Le Théâtre du Pouvoir [fantasy-dark fantasy-guerre-intrigue]
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Re: Le Théâtre du Pouvoir [fantasy-dark fantasy-guerre-intrigue]
XXX. Darrion Holl, le Kraken vert Partie 2
L’eau du lac lui montait jusqu’aux genoux, mais Darrion n’en avait rien à faire. Il aimait l’eau plus que tout. Qu’elle soit salée ou douce, il n’en avait rien à faire, l’eau était son élément. Elle pouvait détruire l’acier, tuer un homme, mais c’était aussi l’une des sources principales de la vie. Chaque être vivant en avait besoin pour vivre. L’eau était l’ennemie de beaucoup de personnes, mais c’était aussi l'allié de tous. C’était un don des dieux pour le monde, c’était tellement triste que les hommes en aient si peur.
Il fit quelque pas et se retrouva sur le sol dur. Cela lui procura une sensation étrange. Après des jours sur un bateau, il avait l’impression que son corps se balançaient. Peut-être devrait-il écrire une chanson sur ça? L’idée lui semblait intéressante, mais pour l’heure il avait autre chose à penser. Il avait une bataille à mener.
Ses marins se rassemblaient autour de lui. Il connaissait chacun de leurs prénoms, les noms de familles n’avaient pas d’importance, pourtant il les connaissait aussi. Ralf-une-main; Bjornd Larnnois; Orstenn son second sur le Grand-kraken; Stentor Nacre; Balgarde Clyvorde; Eddarne Malgache; Jared Flanke; Almar Frayd; Hel Donhall; Dan Kiord; il les connaissait tous. Chacun trait parmi les hommes en qui il avait le plus confiance, et pourtant, Darrion n’avait confiance ne presque personne. D’une certaine façon, ces hommes formaient sa bande, ses «gas» comme il aimait les appeler. Ils étaient ses hommes, au-delà, ils étaient son peuple.
La bataille allait bientôt s’engageait dans la plaine Phoenix. Bientôt, la plaine serait jonché de cadavres. Ils pourrait aussi bien s’agir de ses hommes que de ceux du Roi Charles.
Cette guerre était triste en un sens. Darrion aurait adoré avoir une alliance entre lui et le Roi Charles, enfin tant qu’il était contrôlé par son frère feu Richard. Les avantages qu’il aurait eu d’une telle alliance aurait été considérable. Mais il fallait évidement que ce foutue prince crève juste avant le mariage avec la sœur de Darrion. Et maintenant il se retrouvait pris dans les engrenages de l’étoile pourpre. Il manigancait tout comme une araignée sur une toile. Darrion c’était laissé prendre au jeu, mais maintenant il se rendait bien compte de ce qu’il avait provoqué.
En vérité, il ne pensait pas que la guerre irait aussi loin. Il ne se doutait même pas au début que la guerre débuterait. Sa sœur, cette idiote, était un simple instrument afin de lui allonger le bras. Elle se révélait plus problématique qu’autre chose. Si cela n’avait tenu qu’à lui, il aurait attaqué la cité d’or dès son arrivée dans le Grand-Royaume. Mais l’étoile pourpre avait insisté pour ne pas qu’elle meure. Il la voulait vivante. Que ce soir pour avoir une bonne image ou autre chose, Darrion n’en savait rien. Une chose qu’il savait, c’était que dès qu’il l’aurait récupéré, sa sœur devrait compté les heures avant de mourir. Il la laisserait à ses hommes après s’être un peu amusés avec elle, et ils pourraient faire ce qu’ils voudraient d’elle, il n’en aurait rien à faire. Ca s’était la version qu’il s’était éforcé de donner à tout le monde. En vérité, sa sœur ne lui serait plus d’aucune utilité, mais afin d’être certain qu’elle ne représente pas de danger pour lui à l’avenir, il préférait se débarrasser d’elle. Il voulait qu’on le voit comme un psychopathe, et il se donnait du mal pour cela. Après il fallait aussi dire, que cela lui donnait beaucoup de plaisir. Agir sans avoir à se soucier de la moralité et de l'éthique des autres, c’était tellement simple pour lui. Darrion était un roi et il pouvait ainsi faire tout ce qu’il voulait.
Il regarda autour de lui. Que des marins Mitilien. Chacun était préparé pour la bataille qui allait avoir lieu. Le sang et la mort les stimulaient. La bataille d’Argane et de l’Hersœur n’avait été que des amuses bouches pour eux. Maintenant commencé le plat principal.
Peu de ses hommes avaient débarqué sur la plage. Moins de mille hommes, répartis en trois points. Quelques centaines se trouvaient sur le flanc droit de la formation, prêt à séparer la formation adverse en deux, ils devaient attaquer une famille appelée les Morrl ou quelque chose comme cela, Darrion n’était pas sûr. D’autres étaient sur la flanc gauche et devaient soutenir l’assaut sur ce flan. Le reste se trouvait avec lui sur le centre face au Roi Charles. Il avait moins de trois cents hommes, mais il allait combattre aux côtés de Rogar Dorne et de ses soldats d’élites. Il savait donc que cette partie là ne serait pas simple à déborder. Et pourtant c’était tout la le plan de Darrion.
Il tira sa hache de sa ceinture et prenant son bouclier à Ralf-une-main qui lui tendait, il frappa dedans pour s’échauffer. Les hommes autour de lui l’imitèrent et poussèrent des cris de guerre. Ils ont besoin d’action, pensa Darrion. Et bien, ils vont bientôt en avoir.
En cavalier tentait de se frayer un chemin dans la horde en furie. Il arriva à la hauteur de Darrion et sur son cheval, il l’interpella. «Sire Holl! Le duc Rogar veut que vous veni…
- Descends de ton cheval quand tu t’adresses à moi, dit Darrion. C’est à un roi que tu t’adresses pas un petit seigneur. Fais vite, ou il t’en cuira.»
Le chevalier s’executa avec l’oeil blanc se qui fit rire Darrion.
«Sire, la bataille va bientôt s’engager. Le duc Rogar a besoin de vous et de vos troupes à ses côtés. Le Roi Charles se trouve juste devant lui. Il compte attaquer avec tous ses meilleurs hommes.
- Très bien, dites à Dorne que j’arrive.» Il s'avança brusquement vers le cavalier, se qui le fit tribucher de peur. Darrion éclata de rire en le voyant par terre, il fut rapidement imité par ses hommes.
Le messager se releva et détala aussi vite qu’il le put. Il le regarda partir, puis se tourna vers ses hommes. «Allons bouffer de l’Orois!» Ses hommes rugirent et le suivirent vers les bannières de Rogar Dorne.
Darrion n’avait pas de cheval puisqu’il n’aimait pas ça. Mais en voyant l’immense cavalerie loyaliste, il se demanda s’il n’aurait pas mieux fait d’en prendre un. Mais après tout, il savait que même avec des chevaux, les loyalistes hésiteraient rien qu'en le voyant. Avec un nombre important de lances, il pourrait stopper la charge. Sans compter qu'un petit nombre d'archers soutenait la formation. Le pire était qu’il avait hâte de voir les cavaliers lui fonçaient dedans. Cela promettait d'être un spectacle magnifique.
Arrivé à la hauteur des premières lignes, Darrion laissa ses hommes se positionner et observa la plaine. À moins de trente coudées de lui se trouvait Rogar Dorne, sa bannière flottant dans le souffle du vent juste au-dessus de lui. Chasseur à cheval rouge sur fond jaune orangé, c'était la plus grande bannière de toute l'armée. On pouvait sûrement la voir de n'importe où sur le champ de bataille, elle attirait toutes les flèches vers son porteur. Rogar Dorne était quant à lui, impossible à manquer. Il dominait tous les hommes autour de lui par sa taille, au moins six pieds de haut. Son armure était faite de la même façon que Darrion, Rogar Dorne souhaitait être vu. Il ne l'avait pas fait peindre contrairement à Darrion, mais elle ne lui permettait pas de passer inaperçue. L'acier était noir hormis le centre du plastron où était gravé le blason de sa famille, qui lui était rouge et jaune orangé. Son cheval était entièrement caparaçonné en plus d'être recouvert des couleurs de la Largonne. Rogar Dorne avait accroché à son bras gauche, un bouclier avec son blason, pendant que son bras droit tenait fermement une lance de guerre. Mais ce ne fut pas cela qui attira l'œil de Darrion. Le marteau d'arme, le fléau à ennemie, l'épée qui faisait l'arrogance de sa famille depuis des générations, était accroché à sa selle. Malgré la taille imposante de Rogar Dorne, l'épée était trop grosse pour qu'il puisse la manier sur son cheval. Il ne s'en servirait que si son cheval viendrait à mourir. Darrion hésita à demander à l'un de ses hommes de tuer son cheval pour le voir combattre. Puis il se ravisa en se disant que cela ne lui apporterait pas grand-chose. Tout le monde voudrait voir Rogar Dorne combattre, son cheval ne tiendrait pas très longtemps.
Aussi étrange que cela puisse être, l'armée de la Largonne était principalement composée des hommes personnels de la famille Dorne. Le duc n'avait fait venir que peu de ses bannerets. Le peu se trouvait à côté de lui, malheureusement Darrion ne les connaissait pas. Il n'avait jamais appris les noms des seigneurs de la Largonne.
Jusqu'à présent, il n'avait rencontré que le comte Edgar Tornac. Celui-ci était venu sur le Grand-kraken en tant qu' émissaire du duc. Il avait demandé à Darrion que la fille du marquis Herse soit remise au duc afin qu'il puisse proposer un échange avec Enoria. Comme la fille du marquis lui appartenait. Elle était la capture de Darrion et il pouvait en faire ce qu'il voulait. Il n'allait certainement pas l'échanger contre Enoria. L'échange n'était pas équitable et de plus, on ne pratiquait pas d'échange avec Darrion. Cette fille lui appartenait par le droit de conquête. Il n'était pas question qu'il la laisse partir. Au contraire, Darrion trouvait très bien qu'elle reste dans sa cabine. Au moins, elle lui apportait un peu de distraction. Elle se sentirait seule, si la rendait. Étant donné le nombre de fois où il l'avait violée, il était certain que désormais elle ne pouvait plus se passer de lui. Il avait dit ses mots au comte et celui-ci l'avait traité de malade mental. Darrion avait éclaté de rire et avait dit en être conscient, et il l'avait renvoyé avant que l'envie lui prenne de le balancer par-dessus bord.
Il n'était pas à douter que tous les comtes de Rogar Dorne le trouvaient fou. Darrion l'espérait, selon lui il valait mieux inspirer la crainte plutôt que la confiance. La première durait plus longtemps, surtout dans un monde comme le sien.
Il repéra le comte Tornac dans les chevaliers au milieu de Rogar Dorne et lui adressa un signe de main un grand sourire aux lèvres. Le comte détourna aussitôt la tête, ce qui fit éclater de rire Darrion. Il alla même jusqu'à se plier en deux, ce qui lui valut de se faire remarquer par Rogar Dorne. Celui-ci regarda son vassal et secoua la tête, puis il adressa un signe de main à Darrion.
«Sire Holl, cria le duc. Dites à vos hommes de se placer, la bataille va bientôt commencer. Il est l'heure de déchaîner les enfers sur eux.» Darrion voulut lui rétorquer que nul ne lui donner des ordres, mais le duc s'était déjà reposté dans la ligne de front et commençait à discuter avec ses vassaux.
Darrion pesta et alla se mettre devant ses hommes. Ralf-une-main lui tendit son casque et il l'enfila. Il savait que même si cela réduisait sa vision, son casque le rendait encore plus terrifiant. Le kraken terrifiait tout le monde, mais le pire serait pour celui qui retirerait son casque. Son visage était peint en blanc hormis les yeux en noir et les larmes de sang qui lui coulé sur les joues. Il voulait se donner un aspect de démon, et cela fonctionnait mieux que prévu. Il aimait faire peur aux gens, encore plus les faire souffrir. Cela lui apportait une satisfaction.
Ils durent attendre qu'il soit midi avant d'entendre les premiers cries de guerre. Darrion sentit l'adrénaline montait en lui. Il attendait ça depuis un moment. Autour de lui, ses hommes n'attendirent pas pour libérer leur furie. Ils hurlèrent à en faire replier tout homme se dressant contre eux. Darrion savait très bien, qu'il ne valait pas mieux que des animaux, mais c'était tout là leur force. Leurs corps s'échauffaient pour la bataille, ce qui en ferait des bêtes de guerre.
Darrion profita de la furie de ses hommes pour chercher le Roi dans l'armée loyaliste. Il le trouva facilement entouré d'un arc en ciel de couleurs provenant de ses bannières. Il se trouvait juste en face de Rogar Dorne. Sa cavalerie l'entourait et il semblait très clairement qu'il comptait s'attaquer au duc en priorité. Cela prouvait que son plan fonctionnait, le Roi Charles tombait droit dans leur piège.
Face à lui se trouvait aussi de la cavalerie. Principalement de la maison du Roi, ils étaient assez simple à reconnaître avec leur cape noir et or sur les épaules, certain avaient gardé les couleurs de leur maison, mais la plupart devait certainement être des chevaliers engagé dans les guetteurs de la ville. Cela pouvait aussi bien être de bon soldats que de mauvais. Darrion voulu pestait, c'était plus amusant de massacrer les faibles, la peur se laissait facilement voir dans leurs yeux, et cela Darrion adorait, ça et leurs gémissements de supplication.
Finalement, le Roi Charles finit par sortir de la ligne pour pousser un ultime cri de guerre. «PAS DE PITIÉ POUR LES TRAÎTRES! NOUS NE CÉDERONS PAS! POUR LA CITÉ D’OR!»
Vas-y, pensa Darrion. Crie, fais le malin temps que tu le peux encore. Avant se soir toi et tes hommes ne formeront qu'un festin pour les corbeaux. Ta cité sera en flamme et toi tu pourriras en enfer. Il fit signe à ses soldats de resserrer les rangs et ensemble ils avancèrent sur un pas calme et lent.
L'ensemble de l'armée avançait comme pris dans les engrenages d'un moulin. Chaque mouvement d'homme entraînait celui d'un autre, et cela se profilait à l'infinie. Les hommes avançaient, sous couvert de volée de flèches. Si bien que pendant un moment, Darrion crut que le temps s'était ralenti. Les hommes avançaient sans vie, tels les engrenages d’une machine infernale.
«Resserrer les rangs, cria t-il. Créez un mur de pique pour accueillir la cavalerie.» En effet, la cavalerie menée par le Roi Charles se dirigeait vers lui. Le Roi en personne semblait plus orienter vers Rogar Dorne. Les volées de flèches décrivirent un arc de cercle au dessus des bannières noir et doré loyalistes, pour venir se planter dans sur leurs lignes. Darrion entendit les cris de dizaines de soldats touchés par les flèches. Certains furent emmenés par Hell. Les faibles, pensa Darrion. La ligne était tellement serrée que cela ne changea pas grand-chose à l’organisation. Les marins tombèrent et d’autres prirent leurs places. Les volées de flèches s’enchaînaient pour couvrir l’avancer de la cavalerie loyaliste qui avançait au petit galop.
À environ la moitié de la distance qui les séparé de base, les flèches des Mitiliens sifflèrent au-dessus de sa tête. Une à une, elles vinrent s’écraser contre les armures des loyalistes et de leurs chevaux. La fau de la mort les balaya en quelques instant. Le chaos s’installa dans la charge mais celle-ci n’en fut pas stoppée pour autant. Au contraire les cavaliers tombèrent entraînant à la renverse leurs alliées, mais beaucoup d’entre eux fut piétiné par les suivants. Il était trop difficile d’éviter les hommes au sol avec des chevaux lancés à cette allure.
Les flèches continuèrent à pleuvoir autour de lui. Les Mitiliens comme les loyalistes continuaient à tomber sous leurs vagues. «En avant! cria t-il. Montrez à ces chiens comment on se bat!» Galvanisé par leur Roi, le marin poussèrent des cris de guerre et avancèrent. Les premiers pas se firent dans le désordre mais rapidement les hommes trouvèrent la cadence. Poussant des cris de guerre, les Mitiliens se rapprochaient un pas après l’autre de la cité d’or.
Alors qu’il se trouvait à cinquante coudées de la cavalerie loyaliste, le choc de s’engagea un peu partout sur la plaine. Juste à leur droite, Darrion put voir les cavaliers avec le Roi Charles se percuter à la garde du duc Rogar. Le choc fut brutal et sanglant. Les lances transpercèrent armure et cher, le sang gicla, Hell passa une nouvelle fois sa faux dans les soldats.
Darrion regarda face à lui. Ses adversaires se trouvaient à trente coudées, Darrion sut que cela ne servait plus à rien d’avancer. «Stop, lança-t-il. Lances! MUR DE LANCES!» Au dernier moment, les hommes levèrent leurs lances face au cavalier loyaliste.
Malgré les ordres de leurs cavaliers, l’instinct de survie fut plus fort chez les chevaux. Darrion ressentait leur peur, et cela l’amusait. Les chevaux se cabrèrent devant les piques des Mitiliens et la charge fut stoppée. Les cavaliers tombèrent au sol dans un chaos général. Certains tentèrent de reprendre le contrôle sur leurs montures pendant que d'autres se faisaient empaler par les piques.
Darrion s’élança d’un coup sans faire attention à ce que ses hommes le suivirent. Sentant sa hache dans sa main droite, il la planta directement dans la tête d’un homme qui essayait de se relever d’une chute de cheval. Sa tête explosa sous l’impacte si bien que Darrion n‘eut pas besoin de la retirer.
Suivi par une marais de Mitiliens, il bondit tel un démon sur un cavalier qui essaya de calmer sa monture. Darrion s'agrippa à ses hanches et le tira pour le faire tomber au sol. Le chevalier le remarqua et tenta de lui donner un coup d’épée, mais trop tard. Darrion le fit vider ses étriers et il tomba au sol se perdant dans le chaos.
La charge, se transforma rapidement en mêlée, la mêlée en chaos. Chaque homme loyaliste luttait pour survivre face aux Mitiliens déchaînés. Darrion était le maître d’une horde de démon, et il faisait honneur à sa réputation. Sa hache taillait tout ce qu'elle trouvait. Avec lui, ses hommes se battaient tels des animaux. Les loyalistes avaient beau avoir des armures, cela ne servait à rien contre la furie des hommes du kraken vert. Le pire, c’était que Darrion éclatait de rire à chaque fois qu’il s’attaquait à un homme.
Un chevalier ayant perdu son cheval se jeta sur lui alors qu’il finissait de retirer sa hache du corps d’un cheval. Malgré le chaos, l’homme parvenait à manier une épée. Il lança une série d’attaque sur Darrion, mais celui-ci ne fit rien pour les empêcher. L’armure le protégeait, il en était conscient. Levant sa hache, il la balança contre le côté de la tête de son agresseur. Le casque de son adversaire ne servie à rien. La moitié de sa tête fut arrachée par la hache de Darrion.
Il ne vérifia même pas que l’homme soit bien mort. Il passa par-dessus son corps qui tombait au sol, et fusa vers un chevalier encore à cheval. Celui-ci donnait des coups d’épée de part et d’autre de sa monture, tout en essayant de garder un contrôle dessus. Darrion enfourcha sa hache dans le coup du cheval et regarda l’homme tombait au sol sous les hennissements de son cheval. Il se retrouva bloqué au sol par le cadavre et implora grâce auprès de Darrion.
Il vit la peur dans ses yeux. Cela lui donna un sentiment de puissance. Il tenait dans ses mains la vie de cette personne. Levant la hache, il l’abattit contre le chevalier en poussant des hurlements de rire semblable à des cris d’animaux. Il frappa, frappa, et frappa encore jusqu’à ce qu’il ne reste que des charpies du chevalier.
Depuis le choc des deux armées, une petite montagne de cadavres venait de se former. Elle se situait juste à l’endroit ou les eux armées s'étaient entrechoquées. Darrion put admirer le carnage que ses hommes avaient entraîné. Étrangement, les loyalistes semblaient plus nombreux, à la fois dans la pile de morts et de blessés, mais aussi dans les hommes qui se battaient dans le chaos.
Darrion rechercha alors la bannière de Rogar Dorne. Il la trouva à environ deux douzaines de coudées de celle du Roi. Chasseur à cheval sur fond orange. La bannière se situé encore juste au-dessus de Rogar Dorne, mais celle-ci était beaucoup plus reculée que prévue, d’ailleurs elle serait bientôt sur le lac. La bannière du Roi se situait très proche mais elle n’était pas encore prête de l’atteindre. Cela voulait donc dire que le Roi Charles voulait affronter son duc. Darrion ne voulait surtout pas rater la confrontation entre les deux hommes. Cela promettait d’être épique.
Cela voulait surtout dire que leur plan fonctionnait et que le Roi tombait dans leur piège. Maintenant il comprenait pourquoi ses hommes se retrouvaient à un contre quatre, il fallait les faire reculer, ou ils finiraient encerclés et massacrés. Bien que la situation promettait d’être amusant, cela entraînerait sa mort et Darrion n’était pas encore près à abandonner la vie.
La pile de cadavres continuait à monter, le chaos était toujours aussi fort. Il fallait donc profiter de la situation pour faire reculer ses hommes. Un cheval passa juste à côté de lui au galop et Darrion saisit l’instant. Il attrapa l’encolure du cheval et se hissa sur la selle. La bête se calma rapidement une fois les reines dans ses mains.
De cette façon et avec son armure verte, noir et or, il était certain de ne pas passer inaperçue. Mais c’était ce qu'il voulait. Il voulait que ses hommes le voient et de toute façon il se fichait d’être vu par les loyalistes, il savait qu’il leur mettrait la trouille. Il était le kraken vert, un simple regard avec lui suffisait à faire peur. Heureusement qu’il portait son casque en forme de kraken. Son visage était encore pire à voir. Il l’avait peint en blanc hormis les yeux et leurs contours qu’il avait peint en noir pour pouvoir ressembler à un démon. Il y avait même ajouté les larmes de sang de Hell.
Sa cape verte derrière lui et étant sur un cheval, il était la cible parfaite pour n’importe quel archer. Mais il savait que ses hommes devaient le voir pour lui obéir. S’ils ne se repliaient pas maintenant son plan ne fonctionerait pas.
Il prit sa hache et l’agita au-dessus de sa tête. «Kraken, kraken! Repliez vous vers le lac! Vers le lac!» Sans une seule hésitation, ses hommes commencèrent à reculer. Trop heureux que l’assaut de marins prenne fin, les loyalistes ne cherchèrent pas directement à les poursuivre. Au lieu de cela, ils commencèrent à évacuer les blessés avec des brancards, hors ceux-ci étaient nombreux. Cela leur donner un temps de répit avant le prochain assaut.
Autour de lui, une douzaine de ses gars s’étaient rassemblés et lui servaient de boucliers humains. Darrion en profita et fit tourner son cheval afin de trouver la bannière du Roi et par extension le Roi Charles. Celle-ci se trouvait à moins d’une cinquantaine de coudées de lui et de ses hommes. Le Roi Charles n’en était pas très loin et ne semblait pas comprendre qu’il finirait bientôt encerclé. Il devait déjà avoir perdu la moitié de ses hommes, mais il semblait décidé à occire Rogar Dorne. Cela Darrion ne voulait pas le manquer. Il ne voulait pas manquer le duel entre les deux hommes.
Les blessées commençaient à se faire moins nombreux chez les loyalistes, cela voulait dire que leur assaut ne tarderait pas. Les Mitiliens de leur côté s’étaient déjà remis en ordre de bataille et se préparaient au nouvel assaut. Cela lui laissait encore un peu de temps pour séparer le Roi du reste de son armée.
«Avec moi!» Il fit claquer ses reines et n’attendait pas que ses hommes le suivent. Il fonça droit vers les soldats au sol sur son flanc gauche et chargea dans le mur de bouclier qui venait de se former à son approche.
La surprise fut totale. Son cheval sauta juste au-dessus du mur de bouclier et Darrion se retrouva entouré de loyalistes. Sans attendre de réaction de leur part, il frappa partout où il le pouvait. Son cheval se cabra tellement que les loyalistes n’osaient pas l’approcher pour le faire tomber de cheval. À chaque fois que l’un d’entre eux essayaient, il se prenait un coup de hache ou un coup de sabot. Certain arrivait même à l'atteindre avec des lances, mais il en fallait plus pour faire tomber Darrion de sa monture. L’armure le protégeait et il en avait conscience.
Ce fut finalement une lance qui eut raison du cheval et du cavalier. Un chevalier enfonça sa lance dans le coup du cheval et celui-ci s’écroula sur le sol dans un hennissement. Darrion voulut immédiatement se dégager du cadavre, mais sa jambe était bloquée par le poids.
Les loyalistes autour de lui saisir alors dague et épée et se jetèrent sur lui afin de le mettre en charpie. Darrion sentit alors chaque coup de dague contre chaque plaque de son armure. Les hommes le tailladaient de partout, sans aucune distinction. Il saisit sa dague pour se défendre face à la horde de fous furieux, mais cela ne servit à rien. On la lui prit des mains avant qu’il n'ait eu le temps de s’en servir et ils continuèrent de chercher les failles de son armure. Ils devaient le tuer quoi qu’il arrive. Darrion se débâtit comme il le put mais peu de gestes lui était permis. Un homme lui donna un coup sur son casque déformant celui-ci et mettant noir dans la tête de Darrion. Il ne savait pas si c’était parce sa tête était touchée ou parce que son casque était seulement déformé, mais il ne voyait plus rien. Cela le fit éclater de rire et pas un seul instant il ne paniqua. Le coup de poignard se firent alors plus fort et Darrion crut bien qu’ils allaient réussir à percer son armure.
Ce fut l'arrivée salvatrice de ses gars qui le sauva. Ses hommes mirent en charpie les loyalistes qui entouraient Darrion. Deux de ses hommes le dégagèrent et le remirent alors debout. S’il en croyait les voix cela devait être Eddarne Malgache et Jared Flanke.
«Retirez moi ça, cria Darrion en tirant sur son casque de toutes ses forces mais que celui-ci ne voulait pas partir. RETIREZ LE MOI!» Les deux hommes tirèrent de toutes leurs forces mais rien ni fit. Ce fut finalement sa visière qui se brisa avant qu’on ne lui arrache la tête. Darrion agrippa le casque et le balança en explosant de rire.
Ses hommes venaient de créer un mur de bouclier afin de le protéger. Il fallait en profiter. Il fallait profiter de la percée qu'il venait de créer. Bientôt, il aurait isolé le Roi du reste de son armée.
«Ma hache, cria Darrion. Où est-elle?»
Ralf-une-main lui tendit alors la haut de la hache mais sans le manche. «Veuillez me pardonner sire. Elle était plantée dans la cage thoracique d'un homme. Le manche était brisé.»
Darrion jura et dégaina son sabre large. Il prit alors de l'aillant et sauta juste au-dessus des hommes qui formaient le petit mur de bouclier. Le saut le propulsa en l'air pour s'écraser contre un chevalier. Il lui déchira alors la gorge avec son sabre. Un homme d'arme s'attaqua alors à lui, mais Eddarne Malgache et Ralf-une-main se saisirent de lui et le mirent au sol pour en faire de la charpie avec leur dague.
Il se retourna et répéra la bannière royale, étoile doré sur fond noir suivit par un milliers de plus petites étoiles, dans une allée dégagé. Les hommes d'armes du Roi se retrouvaient maintenant presque isolés du reste de leur armée, pris dans une mêlée avec les Largons et les Mitiliens. Leur nombre diminuait et cela la bannière le voyait bien. Le porte étendard agité de toutes ses forces la bannière géante du Roi en direction de la cité d'or. Il appelait à l'aide les troupes de réserve. Darrion devait faire tomber cet oriflamme. Seul un petit cercle de chevaliers et d'hommes d'armes entourait encore la bannière, il fallait saisir l'instant.
Il se lança alors sur la bannière en hurlant comme un chien enragé. Alors qu'il se trouvait presque sur le porte étendard, un chevalier avec une fleur rouge sur son bouclier s'interposa. Darrion n'attendit pas qu'il lance une attaque, sa lame partit d'un coup vers le haut de la tête de son adversaire. Celui-ci écarta l'épée avec son bouclier et sa lame vint entailler la jambe de Darrion en se planta sous une faille. Il n'eut même pas le temps de rugir de rire que le chevalier relança l'attaque mais cette fois dans ses côtes. Cette fois si l'attaque ne le blessa pas, mais le propulsa au sol. Le soldat voulut alors le finir en lui visant le visage, mais comme un animal, Darrion lui sauta dessus le burinant de coup de point en poussant de aboiement de rire. L'homme rugit de douleur, et voulut saisir une dague à sa ceinture, mais il ne put jamais. Le kraken vert lui arracha une partie du coup avec les dents avant de saisir sa propres dague et de charcuter son visage avec la lame.
Il laissa le corps mutilé tombé au sol et passa par-dessus en attrapant son sabre large. Le porte étendard se retourna juste à temps pour voir la lame de Darrion lui sectionner la moitié de la jambe. Il s'écroula laissant choir la bannière que Darrion rattrapa. Le porte-bannière implora alors grâce de toutes ses forces les yeux faisant des allées retour entre Darrion et sa jambe blessé.
Il afficha alors un grand sourire. «J'accepte ta reddition.» Il attendit alors de voir le soulagement dans les yeux de l'homme qui ne devait pas avoir vingt ans et lui planta son arme dans le ventre. Il explosa de rire en voyant le visage de l'homme incompréhensible. Il se sentait tellement puissant alors qui détenait la vie de cet homme entre ses mains.
Il regarda alors la bannière étoilée du Roi Charles et se demanda quoi en faire. Il fallait montrer à tout le monde que le Roi était perdu, mais il voulait aussi se moquer de lui. «Apportez-moi, une de nos bannières”, ordonna t-il à ses hommes. Orstenn lui tendit alors une bannière verte avec un kraken noir et or. Darrion l'attacha alors juste à côté de celle du Roi Charles et la laissa flotter dans le vent avant de crier: «Admirez! Admirez l'union du kraken et de l'étoile! Admirez la bannière de Enoria Holl et de Richard Roy! Le mariage a été honoré, maintenant le Roi Charles va prendre sa place! Admirez l'union!» Les Mitiliens éclatèrent de rire et reprirent à l'unisson: «Enoria et Charles, les Roi et Reine de l'empire des gueux! Admirez!»
Les Mitilien lachèrent alors toutes les insultes qu'ils purent, certains crachèrent même sur les bannières. Darrion la tendit alors à Eddarne Malgache lui indiquant de continuer de l'agiter.
Il chercha alors le Roi Charles et le trouva entouré par les derniers chevaliers qui lui restait. Son cheval mort à ses pieds et entouré de Largon, il n'avait pas la moindre de chance de survie. Le plan de Darrion avait marché.
«Rogar Dorne, cria le Roi Charles. Rogar, où es-tu sale traître! Montre toi enfoiré, je te défis en duel.» Sa voix était brisée et altérée par la peur, mais pourtant il refusait de se rendre. Son armure noir et or maculé de boue et de sang, il n'avait plus rien d'un roi, si tenté qu'il en ait eu l'air.
Rogar Dorne était lui à quelques pas du petit groupe de rescapés. Perché sur son cheval et entouré par ses meilleurs chevaliers, il ne semblait même pas avoir participé à la bataille. Seule quelque tache de sang sur son armure prouvait qu'il s'était battue ainsi que la lance de cavalerie ensanglantée. Sa présence était pourtant toujours aussi imposante du haut de ses six pieds.
Il fit alors avancer son cheval jusqu'au Roi Charles et le toisa perché sur son cheval. Il retira son casque et prit un air encore plus haut. «Un duel, c'est cela que tu veux?
- Affronte moi sale enflure de traître, cria le Roi. Montre à tes hommes comment tu te bas! Allez sal traître de sécessionniste! Affrontes-moi!»
Le duc laissa deviner un sourire. Il tendit alors sa lance et son bouclier à son écuyer et descendit de cheval. Il remit son casque sur sa tête et dégaina l'épée de sa famille du la selle de son immense cheval: le marteau d'arme.
L'épée qui faisait l'arrogance de sa famille. Le fléau à ennemie, l'une des plus belles et des plus puissante épée du Grand-Royaume. L'arme devait mesurer presque trois pieds et demie ainsi que un demi-pied de large. Une arme immense que seuls les hommes les plus grands pouvaient magner. Seuls les hommes comme le duc Rogar Dorne. Seule une force de la nature. Armé de cette épée, il avait une présence plus que imposante. À côté, le Roi Charles ne semblait guère plus qu'un enfant avec une épée de bois. Et pourtant Darrion savait que le Roi était l'un des plus grands bretteurs du royaume.
Le duc et le Roi s'avancèrent l'un vers l'autre avant de s'arrêter à quatre coudées. Là il se mirent à faire un cercle, avant de se charger. La danse d'acier commença.
Le Roi Charles fut le premier à s'élancer sur son adversaire. Il lança une attaque avec son épée bâtarde sur le flanc gauche du duc. Celui-ci para l'attaque en envoyant valser l'épée sur le côté et en se servant du même élan pour envoyer le marteau d'arme vers les côtes du Roi. L'attaque fut stoppé par le bouclier noir étoilé. Les deux hommes s'écartèrent et se dévisagèrent.
Le Roi Charles combattait depuis le début de la bataille, aussi il était plus échauffé que Rogar Dorne. Mais ce dernier était beaucoup plus frais et reposé. Dans la durée, même avec une épée aussi grosse, le combat serait à son avantage, mais pour cela il devait économiser ses mouvements et ne pas commettre d'erreur. Son adversaire devait s’épuiser, et ça il l'avait compris. Rogar Dorne allait très certainement se servir de l'élan des attaques de son adversaire pour le renvoyer vers celui-ci. Darrion avait déjà entendu parlé de ce style de combat, il s'appliquait surtout dans les pays du sud, bien à l'ouest de Mitilène et dans les royaumes des sept peuples.
Le Roi Charles relança alors la danse dans un éclair. Sa lame partie en direction du torse du duc, et celui-ci ne fit rien pour la parer. La lame percuta l'armure sans causer de dégâts, et Dorne renvoya le marteau d'arme défoncer le bouclier de son adversaire. Cela propulsa le Roi en arrière qui adopta cette fois une position défensive.
Le duc s’élança, envoyant son immense épée sur le bouclier à étoile dorée. La lame taillada une fois, deux fois, trois fois. Le duc lançait ses attaques avec éclair se servant de tout le poids du marteau d'arme. Lentement après chaque assaut, le bouclier se fendait un peu plus, même le Roi Charles commençait à céder sous le poids des attaques.
Alors que Darrion croyait que le bouclier allait voler en éclat, son possesseur fit un pas sur le côté et laissa la nouvelle attaque de Rogar Dorne tomber dans le vide. Sans attendre que le duc se remette droit, le Roi du Grand-Royaume prit son épée par la lame et envoya la garde contre le casque de Dorne. Le heaume sauta de la tête du propriétaire et celui-ci fut un peu sonné. Au lieu de continuer son attaque, le Roi se recula et laissa le duc se remettre en garde.
«Bien joué, dit Dorne. Belle passe d'arme.
- Belle épée, répliqua Roy. Mais je dois avouer que vous vous êtes amélioré depuis notre dernière rencontre.»
Le duc fit voler ses cheveux en arrière et sourit. Il pointa alors la pointe de son épée vers le Roi et lui jeta un regard amusé.
Roy repartit à l'assaut directement. Cette fois-ci, sa lame partit beaucoup plus en direction de la tête, seule partie du corps de son adversaire qui n'était plus protégé. Pour chaque attaque, Rogar Dorne se contentait de dévier la lame adverse et de se reculer. Il attendait que le Roi commette une erreur. Le Roi Charles essaya de feinte sur d'autres cibles, mais Dorne voyait clair dans son jeu, et surtout il avait confiance en son armure. Chaque attaque était soigneusement paré, et Dorne attendait avant de se servir de l'atout principal du marteau d'arme, soit son poids.
Il attendit alors un moment, ne lançant des attaques que dans les jambes de son adversaire sur de grand intervalle. Ce fut quand Roy trébucha sur un énième assaut qu'il comprit que son heure était arrivée. Il fit alors faire de grand cercle au marteau d'arme afin d'ajouter de la puissance à chacune de ses attaques. Chaque coup rapprochait un peu plus son adversaire de la défaite qui non seulement reculait, mais qui commençait à avoir du mal à se déplacer. Les attaques de Dorne dans ses jambes avaient bien rempli leurs rôles et commençait à se faire sentir pour le Roi du Grand-Royaume.
Rogar Dorne ressemblait plus à un animal enragé, qui lançait des attaques de plus en plus fortes. Roy para les premières avec son bouclier mais celui-ci finit par exploser sous les assauts répétés. Il dut alors prendre son épée bâtarde à deux mains et n'eut même pas le temps de lancer une nouvelle attaque que Rogar était déjà sur lui. Cette fois ci les attaques se concentrèrent plus vers la tête.
Le Roi commença à esquiver les attaques mais jamais il ne pouvait riposter. Parfois sa lame tentait de partir en direction de la tête du duc, mais le marteau d'arme venait toujours s'interposer. Rogar Dorne recommença alors ses assauts répétés vers la tête, et face à la vitesse de son adversaire Roy dû encaisser une à une les attaques. Le duc mit finalement toute sa force ajouter avec la puissance de l'assaut dans une énième attaque à la tête, et cette fois la bâtarde du Roi n'encaissa pas le choc. Dans un choc sourd, la lame se plia juste à côté de l'impacte.
Le Roi Charles chuta au sol. Rogar Dorne le toisa et leva le marteau d'arme dans sa direction. Il pointa la lame vers le visage du Roi et s'écria: «Majesté, vous rendez-vous?»
Le Roi le dévisagea avec les yeux noir de fureur. «N'importe quel chevalier m'aurait proposé une autre épée. Vous, vous me considérez déjà comme vaincu? Vous ne méritez pas quelques titres que ce soit.
- C'est vrai, ironisa le duc. Sauf que moi je ne suis pas n'importe qui.» Il écarta alors les bras. «JE SUIS ROGAR DORNE, DUC DE LARGONNE! LE FLEAU DE ROL'DORNE! Et vous, vous n'êtes qu'un pitoyable roi vaincu par son vassal, un roi qui ne mérite même pas sa couronne. Un roi qui ne respecte aucune règle, qui ne respecte rien. Vous êtes une plaie pour le Grand-Royaume. Vous tuer ne servirait à rien. Vous êtes bien plus précieux vivant. Mais réjouissez vous, j'aurais pus vous laisser au main du kraken vert. Je ne doute pas un seul instant qu'il aurait voulue venger le viol de sa sœur. Emmenez le!» Il fit un signe de main et quatre hommes vinrent se saisir du Roi Charles.
«J'aurais dû vous faire assassiner merdail, cria Roy. Vous, le kraken vert, et Auguste! J'aurais dû engager les fannars pour vous tuer! Allez vous faire foutre!» Un homme lui mit alors un coup dans le ventre pour le faire taire, puis on l’emmena derrière les lignes sous les huées des Largons et des Mitiliens. Puis une fois qu'il ne fut plus en vue, les acclamations se succédèrent en l'honneur de Rogar Dorne, le fléau de Rol'Dorne, le fléau des rois.
Darrion s'approcha de lui et lui mit une main sur l'épaule. «Très joli combat, mais à votre place je l'aurais tué sans hésitation, ou peut-être qu'avant je l'aurais torturé. Il ne doit pas avoir grand-chose à dire, mais j'ai toujours voulu m'en prendre à un roi, j'espère qu'il sera le premier.»
Rogar Dorne repoussa immédiatement sa main avec indignation et mépris. Son écuyer lui tendit alors son heaume comme neuf, et il le mit sur son crâne. «Nous verrons cela plus tard, c'est certes notre prisonnier, mais c'est aussi celui de l'étoile pourpre. Mais avant cela nous avons une bataille à gagner.»
Il s'écarta et partit en direction de son cheval. Darrion haussa les épaules. Un jour toi aussi tu seras enchaîné à mes pieds, et là on rigolera beaucoup.
Il se retourna et s’en alla vers la ligne de front, il avait besoin de tuer quelque chose pour se soulager.
L’eau du lac lui montait jusqu’aux genoux, mais Darrion n’en avait rien à faire. Il aimait l’eau plus que tout. Qu’elle soit salée ou douce, il n’en avait rien à faire, l’eau était son élément. Elle pouvait détruire l’acier, tuer un homme, mais c’était aussi l’une des sources principales de la vie. Chaque être vivant en avait besoin pour vivre. L’eau était l’ennemie de beaucoup de personnes, mais c’était aussi l'allié de tous. C’était un don des dieux pour le monde, c’était tellement triste que les hommes en aient si peur.
Il fit quelque pas et se retrouva sur le sol dur. Cela lui procura une sensation étrange. Après des jours sur un bateau, il avait l’impression que son corps se balançaient. Peut-être devrait-il écrire une chanson sur ça? L’idée lui semblait intéressante, mais pour l’heure il avait autre chose à penser. Il avait une bataille à mener.
Ses marins se rassemblaient autour de lui. Il connaissait chacun de leurs prénoms, les noms de familles n’avaient pas d’importance, pourtant il les connaissait aussi. Ralf-une-main; Bjornd Larnnois; Orstenn son second sur le Grand-kraken; Stentor Nacre; Balgarde Clyvorde; Eddarne Malgache; Jared Flanke; Almar Frayd; Hel Donhall; Dan Kiord; il les connaissait tous. Chacun trait parmi les hommes en qui il avait le plus confiance, et pourtant, Darrion n’avait confiance ne presque personne. D’une certaine façon, ces hommes formaient sa bande, ses «gas» comme il aimait les appeler. Ils étaient ses hommes, au-delà, ils étaient son peuple.
La bataille allait bientôt s’engageait dans la plaine Phoenix. Bientôt, la plaine serait jonché de cadavres. Ils pourrait aussi bien s’agir de ses hommes que de ceux du Roi Charles.
Cette guerre était triste en un sens. Darrion aurait adoré avoir une alliance entre lui et le Roi Charles, enfin tant qu’il était contrôlé par son frère feu Richard. Les avantages qu’il aurait eu d’une telle alliance aurait été considérable. Mais il fallait évidement que ce foutue prince crève juste avant le mariage avec la sœur de Darrion. Et maintenant il se retrouvait pris dans les engrenages de l’étoile pourpre. Il manigancait tout comme une araignée sur une toile. Darrion c’était laissé prendre au jeu, mais maintenant il se rendait bien compte de ce qu’il avait provoqué.
En vérité, il ne pensait pas que la guerre irait aussi loin. Il ne se doutait même pas au début que la guerre débuterait. Sa sœur, cette idiote, était un simple instrument afin de lui allonger le bras. Elle se révélait plus problématique qu’autre chose. Si cela n’avait tenu qu’à lui, il aurait attaqué la cité d’or dès son arrivée dans le Grand-Royaume. Mais l’étoile pourpre avait insisté pour ne pas qu’elle meure. Il la voulait vivante. Que ce soir pour avoir une bonne image ou autre chose, Darrion n’en savait rien. Une chose qu’il savait, c’était que dès qu’il l’aurait récupéré, sa sœur devrait compté les heures avant de mourir. Il la laisserait à ses hommes après s’être un peu amusés avec elle, et ils pourraient faire ce qu’ils voudraient d’elle, il n’en aurait rien à faire. Ca s’était la version qu’il s’était éforcé de donner à tout le monde. En vérité, sa sœur ne lui serait plus d’aucune utilité, mais afin d’être certain qu’elle ne représente pas de danger pour lui à l’avenir, il préférait se débarrasser d’elle. Il voulait qu’on le voit comme un psychopathe, et il se donnait du mal pour cela. Après il fallait aussi dire, que cela lui donnait beaucoup de plaisir. Agir sans avoir à se soucier de la moralité et de l'éthique des autres, c’était tellement simple pour lui. Darrion était un roi et il pouvait ainsi faire tout ce qu’il voulait.
Il regarda autour de lui. Que des marins Mitilien. Chacun était préparé pour la bataille qui allait avoir lieu. Le sang et la mort les stimulaient. La bataille d’Argane et de l’Hersœur n’avait été que des amuses bouches pour eux. Maintenant commencé le plat principal.
Peu de ses hommes avaient débarqué sur la plage. Moins de mille hommes, répartis en trois points. Quelques centaines se trouvaient sur le flanc droit de la formation, prêt à séparer la formation adverse en deux, ils devaient attaquer une famille appelée les Morrl ou quelque chose comme cela, Darrion n’était pas sûr. D’autres étaient sur la flanc gauche et devaient soutenir l’assaut sur ce flan. Le reste se trouvait avec lui sur le centre face au Roi Charles. Il avait moins de trois cents hommes, mais il allait combattre aux côtés de Rogar Dorne et de ses soldats d’élites. Il savait donc que cette partie là ne serait pas simple à déborder. Et pourtant c’était tout la le plan de Darrion.
Il tira sa hache de sa ceinture et prenant son bouclier à Ralf-une-main qui lui tendait, il frappa dedans pour s’échauffer. Les hommes autour de lui l’imitèrent et poussèrent des cris de guerre. Ils ont besoin d’action, pensa Darrion. Et bien, ils vont bientôt en avoir.
En cavalier tentait de se frayer un chemin dans la horde en furie. Il arriva à la hauteur de Darrion et sur son cheval, il l’interpella. «Sire Holl! Le duc Rogar veut que vous veni…
- Descends de ton cheval quand tu t’adresses à moi, dit Darrion. C’est à un roi que tu t’adresses pas un petit seigneur. Fais vite, ou il t’en cuira.»
Le chevalier s’executa avec l’oeil blanc se qui fit rire Darrion.
«Sire, la bataille va bientôt s’engager. Le duc Rogar a besoin de vous et de vos troupes à ses côtés. Le Roi Charles se trouve juste devant lui. Il compte attaquer avec tous ses meilleurs hommes.
- Très bien, dites à Dorne que j’arrive.» Il s'avança brusquement vers le cavalier, se qui le fit tribucher de peur. Darrion éclata de rire en le voyant par terre, il fut rapidement imité par ses hommes.
Le messager se releva et détala aussi vite qu’il le put. Il le regarda partir, puis se tourna vers ses hommes. «Allons bouffer de l’Orois!» Ses hommes rugirent et le suivirent vers les bannières de Rogar Dorne.
Darrion n’avait pas de cheval puisqu’il n’aimait pas ça. Mais en voyant l’immense cavalerie loyaliste, il se demanda s’il n’aurait pas mieux fait d’en prendre un. Mais après tout, il savait que même avec des chevaux, les loyalistes hésiteraient rien qu'en le voyant. Avec un nombre important de lances, il pourrait stopper la charge. Sans compter qu'un petit nombre d'archers soutenait la formation. Le pire était qu’il avait hâte de voir les cavaliers lui fonçaient dedans. Cela promettait d'être un spectacle magnifique.
Arrivé à la hauteur des premières lignes, Darrion laissa ses hommes se positionner et observa la plaine. À moins de trente coudées de lui se trouvait Rogar Dorne, sa bannière flottant dans le souffle du vent juste au-dessus de lui. Chasseur à cheval rouge sur fond jaune orangé, c'était la plus grande bannière de toute l'armée. On pouvait sûrement la voir de n'importe où sur le champ de bataille, elle attirait toutes les flèches vers son porteur. Rogar Dorne était quant à lui, impossible à manquer. Il dominait tous les hommes autour de lui par sa taille, au moins six pieds de haut. Son armure était faite de la même façon que Darrion, Rogar Dorne souhaitait être vu. Il ne l'avait pas fait peindre contrairement à Darrion, mais elle ne lui permettait pas de passer inaperçue. L'acier était noir hormis le centre du plastron où était gravé le blason de sa famille, qui lui était rouge et jaune orangé. Son cheval était entièrement caparaçonné en plus d'être recouvert des couleurs de la Largonne. Rogar Dorne avait accroché à son bras gauche, un bouclier avec son blason, pendant que son bras droit tenait fermement une lance de guerre. Mais ce ne fut pas cela qui attira l'œil de Darrion. Le marteau d'arme, le fléau à ennemie, l'épée qui faisait l'arrogance de sa famille depuis des générations, était accroché à sa selle. Malgré la taille imposante de Rogar Dorne, l'épée était trop grosse pour qu'il puisse la manier sur son cheval. Il ne s'en servirait que si son cheval viendrait à mourir. Darrion hésita à demander à l'un de ses hommes de tuer son cheval pour le voir combattre. Puis il se ravisa en se disant que cela ne lui apporterait pas grand-chose. Tout le monde voudrait voir Rogar Dorne combattre, son cheval ne tiendrait pas très longtemps.
Aussi étrange que cela puisse être, l'armée de la Largonne était principalement composée des hommes personnels de la famille Dorne. Le duc n'avait fait venir que peu de ses bannerets. Le peu se trouvait à côté de lui, malheureusement Darrion ne les connaissait pas. Il n'avait jamais appris les noms des seigneurs de la Largonne.
Jusqu'à présent, il n'avait rencontré que le comte Edgar Tornac. Celui-ci était venu sur le Grand-kraken en tant qu' émissaire du duc. Il avait demandé à Darrion que la fille du marquis Herse soit remise au duc afin qu'il puisse proposer un échange avec Enoria. Comme la fille du marquis lui appartenait. Elle était la capture de Darrion et il pouvait en faire ce qu'il voulait. Il n'allait certainement pas l'échanger contre Enoria. L'échange n'était pas équitable et de plus, on ne pratiquait pas d'échange avec Darrion. Cette fille lui appartenait par le droit de conquête. Il n'était pas question qu'il la laisse partir. Au contraire, Darrion trouvait très bien qu'elle reste dans sa cabine. Au moins, elle lui apportait un peu de distraction. Elle se sentirait seule, si la rendait. Étant donné le nombre de fois où il l'avait violée, il était certain que désormais elle ne pouvait plus se passer de lui. Il avait dit ses mots au comte et celui-ci l'avait traité de malade mental. Darrion avait éclaté de rire et avait dit en être conscient, et il l'avait renvoyé avant que l'envie lui prenne de le balancer par-dessus bord.
Il n'était pas à douter que tous les comtes de Rogar Dorne le trouvaient fou. Darrion l'espérait, selon lui il valait mieux inspirer la crainte plutôt que la confiance. La première durait plus longtemps, surtout dans un monde comme le sien.
Il repéra le comte Tornac dans les chevaliers au milieu de Rogar Dorne et lui adressa un signe de main un grand sourire aux lèvres. Le comte détourna aussitôt la tête, ce qui fit éclater de rire Darrion. Il alla même jusqu'à se plier en deux, ce qui lui valut de se faire remarquer par Rogar Dorne. Celui-ci regarda son vassal et secoua la tête, puis il adressa un signe de main à Darrion.
«Sire Holl, cria le duc. Dites à vos hommes de se placer, la bataille va bientôt commencer. Il est l'heure de déchaîner les enfers sur eux.» Darrion voulut lui rétorquer que nul ne lui donner des ordres, mais le duc s'était déjà reposté dans la ligne de front et commençait à discuter avec ses vassaux.
Darrion pesta et alla se mettre devant ses hommes. Ralf-une-main lui tendit son casque et il l'enfila. Il savait que même si cela réduisait sa vision, son casque le rendait encore plus terrifiant. Le kraken terrifiait tout le monde, mais le pire serait pour celui qui retirerait son casque. Son visage était peint en blanc hormis les yeux en noir et les larmes de sang qui lui coulé sur les joues. Il voulait se donner un aspect de démon, et cela fonctionnait mieux que prévu. Il aimait faire peur aux gens, encore plus les faire souffrir. Cela lui apportait une satisfaction.
Ils durent attendre qu'il soit midi avant d'entendre les premiers cries de guerre. Darrion sentit l'adrénaline montait en lui. Il attendait ça depuis un moment. Autour de lui, ses hommes n'attendirent pas pour libérer leur furie. Ils hurlèrent à en faire replier tout homme se dressant contre eux. Darrion savait très bien, qu'il ne valait pas mieux que des animaux, mais c'était tout là leur force. Leurs corps s'échauffaient pour la bataille, ce qui en ferait des bêtes de guerre.
Darrion profita de la furie de ses hommes pour chercher le Roi dans l'armée loyaliste. Il le trouva facilement entouré d'un arc en ciel de couleurs provenant de ses bannières. Il se trouvait juste en face de Rogar Dorne. Sa cavalerie l'entourait et il semblait très clairement qu'il comptait s'attaquer au duc en priorité. Cela prouvait que son plan fonctionnait, le Roi Charles tombait droit dans leur piège.
Face à lui se trouvait aussi de la cavalerie. Principalement de la maison du Roi, ils étaient assez simple à reconnaître avec leur cape noir et or sur les épaules, certain avaient gardé les couleurs de leur maison, mais la plupart devait certainement être des chevaliers engagé dans les guetteurs de la ville. Cela pouvait aussi bien être de bon soldats que de mauvais. Darrion voulu pestait, c'était plus amusant de massacrer les faibles, la peur se laissait facilement voir dans leurs yeux, et cela Darrion adorait, ça et leurs gémissements de supplication.
Finalement, le Roi Charles finit par sortir de la ligne pour pousser un ultime cri de guerre. «PAS DE PITIÉ POUR LES TRAÎTRES! NOUS NE CÉDERONS PAS! POUR LA CITÉ D’OR!»
Vas-y, pensa Darrion. Crie, fais le malin temps que tu le peux encore. Avant se soir toi et tes hommes ne formeront qu'un festin pour les corbeaux. Ta cité sera en flamme et toi tu pourriras en enfer. Il fit signe à ses soldats de resserrer les rangs et ensemble ils avancèrent sur un pas calme et lent.
L'ensemble de l'armée avançait comme pris dans les engrenages d'un moulin. Chaque mouvement d'homme entraînait celui d'un autre, et cela se profilait à l'infinie. Les hommes avançaient, sous couvert de volée de flèches. Si bien que pendant un moment, Darrion crut que le temps s'était ralenti. Les hommes avançaient sans vie, tels les engrenages d’une machine infernale.
«Resserrer les rangs, cria t-il. Créez un mur de pique pour accueillir la cavalerie.» En effet, la cavalerie menée par le Roi Charles se dirigeait vers lui. Le Roi en personne semblait plus orienter vers Rogar Dorne. Les volées de flèches décrivirent un arc de cercle au dessus des bannières noir et doré loyalistes, pour venir se planter dans sur leurs lignes. Darrion entendit les cris de dizaines de soldats touchés par les flèches. Certains furent emmenés par Hell. Les faibles, pensa Darrion. La ligne était tellement serrée que cela ne changea pas grand-chose à l’organisation. Les marins tombèrent et d’autres prirent leurs places. Les volées de flèches s’enchaînaient pour couvrir l’avancer de la cavalerie loyaliste qui avançait au petit galop.
À environ la moitié de la distance qui les séparé de base, les flèches des Mitiliens sifflèrent au-dessus de sa tête. Une à une, elles vinrent s’écraser contre les armures des loyalistes et de leurs chevaux. La fau de la mort les balaya en quelques instant. Le chaos s’installa dans la charge mais celle-ci n’en fut pas stoppée pour autant. Au contraire les cavaliers tombèrent entraînant à la renverse leurs alliées, mais beaucoup d’entre eux fut piétiné par les suivants. Il était trop difficile d’éviter les hommes au sol avec des chevaux lancés à cette allure.
Les flèches continuèrent à pleuvoir autour de lui. Les Mitiliens comme les loyalistes continuaient à tomber sous leurs vagues. «En avant! cria t-il. Montrez à ces chiens comment on se bat!» Galvanisé par leur Roi, le marin poussèrent des cris de guerre et avancèrent. Les premiers pas se firent dans le désordre mais rapidement les hommes trouvèrent la cadence. Poussant des cris de guerre, les Mitiliens se rapprochaient un pas après l’autre de la cité d’or.
Alors qu’il se trouvait à cinquante coudées de la cavalerie loyaliste, le choc de s’engagea un peu partout sur la plaine. Juste à leur droite, Darrion put voir les cavaliers avec le Roi Charles se percuter à la garde du duc Rogar. Le choc fut brutal et sanglant. Les lances transpercèrent armure et cher, le sang gicla, Hell passa une nouvelle fois sa faux dans les soldats.
Darrion regarda face à lui. Ses adversaires se trouvaient à trente coudées, Darrion sut que cela ne servait plus à rien d’avancer. «Stop, lança-t-il. Lances! MUR DE LANCES!» Au dernier moment, les hommes levèrent leurs lances face au cavalier loyaliste.
Malgré les ordres de leurs cavaliers, l’instinct de survie fut plus fort chez les chevaux. Darrion ressentait leur peur, et cela l’amusait. Les chevaux se cabrèrent devant les piques des Mitiliens et la charge fut stoppée. Les cavaliers tombèrent au sol dans un chaos général. Certains tentèrent de reprendre le contrôle sur leurs montures pendant que d'autres se faisaient empaler par les piques.
Darrion s’élança d’un coup sans faire attention à ce que ses hommes le suivirent. Sentant sa hache dans sa main droite, il la planta directement dans la tête d’un homme qui essayait de se relever d’une chute de cheval. Sa tête explosa sous l’impacte si bien que Darrion n‘eut pas besoin de la retirer.
Suivi par une marais de Mitiliens, il bondit tel un démon sur un cavalier qui essaya de calmer sa monture. Darrion s'agrippa à ses hanches et le tira pour le faire tomber au sol. Le chevalier le remarqua et tenta de lui donner un coup d’épée, mais trop tard. Darrion le fit vider ses étriers et il tomba au sol se perdant dans le chaos.
La charge, se transforma rapidement en mêlée, la mêlée en chaos. Chaque homme loyaliste luttait pour survivre face aux Mitiliens déchaînés. Darrion était le maître d’une horde de démon, et il faisait honneur à sa réputation. Sa hache taillait tout ce qu'elle trouvait. Avec lui, ses hommes se battaient tels des animaux. Les loyalistes avaient beau avoir des armures, cela ne servait à rien contre la furie des hommes du kraken vert. Le pire, c’était que Darrion éclatait de rire à chaque fois qu’il s’attaquait à un homme.
Un chevalier ayant perdu son cheval se jeta sur lui alors qu’il finissait de retirer sa hache du corps d’un cheval. Malgré le chaos, l’homme parvenait à manier une épée. Il lança une série d’attaque sur Darrion, mais celui-ci ne fit rien pour les empêcher. L’armure le protégeait, il en était conscient. Levant sa hache, il la balança contre le côté de la tête de son agresseur. Le casque de son adversaire ne servie à rien. La moitié de sa tête fut arrachée par la hache de Darrion.
Il ne vérifia même pas que l’homme soit bien mort. Il passa par-dessus son corps qui tombait au sol, et fusa vers un chevalier encore à cheval. Celui-ci donnait des coups d’épée de part et d’autre de sa monture, tout en essayant de garder un contrôle dessus. Darrion enfourcha sa hache dans le coup du cheval et regarda l’homme tombait au sol sous les hennissements de son cheval. Il se retrouva bloqué au sol par le cadavre et implora grâce auprès de Darrion.
Il vit la peur dans ses yeux. Cela lui donna un sentiment de puissance. Il tenait dans ses mains la vie de cette personne. Levant la hache, il l’abattit contre le chevalier en poussant des hurlements de rire semblable à des cris d’animaux. Il frappa, frappa, et frappa encore jusqu’à ce qu’il ne reste que des charpies du chevalier.
Depuis le choc des deux armées, une petite montagne de cadavres venait de se former. Elle se situait juste à l’endroit ou les eux armées s'étaient entrechoquées. Darrion put admirer le carnage que ses hommes avaient entraîné. Étrangement, les loyalistes semblaient plus nombreux, à la fois dans la pile de morts et de blessés, mais aussi dans les hommes qui se battaient dans le chaos.
Darrion rechercha alors la bannière de Rogar Dorne. Il la trouva à environ deux douzaines de coudées de celle du Roi. Chasseur à cheval sur fond orange. La bannière se situé encore juste au-dessus de Rogar Dorne, mais celle-ci était beaucoup plus reculée que prévue, d’ailleurs elle serait bientôt sur le lac. La bannière du Roi se situait très proche mais elle n’était pas encore prête de l’atteindre. Cela voulait donc dire que le Roi Charles voulait affronter son duc. Darrion ne voulait surtout pas rater la confrontation entre les deux hommes. Cela promettait d’être épique.
Cela voulait surtout dire que leur plan fonctionnait et que le Roi tombait dans leur piège. Maintenant il comprenait pourquoi ses hommes se retrouvaient à un contre quatre, il fallait les faire reculer, ou ils finiraient encerclés et massacrés. Bien que la situation promettait d’être amusant, cela entraînerait sa mort et Darrion n’était pas encore près à abandonner la vie.
La pile de cadavres continuait à monter, le chaos était toujours aussi fort. Il fallait donc profiter de la situation pour faire reculer ses hommes. Un cheval passa juste à côté de lui au galop et Darrion saisit l’instant. Il attrapa l’encolure du cheval et se hissa sur la selle. La bête se calma rapidement une fois les reines dans ses mains.
De cette façon et avec son armure verte, noir et or, il était certain de ne pas passer inaperçue. Mais c’était ce qu'il voulait. Il voulait que ses hommes le voient et de toute façon il se fichait d’être vu par les loyalistes, il savait qu’il leur mettrait la trouille. Il était le kraken vert, un simple regard avec lui suffisait à faire peur. Heureusement qu’il portait son casque en forme de kraken. Son visage était encore pire à voir. Il l’avait peint en blanc hormis les yeux et leurs contours qu’il avait peint en noir pour pouvoir ressembler à un démon. Il y avait même ajouté les larmes de sang de Hell.
Sa cape verte derrière lui et étant sur un cheval, il était la cible parfaite pour n’importe quel archer. Mais il savait que ses hommes devaient le voir pour lui obéir. S’ils ne se repliaient pas maintenant son plan ne fonctionerait pas.
Il prit sa hache et l’agita au-dessus de sa tête. «Kraken, kraken! Repliez vous vers le lac! Vers le lac!» Sans une seule hésitation, ses hommes commencèrent à reculer. Trop heureux que l’assaut de marins prenne fin, les loyalistes ne cherchèrent pas directement à les poursuivre. Au lieu de cela, ils commencèrent à évacuer les blessés avec des brancards, hors ceux-ci étaient nombreux. Cela leur donner un temps de répit avant le prochain assaut.
Autour de lui, une douzaine de ses gars s’étaient rassemblés et lui servaient de boucliers humains. Darrion en profita et fit tourner son cheval afin de trouver la bannière du Roi et par extension le Roi Charles. Celle-ci se trouvait à moins d’une cinquantaine de coudées de lui et de ses hommes. Le Roi Charles n’en était pas très loin et ne semblait pas comprendre qu’il finirait bientôt encerclé. Il devait déjà avoir perdu la moitié de ses hommes, mais il semblait décidé à occire Rogar Dorne. Cela Darrion ne voulait pas le manquer. Il ne voulait pas manquer le duel entre les deux hommes.
Les blessées commençaient à se faire moins nombreux chez les loyalistes, cela voulait dire que leur assaut ne tarderait pas. Les Mitiliens de leur côté s’étaient déjà remis en ordre de bataille et se préparaient au nouvel assaut. Cela lui laissait encore un peu de temps pour séparer le Roi du reste de son armée.
«Avec moi!» Il fit claquer ses reines et n’attendait pas que ses hommes le suivent. Il fonça droit vers les soldats au sol sur son flanc gauche et chargea dans le mur de bouclier qui venait de se former à son approche.
La surprise fut totale. Son cheval sauta juste au-dessus du mur de bouclier et Darrion se retrouva entouré de loyalistes. Sans attendre de réaction de leur part, il frappa partout où il le pouvait. Son cheval se cabra tellement que les loyalistes n’osaient pas l’approcher pour le faire tomber de cheval. À chaque fois que l’un d’entre eux essayaient, il se prenait un coup de hache ou un coup de sabot. Certain arrivait même à l'atteindre avec des lances, mais il en fallait plus pour faire tomber Darrion de sa monture. L’armure le protégeait et il en avait conscience.
Ce fut finalement une lance qui eut raison du cheval et du cavalier. Un chevalier enfonça sa lance dans le coup du cheval et celui-ci s’écroula sur le sol dans un hennissement. Darrion voulut immédiatement se dégager du cadavre, mais sa jambe était bloquée par le poids.
Les loyalistes autour de lui saisir alors dague et épée et se jetèrent sur lui afin de le mettre en charpie. Darrion sentit alors chaque coup de dague contre chaque plaque de son armure. Les hommes le tailladaient de partout, sans aucune distinction. Il saisit sa dague pour se défendre face à la horde de fous furieux, mais cela ne servit à rien. On la lui prit des mains avant qu’il n'ait eu le temps de s’en servir et ils continuèrent de chercher les failles de son armure. Ils devaient le tuer quoi qu’il arrive. Darrion se débâtit comme il le put mais peu de gestes lui était permis. Un homme lui donna un coup sur son casque déformant celui-ci et mettant noir dans la tête de Darrion. Il ne savait pas si c’était parce sa tête était touchée ou parce que son casque était seulement déformé, mais il ne voyait plus rien. Cela le fit éclater de rire et pas un seul instant il ne paniqua. Le coup de poignard se firent alors plus fort et Darrion crut bien qu’ils allaient réussir à percer son armure.
Ce fut l'arrivée salvatrice de ses gars qui le sauva. Ses hommes mirent en charpie les loyalistes qui entouraient Darrion. Deux de ses hommes le dégagèrent et le remirent alors debout. S’il en croyait les voix cela devait être Eddarne Malgache et Jared Flanke.
«Retirez moi ça, cria Darrion en tirant sur son casque de toutes ses forces mais que celui-ci ne voulait pas partir. RETIREZ LE MOI!» Les deux hommes tirèrent de toutes leurs forces mais rien ni fit. Ce fut finalement sa visière qui se brisa avant qu’on ne lui arrache la tête. Darrion agrippa le casque et le balança en explosant de rire.
Ses hommes venaient de créer un mur de bouclier afin de le protéger. Il fallait en profiter. Il fallait profiter de la percée qu'il venait de créer. Bientôt, il aurait isolé le Roi du reste de son armée.
