Deux ans auparavant, ses parents avaient été enlevés et Rafi, un ami de la famille, s’était occupé de lui pendant ces longs mois. Quelques temps après, il s’était sacrifié pour lui transmettre un merveilleux cadeau : l’héritage de sa Famille, les Guides. Elio, même s’il n’avait pas appris à les contrôler, percevait des signes lui indiquant le meilleur chemin à prendre. C’était donc lui qui les guidait depuis que leur périple avait commencé.
Destan se fiait au jeune garçon. Depuis qu’il l’avait rencontré, environ un an auparavant, il témoignait d’une maturité exceptionnelle pour son âge. Destan savait qu’il pouvait lui faire confiance et qu’Elio ne faillirait pas à sa tâche.
La végétation commença à changer. Les lianes entremêlées et les buissons épineux laissèrent place à des arbustes rachitiques qui semblaient se battre pour le peu d’eau que le sol semblait contenir. Les herbes se firent rares et la terre ocre plus visible. Le sol était légèrement fissuré par endroits et l’air empestait la poussière et le
souffre (avec un f). A travers le feuillage moins dense, ils pouvaient observer une montagne qui se dressait à quelques kilomètres d’eux.
Une montagne… Ou un volcan.
Car ils eurent bientôt très chaud. De grosses gouttes coulaient sur le front de Destan. Des ondes de chaleur émanaient d’Eryn, qui était toujours calée sur son dos. Habitué aux températures glaciales de la Citadelle, là où il avait vécu la plupart de son enfance, le jeune homme souffrait bien plus d’Elio. Et si les vingt kilos de la petite fille ne lui avaient posé aucun problème dans un premier temps, ses épaules et son dos commençaient maintenant à le faire souffrir. Néanmoins, il n’aurait avoué ça pour rien au monde et mettait un point d’honneur à se tenir droit.
Ils marchaient à présent au milieu de ravines de pierre noire. Des éboulis de cailloux légers dégringolaient les parois de manière aléatoire et le sol fumait par endroit.
– Nous ne sommes plus très loin, dit Elio.
Destan acquiesça. Il avait hâte de passer cette Porte et de fuir cette maudite chaleur.
Ils finirent par arriver dans une sorte de cirque d’une cinquantaine de mètres de diamètre. Elio s’arrêta. Destan sourit. Enfin, ils touchaient au but.
– Je sens…
Elio ne finit pas sa phrase. Tout d’un coup, il avait l’air inquiet.
– Tu sens un danger ? le pressa Destan.
Il fit descendre Eryn de son dos et commença à tourner autour des deux enfants, surveillant les alentours.
– Je… je ne sais pas. Non.
– Quoi alors ?
– Je ne sens plus la Porte.
– On l’a dépassée ?
– Non, je continuerais à la sentir. Elle a disparu.
– Comment une Porte peut disparaître ?
Les deux garçons se regardèrent gravement.
– Elle s’est peut-être fait avaler par le volcan ? fit Eryn au bout d’un moment.
– C’est possible, réfléchit Elio. Il est très certainement en éruption, et sa lave a pu condamner la porte.
– Alors on est bloqués ? On n’a plus qu’à faire demi-tour ?
– Je ne sais pas… Je ne sens plus rien.
– Par le caleçon de Merlin !
Destan shoota (ce n'est que mon avis, mais l'emploi de cet anglicisme est barbare

) dans une pierre pour se défouler. Des petites mains vinrent attraper son bras.
– T’énerve pas Destou. Ça rend triste Elio.
– Je suis désolé, compléta ce dernier. J’aurais dû le voir. Je vous ai mené
s là pour rien et… maintenant je ne sais même plus où aller.
Destan prit une grande inspiration. S’énerver ainsi n’était pas digne du futur Seigneur des Marches du Nord.
– On ferait mieux de s’éloigner du volcan. On ne voudrait pas ressembler à une certaine Porte.
Eryn émit un rire flûté.
– Mais on ne ressemble pas du tout à des portes !
Destan lui jeta un regard mi-exaspéré, mi-amusé.
– Aller, grimpe au lieu de raconter des bêtises.
Il s’assura qu’Eryn était bien accrochée. Avec cette chaleur et la fatigue, la suite du trajet allait…
Dans une explosion assourdissante, une partie du volcan explosa.
Pendant un instant hors du temps, ils observèrent les projections d’un rouge flamboyant qui s’élevaient puis retombaient sur les parois de la montagne.
Puis…
– On fonce !
Elio prit la tête sous sa forme de jaguar, revenant en arrière de temps à autre pour indiquer à Destan le meilleur chemin. Celui ci utilisait toutes les ressources de son formidablement entraînement pour échapper à la lave fluide qui les poursuivaient.
Au bout d’une demi-heure, ils traversèrent une rivière, le terrain remonta et la végétation recommença à apparaître. Ils s’effondrèrent, épuisé par leur sprint dans cette chaleur étouffante.
