Les enfants de Gaia. (Fantastique/Fantaisie).

Postez ici tous vos écrits qui se découpent en plusieurs parties !
Répondre
Perripuce

Profil sur Booknode

Messages : 1271
http://tworzymyatmosfere.pl/poszewki-jedwabne-na-poduszki/
Inscription : lun. 11 mars, 2013 7:13 pm

Les enfants de Gaia. (Fantastique/Fantaisie).

Message par Perripuce »

Avant propos :


J'ai très très longuement hésité avant de mettre cette histoire sur Booknode. Mais après l'avoir fini, et l'avoir relu, je me suis rendue compte qu'il me fallait des avis, et des avis de gens extérieur … Alors si vous le lisez, si vous avez le temps, et si vous voulez, ce serait ADORABLE de donner votre avis, négatif, positif, tout !
Je tiens immédiatement à m'excuser des fautes d'orthographes qui peuvent jalonner le récit, ça a toujours été ma bête noire, et j'ai fait de mon mieux pour les minimiser …
Je m'excuse aussi pour le manque éventuel de lisibilité et de clarté, je ne suis pas encore très habituée à la façon de mettre en ligne, et ça donne quelques maladresses …
Bonne lecture, et merci !


RAPPEL : toute reproduction, même partielle, est strictement interdite conformément au Code de la Propriété Intellectuelle. Vous n’êtes donc pas habilité à reproduire, représenter ou commercialiser ces contenus. En toute hypothèse, vous ne pouvez réaliser aucune utilisation secondaire des contenus du site à titre onéreux ou gratuit. Tous les lieux, personnages et actions présentés sont la propriété de l'écrivain. En aucun cas, ils ne doivent influencer d'autres récits. Copyright 2015 ©


Bref résumé :

Je sais que je ne suis pas tout à fait normal. Les choses disparaissent et réapparaissent autour de moi sans que je ne puisse rien y faire. Tout le monde me crois étourdie, ou pire clepto. Le suis-je? Excellente question. Je pensais que non.
Alors quand les ennuis s'accentuent au lycée, les questions affluent. D'où vient cette anomalie? A-t-elle un rapport quelconque avec cette étrange tâche de naissance, dont mon père décédé disait qu'elle me rendait spéciale?
Aucune idée. Mais plus que jamais, je me sens étrangère chez moi.
Qui suis-je?



Les Enfants de Gaia
.


Tome 1 - Sappho








Chapitre 1 : Lycée, ou comment entretenir sa forme (physique comme mentale)

Ok. Cette fois, le lycée, c’était de la folie.
Vous êtes d’accord qu’on ne retrouvait pas la trousse d’une fille qui était trois rangs devant vous dans votre sac par magie ?
Et bien moi, ça m’était arrivée. Ça m’arrivait tout le temps.

Hélène croyait dur comme fer que je lui aie pris sa trousse. Comme si je n’avais que ça à faire … le cours de physique avait été ennuyeux, et j’avais passé mon heure à regarder par la fenêtre en me demandant ce qu’était une vie normale. C’est-à-dire sans trousse qui apparaît dans votre sac parce que sa propriétaire vous agace à embêter votre voisin – qui est votre meilleur ami- parce qu’il a des oreilles décollées. J’avais pensé, en entrant au lycée, qu’on dépassait toutes ces conneries. Mais non. Dès que Sylvain passait devant Hélène, celle-ci le traitait de Chou-fleur.
Vraiment pathétique.

La cloche avait sonné la fin des cours et Sylvain, en bon élève modèle, avait été poser quelques questions au prof sur la mécanique. Personnellement, je n’avais pas suivi le cours, donc je n’avais pas compris grand-chose à la dite mécanique, mais j’avais fait de mon mieux pour l’attendre patiemment et sagement près de la porte. Ensuite, quand nous sommes arrivés en français –avec un peu de retard- et que j’avais ressorti mes affaires, j’avais extrait la trousse d’Hélène au lieu de la mienne. J’avais essayé de la lui refiler avec un « tu l’as oubliée en physique » mais elle s’est mise à me vociférer dessus jusqu'à ce que la prof lui ordonne de se taire.
Vraiment charmante, vous ne trouvez pas ?
Mais le fait était que ce n’était pas la première fois que ça m’arrivait. Des trucs qui apparaissaient dans mon sac, ou sur ma table, sans que je ne sache d’où ils venaient. Bien sûr, quand je le disais à quelqu’un, on me disait que c’était simplement que je ne m’en souvenais plus, que c’était des mécanismes inconscients. Mais on ne vole pas par mécanismes inconscients, si ? à moins d’être cleptomane, et j’étais à peu près sûre de pouvoir affirmer que je ne l’étais pas.
Voilà à quoi pense une fille un peu bizarre en fulminant quand elle est en cours de français. Hélène me jetait encore des regards venimeux, et Sylvain tentait tant bien que mal de me consoler :

-Peut être qu’elle l’a mise exprès dans ton sac, supposa-t-il à voix basse en faisant semblant de prendre des notes. Elle est sortie pendant que tu rangeais tes affaires et elle t’en veut depuis que Clément l’a largué parce qu’il voulait tenter de sortir avec toi …

Je reniflais, dubitative, en lançant un regard à la nuque de Clément, un grand garçon très sur de son charme. Trop sur à mon goût.

-Mouais, lançai-je, le nez dans mes textes. C’est peut être ça.

Même Sylvain me lançait un regard étrange quand je lui racontais mes drôles d’aventures. C’était un garçon mince et pas très grand –nous faisions la même taille- aux cheveux blonds en bataille, aux yeux bleu-gris et aux oreilles effectivement, bien décollées. Il était bon élève dans les sciences, mais se contre-fichait du français, ce qui faisait que nous étions assis au dernier rang, et qu’il était allongé sur sa table, l’air de s’ennuyer cordialement. Je le connaissais seulement depuis la seconde, mais il avait été le meilleur ami que je n’avais jamais eu, malgré le fait qu’il ne croyait pas à mes histoires d’objets apparaissant. Il tentait toujours de trouver une explication rationnelle à ces apparitions – ici, le désir de vengeance d’Hélène. Certes, Hélène voulait se venger, mais pour moi, c’était un peu court, comme explication. Et ça n’expliquait pas tout.

Le cours se déroula de façon calme, et silencieuse. Je pris des notes sur les explications de texte. Ma jambe ne cessait de faire des petits soubresauts qui agaçaient profondément Sylvain. Il m’avait juré qu’un jour, il allait me l’attacher à la chaise. Mais c’était des bonds nerveux auxquels je ne pouvais rien. Dès que j’étais statique, ma jambe s’agitait, ou j’éprouvais un besoin compulsif de m’occuper les mains. C’était étrange, Sylvain détestait ça, mais s’y était fait, au bout d’un an et demi. Au bout de deux heures intenses à lire et décortiquer un texte de Marivaux, la prof nous laissa sortir et Sylvain courut littéralement vers la sortie pour aller en maths. Je pris un maximum de temps pour ranger mes affaires. Je détestais aller en maths. Comme en histoire, d’ailleurs. Non pas que les matières m’importunaient. Au contraire. Mais les profs n’avaient pas d’autorité. C’était une séance discutade et à la fin, j’en ressortais avec une migraine atroce. Trop de son, trop de voix, trop d’intensité. Je suivis Sylvain en trainant des pieds, et ressortit du cours en me tapant mon livre de maths contre mon front.

-Oh, ça va, ils étaient plutôt calmes, aujourd’hui, me taquina Sylvain en criant pour se faire entendre dans le brouhaha du couloir.

Je grimaçais. J’avais les oreilles sensibles, il était inutile de hurler et il le savait.

-Baisse d’un ton, lui intimai-je avec un signe rageur de la main. Pitié, sortons vite, ma tête va exploser.

Nous réussîmes tant bien que mal à sortir du couloir et je courus jusque dehors pour m’assoir sur un banc. Ma migraine disparaissait dès que le brouhaha s’éloignait. Je détestais la foule. J’avais l’impression de réussir à entendre toutes les conversations de tout le monde, grâce à mes super-oreilles. Trop de voix, trop de bruit qui cognaient contre les tympans, trop d’intensité dans ma boite crânienne. Sylvain s’impatientait devant moi en tapant du pied, un sourire goguenard aux lèvres. Il était habitué au spectacle. Moi, courant dans les couloirs pour éviter la foule, esquivant les grands groupes, ou frottant les tempes d’un air désespéré.

-Ne te moques pas, le suppliai-je. J’aimerais bien t’y voir, aussi.
-Je me demande ce que tu es. Claustrophobe, ou Agoraphobe ?

Je grimaçais.

-Un peu des deux, je suppose. Bon, prochaine étape ?
-Le baume pour mon estomac.
-Oh non …

La cantine, c’était comme les cours de maths et d’histoire. A s’en taper les livres contre le front.

La journée continua ainsi, et quand j’abandonnais Sylvain devant son bus, et m’affalais sur le premier siège vide venu, j’avais l’impression que ma tête pulsait au rythme des conversations qui régnaient autour de moi. La fille derrière était en train de se lamenter sur une interro trop dure. Deux mecs parlaient de résultats de foot. Une terminale énumérait ses vœux post-bac. Et j’en passai, et des meilleures. J’avais sans-cesse l’impression d’écouter aux portes de la vie privée des gens, sans que ce soit intentionnel. En plus d’être une cleptomane, j’étais une espionne. Et oui, le lycée, c’était de la folie, voir du sport, pour moi. Et encore, le sport n’était pas aussi crevant. Je pris mes écouteurs dans ma poche et les enfonçaient dans mes oreilles pour m’isoler un peu de tout ce brouhaha. La musique était plus agréable que les petits problèmes de la vie lycéenne.
Mon bus s’arrêta au bout de trois chansons devant mon arrêt, et il me fallut une chanson de plus pour arriver devant ma porte. Oui, je comptais en chanson. Ne faites pas de commentaires. Je poussais la porte et balançais mon sac dans un coin de l’entrée.

-Léo ? cria la voix de ma mère depuis la cuisine.
-Ouais.

Elle aussi, elle croyait que j’étais sourde.
Je rejoignis ma mère, qui était assise dans la cuisine avec son ordinateur devant elle. Elle était encore belle, avec ses pommettes hautes, son nez fin et ses beaux cheveux roux lustrés. Ses longues jambes étaient croisées avec grâce sous la table. J’étais aussi fine et élancée qu’elle, mais à chaque fois que je me retrouvais à coté de ma mère, je me faisais l’effet d’une balourde.

-Comment ça va aujourd’hui ? me demanda-t-elle en levant les yeux de son écran. Pas de nouvelles notes ?

Pff. Les parents, toujours obsédés par les notes.

-Non, mais on a eu les dates de bac blanc, lui appris-je en prenant une barre de céréales. 18 et 19 janvier.
-Très bien. Tu as commencé à réviser ?
-Maman, soupirai-je. On est en octobre. J’ai le temps.

Avant qu’elle ait le temps d’ouvrir la bouche, la porte claqua une seconde fois. Je ne pus empêcher un grondement de sortir de ma gorge, et ma mère me lança un regard sévère. Grégory arriva quelques secondes plus tard, son portable à la main, et son sac dans l’autre.

-‘Lut, fit-il brièvement sans nous regarder.
-Salut Greg, le salua poliment ma mère. Alors, cette journée ?

Lui, elle ne l’embêtait pas pour les notes. Il fallait dire que Grégory n’était pas son fils. Ni mon frère. C’était le fils de mon beau-père, Christophe, l’homme qu’avait épousé maman il y a maintenant deux ans, deux ans après le décès de mon père. Grégory avait deux ans de moins que moi, et était en troisième, ce qui me dispensait de le supporter au lycée en plus de la maison. Car Grégory était insupportable. Il mettait toujours du métal à fond dans sa chambre, sans se souciait de sa demi-sœur (c’est-à-dire moi) qui devait travailler à coté, répondait toujours de manière brutale à ma mère, et de manière générale, à tout le monde.

-Bien. A part que j’ai envie de démolir le prof de français. M’a foutu une heure de colle.

Il me faisait toujours l’effet d’un mec shooté, à moitié endormie, qui mâchait ses mots, comme s’il avait sans cesse la bouche pleine. Ma mère me disait associable, mais lui c’était pire que ça.

-Tu en parleras à ton père quand il reviendra, proposa diplomatiquement ma mère, pour éviter d’avoir affaire à l’un de ses long et interminable débats sur les problèmes de discipline de Greg. Au fait, Léonie, ta grand-mère a appelé, elle veut qu’on aille chez elle, ce soir. Alors si tu vas courir, fait en sorte de revenir tôt, d’accord ?
-D’acc, promis-je en prenant la direction de ma chambre.
-Et évite les bois de la mairie, me cria-t-elle alors que je montai l’escalier. La boulangère m’a dit qu’il y avait encore une fille qui s’y était fait agressé.
-D’accord !

Ma mère avait vu juste : j’allais courir. C’était aussi vitale pour moi que de m’occuper les mains quand j’étais statique : après une journée à osciller entre angoisse, perplexité et migraine, il fallait que j’évacue tout ça. Alors je courrais. De plus, il fallait que je m’épuise, sinon, je soir, j’étais trop excité pour dormir. En réalité, si je n’avais pas les migraine, c’était ça toute la journée : on aurais dit que j’était sans cesse en surdose de caféine. D’ailleurs, ma mère m’interdisait parfois de prendre du café ou autre produit caféïné, estimant que j’étais assez hyperactive comme ça. D’où le besoin inconditionnel de me dépenser. De courir, de délier mes jambes pour ne plus penser à rien. Ni aux objets qui apparaissent dans on sac, ni aux conversations qui ont lieu autour de moi. Je me changeai dans ma chambre, enfilant un jogging noir et un débardeur bleu, et nouant les cheveux en une longue queue-de-cheval. Malgré moi, je regardai le résultat dans le miroir et grimaçai. Mon jogging ressemblait à un sac entourant mes jambes et mon débardeur saillait trop, au contraire, à ma mince silhouette. Mes longs cheveux roux, légèrement ondulé, juraient avec ma peau blanche et mes yeux d’une couleur chocolat limpide m’apparaissaient beaucoup trop grand. Ma tache de naissance, un espèce de « L » inversé un peu étrange se détachait sur mon épaule. Je la tâtai doucement. J’avais l’impression qu’elle était plus brune que quand j’étais petite. Mon père avait toujours dit que c’était un bon signe, le fait que j’avais cette tâche. Car elle avait plus ou moins la forme d’un « gamma » majuscule, le G grec « Γ ». « G » comme « Gaia », soit la Terre, en grec ancien. Oui, je sais, un peu tiré par les cheveux, mais mon père adorait ses histoires de légendes un peu mystiques, de gens marqués et spéciaux. Et il m’avait ainsi toujours raconté, quand j’étais petite, que la terre veillait sur nous. Alors si j’avais la marque de la Terre, c’est qu’elle veillait plus particulièrement sur moi. Ça m’avait toujours rendue fière, étant petite fille, mais maintenant, ça me rendait mélancolique. Ça me rappelait mon père. Je détachais mon regard de ma tâche de naissance pour regarder à nouveau mon aspect. Je ne voyais rien en moi qui rappeler la grâce et la finesse de ma mère. Ni la jovialité et le visage franc de mon père. Je tournai la tête vers la commode. Une photo de nous trois- mes parents et moi- un an avant l’accident. J’avais onze ans, et je souriais à l’objectif avec un air timide. Ma mère portait une élégante robe bleue et tenait les épaules de mon père avec tendresse. Celui ci me tenait sur ses genoux et souriait franchement, les petites rides apparaissant au coin de ses yeux chocolats – comme les miens. Ses cheveux poivres et sels étaient en bataille, ce qui contrastait avec l’ai impeccable de sa femme, mais dans l’ensemble, cette photo montrait ma famille tel qu’elle avait toujours été du temps où mon père vivait : différente, contrastée, mais forte, heureuse et unie. je n’avais jamais été aussi proche de sa mère qu’en se temps là. Maintenant, elle c’était remariée avec une homme de bonne famille héritier d’une petite entreprise qui marchait plutôt bien malgré la crise, qui venait de divorcer avec sa femme, et m’imposait ainsi Gregory et les joies des familles recomposées. Il était loin le temps où ma mère venait avec moi dans ma chambre, le soir, avec une lampe torche pour faire des ombres chinoises. Très loin. Je détournai les yeux de la photo de mon ancienne famille parfaite, passablement déprimée, et les posai sur un I-pod rouge vif qui était posé sur ma table de nuit. J’étouffai un exclamation en l’attrapant. Ce truc, je l’avais perdu il y a deux semaines. Je l’avais posé sur mon bureau après une course, enlever les écouteur, pesté parce que sa batterie m’avait lâché en plein milieu, et quand je m’étais retourné… Pouf ! il avait disparu.
Je sais. Très peu probable.
Pourtant, j’avais retourner la chambre de Greg, et fait subir un interrogatoire poussé à ma mère, impossible de remettre la main dessus. Et je le retrouvai à présent attendre tranquillement sur ma table de chevet. Comme s’il venait d’y apparaître.
Ça aussi, c’était très peu probable.
Je m’assis sur le bord de on lit et fis tourner l’appareil entre mes doigts en réfléchissant. Cette manie que les objets avaient à apparaître/disparaître autour de moi me foutait les jetons. Je n’arrivais toujours pas à déterminer si je ne cherchais pas assez bien mes affaires, si j’étais une très mauvaise observatrice, si j’avais la mémoire d’un poisson rouge, s j’étais folle, cleptomane, ou bien si ces truc disparaissaient ou apparaissaient bel et bien par magie. J’aurais pu voir un docteur, à cause de ça, mais à force de persuasion au près de ma mère (avec le fameux argument « Papa ne t’aurais jamais laissé faire ça ! » un peu cruel, mais très efficace), j’avais évité ce supplice. Même si elle aurait bien voulu. Car ces problèmes m’attirais pas mal d’ennuis, à l’école. En 4ème, la sacoche de travail d’un professeur avait été retrouvée dans mon casier. (En réalité, j’avais été trop naïve en allant rendre sa sacoche à son propriétaire en pensant qu’il me remercierait. Sauf que quand je lui ai dit que je l’avais retrouvé dans mon casier dont moi seule avais la clef, j’ignore pourquoi, il a crut que je me foutais de lui). Ma soi-disant insolence dans cette affaire (tout de même, prenons-le dans leur sens : la voleuse viens vous rendre vos affaires avec un grand sourire en disant qu’elle l’a « trouvé » dans son casier. Quelle insolence, non ?), ajouté au vol m’avais valut l’exclusion du collège. (Collège privé. Ils sont un peu durs, ils ne laissent pas de seconde chance.). il y avait aussi eu cet accident, en seconde. Le livre d’une fille de terminale (bruyante et insupportable, au passant) s’était retrouvé sur mon bureau, au CDI. La fille l’avait remarqué et m’avait vociféré dessus entre deux rayons. Le documentaliste nous a viré toutes les deux. Ça aurait pu s’arrêter là, mais en sortant, je me suis rendu compte que le porte-feuille du documentaliste s’était retrouvé dans ma poche de veste. La fille de terminale m’avait vu le sortir et m’avais aussitôt dénoncé. Je m’étais retrouvé devant le CPE et la proviseure adjointe pendant une heure avec ma mère, et ils ont finalement décidé de ne m’exclure qu’une semaine. Mais au moindre faux-pas, j’étais sur la sellette. Happy year. Entre mon exclusion du collège et mon épée de Damoclès au lycée, ces problèmes m’avaient bien pourris la vie. Je soupirai, jetai un dernier regard sur cette ombre de ma famille et descendis l’escalier en vitesse. Je criai un « a toute ! » à la volée et claquai ensuite la porte pour partir directement a petite foulée.

***

-Euh, t’as bu combien de café, ce matin ? Me demanda d’un air faussement inquiet Sylvain.

Je lui lançai un regard agacé. Depuis le début de la journée, je ne cessais de gigoter, de me lever pour toutes les raisons possibles et imaginables … enfin bref, je m’efforçai de me mettre en mouvement.

-Aucun. Ma mère a décidé de me censurer en café.
-Je la comprends. T’es flippante.

Je lui lançai mon crayon pour le faire taire. La séance de course hier soir avait été trop courte, et je me retrouvais à présent comme une pile électrique à essayer désespérément de dépenser mon énergie nerveuse, en parlant, en petits bonds nerveux de la jambe, ou en lançant mes crayons sur Sylvain. Nous étions dans une des petites salles de travail du CDI en train de recopier nos cours respectifs. Sylvain n’écoutait pas en français et en histoire, et j’avais du mal à me concentrer en math et en physique, alors nous prenions des notes pour deux et échangions nos cahiers. Je ne savais pas vraiment si cette méthode était efficace, surtout en première scientifique, mais je savais que je ne pouvais pas me concentrer sur les dérivées de mathématiques avec le boucan que la classe faisait derrière nous. Je me retrouvai donc à présent à devoir déchiffrer les hiéroglyphes de Sylvain.

-La dérivée de x, c’est … un bâton ?
-C’est un, souffla Sylvain, agacé en se frottant le front. Et ça veut dire quoi « Fçs » ?
-Français. Un an à lire mes cours, tu devrais commencé à intégrer mes abréviations.

Sylvain répéta puérilement mes dernières paroles et je lui balançai une nouvelle fois mon crayon pour qu’il la ferme. Nous restâmes un moments silencieux, silence uniquement perturbé par mon pied qui tapait contre le carrelage et par les grattement de stylo. Les garçons dans la salle d’à coté tenter de passer outre la censure du CDI pour aller jouer à des jeux en ligne. Les filles de l’autre coté bossaient sur un long DM de maths. Elles devaient être en seconde, car j’arrivai à répondre à toutes les questions. Je n’étais pas mauvaise en math. En réalité, je n’étais pas mauvaise dans toutes les matières, mais je ne voyais pas l’intérêt de faire toutes ses dissertations, ses analyses de documents, ses DM. J’appliquai tout ce que j’apprenais dans la vie réelle sans avoir besoin de tous ses exercices. Ma mère était persuadée que je pourrais être plus brillante, si je m’appliquai d’avantage. Mais entre les faux-cours et mon désintérêt pour les exercices, tout cela était tout, sauf brillant. Des pas retentirent subitement dans le couloir et quelqu’un tapa à notre porte, faisant sursauté Sylvain. Notre délégué, Joris, passa sa tête par l’ouverture.

-Hey ! Juste petite info : on devait avoir perme l’heure d’après ?

J’échangeai un regard avec Sylvain, et acquiesçai.

-Bien ça change, nous appris Joris en ouvrant la porte en grand. Y’a une dame qui viens nous faire de la présentation post-bac, alors elle nous prend sur une heure libre…
-Elle ne pouvait pas nous prendre en français ? grommela Sylvain en fronçant du nez.
-Ou en physique ? renchéris-je en faisait tourné mon stylo entre mes doigts. Quelque chose pas utile, quoi.

Joris haussa les épaules, et nous donna la salle de rendez-vous avant de repartir. Sylvain soupira profondément en fusillant la porte du regard.

-Présentation post-bac… Je t’en pose, des questions…

je ne répondis pas tout de suite. Ma jambe continuait de faire des bond nerveux et mon stylo tournait de plus en plus vite dans mes mains. C’était flippant. Je ne tenais plus en place, et si je devais rester assise tranquillement l’heure d’après, il fallait que je fasse quelque chose –autre chose que recopier des maths. Je refermai mon cahier d’un geste un peu brusque.

-Je vais prendre l’air, annonça-je à Sylvain.
-Je te suis. De toute façon, la première guerre mondiale, ça ma déprime.

Il ferma son cahier et me rendit le mien. Nous rangeâmes nos affaires le plus vite que possible. Je récupérai tout les stylo que j’avais jeté à Sylvain, et je me rendit compte qu’un manquer à l’appel –celui avec lequel je jouais depuis tout à l’heure. Je me mordis la lèvre en regardant à terre et dans mon sac, mais aucun signe de lui. Je fis comme si de rien n’était. Des objets qui disparaissent, c’était courant aussi. Des bouchons de bouteilles, des élastiques que j’étais persuadé d’avoir laisser sur l’évier, des livres que j’abandonné sur mon bureau… C’était flippant, mais au final, je n’y faisais plus attention. Et je finissais toujours par tout retrouver, dans des endroit pour le moins inhabituel, la plupart du temps, mais je les retrouvais quand même. Comme mon premier tome d’Harry Potter que j’avais retrouvé dans les toilettes de grand-mère Moineau, trop haut pour que je puisse l’atteindre. Mon stylo devait surement être dans les toilettes des filles. Derrière la poubelle. Oui, je sais, ce n'était pas très ragoutant. Mais ça m’était déjà arrivé. Flippant ? Je savais. Etais-je folle ? Aucune idée. Toujours était-il que mes affaires disparaissent et réapparaissent sans que je puisse rien y faire. Tant pis. Je rangeai fébrilement ma trousse dans mon sac et sortis à la suite de Sylvain. Nous marchâmes comme deux âmes en peine dans la cours du lycée. Octobre c’était bien installé -et le froid avec. Sylvain avait enfoncé un bonnet sur sa tête et j’avais mis ma capuche pour protéger mes oreilles du vent glaciale qui commençait à souffler. Une fine pluie commença à tomber et nous courûmes nous abriter dans le hall. La cloche sonna et nous nous dirigeâmes vers la salle indiquée par Joris. Une dizaine d’élève de notre classe attendait déjà à la porte. Le temps que tout le monde arrive, le CPE, M. Delcroix, nous fit entrer dans la salle. Sylvain et moi nous précipitâmes vers les sièges du fond, où il pourrait roupiller et moi jouer avec mes stylos en toute tranquillité – à condition qu’ils ne disparaissent pas. La classe fut bientôt au complet, et une jeune femme – bien plus jeune que je ne l’aurais cru – entra en nous souriant d’un air enjoué. Elle devait avoir environ vingt-cinq ans, avait des cheveux court aux mèches blondes coiffés en épis et des yeux bleus rieurs. Elle posa son sac à main sur la chaise et s’assit nonchalamment sur le bureau.

-Bonjour tout le monde, entonna-t-elle sur un ton cordial, mais gaie. Je me présente, je suis Léna Duriez, et je suis envoyé à peu près dans tout les lycée de l’académie pour vous parlez de ce qui se passe après le bac. Vous êtes en S, c’est ça ?

Elle nous jaugea tous, comme si elle nous évaluait pour voir si nous étions fait pour tel ou tel épreuve. Ses yeux bougeaient sans cesse, comme si elle cherchait quelqu’un de particulier. La classe répondit un « oui » mal assuré, et Léna Duriez finit par sourire.

-Toute les voix d’ouvrent à vous, alors ! Qui sais déjà ce qu’il veut faire plus tard ?

Quelques mains timides se levèrent et Léna les interrogea. Toute l’heure se passa ainsi. Sylvain posa sa tête sur son bras, l’air prêt à s’endormir et je fis tourner mon stylo dans les mains en écoutant les élèves répondre aux questions de Léna. L’intervenante était gentille et enthousiaste, mais le post-bac était loin de m’intéressait pour l’instant. Je ne savais absolument pas ce que je voulais faire plus tard, et c’était bien pour ça que j’étais partie en S. Pas par conviction, ni par amour des maths. Parce que c’était ce qui ouvrait le plus de porte. Et j’avais besoin d’un maximum de portes ouvertes. Toujours était-il que dans mon cas, les grandes interventions magistrales sur l’orientation ne servaient à rien. Je commençais à me détacher de ce que disait Léna quand elle nous interpella, Sylvain et moi.

-Hé, dans le fond ! ça ne participe pas beaucoup, remarqua-t-elle avec un air moqueur en se tournant vers moi. Alors, jeune fille, c’est quoi ton nom ?

J’hésitai, stupéfaite qu’elle s’adresse à moi ainsi, comme si elle s’intéressait vraiment à mes projets d’études.

-Léonie, répondis-je prudemment.
-Bien, Léonie, tu sais qu’est ce que tu ferras après le bac ?
-Non. Pas du tout.

La bouche de Léna se tordit. Elle me dévisagea de la même manière qu’elle avait dévisagé toute la classe au début de son intervention, comme si elle me testait.

-Quelles matières préfères-tu ? me demanda-t-elle. Et dans quelle matière es-tu la plus forte ? Comment conçois-tu ton avenir ? Dans un bureau ?

Je grimaçai malgré moi. J’avais déjà du mal à tenir en place en cours, alors dans un bureau… Léna remarqua ma réaction et sourit doucement.

-Pose-toi toute ses questions, Léonie. Procède par élimination, et tu verras, la réponse t’apparaitra plus facilement. Concentre-toi sur tes Aptitudes, et le reste ira tout seul.

Elle avait dit sa tirade de façon étrange, comme si là elle se dégageait de l’orientation pour aller dans un sens plus général. Je la regardai en fronçant les sourcils, incertaine de tout comprendre, mais elle sourit, et se détourna pour interpeler une autre fille qui sommeillait contre la fenêtre.

-Ouf, j’ai eu chaud, soupira Sylvain en sortant de la salle. J’ai bien cru que je serais le prochain à passer, après toi…
-C’est pas un peu … bizarre, ce qu’elle m’a dit ? hasardai-je, encore perplexe par ses paroles.

Sylvain haussa les épaules d’un air nonchalant.

-Non, perso, j’ai même trouvé ça un peu bateau. Enfin bon … comme ça j’ai pu me reposé un peu !
-Fainéant.
-Clepto.
-Va te faire voir.

Sylvain me fit un sourire taquin et me poussa en direction de la cantine. Le repas se déroula de façon commune, dans notre coin, loin des autres, à manger en vitesse parce que je ne supportais pas plus la cantine que les heures de maths. Nous prîmes ensuite la direction de la salle de sport, juste à l’entrée du lycée. Nous faisions endurance (Oui, sous la pluie glaciale, tout-à-fait.), et certaines filles commençaient à se plaindre du froid et de la soi-disant cruauté de la prof. J’entendis Sylvain râler aussi contre le temps. Il n’était pas un très grand sportif – je courrais plus vite que lui. Personnellement, ça ne me dérangeait pas plus que ça, le froid et la pluie, qui commençait à tomber à forte gouttes sur le terrain. Au contraire, ça m’obligeait à faire plus d’effort, et donc à me dépenser plus. La prof arriva et les filles allèrent ses changer dans les vestiaire. En plus d’un débardeur, j’enfilai un pull pour ne pas attraper la crève, et sortit en frissonnant dehors.

