Je m'effondrai par terre, le corps tremblant et la vue trouble. Mon cœur tambourinait dans ma poitrine alors que la sueur me coulait le long du dos.
Je fermai les yeux un instant, reprenant mon souffle.
Je n'y arrivai plus. Je ne voyais plus un seul Vaa'ras. Ne sentais plus leur présence, n'entendais même plus leurs murmures.
Je me sentais vide et complètement inutile. J'avais essayé de me concentrer, de les appeler, mais rien à faire. Je m'acharnai pour rien.
Je passai une main tremblante dans mes cheveux et alors, je me mis à pleurer.
Même Nash avait disparut, comme ça, du jour au lendemain. D'habitude, il ne me quittait jamais bien longtemps, et même quand c'était le cas, il me suffisait de l'appeler pour qu'il réapparaisse et se moque de moi.
Mais là... j'avais beau hurler son prénom, l'appeler de toute mes forces, s'était comme frapper contre un mur.
Rien. Il n'était simplement plus là.
Son Maître avait du finir par la rappeler, je ne voyais que ça. Mais il aurait au moins pu me dire au revoir.
Quand il m'était apparut la première fois, j'avais eu une peur bleue, et puis je m'étais faite à sa présence.
Il était parti depuis deux semaines déjà. Le lendemain du jour où j'avais rencontré le Prince.
Pas que j'ignorai que ce jour viendrait. Nash était un Vaa'ras puissant, il ne pouvait pas rester indéfiniment vers moi, mais j'aurais au moins voulut qu'il me le dise.
Ce n'était pas trop demander quand même, si ?
J'entendis des bruits de pas dans le couloir et me redressai, essuyant mes larmes.
Tamar entra, suivit de deux hommes.
— La Reine veux te voir, Naï.
Au début je ne bougeai pas. Pourquoi notre Reine voulait-elle me voir ? Je l'avais vu la veille encore.
Je soupirai avant de me relever.
Je hochai la tête, attrapai ma veste et les suivaient.
Tamar resta à côté de moi, le dos droit, la main posée sur la garde de son épée. Même au Palais, il ne s'en séparait jamais.
Il me jeta un coup d'œil.
— Tu as mauvaise mine, souffla-t-il.
Tam était un des seuls de mes hommes à savoir qui j'étais vraiment. Une femme. Tous les autres pensaient que j'étais un homme. Normal, quand j'étais ici et comme maintenant, j'étais vêtue ainsi.
Je me sentais mieux habillée en homme quand femme, comme cette fameuse soirée.
Je plissai les yeux et regardai autour de moi.
Rien.
Pas la moindre âme.
Je soupirai alors que les hommes nous laissaient à l'entrée de la salle de trône et que Tam et moi entrions.
Zaara'nar se tenait sur son trône, les mains croisées sur ses jambes.
Comme toujours, je ne pu m'empêcher de la fixer. Si les Dieux existaient vraiment, alors voilà ce qu'Ils avaient fait de plus beau.
Elle.
Il n'y avait rien de plus parfait, de plus beau, de plus prestigieux que cette femme. Elle dégageait tellement de chose que parfois, s'en était trop pour nos yeux, nos cœurs.
Aujourd'hui, elle avait optée pour une robe rouge sang bouffante. Elle avait tressée ses cheveux et en avait entourée sa tête avec.
Sur ses lèvres, un rouge à lèvre discret.
A côté d'elle, j'avais la sensation de n'être qu'une pauvre paysanne.
Tamar s'inclina devant elle alors que moi, je posai un genou à terre et baissai la tête. Ma loyauté pour elle allait au delà de tout mots.
Elle ne bougea pas, ne dit rien.
Je pouvais sentir son parfum m'envelopper, me bercer.
J'aurais donné ma vie pour ma Reine. Et elle le savait.
— Relève toi... Naï.
Je me figeai instantanément. Elle ne m'appelait ainsi que quand la situation l'exigeait. Je fronçai les sourcils tout en me redressant.
D'habitude, je n'aurais pas eu besoin de mes yeux pour comprendre ce qui se passait, mais là... mes pouvoirs de perceptions avaient disparut, je devais donc analyser la situation. Et je n'aimais pas ça.
Je me rendais compte maintenant à quel point je m'étais reposée sur ce que j'étais. J'avais la sensation d'être une novice, pire même, un nourrisson.
La Reine avait les yeux rivés sur moi, comme pour me mettre en garde.
Je n'aimais pas ça.
Dans ma tête, instinctivement, j'appelais Nash, et bien sur, il n'apparut pas.
— Voici donc celui dont tout le monde parle, ma Reine ?
Mon souffle se bloqua dans ma gorge.