«Ma hache, cria Darrion. Où est-elle?»
Ralf-une-main lui tendit alors la haut de la hache mais sans le manche. «Veuillez me pardonner sire. Elle était plantée dans la cage thoracique d'un homme. Le manche était brisé.»
Darrion jura et dégaina son sabre large. Il prit alors de l'aillant et sauta juste au-dessus des hommes qui formaient le petit mur de bouclier. Le saut le propulsa en l'air pour s'écraser contre un chevalier. Il lui déchira alors la gorge avec son sabre. Un homme d'arme s'attaqua alors à lui, mais Eddarne Malgache et Ralf-une-main se saisirent de lui et le mirent au sol pour en faire de la charpie avec leur dague.
Il se retourna et répéra la bannière royale, étoile doré sur fond noir suivit par un milliers de plus petites étoiles, dans une allée dégagé. Les hommes d'armes du Roi se retrouvaient maintenant presque isolés du reste de leur armée, pris dans une mêlée avec les Largons et les Mitiliens. Leur nombre diminuait et cela la bannière le voyait bien. Le porte étendard agité de toutes ses forces la bannière géante du Roi en direction de la cité d'or. Il appelait à l'aide les troupes de réserve. Darrion devait faire tomber cet oriflamme. Seul un petit cercle de chevaliers et d'hommes d'armes entourait encore la bannière, il fallait saisir l'instant.
Il se lança alors sur la bannière en hurlant comme un chien enragé. Alors qu'il se trouvait presque sur le porte étendard, un chevalier avec une fleur rouge sur son bouclier s'interposa. Darrion n'attendit pas qu'il lance une attaque, sa lame partit d'un coup vers le haut de la tête de son adversaire. Celui-ci écarta l'épée avec son bouclier et sa lame vint entailler la jambe de Darrion en se planta sous une faille. Il n'eut même pas le temps de rugir de rire que le chevalier relança l'attaque mais cette fois dans ses côtes. Cette fois si l'attaque ne le blessa pas, mais le propulsa au sol. Le soldat voulut alors le finir en lui visant le visage, mais comme un animal, Darrion lui sauta dessus le burinant de coup de point en poussant de aboiement de rire. L'homme rugit de douleur, et voulut saisir une dague à sa ceinture, mais il ne put jamais. Le kraken vert lui arracha une partie du coup avec les dents avant de saisir sa propres dague et de charcuter son visage avec la lame.
Il laissa le corps mutilé tombé au sol et passa par-dessus en attrapant son sabre large. Le porte étendard se retourna juste à temps pour voir la lame de Darrion lui sectionner la moitié de la jambe. Il s'écroula laissant choir la bannière que Darrion rattrapa. Le porte-bannière implora alors grâce de toutes ses forces les yeux faisant des allées retour entre Darrion et sa jambe blessé.
Il afficha alors un grand sourire. «J'accepte ta reddition.» Il attendit alors de voir le soulagement dans les yeux de l'homme qui ne devait pas avoir vingt ans et lui planta son arme dans le ventre. Il explosa de rire en voyant le visage de l'homme incompréhensible. Il se sentait tellement puissant alors qui détenait la vie de cet homme entre ses mains.
Il regarda alors la bannière étoilée du Roi Charles et se demanda quoi en faire. Il fallait montrer à tout le monde que le Roi était perdu, mais il voulait aussi se moquer de lui. «Apportez-moi, une de nos bannières”, ordonna t-il à ses hommes. Orstenn lui tendit alors une bannière verte avec un kraken noir et or. Darrion l'attacha alors juste à côté de celle du Roi Charles et la laissa flotter dans le vent avant de crier: «Admirez! Admirez l'union du kraken et de l'étoile! Admirez la bannière de Enoria Holl et de Richard Roy! Le mariage a été honoré, maintenant le Roi Charles va prendre sa place! Admirez l'union!» Les Mitiliens éclatèrent de rire et reprirent à l'unisson: «Enoria et Charles, les Roi et Reine de l'empire des gueux! Admirez!»
Les Mitilien lachèrent alors toutes les insultes qu'ils purent, certains crachèrent même sur les bannières. Darrion la tendit alors à Eddarne Malgache lui indiquant de continuer de l'agiter.
Il chercha alors le Roi Charles et le trouva entouré par les derniers chevaliers qui lui restait. Son cheval mort à ses pieds et entouré de Largon, il n'avait pas la moindre de chance de survie. Le plan de Darrion avait marché.
«Rogar Dorne, cria le Roi Charles. Rogar, où es-tu sale traître! Montre toi enfoiré, je te défis en duel.» Sa voix était brisée et altérée par la peur, mais pourtant il refusait de se rendre. Son armure noir et or maculé de boue et de sang, il n'avait plus rien d'un roi, si tenté qu'il en ait eu l'air.
Rogar Dorne était lui à quelques pas du petit groupe de rescapés. Perché sur son cheval et entouré par ses meilleurs chevaliers, il ne semblait même pas avoir participé à la bataille. Seule quelque tache de sang sur son armure prouvait qu'il s'était battue ainsi que la lance de cavalerie ensanglantée. Sa présence était pourtant toujours aussi imposante du haut de ses six pieds.
Il fit alors avancer son cheval jusqu'au Roi Charles et le toisa perché sur son cheval. Il retira son casque et prit un air encore plus haut. «Un duel, c'est cela que tu veux?
- Affronte moi sale enflure de traître, cria le Roi. Montre à tes hommes comment tu te bas! Allez sal traître de sécessionniste! Affrontes-moi!»
Le duc laissa deviner un sourire. Il tendit alors sa lance et son bouclier à son écuyer et descendit de cheval. Il remit son casque sur sa tête et dégaina l'épée de sa famille du la selle de son immense cheval: le marteau d'arme.
L'épée qui faisait l'arrogance de sa famille. Le fléau à ennemie, l'une des plus belles et des plus puissante épée du Grand-Royaume. L'arme devait mesurer presque trois pieds et demie ainsi que un demi-pied de large. Une arme immense que seuls les hommes les plus grands pouvaient magner. Seuls les hommes comme le duc Rogar Dorne. Seule une force de la nature. Armé de cette épée, il avait une présence plus que imposante. À côté, le Roi Charles ne semblait guère plus qu'un enfant avec une épée de bois. Et pourtant Darrion savait que le Roi était l'un des plus grands bretteurs du royaume.
Le duc et le Roi s'avancèrent l'un vers l'autre avant de s'arrêter à quatre coudées. Là il se mirent à faire un cercle, avant de se charger. La danse d'acier commença.
Le Roi Charles fut le premier à s'élancer sur son adversaire. Il lança une attaque avec son épée bâtarde sur le flanc gauche du duc. Celui-ci para l'attaque en envoyant valser l'épée sur le côté et en se servant du même élan pour envoyer le marteau d'arme vers les côtes du Roi. L'attaque fut stoppé par le bouclier noir étoilé. Les deux hommes s'écartèrent et se dévisagèrent.
Le Roi Charles combattait depuis le début de la bataille, aussi il était plus échauffé que Rogar Dorne. Mais ce dernier était beaucoup plus frais et reposé. Dans la durée, même avec une épée aussi grosse, le combat serait à son avantage, mais pour cela il devait économiser ses mouvements et ne pas commettre d'erreur. Son adversaire devait s’épuiser, et ça il l'avait compris. Rogar Dorne allait très certainement se servir de l'élan des attaques de son adversaire pour le renvoyer vers celui-ci. Darrion avait déjà entendu parlé de ce style de combat, il s'appliquait surtout dans les pays du sud, bien à l'ouest de Mitilène et dans les royaumes des sept peuples.
Le Roi Charles relança alors la danse dans un éclair. Sa lame partie en direction du torse du duc, et celui-ci ne fit rien pour la parer. La lame percuta l'armure sans causer de dégâts, et Dorne renvoya le marteau d'arme défoncer le bouclier de son adversaire. Cela propulsa le Roi en arrière qui adopta cette fois une position défensive.
Le duc s’élança, envoyant son immense épée sur le bouclier à étoile dorée. La lame taillada une fois, deux fois, trois fois. Le duc lançait ses attaques avec éclair se servant de tout le poids du marteau d'arme. Lentement après chaque assaut, le bouclier se fendait un peu plus, même le Roi Charles commençait à céder sous le poids des attaques.
Alors que Darrion croyait que le bouclier allait voler en éclat, son possesseur fit un pas sur le côté et laissa la nouvelle attaque de Rogar Dorne tomber dans le vide. Sans attendre que le duc se remette droit, le Roi du Grand-Royaume prit son épée par la lame et envoya la garde contre le casque de Dorne. Le heaume sauta de la tête du propriétaire et celui-ci fut un peu sonné. Au lieu de continuer son attaque, le Roi se recula et laissa le duc se remettre en garde.
«Bien joué, dit Dorne. Belle passe d'arme.
- Belle épée, répliqua Roy. Mais je dois avouer que vous vous êtes amélioré depuis notre dernière rencontre.»
Le duc fit voler ses cheveux en arrière et sourit. Il pointa alors la pointe de son épée vers le Roi et lui jeta un regard amusé.
Roy repartit à l'assaut directement. Cette fois-ci, sa lame partit beaucoup plus en direction de la tête, seule partie du corps de son adversaire qui n'était plus protégé. Pour chaque attaque, Rogar Dorne se contentait de dévier la lame adverse et de se reculer. Il attendait que le Roi commette une erreur. Le Roi Charles essaya de feinte sur d'autres cibles, mais Dorne voyait clair dans son jeu, et surtout il avait confiance en son armure. Chaque attaque était soigneusement paré, et Dorne attendait avant de se servir de l'atout principal du marteau d'arme, soit son poids.
Il attendit alors un moment, ne lançant des attaques que dans les jambes de son adversaire sur de grand intervalle. Ce fut quand Roy trébucha sur un énième assaut qu'il comprit que son heure était arrivée. Il fit alors faire de grand cercle au marteau d'arme afin d'ajouter de la puissance à chacune de ses attaques. Chaque coup rapprochait un peu plus son adversaire de la défaite qui non seulement reculait, mais qui commençait à avoir du mal à se déplacer. Les attaques de Dorne dans ses jambes avaient bien rempli leurs rôles et commençait à se faire sentir pour le Roi du Grand-Royaume.
Rogar Dorne ressemblait plus à un animal enragé, qui lançait des attaques de plus en plus fortes. Roy para les premières avec son bouclier mais celui-ci finit par exploser sous les assauts répétés. Il dut alors prendre son épée bâtarde à deux mains et n'eut même pas le temps de lancer une nouvelle attaque que Rogar était déjà sur lui. Cette fois ci les attaques se concentrèrent plus vers la tête.
Le Roi commença à esquiver les attaques mais jamais il ne pouvait riposter. Parfois sa lame tentait de partir en direction de la tête du duc, mais le marteau d'arme venait toujours s'interposer. Rogar Dorne recommença alors ses assauts répétés vers la tête, et face à la vitesse de son adversaire Roy dû encaisser une à une les attaques. Le duc mit finalement toute sa force ajouter avec la puissance de l'assaut dans une énième attaque à la tête, et cette fois la bâtarde du Roi n'encaissa pas le choc. Dans un choc sourd, la lame se plia juste à côté de l'impacte.
Le Roi Charles chuta au sol. Rogar Dorne le toisa et leva le marteau d'arme dans sa direction. Il pointa la lame vers le visage du Roi et s'écria: «Majesté, vous rendez-vous?»
Le Roi le dévisagea avec les yeux noir de fureur. «N'importe quel chevalier m'aurait proposé une autre épée. Vous, vous me considérez déjà comme vaincu? Vous ne méritez pas quelques titres que ce soit.
- C'est vrai, ironisa le duc. Sauf que moi je ne suis pas n'importe qui.» Il écarta alors les bras. «JE SUIS ROGAR DORNE, DUC DE LARGONNE! LE FLEAU DE ROL'DORNE! Et vous, vous n'êtes qu'un pitoyable roi vaincu par son vassal, un roi qui ne mérite même pas sa couronne. Un roi qui ne respecte aucune règle, qui ne respecte rien. Vous êtes une plaie pour le Grand-Royaume. Vous tuer ne servirait à rien. Vous êtes bien plus précieux vivant. Mais réjouissez vous, j'aurais pus vous laisser au main du kraken vert. Je ne doute pas un seul instant qu'il aurait voulue venger le viol de sa sœur. Emmenez le!» Il fit un signe de main et quatre hommes vinrent se saisir du Roi Charles.
«J'aurais dû vous faire assassiner merdail, cria Roy. Vous, le kraken vert, et Auguste! J'aurais dû engager les fannars pour vous tuer! Allez vous faire foutre!» Un homme lui mit alors un coup dans le ventre pour le faire taire, puis on l’emmena derrière les lignes sous les huées des Largons et des Mitiliens. Puis une fois qu'il ne fut plus en vue, les acclamations se succédèrent en l'honneur de Rogar Dorne, le fléau de Rol'Dorne, le fléau des rois.
Darrion s'approcha de lui et lui mit une main sur l'épaule. «Très joli combat, mais à votre place je l'aurais tué sans hésitation, ou peut-être qu'avant je l'aurais torturé. Il ne doit pas avoir grand-chose à dire, mais j'ai toujours voulu m'en prendre à un roi, j'espère qu'il sera le premier.»
Rogar Dorne repoussa immédiatement sa main avec indignation et mépris. Son écuyer lui tendit alors son heaume comme neuf, et il le mit sur son crâne. «Nous verrons cela plus tard, c'est certes notre prisonnier, mais c'est aussi celui de l'étoile pourpre. Mais avant cela nous avons une bataille à gagner.»
Il s'écarta et partit en direction de son cheval. Darrion haussa les épaules. Un jour toi aussi tu seras enchaîné à mes pieds, et là on rigolera beaucoup.
Il se retourna et s’en alla vers la ligne de front, il avait besoin de tuer quelque chose pour se soulager.
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Re: Le Théâtre du Pouvoir [fantasy-dark fantasy-guerre-intrigue]
XXXI. Victor Partie 2
Depuis Montgargant, Victor avait une sainte horreur des batailles. Il s’était juré de ne pas y participer à moins d’être à l’arrière et de commander. Il ne voulait plus revoir la mort d’aussi près, et que se soit l’étoile pourpre ou n’importe quel autre, il ne voulait plus jamais les combattre. Et pourtant, il se retrouvait maintenant sur les plaines de la cité d’or, prêt à devoir à tout moment s’engager dans la bataille avec les troupes de réserve. Cela lui était insupportable.
La bataille avait commencé depuis plusieurs heures, déjà. On rapportait en permanence de nouveau blessé dans la cité du commerce, tellement que les médecins étaient débordés. Seuls les plus importants comme les seigneurs ou ceux quoi avaient le plus de chance de s’en sortir étaient pris en charge. Et même avec ce tris, les blessés s'accumulent dans les places de la ville. Les hôpitaux étaient plein à craquer.
Les armées s’étaient engagées dans un tonnerre d’acier. Dans un premier temps, la cavalerie loyaliste avait dû faire des ravages, mais après cela, elle s’était retrouvée en difficulté. Percer les lignes des Largons se révélait assez périlleux et difficile. Les soldats mouraient par dizaines et pourtant les lignes n’étaient percées nul part. Toujours sur sa tour, Victor avait une vue magnifique sur le champ de bataille, et ce qu’il voyait ne signifiait rien de très bon.
Le centre avait plutôt bien réussi son avancée. Les deux armées s’étaient percutées, mais grâce à l’avantage de la cavalerie, les loyalistes avaient fait reculer d’une centaine de pas les troupes de Rogar Dorne. Le comte Boisseaux avait lui-même réussi une petite percée grâce à ses cavaliers d’élite, mais avait été contraint de céder du terrain pour éviter d’être encerclé et de manquer d’homme pour tenir la position. Les seigneurs sur sa droite n'avaient pas réussi à percer les lignes, mais avaient le mérite de ne pas céder de terrain. Seul le comte Neige s’entêtait à percer les lignes de son côté, mais cela au prix de nombreuses vies. La plupart de ses hommes étaient actuellement dans des hôpitaux.
Tous les efforts de l’armée royale étaient concentrés sur Rogar Dorne et sur le kraken vert. Juste face au Roi Charles et avec moitié moins d’hommes que lui, la cible était parfaite, trop parfaite. Le Roi s’était engouffré dans cette faiblesse avec ses meilleurs hommes. Leur assaut était pour l’instant couvert de succès, mais cela ne signifiait rien.
Le seul front sur lequel il était réellement en difficulté, était le front tenu par le comte Carval. Ce dernier avait à peine fait avancer ses hommes pour l’assaut, et n’avait pas gagné un pouce de terrain. Mais contrairement à ce que tout le monde pensait, Victor trouvait la manœuvre très intéressante. Le comte n’avait presque pas perdu d’hommes. Son nombre de blessés était bien plus inférieur que sur tous les autres fronts. Le jeune comte Worrl avait essayé de percer juste à sa droite, mais il s’était heurté à cinq cents piques Largon et la moitié de Mitiliens. Même avec un solide appuis d’archers, il peinait à se sortir de sa situation.
«Messire?” demanda un messager à côté de lui. Il se tourna et regarda le jeune homme. Plein de sueur, on voyait bien qu’il avait due traverser la moitié de la plaine pour venir le trouver. D’un signe de tête, Victor lui indiqua qu’il pouvait parler. «Le comte Carval veut que vous renforciez les murs derrière lui de deux centaines d’archers. Il craint des renforts venant du lac. Il se pourrait que d’autres Mitiliens débarque sur sa position.
- Dites-lui que je lui en donne cinquante. L’étoile pourpre n’a pas encore sonné son cor de guerre, cela veut dire qu’il n’a pas encore joué toutes ses cartes.
- Mais le comte…
- ALLEZ TOUT DE SUITE LUI DIRE!»
Surpris, l’homme recula et le salua avant de partir. Victor se remit face à la plaine et regarda les troupes de l’étoile pourpre.
Ce dernier n’avait engagé que la moitié de ses troupes. Le comte Rover tenait ses positions, mais il y laisser la tiers de ses hommes. Victor soupçonnait l’étoile pourpre de simplement l’épuiser. Sa cavalerie n’avait pas encore engagé les combats, il lui restait donc encore une carte à jouer.
Il ferma les yeux un moment pour tenter de se concentrer, mais cela était impossible. Entre les cris, les hennissements, la faux de Hell qui emmenait les soldats par dizaines. La mort se fichait de la couleur du blason. Elle prenait les vies sans prendre compte de rien.
Quand il rouvrit ses yeux, il eut une vision d’horreur. L’oriflamme du Roi avait disparu. Sans ça, il était impossible de savoir où ce dernier se trouvait. Victor rechercha à l’endroit où il l’avait vu pour la dernière fois, mais rien. La poussière des combats l’empêcher de voir quoi que ce soit. Les combats semblaient s’être amplifiés dans la zone. Une immense mêlée avait lieu au dernier endroit où il avait vu le Roi Charles. Les Mitilien menaient par le kraken vert semblait avoir fait une percée juste sur le flanc gauche du Roi, mais celui-ci demeurait introuvable. Puis la bannière réapparut mais cette fois avec celle du kraken vert juste à côté. Les deux flottants dans le vent comme deux amants. Cela lui donna des frissons.
Même Charles n’oserait pas faire ça, pensa t-il. C’est l’œuvre des Mitiliens. S’ils ont réussi à capturer l’oriflamme royale, alors le Roi Charles est le prochain sur la liste. Si le Roi tombe, alors c’est l’armée entière qui tombe.
«Faites parvenir un message au prince Louis!» Il se tourna mais ne vit aucun messager. Victor prit alors son carquois et son arc et se dirigea vers la porte qui lui permettait de descendre au niveau inférieur.
Dans les escaliers, les hommes étaient paniqués. Certains montaient avec des pierres, d'autres avec des flèches, mais la peur se lisait très bien dans leurs yeux. Il valait mieux qu’il ne soit pas au courant. C’était mieux pour tout le monde. S’ils venaient à paniquer, cela pourrait créer tout un mouvement de panique. Il fallait donc faire attention à ne pas faire transparaître sa panique.
Il arriva en bas de l’escalier et prit la porte qui menait aux remparts juste à côté de la porte. Chaque rempart avait son propre escalier, il lui serait donc facile de rejoindre la place. Il traversa le rempart avec assurance, ne tenant pas compte de la cadence infernale que tenaient les archers. Le capitaine du rempart était sir Led Redone. Un chevalier qui voulait absolument faire pousser sa carrière ne restant que peu de temps comme simple capitaine. Il voulait gravir les échelons et cela était un atout pour Victor. Le chevalier lui obéissait au doigt et à l’œil. Il était comme son petit chien et obéissait à chacun de ses ordres. Il n’avait aucune personnalité et pensait qu'en servant comme il le fallait Victor, il pourrait rapidement gravir les échelons. La bataille représentait aussi un moyen pour lui d’augmenter son grade. Il devait sûrement se dire que si on voyait que ses archers avaient épuisé toutes leurs flèches alors on penserait que c’était un bon capitaine. Pour Victor cela faisait surtout de lui un idiot.
Arrivés à l’escalier, les hommes s’écartèrent pour le laisser passer. Le sentiment qu’ils le croyaient important lui plaisait. Il descendit jusqu’au pied du rempart sans incidents puis poursuivit sa route jusqu’au porte de la cité.
Son cheval avait été accroché à une barrière et l’attendait. Il l’enfourcha et l’orienta vers la porte. Celle-ci était franchie par des dizaines de brancardiers à chaque instant. Grâce à son cheval, il réussit néanmoins à se frayer un chemin à travers les brancardiers. Il fut rapidement passé de l’autre côté. D’une certaine façon, cela lui faisait une peur bleu de se retrouver de l’autre côté, il n’avait aucune envie de se retrouver à devoir se battre. Il partit directement en direction du clan du nord et des housecarls.
Malgré leur animosité, Louis les considérait comme ses meilleurs hommes, il avait donc choisie d’un faire qu’un seul et unique bataillon.
Victor pensait qu’ils allaient s’entre-tuer à leur simple vue, mais au lieu de cela, ils s’étaient simplement séparés en deux groupes. Vu de la tour, la situation l’avait amusé, mais maintenant, cela l’embêtait plus qu’autre chose. Il aurait fallu que les deux clans soient unis si voulait être efficace.
Les hommes du nord le reconnurent à son arrivée et lui adressèrent des signes de mains. Victor leur fit aussi signe. «Où est votre yarl?” demanda-t-il en langue du nord. Il n’était pas certain pour chaque mot, mais il n’avait pas le temps.
- Juste là-bas, répondit un homme armé d’une hache et d’un bouclier, il indiquant le centre de la troupe. Il discute avec le chef des housecarls.»
Victor le remercia et partit à l’endroit indiqué. À son grand étonnement, il retrouva le yarl Dargon en train de rire avec le chef des housecarls et avec Trymian. Il mit pied à terre à leur hauteur.
«Où se trouve le prince Louis? demanda-t-il cette fois en langue commune.
- Ah, le retour de mon Orois préféré.» Reknar Dargon se tourna vers lui en souriant. «J’ai bien cru que tu resterais toute la bataille sur ce rempart. Dis moi que tu as du travail pour nous.
- Peut-être bien, où se trouve le prince Louis?»
Le yarl remua les lèvres. Il se retourna et indiqua l’endroit où se trouvait l’oriflamme du Roi attaché à celui du kraken vert. «Il est parti un peu avant qu’on te voit arriver. Il a pris tous les chevaliers disponibles et est parti en direction de l’oriflamme. Il semblait paniqué. Qu’est ce qu’il se passe?»
Victor regarda la plaine et l’immense mêlée. La bannière de Louis, trois étoile d’or sur fond noir, semblait vouloir se frayer un chemin à travers une horde de Mitiliens et de Largon.
Il se tourna vers Reknar Dargon. «Le Roi est tombé dans un piège. Le kraken vert et Rogar Dorne semblaient vouloir l'attirer sur le centre afin de le faire prisonnier. Si on perd le Roi, on perd la bataille.» Il s'arrêta et réfléchit un moment. Louis ne pourra jamais rejoindre son frère, pensa-t-il. Avec un aussi petit nombre d'hommes, c’est la catastrophe assurée. Et Rogar Dorne ne va pas lâcher son bien le plus précieux sous la pression d’aussi peu d'hommes. Si on veut éviter la débandade générale, il faut engager beaucoup plus de force. Il se tourna vers Reknar et le commandant des housecarls Arrik. «Dites à vos hommes de se préparer. Vous allez avoir l’action que vous vouliez.»
Le yarl eut un saut d’excitation, alors que le housecarl se contenta de grogner. Les deux partirent dans des directions opposées afin de prévenir leurs hommes.
«Allez mes frères, allons nous battre", cria Orstenn à ses hommes.
Reknar tira son épée et d’un coup l’enflamma la surprise de Victor. «Le sang et le feu pour nos ennemis! Préparez vous, fils de chien, on va se battre!»
D’un côté comme de l’autre, les hommes se réjouirent en poussant des cris de guerre. Les housecarls rebondirent directement en poussant leurs propres cris de guerre. Les deux clans auraient continué si leur commandant respectif ne leur avait pas dit de la fermer et de se mettre en ordre de bataille. Les hommes s’exécutèrent bien qu'en poussant des exclamations de rire.
Victor se tourna vers Trymian qui était resté à côté de lui. «Je pensais qu’ils seraient les pires ennemis. Comment se fait-il que les deux semblent plus être amis?
- Ennemi commun je suppose, répondit l’intéressé. Mine de rien nous avons plus de similitude que nous voudrions l’admettre.
- Espérons que cela soit bénéfique pour la bataille.»
Le housecarl acciesta avec un sourire, puis celui-ci se figea en regardant une colonne de cavalier qui revenait de la ligne de front. Victor regarda à son tour les cavaliers qui revenaient et reconnut les chevaliers de Louis. Ce ne fut qu’après qu’il vit la bannière à trois étoiles. Un frisson le parcouru.
Deux cavaliers se détachèrent du groupe qui partait en direction de la cité du commerce et vint vers eux. Victor les identifia comme sir Ernold et Nuit. Le chevalier avait perdu son bouclier ainsi que sa lance, et avait à la main son épée sanglante. Son armure aussi était recouverte de sang et d’éraflure. Nuit qui venait juste après avait lui aussi des taches de sang, mais la plupart se perdait dans le tissu noir de ses vêtements.
Les deux hommes arrivèrent jusqu’à lui et descendirent de cheval. «Qu’est qu’il s’est passé? demanda Victor. Où est Louis?»
Le chevalier retira son casque laissant apparaître les traits de peur sur son visage. Malgré la sueur qu’il lui coulait sur le front ainsi que les yeux blancs de peur, il trouva tout de même la force de parler. «Le prince a été blessé à la tête.
- Quoi! Comment!
- C’est arrivé très vite. On a engagé une charge contre les Mitiliens afin de secourir le Roi. On a d’abord réussi à percer leur ligne, mais après ils ont contre-attaqué. Le kraken vert les menait en personne. Il a repris tout le terrain que nous avions gagné en quelques instants. Le prince a voulu le charger, mais…» Le chevalier eut un haut-le-cœur, puis vida son estomac sur le sol. Il cracha alors du sang et se repositionna face à Victor. «Le prince n’a reçu qu’une simple blessure à la mâchoire. En théorie, il devrait s’en sortir, mais rien n’est sûr… oh et… il a autre chose.
- Quoi?
- Le prince n’a pas perdu connaissance tout de suite. Il veut que vous alliez récupérer son frère avec le reste de nos forces. Il vous donne le commandement des hommes du nord.
- Oui, c’est plutôt logique.» Victor s’autorisa à respirer. Même si Louis était blessé, il avait tout de même des chances de s’en sortir. Mais de toute façon, les hommes du nord que se soit housecarl ou clan du nord, lui obéiraient plus à lui qu’à Louis. Il avait bien vu qu’il le préférait au prince.
Il regarda Nuit puis se tourna de nouveau vers le chevalier. «Qu’est qu’il fait là lui? Il ne devrait pas être avec le prince pour le protéger?
- Si, mais avant de perdre connaissance, le prince nous à fait comprendre qu’il voulait que Nuit vous accompagne.
- Comment il l’a fait s’il avait une blessure au visage? Il ne devrait pas communiquer.
- Aucune idée, répondit le chevalier perplexe.
- Très bien, dit Victor en soupirant. Qu’il vienne.» Un regard sur Nuit lui suffit à frissonner. Le fannar lui faisait toujours aussi peur.
Il fit signe au chevalier de partir rejoindre le prince, après tout c’était là sa place. Puis il se tourna vers le fannar et haussa les épaules. Après tout, le prince pensait qu’il aurait besoin de lui. De plus, les fannars étaient de très bon guerriers.
Les deux hommes partirent ainsi vers le clan du nord et les housecarls. Reknar les y attendait au milieu du groupe, son épée toujours enflammée dans sa main droite et criant aux hommes de former une ligne. Les hommes du nord s’exécutaient lentement.
«Sont-ils prêts? demanda Victor.
- Oui.» Le yarl jeta un regard méfiant au fannar puis continua: «Mes hommes partiront en premier et les housecarls juste derrière. On devrait avancer assez rapidement si tout va bien.
- On va devoir passer à travers un foule de Mitiliens enragé mené par le kraken vert, puis passer un barrage des meilleurs Largons qui défendent leur duc. Cela ne sera sûrement pas de tout repos.
- Bah… tu ne nous as pas encore vu combattre.
- Et tu n’as jamais combattu des Mitiliens. Ne les sous-estimes pas.»
Le yarl sourit. Il se retourna et se dirigea au centre de la seconde ligne. Victor se positionna juste derrière les hommes du nord avec les housecarls. Mine de rien, il se sentait plus en sécurité à côté d'eux. Trymian se posta à sa droite et Nuit à sa gauche. Là, il se sentait encore plus en sécurité. Les housecarls étaient beaucoup moins suicidaires que les hommes du nord, mais surtout il était plus fort dans l'offensive et les petites percées. Il faudrait se servir de ça pour atteindre le Roi. «EN AVANT!» Sur ses mots, les cinq cents hommes qu'il avait rassemblé se mit en marche. Le pas fut lent au début, puis il s'accéléra, jusqu'à ce que les hommes trottinent. Housecarls et hommes du nord ne furent plus qu'un seul bataillon. Ils avançaient sans craindre les volées de flèches des Mitiliens, sans craindre les cris de douleur du front, sans craindre les hurlements animals du kraken vert et des Mitiliens, ils formaient désormais un seul et unique bataillon. Autour d'eux les flèches tombaient, mais ils n'en avaient rien à faire, seul l'ennemi comptait.
Ils arrivèrent sur la ligne de front alors que celle-ci était sur le point de céder. Le kraken vert était sur le point de briser la ligne. Les hommes étant épuisés et démoralisés n'auraient pas pu la reboucher.
«MUR DE BOUCLIER! cria Reknar» D'un seul coup, les hommes du nord se stoppèrent net. Les premières lignes firent claquer leur bouclier les uns contre les autres afin de former un mur et s'accroupirent au sol. La seconde ligne fit de même en positionnant leur propre bouclier juste au-dessus d'eux, et finalement la troisième ligne compléta le dispositif en positionnant leur bouclier juste au-dessus de la tête des secondes lignes.
Les loyalistes encore sur la ligne de front se reculèrent pour passer derrière eux. Victor leva la tête pour mieux voir et comprit que les Mitiliens n'avaient jamais vu un style de combat comme celui-ci. Ceux-ci n'osaient pas s'en approcher et rester sur leur position.
«Je comprends maintenant pourquoi vous avez du mal à les vaincre.» Il se tourna vers Trymian qui souriait. «Le mur semble impossible à franchir.
- Et pourtant il l'est. Mais il faut des hommes assez suicidaires et expérimentés pour faire une percée. Une fois la percée faite, il est très difficile de réformer le mur.
- Oui… mais il faut le percer.»
Le housecarl acciesta. «Qu'es'qu'ils a'tende, dit le capitaine Orstenn derrière lui. P'quoi ne foncent't-ils pas? D'hab'tude ils ne n'ttendent pas 'ssi l'temps.
- Je crois qu'ils veulent voir le kraken vert.»
En relevant la tête, Victor vit un homme sortir du rang des Mitiliens. Cape et armure verte, visage blanc et noir avec des larmes de sang, rien ne laissait plané son identité: Darrion Holl le kraken vert. Il était moins terrifiant que ce que le pensait Victor. Pourtant il dégageait tout de même une aura de terreur autour de lui. Le kraken vert s'avança jusqu'à être en plein milieu de la distance qui les séparait. Victor s'attendit à ce qu'il dise quelque chose, mais rien.
L'homme, comme possédé par un démon, poussa un cri animal et fonça tête baissée sur le mur de bouclier. Ses hommes le suivirent d'un seul coup et foncèrent eux aussi sur le mur. Ils percutèrent mur dans un choc sourd mais violent, pourtant contre toute attente les hommes du nord tinrent bon.
Reknar Dargon cria quelque chose en langue du nord, et ses hommes des premier, deuxième et troisième rangs sortirent leurs armes du mur comme un seul homme pour porter leurs attaques. Les Mitiliens frappaient tout ce qu'ils pouvaient leurs armes contre le mur mais rien à faire il ne cédait pas. Un homme prit feu sous l'épée de Reknar et recula en poussant des hurlements. Les coups continuèrent de pleuvoir sur l'ennemi d'un côté comme de l'autre. Soulevait sur des boucliers, des hommes du nord décochèrent des carreaux d'arbalètes sur les Mitiliens. Un nouvel homme se retrouva embrasé par l'épée de Reknar. Quelques hommes du yarl tombèrent, mais ce n'était rien comparé aux pertes Mitiliennes. Reknar cria «En avant» en langue du nord et ses hommes firent un pas en avant. Soulevant leur bouclier ils gagnèrent un pied de terrain. Reknar cria une nouvelle fois, et les Mitiliens durent céder encore un pied de terrain.
Après avoir cédé plus de vingt sept pieds de terrain, le kraken vert poussa un rugissement de colère. Il escalada d'un coup le mur et passa par-dessus. Pris par surprise, les hommes du nord ne s'étaient pas retournés qu'il leur tailladait déjà le dos.
«Trois housecarls contre lui, cria Victor. Tuer le avant qu'il ne brise le mur! Tuez le!» Trois housecarl armés de haches se jetèrent sur lui. Mais c'était comme s’il savait qu'ils allaient l'attaquer. À peine le premier eut-il levé sa hache, que le kraken vert lui trancha la gorge. Les deux autres se jetèrent sur lui en rugissant, mais il s'en débarrassa aussi facilement. Le premier se retrouva avec l'épée du kraken dans la tête, quand le second s'écroula au sol le bras tranché.
«Il faut le tuer ou sinon il va briser le mur! cria Victor.
- Je m'occupe de lui, dit Trymian en sortant du rang. Toi va t'occuper de retrouver ce foutu roi pour lequel on est venu. Prend seulement une cinquantaine d'hommes. » Il se retourna et fonça droit sur Darrion Holl qui commençaient à s'attaquer aux hommes du nord.
Victor lui cria de revenir, mais son ordre se perdit dans les combats. Il jura et chercha Reknar. Celui-ci était encore au centre du mur de bouclier qui malgré le saut du kraken continuait à avancer. «REKNAR! REKNAR DARGON!» Le yarl se retourna. «Dis à tes hommes d'ouvrir le mur pour laisser passer les housecarls.» L'homme du nord acciesta et fit signe à ses hommes de s'écarter. Il sortit lui-même du rang et se positionna à la droite de Victor.
«Qu'est que tu fous? demanda ce dernier.
- Torsten s'occupe de tenir le mur. J'ai plus confiance en lui que en n'importe quel homme ici.
- Oui mais toi?» Victor se demandait pourquoi il voulait mener l'assaut avec lui.
Le yarl sourit et sortit un seringue de sa ceinture. «Il faut bien quelqu'un pour percer leurs lignes. On a beau les avoir fait reculer. Ces files de chien sont plus fort qu'on ne l'imaginait.
- Et ça, c'est quoi?» Victor désigna la seringue.
Le yarl parut embarrassé. «Ca, euh... contribuant alimentaire.» Il enfonça la seringue dans l'avant bras et déversa le liquide qu'elle contenait dans ses veines. Sa tête se figea et il la tourna sur elle-même d'un coup sec. Ses mains se mirent à trembler, et Victor eut l’impression que ses yeux et ses veines changeaient de couleur. Son corps entier tremblait, puis il se calma d'un coup.
Victor hésita puis lui saisit le bras pour voir son visage. Le yarl tourna la tête, et il put voir de l'écume sortir de sa bouche. «DARGON!» Reknar cria aussi fort que Victor put le supporter, puis se tourna vers l'ouverture que ses hommes avaient créé et s'y engouffra. De la drogue, se dit Victor. Évidemment. «Suivez le! cria t-il aux housecarls. Suivez-le!»
Face au berserk qu'était Reknar, les Mitilens reculèrent en masse, mais trop tard. Reknar était déjà sur eux et frappait comme un sauvage. Les housecarls et Victor le suivirent dans la brèche qu'il avait créée. Derrière lui Reknar ne laissait que des hommes morts ou mourant. Les housecarls sur les côtés magnant leurs armes comme personne, Victor n'avait rien besoin de faire. Reknar avançait comme un animal dans la horde de Mitiliens qui n'ausait pas attaqué une bête comme lui. Les housecarls quant à eux maniait leurs armes comme Victor ne l'avait jamais vue. Leurs armures ne céderaient pas sous les armes ennemies, et ils en avaient conscience. Le coup était tout calculé et parfait. Tranchant la chair éclatant des boucliers. Les housecarls étaient des professionnels du combat, et Victor le voyait bien. Les Mitiliens n'avaient aucune chance contre eux.
En quelque instant, Reknar passa la horde de Mitiliens. Puis il se percuta aux Largons de Rogar Dorne, et là la boucherie se répéta. Sauf que cette fois, les Largons le reconnurent et reculèrent pour former une ligne correcte paré à soutenir un assaut. Mais rien ne pouvait stopper Reknar. Celui-ci avanca parmi les Largons sans s'arrêter de frapper. Certains tentaient de lui envoyer des coups, mais aucun n'arrivait à passer son armure trop solide. Le yarl avançait toujours et encore. Rien ne semblait pouvoir l'arrêter. Il massacrait chaque adversaire qu'il rencontrait, certains essayaient de lui faire face, mais aucun n'était assez rapide. Il finissait tous de la même manière.
Nuit quant à lui maniait ses dagues avec une rapidité hors norme. Les hommes qui engageaient le combat avec lui n'avaient même pas le temps de lancer une attaque qu'ils avaient déjà la gorge tranchée.
Les Largons étaient plus expérimentés au combat que la plupart des hommes du Grand-Royaume. Il savait se battre comme personne. Les assauts des pirates sur leur terres de Largonne les y avaient préparés. Mais face à la force combinée des housecarls et de Reknar Dargon. La cohorte de Largon se fendait en deux sous leur assaut.
Victor n'eut presque pas besoin de se servir de son épée. Reknar le faisait très bien pour deux. Néanmoins un Largon réussit à passer son la garde de Reknar. Sans prêter garde à Victor, il essaya de poignarder le yarl dans le dos, mais l'épée de Victor lui trancha la tête juste avant. Reknar se retourna pour voir le cadavre du soldat tombé au sol. Il regarda alors Victor, qui eut un frisson en voyant le visage de son ami. Les yeux beaucoup plus vert que d'habitude, la bouche pleine d'écume, les veines semblant être sur le point de lui sortir de la peau. Mais le pire était le regard. Il semblait que toute humanité l'avait abandonné. Le yarl semblait être dans une lutte interne pour échapper à sa transe de combat. Il se retourna immédiatement et recommença à frapper sur les Largons en face de lui.
Regardant par-dessus son épaule, Victor aperçut toute proche la bannière de Rogar Dorne. Le Roi devait forcément se trouver proche de lui. Aussi il orienta comme il le put le yarl dans cette direction.
Les Largons eut tôt fait de comprendre. Une vingtaine d'entre eux se massèrent autour de la bannière du duc, pendant que le reste essayait, comme ils le pouvaient, de briser l'imposant bloc de housecarls. Mais c'était peine perdu.
Maintenant Victor comprenait quelle était la stratégie des hommes du nord. Les hommes du domaine royal ou de Largonne préféraient se battre avec des mêlées. Dans ce genre de circonstance, la bravoure était l'élément principal. Les techniques de combats, les armes, les armures, tout cela était fait pour se battre en mêlée. Mais les housecarls et les clans du nord avaient une vision totalement différente de l'art de la guerre. Ils ne se battaient pas chacun pour soit, ils battaient avec leurs camarades. Leur force était l'unité. Que ce soit les hommes de Reknar ou ceux de Orstenn, ils avançaient en bloc. Le mur était infranchissable et leur formation fendait les mêlées comme une hache fend le bois.
Pris dans une immense mêlée, les Largons comme les Mitiliens ne savaient pas comment contrer cette formation, ils manquaient de cohésion, de discipline. Comment contrer une telle formation si on ne leur avait jamais appris à se battre en groupe.
Reknar se jeta tel un animal sur le premier Largon qu'il vit. Son épée s'enfonça dans l'armure du chevalier comme dans du beurre. L'épée resta enfoncé assez longtemps pour que le corps du chevalier s'embrase. Les hommes s'écartèrent avec effroi, mais Reknar se jeta déjà sur eux. Il trancha la tête du premier et son épée enflammée toucha le surcot d'un troisième. La tunique s'embrasa immédiatement faisant crier l'homme et faisant fuir ceux d'à côté. Victor attrapa une lance au sol et s'en servit pour faire tomber un cavalier qui allait s'attaquer au yarl. Le chevalier fut projeté au sol lui brisant les côtes et l'empêchant de se relever. Reknar allait lui enfoncer son épée dans le torse, mais Victor l'en retient.
Il s'approcha du chevalier qui hurler de douleur. Son épée se plaqua contre sa gorge. «Où est-il? cria Victor. Où est le Roi Charles?!
- Vas te faire foutre!” cria le chevalier.
Victor appuya de toutes ses forces contre ses côtes. L'homme rugit de douleur. Et agita la tête de haut en bas. «Rogar Dorne le retient en otage. Il l'a attaché juste derrière sur une charrette. Il se prépare à l'envoyer sur un navire Mitilien.
- Merci bien.» Il lui trancha la gorge et le regarda mourir dans un gargouillement. Il se releva et fit signe aux housecarls de continuer.
Reknar lui ne s'était pas arrêté et continuait de se tailler un chemin vers la bannière de Rogar Dorne. Victor passa par-dessus le corps du chevalier et le tira en direction cette fois de la plage.
En voyant arriver le bloc de housecarls, Rogar Dorne aurait normalement dû envoyer son prisonnier au plus près de la plage afin de le faire embarquer au plus vite. Par chance ils arriveraient avant que cela ne se produise.
Reknar dut comprendre la situation dans sa transe puisqu'il accéléra le pas et enflamma plus de monde qu'avant. En regardant par-dessus son épaule, Victor put voir les eaux du lac ainsi qu'en chaloupe qui semblait prête à partir. Juste devant quatre hommes essayant d'y faire grimper le Roi Charles. «Plus vite, cria Victor. Il ne faut pas qu'ils l’emmènent.»
L'un des hommes se retourna juste à temps pour voir l'épée de Reknar s'enfoncer dans ses côtes et enflammer son corps. Un second se jeta sur Victor mais il mourut le crâne fendu par la hache d'un housecarl. Nuit finit le travail en tranchant les gorges des deux derniers. Victor lui indiqua alors de défaire les liens en corde du Roi et de le remettre sur pied.
Il tourna la tête et essaya d'évaluer la distance qui le séparait du mur de bouclier du clan de Reknar. Mais de là où il était tout paraissait avoir changé de place. Mais ça allait au-delà du fait qu'il est bougé. L'armée du duc paraissait avoir reculer. Les forces loyalistes semblaient quant à elles plus nombreuses, beaucoup plus nombreuses. Le nombre semblait avoir doublé. La plupart des forces de Rogar Dorne semblaient prêtes à toucher les eaux du lac. Quelque chose avait changé. Quelque chose n'allait pas. Ils ne pouvaient pas gagner aussi facilement.
Les réponses à ses questions furent claires quand il vit les bannières du comte Artagnac. Le comte faisait partie des troupes de réserve. Cela voulait dire qu'il avait engagé le combat avec ses propres hommes. Et vu qu'il commandait les forces de réserve, cela voulait dire que toutes les réserves venaient d'engager le combat. Cela était à la fois bon et mauvais.
Si les réserves avaient engagé le combat, alors l'armée de Rogar Dorne aurait tôt fait de se retrouver dans le lac. La plupart de ses hommes finiraient noyés. Mais cela signifiait aussi qu'ils avaient laissé sans défense le front contre l'étoile pourpre. Si ce dernier voyait cette faille, il fonçait dedans tête baissée. Les troupes de Rover ne seraient plus assez nombreuses pour lui barrer le passage et il pourrait s'engouffrer dans la brèche. Son plan pour se débarrasser du premier conseiller était en train de se retourner contre lui, même contre toute l'armée loyaliste. Il devait au plus vite revenir sur les remparts pour comprendre la situation.
Il se retourna et vit que les housecarls venaient de finir de détacher le Roi. Celui-ci lui fit un signe de tête rapide et attrapa une épée par terre.
«Très bien, dit Victor à l'adresse de housercals. On doit retourner au plus vite dans nos lignes si on ne veut pas finir submerger. Rogar Dorne ne va pas laisser s'échapper sa plus grosse prise comme ça. Il fera tout pour récupérer le Roi Charles. On doit rejoindre nos lignes le plus rapidement possible.
- Non, répliqua le Roi. On doit tuer Rogar Dorne. Si on le tue, on aura gagné cette bataille.
- Sire, nous n'avons pas assez d'hommes. Notre mission était de vous récupérer et de vous faire traverser les lignes pour vous mettre en sécurité.
- Je suis le roi. C'est moi qui donne les ordres. Et je dis que nous allons capturer Rogar Dorne. Je veux voir ce fumier à mes pieds.
- Sire...» Victor s'arrêta quand il vit Nuit donner un coup de pommeau sur la tête du Roi. Puis il se tourna vers Victor et haussa les épaules. Mais le plus fou, c'est qu' aucun housecarls ne réagit.
Orstenn s'avança et le regarda dans les yeux. «M'hommes ont'jur'r all'geance 'prince Louis et d'nc par ext'sion à vous. Je m'fiche d'ses ordres.» Il indiqua le Roi au sol. «On 'béira à v's ordres. Al'rs quels s't-ils?»
Victor regarda le corps du Roi étendu sur le sol. «Récupérez le. On retourne dans nos lignes. Je dois retourner sur les remparts. Maintenant!»
Les housecarls levèrent leurs armes et poussèrent un cri de guerre en langue du nord. Reknar qui jusqu'à présent avait réussi à se calmer, repartit en transe et sauta comme un enragé dans la marais de Largons qui s'amassait autour d'eux.
Encore une fois, il fit un carnage. Et contrairement à ce que l'aurait cru Victor, le duc Dorne ne fit presque rien pour les empêcher de rejoindre leurs lignes. Au contraire, il semblait avoir remarqué que son armée reculait et ne voulait pas perdre trop d'homme dans une cause perdue. Apparemment, il avait compris que les housecarls étaient imbattables dans l'art de faire la guerre.
Victor le repéra facilement sur son immense cheval. Son épée légendaire accrochée à la selle, son oriflamme flottant dans les cieux à quelques pas de lui. Sa carrure était plus que imposante. Les éclats de son armure paraissant argenté sous les reflets du soleil, sa cape jaune orangé sur ses épaules se glissant dans les lamentions du vent. Il comprenait pourquoi le Roi Charles le voyait comme l'homme à abattre. S'il tombait, alors ses hommes n'auraient plus fois en rien. Mais s'il tombait, ses hommes le vengeraient et feraient de la charpie de son assassin. Victor ne voulait pas prendre un tel risque.
À coté de lui, telle une ombre blanche et une ombre noir, Orstenn et Nuit tuait chaque adversaire qui se présenter. Reknar paraissait quant à lui être un démon avec une épée enflammée. Tout ce qu'il touchait avec sa lame se retrouvait devenir une torche dans un océan de douleur. Son épée fendait l'air et tranchait sans relâche.
Pourtant, même cela ne sembla diminuer quand ils arrivèrent proche du mur de bouclier des hommes du nord. Reknar sembla alors comme vide et moue. Ses coups perdirent en précision et sa lame n'arriva même plus à tuer.
Merde, pensa Victor. Il lui arrive quoi?
«La drogue se dissipe, cria un housecarl qui portait le Roi Charles encore assommé. Ça lui à pris trop d'énergie.»
Après un énième coup, le yarl bascula en arrière comme une coquille vide. Il fut rattrapé par Orstenn. Et soudain, ils se retrouvèrent encerclés par des Mitiliens. Ceux-ci hésitaient à lancer l'assaut.
Un homme sortit alors du rang avec un ricanement à glacer le sang. Victor le reconnut immédiatement. Darrion Holl. La première pensée de Victor fut pour Trymian. S'il était là, ça voulait dire que le housecarl était mort. Puis il réfléchit. Non, se dit t-il. Sinon le kraken serait encore de l'autre coté du mur. Ils ont réussi à le virer. Le mur à tenu bon. Mais rien ne dit que Trymian doit encore en vie.
«Cher ami, je vous remercie.» Le kraken vert s'avança juste devant les housecarls, à quelques pas de Victor. «Le duc, mon très très cher allié, avait refusé de me laisser votre gentil Roi. Et voilà que vous me le livrer sur un plateau.» Il poussa un hurlement de rire. Tellement intense qu'il se plia en deux. Un fois maîtrisé, il se releva le sourire aux lèvres et regarda Victor. Il saisit une hache qui était enfoncée dans ses plaques d'armure et la jeta au sol, laissant s'échapper une cascade de sang. «Maintenant, donnez le moi et je vous jure que... et bien, nous vous tuerons au plus vite. Allons bon. Nous savons que votre atout principal est actuellement hors de combat. Vous n'avez aucune chance alors... en fait non je préfère vous voir crever en le défendant, c'est plus amusant.» Il leva son épée sanglante et éclata de nouveau de rire, un rire animal.
Il allait se jeter sur eux quand Nuit indiqua l'épée enflammée à Victor. Cette fois ci, il réussi à lire dans ses yeux.
Sans comprendre comment, des flammes sortirent de sa main. Un simple flamme bleu qui d'un coup vola en direction du kraken vert. Elle lécha la cape verte de celui-ci et s'embrasa à l'impacte. Le kraken comme ses hommes écarquillèrent les yeux. «Triche, c'est pas juste ça, cria le kraken. Triche, c'est pas du jeu.» Il s'écarta d'un bon et Victor lut de la panique mais aussi de l'amusement dans ses yeux.
Ce type était vraiment fou.
Les Mitiliens s'écartèrent d'eux, et ils saisirent l'instant. Le groupe fonça vers le mur de bouclier qui s'ouvrit pour les laisser passer. Passé les derniers housecarls, il se referma, leur laissant le temps de souffler.
Trymian se précipita vers lui, l'armure un peu endommagé et plus que une hache à la ceinture contrairement aux deux de d'habitude, mais bien vivant. Il posa sa longue hache au sol et attrapa Victor alors que celui-ci s'écroulait au sol. «Le Roi est sauvé, grâce à vous.
- Ton autre hache? demanda Victor.
- Oh, euh... Je l'ai laissé dans l’armure du kraken vert. Un sacré adversaire, mais sans une seule technique. Enfin je crois que c'est ça qui le rend vraiment dangereux. Pas très bon duelliste à part ça.
- Ça lui a plutôt bien servi jusqu’à présent.
- Oui, c’est vrai. Mais toi… je ne savais pas que tes pouvoirs étaient comme ça. Si puissant.
- Ça n’a rien de puissant. Je lui ai juste envoyé une boule de feu dessus. Ça ne l’a même pas tué.
- Oui, mais cela semble lui avoir fait peur. Une première dans l’histoire. Le kraken est un fou furieux. Je m’ai bien vu en l’affrontant. Il n’a aucune technique, mais c’est pour ça qu’il est bon. Il est totalement imprévisible. Plus d’une fois il a manqué de me tuer. Si je n’avais pas eu mon armure il m’aurait eu. C’est une bête, il se bat comme une bête, je me demande même s’il ne se voit pas lui-même comme un animal. Difficile d’imaginer que la princesse Enoria soit sa sœur, ils sont totalement différents.
- Difficile oui.» Il attrapa la main que lui proposait le housecarl et se remit debout.
À coté d’eux, le Roi essayait tant bien que mal à se remettre debout jetant des regards noir à Victor. Il se détourna du spectacle et indiqua au chevalier encore présent de le remettre en selle. L’armée avait besoin de le voir. Sans ça, les hommes commenceraient à douter de la présence de leur roi sur le champ de bataille. Si les troupes de réserve étaient engagées, alors il fallait conserver l’avantage. Peut-être allaient-ils finalement gagner la bataille? Peut-être allaient-ils survivre?
Lentement le mur de bouclier recula, au fur et à mesure que des hommes d’armes arrivaient en masse pour combattre les Mitiliens en fureur.
Reknar qui arrivait à peine à bouger fut mit sur un brancard et on l’emmena vers la cité d’or. Torsten prit alors le commandement du clan et sous les ordres de Victor il fit reculer les hommes du nord. Les housecarls firent de même et suivirent le mouvement. La retraite vers la cité du commerce s’effectuait en bonne ordre. Les loyalistes se faisant de plus en plus nombreux galvanisé par la fureur de leur Roi qui remit sur un cheval s’affichait parmi les hommes et qui leur indiquait de pousser leur avantage.
Revenu sur leur ancienne position, Victor put admirer le champ de bataille dans toute sa splendeur. Les troupes de Rogar Dorne et du kraken ne faisaient pas le poids face aux loyalistes qui les poussaient dans le fleuve. Apparemment, les troupes de réserve avaient suivi les hommes du nord pensant à une manœuvre générale. Face à autant d'hommes, l'armée de Rogar Dorne reculait sur le centre. Son flanc droit était aussi en grande difficulté, ses hommes n’arrivant pas à percer la formation du comte Carval. Tous ses hommes étaient couverts par les archers sur les remparts ce qui lui donnait un atout considérable dans les assauts des Largons et des Mitiliens. L’armée paraissait reculer entièrement.
«Messire Victor! cria un page derrière lui.» Victor se retourna et découvrit l’homme s’écroulant au sol devant lui. Il releva la tête et Victor lut la panique dans ses yeux. «Il faut que vous remontiez sur les remparts avec vos hommes de réserve. L’étoile pourpre a lancé un assaut sur le premier rempart.
- On sort tout juste d’un sauvetage du roi. Il y a d'autres hommes pour reprendre la position.
-Messire, vous devez y aller avec des housecarls. C’est le prince Louis qui l’ordonne. Apparemment il y aurait des fannars sur le mur.»
Victor se figea. Des fannars, comme Nuit. Effectivement il faudrait des hommes assez forts comme des housecarls pour les éjecter du rempart. Il se tourna vers Trymian: «Trouves moi immédiatement trente housecarls qui n’ont pas combattu. La bataille n’est pas encore finie.»
Depuis Montgargant, Victor avait une sainte horreur des batailles. Il s’était juré de ne pas y participer à moins d’être à l’arrière et de commander. Il ne voulait plus revoir la mort d’aussi près, et que se soit l’étoile pourpre ou n’importe quel autre, il ne voulait plus jamais les combattre. Et pourtant, il se retrouvait maintenant sur les plaines de la cité d’or, prêt à devoir à tout moment s’engager dans la bataille avec les troupes de réserve. Cela lui était insupportable.
La bataille avait commencé depuis plusieurs heures, déjà. On rapportait en permanence de nouveau blessé dans la cité du commerce, tellement que les médecins étaient débordés. Seuls les plus importants comme les seigneurs ou ceux quoi avaient le plus de chance de s’en sortir étaient pris en charge. Et même avec ce tris, les blessés s'accumulent dans les places de la ville. Les hôpitaux étaient plein à craquer.
Les armées s’étaient engagées dans un tonnerre d’acier. Dans un premier temps, la cavalerie loyaliste avait dû faire des ravages, mais après cela, elle s’était retrouvée en difficulté. Percer les lignes des Largons se révélait assez périlleux et difficile. Les soldats mouraient par dizaines et pourtant les lignes n’étaient percées nul part. Toujours sur sa tour, Victor avait une vue magnifique sur le champ de bataille, et ce qu’il voyait ne signifiait rien de très bon.
Le centre avait plutôt bien réussi son avancée. Les deux armées s’étaient percutées, mais grâce à l’avantage de la cavalerie, les loyalistes avaient fait reculer d’une centaine de pas les troupes de Rogar Dorne. Le comte Boisseaux avait lui-même réussi une petite percée grâce à ses cavaliers d’élite, mais avait été contraint de céder du terrain pour éviter d’être encerclé et de manquer d’homme pour tenir la position. Les seigneurs sur sa droite n'avaient pas réussi à percer les lignes, mais avaient le mérite de ne pas céder de terrain. Seul le comte Neige s’entêtait à percer les lignes de son côté, mais cela au prix de nombreuses vies. La plupart de ses hommes étaient actuellement dans des hôpitaux.
Tous les efforts de l’armée royale étaient concentrés sur Rogar Dorne et sur le kraken vert. Juste face au Roi Charles et avec moitié moins d’hommes que lui, la cible était parfaite, trop parfaite. Le Roi s’était engouffré dans cette faiblesse avec ses meilleurs hommes. Leur assaut était pour l’instant couvert de succès, mais cela ne signifiait rien.
Le seul front sur lequel il était réellement en difficulté, était le front tenu par le comte Carval. Ce dernier avait à peine fait avancer ses hommes pour l’assaut, et n’avait pas gagné un pouce de terrain. Mais contrairement à ce que tout le monde pensait, Victor trouvait la manœuvre très intéressante. Le comte n’avait presque pas perdu d’hommes. Son nombre de blessés était bien plus inférieur que sur tous les autres fronts. Le jeune comte Worrl avait essayé de percer juste à sa droite, mais il s’était heurté à cinq cents piques Largon et la moitié de Mitiliens. Même avec un solide appuis d’archers, il peinait à se sortir de sa situation.
«Messire?” demanda un messager à côté de lui. Il se tourna et regarda le jeune homme. Plein de sueur, on voyait bien qu’il avait due traverser la moitié de la plaine pour venir le trouver. D’un signe de tête, Victor lui indiqua qu’il pouvait parler. «Le comte Carval veut que vous renforciez les murs derrière lui de deux centaines d’archers. Il craint des renforts venant du lac. Il se pourrait que d’autres Mitiliens débarque sur sa position.
- Dites-lui que je lui en donne cinquante. L’étoile pourpre n’a pas encore sonné son cor de guerre, cela veut dire qu’il n’a pas encore joué toutes ses cartes.
- Mais le comte…
- ALLEZ TOUT DE SUITE LUI DIRE!»
Surpris, l’homme recula et le salua avant de partir. Victor se remit face à la plaine et regarda les troupes de l’étoile pourpre.
Ce dernier n’avait engagé que la moitié de ses troupes. Le comte Rover tenait ses positions, mais il y laisser la tiers de ses hommes. Victor soupçonnait l’étoile pourpre de simplement l’épuiser. Sa cavalerie n’avait pas encore engagé les combats, il lui restait donc encore une carte à jouer.
Il ferma les yeux un moment pour tenter de se concentrer, mais cela était impossible. Entre les cris, les hennissements, la faux de Hell qui emmenait les soldats par dizaines. La mort se fichait de la couleur du blason. Elle prenait les vies sans prendre compte de rien.
Quand il rouvrit ses yeux, il eut une vision d’horreur. L’oriflamme du Roi avait disparu. Sans ça, il était impossible de savoir où ce dernier se trouvait. Victor rechercha à l’endroit où il l’avait vu pour la dernière fois, mais rien. La poussière des combats l’empêcher de voir quoi que ce soit. Les combats semblaient s’être amplifiés dans la zone. Une immense mêlée avait lieu au dernier endroit où il avait vu le Roi Charles. Les Mitilien menaient par le kraken vert semblait avoir fait une percée juste sur le flanc gauche du Roi, mais celui-ci demeurait introuvable. Puis la bannière réapparut mais cette fois avec celle du kraken vert juste à côté. Les deux flottants dans le vent comme deux amants. Cela lui donna des frissons.
Même Charles n’oserait pas faire ça, pensa t-il. C’est l’œuvre des Mitiliens. S’ils ont réussi à capturer l’oriflamme royale, alors le Roi Charles est le prochain sur la liste. Si le Roi tombe, alors c’est l’armée entière qui tombe.
«Faites parvenir un message au prince Louis!» Il se tourna mais ne vit aucun messager. Victor prit alors son carquois et son arc et se dirigea vers la porte qui lui permettait de descendre au niveau inférieur.
Dans les escaliers, les hommes étaient paniqués. Certains montaient avec des pierres, d'autres avec des flèches, mais la peur se lisait très bien dans leurs yeux. Il valait mieux qu’il ne soit pas au courant. C’était mieux pour tout le monde. S’ils venaient à paniquer, cela pourrait créer tout un mouvement de panique. Il fallait donc faire attention à ne pas faire transparaître sa panique.
Il arriva en bas de l’escalier et prit la porte qui menait aux remparts juste à côté de la porte. Chaque rempart avait son propre escalier, il lui serait donc facile de rejoindre la place. Il traversa le rempart avec assurance, ne tenant pas compte de la cadence infernale que tenaient les archers. Le capitaine du rempart était sir Led Redone. Un chevalier qui voulait absolument faire pousser sa carrière ne restant que peu de temps comme simple capitaine. Il voulait gravir les échelons et cela était un atout pour Victor. Le chevalier lui obéissait au doigt et à l’œil. Il était comme son petit chien et obéissait à chacun de ses ordres. Il n’avait aucune personnalité et pensait qu'en servant comme il le fallait Victor, il pourrait rapidement gravir les échelons. La bataille représentait aussi un moyen pour lui d’augmenter son grade. Il devait sûrement se dire que si on voyait que ses archers avaient épuisé toutes leurs flèches alors on penserait que c’était un bon capitaine. Pour Victor cela faisait surtout de lui un idiot.
Arrivés à l’escalier, les hommes s’écartèrent pour le laisser passer. Le sentiment qu’ils le croyaient important lui plaisait. Il descendit jusqu’au pied du rempart sans incidents puis poursuivit sa route jusqu’au porte de la cité.
Son cheval avait été accroché à une barrière et l’attendait. Il l’enfourcha et l’orienta vers la porte. Celle-ci était franchie par des dizaines de brancardiers à chaque instant. Grâce à son cheval, il réussit néanmoins à se frayer un chemin à travers les brancardiers. Il fut rapidement passé de l’autre côté. D’une certaine façon, cela lui faisait une peur bleu de se retrouver de l’autre côté, il n’avait aucune envie de se retrouver à devoir se battre. Il partit directement en direction du clan du nord et des housecarls.
Malgré leur animosité, Louis les considérait comme ses meilleurs hommes, il avait donc choisie d’un faire qu’un seul et unique bataillon.
Victor pensait qu’ils allaient s’entre-tuer à leur simple vue, mais au lieu de cela, ils s’étaient simplement séparés en deux groupes. Vu de la tour, la situation l’avait amusé, mais maintenant, cela l’embêtait plus qu’autre chose. Il aurait fallu que les deux clans soient unis si voulait être efficace.
Les hommes du nord le reconnurent à son arrivée et lui adressèrent des signes de mains. Victor leur fit aussi signe. «Où est votre yarl?” demanda-t-il en langue du nord. Il n’était pas certain pour chaque mot, mais il n’avait pas le temps.
- Juste là-bas, répondit un homme armé d’une hache et d’un bouclier, il indiquant le centre de la troupe. Il discute avec le chef des housecarls.»
Victor le remercia et partit à l’endroit indiqué. À son grand étonnement, il retrouva le yarl Dargon en train de rire avec le chef des housecarls et avec Trymian. Il mit pied à terre à leur hauteur.
«Où se trouve le prince Louis? demanda-t-il cette fois en langue commune.
- Ah, le retour de mon Orois préféré.» Reknar Dargon se tourna vers lui en souriant. «J’ai bien cru que tu resterais toute la bataille sur ce rempart. Dis moi que tu as du travail pour nous.
- Peut-être bien, où se trouve le prince Louis?»
Le yarl remua les lèvres. Il se retourna et indiqua l’endroit où se trouvait l’oriflamme du Roi attaché à celui du kraken vert. «Il est parti un peu avant qu’on te voit arriver. Il a pris tous les chevaliers disponibles et est parti en direction de l’oriflamme. Il semblait paniqué. Qu’est ce qu’il se passe?»
Victor regarda la plaine et l’immense mêlée. La bannière de Louis, trois étoile d’or sur fond noir, semblait vouloir se frayer un chemin à travers une horde de Mitiliens et de Largon.
Il se tourna vers Reknar Dargon. «Le Roi est tombé dans un piège. Le kraken vert et Rogar Dorne semblaient vouloir l'attirer sur le centre afin de le faire prisonnier. Si on perd le Roi, on perd la bataille.» Il s'arrêta et réfléchit un moment. Louis ne pourra jamais rejoindre son frère, pensa-t-il. Avec un aussi petit nombre d'hommes, c’est la catastrophe assurée. Et Rogar Dorne ne va pas lâcher son bien le plus précieux sous la pression d’aussi peu d'hommes. Si on veut éviter la débandade générale, il faut engager beaucoup plus de force. Il se tourna vers Reknar et le commandant des housecarls Arrik. «Dites à vos hommes de se préparer. Vous allez avoir l’action que vous vouliez.»
Le yarl eut un saut d’excitation, alors que le housecarl se contenta de grogner. Les deux partirent dans des directions opposées afin de prévenir leurs hommes.
«Allez mes frères, allons nous battre", cria Orstenn à ses hommes.