-Mes oreilles vont geler, marmonna Sylvain en me rejoignant.
-Tu vas te réchauffer, t’inquiète, lui promis-je en lui lançant un regard taquin. Frileux, va.

Je fis quelques montées de genoux sur place, pour réchauffer mes muscles et la prof nous ordonna d’aller sur le terrain. Elle nous précisa que compte tenu de la pluie battante (et, il fallait l’admettre, glacée), nous ne pourrions pas faire les exercices habituels, et que nous devrions tourné autour du terrain pendant trente minutes. J’entamais ma course avec Sylvain, mais le semais rapidement pour finir à la hauteur du délégué. Joris et moi n’étions jamais devenu amis, mais ça faisait deux ans que nous étions dans la même classe et on s’était vite rendu compte qu’on courrait à la même allure. Alors sans se parler, ni être amis, nous étions compagnon de course. Trente minutes plus tard, trop tôt à mon goût, la prof lança le coup de sifflet libérateur. Toute la classe poussa un soupir de soulagement alors que le mien était plutôt résigné. Joris soufflait comme un bœuf à coté de moi, et grimaça en retournant au bord du terrain.

-Top-là, la Rousse, haleta-t-il en me tendant la main. Tu ne perds pas la forme.
-Toi non plus, souris-je en tapant dans sa main. A la semaine prochaine.

Sylvain était assis sur la pelouse boueuse, la tête entre les genoux. Je l’avais vu s’arrêter plusieurs fois, et l’avait souvent dépassé. Je le rejoignis en tapant sur son épaule.

-Alors champion, on y va ?
-La…ferme, bredouilla-t-il en me lançant un regard mauvais. Me repose.
-Tu te reposeras dans les vestiaires. Debout !

Grimaçant et frissonnant, Sylvain finit par se lever et m’accompagna jusqu’au vestiaire des filles avant de rejoindre le sien en s’ébrouant. Je réprimai difficilement un sourire et poussai la porte de mon vestiaire. Hélène et son amie, Clara, pouffèrent en me voyant arriver, ma capuche sur la tête, mon sweat trempé et mon jogging-sac couvert de boue.

-Franchement, Léo, je comprends que tu dois clepto, si tu ne peux pas t’acheter des meilleures fringues que ça … fit semblant de compatir Hélène. Simplement, apprend à voler les bonnes choses.

Je me tournai vers mes vêtements en me mordant la lèvre. J’étais habituée aux sarcasmes d’Hélène, alors j’avais des répliques toutes faites dans ma tête, même si en réalité je n’avais pas la meilleure répartie qui soit.

-On a tous une sal dégaine, en vêtement de sport, Hélène, rétorquai-je en enlevant la capuche et libérant mes cheveux. Toi y comprise, navrée de te décevoir.

Ce n’était pas forcément vrai. Son jogging la moulait à la perfection, et son sweat-shirt laissait deviner de manière pas trop vulgaire ses belles formes. Mais il fallait bien que je rétorque quelque chose. Hélène pouffa et se déshabilla. Les filles avaient accès à la douche, mais j’estimais qu’en cours, c’était une perte de temps. Il suffisait de se changer. Les deux pestes partirent en direction de la douche, en lingerie fine, tout en lançant un regard moqueur à mon soutien-gorge, que j’utilisais depuis la quatrième et qui avait une tête de souris stylisée imprimé dessus. Je grimaçai en les voyant s’esclaffer. Je les détestais. J’avais toujours pensé qu’au lycée, la mentalité changeait, mais elles me prouvaient que ce n’était absolument pas le cas. Bien au contraire. Elle me dégoutait. Je remis mes vêtements, fourrai mes affaires de sports dans mon sac. Toutes les filles, sauf Hélène et Clara, qui se douchaient encore, étaient parties. Je me dépêchais de rejoindre Sylvain, et nous prîmes la direction de la salle de SVT en frissonnant. L’heure se passa rapidement, car c’était l’un des rare cours où nous étions attentif en même temps, ce qui nous permettait de tuer le temps. Je fus forcer de constater qu’Hélène et Clara avaient décidé de sécher le cours - sans doute pour passer plus de temps sous la douche... Finalement, quand la cloche sonna au bout de deux heures, j’entendis des filles de la classe chuchoter devant moi, agglutinées devant le portable de Marion, une autre amie d’Hélène.

-Elle dit qu’elle ne retrouve plus ses fringues…
-Sérieusement ? Elle crois quoi, qu’elles se sont envolé ?
-Clara non plus. C’est bizarre, non ?
-C’était qui la dernière à sortir du vestiaires ?

Je sentis une rougeur me monter aux joues. C’était moi, la dernière. Je remballai les affaires en vitesse et dépassait les filles en ayant l’air le plus naturel du monde. Si Hélène avait perdu ses affaires, et qu’elle savait que j’avais été la dernière en leur présence, elle ferait tout pour m’accuser, tel que je la connaissait. Mieux valait faire profile bas, pour moi. Après tout, je n’avais vraiment rien à voir là dedans. Peut être un blagues des mecs – beaucoup donnerait tout ce qu’ils avaient pour voir Hélène en tenue légère.
Je rejoignit Sylvain rapidement et me précipitai vers le cours de physique. Mon ami me lança un regard surpris, mais ne fit aucun commentaire en s’asseyant à coté de moi. Brave type. Le sport ne m’avait pas ravit mon énergie nerveuse. Au contraire, ma jambe faisait plus de bond que jamais, et finalement, Sylvain finit par appuyer sa main conter mon genou.

-Du calme, gronda-t-il à l’adresse de ma jambe avant de se tourner vers moi. Toi, contrôle mieux tes nerfs, ok ? C’est stressant. Heureusement que ta mère ne t’a laissé boire de café ce matin ! Imagine le carnage …

Je fronçai les sourcils et retirai sa main de mon genou avant de le frotter. Je lançai un regard mauvais à Sylvain.

-Arrête de donner des ordres à mon anatomie, je te pris. Si je ne la contrôle pas, toi non plus.
-Certes, chuchota-t-il pour ne pas éveiller les soupçons du prof. Mais c’est tout de même flippant, non ?
-Sylvain, murmurai-je avec une nuance menaçante dans la voix. Contente toi de prendre les cours, c’est ton tour, et laisse ma jambe tranquille.

Mon ami finit par rendre les armes et de mon coté, je tentai tant bien que mal de contrôler les bond nerveux, en jouant avec mes crayons, ou en dessinant sur mon cahier ou le sien. La cloche sonna et alors que tout le monde courrait dehors, Sylvain se dépêcha à nouveau près du prof. Je masquai mon impatience de mon mieux en rangeant le plus lentement possible mes affaires. Je fit malencontreusement rouler la trousse de Sylvain en me retournant pour ranger mon classeur et la rattrapé in extremis alors qu’elle tombait de la table. L’éclat de rire du prof me fit sursauter.

-Mais quel réflexe, Léonie ! me taquina-t-il. Tu es une rapide, dis donc.

Je sentis mes joues s’empourprer. Je m’abstins donc de répondre, préférant lui épargner un espèce de gazouillis d’excuse incohérente. Je rangeai mes affaires et celle de Sylvain tête baissée quand celui ci me rejoignit. Il prit sa trousse et la secoua devant mon nez.

-Il a raison. Joli réflexe. Comment l’as-tu vu tomber ? Tu étais dos à elle.

J’haussai les épaules, gênée, sans relever les yeux.

-Je l’ai perçu, je suppose. On y va ? Je dois passer au bureau des surveillants. J’ai une absence injustifiée depuis deux semaines.

Sylvain me suivit jusque la petite salle dans un bâtiment annexe, où les surveillants s’activaient. C’était étrangement la cohue quand nous arrivâmes. Trois pions parlaient entre eux à voix basse et le CPE discutait avec celui qui était au bureau. Il paraissait passablement énervé – et très personnellement, je ne préférais pas énerver M. Delcroix. Il était genre un peu ours.

-Encore une mauvaise blague d’étudiant, maugréa-t-il dans sa barbe. De très mauvais goût… Si je chope celui qui a fait ça … C’est pour quoi ? s’enquit-t-il brusquement se tournant vers Sylvain et moi.

Je montrai mon carnet de correspondance en tentant de me faire toute petite. Ce mec était flippant, quand il était en colère.

-Absence, répondis-je d’une petite voix qui me fit horreur.

Sylvain s’était un peu reculé, me laissant seule face au CPE. Je me retins de le gratifier d’un regard agacé. Lâcheur.

-Dépêches toi, grommela Delcroix, de mauvaise humeur. On a du boulot.

Je me précipitai vers le surveillant assis au bureau en me tenant le plus loin que possible du CPE. Le pion signa, pris le coupon et me rendit mon carnet. Je me dépêchai de retourner auprès de Sylvain et nous partîmes en vitesse.

-Bon sang, il est d’une humeur, Delcroix ! remarqua Sylvain alors que nous remontions vers le bâtiment des langues.
-Yep, confirmai-je sombrement. Ne me dis plus jamais que je suis flippante. Ce mec est un ours en colère.
-C’est pas le même flippe, aussi, me taquina son ami en m’ébouriffant les cheveux.

Je lui rendis son geste, chose que je pouvais faire car nous faisions la même taille. L’Anglais passa très, très lentement, comme si tout ce passer dans un autre espace-temps. Là, ni Sylvain ni moi ne prenions de notes. C’était aussi inutile qu’agaçant. Nous fîmes un morpion sur mon cahier pendant toute l’heure, tout en commentant les phrases bidons que le prof mettait au tableau entre deux partie. La cloche sonna et nous fûmes les premiers à sortir, soupirant de soulagement.

-Un cours comme ça, et je me flingue, se plaignit Sylvain en grimaçant. Tu l’as entendu quand il passé de Martin Luther King à Gandhi ? « Habile transiôôôôôôôôn ! ».
-Ridicule, renchéris-je en fronçant un nez.

Je le vis se dévisser le cou pour apercevoir la file d’élève qui attendait en espagnol.

-Euh, Hélène et Clara ne sont toujours pas revenues, finit-il par remarquer.
-Et alors ? Répliquai-je un peu brusquement. Ça ne nous concerne pas, si ?

Sylvain me lança un regard étrange, puis haussa les épaules en suivant la classe en espagnol. C’était la seule matière où nous étions séparé, puisque la prof nous avait mis par ordre alphabétique. Ce qui faisait de l’espagnol la matière « portable » quand je m’ennuyai. Je sortis le mien et le mis sur mon genou. Au moins, ça me protègerais peut être des bonds nerveux. J’avais un message de ma mère qui me demander de passer l’aspirateur en rentrant, et un autre de mon cousin, Hadrien, qui passer aux nouvelle. Je passai donc mon heure à textoter avec mon cousin, qui était l’un des rares membres de ma famille à être resté constant dans la décadence qu’elle observait depuis la mort de mon père. C’était le fils de la sœur de mon père, et il avait deux ans de plus que moi. Lui et Grand-Mère Moineau, la mère de mon père, étaient les deux personnes qui m’avaient le plus soutenu, malgré leur propre perte. Je me mordis la lèvre lorsque d’Hadrien demanda si j’avais une photos de la famille au complet – ses parents, les miens, et les grands-parents Moineau, quand grand-père était encore vivant. Je ne savais si tel photo existait. Mon grand-père était mort quand j’avais six ans. Sachant que peu avant sa mort, mon père s’était brouillé avec la mère d’Hadrien ; ce qui faisait qu’elle et ses enfants ne venaient plus aux réunions familiales à cette époque où ils étaient présents. Et qu’avant cette dispute débile, mes grands-parents vivaient dans l’Est du pays et leurs enfants dans le Nord. Par conséquents, ils avaient rarement été ensemble à Noël, ou encore à Pacques. Chose qui avait changé avec la mort de mon grand-père, certes. Mais un peu trop tard. Je répondis que je ne pensais pas avoir ce genre de photos mais que je vérifierais, et il me demanda alors si j’avais une photo de mon père et de lui. En voyant les mots « photo » et « père » accotés, je ne pus m’empêcher de penser au bûcher funèbre qu’avait organisé ma mère dans la cheminée familiale, et où, tout en sanglot, dans sa douleur, elle avait bruler toute les photos de lui qu’elle avait en sa possession, sauf les plus belle. La photo qui se trouvait sur ma commode était une de celle qui avait échappée à la purge. Je clignai des yeux, surprises des larmes qui s’y étaient accumulées. Je répondis que non, ça m’étonnerais, et coupai finalement mon portable. Cette conversation avec Hadrien me déprimait plus qu’autre chose. La cloche sonna au moment où je remettais mon portable dans ma poche. Je filai dans le couloir, Sylvain sur mes talons.

-Si, claro, claro, ha hacido mi deberes… singea-t-il en me rejoignant. La blague. Tu m’as déjà vu faire des devoirs d’espagnol, moi ? au fait, tu n’avais pas un bouquin de français à me filer ? Tu sais, celui qu’on avait eu à lire pour la semaine dernière ?

j’esquissai un sourire moqueur en pointant un doigts sur sa poitrine.

-Tu es vraiment un fainéant, le taclai-je gentiment. Je te jure que je ne te laisserais pas triché sur moi à l’interro de vendredi prochain.
-Tu avais dit ça la dernière fois aussi, lui rappela-t-il triomphalement. Allez, file le bouquin.

Je soupirai en posant mon sac que je portais en bandoulière sur le sol. Il débordait de cahiers et ne fermait pas. C’était notre plus grosse journée et en plus de tout ces cahiers, je devais me trimballer mon sac de sport, qui me semblait lui aussi énorme pour l’occasion. Les chaussures de sport prenaient trop de place. Je m’accroupis en soupirant et commençai à vider mon sac en balançant les affaires à Sylvain.

-Ah, merde, j’ai dû le mettre dans mon sac de sport. Avec tout ce fouillis, j’ai pas dû réussir à le glisser dans mon sac… réalisai-je alors qu’il ne restait que ma calculatrice dans mon sac.
-Pas cool, ton trou de mémoire, fit remarquer Sylvain, qui croulait sous le poids des cahiers. Sinon, tu me débarrasses ?

Je rangeai mes affaires avec un éclat de rire et ouvris mon sac de sport. J’y plongeai ma main et en ressortis… un jean. Je le regardai fixement, hébétée, à tenter de comprendre ce qu’il faisait là. Je sentis mes joues s’enflammer en me disant qu’il avait bien pu apparaître pendant que j’étais en cours. Je le dépliai en déglutissant nerveusement et regardai l’étiquette. Ce n’était pas un des miens. Ce qui rendait la chose encore plus gênante. Je le remis fébrilement dans mon sac, l’air de rien. Disparais, priai-je de toutes mes forces. Retourne à ta propriétaire.

-Hé, me secoua Sylvain en s’agenouillant à coté de moi. Y’a quelque chose qui ne va pas ?
-Si, répondis-je précipitamment en fouillant à nouveau le sac de sport. Simplement, je ne retrouve pas le livre, pourtant le suis sure de l’avoir pris…
-Au pire, ce n’est pas grave, je copierai sur … attend, mais qu’est ce que c’est que ça ?

il tira brusquement un T-shirt rose vif qui dépassait légèrement de l’ouverture. Ça se voyait clairement que ce n’était pas mon style. Trop de dentelle, trop coloré, et trop de décolleté. Je fixai moi aussi le vêtement sans comprendre. S’il était dans le même cas que le jean que j’avais découvert… Le regard de Sylvain passa du T-shirt à moi, pour revenir au T-shirt, et enfin à mon sac. Ses yeux s’écarquillèrent, et je craignit le pire quand il fondit une nouvelle fois dessus pour cette fois en ressortir un sweet-shirt d’une couleur bleue pâle. Celui-ci m’était vaguement familier, ce qui n’était pas pour me rassurer. Sylvain avait la tête de quelqu’un qui avait découvert que sa copine le trompait avec son meilleur pote. Il contempla les vêtements d’un air incrédule, et moi, j’étais beaucoup trop perplexe et gênée pour tenter de justifier quoique soit. Qu’est ce que j’aurais pu dire ? « Hey, désolée, mais ces truc sont apparu dans mon sac et je ne sais absolument pas ce qu’il font là ! ». Finalement, Sylvain releva les yeux vers moi. Je reculai, sous le choc. Ses iris me lançaient des éclairs.

-Je peux savoir, gronda-t-il doucement, pour n’attirer l’attention de personne, ce que tu fais avec les fringues de Clara et Hélène ?

Je clignai des yeux, surprise, autant par le ton accusateur que par les paroles qu’il venaient de prononcer.

-Les fringues de …
-Clara et Hélène oui ! ça (il leva le haut en dentelle rose) Clara le portait ce matin et ceci (cette fois, il désigna le sweet-shirt) je suis quasiment sure que c’est la tenue de sport d’Hélène. Tu m’expliques ?

Je regardai fixement le sweet-shirt, et compris alors pourquoi il m’était familier. Hélène l’avait enlevé devant moi pour aller à la douche ! Mon estomac se contracta douloureusement. Un haut à Clara. Un sweet-shirt à Hélène. Le jean que j’avais sortis devait être à l’une des deux. Soudainement, la conversation des filles autour du téléphone de Marion en SVT me revint en mémoire. « Elle dit qu’elle ne retrouve plus ses fringues… » J’eus l’impression qu’un main glacée se refermait sur mon cœur.

-Ce n’est pas moi, soufflai-je, sans regarder Sylvain.
-Pardon ? s’hérissa celui ci.
-Je … je ne sais pas comment c’est arrivé là …
-Comment c’est … oh, bon sang, Léo !

Il retira à nouveau des affaires de mon sac. Un autre sweet-shirt, un pantalon noire, et une chemise ainsi que deux jogging de gymnaste qui collaient à la peau – ceux qu’utilisaient Clara et Hélène. Mes yeux furent soudainement incapables de se détacher des vêtements. J’étais pétrifiée d’horreur. Les fringues d’Hélène et de Clara s’étaient retrouvées dans mon sac, après mon altercation avec elle. Ce qui voulait dire … et bien, ça voulait dire qu’à l’heure actuelle, elle était en petite tenue, dans les vestiaires des filles du lycée. Cette constatation me fit prendre mesure de l’ampleur de la situation et me sortit de ma torpeur. Leurs fringues avaient disparues.
Et j’étais en leur possession.
1+1 = 2. Et là, c’était mon exclusion, le 2.
Le fantôme de mon année de 4ème vint soudainement me hanter et je me mis à pianoter fébrilement le sol de mes doigts.

-Je n’ai jamais pris ses fringues, assurai-je à Sylvain en osant enfin le regarder en face. Je te jure …

Mais le regard incrédule et dégouté que me lança Sylvain étouffa le reste de mes paroles au fond de ma gorge.

-Attend, Léo… Tu ne leur as quand même pas piqué leurs fringues ?

Le ton accusateur mêlé du dégoût m’hérissa les poiles et délia ma langue :

-Non, bien sûr que non, je viens de te le dire, Sylv’ ! Protestai-je en secouant la tête. Je ne sais pas ce que ça fait là, tu me connais, je n’aurais jamais fait une chose pareille !
-Admettons. Alors comment c’est arrivé là ? chuchota Sylvain avec force, néanmoins paraissant se calmer un peu. C’était qui, la dernière à quitter le vestiaire ?

Mon silence qui suivit sa question dut lui paraître éloquent, car il se prit le visage entre les mains en poussant un gros soupir.

-Est-ce que, continua-t-il, la respiration saccadée, tu as vu quelqu’un revenir dans le vestiaires ?

Je fermai les yeux. Mon cerveau était paralysé, mais je fis un effort pour me souvenir du moindre visage.

-Non, gémis-je avec désespoir. Non, je ne pense pas…
-Et quelqu’un c’est approché de ton sac de sport ? insista Sylvain en fronçant les sourcils. Tu l’as laissé sans surveillance depuis le sport ?

Je souris malgré mon abattement. Encore une fois, il cherchait une explication cartésienne à tout ça – et je ne pouvais pas le blâmer. Sauf que la seule explication cartésienne qui existait à ce problème, c’est que j’avais pris les vêtements des filles en sortant du vestiaire des filles, les laissant dénudées sous la douche. Pourquoi ? Toutes les filles pouvaient témoigner du coup de bec qu’Hélène et moi avions eu avant qu’elle n’aille se doucher. J’aurais pu faire ça par vengeance.
Ce scénario se tenait cruellement.
Si quelqu’un découvrait ses vêtements, j’étais cuite.
Dernière modification par Perripuce le dim. 01 mai, 2016 12:12 am, modifié 6 fois.
Lame

Profil sur Booknode

Messages : 112
Inscription : sam. 22 nov., 2014 9:52 am

Re: Les enfants de Gaia. (Fantastique/Fantaisie).

Message par Lame »

Salut ! :)

J'ai vraiment accroché à ce premier chapitre !

Les affaires qui disparaissent pour réapparaître, l'ouïe plutôt "ultra développée" de Léonie.
Tout ça s'annonce très prometteur ;)

Ton écriture est plutôt fluide, et agréable à lire. On ne se rend pas compte du temps qui passe.

Au niveau de l'orthographe et des fautes, je ne peux pas vraiment te dire. Je n'y ai pas fait attention mais rien ne m'a choqué en lisant ton chapitre.

Sylvain m'a l'air sympathique, j'ai hâte de voir s'il va enfin croire ce que lui dit Léo, de façon non rationnelle.

J'ai envie de dire que les filles qui se sont retrouvées à poil, c'est bien fait pour elles :twisted:
Mais bon Léo a pas intérêt à se faire prendre en flague avec leurs affaires, sinon ça risque d'être très compliqué.

Ça marque de naissance et sa "signification" sont super intrigantes, j'ai envie d'en apprendre plus ! Surtout que son père avait l'air de savoir beaucoup de chose. Il va falloir qu'elle fasse ses propres recherches pour retrouver ses traces.

Alors préviens moi pour la suite ! :D

Avec plaisir, Lame.
Perripuce

Profil sur Booknode

Messages : 1271
Inscription : lun. 11 mars, 2013 7:13 pm

Les enfants de Gaia - Chapitre 2 (Fantastique/Fantaisie).

Message par Perripuce »

Je poste le deuxième chapitre assez rapidement, parce que je crois que l'action commence plutôt dans le trois, alors autant que le "préambule" soit fait assez vite :)
Je répète que je suis pas encore très habituée à mettre des trucs en ligne, alors je suis encore désolée pour la mauvaise disposition, et le manque possible de clarté. Bref, bonne lecture :)

(Je réédite, parce que je me rend compte que j'ai posté ce chapitre quelque heures avant ce qui s'est passé ce 13 Novembre … Alors je me sens obligé de le mettre, malgré le fait que ça n'a rien à voir avec le contenu … : Nietzsche a dit " Ce qui soulève l'indignation face à la souffrance, ce n'est pas la souffrance en elle-même, mais son absurdité."
Pray For Paris.
Désolée pour l'aparté, mais j'étais obligé de le mettre.
BREF, Bonne lecture, et aux parisien(nes) qui lisent ça un jour, sachez que les lillois sont de tout coeur avec vous, moi la première.)


Chapitre 2 : le break.

-Sylv’, je t’en supplie, non !

Sylvain avançait d’un pas décidé dans la cours, les vêtements d’Hélène et Clara à la main. Je le suivais tant bien que mal, déséquilibré par mon sac trop lourd et mon sac de sport que j’avais refait à la hâte et qui n’était pas fermé. J’arrivai néanmoins à le rattraper et à lui attraper le bras.

-Sylvain, arrête, je te dis que ce n’est pas moi !
-Alors qui ? s’exclama-t-il en se retournant brusquement. Avoue que c’est quand même improbable que quelqu’un soit entré dans les vestiaires après toi et ai foutu ces vêtements dans ton sac de sport sans que tu l’ai vu ?

Je me mordis la lèvre, consciente de l’absurdité du scénario. Cependant je ne mentais pas, ce n’était pas moi !

-Sylvain, plaidai-je en enfonçant les ongles dans sa manche de manteau. Je sais, je sais, que c’est impossible, je ne même pas si quelqu’un a vraiment mis ces fringues dans mon sac, tout ce que je sais c’est que ce n’est pas moi !
-Mais qui d’autre ? répliqua Sylvain avec hargne.
-Bon sang, Sylv’ ! j’en sais fichtre rien ! mais je n’ai rien fait, tu me connais, je n’aurais jamais fait un truc pareil ! je sais ce que c’est d’être humiliée, je ne souhaite ça à personne, pas même à Hélène !

Mais le regard de mon ami demeura inflexible. Mes entrailles se glacèrent. J’oscillai entre un sentiment de trahison et une atroce détresse. Si Sylvain ne me croyait pas, qui me croirais ? non seulement c’était mon ami, mais en plus, s’il ne me croyais pas et qu’il allait voir l’administration … il signerait mon expulsion. Je sentis ma respiration s’accélérer. Je le suppliai du regard, incapable d’argumenter plus que cela. Tout était contre moi, et je ne pouvais pas décemment lui dire « Les vêtements sont apparu dans mon sac comme par magie ! ». Je tentai de mettre pour ma force de conviction dans mon regard. Finalement, Sylvain secoua la tête et détourna les yeux.

-Désolée, c’est un peu gros pour moi, souffla-t-il en reculant. Je … je sais que tu ne ferais pas ça. Mais il n’y a pas d’autre solution.

La perplexité que je percevais dans sa voix me redonna espoir. Ce n’était pas qu’il ne me croyait pas, simplement, son esprit cartésien ne trouvait d’autre alternative. Ce n’était pas contre moi qu’il faisait ça. Je ne pouvais peut être pas le convaincre de mon innocence, mais …

-Ecoute, Sylv’, entonnai-je moins agressivement en posant la main sur son bras. Je comprends tout à fait que tu ne crois pas. Mais ne vas pas donner ça à M. Delcroix, ou à Hélène …
-Attend, tu me demandes quoi, au juste ?

Je me mordis la lèvre, indécise.

-Si ça ce sait, le CPE aura la même analyse que toi, expliquai-je doucement. J’ai déjà un avertissement hérité de l’année dernière … Si ça se sait …

Je me tus en fermant les yeux. Si l’administration savait ça… je sentis Sylvain s’agitait à coté de moi, et ouvrit les yeux et le vit secouer la tête avec hésitation.

-Léo…, soupira-t-il en trépignant, mal à l’aise. Tu me demandes de ne rien dire, laisser couler, de laisser Hélène et Clara à poile dans la douche ?
-Je sais que je te t’en demande beaucoup, admis-je avant de me mordre l’intérieur de ma joue. Mais tu es mon ami… si ça se sait, je vais être renvoyé pour de bon. Pitié, Sylv’…

La bouche de Sylvain se tordit. Un mince sourire passa sur mes lèvres.

-Et peut être que là je te laisserais copié sur moi vendredi prochain, tentai-je lamentablement de plaisanter.

Mais ça ne devait pas être si lamentable que ça, parce que Sylvain sourit.

-Ça se négocie, admit-t-il, me redonnant de l’espoir. Et j’aurais évidemment le droit de tricher sur les autres interros de français ?
-Si tu veux, répondis-je précipitamment. Mais si tu me dénonce, tu n’auras plus personne sur qui tricher, ni pour te donner ses notes de français et d’histoire.

Sylvain parut réfléchir à ses options. Son sourire c’était effacé de ses lèvres, mais ses yeux étaient moins accusateurs qu’avant. Peu importe ce qu’il pensait de ma culpabilité, il avait peut-être trop d’estime pour moi pour me dénoncer. Et peut être aussi trop à y perdre.

-D’accord, céda-t-il finalement en levant les bras au ciel. D’accord, je ne dirais rien. Mais j’espère vraiment, vraiment que tu as raison que et ces fringues sont arrivées là par hasard. Je ne sais pas si je supporterais …

Il déglutit. Je vis sa pomme d’Adam remonter et descendre violement.

-Bon, on va arrêter de débattre là dessus, décida-t-il soudainement. Cache ça dans ton sac.

Il me tendit les vêtements d’Hélène et Clara, que je fourrai précipitamment dans mon sac de sport avec un soupir de soulagement. Je ne me ferai pas virer, finalement. J’avais réussis à sauver ma peau. Mais pour combien de temps encore ? S’il m’arrivait encore une chose de ce genre cette année… après avoir ranger ses preuves incontestables qui signaient mon exclusion, je me tournai vers Sylvain, les yeux brillant de reconnaissance.

-Merci, lui dis-je en lui mettant la main sur l’épaule. C’est vraiment adorable ce que tu fais.
-Mouais… Bah maintenant, si on te chope, on se feras virer à deux, grommela-t-il en haussant les épaules. Pas cool, la pote.

J’éclatai de rire malgré ma tension et voulut poser un bisou sur sa joue pour le remercier. Mais il tourna la tête et nos lèvres s’effleurèrent doucement. Il me fallut une seconde pour comprendre se qui se passait, et mon cœur se serra. Je fis un bond en arrière, désorientée. Sylvain regardait ses pieds, trépignant, mal à l’aise.

-Désolé, marmonna-t-il en se grattant la tête.

Le rouge commençait à lui montait aux joues, et je sentais moi aussi mon visage s’enflammer. Euh… il venait bien de m’embrasser ?!

-Euh, Sylvain…

Mes mots s’étouffèrent dans ma gorge. Je ne savais pas vraiment quoi dire. Que peut-t-on dire quand votre meilleur ami vient de vous embrasser ?

-Sylv’… pourquoi…
-A ton avis ? grommela-t-il sans relever la tête.

Je sentis mes joues s’enflammer encore plus. Oh, non, Sylvain, pas ça … Il finit par lever la tête, mais pas pour me regarder. Il riva les yeux sur un point au loin, dans le parc du lycée.

-Désolé, répéta-t-il sans émotion particulière. Je n’aurais pas dû.
-Non, confirmai-je sans réfléchir, très bas. Non, tu n’aurais pas dû. Je … enfin … tu es mon meilleur ami, Sylv’… je ne veux pas de ça. Pas avec toi.

J’avais parlé tellement bas que je fus surprise quand il hocha la tête, signe qu’il avait entendu. Mon cœur se serra quand je vis à quel point son visage s’était fermé. Ma bouche se tordit. J’aurais dû me douter qu’une telle situation risquait de s’installer. C’était toujours délicat, l’amitié fille-garçon. Délicat, voir impossible. Je l’avais toujours cru possible, mais j’avais toujours joué avec le feu. Après, je ne devais pas m’étonner qu’il me brule… comme aujourd’hui.

