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Chrislogan

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Re: Concours Jour 2 - Le 3 Mai 2011

Message par Chrislogan »

1ère partie : Un correspondant inquiétant

« BIIIP… BIIIP… BIIIP… » Après trois sonneries irritables de son réveil, John Cole avait enfin réussit à trouver le bouton d’arrêt afin de les faire cesser. On était lundi matin et une nouvelle semaine de travail débutait. C’était un jeune homme qui avait à peine la vingtaine, qui avait vécu plusieurs coups dur dans sa vie et qui, par conséquent, avait eu beaucoup de mal à redresser la barre. Cependant, depuis deux-trois mois tout semblait repartir dans le bon sens. Il avait fini par trouver un travail. Certes cela n’était qu’un poste de livreur de journaux, mais il fallait bien commencer par quelque chose.

Cependant, ce qu’il l’avait surtout réveillé était cette rencontre fortuite qu’il avait eu dans un bar il y a quelques semaines. Une magnifique jeune femme, répondant au nom de Lise Adams, l’avait abordé et avait glissé discrètement son numéro de téléphone dans la poche de sa chemise. Toutefois, étant souvent éméché lors de ses sorties et cette soirée ne dérogeant pas à la règle, il ne s’en ait aperçu qu’une semaine plus tard lorsqu’il avait emmené ses vêtements à la laverie, le petit bout de papier ayant glissé sur le sol. Il l’avait donc appelé et l’avait revu sans avoir un taux d’alcoolémie illégale dans le sang. Depuis, quelque chose d’agréable semblait naître au creux de sa poitrine… Elle était bien plus jolie que tout ce qu’il aurait pu souhaiter mais il n’allait sûrement pas bouder son plaisir d’avoir fait une aussi belle rencontre.

Une demi-heure plus tard, ayant encore quelques minutes devant lui avant de partir au travail, il décida de se connecter rapidement sur sa page Facebook afin de voir l’actualité de ses quelques rares amis. Lise en faisait évidemment partie. Au bout d’un court instant, une fenêtre de communication s’ouvrit en bas à droite de son écran. Le message n’était pas de source identifiable et affichait seulement : « Inconnu : Bonjour John ». C’était encore l’une de ces pop-up inutile qui font croire à une pseudo vie sociale en parlant avec des personnes inconnues. John, n’avait pas besoin de ce genre d’artifice pour savoir qu’il avait déjà une vie sociale très restreinte. Depuis la mort de ses parents, il s’était renfermé sur lui-même et les personnes qu’il fréquentait pouvaient désormais se compter sur les doigts d’une seule main. Ce n’était pas la première fois qu’il recevait ce genre de message et, comme à chaque fois, il ignora celui-ci avant d’éteindre son ordinateur portable et de partir travailler.

Sur les coups de midi, alors que sa tournée touchait à sa fin, il eut comme une drôle de sensation. En se retournant, il aperçut une voiture noire stationnée un peu plus bas dans la rue. Celle-ci n’était pas en mouvement et avait toutes ses vitres teintées. Bien qu’incapable de dire pourquoi, il ressentit alors un courant d’air froid venant lui hérisser les poils de ses bras alors que son cœur s’emballa d’un seul coup. Se secouant la tête, il remonta sur son vélo pour rentrer chez lui, pédalant un peu plus vite qu’à l’accoutumée. Sur le trajet, il se retourna à plusieurs reprises pour voir si la voiture avait bougée mais celle-ci était restée immobile, balayant ainsi d’un revers les idées paranoïaques du jeune homme.

Cela dit, la paranoïa n’avait rien de surprenant dans sa situation. En rentrant chez lui, il déposa son vélo dans son garage avant d’aller chercher le courrier du jour dans sa boîte aux lettres. Il s’y trouvait quelques publicités, une facture d’électricité ainsi qu’un rappel de son propriétaire pour le versement de son loyer. Cependant, il y avait à nouveau une lettre inquiétante. Comme toujours, celle-ci n’avait pas d’expéditeur au dos et n’avait même pas de timbre, prouvant que la personne était venue l’insérer directement dans sa boîte. Il l’ouvrit et découvrit une feuille blanche pliée en deux qui contenait à l’intérieur un message à l’encre manuscrite « C’est pour demain… ».

Rentré chez lui, il déposa la lettre anonyme sur un tas contenant toutes les autres missives qu’il avait reçues auparavant parmi d’autres messages comme : « Je sais qui tu es réellement » ; « Souviens-toi de tes erreurs » ou encore « Je sais ce que tu as fait ». Alors que d’autres était plus agressives comme : « Tu ne mérites pas de vivre » ; « Tu finiras par le payer » ou encore « Assassin ». Bien évidemment, il avait déposé une plainte auprès de la police pour harcèlement mais ces derniers avaient alors dit qu’ils ne pouvaient rien faire sans davantage d’éléments à étudier. Autrement dit, il fallait attendre que ce harceleur passe aux actes pour pouvoir ouvrir une enquête. Excédé, il avait fini par sortir du commissariat sans même adresser un regard à son interlocuteur.

Désormais, il les gardait dans une chemise comme preuves. Ces messages avaient débutés il y a presque six mois et ceux-ci étaient devenus plus fréquent passant d’une fréquence d’un message par semaine à un message tous les jours depuis le mois dernier. Il trouvait cependant la lettre d’aujourd’hui encore plus inquiétante que les précédentes. Certes, il savait pertinemment à quoi tous ces courriers faisaient illusion et demain serait la première date anniversaire de ce qui était arrivé… Son correspondant anonyme allait-il passer à l’acte ? Pour éviter de penser à cela, il préféra écouter le cri de son ventre et partit dans sa petite cuisine afin de se faire réchauffer une part de pizza.


2ème partie : Un passé douloureux

« DING…DONG » C’était la sonnerie de sa porte d’entrée qui venait de le réveiller en sursaut de sa petite sieste de début d’après-midi. Il fallait dire pour sa défense que son travail exigeait qu’il devait se lever tôt et qu’il était plutôt du genre couche-tard et cela même en semaine. Cette petite sieste était donc pour lui le moyen de récupérer un peu. Cependant celle d’aujourd’hui fut plus courte qu’à l’ordinaire. Il se releva et se dirigea vers l’entrée avant de regarder par le judas. Immédiatement, un sourire se dessina sur son visage avant qu’il n’ouvre la porte pour laisser entrer son visiteur inattendu.

« Lise » Laissa-t-il échapper de ses lèvres avant de venir embrasser la jeune femme, l’entraînant avec lui à l’intérieur de son appartement. En refermant la porte, il ne put refreiner sa surprise de la voir ici.
« Que fais-tu ici ? Tu n’es pas censée travailler aujourd’hui ? » Lui demanda-t-il sachant qu’elle exerçait un petit travail d’hôtesse de caisse dans un supermarché.
« Tu n’es pas content de me voir ? » Lui rétorqua-t-elle tout en se retournant pour lui face. Laissant voler sa longue chevelure blonde par-dessus son épaule avant de lui lancer un regard inquisiteur.
« Si ! Bien sûr ! Je suis surpris c’est tout » Avança-t-il pour sa défense.
« J’ai posé une semaine de vacances… » Elle lui avait répondu tout en avançant vers lui. Jetant alors son sac à dos dans le couloir, elle s’arrêta lorsque leurs corps se frôlaient. Déposant un léger baiser sur la joue du jeune homme, elle termina sa phrase : « …Pour m’occuper un peu de toi »

Prenant cela comme une invitation, John attrapa sa petite amie par la taille et l’embrassa à pleine bouche. Celle-ci répondit à son baiser alors que le jeune homme l’emmena jusqu’au lit de sa chambre avec une idée derrière la tête. Une fois allongé sur elle, il lui déposa quelques baisers dans le cou tout en faisant remonter sa main sous sa jupe. Lise finit par poser sa main pour stopper l’entrain du jeune homme. Elle le regarda alors de ses yeux d’un vert profond.

« Je ne suis pas encore prête… » Lui avança-t-elle avant de poursuivre « …mais je te promets que si tu te montres patient, tu finiras par avoir ce que tu mérites. » Finissant sa phrase en l’embrassant de nouveau. Cela faisait un peu moins d’un mois qu’ils sortaient ensemble et la jeune femme résistait toujours à ses avances pour le moment. Non pas qu’elle n’en avait pas envie, mais cela serait la toute première fois pour elle et elle préférait attendre d’être parfaitement prête pour ce moment si particulier. Une chose que John avait finalement acceptée sans sourciller repassant sa main au-dessus des vêtements de Lise.

Une petite demi-heure de tendresse plus tard, Lise s’était absentée dans la salle de bain. En revenant, elle s’arrêta devant une photo encadrée de John entouré de ses deux parents. Pour Lise, ceci restait une énigme. John n’avait jamais parlé de sa famille auparavant et elle hésita un instant avant de tenter de lui poser la question :

« Tu ne m’as pas encore parlé de tes parents… » Laissant sa phrase en suspend, faisant ainsi comprendre à son petit ami qu’elle aurait bien aimé en savoir davantage sur lui. Elle croisa le regard interrogateur et troublé du jeune homme qui, visiblement, considérait ce sujet comme sensible. Il tapa gentiment de la main droite sur le bord du lit à côté de lui pour faire signe à la jeune femme de venir s’asseoir à ses côtés.

Ils en parlèrent pendant une heure où John lui raconta toute son histoire. Partant de sa plus tendre enfance jusqu’au 1er Juin 2009, jour où le premier drame de sa vie s’était produit. Il lui avait dit que ses parents se trouvaient à bord du vol AF447 en provenance de Rio et à destination de Paris. Sans que l’on ne sache encore pourquoi, l’avion avait fini par sombrer dans les profondeurs de l’océan, faisant ainsi disparaître ses deux parents alors qu’il avait à peine 18 ans. Lise le pris alors dans ses bras un long moment avant de le questionner sur la suite.

« Et ensuite ? Comment as-tu fait pour t’en sortir ? » Demanda-t-elle d’un air laissant paraître sa curiosité.
« J’ai… » Il hésita un instant avant de juger qu’il avait confiance en sa partenaire.« J’ai sombré également… mais dans l’alcool » Baissant la tête en même temps que le sentiment de honte l’envahissait. Lise le garda alors dans ses bras sans rien ajouter cette fois-ci.

« Mais depuis que je t’ai rencontré, ma vie semble prendre un nouveau tournant… » C’est John qui avait finalement brisé le silence en murmurant cette phrase à l’oreille de Lise. Celle-ci recula lentement sa tête pour le regarder dans les yeux. C’est à ce moment que le jeune homme rajouta : « Je pense que je suis en train de tomber amoureux… »
« Moi aussi ! » Avait aussitôt répliqué la jeune femme le regard luisant. Elle se pencha vers lui pour l’embrasser de nouveau avant de venir poser sa tête sur son épaule, souriant à ce signe du destin.


3ème partie : Prise de contact

En début de soirée, John s’était glissé sur son balcon pour pouvoir allumer une cigarette tranquillement à la tombée de la nuit. Il était heureux du rapprochement qui s’était produit plus tôt entre Lise et lui. Leur relation allait sans doute prendre une toute nouvelle tournure dans les jours prochains et il savourait à l’avance l’idée qu’elle passe toute une semaine avec lui. La jeune femme s’était posée dans le canapé de son petit salon avant d’allumer le poste de télévision. Il avait le regard perdu dans le vague lorsque quelque chose arrêta aussitôt son regard.

Un peu plus bas, dans la ruelle, se trouvait stationné la même voiture noire qu’il avait aperçue dans la matinée. Celle avec les vitres teintées qui ne laissaient rien voir de son intérieur. Cette coïncidence était de trop à ses yeux et sa paranoïa reprit le dessus. Il en déduisit aussitôt qu’elle était là pour lui, pour le surveiller et il repensa alors à la lettre qu’il avait reçue aujourd’hui : « C’est pour demain… ». Il déglutit avant d’écraser sa cigarette sur le rebord du balcon et de rentrer à l’intérieur de l’appartement la peur dans le regard.

]« Qu’est ce qu’il y a ? » Demanda aussitôt Lise en voyant une lueur inhabituelle dans le regard de son petit ami.
« Je crois que je suis surveillé » Avança-t-il sous le regard abasourdi de la jeune femme.

Les minutes qui suivirent, John les passa à parler des lettres anonymes qu’il avait reçues, à lui montrer la voiture qui se trouvait stationner dans la rue et au message inquiétant qu’il avait reçu le matin même. Lise semblait emmagasiner les informations tout en restant muette. Cependant, son esprit logique finit par prendre le dessus.

« Pourquoi ? » Demanda-t-elle. « Pourquoi toi ? Pourquoi demain ? »

John restait amorphe. Il avait confiance en Lise, mais il n’arrivait pas à évoquer la raison le plus plausible à ses yeux. C’était le deuxième drame de sa vie et il en avait tellement honte qu’il n’en avait jamais parlé à personne. Le 5 Mai 2010 avait été un nouveau tournant dans sa vie. Depuis la mort de ses parents un an plus tôt, John avait trouvé son seul réconfort dans l’alcool et ce jour-là ne dérogeait pas à la règle. Il était ivre et avait pris le volant pour rentrer chez lui. En route, il avait essayé d’envoyer un message à l’un de ses amis. Malheureusement, il n’avait pas vu qu’il se déportait de sa voie, ne s’en rendant compte que lorsque la voiture en face se mit à klaxonner fortement.

C’était la dernière chose qu’il avait entendu avant de tomber dans un coma après l’accident. Il apprit à son réveil, une semaine plus tard, que les personnes de la voiture d’en face n’avaient pas survécus au choc frontal. À l’intérieur se trouvait une femme de 24 ans, Claire Fischer, accompagnée de sa petite fille de six mois prénommée Juliette. Ils les avaient tués et lors du jugement au tribunal, il n’avait pas osé assumer son acte. Il avait alors avancé qu’il s’était endormi au volant. Certes, il n’avait pas nié qu’il avait trop bu, de toute manière les tests effectués sur lui l’auraient contredit, mais il avait dit que la fatigue avait été la principale fautive. C’est au moment du verdict que l’accident de ses parents, un an auparavant, lui évita de la prison ferme. Pris en pitié par les juges, il avait alors seulement écopé de six mois de Travaux d’Intérêt Général et d’une suspension de permis pour la même durée. Demain, cela ferait donc un an que s’était produit cet accident et finalement, il ne se l’était toujours pas pardonné.

« Je ne sais pas… » Répondit-il, n’osant pas lui avouer la vérité. Baissant la tête, il n’avait pas vu le regard déçu de Lise qui avait compris qu’il ne lui disait pas tout.

Une heure plus tard, John tournait en rond dans son appartement en attendant le retour de Lise. Ils avaient décidé d’un commun accord d’envoyer la jeune femme dans la rue pour relever le numéro de la plaque d’immatriculation de la voiture noire. Un soupir de soulagement l’envahit lorsqu’il vit la jeune femme revenir dans l’appartement saine et sauve.

« Je l’ai » S’écria-t-elle, ravie d’avoir remplit sa mission avec succès alors qu’elle donna à John le bout de papier sur lequel elle avait écrit le numéro de la plaque. « Qu’est ce qu’on fait maintenant ? »
« Merci » Lui répondit-il tout en l’embrassant sur le front.
« On peut toujours essayer de chercher des informations sur Internet, sait-on jamais »

John alluma alors son ordinateur portable et se dirigea sur Internet. Il consulta notamment un site s’appelant Ewroom, mais les recherches n’aboutirent à rien. C’est alors qu’un message s’ouvrit en bas à droite de son écran, marquant presque la même chose que ce matin : « Inconnu : Re-Bonjour John ». D’instinct, le jeune homme referma la fenêtre avant qu’un nouveau message apparaisse dans la foulée : « Inconnu : Je voudrais juste te parler un peu ».


4ème partie : Un rendez-vous dangereux

« Qui est-ce ? » Demanda Lise en voyant le second message s’affichait à l’écran.
« J’en ai pas la moindre idée » Répondit John avant d’ajouter : « Regarde par la fenêtre si la voiture est toujours là »
« Tu crois que c’est lui ? » Rajouta Lise tout en se dirigeant vers la fenêtre.

« John : Qui es-tu ? » John osa finalement répondre à son correspondant inconnu non sans avoir une énorme boule au ventre qui grossissait à chaque seconde qui s’écoulait.
« La voiture est toujours là » Lui fit part Lise avant de revenir vers John.
« Non, reste à la fenêtre » John haussa le ton, montrant ainsi qu’il était sous tension. De plus, il ne voulait pas que Lise tombe sur leur conversation sachant qu’il ne lui avait rien dit tout à l’heure.
« Euh… d’accord » Lui répondit Lise, visiblement blessée par le ton du jeune homme.

