J'ai très très longuement hésité avant de mettre cette histoire sur Booknode. Mais après l'avoir fini, et l'avoir relu, je me suis rendue compte qu'il me fallait des avis, et des avis de gens extérieur … Alors si vous le lisez, si vous avez le temps, et si vous voulez, ce serait ADORABLE de donner votre avis, négatif, positif, tout !
Je tiens immédiatement à m'excuser des fautes d'orthographes qui peuvent jalonner le récit, ça a toujours été ma bête noire, et j'ai fait de mon mieux pour les minimiser …
Je m'excuse aussi pour le manque éventuel de lisibilité et de clarté, je ne suis pas encore très habituée à la façon de mettre en ligne, et ça donne quelques maladresses …
Bonne lecture, et merci !
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Bref résumé :
Je sais que je ne suis pas tout à fait normal. Les choses disparaissent et réapparaissent autour de moi sans que je ne puisse rien y faire. Tout le monde me crois étourdie, ou pire clepto. Le suis-je? Excellente question. Je pensais que non.
Alors quand les ennuis s'accentuent au lycée, les questions affluent. D'où vient cette anomalie? A-t-elle un rapport quelconque avec cette étrange tâche de naissance, dont mon père décédé disait qu'elle me rendait spéciale?
Aucune idée. Mais plus que jamais, je me sens étrangère chez moi.
Qui suis-je?
Chapitre 1 : Lycée, ou comment entretenir sa forme (physique comme mentale)
Ok. Cette fois, le lycée, c’était de la folie.
Vous êtes d’accord qu’on ne retrouvait pas la trousse d’une fille qui était trois rangs devant vous dans votre sac par magie ?
Et bien moi, ça m’était arrivée. Ça m’arrivait tout le temps.
Hélène croyait dur comme fer que je lui aie pris sa trousse. Comme si je n’avais que ça à faire … le cours de physique avait été ennuyeux, et j’avais passé mon heure à regarder par la fenêtre en me demandant ce qu’était une vie normale. C’est-à-dire sans trousse qui apparaît dans votre sac parce que sa propriétaire vous agace à embêter votre voisin – qui est votre meilleur ami- parce qu’il a des oreilles décollées. J’avais pensé, en entrant au lycée, qu’on dépassait toutes ces conneries. Mais non. Dès que Sylvain passait devant Hélène, celle-ci le traitait de Chou-fleur.
Vraiment pathétique.
La cloche avait sonné la fin des cours et Sylvain, en bon élève modèle, avait été poser quelques questions au prof sur la mécanique. Personnellement, je n’avais pas suivi le cours, donc je n’avais pas compris grand-chose à la dite mécanique, mais j’avais fait de mon mieux pour l’attendre patiemment et sagement près de la porte. Ensuite, quand nous sommes arrivés en français –avec un peu de retard- et que j’avais ressorti mes affaires, j’avais extrait la trousse d’Hélène au lieu de la mienne. J’avais essayé de la lui refiler avec un « tu l’as oubliée en physique » mais elle s’est mise à me vociférer dessus jusqu'à ce que la prof lui ordonne de se taire.
Vraiment charmante, vous ne trouvez pas ?
Mais le fait était que ce n’était pas la première fois que ça m’arrivait. Des trucs qui apparaissaient dans mon sac, ou sur ma table, sans que je ne sache d’où ils venaient. Bien sûr, quand je le disais à quelqu’un, on me disait que c’était simplement que je ne m’en souvenais plus, que c’était des mécanismes inconscients. Mais on ne vole pas par mécanismes inconscients, si ? à moins d’être cleptomane, et j’étais à peu près sûre de pouvoir affirmer que je ne l’étais pas.
Voilà à quoi pense une fille un peu bizarre en fulminant quand elle est en cours de français. Hélène me jetait encore des regards venimeux, et Sylvain tentait tant bien que mal de me consoler :
-Peut être qu’elle l’a mise exprès dans ton sac, supposa-t-il à voix basse en faisant semblant de prendre des notes. Elle est sortie pendant que tu rangeais tes affaires et elle t’en veut depuis que Clément l’a largué parce qu’il voulait tenter de sortir avec toi …
Je reniflais, dubitative, en lançant un regard à la nuque de Clément, un grand garçon très sur de son charme. Trop sur à mon goût.
-Mouais, lançai-je, le nez dans mes textes. C’est peut être ça.
Même Sylvain me lançait un regard étrange quand je lui racontais mes drôles d’aventures. C’était un garçon mince et pas très grand –nous faisions la même taille- aux cheveux blonds en bataille, aux yeux bleu-gris et aux oreilles effectivement, bien décollées. Il était bon élève dans les sciences, mais se contre-fichait du français, ce qui faisait que nous étions assis au dernier rang, et qu’il était allongé sur sa table, l’air de s’ennuyer cordialement. Je le connaissais seulement depuis la seconde, mais il avait été le meilleur ami que je n’avais jamais eu, malgré le fait qu’il ne croyait pas à mes histoires d’objets apparaissant. Il tentait toujours de trouver une explication rationnelle à ces apparitions – ici, le désir de vengeance d’Hélène. Certes, Hélène voulait se venger, mais pour moi, c’était un peu court, comme explication. Et ça n’expliquait pas tout.
Le cours se déroula de façon calme, et silencieuse. Je pris des notes sur les explications de texte. Ma jambe ne cessait de faire des petits soubresauts qui agaçaient profondément Sylvain. Il m’avait juré qu’un jour, il allait me l’attacher à la chaise. Mais c’était des bonds nerveux auxquels je ne pouvais rien. Dès que j’étais statique, ma jambe s’agitait, ou j’éprouvais un besoin compulsif de m’occuper les mains. C’était étrange, Sylvain détestait ça, mais s’y était fait, au bout d’un an et demi. Au bout de deux heures intenses à lire et décortiquer un texte de Marivaux, la prof nous laissa sortir et Sylvain courut littéralement vers la sortie pour aller en maths. Je pris un maximum de temps pour ranger mes affaires. Je détestais aller en maths. Comme en histoire, d’ailleurs. Non pas que les matières m’importunaient. Au contraire. Mais les profs n’avaient pas d’autorité. C’était une séance discutade et à la fin, j’en ressortais avec une migraine atroce. Trop de son, trop de voix, trop d’intensité. Je suivis Sylvain en trainant des pieds, et ressortit du cours en me tapant mon livre de maths contre mon front.
