Poétique et horrifiant, doux et violent, musical et tranchant : il y a tant de façon pour décrire cette histoire et en choisir un seul ne lui ferait aucunement justice. Il faut cependant faire la mention des différents triggers warnings/avertissements de continue dont il est questions :
agressions sexuelles, violence, abus physiques et psychologiques, kidnapping, torture, suicide, mort, pédophilie
. Si ce sont des sujets qui vous touchent, j'éviterai cet ouvrage.
L'autrice nous fait voyager au sein de l'Argentine, de la ville à la pampa, sous le régime totalitaire et sous les révoltes. On découvre une histoire de famille, une famille douce et violente, terrible même. Ses membres font subir et subissent cette violence, s'en nourrissent jusqu'à ce qu'ils en pourrissent. Le pouvoir tue tandis que l'argent permet de survivre.
Cette notion de famille commence avec Gaspar et son père, Juan. Un homme malade, mais puissant, doux et violent, surtout avec son fils, qui grandit en déchiffrant ses humeurs, en l'aimant autant qu'il le déteste. Il grandit sans comprendre pourquoi une telle colère, pourquoi une telle violence, surtout à son égard. Juan lui espère qu'il ne comprendra jamais.
On suit plusieurs points de vue et ce n'est pas toujours évident à comprendre, car la plume de l'autrice est unique et belle, aussi crue que poétique et si les descriptions sont parfois longues, du dialogue se cache dans ces longs pavés. Il est facile de s'attacher à ces personnages, à Juan, si malade et faible, mais fort et détestable, à Gaspar, perdu au milieu du chaos, qui ne demande qu'à aimer et être aimé, mais qui finit par être détruit par l'amour qui lui a voué. On comprend Rosario et Stephen, leur amour et loyauté envers Juan, plus encore que leur famille, leur sang, cet amour à son égard et cette tendresse envers l'un l'autre. Puis, on croise le chemin de Tali, que l'on ne voit que trop peu et méritait beaucoup plus. Et les amies de Gaspar : Pablo, Vicky, Adela. Souder par les tragédies et les fantômes, séparer par la terreur et les horreurs. Luis, cet oncle si compréhensible, subissant la colère et tristesse de son neveu.
Puis, il y a les autres, qui sont viles et détestables. Et il y a l'Obscurité. Elle reste une ombre qu'on effleure à peine, qui mange quand elle a faim et reste à proximité en attendant son heure. Sa légende et les mythes l'entourant restent encore assez nébuleux pour moi, tandis que son repère est particulièrement dégoûtant.
L'autrice sait manier sa plume et sa chronologie avec talent, le passé influe sur le présent subtilement, de façon terrible et lorsque l'on clôt le livre, on ne peut s'empêcher de s'interroger sur cette boucle qui semble se répéter malgré tout. Je me dois de mentionner les poètes et divers vers, cité çà et là dans le roman et avoir retrouvé ceux de Yeats avec un grand plaisir. J'ai adoré que la musique ait une telle importance également, ainsi que de découvrir une autrice et un univers qui m'était jusqu'alors inconnu et j'en ressors encore un peu confuse, incertaine de comment interpréter cette fin.