Reknar tira son épée et d’un coup l’enflamma la surprise de Victor. «Le sang et le feu pour nos ennemis! Préparez vous, fils de chien, on va se battre!»
D’un côté comme de l’autre, les hommes se réjouirent en poussant des cris de guerre. Les housecarls rebondirent directement en poussant leurs propres cris de guerre. Les deux clans auraient continué si leur commandant respectif ne leur avait pas dit de la fermer et de se mettre en ordre de bataille. Les hommes s’exécutèrent bien qu'en poussant des exclamations de rire.
Victor se tourna vers Trymian qui était resté à côté de lui. «Je pensais qu’ils seraient les pires ennemis. Comment se fait-il que les deux semblent plus être amis?
- Ennemi commun je suppose, répondit l’intéressé. Mine de rien nous avons plus de similitude que nous voudrions l’admettre.
- Espérons que cela soit bénéfique pour la bataille.»
Le housecarl acciesta avec un sourire, puis celui-ci se figea en regardant une colonne de cavalier qui revenait de la ligne de front. Victor regarda à son tour les cavaliers qui revenaient et reconnut les chevaliers de Louis. Ce ne fut qu’après qu’il vit la bannière à trois étoiles. Un frisson le parcouru.
Deux cavaliers se détachèrent du groupe qui partait en direction de la cité du commerce et vint vers eux. Victor les identifia comme sir Ernold et Nuit. Le chevalier avait perdu son bouclier ainsi que sa lance, et avait à la main son épée sanglante. Son armure aussi était recouverte de sang et d’éraflure. Nuit qui venait juste après avait lui aussi des taches de sang, mais la plupart se perdait dans le tissu noir de ses vêtements.
Les deux hommes arrivèrent jusqu’à lui et descendirent de cheval. «Qu’est qu’il s’est passé? demanda Victor. Où est Louis?»
Le chevalier retira son casque laissant apparaître les traits de peur sur son visage. Malgré la sueur qu’il lui coulait sur le front ainsi que les yeux blancs de peur, il trouva tout de même la force de parler. «Le prince a été blessé à la tête.
- Quoi! Comment!
- C’est arrivé très vite. On a engagé une charge contre les Mitiliens afin de secourir le Roi. On a d’abord réussi à percer leur ligne, mais après ils ont contre-attaqué. Le kraken vert les menait en personne. Il a repris tout le terrain que nous avions gagné en quelques instants. Le prince a voulu le charger, mais…» Le chevalier eut un haut-le-cœur, puis vida son estomac sur le sol. Il cracha alors du sang et se repositionna face à Victor. «Le prince n’a reçu qu’une simple blessure à la mâchoire. En théorie, il devrait s’en sortir, mais rien n’est sûr… oh et… il a autre chose.
- Quoi?
- Le prince n’a pas perdu connaissance tout de suite. Il veut que vous alliez récupérer son frère avec le reste de nos forces. Il vous donne le commandement des hommes du nord.
- Oui, c’est plutôt logique.» Victor s’autorisa à respirer. Même si Louis était blessé, il avait tout de même des chances de s’en sortir. Mais de toute façon, les hommes du nord que se soit housecarl ou clan du nord, lui obéiraient plus à lui qu’à Louis. Il avait bien vu qu’il le préférait au prince.
Il regarda Nuit puis se tourna de nouveau vers le chevalier. «Qu’est qu’il fait là lui? Il ne devrait pas être avec le prince pour le protéger?
- Si, mais avant de perdre connaissance, le prince nous à fait comprendre qu’il voulait que Nuit vous accompagne.
- Comment il l’a fait s’il avait une blessure au visage? Il ne devrait pas communiquer.
- Aucune idée, répondit le chevalier perplexe.
- Très bien, dit Victor en soupirant. Qu’il vienne.» Un regard sur Nuit lui suffit à frissonner. Le fannar lui faisait toujours aussi peur.
Il fit signe au chevalier de partir rejoindre le prince, après tout c’était là sa place. Puis il se tourna vers le fannar et haussa les épaules. Après tout, le prince pensait qu’il aurait besoin de lui. De plus, les fannars étaient de très bon guerriers.
Les deux hommes partirent ainsi vers le clan du nord et les housecarls. Reknar les y attendait au milieu du groupe, son épée toujours enflammée dans sa main droite et criant aux hommes de former une ligne. Les hommes du nord s’exécutaient lentement.
«Sont-ils prêts? demanda Victor.
- Oui.» Le yarl jeta un regard méfiant au fannar puis continua: «Mes hommes partiront en premier et les housecarls juste derrière. On devrait avancer assez rapidement si tout va bien.
- On va devoir passer à travers un foule de Mitiliens enragé mené par le kraken vert, puis passer un barrage des meilleurs Largons qui défendent leur duc. Cela ne sera sûrement pas de tout repos.
- Bah… tu ne nous as pas encore vu combattre.
- Et tu n’as jamais combattu des Mitiliens. Ne les sous-estimes pas.»
Le yarl sourit. Il se retourna et se dirigea au centre de la seconde ligne. Victor se positionna juste derrière les hommes du nord avec les housecarls. Mine de rien, il se sentait plus en sécurité à côté d'eux. Trymian se posta à sa droite et Nuit à sa gauche. Là, il se sentait encore plus en sécurité. Les housecarls étaient beaucoup moins suicidaires que les hommes du nord, mais surtout il était plus fort dans l'offensive et les petites percées. Il faudrait se servir de ça pour atteindre le Roi. «EN AVANT!» Sur ses mots, les cinq cents hommes qu'il avait rassemblé se mit en marche. Le pas fut lent au début, puis il s'accéléra, jusqu'à ce que les hommes trottinent. Housecarls et hommes du nord ne furent plus qu'un seul bataillon. Ils avançaient sans craindre les volées de flèches des Mitiliens, sans craindre les cris de douleur du front, sans craindre les hurlements animals du kraken vert et des Mitiliens, ils formaient désormais un seul et unique bataillon. Autour d'eux les flèches tombaient, mais ils n'en avaient rien à faire, seul l'ennemi comptait.
Ils arrivèrent sur la ligne de front alors que celle-ci était sur le point de céder. Le kraken vert était sur le point de briser la ligne. Les hommes étant épuisés et démoralisés n'auraient pas pu la reboucher.
«MUR DE BOUCLIER! cria Reknar» D'un seul coup, les hommes du nord se stoppèrent net. Les premières lignes firent claquer leur bouclier les uns contre les autres afin de former un mur et s'accroupirent au sol. La seconde ligne fit de même en positionnant leur propre bouclier juste au-dessus d'eux, et finalement la troisième ligne compléta le dispositif en positionnant leur bouclier juste au-dessus de la tête des secondes lignes.
Les loyalistes encore sur la ligne de front se reculèrent pour passer derrière eux. Victor leva la tête pour mieux voir et comprit que les Mitiliens n'avaient jamais vu un style de combat comme celui-ci. Ceux-ci n'osaient pas s'en approcher et rester sur leur position.
«Je comprends maintenant pourquoi vous avez du mal à les vaincre.» Il se tourna vers Trymian qui souriait. «Le mur semble impossible à franchir.
- Et pourtant il l'est. Mais il faut des hommes assez suicidaires et expérimentés pour faire une percée. Une fois la percée faite, il est très difficile de réformer le mur.
- Oui… mais il faut le percer.»
Le housecarl acciesta. «Qu'es'qu'ils a'tende, dit le capitaine Orstenn derrière lui. P'quoi ne foncent't-ils pas? D'hab'tude ils ne n'ttendent pas 'ssi l'temps.
- Je crois qu'ils veulent voir le kraken vert.»
En relevant la tête, Victor vit un homme sortir du rang des Mitiliens. Cape et armure verte, visage blanc et noir avec des larmes de sang, rien ne laissait plané son identité: Darrion Holl le kraken vert. Il était moins terrifiant que ce que le pensait Victor. Pourtant il dégageait tout de même une aura de terreur autour de lui. Le kraken vert s'avança jusqu'à être en plein milieu de la distance qui les séparait. Victor s'attendit à ce qu'il dise quelque chose, mais rien.
L'homme, comme possédé par un démon, poussa un cri animal et fonça tête baissée sur le mur de bouclier. Ses hommes le suivirent d'un seul coup et foncèrent eux aussi sur le mur. Ils percutèrent mur dans un choc sourd mais violent, pourtant contre toute attente les hommes du nord tinrent bon.
Reknar Dargon cria quelque chose en langue du nord, et ses hommes des premier, deuxième et troisième rangs sortirent leurs armes du mur comme un seul homme pour porter leurs attaques. Les Mitiliens frappaient tout ce qu'ils pouvaient leurs armes contre le mur mais rien à faire il ne cédait pas. Un homme prit feu sous l'épée de Reknar et recula en poussant des hurlements. Les coups continuèrent de pleuvoir sur l'ennemi d'un côté comme de l'autre. Soulevait sur des boucliers, des hommes du nord décochèrent des carreaux d'arbalètes sur les Mitiliens. Un nouvel homme se retrouva embrasé par l'épée de Reknar. Quelques hommes du yarl tombèrent, mais ce n'était rien comparé aux pertes Mitiliennes. Reknar cria «En avant» en langue du nord et ses hommes firent un pas en avant. Soulevant leur bouclier ils gagnèrent un pied de terrain. Reknar cria une nouvelle fois, et les Mitiliens durent céder encore un pied de terrain.
Après avoir cédé plus de vingt sept pieds de terrain, le kraken vert poussa un rugissement de colère. Il escalada d'un coup le mur et passa par-dessus. Pris par surprise, les hommes du nord ne s'étaient pas retournés qu'il leur tailladait déjà le dos.
«Trois housecarls contre lui, cria Victor. Tuer le avant qu'il ne brise le mur! Tuez le!» Trois housecarl armés de haches se jetèrent sur lui. Mais c'était comme s’il savait qu'ils allaient l'attaquer. À peine le premier eut-il levé sa hache, que le kraken vert lui trancha la gorge. Les deux autres se jetèrent sur lui en rugissant, mais il s'en débarrassa aussi facilement. Le premier se retrouva avec l'épée du kraken dans la tête, quand le second s'écroula au sol le bras tranché.
«Il faut le tuer ou sinon il va briser le mur! cria Victor.
- Je m'occupe de lui, dit Trymian en sortant du rang. Toi va t'occuper de retrouver ce foutu roi pour lequel on est venu. Prend seulement une cinquantaine d'hommes. » Il se retourna et fonça droit sur Darrion Holl qui commençaient à s'attaquer aux hommes du nord.
Victor lui cria de revenir, mais son ordre se perdit dans les combats. Il jura et chercha Reknar. Celui-ci était encore au centre du mur de bouclier qui malgré le saut du kraken continuait à avancer. «REKNAR! REKNAR DARGON!» Le yarl se retourna. «Dis à tes hommes d'ouvrir le mur pour laisser passer les housecarls.» L'homme du nord acciesta et fit signe à ses hommes de s'écarter. Il sortit lui-même du rang et se positionna à la droite de Victor.
«Qu'est que tu fous? demanda ce dernier.
- Torsten s'occupe de tenir le mur. J'ai plus confiance en lui que en n'importe quel homme ici.
- Oui mais toi?» Victor se demandait pourquoi il voulait mener l'assaut avec lui.
Le yarl sourit et sortit un seringue de sa ceinture. «Il faut bien quelqu'un pour percer leurs lignes. On a beau les avoir fait reculer. Ces files de chien sont plus fort qu'on ne l'imaginait.
- Et ça, c'est quoi?» Victor désigna la seringue.
Le yarl parut embarrassé. «Ca, euh... contribuant alimentaire.» Il enfonça la seringue dans l'avant bras et déversa le liquide qu'elle contenait dans ses veines. Sa tête se figea et il la tourna sur elle-même d'un coup sec. Ses mains se mirent à trembler, et Victor eut l’impression que ses yeux et ses veines changeaient de couleur. Son corps entier tremblait, puis il se calma d'un coup.
Victor hésita puis lui saisit le bras pour voir son visage. Le yarl tourna la tête, et il put voir de l'écume sortir de sa bouche. «DARGON!» Reknar cria aussi fort que Victor put le supporter, puis se tourna vers l'ouverture que ses hommes avaient créé et s'y engouffra. De la drogue, se dit Victor. Évidemment. «Suivez le! cria t-il aux housecarls. Suivez-le!»
Face au berserk qu'était Reknar, les Mitilens reculèrent en masse, mais trop tard. Reknar était déjà sur eux et frappait comme un sauvage. Les housecarls et Victor le suivirent dans la brèche qu'il avait créée. Derrière lui Reknar ne laissait que des hommes morts ou mourant. Les housecarls sur les côtés magnant leurs armes comme personne, Victor n'avait rien besoin de faire. Reknar avançait comme un animal dans la horde de Mitiliens qui n'ausait pas attaqué une bête comme lui. Les housecarls quant à eux maniait leurs armes comme Victor ne l'avait jamais vue. Leurs armures ne céderaient pas sous les armes ennemies, et ils en avaient conscience. Le coup était tout calculé et parfait. Tranchant la chair éclatant des boucliers. Les housecarls étaient des professionnels du combat, et Victor le voyait bien. Les Mitiliens n'avaient aucune chance contre eux.
En quelque instant, Reknar passa la horde de Mitiliens. Puis il se percuta aux Largons de Rogar Dorne, et là la boucherie se répéta. Sauf que cette fois, les Largons le reconnurent et reculèrent pour former une ligne correcte paré à soutenir un assaut. Mais rien ne pouvait stopper Reknar. Celui-ci avanca parmi les Largons sans s'arrêter de frapper. Certains tentaient de lui envoyer des coups, mais aucun n'arrivait à passer son armure trop solide. Le yarl avançait toujours et encore. Rien ne semblait pouvoir l'arrêter. Il massacrait chaque adversaire qu'il rencontrait, certains essayaient de lui faire face, mais aucun n'était assez rapide. Il finissait tous de la même manière.
Nuit quant à lui maniait ses dagues avec une rapidité hors norme. Les hommes qui engageaient le combat avec lui n'avaient même pas le temps de lancer une attaque qu'ils avaient déjà la gorge tranchée.
Les Largons étaient plus expérimentés au combat que la plupart des hommes du Grand-Royaume. Il savait se battre comme personne. Les assauts des pirates sur leur terres de Largonne les y avaient préparés. Mais face à la force combinée des housecarls et de Reknar Dargon. La cohorte de Largon se fendait en deux sous leur assaut.
Victor n'eut presque pas besoin de se servir de son épée. Reknar le faisait très bien pour deux. Néanmoins un Largon réussit à passer son la garde de Reknar. Sans prêter garde à Victor, il essaya de poignarder le yarl dans le dos, mais l'épée de Victor lui trancha la tête juste avant. Reknar se retourna pour voir le cadavre du soldat tombé au sol. Il regarda alors Victor, qui eut un frisson en voyant le visage de son ami. Les yeux beaucoup plus vert que d'habitude, la bouche pleine d'écume, les veines semblant être sur le point de lui sortir de la peau. Mais le pire était le regard. Il semblait que toute humanité l'avait abandonné. Le yarl semblait être dans une lutte interne pour échapper à sa transe de combat. Il se retourna immédiatement et recommença à frapper sur les Largons en face de lui.
Regardant par-dessus son épaule, Victor aperçut toute proche la bannière de Rogar Dorne. Le Roi devait forcément se trouver proche de lui. Aussi il orienta comme il le put le yarl dans cette direction.
Les Largons eut tôt fait de comprendre. Une vingtaine d'entre eux se massèrent autour de la bannière du duc, pendant que le reste essayait, comme ils le pouvaient, de briser l'imposant bloc de housecarls. Mais c'était peine perdu.
Maintenant Victor comprenait quelle était la stratégie des hommes du nord. Les hommes du domaine royal ou de Largonne préféraient se battre avec des mêlées. Dans ce genre de circonstance, la bravoure était l'élément principal. Les techniques de combats, les armes, les armures, tout cela était fait pour se battre en mêlée. Mais les housecarls et les clans du nord avaient une vision totalement différente de l'art de la guerre. Ils ne se battaient pas chacun pour soit, ils battaient avec leurs camarades. Leur force était l'unité. Que ce soit les hommes de Reknar ou ceux de Orstenn, ils avançaient en bloc. Le mur était infranchissable et leur formation fendait les mêlées comme une hache fend le bois.
Pris dans une immense mêlée, les Largons comme les Mitiliens ne savaient pas comment contrer cette formation, ils manquaient de cohésion, de discipline. Comment contrer une telle formation si on ne leur avait jamais appris à se battre en groupe.
Reknar se jeta tel un animal sur le premier Largon qu'il vit. Son épée s'enfonça dans l'armure du chevalier comme dans du beurre. L'épée resta enfoncé assez longtemps pour que le corps du chevalier s'embrase. Les hommes s'écartèrent avec effroi, mais Reknar se jeta déjà sur eux. Il trancha la tête du premier et son épée enflammée toucha le surcot d'un troisième. La tunique s'embrasa immédiatement faisant crier l'homme et faisant fuir ceux d'à côté. Victor attrapa une lance au sol et s'en servit pour faire tomber un cavalier qui allait s'attaquer au yarl. Le chevalier fut projeté au sol lui brisant les côtes et l'empêchant de se relever. Reknar allait lui enfoncer son épée dans le torse, mais Victor l'en retient.
Il s'approcha du chevalier qui hurler de douleur. Son épée se plaqua contre sa gorge. «Où est-il? cria Victor. Où est le Roi Charles?!
- Vas te faire foutre!” cria le chevalier.
Victor appuya de toutes ses forces contre ses côtes. L'homme rugit de douleur. Et agita la tête de haut en bas. «Rogar Dorne le retient en otage. Il l'a attaché juste derrière sur une charrette. Il se prépare à l'envoyer sur un navire Mitilien.
- Merci bien.» Il lui trancha la gorge et le regarda mourir dans un gargouillement. Il se releva et fit signe aux housecarls de continuer.
Reknar lui ne s'était pas arrêté et continuait de se tailler un chemin vers la bannière de Rogar Dorne. Victor passa par-dessus le corps du chevalier et le tira en direction cette fois de la plage.
En voyant arriver le bloc de housecarls, Rogar Dorne aurait normalement dû envoyer son prisonnier au plus près de la plage afin de le faire embarquer au plus vite. Par chance ils arriveraient avant que cela ne se produise.
Reknar dut comprendre la situation dans sa transe puisqu'il accéléra le pas et enflamma plus de monde qu'avant. En regardant par-dessus son épaule, Victor put voir les eaux du lac ainsi qu'en chaloupe qui semblait prête à partir. Juste devant quatre hommes essayant d'y faire grimper le Roi Charles. «Plus vite, cria Victor. Il ne faut pas qu'ils l’emmènent.»
L'un des hommes se retourna juste à temps pour voir l'épée de Reknar s'enfoncer dans ses côtes et enflammer son corps. Un second se jeta sur Victor mais il mourut le crâne fendu par la hache d'un housecarl. Nuit finit le travail en tranchant les gorges des deux derniers. Victor lui indiqua alors de défaire les liens en corde du Roi et de le remettre sur pied.
Il tourna la tête et essaya d'évaluer la distance qui le séparait du mur de bouclier du clan de Reknar. Mais de là où il était tout paraissait avoir changé de place. Mais ça allait au-delà du fait qu'il est bougé. L'armée du duc paraissait avoir reculer. Les forces loyalistes semblaient quant à elles plus nombreuses, beaucoup plus nombreuses. Le nombre semblait avoir doublé. La plupart des forces de Rogar Dorne semblaient prêtes à toucher les eaux du lac. Quelque chose avait changé. Quelque chose n'allait pas. Ils ne pouvaient pas gagner aussi facilement.
Les réponses à ses questions furent claires quand il vit les bannières du comte Artagnac. Le comte faisait partie des troupes de réserve. Cela voulait dire qu'il avait engagé le combat avec ses propres hommes. Et vu qu'il commandait les forces de réserve, cela voulait dire que toutes les réserves venaient d'engager le combat. Cela était à la fois bon et mauvais.
Si les réserves avaient engagé le combat, alors l'armée de Rogar Dorne aurait tôt fait de se retrouver dans le lac. La plupart de ses hommes finiraient noyés. Mais cela signifiait aussi qu'ils avaient laissé sans défense le front contre l'étoile pourpre. Si ce dernier voyait cette faille, il fonçait dedans tête baissée. Les troupes de Rover ne seraient plus assez nombreuses pour lui barrer le passage et il pourrait s'engouffrer dans la brèche. Son plan pour se débarrasser du premier conseiller était en train de se retourner contre lui, même contre toute l'armée loyaliste. Il devait au plus vite revenir sur les remparts pour comprendre la situation.
Il se retourna et vit que les housecarls venaient de finir de détacher le Roi. Celui-ci lui fit un signe de tête rapide et attrapa une épée par terre.
«Très bien, dit Victor à l'adresse de housercals. On doit retourner au plus vite dans nos lignes si on ne veut pas finir submerger. Rogar Dorne ne va pas laisser s'échapper sa plus grosse prise comme ça. Il fera tout pour récupérer le Roi Charles. On doit rejoindre nos lignes le plus rapidement possible.
- Non, répliqua le Roi. On doit tuer Rogar Dorne. Si on le tue, on aura gagné cette bataille.
- Sire, nous n'avons pas assez d'hommes. Notre mission était de vous récupérer et de vous faire traverser les lignes pour vous mettre en sécurité.
- Je suis le roi. C'est moi qui donne les ordres. Et je dis que nous allons capturer Rogar Dorne. Je veux voir ce fumier à mes pieds.
- Sire...» Victor s'arrêta quand il vit Nuit donner un coup de pommeau sur la tête du Roi. Puis il se tourna vers Victor et haussa les épaules. Mais le plus fou, c'est qu' aucun housecarls ne réagit.
Orstenn s'avança et le regarda dans les yeux. «M'hommes ont'jur'r all'geance 'prince Louis et d'nc par ext'sion à vous. Je m'fiche d'ses ordres.» Il indiqua le Roi au sol. «On 'béira à v's ordres. Al'rs quels s't-ils?»
Victor regarda le corps du Roi étendu sur le sol. «Récupérez le. On retourne dans nos lignes. Je dois retourner sur les remparts. Maintenant!»
Les housecarls levèrent leurs armes et poussèrent un cri de guerre en langue du nord. Reknar qui jusqu'à présent avait réussi à se calmer, repartit en transe et sauta comme un enragé dans la marais de Largons qui s'amassait autour d'eux.
Encore une fois, il fit un carnage. Et contrairement à ce que l'aurait cru Victor, le duc Dorne ne fit presque rien pour les empêcher de rejoindre leurs lignes. Au contraire, il semblait avoir remarqué que son armée reculait et ne voulait pas perdre trop d'homme dans une cause perdue. Apparemment, il avait compris que les housecarls étaient imbattables dans l'art de faire la guerre.
Victor le repéra facilement sur son immense cheval. Son épée légendaire accrochée à la selle, son oriflamme flottant dans les cieux à quelques pas de lui. Sa carrure était plus que imposante. Les éclats de son armure paraissant argenté sous les reflets du soleil, sa cape jaune orangé sur ses épaules se glissant dans les lamentions du vent. Il comprenait pourquoi le Roi Charles le voyait comme l'homme à abattre. S'il tombait, alors ses hommes n'auraient plus fois en rien. Mais s'il tombait, ses hommes le vengeraient et feraient de la charpie de son assassin. Victor ne voulait pas prendre un tel risque.
À coté de lui, telle une ombre blanche et une ombre noir, Orstenn et Nuit tuait chaque adversaire qui se présenter. Reknar paraissait quant à lui être un démon avec une épée enflammée. Tout ce qu'il touchait avec sa lame se retrouvait devenir une torche dans un océan de douleur. Son épée fendait l'air et tranchait sans relâche.
Pourtant, même cela ne sembla diminuer quand ils arrivèrent proche du mur de bouclier des hommes du nord. Reknar sembla alors comme vide et moue. Ses coups perdirent en précision et sa lame n'arriva même plus à tuer.
Merde, pensa Victor. Il lui arrive quoi?
«La drogue se dissipe, cria un housecarl qui portait le Roi Charles encore assommé. Ça lui à pris trop d'énergie.»
Après un énième coup, le yarl bascula en arrière comme une coquille vide. Il fut rattrapé par Orstenn. Et soudain, ils se retrouvèrent encerclés par des Mitiliens. Ceux-ci hésitaient à lancer l'assaut.
Un homme sortit alors du rang avec un ricanement à glacer le sang. Victor le reconnut immédiatement. Darrion Holl. La première pensée de Victor fut pour Trymian. S'il était là, ça voulait dire que le housecarl était mort. Puis il réfléchit. Non, se dit t-il. Sinon le kraken serait encore de l'autre coté du mur. Ils ont réussi à le virer. Le mur à tenu bon. Mais rien ne dit que Trymian doit encore en vie.
«Cher ami, je vous remercie.» Le kraken vert s'avança juste devant les housecarls, à quelques pas de Victor. «Le duc, mon très très cher allié, avait refusé de me laisser votre gentil Roi. Et voilà que vous me le livrer sur un plateau.» Il poussa un hurlement de rire. Tellement intense qu'il se plia en deux. Un fois maîtrisé, il se releva le sourire aux lèvres et regarda Victor. Il saisit une hache qui était enfoncée dans ses plaques d'armure et la jeta au sol, laissant s'échapper une cascade de sang. «Maintenant, donnez le moi et je vous jure que... et bien, nous vous tuerons au plus vite. Allons bon. Nous savons que votre atout principal est actuellement hors de combat. Vous n'avez aucune chance alors... en fait non je préfère vous voir crever en le défendant, c'est plus amusant.» Il leva son épée sanglante et éclata de nouveau de rire, un rire animal.
Il allait se jeter sur eux quand Nuit indiqua l'épée enflammée à Victor. Cette fois ci, il réussi à lire dans ses yeux.
Sans comprendre comment, des flammes sortirent de sa main. Un simple flamme bleu qui d'un coup vola en direction du kraken vert. Elle lécha la cape verte de celui-ci et s'embrasa à l'impacte. Le kraken comme ses hommes écarquillèrent les yeux. «Triche, c'est pas juste ça, cria le kraken. Triche, c'est pas du jeu.» Il s'écarta d'un bon et Victor lut de la panique mais aussi de l'amusement dans ses yeux.
Ce type était vraiment fou.
Les Mitiliens s'écartèrent d'eux, et ils saisirent l'instant. Le groupe fonça vers le mur de bouclier qui s'ouvrit pour les laisser passer. Passé les derniers housecarls, il se referma, leur laissant le temps de souffler.
Trymian se précipita vers lui, l'armure un peu endommagé et plus que une hache à la ceinture contrairement aux deux de d'habitude, mais bien vivant. Il posa sa longue hache au sol et attrapa Victor alors que celui-ci s'écroulait au sol. «Le Roi est sauvé, grâce à vous.
- Ton autre hache? demanda Victor.
- Oh, euh... Je l'ai laissé dans l’armure du kraken vert. Un sacré adversaire, mais sans une seule technique. Enfin je crois que c'est ça qui le rend vraiment dangereux. Pas très bon duelliste à part ça.
- Ça lui a plutôt bien servi jusqu’à présent.
- Oui, c’est vrai. Mais toi… je ne savais pas que tes pouvoirs étaient comme ça. Si puissant.
- Ça n’a rien de puissant. Je lui ai juste envoyé une boule de feu dessus. Ça ne l’a même pas tué.
- Oui, mais cela semble lui avoir fait peur. Une première dans l’histoire. Le kraken est un fou furieux. Je m’ai bien vu en l’affrontant. Il n’a aucune technique, mais c’est pour ça qu’il est bon. Il est totalement imprévisible. Plus d’une fois il a manqué de me tuer. Si je n’avais pas eu mon armure il m’aurait eu. C’est une bête, il se bat comme une bête, je me demande même s’il ne se voit pas lui-même comme un animal. Difficile d’imaginer que la princesse Enoria soit sa sœur, ils sont totalement différents.
- Difficile oui.» Il attrapa la main que lui proposait le housecarl et se remit debout.
À coté d’eux, le Roi essayait tant bien que mal à se remettre debout jetant des regards noir à Victor. Il se détourna du spectacle et indiqua au chevalier encore présent de le remettre en selle. L’armée avait besoin de le voir. Sans ça, les hommes commenceraient à douter de la présence de leur roi sur le champ de bataille. Si les troupes de réserve étaient engagées, alors il fallait conserver l’avantage. Peut-être allaient-ils finalement gagner la bataille? Peut-être allaient-ils survivre?
Lentement le mur de bouclier recula, au fur et à mesure que des hommes d’armes arrivaient en masse pour combattre les Mitiliens en fureur.
Reknar qui arrivait à peine à bouger fut mit sur un brancard et on l’emmena vers la cité d’or. Torsten prit alors le commandement du clan et sous les ordres de Victor il fit reculer les hommes du nord. Les housecarls firent de même et suivirent le mouvement. La retraite vers la cité du commerce s’effectuait en bonne ordre. Les loyalistes se faisant de plus en plus nombreux galvanisé par la fureur de leur Roi qui remit sur un cheval s’affichait parmi les hommes et qui leur indiquait de pousser leur avantage.
Revenu sur leur ancienne position, Victor put admirer le champ de bataille dans toute sa splendeur. Les troupes de Rogar Dorne et du kraken ne faisaient pas le poids face aux loyalistes qui les poussaient dans le fleuve. Apparemment, les troupes de réserve avaient suivi les hommes du nord pensant à une manœuvre générale. Face à autant d'hommes, l'armée de Rogar Dorne reculait sur le centre. Son flanc droit était aussi en grande difficulté, ses hommes n’arrivant pas à percer la formation du comte Carval. Tous ses hommes étaient couverts par les archers sur les remparts ce qui lui donnait un atout considérable dans les assauts des Largons et des Mitiliens. L’armée paraissait reculer entièrement.
«Messire Victor! cria un page derrière lui.» Victor se retourna et découvrit l’homme s’écroulant au sol devant lui. Il releva la tête et Victor lut la panique dans ses yeux. «Il faut que vous remontiez sur les remparts avec vos hommes de réserve. L’étoile pourpre a lancé un assaut sur le premier rempart.
- On sort tout juste d’un sauvetage du roi. Il y a d'autres hommes pour reprendre la position.
-Messire, vous devez y aller avec des housecarls. C’est le prince Louis qui l’ordonne. Apparemment il y aurait des fannars sur le mur.»
Victor se figea. Des fannars, comme Nuit. Effectivement il faudrait des hommes assez forts comme des housecarls pour les éjecter du rempart. Il se tourna vers Trymian: «Trouves moi immédiatement trente housecarls qui n’ont pas combattu. La bataille n’est pas encore finie.»
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Re: Le Théâtre du Pouvoir [fantasy-dark fantasy-guerre-intrigue]
XXXII. Enoria Partie 2
Accompagné par lady Alyssa Worrl, de son propre garde protecteur sir Elfrid Stone et de sir Eommund Tigre, Enoria se dirigeait vers le temple des quatre. L’un des deux de la cité du commerce. Le premier étant rempli des familles des hommes d’armes ou des miliciens, celui-ci avait été réservé aux familles des nobles. Bien qu’elle n'ait pas de famille dans la plaine et que ce ne soit pas ces dieux à elle, elle trouvait naturel d'accompagner son amie dans le temple pour prier sa famille. Dans le Grand-Royaume, les temples envers les quatre étaient désignés sous le nom de Tserkove. Ce nom avait été hérité du nord. D’après ce qu’on lui avait dit, cela voulait dire temple en langage du nord.
Sitôt après avoir vu l’armée sortir, Enoria avait fait plusieurs fois le tour des jardins étoilés afin de prier les étoiles. Elle n’avait pas fait attention au temps mais avait prié tant qu’elle le pouvait les dieux de donner de la force à tous les morts qui les rejoindraient. puis elle était sortie avec lady Alyssa et sir Eommund. Sir Eommund l’avait fait monter à cheval pour qu’il aille à la Tserkove de la cité du commerce. Elle avait protesté voulant attendre Lady Alyssa Worrl. Celle -ci n’avait pas pris son temps, quelque instant plus tard elle était arrivée avec son propre garde et était montée à cheval. Ils étaient sortis par la grande porte, puis avaient longé les remparts, le temple se trouvant juste à côté de la porte reliant la ville verte et la cité du commerce.
Lady Alyssa montait beaucoup mieux à cheval qu’elle, c’était indéniable. Comparé à Enoria qui n’avait pas beaucoup l’habitude, elle conservait toute son élégance sur le dos de l’animal. Cela n’était pas étonnant, ayant vécu avec un frère comme El-Jon Worrl.
Elle l’observa un moment et se sentit ridicule sur sa propre jument. Dans le sud, on ne lui avait que peu appris à monter à cheval. Les Mitiliens ne connaissaient qu’une seule chose: la mer. Ils n’avaient pas besoin de savoir monter à cheval sachant qu’ils passaient le plus clair de leur temps en mer. Cela, Enoria connaissait la voile. Elle savait très bien diriger un petit bateau, bien que cela ne soit pas sa passion. Savoir monter à cheval n’était utile que pour les cérémonies ou pour impressionner. Aussi ce n’était pas un art où elle excellait. Mais à son arrivée dans le Grand-Royaume et à la cité d’or, elle s’était découverte une passion pour l’équitation. C’était l’un des seuls moments où elle se sentait libre. Loin de la guerre, loin de la mort, loin de la politique, loin de tout. Elle était tout simplement heureuse.
Sa jument était le dernier cadeau que lui avait fait feu le prince Richard. Cela avait eu lieu deux jours avant sa mort. Apparemment il avait compris qu’elle aimait monter à cheval. Il lui avait donné cette jument, lui indiquant qu’elle serait parfaite pour la chasse qu’il comptait organiser. La jument était faite pour suivre, cela lui aurait évité tout problème à la chasse. Mais cela n’avait jamais eu lieu, le prince était mort avant.
Tirant sur les reines, elle stoppa le cheval alors qu’il venait à peine d'arriver à la Tserkove. Sir Eommund mit immédiatement pied à terre et se dirigea vers elle après avoir confié son propre cheval à un serviteur. Il se positionna à côté de sa jument, et la souleva avec douceur pour la reposer sur le sol. Comme toujours il était très doux avec elle. Il lui adressa un sourire puis fit de même afin de faire descendre Lady Alyssa.
Elle jeta un coup d’œil à la façade de la Tserkove et fut impressionnée par le nombre de décoration. Toutes ses sculptures, tous ses messages gravés dans les murs, tout cela gravé il y a des siècles et pour des siècles. Les Orois aimaient l’art plus que tout apparemment. Pour eux c’était un moyen de montrer leur richesse et ils en avaient.
Une à une elles gravir les marches qui menait à l’intérieur du bâtiment. Sir Elfrid Sand, qui ouvrait la marche, alla frapper à l’immense porte. Un prêtre vint leur ouvrir et ils entrèrent dans l’immense temple.
Elle entendait la porte se fermée dans un claquement derrière elle, mais elle n’en avait que faire. L’atmosphère à l’intérieur était lourde, cela sentait le brûlé, les flammes et l’encens. Les murs semblaient danser sous les lamentations des ombres venant du centre. Le couloir où elle se trouvait ne laissait que peu passer la lumière, et même s’il faisait extrêmement sombre, Enoria arrivait tout de même à voir devant elle. Juste après la porte, le plafond devenait très bas, soutenue par d’épais piliers de pierre avec des signes gravés, comme les flammes d’un enfer proche.
Sir Ulfrid attrapa la lanterne que lui tendait le prêtre et se dirigea vers le centre de la Tserkove. Lady Alyssa lui emboîta le pas immédiatement, puis jeta un coup d’œil en arrière pour voir si Enoria la suivait. Mais celle-ci resta pétrifié par l’endroit, incapable de faire le moindre geste. Lady Alyssa s’arrêta et vint vers elle. «J’imagine que c’est la première fois que vous venez dans une Tserkove. J’étais comme vous la première fois que je suis rentré dans celle-ci. Elle est très différente de celle en général. Celle-ci est l’une des plus belles de tout le Grand-Royaume, seul peut-être celle de Tombétoile est aussi jolie. Enfin c’est ce que l’on dit. En vérité je n’y suis jamais allé, mais c’est ce que l’on m’a dit. Les Tserkove sont toujours très sombres et ont tendance à faire peur aux premiers abord. Je ne vous tiendrai pas rigueur si vous ne venez pas.
- Non je vais rester, enfin temps que je le peux.»
Son ami lui adressa un sourire ravie puis tourna les talons et partit suivre sir Elfrid. Enoria la regarda s'éloigner dans la pénombre éclairée seulement par des lambeaux de lumière provenant du centre et par la lanterne du chevalier. Elle se retourna et vit que sir Eommund l’attendait. Allons-y alors, se dit-elle.
Le chevalier attrapa la lanterne que lui tendait le prêtre puis fit un pas en avant l’obligeant à avancer. Elle sentit alors ses pieds se décoller du sol et suivit la faible lumière qui provenait de la lanterne de sir Elfrid.
À mi-chemin du centre, elle tomba sur un brasero entouré de miroir qui projetait des lambeaux de lumières sur les murs. Elle se tourna vers sir Eommund et celui-ci hocha la tête. «Des miroirs, oui. L’ensemble de la Tserkove est éclairé par des miroirs prenant leur lumière de brasero. C’est cela qui donne de la vie au mur. Ceux-ci semblent être en permanence en train de bouger, mais il n’en est rien. C’est simplement un jeu de lumière.»
Ils continuèrent à avancer et à la fin du couloir, ils débouchèrent sur une immense salle. Là, Enoria eut le souffle coupé. Un sanctuaire entier destiné aux quatre. Un immense hall éclairé par un brasier en suspension qui renvoyer la lumière rouge feu sur les murs grâce à des dizaines de miroirs. Juste au-dessus un autre brasero avec cette fois des flammes bleu éclairant l’étage supérieur avec là aussi des miroirs. Encore après, des flammes vertes, puis encore après des flammes blanches. Quatre étages éclairés par des braseros de différente couleur et sans que ni l’un ni l’autre ne vienne éclairer une des salles se trouvant au-dessus ou en dessous. Chaque miroir avait été installé afin d’éviter toute confrontation entre les lumières. Et malgré quatre immense brasero de couleur différente suspendu au dessus du sol l’immense hall était très sombre. Mais ce qui étonna le plus Enoria, se fut l’immense dôme de verre qui soutenait les brasero. La lumière du soleil aurait pu éclairer la pièce, mais chaque pièce de verre avait été recouverte de tissus épais afin d’éviter que la lumière ne passe.
La Tserkove était plus qu’un lieu de culte, elle était une œuvre d’art géante et d’une beauté à faire peur. Tout le talent des ingénieurs avait été rassemblé dans un seul et même bâtiment.
Le hall était divisé en plusieurs parties. Le bas était pour Hell, le dieu de la mort. Les autres étages étaient chacun pour un dieu différent. Chaque lumière représentait un dieu, comme le rouge signifiait la mort. Le bleu signifiait la liberté, le vert la vie, et le blanc la paix. Les Orois avaient une conception bien particulière des couleurs. Totalement différente des Mitiliens. Pour Enoria, le vert ne signifait pas la vie. Cela signifiait son frère, Darrion, cela signifiait mort et souffrance.
Il devait y avoir plus de deux cent fidèles rassemblés dans la Tserkove, tous répartis assez équitablement sur les quatre étages, mais en réalité, il était impossible de déterminer combien de fidèles se trouvaient dans les labyrinthes que formaient les couloirs de la Tserkove. La plupart étaient soit en train d’allumer des cierges devant les différents autels du bâtiment, ou sinon ils faisaient de grands cercles en longeant les murs avec une bougie à la main.
Enoria s’avança jusqu’au milieu des marches de l’amphithéâtre puis se posa sur les marches en faisant attention de ne pas froisser sa robe. Elle tourna la tête à gauche et repéra lady Eris Glone qui la tête posé dans ses mains marmonnait des prières jetant parfois des regards à la bougie posé devant elle. En la regardant de plus près, Enoria vit que chaque fois qu’elle remontait la tête ses traits affichaient un inquiétude montante. Pas très étonnante sachant que son fiancé se trouvait justement en première ligne à côté du Roi Charles. Même si lady Eris ne lui avait que peu adressé la parole, elle avait tout de même de la compassion pour elle. Le Roi voulait à tout prix affronter le duc Dorne. Cela ne se ferait pas sans morts parmi ses protecteurs. Le fiancé de Lady Eris n’avait que peu de chance de survie.
Elle se détourna de la future veuve et essaya de retrouver Lady Alyssa dans la foule, mais impossible. Elle commença à se demander ce qu’elle faisait ici quand Lady Nael Carval vint s’asseoir à côté d’elle. Enoria se tourna brusquement comme surprise.
Contrairement à la plupart des personnes présentes dans la Tserkove, lady Nael ne semblait pas inquiète. Toute souriante, elle n’était certainement pas venu pour prier. Habillée en bleu et doré avec des dizaines de motifs sur sa robe, et les cheveux châtain clair coiffé en tresse, elle affichait toute une posture détendue et sûre d’elle.
Elle se pencha lentement vers Enoria. «J’imagine que vous n’êtes pas venu pour prier, mais plutôt pour observer. Il n’y a rien de plus amusant que de voir tous ses idiots se rassembler dans un pièce à prier les dieux en espérant que rien ne leur arrive.
- Vous n’avez pas peur vous?
- Pourquoi est-ce que j’aurais peur? Même si la bataille est perdue, il ne nous arrivera rien. La cité peut très bien tenir un siège. Et nous sommes ici dans un des lieux les plus sûrs de la cité. Presque aussi sûr que la citadelle Phoenix.
- Votre père, le comte Carval participe pourtant bien à la bataille. Vous pourriez avoir peur pour lui.
- C’est vrai, je devrais avoir peur pour lui. Mais entre vous et moi, vous l’avez vu. Mon père est sûrement l’un des hommes les plus gros du Grand-Royaume. Vous pensez vraiment qu’il va aller un première ligne alors qu’il est presque incapable de tenir une lance.
- C’est vrai, dit Enoria avec un sourire d’amusement.
- Mais attention. Le fait qu’il soit gros ne veut pas dire qu’il est stupide. Certes il est stupide de continuer à manger autant. Mais ça c’est différent. Mon père n’est pas fait pour se battre. Il est fait pour commander. Contre toute attente, il est très doué dans ce domaine. Je peux vous assurer que la ligne qu’il commandera ne cédera pas. Il connaît très bien l’art de faire la guerre.
- Effectivement. Mais vous n’avez pas d’autres personnes qui tiennent à votre cœur? Un frère, un ami?
- Non, pas le moindre. Tous mes frères sont restés à Fort-Carval pour défendre la citadelle. Et celle-ci ne risque pas de tomber. Oh, la seule personne pour qui je pourrais m’inquiéter est mon cousin Lend Argenté. Il a été capturé par… votre frère à Argane. Nous n’avons plus aucune nouvelle de lui depuis. Ni lui, ni son père, mon oncle. Aucune nouvelle d’eux ne signifie rien de bon. Nous ne savons même pas si la citadelle d’Argenté est tombée. Je n’ai jamais aimé mon oncle le comte Standford Argenté, mais j’aime beaucoup son fils Lend. Il a longtemps été mon ami pendant notre jeunesse. Malheureusement, depuis que votre frère a pris la forteresse d’Argane et bien… nous n’avons plus aucune nouvelle de lui. D’ailleurs nous n’avons aucune nouvelle des soldats fait prisonnier en général.» La jeune fille sourit timidement puis s’adossa à la pierre froide derrière elle.
Enoria la dévisagea un moment. La jeune fille paraissait de nouveau s’ennuyer. Enoria se dit qu’elle devait attendre qu’un événement se passe. «Savez-vous si nous pouvons avoir des informations sur la bataille?»
Lady Nael se redressa et la dévisagea avec un sourire. «Oui, bien sûr. Lady Worrl. La mère de l’actuel comte. Elle reçoit en permanence des rapports sur la bataille. Apparemment elle a peur que son fils ne se face tuer pendant la bataille. Mais elle reçoit aussi les rapports sur les mouvements de troupes.»
Enoria jeta un coup d'œil à sir Eommund. Celui-ci lui indiqua du doigt l’autre bout du hall, où une dizaine de dames s’était rassemblé autour de Lady Alayna Worrl.
Enoria s’excusa auprès de Lady Nael et commença à se diriger vers le groupe de femmes. Sir Eommund la suivit immédiatement en se postant juste derrière elle. Apparemment, il devait même avoir peur pour sa vie dans la Tserkove. En même temps, son frère devait actuellement être en train de tuer des soldats du Grand-Royaume. Il était presque normal que leurs proches veuillent se venger sur sa sœur.
Elle n’avait pas très envie de discuter avec cette vieille pie de lady Worrl. Cette femme était une véritable harpie avec tout le monde, elle disait haut et fort son avis, et n’avait rien à faire de celui des autres. Mais il était vrai qu’elle possédait une grande intelligence. De plus, Enoria voulait avoir des nouvelles de El-Jon Worrl. Elle espérait que rien ne s’était produit, et qu’il allait bien.
Alors qu’ils étaient à mi-chemin, une femme poussa un crie juste à coté du groupe. Enoria et sir Eommund accélérèrent le pas pour atteindre le groupe. Sa simple vue et du chevalier suffit à faire écarter chaque personne sur son chemin. Sans faire aucun effort elle se retrouva au milieu du groupe, juste à côté de lady Alyssa. Une jeune femme un peu plus agé qu’Enoria sanglotait au sol juste devant Lady Worrl. C’était lady Clara Artagnac à en juger par les couleurs de sa robe. Une fille de quatorze ans se trouvait juste à côté d’elle et essayait de la remettre debout.
«Que se passe-t-il? demanda Enoria à lady Alyssa.
- Lady Clara vient d’apprendre que son fiancé, sir Arlnold Clarne vient de se faire tuer par un… un soldat Argenté.
- Les Argenté et Artagnac son pire ennemie, ce n’est un secret pour personne, déclara lady Worrl. Mais il est vrai que cela peut vous étonner. En vérité, la nouvelle de la mort de ce cher sir… de ce chevalier, c’est que les Argenté viennent de tourner casaque.» Un murmure secoua la groupe de femme. «Leur groupe qui jusqu'alors se trouvait dans les réserves, à d’abord refusait de venir complétait un assaut sur le centre, mais en plus ils viennent de s’attaquer à notre flanc droit.
- Les Argenté méritent la mort, tous, cria la jeune femme au sol entre deux sanglots. Nous savions depuis des années que c’étaient des traîtres et nous en avons la preuve aujourd’hui.»
Lady Worrl l’ignora. «Nous avons donc des ennemis dans notre dos. Mais surtout cela veut dire que plus personne ne peut venir renforcer le dispositif de ce crétin de Rover. Lui et ses hommes vont finir débordé par l’étoile pourpre.
- Et le prince Louis? demanda la jeune fille de quatorze ans. Il ne peut pas le contrer avec ses hommes du nord.»
La vielle femme claqua du doigt pour qu’ u n serviteur lui apporte un verre de vin. «Lady Elayne Artagnac, le prince Louis s’est fait blessé à la tête il y a moins d’une heure, il ne peut plus diriger, n’y contrôler ses hommes du nord. Avec l'avancée massive de nos forces, je pensais que la balance basculait enfin de notre côté, mais il n'en sait rien. Nous sommes loin d'avoir gagné cette bataille.
- Alors nous avons perdu? demanda sa fille, Lady Alyssa.
- Non, pas encore. Mais il est vrai que tout est possible. Il se peut que nous arrivions à survivre à cette catastrophe. Mais l'étoile pourpre ne sait pas fait appeler le prince des batailles pour rien. Il va trouver la faille et va percer nos lignes. S'il y parvient alors nous aurons perdu. Maintenant, j'ai besoin d'air.» Une par une, les dames se dispersèrent dans la Tserkove. Enoria allait partir quand lady Alayna la reteint. «Pas vous. Enoria Holl, j'ai à vous parler. Et du balai les autres.»
Elle n'avait pas homie de rappeler son nom aux femmes présentes. Avec son frère qui faisait des carnages dans les rangs loyalistes, beaucoup de femmes présentes auraient voulu venger leurs défunts.
Lady Alayna lui indiqua un banc de pierre juste à côté d'elle. Elle s'adossa sur son divan de coussin, sirotant le verre de vin que son serviteur venait de lui apporter. Enoria s’exécuta et s'assit sur la pierre froide.
La position n'avait rien de confortable, et lady Worrl le savait, mais elle ne cherchait pas à la mettre en bonne disposition. Elle la dévisagea un moment avant de lui proposer quelque chose à boire ou à manger.
«Je ne pense pas que cela serait respectueux de manger ou de boire dans un lieu de culte, répondit Enoria.
- Pourquoi donc? Les règles sont faite pour ceux qui sont incapable de les respecter. Je les ai respectées longtemps. Maintenant c'est moi qui les dicte.»
Enoria sourit. Encore une femme avec beaucoup de caractère, se dit-elle.
«Allons, reprit Lady Worrl. Comment allez-vous depuis notre dernière conversation? J'ai cru comprendre que la vie à la capitale n'avait pas été des plus simple pour vous. Entre ce qu'il vous est arrivé dans les jardins étoilés avec le premier conseiller et le retour du Roi. Mais j'ai aussi pu voir que vous avez tenu compte de mes conseils.
- J'ai essayé de les comprendre du mieux que j'ai pu.
- Une excellente chose alors. Mais ce n'est pas la raison pour laquelle je vous ai retenue. J'ai cru comprendre que vous aviez rencontré mon fils, El-Jon Worrl. Un charmant garçon. Qui vient en plus d'hériter de l'un des plus puissants titres des terres de la couronne de mon défunt mari.
- En effet, les rumeurs se propagent vite à la capitale.» Enoria fut d'un coup anxieuse. Si lady Worrl alors combien de personne était au courant du fait qu'elle voyait beaucoup sir El-Jon.
Lady Worrl leva sa coupe en signe d’apaisement. «Rassurez-vous. Je sais cela de mes espions. Dans ce trou à rats, il vaut mieux en avoir si l'on veut survivre. Surtout quand nous sommes à la tête d'une des plus puissantes familles du royaume. La plupart des gens verront l’intérêt que vous vous portez comme de la simple galanterie. Ma fille Alyssa me l'a assuré. Mais tâchez tout de même d'être plus discret. Il y a nombre de choses dans l'obscurité. Plus que nous ne serions jamais en possibilité de le compter.»
La phrase dérivée de la devise des Worrl la fit frissonner. Les Worrl étaient une famille dangereuse, ils œuvraient aussi bien à la lumière que dans l'ombre.
«Vous lui faites de l'effet vous savez, continua t-elle. Et je vois bien qu'il ne vous laisse pas sans rien, vous aussi.» Enoria rougit, mais la peur s'installa dans son esprit quand elle vit le visage de lady Worrl se durcir. «Mais n'oubliez pas une chose. Vous êtes une princesse, la sœur du kraken vert, qui en ce moment même pourrait très bien être en train de l'affronter. L'un des deux ne pourrait jamais revenir de cette bataille, alors dites moi, qui allez vous suivre?»
La femme assise en face d'elle sirota son verre de vin sans cesser un instant de la regarder. «Ne me dites pas que le fait de savoir votre frère sur le point de massacrer une armée entière ne vous fait rien. Il le fait sans doute pour vous. Mais rappelez vous que c'est de sa faute si vous êtes prisonnière du Roi Charles. Votre frère est un fou. Alors dites-moi qui allez-vous choisir?»
Enoria réfléchit un moment. Lady Alayna Worrl lui posait une énigme. Avec elle rien n'était simple. Elle était dans les coulisses du pouvoir depuis trop longtemps pour se laisser berner par n'importe qui. Si Enoria mentait, alors elle s'en rendrait compte. Une femme qui savait se qu'elle faisait. Une femme qui dirigeait sa maison depuis plusieurs décennie. Voilà ce qu'elle était.
«Vous faites l'objet de convoitise, dit Lady Worrl. Les hommes se déchireront pour vous, pour votre beauté mais aussi pour votre position. Vous êtes les clés de Mitilène, la seule héritière de votre frère. Et par les sept apocalypses, j'espère qu'il mourra le plus tôt possible. Un sociopathe comme cela, les dieux ne devraient pas en créer. Mais allons, ce sont les dieux et leurs désirs sont incompréhensibles. Quand votre frère touchera les portes menant au royaume d'Hell alors vous aurez à votre disposition les forces de Mitilène. Le Roi Charles les voulait pour contrer la montée en puissance de l'étoile pourpre. Mais si je vous dis qu'il existe une menace bien plus grande que l'étoile pourpre. Mieux que cela, il en existe sept.
- Si c'est le cas, dit Enoria en se penchant. Alors...» Mais elle fut coupée par l'entrée d'un chevalier, sir Maxime Lorgne, dans la Tserkove. Le chevalier sortit des ténèbres en haletant.
«L'étoile pourpre a commencé un assaut sur les remparts!» Il s'arrêta devant lady Worrl et mit un genou à terre. «Madame, l'étoile pourpre vient de donner l'assaut sur l'un des murs de la cité. Il a envoyé presque une demi-centaine de fannar pour prendre le mur. À l'heure où je vous parle, ils doivent sûrement avoir pris les remparts et se prépare à se déverser dans la cité.
- Évidemment, répondit Lady Worrl. Pas moyen de discuter en paix ici.
- Madame, vous devez évacuer la Tserkove avec toutes les femmes qui sont ici, pour rejoindre la sécurité des jardins étoilés.
- Je doute que nous y arrivons à temps.» Au contraste des femmes présentes, le ton de Lady Worrl était relativement calme. «Les fannars sont les meilleurs guerriers du sud. Ils seront déjà là quand nous sortirons de la Tserkove.
- Vous serez tout de même plus en sécurité derrière les murs des jardins. Le conseiller du prince va se charger de les repousser.
- Les repousser, s’exclama la vielle femme. Même avec les meilleurs hommes du Grand-Royaume, il n'arriverait à rien. Ceux sont des fannars de Sombre-Astre, l'ami du prince coure à sa perte, il n'arrivera même pas à les retarder. Mais allons bon, l'espoir fait vivre.» Elle agita les mains pour dire au serviteur de se préparer à s'en aller. Puis elle se tourna vers Enoria. «Nous devrons terminer cette conversation, lady Enoria. Discuter avec vous est d'un agréable moment.» Puis elle se tourna et partit en direction des portes.
Sa fille et lady Nael vinrent alors se placer à côté d'elle. «Que vous a t-elle dit? demanda lady Nael Carval.
- Des énigmes dans le noir.
- Cela ressemble bien à ma mère, poursuivit Lady Alyssa. Même moi n'arrive pas à la comprendre des fois.»
Enoria lui fit un signe de tête approbateur. «Pensez vous que le conseiller du prince ait une chance contre les fannars?
- On dit beaucoup de choses sur les fannars de Sombre-Astre, répondit Lady Alyssa. Des choses vraies et des choses fausses. Mais ce que je sais, c'est que ce sont des tueurs. De vrais assassins. Ils sont nés pour ça. Le conseiller du prince mourra avec tous ses hommes. C'est indéniable. Non, croyez-moi, il n'a aucune chance de survie.»
Enoria prit une profonde inspiration. En même temps, elle sentit une larme descendre sur sa joue. Elle l'essuya directement. Tout ça était de sa faute. Avant la fin de la journée, les morts se conteraient par milliers, ils mourraient à cause d'une stupide fille. À cause d'elle. Le voilà, le réel message de Lady Alayna. Elle était la cause de trop de souffrances.
Accompagné par lady Alyssa Worrl, de son propre garde protecteur sir Elfrid Stone et de sir Eommund Tigre, Enoria se dirigeait vers le temple des quatre. L’un des deux de la cité du commerce. Le premier étant rempli des familles des hommes d’armes ou des miliciens, celui-ci avait été réservé aux familles des nobles. Bien qu’elle n'ait pas de famille dans la plaine et que ce ne soit pas ces dieux à elle, elle trouvait naturel d'accompagner son amie dans le temple pour prier sa famille. Dans le Grand-Royaume, les temples envers les quatre étaient désignés sous le nom de Tserkove. Ce nom avait été hérité du nord. D’après ce qu’on lui avait dit, cela voulait dire temple en langage du nord.
Sitôt après avoir vu l’armée sortir, Enoria avait fait plusieurs fois le tour des jardins étoilés afin de prier les étoiles. Elle n’avait pas fait attention au temps mais avait prié tant qu’elle le pouvait les dieux de donner de la force à tous les morts qui les rejoindraient. puis elle était sortie avec lady Alyssa et sir Eommund. Sir Eommund l’avait fait monter à cheval pour qu’il aille à la Tserkove de la cité du commerce. Elle avait protesté voulant attendre Lady Alyssa Worrl. Celle -ci n’avait pas pris son temps, quelque instant plus tard elle était arrivée avec son propre garde et était montée à cheval. Ils étaient sortis par la grande porte, puis avaient longé les remparts, le temple se trouvant juste à côté de la porte reliant la ville verte et la cité du commerce.
Lady Alyssa montait beaucoup mieux à cheval qu’elle, c’était indéniable. Comparé à Enoria qui n’avait pas beaucoup l’habitude, elle conservait toute son élégance sur le dos de l’animal. Cela n’était pas étonnant, ayant vécu avec un frère comme El-Jon Worrl.
Elle l’observa un moment et se sentit ridicule sur sa propre jument. Dans le sud, on ne lui avait que peu appris à monter à cheval. Les Mitiliens ne connaissaient qu’une seule chose: la mer. Ils n’avaient pas besoin de savoir monter à cheval sachant qu’ils passaient le plus clair de leur temps en mer. Cela, Enoria connaissait la voile. Elle savait très bien diriger un petit bateau, bien que cela ne soit pas sa passion. Savoir monter à cheval n’était utile que pour les cérémonies ou pour impressionner. Aussi ce n’était pas un art où elle excellait. Mais à son arrivée dans le Grand-Royaume et à la cité d’or, elle s’était découverte une passion pour l’équitation. C’était l’un des seuls moments où elle se sentait libre. Loin de la guerre, loin de la mort, loin de la politique, loin de tout. Elle était tout simplement heureuse.
Sa jument était le dernier cadeau que lui avait fait feu le prince Richard. Cela avait eu lieu deux jours avant sa mort. Apparemment il avait compris qu’elle aimait monter à cheval. Il lui avait donné cette jument, lui indiquant qu’elle serait parfaite pour la chasse qu’il comptait organiser. La jument était faite pour suivre, cela lui aurait évité tout problème à la chasse. Mais cela n’avait jamais eu lieu, le prince était mort avant.
Tirant sur les reines, elle stoppa le cheval alors qu’il venait à peine d'arriver à la Tserkove. Sir Eommund mit immédiatement pied à terre et se dirigea vers elle après avoir confié son propre cheval à un serviteur. Il se positionna à côté de sa jument, et la souleva avec douceur pour la reposer sur le sol. Comme toujours il était très doux avec elle. Il lui adressa un sourire puis fit de même afin de faire descendre Lady Alyssa.
Elle jeta un coup d’œil à la façade de la Tserkove et fut impressionnée par le nombre de décoration. Toutes ses sculptures, tous ses messages gravés dans les murs, tout cela gravé il y a des siècles et pour des siècles. Les Orois aimaient l’art plus que tout apparemment. Pour eux c’était un moyen de montrer leur richesse et ils en avaient.
Une à une elles gravir les marches qui menait à l’intérieur du bâtiment. Sir Elfrid Sand, qui ouvrait la marche, alla frapper à l’immense porte. Un prêtre vint leur ouvrir et ils entrèrent dans l’immense temple.
Elle entendait la porte se fermée dans un claquement derrière elle, mais elle n’en avait que faire. L’atmosphère à l’intérieur était lourde, cela sentait le brûlé, les flammes et l’encens. Les murs semblaient danser sous les lamentations des ombres venant du centre. Le couloir où elle se trouvait ne laissait que peu passer la lumière, et même s’il faisait extrêmement sombre, Enoria arrivait tout de même à voir devant elle. Juste après la porte, le plafond devenait très bas, soutenue par d’épais piliers de pierre avec des signes gravés, comme les flammes d’un enfer proche.
Sir Ulfrid attrapa la lanterne que lui tendait le prêtre et se dirigea vers le centre de la Tserkove. Lady Alyssa lui emboîta le pas immédiatement, puis jeta un coup d’œil en arrière pour voir si Enoria la suivait. Mais celle-ci resta pétrifié par l’endroit, incapable de faire le moindre geste. Lady Alyssa s’arrêta et vint vers elle. «J’imagine que c’est la première fois que vous venez dans une Tserkove. J’étais comme vous la première fois que je suis rentré dans celle-ci. Elle est très différente de celle en général. Celle-ci est l’une des plus belles de tout le Grand-Royaume, seul peut-être celle de Tombétoile est aussi jolie. Enfin c’est ce que l’on dit. En vérité je n’y suis jamais allé, mais c’est ce que l’on m’a dit. Les Tserkove sont toujours très sombres et ont tendance à faire peur aux premiers abord. Je ne vous tiendrai pas rigueur si vous ne venez pas.
- Non je vais rester, enfin temps que je le peux.»
Son ami lui adressa un sourire ravie puis tourna les talons et partit suivre sir Elfrid. Enoria la regarda s'éloigner dans la pénombre éclairée seulement par des lambeaux de lumière provenant du centre et par la lanterne du chevalier. Elle se retourna et vit que sir Eommund l’attendait. Allons-y alors, se dit-elle.
Le chevalier attrapa la lanterne que lui tendait le prêtre puis fit un pas en avant l’obligeant à avancer. Elle sentit alors ses pieds se décoller du sol et suivit la faible lumière qui provenait de la lanterne de sir Elfrid.
À mi-chemin du centre, elle tomba sur un brasero entouré de miroir qui projetait des lambeaux de lumières sur les murs. Elle se tourna vers sir Eommund et celui-ci hocha la tête. «Des miroirs, oui. L’ensemble de la Tserkove est éclairé par des miroirs prenant leur lumière de brasero. C’est cela qui donne de la vie au mur. Ceux-ci semblent être en permanence en train de bouger, mais il n’en est rien. C’est simplement un jeu de lumière.»
Ils continuèrent à avancer et à la fin du couloir, ils débouchèrent sur une immense salle. Là, Enoria eut le souffle coupé. Un sanctuaire entier destiné aux quatre. Un immense hall éclairé par un brasier en suspension qui renvoyer la lumière rouge feu sur les murs grâce à des dizaines de miroirs. Juste au-dessus un autre brasero avec cette fois des flammes bleu éclairant l’étage supérieur avec là aussi des miroirs. Encore après, des flammes vertes, puis encore après des flammes blanches. Quatre étages éclairés par des braseros de différente couleur et sans que ni l’un ni l’autre ne vienne éclairer une des salles se trouvant au-dessus ou en dessous. Chaque miroir avait été installé afin d’éviter toute confrontation entre les lumières. Et malgré quatre immense brasero de couleur différente suspendu au dessus du sol l’immense hall était très sombre. Mais ce qui étonna le plus Enoria, se fut l’immense dôme de verre qui soutenait les brasero. La lumière du soleil aurait pu éclairer la pièce, mais chaque pièce de verre avait été recouverte de tissus épais afin d’éviter que la lumière ne passe.
La Tserkove était plus qu’un lieu de culte, elle était une œuvre d’art géante et d’une beauté à faire peur. Tout le talent des ingénieurs avait été rassemblé dans un seul et même bâtiment.
Le hall était divisé en plusieurs parties. Le bas était pour Hell, le dieu de la mort. Les autres étages étaient chacun pour un dieu différent. Chaque lumière représentait un dieu, comme le rouge signifiait la mort. Le bleu signifiait la liberté, le vert la vie, et le blanc la paix. Les Orois avaient une conception bien particulière des couleurs. Totalement différente des Mitiliens. Pour Enoria, le vert ne signifait pas la vie. Cela signifiait son frère, Darrion, cela signifiait mort et souffrance.
Il devait y avoir plus de deux cent fidèles rassemblés dans la Tserkove, tous répartis assez équitablement sur les quatre étages, mais en réalité, il était impossible de déterminer combien de fidèles se trouvaient dans les labyrinthes que formaient les couloirs de la Tserkove. La plupart étaient soit en train d’allumer des cierges devant les différents autels du bâtiment, ou sinon ils faisaient de grands cercles en longeant les murs avec une bougie à la main.
Enoria s’avança jusqu’au milieu des marches de l’amphithéâtre puis se posa sur les marches en faisant attention de ne pas froisser sa robe. Elle tourna la tête à gauche et repéra lady Eris Glone qui la tête posé dans ses mains marmonnait des prières jetant parfois des regards à la bougie posé devant elle. En la regardant de plus près, Enoria vit que chaque fois qu’elle remontait la tête ses traits affichaient un inquiétude montante. Pas très étonnante sachant que son fiancé se trouvait justement en première ligne à côté du Roi Charles. Même si lady Eris ne lui avait que peu adressé la parole, elle avait tout de même de la compassion pour elle. Le Roi voulait à tout prix affronter le duc Dorne. Cela ne se ferait pas sans morts parmi ses protecteurs. Le fiancé de Lady Eris n’avait que peu de chance de survie.
Elle se détourna de la future veuve et essaya de retrouver Lady Alyssa dans la foule, mais impossible. Elle commença à se demander ce qu’elle faisait ici quand Lady Nael Carval vint s’asseoir à côté d’elle. Enoria se tourna brusquement comme surprise.
Contrairement à la plupart des personnes présentes dans la Tserkove, lady Nael ne semblait pas inquiète. Toute souriante, elle n’était certainement pas venu pour prier. Habillée en bleu et doré avec des dizaines de motifs sur sa robe, et les cheveux châtain clair coiffé en tresse, elle affichait toute une posture détendue et sûre d’elle.
Elle se pencha lentement vers Enoria. «J’imagine que vous n’êtes pas venu pour prier, mais plutôt pour observer. Il n’y a rien de plus amusant que de voir tous ses idiots se rassembler dans un pièce à prier les dieux en espérant que rien ne leur arrive.