-Oh, ça va, ils étaient plutôt calmes, aujourd’hui, me taquina Sylvain en criant pour se faire entendre dans le brouhaha du couloir.
Je grimaçais. J’avais les oreilles sensibles, il était inutile de hurler et il le savait.
-Baisse d’un ton, lui intimai-je avec un signe rageur de la main. Pitié, sortons vite, ma tête va exploser.
Nous réussîmes tant bien que mal à sortir du couloir et je courus jusque dehors pour m’assoir sur un banc. Ma migraine disparaissait dès que le brouhaha s’éloignait. Je détestais la foule. J’avais l’impression de réussir à entendre toutes les conversations de tout le monde, grâce à mes super-oreilles. Trop de voix, trop de bruit qui cognaient contre les tympans, trop d’intensité dans ma boite crânienne. Sylvain s’impatientait devant moi en tapant du pied, un sourire goguenard aux lèvres. Il était habitué au spectacle. Moi, courant dans les couloirs pour éviter la foule, esquivant les grands groupes, ou frottant les tempes d’un air désespéré.
-Ne te moques pas, le suppliai-je. J’aimerais bien t’y voir, aussi.
-Je me demande ce que tu es. Claustrophobe, ou Agoraphobe ?
Je grimaçais.
-Un peu des deux, je suppose. Bon, prochaine étape ?
-Le baume pour mon estomac.
-Oh non …
La cantine, c’était comme les cours de maths et d’histoire. A s’en taper les livres contre le front.
La journée continua ainsi, et quand j’abandonnais Sylvain devant son bus, et m’affalais sur le premier siège vide venu, j’avais l’impression que ma tête pulsait au rythme des conversations qui régnaient autour de moi. La fille derrière était en train de se lamenter sur une interro trop dure. Deux mecs parlaient de résultats de foot. Une terminale énumérait ses vœux post-bac. Et j’en passai, et des meilleures. J’avais sans-cesse l’impression d’écouter aux portes de la vie privée des gens, sans que ce soit intentionnel. En plus d’être une cleptomane, j’étais une espionne. Et oui, le lycée, c’était de la folie, voir du sport, pour moi. Et encore, le sport n’était pas aussi crevant. Je pris mes écouteurs dans ma poche et les enfonçaient dans mes oreilles pour m’isoler un peu de tout ce brouhaha. La musique était plus agréable que les petits problèmes de la vie lycéenne.
Mon bus s’arrêta au bout de trois chansons devant mon arrêt, et il me fallut une chanson de plus pour arriver devant ma porte. Oui, je comptais en chanson. Ne faites pas de commentaires. Je poussais la porte et balançais mon sac dans un coin de l’entrée.
-Léo ? cria la voix de ma mère depuis la cuisine.
-Ouais.
Elle aussi, elle croyait que j’étais sourde.
Je rejoignis ma mère, qui était assise dans la cuisine avec son ordinateur devant elle. Elle était encore belle, avec ses pommettes hautes, son nez fin et ses beaux cheveux roux lustrés. Ses longues jambes étaient croisées avec grâce sous la table. J’étais aussi fine et élancée qu’elle, mais à chaque fois que je me retrouvais à coté de ma mère, je me faisais l’effet d’une balourde.
-Comment ça va aujourd’hui ? me demanda-t-elle en levant les yeux de son écran. Pas de nouvelles notes ?
Pff. Les parents, toujours obsédés par les notes.
-Non, mais on a eu les dates de bac blanc, lui appris-je en prenant une barre de céréales. 18 et 19 janvier.
-Très bien. Tu as commencé à réviser ?
-Maman, soupirai-je. On est en octobre. J’ai le temps.
Avant qu’elle ait le temps d’ouvrir la bouche, la porte claqua une seconde fois. Je ne pus empêcher un grondement de sortir de ma gorge, et ma mère me lança un regard sévère. Grégory arriva quelques secondes plus tard, son portable à la main, et son sac dans l’autre.
-‘Lut, fit-il brièvement sans nous regarder.
-Salut Greg, le salua poliment ma mère. Alors, cette journée ?
Lui, elle ne l’embêtait pas pour les notes. Il fallait dire que Grégory n’était pas son fils. Ni mon frère. C’était le fils de mon beau-père, Christophe, l’homme qu’avait épousé maman il y a maintenant deux ans, deux ans après le décès de mon père. Grégory avait deux ans de moins que moi, et était en troisième, ce qui me dispensait de le supporter au lycée en plus de la maison. Car Grégory était insupportable. Il mettait toujours du métal à fond dans sa chambre, sans se souciait de sa demi-sœur (c’est-à-dire moi) qui devait travailler à coté, répondait toujours de manière brutale à ma mère, et de manière générale, à tout le monde.
-Bien. A part que j’ai envie de démolir le prof de français. M’a foutu une heure de colle.
Il me faisait toujours l’effet d’un mec shooté, à moitié endormie, qui mâchait ses mots, comme s’il avait sans cesse la bouche pleine. Ma mère me disait associable, mais lui c’était pire que ça.
-Tu en parleras à ton père quand il reviendra, proposa diplomatiquement ma mère, pour éviter d’avoir affaire à l’un de ses long et interminable débats sur les problèmes de discipline de Greg. Au fait, Léonie, ta grand-mère a appelé, elle veut qu’on aille chez elle, ce soir. Alors si tu vas courir, fait en sorte de revenir tôt, d’accord ?
-D’acc, promis-je en prenant la direction de ma chambre.
-Et évite les bois de la mairie, me cria-t-elle alors que je montai l’escalier. La boulangère m’a dit qu’il y avait encore une fille qui s’y était fait agressé.
-D’accord !