« Inconnu : Qui je suis n’a aucune importance pour l’instant, mais en revanche je peux te dire qui tu es… »
« John : Que voulez-vous ? » John en avait des crampes d’estomac alors qu’il sentait des gouttes qui commençaient à perler sur son front. Leur conversation lui rappelait l’un des messages qu’il avait reçu il y a quelques jours déjà : « Je sais qui tu es réellement » Cela ne faisait aucun doute dans son esprit qu’il s’agissait de la même personne, sauf que celle-ci avait enfin décidé d’entrer en contact avec lui.
« Inconnu : Je ne peux plus attendre, il faut que je te parle en face, rien que tous les deux. » puis voyant que John ne répondait pas il rajouta : « Inconnu : Sur l’aire de repos à l’extérieur de la ville, dans deux heures. À tout à l’heure»

John avait fini par éteindre son ordinateur portable sans lui répondre. Il remarqua la montre à son poignet, elle indiquait 22H03, dans deux heures on serait donc le 5 Mai 2011. Un an… Pensa-t-il avant qu’il ne soit extirpé de ses pensées par Lise.

« Elle bouge… » John mit un certain temps à réagir incitant Lise à compléter sa réponse. « La voiture, elle bouge ! Elle s’en va ! » C’était la preuve que John que attendait pour se convaincre que l’homme dans la voiture était bien la personne qui le harcelait et qui venait de lui fixer un rendez-vous en pleine nuit sur un parking.

Lorsque les courriers avaient commencés, John avait fait des recherches sur la famille Fischer pour essayer de deviner qui aurait pu lui en vouloir, mais ses recherches n’avaient menées nulle part. Le mari de la victime avait sombré dans la folie et se retrouvait enfermé dans un hôpital psychiatrique. Ses parents étaient morts avant l’accident et sa sœur vivait à l’autre bout de la France. Rien n’indiquait qu’elle était proche de sa défunte sœur et de plus, John n’envisageait pas une seule seconde qu’une femme soit capable de passer à l’acte en lui donnant rendez-vous. Le mari aurait pu s’enfuir et le suivre, mais comment aurait-il fait pour envoyer ses messages de l’hôpital ? Non cela ne tenait pas debout et John se retrouvait devant une impasse. Il ne savait pas à qui il avait affaire. La curiosité et la volonté de clore une fois pour toute cette histoire le poussa à accepter ce rendez-vous.

« John, s’il te plaît… » C’était Lise qui s’était mise à genoux devant lui pour le supplier de ne pas s’y rendre. Mais John avait pris sa décision et rien ne pourrait désormais le faire changer d’avis. Il avait sortit son fusil de chasse, issu de la passion que son père lui avait transmise pendant l’adolescence. Cela fit naître la peur sur le visage de Lise qui recula.

« C’est pour me défendre, juste au cas où… » Lui répondit John en voyant son air désemparé.
« N’y vas pas… » Lise tentait toujours de le faire changer d’avis même si elle avait compris qu’elle ne pourrait plus rien faire pour l’en dissuader. L’heure approchait et John sortit une chemise de ses dossiers personnels qu’il posa à côté de la jeune femme.

« A l’intérieur, il y a toutes les lettres que ce salaud m’a envoyées. Gardes les au cas où ça tournerait mal. Ttu n’auras qu’à les donner à la police avec le numéro de la plaque d’immatriculation que nous avons relevé. Attends moi ici, je reviendrais dans une heure, grand maximum. » Lise ne lui répondit pas, se contentant de hocher la tête en guise d’approbation. Puis, le regard vide, elle le regarda franchir la porte pour aller chercher sa voiture dans son garage trois pâtés de maisons plus loin.

Aussitôt après que la porte ait claqué, elle se dirigea vers son sac à dos et l’ouvrit. Elle en sortit une tenue plus chaude qu’elle enfila en quatrième vitesse. Puis, elle y rangea ses vêtements ainsi que le dossier contenant les différentes lettres qu’il venait de lui remettre. Elle regarda un court instant derrière elle et franchit la porte à son tour, bien décidée à ne pas rester ici. Sa voiture se trouvait devant l’immeuble. Elle monta aussitôt à l’intérieur avant de partir en trombe.


5ème partie : Erreur fatale

Comme prévu, John avait mis un petit quart d’heure à se rendre à son garage et à en sortir sa voiture. Il regarda sa montre, il était 23H40. Il serait à l’heure au rendez-vous. Sur le siège passager, il contempla une nouvelle fois son fusil de chasse qu’il savait chargé. Puis il prit la route en direction de l’aire de repos.

Peu de temps après son départ, il remarqua des phares dans son rétroviseur. Ne trouvant pas cela anormale dans une ville même à une heure tardive en semaine, il se contenta de rouler. Cependant, dix minutes plus tard, il sortait enfin de la cité et remarqua que les phares l’avaient constamment suivi. Un nœud se noua de nouveau dans son estomac. C’était lui, il en était convaincu. Cinq minutes plus tard, arrivant à l’aire de repos, il se décida enfin. Il ne s’y arrêta pas. Il continua sa route sur une centaine de mètres et freina alors d’un coup sec pour se stationner sur le bas côté afin de garder l’effet de surprise. Il attendait de voir ce qu’allait faire son poursuivant.

Celui-ci le dépassa avant de s’arrêter quelques mètres plus loin. Au passage il avait remarqué qu’il s’agissait bien de la même voiture noire qu’il avait vu à deux reprises dans la journée. Le cœur battant à cent à l’heure, il attrapa le fusil de chasse et descendit de sa voiture. Dissimulé par l’éclat des phares de sa voiture, John avait l’avantage sur son harceleur. Celui-ci ne pouvait pas deviné qu’il avait une arme sous ce ciel étoilé.

Quelques instants après, un homme descendit de la voiture et commença à se diriger vers John. Ce dernier n’avait aucune arme sur lui, où tout du moins dans ses mains. La mauvaise nouvelle était que son visage lui était totalement inconnu.

« QUI ES-TU ? » Lui hurla John en faisant un pas en avant. Environ cinq mètres séparaient les deux hommes et, se plaçant devant les phares de sa voiture, John révéla alors à son interlocuteur qu’il avait une arme à feu dans les mains. Il savoura le court instant où il devina la peur qui se dessinait sur son visage.

« Calme toi… je suis uniquement venu parler avec toi » Répondit l’homme d’un ton calme malgré la situation. Sa voix était rauque et cela fit bizarre à John de l’entendre pour la première fois. Il avait une voix qui inspirait confiance, mais cela était un leur et John se reprit aussitôt.

« TU N’AS PAS REPONDU A MA QUESTION !!! » Hurla une nouvelle fois le jeune homme sous la colère.
« Je… »
« NE BOUGE PAS PUTAIN !!! » John commençait à sentir sa main trembler et ordonna à l’homme de ne plus bouger alors même que celui-ci avait commencé à faire un mouvement pour prendre quelque chose dans sa veste. Il était hors de question qu’il se fasse avoir de cette manière, il avait l’avantage et avait bien l’intention de le garder jusqu’au bout.
« Je veux seulement te montrer quelque chose » Répondit l’homme avec un ton légèrement irrité. Et c’est alors qu’il commit une faute en portant une nouvelle fois sa main sous sa veste.
« BAAAAAAANNNNNGGG !!! » Le coup de feu résonna dans cet endroit désert…

« Mon dieu… » John avait lâché son arme aussitôt le coup partit. Il n’en revenait pas de ce qu’il venait de faire. Il avait tué un homme de sang-froid. Finalement sa victime avait raison dans l’un des messages qu’il lui avait envoyé quelques jours auparavant, c’était un assassin. Il se prit la tête entre les mains, ne pouvant retenir quelques larmes.

Il tomba à genoux sur le goudron mais finit par estimer que cela n’était que de la légitime défense après tout. C’est ce qu’il dirait au tribunal pour sa défense. Il décida finalement de se relever pour se diriger vers le corps sans vie qui se tenait non loin de lui. L’homme était mort, aucun doute là-dessus. Ce qu’il tenait entre ses doigts attira l’attention de John.

Il ouvrit la veste à l’endroit où l’homme cherchait à prendre quelque chose. Il n’y avait aucune arme comme il l’avait cru. Non, ce qu’il voulait lui montrer était des papiers. Un énorme sentiment de culpabilité s’empara alors de lui alors qu’il déplia les documents pour les lire.

« NNNOOOOOONNNNNNN !!! » Le cri de détresse de John résonna tout autant que le coup de feu quelques instants plus tôt. Il tomba à genoux sur le sol, en pleurs, lorsqu’il découvrit les documents de sa victime. Il s’agissait d’un extrait d’acte de naissance ainsi que d’un justificatif d’adoption au nom de ses parents. La date de naissance était la même que la sienne et il comprit aussitôt qu’il avait été adopté et que l’homme qu’il venait de tuer était en réalité son père biologique…


Epilogue : L’heure du jugement

Pris par ses émotions, John n’avait même pas entendu son véritable harceleur se rapprocher de lui dans son dos. Celui-ci avait tout observé du drame, caché dans des feuillages une centaine de mètres plus loin. Il s’était alors rapproché du véhicule de John pour mieux observer la scène. Jubilant même au coup du sort que le jeune homme venait de subir sous ses yeux. Après tout, cela n’était que justice. Il s’apprêtait alors à repartir lorsqu’il aperçut le fusil de chasse gisant sur le sol à quelques pas de lui. Et c’est alors que ces vieux démons resurgirent.

« Tue le ! Il le mérite ! » Lui répétait des voix dans sa tête. Il ouvrit alors son sac pour prendre une feuille et un crayon afin de griffonner quelques mots. Aussitôt après, il se dirigea vers l’arme et la ramassa sans faire de bruits, couvert par les pleurs de John. Tout en le tenant en joue, il avait continué de s’approcher de sa cible jusqu’à coller le canon de l’arme sur sa nuque. À cet instant précis, John resta comme pétrifié. Il remarqua alors un bout de papier, qui venait de glisser sur son épaule, sur lequel avait été noté quelques mots. Sentant le canon faire pression sur sa nuque, comme pour lui dire de lire, il s’exécuta :

« John, il y a exactement un an, le 5 mai 2010, tu as tué une femme et une fille en te montrant irresponsable au volant. Tu aurais dû mourir à leur place et ce soir, j’ai décidé de leur rendre justice en te tuant à ton tour. » L’écriture était tremblante, révélant que son auteur avait dû hésiter et écrire cela à la va-vite. Cependant, il reconnu l’écriture qui se trouvait sur les nombreuses lettres de menaces qu’il avait déjà reçu. Se retrouvant enfin devant la personne qui l’avait acculé dans ses derniers retranchements et qui, indirectement, était responsable de tout ça, il ne put refreiner son envie de savoir à qui il avait affaire. John se redressa alors lentement pour faire face à son agresseur qui le laissa faire en se reculant quelques peu, sortant par la même occasion de l’éclairage de la voiture.

« Qui es-tu ?» questionna-t-il les yeux rougeoyants et le regard sombre. Non pas que le visage lui faisant face lui était inconnu. Mais celui-ci portait une cagoule noire et était vêtu d’une combinaison de jogging de la même couleur. Il était tout simplement impossible de l’identifier dans cette pénombre. Un long silence pesant s’était alors installé entre eux. Puis soudainement, une voix timbrée de signe de folie, lui répondit. Celle-ci lui était familière et lui glaça la peau lorsqu’il l’identifia : « Je suis sa sœur… »

La dernière chose que John entendit fut une nouvelle détonation. Elle résonna dans son esprit comme l’écho de celle qu’il avait provoqué quelques instants auparavant en tuant son père biologique… Sa montre indiquait 0H01. Tirant alors la cagoule de sa main gauche, Lise Adams, Anna Fischer de son vrai nom, put enfin savourer le goût de la vengeance…
Lilou

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Re: Concours Jour 4 - Le 5 Mai 2011

Message par Lilou »

Lettre au Père Noël cet inconnu…

Comment ça il faut encore faire une lettre au Père Noël ? ! ! !
Mais je le connais pas moi le Père Noël ! !
Ça, c’est bien mamie qui veut nous occuper une partie de l’après-midi avec ma cousine Léa et mon cousin Tom. Ah Tom, je l’aime Tom ! !
Mais… il a l’air déjà drôlement absorbé dans sa lettre, lui… Et Léa aussi ! !
Moi j’aime pas écrire à des gens que je ne connais pas. Et puis, je lui ai déjà écrit au Père Noël et il ne m’a pas répondu. Non. En plus, je lui avais demandé des jouets à mettre sous le sapin et il s’est trompé. Si… je m’en souviens bien.
C’était l’an dernier, je lui avais demandé une poupée « Barbie mariée »… je ne l’avais pas encore ! avec Ken bien sûr, en marié… j’en rêvais !
Et bien il m’avait déposé une espèce de poupée pas belle du tout dans mes chaussures que j’avais pris grand soin de déposer au pied du sapin…
non ce n’est pas ce que je voulais… il s’est trompé !
soit il ne m’a pas lu, soit il ne sait pas lire… soit il n’existe pas !
Et oui, je me pose la question. C’est tout de même bizarre, j’ai vu plein de Pères Noël différents dans les magasins l’année dernière quand on faisait les courses avec maman. Alors, il faudra m’expliquer comment il fait pour être à plein d’endroits en même temps. Et puis ils ne se ressemblaient pas vraiment. Je les ai bien regardé ! ! non, non, pas le même. Donc il n’existe pas. C’est ce que je crois, moi !
Donc, j’aimerais bien savoir pourquoi je dois écrire à quelqu’un que je ne connais pas et qui en plus n’existe pas !
Oh la. Je vois mamie qui fronce les sourcils en me regardant… si je ne fais pas sa lettre je vais peut être pas pouvoir sortir jouer avec Tom et Léa. Et moi j’aime jouer avec eux… surtout avec TOM ! ! ! il est beau Tom et puis il est gentil. Pas comme mon frère Sylvain, qui me tire sur mes nattes tout le temps et qui me tire aussi la langue ! ! je l’avais oublié lui. Il écrit aussi sa lettre…
Vite, moi aussi je vais l’écrire. Puisqu’il faut !

Cher Père Noël
Je te connais pas et on me dit que tu existes.
Moi je ne suis pas sure.
Je m’appelle Jade.
Tu t’es trompé l’année dernière pour mes cadeaux. Tu te souviens ?
J’habite la grande maison au bout de la rue du Petit Bois à Charleville-Mézières.
Alors s’il-te-plaît, fais attention cette année.
C’est très important, j’ai très envie d’une wii juste dance 2…
J’espère Père Noël que tu es à la page… et que tu connais.
C’est un jeu vidéo pour danser… je t’ai découpé une image de la wii dans le catalogue et je te la colle ici. Pour t’aider à ne pas te tromper. Tu vois ? ! !
j’en ai vraiment très envie… j’adore danser, imaginer des chorés… et puis je pourrai inviter mes copines pour qu’on s’amuse bien ! on s’habillera comme des grandes et puis on se maquillera… et on dansera comme des folles ! ! Ce sera très rigolo.
Et puis Tom pourrait venir danser aussi ! ! j’aimerais bien danser avec Tom.
Ah oui tu sais pas, Tom c’est mon cousin et je l’aime bien mon cousin.
Bon, ben Père Noël… essaie de me l’apporter et je serai la plus heureuse des petites filles.
Père Noël, j’allais oublier quelque chose de très important. J’ai été très sage toute cette année. J’ai bien travaillé à l’école et j’ai écouté papa et maman.
Bon, je me suis un peu énervée sur mon frère Sylvain. Mais il est tellement bête et agaçant. Je t’assure. Mais je sais aussi être gentille avec lui. Parfois. Si si.
Alors vraiment…. J’espère que tu vas lire ma lettre.
Je te fais des gros bisous
Finalement j’aimerais bien que tu existes.
Jade


Ça y est…
Je l’ai terminé ma lettre.
Je l’ai un peu décorée avec des couleurs, des images.
Peut être que ça va aider et que cela va plaire au Père Noël.
Si il me lit et que surtout il existe, peut être qu’il m’apportera mon cadeau ! ! !
Je croise les doigts.
En attendant, je glisse ma lettre dans une enveloppe et mamie me donne l’adresse.