- Vous n’avez pas peur vous?
- Pourquoi est-ce que j’aurais peur? Même si la bataille est perdue, il ne nous arrivera rien. La cité peut très bien tenir un siège. Et nous sommes ici dans un des lieux les plus sûrs de la cité. Presque aussi sûr que la citadelle Phoenix.
- Votre père, le comte Carval participe pourtant bien à la bataille. Vous pourriez avoir peur pour lui.
- C’est vrai, je devrais avoir peur pour lui. Mais entre vous et moi, vous l’avez vu. Mon père est sûrement l’un des hommes les plus gros du Grand-Royaume. Vous pensez vraiment qu’il va aller un première ligne alors qu’il est presque incapable de tenir une lance.
- C’est vrai, dit Enoria avec un sourire d’amusement.
- Mais attention. Le fait qu’il soit gros ne veut pas dire qu’il est stupide. Certes il est stupide de continuer à manger autant. Mais ça c’est différent. Mon père n’est pas fait pour se battre. Il est fait pour commander. Contre toute attente, il est très doué dans ce domaine. Je peux vous assurer que la ligne qu’il commandera ne cédera pas. Il connaît très bien l’art de faire la guerre.
- Effectivement. Mais vous n’avez pas d’autres personnes qui tiennent à votre cœur? Un frère, un ami?
- Non, pas le moindre. Tous mes frères sont restés à Fort-Carval pour défendre la citadelle. Et celle-ci ne risque pas de tomber. Oh, la seule personne pour qui je pourrais m’inquiéter est mon cousin Lend Argenté. Il a été capturé par… votre frère à Argane. Nous n’avons plus aucune nouvelle de lui depuis. Ni lui, ni son père, mon oncle. Aucune nouvelle d’eux ne signifie rien de bon. Nous ne savons même pas si la citadelle d’Argenté est tombée. Je n’ai jamais aimé mon oncle le comte Standford Argenté, mais j’aime beaucoup son fils Lend. Il a longtemps été mon ami pendant notre jeunesse. Malheureusement, depuis que votre frère a pris la forteresse d’Argane et bien… nous n’avons plus aucune nouvelle de lui. D’ailleurs nous n’avons aucune nouvelle des soldats fait prisonnier en général.» La jeune fille sourit timidement puis s’adossa à la pierre froide derrière elle.
Enoria la dévisagea un moment. La jeune fille paraissait de nouveau s’ennuyer. Enoria se dit qu’elle devait attendre qu’un événement se passe. «Savez-vous si nous pouvons avoir des informations sur la bataille?»
Lady Nael se redressa et la dévisagea avec un sourire. «Oui, bien sûr. Lady Worrl. La mère de l’actuel comte. Elle reçoit en permanence des rapports sur la bataille. Apparemment elle a peur que son fils ne se face tuer pendant la bataille. Mais elle reçoit aussi les rapports sur les mouvements de troupes.»
Enoria jeta un coup d'œil à sir Eommund. Celui-ci lui indiqua du doigt l’autre bout du hall, où une dizaine de dames s’était rassemblé autour de Lady Alayna Worrl.
Enoria s’excusa auprès de Lady Nael et commença à se diriger vers le groupe de femmes. Sir Eommund la suivit immédiatement en se postant juste derrière elle. Apparemment, il devait même avoir peur pour sa vie dans la Tserkove. En même temps, son frère devait actuellement être en train de tuer des soldats du Grand-Royaume. Il était presque normal que leurs proches veuillent se venger sur sa sœur.
Elle n’avait pas très envie de discuter avec cette vieille pie de lady Worrl. Cette femme était une véritable harpie avec tout le monde, elle disait haut et fort son avis, et n’avait rien à faire de celui des autres. Mais il était vrai qu’elle possédait une grande intelligence. De plus, Enoria voulait avoir des nouvelles de El-Jon Worrl. Elle espérait que rien ne s’était produit, et qu’il allait bien.
Alors qu’ils étaient à mi-chemin, une femme poussa un crie juste à coté du groupe. Enoria et sir Eommund accélérèrent le pas pour atteindre le groupe. Sa simple vue et du chevalier suffit à faire écarter chaque personne sur son chemin. Sans faire aucun effort elle se retrouva au milieu du groupe, juste à côté de lady Alyssa. Une jeune femme un peu plus agé qu’Enoria sanglotait au sol juste devant Lady Worrl. C’était lady Clara Artagnac à en juger par les couleurs de sa robe. Une fille de quatorze ans se trouvait juste à côté d’elle et essayait de la remettre debout.
«Que se passe-t-il? demanda Enoria à lady Alyssa.
- Lady Clara vient d’apprendre que son fiancé, sir Arlnold Clarne vient de se faire tuer par un… un soldat Argenté.
- Les Argenté et Artagnac son pire ennemie, ce n’est un secret pour personne, déclara lady Worrl. Mais il est vrai que cela peut vous étonner. En vérité, la nouvelle de la mort de ce cher sir… de ce chevalier, c’est que les Argenté viennent de tourner casaque.» Un murmure secoua la groupe de femme. «Leur groupe qui jusqu'alors se trouvait dans les réserves, à d’abord refusait de venir complétait un assaut sur le centre, mais en plus ils viennent de s’attaquer à notre flanc droit.
- Les Argenté méritent la mort, tous, cria la jeune femme au sol entre deux sanglots. Nous savions depuis des années que c’étaient des traîtres et nous en avons la preuve aujourd’hui.»
Lady Worrl l’ignora. «Nous avons donc des ennemis dans notre dos. Mais surtout cela veut dire que plus personne ne peut venir renforcer le dispositif de ce crétin de Rover. Lui et ses hommes vont finir débordé par l’étoile pourpre.
- Et le prince Louis? demanda la jeune fille de quatorze ans. Il ne peut pas le contrer avec ses hommes du nord.»
La vielle femme claqua du doigt pour qu’ u n serviteur lui apporte un verre de vin. «Lady Elayne Artagnac, le prince Louis s’est fait blessé à la tête il y a moins d’une heure, il ne peut plus diriger, n’y contrôler ses hommes du nord. Avec l'avancée massive de nos forces, je pensais que la balance basculait enfin de notre côté, mais il n'en sait rien. Nous sommes loin d'avoir gagné cette bataille.
- Alors nous avons perdu? demanda sa fille, Lady Alyssa.
- Non, pas encore. Mais il est vrai que tout est possible. Il se peut que nous arrivions à survivre à cette catastrophe. Mais l'étoile pourpre ne sait pas fait appeler le prince des batailles pour rien. Il va trouver la faille et va percer nos lignes. S'il y parvient alors nous aurons perdu. Maintenant, j'ai besoin d'air.» Une par une, les dames se dispersèrent dans la Tserkove. Enoria allait partir quand lady Alayna la reteint. «Pas vous. Enoria Holl, j'ai à vous parler. Et du balai les autres.»
Elle n'avait pas homie de rappeler son nom aux femmes présentes. Avec son frère qui faisait des carnages dans les rangs loyalistes, beaucoup de femmes présentes auraient voulu venger leurs défunts.
Lady Alayna lui indiqua un banc de pierre juste à côté d'elle. Elle s'adossa sur son divan de coussin, sirotant le verre de vin que son serviteur venait de lui apporter. Enoria s’exécuta et s'assit sur la pierre froide.
La position n'avait rien de confortable, et lady Worrl le savait, mais elle ne cherchait pas à la mettre en bonne disposition. Elle la dévisagea un moment avant de lui proposer quelque chose à boire ou à manger.
«Je ne pense pas que cela serait respectueux de manger ou de boire dans un lieu de culte, répondit Enoria.
- Pourquoi donc? Les règles sont faite pour ceux qui sont incapable de les respecter. Je les ai respectées longtemps. Maintenant c'est moi qui les dicte.»
Enoria sourit. Encore une femme avec beaucoup de caractère, se dit-elle.
«Allons, reprit Lady Worrl. Comment allez-vous depuis notre dernière conversation? J'ai cru comprendre que la vie à la capitale n'avait pas été des plus simple pour vous. Entre ce qu'il vous est arrivé dans les jardins étoilés avec le premier conseiller et le retour du Roi. Mais j'ai aussi pu voir que vous avez tenu compte de mes conseils.
- J'ai essayé de les comprendre du mieux que j'ai pu.
- Une excellente chose alors. Mais ce n'est pas la raison pour laquelle je vous ai retenue. J'ai cru comprendre que vous aviez rencontré mon fils, El-Jon Worrl. Un charmant garçon. Qui vient en plus d'hériter de l'un des plus puissants titres des terres de la couronne de mon défunt mari.
- En effet, les rumeurs se propagent vite à la capitale.» Enoria fut d'un coup anxieuse. Si lady Worrl alors combien de personne était au courant du fait qu'elle voyait beaucoup sir El-Jon.
Lady Worrl leva sa coupe en signe d’apaisement. «Rassurez-vous. Je sais cela de mes espions. Dans ce trou à rats, il vaut mieux en avoir si l'on veut survivre. Surtout quand nous sommes à la tête d'une des plus puissantes familles du royaume. La plupart des gens verront l’intérêt que vous vous portez comme de la simple galanterie. Ma fille Alyssa me l'a assuré. Mais tâchez tout de même d'être plus discret. Il y a nombre de choses dans l'obscurité. Plus que nous ne serions jamais en possibilité de le compter.»
La phrase dérivée de la devise des Worrl la fit frissonner. Les Worrl étaient une famille dangereuse, ils œuvraient aussi bien à la lumière que dans l'ombre.
«Vous lui faites de l'effet vous savez, continua t-elle. Et je vois bien qu'il ne vous laisse pas sans rien, vous aussi.» Enoria rougit, mais la peur s'installa dans son esprit quand elle vit le visage de lady Worrl se durcir. «Mais n'oubliez pas une chose. Vous êtes une princesse, la sœur du kraken vert, qui en ce moment même pourrait très bien être en train de l'affronter. L'un des deux ne pourrait jamais revenir de cette bataille, alors dites moi, qui allez vous suivre?»
La femme assise en face d'elle sirota son verre de vin sans cesser un instant de la regarder. «Ne me dites pas que le fait de savoir votre frère sur le point de massacrer une armée entière ne vous fait rien. Il le fait sans doute pour vous. Mais rappelez vous que c'est de sa faute si vous êtes prisonnière du Roi Charles. Votre frère est un fou. Alors dites-moi qui allez-vous choisir?»
Enoria réfléchit un moment. Lady Alayna Worrl lui posait une énigme. Avec elle rien n'était simple. Elle était dans les coulisses du pouvoir depuis trop longtemps pour se laisser berner par n'importe qui. Si Enoria mentait, alors elle s'en rendrait compte. Une femme qui savait se qu'elle faisait. Une femme qui dirigeait sa maison depuis plusieurs décennie. Voilà ce qu'elle était.
«Vous faites l'objet de convoitise, dit Lady Worrl. Les hommes se déchireront pour vous, pour votre beauté mais aussi pour votre position. Vous êtes les clés de Mitilène, la seule héritière de votre frère. Et par les sept apocalypses, j'espère qu'il mourra le plus tôt possible. Un sociopathe comme cela, les dieux ne devraient pas en créer. Mais allons, ce sont les dieux et leurs désirs sont incompréhensibles. Quand votre frère touchera les portes menant au royaume d'Hell alors vous aurez à votre disposition les forces de Mitilène. Le Roi Charles les voulait pour contrer la montée en puissance de l'étoile pourpre. Mais si je vous dis qu'il existe une menace bien plus grande que l'étoile pourpre. Mieux que cela, il en existe sept.
- Si c'est le cas, dit Enoria en se penchant. Alors...» Mais elle fut coupée par l'entrée d'un chevalier, sir Maxime Lorgne, dans la Tserkove. Le chevalier sortit des ténèbres en haletant.
«L'étoile pourpre a commencé un assaut sur les remparts!» Il s'arrêta devant lady Worrl et mit un genou à terre. «Madame, l'étoile pourpre vient de donner l'assaut sur l'un des murs de la cité. Il a envoyé presque une demi-centaine de fannar pour prendre le mur. À l'heure où je vous parle, ils doivent sûrement avoir pris les remparts et se prépare à se déverser dans la cité.
- Évidemment, répondit Lady Worrl. Pas moyen de discuter en paix ici.
- Madame, vous devez évacuer la Tserkove avec toutes les femmes qui sont ici, pour rejoindre la sécurité des jardins étoilés.
- Je doute que nous y arrivons à temps.» Au contraste des femmes présentes, le ton de Lady Worrl était relativement calme. «Les fannars sont les meilleurs guerriers du sud. Ils seront déjà là quand nous sortirons de la Tserkove.
- Vous serez tout de même plus en sécurité derrière les murs des jardins. Le conseiller du prince va se charger de les repousser.
- Les repousser, s’exclama la vielle femme. Même avec les meilleurs hommes du Grand-Royaume, il n'arriverait à rien. Ceux sont des fannars de Sombre-Astre, l'ami du prince coure à sa perte, il n'arrivera même pas à les retarder. Mais allons bon, l'espoir fait vivre.» Elle agita les mains pour dire au serviteur de se préparer à s'en aller. Puis elle se tourna vers Enoria. «Nous devrons terminer cette conversation, lady Enoria. Discuter avec vous est d'un agréable moment.» Puis elle se tourna et partit en direction des portes.
Sa fille et lady Nael vinrent alors se placer à côté d'elle. «Que vous a t-elle dit? demanda lady Nael Carval.
- Des énigmes dans le noir.
- Cela ressemble bien à ma mère, poursuivit Lady Alyssa. Même moi n'arrive pas à la comprendre des fois.»
Enoria lui fit un signe de tête approbateur. «Pensez vous que le conseiller du prince ait une chance contre les fannars?
- On dit beaucoup de choses sur les fannars de Sombre-Astre, répondit Lady Alyssa. Des choses vraies et des choses fausses. Mais ce que je sais, c'est que ce sont des tueurs. De vrais assassins. Ils sont nés pour ça. Le conseiller du prince mourra avec tous ses hommes. C'est indéniable. Non, croyez-moi, il n'a aucune chance de survie.»
Enoria prit une profonde inspiration. En même temps, elle sentit une larme descendre sur sa joue. Elle l'essuya directement. Tout ça était de sa faute. Avant la fin de la journée, les morts se conteraient par milliers, ils mourraient à cause d'une stupide fille. À cause d'elle. Le voilà, le réel message de Lady Alayna. Elle était la cause de trop de souffrances.
Dernière modification par Elersor87 le dim. 18 mai, 2025 11:09 pm, modifié 1 fois.
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Re: Le Théâtre du Pouvoir [fantasy-dark fantasy-guerre-intrigue]
XXXIII. Alenna Partie 2
Les murs n’avaient pas été long à escalader. Les archers loyalistes étaient peu nombreux, bien que plus que sur les autres remparts. Alenna avait perdu des camarades dans l’escalade, mais un grand nombre avait su esquiver les flèches et mettre pied sur les remparts. Là, ils avaient pu enfin montrer leur dons dans l’art de combattre.
Elle enjamba le cadavre qui se trouvé à ses pieds. Le corps encore chaud d’un milicien de la cité d’or. La cape dorée était recouverte de sang frais. Les casques défonçaient par le coup d’une masse, et le corps tailladé de toute part. Le fannar qui s’était occupé de lui régler son compte, s’était acharné comme un fou sur lui. Sa main était encore agrippé sur la garde de son épée, comme s’il voulait la saisir un dernier instant avant de mourir. Mais la faux de Hell l’avait touché juste avant.
Elle jeta un regard circulaire sur les remparts afin de vérifier qu’il ne restait aucun loyaliste, mais rien. Les derniers hommes debout étaient des fannars. Tous habillé en noir. Cape, acier de l’épée, manche, cuirasse, cuir, tout était noir. Leur couleur.
Gorden Garste se trouvait juste devant elle. Elle fit un pas en avant pour se mettre à sa droite. Elle baissa le bandeau qu’il lui masquait les lèvres et posa la pointe de son épée au sol. «Il n’y a plus âme loyaliste sur ce mur, dit-elle. Commandant quels sont les ordres?»
L’homme poussa un grognement. «On attend. Pas de précipitation, voilà les ordres.
- Mais l’étoile pourpre ne nous à pas fait escalader ce rempart sans raison.»
Le visage du commandant se durcit. Alenna vit une expression qu’elle connaissait. Elle ne pourrait rien d’autre en tirer. Le commandant n’en savait sûrement pas plus qu’elle.
Alenna chercha alors Vardlenne et le trouva en train d’essuyer la lame de son hallebarde sur la cape dorée d’un milicien. «Combien de morts pour la journée?” demanda-t-elle.
L’homme leva le regard vers elle. Des yeux noir. «Ça dépend. On compte ceux fait dans la plaine.
- Bien sûr que non.
- Aucune idée, répondit-il. Moins que si je comptais avec ceux que j’ai fait dans la plaine.
- Charmant. Je pensais que sitôt le mur pris, on aurait attaqué la ville. Mais il semblerait que les ordres soient d’attendre.
- En effet c’est plus que probable.»
Alenna se tourna vers lui, déconcerté. «Comment ça?»
Vardlenne poussa un profonde inspiration et se releva. Sa lame se miroitant dans les éclats de soleil, renvoyant la lumière dans les yeux d’Alenna. Elle dut vers un pas en arrière pour voir correctement.
«Les hommes sont épuisés après l’effort de l’escalade et des combats sur le rempart, dit Vardlenne. Bien que je pense que l’étoile pourpre se fiche de savoir si nous allons vivre ou mourir. Il doit nous tenir ici pour tenir le rempart. Enfin, ça s'est s’il veut s’attaquer au reste du mur ou à la ville. Mais à en croire les mouvements de troupe...» Il désigna la plaine derrière lui. «… il ne semble pas prêt de s’attaquer à la ville.»
L’incompréhension s’entrechoqua dans sa tête. Elle se tourna pour aller devant les créneaux et regarda les mouvements de troupes de l’étoile pourpre. Elle n’en crut pas ses yeux. Il ne pouvait y avoir autant de mouvement pendant leur combat sur les remparts.
L’assaut des fantassins sur les troupes Rover, les tirs des archers dans le bois. Tout cela n’était qu’une préparation à l’assaut de l’étoile pourpre. Le véritable assaut.
«J’imagine que tu ne l’as pas entendu, dit Vardlenne en se posant à côté d’elle. Le cor de l’étoile pourpre à sonné. Et voilà le résultat. Voilà l’œuvre du prince des batailles. Encore une fois il a accompli l’impossible.»
L’armée loyaliste était pris en le marteaux et l’enclume. Ces idiots de loyalistes pensaient avoir l’avantage et avait poussé toutes leurs troupes dans la mêlée. Mais cela avait été une erreur fatale. L’erreur que l’étoile pourpre attendait. Les trois quarts de ses forces étaient maintenant déployés derrière l’imposante ligne de loyalistes s’étendant du bois à la grande porte. Seul le comte Carval et son flan n'étaient pas encerclés. Là où devait se trouver les troupes Rover, il ne restait plus qu’une immense étendue de cadavre abordant les couleurs de l’ancien conseiller et d’autres loyalistes. Les troupes de ce front étaient trop épuisées par les récents combats, pour avoir pu repoussé la cavalerie de l’étoile pourpre. Ils étaient tous morts dans l’assaut ou avaient pris la fuite. Après leur avoir passer dessus, l'étoile pourpre avait avec sa cavalerie, prit par derrière les forces loyalistes. Désormais l'armée royale se retrouvait pris entre l'étoile pourpre et l'armée de Largon. Leur chance de gagner la bataille était pratiquement nulle. Même les chances de faire survivre la moitié des hommes étaient plus que réduite. La chose était là et indéniable, l'étoile pourpre avait gagné la bataille. Et avec elle la guerre.
Ils avaient gagné.
Regardant le spectacle, les fannars poussèrent des cris de joie puis scandèrent les uns après les autres: «L'étoile pourpre! L'étoile pourpre!» Alenna n'en croyait pas ses yeux, ils avaient gagné la bataille. L'armée loyaliste ne pouvait plus se sentir de cet enfer. Ils allaient mourir un à un.
Pourtant la joie laissa rapidement place au doute. Pourquoi étaient-ils là? Pourquoi ne se battaient-ils pas avec le reste de l'armée? Mais elle n'eut pas besoin de se poser la question très longtemps.
«Branle bas de combat, cria Gorden Garste. Les loyalistes nous envoient un comité d'accueil pour reprendre la position. On se bat jusqu'à la mort!»
Les fannars firent volte face et se mirent en posture de combat en criant: «Jusqu'à la mort! Pour l'étoile pourpre!»
Alenna balaya son épée dans le vide et s'approcha de l'escalier qui permettait de monter sur les remparts. Un homme totalement recouvert d’écailles d'acier en émergea. Sans attendre un instant, il balança sa hache en direction d'Alenna. Elle l’esquiva avant d'envoyer sa propre arme en direction de sa tête. La hache du soldat vint bloquer l'attaque et la repoussa en arrière. Il fit un bond et se retrouva sur les remparts obligeant Alenna à se reculer.
Il relança son attaque avec lenteur mais précision. Vif comme un chat, Alenna esciva et lui tailla l'arrière du genoux qui n'était pas protégé. L'homme chuta à terre dans un grognement de douleur, mais à la surprise d'Alenna, il renvoya une nouvelle fois sa hache dans sa direction. L'attaque fut trop rapide, mais par miracle il frappa avec le plat de la lame. Son ventre protégeait pas son armure reçut tout le choc mais poussa Alenna à reculer. Il allait se relever quand l'épée de Hostar lui transperça la crâne par l'arrière. Il fit basculer le corps sur le côté. Et se retourna juste à temps pour stopper une attaque venant d'un autre loyaliste habillé de la même façon que le premier.
Cette fois ci, l'homme balança ses attaques avec une telle précision et rapidité, que Hostar du avoir besoin de son aide pour simplement le faire reculer. Ce fut finalement la hallebarde de Vardlenne qui lui sectionna la tête.
Malgré cela, la plupart des fannars étaient en difficulté. Les assaillants devaient être au plus un cinquantaine, mais pour chaque homme qui tombait un fannar tombait.
Enfin des hommes qui savent se battre, se dit Alenna.
Les choses auraient pu se terminer en un gigantesque massacre entre les deux camps, mais les fannars avaient tout de même un avantage. Les tours étaient à eux. Et elles étaient remplies d'archers et d'arbalétriers. Au bout d'un moment, certes long, les fannars reprirent l'avantage, même si les assaillants se battaient comme des lions.
Alenna tua un premier homme en lui plantant son épée dans la gorge, elle en toucha un second à l’épaule et l’homme fut évacuée par l’un de ses camarades. Vardlenne se battait quant à lui comme un véritable génie dans la matière. Il semblait très bien connaître les failles de ses adversaires, il savait où frapper, mais mieux encore, il semblait connaître à l’avance chaque attaque des ses adversaires même les plus improbables.
Malgré leur ténacité, les renforts étaient en difficulté. Ils perdaient du terrain à chaque instant. Les fannars comprirent rapidement comment les abattre, quelles étaient les failles de leurs armures et leur technique de combat. Alenna se sentit d’un coup comme une enfant, étant incapable de reconnaître le style de combat ou de s’y adapter. Chaque adversaire était difficile à combattre. Elle se rassura en voyant que seule la moitié des fannars arrivait à comprendre les techniques de combat. Ses soldats étaient très doués dans l’art de combattre. Et même si leur nombre faiblissait, celui des fannars faiblissait aussi. Elle se dit que cela devait sûrement être dû au fait qu’ils étaient beaucoup plus fatigués.
Lentement, les fannars poussèrent leur adversaire contre la tour qui les séparait des autres parcelles de remparts. Les fannars se retrouvèrent à se battre coude à coude jusqu’à ce qu'il ne reste plus que quatre soldats. L’un avait une flèche dans la jambe et était soutenue par un homme habillé dans un style totalement différent. Il portait une armure faite principalement de cuir avec un surcot vert rappelant les couleurs de l’Ardenne, et il avait surement du laisser tomber son casque dans les combats laissant apparaître ses cheveux brun et noir descendre à mi hauteur. Le troisième debout était un puissant soldat lui avec des écailles d’acier comme armure avec des cheveux blond lui descendant jusqu’aux épaules. Celui-ci semblait tout aussi fatigué que ses amis mais était prêt à en découdre avec férocité.
Mais ce fut le dernier qui intrigua le plus Alenna. Habillé totalement en noir comme les fannars et n’ayant pour seul arme, deux dagues. Son visage était masqué tout comme celui des fannars avec un bandeau noir. Seuls ses yeux étaient visibles et ils étaient à glacer le sang.
Gorden Garste s’avança. Tout couvert de sang, son noir tirait plutôt à l’écarlate maintenant. Une blessure était aussi visible sur son avant bras droit, le laissant porter son arme avec la main gauche. Il leva son épée en direction de l’homme en vert. «Rendez vous! Vous ne pourrez pas nous survivre. Nous admirons votre assaut, mais il n’a servi à rien. La position est toujours à nous et elle le restera. Vous avez même perdu la bataille. Alors si vous ne voulez pas rejoindre vos amis qui gisent içi, je vous demande de vous rendre.
- Allez vous faire foutre, répondit l’homme blond toujours debout.
- Il n’y a pas de déshonneur à se rendre quand on a perdu, répliqua Gorden sans quitter l’homme en vert des yeux.
- L’honneur n’a rien avoir là dedans, dit l’homme en vert en se relevant. Vous voulez notre rédition? Allez voir en bas des remparts si elle y est.»
Gorden Garste grimaça. Et alors qu’il allait donner l’ordre pour les tuer, l’homme qui ressemblait à un fannar bougea en un éclair. Sans même qu'aucun fannar ne puisse réagir, sa dague se retrouva plantée dans la gorge de leur commandant. Il la retira d’un coup sec et laissa chuter le corps sur le sol à la stupéfaction de tous.
Alenna n’en crut pas ses yeux. Comment a-t-il fait pour bouger aussi vite? se demanda-t-elle. Mais les autres fannars ne laissèrent pas leur stupéfaction prendre aussi facilement le dessus. Trois hommes se jetèrent sur l’assassin de leur capitaine. L’homme esquiva chacune de leurs attaques, et riposta immédiatement. Mais chacune de ses attaques étaient faites pour tuer. Et chacune tua sa cible. Les trois fannars moururent aussi vite qu’il s’était jeté sur l’homme. Puis passant par-dessus leur corps avant même que le troisième n’eut fini de tomber au sol, il trancha la gorge du fannar le plus proche de lui. Tel une ombre, il était impossible à voir arriver. Alenna voulut se jeter sur lui, mais quelqu’un la retint et la tira en arrière. Elle reconnut Vardlenne qui secouait la tête.
L’homme tua un nouveau fannar réduisant leur nombre à quatorze. Il virevolta dans les rangs tranchant avec ses dagues toute la chair humaine qu’il trouvait. En un instant, trois fannars se retrouvèrent au sol à la merci des amis de l’homme.
«Affronte le toi! cria Alenna à Vardlenne. Tu es le meilleur d’entre nous, tu arriveras à le tuer.» Mais Vardlenne secoua de nouveau la tête puis levant son hallebarde, il fit signe à tous les fannars encore vivants de reculer.
Un seul n’obéissa pas à l’indication, et se jeta sur l’homme en hurlant. Mais quand il ne fut plus qu’à deux coudées de lui, l’homme bougea d’un coup et se retrouva juste derrière le fannar. Celui-ci tomba à genoux en saisissant sa gorge où affluer un cascade de sang. L’homme le poussa de son pied pour qu’il s’écrase sur le sol dans une mare de sang.
Alenna s’attendait à ce que Vardlenne ordonne aux dix fannars restants de l’attaquer tous ensemble. Mais l’homme se mit face à eux, offrant une cible parfaite sur son torse. Ses deux dagues s’abaissèrent et il les prit pas le pommeau. Ce fut comme s’il cherchait à leur montrer quelque chose.
Quels que ce fut, Alenna vit les fannars avoir un mouvement de recul. En se tournant vers eux, Alenna vut qu’ils avaient les yeux blanc. C’étaient comme si la vue de ses dagues les terrifiait. Les fannars se jetèrent alors des coups d’œil en hésitant.
Puis Hostar monta sur les créneaux et sauta dans le vide. Il fut immédiatement suivi par l’ensemble du groupe, jusqu’à ce qu’Alenna se retrouve seul avec Vardlenne sur les remparts.
«Saute! lui ordonna Vardlenne.
- Quoi?!
- J’ai dit saute! Je m’occupe de sauter en dernier!
- Mais il…
- C’EST UN ORDRE! cria Vardlenne. Je te suis.»
Alenna hésita, puis poussa un juron avant de monter sur les créneaux et de sauter dans le vide. Elle attrapa une corde qui était suspendue au mur afin de ne pas s’écraser sur le sol. Elle dut la serrer de toutes ses forces afin de ne pas attirer trop vite sur le sol. Elle sentit alors ses dos se déchirer par-dessus la corde. Si bien qu’elle crut perdre ses doigts. Elle atterrit alors sur le sol avec souplesse, puis regarda ses mains en sang. Elle se dit alors qu’elle avait évité le pire, elle regarda alors le haut des remparts, mais ne vit pas Vardlenne. Elle attendit un moment, mais dû battre en retraite à cause des flèches loyalistes qui pleuvaient autour d’elle.
Sur la centaine d'hommes qui était monté sur les remparts, il n’en restait moins d’une dizaine. Alenna rejoignit le reste du groupe. Afin de se mettre hors de portée des flèches.
Elle arriva à la hauteur de Hostar qui soutenait un autre fannar, un certain Olivar. «Pourquoi est-ce que vous avez sauté des remparts d’un coup? On aurait encore pu le tuer. Il nous restait l’avantage du nombre.»
Hostar la regarda avec inquiétude. «Tu n’as pas reconnu ses lames?
- Non, j’aurais dû?»
Hostar secoua la tête en marmonnant. «C’était un Fannar de Sombre-Astre.
- Oui, et alors? Nous aussi, non?
- Tu comprends pas. C’était un SOMBRE-ASTRE. Un véritable. Un assassin. Un tueur. La plus haute sphère des Fannars.»
Alenna en avait entendu parler, mais pour elle c'était plutôt une légende et un idéal pour chaque guerrier fannar. Elle n’en avait jamais vu, et douté d’en voir un jour. «C’est impossible. Il n’existe pas.
- Ce n’est pas parce qu’on n’en voit jamais qu’il n’existe pas. Ils sont bien réels et on vient d’en avoir la preuve sous les yeux.
- C’est sans doute un Fannar, mais pas un véritable Sombre-Astre, il n’existe pas, c’est une légende.»
Hostar aida l’homme qu’il soutenait à se remettre droit pour marcher. «Pourtant si. C’en est bien un. Tu n’as sans doute pas fait attention à ses dagues. Il nous les a mises en évidence pour une bonne raison. Ce sont les dagues qu’ils reçoivent. On dit qu’elle sont faites à partir d'alliage d’argent et de Fann. Mais au-delà. Ses déplacements, il se déplaçait comme une ombre, sans un bruit et avec une rapidité hors-norme. C’en est un.
- Vardlenne se bat aussi de cette façon. Cela ne veut pas dire pour autant que c’est un Sombre-Astre.
- Tu lui as demandé? Non. Nous ne savons rien sur lui. Il pourrait très bien en être un aussi. Et à la voir ça ne m’étonnerait pas.» Il le chercha du regard, mais ne le voyant pas il dévisagea Alenna avec inquiétude.
Sans qu’il n’est besoin de parler, elle comprit la question. «Il m’a dit de descendre des remparts et qu’il me suivrait. Je l’ai attendu mais rien. Il n’est pas descendu.» Le reste de la division la regarda avec un mélange d’étonnement et de peur.
Olivar releva la tête les yeux grands ouverts. «Tu penses qu’il est…» Alenna hocha la tête. «Je doute qu’il ait été un Sombre-Astre lui aussi.»
Le groupe entier baissa la tête. Ils étaient maintenant les derniers rescapés de leur demi-division. Au début de la bataille, ils étaient deux-cent-cinquante. Maintenant ils n’étaient plus que dix, plus les blessés qui avaient été amenés dans les tentes d’infirmerie.
Lentement, le groupe se dirigea vers le campement. Alenna ne compta même pas les pas qu’elle fit. La traversée de la plaine jusqu’au campement lui sembla durer une éternité. Et elle dut durer une éternité puisque quand ils arrivèrent, la nuit semblait prête à tomber.
Alenna se posta en haut d’une tour de bois afin de pouvoir regarder ce qu'il restait de l’immense champ de bataille. Apparemment les troupes loyalistes s’étaient toutes fait massacrer, ou du moins celle qui se trouvait entre Rogar Dorne et l’étoile pourpre. Il ne restait plus aucun homme abordant les couleurs loyalistes. Ni bannière, ni cheval, rien. Seuls rester les quelques Largons, Mitiliens et soldats de l’étoile pourpre, qui avait encore assez d’énergie pour achever les morts et dépouiller leurs cadavres. Lentement les troupes de l’étoile pourpre orientaient celles de Rogar Dorne vers le campement alors que les Mitiliens de leur côté regagner leurs vaisseaux sur le lac. Alenna put tout de même apercevoir la bannière du Roi Charles accroché à celle d’un kraken avec juste en dessous un groupe de Mitiliens qui ne cessait de scander le nom de Darrion Holl.
Le flanc gauche de l’armée royale était sûrement le seul à s’être plutôt bien débrouillé. Les hommes du comte Carval s’étaient repliés sous les remparts couverts par les archers loyalistes, et ils évacuaient avec lenteur par le biais d’échelles ou de toute petite poterne.
Mais le plus impressionnant était la plaine entière recouverte de cadavres et de sang. Alenna aurait pu la confondre avec un marécage de sang, tellement de soldats y était tombés. Ils se comptait par milliers, voire par dizaines de milliers. C’était tout simplement un gigantesque carnage. Les corbeaux et les vautours se posaient déjà sur leur festin. Si nombreux qu’elle ne put les compter.
L’étoile pourpre et Rogar Dorne avaient ordonné à leur armée de revenir dans le campement. Ils obéissaient et avec eux venaient des centaines voire plusieurs milliers de prisonniers. Alenna ne pouvait pas non plus les compter tellement ils étaient nombreux.
En cette journée, des milliers d’âmes avaient quitté la terre, pour un autre monde. Sans même le vouloir, Alenna versa une larme pour tous les amis qu’elle avait perdu dans la bataille. Elle ne pouvait même pas les compter. Ils étaient trop nombreux. Mais le pire, c'était qu’elle ressentait une profonde fierté.
Ils avaient gagné. Pas seulement la bataille, mais aussi la guerre. La campagne venait de s’achever sur l’une des batailles les plus sanglantes du siècle. Les plaines pourpre de la cité d’or.
Elle tourna les talons pour regagner sa tente et trouver le sommeil. La fête de la victoire attendrait le lendemain, elle voulait juste dormir.
Elle se réveilla en sursaut dans les ténèbres de sa tente, sans même se souvenir de ce qu’il lui était arrivé la veille après être retourné à sa tente. Et avait rêvé. Rêver que la bataille n’était qu’un rêve et qu’il fallait recommencer. Mais cette fois elle en était morte.
Elle secoua la tête et se recoucha sur le lit de camp. Ses idées n’étaient pas encore claires. Et n’était plus même sûr d’être dans un rêve ou non. Puis la morsure de froid finit de la réveiller. Elle ne rêvait pas, elle en était certaine. La bataille avait bien eu lieu, ils avaient bien gagné, et elle était bien vivante.
Elle sauta de son lit de camp et enfila ses affaires ainsi que sa ceinture avec son épée pour sortir. Dehors il devait être midi. Mais seule la moitié du camp était réveillée. L’autre moitié avait passé la nuit à s’occuper des blessés et des prisonniers.
L’étoile pourpre n’aimait pas fêter ses victoires, à moins que celle-ci ne soit d’une grande importance et qu’il n’est pas besoin de bouger le lendemain. Et aujourd’hui c’est le cas, pensa Alenna. Ce soir nous allons festoyer comme jamais.
Elle se dirigea vers la tente d’intendance, pensant la trouver remplie, mais il s’avéra que la plupart des hommes qui la fréquentait le matin était morte durant la bataille. Elle trouva les tentes vides de presque toute présence humaine. D’habitude les fannars étaient les premiers à venir y manger mais ce matin, il n’y avait plus de fannars. Ils étaient presque tous morts.
Elle aperçut tout de même Hostar à une table en train de discuter avec un autre fannar ayant le dos tourné. Elle s’avança vers eux quand elle vit l’arme du fannar: une hallebarde noir. C’était Vardlenne. Elle se précipita sur lui alors qu’il se retournait avec un sourire narquois.
«Comment? demanda Alenna en s’asseyant sur le banc de bois. Tu devrais être mort.
- C’est vrai, dit t-il en attrapant un morceau de pain blanc sur la table. J’aurais dû mourir. Mais tu as sans doute oublié une chose.
- Quoi?
- Que je suis le meilleur homme de la division.»
D'habitude, l'arrogance des gens énervait Alenna. Mais Vardlenne lui ne l’était jamais. Au contraire, il préférait rester discret sur ses actes. Comme lorsqu’il avait vaincu le comte Worrl en combat singulier à la bataille de Montgargant. Elle savait qu’il ne soufflerait mot à personne de ce qu’il s’était passé sur le mur après qu’elle n'eût sauté. Elle devait donc abandonner l’idée de connaître la vérité par sa bouche.
Bien que déçue par sa réponse, elle savait que si elle voulait à l’avenir connaître son secret, il valait mieux endormir sa méfiance. Aussi elle ne posa pas plus de question.
«En tout cas, dit Hostar en jetant un regard suspicieux à Alenna, ravie que tu ne sois pas mort. La moitié de la division n’a pas eu la même chance malheureusement.
- On déplore combien de perte? questionna Vardlenne en attrapant une chope de bière.
- Le recensement n’a pas été encore fait, répondit -elle. Mais il ne reste que dix hommes des deux cents cinquante que nous étions au début de la bataille. On ne sait pas encore pour le reste de la division, mais apparemment ils n’ont pas subi beaucoup de pertes. Et bien-sûr il doit y avoir au moins un centaine de blessés dans la division. Après reste à savoir lequel vont survivre.
- Il semblerait même que seule notre division ait subi de grosses pertes, continua Hostar. Les autres divisions de l’armée n’ont perdu qu’une vingtaine d’hommes chacune, et peut-être une centaine de blessés. C’est à peu près proportionnel.
- Oui, ça semble logique, trop logique.» Pour Alenna la bataille n’était pas logique. Pourquoi seul leur bataillon avait subi autant de pertes? Pourquoi avaient-ils dû attaquer le rempart pendant que l’armée faisait une manœuvre d’encerclement? C’était comme si l’étoile pourpre avait fait pour les voir mourir.
Vardlenne dut lire dans ses pensées. Il reposa sa chope et attrapa un nouveau morceau de pain blanc. «Pour moi aussi la bataille est étrange. Mais ce soir, les hommes vont vouloir fêter leur victoire. J’espère que tu viendras avec moi pour te joindre à la fête, nous devrions sûrement avoir les réponses à nos questions.
- Espérons le, répondit-elle. Espérons-le.»
Le soir venu, le campement entier fêta la victoire sur les loyalistes. Chaque sous campement de chaque division avait une rangée de tables avec de la bière à profusion. Tous les campements fêtaient la victoire de l’étoile pourpre, de Rogar Dorne et du kraken vert. L’étoile pourpre avait même autorisé pour la première fois de la campagne, le mélange des hommes de chaque campement. Seule une division de Lémovices devait rester sur les barricades du camp afin de prévenir un cas de sortie des loyalistes. Mais Alenna doutait qu’ils ne fassent une sortie après une telle défaite pourquoi sortiraient-ils?
Elle posa la question à sir Gloster Sombre et sir Maric Raven de la garde pourpre, alors qu’elle les voyait sous une tente. Contre toute attente, les deux chevaliers se souvenaient d’elle ainsi que de Vardlenne, Hostar lui était parti chercher de la bière.
«Les Orois sont fiers, répondit sir Maric. Même s’ils ont perdu la bataille, ils sot assez idiot pour tenter une sortie avec le peu d’homme qui leur reste afin de nous surprendre alors que nous faisons la fête. De la même façon qu’on les a surpris à Montgargant. L’étoile pourpre, lui, reste très prudent. Il ne prendra pas le risque de voir sa campagne brisée alors qu’il vient à peine de la gagner.
- Donc il est possible que les Orois attaquent? demanda Alenna.
- Tout est possible m’a jolie, répondit sir Gloster en souriant. Dis moi tu as prévu quelque chose ce soir?»
Elle l’ignora. Elle regarda Hostar revenir accompagné par sir Glover le verre pichet vide.
«Je paris qu’il va dire qu’il n’y a plus rien à boire.
- Y a plus rien à boire ici, dirent les deux hommes simultanément.»
La table entière, même Vardlenne éclatèrent de rire.
«Vous parliez de quoi? demanda sir Glover en s’asseyant à côté d’elle.
- De la bataille, répondit Vardlenne. Étant donné que nous étions occupés sur les remparts, nous n’avons pas tout compris. Un moment vous n’aviez même pas passé les lignes de l’étoile pourpre. Puis le moment suivant, vous étiez en train d’enculer les loyalistes sur le centre.»
Sir Gloster pouffa de rire. «C’est vrai que tout c’est passé rapidement. Un jolie massacre.
- Pour être honnête avec vous, commença sir Maric Raven. Je doute que l’étoile pourpre avait prévu ça. Au départ, il voulait juste permettre aux Largons d’évacuer la plaine. Le problème c’est que ces cons on vu une masse importante de soldats se rassemblait devant le village. Ils ont cru qu’il était là pour eux et ont débarqué pour les affronter. L’étoile pourpre voulait seulement faire en sorte qu’ils rejoignent le campement sans perte. Puis la bataille a commencé à tourner à la faveur des loyalistes.
- De là où nous étions, nous ne pouvions voir grand-chose, déclara sir Glover. Mais on savait que l’infanterie n’arrivait pas à percer les lignes Rover. De plus, Rogar Dorne était en train de se faire enfoncer sur le centre par des mercenaires engagés par les loyalistes et par les troupes du Roi. L’étoile pourpre savait que vous étiez ses hommes les plus craints après la garde pourpre. Ils vous a donc envoyé sur le mur afin que les loyalistes y envoie en aussi leur meilleurs hommes pour les reprendre. En prime ces cons venait d'engager leurs troupes de réserve en pensant que cela leur ferait gagner la bataille. Grossière erreur. C’est le cavalier de l’empire, sir Petyr Forge qui a vu la faille. Il a prévenu l’étoile pourpre et ensemble ils ont mené en personne la charge pour finir de briser les lignes Rover. Étant donné que la plupart des archers sont morts grâce à vos flèches, ils n’y avaient plus personne dans le bois pour nous empêcher de passer.
- Mais ce n’est pas tout, le coupa sir Maric. On avait un autre atout dans la manche. Et il s’appelait Argenté.» Les visages des chevaliers l’illuminèrent d’un sourire. «Depuis quelques semaines, le comte Argenté a embrassé la cause de l’étoile pourpre. Il a ordonné à ses hommes de faire semblant d’être pour le Roi Charles, mais pendant la bataille ils ont attaqué en premier les piquets qui se trouvaient sur leur flanc droit des loyalistes et qui auraient pu bloquer notre charge. Mine de rien la victoire leur revient.
- Ils ont trahi le Grand-Royaume? demanda Alenna avec stupéfaction.
- Oui, dit sir Gloster. Mais on pense qu’ils voulaient le faire depuis bien longtemps. Tout porte à croire que la moitié du domaine royal complotait pour faire tomber le Roi Charles avant notre arrivée. Le comte Argenté n'a fait que prendre les devants. À vrai dire, personne ne comprend réellement ses motivations. Nous savons que le kraken vert retient l'un de ses fils, mais quand nous l'avons vu, il ne semblait pas en avoir grand chose à faire. Il semble plus vouloir abattre le Roi par... vengeance. Ils le considèrent comme un psychopathe.
- Un psychopathe... comme le kraken vert? demanda Alenna.»
Les hommes se regardèrent mal à l'aise. Puis il secouèrent la tête. «Oui et non, répondit Gloster. C'est plus difficile à expliquer. Beaucoup plus difficile. Mais changeons de sujet. Nous avons fait plus de deux mille prisonniers. La plupart appartiennent à l'étoile pourpre. Cela va nous valoir une rançon colossale. Et ça c'est sans compter le prix qu'il va demander pour la levée du siège.»
Alenna fut troublé. Elle pensait que l'étoile pourpre voulait voir le trône sien. Au lieu de cela il demandait une rançon pour la fin de la guerre? «Je pensais que les accords de paix étaient tout autres, dit-elle. Vous êtes en train de nous dire qu'il va lever le siège pour une poignée de pièces d'or?»
Sir Gloster se gratta la barbe. «Pas tout à fait. À vrai dire, l'étoile pourpre savait que ses conditions de paix ne seraient jamais acceptées. C'est pour ça qu'il les a demandés. Quelque soit les conditions, de toute façon le Roi Charles n'aurait pas accepté. Non, non. L'étoile pourpre voulait une dernière bataille. Cette bataille. Celle qui finirait de mettre à genoux le Grand-Royaume. Et même maintenant qu'il a perdu pour de bon la guerre, le Roi Charles n'acceptera jamais de déposer sa couronne. Mais il sera plus enclin à une proposition de rançon, même si celle-ci est colossale.
- Donc tout cela n'était encore qu'une machination de l'étoile pourpre, demanda Vardlenne.
- Et du chuchoteur de l'empire, oui. Encore une machination. Personne n'était au courant, mais nous avons tôt fait de le découvrir. L'étoile pourpre fait exprès de laisser des indices derrière lui. À ce jeu, il excelle. Le chuchoteur de l'empire aussi. À eux deux, ils prévoient des plans, des intrigues, des complots. L'étoile pourpre n'a aucune vue sur le Grand-Royaume... enfin pour l'instant. Non, pour l'instant, il se préoccupe plus du sud. Or aller dans le sud, cela ne se fait pas sans guerre. Et la guerre... ça coûte chers, très chers.» Sir Gloster attrapa une chope de bière posée sur la table et grimaça en la voyant vide. Il la reposa en jurant. «S'il veut que nous restions combattre, il va lui falloir un peu plus que des promesses. L'or marche très souvent. Vraiment très souvent. Envahir le Grand-Royaume ne servait qu'à une chose...
- Prendre de l'argent là où il y en a, comprit Alenna.
- Exact, dit sir Gloster. Tu es sûr que tu ne fais rien ce soir?»
Alenna se leva en crachant par terre, ce qui fit rire tous les hommes à table. «Vous m'excuserez, je vais chercher la compagnie d'autres hommes que vous. Peut-être un peu moins soul.»
Elle enjamba le ban et partit de la fête. Effectivement elle avait besoin de trouver un homme, mais pas l'un des chevaliers de l'étoile pourpre. Elle se dirigea donc vers le quartier du commandement. Elle savait que celui-ci serait plein d'officier qui refuserait de la laisser passer mais elle avait besoin de voir Aymar.
Le campement entier, sauf la division qui montait la garde, était en fête. La victoire la plus belle de la campagne. Jamais l'étoile pourpre n'avait paru tel succès. Aussi les hommes avaient besoin de fêter ça. Partout on rigolait, on buvait, on chantait, on dansait, on fêtait la plus grande victoire et sûrement la fin de la campagne.
Alenna dut remonter le flanc de la colline pour pouvoir atteindre le camp des officiers de l'étoile pourpre et de la première division. Là, il n'y avait pas beaucoup d'hommes. La fête avait bien lieu, mais il semblerait qu'elle ait lieu à comité réduit. Pas très étonnant que les hommes de la garde pourpre soit aller dans notre campement, se dit-t-elle.
Des capes écarlates montaient la garde et empêchaient quiconque de passer. Alenna releva la tête et pris une tête sérieuse pour bien montrer qu'elle n'était pas soul contrairement à la plupart des hommes que les gardes repoussaient. Elle s'approcha d’une entrée et attendit qu'un garde la remarque. L'homme se posta devant elle de manière à lui interdire le passage.
«Je viens rejoindre Daymar. Faites le venir et il le confirmera.
- Personne ne passe, dit l'homme. Ordre de l'étoile pourpre. C'est peut-être la fête pour vous, mais pas pour lui.
- A bon? Pourtant je crois bien qu'ils sont en train de fêter la victoire là.» Elle indiqua la tente où avait lieu la fête.
Le garde soupira puis fit signe à un homme derrière lui d'aller chercher l'amant d'Alenna.
Elle sourit en se disant qu'elle serait bientôt sous des couvertures alors que le froid de la nuit était en train de lui mordre la peau. Un instant plus tard, Daymar apparu en armure de la garde pourpre. Le garde allait ouvrir la bouche, mais il lui fit signe de se taire. Il dévisagea Alenna en silence puis fit signe aux quelques gardes présents de partir. À la stupéfaction d'Alenna, ils lui obéirent sans broncher. Les hommes se dispèrent en les laissant seuls.
«Heureux de voir que tu es encore en vie, commença Daymar le visage impassible.
- Je t'ai cherché sur le champ de bataille, dit Alenna. Mais je ne t'y ai pas vu. Y étais tu seulement?
- Oui, mais pas là où tu pouvais me voir. J'étais plus en arrière sur la ligne. À un endroit où tu n'aurais pas pu me voir.
- Tu parles comme si tu savais exactement où j'étais à chaque instant.
- Et c'était le cas. Je savais très bien où était la division de fannars. On dit que peu d'entre vous s'en sont sortis, est ce vrai?
- Oui. C'était une boucherie. Sur la plaine comme sur les remparts.
- Combien?» Sa voix était froide. Et ses yeux l'étaient encore plus. Mais cela attirait encore plus Alenna.
Elle fit un pas vers lui, mais il recula immédiatement. «Combien? Combien reste-il de fannars?»
Sans se soucier de savoir pourquoi il posait la question, elle répondit: «Environ quinze. À condition seulement que je compte les blessés. Seule une dizaine d'hommes peuvent encore se battre. Les dix meilleurs cela va de soi.
- Ou les dix plus lâches.
- Qu'est ce que tu veux dire?» Là, elle le trouvait vraiment étrange. D'habitude, il l’aurait déjà emmené dans sa chambre. Enfin c'était surtout ce qu'elle s'était imaginé en venant. C'était tout le temps elle qui venait dans son lit.
Il soupira. «Rien. Je cherche juste à savoir.» Il se redressa et afficha un visage désolé. «Je m'excuse. Je dois assurer le transfert des prisonniers du kraken vert dans la cité d'or pour demain dès l'aube.
- En quoi cela te concerne?
- Darrion Holl en a torturé un bon nombre. Mais il n'a pas pensé à leur poser des questions. Une brute sans cervelle. Un boucher, rien de plus. Ils doivent sûrement avoir des informations importantes. Et au-delà, je… je dois m'occuper de tout ça. Je ne vais sûrement pas dormir cette nuit. Je m'excuse.» Il tourna alors les talons la laissant là.
Il commençait à se diriger vers le foyer quand elle l’interpella: «Attends j'ai une question à te poser!»
Il se stoppa et se tourna. «Fais vite alors.
- Qu'est ce que tu penses de l'étoile pourpre?
- Comment ça?
- Je veux que tu me donnes ton avis sur cet homme. Tu me dois bien ça, non?»
Il grimaça et se rapprocha d'elle. Arrivé à quelques pas d'elle, il la regarda dans les yeux. Des yeux verts magnifiques.
«J'étais là. À Termor, j'étais là. J'ai vu le massacre de la ville. Le siège durait depuis plusieurs mois. Les hommes n'en pouvaient plus. Les murailles ne voulaient pas céder, les défenseurs tenaient les murs avec une telle conviction. Puis les murs sont tombés. Il aurait très bien pu se contenter de massacrer la garnison. Trouver le prince de la ville et le tuer. Mais non. Il a choisi une autre vie. Et pourquoi? Parce qu'il était fatigué. Parce qu'il était blessé et incapable de retenir une armée de fous. L'étoile pourpre porte bien son nom. Il a le sang de plusieurs dizaines de milliers de gens sur les mains. Des femmes, des enfants, tous. Ils sont tous morts. Il n'y a pas eu un seul survivant. La cité à d'abord était noyée dans un torrent de sang, puis sous une mer de feu.» Il s'arrêta. «L'étoile pourpre n'est qu'un boucher. Tu le suis parce que tu crois en lui. Mais en réalité tu le suies pour la gloire. Mais laisse moi te poser la question: combien de vies humaines es tu prêtes à donner pour avoir la gloire et un nom qui résonne à travers les siècles.»
Il la dévisagea un moment puis partit.
Alenna resta un moment à le regarder partir. Puis lorsqu'elle le perdit dans la foule près du foyer, elle s'en alla.
Jamais elle n'avait entendu quelqu'un dire cela de l'étoile pourpre. Elle espérait que personne n'avait entendu. C'était de la trahison pure et simple.
Elle marcha un moment dans le noir de la nuit sans se savoir où elle allait. La direction n'avait pas d'importance, elle n'en avait aucune. Elle n'arrêtait pas de penser à ses mots. C'était comme s'il semblait être sur le point d'éclater en sanglots.
Sans comprendre comment elle se retrouva au milieu du camp de la huitième division, la division de hommes du désert. Les hommes étaient pour la plupart soul autour d'elle mais elle n'en avait rien à faire. Puis l'un d'entre eux se posta devant elle. Alenna releva la tête et reconnut Zechariad qui la dévisageait. Il allait ouvrir la bouche quand elle le stoppa.
«Non, dit-elle. Évitons de parler. C'est mieux comme ça.»
Il hocha la tête et sourit maladroitement en lui attrapant la main. Puis ils allèrent ensemble vers sa tente.
Les murs n’avaient pas été long à escalader. Les archers loyalistes étaient peu nombreux, bien que plus que sur les autres remparts. Alenna avait perdu des camarades dans l’escalade, mais un grand nombre avait su esquiver les flèches et mettre pied sur les remparts. Là, ils avaient pu enfin montrer leur dons dans l’art de combattre.
Elle enjamba le cadavre qui se trouvé à ses pieds. Le corps encore chaud d’un milicien de la cité d’or. La cape dorée était recouverte de sang frais. Les casques défonçaient par le coup d’une masse, et le corps tailladé de toute part. Le fannar qui s’était occupé de lui régler son compte, s’était acharné comme un fou sur lui. Sa main était encore agrippé sur la garde de son épée, comme s’il voulait la saisir un dernier instant avant de mourir. Mais la faux de Hell l’avait touché juste avant.
Elle jeta un regard circulaire sur les remparts afin de vérifier qu’il ne restait aucun loyaliste, mais rien. Les derniers hommes debout étaient des fannars. Tous habillé en noir. Cape, acier de l’épée, manche, cuirasse, cuir, tout était noir. Leur couleur.
Gorden Garste se trouvait juste devant elle. Elle fit un pas en avant pour se mettre à sa droite. Elle baissa le bandeau qu’il lui masquait les lèvres et posa la pointe de son épée au sol. «Il n’y a plus âme loyaliste sur ce mur, dit-elle. Commandant quels sont les ordres?»
L’homme poussa un grognement. «On attend. Pas de précipitation, voilà les ordres.
- Mais l’étoile pourpre ne nous à pas fait escalader ce rempart sans raison.»
Le visage du commandant se durcit. Alenna vit une expression qu’elle connaissait. Elle ne pourrait rien d’autre en tirer. Le commandant n’en savait sûrement pas plus qu’elle.
Alenna chercha alors Vardlenne et le trouva en train d’essuyer la lame de son hallebarde sur la cape dorée d’un milicien. «Combien de morts pour la journée?” demanda-t-elle.
L’homme leva le regard vers elle. Des yeux noir. «Ça dépend. On compte ceux fait dans la plaine.
- Bien sûr que non.
- Aucune idée, répondit-il. Moins que si je comptais avec ceux que j’ai fait dans la plaine.
- Charmant. Je pensais que sitôt le mur pris, on aurait attaqué la ville. Mais il semblerait que les ordres soient d’attendre.
- En effet c’est plus que probable.»
Alenna se tourna vers lui, déconcerté. «Comment ça?»
Vardlenne poussa un profonde inspiration et se releva. Sa lame se miroitant dans les éclats de soleil, renvoyant la lumière dans les yeux d’Alenna. Elle dut vers un pas en arrière pour voir correctement.
«Les hommes sont épuisés après l’effort de l’escalade et des combats sur le rempart, dit Vardlenne. Bien que je pense que l’étoile pourpre se fiche de savoir si nous allons vivre ou mourir. Il doit nous tenir ici pour tenir le rempart. Enfin, ça s'est s’il veut s’attaquer au reste du mur ou à la ville. Mais à en croire les mouvements de troupe...» Il désigna la plaine derrière lui. «… il ne semble pas prêt de s’attaquer à la ville.»
L’incompréhension s’entrechoqua dans sa tête. Elle se tourna pour aller devant les créneaux et regarda les mouvements de troupes de l’étoile pourpre. Elle n’en crut pas ses yeux. Il ne pouvait y avoir autant de mouvement pendant leur combat sur les remparts.
L’assaut des fantassins sur les troupes Rover, les tirs des archers dans le bois. Tout cela n’était qu’une préparation à l’assaut de l’étoile pourpre. Le véritable assaut.
«J’imagine que tu ne l’as pas entendu, dit Vardlenne en se posant à côté d’elle. Le cor de l’étoile pourpre à sonné. Et voilà le résultat. Voilà l’œuvre du prince des batailles. Encore une fois il a accompli l’impossible.»
L’armée loyaliste était pris en le marteaux et l’enclume. Ces idiots de loyalistes pensaient avoir l’avantage et avait poussé toutes leurs troupes dans la mêlée. Mais cela avait été une erreur fatale. L’erreur que l’étoile pourpre attendait. Les trois quarts de ses forces étaient maintenant déployés derrière l’imposante ligne de loyalistes s’étendant du bois à la grande porte. Seul le comte Carval et son flan n'étaient pas encerclés. Là où devait se trouver les troupes Rover, il ne restait plus qu’une immense étendue de cadavre abordant les couleurs de l’ancien conseiller et d’autres loyalistes. Les troupes de ce front étaient trop épuisées par les récents combats, pour avoir pu repoussé la cavalerie de l’étoile pourpre. Ils étaient tous morts dans l’assaut ou avaient pris la fuite. Après leur avoir passer dessus, l'étoile pourpre avait avec sa cavalerie, prit par derrière les forces loyalistes. Désormais l'armée royale se retrouvait pris entre l'étoile pourpre et l'armée de Largon. Leur chance de gagner la bataille était pratiquement nulle. Même les chances de faire survivre la moitié des hommes étaient plus que réduite. La chose était là et indéniable, l'étoile pourpre avait gagné la bataille. Et avec elle la guerre.
Ils avaient gagné.
Regardant le spectacle, les fannars poussèrent des cris de joie puis scandèrent les uns après les autres: «L'étoile pourpre! L'étoile pourpre!» Alenna n'en croyait pas ses yeux, ils avaient gagné la bataille. L'armée loyaliste ne pouvait plus se sentir de cet enfer. Ils allaient mourir un à un.
Pourtant la joie laissa rapidement place au doute. Pourquoi étaient-ils là? Pourquoi ne se battaient-ils pas avec le reste de l'armée? Mais elle n'eut pas besoin de se poser la question très longtemps.
«Branle bas de combat, cria Gorden Garste. Les loyalistes nous envoient un comité d'accueil pour reprendre la position. On se bat jusqu'à la mort!»
Les fannars firent volte face et se mirent en posture de combat en criant: «Jusqu'à la mort! Pour l'étoile pourpre!»
Alenna balaya son épée dans le vide et s'approcha de l'escalier qui permettait de monter sur les remparts. Un homme totalement recouvert d’écailles d'acier en émergea. Sans attendre un instant, il balança sa hache en direction d'Alenna. Elle l’esquiva avant d'envoyer sa propre arme en direction de sa tête. La hache du soldat vint bloquer l'attaque et la repoussa en arrière. Il fit un bond et se retrouva sur les remparts obligeant Alenna à se reculer.
Il relança son attaque avec lenteur mais précision. Vif comme un chat, Alenna esciva et lui tailla l'arrière du genoux qui n'était pas protégé. L'homme chuta à terre dans un grognement de douleur, mais à la surprise d'Alenna, il renvoya une nouvelle fois sa hache dans sa direction. L'attaque fut trop rapide, mais par miracle il frappa avec le plat de la lame. Son ventre protégeait pas son armure reçut tout le choc mais poussa Alenna à reculer. Il allait se relever quand l'épée de Hostar lui transperça la crâne par l'arrière. Il fit basculer le corps sur le côté. Et se retourna juste à temps pour stopper une attaque venant d'un autre loyaliste habillé de la même façon que le premier.
Cette fois ci, l'homme balança ses attaques avec une telle précision et rapidité, que Hostar du avoir besoin de son aide pour simplement le faire reculer. Ce fut finalement la hallebarde de Vardlenne qui lui sectionna la tête.
Malgré cela, la plupart des fannars étaient en difficulté. Les assaillants devaient être au plus un cinquantaine, mais pour chaque homme qui tombait un fannar tombait.
Enfin des hommes qui savent se battre, se dit Alenna.
Les choses auraient pu se terminer en un gigantesque massacre entre les deux camps, mais les fannars avaient tout de même un avantage. Les tours étaient à eux. Et elles étaient remplies d'archers et d'arbalétriers. Au bout d'un moment, certes long, les fannars reprirent l'avantage, même si les assaillants se battaient comme des lions.
Alenna tua un premier homme en lui plantant son épée dans la gorge, elle en toucha un second à l’épaule et l’homme fut évacuée par l’un de ses camarades. Vardlenne se battait quant à lui comme un véritable génie dans la matière. Il semblait très bien connaître les failles de ses adversaires, il savait où frapper, mais mieux encore, il semblait connaître à l’avance chaque attaque des ses adversaires même les plus improbables.
Malgré leur ténacité, les renforts étaient en difficulté. Ils perdaient du terrain à chaque instant. Les fannars comprirent rapidement comment les abattre, quelles étaient les failles de leurs armures et leur technique de combat. Alenna se sentit d’un coup comme une enfant, étant incapable de reconnaître le style de combat ou de s’y adapter. Chaque adversaire était difficile à combattre. Elle se rassura en voyant que seule la moitié des fannars arrivait à comprendre les techniques de combat. Ses soldats étaient très doués dans l’art de combattre. Et même si leur nombre faiblissait, celui des fannars faiblissait aussi. Elle se dit que cela devait sûrement être dû au fait qu’ils étaient beaucoup plus fatigués.
Lentement, les fannars poussèrent leur adversaire contre la tour qui les séparait des autres parcelles de remparts. Les fannars se retrouvèrent à se battre coude à coude jusqu’à ce qu'il ne reste plus que quatre soldats. L’un avait une flèche dans la jambe et était soutenue par un homme habillé dans un style totalement différent. Il portait une armure faite principalement de cuir avec un surcot vert rappelant les couleurs de l’Ardenne, et il avait surement du laisser tomber son casque dans les combats laissant apparaître ses cheveux brun et noir descendre à mi hauteur. Le troisième debout était un puissant soldat lui avec des écailles d’acier comme armure avec des cheveux blond lui descendant jusqu’aux épaules. Celui-ci semblait tout aussi fatigué que ses amis mais était prêt à en découdre avec férocité.
Mais ce fut le dernier qui intrigua le plus Alenna. Habillé totalement en noir comme les fannars et n’ayant pour seul arme, deux dagues. Son visage était masqué tout comme celui des fannars avec un bandeau noir. Seuls ses yeux étaient visibles et ils étaient à glacer le sang.
Gorden Garste s’avança. Tout couvert de sang, son noir tirait plutôt à l’écarlate maintenant. Une blessure était aussi visible sur son avant bras droit, le laissant porter son arme avec la main gauche. Il leva son épée en direction de l’homme en vert. «Rendez vous! Vous ne pourrez pas nous survivre. Nous admirons votre assaut, mais il n’a servi à rien. La position est toujours à nous et elle le restera. Vous avez même perdu la bataille. Alors si vous ne voulez pas rejoindre vos amis qui gisent içi, je vous demande de vous rendre.
- Allez vous faire foutre, répondit l’homme blond toujours debout.
- Il n’y a pas de déshonneur à se rendre quand on a perdu, répliqua Gorden sans quitter l’homme en vert des yeux.
- L’honneur n’a rien avoir là dedans, dit l’homme en vert en se relevant. Vous voulez notre rédition? Allez voir en bas des remparts si elle y est.»
Gorden Garste grimaça. Et alors qu’il allait donner l’ordre pour les tuer, l’homme qui ressemblait à un fannar bougea en un éclair. Sans même qu'aucun fannar ne puisse réagir, sa dague se retrouva plantée dans la gorge de leur commandant. Il la retira d’un coup sec et laissa chuter le corps sur le sol à la stupéfaction de tous.
Alenna n’en crut pas ses yeux. Comment a-t-il fait pour bouger aussi vite? se demanda-t-elle. Mais les autres fannars ne laissèrent pas leur stupéfaction prendre aussi facilement le dessus. Trois hommes se jetèrent sur l’assassin de leur capitaine. L’homme esquiva chacune de leurs attaques, et riposta immédiatement. Mais chacune de ses attaques étaient faites pour tuer. Et chacune tua sa cible. Les trois fannars moururent aussi vite qu’il s’était jeté sur l’homme. Puis passant par-dessus leur corps avant même que le troisième n’eut fini de tomber au sol, il trancha la gorge du fannar le plus proche de lui. Tel une ombre, il était impossible à voir arriver. Alenna voulut se jeter sur lui, mais quelqu’un la retint et la tira en arrière. Elle reconnut Vardlenne qui secouait la tête.
L’homme tua un nouveau fannar réduisant leur nombre à quatorze. Il virevolta dans les rangs tranchant avec ses dagues toute la chair humaine qu’il trouvait. En un instant, trois fannars se retrouvèrent au sol à la merci des amis de l’homme.