-Sylvain…

Cette fois, apparemment au prix d’un grand effort, il releva la tête et osa me regarder dans les yeux.

-Non, écoute moi, ordonna-t-il. C’est vrai que j’éprouve des sentiments suspects pour toi, et ça dure depuis la rentrée… Je savais et je le sais toujours, que tu ne veux pas sortir avec moi. Que je suis juste ton « meilleur ami ». Mais s’il y a la moindre petite chance pour que ça change, j’aimerais que tu me le dise.

Son visage n’exprimait ni la supplication, ni le désir, ni la tristesses, ni le désespoir. Il était sérieux, lucide, comme s’il résolvait un problème de math. Ça aurait dû me rassurer, qu’il ne soit pas amoureux de moi au point de se mettre à genoux, mais c’était troublant. Et pas sain. Vraiment pas sain. Pour moi, il n’y avait pas la moindre chance qu’un jour je puisse sortir avec lui. Et se serait cruel de lui dire le contraire. Je sentis mes oreilles chauffer au point de ne plus les sentir. Finalement, je secouai la tête, incapable d’articuler quoique soit.

-Ouais, je m’en doutais un peu, soupira Sylvain en haussant les épaules, l’air passablement gêné. T’es dure, Léo.

Je préférai ne pas répondre. Nous restâmes un moment face à face, sans dire un mot. Je contemplai mes pieds, ne sachant que faire ni que dire. Finalement, ce fut lui qui rompit le silence en s’éclaircissant la gorge.

-Bien… Sinon, qu’est ce que je fais des vêtements des filles ?

Ah, merde. Avec tout ça, j’en oubliais que j’avais été à deux doigts d’être expulser. Je relevai brusquement la tête.

-Je pensais qu’on avait réglé la question, m’étonnai-je en coulant un regard sur mon sac de sport que j’avais laisser tomber. On ne dit rien…

Sylvain suivit mon regard et ramassa le sac. Il le contempla un instant avec un air d’indécision qui glaça mon cœur.

-Tu ne vas pas les donner à l’administration ? m’inquiétai-je.

Sylvain parut hésiter, sans oser croiser mon regard. J’avais l’impression qu’un liquide froid se répandait dans mes entrailles et les glaçaient.

-Attend, tu viens de dire que tu ne dirais rien !
-Je sais, admit-t-il, avant de continuer devant mon regard offusqué : Les filles sont surement morte de trouille et de honte dans les cabines des douches, me rappela-t-il en haussant les épaules. Je pense que ce serait charitable de leur rendre leurs affaires pour qu’elles puissent au moins quitter le lycée dignement…
-Charitable pour elle, mais pas pour moi ! Tu veux signer mon arrêt de mort ? Leurs parents leur rapporteront sans doute des vêtements pour qu’elles puissent sortir « dignement ». Mais si tu leur rends…
-Ça, il fallait aussi y penser avant les voler !

Je fronçai les sourcils. A ce moment là, je crus que j’allais le gifler. Pour de vrai. Bon sang mais qu’est ce qu’il fallait que je lui dise pour le convaincre ? Le laisser tricher n’était pas assez suffisant ? être son amie non plus ? Evidemment que non, pensai-je amèrement. Maintenant que je sais qu’il est amoureux de moi… La plaie … J’aurais pu profiter de ces sentiments pour acheter son silence, mais j’avais trop de respect pour lui.

-Bon sang, ce n’est pas moi, Sylvain ! grondai-je entre mes dents pour éviter de hurler de frustration.
-Ce n’est pas cool de ne pas dire la vérité à son « meilleur ami », ironisa-t-il.

Ok.
Là, je ne pus me retenir.
La gifle retentit dans la cour. Sylvain recula, choqué. Quant à moi, des larmes s’étaient accumulées à mes yeux sans que je ne sache d’où elles venaient. Jusque là, j’avais réussis à garder le self-control. Mais la façon dont il avait prononcé « meilleur ami »… Ça me faisait perdre les moyens.
C’était pas vrai, il était prêt à tout oublier, à m’aider à me débarrasser des affaires, à me couvrir, et il avait fallu qu’il m’embrasse pour faire remonter une rancœur que jusqu’alors je ne connaissait pas, et boum ! Voilà, il me faisait péter les plombs ! Doué, le meilleur pote ! Je portai un main à ma tempe en fermant les yeux, ayant soudainement une douleur sourde à la tête. De frustration, une larme coula sur ma joue. Je fus de nouveau incapable de parler. Je n’étais même pas sure de vouloir m’excuser. Mon cœur battait à la chamade dans ma poitrine, et je sentais mon sang battre à mes tempes. Finalement, je rouvris les yeux. D’autres larmes se mirent à couler sur les joues.
Sylvain était parti.
Et mon sac de sport avait disparu.

***



Ma mère et moi attendions devant le bureau du proviseur. Elle c’était vêtue de son plus beau tailleur de femme d’affaire, et paraissait tellement décontractée qu’on aurait put dire qu’elle venait simplement de faire une visite médicale de routine. Simplement, ce n’était pas le cas.
Elle avait été là pour entendre le proviseur lui annoncé l’expulsion de sa fille.
C’est-à-dire moi.
Oui, je savais. La plaie. Mais malgré tous mes efforts, je n’avais pas pu retenir Sylvain. Après notre altercation dans la cour, j’avais fait tous les recoins de lycée, avant de le trouver devant le bureau de M. Decroix, assis sur une des chaises qui habillaient le hall. Quand je lui avais demandé où était mon sac de sport, ses yeux s’étaient rivés sur la porte entrebâillée du bureau du CPE. J’avais vite deviné ce qu’il s’était passé. J’aurais pu vociféré contre Sylvain. Partir pour éviter d’avoir à affronter M. Delcroix. Entrer dans le bureau en trombe pour clamer mon innocence. Mais j’en avais assez de lutter. Alors je m’étais écroulé sur une chaise à coté de Sylvain, la tête entre les mains.

-Désolé, avait-t-il eu le culot de me dire.
-La ferme, avait-je répondu brutalement.

Nous n’avions plus échangé un seul mot depuis. Delcroix m’avait provisoirement viré du lycée. Les filles de ma classe avaient témoigné avec Hélène et Clara sur le fait que nous nous étions disputé. Sylvain avait fourni les preuves matérielles. Et j’étais maintenant assise pitoyablement à coté de ma mère, qui m’avait obligé à porter des vêtements à peu près sophistiqués pour que j’aie l’air présentable devant le proviseur. La belle tenue n’avait rien arrangé. Il s’était montré implacable, tout comme M. Delcroix et les parents de Clara et Hélène. Maintenant, ma mère et moi attendions que la secrétaire nous donne mon dossier scolaire et mon bulletin en cours, pour que je puisses retrouvé une autre école. Ma mère pianoté joyeusement sur son portable. Quand elle avait reçut le coup de fil annonçant mon expulsion temporaire, elle m’avait longuement regardé, comme si elle venait juste de me découvrir. Elle m’avait demandé si j’avais vraiment fait ça, et après lui avoir assuré plusieurs fois que non, jamais je n’aurais volé les vêtement de ces filles, si pestes soient-elles, elle avait hoché la tête et considéré que le dossier était clos. Que j’étais renvoyée et que m’accabler ne changerait rien à l’affaire.
Croyez-moi, je lui avais été très reconnaissante.
Je ne savais pas si elle me croyait coupable ou innocente. Mais en tout cas, elle avait fait comme si rien ne s’était passé, comme si passer dans le bureau du proviseur n’était qu’une formalité. Finalement, la secrétaire nous donna les papiers et nous partîmes rapidement du hall.

-Dit au revoir au lycée, ma puce, fit tranquillement ma mère en rangeant les papiers dans son sac.
-Salut, répliquai-je sombrement, mes mains tapotant nerveusement ma cuisse.

Ma mère me lança un regard oblique.

-Chérie, ne t’en fais pas, on te trouvera un nouveau lycée, tenta-t-elle de me rassurer en posant un main sur mon épaules. Et tiens-toi droite. Sors de là avec dignité.

Je la gratifier d’un regard profondément dubitatif. Sortir d’ici avec dignité alors que tout le monde me prenait pour la pire des garces ? Non, merci. Je préférais partir vite fait sans que personne ne me voie. Plus discret et nettement plus efficace à mon goût. Nous traversions le parking quand j’aperçu Sylvain, à quelque pas de notre voiture. Je ralentis le pas alors que ma mère ouvrait la portière avec un claironnant mais froid « bonjours Sylvain ». Je réprimai un sourire. S’il y avait quelque chose qu’elle n’avait pas accepté dans cette situation, c’était l’attitude de Sylvain à mon égard. Je pris sur moi et m’approchai de lui, tout en gardant une distance de sécurité. Juste au cas où j’aurais une incommensurable envie de le gifler une nouvelle fois.

-Alors ? me dit-il sans me regarder. Ils t’ont viré ?
-Tu sembles surpris, répliquai-je avec froideur.

Je n’avais pas digéré le fait que mon « meilleur ami » m’ait vendu simplement parce que j’avais refusé ses avances. Car dans le fond, c’était ça. Il avait décidé qu’il me croyait, qu’il me couvrait, puis il m’embrassait, je le repoussais et voilà qu’après cela il décidait ne plus me couvrir. De l’égo de mâle mal placé, tout ça.

-Non, répondis prudemment Sylvain. Mais je croyais que… C’était ce qu’il y avait de mieux à faire.
« Ce qu’il y avait de mieux affaire ». Dénoncer sa meilleure amie. C’était un point de vue.
-Si tu le dis, grommelai-je en reculant. Je dois y aller.

Et je partis en direction de ma voiture et m’assis rageusement sur la place passager. Ma jambe commençait déjà faire des bonds nerveux. Sylvain était reparti en direction du lycée sans m’adresser un regard. C’était peut être mieux ainsi. Pas d’au revoir, pas d’adieu. Partir du lycée comme un fantôme. Je soupirai pour libérer la tension contenue dans mes épaules.

-Chérie, tu ferais mieux d’aller courir en rentrant, me conseilla ma mère en démarrant. J’ai l’impression que tu es au bord de l’implosion.
-Ce n’est pas faux, avouai-je en me massant les tempes. C’est ce que je vais faire. Merci, maman.
-De rien, trésor.

Le reste du trajet se passa en silence. Quand la voiture d’arrêta devant la maison, je me dépêchai de rentrer, me changeai rapidement et ressortis aussitôt.

Je déliai mes jambes au fur et à mesure de ma course et mon cerveau se vida petit à petit. Au bout d’une demi-heure, tout ce à quoi je pensais, c’était le nombre de respiration que je faisais entre deux quartiers. Finalement, mes jambes me portèrent jusqu’au parc de la mairie, où je m’assis sur un banc. Pas que j’étais essoufflée. Au contraire, j’avais encore de l’énergie à revendre. Mais j’avais besoin de me poser cinq minutes pour remettre mes idées à l’endroit. Après deux minutes à tapoter fébrilement le banc de mes doigts, je me levai et marchai tranquillement sur le chemin, les mains dans les poches de mon sweat-shirt. J’étais officiellement renvoyée de mon lycée. Il fallait que je retrouve un lycée, malgré un dossier scolaire chargé contre moi. Que je me refasse des amis.
Des amis.
Une de ces blagues.
Je reniflai et croisai les bras sur ma poitrine. J’avais toujours été très solitaire. Le genre de filles que l’on évite, parce qu’elle ne porte pas de marques, ou qu’elle n’écoute pas la musique boum-boum que tout les ados adorent maintenant. Et à cela s’étaient ajoutés tous les problèmes de vole. Bien sûr. Mon père était mort, ma famille morcelée, j’avais du mal à m’intégrer dans mes écoles, mais il fallait encore en rajouter. La vie était si douce, autant y mettre un peu de piquant. Frustrée, et sentant mon énergie nerveuse revenir, je me remis à courir. Je sortis du parc pour entrer dans le bois qui longeait la mairie. L’air été humide. Il avait encore neigé un peu pendant la semaine, et le froid mordait ma peau, mais dans le fond, ça ne me dérangeait pas tant que ça. Je mis ma capuche pour protéger mes oreilles et continuai de courir. Enfin, j’aurais aimé continuer, mais un craquement de brindilles me fit sursauter. J’arrêtai ma course pour regarder de tout les cotés. L’avertissement que ma mère m’avait lancé la semaine dernière, comme quoi une fille s’était encore faite agressée ici, me revint soudainement en mémoire. Je sentis mes poiles s’hérissaient, sans savoir si c’était à cause du froid ou d’autre chose.

-Il y a quelqu’un ? demandai-je à la volée.

Personne ne répondu, mais un tout petit oiseau sortit du branchage. Je me mordis la lèvre avant de soupirer de soulagement. J’étais ridicule. Avoir peur d’un oiseau. Mue par je ne savais quel instinct, j’avançai mon doigts. L’oiseau s’y posa aussitôt, y refermant ses serres. Il s’ébroua et lissa son plumage brun. Je ris.

-Et bien, petite chose, tu n’es pas farouche, m’étonnai-je en le regardant. Tu es quoi, toi ?

L’oiseau me lança un regard offusqué. Son bec piqua ma main.

-Aïe, protestai-je en la frottant. D’accord, tu es un moineau, c’est ça ? La blague…

L’oiseau me gratifia d’un regard satisfait avant de se remettre à lisser ses plumes. Je le contemplai, bouche bée. Je parlais avec un oiseau. Si ma mère savait ça, elle m’obligerait clairement à aller voir un psy. Le plus drôle, c’était que c’était un moineau. Comme moi. Enfin, je ne suis pas vraiment un oiseau, mais mon nom de famille, c’est Moineau. Hérité de mon père. Ma mère m’avait proposé de prendre le sien, Delire, qui était moins contraignant, au niveau des moqueries des camarades, mais j’étais resté attachée au nom de mon père. Je sentis mon cœur se serrait.

-Ecoute, petite chose, il va falloir que tu t’en ailles, lui dis-je en secouant mon doigts.

Le moineau s’envola docilement, non s’en m’avoir donner un coup de bec pour me punir d’avoir interrompu sa toilette. Je le regardai s’éloigner, mais me retournai vivement. Quelqu’un respirait non loin. Finalement, un rire retentit et un homme d’une trentaine d’année au crâne chauve sortit de l’ombre, un sourire malsain aux lèvres. Je reculai, surprise, à la fois par l’arrivée de l’homme, mais aussi par ses iris, incroyablement vertes. Il devait avoir mis des lentilles, car il était impossible d’avoir des yeux aussi lumineux. Tous mes sens criaient « danger », aussi reculai-je le plus que possible, mes yeux cherchant frénétiquement une sortie de secourt. Des filles qui s’étaient faites violées puis tuées pendant leur jogging, c’était du vu et revu.

-On peut dire que tu es nerveuse, ricana-t-il. Parler à un oiseau sans cervelle…

Un couinement indigné retentit derrière moi. Puis je sentis de petites serres s’agripper à mon épaule. Je tournai la tête et découvris le moineau. Je fronçai les sourcils.

-Euh, oui. C’est ça, je suis nerveuse, abrégeai-je en reculant encore. Au revoir.

Je retournai et repartis d’un pas hésitant vers le parc, mais un bruissement me mis sur le qui-vive. Sans réfléchir, impulsivement, je me retournai, et flaquai mon pied dans l’abdomen de l’homme, qui c’était rapidement approché de moi pour me prendre le bras. Il recula sous le choc et j’en profitai pour lui donner un autre coup dans l’épaule pour le mettre à terre. C’était ce qu’on appelait une belle montée d’adrénaline. J’avais toujours été bonne dans les combats à main nue. Mais je ne savais vraiment ce que je valais vraiment contre un homme plus grand et plus costaud. Et je ne préférais pas savoir. Le moineau couina une nouvelle fois en filant et je décidai de le suivre en prenant mes jambes à mon cou. Je fis plein de détour inutile, mais après cette brusque montée d’adrénaline, j’avais besoin plus que tout de me dépenser. Mon cœur battait à la chamade et j’essayais désespérément de décortiquer ce qu’il s’était passé. Peu importe qui était ce pervers, et ce qu’il voulait, lui foutre ces coups, c’était de l’instinct de survie. Je préférais ne pas prendre de risque. Je me mis à courir dans toute la ville, les larmes aux yeux. C’était vraiment un cauchemar.

***


Il faisait nuit quand je finis ma course devant chez moi. Les nuages s’étaient dissipés et la température avait encore chuté de quelque degré. Cette fois, je commençai vraiment à geler. Un bruissement me fit sursauter et je me retournai vivement. Rien, ce n’était que le vent qui secouait les branches d’un arbuste. Je relevais la tête, agacée, avant de m’agenouiller pour effleurer les feuilles. Mes doigts descendirent en suivant l’écorce, et s’enfoncèrent enfin dans la terre. La Terre. « Elle te regarde, ma petite étoile » m’avais dit mon père un jour. « Elle nous regarde toujours. Chaque brin d’herbe, chaque grain de poussière, chaque arbre nous surveille. Elle veille sur nous. Dis lui merci. ». Je lui lançai un regard mauvais.

-Les gosses croient toujours que leurs pères ont toujours raison, marmonnai-je, les yeux rivés sur mes doigts pleins de terre. Quand j’étais petite, j’étais sure qu’il avait raison, qu’au fond tu veillais sur moi parce que j’avais cette tâche.

C’était vrai. Etant gamine, j’avais passé des jours entiers à contempler regarder les arbre et les roches, en me demandant s’ils avaient vraiment des yeux, essayant de les distinguer, faisant naïvement des grands signes.
Oui, je sais. Pathétique.

-Ouais. Bien on voit ce que ça a donné, grommelai-je en me relevant.

J’arrivai devant chez moi. Une voiture, en plus de celle de ma mère, était garée devant la maison. Arrivée devant la porte, je toquai et posai mon front sur le bois froid de la porte. Malgré mes frissons, mon visage était brulant. Finalement, la porte s’ouvrit brusquement sur Greg. En me voyant avec mon aspect aussi pitoyable, son visage se fendit d’un sourire goguenard.

-Salut la clepto, susurra-t-il en me laissant rentré.
-La ferme, Greg, lançai-je, de mauvaise humeur.

Je retirai ma capuche et avançai dans le salon. Mon beau-père, Christophe, était assis sur un des canapés. Il me lança un regard et un bref « salut » avant de reporter son attention sur son émission. D’habitude, lui et moi nous entendions plutôt bien. Mais après mon renvoi, il était devenu plus froid. Il ne supportait pas que ma mère accepte la chose sans broncher alors qu’elle lui demander de punir Greg à chaque heure de colle. Par équité, Christophe aurait voulu me priver de sortie, ou me confisquer mon ordinateur et mon portable, mais ma mère avait refusé net. Résultat, cette histoire, marquait, en plus mon renvoi et la rupture de mon amitié avec Sylvain, l’hypothétique séparation de ma mère et de Christophe.
Oui, je savais. Je causais pas mal de problème.
L’horloge montrait qu’il était dix-neuf heures. J’étais resté trois heures dehors. Ma bouche se tordit. J’allais dans la cuisine pour boire un peu, et tombai sur ma mère, qui discutait devant un verre de vin blanc avec une femme blonde, qui était dos à moi. Ma mère mit vit et me servit un sourire, un peu forcé, me semblait-il.

-Hey, trésor, du connaît déjà Léna, non ?

La femme blonde se retourna et me sourit. Je reconnus les cheveux coiffés en épis et l’air espiègle de Léna Duriez, l’intervenante en orientation. Je la fixai un instant, stupéfaite au point d’en oublier la politesse. Léna ne parut pas s’en formaliser, car son sourire s’élargit et elle se leva de la chaise.

-Bonjour, Léonie, me salua-t-il d’une voix chaleureuse. Comment ça va ? Je me doute que les derniers jours ont dû être difficile.
-Un peu, admis-je, les yeux toujours écarquillés – ridiculement écarquillés. Euh… je ne veux pas être impolie, mais … qu’est ce que vous faites ici ?

Le sourire chaleureux de Léna se transforma en sourire résigné quand elle échangea un regard avec ma mère. J’avais l’impression que ces deux-là parlaient ensemble depuis longtemps et que la tournure de la conversation n’avait pas du tout plu à ma mère.

-Viens, m’ordonna celle-ci en tirant une chaise. Assied-toi, Mlle Duriez doit te proposer quelque chose.
-Léna, corrigea l’intervenante en reprenant sa place. Je ne suis pas très formelle. Bon, Léonie, je sais que tu dois en avoir assez de cette histoire, mais est ce que tu veux bien me raconter ce qu’il s’est passé lors de ton renvoi ?

A vrai dire, je ne voulais pas. Mais vraiment pas du tout. Je voulais aller dans ma chambre, mettre la musique à fond, et m’écrouler sur mon lit comme une larve. Mais, au vu du regard que ma mère me lançait, cette option n’était pas vraiment à prendre. Je me résignai donc à raconter toute l’histoire à Léna, tout en spécifiant que je n’y étais pour rien – tant pis si elle n’y croyait pas. Pourtant, quand j’eus fini mon récit, elle hochait doucement la tête avec compréhension.

-Oui, c’est classique, murmura-t-elle, si bas que je doutais que ma mère ait entendu, avant de reporter son attention sur moi : Et ça t’es déjà arrivé, d’autre incidents de ce genre ?

J’échangeai un nouveau regard avec ma mère, qui m’encouragea d’un signe de tête. Je racontais alors sans enthousiasme les problèmes que j’avais eus en 4ème et en seconde. Léna n’avait pas cessé d’hocher la tête avant de se tourner vers ma mère.

-Vous comprenez mieux, à présent ?

Ma mère se redressa de toute sa hauteur – et croyais moi, une femme d’un mètre soixante quinze à l’allure princière qui vous regarde de haut, comme ça, il y avait de quoi être impressionné.

-Je n’ai jamais douté de Léo, répliqua-t-elle durement. J’ai toujours su qu’elle disait la vérité.
-Bien sûr, s’empressa de la rassurer Léna. Je voulais simplement voir si …
-Vous avez vu. Continuez.

Le ton brusque de ma mère me surprit quelque peu et je regardai successivement les deux femmes, en quête d’une explication. Qu’est ce que ma mère devait comprendre, au juste ? Léna gratifia ma mère d’un regard profondément agacé, puis se retourna vers moi en se forçant à sourire.

-Vois-tu, jeune fille, je ne suis pas qu’une simple conseillère d’orientation, m’appris-t-elle en baissant la voix. En faite je suis une recruteuse, je repère des enfants ou des adolescents qui ont les … qualités que nous recherchons pour leur proposer une place dans notre école, Sappho.

J’haussai les sourcils.

-Cleptomane fait partie de vos qualités ?

Léna sourit doucement, avec une pointe de lassitude dans le regard. J’avais l’impression que ce n’était pas la première fois qu’elle avait cette conversation.

-Non, admit-t-elle. Mais il y a des signes que nous cherchons systématiquement.
-Du genre ?
-Difficultés à se concentrer dans des cours où règne le désordre. Hyperactivité, ou les élèves un peu électron-libre qui ont de l’énergie à revendre. Elèves excellents en sport, notamment en sport de combat, et ayant d’excellent réflexes. Capacités à tout comprendre du premier coup. Ces élèves, dans des classes adaptées, seraient excellents.

Je regardai ma mère, qui soupira. Pour l’instant, tout ce qu’elle disait me correspondait à peu près. J’étais énergique, presque hyperactive, j’avais du mal à me concentrer dans certain cours, mais n’avait jamais été en échec scolaire parce que j’avais toujours réussis à comprendre une leçon dés que je la lisais. Mais à quoi tout cela menait ? La question devait se lire sur mon visage, car Léna sourit encore et continua :

-Ecoute, Léonie, je ne peux pas tout t’expliquer immédiatement. Ce serait… trop dangereux – et oui, j’ai bien dit dangereux. Entend-moi bien : tu pourras, si tu veux, essayer tout les lycée du monde, aucun ne te correspondra. Les gens comme toi sont spéciaux et demandent une formation adaptée qui t’aidera à développer de manière saine tes aptitudes, et ce, en toute sécurité.
-Sécurité ? répétai-je, incrédule. Pourquoi aurais-je besoin d’être en sécurité ?

Léna soupira à son tour en secouant la tête. Pas de doute, elle avait déjà et cette conversation avec d’autre personne.

-Léonie, (cette fois, elle chuchotait avec urgence. Toute trace de chaleur avait disparu de son visage, ne laissant que la gravité), tu n’es pas comme les autre adolescents de ton âge. Je ne peux pas t’expliquer comme ça- ce serait trop long et je ne veux pas que ta belle-famille l’entende. Mais sache que ta place est à Sappho. Tu es en danger permanent, et je sais que tu le sens. Tu es toujours sur le qui-vive, à attendre la moindre brindille qui craque. Tu réagis au quart de tour, agressant les autres avant qu’ils ne t’agressent. Je connais ça. J’étais comme ça. Je connais le sentiment d’insécurité, cette tension que tu as sans cesse sur tes épaules, qui te pousse à te dépenser, à te dépasser. Pour les gens comme nous, c’est normal, Léonie. Mais ce n’est pas une fatalité. Viens à Sappho, et tu comprendras tout ça. Je te promets que tu comprendras tout.
Ces grands yeux bleus fixaient les miens avec gravité. Elle avait posé la main sur mon bras et le serrait à présent, comme si la pression pouvait m’aider à mieux comprendre ce qu’elle disait. Mais le fait était que je ne comprenais rien. Je comprenais l’aspect général de ce qu’elle disait (il fallait admettre que tout ce qu’elle décrivait était du déjà-vu, pour moi.), mais je comprenais pas pourquoi c’était spéciale. Pourquoi ça impliquait d’aller dans une autre école « adaptée ». Pourquoi elle parlait de nous comme si nous étions des personnes différentes du commun des mortels. Ni pourquoi ça me mettait en danger. A part le type flippant des bois, et d’autres incidents mineurs que tous gosses avaient eu étant petit, je n’avais jamais été vraiment en danger.
Tout ce qu’elle me disait m’effrayait cent fois plus que l’homme aux yeux flippants.
Je retirai sèchement ma main et me levai.

-Ce que vous dite n’a aucun sens, rétorquai-je en serrant les poings pour éviter à mes mains de trembler. Je ne vois pas de quoi vous parler.
-Bien sûr que si, insista Léna, son regard se durcissant. Je sais que tu ne comprends rien, mais crois-moi, tu comprendras. Tu as deux choix, Léonie : continuer ainsi. Fuir tes difficultés, continuer de rentrer avec tes migraines, à tenter désespérément de t’intégrer mais au final, rester de coté. Ou sinon, tu peux tenter une autre vie, ne serais-ce qu’essayer de vivre autrement. J’ai tout expliqué à ta mère : fonctionnement de Sappho, logement, etc. … Le reste, je te l’expliquerais quand tu viendras, si tu viens. Le choix t’appartient.

Elle se leva à son tour. Elle était aussi grande que moi, mais paraissait tellement sure d’elle et mature malgré son jeune âge qu’elle me toisait comme si je faisais une tête de moins qu’elle.

-Je sais ce que tu vis, me dit-t-elle avec plus de douceur. Je l’ai vécu aussi. Sappho m’a permis de faire de trouver une autre manière de voir les choses, de vivre. De faire un break. Crois-moi, c’est très agréable.

Elle fouilla dans la poche de son jean, et sortit un morceau de papier et un crayon. Elle griffonna un numéro de téléphone rapidement et me le remit.

-Appelle-moi quand tu auras pris ta décision, me demanda-t-elle. Prend le temps qu’il te faut. L’école est toujours ouverte.
Sur ce, elle me tapota doucement la main, salua ma mère, qui la raccompagna jusqu’à la porte. Elle revint cinq minutes plus tard, les traits tirés. Je la regardai fixement, le numéro de Léna à la main. Ma mère remarqua mon air incrédule, et soupira avant de me montrer la porte du garage, dans le fond de la cuisine. Nous nous y faufilâmes et elle ferma la porte derrière moi.
-Ne me regarde pas comme ça, me supplia-t-elle. Je ne suis absolument pas rassurée de la visite de cette fille, mais le fait est qu’elle a raison.
-Raison ? répétai-je, interdite. Raison sur quoi ? Tout ce qu’elle su dire c’est que j’étais hyperactive !
-Et que tu étais intelligente, que tu ne tenais pas en place, et qu’un rythme scolaire particulier permettrait de t’épanouir plus facilement. Ce n’est pas un mauvais programme, je trouve.
-Attend, tu n’as pas trouvé ça flippant la façon dont elle m’a parlé ? m’hérissai-je.

Ma mère me regarda longuement sans dire un mot. Elle détailla chaque détail de mon visage, comme si elle cherchait quelque chose dedans. Finalement, elle parut prendre une décision difficile et soupira en sortant quelque chose de son décolleté. Il s’agissait d’une chaîne en or qui pendait à son sternum. Elle avait toujours mis cette chaine depuis la mort de mon père. J’avais jusqu’alors supposé que c’était son dernier cadeau. Elle contempla la breloque qui pendait au bout de la chaine et me la montra. C’était un drôle de E, un peu stylisé, qui faisait pensé à une lettre grecque. « Σ »

-Tu sais ce que c’est ? me demanda ma mère.

Je fixai la breloque en secouant la tête. J’avais seulement l’impression d’avoir déjà vu cette lettre dans un cours de maths ou de physique.

-C’est un sigma majuscule, la lettre « S » en grec antique, m’appris ma mère avec un soupir. Et il appartenait à ton arrière-grand père.

Je fronçai les sourcils.

-Le quel ?
-Le grand-père de ton père, le père de ta grand-mère Moineau, me répondit-t-elle avec un air de profonde lassitude. Je n’ai malheureusement pas grand chose à t’apprendre, mais tout ce que je peux te dire c’est que ton grand-père a offert cette chaîne à ton père quand il était au collège, car lui-même avait été dans ce même collège étant jeune. A la mort de ton père, j’ai voulu le rendre à ta grand-mère, mais elle a refusé, préférant que te le donne à toi un jour. Je n’ai pas très bien compris pourquoi, mais je pense maintenant que je comprends un peu plus.

Elle tira le pendentif de son cou et mis le sigma à plat dans sa main. J’y jetai un coup d’œil. Il luisait doucement d’une lueur dorée, pure et joyeuse. Je voyais mal mon père ou mon arrière-grand père, que j’avais connu étant petite, et qui était mort deux ans avant mon père, porter ce pendentif.