Père Noël
1, chemin des nuages
Pôle Nord

Voilà…
Allez je cours rejoindre Léa, Sylvain et TOM ! ! !
On va bien s’amuser…
Moumouste

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Re: Concours Jour 5 - Le 6 Mai 2011

Message par Moumouste »

Lettre à une inconnue

Inconnue de moi. Je n’ai jamais réussi à te trouver…
Tu possède tellement de visages différents, tu n’es jamais réellement la même, pourtant c’est toujours toi qu’on cherche en premier. J’aurais préféré te deviner, te découvrir, te chercher dans la vie ou dans les bois, mais te calculer ? Non.
Je renonce à te trouver un jour, même si dans encore de nombreuses circonstances, on me demandera de te chercher.
Je renonce à te trouver un jour, mais je t’écris pour t’avouer mon amertume. Tu fais tout de même partie de l’équation ! La mienne est boiteuse sans toi, elle est vide de sens et d’intérêt.

Tu te promène insolente sur ma page, targuant d’être facile à dégoter, qu’un simple retourné suffirait à te trouver.

Je renonce à te trouver un jour, même si cela reviens à dire que je manque de logique, et que mon esprit rejette les mathématiques.

Lettre à x
Moumouste
lily

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Re: Concours Jour 5 - Le 6 Mai 2011

Message par lily »

Je m’appelle Oussama Ben Laden. Je suis l’homme le plus recherché de la planète. Cette lettre ne sera jamais rendue publique car je serais mort médiatiquement dans quelques heures, d’après le directeur de la CIA. Je préfèrerais être mort tout court, quoique, après toutes leurs paroles données et reprises, mon sort est sans doute scellé…
Personne ne voudra croire ce que j’écris, mais trop de personnes innocentes sont mortes par ma naïveté. Il est temps de me repentir ou d’alléger ma conscience comme bon vous semble.

La théorie du complot n’est pas fictive. Elle existe, j’en suis la preuve. J’ai collaboré avec la CIA pendant des années. Je n’ai pas assez de temps pour vous expliquer le pourquoi du comment mais les Etats Unis d’Amériques avaient besoin d’une bonne raison pour rentrer en guerre contre l’Afghanistan et l’Irak, c’est là que je rentre en scène.

Ils m’ont convoqué pour une mission secrète, le TOP SECRET vu dans leurs films de propagande américaine, ce détail m’a fait sourire avant de rentrer dans cette salle de réunion. Trois personnes étaient présentes. Le directeur de la CIA, son bras droit et un représentant de la Maison Blanche. Le plan était simple : organiser un attentat contre les Etats Unis et en faire porter le chapeau à Al-Qaïda. Je revendiquerais cet attentat en mon nom et celui de cette organisation, devenant ainsi le représentant de cette organisation. Je pourrais tout voir, tout contrôler. Les Etats Unis auraient la main mise sur tout grâce à moi, l’espion dont personne ne soupçonnerait le but réel.
J’ai accepté pour des raisons qui ne regardent que moi.

La suite je l’ai découverte en même temps que vous. Je ne soupçonnais pas l’horreur et l’incompréhension qui m’ont submergé devant mon écran.
J’ai été naïf, moi l’homme qui se disait averti. Je n’avais pas imaginé cela.

Il y a quelques heures, on m’a averti de ce raid organisé pour me tuer aux yeux de la terre entière dix ans après ces attentats. Ma mort sera la fin du chaos pour un peuple et la promesse d’une réélection pour un président méritant. Mais sait-il seulement tout cela?

Cela fait dix ans que je garde ce secret, dix ans que je renseigne les Etats-Unis. J’ai la mort de milliers de personnes sur ma conscience. Personne ne me le pardonnera et je ne peux les blâmer.

A la personne qui lira cette lettre, je vois déjà l’incompréhension se dessiner sur son visage. Qu’il agisse en son âme et conscience. Je ne le jugerai pas.

Je ne sais pas de quoi sera fait demain, ni s’ils me garderont en vie. Moi, martyr des Etats Unis, qui pourrait croire cela…
Virgile

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Les gagnants

Message par Virgile »

Dans ce sujet vous avez les gagnants des différents jours, qui sont en compétition pour la victoire finale.
ggiselle

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Re: Concours Jour 7 - Le 8 Mai 2011

Message par ggiselle »

LE LIVRE MAGIQUE

-pff, je suis morte !
-normal, après le travail que nous venons d’abattre, je dormirai bien deux jours.
-tout à fait d’accord Arlette, mais il nous faut encore ranger ce débarras, fit-elle remarquer en montrant du doigt un monticule de divers objets qui obstruait l’entrée du salon.
-ho non chérie, pas maintenant ! Ta chambre est propre, tu peux dormir ; c’est l’essentiel. Nous finirons demain.
-ok, je ne t’ennuierai pas plus, je vois bien que tu es crevée. Je t’attends dimanche, nous aurons sûrement terminé en fin d’après-midi.
-oui, allez, lança Arlette en quittant son siège en direction de son amie, je te passe un coup de fil ce soir.
-ok, fit Liliane en lui tendant la joue.
Après le départ d’Arlette, Liliane revisita les différentes pièces de la maison : la salle de séjour, une pièce plus petite située dans le fond de l’appartement qui lui servira de salle polyvalente, la cuisine, et en tout dernier lieu sa chambre où elle se laissa tomber sur le doux matelas en soupirant. Presqu’aussitôt, elle entreprit de déballer ses affaires tout en bénissant son amie. Arlette était l’amie idéale, celle sur qui on pouvait compter en toute occasion. Depuis le lycée, où elles s’étaient rencontrées, elles avaient jusque là entretenu une très belle amitié.
En ouvrant son placard, la jeune femme s’étonna de ce qu’elle y découvrit. En effet, sur l’étagère devant elle, se trouvait un livre d’aspect vieillot du bas duquel débordait un cordon couleur or.
-tiens ! Arlette ne l’aurait-elle pas vu en rangeant le meuble ?
Elle se saisit du livre qu’elle ouvrit automatiquement en son milieu. A son grand étonnement, elle trouva des pages vierges. Elle continua de tourner les pages et constata que les suivantes l’étaient également. Stupéfaite, Liliane se mit à feuilleter l’ouvrage avec frénésie et s’étonna encore plus de n’y trouver que des pages blanches. Chose curieuse, cependant, ce livre était paginé. Il lui échappa en ce moment-là des mains tellement elle avait eu le souffle coupé par ce fait insolite.
-mon Dieu !
Il lui fallut quelques secondes pour se remettre les idées en place. Elle le reprit alors et l’examina sous toutes les coutures, c’était un livre d’un format A4 à couverture rigide dont les feuilles étaient constituées d’un papier de couleur beige au grammage élevé et à la finition mat. Quelle était cette personne qui s’amusait à jouer de tels tours, il n’existait qu’un original pour se constituer ce genre de cahier. Cette œuvre d’art ne pouvait appartenir qu’aux anciens locataires de la maison qui, certainement, étaient à sa recherche.
Plusieurs mois passèrent et personne ne réclama le livre. Fait bizarre, renseignements pris, cette maison n’avait jamais été habitée. À qui pouvait-il bien appartenir? Comme il ne trouvait pas preneur et que la jeune femme ne désira pas laisser ce chef-d’œuvre dans son placard, elle entreprit de l’éditer. Toute œuvre d’art n’était-elle pas faite pour être exposée ? Elle prit l’étrange décision d’en faire son journal personnel, chose à laquelle elle n’avait jamais songé auparavant. Sur la première page, elle écrivit en gros caractères : « LE JOURNAL DE MA VIE ». Sur la suivante, elle résuma la joie qu’elle vivait suite à son déménagement dans ce quartier où elle faisait de belles rencontres. Puis, elle abandonna son journal sur la table de chevet pour vaquer à ses occupations. Le soir, avant de se mettre au lit, elle faillit faire une syncope en ouvrant son journal. En face de la page qu’elle avait éditée ce matin même, était apparu de joyeuses illustrations. Des couleurs chaudes, du soleil, des fleurs et d’autres éléments se répartissaient harmonieusement sur cette page, dégageant ainsi d’intenses ondes positives qui irradiaient l’ensemble de la pièce. Prise de panique, Liliane lâcha le livre qui retomba lourdement à ses pieds. Prenant ses jambes à son cou, elle quitta sur le champ la chambre. Son cœur battait fort, très fort.
-mon Dieu, que m’arrive-t-il ? Serais-je en train de devenir folle ? s’écria la jeune femme en se tenant la tête des deux mains.
Elle attendit de reprendre son souffle pour appeler son amie. Le petit Remi, demeuré seul au salon, s’empressa de décrocher le téléphone que ses parents lui interdisaient pourtant de toucher :
-allô !
-salut Rems, c’est tata Lili ! Maman est là ?
-maman ? Elle est dans la chambre avec papa et tous les deux… ben, ils crient…
-ils crient ? Ha bien, alors tu ne peux pas aller me la chercher.
-si tata Lili, si tu veux.
-non chéri, non… je rappellerai plus tard. Bisous, finit-elle en raccrochant le téléphone.
Ce soir-là, Liliane eut du mal à s’endormir. Avant de se mettre au lit, elle prit soin de sortir le grimoire, tel qu’elle appelait désormais son journal, de la chambre. Le lendemain soir, quand son amie l’appela à son tour, Liliane hésita à lui parler du sujet qui la préoccupait. Elle ne voudrait pas être prise pour une folle. Son amie avait beau être gentille, elle ne pouvait pas prévoir son attitude. Et si elle se moquait d’elle et allait répandre la nouvelle alentour ; cela non, elle ne pourrait le supporter. Elle préféra garder cette étrange histoire pour elle et parla de tout et de rien avec son amie.
Deux semaines plus tard, alors qu’elle s’était juré de ne plus jamais toucher à ce livre, elle fut irrésistiblement attirée vers lui. La dernière fois, il s’en dégageait une sorte de chaleur bienfaisante qu’elle recherchait en ce moment. Elle se sentait un peu seule et avait envie de se confier à un ami. Arlette, se trouvant en week-end en campagne avec sa famille, elle se risqua à sortir le grimoire du dessous de la table centrale où elle l’avait délaissé. Une chose lui sauta tout de suite aux yeux en l’ouvrant, les couleurs du dessin n’étaient plus aussi éclatantes que la première fois. Quelle signification donner à ceci ? Ce détail l’intrigua, mais pas trop. Peut-être, n’y avait-elle pas fait très attention. En plus, il ne faut pas oublier qu’elle avait vu ce dessin de nuit. Ce soir-là, elle confia à son journal se sentir seule. Le lendemain, elle ne fut pas très étonnée en ouvrant son journal d’y découvrir le dessin d’une statue de femme qui semblait préoccupée. Comme la dernière fois, elle ne comprit pas ce que cela pouvait signifier. Il ne lui fallut pourtant pas longtemps pour prendre conscience du fait que le journal réagissait par rapport à elle et à ses états d’âme. Il lui faisait souvent et à sa manière des réponses, des conseils ou des remontrances.
Une fois, Liliane lui avait confié que son cœur battait pour son nouveau chef de département, déjà marié, et son journal, même s’il ne griffonna rien, devint moins volumineux. Tant qu’elle avait persisté dans cette attitude, le nombre des pages du journal diminuait. Ce même phénomène se produisait chaque fois qu’elle était malade. Par contre, quand elle posait une bonne action, le voilà qui repartait pour un sprint. Lorsqu’elle était heureuse, les pages de son journal semblaient respirer et il leur arrivait même de lui offrir des images animées.
Depuis, elle avait appris à converser avec son lui ; elle contrôlait bien ses mots, elle lui livrait ses sentiments et ils faisaient souvent de véritables « cœur à cœur ». Une sorte de correspondance s’était établie entre eux au fil du temps : elle lui écrivait et, lui, il communiquait avec elle par toutes sortes de moyens : l’écriture, le dessin, les signaux… c’est, maintenant, avec un grand bonheur qu’elle retrouvait son journal. Tous les soirs, installée à son aise contre la haute tête du lit collée au mur, elle lui livrait tout : ses angoisses, ses tristesses, ses espoirs, ses joies…
Un jour, par curiosité, elle lui avait posé cette question :
-jusque là, je me suis contenté de parler avec toi car cela me faisait du bien, mais cela ne me suffit plus. Si tu voulais bien me le dire, je serais très heureuse de savoir qui tu es ?
Elle avait fait cette demande sans trop y croire. C’est pour cette raison qu’elle ne s’était pas précipité sur le journal à son réveil. Comme d’habitude, elle avait attendu le moment de se coucher pour le consulter. Voilà ce qu’elle avait trouvé dans son journal ce jour-là :
-tu veux savoir qui je suis, mon amie ? Eh bien, je vais te le dire ! Je suis le vent qui souffle dans le feuillage, je suis le soleil qui resplendit tout le jour, je suis le chant de l’oiseau qui t’égaye. Je suis la personne que tu aimes, je suis ta mère, je suis Arlette, je suis la meilleure partie de toi, ton Moi supérieur, celui qui te met en relation avec l’univers. En bref, je suis toutes les choses positives de ta vie.
-et si tu veux savoir combien de temps je vais rester près de toi, sache que je serai toujours là. Quand il sera temps pour toi de quitter ce monde, je ne t’abandonnerai pas. Nous ferons ensemble ce voyage vers l’éternité car je suis comme un ange gardien pour toi. Cela ne m’empêchera pas de continuer à aider d’autres personnes sur terre.
-si tu veux connaître ton destin, sache qu’il n’existe pas. Ton avenir dépend des décisions que tu prends. Tu peux décider d’être une personne bien ou pas, c’est à ta seule discrétion. Personne ne peut t’imposer quoi que ce soit. Mon rôle est de t’accompagner dans ta marche, enfin, si tu le veux.
-je le veux, fais-le ! répondit simplement Liliane qui ressentit en ce moment-là beaucoup de paix.
C’est ainsi qu’elle marcha en toute discrétion, main dans la main, avec cette personne qui habitait son journal et à laquelle elle ne sut donner de nom. Quand son mari lui ferma les yeux à l’âge de 88 ans, son journal se retrouva dans le casier d’une adolescente.
Aline, c’était son prénom, fêtait ce jour-là son anniversaire. En constatant que ce livre ne possédait que des pages vierges, elle croyait qu’un de ses camarades de classe lui jouait un tour. Elle le glissa, cependant, dans son sac à dos et rejoignit au pas de course sa mère qui l’attendait dans la cour du lycée. Il fallait rentrer au plus vite pour préparer la fête de ses 16 ans, année qui allait constituer un tournant dans sa vie, se disait-elle chaque fois qu’elle y pensait. Eh bien, elle ne croyait pas si bien dire.

Fin. (ggiselle Amély)
lily

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Re: Concours Jour 8 - Le 9 Mai 2011

Message par lily »

J’ai grandi en ville, dans une vieille bâtisse. Des dizaines d’appartements abandonnés, en piteuse état, datant du 20 e siècle. La curiosité était mon plus grand défaut à l’époque. J’aimais y rentrer et m’inventer des histoires de personnes loufoques qui hanteraient ces lieux. Des jeux d’enfants me diriez-vous…

Un matin les pompiers sont arrivés, une de nos voisines, très âgée, était décédée. Maman disait qu’elle avait vécu la seconde guerre mondiale. Etait-ce une raison pour vivre recluse ? Pour moi, cette dame vivait dans un autre monde qui ne communiquait pas avec le mien. Dans mon ignorance enfantine, je la voyais porter le poids de la vieillesse sans me soucier de son histoire.

J’avoue ne pas avoir été affectée plus que ça par sa disparition. Trop jeune, peu de lien créé ou autre. La seule chose qui m’intéressait, c’était de voir où elle vivait. Un petit appartement délabré accessible par un garage en bois attenant au nôtre, où les planches tenaient par miracle. Il me suffit d’en déplacer une pour rentrer. Son garage était sombre, seul des brides de soleil s’immisçaient entre les planches de bois. Je me souviens mettre dirigée vers la porte, me demandant pourquoi cette pièce était vide. Seul un vélo, abandonné depuis bien longtemps, tenait en équilibre près de la porte, témoin impuissant du temps qui passe.

Je suis rentrée dans la pièce principale, la cuisine. Tout me semblait « vieux ». Un détail m’a vite surprise : un lit se trouvait dans cette pièce. Un lit qui, d’après moi, devrait se trouver à l’étage, dans la chambre. Les vestiges d’une vie, encore présente il y a peu de temps, me mirent mal à l’aise. Il y avait peu de choses : quelques journaux empilés près de la cheminée, une vielle bouilloire posée sur le gaz, une petite table entourée d’une seule chaise, divers meubles d’un autre temps. La tapisserie vieillie avec ses motifs démodés me fit me sentir oppressée en ce lieu. En me dirigeant vers les escaliers, je me suis demandée pourquoi il n’y avait aucune photo. Et je suis montée.