«Affronte le toi! cria Alenna à Vardlenne. Tu es le meilleur d’entre nous, tu arriveras à le tuer.» Mais Vardlenne secoua de nouveau la tête puis levant son hallebarde, il fit signe à tous les fannars encore vivants de reculer.
Un seul n’obéissa pas à l’indication, et se jeta sur l’homme en hurlant. Mais quand il ne fut plus qu’à deux coudées de lui, l’homme bougea d’un coup et se retrouva juste derrière le fannar. Celui-ci tomba à genoux en saisissant sa gorge où affluer un cascade de sang. L’homme le poussa de son pied pour qu’il s’écrase sur le sol dans une mare de sang.
Alenna s’attendait à ce que Vardlenne ordonne aux dix fannars restants de l’attaquer tous ensemble. Mais l’homme se mit face à eux, offrant une cible parfaite sur son torse. Ses deux dagues s’abaissèrent et il les prit pas le pommeau. Ce fut comme s’il cherchait à leur montrer quelque chose.
Quels que ce fut, Alenna vit les fannars avoir un mouvement de recul. En se tournant vers eux, Alenna vut qu’ils avaient les yeux blanc. C’étaient comme si la vue de ses dagues les terrifiait. Les fannars se jetèrent alors des coups d’œil en hésitant.
Puis Hostar monta sur les créneaux et sauta dans le vide. Il fut immédiatement suivi par l’ensemble du groupe, jusqu’à ce qu’Alenna se retrouve seul avec Vardlenne sur les remparts.
«Saute! lui ordonna Vardlenne.
- Quoi?!
- J’ai dit saute! Je m’occupe de sauter en dernier!
- Mais il…
- C’EST UN ORDRE! cria Vardlenne. Je te suis.»
Alenna hésita, puis poussa un juron avant de monter sur les créneaux et de sauter dans le vide. Elle attrapa une corde qui était suspendue au mur afin de ne pas s’écraser sur le sol. Elle dut la serrer de toutes ses forces afin de ne pas attirer trop vite sur le sol. Elle sentit alors ses dos se déchirer par-dessus la corde. Si bien qu’elle crut perdre ses doigts. Elle atterrit alors sur le sol avec souplesse, puis regarda ses mains en sang. Elle se dit alors qu’elle avait évité le pire, elle regarda alors le haut des remparts, mais ne vit pas Vardlenne. Elle attendit un moment, mais dû battre en retraite à cause des flèches loyalistes qui pleuvaient autour d’elle.
Sur la centaine d'hommes qui était monté sur les remparts, il n’en restait moins d’une dizaine. Alenna rejoignit le reste du groupe. Afin de se mettre hors de portée des flèches.
Elle arriva à la hauteur de Hostar qui soutenait un autre fannar, un certain Olivar. «Pourquoi est-ce que vous avez sauté des remparts d’un coup? On aurait encore pu le tuer. Il nous restait l’avantage du nombre.»
Hostar la regarda avec inquiétude. «Tu n’as pas reconnu ses lames?
- Non, j’aurais dû?»
Hostar secoua la tête en marmonnant. «C’était un Fannar de Sombre-Astre.
- Oui, et alors? Nous aussi, non?
- Tu comprends pas. C’était un SOMBRE-ASTRE. Un véritable. Un assassin. Un tueur. La plus haute sphère des Fannars.»
Alenna en avait entendu parler, mais pour elle c'était plutôt une légende et un idéal pour chaque guerrier fannar. Elle n’en avait jamais vu, et douté d’en voir un jour. «C’est impossible. Il n’existe pas.
- Ce n’est pas parce qu’on n’en voit jamais qu’il n’existe pas. Ils sont bien réels et on vient d’en avoir la preuve sous les yeux.
- C’est sans doute un Fannar, mais pas un véritable Sombre-Astre, il n’existe pas, c’est une légende.»
Hostar aida l’homme qu’il soutenait à se remettre droit pour marcher. «Pourtant si. C’en est bien un. Tu n’as sans doute pas fait attention à ses dagues. Il nous les a mises en évidence pour une bonne raison. Ce sont les dagues qu’ils reçoivent. On dit qu’elle sont faites à partir d'alliage d’argent et de Fann. Mais au-delà. Ses déplacements, il se déplaçait comme une ombre, sans un bruit et avec une rapidité hors-norme. C’en est un.
- Vardlenne se bat aussi de cette façon. Cela ne veut pas dire pour autant que c’est un Sombre-Astre.
- Tu lui as demandé? Non. Nous ne savons rien sur lui. Il pourrait très bien en être un aussi. Et à la voir ça ne m’étonnerait pas.» Il le chercha du regard, mais ne le voyant pas il dévisagea Alenna avec inquiétude.
Sans qu’il n’est besoin de parler, elle comprit la question. «Il m’a dit de descendre des remparts et qu’il me suivrait. Je l’ai attendu mais rien. Il n’est pas descendu.» Le reste de la division la regarda avec un mélange d’étonnement et de peur.
Olivar releva la tête les yeux grands ouverts. «Tu penses qu’il est…» Alenna hocha la tête. «Je doute qu’il ait été un Sombre-Astre lui aussi.»
Le groupe entier baissa la tête. Ils étaient maintenant les derniers rescapés de leur demi-division. Au début de la bataille, ils étaient deux-cent-cinquante. Maintenant ils n’étaient plus que dix, plus les blessés qui avaient été amenés dans les tentes d’infirmerie.
Lentement, le groupe se dirigea vers le campement. Alenna ne compta même pas les pas qu’elle fit. La traversée de la plaine jusqu’au campement lui sembla durer une éternité. Et elle dut durer une éternité puisque quand ils arrivèrent, la nuit semblait prête à tomber.
Alenna se posta en haut d’une tour de bois afin de pouvoir regarder ce qu'il restait de l’immense champ de bataille. Apparemment les troupes loyalistes s’étaient toutes fait massacrer, ou du moins celle qui se trouvait entre Rogar Dorne et l’étoile pourpre. Il ne restait plus aucun homme abordant les couleurs loyalistes. Ni bannière, ni cheval, rien. Seuls rester les quelques Largons, Mitiliens et soldats de l’étoile pourpre, qui avait encore assez d’énergie pour achever les morts et dépouiller leurs cadavres. Lentement les troupes de l’étoile pourpre orientaient celles de Rogar Dorne vers le campement alors que les Mitiliens de leur côté regagner leurs vaisseaux sur le lac. Alenna put tout de même apercevoir la bannière du Roi Charles accroché à celle d’un kraken avec juste en dessous un groupe de Mitiliens qui ne cessait de scander le nom de Darrion Holl.
Le flanc gauche de l’armée royale était sûrement le seul à s’être plutôt bien débrouillé. Les hommes du comte Carval s’étaient repliés sous les remparts couverts par les archers loyalistes, et ils évacuaient avec lenteur par le biais d’échelles ou de toute petite poterne.
Mais le plus impressionnant était la plaine entière recouverte de cadavres et de sang. Alenna aurait pu la confondre avec un marécage de sang, tellement de soldats y était tombés. Ils se comptait par milliers, voire par dizaines de milliers. C’était tout simplement un gigantesque carnage. Les corbeaux et les vautours se posaient déjà sur leur festin. Si nombreux qu’elle ne put les compter.
L’étoile pourpre et Rogar Dorne avaient ordonné à leur armée de revenir dans le campement. Ils obéissaient et avec eux venaient des centaines voire plusieurs milliers de prisonniers. Alenna ne pouvait pas non plus les compter tellement ils étaient nombreux.
En cette journée, des milliers d’âmes avaient quitté la terre, pour un autre monde. Sans même le vouloir, Alenna versa une larme pour tous les amis qu’elle avait perdu dans la bataille. Elle ne pouvait même pas les compter. Ils étaient trop nombreux. Mais le pire, c'était qu’elle ressentait une profonde fierté.
Ils avaient gagné. Pas seulement la bataille, mais aussi la guerre. La campagne venait de s’achever sur l’une des batailles les plus sanglantes du siècle. Les plaines pourpre de la cité d’or.
Elle tourna les talons pour regagner sa tente et trouver le sommeil. La fête de la victoire attendrait le lendemain, elle voulait juste dormir.
Elle se réveilla en sursaut dans les ténèbres de sa tente, sans même se souvenir de ce qu’il lui était arrivé la veille après être retourné à sa tente. Et avait rêvé. Rêver que la bataille n’était qu’un rêve et qu’il fallait recommencer. Mais cette fois elle en était morte.
Elle secoua la tête et se recoucha sur le lit de camp. Ses idées n’étaient pas encore claires. Et n’était plus même sûr d’être dans un rêve ou non. Puis la morsure de froid finit de la réveiller. Elle ne rêvait pas, elle en était certaine. La bataille avait bien eu lieu, ils avaient bien gagné, et elle était bien vivante.
Elle sauta de son lit de camp et enfila ses affaires ainsi que sa ceinture avec son épée pour sortir. Dehors il devait être midi. Mais seule la moitié du camp était réveillée. L’autre moitié avait passé la nuit à s’occuper des blessés et des prisonniers.
L’étoile pourpre n’aimait pas fêter ses victoires, à moins que celle-ci ne soit d’une grande importance et qu’il n’est pas besoin de bouger le lendemain. Et aujourd’hui c’est le cas, pensa Alenna. Ce soir nous allons festoyer comme jamais.
Elle se dirigea vers la tente d’intendance, pensant la trouver remplie, mais il s’avéra que la plupart des hommes qui la fréquentait le matin était morte durant la bataille. Elle trouva les tentes vides de presque toute présence humaine. D’habitude les fannars étaient les premiers à venir y manger mais ce matin, il n’y avait plus de fannars. Ils étaient presque tous morts.
Elle aperçut tout de même Hostar à une table en train de discuter avec un autre fannar ayant le dos tourné. Elle s’avança vers eux quand elle vit l’arme du fannar: une hallebarde noir. C’était Vardlenne. Elle se précipita sur lui alors qu’il se retournait avec un sourire narquois.
«Comment? demanda Alenna en s’asseyant sur le banc de bois. Tu devrais être mort.
- C’est vrai, dit t-il en attrapant un morceau de pain blanc sur la table. J’aurais dû mourir. Mais tu as sans doute oublié une chose.
- Quoi?
- Que je suis le meilleur homme de la division.»
D'habitude, l'arrogance des gens énervait Alenna. Mais Vardlenne lui ne l’était jamais. Au contraire, il préférait rester discret sur ses actes. Comme lorsqu’il avait vaincu le comte Worrl en combat singulier à la bataille de Montgargant. Elle savait qu’il ne soufflerait mot à personne de ce qu’il s’était passé sur le mur après qu’elle n'eût sauté. Elle devait donc abandonner l’idée de connaître la vérité par sa bouche.
Bien que déçue par sa réponse, elle savait que si elle voulait à l’avenir connaître son secret, il valait mieux endormir sa méfiance. Aussi elle ne posa pas plus de question.
«En tout cas, dit Hostar en jetant un regard suspicieux à Alenna, ravie que tu ne sois pas mort. La moitié de la division n’a pas eu la même chance malheureusement.
- On déplore combien de perte? questionna Vardlenne en attrapant une chope de bière.
- Le recensement n’a pas été encore fait, répondit -elle. Mais il ne reste que dix hommes des deux cents cinquante que nous étions au début de la bataille. On ne sait pas encore pour le reste de la division, mais apparemment ils n’ont pas subi beaucoup de pertes. Et bien-sûr il doit y avoir au moins un centaine de blessés dans la division. Après reste à savoir lequel vont survivre.
- Il semblerait même que seule notre division ait subi de grosses pertes, continua Hostar. Les autres divisions de l’armée n’ont perdu qu’une vingtaine d’hommes chacune, et peut-être une centaine de blessés. C’est à peu près proportionnel.
- Oui, ça semble logique, trop logique.» Pour Alenna la bataille n’était pas logique. Pourquoi seul leur bataillon avait subi autant de pertes? Pourquoi avaient-ils dû attaquer le rempart pendant que l’armée faisait une manœuvre d’encerclement? C’était comme si l’étoile pourpre avait fait pour les voir mourir.
Vardlenne dut lire dans ses pensées. Il reposa sa chope et attrapa un nouveau morceau de pain blanc. «Pour moi aussi la bataille est étrange. Mais ce soir, les hommes vont vouloir fêter leur victoire. J’espère que tu viendras avec moi pour te joindre à la fête, nous devrions sûrement avoir les réponses à nos questions.
- Espérons le, répondit-elle. Espérons-le.»
Le soir venu, le campement entier fêta la victoire sur les loyalistes. Chaque sous campement de chaque division avait une rangée de tables avec de la bière à profusion. Tous les campements fêtaient la victoire de l’étoile pourpre, de Rogar Dorne et du kraken vert. L’étoile pourpre avait même autorisé pour la première fois de la campagne, le mélange des hommes de chaque campement. Seule une division de Lémovices devait rester sur les barricades du camp afin de prévenir un cas de sortie des loyalistes. Mais Alenna doutait qu’ils ne fassent une sortie après une telle défaite pourquoi sortiraient-ils?
Elle posa la question à sir Gloster Sombre et sir Maric Raven de la garde pourpre, alors qu’elle les voyait sous une tente. Contre toute attente, les deux chevaliers se souvenaient d’elle ainsi que de Vardlenne, Hostar lui était parti chercher de la bière.
«Les Orois sont fiers, répondit sir Maric. Même s’ils ont perdu la bataille, ils sot assez idiot pour tenter une sortie avec le peu d’homme qui leur reste afin de nous surprendre alors que nous faisons la fête. De la même façon qu’on les a surpris à Montgargant. L’étoile pourpre, lui, reste très prudent. Il ne prendra pas le risque de voir sa campagne brisée alors qu’il vient à peine de la gagner.
- Donc il est possible que les Orois attaquent? demanda Alenna.
- Tout est possible m’a jolie, répondit sir Gloster en souriant. Dis moi tu as prévu quelque chose ce soir?»
Elle l’ignora. Elle regarda Hostar revenir accompagné par sir Glover le verre pichet vide.
«Je paris qu’il va dire qu’il n’y a plus rien à boire.
- Y a plus rien à boire ici, dirent les deux hommes simultanément.»
La table entière, même Vardlenne éclatèrent de rire.
«Vous parliez de quoi? demanda sir Glover en s’asseyant à côté d’elle.
- De la bataille, répondit Vardlenne. Étant donné que nous étions occupés sur les remparts, nous n’avons pas tout compris. Un moment vous n’aviez même pas passé les lignes de l’étoile pourpre. Puis le moment suivant, vous étiez en train d’enculer les loyalistes sur le centre.»
Sir Gloster pouffa de rire. «C’est vrai que tout c’est passé rapidement. Un jolie massacre.
- Pour être honnête avec vous, commença sir Maric Raven. Je doute que l’étoile pourpre avait prévu ça. Au départ, il voulait juste permettre aux Largons d’évacuer la plaine. Le problème c’est que ces cons on vu une masse importante de soldats se rassemblait devant le village. Ils ont cru qu’il était là pour eux et ont débarqué pour les affronter. L’étoile pourpre voulait seulement faire en sorte qu’ils rejoignent le campement sans perte. Puis la bataille a commencé à tourner à la faveur des loyalistes.
- De là où nous étions, nous ne pouvions voir grand-chose, déclara sir Glover. Mais on savait que l’infanterie n’arrivait pas à percer les lignes Rover. De plus, Rogar Dorne était en train de se faire enfoncer sur le centre par des mercenaires engagés par les loyalistes et par les troupes du Roi. L’étoile pourpre savait que vous étiez ses hommes les plus craints après la garde pourpre. Ils vous a donc envoyé sur le mur afin que les loyalistes y envoie en aussi leur meilleurs hommes pour les reprendre. En prime ces cons venait d'engager leurs troupes de réserve en pensant que cela leur ferait gagner la bataille. Grossière erreur. C’est le cavalier de l’empire, sir Petyr Forge qui a vu la faille. Il a prévenu l’étoile pourpre et ensemble ils ont mené en personne la charge pour finir de briser les lignes Rover. Étant donné que la plupart des archers sont morts grâce à vos flèches, ils n’y avaient plus personne dans le bois pour nous empêcher de passer.
- Mais ce n’est pas tout, le coupa sir Maric. On avait un autre atout dans la manche. Et il s’appelait Argenté.» Les visages des chevaliers l’illuminèrent d’un sourire. «Depuis quelques semaines, le comte Argenté a embrassé la cause de l’étoile pourpre. Il a ordonné à ses hommes de faire semblant d’être pour le Roi Charles, mais pendant la bataille ils ont attaqué en premier les piquets qui se trouvaient sur leur flanc droit des loyalistes et qui auraient pu bloquer notre charge. Mine de rien la victoire leur revient.
- Ils ont trahi le Grand-Royaume? demanda Alenna avec stupéfaction.
- Oui, dit sir Gloster. Mais on pense qu’ils voulaient le faire depuis bien longtemps. Tout porte à croire que la moitié du domaine royal complotait pour faire tomber le Roi Charles avant notre arrivée. Le comte Argenté n'a fait que prendre les devants. À vrai dire, personne ne comprend réellement ses motivations. Nous savons que le kraken vert retient l'un de ses fils, mais quand nous l'avons vu, il ne semblait pas en avoir grand chose à faire. Il semble plus vouloir abattre le Roi par... vengeance. Ils le considèrent comme un psychopathe.
- Un psychopathe... comme le kraken vert? demanda Alenna.»
Les hommes se regardèrent mal à l'aise. Puis il secouèrent la tête. «Oui et non, répondit Gloster. C'est plus difficile à expliquer. Beaucoup plus difficile. Mais changeons de sujet. Nous avons fait plus de deux mille prisonniers. La plupart appartiennent à l'étoile pourpre. Cela va nous valoir une rançon colossale. Et ça c'est sans compter le prix qu'il va demander pour la levée du siège.»
Alenna fut troublé. Elle pensait que l'étoile pourpre voulait voir le trône sien. Au lieu de cela il demandait une rançon pour la fin de la guerre? «Je pensais que les accords de paix étaient tout autres, dit-elle. Vous êtes en train de nous dire qu'il va lever le siège pour une poignée de pièces d'or?»
Sir Gloster se gratta la barbe. «Pas tout à fait. À vrai dire, l'étoile pourpre savait que ses conditions de paix ne seraient jamais acceptées. C'est pour ça qu'il les a demandés. Quelque soit les conditions, de toute façon le Roi Charles n'aurait pas accepté. Non, non. L'étoile pourpre voulait une dernière bataille. Cette bataille. Celle qui finirait de mettre à genoux le Grand-Royaume. Et même maintenant qu'il a perdu pour de bon la guerre, le Roi Charles n'acceptera jamais de déposer sa couronne. Mais il sera plus enclin à une proposition de rançon, même si celle-ci est colossale.
- Donc tout cela n'était encore qu'une machination de l'étoile pourpre, demanda Vardlenne.
- Et du chuchoteur de l'empire, oui. Encore une machination. Personne n'était au courant, mais nous avons tôt fait de le découvrir. L'étoile pourpre fait exprès de laisser des indices derrière lui. À ce jeu, il excelle. Le chuchoteur de l'empire aussi. À eux deux, ils prévoient des plans, des intrigues, des complots. L'étoile pourpre n'a aucune vue sur le Grand-Royaume... enfin pour l'instant. Non, pour l'instant, il se préoccupe plus du sud. Or aller dans le sud, cela ne se fait pas sans guerre. Et la guerre... ça coûte chers, très chers.» Sir Gloster attrapa une chope de bière posée sur la table et grimaça en la voyant vide. Il la reposa en jurant. «S'il veut que nous restions combattre, il va lui falloir un peu plus que des promesses. L'or marche très souvent. Vraiment très souvent. Envahir le Grand-Royaume ne servait qu'à une chose...
- Prendre de l'argent là où il y en a, comprit Alenna.
- Exact, dit sir Gloster. Tu es sûr que tu ne fais rien ce soir?»
Alenna se leva en crachant par terre, ce qui fit rire tous les hommes à table. «Vous m'excuserez, je vais chercher la compagnie d'autres hommes que vous. Peut-être un peu moins soul.»
Elle enjamba le ban et partit de la fête. Effectivement elle avait besoin de trouver un homme, mais pas l'un des chevaliers de l'étoile pourpre. Elle se dirigea donc vers le quartier du commandement. Elle savait que celui-ci serait plein d'officier qui refuserait de la laisser passer mais elle avait besoin de voir Aymar.
Le campement entier, sauf la division qui montait la garde, était en fête. La victoire la plus belle de la campagne. Jamais l'étoile pourpre n'avait paru tel succès. Aussi les hommes avaient besoin de fêter ça. Partout on rigolait, on buvait, on chantait, on dansait, on fêtait la plus grande victoire et sûrement la fin de la campagne.
Alenna dut remonter le flanc de la colline pour pouvoir atteindre le camp des officiers de l'étoile pourpre et de la première division. Là, il n'y avait pas beaucoup d'hommes. La fête avait bien lieu, mais il semblerait qu'elle ait lieu à comité réduit. Pas très étonnant que les hommes de la garde pourpre soit aller dans notre campement, se dit-t-elle.
Des capes écarlates montaient la garde et empêchaient quiconque de passer. Alenna releva la tête et pris une tête sérieuse pour bien montrer qu'elle n'était pas soul contrairement à la plupart des hommes que les gardes repoussaient. Elle s'approcha d’une entrée et attendit qu'un garde la remarque. L'homme se posta devant elle de manière à lui interdire le passage.
«Je viens rejoindre Daymar. Faites le venir et il le confirmera.
- Personne ne passe, dit l'homme. Ordre de l'étoile pourpre. C'est peut-être la fête pour vous, mais pas pour lui.
- A bon? Pourtant je crois bien qu'ils sont en train de fêter la victoire là.» Elle indiqua la tente où avait lieu la fête.
Le garde soupira puis fit signe à un homme derrière lui d'aller chercher l'amant d'Alenna.
Elle sourit en se disant qu'elle serait bientôt sous des couvertures alors que le froid de la nuit était en train de lui mordre la peau. Un instant plus tard, Daymar apparu en armure de la garde pourpre. Le garde allait ouvrir la bouche, mais il lui fit signe de se taire. Il dévisagea Alenna en silence puis fit signe aux quelques gardes présents de partir. À la stupéfaction d'Alenna, ils lui obéirent sans broncher. Les hommes se dispèrent en les laissant seuls.
«Heureux de voir que tu es encore en vie, commença Daymar le visage impassible.
- Je t'ai cherché sur le champ de bataille, dit Alenna. Mais je ne t'y ai pas vu. Y étais tu seulement?
- Oui, mais pas là où tu pouvais me voir. J'étais plus en arrière sur la ligne. À un endroit où tu n'aurais pas pu me voir.
- Tu parles comme si tu savais exactement où j'étais à chaque instant.
- Et c'était le cas. Je savais très bien où était la division de fannars. On dit que peu d'entre vous s'en sont sortis, est ce vrai?
- Oui. C'était une boucherie. Sur la plaine comme sur les remparts.
- Combien?» Sa voix était froide. Et ses yeux l'étaient encore plus. Mais cela attirait encore plus Alenna.
Elle fit un pas vers lui, mais il recula immédiatement. «Combien? Combien reste-il de fannars?»
Sans se soucier de savoir pourquoi il posait la question, elle répondit: «Environ quinze. À condition seulement que je compte les blessés. Seule une dizaine d'hommes peuvent encore se battre. Les dix meilleurs cela va de soi.
- Ou les dix plus lâches.
- Qu'est ce que tu veux dire?» Là, elle le trouvait vraiment étrange. D'habitude, il l’aurait déjà emmené dans sa chambre. Enfin c'était surtout ce qu'elle s'était imaginé en venant. C'était tout le temps elle qui venait dans son lit.
Il soupira. «Rien. Je cherche juste à savoir.» Il se redressa et afficha un visage désolé. «Je m'excuse. Je dois assurer le transfert des prisonniers du kraken vert dans la cité d'or pour demain dès l'aube.
- En quoi cela te concerne?
- Darrion Holl en a torturé un bon nombre. Mais il n'a pas pensé à leur poser des questions. Une brute sans cervelle. Un boucher, rien de plus. Ils doivent sûrement avoir des informations importantes. Et au-delà, je… je dois m'occuper de tout ça. Je ne vais sûrement pas dormir cette nuit. Je m'excuse.» Il tourna alors les talons la laissant là.
Il commençait à se diriger vers le foyer quand elle l’interpella: «Attends j'ai une question à te poser!»
Il se stoppa et se tourna. «Fais vite alors.
- Qu'est ce que tu penses de l'étoile pourpre?
- Comment ça?
- Je veux que tu me donnes ton avis sur cet homme. Tu me dois bien ça, non?»
Il grimaça et se rapprocha d'elle. Arrivé à quelques pas d'elle, il la regarda dans les yeux. Des yeux verts magnifiques.
«J'étais là. À Termor, j'étais là. J'ai vu le massacre de la ville. Le siège durait depuis plusieurs mois. Les hommes n'en pouvaient plus. Les murailles ne voulaient pas céder, les défenseurs tenaient les murs avec une telle conviction. Puis les murs sont tombés. Il aurait très bien pu se contenter de massacrer la garnison. Trouver le prince de la ville et le tuer. Mais non. Il a choisi une autre vie. Et pourquoi? Parce qu'il était fatigué. Parce qu'il était blessé et incapable de retenir une armée de fous. L'étoile pourpre porte bien son nom. Il a le sang de plusieurs dizaines de milliers de gens sur les mains. Des femmes, des enfants, tous. Ils sont tous morts. Il n'y a pas eu un seul survivant. La cité à d'abord était noyée dans un torrent de sang, puis sous une mer de feu.» Il s'arrêta. «L'étoile pourpre n'est qu'un boucher. Tu le suis parce que tu crois en lui. Mais en réalité tu le suies pour la gloire. Mais laisse moi te poser la question: combien de vies humaines es tu prêtes à donner pour avoir la gloire et un nom qui résonne à travers les siècles.»
Il la dévisagea un moment puis partit.
Alenna resta un moment à le regarder partir. Puis lorsqu'elle le perdit dans la foule près du foyer, elle s'en alla.
Jamais elle n'avait entendu quelqu'un dire cela de l'étoile pourpre. Elle espérait que personne n'avait entendu. C'était de la trahison pure et simple.
Elle marcha un moment dans le noir de la nuit sans se savoir où elle allait. La direction n'avait pas d'importance, elle n'en avait aucune. Elle n'arrêtait pas de penser à ses mots. C'était comme s'il semblait être sur le point d'éclater en sanglots.
Sans comprendre comment elle se retrouva au milieu du camp de la huitième division, la division de hommes du désert. Les hommes étaient pour la plupart soul autour d'elle mais elle n'en avait rien à faire. Puis l'un d'entre eux se posta devant elle. Alenna releva la tête et reconnut Zechariad qui la dévisageait. Il allait ouvrir la bouche quand elle le stoppa.
«Non, dit-elle. Évitons de parler. C'est mieux comme ça.»
Il hocha la tête et sourit maladroitement en lui attrapant la main. Puis ils allèrent ensemble vers sa tente.
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Re: Le Théâtre du Pouvoir [fantasy-dark fantasy-guerre-intrigue]
XXXIV. Edorn Rivers Partie 2
Les prisonniers traversaient un champ de morts. Edorn comme les autres voyait les cadavres d'anciens amis à lui. Tous morts en se battant alors que lui croupissait dans une prison. La moitié des cadavres avaient commencé à pourrir. Une grande partie était en train de se faire dévorer par les vautours et les corbeaux. La plaine Phoenix n'était plus qu'un festin pour les charognards. Peut-être qu'on retirerait bientôt les corps des morts, mais Edouarde en doutait.
Il fit un pas de plus en avant. Il avait des entraves aux chevilles, cela l’empêchait de bien marcher. Mais en réalité, entraves ou non, il aurait eu du mal à marcher. Chaque pas était une souffrance. Il ne s'était pas levé pour marcher comme ça depuis des jours. Depuis la chute d'Argane.
Il se rappelait encore les rires du démon. Ses gloussements alors que des braves tombaient à ses pieds en se battant pour la liberté du Grand-Royaume. Il se rappelait de tout. Du sang, de la douleur, des cris, mais surtout du rire. Le rire d'un sociopathe. Le rire de Darrion Holl. Il ne pensait pas qu'un homme puisse rire comme cela. Et pourtant il l'avait entendu. Pendant les longues journées qui l'avaient amené jusqu'à la cité d'or dans une cale infesté de rats et de maladie. À regarder ses amis se tortillaient de douleur alors que la démence les emportait peu à peu. Il se rappelait aussi des cris de douleur de ses amis, de ses hommes... les hommes qu'il commandait à la chute d'Argane. S'il avait su ce qu'il allait se passer, il se serait tranché la gorge, il aurait ordonné à tous ses hommes de se trancher la gorge. C'était mieux que de subir les supplices du kraken vert. Il ne leur avait même pas posé de questions. Il les torturait pour les torturer. Cela l'amusait. Il ne pouvait exister un tel monstre. Le kraken n'était pas humain.
Un nouveau pas en avant lui lança une décharge dans le corps. Il se raidit puis fit un autre pas en avant. Sa vision n'était pas très nette. Il n'arrivait même pas à bien voir. Les ombres semblaient danser autour de lui. Comme si les morts se relevaient pour l'emmener dans un enfer proche. Mais rien ne pouvait être pire que ce qu'il avait vécu. La douleur semblait être un soulagement. Elle lui rappelait qu'il était en vie. Il avait besoin de cette douleur. C'était elle qui lui permettait d'avancer. Sans elle il n'était plus rien. Il ne pouvait se passer d'elle. Elle était tout pour lui.
Son pied trébucha contre une racine. Une racine ou un corps, quelle importance, il ne faisait même plus la différence. Son corps lâcha prise et il s'écroula au sol. Incapable de se relever, la douleur était trop intense. Ses membres refusaient de lui obéir et cela parce qu'il n'avait plus assez de force pour leur ordonner.
Un homme s'agenouilla à côté de lui. Edorn tourna lentement la tête. Sa vision était encore flou mais il sembla reconnaître l'un des jumeaux Artagnac.
«Relèves toi, dit le chevalier qui n'avait plus rien d'un chevalier. On y est presque. Bientôt nous serons derrière les murs de la cité d'or. Bientôt nous serons en sécurité.
- Pourquoi? marmonna Edorn dans un crachat de sang. Pourquoi?
- Comment tu t'appelles? demanda Artagnac.
- Edorn.» Il n'en était même plus sûr. Il n'était plus sûr de rien.
«Edorn comment?
- Rivers, répondit -il. Edorn Rivers.
- Alors relèves toi pour ça. Parce que tu es Edorn Rivers, et que personne ne pourra venir à bout de toi. Maintenant relèves toi, on y est presque.»
Artagnac l'aida alors à se relever et Edorn dut donner les dernières forces qui lui rester pour tenir debout. Il fit un nouveau pas en avant, puis un nouveau. La traversée du champ semblait ne jamais s'arrêter. Les cadavres passaient devant lui sans qu'il ne comprenne. Il avançait, mais en regardant le sol, il avait l'impression de reculer. Il se retourna et se vit lui-même dans la personne qui le suivait. Il fit de même devant lui, mais tout semblait se répéter en boucle. Il marchait, marchait, et marchait sans s'arrêter. Rien n'était pire que cette sensation de vide qui l'entourer. C'était comme si Hell venait de lui enrouler ses bras autour de la taille. Edorn devait se cramponner à la vie. Il en venait à oublier le moment présent. Les âmes de morts s'envolaient pour un ultime destin funeste embrassant la ligne des morts. Les idées s'entrechoquaient dans sa tête. Les morts se riaient de lui. Des lambeaux de main pointaient en sa direction et il entendait leurs rires. Des rires funestes, des rires de morts se transformant en gémissement de larmes sur un tapis de sang. Les morts se rassemblaient autour de lui. Ils s'agrippaient à lui et il entendait leurs supplications. Ils avaient besoin de lui. Mais alors que lui-même se cramponnait à la vie, les morts se cramponnaient à lui pour rester dans le monde des vivants. Sa conscience elle-même était en plein combat pour savoir s'il devait succomber à cette force supérieure qui l'attirait vers les plus profonds enfer.
«Edorn Rivers, je suis Edorn Rivers.» C'était la seule chose qui le maintenait en vie. Son nom. Son putain de nom. La seule chose qui lui rappelait qu'il était encore vivant. Il ne pouvait pas mourir maintenant, il n'avait pas encore accompli de grande chose. Il ne pouvait pas mourir maintenant, sinon son nom... Edorn Rivers tomberait dans l'oubli. Il voulait que son nom soit éternel. S'il mourait maintenant... s'il tombait dans ce champ et ne se relever pas, alors plus personne ne se souviendrait de lui. Il ne serait plus que la poussière d'un souvenir oublié dans les landes du passé. Rien d'autre qu'une poussière, la page d'un livre d'une autre personne.
Sur un énième pas, les ténèbres s'amusèrent autour de lui. Il releva la tête et vit qu'il se trouvait juste devant les murs. Tournant la tête à droite puis à gauche, il vit qu'il ne devait pas y avoir plus de la moitié des hommes qui avaient réussi à traverser le champ. Trop étaient tombés sur le chemin. Beaucoup trop. Mais lui se trouvait là, et c'était la seule chose qui comptait.
Il tenta de lever une nouvelle fois la jambe, mais son corps l'abandonna pour de bon. Il s’écroula sur le sol dur et froid. La terre sur ses joues lui procurait un bien fou. Il voulut hurler, mais aucun son ne sortit de sa bouche, il avait mal. Mal, mal et encore mal. Son corps refusait d'obéir. Il voulait se relever et appeler à l'aide, suppliant les gardes de la cité de leur ouvrir, mais les ténèbres l'enveloppaient. Il ferma les yeux, il n'avait plus la force de les ouvrir.
Puis il entendit les portes racler sur le sol. Comme la caresse du vent sur une feuille d’automne. Rien n'était plus doux qu'un son comme celui-ci. Le raclement de la porte en bois contre la terre froide. Le claquement d'une herse que l'on ouvre. Les bruits de pas. Les bottes claquant sur la pierre. Les sabots contre les dalles. Les hommes accouraient vers eux.
Pendant un faible instant, Edorn réussit à ouvrir les yeux. Cette fois, ce n'était pas des lambeaux d'ombres qui s'agrippaient à lui, c'était des capes d'or qui le soulevaient du sol. Il referma les yeux et s'abandonna. Rien n'était plus simple que de s'abandonner.
Il sentit que l'on le déposait sur un brancard et il releva les yeux. D'abord il crut être aveuglé par la lumière, puis il sentit sa caresse sur son visage: la pluie. Comment ne s'était-il pas aperçu qu'il pleuvait? Mais la douce caresse des gouttes sur sa peau ne lui apportait pas autant de plaisir. Un geste simple, si simple, si beau et si agréable. Il sourit. Il était tellement heureux de la sentir. De nouveau l'entendre. De nouveau la voir. Les larmes lui inondaient les paupières, il ne se rappelait pas qu'il savait encore pleurer.
Une main se posa sur son épaule et le secoua doucement. Lentement, Edorn ouvrit les yeux. Il avait l'impression d'avoir dormi une éternité et pourtant il sentait encore la pluie tomber sur son visage. Il n'avait pas bougé, les temps n'avaient pas accéléré, il ne s'était pas endormi pendant de longue heure. Pourquoi le réveillait-t-on? Il dut plisser les yeux pour voir la personne qui le tirait vers le monde des vivants. Sa vision était trouble. Il ne distinguait que ses yeux. Ils semblaient être noir, noir comme la mort.
«Vous êtes Edorn Rivers? demanda l'homme.
- Oui, répondit lentement Edorn en hochant la tête.
- Je suis le conseiller du prince Louis, Victor. Le prince a été blessé dans la récente bataille. Je suis comme son émissaire étant donné qu'il ne peut se déplacer. J'ai besoin de savoir si l'étoile pourpre vous a donné un message à nous transmettre. Est ce qu'il vous a transmis quelque chose?»
Les idées d'Edorn s'entrechoquaient dans sa tête. Elle n'avait pas de sens. Mais il se rappelait ce que l'un de ses généraux leur avait dit avant qu'ils ne commencent à traverser la plaine. «L'étttt... oile pouuuu... re... l'étoile pourpre nous a ressss... titué en... gage de bbbbon.. ne foi. Il vveut qu'illl... est de nnnnouuuu... velle négociation.» Chaque mots étaient un supplice pour sa gorge et sa langue. «Il veut ressss... tituer les rrrreste des prisssonniers en 'change de rançon. Et la... levée du sssiège.»
L'homme hocha la tête le regard sombre et se releva. Il fit un signe aux médecins de venir s'occuper d'Edouarde, mais celui-ci ne les vit jamais arriver. Il s'endormit directement après avoir vu l'homme disparaître dans des volutes de fumée.
Il se réveilla dans une immense pièce noir. Tout était confus. Sans même sans rendre compte, il se retrouva debout. Il marchait. Marchait dans une étendue infinie. À chaque pas, il avait l'impression qu'il avançait sur un terrain accidenté. Il aurait bien voulu regarder en bas, mais un épais brouillard l’empêchait de voir ses pieds. Il continua de marcher sans même se rendre compte s'il avançait ou non. Lentement la brume devint moins épaisse. En regardant de nouveau ses pieds, il comprit qu'il marchait sur des cadavres. Il aurait aimé ne pas savoir qui ils étaient, mais cela lui était impossible. Il les reconnaissait. Il savait que c'était des soldats du Grand-Royaume, certains étaient ses amis. Tous n'étaient plus que des corps sans vie dans une étendue glacée de désespoir. Comment pouvait -il y avoir autant de morts sous ses seuls pieds? Ce n'était pas normal. Il ne pouvait y avoir autant de morts. Puis les cadavres changèrent à mesure qu'il tentait de s'en éloigner. Cette fois il ne les reconnut plus, mais il était toujours aussi nombreux. Toujours plus. Mais qui était-il?
«Qui? dit une voix dans le noir. Voilà une bonne question.
- Qui êtes-vous? demanda Edorn.
- Personne d'important. Enfin pour l'instant. La véritable question que tu devrais te poser est qui sont-ils eux? Des centaines de cadavres entassés à tes pieds. Tu ne trouves pas cela étrange.
- Rien n'est étrange dans un monde comme le nôtre. Qui êtes-vous?
- Une voix dans ta tête. Une ombre qui te retient dans le monde des vivants. Rien de plus, rien de moins. Tu n'as pas besoin d'en savoir plus.
- Ce n'est pas réel, n'est ce pas? Je suis en train de rêver.
- Non, dit la voix dans les ténèbres, tu es en train de mourir. Ton cerveau délire. Tu penses ne pas reconnaître ses corps, mais en réalité tu les reconnais. Tu sais très bien qui ils sont.
- Montrez vous! Aidez-moi à me réveiller!
- Et pourquoi cela? Tu n'as rien à m'offrir. Je ne suis là que pour aider à passer de l'autre côté. Enfin… si tu veux passer de l'autre côté.»
Edouarde réfléchit. Il ne pouvait pas mourir maintenant. Il n'avait encore rien accompli. Il ne pouvait être que la page du livre d'un autre. «Aidez-moi. Je ne veux pas mourir. Je ne veux pas passer de l'autre côté. Je n'ai encore rien accompli. Il me reste encore tant de choses à faire.
- Tant de choses à faire... regarde autour de toi. Ils leur restaient tant de choses à faire. Mais ils sont morts, et pourquoi? Pour que des fous puissent détenir le pouvoir. Un pouvoir qu'ils sont incapable de maîtriser. Des idiots, rien de plus. Si tu décides de remonter à la surface. Si tu veux continuer à vivre. Cela engendrera encore des milliers de morts. Tu deviendras comme eux. C’est tout.
- Je me fiche des autres. Je suis là pour moi. Tout ce que j'ai fait, je l'ai fait pour moi, pour ma famille, pour mon royaume. Si je m'arrête maintenant alors des milliers de vies se seront éteintes pour rien.
- Dis leur à eux alors.»
Soudain les corps se relevèrent. Un à un ils l'entourèrent. Leurs yeux étaient vides, sans expression, vide. Ils se jetèrent alors sur lui en hurlant. Des mains l'attrapèrent de partout, lui arrachant la peau dans une vague de douleur sans précédent. Une douleur si intense, c'était comme si les flammes de chaques morts venaient s'enfoncer sous sa peau et le détruisaient de l’intérieur. Une douleur si intense. Il sentait les mains froides lui arrachaient les membres. Une douleur si intense, si intense. Il voulut hurler, mais aucun son ne sortit de sa bouche. Il était impuissant.
Puis la douleur se stoppa. Les morts continuaient de le détruire, mais il ne ressentait plus rien. Plus aucune douleur. Pas un son. Rien. C'était comme si le vide venait de se former autour de lui, alors qu'il observait son corps mutilé à la merci des cadavres. Ceux-ci se déchaînaient sur lui comme des corbeaux s'en prenant à un cadavre. Rien ne semblait pouvoir les arrêter.
Edorn entendit alors un rugissement au loin. Il se retourna pour voir d'où provenait le bruit et il le vit. Un dragon. Un dragon à sept têtes. Les flammes rouges, bleu, verte et noir virevoltant autour de lui pour créé un mur de noirceur. Les morts se transformèrent rapidement en torche étincelante, propageant les flammes d'un corps à l'autre. Le dragon lui était sans pitié. Il fracassait, brûlait, mordait, lacérait, éviscèrait, détruisait tout autour de lui. La plaine immense n'était plus qu'un gigantesque brasier, le sang lui-même semblait être un ébullition dans l' océan de cris.
Edorn était impuissant. Il les voyait mourir, et ne pouvait rien faire. Il vit même son propre corps être détruit par l'immense dragon, qui à chaque bouchée devenait de plus en plus fort. Il en avait la certitude, c'était l'incarnation des sept apocalypses. On ne pouvait pas lutter face à lui. Il ne pouvait rien faire. Un milliers d'épées n'aurait rien pu faire.
Le carnage dura. Edorn n'aurait pas su dire combien de temps, mais il dura. Une éternité peut-être, plus que cela. Il ne semblait pas pouvoir s'arrêter. Il était sans fin. Et l’appétit du dragon paraissait sans fin.
Le dragon le remarqua entre deux lâchées de flammes. Il se tourna lentement vers lui, et rugit comme Edorn ne l'aurait jamais cru possible. Edorn aurait voulu reculer, mais cela lui était impossible. Il ouvrit alors son immense gueule et poussa un ultime rugissement avant de la refermer sur l'esprit d'Edorn.
Il cria comme il le put, mais il n'y avait rien à faire. Il n'arrivait même plus à bouger. Ses mains étaient attachées. Il cria encore et encore à en perdre la voix. Tout était noir. La force de la gueule du dragon le maintenait en place. Elle était bien supérieure à la sienne. Il avait si mal.
«Calmez vous, dis une voix dans le noir. Calmez vous, vous n'y êtes plus.
- Où est ce que je suis? bredouilla sa langue.
- En sécurité, c'est l'essentiel. Enfin pour l'instant.
- Est ce que je rêve encore?
- J'en doute. Ouvrez les yeux.»
Il essaya mais n'y parvient pas. Tout était noir. Tout était froid, dur, douloureux. Il avait si mal. «Je n'y arrive pas. Pourquoi?!
- Vous avez juste oubliez comment faire. C'est plutôt commun chez les malades. Vous avez déliré pendant trois jours. Personne ne savait si vous alliez survivre ou non. Mais il semblerait que les dieux aient été avec vous. Vous êtes de nouveau parmi les vivants. Enfin pour ce que cela vaut.
- Pourquoi est-ce que je n'arrive pas à ouvrir les yeux?
- C'est assez difficile à expliquer. Mais disons que c'est une histoire de volonté. Mais je vous rassure vous n'êtes pas aveugle. Pas encore.
- Quoi?
- Ça n'a pas d'importance. Dormez. C'est mieux pour l'instant.»
Il voulut crier non, mais son corps lui indiquait le contraire. Sans même s'en rendre compte, il s'endormit. Tout était si calme. Si simple. Tout était si beau dans le calme du sommeil.
Cette fois-ci, il ne rêvait pas. Au contraire, il eut l'impression de se réveiller juste après s'être endormi face à la voix.
Il s'essuya les yeux et sans s'en rendre compte, il les ouvrit. L'homme avait raison. Il semblait qu'il avait juste oublié comment faire, mais c'était revenu naturellement.
Il se redressa sur son lit et attendit que ses yeux s’habitue à la lumière éclatante. Il avait envie de pleurer de joie tellement cela lui faisait du bien de voir de nouveau. Tout était si beau. Merveilleux. Le monde autour de lui était si magnifique. Pendant un moment, il crut qu'il rêvait encore, mais c'était peu probable étant donné qu'il avait encore si mal.
Il chercha directement à savoir où il était. Pas dans une chambre rien que pour lui, il en était sûr. Il y avait beaucoup trop de bruit. Des bruits de personnes qui courent, de personnes qui toussent, d'autres qui gémissent et au milieu les voix fortes des médecins qui donnaient leurs ordres. De simple rideau blanc, le séparait du reste du monde, mais cela ne l'empéchait pas de savoir où il était: un hôpital de la cité d'or.
Le sentiment de sécurité qu'il éprouva se transforma rapidement en un mécontentement. Pourquoi ne l'avait-on pas mis dans une chambre fermée du monde? Il était le fils du marquis Rivers, il aurait dû avoir une chambre pour lui, c'était la moindre des choses. Mais au lieu de cela, il se retrouvait dans un hôpital avec des dizaines voire des centaines de soldats, dont il savait que la moitié n'était pas des chevaliers.
Son regard se posa sur l'homme assis devant son lit en train de fumer une pipe les yeux rivés sur un livre. Sa tête ne lui revenait pas, de toute façon il doutait qu'après un si long sommeil et une si longue captivité, il ne se rappelle de qui que ce soit. Il plissa les yeux pour voir le symbole dessiné sur la tunique de l'homme: croissant de lune argenté au-dessus d'une montagne. C'était un Worrl, après il restait à savoir lequel.
L'homme releva la tête et le dévisagea. Il retira sa pipe de sa bouche et lui sourit. «Je vous pris de n'en toucher mot à personne, les médecins n'aiment pas que je fume ici.»
Edouarde le regarda avec méfiance puis se racla la gorge. «Je vous prie de m'excuser, mais votre visage ne me rappelle rien. Qui êtes-vous?
- C'est vrai que j'ai quelque peu changé depuis le début de cette guerre. Mais je pense que vous faites encore plus peur à voir. Enfin bon, je suis El-Jon Worrl, comte de Worrl.»
Edorn se redressa gainé de ne pas l'avoir reconnu. Sa tête fit un tour sur elle-même et il se rappela que son père était mort pendant la bataille de Montgargant lui laissant le titre. Le jeune chevalier s'était un peu laissé pousser la barbe afin d'avoir l'air plus vieux, mais cela n'aidait pas beaucoup. Même s'il était très certain qu'il est participé à la bataille dans la plaine Phoenix, il ne semblait pas en avoir rapporté quelque marque que ce soit. Au contraire, il semblait en très bonne forme.
«Pourquoi êtes-vous ici? demanda Edorn. Je doute que cela soit pour veiller sur moi. Alors dites-moi ce que vous faites ici?»
Le chevalier sourit en levant sa pipe et en l'agitant. Il se tourna et passant la tête à travers le drap blanc, il ordonna: «Faites dire au comte Carval de venir! Dites-lui que sir Edorn Rivers est réveillé!» Puis il se retourna vers Edorn. «Vous devriez boire un coup. Cela vous ferez du bien. Nous verrons après pour vous laver.»
Il attrapa la carafe d'eau à côté d'Edorn et lui servit un gobelet. Edorn l'attrapa et le regarda avec dégoût. «J'aurais plus besoin de vin que d'eau.
- Je m'en doute, dit El-Jon Worrl. Mais le vin n'est que rarement utilisé dans les hôpitaux. Buvez.»
Il but une première et cela lui fit à la fois mal et à la fois extrêmement de bien. Il se tourna vers le comte. «La bataille, que s'est-il passé?
- Il n'y a rien à dire. Nous nous sommes battues, et nous avons perdu.» Il gratta sa pipe puis la remit dans sa bouche. «Nous pensions que nous avions une chance en maintenant leurs armées séparées, mais en réalité, l'étoile pourpre a encore tissé un piège et nous sommes tombés dedans. Un vrai désastre. Des centaines de chevaliers ont été fait prisonnier. Plus de deux mille de nos hommes et aussi les comtes Iris, Tigre et Artagnac. Et le pire c'est que pour l'instant nous n'avons reçu aucune demande de rançon. Rien. Seulement vous et quelques de vos hommes. Et franchement vous ressembliez plus à des morts vivants qu'à autre chose. On doutait que vous surviviez. D'ailleurs on se demande encore pourquoi l'étoile vous à libéré vous et vos hommes. Rien n'a été fait, on pensait même que vous étiez tous morts.»
Edorn le regarda perplexe. C'était vrai, pourquoi l'étoile pourpre les avait libéré? Darrion Holl semblait pourtant bien s'amuser avec eux. Les deux n'avaient aucune raison valable de les libérer.
D'un coup le rideau s’ouvrit pour laisser apparaître le comte Carval. Toujours aussi gros que depuis la dernière fois où il l'avait vu. Il avait dans sa main gauche une tourte à la viande ainsi que du jus, sûrement du sang, et des miettes sur la bouche ainsi que sur sa barbe. Il semblait même qu'il avait grossi depuis la dernière fois qu'Edouarde l'avait vu. Il avait dû ouvrir sa ceinture de plusieurs crans, étant donné que même sa tunique semblait trop courte par rapport à son ventre.
Il passa lentement le drap blanc et le referma derrière lui. «Sir Edorn Rivers. Une joie de vous revoir en vie. Je ne pensais pas vous revoir vivant après la chute d'Argane.
- Un chance que n'ont pas eu tous mes hommes.» L'expression d'Edorn changea, cette fois il était en colère. «Combien d'hommes m'a-t-on donné pour tenir la citadelle? Quelques centaines? Même le premier des idiots auraient compris que la citadelle était perdue. Où étaient les renforts que vous m'aviez promis? La citadelle est tombée, j'ai vu mes hommes mourir les uns après les autres, et vous... vous étiez à la cité d'or en train de fumer votre pipe. Des centaines de personnes sont mortes lors de la chute de la citadelle. Et où étiez-vous? Vous saviez que la citadelle allait tomber et vous n'avez rien fait.
- Non ne pouvions rien faire, répliqua le comte Carval en s'asseyant sur une chaise toujours calme et détendue. Nous devions combattre l'étoile pourpre.
- Votre plan n'était-il pas de détruire son armée avant qu'elle ne fasse jonction avec celle de Rogar Dorne et du kraken vert?
- Si.
- Alors dites-moi pourquoi vous les avez affrontées il y a quelques jours sur la plaine. Dites moi pourquoi mes hommes sont morts! Est ce que vous vous imaginez seulement ce que c'est d'être le prisonnier du kraken vert?
- Vos hommes sont morts à cause de la mauvaise décision de notre Roi, répondit El-Jon Worrl. Il a refusé de mener l'assaut contre les forces de l'étoile pourpre. Il voulait les affronter ensemble, afin de nous montrer qu'il était le digne héritier de la famille Roy. On a eu beau le supplier de lancer l'assaut, il refusait. Quand il a enfin accepté de sortir de la cité d'or, c'était déjà trop tard. Des centaines d'hommes sont mort parce que notre Roi continuait d'écouter les conseils stupide de son premier conseiller.
- Et nous? Pourquoi ne nous avez vous pas fait libérer? Savez vous seulement ce que cela fait d'être le prisonnier de Darrion Holl? C'EST UN ANIMAL! Cet homme n'est même pas humain. Il a torturé mes hommes pour son simple plaisir. Il s'amusait à les savoir se tordre de douleur et à le supplier de les tuer. C'est plus qu'un animal, c'est...» Edorn ne trouvait même plus ses mots.
Le comte Carval le dévisagea sans expression tout en continuant de mâcher sa tourte à la viande. Quand il eut fini, il se leva et se dirigea vers l'ouverture entre les draps blanc. «J'ai besoin de vous au conseil qui va se dérouler dans la salle des cartes. De tous les deux. La guerre n'est pas fini et nous n'avons pas encore totalement perdu.
- Comment pourrions nous gagner après une telle défaite? demanda le comte El-Jon.
- En jouant à des stratagèmes. Faites en sorte qu'il vienne au conseil.»
Sur ces mots il sortit en laissant de lourd bruit de pas derrière lui. El-Jon Worrl se tourna vers Edorn en ayant l'air embarrassé. «C'est vrai, nous allons avoir besoin de vous. Mais certainement pas dans cet état. Un brin de toilette vous ferez du bien.»
Il fallut un moment à Edorn pour sortir de l’hôpital. Par chance, celui-ci se trouvait proche de la citadelle dorée. On le mit sur une charrette et on le conduisit jusque dans les jardins étoilés. Là, il fut amené dans la citadelle de fer. À son entrée, on le conduisit directement dans la salle des bains. On le plongea dans une grande bassine d'eau bouillante et il se laissa faire. Cela faisait trop de temps qu'il n'avait pas pris de bain pour se laver. En en sortant, il ne fut pas surpris de la couleur de l'eau noir. Il se sentait déjà beaucoup mieux après en être sortie. Après avoir été malade, selon lui l'un des meilleurs remèdes étaient de se laver. Et cela était encore mieux avec de l'eau chaude.
On lui apporta une tunique au couleur de sa maison et il la revêtit avec lenteur. Mais si cela pris du temps, il se retrouva propre et prêt pour rencontrer le Roi et ses conseillers. Pendant ce temps, le comte El-Jon Worrl ne l'avait pas quitté des yeux. Il continuait à fumer de sa pipe avec un air blasé sans afficher aucune expression. Une fois Edorn prêt, il se redressa et réajusta sa tenue avant de lui indiquer la sortie des bains. Il fallut tout de même que l'écuyer de messire El-Jon l'aide à se tenir debout, un certain Matis Orlong. Le comte le mena lentement vers le premier puis vers le second étage afin d'aller à la salle des cartes. La salle des terres de la couronne et de tout le Grand-Royaume.
En rentrant dans la pièce, Edorn y découvrit une douzaine d'hommes rassemblés. On comptait le comte Carval ainsi que le comte Boisseaux et le fils du comte Artagnac, sir Étienne Artagnac. Il y avait aussi le premier conseiller Rover avec un bras dans un bandage, le comte Néoforme et l'un des fils du comte Tigre, sir Eoround Tigre, ainsi que sir Aymar Darcane. Le conseiller du prince Louis était là avec un yarl du nord, un Fannar de Sombre-Astre et un housecarl de la Nordruss. Le prince Louis lui n'était pas là pour cause de blessure durant la bataille de la plaine Phoenix. Les autres étaient des chevaliers du Roi encadrant le trône vide.
Edorn fit un nouveau pas en avant faillit tomber. L'écuyer de sir El-Jon le rattrapa à tant et le redressa. Ils traversèrent ensemble la pièce sous le regard des conseillers jusqu'à ce qu'il se pose sur un fauteuil en osier à quelques pas du trône. Là, il s'effondra et regarda les conseillers qui le dévisageaient.
Le groupe qui représentait le prince Louis fut le premier à arrêter de le regarder. Il se remirent à discuter sans qu'il ne puisse comprendre ce qu'ils disaient. Il attarda son regard sur l'ami du prince. Celui-ci ressemblait plus à un chasseur ou un pisteur la dernière fois qu'Edorn l'avait vu. Il avait troqué ses habits de cuir contre un habit en riche tissus ajusté à ses bras lui conférant une allure élégante. L'ensemble de la tunique était manche longue lui permettant une totale maîtrise de ses gestes avec de petit ornement discret. Sa ceinture était ornée d'une broche du nord, montrant son rapprochement avec le clan du yarl, avec des détails raffinés. Ses bottes en cuir étaient également élégantes, avec des lignes épurées et un bon ajustement. L'ensemble en plus d'une toge allant des épaules aux hanches devait coûter une fortune et pourtant le tout resté très discret. Il semblait tout de même resté inaperçu et plutôt vouloir mettre en valeur ses compagnons du nord. Ceux-ci étaient habillés dans un style très nordique sauf le Fannar avec une tenue sombre et rappelant celle d'un assassin. Le petit groupe faisait étrangement peur et semblait être composé des hommes les plus dangereux de la pièce tout en restant en retrait.
À côté d'eux, lui aussi assis, le comte Carval dégageait une impression de force et de générosité, avec apparence combinant dignité, richesse et une touche de bonhomie. Il mangeait cette fois des beignets au miel et ne semblait même pas faire attention au groupe du premier conseiller qui lui jetait des regards haineux. Sir El-Jon s'était installé juste à côté de lui et était en train de vider sa pipe éteinte. Le comte Boisseaux était juste à côté et discutait à voix basse avec sir Étienne Artagnac.
Le premier conseiller parlait quant à lui avec messire Néoforme et messire Tigre et semblait anxieux. Sur le chemin pour venir, sir El-Jon lui avait dit que c'était lui qui devait tenir le front contre l'étoile pourpre et donc que c'était de sa faute si l'armée s'était retrouvée encerclée par l'étoile pourpre. Le Roi allait sûrement lui priver de son titre et allait sûrement vouloir lui reprocher la défaite de l'armée loyaliste.
Hormis les chuchotements des différents groupes, il n'y avait pas un bruit dans la pièce. Tout le monde attendait que le Roi arrive. Le temps s'écoula. Edorn sentait le sommeil le rattraper et luttait pour ne pas somnoler.
Les portes claquèrent d'un coup et le Roi rentra dans la pièce escorté par deux gardes. Habillé en rouge, noir et doré avec des dizaines de motif sur une tunique ajusté, il entra d'un coup dans la salle sans jeter un seul coup d'oeil à ses conseillers. Il était contrarié, et même un aveugle aurait pu le voir. Malgré le soin qu'il semblait avoir apporté à son apparence, Edorn devinait très bien que cela faisait plusieurs jours qu'il ne dormait pas, de petit cerne se laissait voir sous ses yeux. Face au trône, il tourna d'un coup les talons faisant voler dans les airs sa majestueuse cape noir et or, puis il se posa sur le siège qui dominait la pièce avant de commencer à taper du doigt sur les accoudoirs pour montrer son mécontentement. «Quelqu'un pourrait bien m'expliquer pourquoi, alors que nous avions l'avantage du nombre, l'avantage de la position, l'avantage partout... Pourquoi avons-nous encore perdu une bataille... LA bataille contre l'étoile pourpre?! Nous avions tout pour gagner. TOUT! Et vous avez laissé l'étoile pourpre nous encercler!» Cette fois-ci il s'adressait au comte Rover.
Le premier conseiller baissa la tête et semblait prêt à partir à toute jambe. Toute la pièce le regardait et attendait qu'il réponde.
«Inutile de vous dire, reprit le Roi, que grâce à votre petit coup de génie vous venez de perdre votre titre de premier conseiller.»
Le comte jeta un regard en direction du groupe représentant le prince Louis. Il allait ouvrir la bouche quand le Roi le coupa: «Non, fermez la pour l'instant. J'en ai assez de vous entendre cracher votre venin. Si au moins cela nous servait à vaincre l'étoile pourpre et ses alliés.»
Il se s'adossa à son siège et fit signe à messire Carval de prendre la parole. Le comte souffla et posant ses beignets il se leva. «Comme vous semblez tous l'avoir remarquer, la situation est critique. Nous n'avons pas fait de conseil avec le Roi depuis la bataille. Aussi, majesté, laissez nous vous faire un état de la situation.» Il s'avança dans la salle et s'arrêta juste au milieu de la pièce en vérifiant que tout le monde l'écoutait. «Le moral des troupes est au plus bas. Les effectifs sont réduits de moitié, à cause des morts, des blessés, et des prisonniers. L'étoile pourpre et ses alliés ont en leur possession près de deux milles de nos hommes. Il n'a pas encore demandé de rançon, mais cela ne saurait tarder. Personne n'est entré dans la cité depuis notre... depuis la bataille. Personne sauf sir Edorn Rivers et quelques de ses hommes qui ont survécu au massacre d'Argane.» Il le désigna du doigt. «Il n'y avait rien. Pas le moindre message de l'étoile pourpre. Il semble qu'il ait tenté de nous faire passer un message mais allez savoir lequel. L'étoile pourpre encercle la cité d'or. Nous n'avons aucun moyen de communiquer avec l’extérieur, mais surtout nous sommes en état de siège total. L'hiver est presque fini, et les greniers sont vides. Nous avons plusieurs centaines de bouches à nourrir et nous n'avons presque plus rien à leur donner. Si le siège persiste nous risquerons des émeutes dans la cité voire pire. Nous devons savoir ce que veut l'étoile pourpre en échange.»
La pièce était plongée dans le silence. Pendant un moment personne ne toucha mot, jusqu'à ce que le conseiller du prince Louis n'ouvre la bouche. Victor, se rappela Edorn. «Ce qu'il veut c'est assez évident, il nous l'a dit: la couronne du Grand-Royaume. Mais il sait que nous ne lui donnerons jamais. Et ainsi notre chevalier ici présent, nous envoie un message.» Il désigna Edorn. «Si nous ne faisons rien, les prisonniers que détient l'étoile pourpre finiront de la même manière. Ils subiront le vice du kraken vert et de l'étoile pourpre avant de nous envoyer ce qu'il reste. C'est à nous de lui faire une proposition.
- Négocier avec l'étoile pourpre, dit le comte El-Jon. Vous n'y pensez pas. Ses conditions seront bien au delà de ce que l'on peut imaginer. C'est de la folie pure.
- C'est vrai, mais nous n'avons pas d'autre choix. Si nous voulons la paix, il faut payer l'étoile pourpre afin de le faire partir.
- C'est de la folie, répéta le comte Boisseaux.
- Nous n'avons pas le choix. Payer l'étoile pourpre ou la laisser nous affamer.
- Une autre option s'offre à nous, avança Aymar Darcane. Leur armée est divisée en trois. Essayons plutôt de les retourner les uns contre les autres.
- Et comment cela? demanda le conseiller Victor.
- Avec des promesses. Rogar Dorne n'est pas l'un des hommes les plus intelligents sur terre et il a des conseillers qui n'ont pas le même sens de l'honneur que lui, et nous détenons encore la sœur du kraken vert. On peut très bien trouver des arrangements.
- La sœur du kraken vert, dit Etienne Artagnac. C'est à cause d'elle s'il y a la guerre. Je dis qu'on devrait la suspendre dans une cage juste au-dessus des remparts. Montrons la à son frère et disons lui que nous la laisserons tomber dans le vide s'ils ne lèvent pas le siège.»
Le comte Worrl le saisit d'un coup par le col. «Il n'en est pas question. Vous ne la toucherez pas.
- Et pourquoi donc?! cracha le chevalier. C'est une pute, c'est tout ce qu'elle mérite.»
Tout le monde retenait son souffle. Le comte Worrl semblait être sur le point d’éviscérer le chevalier. Pourquoi est-ce qu'il réagit comme ça, se demanda Edorn. Et pourquoi Artagnac continue? Les gardes dans la pièce venaient de dégainer leurs épées et les pointaient en direction de messire El-Jon.
Le comte Carval se rapprocha lentement de messire El-Jon. Il lui posa la main sur l'épaule en signe d'apaisement. «Calme El-Jon. Artagnac ne pensait pas réellement ses mots.» Le comte relâcha sa prise tout en dévisageant avec colère le chevalier.
«L'idée n'est pour autant pas mauvaise.» Edorn se retourna. C'était le Roi qui avait parlé. «Enoria Holl est notre seul atout pour l'instant. Et même si son frère est cinglé, ses hommes autour de lui ne le sont pas.
- Sire vous ne les avez pas combattu, dit le conseiller du prince Louis. Ils suivent leur chef aveuglément comme s'ils suivaient un dieu. Ils sont aussi fous que lui. Si leur roi ne réagit pas, ils ne réagiront pas. Et je doute que Darrion Holl n'en ait quelque chose à faire.»
Le comte Néoforme s'avança et plia le genou face au Roi. «Sire, cet homme a raison. Les hommes de Darrion Holl ne doivent pas être très différents de lui. Pour autant, ses alliés sont un peu plus humains. En menaçant d’exécuter Enoria Holl, nous pouvons faire en sorte qu'ils doutent. Ils hésiteront et nous pourrions même trouver des alliés inattendus.
- Vous parlez de suspendre une femme au dessus des remparts, dit le conseiller Victor, comme si c'était un vulgaires gibet. Vous voulez vous servir d'elle pour diviser nos ennemis.
- Nous sommes en guerre, répliqua le comte. Et en guerre nous devons faire des sacrifices. De plus, si les partisans d'Auguste sont comme vous, cela pourrait très bien fonctionner.
- Et s'ils sont comme vous? demanda El-Jon Worrl. S'ils sont des tortionnaires qui, pour gagner une guerre, suspendent une innocente par-dessus les remparts? Que se passera-t-il?
- Une innocente, ironisa le comte. Une catin étrangère! Rien à foutre qu'elle crève. Si cela nous fait gagner la guerre...
- Alors vous aurez perdu tout honneur.
- L'honneur ne fait pas gagner une guerre.
- La cruauté non plus”, dit Edorn.
D'un coup toutes les têtes se tournèrent vers lui. Sans même le vouloir, il venait de retrouver au centre de l'attention. Mais il fallait qu'il leur dise ce qu'ils avaient subi lui et ses hommes dans les griffes de Darrion Holl.
