« Le visage se voit, mais non pas le cœur. » Proverbe colombien
Sunshine
Move On Up
That’s My Girl
Identité :
Comme si ç’eut été une évidence mystique, aussi mystique que ma beauté – je plaisante –, mes parents m’ont appelé Naël Axel Arcangel Yago. J’admets que Yago est une composante étonnante de cet enchaînement, dont la dernière syllabe de chaque prénom rime, sauf la sienne, mais s’il y est apparu en tant que chaînon légitime, c’est parce que mon grand-père paternel se prénommait Yago, mon père ayant décidé que j’en hériterai. En résumé, j’étais déjà nommé avant d’être né. Jamais mes parents ne se sont-ils un seul instant inquiétés du genre des prénoms qu’ils m’ont choisis, les deux premiers étant mixtes et les deux derniers masculins. Je crois que peu leur importait : si j’avais été une fille, ils m’auraient aussi appelé Naël Axelle Arcangel Yago. Dans tous les cas, ils m’auraient appelé ainsi, que je l’aie voulu ou non, car on ne se donne pas à soi-même un ou des prénoms, excepté si on le ou les change une fois adulte.
Mon nom succédant à cette déferlante de prénoms est Hazel, et en raison de la longueur de l’ensemble, on m’appelle uniquement Naël Hazel, mais mon père me surnommait Archy, quand ce n’était pas « petit elfe ». Si le lien entre ce sobriquet et mes prénoms différents les uns des autres ne saute pas aux yeux de prime abord, il n’est pas dénué de sens pour autant : mon père pensait que j’étais essentiellement pareil à un des Archanges, un Archange alors descendu sur Terre et incarné en moi, et c’est pourquoi il a raccourci Arcangel en Archy. Etant un jeune Colombien de dix-sept ans, il était sûr et certain qu’on m’attribuerait plusieurs prénoms, ce qui n’a pas manqué d’arriver de la part de Colombiens catholiques de pure souche, chez qui les racines, les traditions et la culture hispaniques sont profondément ancrées et fondamentales.
D’après mon père, Naël signifie « celui dont le travail est fructueux » en langue arabe, et « Dieu a donné » en hébreu diminué. Enfin, mon patronyme est donc Hazel, parce que tous les membres de la famille féerique de mon père avaient les yeux noisette. On n’aurait pas pu faire plus original.
Histoire :
Je n’ai pas vécu à l’abri, ni au sein d’un cocon familial protecteur, ni dans une bulle de savon, qui a éclaté dès la fraction de seconde où j’ai ouvert les yeux sur ce qui m’entourait pour la toute première fois, parce qu’une paire d’yeux s’est ouverte ce jour-là, tandis qu’une autre se refermait définitivement au même instant : ma mère est morte en me donnant la vie, ma mère qui était humaine et de constitution pourtant robuste, et n’a pu être sauvée par mon père, malgré l’usage de sa magie et de ses puissants pouvoirs de guérison sur elle, pour la maintenir vivante. L’accouchement a fatalement eu raison d’elle alors qu’elle y a succombé pendant que mon père me tirait hors d’elle en se démenant. Ma mère… Je ne l’ai jamais connue. A chaque respiration, je me souviens, je me remémore que j’ai tué ma mère, car la vérité est que je l’ai tuée en naissant, ce avec quoi je vis constamment, et qui hante et torture mon existence à raison. Ma pauvre mère n’est pas décédée, non, je l’ai assassinée, et peut-être que la douleur de la faute commise, un crime, et de la perte, s’est atténuée au fil des années, il n’empêche qu’elle demeure bien présente, là, enfouie au plus profond de moi, de mon être, de ce que je suis, et qu’elle n’en disparaîtra jamais, parce que jamais elle ne s’effacera, parce que jamais je ne pourrai l’oublier. Son absence est un manque diffus, qui se fait cruellement ressentir, et sans l’occulter ni me voiler la face, j’avance droit devant moi en me forçant à ne pas regarder en arrière, mais vers l’avenir, en hommage à la femme qui s’est battue pour moi, jusqu’à rendre son dernier souffle. Par ailleurs, ce n’est pas entre quatre murs blancs, immaculés, que j’ai pointé le bout de mon minuscule nez retroussé, mais au beau milieu de débris de bois.
