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PRISONNIER ✴ 23 ANS ✴ ITALIEN ✴ IRLANDAIS ✴ PERDU DANS SES ERREURS ✴ CHERCHE UNE ISSUE
Dans la salle du projecteur en mouvement ✴ Avec Emma (Lumione) et Nathaniel (Naji)
♫
Aucun de nous trois n'ose faire un mouvement. Sans un mot, aucun cri qui ne parvient à s'échapper, nous nous tenons paralysé, fixant nos regards sur le combat d'une extrême violence qui se déroule sous nos yeux. J'aimerais détourner le regard, faire comme si je ne voyais pas de sang sur leurs mains, comme si je n'entendais pas les coups. J'ai essayé, mais c'était pour tombé sur les yeux de Nathan, embués de larmes, terrifiés, et j'étais incapable de savoir si c'était pire ou non. En bégayant, il essaie de répondre à mon affirmation pessimiste, mais sa bouche semble être une barrière infranchissable à ces mots qui ne sortent qu'un par un, ses lèvres tremblant trop pour émettre un son continu. Même l'expression "trembler comme une feuille" serait une euphémisme pour décrire son état actuel.
Quand mes yeux reviennent sur la scène, c'est pour assister à un massacre. Personne, en-dehors des deux combattants, ne fait un seul mouvement, hormis pour s'écarter poliment et absolument éviter de prendre part à l'excès de violence. L'un blesse l'autre, la tension s'élève, les esprits s'échauffent. Je sais que je devrais faire quelque chose, que l'on devrait tous faire un geste pour arrêter ça, que tout le monde pense à la même chose intérieurement mais n'ose pas faire le premier pas. La vérité, c'est que je suis mort de peur. Je ne l'avouerais sans doute jamais, mais je la ressens partout dans mon corps. Je n'ai pas peur des deux adolescents en eux-même, des enjeux ou des conséquences que pourraient avoir cette bataille (qui ne semble pouvoir n'avoir de fin que par la mise hors d'état de nuire d'au moins un des deux participants) mais de ce que ça implique pour nous tous, pour moi. J'ai déjà participé à de nombreuses rixes en prisons, j'ai déjà été à la place du plus vieux des deux combattants, cherchant à défendre quelqu'un ou à me défendre moi-même. J'ai déjà rué de coups des prisonniers pour diverses raisons plus ou moins valables, dans mon intérêt ou parce que j'en ressentais le besoin. Je me suis persuadé que la brutalité n'avait de valeur qu'en prison et que j'en aurais fini avec quand j'en sortirai.
Mes pupilles se rétractent subitement quand je les vois se rouler par terre, le plus jeune prenant le dessus sur l'autre, l'étranglant de toutes ses forces. L'issue du combat, si elle n'était pas certaine à l'origine, l'est désormais : sans aucun doute possible, l'un des deux belligérants ne verra pas l'arène dans laquelle nous finirons tous par crever. Lentement, mais sûrement, je vois le visage du plus grand des deux prendre une tête peu naturelle...ment vivante. Brusquement, dans un retournement de situation des plus incroyables (non sans me rappeler un épisode d'une très très vieille série sauvegardée par ma famille) l'étranglé parvient à reprendre le dessus. Si je n'étais pas convaincu que tout cela finirait très mal, je pourrais presque poussé un soupir de soulagement. Malheureusement, très vite, je comprends que le pire est à venir : déséquilibré, l'attaquant recule précipitamment pour se stabiliser...en direction de morceaux de verres bien trop taillés et pour la plupart dans des positions bien trop propices au décès.
Venu de je-ne-sais-où, je trouve la force de détourner le regard en direction d'Emma, néanmoins la complainte de la mort vient me glacer les tympans. Le bruit du pied qui dérape sur le morceau de verre qui glisse contre un mur. Le gémissement de la personne qui chute. Le fracas du choc avec les débris de verre. Et pis que tous les autres, l'affreux bruit de succion du verre dans une plaie ouverte, du sang encore chaud s'en échappant, bientôt suivi du râle de la mort. Et, comme si cela ne suffisait pas, avant même l'enchaînement de sons macabres, je peux regarder le visage froid d'Emma, neutre, presque sans émotion. Si elle a été un instant horrifié par la scène, elle semble être désormais ailleurs, bien plus loin dans le jeu de la survie. On dirait presque qu'elle a déjà côtoyé la mort...ou alors elle un moral d'acier. Je ne sais pas ce qui est le pire, mais, dans les deux cas, c'est une invitation à me méfier d'elle.