«Darrion Holl n'avait même pas de question à poser. Il torturait pour son simple plaisir. Il prenait un homme au hasard sans même faire de distinction. Il l'amenait à l'avant de son navire et le torturait avec lenteur. Il voulait qu'on entende ses cris. Chaque cri d'agonie s’accordait avec sa harpe. Avec ses cordes. Il créait une mélodie d'agoni et de supplication. Je ne pensais pas qu'un homme pouvait crier autant. Il torturait... je ne saurais même pas dire avec quoi ou comment. Mais il le faisait tout en jouant avec sa harpe. Quand l'agonie de son prisonnier prenait fin, il nous apportait les reste de son corps et forçait sa prochaine victime à le manger.» Edouarde se souvenait de chaque détail. Le sang, le craquement des os, les supplications de la prochaine victime, mais surtout son rire. Le rire d'un démon. «S'il refusait, le kraken lui fourrait les morceaux de chair dans la bouche et après il obligeait l'homme à manger sa propre chair, tout en s'assurant que l'on regardait. Et si l'un des mes hommes faisait comme il nous disait, il faisait exactement la même chose, mais laissait ce qui restait de lui à ses hommes pour qu'il en fasse ce qu'ils veulent. La veille de la bataille, il est venu devant nous avec un manteau fait de la peau de ses victimes.» Dans la pièce personne ne bougeait ou ne parler, ils étaient tous blanc comme neige, même les hommes du nord semblaient retenir leur souffle. Seul le fannar n'affichait aucune expression. «Il la fait venir. La fille du comte Herse. Lady Elise Herse. Il la fait défiler nue devant nous puis la recouverte du manteau de peau humaine. Cet homme est pire qu'un monstre. C'est... c'est...» Il prit une profonde inspiration sentant tous les regards posés sur lui. «Sa sœur est différente, sans nul doute. Mais mes hommes sont morts de la pire façon que ce soit. Lady Elise subit encore les tourments du kraken vert. ON L'ENTENDAIT CRIER CHAQUE NUIT! Alors je me fous que Lady Enoria soit une princesse et que cela ne soit pas convenable. Contre le kraken vert, il n'y a pas d'honneur à avoir. Si pour éviter tant de souffrance elle doit subir une cage au-dessus des remparts, alors...»
Le comte El-Jon lui jetait des regards assassins. Le comte Carval baissait la tête et ne semblait pas sûr de lui. Le seul qui dans la salle avait l'air de l'écouter avec beaucoup d'attention, était le Roi Charles. Il ne le quittait pas des yeux.
Le Roi se leva de son trône et dévisagea Edorn un long moment avant de prendre la parole. «La nuit porte conseil. Si demain personne n'a trouvé de solution pour débloquer ce siège, alors...» Il hésita et jeta un regard à la petite assemblée. «La nuit porte conseil.»
Puis il quitta la salle à grande enjambée si vite que ses gardes eurent du mal à le suivre.
Les prisonniers traversaient un champ de morts. Edorn comme les autres voyait les cadavres d'anciens amis à lui. Tous morts en se battant alors que lui croupissait dans une prison. La moitié des cadavres avaient commencé à pourrir. Une grande partie était en train de se faire dévorer par les vautours et les corbeaux. La plaine Phoenix n'était plus qu'un festin pour les charognards. Peut-être qu'on retirerait bientôt les corps des morts, mais Edouarde en doutait.
Il fit un pas de plus en avant. Il avait des entraves aux chevilles, cela l’empêchait de bien marcher. Mais en réalité, entraves ou non, il aurait eu du mal à marcher. Chaque pas était une souffrance. Il ne s'était pas levé pour marcher comme ça depuis des jours. Depuis la chute d'Argane.
Il se rappelait encore les rires du démon. Ses gloussements alors que des braves tombaient à ses pieds en se battant pour la liberté du Grand-Royaume. Il se rappelait de tout. Du sang, de la douleur, des cris, mais surtout du rire. Le rire d'un sociopathe. Le rire de Darrion Holl. Il ne pensait pas qu'un homme puisse rire comme cela. Et pourtant il l'avait entendu. Pendant les longues journées qui l'avaient amené jusqu'à la cité d'or dans une cale infesté de rats et de maladie. À regarder ses amis se tortillaient de douleur alors que la démence les emportait peu à peu. Il se rappelait aussi des cris de douleur de ses amis, de ses hommes... les hommes qu'il commandait à la chute d'Argane. S'il avait su ce qu'il allait se passer, il se serait tranché la gorge, il aurait ordonné à tous ses hommes de se trancher la gorge. C'était mieux que de subir les supplices du kraken vert. Il ne leur avait même pas posé de questions. Il les torturait pour les torturer. Cela l'amusait. Il ne pouvait exister un tel monstre. Le kraken n'était pas humain.
Un nouveau pas en avant lui lança une décharge dans le corps. Il se raidit puis fit un autre pas en avant. Sa vision n'était pas très nette. Il n'arrivait même pas à bien voir. Les ombres semblaient danser autour de lui. Comme si les morts se relevaient pour l'emmener dans un enfer proche. Mais rien ne pouvait être pire que ce qu'il avait vécu. La douleur semblait être un soulagement. Elle lui rappelait qu'il était en vie. Il avait besoin de cette douleur. C'était elle qui lui permettait d'avancer. Sans elle il n'était plus rien. Il ne pouvait se passer d'elle. Elle était tout pour lui.
Son pied trébucha contre une racine. Une racine ou un corps, quelle importance, il ne faisait même plus la différence. Son corps lâcha prise et il s'écroula au sol. Incapable de se relever, la douleur était trop intense. Ses membres refusaient de lui obéir et cela parce qu'il n'avait plus assez de force pour leur ordonner.
Un homme s'agenouilla à côté de lui. Edorn tourna lentement la tête. Sa vision était encore flou mais il sembla reconnaître l'un des jumeaux Artagnac.
«Relèves toi, dit le chevalier qui n'avait plus rien d'un chevalier. On y est presque. Bientôt nous serons derrière les murs de la cité d'or. Bientôt nous serons en sécurité.
- Pourquoi? marmonna Edorn dans un crachat de sang. Pourquoi?
- Comment tu t'appelles? demanda Artagnac.
- Edorn.» Il n'en était même plus sûr. Il n'était plus sûr de rien.
«Edorn comment?
- Rivers, répondit -il. Edorn Rivers.
- Alors relèves toi pour ça. Parce que tu es Edorn Rivers, et que personne ne pourra venir à bout de toi. Maintenant relèves toi, on y est presque.»
Artagnac l'aida alors à se relever et Edorn dut donner les dernières forces qui lui rester pour tenir debout. Il fit un nouveau pas en avant, puis un nouveau. La traversée du champ semblait ne jamais s'arrêter. Les cadavres passaient devant lui sans qu'il ne comprenne. Il avançait, mais en regardant le sol, il avait l'impression de reculer. Il se retourna et se vit lui-même dans la personne qui le suivait. Il fit de même devant lui, mais tout semblait se répéter en boucle. Il marchait, marchait, et marchait sans s'arrêter. Rien n'était pire que cette sensation de vide qui l'entourer. C'était comme si Hell venait de lui enrouler ses bras autour de la taille. Edorn devait se cramponner à la vie. Il en venait à oublier le moment présent. Les âmes de morts s'envolaient pour un ultime destin funeste embrassant la ligne des morts. Les idées s'entrechoquaient dans sa tête. Les morts se riaient de lui. Des lambeaux de main pointaient en sa direction et il entendait leurs rires. Des rires funestes, des rires de morts se transformant en gémissement de larmes sur un tapis de sang. Les morts se rassemblaient autour de lui. Ils s'agrippaient à lui et il entendait leurs supplications. Ils avaient besoin de lui. Mais alors que lui-même se cramponnait à la vie, les morts se cramponnaient à lui pour rester dans le monde des vivants. Sa conscience elle-même était en plein combat pour savoir s'il devait succomber à cette force supérieure qui l'attirait vers les plus profonds enfer.
«Edorn Rivers, je suis Edorn Rivers.» C'était la seule chose qui le maintenait en vie. Son nom. Son putain de nom. La seule chose qui lui rappelait qu'il était encore vivant. Il ne pouvait pas mourir maintenant, il n'avait pas encore accompli de grande chose. Il ne pouvait pas mourir maintenant, sinon son nom... Edorn Rivers tomberait dans l'oubli. Il voulait que son nom soit éternel. S'il mourait maintenant... s'il tombait dans ce champ et ne se relever pas, alors plus personne ne se souviendrait de lui. Il ne serait plus que la poussière d'un souvenir oublié dans les landes du passé. Rien d'autre qu'une poussière, la page d'un livre d'une autre personne.
Sur un énième pas, les ténèbres s'amusèrent autour de lui. Il releva la tête et vit qu'il se trouvait juste devant les murs. Tournant la tête à droite puis à gauche, il vit qu'il ne devait pas y avoir plus de la moitié des hommes qui avaient réussi à traverser le champ. Trop étaient tombés sur le chemin. Beaucoup trop. Mais lui se trouvait là, et c'était la seule chose qui comptait.
Il tenta de lever une nouvelle fois la jambe, mais son corps l'abandonna pour de bon. Il s’écroula sur le sol dur et froid. La terre sur ses joues lui procurait un bien fou. Il voulut hurler, mais aucun son ne sortit de sa bouche, il avait mal. Mal, mal et encore mal. Son corps refusait d'obéir. Il voulait se relever et appeler à l'aide, suppliant les gardes de la cité de leur ouvrir, mais les ténèbres l'enveloppaient. Il ferma les yeux, il n'avait plus la force de les ouvrir.
Puis il entendit les portes racler sur le sol. Comme la caresse du vent sur une feuille d’automne. Rien n'était plus doux qu'un son comme celui-ci. Le raclement de la porte en bois contre la terre froide. Le claquement d'une herse que l'on ouvre. Les bruits de pas. Les bottes claquant sur la pierre. Les sabots contre les dalles. Les hommes accouraient vers eux.
Pendant un faible instant, Edorn réussit à ouvrir les yeux. Cette fois, ce n'était pas des lambeaux d'ombres qui s'agrippaient à lui, c'était des capes d'or qui le soulevaient du sol. Il referma les yeux et s'abandonna. Rien n'était plus simple que de s'abandonner.
Il sentit que l'on le déposait sur un brancard et il releva les yeux. D'abord il crut être aveuglé par la lumière, puis il sentit sa caresse sur son visage: la pluie. Comment ne s'était-il pas aperçu qu'il pleuvait? Mais la douce caresse des gouttes sur sa peau ne lui apportait pas autant de plaisir. Un geste simple, si simple, si beau et si agréable. Il sourit. Il était tellement heureux de la sentir. De nouveau l'entendre. De nouveau la voir. Les larmes lui inondaient les paupières, il ne se rappelait pas qu'il savait encore pleurer.
Une main se posa sur son épaule et le secoua doucement. Lentement, Edorn ouvrit les yeux. Il avait l'impression d'avoir dormi une éternité et pourtant il sentait encore la pluie tomber sur son visage. Il n'avait pas bougé, les temps n'avaient pas accéléré, il ne s'était pas endormi pendant de longue heure. Pourquoi le réveillait-t-on? Il dut plisser les yeux pour voir la personne qui le tirait vers le monde des vivants. Sa vision était trouble. Il ne distinguait que ses yeux. Ils semblaient être noir, noir comme la mort.
«Vous êtes Edorn Rivers? demanda l'homme.
- Oui, répondit lentement Edorn en hochant la tête.
- Je suis le conseiller du prince Louis, Victor. Le prince a été blessé dans la récente bataille. Je suis comme son émissaire étant donné qu'il ne peut se déplacer. J'ai besoin de savoir si l'étoile pourpre vous a donné un message à nous transmettre. Est ce qu'il vous a transmis quelque chose?»
Les idées d'Edorn s'entrechoquaient dans sa tête. Elle n'avait pas de sens. Mais il se rappelait ce que l'un de ses généraux leur avait dit avant qu'ils ne commencent à traverser la plaine. «L'étttt... oile pouuuu... re... l'étoile pourpre nous a ressss... titué en... gage de bbbbon.. ne foi. Il vveut qu'illl... est de nnnnouuuu... velle négociation.» Chaque mots étaient un supplice pour sa gorge et sa langue. «Il veut ressss... tituer les rrrreste des prisssonniers en 'change de rançon. Et la... levée du sssiège.»
L'homme hocha la tête le regard sombre et se releva. Il fit un signe aux médecins de venir s'occuper d'Edouarde, mais celui-ci ne les vit jamais arriver. Il s'endormit directement après avoir vu l'homme disparaître dans des volutes de fumée.
Il se réveilla dans une immense pièce noir. Tout était confus. Sans même sans rendre compte, il se retrouva debout. Il marchait. Marchait dans une étendue infinie. À chaque pas, il avait l'impression qu'il avançait sur un terrain accidenté. Il aurait bien voulu regarder en bas, mais un épais brouillard l’empêchait de voir ses pieds. Il continua de marcher sans même se rendre compte s'il avançait ou non. Lentement la brume devint moins épaisse. En regardant de nouveau ses pieds, il comprit qu'il marchait sur des cadavres. Il aurait aimé ne pas savoir qui ils étaient, mais cela lui était impossible. Il les reconnaissait. Il savait que c'était des soldats du Grand-Royaume, certains étaient ses amis. Tous n'étaient plus que des corps sans vie dans une étendue glacée de désespoir. Comment pouvait -il y avoir autant de morts sous ses seuls pieds? Ce n'était pas normal. Il ne pouvait y avoir autant de morts. Puis les cadavres changèrent à mesure qu'il tentait de s'en éloigner. Cette fois il ne les reconnut plus, mais il était toujours aussi nombreux. Toujours plus. Mais qui était-il?
«Qui? dit une voix dans le noir. Voilà une bonne question.
- Qui êtes-vous? demanda Edorn.
- Personne d'important. Enfin pour l'instant. La véritable question que tu devrais te poser est qui sont-ils eux? Des centaines de cadavres entassés à tes pieds. Tu ne trouves pas cela étrange.
- Rien n'est étrange dans un monde comme le nôtre. Qui êtes-vous?
- Une voix dans ta tête. Une ombre qui te retient dans le monde des vivants. Rien de plus, rien de moins. Tu n'as pas besoin d'en savoir plus.
- Ce n'est pas réel, n'est ce pas? Je suis en train de rêver.
- Non, dit la voix dans les ténèbres, tu es en train de mourir. Ton cerveau délire. Tu penses ne pas reconnaître ses corps, mais en réalité tu les reconnais. Tu sais très bien qui ils sont.
- Montrez vous! Aidez-moi à me réveiller!
- Et pourquoi cela? Tu n'as rien à m'offrir. Je ne suis là que pour aider à passer de l'autre côté. Enfin… si tu veux passer de l'autre côté.»
Edouarde réfléchit. Il ne pouvait pas mourir maintenant. Il n'avait encore rien accompli. Il ne pouvait être que la page du livre d'un autre. «Aidez-moi. Je ne veux pas mourir. Je ne veux pas passer de l'autre côté. Je n'ai encore rien accompli. Il me reste encore tant de choses à faire.
- Tant de choses à faire... regarde autour de toi. Ils leur restaient tant de choses à faire. Mais ils sont morts, et pourquoi? Pour que des fous puissent détenir le pouvoir. Un pouvoir qu'ils sont incapable de maîtriser. Des idiots, rien de plus. Si tu décides de remonter à la surface. Si tu veux continuer à vivre. Cela engendrera encore des milliers de morts. Tu deviendras comme eux. C’est tout.
- Je me fiche des autres. Je suis là pour moi. Tout ce que j'ai fait, je l'ai fait pour moi, pour ma famille, pour mon royaume. Si je m'arrête maintenant alors des milliers de vies se seront éteintes pour rien.
- Dis leur à eux alors.»
Soudain les corps se relevèrent. Un à un ils l'entourèrent. Leurs yeux étaient vides, sans expression, vide. Ils se jetèrent alors sur lui en hurlant. Des mains l'attrapèrent de partout, lui arrachant la peau dans une vague de douleur sans précédent. Une douleur si intense, c'était comme si les flammes de chaques morts venaient s'enfoncer sous sa peau et le détruisaient de l’intérieur. Une douleur si intense. Il sentait les mains froides lui arrachaient les membres. Une douleur si intense, si intense. Il voulut hurler, mais aucun son ne sortit de sa bouche. Il était impuissant.
Puis la douleur se stoppa. Les morts continuaient de le détruire, mais il ne ressentait plus rien. Plus aucune douleur. Pas un son. Rien. C'était comme si le vide venait de se former autour de lui, alors qu'il observait son corps mutilé à la merci des cadavres. Ceux-ci se déchaînaient sur lui comme des corbeaux s'en prenant à un cadavre. Rien ne semblait pouvoir les arrêter.
Edorn entendit alors un rugissement au loin. Il se retourna pour voir d'où provenait le bruit et il le vit. Un dragon. Un dragon à sept têtes. Les flammes rouges, bleu, verte et noir virevoltant autour de lui pour créé un mur de noirceur. Les morts se transformèrent rapidement en torche étincelante, propageant les flammes d'un corps à l'autre. Le dragon lui était sans pitié. Il fracassait, brûlait, mordait, lacérait, éviscèrait, détruisait tout autour de lui. La plaine immense n'était plus qu'un gigantesque brasier, le sang lui-même semblait être un ébullition dans l' océan de cris.
Edorn était impuissant. Il les voyait mourir, et ne pouvait rien faire. Il vit même son propre corps être détruit par l'immense dragon, qui à chaque bouchée devenait de plus en plus fort. Il en avait la certitude, c'était l'incarnation des sept apocalypses. On ne pouvait pas lutter face à lui. Il ne pouvait rien faire. Un milliers d'épées n'aurait rien pu faire.
Le carnage dura. Edorn n'aurait pas su dire combien de temps, mais il dura. Une éternité peut-être, plus que cela. Il ne semblait pas pouvoir s'arrêter. Il était sans fin. Et l’appétit du dragon paraissait sans fin.
Le dragon le remarqua entre deux lâchées de flammes. Il se tourna lentement vers lui, et rugit comme Edorn ne l'aurait jamais cru possible. Edorn aurait voulu reculer, mais cela lui était impossible. Il ouvrit alors son immense gueule et poussa un ultime rugissement avant de la refermer sur l'esprit d'Edorn.
Il cria comme il le put, mais il n'y avait rien à faire. Il n'arrivait même plus à bouger. Ses mains étaient attachées. Il cria encore et encore à en perdre la voix. Tout était noir. La force de la gueule du dragon le maintenait en place. Elle était bien supérieure à la sienne. Il avait si mal.
«Calmez vous, dis une voix dans le noir. Calmez vous, vous n'y êtes plus.
- Où est ce que je suis? bredouilla sa langue.
- En sécurité, c'est l'essentiel. Enfin pour l'instant.
- Est ce que je rêve encore?
- J'en doute. Ouvrez les yeux.»
Il essaya mais n'y parvient pas. Tout était noir. Tout était froid, dur, douloureux. Il avait si mal. «Je n'y arrive pas. Pourquoi?!
- Vous avez juste oubliez comment faire. C'est plutôt commun chez les malades. Vous avez déliré pendant trois jours. Personne ne savait si vous alliez survivre ou non. Mais il semblerait que les dieux aient été avec vous. Vous êtes de nouveau parmi les vivants. Enfin pour ce que cela vaut.
- Pourquoi est-ce que je n'arrive pas à ouvrir les yeux?
- C'est assez difficile à expliquer. Mais disons que c'est une histoire de volonté. Mais je vous rassure vous n'êtes pas aveugle. Pas encore.
- Quoi?
- Ça n'a pas d'importance. Dormez. C'est mieux pour l'instant.»
Il voulut crier non, mais son corps lui indiquait le contraire. Sans même s'en rendre compte, il s'endormit. Tout était si calme. Si simple. Tout était si beau dans le calme du sommeil.
Cette fois-ci, il ne rêvait pas. Au contraire, il eut l'impression de se réveiller juste après s'être endormi face à la voix.
Il s'essuya les yeux et sans s'en rendre compte, il les ouvrit. L'homme avait raison. Il semblait qu'il avait juste oublié comment faire, mais c'était revenu naturellement.
Il se redressa sur son lit et attendit que ses yeux s’habitue à la lumière éclatante. Il avait envie de pleurer de joie tellement cela lui faisait du bien de voir de nouveau. Tout était si beau. Merveilleux. Le monde autour de lui était si magnifique. Pendant un moment, il crut qu'il rêvait encore, mais c'était peu probable étant donné qu'il avait encore si mal.
Il chercha directement à savoir où il était. Pas dans une chambre rien que pour lui, il en était sûr. Il y avait beaucoup trop de bruit. Des bruits de personnes qui courent, de personnes qui toussent, d'autres qui gémissent et au milieu les voix fortes des médecins qui donnaient leurs ordres. De simple rideau blanc, le séparait du reste du monde, mais cela ne l'empéchait pas de savoir où il était: un hôpital de la cité d'or.
Le sentiment de sécurité qu'il éprouva se transforma rapidement en un mécontentement. Pourquoi ne l'avait-on pas mis dans une chambre fermée du monde? Il était le fils du marquis Rivers, il aurait dû avoir une chambre pour lui, c'était la moindre des choses. Mais au lieu de cela, il se retrouvait dans un hôpital avec des dizaines voire des centaines de soldats, dont il savait que la moitié n'était pas des chevaliers.
Son regard se posa sur l'homme assis devant son lit en train de fumer une pipe les yeux rivés sur un livre. Sa tête ne lui revenait pas, de toute façon il doutait qu'après un si long sommeil et une si longue captivité, il ne se rappelle de qui que ce soit. Il plissa les yeux pour voir le symbole dessiné sur la tunique de l'homme: croissant de lune argenté au-dessus d'une montagne. C'était un Worrl, après il restait à savoir lequel.
L'homme releva la tête et le dévisagea. Il retira sa pipe de sa bouche et lui sourit. «Je vous pris de n'en toucher mot à personne, les médecins n'aiment pas que je fume ici.»
Edouarde le regarda avec méfiance puis se racla la gorge. «Je vous prie de m'excuser, mais votre visage ne me rappelle rien. Qui êtes-vous?
- C'est vrai que j'ai quelque peu changé depuis le début de cette guerre. Mais je pense que vous faites encore plus peur à voir. Enfin bon, je suis El-Jon Worrl, comte de Worrl.»
Edorn se redressa gainé de ne pas l'avoir reconnu. Sa tête fit un tour sur elle-même et il se rappela que son père était mort pendant la bataille de Montgargant lui laissant le titre. Le jeune chevalier s'était un peu laissé pousser la barbe afin d'avoir l'air plus vieux, mais cela n'aidait pas beaucoup. Même s'il était très certain qu'il est participé à la bataille dans la plaine Phoenix, il ne semblait pas en avoir rapporté quelque marque que ce soit. Au contraire, il semblait en très bonne forme.
«Pourquoi êtes-vous ici? demanda Edorn. Je doute que cela soit pour veiller sur moi. Alors dites-moi ce que vous faites ici?»
Le chevalier sourit en levant sa pipe et en l'agitant. Il se tourna et passant la tête à travers le drap blanc, il ordonna: «Faites dire au comte Carval de venir! Dites-lui que sir Edorn Rivers est réveillé!» Puis il se retourna vers Edorn. «Vous devriez boire un coup. Cela vous ferez du bien. Nous verrons après pour vous laver.»
Il attrapa la carafe d'eau à côté d'Edorn et lui servit un gobelet. Edorn l'attrapa et le regarda avec dégoût. «J'aurais plus besoin de vin que d'eau.
- Je m'en doute, dit El-Jon Worrl. Mais le vin n'est que rarement utilisé dans les hôpitaux. Buvez.»
Il but une première et cela lui fit à la fois mal et à la fois extrêmement de bien. Il se tourna vers le comte. «La bataille, que s'est-il passé?
- Il n'y a rien à dire. Nous nous sommes battues, et nous avons perdu.» Il gratta sa pipe puis la remit dans sa bouche. «Nous pensions que nous avions une chance en maintenant leurs armées séparées, mais en réalité, l'étoile pourpre a encore tissé un piège et nous sommes tombés dedans. Un vrai désastre. Des centaines de chevaliers ont été fait prisonnier. Plus de deux mille de nos hommes et aussi les comtes Iris, Tigre et Artagnac. Et le pire c'est que pour l'instant nous n'avons reçu aucune demande de rançon. Rien. Seulement vous et quelques de vos hommes. Et franchement vous ressembliez plus à des morts vivants qu'à autre chose. On doutait que vous surviviez. D'ailleurs on se demande encore pourquoi l'étoile vous à libéré vous et vos hommes. Rien n'a été fait, on pensait même que vous étiez tous morts.»
Edorn le regarda perplexe. C'était vrai, pourquoi l'étoile pourpre les avait libéré? Darrion Holl semblait pourtant bien s'amuser avec eux. Les deux n'avaient aucune raison valable de les libérer.
D'un coup le rideau s’ouvrit pour laisser apparaître le comte Carval. Toujours aussi gros que depuis la dernière fois où il l'avait vu. Il avait dans sa main gauche une tourte à la viande ainsi que du jus, sûrement du sang, et des miettes sur la bouche ainsi que sur sa barbe. Il semblait même qu'il avait grossi depuis la dernière fois qu'Edouarde l'avait vu. Il avait dû ouvrir sa ceinture de plusieurs crans, étant donné que même sa tunique semblait trop courte par rapport à son ventre.
Il passa lentement le drap blanc et le referma derrière lui. «Sir Edorn Rivers. Une joie de vous revoir en vie. Je ne pensais pas vous revoir vivant après la chute d'Argane.
- Un chance que n'ont pas eu tous mes hommes.» L'expression d'Edorn changea, cette fois il était en colère. «Combien d'hommes m'a-t-on donné pour tenir la citadelle? Quelques centaines? Même le premier des idiots auraient compris que la citadelle était perdue. Où étaient les renforts que vous m'aviez promis? La citadelle est tombée, j'ai vu mes hommes mourir les uns après les autres, et vous... vous étiez à la cité d'or en train de fumer votre pipe. Des centaines de personnes sont mortes lors de la chute de la citadelle. Et où étiez-vous? Vous saviez que la citadelle allait tomber et vous n'avez rien fait.
- Non ne pouvions rien faire, répliqua le comte Carval en s'asseyant sur une chaise toujours calme et détendue. Nous devions combattre l'étoile pourpre.
- Votre plan n'était-il pas de détruire son armée avant qu'elle ne fasse jonction avec celle de Rogar Dorne et du kraken vert?
- Si.
- Alors dites-moi pourquoi vous les avez affrontées il y a quelques jours sur la plaine. Dites moi pourquoi mes hommes sont morts! Est ce que vous vous imaginez seulement ce que c'est d'être le prisonnier du kraken vert?
- Vos hommes sont morts à cause de la mauvaise décision de notre Roi, répondit El-Jon Worrl. Il a refusé de mener l'assaut contre les forces de l'étoile pourpre. Il voulait les affronter ensemble, afin de nous montrer qu'il était le digne héritier de la famille Roy. On a eu beau le supplier de lancer l'assaut, il refusait. Quand il a enfin accepté de sortir de la cité d'or, c'était déjà trop tard. Des centaines d'hommes sont mort parce que notre Roi continuait d'écouter les conseils stupide de son premier conseiller.
- Et nous? Pourquoi ne nous avez vous pas fait libérer? Savez vous seulement ce que cela fait d'être le prisonnier de Darrion Holl? C'EST UN ANIMAL! Cet homme n'est même pas humain. Il a torturé mes hommes pour son simple plaisir. Il s'amusait à les savoir se tordre de douleur et à le supplier de les tuer. C'est plus qu'un animal, c'est...» Edorn ne trouvait même plus ses mots.
Le comte Carval le dévisagea sans expression tout en continuant de mâcher sa tourte à la viande. Quand il eut fini, il se leva et se dirigea vers l'ouverture entre les draps blanc. «J'ai besoin de vous au conseil qui va se dérouler dans la salle des cartes. De tous les deux. La guerre n'est pas fini et nous n'avons pas encore totalement perdu.
- Comment pourrions nous gagner après une telle défaite? demanda le comte El-Jon.
- En jouant à des stratagèmes. Faites en sorte qu'il vienne au conseil.»
Sur ces mots il sortit en laissant de lourd bruit de pas derrière lui. El-Jon Worrl se tourna vers Edorn en ayant l'air embarrassé. «C'est vrai, nous allons avoir besoin de vous. Mais certainement pas dans cet état. Un brin de toilette vous ferez du bien.»
Il fallut un moment à Edorn pour sortir de l’hôpital. Par chance, celui-ci se trouvait proche de la citadelle dorée. On le mit sur une charrette et on le conduisit jusque dans les jardins étoilés. Là, il fut amené dans la citadelle de fer. À son entrée, on le conduisit directement dans la salle des bains. On le plongea dans une grande bassine d'eau bouillante et il se laissa faire. Cela faisait trop de temps qu'il n'avait pas pris de bain pour se laver. En en sortant, il ne fut pas surpris de la couleur de l'eau noir. Il se sentait déjà beaucoup mieux après en être sortie. Après avoir été malade, selon lui l'un des meilleurs remèdes étaient de se laver. Et cela était encore mieux avec de l'eau chaude.
On lui apporta une tunique au couleur de sa maison et il la revêtit avec lenteur. Mais si cela pris du temps, il se retrouva propre et prêt pour rencontrer le Roi et ses conseillers. Pendant ce temps, le comte El-Jon Worrl ne l'avait pas quitté des yeux. Il continuait à fumer de sa pipe avec un air blasé sans afficher aucune expression. Une fois Edorn prêt, il se redressa et réajusta sa tenue avant de lui indiquer la sortie des bains. Il fallut tout de même que l'écuyer de messire El-Jon l'aide à se tenir debout, un certain Matis Orlong. Le comte le mena lentement vers le premier puis vers le second étage afin d'aller à la salle des cartes. La salle des terres de la couronne et de tout le Grand-Royaume.
En rentrant dans la pièce, Edorn y découvrit une douzaine d'hommes rassemblés. On comptait le comte Carval ainsi que le comte Boisseaux et le fils du comte Artagnac, sir Étienne Artagnac. Il y avait aussi le premier conseiller Rover avec un bras dans un bandage, le comte Néoforme et l'un des fils du comte Tigre, sir Eoround Tigre, ainsi que sir Aymar Darcane. Le conseiller du prince Louis était là avec un yarl du nord, un Fannar de Sombre-Astre et un housecarl de la Nordruss. Le prince Louis lui n'était pas là pour cause de blessure durant la bataille de la plaine Phoenix. Les autres étaient des chevaliers du Roi encadrant le trône vide.
Edorn fit un nouveau pas en avant faillit tomber. L'écuyer de sir El-Jon le rattrapa à tant et le redressa. Ils traversèrent ensemble la pièce sous le regard des conseillers jusqu'à ce qu'il se pose sur un fauteuil en osier à quelques pas du trône. Là, il s'effondra et regarda les conseillers qui le dévisageaient.
Le groupe qui représentait le prince Louis fut le premier à arrêter de le regarder. Il se remirent à discuter sans qu'il ne puisse comprendre ce qu'ils disaient. Il attarda son regard sur l'ami du prince. Celui-ci ressemblait plus à un chasseur ou un pisteur la dernière fois qu'Edorn l'avait vu. Il avait troqué ses habits de cuir contre un habit en riche tissus ajusté à ses bras lui conférant une allure élégante. L'ensemble de la tunique était manche longue lui permettant une totale maîtrise de ses gestes avec de petit ornement discret. Sa ceinture était ornée d'une broche du nord, montrant son rapprochement avec le clan du yarl, avec des détails raffinés. Ses bottes en cuir étaient également élégantes, avec des lignes épurées et un bon ajustement. L'ensemble en plus d'une toge allant des épaules aux hanches devait coûter une fortune et pourtant le tout resté très discret. Il semblait tout de même resté inaperçu et plutôt vouloir mettre en valeur ses compagnons du nord. Ceux-ci étaient habillés dans un style très nordique sauf le Fannar avec une tenue sombre et rappelant celle d'un assassin. Le petit groupe faisait étrangement peur et semblait être composé des hommes les plus dangereux de la pièce tout en restant en retrait.
À côté d'eux, lui aussi assis, le comte Carval dégageait une impression de force et de générosité, avec apparence combinant dignité, richesse et une touche de bonhomie. Il mangeait cette fois des beignets au miel et ne semblait même pas faire attention au groupe du premier conseiller qui lui jetait des regards haineux. Sir El-Jon s'était installé juste à côté de lui et était en train de vider sa pipe éteinte. Le comte Boisseaux était juste à côté et discutait à voix basse avec sir Étienne Artagnac.
Le premier conseiller parlait quant à lui avec messire Néoforme et messire Tigre et semblait anxieux. Sur le chemin pour venir, sir El-Jon lui avait dit que c'était lui qui devait tenir le front contre l'étoile pourpre et donc que c'était de sa faute si l'armée s'était retrouvée encerclée par l'étoile pourpre. Le Roi allait sûrement lui priver de son titre et allait sûrement vouloir lui reprocher la défaite de l'armée loyaliste.
Hormis les chuchotements des différents groupes, il n'y avait pas un bruit dans la pièce. Tout le monde attendait que le Roi arrive. Le temps s'écoula. Edorn sentait le sommeil le rattraper et luttait pour ne pas somnoler.
Les portes claquèrent d'un coup et le Roi rentra dans la pièce escorté par deux gardes. Habillé en rouge, noir et doré avec des dizaines de motif sur une tunique ajusté, il entra d'un coup dans la salle sans jeter un seul coup d'oeil à ses conseillers. Il était contrarié, et même un aveugle aurait pu le voir. Malgré le soin qu'il semblait avoir apporté à son apparence, Edorn devinait très bien que cela faisait plusieurs jours qu'il ne dormait pas, de petit cerne se laissait voir sous ses yeux. Face au trône, il tourna d'un coup les talons faisant voler dans les airs sa majestueuse cape noir et or, puis il se posa sur le siège qui dominait la pièce avant de commencer à taper du doigt sur les accoudoirs pour montrer son mécontentement. «Quelqu'un pourrait bien m'expliquer pourquoi, alors que nous avions l'avantage du nombre, l'avantage de la position, l'avantage partout... Pourquoi avons-nous encore perdu une bataille... LA bataille contre l'étoile pourpre?! Nous avions tout pour gagner. TOUT! Et vous avez laissé l'étoile pourpre nous encercler!» Cette fois-ci il s'adressait au comte Rover.
Le premier conseiller baissa la tête et semblait prêt à partir à toute jambe. Toute la pièce le regardait et attendait qu'il réponde.
«Inutile de vous dire, reprit le Roi, que grâce à votre petit coup de génie vous venez de perdre votre titre de premier conseiller.»
Le comte jeta un regard en direction du groupe représentant le prince Louis. Il allait ouvrir la bouche quand le Roi le coupa: «Non, fermez la pour l'instant. J'en ai assez de vous entendre cracher votre venin. Si au moins cela nous servait à vaincre l'étoile pourpre et ses alliés.»
Il se s'adossa à son siège et fit signe à messire Carval de prendre la parole. Le comte souffla et posant ses beignets il se leva. «Comme vous semblez tous l'avoir remarquer, la situation est critique. Nous n'avons pas fait de conseil avec le Roi depuis la bataille. Aussi, majesté, laissez nous vous faire un état de la situation.» Il s'avança dans la salle et s'arrêta juste au milieu de la pièce en vérifiant que tout le monde l'écoutait. «Le moral des troupes est au plus bas. Les effectifs sont réduits de moitié, à cause des morts, des blessés, et des prisonniers. L'étoile pourpre et ses alliés ont en leur possession près de deux milles de nos hommes. Il n'a pas encore demandé de rançon, mais cela ne saurait tarder. Personne n'est entré dans la cité depuis notre... depuis la bataille. Personne sauf sir Edorn Rivers et quelques de ses hommes qui ont survécu au massacre d'Argane.» Il le désigna du doigt. «Il n'y avait rien. Pas le moindre message de l'étoile pourpre. Il semble qu'il ait tenté de nous faire passer un message mais allez savoir lequel. L'étoile pourpre encercle la cité d'or. Nous n'avons aucun moyen de communiquer avec l’extérieur, mais surtout nous sommes en état de siège total. L'hiver est presque fini, et les greniers sont vides. Nous avons plusieurs centaines de bouches à nourrir et nous n'avons presque plus rien à leur donner. Si le siège persiste nous risquerons des émeutes dans la cité voire pire. Nous devons savoir ce que veut l'étoile pourpre en échange.»
La pièce était plongée dans le silence. Pendant un moment personne ne toucha mot, jusqu'à ce que le conseiller du prince Louis n'ouvre la bouche. Victor, se rappela Edorn. «Ce qu'il veut c'est assez évident, il nous l'a dit: la couronne du Grand-Royaume. Mais il sait que nous ne lui donnerons jamais. Et ainsi notre chevalier ici présent, nous envoie un message.» Il désigna Edorn. «Si nous ne faisons rien, les prisonniers que détient l'étoile pourpre finiront de la même manière. Ils subiront le vice du kraken vert et de l'étoile pourpre avant de nous envoyer ce qu'il reste. C'est à nous de lui faire une proposition.
- Négocier avec l'étoile pourpre, dit le comte El-Jon. Vous n'y pensez pas. Ses conditions seront bien au delà de ce que l'on peut imaginer. C'est de la folie pure.
- C'est vrai, mais nous n'avons pas d'autre choix. Si nous voulons la paix, il faut payer l'étoile pourpre afin de le faire partir.
- C'est de la folie, répéta le comte Boisseaux.
- Nous n'avons pas le choix. Payer l'étoile pourpre ou la laisser nous affamer.
- Une autre option s'offre à nous, avança Aymar Darcane. Leur armée est divisée en trois. Essayons plutôt de les retourner les uns contre les autres.
- Et comment cela? demanda le conseiller Victor.
- Avec des promesses. Rogar Dorne n'est pas l'un des hommes les plus intelligents sur terre et il a des conseillers qui n'ont pas le même sens de l'honneur que lui, et nous détenons encore la sœur du kraken vert. On peut très bien trouver des arrangements.
- La sœur du kraken vert, dit Etienne Artagnac. C'est à cause d'elle s'il y a la guerre. Je dis qu'on devrait la suspendre dans une cage juste au-dessus des remparts. Montrons la à son frère et disons lui que nous la laisserons tomber dans le vide s'ils ne lèvent pas le siège.»
Le comte Worrl le saisit d'un coup par le col. «Il n'en est pas question. Vous ne la toucherez pas.
- Et pourquoi donc?! cracha le chevalier. C'est une pute, c'est tout ce qu'elle mérite.»
Tout le monde retenait son souffle. Le comte Worrl semblait être sur le point d’éviscérer le chevalier. Pourquoi est-ce qu'il réagit comme ça, se demanda Edorn. Et pourquoi Artagnac continue? Les gardes dans la pièce venaient de dégainer leurs épées et les pointaient en direction de messire El-Jon.
Le comte Carval se rapprocha lentement de messire El-Jon. Il lui posa la main sur l'épaule en signe d'apaisement. «Calme El-Jon. Artagnac ne pensait pas réellement ses mots.» Le comte relâcha sa prise tout en dévisageant avec colère le chevalier.
«L'idée n'est pour autant pas mauvaise.» Edorn se retourna. C'était le Roi qui avait parlé. «Enoria Holl est notre seul atout pour l'instant. Et même si son frère est cinglé, ses hommes autour de lui ne le sont pas.
- Sire vous ne les avez pas combattu, dit le conseiller du prince Louis. Ils suivent leur chef aveuglément comme s'ils suivaient un dieu. Ils sont aussi fous que lui. Si leur roi ne réagit pas, ils ne réagiront pas. Et je doute que Darrion Holl n'en ait quelque chose à faire.»
Le comte Néoforme s'avança et plia le genou face au Roi. «Sire, cet homme a raison. Les hommes de Darrion Holl ne doivent pas être très différents de lui. Pour autant, ses alliés sont un peu plus humains. En menaçant d’exécuter Enoria Holl, nous pouvons faire en sorte qu'ils doutent. Ils hésiteront et nous pourrions même trouver des alliés inattendus.
- Vous parlez de suspendre une femme au dessus des remparts, dit le conseiller Victor, comme si c'était un vulgaires gibet. Vous voulez vous servir d'elle pour diviser nos ennemis.
- Nous sommes en guerre, répliqua le comte. Et en guerre nous devons faire des sacrifices. De plus, si les partisans d'Auguste sont comme vous, cela pourrait très bien fonctionner.
- Et s'ils sont comme vous? demanda El-Jon Worrl. S'ils sont des tortionnaires qui, pour gagner une guerre, suspendent une innocente par-dessus les remparts? Que se passera-t-il?
- Une innocente, ironisa le comte. Une catin étrangère! Rien à foutre qu'elle crève. Si cela nous fait gagner la guerre...
- Alors vous aurez perdu tout honneur.
- L'honneur ne fait pas gagner une guerre.
- La cruauté non plus”, dit Edorn.
D'un coup toutes les têtes se tournèrent vers lui. Sans même le vouloir, il venait de retrouver au centre de l'attention. Mais il fallait qu'il leur dise ce qu'ils avaient subi lui et ses hommes dans les griffes de Darrion Holl.
«Darrion Holl n'avait même pas de question à poser. Il torturait pour son simple plaisir. Il prenait un homme au hasard sans même faire de distinction. Il l'amenait à l'avant de son navire et le torturait avec lenteur. Il voulait qu'on entende ses cris. Chaque cri d'agonie s’accordait avec sa harpe. Avec ses cordes. Il créait une mélodie d'agoni et de supplication. Je ne pensais pas qu'un homme pouvait crier autant. Il torturait... je ne saurais même pas dire avec quoi ou comment. Mais il le faisait tout en jouant avec sa harpe. Quand l'agonie de son prisonnier prenait fin, il nous apportait les reste de son corps et forçait sa prochaine victime à le manger.» Edouarde se souvenait de chaque détail. Le sang, le craquement des os, les supplications de la prochaine victime, mais surtout son rire. Le rire d'un démon. «S'il refusait, le kraken lui fourrait les morceaux de chair dans la bouche et après il obligeait l'homme à manger sa propre chair, tout en s'assurant que l'on regardait. Et si l'un des mes hommes faisait comme il nous disait, il faisait exactement la même chose, mais laissait ce qui restait de lui à ses hommes pour qu'il en fasse ce qu'ils veulent. La veille de la bataille, il est venu devant nous avec un manteau fait de la peau de ses victimes.» Dans la pièce personne ne bougeait ou ne parler, ils étaient tous blanc comme neige, même les hommes du nord semblaient retenir leur souffle. Seul le fannar n'affichait aucune expression. «Il la fait venir. La fille du comte Herse. Lady Elise Herse. Il la fait défiler nue devant nous puis la recouverte du manteau de peau humaine. Cet homme est pire qu'un monstre. C'est... c'est...» Il prit une profonde inspiration sentant tous les regards posés sur lui. «Sa sœur est différente, sans nul doute. Mais mes hommes sont morts de la pire façon que ce soit. Lady Elise subit encore les tourments du kraken vert. ON L'ENTENDAIT CRIER CHAQUE NUIT! Alors je me fous que Lady Enoria soit une princesse et que cela ne soit pas convenable. Contre le kraken vert, il n'y a pas d'honneur à avoir. Si pour éviter tant de souffrance elle doit subir une cage au-dessus des remparts, alors...»
Le comte El-Jon lui jetait des regards assassins. Le comte Carval baissait la tête et ne semblait pas sûr de lui. Le seul qui dans la salle avait l'air de l'écouter avec beaucoup d'attention, était le Roi Charles. Il ne le quittait pas des yeux.
Le Roi se leva de son trône et dévisagea Edorn un long moment avant de prendre la parole. «La nuit porte conseil. Si demain personne n'a trouvé de solution pour débloquer ce siège, alors...» Il hésita et jeta un regard à la petite assemblée. «La nuit porte conseil.»
Puis il quitta la salle à grande enjambée si vite que ses gardes eurent du mal à le suivre.
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Re: Le Théâtre du Pouvoir [fantasy-dark fantasy-guerre-intrigue]
XXXV. Victor Partie 2
Le soleil allait bientôt disparaître derrière les murs de la cité d'or. Les rayons de soleil doré projetaient dès leur lumière sur les jardins laissant apparaître les constellations des jardins. Les formes semblaient s'animer avec les prieurs du soir. Les jardins étaient toujours très beaux à la tombée du soir. En regardant bien, on pouvait y voir les oiseaux et insectes bourdonnant, chantant, et volant au-dessus des constellations. Un spectacle magnifique malgré des heures si sombres.
Accompagné par Nuit, Trymian et Reknar Dargon, Victor marchait dans un silence de mort. Il y avait vraiment crus. Il pensait pouvoir l'emporter. La bataille était presque gagnée. Leurs forces prenaient enfin l'avantage sur les troupes de Rogar Dorne et du kraken vert. Ils leur suffisaient d'attendre lentement la nuit dans une guerre d'usure. Les Largons et les Mitiliens n'auraient pas eu d'autre choix que de se rendre ou de fuir. Le lendemain, il aurait défait l'armée de l'étoile pourpre et l'aurait définitivement viré des terres de la couronne. Mais non. L'étoile pourpre était plus malin. Beaucoup plus malin. L'encerclement était parfait. Pas moyen de faire s'échapper trop d'hommes. Mais surtout, il avait réussi à attirer Victor et les troupes d'élite sur les remparts les plus éloignés. Par miracle, ils avaient réussi à reprendre le mur au fannar et revenir aider à défaire l'encerclement, mais c'était déjà trop tard. La bataille était déjà perdue. Deux milles hommes avaient été fait prisonnier par l'étoile pourpre ce jour-là. Deux milles hommes qui allaient bientôt crever dans le froid tout ça parce que Victor ne pouvait pas sauver Lady Enoria Holl.
«Ils savent très bien que la suspendre au-dessus des remparts ne les sauvera pas, dit Trymian alors qu'ils entraient dans les jardins. Au contraire, cela risquerait de tous les faire tuer. Bon sens, deux milles hommes risque de se faire exécuter.
- Notre Roi s'en fous, répliqua Victor. Au contraire, cela semble plutôt l'exciter. Je pensais qu'il commençait à l’apprécier mais rien de cela. Il peut très bien la voir crever, il aura des remords au début, mais il sait très bien qu'il finira par l'oublier. Notre Roi est comme cela.
- Alors c'est un psychopathe, dit Reknar. Cette fille... même le plus con des hommes la trouverait belle. Et au-delà de ça, elle est la clé de Mitilène. Si votre roi l'épouse alors il pourrait hériter du plus grand royaume maritime du nord comme du sud.
- Le Roi Charles ne réfléchit pas autant dans la durée, il se moque bien de l'avenir. Vous l'avez vu lors de la bataille. Au plus proche des combats. Non seulement il voulait que ses hommes le voient, mais en plus il était à la recherche de sensation forte. Je regrette presque de l'avoir sauvé.
- Oui enfin...» Trymian lui sourit en lui montrant ses vêtements. «Je pense que tu en as bien profité.»
C'était vrai. Victor n'était pas riche. Tout le monde le savait, il vivait aux dépens de Louis. Et le Roi l'avait détesté dès son arrivée à la cité d'or. Mais depuis, il lui avait apporté le soutien d'un clan du nord, il lui avait trouvé d’excellent allié, mais surtout il l'avait sauvé de Rogar Dorne et du kraken vert pendant la bataille et avait ainsi sauvé l'armée d'un désastre total. Et pour cela le Roi Charles l'avait grassement récompensé.
Ils firent encore quelques pas dans le silence du soir. Tout était calme. Les gens portaient encore le deuil que la récente bataille avait engendré. Des idiots, se dit Victor. Le temps présent et l'avenir c'est cela qui compte le plus. Cela ne sert plus à rien de pleurer les morts aussi longtemps. Mais après qui était-il pour les juger? Il n'avait pas perdu de proches durant la bataille. Louis n'était pas mort et était en voie de rétablissement. Il ne risquait pas de rejoindre les morts. Et même au-delà... les seuls personnes qui comptait réellement pour lui avait survécu à la bataille. Il n'avait personne à pleurer. Et il espérait ne jamais avoir personne. Cela serait... La sensation lui était impossible à décrire. Il ne pouvait blâmer les pleurants. Cela devait être une souffrance pour eux. Et même au-delà. Il se souvenait de son état après la bataille de Montgargant. Il était plutôt logique que les habitants de la capitale soient sous le choc. Il espérait juste qu'il ne le soit pas trop longtemps. Il y avait un temps pour pleurer, mais il ne fallait pas qu'il soit trop tard. Les larmes pour les morts sont aussi infféctueuse que la gangrène. Aussi meurtrière dans le temps.
«C'est vrai, dit Victor en regardant ses vêtements. Mais bon. Il vous à aussi donné une généreuse récompense, n'est ce pas?»
Les deux hommes éclatèrent de rire. Le Roi les avait aussi remerciés grassement bien que cela soit moins que ce qu'il avait fait pour Victor. «Très bien. Comme il l'a dit la nuit porte conseil. Je dois vous laisser là. J'ai une chose à faire dans les jardins étoilés.»
Les deux nordistes lui firent un signe de tête puis partir en direction de la cité du commerce où peur campement était. Seul resta Victor et Nuit.
Nuit aussi avait reçu une récompense. Mais au contraire de Victor et des hommes du nord, il n'en avait rien fait. Il gardait les mêmes habits noir. Les mêmes cuirs et tissus. Il ne s'était pas servi de l'argent qu'on lui avait donné. Il ne désirait rien. Seulement faire son devoir et qu'on le laisse tranquille. Victor se rappelait encore de ce qu'il s'était passé sur les remparts. Il se croyait perdu. Il ne restait que deux housecarls en comptant Trymian, ainsi que Nuit et lui. Les guerriers fannars étaient encore vingt. Ils n'avaient aucune chance, ou du moins c'est ce que pensait Victor. Les fannars allaient s'élancer pour l'assaut final, mais Nuit s'était déplacé comme un éclair. Enfonçant sa dague dans la gorge du capitaine. Victor ne l'avait jamais vu comme cela. Il avait défait neuf fannar en quelques instants. Victor savait que les fannars étaient d'excellents guerriers, et pourtant Nuit les avait tué aussi facilement que l'on tue des fourmis avec son pied. Il avait alors compris pourquoi Nuit avait la spécificité d'être un Fannar de Sombre-Astre, pourquoi il était un Sombre-Astre. Les fannars en général étaient de très bons guerriers. Mais les Sombre-Astres étaient plus que cela. C'était des tueurs, des assassins. Pas un homme sauf un autre fannar ne pouvait les défaire.
C'était cela qui terrorisait le plus Victor. De l'avoir vu en action. De savoir ce dont il était capable. Avant cela était plus simple pour lui. Il n'avait jamais eu aucune confiance envers lui. Il était persuadé que Nuit allait le trahir à chaque instant, et pour cela il était toujours sur ses gardes. Mais maintenant, c'était différent. Lors de la bataille, Nuit lui avait sauvé la vie plusieurs fois. Maintenant il avait confiance en lui et cela lui faisait peur. Il était moins vigilant.
Il regarda le fannar. Toujours avec un air blasé. Un visage sans expression. Impossible de deviner ses pensées. «J'imagine que tu ne vas pas avec eux.» Il secoua la tête, puis se tournant il indiqua l'endroit où la lune aurait dû se trouver.
Victor regarda le ciel, mais rien. Il n'y avait rien à regarder. Pas de lune ce soir. Seulement les étoiles quand le soleil aurait fini de se coucher. Alors il n'y aurait rien, seulement un noir apsolue, implacable, infini... magnifique. Victor aimait tellement le ciel. Il aimait se perdre dans la beauté des étoiles et de leurs constellations. Mais l'heure n'était pas à la rêverie. L'heure était à la discussion.
Il fit signe à Nuit de le suivre et s'enfonça dans les jardins étoilés.
Il savait très bien où il devait aller. Il connaissait l'endroit par cœur. Ses jardins étaient l'un des plus beaux lieux du Grand-Royaume. Il se rappelait quand il vivait encore dans l'Ardenne. Quand il devait se servir des étoiles pour se diriger dans la nuit. Là c'était comme s'il voyageait dans les étoiles. Tout était fait pour que les jardins aient l'air d'être le ciel. Pour Victor rien ne valait cette sensation. La sensation de voler dans les étoiles.
Mais il n'était pas entré dans les jardins pour le simple plaisir de se promener. Il avait d'autres projets en tête. Ceux-ci s'appelaient Worrl et Carval. Il devait rencontrer les chefs des deux familles dans les jardins afin de parler d'avenir. Les rumeurs se propageaient vite dans la cité d'or. Il fallait donc agir avant même qu'elle n'ait pris forme. Il devait se rendre au cœur des constellations pour les rencontrer.
Comme à son habitude, il avait prévu d'arriver en retard. Il aimait bien que les conversations aient déjà commencé avant de rentrer dans une fête. Que la soirée ait déjà commencé. Et il en était de même lors des réunions, sauf celle du conseiller. Arrivé en retard permettait souvent de se faire remarquer. Or Victor venait pour remplacer Louis qui était toujours en rétablissement. S'il ne se faisait pas remarquer alors les deux familles ne feraient pas attention à lui. Il risquait de ne pas tenir compte de son avis. C'était le problème quand on n'était pas d'une famille noble. Quand on n'avait pas de domaine, pas de titre.
L'étoile pourpre avait agi de cette façon lors de sa jeunesse. Il savait se faire remarquer, Victor l'avait appris en questionnant comte et chevalier lors de la campagne et du siège. Même dans le sud, il était impossible de ne pas le manquer. Pas seulement parce que sa réputation le précédait, mais aussi par son charisme. Son frère, feu le prince Richard avait toujours monopolisait toute l'attention auprès des comtes, ducs et marquis. Et quand ce n'était pas lui, c'était le Roi Charles. Mais le bâtard Auguste savait aussi se faire remarquer. Pas en étant un enfoiré ou en étant proche de la troupe, non au-delà. Bien au-delà. Il savait faire en sorte de faire tourner les regards dans sa direction. Cela par divers moyens. Pas sa façon de s'habiller, de parler, de se tenir. Par les détails, les soins à cette époque comme aujourd'hui, Auguste visait toujours la perfection et l'élégance. C'était un véritable expert dans la manipulation du premier regard. Il savait y faire dans tous les domaines. Un jour Victor aimerait bien le rencontrer, bien entendu en bonne circonstance.
La première impression faisait tout le travail. Voilà ce que devait retenir Victor. Il allait voir seul, les chefs des deux plus grandes familles des terres de la couronne. Le comte Artagnac n'étant pas là, il ne pouvait assurer sa fonction, et le comte Argenté étant désormais un traître à la couronne, il ne pouvait non plus être là. Il restait toujours les Boisseaux, mais Victor doutait que le comte Boisseaux soit présent, celui-ci n'aimait pas les jeux de pouvoirs et semblait obéir comme un petit chien à quelqu'un d'autre. Victor aurait bien voulu savoir qui cela était. Il était toujours intéressant de connaître la forme des ombres.
Il repéra facilement le lieu de la réunion. Il semblait que les représentants des familles Worrl et Carval ne portaient que peu d'importance à la discrétion. Ou sinon il n'avait pas peur d'être accusé de trahison en complotant dans le dos du Roi, car Victor doutait que l'objectif de la réunion de ce soir soit dans l'intérêt du Roi.
Les grandes familles des terres de la couronne complotaient quelque chose depuis très longtemps. Bien avant le début de la guerre. Tout semblait indiquer qu'ils voulaient destituer le Roi Charles et Victor était quasiment certain qu'ils allaient parler de ça ce soir.
En marchant en direction du lieu de rendez-vous, Victor réajusta ses vêtements, en faisant attention à ne rien négliger. Il devrait faire très attention avec eux. Ils étaient les membres les plus importants de leurs familles, mais au-delà, ils étaient aussi les membres les plus dangereux s'ils contrôlaient ces familles.
La constellation du Lion avait été choisie. Malgré le fait que le printemps commençait, il faisait encore froid, aussi un petit brasero avait été installé. Ce fut la première chose que Victor vit. Les ombres dansante projetait par le feu sur les haies noir. Il se serait cru dans un rêve. Il tourna la tête à côté du brasero et vit lady Alayna Worrl sur un divan le dévisageant un verre de vin chaud à la main.
«Je m'attendais à voir le comte El-Jon Worrl, dit Victor. Et au lieu de cela, il semblerait que ce soit la veuve de feu le comte Ewine Worrl que je trouve assis dans un divan.
- Et je m'attendais à voir le prince Louis, répliqua la dame. Nous sommes tous les deux déçue je suppose?»
Victor sourit. Lady Alayna Worrl était la véritable tête pensante des Worrl, cela ne faisait aucun doute. Intelligente, elle l'était. Maître en l'art de la manipulation, elle l'était. Mais avant tout elle aimait sa famille et manigancer dans le noir pour lui faire gravir les échelons. Il y a cinquante ans, les Worrl était loin d'être une grande famille des terres de la couronne. Une armée minable, des terres ne valant rien, un semblant de forteresse, et non plus de grand mariage à voir à l'avenir. Ils n'avaient rien. À peine de quoi subvenir à leur besoin. C'était dans ce contexte que Ewine Worrl s'était engagé comme mercenaire dans le sud. N'étant pas le premier fils, il n'avait pas la moindre chance d'avoir la maison de son père. Il ne lui restait qu'à espérer mourir au combat, gravir les échelons militaires, ou trouver sa voie dans le sud. La première option était la plus probable. Les guerres dans le sud ne menaient jamais à rien, c'était connu. Pourtant Ewine Worrl était partie. Parce qu'il n'y avait rien pour lui dans le Grand-Royaume? Parce que la richesse l'attendait dans le sud, nul n'avait la réponse. Et pourtant il était revenu des années plus tard accompagné de l'une des plus riches femmes d'Elersor, la perle du sud. Ses frères étaient morts les uns après les autres et il s'était retrouvé avec une immense fortune ainsi qu'un domaine dont il ne pensait pas hériter. En quelques années, les Worrl étaient devenue l'une des plus puissantes familles des terres de la couronne.
Personne ne savait réellement comment tout cela était arrivé. Par les manigances d'une sorcière que serait lady Alayna Worrl? C'était le scénario que le plus de monde se répétait. Bien entendu, il y avait des versions plus belles, plus chevaleresque, mais Victor était certain que cela ne se soit pas passé comme ça. Il doutait aussi de la version où Lady Alayna était une sorcière qui aurait envoûté feu Ewine Worrl, ou encore qu'elle aurait tué un à un les membres de la famille Worrl afin d'avoir le pouvoir. Pour Victor, il était plus probable que cela soit un mixe de tout. Il fallait savoir démêler le vrai du faux, et cela était tout sauf simple.
Connaître le véritable passé de lady Alayna était très difficile. Impossible de résoudre les mystères qui l'entouraient. Lady Alayna était une femme de l'ombre. Elle savait se dissimuler comme le disait leur devise: chercher nous dans l'obscurité. Une devise lourde de sens et de mystère. Les Worrl œuvraient dans l'ombre avant d'en sortir. Finalement, il était logique de voir Lady Alayna ici. Son mari n'avait jamais été le vrai maître de sa famille. C'était elle. Peut-être l'avait-il été ensemble? Victor se rappelait très bien de feu Ewine Worrl. Un homme imposant bien que vieux, et intelligent qui plus est. Il avait su trouver comment battre l'étoile pourpre et savait très bien diriger les hommes. Et pourtant il était mort à Montgargant. S'il était vraiment intelligent, Victor doutait qu'il puisse être mort aussi facilement. Combattre des fannars alors que son armée entière est en déroute, ce n'était que pure folie. Victor n'avait jamais vu le corps de feu le comte, il était encore trop saoul et tétanisé par la peur de la bataille et de ce qu'il avait vu. On lui avait tout de même dit ce qui restait du comte. Seulement le bas du corps. La tête avait été gardée pour servir d'étendard à l'une des divisions de l'étoile pourpre. Une bien triste fin pour un si grand homme.
Victor s'avança et alla prendre un verre de fin sur la table basse devant lady Worrl. Celle-ci ne cessa de l'examiner. «Mon fils, El-Jon, n'est pas encore prêt à être le chef de notre famille. Un caractère trop impulsif, il vous l'a bien montré.
- C'est vrai, répondit Victor se rappelant du moment où le jeune comte avait failli étrangler le fils Artagnac. Mais ce qui m'intrigue le plus c'est que vous sachiez déjà ce qu'il s'est passé. Rien ne semble vous échapper.
- Quand on vit à la cour, rien ne doit nous échapper. Il faut toujours tout savoir. Le meilleur moyen est d'avoir des espions partout. C'est souvent efficace. Il se déplace dans l'obscurité, écoute et voit tout. Toute information est bonne à prendre.
- Vraiment?
- Oui, comme le fait que vous passer vos derniers jours plus de temps que d'habitude dans les bibliothèques de la cité.»
Victor se raidit. Comment pouvait-elle être au courant, il n'y avait que Trymian et Nuit dans la confidence, et il savait qu'aucun des deux ne le trahirait.
Lady Worrl but une gorgée sans le quitter des yeux. «Vous avez su vous montrer discret sur votre tour de magie lors de la bataille. Le feu est une arme dangereuse quand on sait l'utiliser. Et vous, vous savez.
- Que voulez-vous dire au juste?
- Allons, allons... pas de ça entre nous. Nous sommes tous alliés dans cette guerre. Aussi bien contre l'étoile pourpre que contre sa majesté. Tout étant, que vous avez réussi à garder secret votre tour de magie. Je vous rassure, vos hommes ne vous ont pas trahis. Mais alors avez vous trouvé ce que vous cherchiez dans ses vieilles bibliothèques? Avez-vous enfin réussi à comprendre comment votre magie fonctionnait?
- Non. Et je doute que les livres de la cité d'or m'apportent les réponses. Ils parlent plus de légendes que de fait réel.
- Ainsi vous allez devoir chercher plus loin, quel dommage.
- En effet, mais trêve de discussions. Nous devrions être trois pour parler. Où est le comte Carval? Je sais que c'est lui le troisième membre de cette réunion.»
L'immense ventre du comte sortit alors de l'ombre en souriant. «Je vois que l'on ne peut rien vous cachez, jeune ami.
- Il n'y a pas d'ami ici, répliqua Victor. Il n'y a que des adversaires. Et bien sûr que le troisième membre de cette réunion allait être vous. En dépit de ce que vous lui faites croire, vous n'êtes pas l'ami de sa majesté. Vous le manipulez dans votre seul intérêt. Vous savez très bien vous servir des secrets aussi bien que madame ici présente. Vous longez les murs, vous écoutez les conversations derrière votre sourire bienveillant et chaleureux. Derrière vos gâteaux vous manipulez le Roi sans que celui-ci ne s'en rende compte.
- Voilà qui est impressionnant.
- Mais contrairement à la plupart de ces idiots de la cour, vous, vous réussissez. Vos projets aboutissent. Vous parvenez toujours à vos fins quoi qu'il en coûte. On peut vous le reconnaître. Vous êtes sûrement l’une des seules personnes de compétent dans cette cité.
- J'imagine que vous faites référence à cette tragique bataille. Il n'y avait rien de malin là dedans. J'ai simplement été prudent.
- Une prudence qui pour une fois à été bénéfique.
- OH! Fermez la vous deux, pesta Lady Worrl. Nous ne sommes pas là pour savoir qui est le meilleur acteur du pouvoir, mais pour parler d'avenir.»
Les deux hommes se jetèrent des coups d’œil et prirent des sièges. Victor se reservit en vin, tout comme lady Worrl, alors que le RandfordCarval prenait des gâteaux posés sur la table.
«Je croyais que nous nous étions mis d'accord que sur trois personnes. Messire Victor, dites-moi pourquoi votre ami fannar est ici?»
Victor se retourna pour voir Nuit juste derrière lui montant la garde. «Comme vous l’avez dit, répondit-il. Il y a bien plus de choses dans l'obscurité que l'homme ne serait jamais en conter. Et mon ami ici, est et restera muet comme un mort. J'en fais le serment.
- Excellent alors.» Le comte jeta un regard au fannar et s'adossa à son siège en prenant une part de gâteau au citron. Il croqua dedans d'un coup laissant du jus dégoulinant contre sa barbe. En seulement deux bouchés il l'eut fini et en reprit un autre. Mais comment fait-il pour manger autant et encore avoir faim, se demanda Victor.
«Bien, nous avons à parler, dit Lady Worrl. Notamment du cas de la princesse de Mitilène.
- J'imagine que vous avez déjà pris connaissance de toutes les paroles qui ont été dites lors du conseil? demanda Victor certain de la réponse.
- En effet, j'en ai eu vent. Ce serait une bien triste fin pour une jeune fille comme elle.
- Sans compter que votre fils semble s'être attaché à elle, ajouta messire Carval. Il serait fâcheux qu'elle meure, vous ne trouvez pas?
- Mon fils est un idiot. S'il pense pouvoir épouser Enoria Holl, alors il se fourre le doigt dans l’œil. Cette union ne nous apportera rien. Notre famille n'est pas assez puissante pour réclamer le royaume de Mitilène, de plus je n'en ai que faire. Une amitié entre elle et ma fille est beaucoup plus approprié.
- Je me fiche de savoir vos manigances avec cette fille, lâcha Victor. Quelque soit vos plans, je n'en ai rien à faire. Lady Enoria Holl ne peut être suspendu aux remparts. Cela ne ferait qu'empirer les choses. C'est notre seule monnaie d'échange et ils pensent que nous pouvons en disposer comme on le souhaite. Il y a plus de deux mille hommes dehors qui sont prisonniers. Si on la touche, alors cela fera deux mille gorges tranchées et leurs corps nous seront envoyés en signe d'avertissement.
- Je suis d'accord avec vous messire.» Le comte Carval attrapa un verre de vin et le fit tourner. «Mais rien ne semble arrêter sa majesté dans sa folie.
- Sa folie?»
Le comte but d'une traite son vin et attrapa un gâteau au miel. «Pensez vous qu'Argenté nous a trahie sans raison. De toutes les bannerets au sud de l'Hersoeur, c'est certainement celui avec le plus d'honneur. Et pourtant il est le premier à tourner casaque. Vous ne trouvez pas cela étrange?
- Si bien sûr. Mais le kraken vert détient son fils d'après ce que j'ai cru comprendre. Il était à Argane avec sir Edorn. Je crois même me souvenir que c'était son écuyer. Il est l'héritier de la citadelle d'Argenté. En voyant une hache au-dessus de son héritier, messire Standford avait toutes les raisons du monde de tourner casaque.