Je me souviens du moment où j’ai poussé cette porte. Je n’aurais jamais imaginé ce qui m’attendait derrière. Une chambre d’enfant. Une très vieille chambre d’enfant. Avec un petit lit en acier dont la peinture blanche d’origine avait jauni avec le temps, de petits vêtements fait main à divers endroits. Cette chambre ne semblait pas fini, il n‘y avait pas de tapisserie, le mur blanc c’était dégradé avec le temps. Pas de meubles pour garnir cette pièce. Une chambre inachevée et comme figée dans le temps. Comme si elle avait été témoin de quelque chose. Mon regard fut attiré par une caisse près du petit lit, une vieille caisse en fer.

Voulant satisfaire jusqu’au bout ma curiosité, je l’ai ouverte. Elle était petite et contenait quelques lettres. Certaines avec des timbres qui représentaient un homme de profil avec une drôle de moustache. Je les ai donc ouvertes…


Décembre 1943

Ma bien aimée,

Première lettre que je puisse t’écrire depuis mon départ, nous sommes presque en Suisse. Je me sens lâche. Je devrai être auprès de toi… Je prie pour qu’un jour tout cela s’arrête et que je puisse enfin faire de toi ma femme. Mais voudras-tu toujours de moi ? Simple officier que la guerre a placé du mauvais côté sans aucune chance d’y échapper. Notre rencontre est un miracle, tu es mon salut. Chaque jour loin de toi est un enfer.
Nous devons rester quelques semaines ici, les frontières sont surveillées. Cette lettre te sera remise par des amis résistants qui pourront à leur tour me transmettre la tienne. Je veux que tu saches que nous avons pris nos précautions, quoi qu’il nous arrive, tu en seras informé. Tu peux donc m’écrire, si le cœur t’en dit…

Frederick


Je me hâte d’ouvrir la suivante.


Janvier 1944

Ma douce,

Le bonheur m’envahit quand je lis tes mots ! Est-ce possible ? Portes-tu vraiment mon enfant ? Que Dieu m’en soit témoin, je suis l’homme le plus heureux qui puisse exister en cet instant ! Comment allons-nous l’appeler ? Je n’arrive pas à déterminer ma préférence, un garçon ou une fille ? Qu’importe ! Si c’est une fille elle aura ton beau visage, ta grâce et si c’est un garçon, il aura pour toi l’amour démesuré que l’on porte à une mère. Les deux me comblent ! Cette enfant est le fruit de notre passion et je l’aime déjà !

Une ombre vient cependant obscurcir notre si beau tableau. Ma désertion m’en semble plus lourde… Te verrais-je porter notre enfant ? Serais-je là le jour où il viendra au monde ? Je me sens tellement coupable de ne pas être présent à tes côtés …

Mes compagnons de fuite sont aussi heureux que moi, une si belle nouvelle en des temps si sombres. Nous sommes devenus très liés pendant notre expédition. Ils nous comprennent et ne nous jugent pas, c’est un réel soutient en ces mauvais jours.
Je ne peux te dire où nous sommes exactement, si jamais ce courrier tombait entre de mauvaises mains. Mais saches que même si je suis loin, mes pensées sont avec toi.

Avec tout mon amour,
Frederick


D’autres lettres se trouvaient là, venant de différents membres de la famille et d’amis. Certaines pour demander des nouvelles, d’autre pour faire part d’événements personnels.
Je les lus toutes, mais ne reconnus l’écriture de Frederick sur aucune. Puis une enveloppe se distingua des autres, avec un prénom écrit en gros dessus, Héloïse.

Je l’ouvris avec hâte, ravi de reprendre l’histoire de ces deux amoureux.


Mai 1944

Très chère Héloïse,

Permettez-moi de vous appeler ainsi, vous qui portez l’enfant de mon ami. Je ne sais choisir les mots pour vous annoncer cette triste nouvelle. Frederick, submergé de joie par l’annonce de votre grossesse, avait changé d’avis. Il voulait vous rejoindre au plus vite car vous étiez l’unique personne qui comptait à ses yeux.
Ma chère Héloïse, ma courageuse Héloïse, je suis sincèrement désolé. Frederick s’est fait prendre par les soldats de garde au village tandis qu’il essayait de partir en pleine nuit. Ils l’ont exécuté le lendemain matin pour « Désertion » à titre d’exemple afin que les autres soldats, qui ne savent plus qui croire dans cette guerre, n’aient pas d’idée similaire.

Croyez-moi, Héloïse, j’ai fait tout ce qui était en mon pouvoir pour l’en empêcher. La culpabilité me ronge et je me sens redevable envers vous. Vous ne me connaissez pas et je ne sais si Frederick vous parlez de nous. Je souhaiterai être pour vous l’ami qu’il a été pour moi.

Nous autre avons réussi à passer la frontière. Nous sommes en sécurité maintenant. La guerre arriverait à sa fin dit-on. Souhaiteriez-vous que l’on se rencontre quand tout cela sera fini ?

Frederick m’a tellement parlé de vous… Pardonnez cette lettre confuse, j’aurais préféré prendre contact avec vous dans d’autres circonstances. Un inconnu ne devrait pas avoir à vous annoncer cela…
Je partage votre peine, croyez-moi. C’était un fidèle ami, un homme bon et il vous aimez éperdument…

Votre dévoué,
David


L’émotion me submergea. Je n’avais pas encore conscience de l’horreur et de l’absurdité de cette guerre. Beaucoup d’éléments me manquèrent pour comprendre vraiment ce que je venais de lire. Il restait d’autre lettre dans la caisse. Des lettres de David parlant de Frederika, la fille de Frederick et Héloïse, pour la plupart.


1944

Héloïse,

Bienvenue à cette petite Frederika ! Les larmes me sont montées aux yeux quand j’ai découvert son prénom dans votre lettre. Quel bel hommage ! Il me tarde de rencontrer cette belle enfant !

Avec toutes mes félicitations,
David


1949

Chère Héloïse,

Bon anniversaire à ma merveilleuse Frederika ! Déjà cinq ans ! Je suis ravi d’apprendre sa guérison ! Quel dommage que cette varicelle vous ai empêché de venir nous voir en Suisse. J’espère que l’occasion se représentera très vite!

Bien à vous,
David


1964

Héloïse,

Votre silence m’inquiète énormément. Pourquoi ne donnez-vous pas suite à mes courriers ? Aurais-je dis quelque chose qui vous a déplu ? Vos lettres me manquent. Frederika poursuit-elle ses études ? Répondez-moi, je m’inquiète réellement.

Amicalement,
David.


Après avoir remis en place cette dernière lettre, j’ai décidé de quitter cette chambre et les souvenirs qu’elle contenait.

Je suis redescendu dans la cuisine, m’approchant de la porte. Je me suis retournée une dernière fois pour regarder la pièce. Elle me semblait si triste. Un détail attira mon regard. Une lettre bien en vue sur la cheminée. Je me suis approchée et vit qu’elle été destiné à David. Je réfléchis quelques instants puis je l’ouvris.



David,

J’ai cessé de vous écrire il y a bien longtemps et cela m’a été très difficile. Mais vous mentir encore de la sorte était encore plus difficile.

La mort de Frederick m’a anéanti. Ma vie s’est arrêtée ce jour-là. Le chagrin et l’amertume sont devenus mon quotidien. Les jours passaient et se ressemblaient tous. Le vide, la chute interminable. Je me réveillais chaque matin priant pour que tout ceci ne soit qu’un effroyable rêve. Je l’aimais tant. Aujourd’hui encore, il ne passe pas un jour sans que je pense à lui et à ce que notre vie à deux aurait pu être. Je n’ai pu me résigner à continuer de vivre dans un monde sans lui, je vous ai donc menti.

Frederika, ma fille si chère, qui a illuminé nos vies pendant toutes ces années, n’a existé que dans nos cœurs et nos pensées. J’en suis sincèrement navrée. J’ai perdu mon enfant à l’annonce du décès de Frederick. Je ne pouvais vous l’avouer. Vous étiez le seul lien qui me restait avec lui et je ne pouvais y renoncer. Je me suis servi de votre culpabilité pour que Frederick continu d’exister à travers Frederika.

Cette fausse couche m’a enlevé tout espoir d’être mère un jour. Ce désir, je l’ai vécu à travers vous et notre correspondance. A chaque mot couché sur le papier, je vivais l’instant décrit. J’ai vu grandir cette fille qui aurait dû être la mienne. Je l’ai imaginée souffrante, m’en servant comme excuse pour ne pas venir vous voir, mais également pour m’imaginer la veiller avec tout l’amour d’une mère. Je vous ai conté ses premiers pas, ses premiers mots, son premier jour d’école et bien d’autres moments de sa vie… J’aurai tant aimé vous présenter cet enfant dont j’étais si fière, cet enfant qui m’a permis de survivre dans ce monde de solitude.

Pardonnez-moi. Pardonnez-moi d’avoir voulu inventer une fin heureuse à mon amour perdu. D’avoir fait en sorte que Frederick ne cesse jamais d’exister.
J’étais lassée de mentir. Votre amitié ma longuement manquée pendant toutes ces années. Mon plus grand regret aura été de ne jamais avoir pu vous rencontrer à cause de mon mensonge.
Ma fin sera bientôt là. Vous qui vous disiez être un inconnu, dans vos premiers mots à mon égard, êtes devenu mon ami le plus proche et le plus sincère.

Pardonnez-moi
Héloïse.


Je ne suis jamais retournée dans cet appartement. Je me rappelle l’avoir quitté à toute vitesse pensant naïvement pouvoir oublier ce que j’y avais découvert. En vain.
Aujourd’hui je sais enfin ce que représentait son visage, pas le poids de la vieillesse, mais le désespoir et la tristesse d’une femme qui a tout perdu.
x-Key

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Re: Concours Jour 9 - Le 10 Mai 2011

Message par x-Key »