-Je pense que ce sigma est pour « Sappho », trésor, me souffla doucement la mère.

Je relevai brusquement la tête en reconnaissant le nom qu’avait utilisé Léna pour désigner l’école dans laquelle elle voulait m’emmener.

-Pourquoi ?
-Sigma – S – Sappho, expliqua-t-elle. Ça semble logique.
-Et alors ? Tu crois que papa a été là-bas? Comment tu le sais ? Je croyais que vous vous étiez rencontrés pendant ton stage en Alsace…
-C’est vrai, admit ma mère en hochant la tête. Mais Léna m’a dit que l’école ce trouver dans le Loiret, et …
-Dans le Loiret? m’exclamai-je en fronçant les sourcils. Tu veux m’expédier aussi loin ? Et je croyais que papa avait toujours vécu en Alsace avant de te rencontrer ?
-Léo, laisse-moi finir, s’il te plait, me réprimanda ma mère. Il a vécu en Alsace, mais il m’a dit qu’il avait fait presque tout son secondaire en internat près d’Orléans parce qu’il avait été viré de ses précédentes écoles. Il m’a dit aussi qu’il avait été dans cette école parce que son grand-père y avait été et que, comme lui, il avait les aptitudes nécessaires pour y entrer. Le mot « aptitude » m’avait particulièrement choqué à l’époque, et il m’a choqué d’autant plus quand c’est Léna qu’il l’a prononcé – à mainte reprise – pendant notre conversation. Surtout quand elle m’a dit que l’école se trouvait près d’Orléans. Je trouve que ça fait beaucoup de coïncidence. Le sigma, sigma comme Sappho, une école où l’on demande des aptitudes particulières… Oui, je pense que ton père a été là-bas.

Je contemplai ma mère, bouche bée. Je savais que mon père avait eu des problèmes de discipline quand il était jeune. C’était de lui que je tenais toute mon énergie nerveuse, et c’était lui qui m’avait donné le goût de la course. Je savais aussi qu’il avait été en internat pendant le secondaire, mais j’avais toujours supposé qu’il était tout de même resté en Alsace. Dit comme le présenter ma mère, ça paraissait en effet cohérent qu’il ait été à Sappho.

-Tu n’as qu’a demandé à mamy Moineau, proposai-je difficilement. Elle pourra te le confirmer.
-C’est vrai, avoua ma mère. Mais tu sais, ta grand-mère et moi avons un … petit différent, depuis mon remariage.

J’hochai la tête. Mamy Moineau n’avait jamais accepté le remariage de ma mère. Elle considérait que c’était une insulte à la mémoire de mon père.

-Enfin, tout ça pour te dire que je pense que ce n’est pas forcément une mauvaise chose que aille dans cette école, finit ma mère en posant une main sur mon épaule. Si j’ai raison, alors ça a réussi à ton père. Et je serais peut être plus sereine en te sachant… comment l’a-t-elle dit, déjà ? Ah oui, en sécurité.

Je gratifiai ma mère d’un regard dubitatif.

-Danger, grommelai-je. Cette fille est folle.
-Certes, sourit-t-elle. Mais peut être qu’elle a raison quand elle dit que l’enseignement te sera plus adapté.

Je regardai ma mère. Elle souriait doucement, mais son visage était crispé, ses yeux résignés. Elle détestait le fait de me laisser partir, mais le faisait, pour ce qu’elle pensait être mon bien. Je déglutis difficilement.

-Je vais y réfléchir, promis-je, me faisant violence.

Ma mère hocha la tête doucement en me dévisageant avec angoisse. Elle se reprit finalement et me demanda de monter ranger ma chambre, prétextant qu’être viré m’en donner tout le temps. Je grommelai, mais montai de mauvaise grâce sans adresser un regard à mon beau-frère ou mon beau-père.

***


-Oups, désolé, Léo ! me lança Greg.

Il venait une fois de plus de remettre des miettes sur le sol du salon que je venais d’aspirer. N’éteignit l’aspirateur et lui lançai un regard mauvais.

-Je te serais gré d’arrêter de te foutre de moi, grondai-je. Sois gentil.

Gregory me balança un sourire goguenard et retourna toute son attention vers la télévision. Je soupirai et remit la machine en marche. C’était le week-end et Greg et moi squattions le canapé depuis ce matin. C’était l’un des rare moment pendant lequel nous pouvions parlé comme deux gens civilisés : devant la télé, en regardant une série du style Esprit Criminel ou N.C.I.S, et faisant des commentaires sur les épisodes. L’un de nos rares points communs. Mais cet instant de quiétude avait cessé quand Christophe était rentré du travail et m’avait demandé de passer l’aspirateur parce qu’on recevait le midi. Greg avait dû mettre la table, ce qui avait été beaucoup plus vite et se retrouvait maintenant à me compliquer la tâche. Mais bon, maintenant qu’il avait remis la télé, je devais être à peu près tranquille. De toute façon, j’avais trop de chose à penser pour m’occuper de lui. Ça faisait deux jours que Léna était passée, et même si je n’éprouvais absolument pas l’envie d’aller dans un lycée bourré d’hyperactif, d’intello ou de gamin à problème, les paroles de Léna trottaient sans cesse dans la tête. L’exactitude avec laquelle elle avait décrit ce qui se passait dans ma tête ne posait aucun doute : elle avait vécu la même expérience.
Déjà ça, c’était flippant.
Ensuite, il y avait l’urgence qui frôlait la démence avec laquelle elle m’avait dit que j’étais en danger. Et ça, c’était de la folie, et c’était ce qui me bloquait le plus. C’était cette partie là que je ne comprenais pas, et que je ne voulais pas comprendre. Alors aller à Orléans, très peu pour moi. Je n’avais pas dit ma décision Léna. Je voulais en parler à ma mère d’abords.

Hier, nous étions aller voir Grand-mère Moineau. Naturellement, elle n’avait laissé entrer que moi dans la maison. Quand je lui avais posé des questions sur Sappho, elle m’avait simplement dit en servant le thé que son père avait effectivement été à cette école.

-Et papa ? avais-je demandé.
-Ton père était un excité, s’était-t-elle contenté de répondre. L’internat lui faisait du bien. Tu veux un biscuit ?

Voilà. C’était tout ce que j’avais obtenu de ma grand-mère. Après cela, dés que je tentais d’orienter la conversation du cette école, elle changeait habilement de sujet. La seule certitude que j’avais, c’était que mon arrière-grand père avait été là bas. Et probablement par suite mon père.
Ça avait rassuré ma mère. Ça aurait dû me rassurer aussi. Mais pour une raison que j’ignorais, ça me répugnait plus que la démence de Léna.

Je finissais ma tâche avec la cuisine. Christophe était en train de faire revenir des oignions quand je revins du garage où on entreposait l’aspirateur. Il me lança un bref regard.

-Merci, marmonna-t-il. Alors, ça avance cette recherche de lycée ?
-Difficilement, répondis-je avec indifférence. Pourquoi ?

Christophe haussa les sourcils, et retourna à ses oignions. Je laissai couler avec un soupir et retournai m’avachir sur le canapé opposé à celui de Greg. Il avait mis un épisode de Esprits Criminels. Parfait. L’épisode était à moitié fini quand ma mère rentra du boulot. Elle bossait toujours le samedi matin. Elle posa son sac sur une chaise, nous salua, et partit vers la cuisine. Bientôt, sa voix et celle de Christophe se firent plus énergiques. Ils se disputaient. Greg soupira :

-Il ne faudrait pas qu’ils divorcent, tout de même. Je commençais à m’habituer à ta présence.
-La ferme, Greg.

Mais je l’admettais : cette perspective me hantais. Ma mère avait failli aller en dépression, après la mort de mon père. Son salut, elle le devait à sa rencontre avec Christophe. Je savais très bien qu’elle l’aimait. Qu’il était celui qui lui avait sortir la tête de l’eau, après la mort de papa. Et c’était pour ça que j’acceptais de supporter Greg à longueur de week-end. Même si j’admettais maintenant que si lui commençais à s’habituer à ma présence, je commençais à m’accoutumer à sa musique métal. Je me levai, prétextant aller chercher de l’eau, qui était au bord de la cuisine et tendis l’oreille. Avec ma super-ouïe, ce ne fut pas difficile d’entendre leurs mots :

-… ne l’enverrais pas chez un médecin, Chris, disais ma mère d’un ton las.
-Enfin, Flo, réfléchit ! Tu as appelé les trois lycées auxquels j’avais envoyé son dossier et ils ne la prendront pas. Pourquoi ? Parce qu’ils ne veulent pas risquer un autre incident de ce genre ! Si tu veux qu’elle retrouve un établissement…
-J’ai dit non. Ce n’est pas elle qui a fait ces choses : elle affirme que non, et je la croie. C’est ma fille, je dois la défendre. Pas question de l’humilier de la sorte.
-Alors que comptes-tu faire ? Et ce pensionnat dont est venu te parler la dame, avant-hier ?
-Elle ne veut pas y aller. Je le sais, je l’ai vu.
-Force-la.
-Pas question.
-Alors soigne-la !
-Chris !
-Fais quelque chose, Florence. Tu n’as pas le choix. Il est hors de question que je tolère ce qu’elle a peut être fait une nouvelle fois. C’est ou elle va dans un établissement spécialisé - n’importe le quel - ou qu’elle va à l’hôpital.
-Je ne te laisserais jamais interner ma fille, siffla ma mère, mauvaise. Jamais, tu m’entends ?

Je n’attendis pas la réponse de Christophe pour partir. J’en avais assez entendu. Je m’appuyais contre le mur, en proie à un terrible doute, puis me rappeler de la lueur de résignation de ma mère, son ton impétueux quand elle avait refusé de me placer, et je pris ma décision.
Je ferais pas souffrir ma mère.
Je pris fébrilement mon portable et le morceau de papier que j’avais glisser dans ma coque. Je composai le numéro lentement et portais le téléphone à mon oreille. Ça sonna deux fois avant qu’une voix claironnante ne retentisse avec un « allô ? » enthousiasme.

-Bonjours Léna, c’est Léonie Moineau à l’appareil. Vous avez toujours une place de disponible dans votre école ?
Dernière modification par Perripuce le mer. 02 mars, 2016 1:39 pm, modifié 1 fois.
Marie-A

Profil sur Booknode

Messages : 206
Inscription : sam. 03 janv., 2015 4:54 pm

Re: Les enfants de Gaia. (Fantastique/Fantaisie).

Message par Marie-A »

Bonjour.

Très bon premier chapitre. Je suis complètement tombée dedans !
Peut-être un peu long à mon goût mais après, ce n'est pas un problème. Attention par contre à la conjugaison et il manque parfois des lettres aux mots. Mais sinon, c'est très bien. J'aime beaucoup.
Continue comme ça !

Je lirais le second chapitre plus tard mais je veux bien que tu me tienne au courant de l'avancée de la mise en ligne.

Bonne fin d'après-midi.
Perripuce

Profil sur Booknode

Messages : 1271
Inscription : lun. 11 mars, 2013 7:13 pm

Les enfants de Gaia - Chapitre 3 (Fantastique/Fantaisie).

Message par Perripuce »

Bonjour tout le monde !
Voilà le chapitre 3, c'est le chapitre où tout se débloque pour Léonie, qu'elle comprend enfin ce qu'elle peut potentiellement être :) Du coup si vous avez des questions, ce sera le moment, et surtout, dites le si je ne suis pas assez claire !
Le chapitre 4 sera posté à la fin de la semaine, ou ce week-end !
Bonne lecture, n'hésitez pas à laisser des commentaires, même (surtout?) négatifs !
(PS : je me permet de réitérer un petit hommage aux victimes du 13 Novembre … toujours une petite pensée pour eux … Pray for Paris) )
C'est bon j'arrête : bonne lecture !


Chapitre 3 : Bienvenu à Orléans.

-Tu es sûre, ma chérie ?

Nous étions devant la gare Lille-Europe. J’avais une valise dans une main, et ma mère portait mon sac de voyage. Elle se tenait en face de moi, en jean et en chemise, toujours impeccable. Greg, qui avait étrangement tenu à nous accompagner, était juste derrière, les mains dans ses poches de sweat-shirt. Je soupirai en voyant l’air apparemment décontracté et indifférent sous lequel ma mère cachait son angoisse.

-Oui, maman, je suis sûre, la rassurai-je en mettant une main sur son épaule. Si papa a survécu là-bas, je pourrais le faire aussi. De toute façon, on se retrouve pour les vacances de Toussaint, non ?

Je m’efforçai de prendre un ton léger pour ne pas montrer ma propre appréhension. Ma mère me regarda et me sourit.

-Oui, tu as raison. Bon, on y va ? Ton train part dans vingt minutes. Tu viens, Greg ?

Greg sursauta, et nous suivit jusqu’au quai. Ma mère avait réussi à trouver un trajet direct jusqu’Orléans. Sinon, j’aurais dû faire un échange à Paris. Trop de stress, pour moi. Je n’étais mais très débrouillarde. Très bonne pour ce qui était de donner des coups de pieds à un mec aux yeux flippants, très mauvaise pour lire une carte. Le trajet direct, c’était une bénédiction. Vive la SNCF. Je vérifiai sur le panneau d’affichage que mon train était bien à l’heure et ma mère me conduisit jusqu’au quai, Greg dans notre sillage. Mon train nous attendait. Sinistre, froid. J’eu soudainement envie de me retourner vers ma mère pour la supplier de rentrer à la maison, mais c’était impossible : j’avais pris une décision, et il fallait que je m’y tienne.

-Et, comment ça se passe, là-bas ? me demanda ma mère en fronçant les sourcils. Je veux dire… qui va t’emmener à l’école ?
-Léna a missionné des étudiants pour venir me chercher, répondis-je doucement. L’école est à une heure de route en voiture, et l’un d’entre eux a son permis. Apparemment.
-Apparemment ?

J’haussai les épaules, gênée.

-Je suppose, elle n’a pas été très claire à ce sujet. Elle a dit que comme ça, ils pourraient… m’expliquer. Je ne sais pas vraiment quoi, mais ils vont « m’expliquer » des choses. Va savoir.

Ma mère et Greg me lancèrent un regard incrédule. Je tentai de sourire pour les rassurer, mais le résultat devait tenir de la grimace. Finalement, ma mère rompit la glace en me proposant d’aller déjà m’installer, pour que j’aie une place convenable. Inquiétude inutile, le wagon était presque vide. Juste une femme d’affaire en tailleur et un homme aux tempes grisonnantes qui tapotait en vitesse sur son ordinateur. Greg m’aida à hisser ma valise sur un porte-bagage alors que ma mère répondait à un coup de fil pressant dehors.

-Alors comme ça, tu te barres pour de bon ? me fit-il en posant mon bagage à main sur la banquette vide.
-Ouais, apparemment, confirmai-je. Mais ne te bile pas, mon gars : interdiction de squatter ma chambre. Mais si tu veux, mes cours de 3ème sont sous mon bureau. Ils sont certainement mieux pris que les tiens. Tu pourras donc mieux réviser ton Brevet !

Greg eut un semblant de sourire.

-Mon brevet, tu parles. Tout ce qui intéresse mon père, c’est que je ne ramène pas trop d’heures de colle.
-Entre toi qui passe ta vie en colle, et moi qui me virer du lycée, ils sont bien lotis, nos parents.

Greg éclata de rire, et je ne pus m’empêcher de le suivre. Ma mère apparut à la porte du wagon et me prit dans ses bras.

-Le train ne va pas tarder à partir, me souffla-t-elle à l’oreille en me serrant. Prend soin de toi, mon trésor.

Je rendis son étreinte à ma mère, soudainement incapable de prononcer le moindre mot. J’avais la gorge nouée – émotion, appréhension, angoisse ? Je n’en savais rien. Finalement, Greg et elle descendirent du train en m’adressant un dernier sourire. Je me collai à la vitre pour leur faire signe d’au revoir et en m’efforçant de contenir mes larmes. Quand j’avais appelé Léna pour le dire que j’acceptais d’aller à Sappho, je n’avais pas eu conscience du mal que ça me ferait de partir. J’avais seulement penser à ma mère, à tous ce qu’elle aurait dû sacrifier si je m’étais obstinée à vouloir rester – son couple, sa santé, son bonheur et je ne savais quoi d’autre. Elle avait mis trop de temps à se remettre de la mort de mon père. Je ne voulais pas qu’elle refasse machine arrière à cause de moi. Résultat : j’étais dans le train pour Orléans.
Youpi.

Le trajet se déroula de façon lente et déprimante. Il pleuvait, ce qui rendait les paysages inintéressants. La batterie de mon IPod était à plat, et j’étais beaucoup trop nerveuse pour lire les livres que j’avais emmené. De toute façon, je m’étais rendu compte qu’au moins deux avaient disparu au cours de voyage. Mais j’avais retrouvé le stylo que j’avais perdu pendant ma perme avec Sylvain. Comme quoi, tous ces changements n’avaient pas altéré la manie que les objets avaient d’apparaître et de disparaître autour de moi. Je me retrouvai ainsi en tailleur sur mon siège, à jouer nerveusement avec les écouteurs, à sens cesse détacher ou rattacher les cheveux ou à fouiller mon sac pour des raisons futiles. La femme non loin de moi, qui essayait de dormir, m’avait d’ailleurs lancé quelques regards agacés. Je finis par le lever pour aller au wagon restaurant me chercher de quoi manger – mais surtout me délier les jambes. Ça tombait bien, il était loin. Je croisai plusieurs familles, des hommes d’affaires avec costumes et ordinateurs, et même un métalleux avant d’arriver au bar. Je pris une bouteille de coca (mon pécher mignon. Je n’y pouvais rien, j’étais une accros à la caféine) et une barre de céréale avant de repartir vers ma place. Je tentai de me frayer un chemin a travers tout les gens qui affluaient vers le bar et le métalleux que j’avais croisé à l’allé me bouscula.

-Désolé, marmonna-t-il en me lançant un regard vide de ses yeux très clairs.

Je bredouillai un « ce n’est rien » en me dépêchant de sortir de ce wagon. Ma tête commençait déjà à crépiter doucement sous l’effet de toutes les conversations qui avaient lieux ici. Il n’y avait aucun doute : je détestais les lieux publiques. Je m’affalai à ma place en soupirant et me remis à jouer avec mes affaires tout en sirotant mon coca. Au bout de plus de trois heures de trajet, une voix annonça l’arrivée du train en gare d’Orléans. Je soupirai en me levant pour descendre ma valise. L’homme était déjà parti depuis un bout de temps, et la femme s’était vivement levée pour attendre près de la porte, avant de se rendre compte que la notre était condamnée, avait pesté, et avait continué sa route. J’avais tenté de l’arrêter pour qu’elle m’aide à descendre ma valise, mais elle avait refusé. Ce fut pourquoi je suivais son trajet d’un regard méprisant.

-Alors, petit oiseau n’arrive pas à descendre sa valise ?

Je me retournai vivement, tout mes sens en alerte. Le métalleux, celui qui m’avait bousculé au wagon restaurant, se tenait en derrière moi, sans que je n’aie aucune idée de comment il était arrivé ici. Ses iris incroyablement claires me dévisageaient avec surprise et enchantement - enchantement malsain. Il pris ma valise et la descendit comme si c’était un poids plume. Ce qui n’était absolument pas le cas.

-Tiens, petit oiseau. Pars voler, me dit-t-il moqueusement.

J’ignorais pourquoi il m’appelait « petit oiseau » (peut être parce que le mot « Moineau » était inscrit sur la valise), mais c’était effrayant. Comme son regard, d’ailleurs.

-Merci, bredouillai-je en posant la lanière de mon sac sur mon épaule.

Le métalleux sourit doucement. Un sourire aussi malsain que celui du type aux yeux verts.

-Ne me remercie pas, petit oiseau, c’est moi qui te remercie, susurra-t-il. Comme ça, c’est un enfant de Gaia qui n’arrivera pas à Sappho.

Je fronçai les sourcils et m’apprêtais à lui demander comment il savait que j’allais là-bas quand je vis son bras se tendre vers quelque chose à sa ceinture.
Un couteau.
Je réagis au quart de tour en dégainant mon pied et en le lui enfonçant à l’endroit sensible. Il poussa un gémissement pitoyable et lâcha lame qu’il tenait en s’écroulant sur un des sièges. Avant de lui laisser le temps de reprendre connaissance, j’empoignai ma valise et filai du wagon le plus rapidement que possible. Une femme blonde d’une vingtaine d’années me vit courir et m’arrêta en me prenant le bras.

-Oh, ça ne va pas ?
-Non, répondis-je sans réfléchir. Excusez-moi, il faut que …

Des pas se firent entendre et le métalleux revint de mon wagon, à ma plus grande horreur. La femme lui lança un regard méprisant.

-Oh, je vois. Une novice, même pas capable de t’en occuper correctement. Tant pis, prend-moi ça.

Elle lui lança un sac et se tourna vers moi avec un air féroce.

-Qu’est ce que vous faites ? glapis-je en reculant avec ma valise.

La blonde sourit doucement.

-Ne t’en fais pas, chérie, tu ne sentiras rien, me promit-telle avec un air presque angélique.

Je vis son pied décoller du sol et réussis à le bloquer d’une main et d’envoyer le mien dans son abdomen. Elle se plia en deux mais lança son poing qui s’écrasa contre ma pommette. Je gémis, mais envoyai mon propre poing de toutes mes forces dans sa gorge. Je sentit sa trachée s’écraser sous la force de mon coup et reculai précipitamment. Bon sang, mais qu’est ce qu’ils me voulaient ces deux là ?! Elle chercha quelque chose à sa ceinture, mais je poussai ma valise sur elle de toutes mes forces. Par chance, le train ralentit brusquement à ce moment là, et j’étais dans le bon sens : elle s’écroula sur son ami métalleux et ils atterrirent sur la porte qui séparait le wagon d’un autre. Soudainement, la porte parut céder et ils s’écroulèrent tout les deux pêle-mêle. N’en croyant pas ma chance, je saisis ma valise et courus vers la sortie la plus proche, attendant désespérément que le train s’arrête. Quand il s’arrêta pour de bon, je fus la première à descendre à quai, et me précipitai vers la sortie la plus proche. Qu’avait dit Léna déjà ? Dans mon élan, j’en avais oublié ce que je devais faire. Oui, c’est ça, elle avait dit que des étudiants m’attendraient devant le quai, oui, près d’un panneau où il était marquer le numéro du quai en question. Je cherchai donc fébrilement ce panneau en tâtant ma pommette douloureuse et lançai des regards fugitifs derrière moi. Non mais c’était quoi leurs motifs pour s’attaquer ainsi à moi, sans aucune revendication ?!
Si je voyais le moindre métalleux fou ou la moindre blonde psychopathe, j’hurlais.
Je remarquai finalement un grand panneau bleu annonçant la voie numéro quatre, devant mon quai. Je m’y précipitai, courant presque, sans cesser de regarder derrière moi. Devant ce panneau, se tenait un adolescent, peut-être un petit peu plus âgé que moi. Il était grand, fin, et avaient des boucles noirs et folles qui lui tombaient dans les yeux. Ceux-ci, d’une vague couleur noisette, sautaient sans cesse d’un point à un autres, comme s’il cherchait quelqu’un, ou comme s’il surveillait simplement un danger quelconque. Finalement il m’aperçut, essoufflée, trimballant ma valise et un sac. Il s’avança vers moi, hésitant.

-C’est toi, Léonie ? me demanda-t-il doucement.

Il ne me regarda qu’une demi-seconde. Ses yeux continuèrent de faires des allés-retours un peu partout dans la foule. J’hochai la tête en soupirant. Je n’avais pas la force de parler, toute mon adrénaline m’avait soudainement quitté. Je tournai la tête pour voir si les deux psychopathes ne m’avaient pas suivi.

-D’accord, je m’appelle Danny, je suis… Attend, c’est quoi, ça ?

Il désigna ma pommette. Je la touchai : elle était brulante. Elle devait bien rouge, ou alors, j’étais quitte pour un beau bleu.

-Une longue histoire, fis-je très vite, histoire d’abréger la conversation le plus vite que possible.

Mais le dénommé Danny ne paraissait pas m’écouter. Tout son corps était tendu, comme s’il redoutait quelque chose qui n’allait pas tarder à d’abattre. Finalement, il prit ma valise de mes mains, et mon bras de l’autre main.

-Viens, il faut qu’on y aille, vite, me pressa-t-il sans arrêter de regarder derrière nous. Combien ils étaient ?
-Pardon ?!
-Ceux qui t’ont fait ça, s’impatienta-t-il en montrant mon visage d’un coup de menton.

D’accord. Ce mec avait peut être un visage d’ange, mais il était sacrément brusque et mal poli. Et comment savait-il que quelqu’un m’avait attaqué dans le train ?!

-Deux, répondis-je à contrecœur. Un mec et une fille. Mais je ne vois pas en quoi…
-Je t’expliquerais, me coupa-t-il en nous faisant traverser la foule. En attendant, il faut vite se tailler. Désolé de l’accueille, mais bienvenue à Orléans.

Je coulai sur lui un regard oblique, cherchant à déterminer si ce qu’il venait de me dire était une blague, de l’ironie, ou bien s’il était sérieux. Danny fendit la foule, moi et ma valise dans son sillage et nous mena jusqu'à la sortie, sans jamais cesser de lancer des regards suspicieux derrière nous. La pluie me pris de court et je me dépêchai de mettre ma capuche et détachai mes cheveux pour protéger mes oreilles de la morsure du froid. C’était officiel : le fait que le Nord était le département le plus froid et le plus gris de France était une légende. Il faisait aussi froid dans le Loiret. Danny obliqua vers la droite et nous mena devant un banc où attendaient deux autres adolescents, frigorifiés sous un parapluie.

-Pas trop tôt, râla la fille en se levant pour nous rejoindre.

Elle était très petite, mais très mignonne, avec ses cheveux lisses et cuivrés, ses yeux noisettes et son minois en forme de cœur. Elle portait une veste en cuire noire et un jean, de façon tout à fait décontracté, mais paraissait gelée. Comme je la comprenais. Elle me jugea de la tête aux pieds et me sourit.

-Salut, me fit-elle. Bienvenu à …
-Callie, gronda Danny en nous poussant vers l’autre garçon. On n’a pas le temps !

La petite Callie parut comprendre parce qu’elle courut se mettre à l’abri sous le parapluie de l’autre garçon, qui c’était levé pour nous rejoindre. Lui, pour le coup, avait vraiment un visage d’ange. Boucles blondes, yeux turquoise, nez fin, peau claire… Il abordait un air plutôt candide qui vint s’assombrir quand il vit l’agitation de Callie.

-Qu’est ce qu’il se passe ? demanda-t-il à Danny en levant le parapluie pour qu’on soit tous à peu près abrités.
-J’en sais rien moi même, tiens ! avoua Danny en me rendant ma valise. Mais plus vite on sera à Sappho, mieux je me sentirais.
-Oui, comme d’habitude.

Ils échangèrent un regard entendu et nous filâmes vers le parking à marche forcé. Je ne comprenais rien, et mon cœur battait la chamade. Mais j’avouais que moi aussi je serais soulagée quand on arrivera à Sappho, et que ces gentils gens m’auront expliqué… ce qu’ils avaient à m’expliquer. Danny sortit des clefs de sa poche et ouvrit le coffre d’une C3 noire qui portait un « A » rouge à l’arrière. L’autre garçon m’aida à y mettre ma valise et m’invita gentiment à entrer dans la voiture en m’ouvrant la portière. Je lui adressai un sourire fatigué en guise de remercîment et me glissai sur la banquette en frissonnant. Ma veste était trempée, ainsi que ma capuche et mon jean. Callie me suivit à l’arrière, alors que Danny s’installait au volant, son ami à ses cotés. Celui-ci secoua ses boucles trempées comme un chien mouillé.

-Nom d’un chien, j’en ai marre de ce temps ! bougonna-t-il
-Elle a dû le ramener du Nord, plaisanta Callie à coté de moi.

L’autre fronça les sourcils en se retournant pour regarder la jeune fille.

-C’est pas sympa, ça, fit-t-il remarquer avant de se tourner vers le conducteur. Tu le sens comment, Dan ?

La question me parut étrange, mais Danny haussa les épaules en mettant le contact.

-Honnêtement, on verra. Accrochez vos ceintures, je ne veux pas trainer ici.
-Fais attention, le prévint son ami. Ce n’est pas comme si tu avais ton permis.
-Va dire ça à Léna, grommela Danny en faisant marche arrière.

J’adressai au rétroviseur un regard incrédule. Comment ça, « ce n’est pas comme si tu avais ton permis. » ? Callie parut se rendre compte de ma perplexité car elle me servit un sourire contrit :

-Oh, ne t’en fais pas, il conduit très bien, tenta-t-elle de me rassurer. Et la chance pour qu’on se fasse contrôler est minime. Ne stresse pas.

Ne pas stresser ? Je venais de me faire virer de mon lycée, je me battais avec un pervers, je prenais le trains seule pour une école parce que j’étais d’après une fille un peu extravertie « en danger », je me faisais attaquer par un couple psychopathe, et nous nous faisions conduire à Sappho par un mec qui n’avait même pas son permis, mais il ne fallait pas stresser.
Elle était marrante, cette fille.

Le début du trajet se fit en silence, le temps que tout le monde reprenne son souffle. J’appuyai ma tête contre la vitre pour refroidir mon visage brulant. Paradoxalement, mes doigts, eux étaient gelés et ma jambe ne cessait faire ses habituels petit bond nerveux. Je vis Callie lui couler un regard de coin, mais n’y prêtait pas attention. Pour l’instant, ce dont j’avais besoin, c’était de calmer ma respiration saccadée et de ralentir mon rythme cardiaque, qui s’emballait. Je me mis à compter mes respiration, lentement, histoire de me calmer puis soupirai me passant une main sur le visage.

-Quel cauchemar, laissai-je faiblement échapper.

Je sentis toutes les têtes se tourner vers moi. Callie me lança un drôle de regard, puis se redressa de toute sa (modeste) hauteur en tapant énergiquement dans ses mains.