Je n'ai pas le temps de reprendre mes esprits que la pièce s'ébranle, manquant de me faire chavirer. Le mouvement est bientôt suivi de la voix de Peter Finley qui résonne dans la salle, sans que je ne parvienne à déterminer la source. Je n'ai toujours pas osé regarder le cadavre qu'une fille vient d'approcher avant de s'éloigner avec une autre. Je lance un regard en coin à Emma. Si elle réussit à garder son calme, je devrais sans doute aussi y parvenir. J'ai déjà vu des gens mourir, une fois même de ma main. Je sais à quoi ressemble un cadavre, la teinte grisâtre que prend sa peau quelques temps après son dernier souffle, les réflexes post-mortem, son corps qui continue de rejeter les déchets, et l'odeur peu agréable qui finit ainsi par s'en dégager. J'ai déjà connu tout ça, déjà expérimenté tout ça, alors qu'elle différence y-a-t-il maintenant ? Qu'est-ce qui me fait tant redouter de le regarder ?
La peur. La même que celle de toute à l'heure quand il était encore en vie et qu'ils combattaient. La peur qui me glace le sang et me crie que tout je croyais faire parti du passé, tout ce que je pensais avoir mi derrière moi ne cessera jamais de me hanter. J'avais vaguement conscience de l'impact que pourrait avoir mes actions auparavant, mais désormais j'avais la certitude que tout ça n'avait été qu'une gigantesque erreur, un ramassis de conneries que j'avais faite en me persuadant que c'était pour le bien d'une amie. Je pensais que Nihil m'offrait le choix de recommencer ma vie en avance sur ma peine. L'espoir infime qui garde chaque détenu en vie m'en avait si bien assurer que je n'avais plus simplement cru en cet espoir, j'étais certain que c'était mon salut.
A pas lents, je m'approche du corps inanimé qui repose contre le mur, regardant d'abord tout droit pour ne pas avoir à croiser son regard. Peut-être n'est-ce qu'une hallucination, mais j'ai déjà le sentiment que ça empeste. J'aperçois en premier son bras, inerte, dans un angle peu classique : celui qu'on lui a brisé. Quelques infimes coupures le parsèment, où le sang à déjà coagulé, pour la simple et bonne raison que le gros s'échappe toujours de la principale ouverture. Il n'avait aucune chance : l'éclat de verre l'a transpercé au coeur de sa poitrine, déchirant coeur et poumons. Déposant un doigt sur le bout, sanguinolent, je me pique le doigt et une goutte de sang s'en échappe.
- Même si aucun organe n'avait été touché, il serait mort : la plaie est trop importante.
J'ignore si je dis ça pour ma rassurer ou non sur la situation. Même si la sienne est un accident, j'ai conscience que nous voyageons tous vers notre mort. La vérité que je cachais au plus profond de moi vient me prendre de plein fouet : Nihil ne m'a pas offert le choix de recommencer ma vie. Nihil m'a donné le choix entre poursuivre l'actuelle entre les barreaux d'une prison ou sous l'éclat des projecteurs. Et j'ai bêtement foncé, tombant dans le panneau, probablement comme certains autres participants. Je devrais me soulever contre eux, vouloir briser les règles en me rebellant contre le système de le Chasse. La morale le voudrait.
Mais là, je me dégoûte à ne rien ressentir face au corps sans vie face à moi. Je devrais vomir, ressentir le besoin de détourner le regard de la plaie béante de laquelle on pourrait presque apercevoir l'anatomie humaine, mais c'est le vide total. La mort ne me fait plus rien, la violence uniquement si je me décide à activer une code moral que je ne suis plus depuis mon enfance. Nihil ne m'a rien donné, mais ils ne m'ont rien pris non plus. Le choix n'a jamais reposé sur la chaîne, mais sur moi : soit je meurs ici en pacifiste, uniquement dans ma tête, sans satisfaire personne, soit je me bats pour être réellement libre. Je ne suis pas encore certain que j'irais jusqu'à tuer quelqu'un, mais, ce qui est sûr, c'est que je ne serais plus seulement la victime qui survit : je donnerais aussi des coups.
En attendant que l'on arrive dans l'arène, je vais me cantonner au rôle que j'ai adopté depuis mon arrivée, celui du participant victime qui est dépassé par les événements, afin de ne pas éveiller de soupçons quant à mon futur comportement : suivre les ordres qu'on me dicte sans réfléchir, aveuglément, parce que désespéré. Pour ne pas éveiller les soupçons de Nathan et Emma, je reprends quelques spasmes lorsque je me redresse, fixant toujours le corps du regard de celui qui donnerait tout pour effacer cette image de sa mémoire.
- Que l'on parvienne ou non à les raisonner, Nathan, je crois qu'il est déjà trop tard. La Chasse a déjà commencé.
Qu'est-ce qui est le plus dangereux ? Un homme prêt à tout pour survivre car il garde espoir, ou celui qui n'en a plus aucun et qui n'a plus rien à perdre ?