Un avion en papier.
C’était comme ça que ça avait commencé. Par une simple feuille abandonnée sur une table et des mains maladroites qui s’en étaient emparée. Qui l’avait tournée et retournée dans des gestes incertains. Du papier qui s’était plissé, froissé. Abimé. Puis des lettres, formant des mots, à l’encre noire banale, tracées de façon trop brusque, d’une écriture tremblante. Enfantine.
Lilas inséra la petite clé en bronze dans la serrure abimée de la vieille armoire et, doucement, comme si elle avait peur de la briser, la fit pivoter du bout des doigts. Le mécanisme se déverrouilla dans un clic qui résonna dans le silence de la chambre. La fenêtre était ouverte. Des rideaux blancs tombaient mollement de chaque côté de l’encadrement et virevoltaient au rythme des bourrasques qui s’engouffraient dans la pièce.
Lilas posa la paume de sa main sur le battant de l’armoire. Le bois était sombre, couleur brun-rouge. Du teck probablement, elle n’en était pas certaine. Elle tenait ce vieux meuble de sa mère. Celle-ci aurait trouvé étonnant de voir que sa fille ne s’en était pas débarrassée. Lilas n’était pourtant pas conservatrice dans l’âme. Elle détestait en général s’encombrer de tout ce qui pouvait lui rappeler son passé. La seule chose qui l’avait poussé à garder l’armoire était son contenu. Une chose qu’elle y avait mise des années auparavant.
Elle fit glisser ses doigts jusqu’à la poignée ronde. Les charnières étaient rouillées et elle ne fut pas surprise de les entendre grincer lorsqu’elle ouvrit la porte. Une pile d’anciens draps miteux qui n’avaient pas vu la lumière du jour depuis des lustres manqua de s’écrouler à ses pieds lorsque qu’ils furent délivrés de leur prison de bois. Elle les retint de justesse d’une main, prise d’une quinte de toux à cause de la poussière, tandis que de l’autre, elle posa la petite clé, qu’elle tenait toujours, sur une des étagères du meuble. Elle essuya ses yeux humides d’un revers de manche. Elle avait toujours mal supporté les lieux poussiéreux.
Elle jeta un œil dans le meuble. Cela faisait exactement vingt ans que l’armoire n’avait pas été ouverte. Depuis le jour où elle était venue y ranger ce que, à cet instant précis, elle venait récupérer. Elle se remémorait très bien la façon dont elle avait fourré la boite dans le fond du meuble avec des gestes désordonnés, puis comment dans sa précipitation elle avait mis plusieurs secondes à réussir à verrouiller la porte. Ses mains tremblaient, elle s’en souvenait. Et sa vision était troublée par des larmes qu’elles ne parvenaient pas à refouler malgré ses efforts. Elle ne voulait plus avoir à poser les yeux sur la boite. Sur ce qu’elle représentait, elle et son contenu. Son contenu surtout. Avant, elle trouvait futile l’idée d’enfermer les choses, de les cacher. Comme si le simple fait de les savoir emprisonnées pouvait les rendre plus simples à oublier. A effacer. Pourtant, le jour où elle avait eu besoin de s’éloigner de son secret, c’est ici, dans ce vieux meuble poussiéreux qu’elle était venue dissimuler les dernières traces d’un passé qu’elle avait voulu laisser derrière elle. Jusqu’à ce jour.
Lilas remit les draps à leur place, veillant à ne pas trop les remuer pour éviter une nouvelle gerbe de poussière. Elle se pencha, ramenant derrière son oreille d’un geste automatique la mèche de cheveux grisonnant qui lui tombait devant les yeux. Comme sur le linge, une fine pellicule de poussière avait recouvert les divers objets restés depuis trop longtemps dans l’oubli du vieux meuble. Lilas passa son index sur le rebord de l’étagère du bas, révélant le bois terni par le temps. Elle s’agenouilla et contempla d’un air fasciné les grains de poussière qui recouvraient le bout de son doigt. Ils étaient inoffensifs tant qu’elle n’avait pas à les respirer. Quand elle était petite, on lui disait que les petites particules qu’elle voyait s’agiter partout dans l’air autour des personnes, autour des murs, autour d’elle était la poussière des gens qui avaient quitté ce monde. Se pouvait-il que sur le bout de son index se trouvait actuellement des grains de sa mère décédée vingt ans plus tôt ? Ou encore de cet homme mort dans un accident de voiture qu’elle avait vu aux informations dans la matinée ? La poussière était comme une trace des choses qui avaient disparues. Comme des souvenirs sur lesquels on pouvait souffler pour les faire s’envoler et pour que d’autres les remplacent. Même si, Lilas en avait bien conscience, rien ne s’oubliait jamais vraiment. Elle pouvait souffler tant qu’elle voulait sur ses souvenirs, ils n’en resteraient pas moins ancrés avec force dans son esprit.
Elle glissa sa main entre une pile de rideaux et un vase ébréché et tâtonna dans le fond du meuble. Ses doigts se prirent dans une toile d’araignée et dans un geste brusque de recul, elle renversa le vase qui se brisa sur le sol en des dizaines de tessons tranchants. Mais Lilas n’y fit pas attention. Car en tombant, le vase avait révélé à sa vue ce qu’elle cherchait. La grande boîte bleue était là. A l’endroit exacte où elle l’y avait laissée il y avait tant d’années. Prenant garde de ne pas se blesser sur les morceaux de verre, elle attrapa la boîte et alla s’asseoir sur le lit derrière elle. Elle la posa sur ses genoux. Sa couleur bleue d’origine était devenue plus terne, virant dans une sorte de grisâtre bleuté. Elle posa ses mains sur le couvercle, hésitant un instant. Elle ferma les yeux, respira un bon coup, puisant en elle le courage de retrouver ce secret qu’elle avait tellement voulu oublier. Puis, avant d’avoir le temps de voir sa résolution flancher, elle ouvrit la boite.
Les avions étaient là. Rangés en vrac. Des dizaines, sûrement plus d’une centaine de petits avions en papier. Sur chacune de leurs ailes des mots avaient été écrits. En bleu, rouge, noir, parfois de toutes les couleurs. L’écriture était à peine lisible sur certains d’entre eux. D’autres ne possédaient qu’une seule phrase, un seul mot. Quelques-uns étaient de vrais romans et les phrases était tellement serrées entre elles pour que tout le texte aie pu loger que les avions en question était presque entièrement gribouillés.
Lilas les balaya lentement des yeux, un pincement au cœur devant tous ses souvenirs. Parfois, son regard accrochait un mot qui lui faisait le même effet qu’un électrochoc. Elle fermait les yeux et sentait les larmes monter doucement derrière ses paupières closes. Elle resta de longues minutes à les contempler. Un temps qui lui sembla durer une éternité, comme si la vie entière autour d’elle avait stoppé son cours.
Une voiture passa dans la rue en face en klaxonnant et la ramena brutalement à la réalité. Elle essuya la larme qui s’était aventurée sur sa joue et fixa avec attention le contenu de la boîte, une idée en tête.
Elle retourna les avions, fouilla, chercha. Puis elle le trouva. Le plus ancien. Le papier était plus jauni que les autres. Gondolé. Abîmé. Il était resté longtemps dehors avant qu’elle ne le trouve, petite. Le vent l’avait emporté et déposé juste sous un rosier.
Elle le prit délicatement, le fit tourner entre ses doigts, puis l’ouvrit avec des gestes d’une infinie précaution. Un sourire naquit sur ses lèvres. Elle avait douze ans la première fois qu’elle avait lu ces mots. Ses mots. Les siens, à lui.
« Tu ne me connais pas. Je ne te connais pas. Qui es-tu ? PS : renvoies-moi un avion. »
Pas besoin de préciser qu’à douze ans, le message l’avait effrayée au début. Mais elle n’en avait pourtant pas parlé avec sa mère. Elle avait glissé l’avion dans sa poche et avait attendu d’être seule le soir dans sa chambre pour le ressortir.
« Renvoies-moi un avion. » Cette simple phrase avait suffit à la fasciner. Des avions en papier, tout le monde savait en faire. Pour sa part, elle avait appris à l’école aux alentours de ses dix ans. Elle avait donc attrapé une feuille, l’avait pliée comme elle l’avait souvent fait avec ses amis et, prise d’une naïveté enfantine, écrivit avec soin sur l’une des ailes: « Je m’appelle Lilas. Et toi, qui es-tu ? ». Ce fut le premier d’une longue série vouée à ne se finir qu’une dizaine d’années plus tard. Le lendemain, elle déposa l’avion sur le muret devant chez elle, sous une pierre pour ne pas que le vent l’emporte.
Ca avait commencé au début de l’été 95. En septembre, son inconnu savait presque tout d’elle. Elle, au contraire n’avait pas réussi à lui soutirer la moindre information. A chaque fois, il lui répondait que ça n’avait pas d’importance.
« Mon âge n’a pas d’importance, mon prénom non plus. »
C’était toujours le même genre de réponse fermée. Lilas avait beau ne pas s’être découragée, elle n’avait pas su pour autant.
Elle reposa l’avion dans la boîte et en prit un nouveau. Il était fait avec une feuille à carreaux, le genre qu’elle utilisait quand elle allait au lycée. Et c’était précisément de cette époque que celui-ci datait. Elle se souvenait très bien de l’échange qu’ils avaient eu.
« Je t’ai vue avec ce garçon à ton lycée aujourd’hui. »
Cela n’était pas la première fois que son inconnu lui disait l’avoir vue quelque part. Il savait qui elle était maintenant et savait où la trouver. Lilas n’était pas idiote. Elle réalisait très bien quel genre de psychopathe pouvait bien courir les rues. Pourtant, elle n’en avait jamais parlé à personne. Lorsqu’elle était enfant, elle avait pris l’échange comme un jeu. Et à l’époque du lycée, cela faisait près de cinq ans qu’ils parlaient régulièrement, et outre le fait que l’échange lui était familier, il y avait autre chose qui poussait Lilas à ne pas interrompre leur jeu quotidien des avions. Elle n’était pas effrayée. Une chose, au fond d’elle ne l’avait jamais mise en garde contre cette personne qui en savait tellement sur elle.
« Tu me surveilles maintenant ? » lui avait-elle répondu.
Elle piocha un nouvel avion. La réponse.
« Non, je voulais juste être sûr qu’il ne t’arrive rien. Il n’est pas un mec bien. Tu ne devrais pas le fréquenter. »
« Je n’ai pas besoin de toi pour me dire avec qui je dois passer mon temps. »
Elle n’avait pas le mot suivant. Elle l’avait déchiré, mue par une colère sans nom. Puis les larmes aux yeux, elle était restée assise sur les marches de la terrasse à contempler les bouts de papiers dans ses mains. Elle avait beaucoup pleuré ce jour là. Haine et tristesse. Mauvais mélange. Il parait que les premières trahisons de ce genre sont toujours les plus douloureuses. A dix-sept ans, on croit souvent que l’amour peut durer toujours. Elle se souvenait encore très bien des mots à peine lisibles qui avaient été écrits trop vite au stylo bleu sur une des ailes de l’avion.
« Je l’ai vu avec une autre fille hier. Pas très loin de l’endroit où vous étiez tout à l‘heure. Il l’a embrassée elle aussi. »
Toutes ces choses avaient tellement d’importance à cette époque. Elles étaient importantes. Elle ne pouvait pas se douter de ce qui arriverait par la suite.
Les mois s’étaient enchaînés. Se transformant en années. Deux ans plus tard, elle rencontrerait son inconnu pour la première fois. Pour la dernière aussi, bien qu’elle l’ignorait encore à ce moment là. C’était un samedi soir. Il avait plu. Depuis quelques semaines, les messages sur les avions s’étaient montrés différents. Lilas avait changé, mûrie. La relation inhabituelle qu’elle entretenait avec son inconnu aussi. Le besoin qu’elle avait de le rencontrer grandissait doucement en elle. Elle savait que c’était également son cas.
« Dans la ruelle, derrière chez toi. A minuit. »
Elle piocha l’avion où le message était écrit. De tous ses souvenirs, celui-ci était l’un des plus clairs dans sa mémoire envahie par les phrases, lieux, événements et dates. Ils en avaient parlé longtemps avant qu‘il ne lui envoi cet avion-ci.
Il faisait sombre dans la ruelle. Elle n’avait vu que sa silhouette. Il s’était approché. Elle n’avait pas bougé, n’osant pas esquisser un mouvement. Dans l’ombre, pendant qu’il se penchait doucement vers elle, elle avait senti son parfum lui chatouiller les narines. Elle l’avait laissé faire. Elle aurait du se montrer méfiante, avoir peur peut être. Mais, contre toute logique, elle avait laissé ses lèvres effleurer sa joue, sa main effleurer la sienne. Puis, il était parti. Elle n’avait pas cherché à le retenir. Elle venait d’avoir dix-neuf ans. En fermant les yeux, elle pouvait encore entendre le bruit de la pluie qui tombait.
Quatre ans plus tard, sa mère mourrait subitement dans un accident de voiture. Son inconnu lui enverrait un avion le lendemain de l’enterrement pour lui dire qu’il avait été là, de loin. Rassemblant ses souvenirs de la cérémonie, elle n’était pourtant pas parvenue à se remémorer le visage de quelqu’un qu’elle ne connaissait pas. Elle aurait voulu le voir pourtant. Surtout ce jour là.
Finalement, les larmes se mirent à couler, dégoulinant le long de ses joues, de son cou, certaines tombant dans la boîte et s’écrasant sur l’un des avions. Elle l’écarta et la posa à côté d’elle. Puis, elle en attrapa un autre. Un dernier. Le dernier justement.
« Je pars. On se reparlera, un jour. »
C’était il y a vingt ans. Peu de temps après la mort de sa mère. Juste après, elle avait pris la boîte bleue et y avait mis tous les avions avant de venir la cacher dans l’armoire.
Elle y rangea le dernier avion, prit le couvercle, referma la boite. Puis elle la descendit dans la cuisine. Elle enfila une veste, attrapa la lettre qu’elle avait reçue plus tôt dans la matinée, reprît la boîte et fila vers sa voiture après avoir vérifié que les clés du véhicule se trouvaient bien dans sa poche. Ne pas réfléchir. Elle ne voulait surtout pas réfléchir.
Une fois dans la voiture, elle déposa la boîte sur le siège passager et la lettre sur la boîte. Elle inséra la clé dans le contact. Il avait fait beau. Le soir tombait. Le soleil commençait à décliner. Elle roula de longues minutes. Elle savait où elle allait. Les choses se bousculaient dans sa tête. Se mélangeaient dans une orgie de pensées et de souvenirs imprécis et distincts à la fois. Elle finit par se garer le long de la route, une fois arrivée.
Elle attrapa la lettre. Elle avait besoin de la relire, encore une fois.

« Bonjour Madame Cole. Je m’appelle Caroline Fisher .Vous ne me connaissez pas. Moi, je vous connais. Par le biais de mon père. Il m’a laissé un journal dans lequel il ne parlait que de vous. A la fin, il me demandait de vous envoyer le mot que vous trouverez ci-joint. Je sais ce qu’il signifiait pour lui. Et pour vous également.»

Elle n’en lut pas plus. La suite, elle l’avait déjà parcourue des yeux de nombreuses fois depuis le matin. Dans le fond de l’enveloppe se trouvait un bout de papier. Plié plusieurs fois. Avec un mot dessus. Un nouvel avion. L’écriture était petite, en pattes de mouche serrées. En noir. Le même noir que sur le premier avion.

« Si tu lis ceci c’est que je suis mort. Voici donc le dernier avion que tu recevras jamais de moi. Des années ont passé Lilas. J’ai épousé une femme charmante, eu une petite fille adorable. J’ai vécu ma vie avec ses aléas et ses surprises. Tu n’as jamais su qui j’étais. Mon prénom, ma date de naissance, où je vivais, tu ne savais rien. Et pourtant, tu as été la personne de ce monde qui m’aura le mieux connu, le mieux compris. J’ai du partir un jour, mais à chaque instant de ma vie Lilas, tu étais avec moi. Je n’ai jamais oublié ce soir-là dans la ruelle. Je n’ai jamais effacé la trace encore brûlante de ta peau sur mes lèvres, ni l’odeur de tes cheveux mouillés par la pluie. Je t’ai aimée. Et maintenant, quand je pense à toi et à ce cancer vicieux qui me ronge, je me dis que j’aurais voulu pouvoir t’aimer pleinement. Alors je comprends que c’est le cas. Aujourd’hui, je t’aime encore. Le soir souvent, un peu plus fort. Et je n’oublierai jamais ce soir dans la ruelle. »

Le mot était signé. Adam.
Après plus de trente ans, elle savait enfin. Et il était mort. Il l’avait aimée. Il venait juste de partir. D’un cancer. Trente ans. Adam. Il avait une fille. Caroline. Quel genre de père avait-il été ? Quel genre d’époux ? Mais cela avait-il de l’importance ? Il avait dit qu’elle le connaissait. Vraiment ? Oui, elle le savait. Ils se parlaient. De choses qui semblaient futiles. Mais après tout, quelle importance ? La futilité faisait la vie aussi. Elle faisait les moments qui semblaient ensuite intouchables dans la mémoire. Ineffaçables. « On crée des moments d’absolu dans un monde qui tend vers le rien. » Il disait souvent ça dans ses messages. Son inconnu. Adam. Elle s’était éprise de l’anonyme, du mystérieux. Elle avait du mal à se faire à ce prénom.
Elle reprit la lettre. De ses doigts agiles, elle la plia en deux. Puis elle rabattit les coins. Elle continua le pliage jusqu’à obtenir l’avion si banal, si simple qu’elle avait fait tant de fois. Puis elle sortit un stylo de la boîte à gants. Précautionneusement, elle écrivit une phrase sur toute la longueur du pliage. Puis, elle sortit de la voiture. Au bord de la falaise. Dans la fin de sa lettre, la fille d’Adam disait qu’il avait été incinéré selon son souhait. Elle avait ensuite jeté ses cendres dans la mer.
Lilas s’approcha un peu plus du précipice. La brise marine lui fouettait le visage, emmêlait ses cheveux bruns. Elle ferma les yeux, laissa l’avion s’envoler, laissa le vent le lui arracher des mains.
Le soleil se couchait à présent. Il n’était plus qu’un cercle orangé lumineux à la limite de l’horizon. Le ciel avait pris une teinte rosée. C’avait été une jolie journée. Lilas regarda la ligne au loin où semblaient se toucher ciel et mer. Les mots qu’elle avait écrits résonnaient dans sa tête dans la cadence des vagues qui se brisaient sur les rochers en contrebas.
« Moi non plus, je n’ai pas oublié. »
Lilou

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Re: Concours Jour 10 - Le 11 Mai 2011

Message par Lilou »

Cher(e) inconnu(e)

Il me plaît d’imaginer votre surprise, votre étonnement à la découverte de ce livre, en apparence abandonné, sur ce banc… et de découvrir à l’intérieur cette missive.

Oui c’est bien à vous que je m’adresse… vous cher(e) inconnu(e), curieux, lecteur peut-être… sans doute.

J’aime moi-même venir lire sur ce banc, entourée de toute cette nature, au calme, à la fraîcheur d’un début de matinée ou d’une fin d’après-midi. Et comme j’aime faire vivre les livres que j’ai aimés en les faisant découvrir à d’autres, j’ai eu cette idée un peu particulière, qui vous a peut-être déconcertée. « Laisser un livre pour qu’il soit lu par un inconnu tout en l’accompagnant par la pensée et avec cette lettre d’explications ».
J’ai pris quelques précautions pour protéger ce livre. En effet, les livres sont des biens si précieux à mes yeux ! D’une part je l’ai pris en format poche. Et je l’ai recouvert, chose que je ne fais jamais habituellement… mais avec du plastique transparent pour laisser voir cette si jolie couverture avec ses couleurs flamboyantes qui me plaisent et m’avaient attirées lors de mon achat en dehors du fait que ce livre est écrit par l’un de mes auteurs favoris.
J’ai choisi aussi ce banc car il est à l’abri des intempéries, sous ce kiosque à musique si romantique situé au milieu du parc. Bien qu’en ce moment le temps soit fort clément, voire même plus puisque l’on nous parle de sécheresse débutante. De toute façon, je pense et je ne crois pas me tromper, qu’il ne va pas rester longtemps, seul, sur ce banc. Bien que tranquille, cet endroit n’est pas désert et est relativement fréquenté.
Donc j’ai bon espoir pour mon petit « protégé » !

Il va sans dire que j’ai beaucoup aimé cet ouvrage que vous tenez entre les mains. Il m’a fait voyager, m’a ému, m’a fait rire aussi et l’intrigue m’a porté jusqu’au dernier mot.
Bien sur, si vous n’êtes pas lecteur, que ça ne vous intéresse pas… ou que cet auteur ne vous plaît pas, je compte sur vous, sur votre fair-play pour remettre le livre en place avec la missive à l’intérieur tels que vous les avez trouvés. Je vous en remercie à l’avance car j’aimerais vraiment que cette chaîne d’inconnus unis par cet unique goût commun qu’est la lecture, naisse… et que ce roman qui le mérite, soit lu et apprécié par le plus grand nombre.
Car si vous lisez finalement ce livre, je le souhaite ardemment, et que vous l’aimez, ou pas d’ailleurs, faites comme moi s’il-vous-plaît. Laissez le ici ou dans un endroit à votre convenance, pour qu’un(e) autre inconnu(e) le découvre et le lise et ainsi de suite. Ce serait fantastique, non ? ! En tout cas, c’est l’envie que j’ai en le déposant ici.
Vous pourrez soit remettre ma lettre à l’intérieur, ou bien en mettre une nouvelle, rédigée par vous. L’essentiel, pour moi, est dans ce partage d’un coup de cœur avec des inconnu(e)s… j’aime cette idée ! Elle me fait vibrer…
D’ailleurs, imaginez… au moment de bientôt terminer mon message, mes doigts tremblent un peu.. d’émotion, d’excitation et de peur mêlées.
Avant de vous quitter, je voulais vous remercier de m’avoir lu jusqu’au bout.

Voilà.
Il est temps.
Je vous envie un peu, vous qui êtes sur le point de débuter ce merveilleux roman.
Je vous souhaite bonne lecture.
Bien à vous.

L.
Nadia974

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Re: Concours Jour 11 - Le 12 Mai 2011

Message par Nadia974 »

Cher Sarda Garriga,

Je ne vous dévoilerai pas mon identité, mon statut social m’en empêche. Je sais que vous fréquentez assidûment « Les amis de la Liberté » c’est pour cela que je vous écris cette lettre. Je dois vous faire part de ce qui se passe sur l’île Bourbon et j’espère que vous en mesurerez toutes les conséquences.

Les esclaves se rebellent et s’enfuient à travers l’île, on les appelle « les marrons » depuis et les maîtres se sont mis en tête de partir en chasse contre les fuyards. Et malheur à ceux qui sont retrouvés ! J’ai eu vent qu’ils étaient brimés, battus, certains se font couper les mains ou les pieds s’ils ne sont pas lynchés ou tués à titre d’exemple. Les plus riches propriétaires ont fait appel à François Mussard, le plus redoutable chasseur de marron et surtout le plus sanguinaire. On dit que ce n’est pas pour l’argent qu’il accepte de partir exterminer les esclaves, mais pour son seul plaisir et ramène à ses commanditaires la main droite de ceux qu’il a tué. Je soupçonne cependant la Compagnie des Indes d’être derrière tout ceci, le manque à gagner est bien trop important sur les plantations de café et de canne à sucre qui perdent peu à peu « leur main d’œuvre ».