-Certes, concéda-t-elle. De ton point de vue, ça doit être un cauchemar. Mais avant de décortiquer ce cauchemar, on va déjà commencer par les présentations, d’accord ?
-Elle n’a pas tord, admit le blond en hochant la tête. Je m’appelle Lucas Meynier, et le conducteur un peu grognon à coté de moi, c’est Daniel Hautroi. Ne t’en fais, habituellement, il est plus aimable.
-Et moi, je suis son ex, conclut tranquillement Callie en désignant Danny du menton.

Je lui lançai un regard dérouté, surprise par sa franchise. Waho, cette fille n’avait pas froid aux yeux, vous connaissez beaucoup de gens qui se présentait aussi crument en disant « je suis son ex » ? Danny eut un faible sourire et lança un regard à « son ex » à travers le rétroviseur.

-J’aime beaucoup le flegme avec lequel tu annonces ça, la taquina-t-il.

Callie haussa les épaules et Lucas me lança un regard désolé.

-C’est une longue histoire, soupira-t-il, provoquant le sourire de Callie. Mais on n’a pas le temps pour ça. Qu’est ce qu’il s’est passé ? Qu’est ce que tu t’es fait à la joue ?

Les grands yeux bleus de Lucas me dévisagèrent avec une sincère inquiétude. Il avait vraiment un air enfantin et candide qui lui donnait réellement l’air d’un ange. Ma mâchoire se contracta, mais bizarrement, ma langue se délia sans que je ne le veuille vraiment. Je racontai la venue des deux individus qui m’avaient attaqué sans sommation. La tension se volatilisa petit à petit de mes épaules. Je me retrouvai soudainement vidée de toute mon énergie, même nerveuse : ma jambe cessa de bondir sans arrêt, et je finissais mon récit la tête entre les mains.

-Ensuite j’ai réussi à m’enfuir avec un incroyable coup de chance, et j’ai atterri sur le quai, conclus-je d’une voix étouffée. Je ne m’attends pas à ce que vous compreniez quelque chose, ni même que vous y croyiez. Je ne comprends pas moi-même.

Je les vis échanger des regards à la fois gênés, équivoques et interloqués. Lucas fronça les sourcils, et chuchota quelque chose très bas à Danny – que j’entendis très nettement :

-Qui parlent et qui ont l’air de s’organiser ?
-La ferme, l’interrompit Danny sur le même mode. Plus tard.

Callie eut un air perplexe, et s’avança sur son siège en trémoussant. Elle jouait avec un sifflet attaché à un porte-clefs.

-Euh, les gars, de quoi vous parlez ? s’inquiéta-t-elle avant de reculer en secouant la tête. Enfin, peu importe, il y a des priorités dans la vie. Alors, (elle se tourna vers moi) je suppose que tu t’y connais en mécanique astrale ?

Je la fixai en clignant des yeux, déroutée par le brusque changement de sujet, qui n’avait apparemment rien à voir.

-Euh… mécanique astrale ?
-Ouais, le soleil qui fait tourner les planètes et tout… Non, en fait non, oublis, je ne suis vraiment pas douée pour expliquer. La physique c’est pas mon truc. (Elle se tourna vers les garçons avec une tête faussement désespérée). Mais où est Hugo quand on a besoin de lui ? Bon, il me faut un substitut d’Hugo. Une idée, petit génie ?

Lucas se retourna pour lui lancer un regard agacé. Apparemment, ça devait être lui, le petit génie. Et au vu de la tête qu’il faisait, ça devait être lui, le « substitut d’Hugo ». Il consulta Danny du regard et celui-ci hocha la tête doucement. D’accord. Alors Danny était le chef, Lucas le petit génie, et Callie la rigolote.

-Bon, je suppose que ce sera mieux, soupira Lucas en se retournant pour de bon afin de me regarder. Je sais que pour toi ça doit être complétement hors-sujet…

Effectivement, c’était complétement hors-sujet, mais j’étais trop sonnée pour protester.

-Mais écoute-moi jusqu’au bout, continua-t-il. Tu comprendras tout à la fin, même ce qui s’est passé dans le train.

J’haussai les sourcils, suspicieuse, et ma langue retrouva un peu d’énergie :

-La mécanique des astres va expliquer pourquoi deux fous m’ont attaqué ? résumai-je avec une moue.

Tout le monde, même Danny ricana devant l’absurdité de la conclusion.

-Dit comme ça, c’est bizarre, admit celui-ci avant que Lucas ne réponde. Ne t’en fait pas, on ne va pas te parler de ton horoscope ou quoique ce soit de ce genre. Mais tu comprendras tout, comme Luc’ te l’a dit. Laisse-le parler, tu verras, il est bon pédagogue, et je t’assure que tout s’éclaircira. Promis.
-Là, je commence à flipper.

Super. Mon énergie nerveuse revenait au pire moment. Maintenant, je faisais des commentaires débiles. Deux réactions au stress (et je peux vous promettre que j’étais stressée) : le mutisme, et ces commentaires. Entre la peste et le choléra, que choisiriez vous ? Lucas eut un sourire indulgent.

-Normal. Bon, je commence, comment fait la terre pour tourner ?

Je clignai les yeux. Je ne voyais vraiment pas où aller aboutir cette conversation, mais le seul moyen que j’avais de le savoir était de me prêter au jeu.

-Le Soleil exerce une force sur la terre, et la terre sur le soleil. Mais l’attraction du soleil est plus forte, ce qui est à l’origine du mouvement.

Merci à Sylvain et au soin qu’il apportait à ses cours de physique.

-Exact, sourit Lucas. Donc entre les deux, qui serait le dominant, à ton avis ?
-Le soleil, répondis-je, surprise.
-Oui. Tout-à-fait. Donc si quelqu’un devait faire régner l’ordre dans l’univers, ce serait … ?
-Le soleil, répétai-je en fronçant les sourcils. Mais je ne vois pas pourquoi…

Lucas leva une main pour m’interrompre. Je lui lançai un regard agacé, mais acceptai de ronger mon frein encore quelque temps.

-Maintenant, entonna-t-il avec entrain. Vois ça comme si l’univers était un royaume. Que serait le soleil ?
-Un roi, fis-je spontanément, avant de préciser après une seconde de réflexion : un tyran, en fait, un sal monarque absolu.
-C’est exactement ça, approuva Lucas, satisfait. Plus monarque absolu – tyran a une connotation négative, et il n’en est pas question ici. Dans ce cas, par rapport à ce tyran, qui serait les planètes ?

Je fronçai les sourcils pendant que mon cerveau tentait désespérément de trouver une logique dans tout ça. Puis, une chanson me revint en tête et j’eus à peu près l’idée de l’image que je devais avoir en tête.

-Ces vassales, je dirais, proposai-je prudemment. Sa cour, peut-être.

J’avais en tête Louis XIV déguisé en soleil et sa cour qui lui tournait sans cesse autour, comme les planètes autour du soleil. Louis ne s’était d’ailleurs pas surnommé « Roi-Soleil » ? J’avais eu ma période de musique comédie musicale, en seconde, et j’avais passé des soirées à écouter Le Roi Soleil, dont une chanson, « pour arriver à moi ». C’était Emmanuel Moire, l’interprète de Louis XVI, qui disait en parlant de ses courtisant « ils sont là pour tourner, ne font que graviter ». Exactement comme les planètes.

-Oui, c’est ça, acquiesça-t-il. Bonne image. Bien maintenant, les satellites, vis-à-vis du Soleil ? Ainsi que tout ce qui est objet spatiaux, astéroïde, tout ça tout ça ?
-Les sujets. Ceux qui sont en bas de l’échelle.
-Oui, exactement ! Alors si la Lune est en bas de l’échelle pour le Soleil, qu’en est-il des humains ?

Je clignai des yeux, perplexe. Je songeai un instant à la question avant de murmurer doucement :

-De la poussière. Des insectes.

Lucas eut un sourire triste.

-Oui, des insectes. Enfin, bref, pas grand chose. A ton avis, quand le roi de droit divin donne un ordre qui affecte ses courtisants et ses sujets, est-ce qu’il se soucie des insectes ?
-Non.
-Donc… ?
-Donc le soleil n’en n’a rien à faire des humains.

Lucas hocha la tête, satisfait que j’aie apparemment aussi vite compris le principe. Sauf que je n’avais rien compris. Oui, j’avais compris la métaphore, mais je ne comprenais pas ce qu’elle faisait. Le jeune homme parut lire l’agacement dans mon regard et s’empressa donc de continuer avant que je ne proteste :

-Bien, revenons à la mécanique. Tu sais comment ça marche – on sait tous comment ça marche. Mais est ce que tu sais ce qu’il la génère ? Qu’est ce qui donne à des astres le pouvoir d’attraction ?
-Hé bien, commençai-je en me rappelant des cours que physique que j’avais recopié sur le cahier de Sylvain. Je pense qu’il y une question de masse, de distance, et de …
-Certes, me coupa Lucas avec un sourire amusé. Mais pourquoi ça implique l’attraction ? En claire : c’est quoi le moteur de l’univers ?

Je me tus, médusée. D’accord. Après la métaphore et la physique, on passait à la philo. Tout ce que j’adorais.

-Je suppose que des scientifiques travaillent là-dessus, hasardai-je.

Danny ricana depuis le volant.

-Il y a de grande chance, admit-il en me lançant un regard dans le rétroviseur. Mais la vérité, c’est qu’ils n’arriveront jamais à ne rien trouver.
-Pourquoi ?

Je me tournai vers Lucas, les yeux interrogatifs. Celui-ci se massa la nuque, soudainement bien moins sûr de lui et de ses explications.

-Hé bien, c’est ici que ça devient bizarre…

Ses yeux lancèrent des appels « SOS » à Danny, qui lui renvoya un regard excédé. Finalement, après plusieurs seconde de supplication silencieuse de la part de Lucas, il finit par céder avec un soupir :

-Je savais que ça finirait comme ça…
-Qu’est ce que tu veux, tu es le plus ancien, rappela joyeusement Callie. T’es né à l’école, on ne peux pas lutter.

Depuis le début des explications de Lucas, elle était occupée à limer tranquillement ses ongles, sans se soucier du monde extérieur. Danny lui lança un regard torve.

-Je ne suis pas né à Sappho, grommela-t-il en doublant une voiture sur la voie rapide. Mais ouais, effectivement, je suis le plus ancien, mais ça ne veut pas dire que je suis le présupposé aux questions délicates.
-La preuve que si, glissa malicieusement Callie sans lever les yeux.

Danny ne répondit rien, se contentant de la gratifier d’un regard irrité. Il se tut le temps de sortir de la voie rapide et entonna d’une voix calme :

-Bon, Léna m’a dit que tu t’es faite virée de ton lycée d’une manière un peu litigieuse. Tu nous racontes, vite fait ?
-C’est quoi le rapport avec les astres et le « moteur de l’univers » ? m’étonnai-je, soudainement sur la défensive.
-En fait, tout, me répondit Danny avec un sourire de coin. Vas-y, raconte.

Je lui lançai un regard suspicieux, méfiante. Plus nous parlions, moins je voyais la fin de cette conversation. Passer de la mécanique à une question existentielle pour retourner à mon expulsion du lycée, c’était agaçant. Néanmoins, comme c’était le seul moyen de savoir et que de toute manière, Léna paraissait avoir déjà raconter une partie de l’histoire, je consentis à expliquer ce qui s’était passé. Quand j’arrivai au moment où j’avais retrouvé les vêtements d’Hélène et Clara dans mon sac, Callie éclata de rire.

-Ah j’aime beaucoup ! s’esclaffa-t-elle. Voler les fringues de pestes pendant qu’elles sont dans la douche ! Tu as géré !
-Mais l’ennui, c’est que je n’ai pas pris ces vêtements, rappelai-je, gênée. Je ne sais pas comment ils sont arrivés là.

Lucas et Danny échangèrent un regard entendu.

-Et ça t’arrive souvent, des objets qui apparaissent ? s’enquit Danny.

Je fronçai les sourcils, surprise.

-Attendez, vous croyez l’histoire comme ça ?

Callie éclata à nouveau de rire, et ses deux amis lui lancèrent un regard d’avertissement. Elle les gratifia d’un sourire moqueur avant de se tourner vers moi.

-Oui, on te croit, affirma-t-elle, les yeux pétillants. Des truc étranges de ce genre, ça arrive à certain d’entre nous. Perso, j’ai eu pas mal de problème aussi. Mais pas du même type. Alors, ça t’arrive souvent ?
-Oui, admis-je avec réserve. Des stylos que je perds et que je retrouve des jours plus tard dans mon sac, des affaires qui apparaissent sur mon bureau… Je sais que ça paraît fou, mais je vous assure que c’est ce qui se passe.

Danny eut un autre sourire, légèrement sarcastique.

-Si ça, ça te paraît fou, alors inquiète-toi pour la suite, se moqua-t-il en s’engageant sur une nationale.

Mes yeux s’écarquillèrent, provoquant une nouvelle fois l’hilarité de Callie. Celle-ci commençait vraiment à m’agacer. Ce n’était pas de ma faute si je ne comprenais rien à ce qu’il disait ! J’avais le droit d’être étonnée sans qu’elle n’éclate de rire à chaque fois, non ? Lucas la regarda d’un air désapprobateur.

-Arrête, souviens-toi de ce que ça fait, lui admonesta-t-il avant de se tourner vers Danny avec une moue. Vas-y, arrête de la faire languir, elle doit savoir.

Adorable, ce gars. Il fallait que je pense à le remercier.

-C’est toi qui m’a demandé de le faire, lui rappela Danny, sans reproche. Mais tu as raison. (Il me lança un regard dans le rétroviseur). Bon, tu es prête ?
-Prête à quoi ?

Il eut à nouveau un petit sourire de coin. Ok, il était peut être agaçant et brusque, mais physiquement, il se défendait.

-A connaître le « moteur du monde », répondit-t-il, l’air légèrement amusé. Tu crois en Dieu ?
-Non, répondis immédiatement.

Visiblement, ils se sentaient tous obligées d’y aller par quatre chemins. Je baissai les yeux, songeuse. Moteur de l’univers. Certain disais que c’était Dieu. D’autre pensaient qu’il s’expliquer scientifiquement. Mais si je m’y fier à ce que Lucas m’avait dit avant…

-Je ne suis pas vraiment athée, jugeai-je utile de préciser. Je crois qu’il y a quelque chose en haut, une force qu’on ne peut pas contrôler, mais qui ne nous contrôle pas vraiment non plus … Elle s’occupe de l’univers, pas des humains… mais … je ne sais pas quoi. (Je relevai les yeux sur les autres, les consultant du regard). Mais vous, vous allez me dire que c’est le Soleil, c’est ça ?

Ils me dévisagèrent tout les trois avec surprise. Finalement, Lucas eut un sourire satisfait en se tournant vers son ami.

-Elle comprend vite, apprécia-t-il.
-Effectivement, admit Danny en penchant la tête sur le coté. Mais ce n’est qu’une partie de la vérité. (Il me lança un autre regard par le rétroviseur). Oui, effectivement, on considère que le Soleil est le moteur de l’univers en général, ou plus précisément une entité puissante qui a pris le Soleil comme foyer.
-Une entité, répétai-je, sceptique. Comme un dieu ? Tu veux dire que le soleil est habité… par un dieu.
-En gros, c’est un peu ça, acquiesça-t-il en hochant la tête. Mais le terme d’entité est plus adapté. Ici, on s’intéresse à une entité que les grecs antiques appelaient Hélios.

Hélios, le dieu du soleil. Pourquoi pas. Ce n’était pas beaucoup plus étrange que mon père qui n’avait cesse de me répéter lors de mon enfance que la Terre veillait sur nous.
Simplement, en grandissant, ça devenait aberrant.

-Et d’où tu tiens ça? demandai-je, de plus en plus méfiante quant à la validité de ses informations.
-Laisse-moi finir, ordonna-t-il. Ecoute, tu es capable de croire que tes affaires disparaissent et réapparaissent mystérieusement, comme par magie. Si tu es capable de croire ça, alors fais semblant de croire qu’il existe des entités mystiques et bien supérieures à nous, juste le temps d’entendre mes explications. D’accord ?

Je plissai des yeux. J’avais remarqué qu’il avait utilisé le terme « entité » au pluriel. Je n’étais donc pas au bout des mes surprises. Je roulai des yeux mais lui fis signe de continuer.

-Bien. Alors, oui, une entité un petit peu divine, dirons-nous, habite le soleil. On a gardé le nom grec, Hélios - ne me demande pas pourquoi. Donc le moteur qui exerce sa force sur les planètes, c’est Hélios. C’est une entité magique, qui a des pouvoirs. Parfois, il a des « éruptions » de puissance, mais ces éruptions n’affectent pas les planètes. Cependant, ces éruption, spontanées et incontrôlées par Hélios, ont des effets sur les êtres vivants. Ça les transforme en profondeur, modifie leurs gènes et leur enlève tout ce qui fait d’eux ce qu’ils sont. L’humain perd ce qui est propre à l’homme – soit, la raison - aux animaux qui vivent en troupeau, leur esprit de groupe… etc. … De plus, ça leur donne des particularités qu’ils n’avaient pas. Une force incroyable. Une rapidité, également. Une grande résistance à tout ce qui est flingue … Et ça peut carrément leur griller le cerveaux, les êtres atteints peuvent attaqué n’importe qui n’importe quand. Notamment les Hommes. Et ça, ça n’a pas plu à une autre entité, celle qui gardait l’humanité et tout être vivant, d’ailleurs.

J’eu l’impression qu’une main glacée se refermait sur mon cœur. Instinctivement, je portais la main à mon épaule droite – celle où j’avais ma tâche de naissance. Ces mots m’étaient familier – ceux dépeignant un être comme gardien de l’humanité.

-Gaia.

Cette fois, le regard dont le fut l’objet était clairement incrédule. Même Callie cessa de se limer les ongles pour me contempler, la mine stupéfaite.

-Oui, confirma finalement Danny sans me lâcher du regard. Oui, effectivement. Une entité qui aurait pris la terre pour foyer. Gaia, nom encore hérité des grecs.

Ses sourcils se froncèrent pendant qu’il me jaugeait d’un regard étrange, mélange de suspicion et de surprise. Je lui fus reconnaissant de ne pas me poser de question. Ça aurait été gênant d’expliquer que mon père m’avait expliqué petite fille que la Terre veillait du nous – et sur moi en particulier.

-Toujours est-il, poursuivit Danny après d’être éclaircit la gorge, que Gaia n’aimait pas qu’Hélios continue de dégrader ses créations.
-Mais pourquoi continuerait-il de le faire ? demandai-je, m’obligeant à me prendre au jeu. A un moment, il a dû comprendre ces « éruptions » étaient néfastes…
-Néfastes pour les humains, oui, mais pas pour les planètes, précisa Lucas en se retournant. Souviens toi du début de la conversation : que sont les humains pour le Roi-Soleil ?

Je clignai des yeux, comprenant où il venait en venir.

-Des insectes, réalisai-je. Et le roi n’en a rien à faire des insectes. Donc le Soleil se fout d’être néfaste aux humains.
-Oui, assura Danny. Sauf que Gaia ne s’en fout pas. C’est elle qui a crée l’humanité. Mais ses pouvoirs sont plus faibles que ceux d’Hélios : ce qu’Hélios provoque, elle ne peut pas le révoquer. Mais elle peut lutter contre les créatures qu’il crée en en créant d’autre. Des créatures qui s’opposeraient à celles d’Hélios pour protéger ses créations. Des animaux, des plantes, mais aussi des humains. Aléatoirement, elle marque des êtres vivants, chaque espèce à sa manière et les dote d’aptitudes particulières. Sens décuplés, capacités à comprendre très vite les choses, débordant d’énergie, ce qui les rend impulsifs, car elles sont programmés pour le combat à armes blanches, et également d’autres dons, parfois plus… magiques. Dis-moi, Léonie, ça ne te dit rien, cette description ?

Je me tus, préférant tous les dévisager d’un regard incrédule. Effectivement que ça me disais quelque chose. J’avais une ouïe très développée, c’était ça qui me donnait des maux de tête pendant les cours. J’étais énergique (ma jambes n’avait d’ailleurs cesser de faire des bonds nerveux pendant tout le trajet).

Ça, c’était sans doute la chose la plus aberrante qu’ils m’aient dit jusque là.

-Vous vous foutez de moi.
-Crois-moi, on aimerait bien, répliqua Danny d’une vois légèrement plus amère. Mais la vérité, c’est que dans cette voiture, on est tous des créatures de Gaia. Des enfants de Gaia. Même toi.
-Sans déconner, ironisai-je en essuyant un rire nerveux. Alors tu veux dire que je suis venue au monde pour le bon vouloir d’une déesse afin de combattre des créatures qui n’ont ni scrupule, ni âme pour éviter qu’elle s’attaque à l’humanité ?
-A l’origine, c’est ça, affirma Lucas d’un air doctoral, sans se soucier de mon ton sceptique. Gaia engendre des enfants, proportionnellement au nombre de créatures d’Hélios crées. Dans l’antiquité, ces enfants devaient protégés l’humanité des Créatures d’Hélios – d’où la mythologie grecque.
-Quoi ? me récriai-je en sursautant. Alors d’après vous, Héraclès et Jason sont des …
-Enfants de Gaia, oui, finit Lucas en hochant la tête. Comme le minotaure ou Médée seraient, apparemment, des Créatures d’Hélios.
-Sauf qu’au cours du temps, les Créatures d’Hélios se sont mis étrangement à décroitre, continua Danny. Et les enfants de Gaia avec. Ainsi, n’étant plus assez nombreux pour s’attaquer à l’humanité entière, ils se contentèrent d’assaillir les enfants de Gaia. Ceux-ci furent décimés. Imagine : on nait tous dans une familles normale, on grandit comme des enfants normaux, sauf qu’on ne l’est pas. Et un jour, une espèce de monstre vient d’attaquer sans que tu n’ais rien demandé. Tu réagis comment ?
-En lui foutant un coup de pied là où je pense, répondit tranquillement Callie à ma place.

Elle se mettait à présent un vernis rouge pétant, sans trembler, malgré les soubresauts de la voiture. C’était tellement impeccable que ça en était effrayant. Lucas et Danny eurent un sourire étrange, comme s’ils hésitaient entre être désespérés et être amusés.

-Certes, consentit Danny en secouant la tête. Mais sinon, sans entrainement ni rien, tu te fais tuer. Alors on a pensé à faire des écoles. Des camps où on chargerait des gens de trouver des enfants de Gaia, et de les former afin qu’ils puissent lutter contre les Créatures d’Hélios.
-Et réussir à se cacher aussi, compléta Lucas. C’était l’époque des chasses de sorcière. Beaucoup de femmes brulées étaient des filles de Gaia. L’école avait donc un double rôle : nous former pour qu’on soit capable de repousser les monstres et nous enseigner comment nous fondre dans la société sans éveiller de soupçon.
-Parce qu’évidemment, la société ne doit pas être au courant de notre existence, précisa Danny. De nos jours, les Créatures d’Hélios sont encore présentes, mais… en moindre nombre qu’au moyen-âge. Mais ils représentent tout de même une menace. Et notre société est devenue presque inadaptée à des gens comme nous.
- D’où l’utilité des écoles, acheva Lucas avec sourire satisfait. Des écoles comme Sappho.

Là, même ma jambe cessa de faire des bonds nerveux. Je me contentai de fixer le pare-brise d’un regard fixe, tentant de faire des liens quasiment inexistant entre ce qu’ils venaient de me dire, et ma propre situation. D’accord, la description de … enfants de Gaia, me correspondait. Mais le reste …

-C’est fou. C’est … complétement fou.

Je mis quelque seconde à me rendre compte que je l’avais dit à voix haute. Callie cessa de se vernir les ongles, et me prit la main avec celle qu’elle n’avait pas encore vernie.

-On sait que c’est fou, mais c’est la réalité, affirma-t-elle doucement en hochant la tête. Mais ça explique pourquoi tu es comme ça, non ?
-Non, protestai-je d’une voix morte. Ça n’explique pas les objets qui disparaissent et ça n’explique pas pourquoi des deux …
Ma voix s’étrangla tandis que je comprenais soudainement que ça expliquer pourquoi les deux psychopathes m’avaient sautés à la gorge – à moi, et pas à d’autre. Dans l’hypothétique cas où tout ce qu’ils disaient été vrai… Callie adressa un sourire satisfait à ses amis.
-Je crois qu’elle commence à intégrer, remarqua-t-elle en se remettant à vernir ses ongles.
-Ne me dites pas que ces deux gens étaient … des Créatures ? hasardai-je, méfiante.
-On ne les a pas vu, contrairement à toi, me rappela Danny. Mais au vu de la description que tu nous as fait de l’attaque… qu’est ce qui se passe ?

Il braqua son regard sur moi à travers le rétroviseur. J’eu l’impression que quelqu’un m’avait obliger à avaler une souris vivante. Je venais juste de me souvenir d’une chose, un détail. Une parole qui avait été dite sans que je n’en comprenne la teneur.

-Le métalleux, couinai-je à ma plus grande horreur (c’était vraiment atroce de couiner comme ça. J’étais vraiment obliger de m’afficher comme ça, même devant des gens qui raconter des truc effrayants et/ou fous ?). Un des mecs qui m’a attaqué. Il a dit … « ce sera un enfant de Gaia de moins qui arrivera à Sappho ».

C’était fou. C’était dingue à comprendre vu à quel point c’était fou. Callie releva les yeux par dessus ses ongles (à présent parfaitement manucurés) sur lesquels elle était en train de souffler.

-Hé ouais, ma belle, bienvenue dans notre monde, me fit-t-elle en faisant un mime de salut militaire. Maintenant que tu commences à comprendre que tout ça, c’est pas des mensonges, voilà ma partie préférée : comment t’expliquer que des objets disparaissent et apparaissent autour de toi.
-C’est aléatoire, intervint Danny à l’intention de Callie. On n’est pas sûrs que ce soit ça.
-Léna ne t’a rien dit ? enchérit Lucas en fronçant els sourcils.
-Pas sur ça, non.
-Peu importe, les gars, les coupa Callie en levant les yeux au ciel. Ça fait aussi partie du métier. Donc, je disais, nous, enfants de Gaia, avons, en plus de toute nos particularités communes à tout humains enfant de Gaia – celles que Dan t’a énumérées – d’autre dons. Ça peut être de la simple amélioration d’attribut humain : force surhumaine, super vision, même pour nous, ou alors aptitude particulière pour une matière – un gars à Sappho, Hugo, est capable de te donner la racine carré de n’importe quel nombre de tête au millième près ! Lucas a ce genre d’aptitude. Et Danny aussi, si on veut. (Elle soupira) Compliqué. Et après, tu as les aptitudes réellement et purement irrationnelles. Un peu comme toi, apparemment. Et moi.

Elle eut un sourire entendu et je vis les deux garçons de devant se tendre. Lucas se retourna vivement sur son siège et fit de grands yeux à Callie.

-Hé tout doux, attend avant de faire des démo !

Les yeux de Callie roulèrent dans leurs orbites. Elle passa une main dans ses cheveux, qui ondulaient légèrement sous l’effet de l’humidité.

-Dommage, regretta-t-elle avec une moue. Une démonstration vaut mieux que n’importe quel discourt.
-Ouais, mais tes démonstrations à toi sont flippantes, rétorqua Danny en lui lançant un regard d’avertissement. Alors écoute Lucas et attend.

Elle leur lança un regard agacé à travers le rétroviseur. Elle souffla sur ses ongles rouge vifs avant de se retourner vers moi.

-Bon, reprit-t-elle avec nonchalance. On en était ou ? Ah, oui, nos aptitudes. Donc chacun en a une. Différente. Et toi… et bien apparemment, à vu de nez, je dirais la téléportation, non… ?

Elle coula un regard interrogatif vers Danny, comme s’il avait nécessairement la réponse. Celui-ci trémoussa sur son siège, les yeux étrangement dans le vague.

-En tout cas ça y ressemble, soupira-t-il en passant une main dans ses boucles mouillées.
-Danny.
-D’accord, céda-t-il avec un autre soupir. Je crois qu’en effet, c’est son aptitude particulière, mais je ne préfère pas me fier … à ça.

Il se mordit la lèvre en gardant les yeux rivés sur la route. Callie eut une autre moue avant de m’adresser un regard désespéré.

-Danny a un sixième sens très développé, m’expliqua-t-elle. Il sent tout. Le danger, la vérité, le mensonge…
-Donc ici, il peut affirmer avec un faible pourcentage d’erreur que tu as la capacité de téléporter n’importe quel objet, conclu Lucas avec un petit sourire. C’est … plutôt impressionnant.
-C’est carrément impressionnant ! s’enthousiasma Callie. C’est super, imagine quand elle le contrôlera… (Elle se tourna vers moi, les yeux pétillants). Oh pitié, quand tu le contrôleras, est ce que tu pourras piqué toute les fringues d’Anaëlle Desfrênes ? Je ne peux pas la voir, cette fille.
-Moi, je me demande si elle est capable de se téléporter elle-même, se demanda Lucas en fronçant les sourcils, coulant un regard sur Danny.

Celui-ci tapota son volant.

-Je ne pense pas qu’on devrait parler de ça maintenant, déclara-t-il doucement. Je pense que ça la fait plus flipper qu’autre chose.

Lucas se retourna sur moi brusquement, me dévisagea un instant, et hocha la tête en direction de Danny.

-Oui, elle flippe, confirma-t-il, l’air gêné. Désolé.

Je fronçai les sourcils. Oui, je flippais. Tout ce dont il parlait le plus naturellement du monde (téléporter des objets ? ils étaient sérieux ?!) était flippant. Je n’étais même pas sure de croire à ces histoires d’entités et de gens qui devait se défendre contre des espèces de monstres… Alors parler d’aptitude… (Oui, aptitude. Il fallait que je dise à maman d’où venait ce mot). Cette réflexion me glaça le sang. Ma mère. Dans le cas où cela serait vrai, devrais-je le cacher à ma mère ? Stop, songeai-je en secouant la tête. Un problème à la fois. Je me tournai vers Lucas.
-Je n’ai rien dit, protestai-je, soucieuse de protéger (inutilement) mon image. Je ne flippe pas tant que ça.
Lucas me fit un triste sourire alors que Callie consultait Danny du regard. Celui-ci avait levé les yeux au ciel. Mon sang glacé se réchauffa aussitôt et je sentis mes joues rosirent en me souvenant de ce que Callie avait dit sur Danny. Ce mec était un détecteur de mensonge.
Et après, il ne fallait pas que je flippe ?
Callie se retourna vers moi avec un sourire compatissant.