Ma mère avait vu juste : j’allais courir. C’était aussi vitale pour moi que de m’occuper les mains quand j’étais statique : après une journée à osciller entre angoisse, perplexité et migraine, il fallait que j’évacue tout ça. Alors je courrais. De plus, il fallait que je m’épuise, sinon, je soir, j’étais trop excité pour dormir. En réalité, si je n’avais pas les migraine, c’était ça toute la journée : on aurais dit que j’était sans cesse en surdose de caféine. D’ailleurs, ma mère m’interdisait parfois de prendre du café ou autre produit caféïné, estimant que j’étais assez hyperactive comme ça. D’où le besoin inconditionnel de me dépenser. De courir, de délier mes jambes pour ne plus penser à rien. Ni aux objets qui apparaissent dans on sac, ni aux conversations qui ont lieu autour de moi. Je me changeai dans ma chambre, enfilant un jogging noir et un débardeur bleu, et nouant les cheveux en une longue queue-de-cheval. Malgré moi, je regardai le résultat dans le miroir et grimaçai. Mon jogging ressemblait à un sac entourant mes jambes et mon débardeur saillait trop, au contraire, à ma mince silhouette. Mes longs cheveux roux, légèrement ondulé, juraient avec ma peau blanche et mes yeux d’une couleur chocolat limpide m’apparaissaient beaucoup trop grand. Ma tache de naissance, un espèce de « L » inversé un peu étrange se détachait sur mon épaule. Je la tâtai doucement. J’avais l’impression qu’elle était plus brune que quand j’étais petite. Mon père avait toujours dit que c’était un bon signe, le fait que j’avais cette tâche. Car elle avait plus ou moins la forme d’un « gamma » majuscule, le G grec « Γ ». « G » comme « Gaia », soit la Terre, en grec ancien. Oui, je sais, un peu tiré par les cheveux, mais mon père adorait ses histoires de légendes un peu mystiques, de gens marqués et spéciaux. Et il m’avait ainsi toujours raconté, quand j’étais petite, que la terre veillait sur nous. Alors si j’avais la marque de la Terre, c’est qu’elle veillait plus particulièrement sur moi. Ça m’avait toujours rendue fière, étant petite fille, mais maintenant, ça me rendait mélancolique. Ça me rappelait mon père. Je détachais mon regard de ma tâche de naissance pour regarder à nouveau mon aspect. Je ne voyais rien en moi qui rappeler la grâce et la finesse de ma mère. Ni la jovialité et le visage franc de mon père. Je tournai la tête vers la commode. Une photo de nous trois- mes parents et moi- un an avant l’accident. J’avais onze ans, et je souriais à l’objectif avec un air timide. Ma mère portait une élégante robe bleue et tenait les épaules de mon père avec tendresse. Celui ci me tenait sur ses genoux et souriait franchement, les petites rides apparaissant au coin de ses yeux chocolats – comme les miens. Ses cheveux poivres et sels étaient en bataille, ce qui contrastait avec l’ai impeccable de sa femme, mais dans l’ensemble, cette photo montrait ma famille tel qu’elle avait toujours été du temps où mon père vivait : différente, contrastée, mais forte, heureuse et unie. je n’avais jamais été aussi proche de sa mère qu’en se temps là. Maintenant, elle c’était remariée avec une homme de bonne famille héritier d’une petite entreprise qui marchait plutôt bien malgré la crise, qui venait de divorcer avec sa femme, et m’imposait ainsi Gregory et les joies des familles recomposées. Il était loin le temps où ma mère venait avec moi dans ma chambre, le soir, avec une lampe torche pour faire des ombres chinoises. Très loin. Je détournai les yeux de la photo de mon ancienne famille parfaite, passablement déprimée, et les posai sur un I-pod rouge vif qui était posé sur ma table de nuit. J’étouffai un exclamation en l’attrapant. Ce truc, je l’avais perdu il y a deux semaines. Je l’avais posé sur mon bureau après une course, enlever les écouteur, pesté parce que sa batterie m’avait lâché en plein milieu, et quand je m’étais retourné… Pouf ! il avait disparu.
Je sais. Très peu probable.
Pourtant, j’avais retourner la chambre de Greg, et fait subir un interrogatoire poussé à ma mère, impossible de remettre la main dessus. Et je le retrouvai à présent attendre tranquillement sur ma table de chevet. Comme s’il venait d’y apparaître.
Ça aussi, c’était très peu probable.
Je m’assis sur le bord de on lit et fis tourner l’appareil entre mes doigts en réfléchissant. Cette manie que les objets avaient à apparaître/disparaître autour de moi me foutait les jetons. Je n’arrivais toujours pas à déterminer si je ne cherchais pas assez bien mes affaires, si j’étais une très mauvaise observatrice, si j’avais la mémoire d’un poisson rouge, s j’étais folle, cleptomane, ou bien si ces truc disparaissaient ou apparaissaient bel et bien par magie. J’aurais pu voir un docteur, à cause de ça, mais à force de persuasion au près de ma mère (avec le fameux argument « Papa ne t’aurais jamais laissé faire ça ! » un peu cruel, mais très efficace), j’avais évité ce supplice. Même si elle aurait bien voulu. Car ces problèmes m’attirais pas mal d’ennuis, à l’école. En 4ème, la sacoche de travail d’un professeur avait été retrouvée dans mon casier. (En réalité, j’avais été trop naïve en allant rendre sa sacoche à son propriétaire en pensant qu’il me remercierait. Sauf que quand je lui ai dit que je l’avais retrouvé dans mon casier dont moi seule avais la clef, j’ignore pourquoi, il a crut que je me foutais de lui). Ma soi-disant insolence dans cette affaire (tout de même, prenons-le dans leur sens : la voleuse viens vous rendre vos affaires avec un grand sourire en disant qu’elle l’a « trouvé » dans son casier. Quelle insolence, non ?), ajouté au vol m’avais valut l’exclusion du collège. (Collège privé. Ils sont un peu durs, ils ne laissent pas de seconde chance.). il y avait aussi eu cet accident, en seconde. Le livre d’une fille de terminale (bruyante et insupportable, au passant) s’était retrouvé sur mon bureau, au CDI. La fille l’avait remarqué et m’avait vociféré dessus entre deux rayons. Le documentaliste nous a viré toutes les deux. Ça aurait pu s’arrêter là, mais en sortant, je me suis rendu compte que le porte-feuille du documentaliste s’était retrouvé dans ma poche de veste. La fille de terminale m’avait vu le sortir et m’avais aussitôt dénoncé. Je m’étais retrouvé devant le CPE et la proviseure adjointe pendant une heure avec ma mère, et ils ont finalement décidé de ne m’exclure qu’une semaine. Mais au moindre faux-pas, j’étais sur la sellette. Happy year. Entre mon exclusion du collège et mon épée de Damoclès au lycée, ces problèmes m’avaient bien pourris la vie. Je soupirai, jetai un dernier regard sur cette ombre de ma famille et descendis l’escalier en vitesse. Je criai un « a toute ! » à la volée et claquai ensuite la porte pour partir directement a petite foulée.