Vous devez libérer ces esclaves qui n’attendent que vous. Attendez vous à avoir un chemin semé d’embûches, les colons verront d’un mauvais œil le décret que Victor Schœlcher prépare en ce moment même. Vous redouterez certainement de vous engager dans cette lutte et je vous comprends, surtout après les révoltes à Haïti et au Brésil.

Mais n’ayez crainte, vous êtes le mieux placé pour promulguer ce décret. Je vous en conjure parlez-en à votre ami Arago. Prenez en main votre destin très cher ami, un pan d’histoire s’offre à vous.

Votre aimable partisan.
jessica11021

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Re: Concours Jour 12 - Le 13 Mai 2011

Message par jessica11021 »

La source de mes cauchemars


Ma bourse en main, je me dirigeais vers la porte. Je l’ouvris d’un geste gauche gêné par le stresse, et la referma en me souvenant à la dernière minute de la fermer à clef.
J’avais prestement enfilé une veste courte par-dessus ma mince chemise pour éviter d’attraper froid en ce début d’automne.
Dehors, un vent violent emportait les feuilles mortes au loin. Je n’avais jamais aimée l’automne. Les températures qui commençaient à descendre en bas de zéro, les feuilles qu’on devait ramasser, les jours qui déclinaient de plus en plus vite et mon lit vide qui devenait glacial. Toutes ses choses me faisaient haïr cette saison importunante.

C’est ainsi que je me retrouvais sur le perron menant à chez moi, en cette première journée du mois d’octobre. Il avait plu la nuit précédente et les marches de l’escalier étaient glissantes. Je pris mon temps pour les descendre tout en m’agrippant à la balustrade. Il y avait peu de personne dehors par ce temps, mais je ne pouvais pas perdre mon temps à profiter du calme ambiant.
Dans mon dos, je sentais son regard consumé de rage difficilement contenue. Il me filait depuis plusieurs semaines déjà. Au départ, il passait seulement devant mon studio. Ensuite, il m’épiait à travers mes fenêtres et maintenant, il me suivait partout où j’allais.
J’accélérais le pas afin de le semer, même si je savais que je ne pourrais jamais m’enfuir.
J’étais arrivé au bureau de poste, la source de mes cauchemars depuis cette nuit…

******* *********** *******

À cette époque, j’habitais dans un immeuble avec ma meilleure amie. Nous nous connaissions depuis toute petite et les discordes ne modifiaient jamais le cours normal de nos vies. Je faisais alors mes études en archéologie à l’université pour pouvoir réaliser mon rêve qui était de devenir enseignante à l’université. Jusqu’ici, j’avais menée une vie parfaite. Venant d’une famille bien aisée, je n’avais jamais manquée d’argents. J’avais un père; peu présent certes, mais je m’en fichais! Et une mère, toujours à courir les boutiques. Par contre mon amie me prodiguait l’affectation dont j’avais manquée et l’amour d’une sœur.
Je n’avais jamais eu de petit ami. Mon visage repoussant encadré de longs cheveux sec d’un brun grisâtre, mon nez droit, mes lèvres minces, mes yeux globuleux et mon corps filiforme les éloignaient tous de moi. Le bonheur hors de ma portée, n’avait jamais réussit à se former un passage dans la jungle de mon cœur. J’allais terminée ma vie vieille fille, le destin était fait ainsi et je ne pouvais pas me plaindre.

Ce jour là, j’attendais du courrier très important provenant d’une grande université où je voulais être admise pour poursuive mes études. Je m’étais rendu au bureau de poste local comme à chaque semaine. En passant près de lui, mon voisin de pallier me salua d’un vague signe de la main auquel je répondis avant de poursuivre mon chemin. Arrivée, devant mon casier, j’entrepris de fouiller dans mon sac en bandouillère pour trouver la clef afin de l’ouvrir pour récupérer le courrier. Mais elle ne se trouvait nul part.

-Eh, Hortense! Cria mon voisin.

-Ah! Bonjour Paul. Comment vas-tu?

Paul un beau brun avec de magnifiques yeux noisette avait toujours été charmant avec moi. Si mon cœur aurait battu pour les beaux yeux d’un homme, ça aurait été pour Paul à coup sûr. Toutes les filles craquaient pour ce magnifique spécimen. Je n’avais jamais vue de femme pénétrer dans son antre. Mais même si ça aurait été le cas, je n’aurais jamais pu tenter ma chance.

-Très bien, c’est une belle journée aujourd’hui, me répondit-il.

Une belle journée? Dehors, les arbres penchaient, poussés par le vent. Et la pluie continuait à se déchaîner avec une force surhumaine.

-Disons que ça pourrait aller mieux. M’exclamais-je, emballé par son sourire enjôleur.

-Qu’est-ce qu’il y a?

-J’ai perdu mes clefs, soupirais-je.

Ma main était toujours dans mon sac à la recherche de la mystérieuse clef. Et mon regard fuyait avec célérité celui du bel étalon. <<Je ne trouve toujours pas cette fichue clef>>, pensais-je avec colère. Où pouvait-elle bien être, je me souvenais très bien de l’avoir rangée dans mon sac.

-Mais ça va, ne t’inquiète pas. Je dois l’avoir oubliée chez moi, marmonnais-je pour le rassurer.

-Je peux t’aider si tu veux?

-Non, mais merci quand même, insistais-je posément, avant qu’il ne parte.

Ne la trouvant toujours pas, je me rendis au comptoir d’information. La jeune femme à la caisse n’avait pas l’air de vouloir me donner de réponse quand je lui demandais poliment s’ils pouvaient m’ouvrir mon casier. Un peu désespérée de devoir ressortir à l’extérieur par ce temps, je me dirigeais d’un pas nonchalant en direction de la porte.
Avec le bruit que produisaient les talons de mes bottes sur le sol, j’attirais l’attention de tous les hommes présents dans la salle. Ce dont j’aurais pu me passer surtout en ce moment.
Je rabattis ma capuche sur ma tête et alla pousser la porte d’entrée quand mon regard se dirigea vers le sol.
À la vue de l’objet, mon cœur palpita d’émoi dans ma poitrine. Sur le seuil, par-dessus le tapis détrempé se trouvait ma clef! La clef que j’avais perdue était là. Je sais pourquoi elle se trouvait là. Elle était tombée par terre au moment où je pénétrais dans le bureau de poste. Malgré cette hypothèse, je ne pouvais m’empêchée de stresser et de laisser la peur m’envahir.

Je repris néanmoins la clef et mon corps pivota pour retourner au casier afin d’avoir mon courrier. J’espérais que la lettre de l’université était arrivée car avec toutes ses péripéties, je voulais savoir leurs décisions.
J’ouvris la case et me pencha pour examiner l’intérieur. Il y avait une enveloppe d’un doux rose nacré et un objet emballé de papier journal. Ma main se dirigea prudemment vers l’objet et la lettre comme s’ils allaient me sauter à la figure. Mes longs doigts effilés s’en emparèrent et les sortirent doucement de leurs prisons.
Mes pas se dirigèrent automatiquement vers une table isolée des autres. J’y pris place et enleva ma veste, mon chapeau et appuya mon parapluie sur le mur derrière moi. Je déballais prestement l’emballage et en sortit une somptueuse rose rouge. D’une couleur presque noire, c’était le rouge le plus foncé que j’avais pu voir sur une rose.
C’était la première fois que quelqu'un m’écrivait et que je recevais une lettre accompagnée d’un présent.

Alors j’arrachais les extrémités collées de l’enveloppe et je détachais le cachet pour me permettre de lire la lettre.
Comme toute les lettres, elle débutait si simplement que j’en fus émue. Et mon regard et mon âme s’en imprégnèrent jusqu’à la fin.

**** ***** ***** ****

Chère Hortense,

Pour commencer, je vous pris de m’excuser pour l’arriver si tardive de cette lettre. Depuis déjà plusieurs années, je rêve de vous écrire pour vous dévoilez les doux sentiments que j’éprouve pour vous. Ce n’est pas simple à écrire, moi qui n’ais jamais été un as de littérature. Cela peut sembler incroyable, qu’un inconnu qui n’ait jamais tenté de vous parlez, puisse éprouver de tendres émotions envers votre douce personne.
Pourtant, la première fois que je vous ai vue en cette chaude journée de Juin, mon cœur a été atteint par un amour incommensurable. Une exquise brise s’amusait avec vos sublimes cheveux bruns. Il faisait une chaleur torrentielle et la plupart des gens se dépêchaient pour rejoindre un endroit avec l’air climatisé, tandis que vous et moi marchions simplement, laissant le soleil caresser notre peau. J’ai su à ce moment que vous mettiez destiné. À partir de ce jour, chaque fois que je vous vois, je ne peux plus empêcher mon cœur de battre à un rythme effroyable et mes joues de prendre une teinte cramoisie. Je vous en conjure ! Ne jeter pas cette lettre et tenter de comprendre mes sentiments. J’espère qu’un jour vous éprouvez le même amour résolu que je ressens pour votre personne. Veuillez accepter mes plus sincères souhaits de nous voir réuni dans un futur proche.

D’un homme peut habile à jongler avec les mots.

**** **** ****

Je remis la lettre dans son enveloppe et pris la rose pour l’observer sous toutes ses coutures.
Ce ne fut pas la dernière lettre que je reçus. Les jours se succédant, mon amour grandissait pour cet homme que je ne connaissais point.
Ma colocataire me répétait sans cesse de mettre ses lettres à la poubelle. Mais je ne pouvais pas m’y résoudre. Personne n’avait jamais fait attention à la fille que j’étais. On me faisait des remarques désobligeantes, mais jamais de compliments. Ma sœur de lien me forçait presque à ne pas lire ses lettres.

Une nuit, le soleil était couché depuis longtemps, mais je n’arrivais pas à trouver le sommeil me recensant de nombreuses fois le poème que j’avais reçus avec une autre rose rouge…J’avais une soif insatiable. Mon corps se leva et je pris le chemin en direction de la cuisine. Tout était silencieux autour de moi, aucun son, aucun bruit sauf le tic-tac régulier de l’horloge du salon et les crépitements du foyer.
Je pris un verre dans l’armoire et me pencha sur le robinet pour le remplir afin de satisfaire ma soif. D’un trait, le verre fut vide. J’avais toujours soif…
Soudain, j’entendis un soupir étouffé venant du salon d’où flamboyait le feu. Mes pieds me portèrent jusqu’à ce lieu et je pus voir quelque chose d’incroyable.

Ma colocataire se trouvait dans les bras de Paul, mon voisin aux magnifiques yeux bruns. Ils s’enlaçaient tendrement sur le canapé, dos à moi, mais je pouvais reconnaître la voix de ma meilleure amie. Et sur un guéridon, proche d’un fauteuil, une rose rouge semblable aux roses que j’avais reçus. Mon cœur se brisa en mille morceaux quand je compris l’horreur de la situation. L’homme qui m’envoyait de si beaux messages d’amour, était celui qui se prélassait dans les bras de ma sœur en ce moment même. Devant cette atrocité, mes membres ne m’obéirent plus et mon cerveau s’emplit d’une brume épaisse impossible à dissiper. Lorsque, le verre que je tenais à la main s’échappa de mes doigts et vint se fracasser au sol. J’eus enfin la force de me reprendre et de m’enfuir le plus loin possible de cet endroit.

Toute concentrée sur ma fuite, je ne sentis pas le regard rivé à mon dos. Je n’avais aucun endroit où aller, alors je couru jusqu’à en perdre haleine. En mince pyjama et pied nu sous la pluie, mon seul vœu était de m’enfuir et de trouver la mort. Je ne sentais rien, plus aucunes émotions ne pouvaient m’atteindre, aucunes odeurs et même le souffle du vent et les gouttes glaciales ne me dévièrent pas de mon destin.

J’ouvris les yeux sur un ciel bleu. J’avais d’atroces souffrances dans tout le corps et mes pieds étaient en sang. Je ne me souvenais plus de comment je m’étais retrouvée dans cette situation. Seul un vague souvenir de désespoir subsistais en moi. Jetant un regard sur ma chemise de nuit, je vis qu’elle était en lambeaux. J’avais un affreux mal de tête. Et je découvris pourquoi, après avoir ramener une main pleine de sang, de ma tête, sous mes yeux. Voilà la raison de mon inconscience et de ma perte de souvenir. Je m’étais sûrement cognée à un arbre. Je ne pouvais rien faire d’autre, alors je me leva et repris la route à côté du pont où j’avais passée la nuit. Au fur et à mesure, je reconnu le chemin et pus rejoindre ma minuscule chambre dans mon studio. Il n’y avait personne dans les rues à cette heure. Une chance, car j’aurais fais peur à plus d’un individu avec mon accoutrement.

Je n’avais pas la clef sur moi, mais nous la laissions toujours en dessous du tapis. Mes pas feutrés par le tapis épais du salon m’empêchèrent de réveiller ma colocataire. Je me rendis dans ma chambre et pris soin de fermer la porte avant de me laisser glisser dans mon lit pour pleurer tout mon soul.

Les yeux rouges et gonflés, je devais être horrible à voir. Je ne pouvais presque plus regarder à travers mes paupières lourdes. Pourtant mes yeux remarquèrent immédiatement l’enveloppe rouge sang sur ma table de nuit. Je l’ouvris pour mieux y trouver le désespoir.

**** **** ****

Chère Miss...

Je suis très attristé d’apprendre que vous avez trouvé la vérité à propos du mystère qui entourait ses lettres. Je souhaitais profiter de l’amour que vous me portiez afin de donner la mort à votre précieuse amie. Malheureusement, vous avez vue mon frère cadet dans ses bras…ce n’est qu’une fâcheuse situation je l’admets, mais cela va vous coûtez cher. Je vous ais vu sortir de votre minable studio et vous enfuir. J’avoue que c’est moi qui vous ai assommé. Je voulais que vous oubliiez ce que vous aviez vu et que vous partiez loin d’ici. J’ai un faible pour vous, miss. Et je refuse d’être obliger de vous tuez comme j’ai tué mon petit frère et votre amie. J’aimerais vous racontez toute l’histoire, les raisons pour lesquelles j’ai offert la mort à ces gens. Mais le récit serait beaucoup trop long dans une lettre d’adieu et je n’ai pas tout mon temps. Sachez seulement que votre meilleure amie était ma fiancée, il y a bien longtemps…Il y a quelques années, nous étions le couple le plus amoureux. Nous allions nous marier dans seulement deux jours. J’étais chez moi entrain de m’occuper des derniers préparatifs du mariage. Un incendie se déclencha et faillit me coûter la vie. Moi et mon frère avons voulu nous venger. La manière la plus simple était de vous faire tomber amoureuse de moi afin d’approcher votre amie pour mieux la tuer. Cependant, mon frère m’a trahit hier soir et je n’ai plus le temps à ces imbécillités. Alors, je suis descendu de notre logement, je vous ai assommé et je suis allé ligotés les deux traîtres. Ils sont en ce moment même confortablement attachés à leurs lits, un poignard dans le ventre. Je vous ai toujours aimé, et si je n’aurais pas été envahis par la vengeance je vous aurais fais mienne. Au revoir ma chère et douce car dans trois minutes (à partir du temps où vous allez vous réveillez), tout explosera.

D’un homme peut habile à jongler avec les mots…

**** **** ****

Un regard à ma montre me permit de voir qu’il ne me restait plus qu’une minute. Je ne pris pas le temps de m’habiller et alla dans la chambre de mon amie afin de la sauver d’une mort certaine.

Le frère de Paul, si c’était bien lui, avait dit la vérité. Mon amie était ligotée à son lit avec un bâillon sur la bouche. Elle se mit à gesticuler en tout sens et à hurler à travers le mince morceau de tissu. Je devais la libérer, mais il ne me restait plus suffisamment de temps. Je n’avais pas la force d’abandonner une amie d’enfance qui selon moi ne méritait pas la mort, mais je n’avais pas le choix.

-Je suis désolée, lui chuchotais-je, avant de partir en courant vers la porte d’entrée.

Il ne me restait plus que trente secondes.
Vingt…j’avais la main sur la poignée.
Dix, j’étais sur le perron où je pouvais voir les gens vagués à leurs occupations sans se soucier de ce qui se produisait devant leurs yeux.
Cinq, mon pied glissa sur la dernière marche et je perdis l’équilibre pour finir par y tomber.
Une seconde et le néant se referma autour de moi.