Eryn remplit leurs gourdes d’eau et fit apparaître trois sandwichs. Ils étaient bien moins bons que ceux qu’elle dessinait dans la Maison dans l’Ailleurs, mais ils avaient tellement faim qu’ils les dévorèrent en deux minutes.
(Petite question, je ne me souviens guère des séries, mais les personnages peuvent-ils manger ce qu'ils dessinent ? Y a pas un moment où on en parle ? Je suis sûr de rien.)
Ils finirent par repartir. Elio restait muré dans le silence, ressassant ses pensées. Destan finit par venir lui toucher un mot.
– C’est un simple échec, tu sais.
Elio darda son regard vert dans celui de Destan.
– Un simple échec qui aurait pu tous nous tuer. Un simple échec qui nous laisse marcher sans but.
– Nous ne sommes pas morts. Quant à notre but, nous trouverons une solution.
Elio haussa les épaules. Son malaise était plus profond que cela. Lors de sa quête contre l’Autre, il avait toujours su où aller, que faire. Le pouvoir des Sept Familles qui vibrait en lui l’avait porté jusqu’à la défaite de l’Autre, car il était né pour cela.
Son pouvoir était intrinsèquement lié à celui de l’entité. A sa disparition, les capacités d’Elio avaient décliné.
Aujourd’hui, prendre des décisions se révélait bien plus complexe. Si ses aptitudes l’aidaient de manière évidente, il n’avait plus de certitudes absolues.
Peut-être était-ce cela, grandir.
– Ne te laisse pas renverser. J’ai confiance en toi. Comme je l’ai dit, c’est un simple échec.
Elio pinça les lèvres. Il se souvenait distinctement de sa dernière conversation autour de ce mot…
*
Elio essuya la sueur sur son front d’un revers de main. Malgré toutes ses tentatives, il n’arrivait pas à percer la garde de Destan !
Les deux garçons s’exerçaient dans la cour de la maison de vacances appartenant à la famille de l’Alavirien, sous le regard perçant de leurs parents. Le principe était simple : armé d’un bâton, Elio devait toucher Destan et ce dernier devait seulement esquiver. Elio avait pensé que cela serait facile, mais il s’était lourdement trompé. Le jeune homme le repoussait sans difficulté particulière. Il sautait sur le côté quand nécessaire, ou se tournait simplement d’un mouvement fluide.
Elio haletait sous l’effort. Il se retenait de se transformer en jaguar, forme sous laquelle il était bien plus rapide. Il était désarçonné de ne pas réussir à toucher Destan. Il avait hérité de son ascendance de Cogiste une vigueur physique exceptionnelle, et ses gènes Scholiastes lui permettaient d’apprendre absolument tout, simplement en regardant.
Absolument tout… Ou presque. Car il ne parvenait pas à imiter les gestes fluides et impeccables de Destan.
Il ne comprenait pas.
– Echangez, maintenant. Destan, tu prends le bâton.
Elio blêmit légèrement et se tourna vers Edwin, qui venait de parler. Le père de Destan se tenait dans l’ombre de la maison de pierre. De stature moyenne, les cheveux blancs et la peau burinée, il aurait pu facilement passer pour un vieil homme si la vigueur qui se dégageait de lui ne clamait pas le contraire. Il lut dans son regard qu’il ne plaisantait pas. Elio soupira en donnant le bâton à Destan. Il ne faisait pas d’illusions : il avait déjà lamentablement échoué dans l’exercice le plus facile, il ne ferait pas mieux dans celui-ci.
Elio se mit en garde, versant toutes ses forces pour redoubler de vitesse et de dextérité. Il perçut l’attaque de Destan à gauche, plongea sur la droite, roula sur son épaule, tenta de se relever…
Echec.
Un coup dans le dos l’avait rabattu au sol.
Le souffle coupé, il se releva, crachant le caillou qui s’était infiltré entre ses lèvres.
Il focalisa à nouveau son attention sur Destan, attendit un signe…
Echec.
Le bâton avait frappé ses côtes sans qu’il n’ait pu réagir.
Il s’éloigna un peu, fluide sur ses appuis, prêt à sauter…
Echec.
Echec.
Echec.
Elio en aurait pleuré de rage si le regard perçant de son père ne l’en empêchait pas aussi sûrement.
– Tu n’es pas dans le temps.
Elio sursauta. Ellana s’était avancée vers eux sans qu’il ne s’en aperçoive. De tous ceux qu’il avait rencontrés en Gwendalavir jusqu’alors, c’était sûrement celle qui l’impressionnait le plus.
La peau mate, les cheveux d’un noir de jais parsemés ici et là de quelques cheveux blancs, fine et élancée malgré ses quarante ans, la mère de Destan brûlait d’une énergie sauvage qui laissait pantois n’importe qui ne la connaissant pas. Les petites rides au coin de ses yeux et sur son front rehaussaient la beauté de son visage. Mais ce qui l’impressionnait le plus, c’était sa façon sibylline de parler et l’humour décalé dont elle faisait preuve.
– Dans le temps ?
– Oui.
Elle croisa les bras et le regarda d’un air amusé.