Mon père faisait partie de la famille Hazel, un clan de fées et uniquement composé de fées, qui étaient les propriétaires d’une grande ferme et des terres alentours qui la bordaient, la ferme étant située non loin de la lisière de la forêt amazonienne, à la frontière vénézuélienne de la Colombie, à l’est de son territoire. Il n’y avait personne rôdant dans ce coin-là, désert, car personne, aucun humain notamment, n’osait s’aventurer par ici, dans cet endroit dont la forêt amazonienne est la voisine, redoutée et crainte de tout temps. De ce côté, le front pionnier colombien n’avait pas lieu de s’y frayer un chemin ni intérêt, parce que la frontière du pays partagée avec le Venezuela ne pouvait être franchie en son âme et conscience, sous peine de déclencher une guerre entre les deux Etats, en conflit depuis des dizaines d’années. C’était pourquoi le clan Hazel y coulait des jours heureux, tranquilles, et vivait sur la base de ses récoltes, car ses membres cultivaient la multitude d’hectares qui leur appartenaient, se nourrissant exclusivement de céréales, de féculents, de fruits et de légumes locaux. La ferme, loin de prospérer, était parfaitement entretenue, le clan ne commerçant avec personne et évoluant en petite autarcie sans en être inquiété d’une quelconque façon, jusqu’à ce qu’un jour, mon père allant sur ses dix-neuf ans, le clan ne se fasse subitement décimer. En effet, des rebelles vénézuéliens fuyant les représailles de leur gouvernement ont traversé la frontière en passant par la forêt amazonienne, et se sont retrouvés à proximité de la ferme des Hazel, ferme qu’ils ont subitement attaquée, la retournant sens dessus dessous, la pillant puis la détruisant sans aucun scrupule, avant de massacrer un par un les membres du clan, sous les yeux de mon père, qui fut impuissant et assista au carnage exécuté, l’endurant bravement jusqu’au bout. Les rebelles vénézuéliens lui apprirent que ça faisait plusieurs jours qu’ils se tapissaient dans la forêt et avaient observé le clan agir, ayant remarqué et compris qu’ils n’étaient pas des êtres ordinaires, et ils épargnèrent mon père, le plus jeune de la famille, pour pouvoir le faire chanter en menaçant sa vie afin qu’il se serve de ses pouvoirs pour que les cultures se développent plus rapidement à des fins commerciales, parce que le but était de les proposer sur le marché et de s’enrichir.
Pendant deux ans, la ferme resta en ruines, deux longues années, interminables, durant lesquelles mon père faisait ce que le groupe de rebelles voulait qu’il fasse, pieds et poings liés à lui, sous son joug, à sa merci, cultivant pour lui ses anciennes terres désormais, puisqu’elles étaient dominées, sous le contrôle d’humains cupides, avides d’argent, qu’ils amassaient allègrement, jusqu’à ce que ce cercle de rapaces, qui s’absentaient régulièrement en laissant toujours deux ou trois d’entre eux à la ferme dans l’optique de surveiller mon père réduit en esclavage, ne revinrent plus se poser à la ferme ; ceux qui suivaient mon père comme son ombre l’abandonnèrent à leur tour. Le groupe s’était certainement fait mortellement piéger par un autre, mon père n’en sut jamais rien, toujours était-il qu’au début, il n’y crut pas, se demandant où est-ce que ces hommes avaient pu aller en délaissant ce qui était leur butin, mais, n’attendant pas leur éventuel retour, mon père en profita pour s’enfuir et marcha le long de la frontière, jusqu’à parvenir à un village, où il s’installa après s’y être présenté. En bordure de ce même village, il commença à y construire une ferme de ses propres mains, par ses propres moyens, maigres. Quelques mois plus tard, il rencontra la fille de ses voisins les plus proches, ma mère. Ils se croisèrent, se côtoyèrent, se fréquentèrent et tombèrent amoureux l’un de l’autre, simplement. Ma mère fut enceinte tôt, avant que mon père ne lui ait révélé sa nature, celle de fée, et lui ait fait savoir qu’ils auraient un elfe, moi, ce qui, selon les dires de mon père, avait enchanté ma mère, ravie par la nouvelle. Ensemble, ils ont continué à bâtir la ferme à quatre mains cette fois, jusqu’à ce que ma mère ne puisse plus bouger, immobilisée à cause de son ventre proéminent, lorsque survint ma naissance. Le village se localisait en marge de la ville, à des centaines de kilomètres, et éloigné de la sorte du centre de décision et des infrastructures sanitaires, scolaires et de transports, il n’y avait strictement rien dans ce village qui aurait pu délivrer ma mère de son mal, si ce n’étaient les pouvoirs de mon père, qui me tenait dans ses bras en pleurant sur elle. Il a eu beau tenter de me convaincre depuis que je ne suis en rien responsable, rien n’y a fait, je ne peux pas m’en persuader et m’en blâme, m’en fustigeant continuellement.