-Lucas est un excellent observateur, m’apprit-t-elle en coinçant un mèche de cheveux derrière une oreille. Un genre de mentaliste, si tu veux. Il lit sur ton visage. Si tu flippes, il le sait. Et si tu mens, Danny le sait. Ouais, je sais, ces deux là ensembles, c’est un cauchemar. Ce n’est pas pour rien qu’ils sont toujours fourrés à deux.
-La ferme, la coupa Danny en secouant la tête. Ce n’est pas le sujet.
-Non, mais c’est toujours marrant à constater, les taquina-t-elle.

Je les regardai à tour de rôle, tentant moi-même de démêler le vrai du faux. Deux solutions : soit ils disaient la vérité, auquel cas, je devrais flipper plus que ça. Soit eux et les deux psychopathes étaient dans une même secte un peu chelou, à adorer des dieux de la terre et du soleil et à attiser la théorie d’un complot avec des créatures étranges et des guerriers ancestraux. Auquel cas je devrais quitter la voiture au plus tôt. Lucas me lança un regard et se tourna vers Danny.

-Je crois qu’elle doute encore.
-Je sais. Je pense qu’il est temps s’abattre la carte imparable. Cal ?
-Oui, chef.

Callie rangea son vernis dans sa poche. Je remarquai alors que contrairement à ce que j’avais cru, le vernis était transparent. Pourtant, ses ongles étaient rouge vif. Je sentis ma tête tourner. Peut-être qu’elle avait simplement remis une couche transparente. Elle enleva sa veste en cuire noir, puis son pull qu’elle avait en dessous pour ne retrouver en débardeur noir. Je la contemplai se dévêtir, complétement dérouté. Allez, strip-tease pour parfaire la journée étrange.

-Hé merde, je gèle, grelotta Callie en se frottant les bras. Met le chauffage, Danny. Je ne voudrais pas me retrouver en glaçon.
-Mouais, j’aimerais bien que ta langue se transforme en glaçon … Grouille-toi, va.
-D’accord, d’accord…

Elle se tourna vers moi avec un sourire et dégagea son épaule droite en rejetant ses cheveux en arrière. Je ne pus m’empêcher de laisser échapper un petit cri de surprise quand je découvris son épaule. Une tâche de naissance se détachait de sa peau claire.

-Je parie que tu as la même au même endroit, fit-t-elle joyeusement. Ça, tu crois que c’est une coïncidence ?

Je m’abstins de répondre. De toute manière, j’en étais incapable. Tous mes mots étaient bloqués dans ma gorge. Callie avait une tâche de naissance à l’épaule droite. Une tâche en forme de L inversé.
Γ
Gamma.
Gamma comme G.
G comme Gaia.
Dernière modification par Perripuce le sam. 12 mars, 2016 7:45 pm, modifié 1 fois.
delph212000

Profil sur Booknode

Messages : 233
Inscription : mar. 01 avr., 2014 10:54 am

Re: Les enfants de Gaia. (Fantastique/Fantaisie).

Message par delph212000 »

Je ne crois pas avoir déjà posté ici et j'aime bien ton histoire. J'ai bien aimé le début les objets qui disparaisse et surtout la trahison de son ami Léonie est un personnage attachant mais je ne vais pas détailler les chapitres précédents et me contenter de commenter celui là.
Bon ça fait quand même un gros chapitre à digérer toutes ces explications. Le combat du début est bien décrit il y a un bon rythme. Ta mythologie est claire et assez explicité c'est trés bien trouvé. Les 2 garçons ont l'air sympa la fille je sais pas un peu trop peste pour le moment.
Léonie a l'air de bien digéré toutes ces explications malgré tout j'ai hate de voir comment ça va se passer à l'école.
Juste quelques oublis de mots au début
"Je n'était mais trés débrouillarde" :arrow: pas trop débrouillarde je suppose :D
" Quand j'avais appelé Léna pour le dire que j'acceptais" :arrow: le est en trop
Voilà je crois que c'est tout ce que j'ai remarqué vivement la suite tu pourra me prévenir stp?
Perripuce

Profil sur Booknode

Messages : 1271
Inscription : lun. 11 mars, 2013 7:13 pm

Les enfants de Gaia - Chapitre 4. (Fantastique/Fantaisie).

Message par Perripuce »

Bonjour !
Exceptionnellement, je mets simultanément les chapitres 4 et 5. Je sais que l'intrigue en elle-même met beaucoup de temps à commencer (Milles excuses), et c'est pour ça que je vais assez vite sur ces deux chapitres. Le 4 est principalement descriptif puisque c'est la description de Sappho (Il faut bien se mettre dans le bain :) ) mais le 5 est plus vivant (enfin, j'espère !) Je suis obligée de couper les deux en deux partie (je fais vraiment des chapitre trop long, donc ça risque d'être régulièrement le cas)
Bonne lecture à tous, et encore mes excuses pour la mise en page, et l'orthographe, et les lettre/mots qui manquent … (Pourtant, je l'ai relu deux fois --') Bref, bonne lecture, n'hésitez pas pour les commentaires ! :)




Chapitre 4 (1/2) : Sigma comme Sappho.

Le reste du trajet se passa en silence. Ils m’avaient dit ce qu’ils avaient à me dire, et moi, j’étais beaucoup trop abasourdie pour discuter de quoique ce soit. Je passais donc le reste du trajet à regarder à travers la fenêtre. Ma jambe bondissait plus que jamais. Evidemment, j’atteignais le paroxysme de la situation stressante.
J’étais une espèce d’extra-terrestre façonnée par une déesse, dans le but de repousser des créatures qui voulaient absolument me tuer.
Plus stressant comme situation, vous avez ?
J’avais du mal à y croire. Ça restait en travers de ma gorge. Mais j’avais quatre raisons de penser que malgré toute logique et envers tout ce qu’on apprenait à l’école, ils me disaient la vérité.

1) la description qu’ils me faisaient des enfants de Gaia me correspondait, et tout cela expliquait à peu près tout mes problèmes.
2) Le fait que le métalleux m’ait appelé « enfant de Gaia » et qu’il m’ait attaqué allait aussi dans leur sens.
3) Danny avait raison d’appeler la tâche de naissance « la carte imparable ». Une tâche aussi singulière au même endroit, sur deux personnes (et plus ?) ? Ça ne se faisait pas.
4) Et il y avait mon père.

Oui, mon père. Car ce truc devait bien venir de quelque part. Ça devait être dans mes gènes. Grand-mère Moineau m’avait avoué que son père à elle avait été à Sappho. Celui-ci avait félicité (d’après les dires de ma mère) mon père d’y être entrer en lui offrant sa chaîne – chaîne que je portais maintenant autour du cou. Donc mon père avait été à Sappho.
Or, d’après Danny et Lucas, les écoles comme Sappho étaient faites exclusivement pour les … enfants de Gaia (bon sang, ce que c’était difficile à sortir ! pas de doute, j’avais encore du mal à y croire).
Donc, si la logique était toujours de mise dans cet univers… Mon père et mon arrière-grand-père étaient des fils de Gaia.
Ce qui collait complétement avec ce que mon père m’avait enseigné.
J’avais toujours cru que c’était des légendes. Des histoires racontées à sa petite fille pour lui donner confiance en soi (et oui. Vous n’imaginez même pas à quel point on se sent fière quand votre père adoré vous dit que la Terre veille spécialement sur vous). Des histoires, oui. Un peu comme le croque-mitaine ou le père noël. Des choses qu’on oubliait en grandissant. Je les avais oublié en grandissant. Comme j’avais oublié le lapin de pâque et la petite souris.
Comme j’avais tenté d’oublier mon père.
Mais tout cela s’avérait être réel. La terre – Gaia – veillait sur nous. Je me semblais même (ça m’était revenu pendant que Lucas avançait sa métaphore) qu’il m’avait dit quelque chose sur le soleil, comme quoi il fallait s’en méfier.
Ce qu’il avait omis de me dire, c’est que Gaia de veiller pas à proprement dit sur moi. Elle m’avait marqué pour que moi, je veille en son nom.
Relativement angoissant, comme perspective.
Seulement, mon père avait-t-il su que j’étais comme lui ? Surement. J’avais la tâche de naissance, et d’après Callie, chaque enfant de Gaia l’avait. Mon père avait dû nécessairement remarquer la tâche de naissance. Il aurait dû savoir.
Il aurait dû me dire.

Danny finit par s’aventurer dans des routes secondaires, puis sur un chemin pavé. Des bois se dressaient de chaque coté de la route. Je fronçai du nez. Des bois pour dissimuler les enfants de notre mère la Terre. C’était parfait. Après un virage serré, nous arrivâmes devant un portail en fer forgé. Derrière se tenait une bâtisse, genre de petit château style renaissance en forme de L (ou de gamma ? (Soupir)), aux bouts arrondis en espèces de chapelles, et un grand parc. Je fronçai les sourcils. C’était ça, une école ? Danny gara la voiture aux coté d’autre et mis le frein à main.

-Terminus, annonça-t-il en retirant les clefs du contact. Tout le monde descend.

Callie ouvrit la portière avec un soupir de soulagement et Lucas la suivit. Je pris un instant mon courage à deux mains, mais Danny m’ouvrit la portière d’un geste sec. Ses yeux clairs me dévisagèrent un instant, et il recula pour me laisser sortir.

-Désolé d’avoir été brusque à la gare, s’excusa-t-il, l’air passablement gêné. Mais … enfin, avec les deux psychopathes qui t’ont attaqué dans le train… je sentais qu’il y avait quelque chose qui aller pas, et j’étais tendu.
-Pas grave, marmonnai-je en haussant les épaules. De toute manière, avec ce qui a suivi…
-Ouais, ça a dû te paraître brusque aussi. Mais il valait mieux qu’on t’explique le plus vite que possible. Sappho, c’est cool, vraiment, mais c’est comme dans chaque école : il y a des pommes pourries. Et il vaut mieux que tu sois armée pour les affronter. Ça doit faire un choc au début, mais ne t’en fait pas, tout ceux que je connais se sont habitués très vite.

Ouais. Sauf que je n’étais pas très sure de vouloir m’y habituer. Néanmoins, je hochai la tête. A ce stade, je n’avais pas vraiment le choix. J’aurais pu repartir. Appeler ma mère en la suppliant de revenir me chercher. Mais ça aurait sonné le recommencement de la galère, et si j’étais sûre d’une chose, c’était de ne pas vouloir ça. Lucas vint vers nous et me tendit ma valise, Callie sur ses talons.

-Comment tu as fait pour faire une valise aussi petite ? s’étonna-t-elle. Pour moi c’est impossible !
-C’est d’ailleurs pour ça que tu as deux valises, Cal, la taquina Danny en avançant vers la grille. On y va ? Je ne suis même pas sûr que Raymond soit encore là pour nous ouvrir…
-Menteur, le tança Callie en le suivant. Tu sais s’il est là, parce que tu sais toujours tout. Je te connais, je te rappelle que je suis sortie avec toi six mois.
-Au dernier compte, c’était huit mois et vingt trois jours, précisa Danny avec un soupir.

Je fronçai les sourcils, et décidai de trainer un peu. Les discutions entre ex, très peu pour moi. Il s’était remis à pleuvoir et je remis ma capuche avant de me rendre compte que j’étais abrité par un parapluie porté par Lucas, qui m’avait rattrapé.

-Merci. Euh, pas que pour le parapluie, balbutiai-je pitoyablement. Mais pour … les explications. C’était sympa de …
-Retenir Callie ? acheva Lucas, voyant que j’avais du mal à faire une phrase complète. Ne t’en fait, je sais qu’elle peut être pénible. Elle ne se rend pas trop compte. Et Danny non plus, d’ailleurs. Il a toujours vécu avec ça. C’est aussi pour ça qu’il est le mieux placé pour expliquer, mais parfois, il oublie qu’on est novice.
-Mouais. En tout cas … merci.

Lucas sourit. Nous rejoignîmes Danny et Callie, qui attendaient en frissonnant devant la grille. Danny avait un téléphone collé à son oreille et son « ex » s’impatientait en trépignant. Elle se précipita vers nous (et le parapluie) et secoua la tête avec désespoir.

-J’en ai assez de ce temps, grommela-t-elle. On se les gèle. Danny appelle Raymond pour qu’il vienne nous ouvrir. Apparemment, il n’est pas là.

Lucas leva les yeux au ciel et Danny vint nous rejoindre sous le parapluie. Quelques minutes plus tard, un homme d’une cinquantaine d’année, petit et enveloppé, mais avec un visage rond et jovial, arriva avec un trousseau de clefs sous un imperméable. Nous nous précipitâmes vers la grille. L’homme nous ouvrit en grommelant.

-Revenir à cette heure… Qu’est ce qui est passé dans la tête de Léna pour vous laisser partir aussi tard ?
-Ça va, Raymond, le rassura Danny. Il n’est que dix-neuf heures, et on est arrivé entier.
-Pas elle, fit remarquer le fameux Raymond en me désignant. Je ne sais pas qui ou ce qui lui a fait ça, mais elle ferait peut être bien d’aller voir Gretel. Bienvenue à Sappho, ma grande.

Il nous laissa rentrer. La pluie tombait à présent drue et nous courrions sous le parapluie. Danny finit par me prendre la valise des mains. Je lui lançai un regard agacé. J’en avais assez qu’il me prenne ma valise comme ça, sans me demander.

-Emmène-la chez Gretel, Raymond a raison, ordonna-t-il à Callie. Nous, on va déposer ça dans sa chambre et parler à Léna.
C’était vraiment un petit chef, ma parole !
-D’accord, mais on garde le parapluie.

Lucas me transmit le parapluie, et à contrecœur, je lui confiai mon sac de voyage. Les garçons coururent jusqu’à la bâtisse et Callie me prit par la main pour me conduire vers un autre endroit, une construction en bois un peu excentré, adossé à un autre bâtiment un peu plus grand. Nous grimpâmes la volé de marche et atterrîmes dans ce qui semblait être une infirmerie. Des lits étaient disposés perpendiculaire aux murs et une porte permettait d’aller à ce qui semblait être un bureau où on entreposait des médicaments. Callie secoua ses cheveux, promena son regard à la ronde avant de soupirer :

-Flûte, Gret’ n’est pas là. Viens, on va s’asseoir pour l’attendre.

Elle s’écroula sur le lit le plus proche en tapotant le matelas à coté d’elle. Je grommelai que je n’avais pas besoin de soin, mais Callie me lança un regard dubitatif.

-Gretel jugera, trancha-t-elle avant de sourire : c’est notre infirmière en chef. Elle est vraiment top. Elle a fini le lycée l’an dernier, mais comme elle adore Sappho et que son aptitude le permet, elle reste en tant qu’infirmière ici. Moi je trouve ça pas mal. Elle loge derrière l’infirmerie, passe ses journée à faire à peu près ce qu’elle veut quand il n’y a pas de malade… bref, elle a la belle vie. Sinon, comment tu te sens ?

Ses grands yeux noisettes me dévisagèrent avec une inquiétude nouvelle. Je trépignai, mal à l’aise en me frottant les bras.

-Ça va, marmonnai-je. Juste un peu froid.

Elle se mordit la lèvre et eut un sourire suspicieux. Mouais. Inutile d’avoir de détecteur de mensonge pour savoir que je ne disais pas toute la vérité. Je n’étais pas crédible. Elle tapota à nouveau la place à coté d’elle et je consentis finalement à m’y asseoir.

-Je sais que ça doit être dur à avaler d’un coup, compatit-t-elle en me posant une main sur l’épaule. Mais Danny a raison : il valait mieux qu’on t’en parle maintenant. Après, je te ferais visiter le château. Tu verras, c’est vraiment super, et moderne. N’imagine pas les vieux trucs du moyen-âge. Et je te montrerai ta chambre. Je crois qu’on partage la salle de bain – c’est une salle de bain pour deux. Avant, j’étais avec Anaëlle, mais au bout d’un moment, Léna en a eut assez d’entendre des cris tous les soirs alors elle nous a séparées…

Elle continua de me raconter des anecdotes de ce genre pendant une dizaine de minutes. Elle parlait avec un débit et une vivacité impressionnante. Même moi dans mes pires moments de stress, je n’en faisais pas autant. Elle raconta son arrivée à Sappho, quand elle avait douze ans. Elle était originaire d’une petite ville à coté de Laon, en Picardie (tiens, tiens, une cousine picarde… Elle n’avait pourtant pas d’accent outre mesure) et elle avait un grand frère et une grande sœur, qui était tout deux en droit. J’appris également qu’elle avait fait de la danse classique étant jeune, mais qu’elle avait arrêté en venant ici. (« Et puis, j’étais trop énergique » avait-t-elle précisé avec un sourire espiègle. « Ça agaçait la prof »). Au fil et à mesure qu’elle parlait, je sentis mes épaules se détendre. Elle finit par me poser des questions sur moi et je lui racontai donc ma situation familiale légèrement instable, ainsi que les deux fois où je m’étais faite renvoyée de l’école. Quand je lui appris ce qui avait poussé Sylvain à me dénoncer, elle fronça du nez, passablement dégoutée.

-Ah les hommes, gronda-t-elle. Quand on ne les satisfait pas, ils se sentent obliger de nous le faire payer.
-Euh… j’irais pas jusqu’à généraliser, mais…
-Non, t’as raison. Ce n’est pas tous les hommes. Lucas, par exemple, ne ferait jamais de coup aussi pendable. C’est le genre de mec trop adorable, qui fait tout avec altruisme, sans rien demander en retour. Un ange, franchement. Contrairement à son frère.
-Son frère ?
-Jumeau, ouais, confirma-t-elle avec un drôle de sourire, légèrement crispé. Antoine. Ils se ressemblent comme deux gouttes d’eau, mais crois-moi, il n’y a que physiquement. C’est le meilleur pote de Gretel, l’infirmière… Enfin, quand je dis meilleur pote, c’est bizarre. Ils sont vraiment tout le temps fourrés à deux, et ils se comportent comme un couple. Pourtant, ils ont deux ans de différences, mais…

Et rebelote. Elle repartit pendant cinq minutes sur Antoine et Gretel et dériva sur plusieurs couples qu’il y avait eut à Sappho avant d’arriver à elle et Danny. Là, malgré son aisance pour parler de son ancienne relation avec lui, ses joues rosirent légèrement. Elle me raconta qu’en réalité, Danny et elle, ça avait commencé quand elle avait treize ans (et elle en avait à présent quinze. Difficile à croire, mais elle avait un an de moins que moi), mais qu’il y avait eut pas mal de coupure entre deux. Les coupures avaient été violentes et ils avaient des périodes de tension apparemment tumultueuses avant de se remettre ensemble et de se re-quitter et ainsi de suite. En tout, ils étaient apparemment sortis six ou sept fois ensemble. Elle conclut en disant qu’à présent ça faisait six mois qu’il n’étaient plus sortis ensembles (ce qui était un record), et que maintenant, ils étaient plutôt bons amis. Les relations les plus saines qu’ils n’avaient jamais eu, disait-elle. Après cela, elle me lança un regard malicieux et je sentis venir avec angoisse la question « et toi, coté cœur, ça donne quoi ? » mais je fus sauvée par une fille qui déboula de dehors, ruisselant de pluie.

-Oh, ciel de dieu, il caille ! râla-t-elle en se débarrassant de la veste qu’elle avait mis au dessus de sa tête pour se protéger de la pluie. Oh, salut, Callie, quel bon vent d’amène ? J’ai croisé Lucas, et il m’a dit que tu m’amener une petite nouvelle…

Elle se tourna vers nous avec grâce. Elle était grande, le teint légèrement hâlé, les cheveux couleur acajou parfaitement lisse malgré la pluie, et avait de magnifiques yeux bleus en amande. Waho… cette fille avait le potentiel pour être un mannequin. Ses yeux se posèrent sur moi et me dévisagèrent avec curiosité. Callie se leva et elles se prirent les bras. Je me levai aussi, par politesse, interloquée.

-Salut, Gret’. Je te ramène la nouvelle, Léonie. Elle a malheureusement eut une petite altercation avec …

Avant qu’elle n’ait eut le temps de finir sa phrase, la fameuse Gretel s’était jetée sur moi. Elle me prit le menton, et détailla ma pommette d’un œil d’experte.

-Hé, protestai-je en tentant de me dérober.
-Du calme, gronda l’infirmière, comme un chat courroucé. Dans cinq petites secondes, tu es libre, si tu es sage.

Callie me fit signe de ne pas bouger en se mordant la lèvre inférieure, s’efforçant visiblement de ne pas éclater de rire. Suivant son conseil, je restai immobile de mauvaise grâce. Je détestai qu’on me touche ainsi, sans sommation. Ça me semblait presque indécent. Gretel passa son pouce sur la blessure, avant de se tourner vers Callie.

-Rien de grave, la rassura-t-elle avant de se retourner vers moi en me tapotant ma joue valide. Une petite lésion, tu auras un bleu, mais sinon il n’y a pas de soucis. Si tu as mal, tu peux te mettre de la glace. Je peux te donner des dolipranes aussi. C’est toujours utile.
-Gretel peut lire dans le corps humain, m’expliqua Callie alors que l’infirmière partait à la recherche des médicaments. Si quelque chose dans ton corps ne marche pas correctement, elle le voit, instantanément, et elle sait quoi faire pour le guérir.
-Pratique, remarquai-je en trémoussant.

J’avais encore un peu de mal, avec ces histoires d’aptitudes. J’avais encore du mal avec à peu près tout, en fait. Difficile de croire qu’il y a à peine cinq heures, je tenais encore ma mère dans mes bras en pensant que j’étais une gamine comme les autres. Mais l’ennui, c’est que je n’avais même pas intégré que je n’étais pas une gamine comme les autres. Gretel revint avec les dolipranes et après l’avoir remerciée, Callie et moi courûmes sous le parapluie jusqu’au château. Elle me fit rentrer par une porte massive, sur la façade de l’une des ailes du « L ». Nous nous trouvions dans un hall qui avait vraiment des allures de hall de château. J’essorai les cheveux trempés en détaillant les tapisseries qui faisaient style médiéval, l’escalier en colimaçon dans un coin qui donnait sur l’étage, et les deux grandes portes de bois. Sur l’une d’entre elle, qui donnait sur la partie arrondie de l’aile, on pouvait lire « salle des professeurs ». Moi qui avais toujours était fan de Poudlard, j’étais servie Ce qui me sauta aux yeux fut un mur, en face de moi, empli de portraits représentant des personnes seules qui souriaient à l’objectif. Mais avant que je puisse détailler les nombreux portraits, Callie me tira vers une des portes.

-C’est vraiment la seule pièce qui fait vraiment château ancien, admit Callie. Là, comme s’est écrit, c’est la salle des profs. La pluparts des profs ont une famille et préfèrent vivre à Orléans ou dans les villages alentours. D’autres sont logés à l’extérieur du château, dans le parc, pas loin de l’infirmerie. Et là, (elle désigna l’autre porte, sur le mur opposé). C’est la salle à manger. Tu veux voir ? Suis-je bête ! Oui, bien sûr !

La salle à manger était effectivement plus moderne, avec ses tables rondes, ses grandes vitres et le selfs qui longer un des murs latéraux. Les poutres de bois donnaient un aspect rustique qui était agréable. Callie me conduisit jusqu’au bout de la cantine et ouvrit une porte qui nous amena dans un couloir. Plusieurs portes s’alignaient sur le mur. Callie me précisa qui s’agissait des salles de travails, sortes de permanence où l’on pouvait travailler en groupe. Au bout du couloir, elle franchit une nouvelle porte qui s’ouvrit sur … Waho.

-Et ouais, fanfaronna Callie. Même moi qui n’aime pas lire, je trouve ça impressionnant.

Impressionnant. C’était le mot. C’était la bibliothèque. Des étagères emplies de livres, de tout genre et tout styles. Des tables étaient disposées entre les rayons, ainsi que des fauteuils confortables. Je vis quelques personnes s’insinuer entre les rayons, cherchant tel ou tel livre, plaisantant, par petit groupe. Beaucoup étaient très jeunes et je remarquai des étagères entières réservées aux livres pour enfants. Callie fit quelques commentaires par-ci par-là. (« Danny et Lucas passent beaucoup de temps, ici » « ah, l’astrophysique… un rayon que je ne visiterais jamais » « Ce truc, t’arrive à le prononcer ? Nietzsche ? ») L’air enfantin et joyeux de Callie, qui m’avait agacé une heure plus tôt, me détendait à présent.

-A partir de quel âge on peut entrer à Sappho ? demanda-je en désignant une gamine d’environ six ans qui lisait un livre d’image.
-Tout âge, je dirais. Certains arrivent très tard, comme toi. D’autre, pas du tout. Danny, par contre, y a toujours vécu. Sa mère était prof ici, donc quand elle a vu la marque, elle n’a pas hésité une seule seconde. Mais on n’est pas assez nombreux pour faire des classes classiques, donc on est regroupés par niveau, ce qui fait qu’il y a de grande chance qu’on soit dans la même classe. Et quand on a toutes les connaissances requises, on passe notre bac, dans la section qu’on veut. On apprend plus vite que les lycéens normaux et on a des plus petits effectifs. Donc on est plus performants. Certains passent leur bac à quinze ans. Pas moi, hein. Moi je suis très classique, comme fille. Tu faisais latin, avant ?
-J’en ai fait au collège, répondis-je en haussant les épaules. Mais j’ai baissé les bras au lycée. C’était toujours le bordel dans la classe, je n’avais pas envie de me casser la tête. Pourquoi ?
-Pour savoir. Tu faisais quoi, comme section, S ? Attention, tu vas devoir te remettre à la Science-éco. On fait à peu près toute les matières pour être sur d’être prêts pour plus tard.
-Ça doit faire des emplois du temps chargés, remarqua-je alors qu’elle me faisait monter un escalier qui trônait contre un mur. Avoir toutes les matières de toutes les sections…
-Pas tant que ça, élagua-t-elle d’un haussement d’épaule. En fait, on a peu d’heure, et les heures sont plutôt étalées. Je te l’ai dit, on a des super-cerveaux qui comprennent tout très vite, donc on a besoin de moins d’heure de cours. On finit toujours les cours vers quatorze ou quinze heures, et après, jusque dix-sept ou dix-huit, ou on a entrainement, ou pause, ou le 3A.

Mon air de franche incrédulité la fit rire, mais pas moqueusement, cette fois. Peut-être que maintenant, elle se rappelait de ce que ça faisait, d’être nouvelle.

-Le 3A, c’est l’Aide Aux Aptitudes. Pour ceux qui veulent contrôler leurs aptitudes spécifiques, m’apprit elle alors que nous débouchions dans une salle emplit d’ordinateur. Salle info. Si tu as une recherche, tu viens ici. Dépêche, le problème de ce château, c’est qu’il n’y a qu’un escalier intérieur qui fasse les quatre étages, et du coup on doit faire tout les couloirs, ou passer par les escaliers extérieurs pour aller aux chambres. Ouais, je sais, les ingénieurs du XVIIIème siècle n’étaient pas doués.
-L’école a été faite dans année 1700 ? m’étonnai-je en regardant tout autour de moi.

Ça avait l’air tellement adapté pour une vie d’école ordinaire que c’était dur à croire. On aurait dit un lycée qui aurait été revêtue une façade de château de la renaissance.

-Ouais, enfin, refait au XVIIIème, et je pense qu’ils ont relancé des grands travaux après la seconde guerre mondiale, parce qu’une partie avait été détruite. Mais je ne suis pas très callée là dessus, si ça t’intéresse, il faudrait que tu demandes à Danny.

Elle me fit traverser un dédale de couloir en m’expliquant que le premier étage était réservé aux salles de cours. Nous rencontrâmes une dame à un tournant, que Callie salua en espagnol. Elle m’expliqua après que c’était la femme qui enseignait cette matière et que c’était sa prof préférée. Finalement, l’escalier fut en vue et nous atterrîmes dans une salle confortable avec une télé, plusieurs fauteuils, des tables (hautes et basses), un distributeur et un frigo. Plusieurs élèves, filles et garçons, petit et grand, étaient avachis devant la télé, ou sommeillaient dans un canapé. Certains me dévisagèrent un instant avant de retourner à leur occupation. Le plus jeune que je vis fut un enfant de quatre ans, mais personne ne parut plus âgé que Gretel ou Danny.

-Le foyer, me présenta Callie. Ma pièce préférée, et elle continue sur l’étage du dessus. Mais nous, on va là-bas (elle désigna une porte qui menait à l’aile). Dortoir des filles.

Nous franchîmes la porte et traversâmes un dédale de couloir avant d’arriver devant une porte en bois d’apparence normale. Puis je vis, derrière la vitre en plastique collé à la porte, une feuille indiquant mon nom. Callie ouvrit la porte et me fit entrer.

-Voilà ta chambre.

Ce n’était pas le grand luxe, mais c’était simple, et ça m’allait. Un lit, une table de chevet, un bureau et une armoire. Ma valise était posée près du bureau et mon sac sur mon lit. Sur le mur opposé à celui de l’armoire, il y avait une porte qui menait à une salle de bain, qui étaient munie d’un lavabo et d’une douche et qui était emplit des affaires (je le devinai facilement) de Callie. Celle ci eut l’air gêné quand je ramassai avec un sourire amusé un soutien-gorge en dentelle rose qui était abandonné dans un coin. Elle me l’arracha des mains en me lançant un regard agacé.

-Oh, ça va, je ferais un effort pour ranger, promit-t-elle de mauvaise grâce. Ça fait un an que je suis toute seule, laisse-moi un temps d’adaptation.
-Tu n’es pas un peu trop jeune pour de la lingerie fine ? tentai-je de plaisanter.

Callie eut un sourire espiègle.

-Eh bien ! Moi qui pensait que tu n’avais pas d’humour…
-Tu me connais depuis une heure, lui rappelai-je en levant les yeux au ciel. Tu ne sais pas qui je suis.
-Non, susurra-t-elle en souriant. Mais dans deux jours, je t’assure que je le saurais. Tu veux voir ma chambre ?

Elle ouvrit la porte qui se trouvait à l’autre extrémité de la petite salle de bain. Et bien. Comparée à ma chambre, qui était épurée et dépersonnalisée, celle-ci respirait Callie. Elle avait mis des photos partout (je reconnus Danny et Lucas sur plusieurs d’entre elles. Apparemment, les trois devaient être vraiment proches), des posters de Muse ou de Shakira, avait déplacé les meubles et laissé des jeans et autres vêtements un peu partout. Une vraie chambre d’adolescente. Elle ramassa des habits et ouvrit le rideau de la fenêtre.