Je me retournai.
Merde.
Le Prince Keelan ainsi que mon frère, Noara'an se tenaient là, à l'entrée. J'étais tellement surprise que j'en oubliai les convenances. Je fini par m'incliner.
Noara m'avait reconnu, je n'en doutais pas. Je me souvenais de sa promesse de me retrouver et de me prendre Nash.
Quand à Keelan... je n'avais simplement pas osé le regarder dans les yeux. Notre première rencontre était encore gravée dans ma mémoire.
Si je le regardai, si je lui laissai le temps de m'observer, il me reconnaitrait. Il m'avait déjà démasquée quand j'étais vraiment moi, alors là...
Tamar dû sentir que quelque chose n'allait pas, il se tourna vers Zaara'nar :
— Les nouvelles recrues nous attendent, ma Reine, pouvons nous y aller ? De plus, Sieur Naï à vraiment besoin de se changer...
Je l'aurais frappé, mais je me retins.
Zaara'nar hocha la tête et sans attendre, je partais, passant le plus loin possible des deux là.
Bon sang, mais qu'est-ce qu'ils faisaient ici ?! Et pourquoi n'avais-je pas été avertie ?
Dans le couloir, je frappai le mur de mon poings.
— Qu'est-ce qui se passe, Naï ?
Il y avait du monde autour de nous. J'attrapai Tamar et le poussai dans une salle déserte.
— Le Prince... le Prince sait ce que je suis. Une femme qui voit.
Mon corps tremblait. Et pas de fatigue. Mais d'une peur sourde. En avait-il parlé à Noara'an ? Au Roi ?
Tam fronça les sourcils.
— Et là, il ta reconnu aussi ?
Je secouai la tête, frustrée :
— Je n'en sais rien ! Bon sang !
J'agrippai mes cheveux.
J'avais envie de tout casser, de prendre le Prince et de le jeter dans les cachots.
Je n'aurais jamais du accepter de me faire passer pour la nièce de notre Reine. Ainsi, je n'aurais jamais rencontré le Prince et Nash ne serait peut-être pas parti.
Je m'affalai par terre, contre le mur.
— Rien ne va plus, Tam. Je...
Je fermai les yeux, mon cœur battant furieusement.
— Je ne vois plus.
Je ne vis pas sa surprise. Je me mordais la lèvre. Sans mon pouvoir de voir, je n'étais plus rien. Si j'étais à la tête des armées de Zaara'nar ce n'était pas parce que j'étais une bonne combattante, loin de là. Alors maintenant... sans ça, qu'est-ce que j'allais devenir ?
Petite, perdre mes pouvoirs auraient été un immense soulagement, mais plus maintenant...
Non.
— Ce n'est peut-être qu'une mauvaise passe.
Même lui ne semblait pas convaincu.
Et merde !
Je me relevai.
— Occupe toi des nouvelles recrues.
Et je le plantais là.
Je prenais la direction de mes appartements, saluant à peine mes hommes.
Une fois à l'intérieur, et sûre d'être seule, je me déshabillai, retirai le bandage qui retenait ma poitrine et prenais une longue douche.
L'eau sur mon corps me fit un bien fou et j'y restais presque une heure.
Mais je savais que je ne pouvais pas éviter le Prince et mon frère. Je me devais d'être auprès de ma Reine. J'ignorai pourquoi ces deux là étaient là, mais je ne doutai pas un seul instant qu'il y avait une raison bien précise.
Je ne voulais pas croire que le Prince Keelan voulait attenter à la vie de Zaara'nar, sa mère ne l'aurait pas permis, mais ça mère n'était que la Reine. Là était tout le problème. J'ignorai les intentions du Roi. Je savais juste que pour lui, notre Reine représentait une menace. S'il avait pu, il l'aurait déjà fait tuer. Enfin, s'était ce qu'il pensait.
Je m'enroulai autour d'une serviette, essuyai mes cheveux et enfilai mon uniforme.
Même si le Prince me reconnaissait, il ne pourrait rien contre moi. Une attaque ici serait complètement vaine et stupide, au passage.
J'attrapai ma longue épée et allai retrouver la Reine.
Je devais lui demander pourquoi ces deux hommes se trouvaient ici.
Je les retrouvaient dans les jardins.
Le Prince Keelan se tenait debout, le regard levé vers un arbre.
Noara'an était assit face à Zaara'nar et l'entretenait d'un sujet qui semblait la faire rire.
Pour une fois, je ne percevais pas les Vaa'ras qui l'accompagnaient, je ne ressentais même pas leurs présences.
Je remarquai plusieurs gardes présents qui attendaient un seul geste suspect de la part de nos deux invités pour attaquer.