***
-Euh, t’as bu combien de café, ce matin ? Me demanda d’un air faussement inquiet Sylvain.
Je lui lançai un regard agacé. Depuis le début de la journée, je ne cessais de gigoter, de me lever pour toutes les raisons possibles et imaginables … enfin bref, je m’efforçai de me mettre en mouvement.
-Aucun. Ma mère a décidé de me censurer en café.
-Je la comprends. T’es flippante.
Je lui lançai mon crayon pour le faire taire. La séance de course hier soir avait été trop courte, et je me retrouvais à présent comme une pile électrique à essayer désespérément de dépenser mon énergie nerveuse, en parlant, en petits bonds nerveux de la jambe, ou en lançant mes crayons sur Sylvain. Nous étions dans une des petites salles de travail du CDI en train de recopier nos cours respectifs. Sylvain n’écoutait pas en français et en histoire, et j’avais du mal à me concentrer en math et en physique, alors nous prenions des notes pour deux et échangions nos cahiers. Je ne savais pas vraiment si cette méthode était efficace, surtout en première scientifique, mais je savais que je ne pouvais pas me concentrer sur les dérivées de mathématiques avec le boucan que la classe faisait derrière nous. Je me retrouvai donc à présent à devoir déchiffrer les hiéroglyphes de Sylvain.
-La dérivée de x, c’est … un bâton ?
-C’est un, souffla Sylvain, agacé en se frottant le front. Et ça veut dire quoi « Fçs » ?
-Français. Un an à lire mes cours, tu devrais commencé à intégrer mes abréviations.
Sylvain répéta puérilement mes dernières paroles et je lui balançai une nouvelle fois mon crayon pour qu’il la ferme. Nous restâmes un moments silencieux, silence uniquement perturbé par mon pied qui tapait contre le carrelage et par les grattement de stylo. Les garçons dans la salle d’à coté tenter de passer outre la censure du CDI pour aller jouer à des jeux en ligne. Les filles de l’autre coté bossaient sur un long DM de maths. Elles devaient être en seconde, car j’arrivai à répondre à toutes les questions. Je n’étais pas mauvaise en math. En réalité, je n’étais pas mauvaise dans toutes les matières, mais je ne voyais pas l’intérêt de faire toutes ses dissertations, ses analyses de documents, ses DM. J’appliquai tout ce que j’apprenais dans la vie réelle sans avoir besoin de tous ses exercices. Ma mère était persuadée que je pourrais être plus brillante, si je m’appliquai d’avantage. Mais entre les faux-cours et mon désintérêt pour les exercices, tout cela était tout, sauf brillant. Des pas retentirent subitement dans le couloir et quelqu’un tapa à notre porte, faisant sursauté Sylvain. Notre délégué, Joris, passa sa tête par l’ouverture.
-Hey ! Juste petite info : on devait avoir perme l’heure d’après ?
J’échangeai un regard avec Sylvain, et acquiesçai.
-Bien ça change, nous appris Joris en ouvrant la porte en grand. Y’a une dame qui viens nous faire de la présentation post-bac, alors elle nous prend sur une heure libre…
-Elle ne pouvait pas nous prendre en français ? grommela Sylvain en fronçant du nez.
-Ou en physique ? renchéris-je en faisait tourné mon stylo entre mes doigts. Quelque chose pas utile, quoi.
Joris haussa les épaules, et nous donna la salle de rendez-vous avant de repartir. Sylvain soupira profondément en fusillant la porte du regard.
-Présentation post-bac… Je t’en pose, des questions…
je ne répondis pas tout de suite. Ma jambe continuait de faire des bond nerveux et mon stylo tournait de plus en plus vite dans mes mains. C’était flippant. Je ne tenais plus en place, et si je devais rester assise tranquillement l’heure d’après, il fallait que je fasse quelque chose –autre chose que recopier des maths. Je refermai mon cahier d’un geste un peu brusque.
-Je vais prendre l’air, annonça-je à Sylvain.
-Je te suis. De toute façon, la première guerre mondiale, ça ma déprime.
Il ferma son cahier et me rendit le mien. Nous rangeâmes nos affaires le plus vite que possible. Je récupérai tout les stylo que j’avais jeté à Sylvain, et je me rendit compte qu’un manquer à l’appel –celui avec lequel je jouais depuis tout à l’heure. Je me mordis la lèvre en regardant à terre et dans mon sac, mais aucun signe de lui. Je fis comme si de rien n’était. Des objets qui disparaissent, c’était courant aussi. Des bouchons de bouteilles, des élastiques que j’étais persuadé d’avoir laisser sur l’évier, des livres que j’abandonné sur mon bureau… C’était flippant, mais au final, je n’y faisais plus attention. Et je finissais toujours par tout retrouver, dans des endroit pour le moins inhabituel, la plupart du temps, mais je les retrouvais quand même. Comme mon premier tome d’Harry Potter que j’avais retrouvé dans les toilettes de grand-mère Moineau, trop haut pour que je puisse l’atteindre. Mon stylo devait surement être dans les toilettes des filles. Derrière la poubelle. Oui, je sais, ce n'était pas très ragoutant. Mais ça m’était déjà arrivé. Flippant ? Je savais. Etais-je folle ? Aucune idée. Toujours était-il que mes affaires disparaissent et réapparaissent sans que je puisse rien y faire. Tant pis. Je rangeai fébrilement ma trousse dans mon sac et sortis à la suite de Sylvain. Nous marchâmes comme deux âmes en peine dans la cours du lycée. Octobre c’était bien installé -et le froid avec. Sylvain avait enfoncé un bonnet sur sa tête et j’avais mis ma capuche pour protéger mes oreilles du vent glaciale qui commençait à souffler. Une fine pluie commença à tomber et nous courûmes nous abriter dans le hall. La cloche sonna et nous nous dirigeâmes vers la salle indiquée par Joris. Une dizaine d’élève de notre classe attendait déjà à la porte. Le temps que tout le monde arrive, le CPE, M. Delcroix, nous fit entrer dans la salle. Sylvain et moi nous précipitâmes vers les sièges du fond, où il pourrait roupiller et moi jouer avec mes stylos en toute tranquillité – à condition qu’ils ne disparaissent pas. La classe fut bientôt au complet, et une jeune femme – bien plus jeune que je ne l’aurais cru – entra en nous souriant d’un air enjoué. Elle devait avoir environ vingt-cinq ans, avait des cheveux court aux mèches blondes coiffés en épis et des yeux bleus rieurs. Elle posa son sac à main sur la chaise et s’assit nonchalamment sur le bureau.