– Je ne comprends pas.
– C’est bien là le problème.
Elio fronça les sourcils.
– L’échec n’est pas un obstacle à franchir, reprit-elle, mais une marche qui t’aide à t’élever. L’échec est une force, qui peut te
renverser mais aussi te porter. A toi de savoir l’utiliser.
Elio déglutit. Il s’imprégna lentement des phrases d’Ellana. La différence ne semblait pas grande, et pourtant… Et pourtant elle lui offrait un nouveau champ des possibles, une nouvelle façon de voir le monde.
Il hocha la tête.
– Je vois. Mon échec contre Destan peut me décourager ou me motiver à progresser. Cela ne dépend que de moi de choisir la voie que je souhaite emprunter. Je dois comprendre seul comment être dans le temps, comme tu le dis, et mes pouvoirs ne pourront pas m’y aider car être dans le temps ne peut venir que de l’expérience et donc, de l’échec.
Ellana sourit finement pour toute réponse.
*
Tard ce
soir là (avec un petit tiret

), Edwin rejoignit Ellana dans le lit qu’ils partageaient. Il se lova contre son dos et l’embrassa dans le cou.
– Il est exceptionnel, n’est-ce pas ? dit-elle.
– Oui. Tu pourrais en faire un bon marchombre.
Ellana sourit.
– Je laisserai plutôt Salim s’en occuper...
Elle se tourna vers lui.
– Car j’ai déjà fort à faire avec toi, ajouta-t-elle, un air joueur dans les yeux.
– Je suis un élève si pénible ? chuchota-t-il.
– Le plus pénible.
*
Après leur course effrénée pour échapper au volcan, les trois enfants avaient ralenti mais Destan supportait toujours le poids d’Eryn sur son dos. Son énergie retrouvée, elle bombardait de questions Destan qui commençait à se demander s’il n’allait pas l’abandonner derrière lui.
Accaparé par Eryn, il lui manqua une précieuse seconde pour réagir lorsque les Helbrumes attaquèrent.
Créatures intelligentes et vicieuses, elles les avaient attendu
s à un endroit stratégique et s’étaient réparties en cercle autour d’eux.
Puis elles avaient attaqué.
Eryn émit un hoquet de dégoût face au corps humanoïde et lisse des Helbrumes. Débarrassés des contraintes terriennes, ils avaient enlevé leurs vêtements et leur peau nue ne présentait qu’une seule aspérité, leur bouche plissée dans une grimace de haine. Dans leurs mains, des armes hétéroclites se balançaient.
Destan para à la dernière seconde un sabre qui aurait dû l’égorger, fit vriller sa lame et trancha le bras d’un Helbrume dans le même mouvement. Mais les monstres étaient bien trop nombreux et Eryn sur son dos ralentissait ses mouvements. Il lui hurla de le lâcher, mais elle se cramponna à la place de plus en plus fort.
Si les Gröens et les autres monstres du même acabit ne l’avaient jamais effrayée, la vision de ces absurdes imitations humaines l’avait poussée dans ses retranchements. Elle avait voulu tous les aplatir comme des galettes de naam ou les transformer en spaghettis, mais son pouvoir lui faisait défaut. Pétrifiée par la peur et réduite à l’impuissance, elle n’entendait plus les cris de Destan.
Le sabre de Destan virevolta et perfora la poitrine d’un Helbrume tandis que les mâchoires puissantes du jaguar à ses côtés déchiquetaient un mollet. Tous les deux continuèrent leur travail de boucherie et pendant un instant, ils crurent être tirés d’affaire malgré la contrainte qu’Eryn leur imposait.
Puis Destan, peu habitué à sa nouvelle charge, anticipa mal une esquive. Il se jeta sur le côté trop lentement.
Une épée lui transperça le dos. Etonné, il observa d’abord la pointe ruisselante de sang qui ressortait par son épaule gauche.
Puis il sentit la douleur. Terrible.
Enfin, un hurlement retentit. Un instant, il ne comprit pas. Puis l’épée disparut et avec elle, la charge qui pesait sur son dos.
La vérité éclata dans son esprit. Brutale.
L’épée qui l’avait éventré avait touché Eryn !
*
Nawel se figea.
Par une trouée entre les arbres, elle apercevait un volcan.
Un volcan en éruption !
Elle les connaissait grâce à un livre de géographie, qui faisait état de leur existence dans les confins des montagnes de l’Ouest de son monde natal. Un schéma détaillé complétait les explications, mais elle n’aurait jamais pensé qu’il puisse être si éloigné de la réalité.
Car il ne représentait absolument pas la majestuosité du volcan ni l’incroyable attirance qu’il exerçait sur elle. Elle l’observa durant de longues minutes.
Fascinée.
Nawel allait s’éloigner quand elle entendit un cri. Le cri d’une petite fille apeurée.
Son cœur rata un battement.
Il ne pouvait s’agir que d’une petite fille.
Nawel court, plus vite que la peur, plus vite que la mort. Elle court sauver son destin.