**** **** ****


2011-05-13
Wilkes, Hortense née en 1990-2011 à Oxford, est décédée le vendredi 11 mai 2011. Elle laisse dans le deuil, ses parents Dan et Sophia. Décédée lors de l’explosion d’un logement sur la rue Water Eaton dans la ville de Oxford. A été retrouvée sur l’arbre proche du logement. Les funérailles auront lieu le 17 mai 2011 à la cathédrale Christ Church d’Oxford. Des fleurs seraient appréciées.
camille-chan

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Re: Concours Jour 13 - Le 14 Mai 2011

Message par camille-chan »

Un amour sans fin,
un cœur à cœur profond…

Il y a deux sortes de promesses, celles qui sont faites pour être oubliées et celles qui ne pourront jamais l’être…. Les gouttes de pluies tombent du ciel noir et inondent la rue, les passants s’empressent de rentrer chez eux et ceux qui le sont déjà de fermer leurs fenêtres. Mais quelque part, au troisième étage d’un petit immeuble, une vieille fenêtre plie sous les rafales de vent porteuses des douces larmes du ciel. Une porte claque et le coup de vent fait voler des feuilles à l’extérieur. L’eau vient effacer ces lignes d’encre noire et l’espoir que contenait chacun de ces mots doux. Une jeune fille tente de les rattraper mais ces dernières arrivent sur l’herbe mouillée du petit jardin qui entoure la résidence. La demoiselle se rallonge sur son lit et les sanglots convulsifs reprennent, toujours plus terribles, conséquence de l’affreuse et lointaine mémoire des jours heureux. Encore elle se souvient du premier jour, de la toute première lettre…
Elle avait refermée sa boite au lettre, pressant contre son cœur une enveloppe blanche sur laquelle était écrit son adresse bien distinctement. Elle n’avait jamais encore reçu de lettre avant ce jour et s’impatientait en faisant teinter les boucles qui pendaient de ses fines oreilles dans ses cheveux couleur chocolat. Elle s’était dirigée vers son bureau, avait attrapé une paire de ciseaux et avait délicatement découpé le bout de papier qui l’empêchait encore de lire ce qu’on lui avait écris.

Le 3 mars 2010, à Aix en Provence
Salut Cécile !
C’est ma première lettre alors je ne sais par où commencer tandis qu’il y a temps de choses à dire ! J’ai eu l’occasion de visiter le musée de l’écriture et pendant que je m’ennuie durant ces vacances, j’aimerais t’écrire un peu ce que je fais de mes journées et ce que j’aime, en espérant que nous pourrons apprendre à nous connaître par le biais des phrases, des mots, des syllabes et des lettres…..
J’espère que tu aimeras autant que moi l’idée de correspondre avec toi.
Ps : Je joins un petit dessin de mon chat et de ses petits qui j’espère allumera un doux sourire sur tes lèvres fines.
Mathieu Guichard

Elle avait d’abord été étonnée de son contenu un peu spécial, un dessin et un petit mot puis elle avait répondu. Elle avait sorti son plus beau crayon et une simple feuille blanche puis elle avait cherché les mots qui convenaient le mieux pour répondre et avait composé, de sa belle écriture. Puis avec la minutie du chirurgien elle avait glissé le papier dans une enveloppe. Elle reconnaissait maintenant que c’était le hasard et son manque habituel d’attention qui avait tout commencé, en écrivant l’adresse inscrite au dos sans chercher à savoir si elle connaissait l’expéditeur. Après tout, il l’appelait bien Cécile !

Elle poussa un soupir en repensant à la timide lettre de réponse que lui avait envoyé l’inconnu en s’excusant de s’être trompée d’adresse et en la remerciant car c’était comme elle une de ses premières lettres. Les adolescents ne correspondaient plus sous la plume depuis bien trop longtemps. Ils avaient décidé de poursuivre cet échange en découvrant qu’ils n’avaient qu’un an d’écart. Qu’elle avait aimé lui écrire ! Elle décrivait son quotidien et ce qu’elle avait changé des semaines précédentes et il lui répondait avec humour que le sien y ressemblait de trop près. Ils sentaient tout d’eux la société les enfermer dans un model où la liberté n’était plus de mise et ils rêvaient de tout ce qui leur était enlevé et des choses trop belles et inapprochables qui sont toujours pour les autres. Elle lui avait raconté en détail comme était sa chambre et il lui avait envoyé le dessin qu’il en avait fait. Elle était heureuse mais était devenue dépendante des mots sans réellement s’en rendre compte. Lorsque la lettre avait un quelconque retard, elle s’inquiétait, se demandant s’il était arrivé quelque chose à son ami. Puis tout avait changé, au fur et à mesure, les lettres étaient devenues plus personnelles, plus intimes. Ils se parlaient tout d’eux à cœur ouvert, sentant la pleine sincérité et la confiance de l’autre. Les sujets banals avaient rapidement laissé place à des conseils en amour, des confessions couchées sur feuille blanche. Elle avait commencé avec audace à lui dire qu’elle l’aimait bien, qu’elle affectionnait plus que tout cette correspondance hors du commun. Puis ses petites marques d’affections avaient été rendues par le jeune homme qui sur une pleine page n’y avait écrit que quelques lignes.

Ma Cécile.
Je t’aime à la folie.
Celui dont tu as volé le cœur, ton Mathieu

Elle avait rougis jusqu’aux oreilles en lisant ces mots mais rien ne lui avait empêcher de dire à son tour qu’elle était fou de lui, qu’elle voulait le voir. Cela faisait déjà plusieurs semaines qu’elle se demandait si un jour elle oserait lui demander de se rencontrer et ces brûlantes révélations l’avaient décidée. Il avait tardé à répondre et elle avait été comblée de regrets, pensant qu’il ne l’aimait plus, qu’elle allait bien trop vite. Mais après trois semaines un colis arriva chez elle et elle l’ouvrit, tremblante d’excitation. Il contenait un fin bracelet de perles bleu-gris avec des petites décorations argentées. Sur la plus grosse était gravée en petites lettres attachées :
« Un amour sans fin, un cœur à cœur profond ».

Elle s’assit sur le petit canapé du salon pendant que de pures larmes de joie tombaient de ses yeux. Elle serra le paquet contre elle et remarqua un petit papier blanc qui trainait dans la boîte. Elle le prit entre le pouce et l’index et déplia le petit mot.
« Rendez-vous le samedi 5 octobre, devant le parc St Mitre à 10 h. N’oublie pas ton bracelet, je viendrais te prendre la main. C’est une promesse. »
Elle ne se demanda pas si elle irait où non, il n’y avait pas besoin. Sa volonté de le voir n’avait cessé de grandir en elle durant ces mois en même temps que son amour et cette lettre grandissait encore ces sentiments qui déjà l’emplissaient de toute part. Elle se leva et commença d’ores et déjà à préparer ce qu’elle emporterait ce jour-là et les vêtements qu’elle mettrait, le lendemain. Le samedi, elle prit le bus vers neuf heures trente et à dix heure pile elle était devant le lieu du rendez-vous. Elle n’attendit pas longtemps, un garçon brun lui fit signe à l’autre bout de la rue et rit en voyant la robe qu’elle avait décidé de mettre. Il y était écrit en lettres d’or sur le tissus blanc : « Mon admirateur secret m’a déjà pris mon cœur ! ». Il commença à marcher sur le passage piéton mais le chapeau de Cécile s’envola sur la route et il entreprit d’aller le récupérer. Elle cria que ce n’avait aucune importance mais lui répliqua qu’il insistait. Il marcha jusqu’à lui et regarda sa demoiselle. Celle-ci semblait pétrifiée, elle voulait ouvrir les lèvres pour le prévenir mais aucun son ne sortait de sa bouche. Un camion filait sur la route, sur Mathieu. Le chauffeur voulut freiner mais la distance n’était pas suffisante et il percuta violemment l’adolescent. Il s’arrêta plus loin et Cécile courut à sa rencontre d’une démarche que la peur de ce qu’elle allait découvrit rendait tremblotante et les larmes commencèrent à couler de ses yeux noirs de mascara.

Elle tomba à terre devant la profonde violence de la scène dont ses yeux n’oublieraient jamais l’éclat. Elle avança encore, les genoux meurtris par le béton et fini par poser ses mains sur un corps recouvert d’un liquide chaud rouge pétant. Rapidement, sa robe, ses mains et ses jambes se teintèrent de cette infâme couleur pendant qu’elle essayait de chercher le visage de son bien-aimé en essuyant le sang sur ses vêtements. Elle la trouva, meurtrie mais presque intacte s’il n’y avait pas eu ce rouge qui coulait de ces tempes, elle pressa le pou puis embrassa les lèvres et les yeux s’entrouvrirent un peu tandis que des mots déchirants sortaient de sa bouche.

« Je n’ai.. pas pu te prendre la main, tu me détestes hein ? Je n’ai pas… tenu ma promesse. Je voulais tant… Je t’… »

Cécile sentit les dernières forces abandonner le corps mais quelque chose en elle se refusait encore à l’avouer. NON ! IL NE POUVAIT PAS MOU… ! IL N’AVAIT PAS LE DROIT ! Elle sentit sa tête tourner et ses oreilles siffler puis ce fut le noir complet.

La jeune fille se recroqueville sur son lit dans la position du fœtus. L’oreiller étouffe ses cris mais de petits bruits s’échappent par la fenêtre où la pluie tombe encore, monotone, douloureuse sur le toit et toujours le vent frappe les vitres de cette chambre où une amoureuse fait son deuil au lit. La pluie cesse soudain de couler et une éclaircie perce dans le ciel, un rayon entrant dans la petite pièce exiguë. La pluie peut toujours recommencer à couler mais derrière les nuages se cachent le soleil et le ciel bleu qui à tout moment peuvent comme le jour de la première lettre, éclairer de leur lumière ta journée.
Joyce

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Re: Concours Jour 15 - Le 16 Mai 2011

Message par Joyce »

PRÉFACE

Ce paquet de lettres, je l’ai trouvé dans un tiroir de ma nouvelle table de travail. Je suis employé dans un bureau de Poste et l’homme qui occupait cet emplacement avant moi était, à ce que l’on dit, une personne lettrée. Il a oublié derrière lui ces papiers qu’il a rassemblés, certains sont fantaisistes, quelques uns très longs et d’autres lapidaires mais tous sont adressés à de grands auteurs ou à leurs proches aujourd’hui décédés. Sur les enveloppes, les vieilles adresses ne correspondent qu’à des maisons depuis longtemps détruites ou dont les rues ont été renommées. Les destinations sont parfois vagues « Pour Rimbaud à Charleville-Mézières » et sur quelques lettres il n’y a qu’un nom parfois mal orthographié : les « Dostoyevki » côtoient les « Beaudelaire » et les « Kerouak ». Quelque fois il y a un beau timbre dont le tarif est encore valable mais sur d’autres on trouve un timbre bancal dessiné au stylo ou au feutre.
J'ai ouvert toutes les lettres, sans exception. J’ai trouvé des dessins, des feuilles froissées, des lettres d’amour et des pamphlets mouillés de larmes. Je ne connais pas les hommes et les femmes qui les ont rédigé mais j’ai décidé de porter certaines à la connaissance du public car toutes, à leur façon, rendent hommage à la littérature et à la portée illimitée qu’elle peut avoir sur l’existence humaine.
NB : Je n’ai modifié que l’orthographe parfois incorrecte.

LETTRE I (adressée à Jack Kerouac)

Cher Kerouac,

Ton livre m’a cueilli dans la fleur de mes vingt ans, j’ai foutu en l’air ma vie sur le goudron des routes où j’ai usé mes semelles, où j’ai usé mes rêves. Ton livre m’a accueilli alors que j’avais tout à attendre du monde, il m’a transporté, il m’a révélé. Au début c’était bien, je courrais à perdre haleine sur les grands chemins, rien n’apaisait ma faim et j’avais peur de rien. Puis, petit à petit, moi j’avais toujours peur de rien, mais tout le monde a commencé à avoir peur de moi. Faut avouer, je courrais plus tellement, je trainais la patte et je portais mon sac à bout de bras, j’avais les cheveux qui grattaient et les fringues qui puaient. Je l’ai payée cher, ma liberté.
Mais pourquoi t’en as pas parlé, de tous ces bas-côtés ? Pourquoi tu m’as laissé croire qu’il était possible de garder les pieds dans la boue et la tête dans les nuages ? Aucune mise en garde contre tous ces mirages ! Et toutes ces personnes que j’aimais, que la route m’a forcée à abandonner ! Cette putain qui serpentait contre moi sans jamais se donner ! Qui es-tu pour semer ces graines stériles et présenter cette eau qui n’étanche pas la soif ? Je n’ai pas d’asile, je n’ai pas de havre de paix ou de point d’ancrage, je n’ai que la certitude que cette route me conduira jusqu’au bout du tunnel. J’ai vu ses lignes blanches et jaunes s’enrouler autour de mon cou et de mes poignets. Tu m’as enfermée.
Alors maintenant je peux t’écouter, tu peux tout me raconter, vraiment. Qui sont les gens que tu as aimés ? Dis-moi à quel point ces chemins que tu parcourais sans frein, tu les as tous haïs. Avoue qu’au bout de la route, il t’est arrivé de te haïr toi-même. Tu as roulé longtemps dans la nuit américaine mais aujourd’hui, tu ne peux t’empêcher de la contempler qu’avec peine. Apprends-moi maintenant, comment vivre sans toi. Apprends-moi à ignorer ta voix. Apprends-moi à oublier la route, coûte que coûte.

LETTRE II (adressée à Blaise Pascal)

Je vous écris à vous

Je vous écris à vous, auteur de Port-Royal ;
Je vous écris à vous, mon compagnon loyal
Pour vous avouer tout votre empire sur moi,
Vos mots peuplent mes jours et leur offrent la joie

Expériences sur le vide, Essai sur les coniques
Et votre Traité du triangle arithmétique
Ou les Provinciales et surtout les Pensées
Tout seul dans mon bureau, je les ai dévoré !


Physicien, inventeur et moi ? Seulement lecteur,
Derrière l’ouvrage qui cache alors mes peurs
J’ai choisi dans vos lignes une source de vie,
J’ai enfoui dans mon corps de trop veines envies.

Mais maintenant ici, sur le lit de ma mort
Je vois ce passé froid qui me crie que j’ai tort,
Pascal est déchiré entre deux infinis
Toute cette douleur je la fuis, je la nie !

Je vous écris à vous, auteur de Port-Royal
Je vous écris à vous, prédicateur fatal
C’est vos livres qui m’ont déclaré une guerre
Qui finit aujourd’hui l’âme enfouie dans la terre.

Lettre III (pour André Gide)

Lettre à Gide écrite au pénitencier de A***

J’espère que cette lettre vous parviendra, où que vous soyez aujourd’hui.
Je suis détenu depuis déjà deux ans, je ne m’étendrais pas sur le sujet car voilà qui n’est pas l’objet de ma lettre. Je m’ennuie beaucoup ici et dès mon arrivée, pour la première fois de ma vie, je me suis mis à lire avec ferveur. Car le temps est long surtout en début de soirée et la bibliothèque de la prison meuble mes heures creuses avec des rêves que ma tête n’aurait pas pu inventer toute seule. Je m’excuse de m’étendre ainsi mais il n’y a pas beaucoup de vivants et encore moins de morts à qui je puisse m’adresser ici. Juste après avoir terminé un ouvrage de Virgile, j’ai trouvé sur une étagère un petit livre qui perdait ses feuillets. C’était les Nourritures Terrestres, je l’ai lu d’une traite sans manger ni même boire, il faut dire que l’image des sources et des grenades rendaient la pitance locale bien fade.
J’ai gardé les pages qui se sont décrochées et je les ai placé sous mon oreiller, je les relis une peu chaque soir en espérant qu’ils peuplent mon sommeil de rêves. Et maintenant cher ami, je n’ai qu’un seul désir : je prie pour que lorsque je sorte d’ici, toutes vos merveilles existent encore.