-Bonjour tout le monde, entonna-t-elle sur un ton cordial, mais gaie. Je me présente, je suis Léna Duriez, et je suis envoyé à peu près dans tout les lycée de l’académie pour vous parlez de ce qui se passe après le bac. Vous êtes en S, c’est ça ?
Elle nous jaugea tous, comme si elle nous évaluait pour voir si nous étions fait pour tel ou tel épreuve. Ses yeux bougeaient sans cesse, comme si elle cherchait quelqu’un de particulier. La classe répondit un « oui » mal assuré, et Léna Duriez finit par sourire.
-Toute les voix d’ouvrent à vous, alors ! Qui sais déjà ce qu’il veut faire plus tard ?
Quelques mains timides se levèrent et Léna les interrogea. Toute l’heure se passa ainsi. Sylvain posa sa tête sur son bras, l’air prêt à s’endormir et je fis tourner mon stylo dans les mains en écoutant les élèves répondre aux questions de Léna. L’intervenante était gentille et enthousiaste, mais le post-bac était loin de m’intéressait pour l’instant. Je ne savais absolument pas ce que je voulais faire plus tard, et c’était bien pour ça que j’étais partie en S. Pas par conviction, ni par amour des maths. Parce que c’était ce qui ouvrait le plus de porte. Et j’avais besoin d’un maximum de portes ouvertes. Toujours était-il que dans mon cas, les grandes interventions magistrales sur l’orientation ne servaient à rien. Je commençais à me détacher de ce que disait Léna quand elle nous interpella, Sylvain et moi.
-Hé, dans le fond ! ça ne participe pas beaucoup, remarqua-t-elle avec un air moqueur en se tournant vers moi. Alors, jeune fille, c’est quoi ton nom ?
J’hésitai, stupéfaite qu’elle s’adresse à moi ainsi, comme si elle s’intéressait vraiment à mes projets d’études.
-Léonie, répondis-je prudemment.
-Bien, Léonie, tu sais qu’est ce que tu ferras après le bac ?
-Non. Pas du tout.
La bouche de Léna se tordit. Elle me dévisagea de la même manière qu’elle avait dévisagé toute la classe au début de son intervention, comme si elle me testait.
-Quelles matières préfères-tu ? me demanda-t-elle. Et dans quelle matière es-tu la plus forte ? Comment conçois-tu ton avenir ? Dans un bureau ?
Je grimaçai malgré moi. J’avais déjà du mal à tenir en place en cours, alors dans un bureau… Léna remarqua ma réaction et sourit doucement.
-Pose-toi toute ses questions, Léonie. Procède par élimination, et tu verras, la réponse t’apparaitra plus facilement. Concentre-toi sur tes Aptitudes, et le reste ira tout seul.
Elle avait dit sa tirade de façon étrange, comme si là elle se dégageait de l’orientation pour aller dans un sens plus général. Je la regardai en fronçant les sourcils, incertaine de tout comprendre, mais elle sourit, et se détourna pour interpeler une autre fille qui sommeillait contre la fenêtre.
-Ouf, j’ai eu chaud, soupira Sylvain en sortant de la salle. J’ai bien cru que je serais le prochain à passer, après toi…
-C’est pas un peu … bizarre, ce qu’elle m’a dit ? hasardai-je, encore perplexe par ses paroles.
Sylvain haussa les épaules d’un air nonchalant.
-Non, perso, j’ai même trouvé ça un peu bateau. Enfin bon … comme ça j’ai pu me reposé un peu !
-Fainéant.
-Clepto.
-Va te faire voir.
Sylvain me fit un sourire taquin et me poussa en direction de la cantine. Le repas se déroula de façon commune, dans notre coin, loin des autres, à manger en vitesse parce que je ne supportais pas plus la cantine que les heures de maths. Nous prîmes ensuite la direction de la salle de sport, juste à l’entrée du lycée. Nous faisions endurance (Oui, sous la pluie glaciale, tout-à-fait.), et certaines filles commençaient à se plaindre du froid et de la soi-disant cruauté de la prof. J’entendis Sylvain râler aussi contre le temps. Il n’était pas un très grand sportif – je courrais plus vite que lui. Personnellement, ça ne me dérangeait pas plus que ça, le froid et la pluie, qui commençait à tomber à forte gouttes sur le terrain. Au contraire, ça m’obligeait à faire plus d’effort, et donc à me dépenser plus. La prof arriva et les filles allèrent ses changer dans les vestiaire. En plus d’un débardeur, j’enfilai un pull pour ne pas attraper la crève, et sortit en frissonnant dehors.
-Mes oreilles vont geler, marmonna Sylvain en me rejoignant.
-Tu vas te réchauffer, t’inquiète, lui promis-je en lui lançant un regard taquin. Frileux, va.
Je fis quelques montées de genoux sur place, pour réchauffer mes muscles et la prof nous ordonna d’aller sur le terrain. Elle nous précisa que compte tenu de la pluie battante (et, il fallait l’admettre, glacée), nous ne pourrions pas faire les exercices habituels, et que nous devrions tourné autour du terrain pendant trente minutes. J’entamais ma course avec Sylvain, mais le semais rapidement pour finir à la hauteur du délégué. Joris et moi n’étions jamais devenu amis, mais ça faisait deux ans que nous étions dans la même classe et on s’était vite rendu compte qu’on courrait à la même allure. Alors sans se parler, ni être amis, nous étions compagnon de course. Trente minutes plus tard, trop tôt à mon goût, la prof lança le coup de sifflet libérateur. Toute la classe poussa un soupir de soulagement alors que le mien était plutôt résigné. Joris soufflait comme un bœuf à coté de moi, et grimaça en retournant au bord du terrain.
-Top-là, la Rousse, haleta-t-il en me tendant la main. Tu ne perds pas la forme.
-Toi non plus, souris-je en tapant dans sa main. A la semaine prochaine.
Sylvain était assis sur la pelouse boueuse, la tête entre les genoux. Je l’avais vu s’arrêter plusieurs fois, et l’avait souvent dépassé. Je le rejoignis en tapant sur son épaule.
-Alors champion, on y va ?
-La…ferme, bredouilla-t-il en me lançant un regard mauvais. Me repose.
-Tu te reposeras dans les vestiaires. Debout !