- Son fils?» Lady Worrl but une gorgée de vin. «Pensez vous vraiment que c'est la seule raison? Les Argenté sont l'une des plus grandes familles des terres de la couronne, sûrement l'une des plus riches. Il aurait très bien pu payer une rançon à l'étoile pourpre en échange de son fils. Non, la raison de sa trahison est bien plus sombre.
- Alors éclairez-moi , je vous prie.» Victor était plus qu'intrigué. Ce n'était pas la première fois qu'il réfléchissait à la question. Et bien entendue, la version qu'il venait de donner n'était pas la plus logique pour lui. Mais en avait-il d'autres?
- Pas aujourd'hui, mon garçon. Il y a des sujets plus importants.» Lady Worrl posa sa coupe de vin sur la table. «Tout ce que je peux vous dire avec certitude, c'est qu'à ses nombreuses visites à la citadelle d'Argenté, il est fort probable que sa majesté est eu une conduite des plus déplacées.
- Lady Worrl a raison, dit Carval. Nous avons à parler d'avenir. D'avenir pour le Grand-Royaume.
- Quel avenir y a t-il? répliqua Victor. Si la guerre se termine alors nous n'aurons plus rien à faire sauf reconstruire.
- Pensez vous vraiment que l'étoile pourpre en restera là?» Le comte fourra de nouveau un gâteau dans sa bouche. «Non, il n'a fait que tester nos défenses. Il a vu que nous étions faibles. Que nous sommes près de la guerre civile. Le Grand-Royaume n'est plus que l'ombre de lui-même. Notre Roi n'a plus qu'une maigre emprise sur ses sujets. Quoi qu'il arrive, je refuse que le trône du hall étoilée soit occupé par un autre qu'un Roy. Le prince Richard, cela aurait dû être lui. Tout était prêt. Il serait monté sur le trône et nous aurait gouverné. Mais... la mort l'a pris avant.
- Que voulait vous dire?
- Ne faites pas l'innocent! Vous savez très bien. Nous avons proposé au prince Louis de prendre place sur le trône. Mais il a refusé. Et regardez où cela nous a mené. La mort de nos armées. La mort de nos maisons.
- Quand la guerre sera finie, dit lady Worrl, une autre devra commencer. Si nous restons sans rien faire, l'empire de l'étoile pourpre pourrait bientôt s'étendre sur le Grand-Royaume. Il est hors de question que cela arrive. Son empire est déjà assez gros comme cela.
- Alors que faire, demanda Victor. Nous ne pouvons vaincre l'étoile pourpre. Pas sur un champ de bataille.
- Mener la guerre sur un autre front pour nous unir et affaiblir son royaume.» Le comte Carval le regarda dans les yeux. Voilà quel était leur véritable but de cette réunion.
Victor s'adossa à son siège et réfléchit. Ils avaient raison. Il fallait unir le Grand-Royaume. Et pour cela il fallait attaquer l'empire de l'étoile pourpre à l'endroit où il n'était pas. En attaquant les terres qu'il n'avait pas conquise et qu'il comptait conquérir alors cela leur laisserait peut-être la chance de le battre. Mais pour cela il aurait besoin de tout le Grand-Royaume. Pas seulement des terres de la couronne. Le sud ne se résumait pas seulement aux terres prisent par l'étoile pourpre. Il y avait aussi Eglésariane à l'Est de la Lémovicie, les terres des sept peuples, les territoires derrière l'Eternel. En allant là où aucun homme du Grand-Royaume n'est jamais allé, ils repousseraient les limites du monde. Le sud était vaste. Bien plus grand que l'empire de l'étoile pourpre. S'étendant bien plus loin que ses frontières. Par delà les montagnes et les fleuves. Par delà les déserts, les plaines, les forêts et les marées. Des terres immenses. Peut-être que l'étoile pourpre venait de leur ouvrir la porte du sud?
Il y avait aussi une autre option qui leur prendrait moins de temps. Victor regarda ses deux interlocuteurs. «Feu le prince Richard est mort assassiné, n'est ce pas?
- Oui et ce n'est un secret pour personne, répondit messire Carval perplexe.
- Et si l'étoile pourpre n'était plus de ce monde? Son empire jaillirait en éclat. Il renterait en guerre civile. La conquête de ces terres serait alors des plus faciles.
- Que proposez-vous? demanda lady Worrl en reprenant son verre.
- Tuer l'étoile pourpre. Assassinons le comme l'on a assassiné feu le prince Richard, ce n'est que justice. Après cela, prenons l'empire comme il a voulu prendre le Grand-Royaume.»
Les deux le regardèrent en clignant des yeux. Ils se jetèrent des regards avant de lui sourire. «On m'avait dit que le prince Louis était intelligent, dit le comte Carval, mais vous... vous semblez l'être encore plus.
- En observant, on apprend beaucoup, répondit Victor.
- Et cela pourrait aussi sauver Enoria Holl, continua Lady Worrl. Si nous la gardons en vie, et que le frère de sa majesté l'épouse... alors nous aurons l'appui de la flotte de Mitilène si Darrion Holl vient à mourir par la même occasion.
- En effet, mais pour cela il faut qu'elle vive, répliqua Victor en vidant son verre et en se levant. Je vais faire parvenir ses informations au prince Louis, son frère ne peut pas lui refuser grand chose. Mais pour conclure cette proposition concernant le trône... je pense que cela va mettre plus de temps pour que je puisse convaincre le prince. Laissez-moi du temps, c'est tout ce dont j'ai besoin.»
Le comte Carval se leva aussi et lui adressa un signe de tête. «Très bien. Mais n'en abusez pas trop. Le temps vaut cher de nos jours. Nous devrons reprendre cette conversation, elle est loin d'être terminée, et je pense que vous avez encore beaucoup de choses à nous dire.
- Oui en effet. Messire, madame.» Victor le salua et se retourna pour s'enfoncer dans les jardins étoilés avec Nuit derrière lui afin de vérifier ses arrières.
Il prit directement le chemin de la citadelle Phoenix. Normalement Louis n'y dormait pas, mais son frère avait insisté pour qu'il y demeure le temps de sa guérison. La blessure qu'il avait reçue au visage était très grave. Louis avait failli mourir, et au lieu de cela, il se retrouvait défiguré. Quels étaient le meilleur? Son visage était recouvert de bandage, aussi Victor n'avait pas encore pus voir la blessure. Il ne supportait pas de voir les bandages être changés, cela le dégoûtait. Il savait seulement que les yeux n'étaient pas touchés, cela parce que les bandages ne les recouvraient pas. Louis s'étaient réveillés plusieurs fois, mais à chaque fois soit Victor n'était pas là, soit le prince délirait. Il espérait tout de même qu'il soit réveillé ce soir et qu'il ne délire pas. Il avait beaucoup de choses à lui dire.
Il ne croisa pas un garde sur la chaussée pour monter à la citadelle. Une fois devant la porte, il n'eut même pas besoin de faire signe au garde, les portes étaient déjà ouvertes. Victor trouva cela étrange mais n'y prêta guère plus d'attention. Nuit était avec lui et rien ne pouvait donc lui arriver. Il traversa la citadelle calme comme un château endormi dans une brume d'hiver. Il entendait ses pas résonner contre les murs et les tapisseries.
Il arriva finalement devant la chambre du prince et découvrit sir Ernold Carval ainsi que sir Reyd de la maison Opinois. Il leur adressa un signe de tête et sir Ernold ouvrit la porte en rentrant avec lui dans la chambre. À son grand désespoir, le prince était encore endormi. «Comment va -t-il?
- Un médecin est venue s'occuper de sa blessure à la tombée de la nuit, répondit sir Ernold. Il a dit que le pire était passé. Maintenant c'était à son corps de se guérir lui même. La fièvre est tombée et il commence à prendre des couleurs. Si tout se déroule bien, il sera de retour parmi nous demain ou après-demain. Sa vie est entre les mains des dieux.
- Je doute que les dieux en aient quelque chose à faire de nous. Nous ne sommes rien pour eux. Nous ne valons rien.» Il prit une profonde inspiration. «J'espère tout de même que vous avez raison. Sans lui nous ne sommes rien. Étrangement votre oncle a raison. Le prince est le seul véritable espoir du Grand-Royaume.»
Le chevalier allait lui répondre, quand Nuit dégaina ses deux lames d'un coup. Par réflexe, sir Ernold saisit son épée. «Qui a-t-il?" demanda Victor.
Le fannar indiqua la porte.
Victor saisit l'épée incrustée de joyaux du prince et se dirigea en silence vers la porte. Sir Errik le suivait de même que Nuit. Il ouvrit la porte et vit sir Reyd étalé sur le sol dans une mare de sang.
Sa gorge était tranchée.
Le soleil allait bientôt disparaître derrière les murs de la cité d'or. Les rayons de soleil doré projetaient dès leur lumière sur les jardins laissant apparaître les constellations des jardins. Les formes semblaient s'animer avec les prieurs du soir. Les jardins étaient toujours très beaux à la tombée du soir. En regardant bien, on pouvait y voir les oiseaux et insectes bourdonnant, chantant, et volant au-dessus des constellations. Un spectacle magnifique malgré des heures si sombres.
Accompagné par Nuit, Trymian et Reknar Dargon, Victor marchait dans un silence de mort. Il y avait vraiment crus. Il pensait pouvoir l'emporter. La bataille était presque gagnée. Leurs forces prenaient enfin l'avantage sur les troupes de Rogar Dorne et du kraken vert. Ils leur suffisaient d'attendre lentement la nuit dans une guerre d'usure. Les Largons et les Mitiliens n'auraient pas eu d'autre choix que de se rendre ou de fuir. Le lendemain, il aurait défait l'armée de l'étoile pourpre et l'aurait définitivement viré des terres de la couronne. Mais non. L'étoile pourpre était plus malin. Beaucoup plus malin. L'encerclement était parfait. Pas moyen de faire s'échapper trop d'hommes. Mais surtout, il avait réussi à attirer Victor et les troupes d'élite sur les remparts les plus éloignés. Par miracle, ils avaient réussi à reprendre le mur au fannar et revenir aider à défaire l'encerclement, mais c'était déjà trop tard. La bataille était déjà perdue. Deux milles hommes avaient été fait prisonnier par l'étoile pourpre ce jour-là. Deux milles hommes qui allaient bientôt crever dans le froid tout ça parce que Victor ne pouvait pas sauver Lady Enoria Holl.
«Ils savent très bien que la suspendre au-dessus des remparts ne les sauvera pas, dit Trymian alors qu'ils entraient dans les jardins. Au contraire, cela risquerait de tous les faire tuer. Bon sens, deux milles hommes risque de se faire exécuter.
- Notre Roi s'en fous, répliqua Victor. Au contraire, cela semble plutôt l'exciter. Je pensais qu'il commençait à l’apprécier mais rien de cela. Il peut très bien la voir crever, il aura des remords au début, mais il sait très bien qu'il finira par l'oublier. Notre Roi est comme cela.
- Alors c'est un psychopathe, dit Reknar. Cette fille... même le plus con des hommes la trouverait belle. Et au-delà de ça, elle est la clé de Mitilène. Si votre roi l'épouse alors il pourrait hériter du plus grand royaume maritime du nord comme du sud.
- Le Roi Charles ne réfléchit pas autant dans la durée, il se moque bien de l'avenir. Vous l'avez vu lors de la bataille. Au plus proche des combats. Non seulement il voulait que ses hommes le voient, mais en plus il était à la recherche de sensation forte. Je regrette presque de l'avoir sauvé.
- Oui enfin...» Trymian lui sourit en lui montrant ses vêtements. «Je pense que tu en as bien profité.»
C'était vrai. Victor n'était pas riche. Tout le monde le savait, il vivait aux dépens de Louis. Et le Roi l'avait détesté dès son arrivée à la cité d'or. Mais depuis, il lui avait apporté le soutien d'un clan du nord, il lui avait trouvé d’excellent allié, mais surtout il l'avait sauvé de Rogar Dorne et du kraken vert pendant la bataille et avait ainsi sauvé l'armée d'un désastre total. Et pour cela le Roi Charles l'avait grassement récompensé.
Ils firent encore quelques pas dans le silence du soir. Tout était calme. Les gens portaient encore le deuil que la récente bataille avait engendré. Des idiots, se dit Victor. Le temps présent et l'avenir c'est cela qui compte le plus. Cela ne sert plus à rien de pleurer les morts aussi longtemps. Mais après qui était-il pour les juger? Il n'avait pas perdu de proches durant la bataille. Louis n'était pas mort et était en voie de rétablissement. Il ne risquait pas de rejoindre les morts. Et même au-delà... les seuls personnes qui comptait réellement pour lui avait survécu à la bataille. Il n'avait personne à pleurer. Et il espérait ne jamais avoir personne. Cela serait... La sensation lui était impossible à décrire. Il ne pouvait blâmer les pleurants. Cela devait être une souffrance pour eux. Et même au-delà. Il se souvenait de son état après la bataille de Montgargant. Il était plutôt logique que les habitants de la capitale soient sous le choc. Il espérait juste qu'il ne le soit pas trop longtemps. Il y avait un temps pour pleurer, mais il ne fallait pas qu'il soit trop tard. Les larmes pour les morts sont aussi infféctueuse que la gangrène. Aussi meurtrière dans le temps.
«C'est vrai, dit Victor en regardant ses vêtements. Mais bon. Il vous à aussi donné une généreuse récompense, n'est ce pas?»
Les deux hommes éclatèrent de rire. Le Roi les avait aussi remerciés grassement bien que cela soit moins que ce qu'il avait fait pour Victor. «Très bien. Comme il l'a dit la nuit porte conseil. Je dois vous laisser là. J'ai une chose à faire dans les jardins étoilés.»
Les deux nordistes lui firent un signe de tête puis partir en direction de la cité du commerce où peur campement était. Seul resta Victor et Nuit.
Nuit aussi avait reçu une récompense. Mais au contraire de Victor et des hommes du nord, il n'en avait rien fait. Il gardait les mêmes habits noir. Les mêmes cuirs et tissus. Il ne s'était pas servi de l'argent qu'on lui avait donné. Il ne désirait rien. Seulement faire son devoir et qu'on le laisse tranquille. Victor se rappelait encore de ce qu'il s'était passé sur les remparts. Il se croyait perdu. Il ne restait que deux housecarls en comptant Trymian, ainsi que Nuit et lui. Les guerriers fannars étaient encore vingt. Ils n'avaient aucune chance, ou du moins c'est ce que pensait Victor. Les fannars allaient s'élancer pour l'assaut final, mais Nuit s'était déplacé comme un éclair. Enfonçant sa dague dans la gorge du capitaine. Victor ne l'avait jamais vu comme cela. Il avait défait neuf fannar en quelques instants. Victor savait que les fannars étaient d'excellents guerriers, et pourtant Nuit les avait tué aussi facilement que l'on tue des fourmis avec son pied. Il avait alors compris pourquoi Nuit avait la spécificité d'être un Fannar de Sombre-Astre, pourquoi il était un Sombre-Astre. Les fannars en général étaient de très bons guerriers. Mais les Sombre-Astres étaient plus que cela. C'était des tueurs, des assassins. Pas un homme sauf un autre fannar ne pouvait les défaire.
C'était cela qui terrorisait le plus Victor. De l'avoir vu en action. De savoir ce dont il était capable. Avant cela était plus simple pour lui. Il n'avait jamais eu aucune confiance envers lui. Il était persuadé que Nuit allait le trahir à chaque instant, et pour cela il était toujours sur ses gardes. Mais maintenant, c'était différent. Lors de la bataille, Nuit lui avait sauvé la vie plusieurs fois. Maintenant il avait confiance en lui et cela lui faisait peur. Il était moins vigilant.
Il regarda le fannar. Toujours avec un air blasé. Un visage sans expression. Impossible de deviner ses pensées. «J'imagine que tu ne vas pas avec eux.» Il secoua la tête, puis se tournant il indiqua l'endroit où la lune aurait dû se trouver.
Victor regarda le ciel, mais rien. Il n'y avait rien à regarder. Pas de lune ce soir. Seulement les étoiles quand le soleil aurait fini de se coucher. Alors il n'y aurait rien, seulement un noir apsolue, implacable, infini... magnifique. Victor aimait tellement le ciel. Il aimait se perdre dans la beauté des étoiles et de leurs constellations. Mais l'heure n'était pas à la rêverie. L'heure était à la discussion.
Il fit signe à Nuit de le suivre et s'enfonça dans les jardins étoilés.
Il savait très bien où il devait aller. Il connaissait l'endroit par cœur. Ses jardins étaient l'un des plus beaux lieux du Grand-Royaume. Il se rappelait quand il vivait encore dans l'Ardenne. Quand il devait se servir des étoiles pour se diriger dans la nuit. Là c'était comme s'il voyageait dans les étoiles. Tout était fait pour que les jardins aient l'air d'être le ciel. Pour Victor rien ne valait cette sensation. La sensation de voler dans les étoiles.
Mais il n'était pas entré dans les jardins pour le simple plaisir de se promener. Il avait d'autres projets en tête. Ceux-ci s'appelaient Worrl et Carval. Il devait rencontrer les chefs des deux familles dans les jardins afin de parler d'avenir. Les rumeurs se propageaient vite dans la cité d'or. Il fallait donc agir avant même qu'elle n'ait pris forme. Il devait se rendre au cœur des constellations pour les rencontrer.
Comme à son habitude, il avait prévu d'arriver en retard. Il aimait bien que les conversations aient déjà commencé avant de rentrer dans une fête. Que la soirée ait déjà commencé. Et il en était de même lors des réunions, sauf celle du conseiller. Arrivé en retard permettait souvent de se faire remarquer. Or Victor venait pour remplacer Louis qui était toujours en rétablissement. S'il ne se faisait pas remarquer alors les deux familles ne feraient pas attention à lui. Il risquait de ne pas tenir compte de son avis. C'était le problème quand on n'était pas d'une famille noble. Quand on n'avait pas de domaine, pas de titre.
L'étoile pourpre avait agi de cette façon lors de sa jeunesse. Il savait se faire remarquer, Victor l'avait appris en questionnant comte et chevalier lors de la campagne et du siège. Même dans le sud, il était impossible de ne pas le manquer. Pas seulement parce que sa réputation le précédait, mais aussi par son charisme. Son frère, feu le prince Richard avait toujours monopolisait toute l'attention auprès des comtes, ducs et marquis. Et quand ce n'était pas lui, c'était le Roi Charles. Mais le bâtard Auguste savait aussi se faire remarquer. Pas en étant un enfoiré ou en étant proche de la troupe, non au-delà. Bien au-delà. Il savait faire en sorte de faire tourner les regards dans sa direction. Cela par divers moyens. Pas sa façon de s'habiller, de parler, de se tenir. Par les détails, les soins à cette époque comme aujourd'hui, Auguste visait toujours la perfection et l'élégance. C'était un véritable expert dans la manipulation du premier regard. Il savait y faire dans tous les domaines. Un jour Victor aimerait bien le rencontrer, bien entendu en bonne circonstance.
La première impression faisait tout le travail. Voilà ce que devait retenir Victor. Il allait voir seul, les chefs des deux plus grandes familles des terres de la couronne. Le comte Artagnac n'étant pas là, il ne pouvait assurer sa fonction, et le comte Argenté étant désormais un traître à la couronne, il ne pouvait non plus être là. Il restait toujours les Boisseaux, mais Victor doutait que le comte Boisseaux soit présent, celui-ci n'aimait pas les jeux de pouvoirs et semblait obéir comme un petit chien à quelqu'un d'autre. Victor aurait bien voulu savoir qui cela était. Il était toujours intéressant de connaître la forme des ombres.
Il repéra facilement le lieu de la réunion. Il semblait que les représentants des familles Worrl et Carval ne portaient que peu d'importance à la discrétion. Ou sinon il n'avait pas peur d'être accusé de trahison en complotant dans le dos du Roi, car Victor doutait que l'objectif de la réunion de ce soir soit dans l'intérêt du Roi.
Les grandes familles des terres de la couronne complotaient quelque chose depuis très longtemps. Bien avant le début de la guerre. Tout semblait indiquer qu'ils voulaient destituer le Roi Charles et Victor était quasiment certain qu'ils allaient parler de ça ce soir.
En marchant en direction du lieu de rendez-vous, Victor réajusta ses vêtements, en faisant attention à ne rien négliger. Il devrait faire très attention avec eux. Ils étaient les membres les plus importants de leurs familles, mais au-delà, ils étaient aussi les membres les plus dangereux s'ils contrôlaient ces familles.
La constellation du Lion avait été choisie. Malgré le fait que le printemps commençait, il faisait encore froid, aussi un petit brasero avait été installé. Ce fut la première chose que Victor vit. Les ombres dansante projetait par le feu sur les haies noir. Il se serait cru dans un rêve. Il tourna la tête à côté du brasero et vit lady Alayna Worrl sur un divan le dévisageant un verre de vin chaud à la main.
«Je m'attendais à voir le comte El-Jon Worrl, dit Victor. Et au lieu de cela, il semblerait que ce soit la veuve de feu le comte Ewine Worrl que je trouve assis dans un divan.
- Et je m'attendais à voir le prince Louis, répliqua la dame. Nous sommes tous les deux déçue je suppose?»
Victor sourit. Lady Alayna Worrl était la véritable tête pensante des Worrl, cela ne faisait aucun doute. Intelligente, elle l'était. Maître en l'art de la manipulation, elle l'était. Mais avant tout elle aimait sa famille et manigancer dans le noir pour lui faire gravir les échelons. Il y a cinquante ans, les Worrl était loin d'être une grande famille des terres de la couronne. Une armée minable, des terres ne valant rien, un semblant de forteresse, et non plus de grand mariage à voir à l'avenir. Ils n'avaient rien. À peine de quoi subvenir à leur besoin. C'était dans ce contexte que Ewine Worrl s'était engagé comme mercenaire dans le sud. N'étant pas le premier fils, il n'avait pas la moindre chance d'avoir la maison de son père. Il ne lui restait qu'à espérer mourir au combat, gravir les échelons militaires, ou trouver sa voie dans le sud. La première option était la plus probable. Les guerres dans le sud ne menaient jamais à rien, c'était connu. Pourtant Ewine Worrl était partie. Parce qu'il n'y avait rien pour lui dans le Grand-Royaume? Parce que la richesse l'attendait dans le sud, nul n'avait la réponse. Et pourtant il était revenu des années plus tard accompagné de l'une des plus riches femmes d'Elersor, la perle du sud. Ses frères étaient morts les uns après les autres et il s'était retrouvé avec une immense fortune ainsi qu'un domaine dont il ne pensait pas hériter. En quelques années, les Worrl étaient devenue l'une des plus puissantes familles des terres de la couronne.
Personne ne savait réellement comment tout cela était arrivé. Par les manigances d'une sorcière que serait lady Alayna Worrl? C'était le scénario que le plus de monde se répétait. Bien entendu, il y avait des versions plus belles, plus chevaleresque, mais Victor était certain que cela ne se soit pas passé comme ça. Il doutait aussi de la version où Lady Alayna était une sorcière qui aurait envoûté feu Ewine Worrl, ou encore qu'elle aurait tué un à un les membres de la famille Worrl afin d'avoir le pouvoir. Pour Victor, il était plus probable que cela soit un mixe de tout. Il fallait savoir démêler le vrai du faux, et cela était tout sauf simple.
Connaître le véritable passé de lady Alayna était très difficile. Impossible de résoudre les mystères qui l'entouraient. Lady Alayna était une femme de l'ombre. Elle savait se dissimuler comme le disait leur devise: chercher nous dans l'obscurité. Une devise lourde de sens et de mystère. Les Worrl œuvraient dans l'ombre avant d'en sortir. Finalement, il était logique de voir Lady Alayna ici. Son mari n'avait jamais été le vrai maître de sa famille. C'était elle. Peut-être l'avait-il été ensemble? Victor se rappelait très bien de feu Ewine Worrl. Un homme imposant bien que vieux, et intelligent qui plus est. Il avait su trouver comment battre l'étoile pourpre et savait très bien diriger les hommes. Et pourtant il était mort à Montgargant. S'il était vraiment intelligent, Victor doutait qu'il puisse être mort aussi facilement. Combattre des fannars alors que son armée entière est en déroute, ce n'était que pure folie. Victor n'avait jamais vu le corps de feu le comte, il était encore trop saoul et tétanisé par la peur de la bataille et de ce qu'il avait vu. On lui avait tout de même dit ce qui restait du comte. Seulement le bas du corps. La tête avait été gardée pour servir d'étendard à l'une des divisions de l'étoile pourpre. Une bien triste fin pour un si grand homme.
Victor s'avança et alla prendre un verre de fin sur la table basse devant lady Worrl. Celle-ci ne cessa de l'examiner. «Mon fils, El-Jon, n'est pas encore prêt à être le chef de notre famille. Un caractère trop impulsif, il vous l'a bien montré.
- C'est vrai, répondit Victor se rappelant du moment où le jeune comte avait failli étrangler le fils Artagnac. Mais ce qui m'intrigue le plus c'est que vous sachiez déjà ce qu'il s'est passé. Rien ne semble vous échapper.
- Quand on vit à la cour, rien ne doit nous échapper. Il faut toujours tout savoir. Le meilleur moyen est d'avoir des espions partout. C'est souvent efficace. Il se déplace dans l'obscurité, écoute et voit tout. Toute information est bonne à prendre.
- Vraiment?
- Oui, comme le fait que vous passer vos derniers jours plus de temps que d'habitude dans les bibliothèques de la cité.»
Victor se raidit. Comment pouvait-elle être au courant, il n'y avait que Trymian et Nuit dans la confidence, et il savait qu'aucun des deux ne le trahirait.
Lady Worrl but une gorgée sans le quitter des yeux. «Vous avez su vous montrer discret sur votre tour de magie lors de la bataille. Le feu est une arme dangereuse quand on sait l'utiliser. Et vous, vous savez.
- Que voulez-vous dire au juste?
- Allons, allons... pas de ça entre nous. Nous sommes tous alliés dans cette guerre. Aussi bien contre l'étoile pourpre que contre sa majesté. Tout étant, que vous avez réussi à garder secret votre tour de magie. Je vous rassure, vos hommes ne vous ont pas trahis. Mais alors avez vous trouvé ce que vous cherchiez dans ses vieilles bibliothèques? Avez-vous enfin réussi à comprendre comment votre magie fonctionnait?
- Non. Et je doute que les livres de la cité d'or m'apportent les réponses. Ils parlent plus de légendes que de fait réel.
- Ainsi vous allez devoir chercher plus loin, quel dommage.
- En effet, mais trêve de discussions. Nous devrions être trois pour parler. Où est le comte Carval? Je sais que c'est lui le troisième membre de cette réunion.»
L'immense ventre du comte sortit alors de l'ombre en souriant. «Je vois que l'on ne peut rien vous cachez, jeune ami.
- Il n'y a pas d'ami ici, répliqua Victor. Il n'y a que des adversaires. Et bien sûr que le troisième membre de cette réunion allait être vous. En dépit de ce que vous lui faites croire, vous n'êtes pas l'ami de sa majesté. Vous le manipulez dans votre seul intérêt. Vous savez très bien vous servir des secrets aussi bien que madame ici présente. Vous longez les murs, vous écoutez les conversations derrière votre sourire bienveillant et chaleureux. Derrière vos gâteaux vous manipulez le Roi sans que celui-ci ne s'en rende compte.
- Voilà qui est impressionnant.
- Mais contrairement à la plupart de ces idiots de la cour, vous, vous réussissez. Vos projets aboutissent. Vous parvenez toujours à vos fins quoi qu'il en coûte. On peut vous le reconnaître. Vous êtes sûrement l’une des seules personnes de compétent dans cette cité.
- J'imagine que vous faites référence à cette tragique bataille. Il n'y avait rien de malin là dedans. J'ai simplement été prudent.
- Une prudence qui pour une fois à été bénéfique.
- OH! Fermez la vous deux, pesta Lady Worrl. Nous ne sommes pas là pour savoir qui est le meilleur acteur du pouvoir, mais pour parler d'avenir.»
Les deux hommes se jetèrent des coups d’œil et prirent des sièges. Victor se reservit en vin, tout comme lady Worrl, alors que le RandfordCarval prenait des gâteaux posés sur la table.
«Je croyais que nous nous étions mis d'accord que sur trois personnes. Messire Victor, dites-moi pourquoi votre ami fannar est ici?»
Victor se retourna pour voir Nuit juste derrière lui montant la garde. «Comme vous l’avez dit, répondit-il. Il y a bien plus de choses dans l'obscurité que l'homme ne serait jamais en conter. Et mon ami ici, est et restera muet comme un mort. J'en fais le serment.
- Excellent alors.» Le comte jeta un regard au fannar et s'adossa à son siège en prenant une part de gâteau au citron. Il croqua dedans d'un coup laissant du jus dégoulinant contre sa barbe. En seulement deux bouchés il l'eut fini et en reprit un autre. Mais comment fait-il pour manger autant et encore avoir faim, se demanda Victor.
«Bien, nous avons à parler, dit Lady Worrl. Notamment du cas de la princesse de Mitilène.
- J'imagine que vous avez déjà pris connaissance de toutes les paroles qui ont été dites lors du conseil? demanda Victor certain de la réponse.
- En effet, j'en ai eu vent. Ce serait une bien triste fin pour une jeune fille comme elle.
- Sans compter que votre fils semble s'être attaché à elle, ajouta messire Carval. Il serait fâcheux qu'elle meure, vous ne trouvez pas?
- Mon fils est un idiot. S'il pense pouvoir épouser Enoria Holl, alors il se fourre le doigt dans l’œil. Cette union ne nous apportera rien. Notre famille n'est pas assez puissante pour réclamer le royaume de Mitilène, de plus je n'en ai que faire. Une amitié entre elle et ma fille est beaucoup plus approprié.
- Je me fiche de savoir vos manigances avec cette fille, lâcha Victor. Quelque soit vos plans, je n'en ai rien à faire. Lady Enoria Holl ne peut être suspendu aux remparts. Cela ne ferait qu'empirer les choses. C'est notre seule monnaie d'échange et ils pensent que nous pouvons en disposer comme on le souhaite. Il y a plus de deux mille hommes dehors qui sont prisonniers. Si on la touche, alors cela fera deux mille gorges tranchées et leurs corps nous seront envoyés en signe d'avertissement.
- Je suis d'accord avec vous messire.» Le comte Carval attrapa un verre de vin et le fit tourner. «Mais rien ne semble arrêter sa majesté dans sa folie.
- Sa folie?»
Le comte but d'une traite son vin et attrapa un gâteau au miel. «Pensez vous qu'Argenté nous a trahie sans raison. De toutes les bannerets au sud de l'Hersoeur, c'est certainement celui avec le plus d'honneur. Et pourtant il est le premier à tourner casaque. Vous ne trouvez pas cela étrange?
- Si bien sûr. Mais le kraken vert détient son fils d'après ce que j'ai cru comprendre. Il était à Argane avec sir Edorn. Je crois même me souvenir que c'était son écuyer. Il est l'héritier de la citadelle d'Argenté. En voyant une hache au-dessus de son héritier, messire Standford avait toutes les raisons du monde de tourner casaque.
- Son fils?» Lady Worrl but une gorgée de vin. «Pensez vous vraiment que c'est la seule raison? Les Argenté sont l'une des plus grandes familles des terres de la couronne, sûrement l'une des plus riches. Il aurait très bien pu payer une rançon à l'étoile pourpre en échange de son fils. Non, la raison de sa trahison est bien plus sombre.
- Alors éclairez-moi , je vous prie.» Victor était plus qu'intrigué. Ce n'était pas la première fois qu'il réfléchissait à la question. Et bien entendue, la version qu'il venait de donner n'était pas la plus logique pour lui. Mais en avait-il d'autres?
- Pas aujourd'hui, mon garçon. Il y a des sujets plus importants.» Lady Worrl posa sa coupe de vin sur la table. «Tout ce que je peux vous dire avec certitude, c'est qu'à ses nombreuses visites à la citadelle d'Argenté, il est fort probable que sa majesté est eu une conduite des plus déplacées.
- Lady Worrl a raison, dit Carval. Nous avons à parler d'avenir. D'avenir pour le Grand-Royaume.
- Quel avenir y a t-il? répliqua Victor. Si la guerre se termine alors nous n'aurons plus rien à faire sauf reconstruire.
- Pensez vous vraiment que l'étoile pourpre en restera là?» Le comte fourra de nouveau un gâteau dans sa bouche. «Non, il n'a fait que tester nos défenses. Il a vu que nous étions faibles. Que nous sommes près de la guerre civile. Le Grand-Royaume n'est plus que l'ombre de lui-même. Notre Roi n'a plus qu'une maigre emprise sur ses sujets. Quoi qu'il arrive, je refuse que le trône du hall étoilée soit occupé par un autre qu'un Roy. Le prince Richard, cela aurait dû être lui. Tout était prêt. Il serait monté sur le trône et nous aurait gouverné. Mais... la mort l'a pris avant.
- Que voulait vous dire?
- Ne faites pas l'innocent! Vous savez très bien. Nous avons proposé au prince Louis de prendre place sur le trône. Mais il a refusé. Et regardez où cela nous a mené. La mort de nos armées. La mort de nos maisons.
- Quand la guerre sera finie, dit lady Worrl, une autre devra commencer. Si nous restons sans rien faire, l'empire de l'étoile pourpre pourrait bientôt s'étendre sur le Grand-Royaume. Il est hors de question que cela arrive. Son empire est déjà assez gros comme cela.
- Alors que faire, demanda Victor. Nous ne pouvons vaincre l'étoile pourpre. Pas sur un champ de bataille.
- Mener la guerre sur un autre front pour nous unir et affaiblir son royaume.» Le comte Carval le regarda dans les yeux. Voilà quel était leur véritable but de cette réunion.
Victor s'adossa à son siège et réfléchit. Ils avaient raison. Il fallait unir le Grand-Royaume. Et pour cela il fallait attaquer l'empire de l'étoile pourpre à l'endroit où il n'était pas. En attaquant les terres qu'il n'avait pas conquise et qu'il comptait conquérir alors cela leur laisserait peut-être la chance de le battre. Mais pour cela il aurait besoin de tout le Grand-Royaume. Pas seulement des terres de la couronne. Le sud ne se résumait pas seulement aux terres prisent par l'étoile pourpre. Il y avait aussi Eglésariane à l'Est de la Lémovicie, les terres des sept peuples, les territoires derrière l'Eternel. En allant là où aucun homme du Grand-Royaume n'est jamais allé, ils repousseraient les limites du monde. Le sud était vaste. Bien plus grand que l'empire de l'étoile pourpre. S'étendant bien plus loin que ses frontières. Par delà les montagnes et les fleuves. Par delà les déserts, les plaines, les forêts et les marées. Des terres immenses. Peut-être que l'étoile pourpre venait de leur ouvrir la porte du sud?
Il y avait aussi une autre option qui leur prendrait moins de temps. Victor regarda ses deux interlocuteurs. «Feu le prince Richard est mort assassiné, n'est ce pas?
- Oui et ce n'est un secret pour personne, répondit messire Carval perplexe.
- Et si l'étoile pourpre n'était plus de ce monde? Son empire jaillirait en éclat. Il renterait en guerre civile. La conquête de ces terres serait alors des plus faciles.
- Que proposez-vous? demanda lady Worrl en reprenant son verre.
- Tuer l'étoile pourpre. Assassinons le comme l'on a assassiné feu le prince Richard, ce n'est que justice. Après cela, prenons l'empire comme il a voulu prendre le Grand-Royaume.»
Les deux le regardèrent en clignant des yeux. Ils se jetèrent des regards avant de lui sourire. «On m'avait dit que le prince Louis était intelligent, dit le comte Carval, mais vous... vous semblez l'être encore plus.
- En observant, on apprend beaucoup, répondit Victor.
- Et cela pourrait aussi sauver Enoria Holl, continua Lady Worrl. Si nous la gardons en vie, et que le frère de sa majesté l'épouse... alors nous aurons l'appui de la flotte de Mitilène si Darrion Holl vient à mourir par la même occasion.
- En effet, mais pour cela il faut qu'elle vive, répliqua Victor en vidant son verre et en se levant. Je vais faire parvenir ses informations au prince Louis, son frère ne peut pas lui refuser grand chose. Mais pour conclure cette proposition concernant le trône... je pense que cela va mettre plus de temps pour que je puisse convaincre le prince. Laissez-moi du temps, c'est tout ce dont j'ai besoin.»
Le comte Carval se leva aussi et lui adressa un signe de tête. «Très bien. Mais n'en abusez pas trop. Le temps vaut cher de nos jours. Nous devrons reprendre cette conversation, elle est loin d'être terminée, et je pense que vous avez encore beaucoup de choses à nous dire.
- Oui en effet. Messire, madame.» Victor le salua et se retourna pour s'enfoncer dans les jardins étoilés avec Nuit derrière lui afin de vérifier ses arrières.
Il prit directement le chemin de la citadelle Phoenix. Normalement Louis n'y dormait pas, mais son frère avait insisté pour qu'il y demeure le temps de sa guérison. La blessure qu'il avait reçue au visage était très grave. Louis avait failli mourir, et au lieu de cela, il se retrouvait défiguré. Quels étaient le meilleur? Son visage était recouvert de bandage, aussi Victor n'avait pas encore pus voir la blessure. Il ne supportait pas de voir les bandages être changés, cela le dégoûtait. Il savait seulement que les yeux n'étaient pas touchés, cela parce que les bandages ne les recouvraient pas. Louis s'étaient réveillés plusieurs fois, mais à chaque fois soit Victor n'était pas là, soit le prince délirait. Il espérait tout de même qu'il soit réveillé ce soir et qu'il ne délire pas. Il avait beaucoup de choses à lui dire.
Il ne croisa pas un garde sur la chaussée pour monter à la citadelle. Une fois devant la porte, il n'eut même pas besoin de faire signe au garde, les portes étaient déjà ouvertes. Victor trouva cela étrange mais n'y prêta guère plus d'attention. Nuit était avec lui et rien ne pouvait donc lui arriver. Il traversa la citadelle calme comme un château endormi dans une brume d'hiver. Il entendait ses pas résonner contre les murs et les tapisseries.
Il arriva finalement devant la chambre du prince et découvrit sir Ernold Carval ainsi que sir Reyd de la maison Opinois. Il leur adressa un signe de tête et sir Ernold ouvrit la porte en rentrant avec lui dans la chambre. À son grand désespoir, le prince était encore endormi. «Comment va -t-il?
- Un médecin est venue s'occuper de sa blessure à la tombée de la nuit, répondit sir Ernold. Il a dit que le pire était passé. Maintenant c'était à son corps de se guérir lui même. La fièvre est tombée et il commence à prendre des couleurs. Si tout se déroule bien, il sera de retour parmi nous demain ou après-demain. Sa vie est entre les mains des dieux.
- Je doute que les dieux en aient quelque chose à faire de nous. Nous ne sommes rien pour eux. Nous ne valons rien.» Il prit une profonde inspiration. «J'espère tout de même que vous avez raison. Sans lui nous ne sommes rien. Étrangement votre oncle a raison. Le prince est le seul véritable espoir du Grand-Royaume.»
Le chevalier allait lui répondre, quand Nuit dégaina ses deux lames d'un coup. Par réflexe, sir Ernold saisit son épée. «Qui a-t-il?" demanda Victor.
Le fannar indiqua la porte.
Victor saisit l'épée incrustée de joyaux du prince et se dirigea en silence vers la porte. Sir Errik le suivait de même que Nuit. Il ouvrit la porte et vit sir Reyd étalé sur le sol dans une mare de sang.
Sa gorge était tranchée.
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Re: Le Théâtre du Pouvoir [fantasy-dark fantasy-guerre-intrigue]
XXXVI. Alenna Partie 2
Elle avait comme l'impression d'avoir été manipulée.
Alenna passa par-dessus le corps du soldat mort et suivit Vardlenne. Au total, il était vingt. Il y avait les dix fannars survivants n'étant pas blessés. Il y avait aussi trois archers Lémovice: Barne Lefrong, un homme qu'elle avait rencontré sur les barricades, mais aussi un certain Clément Storm, et Eddarne Forgeur. Le reste du groupe était complété avec trois gardes pourpres et trois hommes de la seconde division, et bien entendu un officier pour les commander. Les trois gardes pourpres étaient des chevaliers: sir Harold Logane, sir Will Ogure et sir Thomas Hunt. Les hommes de la seconde division, toujours recouvert de squelettes depuis la bataille de Montgargant, s'appelaient quand à eux: sir Dennis de l'Ardoise, sir Bram Rok, et sir Jon le faucheur. Tous avait été semble t-il choisi par l'étoile pourpre. Mais ce n'était pas pour eux qu'Alenna s'inquiétait. C'était pour le chef de la mission. Nul autre que Daymar.
En milieu d'après-midi, sir Petyr Forge, le cavalier de l'empire, leur avait dit de se préparer pour une mission d'infiltration dans la cité d'or. Les ordres étaient clairs: se préparer sans rien dire à personne et se rendre devant le campement de la première division à la tombée de la nuit.
Les survivants fannars avaient obéi. Ils étaient les meilleurs dans toutes les missions de discrétion, c'était normal d'être sollicité pour ce genre de mission. Ils s'étaient donc équipé de leurs meilleures lames et meilleurs flèches et avaient attendu que la Nuit tombe. Le groupe était allé jusque devant le campement de la première division pour recevoir ses ordres. Mais rien ne les avait préparés à ce qui allait suivre, particulièrement Alenna.
Alenna et les fannars s'attendaient à être seul pour rentrer dans la cité d'or. Au lieu de cela, ils avaient découvert dix autres soldats en train de se préparer. Les fannars avaient directement compris qu'ils ne seraient pas seuls dans cette mission.
«Qu'est ce que ça veut dire, avait demandé Hostar au cavalier de l'empire qui se trouvait à côté. Pourquoi sont-ils ici? On a pas besoin d'autre personne pour accomplir quelque mission!»
Le cavalier de l'empire l'avait regardé avec un profond mépris, avant de tout simplement éclater de rire. «Voilà qui est fâcheux, parce que non seulement vous serez accompagné mais vous serez aussi sous les ordres de quelqu'un d'autre.
- Quelqu'un d'autre?» Hostar le regarda médusé. «Qui?
- Moi», avait répondu une voix qu'Alenna connaissait très bien. Daymar était sortie du groupe pour se mettre juste devant Hostar. «Soldats, je sais que vous n'êtes plus que dix fannar en état de combattre. Je sais aussi que votre capitaine est mort. Or, il se trouve que pour cette mission j'ai besoin de vous mais aussi de neuf hommes supplémentaires. La mission que nous allons accomplir est dangereuse. Vous avez besoin de quelqu'un pour vous guider dans la cité d'or. Et cette personne c'est moi.
- Toi, avait répliqué Alenna. Je ne sais même pas si tu es vraiment de la cité d'or.» Hostar s'était écarté pour qu'elle se retrouve face à lui. «A vrai dire, je ne sais même pas qui tu es. C'est de l'étoile pourpre que nous devons prendre nos ordres. Pas de toi.»
Daymar l'avait dévisagé en souriant. «Les ordres sont les ordres. J'ai pour mission de m'introduire dans la cité d'or. Je pensais que les fannars auraient pu m'être utiles, mais si vous refusez alors d'accord. Les hommes qui sont ici ont ma totale confiance. Nous saurons faire sans vous.
- Et qui a-t-il à faire?» avait demandé Vardlenne.
Daymar avait tourné la tête pour le juger. «Je suppose que vous êtes Vardlenne. J'ai beaucoup entendu parler de vous et de vos exploits.»
Vardlenne avait jeté un regard à Alenna avant de répéter: «Qu'elle est la mission?
- Si vous voulez la connaître vous devez d'abord me jurer que vous viendrez. Sinon... je me verrais dans l'obligation de vous placer avec tous les prisonniers. Je doute que vous surviviez longtemps dans leurs cages.»
Après s'être jeté des regards, les fannars avaient hoché la tête. «Très bien, avait-dit Daymar. Alors voilà, nous allons cette nuit nous introduire dans la citadelle Phoenix pour libérer la princesse Enoria Holl.»
Cela les avait totalement pris au dépourvu. Les fannars s'attendaient à une mission de sabotage ou d'assassinat. Mais au lieu de ça, il devait s'occuper d'un sauvetage. Mais le pire était que la tâche semblait plus ardue encore. La citadelle Phoenix était réputée imprenable et impossible d’accès. Alors tenter de s'y infiltrer pour libérer une femme, c'était tout simplement impossible. Et pourquoi devait-il la libérer. Pourquoi Daymar voulait-il libérer la sœur du kraken vert? De toute façon la guerre était gagnée, il n'avait plus de raison de la libérer, elle allait être rendue dans l'échange de prisonniers ou sinon échanger contre rançon. Encore une fois, Alenna n'avait pas compris qu'elle était l'objectif de l'étoile pourpre. Mais l'avait-elle seulement compris une seule fois?
Il avait donc escaladé les remparts en pleine nuit alors que la cité d'or était endormie. Étonnamment il n'avait trouvé que peu de résistance. Et le peu trouvé avait été abattu par les archers Lémovices. Les fannars ne faisaient aucun bruit, contrairement aux hommes de Daymar. Mais ils avaient le mérite d'être assez silencieux pour ne pas être repéré. Ils étaient passés par le mur qui séparait la cité du commerce de la ville verte, suivant les ordres de Daymar. Là encore ils n'avaient trouvé que peu de résistance. Les quelques gardes avaient été tués et leurs corps avaient été cachés. Daymar était très minutieux et ne prenait aucun risque. Il fallait cacher les cadavres pour ne pas qu'une patrouille ne les remarque. En général, les patrouilles passaient toutes les heures, mais cela pouvait très bien varier, aussi il ne souhaitait pas que l'on découvre un milicien égorger sur le sol.
Arrivé devant la citadelle Phoenix et le fossé qui les séparait du mur, il avait laissé sir Harold Logane et l'archers Lémovices, Clément Storm, pour attendre le retour et surveillait la zone en les attendant. Puis jouant le tout pour le tout, il avait fait signe aux hommes de la citadelle de leur ouvrir ce qu'ils avaient fait. Alenna avait alors pensé que c'était des traîtres, mais en réalité il n'en était rien. Une fois dans la citadelle, sur ses ordres ils avaient pris la vie des hommes qui leur avait ouvert.
Les cadavres à ses pieds, il s'était retourné vers le groupe pour les séparer en trois groupes: lui, Alenna, Vardlenne, sir Thomas Hunt, sir Jon le faucheur, Hostar et un autre fannar, Uthor, se retrouvaient dans le même groupe. Selon Daymar cela les aiderait à trouver la chambre de la princesse. La citadelle était sur plusieurs étages, aussi chaque groupe devait s'occuper d'un étage et le tout devrait se retrouver dans la pièce centrale avec un plafond de verre.
Cela avait alors fait rêver Alenna. Si c'était vrai alors et allez pouvoir admirer l'art du Grand-Royaume, une chose qu'elle attendait depuis le début de la campagne.
Mais avant elle devait accomplir sa mission. Il était en train de fouiller le deuxième étage de la citadelle et pour l'instant il n'avait rien trouvé si ce n'est que quelques gardes et serviteur trouvait sur le chemin. Les ordres pour eux étaient simple: pas de témoins. Tous les gardes et serviteurs rencontrés était mort la gorge tranchée ou une dague dans le cœur. Tous étaient morts en silence, il ne fallait surtout pas faire de bruit ou sinon l'alerte serait donnée.
«On va continuer longtemps? demanda-t-elle tout bas.
- La ferme, répondit Vardlennne.
- Je sais, mais si ça se trouve les autres l'ont déjà trouvé. On a sans nul doute plus rien à faire ici.»
Daymar lui jeta un regard accusateur tout en continuant d'avancer derrière sir Thomas Hunt. «Nous ne sommes pas là, que pour la princesse de Mitilène… L'étoile pourpre m'a aussi chargé de transmettre un message au Roi Charles. Nous devons aussi trouver sa chambre.
- Un message? Quel message?! tu ne nous l'avais pas dit!
- Parce que vous n'aviez pas de raison de le savoir. Maintenant tu la ferme et tu avance sans bruit.»
Alenna poussa un juron à voix basse puis continua de suivre Vardlenne.
Sir Jon le faucheur la suivait tel une ombre sans vie. Il portait bien son surnom de faucheur. Il ne faisait pas de bruit, ne parler pas, et avait un visage de marbre. Cela allait parfaitement avec le côté cadavre que lui donner son armure. Les os humains et animaux ajoutés pour la bataille de Montgargant. Tous les soldats de la seconde division étaient terrifiants. Et Alenna se doutait bien que c’était pour cette raison qu’il avait été choisie pour accomplir cette mission. Elle ne l’avait encore jamais vu se battre, mais elle était persuadée que c’était un excellent combattant.
Daymar avançait sans un bruit. Il semblait très bien connaître la citadelle, puisqu’il semblait très bien savoir où il allait. Pourtant il ne trouvait ni la chambre du Roi Charles, ni celle de la princesse Enoria Holl. Alenna avait l’impression de marcher dans le noir complet. Elle ne savait pas du tout où elle allait et devait suivre Daymar sans poser de question. Cela l’énervait au plus haut point. La seule chose qui la rassurait, était que personne d’autre ne semblait savoir où ils allaient. Tout le monde devait faire confiance à Daymar. Pour le meilleur et pour le pire. L’incertitude était complète pour tous.
Arrivé au bout d’un couloir, Daymar se figea. Il fit signe à tout le monde de se taire, indiquant qu’il y avait des gardes. L’ensemble du groupe se colla au mur en attendant les ordres. Alenna tira une flèche de son carquois et arma son arc. Hostar fit de même avec son arbalète alors que le reste du groupe dégainait leur lame. Lentement, Daymar passa la tête de l’autre côté du couloir puis revint immédiatement en arrière.
Il se tourna vers le groupe. «On y est, chuchota t-il. La chambre du Roi. Il y a trois gardes. Tuez-les le plus rapidement possible et sans un bruit. Pas un bruit.»
Le groupe acciesta. Hostar fit alors un signe à Alenna. Ils passèrent lentement de l’autre côté du couloir sans faire le moindre bruit pour ne pas être repéré. Les deux se plaquèrent contre le mur. Par miracle, les trois gardes n'étaient pas très attentifs. De l’autre côté, Vardlenne et Uthor tirèrent leur dagues et leur firent signe de la tête.
Il n’en fallut pas plus pour Alenna. D’un coup, suivie par Hostar elle se décolla du mur et décocha sa flèche visant la gorge du garde le plus proche. Hostar fit de même et deux gardes tombèrent d’un seul coup dans un fracas sur le sol. Le troisième attrapa son, épée et s'apprêtait à hurler l’alerte quand les dagues de Vardlenne et de Uthor vinrent se planter dans sa gorge. Le chevalier mourut dans un grognement. Les quatre fannar tirèrent leurs épées et avancèrent prudemment dans le couloir. Tout était calme. Il vérifièrent que l’ensemble du couloir soit vide avant de faire signe au reste du groupe de venir.
Tout était si calme, si sombre et froid. Comme la lune laissant apparaître des filets argentés sur un lac glacé. La citadelle semblait perdue dans la brume. Une citadelle fantôme auquel venait de s’ajouter les cadavres de trois chevaliers. Leurs fantômes semblaient déjà s’évaporer dans les murs sombres et silencieux. La citadelle était plus calme qu’un cimetière au profond de la nuit.
Daymar s'avança une fois que la zone fut sécurisée. Il se stoppa devant la porte où était le Roi et la regarda avec un sourire.
«Qu'est ce qu'il attend? demanda Alenna tout bas à Vardlenne.
- Silence, répliqua Daymar. Avec le boucan que vous avez fait, c'est un miracle que nous n'ayons pas été repérés.»
Alenna aurait voulu le tuer. Comment-osait-il lui parler de cette façon, surtout après cette servie d'elle? C'était comme s'ils ne s'étaient jamais connus. Et pourtant elle savait très bien qu'il se souvenait être amants. Mais il faisait comme si rien ne s'était passé. Quel connard.
Daymar eut alors une attitude étrange. Alors qu'elle pensait qu'il allait ouvrir la porte pour rentrer dans la chambre du Roi, il se contenta de poser sa main sur le bois doré et noir de la porte. L'espace d'un battement de cœur, elle crut qu'il allait défoncer la porte. Mais non. Il se retourna et fit signe à sir Thomas Hunt de lui donner son marteau d'arme. Le chevalier tira l'arme de sa ceinture, exactement la même que portait Daymar, et il lui tendit. Daymar saisit l'arme et prit de l'élan pour l'enfoncer dans la porte. Mais au lieu de cela, il s'arrêta à un pouce du bois. Il se retourna d'un coup remarquant que l'un des gardes bougeait encore.
Alenna et les fannars n'avaient pas vérifié s'il était encore en vie. La flèche d'Alenna lui avait transpercé la gorge mais pourtant il continuait de bouger. Daymar eut un sourire sadique et lui enfonça le marteau dans la tête. Elle sentit le craquement des os du crâne se briser alors que le sang giclait du même endroit.
«Maintenant allons trouver la princesse Holl, dit Daymar en prenant en main son propre marteau d'arme. Nous n'avons plus rien à faire ici.»
Alenna fut étonné. Ne devaient-ils pas tuer le Roi? Il était juste derrière la porte, il n'y avait qu'à l'ouvrir. Le tuer, et la guerre était fini, gagné. Une telle chance ne se reproduirait pas. « Mais… et le Roi? demanda t-elle. Pourquoi on n'entre pas?
- Les plans derrière les plans, répondit Daymar. Allons nous en.»
Elle regarda Vardlenne qui haussa les épaules et suivit l'officier. Hostar et Uthor étaient aussi étonnants qu'elle. Mais que pouvaient-ils faire? Ils ne comprenaient rien au plan de l'étoile pourpre. Et Daymar avait refusé de leur donner des informations sur le plan. Elle poussa un juron et suivit le groupe. Cette mission de sauvetage n'avait aucun sens pour elle. Mais après tout que pouvait-elle faire. Elle ne dirigeait pas la mission et son rôle était d'obéir. Elle devait suivre le groupe et ne rien dire.
De nouveau, le groupe s'enfonce dans les couloirs obscurs de la citadelle Phoenix. Daymar les conduisait avec sir Thomas juste derrière lui. Ils progressaient lentement, mais Daymar semblait être sûr de ce qu'il faisait. Ils longèrent les murs pendant un moment avant de prendre un escalier en colimaçon afin d’accéder à l'étage suivant. Arrivé en haut de l'escalier, Vardlenne passa juste devant Daymar avec Hostar et tranchèrent les gorges des deux gardes sans faire un seul bruit. Les corps tombèrent sans bruit sur le sol, retenu par les deux fannars.
Daymar leur fit alors signe d'avancer. Alenna finit de monter les marches pour découvrir qu'ils se trouvaient dans une sorte de jardin d'hiver avec une voûte en verre. Si elle avait eu le temps, elle aurait pleuré tellement la voûte montrant le ciel étoilé était belle. Mais ils n'avaient pas le temps, et elle dut traverser le petit jardins sans bruit. L'officier se stoppa en plein milieu leur faisant signe de ne pas faire de bruit. Il leur montra ensuite les étages supérieurs.
Alenna leva la tête pour découvrir qu'une dizaine de gardes était visible grâce à leurs torches. Par miracle ceux-ci ne les avaient pas vues. Daymar le fit alors signe de continuer. Ils finirent de traverser le jardin dans le plus grand calme, pour arriver dans un nouveau couloir. Il ne leur laissa même pas le temps de souffler et leur fit signe d'avancer.
Cette mission ne rime à rien, se dit Alenna. Nous aurions déjà dû trouver la princesse depuis un moment. Et pourquoi n'avons nous pas tué le Roi? Il avait l’opportunité et il n'a rien fait, pourquoi?
Deux gardes loyalistes passèrent alors devant eux à l'autre bout de couloir. D'un coup le groupe se plaqua contre les murs sans faire de bruit et espérant ne pas être vu. Les gardes passèrent sans même remarquer quoi que ce soit. Ils soufflèrent avant de repartir sans faire de bruit. Daymar prit la direction opposée des gardes et ils continuèrent d'avancer dans la pénombre. Puis deux femmes émergèrent d'un couloir à leur droite. Elles ne le remarquèrent pas au début, mais cela ne dura guère. L'une des femmes allait pousser un cri quand Vardlenne lui attrapa la bouche. Sir Thomas fit de même avec la seconde et les deux femmes se retrouvèrent immobilisées.
Tout bas, Daymar jura avant de se positionner juste devant la première, mettant son visage à la même hauteur.
«Si vous tenez à la vie, vous avez intérêt à répondre directement à la question. Où est la princesse Enoria?»
La femme bien qu'avec les yeux injecté de peur trouva tout de même la force de secouer la tête. Daymar baissa alors la tête en soupirant. «Tant pis, dit-il.» Puis, sans rien ajouter, il lui attrapa la tête et lui brisa la nuque.
Cela choqua Alenna. Il semblait l'avoir fait sans même réfléchir. Il n'avait pas hésité et ses bras n'avaient pas tremblé. Mais le pire était ses yeux. Des yeux de monstre. Il n'y avait aucune émotion, rien. Pas un seul remord. Il ne semblait vraiment rien ressentir. C'était comme si hoter la vie ne signifiait rien pour lui.
Il se tourna vers la seconde femme indiquant à sir Thomas de lui lâcher la bouche. Celui ci obéie sans même protester, libérant la femme qui, paralyser par la peur ne pouvait pas crier. Il s'approcha d'elle lentement avant de lui sourire.
«Qui était-elle? demanda-t-il.
- La... la... lady... Erys... Glone.
- Bien. Votre amie, n'a pas eu la jugeote de me parler directement. Grossière erreur. Voyez-vous Lady...
- Nael... Carval...
- Lady Nael Carval, mes hommes et moi même sommes des plus pressés. Aussi vous allez nous dire où est la princesse Holl et vous ne finirez pas comme elle. Compris?»
La femme paraissait plutôt jeune maintenant qu'Alenna la regardait mieux. Mais surtout, elle était terrorisée. Alenna l'aurait été aussi si Daymar lui avait parlé comme ça. Elle le regarda et essaya d'ouvrir sa bouche pétrifiée, seulement un son inaudible en sortit.
«Plus fort s'il vous plaît. Je crains que nous ne vous ayons pas entendu.» Son sourire venait de disparaître.
La jeune femme baissa la tête terrorisé puis le regarda de nouveau. «Elle est dans l’une des chambres à l’étage du dessus. Il vous suffit de prendre l’escalier à droite et en haut de passer par le couloir qui se trouvera juste devant vous. C’est la deuxième porte à gauche.
- Merci bien.» Il se redressa et fit un signe de tête à sir Thomas.
Celui-ci retourna la jeune femme face à lui et lui envoya son poing sur le front. Sous l’impacte, lady Nael fut sonné mais resta debout. Mécontent, le chevalier refit son geste, une première fois, puis une seconde, et une troisième.
Daymar le dévisagea. «Qu’est ce que tu fous?
- Bah… je l'assomme pour l'endormir, répondit le chevalier en lui donnant un nouveau coup de poing dans la tête de la jeune fille sans résultat.
- Mais c’est pas possible d’être aussi con.» Daymar saisit la fille et lui envoya son poing sur la tempe assommant sur le coup. Il la rattrapa pour la faire tomber délicatement sur le sol, puis il se releva, fusillant du regard le chevalier. «La prochaine fois, tu attends avant de faire une nouvelle connerie. On y va.»
Ils suivirent alors les indications de la jeune femme. Daymar prit la direction à droite avant de tomber sur les escaliers. Par miracle il n’y avait aucun garde. Ils gravirent les marches deux à deux. Puis arrivés à mi-escaliers, ils entendirent des cris. «ALERTES! ALERTES! LA CITADELLE EST ATTAQUÉ!» Le groupe se figea. Ils regardèrent Daymar s’attendant à ce qu'il ordonne le repli, mais celui-ci semblait peu surpris de l’alerte donnée par les loyalistes.
«Il nous reste encore du temps, on continue!»
Sans rien ajouter, il recommença à monter les marches. Alenna entendit alors des bruits de bottes provenant de toute la citadelle. Les loyalistes savaient qu’ils étaient là. Leurs chances de survivre à cette mission venait de diminuer d’un coup. Mais après tout? Ils avaient commencé, alors il fallait finir. Elle suivit Daymar et monta une nouvelle marche.
Ils arrivèrent en haut de l’escalier, et prirent le couloir que leur avait indiqué la jeune fille. Mais bien entendue elle n’avait pas dit qu’il y aurait des gardes. Ils étaient trois et ils les avaient remarqués.
Daymar poussa un juron avant de les charger en brandissant son marteau d’arme. Sir Thomas le suivit de même que Hostar, sir Jon le faucheur et Uthor. Les trois chevaliers avaient déjà dégainer leurs épées, mais cela ne servait à rien contre les quatre hommes. Le premier mourut d’un coup le crâne explosée par le marteau de Daymar. Sir Thomas lança une attaque sur le second qui la bloqua mais se retrouva avec le poignard du chevalier dans les côtes, et s’écroula dans un grognement de douleur. Le troisième recula voyant les deux hommes au sol raide mort. Sans attendre un instant, il se retourna et prit la fuite. Il n’alla pas loin. Le poignard d’Hostar s’enfonça dans sa cuisse droite et il chuta au sol. Il n’eut même pas le temps de se relever que sir Jon lui tranchait déjà la gorge avec son épée. Le corps s’écroula au sol le sang giclant sur les ossements de sir Jon. Ce dernier se baissa et essuya son épée.
«On continue, dit Daymar. On y est presque.» Il s'apprêtait à s’élancer dans le couloir sombre quand l’une des portes du couloir s'ouvrit.
Alenna vérifia. C’était la deuxième porte du couloir à gauche. Un chevalier sortit l’épée au poing.
Elle avait comme l'impression d'avoir été manipulée.
Alenna passa par-dessus le corps du soldat mort et suivit Vardlenne. Au total, il était vingt. Il y avait les dix fannars survivants n'étant pas blessés. Il y avait aussi trois archers Lémovice: Barne Lefrong, un homme qu'elle avait rencontré sur les barricades, mais aussi un certain Clément Storm, et Eddarne Forgeur. Le reste du groupe était complété avec trois gardes pourpres et trois hommes de la seconde division, et bien entendu un officier pour les commander. Les trois gardes pourpres étaient des chevaliers: sir Harold Logane, sir Will Ogure et sir Thomas Hunt. Les hommes de la seconde division, toujours recouvert de squelettes depuis la bataille de Montgargant, s'appelaient quand à eux: sir Dennis de l'Ardoise, sir Bram Rok, et sir Jon le faucheur. Tous avait été semble t-il choisi par l'étoile pourpre. Mais ce n'était pas pour eux qu'Alenna s'inquiétait. C'était pour le chef de la mission. Nul autre que Daymar.
En milieu d'après-midi, sir Petyr Forge, le cavalier de l'empire, leur avait dit de se préparer pour une mission d'infiltration dans la cité d'or. Les ordres étaient clairs: se préparer sans rien dire à personne et se rendre devant le campement de la première division à la tombée de la nuit.
Les survivants fannars avaient obéi. Ils étaient les meilleurs dans toutes les missions de discrétion, c'était normal d'être sollicité pour ce genre de mission. Ils s'étaient donc équipé de leurs meilleures lames et meilleurs flèches et avaient attendu que la Nuit tombe. Le groupe était allé jusque devant le campement de la première division pour recevoir ses ordres. Mais rien ne les avait préparés à ce qui allait suivre, particulièrement Alenna.
Alenna et les fannars s'attendaient à être seul pour rentrer dans la cité d'or. Au lieu de cela, ils avaient découvert dix autres soldats en train de se préparer. Les fannars avaient directement compris qu'ils ne seraient pas seuls dans cette mission.
«Qu'est ce que ça veut dire, avait demandé Hostar au cavalier de l'empire qui se trouvait à côté. Pourquoi sont-ils ici? On a pas besoin d'autre personne pour accomplir quelque mission!»
Le cavalier de l'empire l'avait regardé avec un profond mépris, avant de tout simplement éclater de rire. «Voilà qui est fâcheux, parce que non seulement vous serez accompagné mais vous serez aussi sous les ordres de quelqu'un d'autre.
- Quelqu'un d'autre?» Hostar le regarda médusé. «Qui?
- Moi», avait répondu une voix qu'Alenna connaissait très bien. Daymar était sortie du groupe pour se mettre juste devant Hostar. «Soldats, je sais que vous n'êtes plus que dix fannar en état de combattre. Je sais aussi que votre capitaine est mort. Or, il se trouve que pour cette mission j'ai besoin de vous mais aussi de neuf hommes supplémentaires. La mission que nous allons accomplir est dangereuse. Vous avez besoin de quelqu'un pour vous guider dans la cité d'or. Et cette personne c'est moi.
- Toi, avait répliqué Alenna. Je ne sais même pas si tu es vraiment de la cité d'or.» Hostar s'était écarté pour qu'elle se retrouve face à lui. «A vrai dire, je ne sais même pas qui tu es. C'est de l'étoile pourpre que nous devons prendre nos ordres. Pas de toi.»
Daymar l'avait dévisagé en souriant. «Les ordres sont les ordres. J'ai pour mission de m'introduire dans la cité d'or. Je pensais que les fannars auraient pu m'être utiles, mais si vous refusez alors d'accord. Les hommes qui sont ici ont ma totale confiance. Nous saurons faire sans vous.
- Et qui a-t-il à faire?» avait demandé Vardlenne.
Daymar avait tourné la tête pour le juger. «Je suppose que vous êtes Vardlenne. J'ai beaucoup entendu parler de vous et de vos exploits.»
Vardlenne avait jeté un regard à Alenna avant de répéter: «Qu'elle est la mission?
- Si vous voulez la connaître vous devez d'abord me jurer que vous viendrez. Sinon... je me verrais dans l'obligation de vous placer avec tous les prisonniers. Je doute que vous surviviez longtemps dans leurs cages.»
