J'espère que ce sujet est à sa place .
Mais quoiqu'il en soit, je voulais partager avec vous le texte marquant d'un extrait d'une pièce du metteur en scène et dramaturge français Joël Pommerat. La scène 2 est ici au complet.
Et un peu de pub pour lui, si vous avez l'occasion d'aller voir une de ses pièces, faites-le. Elles sont magnifiques.
Joël Pommerat a écrit :Scène 2
Silence. La scène est vide. Un rideau lumineux et scintillant masque le fond. A l'avant, un micro sur pied. Une femme entre et se dirige vers le micro. Comme si elle allait chanter. Sa robe scintille elle aussi. Sa voix résonne et prendra de plus en plus d'ampleur au fur et à mesure de la scène.
LA FEMME. Bonsoir mesdames, messieurs.
Avez-vous remarqué comme moi une chose?
Nous n'avons plus d'avenir!
Est-ce que vous avez remarqué ça? Comme moi?
Est-ce qu'il est arrivé à quelqu'un présent ici ce soir de rêver sérieusement à un avenir pour lui et pour notre société? Notre belle société HUMAINE, je dirais, dans les trois derniers mois écoulés?
Un vrai beau rêve d'avenir pour notre société humaine?
Est-ce que quelqu'un pourrait sérieusement me dire cela?
Je ne crois pas...
Mais où sont passées les idées nom de dieu?!
Donnez-moi une idée qui me fasse rêver, nom de dieu, et vite!
Moi j'en peux plus.
Une idée, un avenir -
vous êtes où les gens dont c'est le boulot, dont c'est le métier, dont c'est la responsabilité quand même?
Qu'est-ce que vous faites?
Vous êtes où les gens qui sont responsables des idées?
Vous ne pourriez pas me refiler un peu de rêve quand même?
Qu'est-ce que vous foutez, nom de dieu, vous vous grattez le cerveau ou quoi?
Mais ça se gratte pas un cerveau, ça se fait bouillir, et c'est tout à coup de pensées
des pensées bien fortes, et surtout bien constructives,
voilà, c'est tout.
Moi je veux rêver je vous le dis,
car j'y ai droit, comme tout le monde
car j'en peux plus, je veux mon avenir
je veux qu'on me donne mon avenir
j'y ai droit.
La femme arrête subitement de parler, mais on continue à entendre sa voix dans tout le théâtre.
VOIX DE LA FEMME. Qui pourrait prétendre que je n'ai pas droit à mon avenir?
Qui pourrait venir me dire en face que je n'ai plus le droit de rêver à mon avenir, à un bel avenir, à un avenir qui puisse m'enthousiasmer,
un rêve qui puisse me porter, qui puisse m'emporter, avec ses ailes, ses grandes ailes de l'optimisme, et du plaisir vers mon avenir?
Qui?
Ah non! Vraiment
je ne suis pas contente,
ce soir je ne suis pas contente
et je le dis.
Voilà.
Noir.
Qu'en avez-vous pensé?