-On peut accéder à nos chambre à tout moment, m’apprit-t-elle. Si tu veux aller bosser ou quoi ici, il n’y a pas de problème. Les foyers sont toujours ouverts, mais on a interdiction d’aller dehors ou dans les couloirs de garçons à partir de vingt-deux heures.
-Euh, tu veux dire que sinon, on peut aller dans le couloir des garçons ? m’étonnai-je en haussant les sourcils.
-Oui, par le deuxième foyer. Viens, je vais te montrer.

Je protestai, assurant que ça allait, que j’avais compris, mais Callie m’entraina quand même. Nous remontâmes le couloir pour revenir au foyer, et elle me fit monter l’escalier en colimaçon (qui allait quand même du Hall jusqu’ici). Le deuxième foyer était la réplique du premier. Callie m’entraina dans un autre couloir et me présenta triomphalement les portes.

-Là, c’est chez les garçons, me guida-t-elle en me faisant traverser le couloir. Même technique que nous : chambre individuelle, une salle de bain pour deux. Hé, salut Hugo !

Elle s’arrêta devant une chambre ouverte et s’adossa à l’embrassure de porte avec un sourire enjôleur. Quinze ans, et déjà spécialiste de la drague. C’était effrayant. Je jetai un coup d’œil dans la pièce et fis de mon mieux pour ne pas soupirer. C’était clairement une pièce de matheux, avec un grand tableau à Velléda couverte de formules compliquées, des affiches représentant l’Homme de Vitruve ou les ordres de grandeurs de physique et je crus même entrapercevoir un poster de Newton. Dans cette chambre, on s’attendait à voir un grand élancé en blouse de travail avec des lunettes rondes à monture espèce, mais c’était tout le contraire qui se tenait devant le tableau. C’était un garçon bien bâti, aux cheveux châtain et aux yeux noisettes, et aux sourcils en accents circonflexe qui lui donnait l’air d’un lutin, vêtu d’un T-shirt couvert de marqueur et d’un jean déchiré.

-Hé, Cal, comment ça va ? C’est la nouvelle ?

Il me dévisagea un moment avec un sourire espiègle.

-Bienvenu dans l’antre des scientifiques, me salua-t-il en désignant sa chambre.
-Ne lui fais pas peur, Hugo, plaisanta une voix enfantine derrière moi. Et t’as oublié un signe moins, sur ton tableau.

Je sursautai puis reconnus le sourire angélique de Lucas. Hugo se retourna vers son tableau à Velléda et corrigea l’erreur avec un immense sourire, contempla son œuvre un instant, puis se mit à écrire avec frénésie.

-Merci, petit génie ! lança-t-il sans cesser d’écrire. Tu m’as débloqué, là !
-On voit ça, ironisa Callie avec une moue. Bien joué, Lulu.
-On ferait mieux de le laisser, proposa Lucas en prenant Callie par le bras. Quand il est lancé, il oublie le monde extérieur.

Callie grommela quelque chose d’incompréhensible qui fit sourire Lucas. Nous retournâmes dans le foyer. Callie s’installa dans l’un des fauteuils libres en soupirant, les bras croisés sur sa poitrine, l’air boudeur. Lucas eut un sourire timide en ma direction.

-Elle drague Hugo depuis des semaines, m’expliqua-t-il avec un air gêné.
-C’est faux, siffla-t-elle en lui donnant un coup de pied dans le tibias.

J’haussai les sourcils. Si, c’était vrai. Il faudrait la prendre en photo au moment où elle lui avait fait son sourire. Elle était en pâmoison. Lucas eut aussi un air suspicieux et s’installa à coté d’elle. Je restai debout en face d’eux. Je n’avais pas envie de m’asseoir, et je n’avais pas vraiment envie de me retrouver seule non plus. En fait, l’idéal serait d’aller courir, mais avec ce temps, c’était impossible… je finis tout de même par m’installer à même le sol, devant eux. Callie examinait ses ongles rouges vifs d’un œil d’experte puis les montra à Lucas.

-Trop pétant, non ? s’enquit-t-elle.
-Un peu, estima Lucas en haussant les épaules. Mais tu fais comme tu veux, après tout. Simplement, pas …

Callie secoua la main. Sur le coup, je crus que c’était un effet d’optique, mais j’eus l’impression que ses ongles passaient au bleu ciel, puis au violet. Finalement, quand sa main s’immobilisa, ses ongles étaient dorés.

-…Maintenant, acheva Lucas avec un soupir avant de lever des yeux désolés vers moi. Pardon.

Je n’arrivai pas à détacher mes yeux des ongles, toujours parfaitement lustrés et manucurés, de Callie. Euh, son vernis avait une option spéciale changement de couleur, ou comment ça se passait ?

-Oups, fit Callie d’un air passablement gêné. Désolée, Léo – je peux t’appeler Léo, hein ? C’est juste que je ne suis pas habituée à ce que les autres ne soient pas …
-Habitués, terminai-je d’une voix neutre. Tu peux changer des ongles de couleur. Sans déconner.

Lucas leva les yeux au ciel avant de darder un regard accusateur sur Callie. Les yeux de celle-ci roulèrent dans leur orbites, l’air de dire « mais qu’est ce que j’ai fait, encore ?! ».

-En réalité, c’est toute la surface de mon corps qui peut changer de couleur, m’expliqua-t-elle avec une moue. Je suis une femme-caméléon. Si on veut. Je peux disparaître, si je veux. Mais ça serait trop choquant, non ?

Elle lança un regard moqueur à Lucas, qui hocha la tête d’un air distrait. Il s’était assis en tailleur et avait sortit un livre de poche de sa poche de veste. Callie se mit à me décrire son aptitude et m’expliqua quels problèmes son caméléonisme lui avait apporté. Parce qu’évidemment, même si elle était très intelligente, c’était le genre d’élève espiègle qui se mettait en fond de la classe pour bavarder et chahuter avec ses copines (OK, je ne la connaissais que depuis une heure. Mais pourquoi ça ne m’étonnait pas ?). Alors, quand elle s’était rendue compte de ce qu’elle pouvait faire, elle s’était mise à enchaîner les conneries et les expulsions, jusqu'à que Léna la découvre dans son collège de Laon. Ma tête s’était mise à tourner. D’accord… Alors cette fille pouvait changer ses cheveux et ses ongles de couleurs (ce qui était pratique quand on était à ce point féminine), et pouvait carrément disparaître.
C’était bon, là, je voulais aller me coucher.
J’avais du mal à intégrer. Savoir que des pseudo-dieux existaient, c’était une chose que je pouvais à peu près accepter. Que l’un de ces pseudo-dieux nous avait tous béni dans cette école… Difficile à imaginer, mais pourquoi pas. Mais que je sois capable de téléporter des objets ou que Callie était capable de changer sa couleur de cheveux en secouant la tête, c’était trop irrationnel pour ma pauvre petite tête. Lucas releva les yeux de son livre, jeta un coup d’œil à mon visage et referma son livre d’un coup sec.

-On sait que c’est difficile à digérer, on est tous passés par là, me rassura-t-il. Je pense que tu ferais bien de penser à autre chose, d’accord ? Au fur et à mesure du temps, tout ça t’apparaitra plus naturellement.
-Est ce que Gretel donne des somnifères ? ne pus-je m’empêcher de gémir. Parce que je sens qu’avec tout ce que j’ai dans la tête, je n’arriverais pas à dormir.
-Techniquement, elle n’a pas le droit si l’administration ne lui donne pas l’autorisation. Cependant, mon frère jumeau en prend souvent – il fait souvent des insomnies, c’est insupportable.

J’esquissai un faible sourire. J’avais du mal à imaginer Lucas trouver quoique soit d’insupportable, surtout pas son frère.

-Mais si tu veux, je peux lui en demander, proposa-t-il gentiment.
-Ça va aller, le rassurai-je avec un sourire. C’est sympa, merci.
-Je te l’ai dit, se récria Callie en passant un bras autour de celui de Lucas. C’est le genre de mec adorable qui fait tout avec altruisme et tout, notre petit Lulu.

Les joues de Lucas prirent une teinte rose vif et Callie éclata de rire en plaquant un baiser du sa joue. Lucas paraissait plus âgé qu’elle (mon âge, je dirais) mais Callie le prenait apparemment pour son petit frère, vu la manie qu’elle avait de toujours lui ébouriffer les cheveux, comme à un gosse, et à l’appeler « Lulu » (ce qui était clairement un surnom enfantin. Le pauvre). Lucas finit par se dérober et par se recroqueviller dans un coin du canapé avec son livre en lançant des regards méfiants à Callie.

-C’est un ange susceptible, me glissa Callie. Mais si tu veux, je peux aller les lui piquer, ses médocs, à Antoine. J’aime beaucoup embêter Antoine.
-Ça, je le sais, soupira Lucas en levant les yeux au ciel. Je dois souvent me mettre entre vous deux…
-Euh, les gars, intervins-je en fouillant ma veste. Je pense que se sera inutile.

Je venais de sentir ma poche de veste s’alourdir. Mon cœur tomba dans ma poitrine alors que je sortais un petit flacon contenant des pilules bleues. Là, je dus admettre que j’étais vraiment désespérée. La mine coupable, je les tendis à Lucas, qui regarda le flacon avec stupeur.

-Je pense que ça doit être à ton frère, grommelai-je en baissant la tête. Désolée. Je ne contrôle pas vraiment ça.
-D’accord, souffla Callie en regardant elle aussi le flacon de somnifère. Ça, c’est effrayant. Evite de me piquer mes fringues quand tu penseras à comment tu vas t’habiller le matin.
-Ferme-la, Cal, la coupa Lucas en rangeant les médicaments. Léonie ? ça te dérange si je te mène à quelqu’un ?
J’haussai un sourcil, méfiante, mais le jeune homme me servit un sourire rassurant.
-Ne t’en fais pas, c’est pas un docteur, et elle ne va certainement pas te manger. En réalité, tu la connais, je pense. C’est Léna.
-Non, refusai-je instantanément. Je la trouve bizarre.

Lucas eut un sourire indulgent.

-Elle est bizarre, admit-t-il. Mais si quelqu’un pourra t’aider pour ça, c’est elle. Donc tu viens ? On a plus qu’un quart d’heure avant le diner.

Je finis par accepter de mauvaise grâce. Callie décréta qu’elle restait ici, et je compris quand je vis la tête du matheux, Hugo, émerger du couloir des garçons. Lucas poussa un soupir désespéré avant de me faire descendre la volé de marche qui descendait jusqu’au Hall.

-Callie t’a fait visité ? s’enquit-il alors qu’on descendait du foyer inférieur. Comment tu trouves Sappho ?
-Pas mal, concédai-je en haussant les épaules. Belle bibliothèque. Les chambres sont simples, mais sympa. Et j’aime beaucoup le principe des foyers.
-C’est vrai que c’est pas mal. Mais je préfère la bibliothèque. Mais j’adore lire, aussi…
-C’est pour ça que tout le monde t’appelle « petit génie » ? demandai-je avec un sourire.

Lucas eut un air gêné et se frotta les tempes.

-Euh… ouais. En fait, au début, il n’y avait qu’Hugo qui m’appelait comme ça, mais ça c’est rependu. Mais ce n’est pas ma faute. Enfin, en plus de ma faculté d’observation, j’ai une excellente mémoire et ça sert pour retenir les cours, du coup je suis le meilleur dans à peu près toute les matières… Oh, non, ne me regarde pas comme ça !
Je venais d’avoir un sourire étrange, hésitant entre l’attendrissement et la moquerie. C’était vraiment mignon la façon qu’il avait d’essayer de tout justifier, comme s’il avait peur qu’on n’ait pas toutes les cartes en main. C’était appréciable certes, mais mignon.

-D’accord, cédai-je en tentant de réprimer mon sourire. Tu es arrivé quand ici, toi ?
-Il y a six ans, répondit-t-il, apparemment soulagé du changement de sujet. J’en avais dix. Je viens de Paris, donc on n’était pas si loin.
-T’es un Parigo ? remarquai-je avec un sourire.

Les Nordistes et les Parisiens, ça ne faisait jamais bon ménage… J’avais encore en tête la banderole que les supporters du PSG avaient déployé sur notre région à leur match contre Lens… « Chômeurs, consanguins… » J’en gardais une haine tenace pour les parisiens (il allait de soi que c’était une haine amicale, pour la forme : je n’avais foncièrement rien contre les parisiens, et j’adorais Paris en elle-même). Lucas se gratta la nuque, l’air gêné.

-Mais je suis né à Troyes, précisa-t-il dans l’espoir de se racheter.
-Je suis nulle en Géographie. C’est où ?
-A l’est de Paris. Désolé, moi j’ai la carte de France devant les yeux à chaque fois que je l’évoque. J’en ai marre d’avoir un super-cerveau.

Son air dépité me fit rire de bon cœur.

-Ne te moque pas, supplia-t-il alors que nous arrivions dans le Hall. Je ne plaisante pas, c’est vraiment contraignant.
-Je me doute, souris-je en reprenant mon sérieux. Désolée, je ne me moquais pas. C’est juste que… C’est adorable la tête désespérée que tu fais. Désolée encore une fois, mais on dirait un gosse.

Je sentis mes joues s’enflammer mais Lucas ne parut pas se formaliser de mes paroles. Au contraire, elles parurent le soulager.

-Ouais, je sais. J’ai la maladie de Peter Pan, plaisanta-t-il en se détendant.

Nous nous arrêtâmes devant la porte de bois où il était inscris « salle des professeurs ». Lucas ouvrit la porte de bois sans toquer, provoquant mon incrédulité. Si on avait fait ça dans mon ancien lycée, on était quitte pour une retenue. J’entrai timidement à la suite du jeune homme dans une petite salle, avec des tables et des chaises disposé un peu partout. Lucas me dit que c’était là qu’on pouvait poser des questions aux professeurs, mais que comme nous étions en week-end, aucuns profs n’étaient là, sauf Léna. Ce fut d’ailleurs elle qui passa la tête dans l’embrassure de la porte ouverte, sur le mur opposé, interloquée.

-Ah, Lucas, c’est toi, tu m’as fait peur … Tu as loupé Danny de peu. Il vient de repartir. Qu’est ce qui se passe ?

Lucas s’écarta pour me découvrir aux yeux de Léna. Celle-ci laissa échapper un « ah » de compréhension. Elle désigna une table et s’y assit tranquillement. Je jetai un regard à Lucas, qui me rassura d’un signe de tête. J’espérais qu’il resterait, parce que j’avais encore ma dernière conversation avec Léna, en tête. Et elle m’avait effrayé. Finalement, il parut entendre ma supplication silencieuse, car il prit une chaise entre moi et Léna. Je lui lançai un regard reconnaissant. Lucas sortit les médicaments de sa poche et les posa sur sa table.

-Je crois qu’il faut que tu l’aides, Léna, déclara-t-il simplement. Comme tu nous l’as demandé, on lui a tout expliqué. Mais évidemment, c’est le début, elle a du mal à digérer tout ça. Et son aptitude de l’aide pas – c’et bien son aptitude, n’est ce pas ?

Les yeux de Léna passèrent de Lucas, puis à la boite de médicament, puis me dévisagèrent. Elle prit finalement la boite de somnifères et lut les initiales notées au marqueur.

-A.M, remarqua-t-elle en levant les yeux sur Lucas. Antoine Meynier ? Je ne te demande pas comment ton frère les a eu, mais rappelle lui de faire attention. Gretel n’a pas le pouvoir de les administrer. Cependant…

Elle ouvrit la boite avec un sourire et me donna une pilule.

-Ce qu’Antoine ignore ne peut pas lui faire de tord, chantonna-t-elle en nous faisant un clin d’œil. Je pense que tu en auras besoin, ce soir. La journée a été rude, n’est ce pas ? Danny m’a raconté. Je suis désolée.

Elle paraissait sincère, mais ça ne m’empêcher pas de me sentir mal à l’aise. J’hochai la tête sans rien dire. Oui, ça avait été dur, mais je n’avais envie de m’étaler là dessus.

-D’accord, compris Léna en s’adossa nonchalamment à sa chaise. Bon, je ne vais pas revenir ce qu’ils t’ont expliqué. Ça ne sert à rien, il n’y a que toi qui pourras faire la part des choses. Te reposer. Le somnifère pourra t’aider. C’est dimanche, demain, tu pourras dormir, te reposer, mettre tout ça à plat. Si tu veux, on n’est même pas obligé de parler de ton aptitude tout de suite. Simplement, je vais clarifier les choses, d’accord ?

Je fixai la pilule bleue devant moi. J’avais du mal à admettre que j’avais un pouvoir magique, alors en parler… Je relevai lentement les yeux sur Léna, qui me regardait calmement. Puis je coulai les yeux sur Lucas, qui sourit doucement sans me regarder, amusé. Finalement j’hochai tranquillement la tête.

-D’accord, soupira Léna. Bien, alors comme je te l’ai dit chez toi, je suis comme toi. Moi aussi je suis une fille de Gaia. Et mon aptitude, c’est de trouver celle des autres. Je sais donc que la tienne, c’est de pouvoir téléporter des objets. Les aptitudes, c’est comme tout, ça se travaille. Un jour, tu pourras la contrôler. Demande à Callie, si tu veux. Pas vrai, Lucas ?

Lucas releva les yeux du livre qu’il avait emmené, et qu’il était en train de lire sous la table. Waho. Plus rat de bibliothèque, tu meurs. Et sans gêne, en plus.

-Callie ? Je ne pense pas que ce soit un très bon exemple. Elle a très vite su maitriser son aptitude. Elle m’a raconté qu’à onze ans, elle avait changé la couleur de ces cheveux, de ces yeux et sa peau pour pouvoir se vieillir et aller en boite. Il n’y a que Callie qui peut faire ça.
-C’est pour ça que c’est un excellent exemple. Callie voulait contrôler son don, insista Léna à mon adresse. C’est la différence avec toi. Alors qu’elle faisait tout pour le dompter et l’utiliser, toi tu l’as ignoré, tu en as eu peur. Sauf que Gaia ne nous offre pas ça en vain : si le don n’est pas utilisé, il s’utilisera tout seul. Voilà d’où viennent tous les objets qui apparaissent et disparaissent autour de toi. Si tu utilisais cette aptitude consciemment, ces accidents arriveraient moins. Mais ne t’en fais pas, je t’aiderais à maitriser cela. C’est pour ça que je suis là. Tu comprends ?

Je regardai Léna un instant, la bouche tordue.

-Oui, finis-je par articuler au bout d’un moment. Oui je comprends.
-Mais je crois qu’elle ne réalise pas, intervint Lucas, après m’avoir dévisager une seconde.

Je lui lançai un regard agacé. Il y avait de grande chance pour que je passe ma première semaine de cours à les éviter, lui et Danny. Deux mecs qui étaient capable de lire si tu allais bien ou pas, et de deviner quand tu mentais, ça te foutait les jetons. Et je ne parlerais pas de la femme-caméléon.

-C’est normal. Il faut du temps, pour réaliser, fit Léna. En attendant, pendant que tu es là, je vais te donner ton emplois du temps et t’expliquer deux trois choses.

Elle se leva pour chercher une feuille dans une pochette et me la tendis. Callie avait raison, je n’avais cours que jusqu’à quatorze ou quinze heures. (Avec de la science-éco dedans, bien sûr. J’avais fait S justement pour éviter de la science éco, mais évidemment, ça revenait.). Mes lundi et jeudi après midi étaient réservés à « l’entrainement ». (Je ne savais pas ce que c’était, et je n’étais pas sûre de vouloir savoir. Mais bien sûr, je le saurais). Les autres étaient libres, mais Léna me dit qu’il fallait qu’elle m’inscrive au « 3A », que c’était elle qui l’animait et que pour les gens de mon âge, c’était le mardi après midi ou le vendredi soir. Le reste était des heures de libre. Super.

-Alors, elle est si bizarre ? me taquina Lucas alors que nous ressortions dans le Hall.
-Evidement, quand tu as toutes les cartes en mains, ça te fais moins flipper si elle te dit « tu es en danger », ironisai-je en rangeant la pilule que Léna m’avait donné.

Une foule d’élève s’était déjà rassemblée dans le Hall pour entrer dans la cantine, et Raymond, l’homme qui nous avait ouvert la porte, tentait de mettre les plus jeunes en rang pour qu’ils puissent passer.

-Pour les gosses, c’est cantine normale, m’expliqua Lucas. Genre, on leur apporte les plats. Nous c’est self. Eux ont la belle vie, et nous on se sert comme un troupeau.
-On pourrait croire que tu veux aller avec eux, plaisantai-je timidement.

Lucas eut un demi-sourire.

-Il paraît que je suis un gosse, rappela-t-il joyeusement. Il faut donc que j’assume mon statut.

Je laissai échapper un petit rire. Quand il voulut me conduire jusque la salle à manger, je me dérobai. Ce n’était pas pour rien que mes repas duraient dix minutes, montre en main, à la cantine du lycée. Je ne supportais pas le bruit. Lucas parut comprendre et me laissa remonter toute seule, dans le sens inverse du flot d’élèves qui se ruaient à la cantine. J’arrivai enfin au premier foyer et m’affaissai sur le premier canapé, la tête entre les mains. J’avais croisé Callie, qui plaisantait avec Hugo et un autre gars, mais elle ne m’avait pas vu. Ça m’allait bien : je ne voulais pas me justifier. Mon estomac était noué, de toute manière. Je ne pouvais rien avalé. Je revins donc dans ma chambre pour défaire ma valise. Au moins, ça m’occuperait l’esprit. Je rangeai mes affaires dans l’armoire, et sursautai en voyant le grand miroir accroché à l’intérieur de l’une des portes. Mon reflet me fit peur. Ma pommette était rouge, mais ça aurait pu être pire, mes cheveux étaient encore trempés et tombés comme des fils mollasson sur mes épaules. J’avais vraiment une sale dégaine. Je soupirai, me détournai de mon reflet et mis mes affaires de cours sur le bureau, et déballai mes affaires plus personnelles, comme la photo de famille, que j’avais emmené avec moi. Le visage souriant de mon père m’apparut autrement que la dernière fois que je l’avais contemplé. Je me surpris à me demander ce qui se cacher derrière son franc sourire. Ou si la marque de Gaia était visible à travers son T-shirt. Puis je relevai les yeux sur le visage de ma mère et gémis : j’avais oublié de l’appeler. Je me ruais vers mon portable et composé son numéro en urgence.

-Chérie ! s’exclama ma mère sans préambule. Je commençais à m’inquiéter.
-Je suis désolée, m’excusai-je en m’asseyant sur le lit. J’ai été occupée.
-Je me doute, trésor. Alors, comment c’est, là bas ? Et qu’est ce qu’ils avaient à t’expliquer, ces jeune gens ?
-Oh, c’est compliqué, élaguai-je, ne sachant pas très bien si je devais mentir ou lui dire la vérité. Ils m’ont un peu expliqué… le but de l’école. C’est plutôt sympa.

Je lui décris les lieux, le temps qu’il faisait, racontai ce que j’avais fait pendant le trajet en train. Tout, tout sauf lui expliquer ce que Lucas, Danny et Callie m’avaient dit dans la voiture. Elle finit finalement par raccrocher en me faisant promettre de la rappeler demain sans faute. J’éteignis mon portable et le posai sur ma table de chevet. C’était vraiment une folle journée. Trop folle pour moi. Ma jambe se mit à faire des bonds nerveux et je sursautai en entendant des pas dans la salle de bain. Finalement ce fut Callie qui ouvrit la porte.

-Hey, je ne t’ai pas vue au dîner. Ça va ?
-Je n’avais pas faim, prétextai-je en sortant d’autre affaires. Tu as déjà fini ?

Elle me gratifia d’un regard étrange.

-Léo, il est déjà vingt et une heures trente. Tu veux aller te doucher, ou tu le feras demain ?
-Demain, choisis-je en déballant un autre cadre photo, une des rare de ma famille au complet. Là, je pense que je vais aller me coucher. Je suis crevée.

Crevée. C’était le mot. Comme un pneu qui avait roulait sur un clou. Exactement pareil. Et un pneu qui avait roulé sur un clou, ça restait immobile et flasque. C’était exactement comme ça que je voulais être, à l’heure actuelle : immobile et flasque dans mon lit.

-Euh, il y a une heure maximale pour le déjeuner, demain ? m’enquis-je rangeant le reste des affaires qui trainaient sur mon lit.
-Oui, dix heure, me répondis-t-elle en regardant la photo de mes parents et moi. C’est dingue comme tu ressembles à ta mère !

J’haussai les épaules. Tout le monde me disait ça, mais il était toujours difficile pour moi de voir les traits que j’avais en commun avec ma mère quand je me regardais dans le miroir.

-Mouais, il paraît, élaguai-je en lissant les draps.

Callie sourit, se détourna de la photo et me demanda comment mon entrevue avec Léna s’était passée. Je trépignai.

-Je vois, se moqua-t-elle. Tu sais, elle n’est pas méchante, Léna. Elle est même plutôt cool. Bon, sur ces bonnes paroles, je vais te laisser. Il faut que tu te reposes. Ta tête fait peur, sérieux.
-Je te remercie, raillai-je, sachant néanmoins que c’était vrai. Bonne nuit, Callie.

La jeune fille me fit un signe de main avant de repartir dans la salle de bain en fermant la porte. Je fixai la porte un instant, puis ma veste, que j’avais laissé sur la chaise du bureau. La pilule bleuz du jumeau de Lucas y était encore. Bon, me résignai-je en tendant la main, paume vers le ciel. On va voir si tout ça est réel. Je tentai d’imaginer le médicament, sa surface lisse sur ma peau, sa couleur bleue détonnant de ma paume pâle.
Evidemment, rien ne se passa.
Je refermai ma main, méfiante et me figeai soudain. Lentement, je dépliai un à un mes doigts et faillis défaillir. Le somnifère était à présent au creux de ma paume.

-Oh, ciel de dieu tout-puissant, soufflai-je sans réfléchir.

Je posai fébrilement le médicament sur ma table de chevet, et tendis la main mon IPod, abandonné sur le bureau. Un instant plus tard, il se volatilisa. Comme ça, sous mes yeux. Sans préambule ni rien. Pouf. Instantanément, il réapparut sur ma paume ouverte. J’étais figée d’horreur.
D’accord, cette fois, il fallait vraiment, mais vraiment que j’aille me coucher.

***


Deuxième partie de suite :)
Dernière modification par Perripuce le sam. 12 mars, 2016 7:55 pm, modifié 1 fois.
Perripuce

Profil sur Booknode

Messages : 1271
Inscription : lun. 11 mars, 2013 7:13 pm

Les enfants de Gaia - chapitre 4. (Fantastique/Fantaisie).

Message par Perripuce »

Voilà la deuxième partie du chapitre 4 :)

Chapitre 4 (2/2) : Sigma comme Sappho.


-Debout, la rousse aux bois dormant, le soleil est haut dans le ciel !

Quelqu’un tira mes rideaux d’un coup sec, sans ménagement. Je grommelai quelque chose d’incompréhensible en ouvrant un œil. La lumière inondait la pièce – beaucoup trop à mon goût. Je grognai et mis mon oreiller sur ma tête. Ce n’était pas l’heure de se réveiller. C’était le week-end, et le week-end, même maman et Christophe se levaient à dix heures. Greg devait encore être au lit. Alors pourquoi je devais me lever, moi ?

-Oh, Léonie, allez ! Sinon on ne pourra pas aller déjeuner.

J’ouvrais brusquement les yeux sous mon oreiller. Ce n’était pas la voix de ma mère, qui me réveillait. C’était Callie. Oui, la petite Callie … qui pouvait changer ses ongles de couleurs.
Finalement, sous l’oreiller, c’était bien.
Je remontai mes couettes en gémissant. Toute la journée folle de la veille me revint d’un coup en mémoire. Les enfants de Gaia. Le couple de psychopathe. Le trajet d’Orléans jusque Sappho. Et mon IPod, qui disparaissait pour réapparaitre dans ma main.
Oh, oui. Sous l’oreiller, c’était très, très bien.
Mais c’était sans compter Callie, qui se mit à tirer mes couvertures, et à tenter de me retirer mon oreiller. Je finis par m’assoir sur mon lit en lui lançant un regard agacé.

-Pas cool, fis-je remarquer en me frottant les yeux. Je n’ai pas finis ma nuit.
-Pourtant, tu dormais déjà quand j’avais fini ma douche, à vingt deux heures. A poing fermé. T’as fini par piquer les somnifères d’Antoine ?
-Pas moi, rectifiai-je, gênée. Léna. Il est quelle heure ?
-Neuf heure vingt, m’appris Callie, le regard pétillant. L’heure de prendre ta douche, et de suivre ta formidable guide jusqu’à la salle à manger.

Je me trémoussai sur le lit, mal à l’aise.

-Euh, Callie, tu n’es pas obligée de t’embarrasser de moi, tu sais, déclarai-je doucement. Vis normalement, il n’y pas de problème, je vais me débrouiller toute …
-Tu dis vraiment n’importe quoi ! me coupa-t-elle en s’esclaffant. M’embarrasser de toi ? T’es la meilleure chose qui soit arrivée depuis ma dernière rupture avec Danny ! Un peu de sang neuf à Sappho, ça fait du bien. Je trouve la plupart des filles ennuyeuse – sauf Gretel, ou peut être Laura Salomé est cool, aussi, quand elle ne passe pas son temps à parler de chevaux et à commérer. Et puis, je commençais à me sentir seule, dans la salle de bain ! En plus j’ai tout rangé ! Viens voir !

Callie me prit la main et me mena jusque la petite salle de bain, où il ne trainait plus un seul soutif en dentelle, ou de haut roulé en boule. Malgré mon état de fatigue, je ne pus m’empêcher de sourire.

-Bon boulot, appréciai-je en baillant. Je peux ?

Callie sourit, et me laissa la douche pendant qu’elle même allait s’habiller. Je fermai la porte des deux cotés, et me glissai dans la douche en ouvrant le robinet à fond. L’eau chaude me réveilla bien mieux que Callie. J’avais consenti, malgré ma terreur, à prendre le somnifère que Léna avait piqué au jumeau de Lucas. Et effectivement, je n’avais pas entendu Callie se doucher, hier. J’étais tombée comme une masse et m’étais retrouvée à l’état de pneu crevé que je souhaitais (oui, je savais. « pneu crevé », ce n’est pas très glamour, mais honnêtement, c’était ce qui ressemblait le plus à l’état dans le quel j’étais plongée). Je sortis de la douche, me glissai dans ma chambre pour mettre un jean et un pull et retournai dans la salle de bain pour me coiffer, mais le miroir était occupé par Callie qui se contempler d’un air nerveux.