Grimaçant et frissonnant, Sylvain finit par se lever et m’accompagna jusqu’au vestiaire des filles avant de rejoindre le sien en s’ébrouant. Je réprimai difficilement un sourire et poussai la porte de mon vestiaire. Hélène et son amie, Clara, pouffèrent en me voyant arriver, ma capuche sur la tête, mon sweat trempé et mon jogging-sac couvert de boue.
-Franchement, Léo, je comprends que tu dois clepto, si tu ne peux pas t’acheter des meilleures fringues que ça … fit semblant de compatir Hélène. Simplement, apprend à voler les bonnes choses.
Je me tournai vers mes vêtements en me mordant la lèvre. J’étais habituée aux sarcasmes d’Hélène, alors j’avais des répliques toutes faites dans ma tête, même si en réalité je n’avais pas la meilleure répartie qui soit.
-On a tous une sal dégaine, en vêtement de sport, Hélène, rétorquai-je en enlevant la capuche et libérant mes cheveux. Toi y comprise, navrée de te décevoir.
Ce n’était pas forcément vrai. Son jogging la moulait à la perfection, et son sweat-shirt laissait deviner de manière pas trop vulgaire ses belles formes. Mais il fallait bien que je rétorque quelque chose. Hélène pouffa et se déshabilla. Les filles avaient accès à la douche, mais j’estimais qu’en cours, c’était une perte de temps. Il suffisait de se changer. Les deux pestes partirent en direction de la douche, en lingerie fine, tout en lançant un regard moqueur à mon soutien-gorge, que j’utilisais depuis la quatrième et qui avait une tête de souris stylisée imprimé dessus. Je grimaçai en les voyant s’esclaffer. Je les détestais. J’avais toujours pensé qu’au lycée, la mentalité changeait, mais elles me prouvaient que ce n’était absolument pas le cas. Bien au contraire. Elle me dégoutait. Je remis mes vêtements, fourrai mes affaires de sports dans mon sac. Toutes les filles, sauf Hélène et Clara, qui se douchaient encore, étaient parties. Je me dépêchais de rejoindre Sylvain, et nous prîmes la direction de la salle de SVT en frissonnant. L’heure se passa rapidement, car c’était l’un des rare cours où nous étions attentif en même temps, ce qui nous permettait de tuer le temps. Je fus forcer de constater qu’Hélène et Clara avaient décidé de sécher le cours - sans doute pour passer plus de temps sous la douche... Finalement, quand la cloche sonna au bout de deux heures, j’entendis des filles de la classe chuchoter devant moi, agglutinées devant le portable de Marion, une autre amie d’Hélène.
-Elle dit qu’elle ne retrouve plus ses fringues…
-Sérieusement ? Elle crois quoi, qu’elles se sont envolé ?
-Clara non plus. C’est bizarre, non ?
-C’était qui la dernière à sortir du vestiaires ?
Je sentis une rougeur me monter aux joues. C’était moi, la dernière. Je remballai les affaires en vitesse et dépassait les filles en ayant l’air le plus naturel du monde. Si Hélène avait perdu ses affaires, et qu’elle savait que j’avais été la dernière en leur présence, elle ferait tout pour m’accuser, tel que je la connaissait. Mieux valait faire profile bas, pour moi. Après tout, je n’avais vraiment rien à voir là dedans. Peut être un blagues des mecs – beaucoup donnerait tout ce qu’ils avaient pour voir Hélène en tenue légère.
Je rejoignit Sylvain rapidement et me précipitai vers le cours de physique. Mon ami me lança un regard surpris, mais ne fit aucun commentaire en s’asseyant à coté de moi. Brave type. Le sport ne m’avait pas ravit mon énergie nerveuse. Au contraire, ma jambe faisait plus de bond que jamais, et finalement, Sylvain finit par appuyer sa main conter mon genou.
-Du calme, gronda-t-il à l’adresse de ma jambe avant de se tourner vers moi. Toi, contrôle mieux tes nerfs, ok ? C’est stressant. Heureusement que ta mère ne t’a laissé boire de café ce matin ! Imagine le carnage …
Je fronçai les sourcils et retirai sa main de mon genou avant de le frotter. Je lançai un regard mauvais à Sylvain.
-Arrête de donner des ordres à mon anatomie, je te pris. Si je ne la contrôle pas, toi non plus.
-Certes, chuchota-t-il pour ne pas éveiller les soupçons du prof. Mais c’est tout de même flippant, non ?
-Sylvain, murmurai-je avec une nuance menaçante dans la voix. Contente toi de prendre les cours, c’est ton tour, et laisse ma jambe tranquille.
Mon ami finit par rendre les armes et de mon coté, je tentai tant bien que mal de contrôler les bond nerveux, en jouant avec mes crayons, ou en dessinant sur mon cahier ou le sien. La cloche sonna et alors que tout le monde courrait dehors, Sylvain se dépêcha à nouveau près du prof. Je masquai mon impatience de mon mieux en rangeant le plus lentement possible mes affaires. Je fit malencontreusement rouler la trousse de Sylvain en me retournant pour ranger mon classeur et la rattrapé in extremis alors qu’elle tombait de la table. L’éclat de rire du prof me fit sursauter.
-Mais quel réflexe, Léonie ! me taquina-t-il. Tu es une rapide, dis donc.
Je sentis mes joues s’empourprer. Je m’abstins donc de répondre, préférant lui épargner un espèce de gazouillis d’excuse incohérente. Je rangeai mes affaires et celle de Sylvain tête baissée quand celui ci me rejoignit. Il prit sa trousse et la secoua devant mon nez.
-Il a raison. Joli réflexe. Comment l’as-tu vu tomber ? Tu étais dos à elle.
J’haussai les épaules, gênée, sans relever les yeux.
-Je l’ai perçu, je suppose. On y va ? Je dois passer au bureau des surveillants. J’ai une absence injustifiée depuis deux semaines.
Sylvain me suivit jusque la petite salle dans un bâtiment annexe, où les surveillants s’activaient. C’était étrangement la cohue quand nous arrivâmes. Trois pions parlaient entre eux à voix basse et le CPE discutait avec celui qui était au bureau. Il paraissait passablement énervé – et très personnellement, je ne préférais pas énerver M. Delcroix. Il était genre un peu ours.