Après s'être jeté des regards, les fannars avaient hoché la tête. «Très bien, avait-dit Daymar. Alors voilà, nous allons cette nuit nous introduire dans la citadelle Phoenix pour libérer la princesse Enoria Holl.»
Cela les avait totalement pris au dépourvu. Les fannars s'attendaient à une mission de sabotage ou d'assassinat. Mais au lieu de ça, il devait s'occuper d'un sauvetage. Mais le pire était que la tâche semblait plus ardue encore. La citadelle Phoenix était réputée imprenable et impossible d’accès. Alors tenter de s'y infiltrer pour libérer une femme, c'était tout simplement impossible. Et pourquoi devait-il la libérer. Pourquoi Daymar voulait-il libérer la sœur du kraken vert? De toute façon la guerre était gagnée, il n'avait plus de raison de la libérer, elle allait être rendue dans l'échange de prisonniers ou sinon échanger contre rançon. Encore une fois, Alenna n'avait pas compris qu'elle était l'objectif de l'étoile pourpre. Mais l'avait-elle seulement compris une seule fois?
Il avait donc escaladé les remparts en pleine nuit alors que la cité d'or était endormie. Étonnamment il n'avait trouvé que peu de résistance. Et le peu trouvé avait été abattu par les archers Lémovices. Les fannars ne faisaient aucun bruit, contrairement aux hommes de Daymar. Mais ils avaient le mérite d'être assez silencieux pour ne pas être repéré. Ils étaient passés par le mur qui séparait la cité du commerce de la ville verte, suivant les ordres de Daymar. Là encore ils n'avaient trouvé que peu de résistance. Les quelques gardes avaient été tués et leurs corps avaient été cachés. Daymar était très minutieux et ne prenait aucun risque. Il fallait cacher les cadavres pour ne pas qu'une patrouille ne les remarque. En général, les patrouilles passaient toutes les heures, mais cela pouvait très bien varier, aussi il ne souhaitait pas que l'on découvre un milicien égorger sur le sol.
Arrivé devant la citadelle Phoenix et le fossé qui les séparait du mur, il avait laissé sir Harold Logane et l'archers Lémovices, Clément Storm, pour attendre le retour et surveillait la zone en les attendant. Puis jouant le tout pour le tout, il avait fait signe aux hommes de la citadelle de leur ouvrir ce qu'ils avaient fait. Alenna avait alors pensé que c'était des traîtres, mais en réalité il n'en était rien. Une fois dans la citadelle, sur ses ordres ils avaient pris la vie des hommes qui leur avait ouvert.
Les cadavres à ses pieds, il s'était retourné vers le groupe pour les séparer en trois groupes: lui, Alenna, Vardlenne, sir Thomas Hunt, sir Jon le faucheur, Hostar et un autre fannar, Uthor, se retrouvaient dans le même groupe. Selon Daymar cela les aiderait à trouver la chambre de la princesse. La citadelle était sur plusieurs étages, aussi chaque groupe devait s'occuper d'un étage et le tout devrait se retrouver dans la pièce centrale avec un plafond de verre.
Cela avait alors fait rêver Alenna. Si c'était vrai alors et allez pouvoir admirer l'art du Grand-Royaume, une chose qu'elle attendait depuis le début de la campagne.
Mais avant elle devait accomplir sa mission. Il était en train de fouiller le deuxième étage de la citadelle et pour l'instant il n'avait rien trouvé si ce n'est que quelques gardes et serviteur trouvait sur le chemin. Les ordres pour eux étaient simple: pas de témoins. Tous les gardes et serviteurs rencontrés était mort la gorge tranchée ou une dague dans le cœur. Tous étaient morts en silence, il ne fallait surtout pas faire de bruit ou sinon l'alerte serait donnée.
«On va continuer longtemps? demanda-t-elle tout bas.
- La ferme, répondit Vardlennne.
- Je sais, mais si ça se trouve les autres l'ont déjà trouvé. On a sans nul doute plus rien à faire ici.»
Daymar lui jeta un regard accusateur tout en continuant d'avancer derrière sir Thomas Hunt. «Nous ne sommes pas là, que pour la princesse de Mitilène… L'étoile pourpre m'a aussi chargé de transmettre un message au Roi Charles. Nous devons aussi trouver sa chambre.
- Un message? Quel message?! tu ne nous l'avais pas dit!
- Parce que vous n'aviez pas de raison de le savoir. Maintenant tu la ferme et tu avance sans bruit.»
Alenna poussa un juron à voix basse puis continua de suivre Vardlenne.
Sir Jon le faucheur la suivait tel une ombre sans vie. Il portait bien son surnom de faucheur. Il ne faisait pas de bruit, ne parler pas, et avait un visage de marbre. Cela allait parfaitement avec le côté cadavre que lui donner son armure. Les os humains et animaux ajoutés pour la bataille de Montgargant. Tous les soldats de la seconde division étaient terrifiants. Et Alenna se doutait bien que c’était pour cette raison qu’il avait été choisie pour accomplir cette mission. Elle ne l’avait encore jamais vu se battre, mais elle était persuadée que c’était un excellent combattant.
Daymar avançait sans un bruit. Il semblait très bien connaître la citadelle, puisqu’il semblait très bien savoir où il allait. Pourtant il ne trouvait ni la chambre du Roi Charles, ni celle de la princesse Enoria Holl. Alenna avait l’impression de marcher dans le noir complet. Elle ne savait pas du tout où elle allait et devait suivre Daymar sans poser de question. Cela l’énervait au plus haut point. La seule chose qui la rassurait, était que personne d’autre ne semblait savoir où ils allaient. Tout le monde devait faire confiance à Daymar. Pour le meilleur et pour le pire. L’incertitude était complète pour tous.
Arrivé au bout d’un couloir, Daymar se figea. Il fit signe à tout le monde de se taire, indiquant qu’il y avait des gardes. L’ensemble du groupe se colla au mur en attendant les ordres. Alenna tira une flèche de son carquois et arma son arc. Hostar fit de même avec son arbalète alors que le reste du groupe dégainait leur lame. Lentement, Daymar passa la tête de l’autre côté du couloir puis revint immédiatement en arrière.
Il se tourna vers le groupe. «On y est, chuchota t-il. La chambre du Roi. Il y a trois gardes. Tuez-les le plus rapidement possible et sans un bruit. Pas un bruit.»
Le groupe acciesta. Hostar fit alors un signe à Alenna. Ils passèrent lentement de l’autre côté du couloir sans faire le moindre bruit pour ne pas être repéré. Les deux se plaquèrent contre le mur. Par miracle, les trois gardes n'étaient pas très attentifs. De l’autre côté, Vardlenne et Uthor tirèrent leur dagues et leur firent signe de la tête.
Il n’en fallut pas plus pour Alenna. D’un coup, suivie par Hostar elle se décolla du mur et décocha sa flèche visant la gorge du garde le plus proche. Hostar fit de même et deux gardes tombèrent d’un seul coup dans un fracas sur le sol. Le troisième attrapa son, épée et s'apprêtait à hurler l’alerte quand les dagues de Vardlenne et de Uthor vinrent se planter dans sa gorge. Le chevalier mourut dans un grognement. Les quatre fannar tirèrent leurs épées et avancèrent prudemment dans le couloir. Tout était calme. Il vérifièrent que l’ensemble du couloir soit vide avant de faire signe au reste du groupe de venir.
Tout était si calme, si sombre et froid. Comme la lune laissant apparaître des filets argentés sur un lac glacé. La citadelle semblait perdue dans la brume. Une citadelle fantôme auquel venait de s’ajouter les cadavres de trois chevaliers. Leurs fantômes semblaient déjà s’évaporer dans les murs sombres et silencieux. La citadelle était plus calme qu’un cimetière au profond de la nuit.
Daymar s'avança une fois que la zone fut sécurisée. Il se stoppa devant la porte où était le Roi et la regarda avec un sourire.
«Qu'est ce qu'il attend? demanda Alenna tout bas à Vardlenne.
- Silence, répliqua Daymar. Avec le boucan que vous avez fait, c'est un miracle que nous n'ayons pas été repérés.»
Alenna aurait voulu le tuer. Comment-osait-il lui parler de cette façon, surtout après cette servie d'elle? C'était comme s'ils ne s'étaient jamais connus. Et pourtant elle savait très bien qu'il se souvenait être amants. Mais il faisait comme si rien ne s'était passé. Quel connard.
Daymar eut alors une attitude étrange. Alors qu'elle pensait qu'il allait ouvrir la porte pour rentrer dans la chambre du Roi, il se contenta de poser sa main sur le bois doré et noir de la porte. L'espace d'un battement de cœur, elle crut qu'il allait défoncer la porte. Mais non. Il se retourna et fit signe à sir Thomas Hunt de lui donner son marteau d'arme. Le chevalier tira l'arme de sa ceinture, exactement la même que portait Daymar, et il lui tendit. Daymar saisit l'arme et prit de l'élan pour l'enfoncer dans la porte. Mais au lieu de cela, il s'arrêta à un pouce du bois. Il se retourna d'un coup remarquant que l'un des gardes bougeait encore.
Alenna et les fannars n'avaient pas vérifié s'il était encore en vie. La flèche d'Alenna lui avait transpercé la gorge mais pourtant il continuait de bouger. Daymar eut un sourire sadique et lui enfonça le marteau dans la tête. Elle sentit le craquement des os du crâne se briser alors que le sang giclait du même endroit.
«Maintenant allons trouver la princesse Holl, dit Daymar en prenant en main son propre marteau d'arme. Nous n'avons plus rien à faire ici.»
Alenna fut étonné. Ne devaient-ils pas tuer le Roi? Il était juste derrière la porte, il n'y avait qu'à l'ouvrir. Le tuer, et la guerre était fini, gagné. Une telle chance ne se reproduirait pas. « Mais… et le Roi? demanda t-elle. Pourquoi on n'entre pas?
- Les plans derrière les plans, répondit Daymar. Allons nous en.»
Elle regarda Vardlenne qui haussa les épaules et suivit l'officier. Hostar et Uthor étaient aussi étonnants qu'elle. Mais que pouvaient-ils faire? Ils ne comprenaient rien au plan de l'étoile pourpre. Et Daymar avait refusé de leur donner des informations sur le plan. Elle poussa un juron et suivit le groupe. Cette mission de sauvetage n'avait aucun sens pour elle. Mais après tout que pouvait-elle faire. Elle ne dirigeait pas la mission et son rôle était d'obéir. Elle devait suivre le groupe et ne rien dire.
De nouveau, le groupe s'enfonce dans les couloirs obscurs de la citadelle Phoenix. Daymar les conduisait avec sir Thomas juste derrière lui. Ils progressaient lentement, mais Daymar semblait être sûr de ce qu'il faisait. Ils longèrent les murs pendant un moment avant de prendre un escalier en colimaçon afin d’accéder à l'étage suivant. Arrivé en haut de l'escalier, Vardlenne passa juste devant Daymar avec Hostar et tranchèrent les gorges des deux gardes sans faire un seul bruit. Les corps tombèrent sans bruit sur le sol, retenu par les deux fannars.
Daymar leur fit alors signe d'avancer. Alenna finit de monter les marches pour découvrir qu'ils se trouvaient dans une sorte de jardin d'hiver avec une voûte en verre. Si elle avait eu le temps, elle aurait pleuré tellement la voûte montrant le ciel étoilé était belle. Mais ils n'avaient pas le temps, et elle dut traverser le petit jardins sans bruit. L'officier se stoppa en plein milieu leur faisant signe de ne pas faire de bruit. Il leur montra ensuite les étages supérieurs.
Alenna leva la tête pour découvrir qu'une dizaine de gardes était visible grâce à leurs torches. Par miracle ceux-ci ne les avaient pas vues. Daymar le fit alors signe de continuer. Ils finirent de traverser le jardin dans le plus grand calme, pour arriver dans un nouveau couloir. Il ne leur laissa même pas le temps de souffler et leur fit signe d'avancer.
Cette mission ne rime à rien, se dit Alenna. Nous aurions déjà dû trouver la princesse depuis un moment. Et pourquoi n'avons nous pas tué le Roi? Il avait l’opportunité et il n'a rien fait, pourquoi?
Deux gardes loyalistes passèrent alors devant eux à l'autre bout de couloir. D'un coup le groupe se plaqua contre les murs sans faire de bruit et espérant ne pas être vu. Les gardes passèrent sans même remarquer quoi que ce soit. Ils soufflèrent avant de repartir sans faire de bruit. Daymar prit la direction opposée des gardes et ils continuèrent d'avancer dans la pénombre. Puis deux femmes émergèrent d'un couloir à leur droite. Elles ne le remarquèrent pas au début, mais cela ne dura guère. L'une des femmes allait pousser un cri quand Vardlenne lui attrapa la bouche. Sir Thomas fit de même avec la seconde et les deux femmes se retrouvèrent immobilisées.
Tout bas, Daymar jura avant de se positionner juste devant la première, mettant son visage à la même hauteur.
«Si vous tenez à la vie, vous avez intérêt à répondre directement à la question. Où est la princesse Enoria?»
La femme bien qu'avec les yeux injecté de peur trouva tout de même la force de secouer la tête. Daymar baissa alors la tête en soupirant. «Tant pis, dit-il.» Puis, sans rien ajouter, il lui attrapa la tête et lui brisa la nuque.
Cela choqua Alenna. Il semblait l'avoir fait sans même réfléchir. Il n'avait pas hésité et ses bras n'avaient pas tremblé. Mais le pire était ses yeux. Des yeux de monstre. Il n'y avait aucune émotion, rien. Pas un seul remord. Il ne semblait vraiment rien ressentir. C'était comme si hoter la vie ne signifiait rien pour lui.
Il se tourna vers la seconde femme indiquant à sir Thomas de lui lâcher la bouche. Celui ci obéie sans même protester, libérant la femme qui, paralyser par la peur ne pouvait pas crier. Il s'approcha d'elle lentement avant de lui sourire.
«Qui était-elle? demanda-t-il.
- La... la... lady... Erys... Glone.
- Bien. Votre amie, n'a pas eu la jugeote de me parler directement. Grossière erreur. Voyez-vous Lady...
- Nael... Carval...
- Lady Nael Carval, mes hommes et moi même sommes des plus pressés. Aussi vous allez nous dire où est la princesse Holl et vous ne finirez pas comme elle. Compris?»
La femme paraissait plutôt jeune maintenant qu'Alenna la regardait mieux. Mais surtout, elle était terrorisée. Alenna l'aurait été aussi si Daymar lui avait parlé comme ça. Elle le regarda et essaya d'ouvrir sa bouche pétrifiée, seulement un son inaudible en sortit.
«Plus fort s'il vous plaît. Je crains que nous ne vous ayons pas entendu.» Son sourire venait de disparaître.
La jeune femme baissa la tête terrorisé puis le regarda de nouveau. «Elle est dans l’une des chambres à l’étage du dessus. Il vous suffit de prendre l’escalier à droite et en haut de passer par le couloir qui se trouvera juste devant vous. C’est la deuxième porte à gauche.
- Merci bien.» Il se redressa et fit un signe de tête à sir Thomas.
Celui-ci retourna la jeune femme face à lui et lui envoya son poing sur le front. Sous l’impacte, lady Nael fut sonné mais resta debout. Mécontent, le chevalier refit son geste, une première fois, puis une seconde, et une troisième.
Daymar le dévisagea. «Qu’est ce que tu fous?
- Bah… je l'assomme pour l'endormir, répondit le chevalier en lui donnant un nouveau coup de poing dans la tête de la jeune fille sans résultat.
- Mais c’est pas possible d’être aussi con.» Daymar saisit la fille et lui envoya son poing sur la tempe assommant sur le coup. Il la rattrapa pour la faire tomber délicatement sur le sol, puis il se releva, fusillant du regard le chevalier. «La prochaine fois, tu attends avant de faire une nouvelle connerie. On y va.»
Ils suivirent alors les indications de la jeune femme. Daymar prit la direction à droite avant de tomber sur les escaliers. Par miracle il n’y avait aucun garde. Ils gravirent les marches deux à deux. Puis arrivés à mi-escaliers, ils entendirent des cris. «ALERTES! ALERTES! LA CITADELLE EST ATTAQUÉ!» Le groupe se figea. Ils regardèrent Daymar s’attendant à ce qu'il ordonne le repli, mais celui-ci semblait peu surpris de l’alerte donnée par les loyalistes.
«Il nous reste encore du temps, on continue!»
Sans rien ajouter, il recommença à monter les marches. Alenna entendit alors des bruits de bottes provenant de toute la citadelle. Les loyalistes savaient qu’ils étaient là. Leurs chances de survivre à cette mission venait de diminuer d’un coup. Mais après tout? Ils avaient commencé, alors il fallait finir. Elle suivit Daymar et monta une nouvelle marche.
Ils arrivèrent en haut de l’escalier, et prirent le couloir que leur avait indiqué la jeune fille. Mais bien entendue elle n’avait pas dit qu’il y aurait des gardes. Ils étaient trois et ils les avaient remarqués.
Daymar poussa un juron avant de les charger en brandissant son marteau d’arme. Sir Thomas le suivit de même que Hostar, sir Jon le faucheur et Uthor. Les trois chevaliers avaient déjà dégainer leurs épées, mais cela ne servait à rien contre les quatre hommes. Le premier mourut d’un coup le crâne explosée par le marteau de Daymar. Sir Thomas lança une attaque sur le second qui la bloqua mais se retrouva avec le poignard du chevalier dans les côtes, et s’écroula dans un grognement de douleur. Le troisième recula voyant les deux hommes au sol raide mort. Sans attendre un instant, il se retourna et prit la fuite. Il n’alla pas loin. Le poignard d’Hostar s’enfonça dans sa cuisse droite et il chuta au sol. Il n’eut même pas le temps de se relever que sir Jon lui tranchait déjà la gorge avec son épée. Le corps s’écroula au sol le sang giclant sur les ossements de sir Jon. Ce dernier se baissa et essuya son épée.
«On continue, dit Daymar. On y est presque.» Il s'apprêtait à s’élancer dans le couloir sombre quand l’une des portes du couloir s'ouvrit.
Alenna vérifia. C’était la deuxième porte du couloir à gauche. Un chevalier sortit l’épée au poing.
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Re: Le Théâtre du Pouvoir [fantasy-dark fantasy-guerre-intrigue]
XXXVII. Enoria Partie 2
Enoria entendit l'alerte alors qu'elle était au plus profond de la nuit. Elle se réveilla en sursaut en entendant les cris: «ALERTE! ALERTE! LA CITADELLE EST ATTAQUE!»
Elle ne comprit pas tout de suite. Les nobles se sont-ils rebellé? se demanda-t-elle. Mais pourquoi? Ou sinon, l'étoile pourpre se serait-il introduit dans la citadelle pour tuer le Roi?
Elle attrapa la bougie à côté de son lit et l'alluma. Malgré la flamme la chambre était totalement plongé dans le noir. Elle ne voyait rien, mais qu'importe. Elle devait savoir ce qu'il se passait. Elle attrapa une robe dans sa penderie et enfila en vitesse. À peine eut-elle fini que sir Eommund Tigre rentra dans la pièce l'épée au poing.
«Madame, allez vous bien?
- Oui, répondit-Enoria. Que se passe-t-il? Pourquoi ses cris? La citadelle est-elle attaquée?» Trop de questions se bousculaient dans sa tête. Allait-elle mourir cette nuit? Elle espérait que ce ne soit pas son frère qui se soit introduit dans la citadelle, dans le cas contraire alors elle aurait préféré se jeter contre l'épée du chevalier. Plutôt mourir que de le revoir, se dit-elle.
Le chevalier balaya la chambre du regard. «On ne sait pas vraiment. Mais tout porte à croire qu'un groupe de fannars engagé par l'étoile pourpre s'est introduit dans la citadelle.
- Comment est-ce possible?» La citadelle Phoenix était le lieu le plus sûr de tout le Grand-Royaume. Une forteresse dans une forteresse, il était impossible que des soldats de l'étoile pourpre s'y soit introduit, même des fannars.
«Cela nous tenterons de le découvrir plus tard, répondit le chevalier. On a retrouvé plusieurs gardes morts la gorge tranchée dans la citadelle. Tout semble croire que le Roi à était pris pour cible. Les gardes qui étaient devant sa porte son mort. Ainsi que tous ceux de son niveau et tous les gardes des remparts. C'est un miracle que le Roi ait survécu.»
Un miracle en effet, réfléchit Enoria. Tout l'étage est mort sauf lui. Donc, soit les assassins ne savaient pas que c'était sa chambre. Peu probable. Soit ils voulaient lui envoyer un message. Ou sinon, ils vont tous nous tuer d'une autre façon... Ou sinon le Roi a lui-même provoqué la tuerie? Peut-être qu'ils viennent pour moi? Je suis la raison de la guerre et ils ont voulu se venger.
Puis elle se dit se trouver stupide. Pourquoi pensais-t-elle à ça maintenant? Il fallait partir.
Elle attrapa ses bottes de cheval et se dirigea vers sir Eommund.
«Il faut que nous sortions de la citadelle maintenant, dit le chevalier. Nous serons certainement plus en sécurité dans les jardins.» Enoria acciesta de la tête. De toute façon que pouvait-elle dire. «Il y a trois autres chevaliers qui attendent dans le couloir, poursuivit sir Eommund. Quoi qu'il arrive restez derrière moi et ne prenez aucun risque.»
Enoria se plaça alors derrière le chevalier sous sa protection. Il l'avait protégé durant tout son séjour dans la cité d'or. Il était sûrement l'une des personnes en qui elle avait le plus confiance. La personne avec qui elle se sentait le plus rassuré. Traverser la citadelle avec lui serait des plus simples. Derrière sa cape couleur tigre et ses couleurs, elle se sentait encore comme une enfant. Mais après tout? La guerre n'était pas son domaine, c'était celui des chevaliers, elle devait le laisser faire.
Soudain elle entendit des bruits de combat dans le couloir. Les lames s'entrechoquent, perforant mailles et plaques d'acier, les cris de guerre. Puis les cris de douleur. Elle comprit, les trois chevaliers qui étaient venus avec sir Eommund étaient mort.
Le chevalier lui jeta un regard rassurant. Elle hocha la tête, rien ne pouvait lui arriver avec lui. Rien. Il dégaina son épée et tendit la main vers la poignée de la porte.
Lentement il l'ouvrit et sortit dans le couloir. Comme si elle était son ombre, Enoria le suivit.
Ils étaient sept. Quatre était habillé en noir, deux avec les capes pourpre de la garde pourpre, et un recouvert d'os humain et animal. Ombre dans la nuit, ils ressemblaient plus à sept fantômes tout droit sortis des prisons de Hell. Peut-être étaient-ils simplement les sept apocalypses? Sept démons détruisant le monde pour ne laisser qu'un océan glacial de sang et de désolation. Elle chassa ces idées de son esprit.
Ils étaient sept. Même aussi doué qu'il était, sir Eommund Tigre ne pourrait jamais tenir contre eux. Les trois gardes étaient morts en quelques instants, le chevalier ne ferait certainement pas mieux. Contre sept hommes, il n'avait aucune chance. Pourtant il leva la garde les dissuadant d'approcher. Les deux mains empoignant son épée il leva son épée adoptant une garde haute et stable.
Un Fannar habillé totalement en noir s'avança lentement. Une dague dans la main et un sabre court dans l'autre, il adopta une posture plus agressive. Avec douceur, sir Eommund poussa Enoria en arrière. Le fannar lança une première attaque vers les jambes mais le chevalier la para d'un coup et riposta immédiatement. Il fit tourner le sabre court de son adversaire pour le faire monter puis frappa de cette manière l'épaule de son adversaire. Alors que l'homme poussait un cri de douleur, sir Eommund fit dévier sa lame vers sa gorge et la tira d'un coup sec vers lui. Sans même qu'Enoria n'ait pus comprendre, le sang gicla du coup du guerrier.
«Non!» cria une voix de femme. Sir Eommund poussa le corps par terre et dirigea sa lame vers le reste du groupe. Pris par la colère, un second fannar se jeta sur lui alors que l'un des chevaliers avec une cape pourpre leur indiquer de reculer.
Avec précision, sir Eommund para les attaques de son adversaire armé de dague. Mais le fannar était plus rapide. Une dague toucha une plaque d'armure de l'épaule du chevalier. Il dut s'attendre à ce que l'armure cède mais non. Il eut un moment d’inattention que sir Eommund saisit. Le chevalier attrapa son bras et le coinça. Puis, levant son épée il décapita l'homme. Il repoussa le cadavre et reprit la même garde haute, droite et stable.
Cette fois les cinq hommes restant hésitèrent. Sir Eommund était beaucoup plus fort que les trois autres chevaliers morts, mais cela suffirait t-il à les dissuader d'attaquer? Enoria en doutait.
Alors que le chevalier lui jeter un regard pour vérifier que tout allait bien pour elle, un homme avec une cape rouge s'avança. C'était le même qui leur avait ordonné de se reculer. Un plastron entièrement noir, avec juste une étoile rouge, ainsi qu'un marteau d'arme à la main il semblait moins dangereux que les deux hommes que sir Eommund venait d'abattre. Et pourtant... Il s'avança lentement face à sir Eommund puis arrivé à deux pas de lui, il le dévisagea. Il retira son casque laissant apparaître ses cheveux grisâtre et dévoilant son visage. En le voyant, Enoria comprit qu'il était sûr de lui et qu'il n'avait pas peur. Il regarda les corps de ses hommes morts puis laissa deviner un sourire.
«Reculez, dit sir Eommund. Laissez nous passer. Ce n'est pas elle que vous cherchez. Le Roi n'est pas là. Et elle n'est rien pour lui. Reculez ou mourez.»
L'homme le regarda sans laisser deviner aucune expression. «Ne me dites pas n'importe quoi. Je sais qui elle est. Peu de femme lui ressemblent. Mes hommes et moi ne sommes pas venus pour faire la peau à votre roi. Si c'était le cas, Charles serait mort depuis longtemps. Non, je suis venu pour elle.»
Sir Eommund tourna la tête pour la regarder. Puis il se reconcentra sur l'homme. «Allez vous faire foutre!
- Oui, je me doutais que vous répondriez cela.» Sans un mot de plus, il leva son marteau et prit une position à la fois défensive et agressive en arrière.
Sir Eommund Tigre attendit que son adversaire lance une attaque, mais celui-ci ne fit rien. Il leva alors sa lame pour lancer une attaque à la tête, mais l'homme fut plus rapide. En un battement de cœur, l'homme dévia la trajectoire de la lame et se servit de l’aillant donné par le chevalier et son épée pour envoyer son marteau contre son genou. L'arme perfora la plaque d'acier d'un coup, laissant le chevalier pousser un cri de douleur. Enoria retenue son souffle. L'homme dégagea son marteau du genou du chevalier et le tourna pour enfoncer le bout pointu dans son crâne.
Elle entendit les craquements des os du crâne. Un craquement sec, net, presque déchirant. Elle avait vu, juste avant l'impact, la lueur d’incompréhension dans les yeux du chevalier. Son crâne éclata, les os éclatèrent, un geyser de sang gicla éclaboussant tout autour. Sir Eommund vacilla, sa bouche s'ouvrant dans une dernière tentative de souffle, mais il ne pouvait plus rien faire. Il chuta lourdement, son corps se tordant avant de s'écraser au sol. Le marteau restait planté dans sa tête, l'arme imbibée de sang chaud coulant sur le sol de pierre.
L'homme attrapa le manche de l'arme et la retira d'un coup sec. Enoria ne pouvait le croire. Sir Eommund semblait invincible et pourtant il gisait mort à ses pieds. Le geyser de sang avait éclaboussé sa robe mais elle sentait aussi le sang chaud sur son visage. Le sang de l'homme qui l'avait protégé pendant si longtemps. Elle ne pouvait le croire. Il ne pouvait être mort. Non, se dit-elle. Il va se relever. Il va se battre. Il va... Rien, pas un geste, pas un mouvement. Le chevalier gisait sur le sol glacial, le sang inondant le couloir. Elle voulut crier. Mais aucun son ne sortit de sa bouche.
«Il faut que nous partions», dit le tueur de sir Eommund à ses hommes. Puis il se tourna vers Enoria. «Vous êtes Enoria Holl? La sœur du kraken vert?»
Elle releva la tête. Pourquoi cette question? Qu'est ce que cela apportait? De toute façon, ils allaient la tuer. Elle rejoindrait bientôt sir Eommund, alors pourquoi répondre? «Faites ce que vous avez à faire, dit-elle. Tuez-moi et finissons-en.»
L'homme fut déconcerté. «Nous ne sommes pas là pour vous tuer. Nous sommes là pour vous évacuer de la cité d'or. Si vous restez ici, vous allez mourir.» Enoria releva la tête. De quoi parlait-il? «L'étoile pourpre veut vous libérer. Si vous restez ici encore longtemps vous allez mourir.
- Comme vous l'avez tué? répliqua Enoria en désignant le corps de sir Eommund.
- Vous apprendrez qu'à la guerre les hommes meurent. Les innocents aussi. Mais parfois leurs morts permettent de sauver d'autres vies. Cet homme a donné sa vie pour vous protéger. Mais si vous restez ici vous allez mourir. Le Roi Charles vous tuera. Vous pouvez en être certaine.»
Dans le noir, une porte claqua. Enoria se retourna d'un coup espérant voir un loyaliste mais rien. Les cris s'entendaient partout dans la citadelle. Les coups d'épée aussi, ainsi que les cris de douleur. Elle avait peur. L'une des seules personnes en qui elle avait une confiance absolue venait de mourir devant elle. Elle n'avait rien pu faire. Alors pourquoi toute cette haine? Pourquoi toute cette souffrance?
«Je ne reverrai pas mon frère, dit-elle en se retournant et regardant l’homme. Ce n'est qu'un monstre. Il va encore se servir de moi pour créer une guerre et je refuse d'être encore la responsable de tant de souffrance.
- Je ne sers pas Darrion Holl, dit l'officier. Je ne reçois mes ordres que d'Auguste. Et c'est à lui que nous vous conduisons. À vous de faire le choix.»
Elle hésita. Que pouvait-elle faire? Les cris résonnaient encore dans la citadelle. Encore et encore des cris.
«On doit partir! cria un fannar avec une hallebarde. Ils arrivent!»
Cela ne fit pas bouger l'homme. Il attendait une réaction d'Enoria. Elle ferma les yeux puis les rouvrit sentant encore le sang de sir Eommund sur sa joue. Elle hocha la tête.
«Très bien, dit l'homme. On s'en va, maintenant!»
D'un coup, le groupe de soldats se retourna et partit dans là où il était venu. L'homme attendit qu'Enoria passe devant et suivit le mouvement. Immédiatement après il partit en tête du groupe alors que le soldat recouvert os humain prenait l'arrière. Elle se retrouva alors prit entre deux fannars, dont l'un des deux semblait être une femme. Le groupe ne faisant aucun bruit, elle fit de son mieux pour faire de même. Pourtant elle avait l'impression de faire trop de bruits à côté d'eux.
L'homme qui lui avait parlé semblait parfaitement connaître la citadelle. Aussi il les conduisit dans le labyrinthe noir sans aucune hésitation. Ils passèrent même par des salles, couloirs, et escalier qu'Enoria n'avait encore jamais vue. Mine de rien la citadelle Phoenix était immense. Et il semblait que l'homme voulait les diriger vers les toits de la citadelle.
Derrière eux, Enoria pouvait entendre les bruits de bottes de leurs poursuivants, sans doute des chevaliers du Roi venu pour venger la mort de celui-ci. Puis Enoria se rappela que sir Eommund lui avait dit que le Roi n'était pas mort. Son cœur se serra. À la fois, parce qu'elle aurait voulu savoir ce monstre de Charles mort, mais aussi pour le chevalier défunt. Jusqu'au bout, celui-ci avait tout fait pour la protéger. Il avait donné sa vie sans une seule hésitation pour la protéger. Et maintenant elle se retrouvait à suivre ses assassins, cela n'avait pas le moindre sens. Mais elle savait que sir elle restait dans la citadelle après cette attaque, sa vie ne tiendrait plus qu'à un fil. Que pouvait-elle faire d'autre? Si le Roi la reprenait, il la tuerait ou pire la donnerait à ses hommes. Elle était persuadée qu'il avait déjà eu l'idée.
Dans cette ville, personne ne l'avait aidé, il se fichait bien de savoir si elle allait vivre ou mourir. Les Worrl semblaient bien l'aimer, mais surtout pour sa position sur la lignée des Holl. Le prince et son conseiller, les dames de la cour, les chevaliers, les comtes, les courtisans, les gardes et les serviteurs, tous, s'ils ne la voyaient pas comme une ennemie, ils la voyaient comme un instrument. Non comme ce qu'elle était vraiment. Mais après tout, est ce que cela changerait beaucoup avec l'étoile pourpre? Elle en doutait.
Ils arrivèrent au dernier étage avant les toits quand ils rencontrèrent un autre groupe de la mission. Ils semblaient être plus nombreux. Au moins neuf, compta Enoria ne faisant pas réellement attention.
Un homme avec une cape rouge s'avança. «Vous l'avez trouvé?
- Oui, répondit l'homme qui lui avait parlé. Où sont les autres?
- Mort. Ou agonisant. Les loyalistes savent que nous sommes dans la citadelle. Ils nous ont repéré. Si on reste, on va tous y passer.»
L'homme se tourna vers Enoria. «C'est bon on peut partir.»
Les deux groupes allaient partir quand. On les stoppa. «Au nom du Grand-Royaume, cria une voix de l'autre bout du couloir, déposez les armes.»
Enoria se retourna et vit messire Aymar Darcane commandant des défenses de la cité arriver avec une douzaine de chevalier dont la moitié se trouvant être des miliciens. De l'autre coté, le conseiller du prince Louis venait d'arriver avec cinq gardes dont un portant les couleurs noir des fannars. Enoria le reconnut, c'était le garde du corps du prince, un Fannar de Sombre-Astre.
«Daymar, dit l'homme à la cape rouge à celui qui avait tué sir Eommund. Montez sur les toits, on les retient.
- Ça ne servira à rien, répondit le nommé Daymar. On n'arrivera pas à passer le barrage d'un côté comme de l'autre. Ils vont simplement gagner du temps.
- Nous n'avons pas le choix.
- Si, on a toujours le choix.» L'officier regarda alors tout autour de lui espérant sûrement trouver une solution.
Pour Enoria aucune issus sauf la mort n'était possible. Les soldats allaient les massacrer. Mais apparemment le prénommé Daymar était plein de ressources. Il attrapa une lanterne accrochée à un mur et la balança sur le sol juste face à sir Darcane. La lanterne explosa au contacte du sol créant un brasier au centre du couloir. Cela ne durerait pas longtemps, mais cela bloquerait sir Darcane le temps voulu.
Daymar saisit alors son marteau d'arme et poussa un cri de guerre: «Mort au Roy!» Les hommes tout autour de lui reprirent le cris de guerre levant leur arme en direction du conseiller du prince. Enoria le vit prendre peur, mais pourtant il resta sur sa position levant son épée. Le groupe fonça d'un coup dans sa direction, les fannars en tête et les gardes pourpre derrière avec Enoria et Daymar.
Elle put voir toute la scène. Un fannar avec un hallebarde brisant une épée d'un chevalier de la maison des Boisseaux et le décapitant; la fille qu'Enoria avait pus voir plus tôt défier le neveu du comte Carval; deux autre fannar défiant le fannar de Sombre-Astre puis mourant en quelques instants les gorges tranchés; un chevalier de la maison Artagnac se faire prendre à partie par un guerrier avec des os et deux archers; et bien sûr le conseiller du prince se faisant défié par un garde avec un cape rouge. Contre toute attente, le groupe de messire Victor se débrouillait bien. Le Fannar de Sombre-Astre y aidant bien d'ailleurs. Dès qu'il fut débarrassé de ses deux premiers adversaires, il se lança sur celui pris à partie avec messire Victor et lui trancha les avant bras avec ses dagues. Puis, esquivant une attaque d'un soldat avec des os, il lui enfonça une dague dans la jambe avant de lui trancher la gorge. La fille habillé en noir réussi plutôt bien le début de son combat face à son adversaire, le désarmant puis lui entaillant la bras gauche, mais celui-ci réussit à lui envoyer son pied en plein dans la torse la projetant en arrière. Daymar vint immédiatement l'aider envoyant par la même occasion son marteau sur le genoux du chevalier Carval. Le fannar à la hallebarde finit de la relever alors que les deux groupes s'espaçaient.
Enoria se retourna pour voir que sir Darcane tentait de traverser les flammes avec ses hommes sans résultat. Pourtant le feu déclinait progressivement. Elle se reconcentra sur le groupe face à eux.
Messire Victor avait perdu le chevalier Boisseaux et le chevalier Artagnac. Les seconds étaient mort le corps pourfendu par les trois adversaires qu'il avait eu face à lui. Sir Errik Carval était blessé et le conseiller l'aidait à se tenir debout. Il restait seulement le fannar de Sombre-Astre, qui pourtant était le plus dangereux. Mais Enoria doutait que cela suffise à les empêcher de passer. Peut-être allaient-ils réussir? Peut-être allait-elle revenir chez elle?
Le Fannar de Sombre-Astre se préparait déjà à un nouvel assaut quand le conseiller Victor l’arrêta. Victor fit alors passer son regard d'Enoria à Daymar, puis de Daymar à Enoria. Il semblait réfléchir à la situation et semblait comprendre que s'il continuait lui et le reste de son groupe allait mourir. Il se redressa en fixant Daymar. «C'est pour elle que vous êtes ici, non? Pas pour le Roi?» Intrigué, Daymar hocha la tête.
Victor laissa deviner un sourire de soulagement avant de s'écarter. «Partez, dit-il. Partez!»
Enoria ne comprenait pas. Mais elle ne se posa pas plus la question. Daymar dévisagea le conseiller avant de hocher les épaules et d'indiquer à ses hommes de passer. En passant, Enoria aurait cru que le conseiller Victor semblait soulagé de la voir partir. Elle ne chercha pas à comprendre.
Daymar les fit monter sur les toits de la citadelle et indiqua au groupe la passerelle qui permettait la liaison entre le rempart de la ville verte, de la cité du commerce et de la citadelle Phoenix. Là, un chevalier avec une cape rouge et un archer les attendaient. Ils ne furent pas surpris par leur nombre et leur indiquèrent de se dépêcher montrant du doigt le groupe de sir Darcane. Ceux-ci gagnaient sur eux. Daymar indiqua au groupe de monter sur la passerelle et d'aller sur les remparts séparant la ville verte et la cité du commerce. Enoria fit comme elle le put pour suivre le groupe. Le fannar à la hallebarde l'aida à traverser le pont levis et ils commencèrent à courir sur le long rempart.
Le groupe de sir Aymar Darcane les suivait de très près. À chaque fois qu'Enoria jetait un coup d'œil par-dessus son épaule et pouvait voir le commandant se rapprocher un peu plus. Cela était normal. Il y avait des blessés avec eux et Daymar semblait contre l'idée de les abandonner.
À mi-chemin, l'homme qui l'avait aidé à passer le pont poussa un juron et se retourna. Il sortit sa hallebarde qu'il avait coincé dans son dos et se prépara au combat.
«Qu'est ce que tu fous?! cria la fille qui faisait partie du groupe.
- Il gagne sur nous, répondit l'homme. On doit les affronter maintenant tant que le terrain nous est favorable. Ils ne voient presque rien dans la nuit. Il n'y a pas de lune et ils n'ont pas de torche. Je les aurai rapidement massacrés.
- Non, cria la fille, si on combat on va rameuter l'ensemble de la cité. Tout ça n'aura servi à rien.» Elle s'approcha de lui à quelques pouces de son visage. «Je refuse que tu crèves ici.
- On a pas le choix», répliqua l'homme, puis il indiqua Enoria. «Elle est plus importante que moi.
- Vardlenne, si tu restes tu vas mourir. Ils sont trop nombreux. Tu ne pourras pas leur tenir tête. Tu vas y rester. Hostar, Uthor, Gorden, Grastan, ils sont tous morts. Il ne reste plus que nous comme fannar, tu ne peux pas mourir.» Elle avait les larmes aux yeux. «Non, on peut les distancer. On peut...» Sa voix se brisa.
Daymar arriva juste derrière elle lui posant la main sur l'épaule, elle le refoula d'un coup. Vardlenne la dévisagea et sourit. «J'ai beaucoup apprécié cette campagne. C'était une expérience... une expérience. Maintenant partez!» Il fit tournoyer sa hallebarde en l'air.
«Non!» cria la fille, mais la bras de Daymar lui prenait la taille déjà et la tirait en arrière. «NON!» cria-t-elle de nouveau. Le commandant Darcane sortait déjà de l'ombre avec ses hommes. Voyant le fannar, ils eurent un mouvement de recul. Puis après hésitation, ils dégénèrent leurs épées et foncèrent sur Vardlenne.
Celui-ci fait un dernier salut à la fille et au groupe avant de les charger. Ils ne virent pas le choc et encore moins le combat. Daymar était bien décidé à profiter du peu de répit que le fannar lui avait donné. Alors qu'ils arrivaient presque à la fin des remparts, Enoria se retourna en entendant les coups d'épée et les cris de douleur du fannars. Elle en fut certaine, il était tombé. La fille éclata alors en sanglots.
L'officier n'eut presque aucune réaction. Il ne semblait rien ressentir. Il se retourna et fit signe au groupe de poursuivre.
Arrivés sur le rempart de la ville verte, ils jetèrent des cordes par-dessus les remparts et commencèrent à descendre. Enoria s'approcha des créneaux et regarda le champ de bataille. Tous les corps n'avaient pas encore été retirés. Les vautours et les corbeaux se donnaient à cœur joie dans le festin que les hommes leur avaient offert. Elle se détourna du spectacle et regarda le camp de l'étoile pourpre. Mille bannières y flottaient. Les bannières noir et écarlates de l'étoile pourpre, rouge et jaune de Rogar Dorne, les dizaines de bannières des Largons, mais aussi, et surtout pour Enoria, les bannières vertes de son frère. Elle chassa les idées noires de sa tête et se concentra sur une seule chose. Elle allait bientôt retourner chez elle.
Enoria entendit l'alerte alors qu'elle était au plus profond de la nuit. Elle se réveilla en sursaut en entendant les cris: «ALERTE! ALERTE! LA CITADELLE EST ATTAQUE!»
Elle ne comprit pas tout de suite. Les nobles se sont-ils rebellé? se demanda-t-elle. Mais pourquoi? Ou sinon, l'étoile pourpre se serait-il introduit dans la citadelle pour tuer le Roi?
Elle attrapa la bougie à côté de son lit et l'alluma. Malgré la flamme la chambre était totalement plongé dans le noir. Elle ne voyait rien, mais qu'importe. Elle devait savoir ce qu'il se passait. Elle attrapa une robe dans sa penderie et enfila en vitesse. À peine eut-elle fini que sir Eommund Tigre rentra dans la pièce l'épée au poing.
«Madame, allez vous bien?
- Oui, répondit-Enoria. Que se passe-t-il? Pourquoi ses cris? La citadelle est-elle attaquée?» Trop de questions se bousculaient dans sa tête. Allait-elle mourir cette nuit? Elle espérait que ce ne soit pas son frère qui se soit introduit dans la citadelle, dans le cas contraire alors elle aurait préféré se jeter contre l'épée du chevalier. Plutôt mourir que de le revoir, se dit-elle.
Le chevalier balaya la chambre du regard. «On ne sait pas vraiment. Mais tout porte à croire qu'un groupe de fannars engagé par l'étoile pourpre s'est introduit dans la citadelle.
- Comment est-ce possible?» La citadelle Phoenix était le lieu le plus sûr de tout le Grand-Royaume. Une forteresse dans une forteresse, il était impossible que des soldats de l'étoile pourpre s'y soit introduit, même des fannars.
«Cela nous tenterons de le découvrir plus tard, répondit le chevalier. On a retrouvé plusieurs gardes morts la gorge tranchée dans la citadelle. Tout semble croire que le Roi à était pris pour cible. Les gardes qui étaient devant sa porte son mort. Ainsi que tous ceux de son niveau et tous les gardes des remparts. C'est un miracle que le Roi ait survécu.»
Un miracle en effet, réfléchit Enoria. Tout l'étage est mort sauf lui. Donc, soit les assassins ne savaient pas que c'était sa chambre. Peu probable. Soit ils voulaient lui envoyer un message. Ou sinon, ils vont tous nous tuer d'une autre façon... Ou sinon le Roi a lui-même provoqué la tuerie? Peut-être qu'ils viennent pour moi? Je suis la raison de la guerre et ils ont voulu se venger.
Puis elle se dit se trouver stupide. Pourquoi pensais-t-elle à ça maintenant? Il fallait partir.
Elle attrapa ses bottes de cheval et se dirigea vers sir Eommund.
«Il faut que nous sortions de la citadelle maintenant, dit le chevalier. Nous serons certainement plus en sécurité dans les jardins.» Enoria acciesta de la tête. De toute façon que pouvait-elle dire. «Il y a trois autres chevaliers qui attendent dans le couloir, poursuivit sir Eommund. Quoi qu'il arrive restez derrière moi et ne prenez aucun risque.»
Enoria se plaça alors derrière le chevalier sous sa protection. Il l'avait protégé durant tout son séjour dans la cité d'or. Il était sûrement l'une des personnes en qui elle avait le plus confiance. La personne avec qui elle se sentait le plus rassuré. Traverser la citadelle avec lui serait des plus simples. Derrière sa cape couleur tigre et ses couleurs, elle se sentait encore comme une enfant. Mais après tout? La guerre n'était pas son domaine, c'était celui des chevaliers, elle devait le laisser faire.
Soudain elle entendit des bruits de combat dans le couloir. Les lames s'entrechoquent, perforant mailles et plaques d'acier, les cris de guerre. Puis les cris de douleur. Elle comprit, les trois chevaliers qui étaient venus avec sir Eommund étaient mort.
Le chevalier lui jeta un regard rassurant. Elle hocha la tête, rien ne pouvait lui arriver avec lui. Rien. Il dégaina son épée et tendit la main vers la poignée de la porte.
Lentement il l'ouvrit et sortit dans le couloir. Comme si elle était son ombre, Enoria le suivit.
Ils étaient sept. Quatre était habillé en noir, deux avec les capes pourpre de la garde pourpre, et un recouvert d'os humain et animal. Ombre dans la nuit, ils ressemblaient plus à sept fantômes tout droit sortis des prisons de Hell. Peut-être étaient-ils simplement les sept apocalypses? Sept démons détruisant le monde pour ne laisser qu'un océan glacial de sang et de désolation. Elle chassa ces idées de son esprit.
Ils étaient sept. Même aussi doué qu'il était, sir Eommund Tigre ne pourrait jamais tenir contre eux. Les trois gardes étaient morts en quelques instants, le chevalier ne ferait certainement pas mieux. Contre sept hommes, il n'avait aucune chance. Pourtant il leva la garde les dissuadant d'approcher. Les deux mains empoignant son épée il leva son épée adoptant une garde haute et stable.
Un Fannar habillé totalement en noir s'avança lentement. Une dague dans la main et un sabre court dans l'autre, il adopta une posture plus agressive. Avec douceur, sir Eommund poussa Enoria en arrière. Le fannar lança une première attaque vers les jambes mais le chevalier la para d'un coup et riposta immédiatement. Il fit tourner le sabre court de son adversaire pour le faire monter puis frappa de cette manière l'épaule de son adversaire. Alors que l'homme poussait un cri de douleur, sir Eommund fit dévier sa lame vers sa gorge et la tira d'un coup sec vers lui. Sans même qu'Enoria n'ait pus comprendre, le sang gicla du coup du guerrier.
«Non!» cria une voix de femme. Sir Eommund poussa le corps par terre et dirigea sa lame vers le reste du groupe. Pris par la colère, un second fannar se jeta sur lui alors que l'un des chevaliers avec une cape pourpre leur indiquer de reculer.
Avec précision, sir Eommund para les attaques de son adversaire armé de dague. Mais le fannar était plus rapide. Une dague toucha une plaque d'armure de l'épaule du chevalier. Il dut s'attendre à ce que l'armure cède mais non. Il eut un moment d’inattention que sir Eommund saisit. Le chevalier attrapa son bras et le coinça. Puis, levant son épée il décapita l'homme. Il repoussa le cadavre et reprit la même garde haute, droite et stable.
Cette fois les cinq hommes restant hésitèrent. Sir Eommund était beaucoup plus fort que les trois autres chevaliers morts, mais cela suffirait t-il à les dissuader d'attaquer? Enoria en doutait.
Alors que le chevalier lui jeter un regard pour vérifier que tout allait bien pour elle, un homme avec une cape rouge s'avança. C'était le même qui leur avait ordonné de se reculer. Un plastron entièrement noir, avec juste une étoile rouge, ainsi qu'un marteau d'arme à la main il semblait moins dangereux que les deux hommes que sir Eommund venait d'abattre. Et pourtant... Il s'avança lentement face à sir Eommund puis arrivé à deux pas de lui, il le dévisagea. Il retira son casque laissant apparaître ses cheveux grisâtre et dévoilant son visage. En le voyant, Enoria comprit qu'il était sûr de lui et qu'il n'avait pas peur. Il regarda les corps de ses hommes morts puis laissa deviner un sourire.
«Reculez, dit sir Eommund. Laissez nous passer. Ce n'est pas elle que vous cherchez. Le Roi n'est pas là. Et elle n'est rien pour lui. Reculez ou mourez.»
L'homme le regarda sans laisser deviner aucune expression. «Ne me dites pas n'importe quoi. Je sais qui elle est. Peu de femme lui ressemblent. Mes hommes et moi ne sommes pas venus pour faire la peau à votre roi. Si c'était le cas, Charles serait mort depuis longtemps. Non, je suis venu pour elle.»
Sir Eommund tourna la tête pour la regarder. Puis il se reconcentra sur l'homme. «Allez vous faire foutre!
- Oui, je me doutais que vous répondriez cela.» Sans un mot de plus, il leva son marteau et prit une position à la fois défensive et agressive en arrière.
Sir Eommund Tigre attendit que son adversaire lance une attaque, mais celui-ci ne fit rien. Il leva alors sa lame pour lancer une attaque à la tête, mais l'homme fut plus rapide. En un battement de cœur, l'homme dévia la trajectoire de la lame et se servit de l’aillant donné par le chevalier et son épée pour envoyer son marteau contre son genou. L'arme perfora la plaque d'acier d'un coup, laissant le chevalier pousser un cri de douleur. Enoria retenue son souffle. L'homme dégagea son marteau du genou du chevalier et le tourna pour enfoncer le bout pointu dans son crâne.
Elle entendit les craquements des os du crâne. Un craquement sec, net, presque déchirant. Elle avait vu, juste avant l'impact, la lueur d’incompréhension dans les yeux du chevalier. Son crâne éclata, les os éclatèrent, un geyser de sang gicla éclaboussant tout autour. Sir Eommund vacilla, sa bouche s'ouvrant dans une dernière tentative de souffle, mais il ne pouvait plus rien faire. Il chuta lourdement, son corps se tordant avant de s'écraser au sol. Le marteau restait planté dans sa tête, l'arme imbibée de sang chaud coulant sur le sol de pierre.
L'homme attrapa le manche de l'arme et la retira d'un coup sec. Enoria ne pouvait le croire. Sir Eommund semblait invincible et pourtant il gisait mort à ses pieds. Le geyser de sang avait éclaboussé sa robe mais elle sentait aussi le sang chaud sur son visage. Le sang de l'homme qui l'avait protégé pendant si longtemps. Elle ne pouvait le croire. Il ne pouvait être mort. Non, se dit-elle. Il va se relever. Il va se battre. Il va... Rien, pas un geste, pas un mouvement. Le chevalier gisait sur le sol glacial, le sang inondant le couloir. Elle voulut crier. Mais aucun son ne sortit de sa bouche.
«Il faut que nous partions», dit le tueur de sir Eommund à ses hommes. Puis il se tourna vers Enoria. «Vous êtes Enoria Holl? La sœur du kraken vert?»
Elle releva la tête. Pourquoi cette question? Qu'est ce que cela apportait? De toute façon, ils allaient la tuer. Elle rejoindrait bientôt sir Eommund, alors pourquoi répondre? «Faites ce que vous avez à faire, dit-elle. Tuez-moi et finissons-en.»
L'homme fut déconcerté. «Nous ne sommes pas là pour vous tuer. Nous sommes là pour vous évacuer de la cité d'or. Si vous restez ici, vous allez mourir.» Enoria releva la tête. De quoi parlait-il? «L'étoile pourpre veut vous libérer. Si vous restez ici encore longtemps vous allez mourir.
- Comme vous l'avez tué? répliqua Enoria en désignant le corps de sir Eommund.
- Vous apprendrez qu'à la guerre les hommes meurent. Les innocents aussi. Mais parfois leurs morts permettent de sauver d'autres vies. Cet homme a donné sa vie pour vous protéger. Mais si vous restez ici vous allez mourir. Le Roi Charles vous tuera. Vous pouvez en être certaine.»
Dans le noir, une porte claqua. Enoria se retourna d'un coup espérant voir un loyaliste mais rien. Les cris s'entendaient partout dans la citadelle. Les coups d'épée aussi, ainsi que les cris de douleur. Elle avait peur. L'une des seules personnes en qui elle avait une confiance absolue venait de mourir devant elle. Elle n'avait rien pu faire. Alors pourquoi toute cette haine? Pourquoi toute cette souffrance?
«Je ne reverrai pas mon frère, dit-elle en se retournant et regardant l’homme. Ce n'est qu'un monstre. Il va encore se servir de moi pour créer une guerre et je refuse d'être encore la responsable de tant de souffrance.
- Je ne sers pas Darrion Holl, dit l'officier. Je ne reçois mes ordres que d'Auguste. Et c'est à lui que nous vous conduisons. À vous de faire le choix.»
Elle hésita. Que pouvait-elle faire? Les cris résonnaient encore dans la citadelle. Encore et encore des cris.
«On doit partir! cria un fannar avec une hallebarde. Ils arrivent!»
Cela ne fit pas bouger l'homme. Il attendait une réaction d'Enoria. Elle ferma les yeux puis les rouvrit sentant encore le sang de sir Eommund sur sa joue. Elle hocha la tête.
«Très bien, dit l'homme. On s'en va, maintenant!»
D'un coup, le groupe de soldats se retourna et partit dans là où il était venu. L'homme attendit qu'Enoria passe devant et suivit le mouvement. Immédiatement après il partit en tête du groupe alors que le soldat recouvert os humain prenait l'arrière. Elle se retrouva alors prit entre deux fannars, dont l'un des deux semblait être une femme. Le groupe ne faisant aucun bruit, elle fit de son mieux pour faire de même. Pourtant elle avait l'impression de faire trop de bruits à côté d'eux.
L'homme qui lui avait parlé semblait parfaitement connaître la citadelle. Aussi il les conduisit dans le labyrinthe noir sans aucune hésitation. Ils passèrent même par des salles, couloirs, et escalier qu'Enoria n'avait encore jamais vue. Mine de rien la citadelle Phoenix était immense. Et il semblait que l'homme voulait les diriger vers les toits de la citadelle.
Derrière eux, Enoria pouvait entendre les bruits de bottes de leurs poursuivants, sans doute des chevaliers du Roi venu pour venger la mort de celui-ci. Puis Enoria se rappela que sir Eommund lui avait dit que le Roi n'était pas mort. Son cœur se serra. À la fois, parce qu'elle aurait voulu savoir ce monstre de Charles mort, mais aussi pour le chevalier défunt. Jusqu'au bout, celui-ci avait tout fait pour la protéger. Il avait donné sa vie sans une seule hésitation pour la protéger. Et maintenant elle se retrouvait à suivre ses assassins, cela n'avait pas le moindre sens. Mais elle savait que sir elle restait dans la citadelle après cette attaque, sa vie ne tiendrait plus qu'à un fil. Que pouvait-elle faire d'autre? Si le Roi la reprenait, il la tuerait ou pire la donnerait à ses hommes. Elle était persuadée qu'il avait déjà eu l'idée.
Dans cette ville, personne ne l'avait aidé, il se fichait bien de savoir si elle allait vivre ou mourir. Les Worrl semblaient bien l'aimer, mais surtout pour sa position sur la lignée des Holl. Le prince et son conseiller, les dames de la cour, les chevaliers, les comtes, les courtisans, les gardes et les serviteurs, tous, s'ils ne la voyaient pas comme une ennemie, ils la voyaient comme un instrument. Non comme ce qu'elle était vraiment. Mais après tout, est ce que cela changerait beaucoup avec l'étoile pourpre? Elle en doutait.
Ils arrivèrent au dernier étage avant les toits quand ils rencontrèrent un autre groupe de la mission. Ils semblaient être plus nombreux. Au moins neuf, compta Enoria ne faisant pas réellement attention.
Un homme avec une cape rouge s'avança. «Vous l'avez trouvé?
- Oui, répondit l'homme qui lui avait parlé. Où sont les autres?
- Mort. Ou agonisant. Les loyalistes savent que nous sommes dans la citadelle. Ils nous ont repéré. Si on reste, on va tous y passer.»
L'homme se tourna vers Enoria. «C'est bon on peut partir.»
Les deux groupes allaient partir quand. On les stoppa. «Au nom du Grand-Royaume, cria une voix de l'autre bout du couloir, déposez les armes.»
Enoria se retourna et vit messire Aymar Darcane commandant des défenses de la cité arriver avec une douzaine de chevalier dont la moitié se trouvant être des miliciens. De l'autre coté, le conseiller du prince Louis venait d'arriver avec cinq gardes dont un portant les couleurs noir des fannars. Enoria le reconnut, c'était le garde du corps du prince, un Fannar de Sombre-Astre.
«Daymar, dit l'homme à la cape rouge à celui qui avait tué sir Eommund. Montez sur les toits, on les retient.
- Ça ne servira à rien, répondit le nommé Daymar. On n'arrivera pas à passer le barrage d'un côté comme de l'autre. Ils vont simplement gagner du temps.
- Nous n'avons pas le choix.
- Si, on a toujours le choix.» L'officier regarda alors tout autour de lui espérant sûrement trouver une solution.
Pour Enoria aucune issus sauf la mort n'était possible. Les soldats allaient les massacrer. Mais apparemment le prénommé Daymar était plein de ressources. Il attrapa une lanterne accrochée à un mur et la balança sur le sol juste face à sir Darcane. La lanterne explosa au contacte du sol créant un brasier au centre du couloir. Cela ne durerait pas longtemps, mais cela bloquerait sir Darcane le temps voulu.
Daymar saisit alors son marteau d'arme et poussa un cri de guerre: «Mort au Roy!» Les hommes tout autour de lui reprirent le cris de guerre levant leur arme en direction du conseiller du prince. Enoria le vit prendre peur, mais pourtant il resta sur sa position levant son épée. Le groupe fonça d'un coup dans sa direction, les fannars en tête et les gardes pourpre derrière avec Enoria et Daymar.
Elle put voir toute la scène. Un fannar avec un hallebarde brisant une épée d'un chevalier de la maison des Boisseaux et le décapitant; la fille qu'Enoria avait pus voir plus tôt défier le neveu du comte Carval; deux autre fannar défiant le fannar de Sombre-Astre puis mourant en quelques instants les gorges tranchés; un chevalier de la maison Artagnac se faire prendre à partie par un guerrier avec des os et deux archers; et bien sûr le conseiller du prince se faisant défié par un garde avec un cape rouge. Contre toute attente, le groupe de messire Victor se débrouillait bien. Le Fannar de Sombre-Astre y aidant bien d'ailleurs. Dès qu'il fut débarrassé de ses deux premiers adversaires, il se lança sur celui pris à partie avec messire Victor et lui trancha les avant bras avec ses dagues. Puis, esquivant une attaque d'un soldat avec des os, il lui enfonça une dague dans la jambe avant de lui trancher la gorge. La fille habillé en noir réussi plutôt bien le début de son combat face à son adversaire, le désarmant puis lui entaillant la bras gauche, mais celui-ci réussit à lui envoyer son pied en plein dans la torse la projetant en arrière. Daymar vint immédiatement l'aider envoyant par la même occasion son marteau sur le genoux du chevalier Carval. Le fannar à la hallebarde finit de la relever alors que les deux groupes s'espaçaient.
Enoria se retourna pour voir que sir Darcane tentait de traverser les flammes avec ses hommes sans résultat. Pourtant le feu déclinait progressivement. Elle se reconcentra sur le groupe face à eux.
Messire Victor avait perdu le chevalier Boisseaux et le chevalier Artagnac. Les seconds étaient mort le corps pourfendu par les trois adversaires qu'il avait eu face à lui. Sir Errik Carval était blessé et le conseiller l'aidait à se tenir debout. Il restait seulement le fannar de Sombre-Astre, qui pourtant était le plus dangereux. Mais Enoria doutait que cela suffise à les empêcher de passer. Peut-être allaient-ils réussir? Peut-être allait-elle revenir chez elle?
Le Fannar de Sombre-Astre se préparait déjà à un nouvel assaut quand le conseiller Victor l’arrêta. Victor fit alors passer son regard d'Enoria à Daymar, puis de Daymar à Enoria. Il semblait réfléchir à la situation et semblait comprendre que s'il continuait lui et le reste de son groupe allait mourir. Il se redressa en fixant Daymar. «C'est pour elle que vous êtes ici, non? Pas pour le Roi?» Intrigué, Daymar hocha la tête.
Victor laissa deviner un sourire de soulagement avant de s'écarter. «Partez, dit-il. Partez!»
Enoria ne comprenait pas. Mais elle ne se posa pas plus la question. Daymar dévisagea le conseiller avant de hocher les épaules et d'indiquer à ses hommes de passer. En passant, Enoria aurait cru que le conseiller Victor semblait soulagé de la voir partir. Elle ne chercha pas à comprendre.
Daymar les fit monter sur les toits de la citadelle et indiqua au groupe la passerelle qui permettait la liaison entre le rempart de la ville verte, de la cité du commerce et de la citadelle Phoenix. Là, un chevalier avec une cape rouge et un archer les attendaient. Ils ne furent pas surpris par leur nombre et leur indiquèrent de se dépêcher montrant du doigt le groupe de sir Darcane. Ceux-ci gagnaient sur eux. Daymar indiqua au groupe de monter sur la passerelle et d'aller sur les remparts séparant la ville verte et la cité du commerce. Enoria fit comme elle le put pour suivre le groupe. Le fannar à la hallebarde l'aida à traverser le pont levis et ils commencèrent à courir sur le long rempart.
Le groupe de sir Aymar Darcane les suivait de très près. À chaque fois qu'Enoria jetait un coup d'œil par-dessus son épaule et pouvait voir le commandant se rapprocher un peu plus. Cela était normal. Il y avait des blessés avec eux et Daymar semblait contre l'idée de les abandonner.
À mi-chemin, l'homme qui l'avait aidé à passer le pont poussa un juron et se retourna. Il sortit sa hallebarde qu'il avait coincé dans son dos et se prépara au combat.
«Qu'est ce que tu fous?! cria la fille qui faisait partie du groupe.
- Il gagne sur nous, répondit l'homme. On doit les affronter maintenant tant que le terrain nous est favorable. Ils ne voient presque rien dans la nuit. Il n'y a pas de lune et ils n'ont pas de torche. Je les aurai rapidement massacrés.
- Non, cria la fille, si on combat on va rameuter l'ensemble de la cité. Tout ça n'aura servi à rien.» Elle s'approcha de lui à quelques pouces de son visage. «Je refuse que tu crèves ici.
- On a pas le choix», répliqua l'homme, puis il indiqua Enoria. «Elle est plus importante que moi.
- Vardlenne, si tu restes tu vas mourir. Ils sont trop nombreux. Tu ne pourras pas leur tenir tête. Tu vas y rester. Hostar, Uthor, Gorden, Grastan, ils sont tous morts. Il ne reste plus que nous comme fannar, tu ne peux pas mourir.» Elle avait les larmes aux yeux. «Non, on peut les distancer. On peut...» Sa voix se brisa.
Daymar arriva juste derrière elle lui posant la main sur l'épaule, elle le refoula d'un coup. Vardlenne la dévisagea et sourit. «J'ai beaucoup apprécié cette campagne. C'était une expérience... une expérience. Maintenant partez!» Il fit tournoyer sa hallebarde en l'air.
«Non!» cria la fille, mais la bras de Daymar lui prenait la taille déjà et la tirait en arrière. «NON!» cria-t-elle de nouveau. Le commandant Darcane sortait déjà de l'ombre avec ses hommes. Voyant le fannar, ils eurent un mouvement de recul. Puis après hésitation, ils dégénèrent leurs épées et foncèrent sur Vardlenne.
Celui-ci fait un dernier salut à la fille et au groupe avant de les charger. Ils ne virent pas le choc et encore moins le combat. Daymar était bien décidé à profiter du peu de répit que le fannar lui avait donné. Alors qu'ils arrivaient presque à la fin des remparts, Enoria se retourna en entendant les coups d'épée et les cris de douleur du fannars. Elle en fut certaine, il était tombé. La fille éclata alors en sanglots.
L'officier n'eut presque aucune réaction. Il ne semblait rien ressentir. Il se retourna et fit signe au groupe de poursuivre.
Arrivés sur le rempart de la ville verte, ils jetèrent des cordes par-dessus les remparts et commencèrent à descendre. Enoria s'approcha des créneaux et regarda le champ de bataille. Tous les corps n'avaient pas encore été retirés. Les vautours et les corbeaux se donnaient à cœur joie dans le festin que les hommes leur avaient offert. Elle se détourna du spectacle et regarda le camp de l'étoile pourpre. Mille bannières y flottaient. Les bannières noir et écarlates de l'étoile pourpre, rouge et jaune de Rogar Dorne, les dizaines de bannières des Largons, mais aussi, et surtout pour Enoria, les bannières vertes de son frère. Elle chassa les idées noires de sa tête et se concentra sur une seule chose. Elle allait bientôt retourner chez elle.