Lettre IV (adressée à la mère de Rimbaud)

Le 9 février 1998*

Cher Madame,

Je m’appelle Solange et je suis maman de deux garçons, l’un est petit et n’a que quatorze ans mais l’autre commence à grandir et va bientôt fêter ses 19 ans. C’est l’aîné qui m’inquiète, depuis quelque temps j’ai remarqué un changement dans son comportement, lui qui avait débuté des études de droit devient de moins en moins sérieux. Souvent le soir il s’enferme dans sa chambre et je l’y ai aperçu plusieurs fois griffonnant frénétiquement dans un carnet.
Mais ce n’est pas tout, récemment justement il m’annonce qu’il veut cesser ses études et prendre une année sabbatique pour voyager et « parcourir le monde ». Comme vous pouvez l’imaginer je me suis indignée et je lui ai demandé ce qui lui arrivait, il m’a répondu qu’il voulait être poète. Vous pouvez y croire à ça vous ? Si c’est pas malheureux ! Lui, un garçon si charmant, je me demande bien qui a pu lui mettre ces idées dans la tête. J’ai toujours pensé qu’il voulait se marier avec la petite Lise et ouvrir un cabinet en ville.
Enfin, quoi qu’il en soit quand je lui ai demandé ce que j’allais devenir si il partait et devenait vagabond, il m’a répondu de voir ça avec la mère de Rimbaud. Selon mon fils, il semblerai que vous ayez déjà vécu ce genre d’événements c’est pourquoi je m’en remets donc à vous pour trouver une solution.
Merci d’avance pour l’attention que vous me porterez,

Solange Deslapaille.

*Note de l’Editeur : selon toute apparence, la dame qui écrit cette lettre ne sait pas que Mme Rimbaud est morte depuis longtemps et que son fils est l’un des plus grands poètes du XIXème siècle.

Lettre V (adressée à Hemingway)

Monsieur,

Je vous écris de la terrasse d’un café anonyme qui se trouve quelque part sur le chemin qui sépare ma maison de l’hôpital. Je viens justement d’en sortir, de l’hôpital. Je n’y étais pas pour moi, non, mais pour mon père. Il y est décédé ce jour d’une longue et douloureuse maladie. Comprenez qu’en cet instant, je me sens le plus malheureux de tous les hommes. Tellement malheureux que je ne peux m’empêcher de mouiller cette feuille de larmes. Mon père, mon cher papa, c’était presque tout pour moi. C’est lui qui m’a apprit la vie, c’est lui qui me souriait quand j’avais peur la nuit.
Mon père, quand j’étais petit, il venait toujours me mettre au lit. Il s’asseyait à côté de la veilleuse et prenait un livre, toujours le même. Il m’en lisait quelques lignes avant que je m’endorme et chaque jour j’attendais la nuit pour connaître la suite. Il avait cette voix basse et douce, presque caressante qui m’enveloppait dans un sommeil plein de rêves et d’histoires fantastiques.
Aujourd’hui, quand on m’a demandé de récupérer ses affaires, j’ai retrouvé ce livre à son chevet. Il n’avait pas changé, la couverture était juste un peu plus terne et ses pages un peu plus jaunes. La livre a vieilli comme moi. Mais quand je l’ouvre et que je lis quelques mots, je revois le visage de papa qui me sourit derrière ses lunettes rondes. Comprenez qu’en cet instant, je me sens le plus heureux des hommes car son visage est toujours là, imprimé dans mes souvenirs. Et si le chagrin me gagne et si je me sens trop triste, je l’ouvre à nouveau et relis encore quelques pages. Alors la voix se fait entendre, et je redeviens le petit garçon de mon papa.
Je vous dis merci à vous, pour tous ces beaux souvenirs que j’ai de mon père car ce livre, toujours le même, c’est le vieil homme et la mer.

ÉPILOGUE (lettre adressée au lecteur de ce présent ouvrage)

Cher lecteur,

Qui que tu sois, j’espère que tout cela t’amènera à ne jamais oublier le pouvoir des mots et de la littérature. Un seul livre peut changer la face du monde et si les mots peuvent détruire ils peuvent aussi construire et consoler.
Quant à moi je te laisse sur ces observations car je crois bien que j’ai beaucoup de lettres à écrire…

L’Editeur
Maty84

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Re: Concours Jour 18 - Le 19 Mai 2011

Message par Maty84 »

Le vent poussait les nuages chargés de pluie


Le vent qui poussait les nuages chargés de pluie, faisait tourbillonner l’enveloppe sur le trottoir de la rue. Un passant, pantalon et chaussures détrempés, chapeau sur la tête, écharpe autour du cou, se pencha et tendit le bras pour ramasser la lettre. De sa main il la saisit, puis la palpa, l’essuya avec sa manche, la retourna, puis l’enfouit dans sa poche. Il remonta son col près de son visage et repartit de son pas pressé sous l’averse.
La lettre dans sa poche semblait l’emmener, le tirer de façon irréversible vers l’horizon de la rue, vers d’autres avenues, vers d’autres boulevards.
Au bout de cette longue et étrange marche, il pénétra dans un café. Chaises et tables de bois foncé, banquettes de moleskine verte se disputaient l’espace imprégné par l’odeur de tabac froid. Il s’approcha du comptoir et commanda un verre de vin blanc au patron.

Assis sous l’affiche du Moulin Rouge, reproduction de celle crée par Toulouse Lautrec, il observait les clients. Les conversations s’effilochaient. Il se prit à rêver :

Les tours de Notre Dame sont des voiles dans l’azur palpitant, « les toits de Paris, une mer, des cheminées, des mâts… l’horizon est de vapeur ; le ciel est bleu comme une blouse neuve ». Les feuillages troués bercent lentement leurs palmes, les ombres se meuvent sur les trottoirs emplis de poussières de soleil. L’heure est lente, « la mesure du temps tinte aux cloisons des tempes », tout mène à boire l’absinthe.

Par-dessus la table de marbre ronde s’envolent, se croisent phrases et mots et pensées vagabondes de trois jeunes poètes au front ténébreux et aux yeux pleins d’éclairs lumineux.

Verlaine soupire :
- « Que n’émigrons-nous vers d’autres Palaiseaux ! » « La lune » y « est rouge au brumeux horizon. »

Nouveau l’interrompt :
- Il vaut mieux « les vents et la mer orageuse » pour voguer vers l’Orient. Imaginez : des femmes langoureuses étendues nonchalantes, sur des couches de soie. Murmure des fontaines. Tapis turcs jonchant le sol. Une vague lueur filtre à travers les claustras et auréolent les chevelures ondulantes. « L’esclave aux yeux voluptueux met sur un meuble bas, la carafe en cristal où se trouve le flot brumeux de l’araki ».

Rimbaud intervient à son tour :
- L’appel du lointain me laisse songeur. Je me souviens de « ces bons soirs de septembre où je sentais des gouttes de rosée à mon front comme un vin de vigueur » alors que je sillonnais la campagne de Charleville. Aussi « par les soirs bleus d’été, j’irai » encore « dans les sentiers… et j’irai loin, bien loin comme un bohémien par la nature, heureux comme avec une femme ». Mais je soutiens cependant qu’il faut goûter aussi d’autres alcools, s’enivrer à d’autres fragrances, rayonner en de vastes espaces. Des noms brillent à ma pensée : Aden, les ports de la mer Rouge, Harar, l’Abyssinie…

Les vapeurs de liqueur, les parfums d’anis et d’angélique les enfièvrent peu à peu, le verbe devient plus haut et s’anime.

Soudain l’un d’eux se lève, tribun gesticulant, et s’adresse vivement au flot de passants médusés : « Passez gais voyageurs » « ensemble nous viendrons voguer au même bord, et nous nous trouverons ensemble dans » les ports de Zanzibar, de Panama ou encore du Japon. Ecoutez-moi : de ce pas, allez « d’un bout du monde à l’autre bout… »

La voix du cafetier le fit revenir à la réalité :
- Monsieur, vous désirez autre chose ?
- La même chose, Patron.
Il chercha son portefeuille. L’enveloppe se rappela à lui. Il la sortit de sa poche. L’observa attentivement, la palpa. Elle était encore humide et comportait des traces de boue. Il la déchira et pris connaissance de la missive :


Cher inconnu



Es – tu l’homme à l’imperméable que je cherchais sur terre, toi l’homme prêt à t’envoler dans les rêves gris des affiches placardées sur les murs, prêt à imaginer des volcans sur les photos carrées des vitrines, et à créer des bouquets de fleurs destinés à orner les canons de l’armée française quand ils défilent sur les champs Elysées ?
Est- ce toi qui sais réaliser le plus beau nœud de cravate assortie à ta veste, et qui attire tous les regards des femmes ?
Est-ce encore toi qui aligneras artistiquement les épingles à linge bleues et orange sur le séchoir parce que tu trouves qu’elles forment un décor idéal pour la pièce à vivre ?
Seras- tu le couturier qui muni d’un dé à coudre, d’une aiguille, de fil et de ciseaux architecturera la robe couleur du temps de ta princesse ? Alors des fermetures éclair tu mettras ainsi que des épingles de sûreté par- ci par- là.
Enfin, mystérieux lecteur, comme tu l’as compris, je cherche le poète fantasque, qui de rien, habille la planète, et qui transforme le monde en un univers de fantaisie et d’humour.

Plein d’espoir, je souhaite avoir trouvé en toi cet homme, et pour cela te demande d’accepter mes pensées les plus surréalistes et mon amitié la plus débridée.

Bien à toi


L’homme à l’imperméable, replia la lettre, la remis dans sa poche, se leva, paya, et s’éloigna sous la pluie, des idées d’écriture plein la tête.
Manfredi

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Re: Concours Jour 19 - Le 20 Mai 2011

Message par Manfredi »

Cher inconnu, vous avez cueilli ma lettre déposée
Sur le banc, ou au pied du rosier, aucune importance,
Dans un coin de verdure, qui s'est avéré, pour la circonstance,
Une boîte aux lettres géante, j'ai osé, je l'ai laissée.
Un rictus ? . Un sourire. Il ne faut jamais désespérer.
Je vous devine bien songeur !...
Rêveries ! : elles nous arrachent des lambeaux du passé
Nous accrochent , troublés, à leurs trames râpées
Imprégnées d'images délavées
Que des souvenirs voudraient raviver.
C'est ainsi que frémissent des vaguelettes dans les cœurs.
Nous croyons, avançons, attendons. Pendant ce temps
La terre tourne constante, dans l'infini consentant,
Laisse les éléments chanter, mélomane
Rugir de désir ou désespoir, son âme,
Dévoile éblouissante, ses trésors légendaires
Audacieuse, voluptueuse, elle aime plaire,
Et nous y jouons, sages ou exaltés
Les comédies qui nous ont hantées.
Construisons allègrement, nos utopies.
Composons, elles nous griserons, nos poésies,
Drapés de mystère, ivres d'incroyances
Notre plume dessinera les mots de nos espérances.
AudreyX

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Re: Dernier jour du Concours - Le 21 Mai 2011

Message par AudreyX »

Conte défait

Lydia,

Lorsque vous tiendrez cette lettre entre vos mains et que vos yeux effleureront mon écriture nous ne serons déjà plus de simples inconnues. Dès lors, vous saurez que j’existe et que j’ai entrepris, une nuit d’été, de vous avouer mon crime : le viol de votre intimité.

J’imagine, du troisième étage de la chambre d’hôtel d’où je vous écris, votre confusion et devine la peur compresser votre si joli visage. Car je conçois que recevoir un tel courrier pourrait vous effrayer. Je n’en ai, moi-même, jamais reçu signée d’une inconnue et suppose que j’aurais peur. Peur, de cette étrangère qui, à mon instar, m’avouerai, la plume tremblante, m’avoir suivi. Une seule fois.

Oui, je vous ai suivi et m’en excuse. Je regrette ma curiosité et de n’avoir pas été capable de rester assise à ma table au moment où vous quittiez le café. Mais l’envie de marcher sur vos pas et de vous suivre à la trace fut insurmontable. À la hâte, je réglai l’addition et me retrouvai derrière vous.
Je me souviens de l’écho de vos talons et de votre robe que vos mouvements de vos hanches faisaient valser d’un coté à l’autre. J’ai, moi aussi, arpenté les artères du centre ville, me suis arrêtée à — l’angle de — la boulangerie, où je vous ai observé choisir deux parts de forêt noire. (Je me suis alors dit que tout chez vous était noir : votre tenue, vos yeux et votre gourmandise.) Puis, j’ai remonté la grande allée qui mène à la gare et ai acheté le même billet que vous, au guichet d’à côté.

Dans le train, je me suis assise deux rangées plus loin. J’aurais souhaité m’asseoir juste derrière vous, mais un couple d’amoureux jouait un air de mandibules, affalé sur les fauteuils. Sans savoir pourquoi, je n’arrivais pas à vous quitter du regard. Et alors que chaque nouvelle station m’offrait la possibilité de mettre fin à ma folie, je ne pouvais me résoudre à vous quitter. Puis le couple est descendu, et je me suis rapprochée. Du siège 21 j’ai regardé l’électricité statique semer le trouble dans votre chevelure, coupée au carré ; senti votre parfum infiltrer mon corps par les narines. Soudain, vous vous êtes levée et votre téléphone est tombé. Sans que vous ne vous en aperceviez, je l’ai ramassé — pour vous le remettre — puis l’idée que je tenais votre vie entre mes mains m’en a dissuadé. Dans cette toute petite chose était enfermée votre vie sociale, vos amis, votre famille, des collègues de bureau et peut-être même un amoureux. Markus.

Le train s’est arrêté. Discrètement, j’ai succédé votre ombre longiligne jusqu’à chez vous, vous ai regardé ouvrir votre boîte aux lettres, puis votre porte d’entrée, avant de vous voir disparaître. Je me suis sentie ridicule, insensée, mal à l’aise, excitée aussi… Je ne trouve pas de mot qui regroupe toutes ces émotions en une seule. J’ai lu un jour que la colère était « une folie passagère ». Je trouve dans cette définition une explication à mon comportement. J’étais, sans m’en rendre compte, en colère après vous et contre toutes ces femmes que l’on siffle dans la rue et qui ne me ressemblent pas. Il y a dans la jalousie cette perpétuelle contradiction entre le désir et la haine, cette envie de posséder ce que l’on aime et déteste à la fois. Postée seule devant votre domicile, j’aurais voulu être ailleurs et à aucun autre endroit à la fois, ne jamais avoir piétiné votre ombre et pourtant satisfaite de l’avoir fait… Ce jour là, mes yeux se sont posés sur vous comme des ventouses et il m’a été impossible de les détacher.

Effrayée à l’idée que vous puissiez me remarquer sans avoir eu le temps de me préparer à notre rencontre, je me suis tapie dans l’ombre, cachée comme une criminelle, un voyeur, un fou.
Les joues rouges et le cœur battant j’ai regagné la gare sous le couché du soleil, avec la ferme intention de rentrer chez moi et d’oublier cette histoire. Et votre téléphone a sonné : Markus vous demandait de le rejoindre à une autre adresse que celle dont vous aviez convenue pour le dîner et vous embrassait… Je me suis alors demandé quel genre d’homme vous aimiez et si vos goûts étaient identiques aux miens. En ville, les magasins étaient sur le point de fermer mais le prix exorbitant d’une robe en vitrine m’octroya les faveurs d’une vendeuse, qui consentit à me laisser entrer. Plus tard, je réglais une chambre d’hôtel pour la nuit, me douchait dans l’effervescence et la ferveur d’un premier rendez-vous et, vers vingt-et-une heures, mes épaules dénudées extirpaient votre amant de sa solitude.

Markus est un homme vraiment charmant. Après vous avoir attendu près d’une heure et appelé plusieurs fois, il s’est résolu à quitter le restaurant. Il s’est dirigé vers le comptoir pour régler un cocktail et nous étions si proche à cet instant que j’ai entendu le dernier message qu’il vous laissait. J’ai presque joui en sentant votre téléphone vibrer dans mon nouveau sac à mains.

Je ne crois pas me tromper en disant que Markus n’est pas venu à côté de moi par hasard. Très courtois, il m’a complimenté sur ma robe et offert un verre. De fil en aiguille nous nous sommes retrouvés dans ma chambre où il a délicatement dégrafé ma robe. J’ai alors senti comme il était bon d’être à votre place, dans les bras et sur le ventre de votre homme. Ma peau s’est hérissée sous ses caresses, mon souffle confondu avec le sien… Je sais que votre rendez-vous manqué n’était pas étranger à son désir : celui de se venger et de vous faire du mal en se faisant du bien. Comme d’autres refont le monde, nous avons fait l’amour toute la nuit. Tout à tour tendre et bestial, Markus m’a fait voir le sexe sous de nouveaux angles. Mais, je ne vous apprends rien, n’est-ce pas ?
J’ai, grâce à vous, passé une nuit délicieuse. Mais, ce matin, je suis heureuse de ne pas être à votre place. Tous ces efforts pour être belle, tout cet argent gaspillé dans de splendides toilettes… Tout cela pour quoi ? Pour être trompée avec une femme de ma trempe, banale, déguisée comme pour une princesse pour s’attirer les faveurs d’un prince sans cœur.

Avec tous mes regrets.

X
PS : Ci-joint votre téléphone portable.
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