-Encore une mauvaise blague d’étudiant, maugréa-t-il dans sa barbe. De très mauvais goût… Si je chope celui qui a fait ça … C’est pour quoi ? s’enquit-t-il brusquement se tournant vers Sylvain et moi.
Je montrai mon carnet de correspondance en tentant de me faire toute petite. Ce mec était flippant, quand il était en colère.
-Absence, répondis-je d’une petite voix qui me fit horreur.
Sylvain s’était un peu reculé, me laissant seule face au CPE. Je me retins de le gratifier d’un regard agacé. Lâcheur.
-Dépêches toi, grommela Delcroix, de mauvaise humeur. On a du boulot.
Je me précipitai vers le surveillant assis au bureau en me tenant le plus loin que possible du CPE. Le pion signa, pris le coupon et me rendit mon carnet. Je me dépêchai de retourner auprès de Sylvain et nous partîmes en vitesse.
-Bon sang, il est d’une humeur, Delcroix ! remarqua Sylvain alors que nous remontions vers le bâtiment des langues.
-Yep, confirmai-je sombrement. Ne me dis plus jamais que je suis flippante. Ce mec est un ours en colère.
-C’est pas le même flippe, aussi, me taquina son ami en m’ébouriffant les cheveux.
Je lui rendis son geste, chose que je pouvais faire car nous faisions la même taille. L’Anglais passa très, très lentement, comme si tout ce passer dans un autre espace-temps. Là, ni Sylvain ni moi ne prenions de notes. C’était aussi inutile qu’agaçant. Nous fîmes un morpion sur mon cahier pendant toute l’heure, tout en commentant les phrases bidons que le prof mettait au tableau entre deux partie. La cloche sonna et nous fûmes les premiers à sortir, soupirant de soulagement.
-Un cours comme ça, et je me flingue, se plaignit Sylvain en grimaçant. Tu l’as entendu quand il passé de Martin Luther King à Gandhi ? « Habile transiôôôôôôôôn ! ».
-Ridicule, renchéris-je en fronçant un nez.
Je le vis se dévisser le cou pour apercevoir la file d’élève qui attendait en espagnol.
-Euh, Hélène et Clara ne sont toujours pas revenues, finit-il par remarquer.
-Et alors ? Répliquai-je un peu brusquement. Ça ne nous concerne pas, si ?
Sylvain me lança un regard étrange, puis haussa les épaules en suivant la classe en espagnol. C’était la seule matière où nous étions séparé, puisque la prof nous avait mis par ordre alphabétique. Ce qui faisait de l’espagnol la matière « portable » quand je m’ennuyai. Je sortis le mien et le mis sur mon genou. Au moins, ça me protègerais peut être des bonds nerveux. J’avais un message de ma mère qui me demander de passer l’aspirateur en rentrant, et un autre de mon cousin, Hadrien, qui passer aux nouvelle. Je passai donc mon heure à textoter avec mon cousin, qui était l’un des rares membres de ma famille à être resté constant dans la décadence qu’elle observait depuis la mort de mon père. C’était le fils de la sœur de mon père, et il avait deux ans de plus que moi. Lui et Grand-Mère Moineau, la mère de mon père, étaient les deux personnes qui m’avaient le plus soutenu, malgré leur propre perte. Je me mordis la lèvre lorsque d’Hadrien demanda si j’avais une photos de la famille au complet – ses parents, les miens, et les grands-parents Moineau, quand grand-père était encore vivant. Je ne savais si tel photo existait. Mon grand-père était mort quand j’avais six ans. Sachant que peu avant sa mort, mon père s’était brouillé avec la mère d’Hadrien ; ce qui faisait qu’elle et ses enfants ne venaient plus aux réunions familiales à cette époque où ils étaient présents. Et qu’avant cette dispute débile, mes grands-parents vivaient dans l’Est du pays et leurs enfants dans le Nord. Par conséquents, ils avaient rarement été ensemble à Noël, ou encore à Pacques. Chose qui avait changé avec la mort de mon grand-père, certes. Mais un peu trop tard. Je répondis que je ne pensais pas avoir ce genre de photos mais que je vérifierais, et il me demanda alors si j’avais une photo de mon père et de lui. En voyant les mots « photo » et « père » accotés, je ne pus m’empêcher de penser au bûcher funèbre qu’avait organisé ma mère dans la cheminée familiale, et où, tout en sanglot, dans sa douleur, elle avait bruler toute les photos de lui qu’elle avait en sa possession, sauf les plus belle. La photo qui se trouvait sur ma commode était une de celle qui avait échappée à la purge. Je clignai des yeux, surprises des larmes qui s’y étaient accumulées. Je répondis que non, ça m’étonnerais, et coupai finalement mon portable. Cette conversation avec Hadrien me déprimait plus qu’autre chose. La cloche sonna au moment où je remettais mon portable dans ma poche. Je filai dans le couloir, Sylvain sur mes talons.
-Si, claro, claro, ha hacido mi deberes… singea-t-il en me rejoignant. La blague. Tu m’as déjà vu faire des devoirs d’espagnol, moi ? au fait, tu n’avais pas un bouquin de français à me filer ? Tu sais, celui qu’on avait eu à lire pour la semaine dernière ?
j’esquissai un sourire moqueur en pointant un doigts sur sa poitrine.
-Tu es vraiment un fainéant, le taclai-je gentiment. Je te jure que je ne te laisserais pas triché sur moi à l’interro de vendredi prochain.
-Tu avais dit ça la dernière fois aussi, lui rappela-t-il triomphalement. Allez, file le bouquin.
Je soupirai en posant mon sac que je portais en bandoulière sur le sol. Il débordait de cahiers et ne fermait pas. C’était notre plus grosse journée et en plus de tout ces cahiers, je devais me trimballer mon sac de sport, qui me semblait lui aussi énorme pour l’occasion. Les chaussures de sport prenaient trop de place. Je m’accroupis en soupirant et commençai à vider mon sac en balançant les affaires à Sylvain.
-Ah, merde, j’ai dû le mettre dans mon sac de sport. Avec tout ce fouillis, j’ai pas dû réussir à le glisser dans mon sac… réalisai-je alors qu’il ne restait que ma calculatrice dans mon sac.
-Pas cool, ton trou de mémoire, fit remarquer Sylvain, qui croulait sous le poids des cahiers. Sinon, tu me débarrasses ?