Je souri. C'était de très bons hommes.
Le Prince fut le premier à me voir arriver. Un sourire dévastateur étira ses lèvres.
Mon cœur bondit; je me serais giflée.
— Naï, le Prince voudrait voir notre cité et je ne vois que vous pour vous acquitter de cette mission.
J'aurais voulu dire à la Reine que s'était une très, très mauvaise idée. Mais devant eux, impossible.
Je sifflai et une dizaine de gardes arrivèrent. Je leur donnai pour ordre de ne quitter la Reine sous aucun prétexte et qu'au moindre signe de la part de mon frère, ils pouvaient le tuer.
Cela fit sourire Keelan, mais il ne dit rien.
Je lui fis signe de me suivre, ce qu'il fit sans un mot.
Nous traversâmes les jardins dans un silence de plomb. Je n'avais pas besoin de lui faire la conversation. Mais il finit par briser le silence.
— Je dois dire que je vous préférai en robe, Emika.
La seconde d'après, la lame de mon épée reposait sur la peau de son cou.
— Je n'ai aucun scrupule à tuer un Prince.
Il se mit à rire.
— C'est de votre faute si je suis ici, Emika. Il ne fallait pas tenter le diable.
Ses magnifiques cheveux violets se mirent à onduler alors qu'il n'y avait pas de vent.
— Ce sont mes pouvoirs qui vous intéressent, n'est-ce pas ? Après tout, ne suis-je pas la première femme de toute l'histoire à... voir ?
Je rageai. Pendant un moment, un très court moment, alors que nous dansions, j'avais cru que... je secouai la tête. Une idiote. Je n'étais qu'une pauvre idiote.
— Vous ignorez tout de vous même, n'est-ce pas ?
Il s'avançait, se fichant que je puisse le blesser.
— A... Arrêtez.
Soudain, trop rapide pour moi, sa main serra mon cou.
Mon épée tomba par terre. J'agrippai ses avants bras :
— Emika...
Il y eut une explosion de pouvoir autour de nous et alors, aussi radicalement que j'avais perdu ma perception, je pu voir de nouveau.
Comme la dernière fois, les liens du Prince formaient une toile et des milliers d'ombres l'entouraient.
Je remarquai qu'un des liens partaient en direction de l'endroit où nous venions de quitter Noara'an et Zaara'nar.
Qu'est-ce que...
Mes yeux s'écarquillèrent. Comment... Comment était-ce possible ?!
— Allons petite Daya'an, il ne fait pas tenter le diable... c'est mauvais pour toi.
Nash.
Il apparut aux côtés du Prince et sa vu me stupéfia. Il avait... changé. Son aura était plus... puissante, plus claire aussi.
Sur son visage, un masque comme je n'en avais jamais vu. Il ouvrit les yeux et me regarda :
— Je suis le seul que tu dois tenter.
Il posa une main sur l'épaule du Prince et tout disparut...
Elle en avait tuée déjà tellement que je ne pouvais plus les compter. Elle était pire que cent chasseurs réunit, pire qu'une armée complète de vampires.
En la voyant ainsi, il était difficile de la prendre au sérieux.
Si fragile, si douce, si... belle.
Mais en même temps, dangereuse, effrayante et... terrible.
Le Petit Chaperon Rouge.
Cela me fit sourire.
Quelle idée de lui donner un tel nom... stupide, mais... mignon.
Ici, dans cette forêt, elle était notre plus grande ennemie.
La plupart l'appelait la Faucheuse Rouge. Ca lui allait tellement bien.
Doucement, je m'avançai alors qu'elle dormait contre un arbre.
La Pleine Lune était encore loin. Elle savait donc qu'elle n'avait rien à craindre. Surtout que d'ordinaire, aucun de nous ne s'aventurait dans cette partie de la forêt.
Je m'agenouillai à ses côtés.
Son ventre se soulevait au rythme de sa respiration. Elle sentait bon. S'était... enivrant.
Je levai une main et caressai ses boucles.
Il était dur d'imaginer que c'était une guerrière. Dur d'imaginer que je devais la tuer pour la sauvegarde de mon peuple.
Mais je n'avais pas le choix. Parce qu'elle, elle n'aurait eu aucun scrupule à me tuer, ici et maintenant.
Alors doucement, presque à contre cœur, je levais la main qui tenais mon couteau.
Elle ne souffrirait pas. Elle partirait dans son sommeil, ne se doutant jamais de ce qui lui était arrivé. Et c'était bien mieux comme ça. Parce qu'après tout, ce n'était qu'une gamine.
Je soupirai.
Sweet dreams...
La lame siffla dans l'air...