La ferme n’était pas encore entièrement sur pied quand je suis né, et mon père m’a élevé seul, en même temps que la ferme prenait forme. J’ai grandi dans un environnement naturel et par conséquent difficile à appréhender. J’étais vif et turbulent, imaginatif et créatif, mais docile, car j’avais à cœur d’aider mon père du mieux que je le pouvais, avec force et courage, refusant d’être un fardeau, étant déjà ce cadeau empoisonné qui lui avait repris sa compagne. Dès que je fus en âge de parler et de m’exprimer correctement, mon père m’expliqua ce que j’étais, élucidant cette question existentielle qu’était celle concernant mes oreilles : « Dis, Papa, pourquoi est-ce que j’ai de drôles d’oreilles pointues ? » et pour ce faire, il me raconta ce qui s’était passé sans rien omettre. Je le compris grâce à l’intelligence hors norme dont je suis doté, ce qui me blessa irrémédiablement. Tous les jours, c’était la même routine, la même rengaine, mes journées se ressemblant inlassablement : je labourais la parcelle de terre qui était à mon père, y traçais des sillons, y semais les graines, refermais les trous, puis rassemblais les fruits de nos récoltes, qu’on gardait pour quelques-unes et revendait pour les autres à bas prix aux habitants du village, qui étaient généreux avec nous. Je ramassais du bois, le coupais et le taillais, et soit alimentait-il le feu, soit correspondait-il à la matière qu’on érigeait en maisonnée. Mon père et moi ne mangions pas beaucoup, parce que ni l’un ni l’autre n’avions de gros estomacs ou excessivement faim, ce dont on ne se plaignait pas, ne me plaignant jamais de rien. Néanmoins, en dépit de ces corvées harassantes, j’étais heureux, car j’étais avec mon père et que je n’avais besoin que de lui : je n’allais pas à l’école, et ne la connaissais pas.
A partir de mes huit ans, mon père, qui s’absentait parfois, m’emmena là où il se rendait secrètement, dans la forêt amazonienne. Là-bas, on y cueillait des fruits, des plantes médicinales et autres, et c’est là-bas que mon père, exigeant, s’occupa rudement de mon éducation magique, qui fut intense et pénible : avant toute chose, il m’enseigna en long, en large et en travers l’histoire de la Colombie, et m’apprit à connaître par cœur, puis à reconnaître le moindre végétal qu’on rencontrait une fois enfoncé dans la forêt, ou les animaux qui y résident, et, ma mémoire étant excellente, la faune et la flore colombiennes n’eurent plus aucun secret pour moi en peu de temps. Etant souple et agile petit, ma souplesse et mon agilité se raffermirent, et ma vitesse est hallucinante. Mes réflexes sont incisifs, précis et imparables, car dans la forêt amazonienne, le danger guette incessamment. La manipulation des éléments, surtout de la terre et de l’eau, est ma spécialité, j’y suis accompli, et mon père m’a transmis ses savoirs curatifs. Mes sens constamment sollicités sont surdéveloppés, mon père ayant fait s’aiguiser ma ruse et mon flaire dans la chasse et la traque.
Je demeurais donc aux côtés de mon père sans me soucier de quoique ce soit d’autre, lorsqu’il me fit part de son projet de m’envoyer étudier dans l’école colombienne la plus proche grâce à ses économies : il ne souhaitait pas que ma vie se poursuive dans ces conditions, que je la vive de cette manière, animale et dangereuse, et si je n’en avais strictement aucune envie, il ne me laissa pas le choix et je suis entré à l’école à douze ans révolus, en dehors de chez moi, de ma maison, de ma terre, de la nature, et sans mon père. A l’école, étant hyperactif, je ne progressais pas, stagnant à un mauvais niveau à cause de mon évident manque de volonté, hormis dans l’apprentissage des langues, devenant bilingue anglais dans l’année qui suivit mon inscription et y bataillant pour y réussir et inspirer de la fierté à mon père. Mais mon père, qui avait toujours peur pour moi, même en ville, la violence y étant endémique et la drogue y circulant, prit une décision radicale sans me consulter cette fois et me fit m’envoler pour l’Angleterre, dépensant ses dernières économies. J’y suis arrivé à mes quinze ans, et ça fait deux ans que j’y séjourne, deux ans que je n’ai pas revu une seule fois mon père. Ma famille d’accueil a tout de suite été sympathique et adorable, elle qui a toujours pris soin de moi, et je la considère maintenant comme ma deuxième famille. Au départ, ils m’ont placé dans une école anglaise réputée, dans laquelle il fut compliqué pour moi de m’en sortir en termes de cours, avant de me placer à Ravenswood cette année, parce que j’ai fini par leur avouer ce que je suis, en échange de leur silence. J’ai absolument confiance en eux, qui font tout pour me faciliter la vie, ce dont je ne les en remercierai jamais assez, reconnaissant et leur témoignant mon infinie gratitude. Mon père a finalement atteint son objectif : celui que je ne mène pas la même vie que lui.