Je rangeai mes affaires avec un éclat de rire et ouvris mon sac de sport. J’y plongeai ma main et en ressortis… un jean. Je le regardai fixement, hébétée, à tenter de comprendre ce qu’il faisait là. Je sentis mes joues s’enflammer en me disant qu’il avait bien pu apparaître pendant que j’étais en cours. Je le dépliai en déglutissant nerveusement et regardai l’étiquette. Ce n’était pas un des miens. Ce qui rendait la chose encore plus gênante. Je le remis fébrilement dans mon sac, l’air de rien. Disparais, priai-je de toutes mes forces. Retourne à ta propriétaire.
-Hé, me secoua Sylvain en s’agenouillant à coté de moi. Y’a quelque chose qui ne va pas ?
-Si, répondis-je précipitamment en fouillant à nouveau le sac de sport. Simplement, je ne retrouve pas le livre, pourtant le suis sure de l’avoir pris…
-Au pire, ce n’est pas grave, je copierai sur … attend, mais qu’est ce que c’est que ça ?
il tira brusquement un T-shirt rose vif qui dépassait légèrement de l’ouverture. Ça se voyait clairement que ce n’était pas mon style. Trop de dentelle, trop coloré, et trop de décolleté. Je fixai moi aussi le vêtement sans comprendre. S’il était dans le même cas que le jean que j’avais découvert… Le regard de Sylvain passa du T-shirt à moi, pour revenir au T-shirt, et enfin à mon sac. Ses yeux s’écarquillèrent, et je craignit le pire quand il fondit une nouvelle fois dessus pour cette fois en ressortir un sweet-shirt d’une couleur bleue pâle. Celui-ci m’était vaguement familier, ce qui n’était pas pour me rassurer. Sylvain avait la tête de quelqu’un qui avait découvert que sa copine le trompait avec son meilleur pote. Il contempla les vêtements d’un air incrédule, et moi, j’étais beaucoup trop perplexe et gênée pour tenter de justifier quoique soit. Qu’est ce que j’aurais pu dire ? « Hey, désolée, mais ces truc sont apparu dans mon sac et je ne sais absolument pas ce qu’il font là ! ». Finalement, Sylvain releva les yeux vers moi. Je reculai, sous le choc. Ses iris me lançaient des éclairs.
-Je peux savoir, gronda-t-il doucement, pour n’attirer l’attention de personne, ce que tu fais avec les fringues de Clara et Hélène ?
Je clignai des yeux, surprise, autant par le ton accusateur que par les paroles qu’il venaient de prononcer.
-Les fringues de …
-Clara et Hélène oui ! ça (il leva le haut en dentelle rose) Clara le portait ce matin et ceci (cette fois, il désigna le sweet-shirt) je suis quasiment sure que c’est la tenue de sport d’Hélène. Tu m’expliques ?
Je regardai fixement le sweet-shirt, et compris alors pourquoi il m’était familier. Hélène l’avait enlevé devant moi pour aller à la douche ! Mon estomac se contracta douloureusement. Un haut à Clara. Un sweet-shirt à Hélène. Le jean que j’avais sortis devait être à l’une des deux. Soudainement, la conversation des filles autour du téléphone de Marion en SVT me revint en mémoire. « Elle dit qu’elle ne retrouve plus ses fringues… » J’eus l’impression qu’un main glacée se refermait sur mon cœur.
-Ce n’est pas moi, soufflai-je, sans regarder Sylvain.
-Pardon ? s’hérissa celui ci.
-Je … je ne sais pas comment c’est arrivé là …
-Comment c’est … oh, bon sang, Léo !
Il retira à nouveau des affaires de mon sac. Un autre sweet-shirt, un pantalon noire, et une chemise ainsi que deux jogging de gymnaste qui collaient à la peau – ceux qu’utilisaient Clara et Hélène. Mes yeux furent soudainement incapables de se détacher des vêtements. J’étais pétrifiée d’horreur. Les fringues d’Hélène et de Clara s’étaient retrouvées dans mon sac, après mon altercation avec elle. Ce qui voulait dire … et bien, ça voulait dire qu’à l’heure actuelle, elle était en petite tenue, dans les vestiaires des filles du lycée. Cette constatation me fit prendre mesure de l’ampleur de la situation et me sortit de ma torpeur. Leurs fringues avaient disparues.
Et j’étais en leur possession.
1+1 = 2. Et là, c’était mon exclusion, le 2.
Le fantôme de mon année de 4ème vint soudainement me hanter et je me mis à pianoter fébrilement le sol de mes doigts.
-Je n’ai jamais pris ses fringues, assurai-je à Sylvain en osant enfin le regarder en face. Je te jure …
Mais le regard incrédule et dégouté que me lança Sylvain étouffa le reste de mes paroles au fond de ma gorge.
-Attend, Léo… Tu ne leur as quand même pas piqué leurs fringues ?
Le ton accusateur mêlé du dégoût m’hérissa les poiles et délia ma langue :
-Non, bien sûr que non, je viens de te le dire, Sylv’ ! Protestai-je en secouant la tête. Je ne sais pas ce que ça fait là, tu me connais, je n’aurais jamais fait une chose pareille !
-Admettons. Alors comment c’est arrivé là ? chuchota Sylvain avec force, néanmoins paraissant se calmer un peu. C’était qui, la dernière à quitter le vestiaire ?
Mon silence qui suivit sa question dut lui paraître éloquent, car il se prit le visage entre les mains en poussant un gros soupir.
-Est-ce que, continua-t-il, la respiration saccadée, tu as vu quelqu’un revenir dans le vestiaires ?
Je fermai les yeux. Mon cerveau était paralysé, mais je fis un effort pour me souvenir du moindre visage.
-Non, gémis-je avec désespoir. Non, je ne pense pas…
-Et quelqu’un c’est approché de ton sac de sport ? insista Sylvain en fronçant les sourcils. Tu l’as laissé sans surveillance depuis le sport ?
Je souris malgré mon abattement. Encore une fois, il cherchait une explication cartésienne à tout ça – et je ne pouvais pas le blâmer. Sauf que la seule explication cartésienne qui existait à ce problème, c’est que j’avais pris les vêtements des filles en sortant du vestiaire des filles, les laissant dénudées sous la douche. Pourquoi ? Toutes les filles pouvaient témoigner du coup de bec qu’Hélène et moi avions eu avant qu’elle n’aille se doucher. J’aurais pu faire ça par vengeance.
Ce scénario se tenait cruellement.
Si quelqu’un découvrait ses vêtements, j’étais cuite.