Caractère :
Mon père disait que je suis facile à vivre, mais que j’ai tout de même mon petit caractère et une forte personnalité. Je suis passionné et extrêmement expressif, le cerveau carburant à mille à l’heure, infatigable, aimant la vie, la nature et autrui. Spontané et sincère, impulsif et franc, je suis également rieur, ouvert, disponible, généreux, sociable et espiègle, très taquin et farceur, mes plus grandes armes étant l’humour, l’autodérision et mon sourire éblouissant. Ayant du cran et assez de confiance en moi, je n’ai donc pas froid aux yeux et suis d’un naturel joueur, charmeur et prétentieux : on m’a déjà reproché cette facette de ma personne, une fausse prétention qui agace plus qu’elle n’énerve, car en réalité, je me contente de faire rire en étant prétentieux, rien de plus, rien de moins. Audacieux, téméraire et intrépide, je suis débrouillard et indépendant, mais intérieurement, préfère être rassuré par ceux qui obtiennent mes sentiments, ma loyauté et ma fidélité infaillibles, parce que je crains plus que tout qu’on ne me laisse derrière soi. C’est pourquoi je suis susceptible et jaloux, deux énormes défauts sur lesquels je travaille et essaie de m’améliorer, qui sont liés à cette peur inconsciente qu’est celle de l’abandon.
Les cours ne m’intéressant aucunement, j’ai des difficultés dans plusieurs matières, car je me dissipe rapidement : je ne reste pas concentré sur ce qui n’est pas concret ni n’a de sens à mes yeux. J’ai effectivement besoin de concret, de tangibilité, comme les terres de mon père, que je creusais moi-même. Etre assis derrière un bureau et réfléchir à des concepts, très peu pour moi, même si je comprends qu’on le fasse, simplement, ça ne retient pas mon attention et je préfère laisser ça à des gens qui sont bien plus doués que moi dans ce domaine. Peut-être qu’on me voit comme un simplet, ça n’empêche pas que je ne chercherais jamais à le démentir, car les seules choses qui comptent à mes yeux sont de faire la fierté de mon père, les éléments et les gens. On ne vit pas dans un monde bon, je le sais et ne suis pas naïf, mon histoire en témoignant, mais je souhaite que les personnes qui m’entourent parviennent à le supporter à défaut d’y être heureuses. J’espère pouvoir contribuer un tant soit peu à leur bonheur, quand bien même il est éphémère, et je persévère dans cette voie, optimiste et têtu, voire obstiné.
Cependant, mes démons me rattrapent souvent : je suis secret et ne parle jamais de moi et encore moins de mon passé, dont je me détache, étouffant silencieusement la nostalgie et mon mal du pays. Je m’en veux et ne me pardonnerai jamais concernant ma mère, quant à mon père, il me manque horriblement, mais je prends sur moi.
Autres :
Naël est recouvert de tatouages : il en a trois dans le dos, un sur le torse, un sur l’intérieur de son bras droit, un sur l’extérieur du même bras au niveau du poignet, et un dernier sur son mollet gauche, en sachant que son bras gauche est entièrement tatoué. Salomé était le prénom de sa mère. Les plus petits sont l’œuvre de son père, les autres ont pu être réalisés parce que sa famille d’accueil lui a fait cadeau d’une certaine somme d’argent à l’occasion de ses seize ans, Naël en ayant dépensé plus de la moitié dans les tatouages, car ces derniers camouflent les plus grosses cicatrices le marquant, des plus petites parcourant l’intégralité de son corps, cicatrices qu’il trouve laides, affreuses, hideuses, immondes et repoussantes, et dont il a particulièrement honte.
Il fait des crises d’angoisse depuis toujours, mais ce qu’il désigne comme des crises d’angoisse sont en réalité un symptôme de maladie cardiovasculaire bien plus grave que ce qu’il imagine : n’ayant jamais consulté de médecin en Colombie et le refusant catégoriquement en Angleterre, il a un souffle au cœur, qui l’empêche de faire du sport ou de s’adonner à un effort physique important. Ces crises se manifestent également lorsque ses émotions sont trop violentes et le submergent. Généralement, il s’évanouit presque lorsque cela se produit, parce qu’il ne parvient plus à respirer tant elles sont brutales et le font souffrir.
Il est croyant et arbore un collier orné d’une croix chrétienne en argent, un héritage de sa mère.
Physique :
Je mesure un mètre quatre-vingt et suis brun, mes cheveux étant châtain foncé, presque noir, et mon visage une frimousse enfantine dont le nez et les joues sont parsemés de taches de rousseur. Mes traits sont marqués, mes yeux noisette, des orbes marron luisants et pétillants, où y brille une étincelle de malice, et mes lèvres pleines. Ma peau est halée et mon corps fin, mes muscles étant dessinés et visibles, forgés par mon labeur. On me qualifie souvent de très beau garçon ou de jeune homme craquant, ce dont je suis conscient dans une moindre mesure et par conséquent m’en amuse, facétieux.