-Le cuivre, comme ça, ça me va bien ? demanda-t-elle en manipulant ses cheveux. C’est pas un peu bizarre, avec ma peau claire ?

Je me contentais de la fixer, bouche bée. Personnellement, je la trouvais parfaite comme ça. Elle était vraiment très jolie. Mais elle continuait de se regarder dans le miroir, dubitative, et finit par déclarer d’un ton volontaire :

-Non, ça ne va pas. Un peu d’audace, que diable !

Elle secoua ses cheveux, qui prirent une teinte rouge sang, puis blonde avant de devenir noir de jais. Ses yeux noisette suivirent le mouvement, passant du bleu au gris pour terminer sur du vert. Elle s’arrêta là, brossa ses cheveux un instant. Je n’avais pas remarqué la veille, mais ils étaient très longs, arrivant jusque sa taille. Elle se tourna finalement vers moi, triomphante.

-Alors, comment tu me trouves ?
-Tu fais ça tous les matins ? couinai-je. Parce que dans ces cas là, il faut que je fasse le stock de doliprane. Tu me donnes mal à la tête, Callie.

Celle-ci, méconnaissable, eut une moue penaude.

-Désolée, s’excusa-t-elle en se grattant la tête. C’est vrai que ça, ça doit paraître brusque.
-Flippant. Le mot exact est flippant.

Callie eut un sourire d’excuse et me laissa la place au miroir. Je me brossai les cheveux et m’appliquai le peu de maquillage que je mettais avant de me retourner vers Callie. Celle-ci était déjà prête. Je la contemplai de la tête au pied.

-Je suppose que ton don t’épargne l’étape du maquillage, plaisantai-je.

Callie eut un sourire ravi.

-De l’humour, c’est génial ! Je savais que tu n’étais pas aussi coincée que tu en parais ! Continue comme ça, ma belle, et il y a moyen que l’on devienne amies ! On descend ?

Je suivis Callie dans les corridors. Nous déjeunâmes à deux sur une des tables rondes. Pas mal d’élève étaient encore ici. Tout le monde devait profiter du dimanche pour faire la grasse-mât. La jeune fille consulta mon emploi du temps et déclara qu’en effet, c’était le même que le sien. Elle n’expliqua que l’effectif de la classe dépendait des cours, mais qu’en général, nous étions une quinzaine par groupe de niveau – ce qui fait que tout le monde connaissait tout me monde. Elle m’énuméra le nom de tout les gens de la classe, avec ceux qui venait à certain cours (un gamin de dix ans venait en cours de langue, car son aptitude était de comprendre n’importe quelle langue vivante – ou morte) ou ne venait pas, d’ailleurs (le fameux Hugo ne venait jamais en math car il s’y ennuyait et venait un cours de physique sur deux). Les profs de matière dites « ordinaires » étaient des gens « ordinaires » qui étaient au courant de notre … particularité. Parfois des proches d’enfant de Gaia. Raymond, que nous avions croisé la veille, faisait office de concierge et de surveillant, et tous les élèves l’adoraient. Léna était une sorte de CPE, si on voulait. Après, il y avait les « entraineurs » qui était des gens aux aptitudes guerrières (je ne voulais pas savoir ce qu’elle voulait dire par là.). L’organisation me paraissait claire, mais il semblait manquer un élément à l’administration…

-Et personne ne dirige, ici ? m’enquis-je en fronçant les sourcils.
-Si, confirma Callie. La principale, Mme Devyldère. On ne la voit quasiment jamais. Elle est ou enfermée à double tour dans son bureau – il est derrière la bibliothèque, tu vois ? Dans l’ancienne chapelle – ou partie en recrutement. Elles se relaient, avec Léna.
-Et c’est quoi, son aptitude, à elle ?
-Oh, on ne sait pas trop, répondit-t-elle en prenant une nouvelle cuillère de céréale. Mais de ce que je sais, elle ne peut pas trop utiliser son aptitude, parce que c’est de celles qui peuvent causer sa mort. Pas très sympathique. Je n’aime déjà pas mon contrecoup, mais alors le sien …

J’haussai les sourcils et ses joues rosirent. Je ne voyais pas Callie avoir la moindre contrainte, physique ou morale, pour utiliser son don.

-Oh, disons que si je laisse une teinte longtemps – quand je dis longtemps, c’est plusieurs heures – la teinte en question peut devenir … permanente, si tu veux. Oh, je peux toujours la modifié, comme d’habitude, mais généralement, par exemple, je n’use pas de mes pouvoirs quand je dors, alors du coup, c’est là où on me voit sous mon véritable aspect. Ne t’inquiète pas, je ne suis pas un monstre. Pas encore.
-Je vois ça, avançai-je en posant ma cuillère. Tout le monde a des contraintes pour l’utilisation de ces dons ?
-Les plus puissants, surtout, m’expliqua Callie. Moi. La dirlo. Toi, je pense que tu dois en avoir. Tu as déjà eu des migraines, des contrecoups, des instants de faiblesse ?
-A part le besoin incommensurable de me dépenser, non, je ne pense pas, répondis-je en haussant les épaules.
-Ça peut être ça, supposa-t-elle. Ton énergie nerveuse. Tu deviens nerveuse quand tu utilises ton don. Oui, c’est possible. Bon, on y va ? Je n’ai pas eu l’occasion de te faire visiter l’extérieur, hier. Apparemment, le temps s’est amélioré.

Nous déposâmes nos affaires sur les étagères prévues à cet effet, et Callie me fit passer par la bibliothèque pour sortir. L’air était encore humide et froid, mais le soleil perçait maintenant timidement à travers les nuages. A présent qu’il faisait claire et qu’il ne pleuvait plus, je découvrais l’immensité du domaine. Je me tenais devant une cour carrée où étaient disposés des bancs, et des tables de pique-nique. Au loin, il y avait deux autres bâtiments en structure bois et espèce d’amphithéâtre. J’avais l’impression d’être dans un endroit sans-âge, coincé entre l’ordre moderne et ancien. Callie me montra une autre bâtisse, derrière moi, à coté du château et adossé à l’infirmerie et m’expliqua que c’était la résidence des professeurs. Elle me prit la main et me fit traverser la cour.

-Bon, tu l’as vu hier, notre situation est dangereuse, commença-t-elle tranquillement en faisant signe à une fille d’une douzaine d’année qui passait en sens inverse. Nous devons donc nous défendre, tu es d’accord ? Comme on te l’a expliqué, nous sommes tous un peu impulsif car nous sommes programmés pour le combat contre les créatures d’Hélios.
-Tu parles d’une vie, bougonnai-je en regardant autour de moi. Se battre contre des psychopathes.
-Et des animaux sanguinaires, oui, acheva de manière joyeuse Callie. Mais ne t’en fais pas, ce n’est pas toute notre vie, non plus. L’ennui de ces Créatures, c’est qu’elles sont insensibles à toutes armes modernes. Même les flingues. Les balles les ralentissent, mais ne les tues pas. Alors un seul moyen pour nous : le combat.

Je la fixai en clignant des yeux. Je tentai d’imaginer ce petit bout de jeune fille en train de tuer quelqu’un à coup de couteau, mais ça paraissait tellement invraisemblable que je cessai immédiatement. Pourtant, elle tira quelque chose de sa poche. C’était un morceau de bois quelconque.

-Normal, pas vrai ? Et bien regarde ça.

Elle enclencha une manette et une lame, très fine d’une quinzaine de centimètre, sortie du bois. Je reculai précipitamment. Elle tenait à présent un couteau effilé et à la lame trop longue pour être un ustensile de cuisine.

-Du calme, je ne vais pas t’embrocher, me rassura Callie. Juste pour te montrer qu’on a tous des armes dissimulées ainsi. Des épées, des arcs, des dagues… Tout ce qui peut nous être utile contre les Créatures d’Hélios.
-Et comment tu fais pour dissimuler une épée ? m’enquis-je, septique, sans quitter la lame des yeux.

Pourquoi n’étais-je pas restée sous mon oreiller ? Après les cheveux qui changeaient de couleur et mon IPod qui disparaissait, des couteaux qui sortaient du bois. De mieux en mieux.

-Oh, ils ont plein de technique, éluda Callie en haussant les épaules. Ils le camouflent dans un instrument de musique, ou attachent le fourreau dans un sac à dos. Je crois que Lucas fait comme ça. Tu viens ? Je vais te montrer les arènes.

Imaginer Lucas tenir une épée était presque aussi difficile que d’imaginer Callie embrocher quelqu’un. J’ignorais quel était le plus dangereux : les fous qui voulaient me descendre, ou une école où on encourager les élèves à utiliser de vraies armes. Néanmoins, je suivis Callie dans la cours, peu rassurée. Elle m’apprit que tous les élèves, sauf les plus jeunes, avaient une arme à eux, qu’ils dissimulaient de leur mieux. Elle m’énuméra qui étaient les meilleurs dans chaque discipline au moment où nous arrivions à ce qu’elle appela « l’arène ouverte », une étendue d’herbe et de sable entourée de gradins – ce que j’avais pris de loin pour un amphithéâtre. Deux élèves, dont un que je prenais immédiatement pour Lucas, étaient à la lutte au centre de l’arène. Les lames de leurs épées s’entrechoquées avec brusquerie, et ils étaient sans protection. A un moment, le second garçon tomba à terre, roula sur le coté, ce qui n’empêcha pas le combat d’arrêter.

-C’est dur, soufflai-je en fronçant les sourcils.
-Notre vie est dure, me rappela Callie.

Mais ses yeux étaient sombres, signe que pour elle quelque chose n’allait pas.

-Mais Antoine est un jusqu’au boutiste, marmonna-t-elle à mon adresse. C’est l’un des meilleurs, à l’épée. En compétition avec Hugo – tu vois, le matheux ? Enfin voilà.

Ah. Bonjours Antoine, enchantée, désolée de t’avoir piqué tes médocs. Mais pour quelqu’un qui semblait souffrir d’insomnie, il avait l’air très en forme, et finit par désarmer son adversaire avec un sourire de coin. Callie souffla bruyamment à coté de moi et m’entraina vers les gradins. Je ne savais pas ce qu’elle voulait y faire jusqu’à que je remarque Lucas, assis tranquillement, occupé à lire. Il leva les yeux sur le visage renfrogné de Callie, puis décida apparemment de se passer de commentaire pour revenir sur moi.

-Bien dormie ? me taquina-t-il alors que je m’asseyais juste devant lui.
-Ça aurait été parfait si Callie ne m’avais réveillé avec autant de brusquerie.
-Brusquerie, s’indigna l’intéressée, ses yeux lançant des éclairs. Non mais je rêve, la prochaine fois je t’envois Danny ! Où est-t-il, d’ailleurs ? Oh, laisse tomber, je vais voir au stand de tir. De toute façon, ton frangin me déprime. Je te la confie ?

Je lui lançais un regard suspicieux. Ok, j’étais nouvelle, mais je n’avais pas besoin d’une autre maman. Elle n’attendit pas la réponse de Lucas, dévala les marches et sortit de l’arène d’un pas vif. Je la suivis du regard, dépitée.

-Cette fille, il faudrait la vermifuger, sifflai-je.
-Callie ? C’est une pile électrique. Elle est toujours comme ça, on s’y habitue. Et toi, tu as plutôt intérêt à vite t’habituer. Elle paraît s’être attachée.
-Depuis hier ? doutai-je en haussant les sourcils.

Lucas eut un vague mouvement d’épaule et ferma son livre.

-Elle s’attache très vite au gens. Et en sommes, à part moi – et Danny, mais je ne sais pas si ça compte — elle a très peu d’amis. Surtout chez les filles. Elle a été prise en grippe par la reine des abeilles.

Il désigna une fille de l’autre coté de l’arène, blonde et d’apparence parfaite.

-Anaëlle Desfrênes, me présenta Lucas. Les petites l’adorent, et c’est le fantasme des pré-ados. Mais elle a eu le malheur de vouloir sortir avec Danny au moment où il était avec Cal. Et là… Boum.
-Mouais. Callie n’a pas dû apprécier. Ah, les histoires de filles…
-Ça m’a toujours dépassé, acquiesça-t-il en hochant la tête. Alors, Tony, tu vas arrêter de torturer Alex ?

Je rivai mon regard vers l’arène. Le jumeau de Lucas venait une fois de plus de mettre son adversaire (donc Alex) à terre. Il leva les yeux vers son frère et eut un sourire – un sourire sarcastique qui faisait froid dans le dos.

-Si ça te gêne, Lucky.

Il rengaina son épée dans son fourreau qui pendait à sa taille.

-Mouais, c’est ça, chuchota Lucas avec un petit sourire entendu.

Antoine remonta vers les gradins et s’assit à coté de son frère avec lourdeur. J’eus un instant d’angoisse, car je me disais qu’à présent, si je me retrouvais devant l’un d’entre eux, je serais incapable de les reconnaître. Antoine était vraiment le portrait craché de son frère : cheveux blond, yeux turquoise, visage d’ange… cependant, je ne pus m’empêcher de remarquer qu’il avait un sourire sarcastique et un air cynique qui le rendait éperdument moins angélique que son frère.

-Le torturer ? Loin de moi cette idée. J’ai fait fuir Callie ?
-Ouais, confirma Lucas en rouvrant son livre. Je te présente la nouvelle, Léonie. Léonie, mon frère, Antoine.

Antoine me tendis la main avec un sourire ironique qui, sur le coup, il faut l’avouer, m’effraya un peu. Je lui serrais néanmoins la main avec réticence. Je me demandais si Lucas lui avait dit que je lui avais pris des cachets, mais puisqu’ils ne firent ni l’un ni l’autre de commentaires, je supposais que non. Antoine tapa sur l’épaule de son frère et se leva pour rejoindre Gretel – avec qui, d’après Callie, il entretenait une relation ambiguë. Je frissonnai et me frottai les bras.

-Ça va mieux ? me demanda Lucas quand son frère fut éloigner. Par rapport à hier, je veux dire.

J’haussai faiblement les épaules.

-De toute façon je n’ai pas vraiment le choix que d’y croire, pas vrai ?
-Dit comme ça, c’est fatidique, admit-t-il en levant les yeux au ciel. Mais effectivement, tu n’as pas vraiment le choix. Tu as essayé d’user de tes pouvoirs consciemment ?
-Non, mentis-je en restant le plus naturelle que possible. Non, je … je ne préfère pas. Pas maintenant.

Lucas hocha la tête, compréhensif, et je fis tous les efforts du monde pour ne pas laisser éclater mon soulagement. Il n’avait pas vu que je mentais. C’était parfait. Apparemment, à lui, on pouvait lui mentir. J’en prenais note dans un coin de ma tête. Finalement, Lucas se leva en décrétant qu’il allait à la bibliothèque et me demanda si je voulais venir avec lui. N’ayant pas envie de me retrouver toute seule, je le suivis, même si j’étais beaucoup trop nerveuse pour lire. J’avais envie de courir, de me délier les jambes, de me vider l’esprit. Mais pour l’instant… C’était impossible. Je suivis donc Lucas dans la pièce. Il s’installa sur une table et se remit à lire. Moi, je décidai de vagabonder un peu dans les rayonnages, juste histoire de me mettre en mouvement. J’arrivai finalement devant une armoire à vitres où étaient entreposés des médailles et des trophées. J’entendis un bruissement derrière moi et fis volte face vivement.

-Hé bien, s’étonna Lucas en ayant un mouvement de recule. Tu es nerveuse comme fille.
-Effectivement. Tu as fini ton livre ?

Lucas me gratifia d’un regard gêné, mais je souris pour le rassurer. Ça ne me déranger pas qu’il lise. Je préférai peut être son mutisme aux bavardages incessants de Callie.

-Qu’est ce que c’est ? m’enquis-je en désignant l’armoire.
-Ça ? Les récompenses de Sappho. En fait, il y a trois écoles comme Sappho en France. Une ici, à Orléans, et une à Nîmes, Agrippa. Et l’école d’Arc à Angoulême. Et on a un partenariat avec l’école de Berne, en suisse, ainsi qu’avec une d’Espagne. Alors presque tous les ans, on fait des tournois – de combat, mais aussi de sport, genre foot, et tout ça. Là, par exemple, c’est Sappho qui détiens le trophée du meilleur archer, grâce à Danny.

Je ne l’écoutai que d’une oreille. Derrière une médaille, je venais de remarquer une chaîne, accrochée dans un coin. Une longue chaîne dorée avec une lettre grecque au bout.

-Et ça ? demandai-je en la désignant
-C’est un sigma, sourit-t-il d’un air entendu. La lettre S grecque. Le symbole de Sappho. Je n’ai jamais vu personne porter cette récompense, mais d’après Raymond, c’est un pendentif que l’on donne à un élève spécial. Une sorte de reconnaissance de l’élite. Raymond dit qu’elle n’a plus été offerte depuis… environ trente ans. Ça va ? On dirait qu’on t’a forcé à avaler une souris de force.

Effectivement, c’était un peu ça. Je portais la main à ma poitrine. Je sentais la breloque que ma mère m’avait confiée sous mon T-shirt. Et ce pendentif dans la vitre était la réplique de celui que je portais autour du cou.
Bon. Au cas où je n’étais pas encore convaincu, mon arrière-grand-père avait été à Sappho. L’analyse de ma mère avait été bonne. Sigma comme Sappho. Sigma pour un élève spéciale. Spéciale en quoi ? Je n’osais pas demander à Lucas, de peur d’éveiller ses soupçons. Je n’avais pas envie qu’on me voit avec ce collier. Et je me souvenais de ma mise en garde de ma grand-mère. Oh, je ne l’avais pas encore rapporté ? Au moment j’avais voulu sortir de chez elle, Grand-mère Moineau m’avait arrêté et m’avait fait promettre de ne rien dire sur mon ascendance. Pourquoi, je n’en avais strictement aucune idée. Mais personne ne devait savoir que mon père et mon aïeul avait été ici. Je ne devais pas être la seule dans ce cas, non ? On devait tous tenir cette marque de quelqu’un. Quoi qu’il en soit, personne ne devait savoir qu’ils avaient portés sigma.
Sauf qu’à présent, c’était moi qui portait Sigma.
Dernière modification par Perripuce le mar. 15 mars, 2016 5:14 pm, modifié 1 fois.
Perripuce

Profil sur Booknode

Messages : 1271
Inscription : lun. 11 mars, 2013 7:13 pm

Les enfants de Gaia - chapitre 5 (1/2). (Fantastique/Fantaisie).

Message par Perripuce »

Voilà la première chapitre du chapitre 5 ! La deuxième arrive incessamment sous peu … :) Je suis pas satisfaite du nom de chapitre, il est provisoire ! Et je suis désolée du LONG épisode narratif du début :(
BREF. Bonne lecture ! :)



Chapitre 5 (1/2) : Des Sirènes dans l’écurie. Sans blague.

D’accord, je pensais que lycée était du sport, qu’Hélène était une chipie, que les cours étaient intenses, que Joris, mon ancien délégué, était charismatique, et que Sylvain écrivait mal et était un vrai lèche-botte en math/Physique.
Et bien cette semaine, j’ai découvert pire à Sappho.

Nous étions une quinzaine dans la classe. Le premier jour, je me mis seule à une table libre du premier rang. Lucas et Danny étaient derrière moi et Callie était à l’autre bout de la classe, devant Hugo (coïncidence ? Je ne croyais pas). Pendant les cours de langue, une jeune fille de douze ans, Charlotte, venait nous rejoindre. Cette gamine m’avait impressionné par sa maturité. Elle prenait des notes aussi vite qu’elle le pouvait, et participait plus (et mieux) que n’importe quel autre élève de la classe. Je n’avais jamais vu Hugo, le matheux, en cours de math (que je comprenais étonnement mieux, maintenant qu’il n’y avait plus de bruit) et Antoine, le jumeau de Lucas, ne venait en chimie que pour les contrôles.

D’abords, je ne dirais pas que les cours de Sappho sont pires que les cours de maths de mon ancien lycée, mais ils sont tout les deux intenses. Pas intense pareil. Là, c’était une heure, une vraie heure de cours où tout le monde réfléchissait, prenait des notes, etc, sans que personne ne moufte. Cette dernière constatation m’était très agréable. Mais on en avait besoin : on en faisait plus en une heure à Sappho qu’en deux heure dans mon ancien lycée. Je n’avais pas intérêt à décrocher, sinon, j’étais larguée. J’avais déjà demandé à Lucas (qui était vraiment celui que l’on pouvait qualifié d’intello de la classe) ses cours pour que je puisses combler mon retard (ils avaient au moins deux chapitre d’avance en math !)

Ensuite, pire que Sylvain, il y avait Lucas Meynier et Hugo Desrameaux. Lucas ne m’avait pas menti, c’était une vraie tête. Je ne tardais pas à découvrir qu’en réalité, il était premier partout, sauf en Math et en Physique, où il était surpassé par Hugo, et en Chimie, où c’était son frère, Antoine, qui prenait le dessus. De plus, il m’avait donc passé une partie de ses cahiers, le dimanche après-midi, pour que je vois où est ce qu’ils en étaient. Sylvain écrivait en patte-de-mouche. Lucas était pire. Ce n’était pas forcément qu’il écrivait mal, mais il écrivait très, très petit, tellement que c’était presque illisible. Heureusement que j’avais de bons yeux, sinon, j’aurais pris une loupe. Hugo, lui, allait très régulièrement voir les profs à la fin des cours de science, même s’il n’avait pas assisté à ceux-ci. Pourtant, il était le premier à chahuter dans le fond de la classe pendant les heures de littérature ou de science-éco. Pire que Sylvain. Lui, au moins, se contentait de dormir.

Venaient après cela Callie et Anaëlle Desfrênes, qui étaient comme Hélène. Callie, parce qu’elle passait la moitié de ses cours à parler avec Hugo derrière elle, ou avec sa voisine de classe, une certaine Salomé. C’était insupportable, et pour tout le monde, mais apparemment, le seul qui avait le don béni de la faire taire sans provoquer de dégât, c’était Danny. Antoine y arrivait de temps à autre, mais pour arriver à ce résultat, il fallait passer par une dispute. Et pendant les conflits Antoine/Callie, tout le monde voulait se réfugier sous la table. Les batailles verbales entre ces deux là étaient fréquentes, longues et éprouvantes, mais ça se soldait parfois par un mutisme de plusieurs heures de la part de Callie, ce qui était profondément bénéfique pour mes pauvres petites oreilles. Ensuite Anaëlle Desfrênes pour son coté pimbêche qui avait gagné à la loterie génétique et qui le faisait savoir. Au bout d’une semaine, je ne lui avais pas parlé, et je n’avais pas envie de le faire.

Danny, ensuite, était réellement le leader de ce groupe. Mais vraiment. Toutes les décisions de la classe passaient par lui. Tout le monde venaient lui demander conseille, dés qu’on voulait faire quelque chose, on le consultait du regard… Evidemment, son aptitude y était beaucoup. Pourtant, il ne parlait pas énormément. Même en cours, il était discret, appuyé contre le mur derrière moi, à laisser Lucas poser toute les questions (et croyez moi ou non, Lucas a beaucoup de question). Mais un petit « je ne le sens pas » de la part de Danny pouvait vous empêcher de profiter pleinement de votre jouée. La moindre de ses paroles étaient écoutée. Tout le monde se taisait quand il prenait la parole. Une telle marque de respect m’avait impressionnée. Lors de ma deuxième journée, en espagnol (soit, le cours où, pour l’instant, il y avait le plus de bruit), Danny avait levé la main pour participer. Les chuchotements s’étaient instantanément tus. Là… Il n’y avait pas de commentaire à faire.

Pour ce qui était du sport … Je m’étais pleins de ne pas pouvoir courir, au début. Mais il fallait avouer que les lundi et jeudi soir, je n’en avais pas eu la moindre envie. Je rentrai dans ma chambre, lessivée, après ce qui était mystérieusement appelé les « entrainements ». Ils étaient animés par deux enfants de Gaia. Le lundi, c’était M. Aguiard, un homme d’une quartenaire d’année qui nous enseignait le maniement des armes (oui, de vraies armes, avec de vraies lames. Flippant.) et qui avait une affinité avec les armes lourdes, comme les épées. Au début, je devais l’admettre, j’étais sceptique. Après, je l’ai vu se battre avec Antoine Meynier pour me faire une démonstration, puisque j’étais nouvelle. M. Delcroix me faisait peur, quand il était en colère. Et bien Aguiard, c’était pire quand il tenait une épée. Nous devions nous entrainer par deux, et le prof avait fait d’Antoine Meynier mon initiateur. Me rappelant de ce que j’avais vu la veille, pendant son combat où il avait mis à terre le jeune Alex deux fois de suite avec son sourire sadique, j’avais été terrifiée, mais il s’était montré d’une étonnante et appréciable patience. Pour une première séance, je ne m’étais pas trop mal débrouillé, d’après ses dires. Il fallait le temps que je me fasse aux poids des épées et que je m’habitue, mais ce n’était pas trop mal. Ici, c’était Laura, une grande fille, fine, mais musclée de dix-sept ans qui tenait la palme. Elle battait même Antoine et Hugo, que Callie m’avait dépeint comme étant les meilleurs en cette discipline. Lucas m’avait appris à posteriori que Laura avait une aptitude particulière avec les armes, et le combat. C’était une machine de guerre. La seule discipline où elle était distancée était le tir à l’arc, par Danny. L’étude des armes légère, le jeudi était dispensée par Eglantine, la fille de la secrétaire, qui avait une affinité avec celles-ci, comme les poignards et les arcs. Elle m’avait pris sous son aile au premier cours. Elle avait la trentaine, était grande et fine, les cheveux toujours attachés en une longue tresse.

-Toi, tu es faite pour les armes légères, avait-t-elle diagnostiqué immédiatement. Fine, agile, vive. Viens par là, petit oiseau, on va voir ce que tu as dans le ventre.

Elle m’avait fait essayer le combat avec un poignard. Au début, j’appréhendais vraiment. Mais je pris finalement un plus grand plaisir – oui, j’avais bien dit plaisir – à combattre Eglantine avec un poignard qu’Antoine avec une épée. Ça donnait une plus grande liberté de mouvement, et c’était plus adapté à ce que j’étais capable de faire – frapper par petit coup, à l’usure. Finalement, les entrainements étaient beaucoup moins effrayant que ce que j’avais craint. J’avais compris ce que Callie, Lucas et Danny m’avaient dit au dit, dans la voiture : j’étais naturellement faire pour le combat. Chaque mouvement était imprimé à l’avance dans mes muscles. Chaque coup porté était instinctif. Ça ne m’avait pas empêché de me faire battre systématiquement par Antoine et Eglantine, mais j’avais apprécié ces cours. Ils avaient été mon défouloir en l’absence de course.

La semaine ne c’était donc au final pas trop mal passé, à ceci près que je passais beaucoup de temps seule. Après un départ très marqué avec Callie, celle-ci était retournée à ce qui semblait être son quotidien : se battre avec Antoine, draguer Hugo, embêter Lucas et se faire rembarrer par Danny (quelqu’un devrait penser à le canoniser pour cela.). Elle changeait de look tous les jours, et je finis par remarquer que la teinte de ses yeux ou de ses cheveux allait souvent de paire avec son humeur. J’observais aussi rapidement que, comme Lucas me l’avait souligné, elle avait très peu d’amie fille. Elle allait aussi souvent voir Gretel à l’infirmerie, qui faisait office pour elle, les jumeaux Meynier et Danny de « squatte officiel ». Lucas venait me voir tous les jours pour vérifier que je m’adaptais bien. Ce mec était vraiment adorable, et je pensais que personne ne le dirait jamais assez. Il venait toujours sans arrière-pensée. Le genre de personne où on pouvait être sûr qu’il ne nous ferait pas un coup à la Sylvain, parce qu’il était bien trop intègre et candide pour cela. Comme l’avait précisé Callie, il était toujours fourré avec Danny, et quand ils n’étaient pas ensemble, il était avec son frère ou avec Callie. Que faisait Danny pendant ce temps, je n’en savais rien. Je ne lui avais quasiment pas reparlé depuis mon arrivée ici.

Cependant, effectivement, à part mes entrevues en fin de journée avec Lucas, et les rencontres avec Callie dans la salle de bain, et les repas que je passais avec eux, ou alors que je sautais, j’étais très souvent seule. Ça ne me pesait pas tant que ça. Je n’avais jamais vraiment supporté le monde. Etre seule pour réfléchir, ça m’allait. Je me posai à la bibliothèque ou dans ma chambre pour combler mon retard en cours, regardais la télévision dans le foyer au milieu d’une flopée d’élève, ou vagabondait dans le domaine pour m’aérer. Je découvris à coté du complexe sportif une écurie (oui, nous avions des chevaux. Première nouvelle. Callie n’était pas aussi formidable guide.), dont s’occupait exclusivement une fille de ma classe, Salomé. Comme il y avait l’infirmerie de Gretel, il y avait l’écurie de Salomé. Je trainais souvent dans le coin, après la fin des cours, car il n’y avait personne. Là, ou derrière le stand de tir à l’arc, que tout le monde désertait. Personne n’y venait, c’était l’endroit où je pouvais être tranquille et ruminer mon amertume en silence.

En effet, j’étais encore amère, en colère, même. Contre mon père, notamment. Je lui en voulais de ne m’avoir rien dit sur moi. Ou sur Sappho. Ou de ne pas m’avoir envoyer plus tôt ici, pour que j’évite de perdre mon temps dans un cursus classique. Car les cours ici étaient vraiment ce que j’attendais, et je m’impressionnai à constater à quel point c’était agréable d’étudier ici, comme si le programme avait été adapté pour moi. Seulement voilà : ma mère et mon meilleur ami avaient toujours été très terre-à-terre, et malgré mon père et ses légendes, malgré les objets qui se téléportaient, vivre au quotidien dans un monde surréaliste était désagréable. Voir Callie changer sa couleur de cheveux, une gamine, Elodie, lire un livre de cinq-cents pages en une heure, ou un garçon de douze ans, Alex, réussir à attirer à lui tout les oiseaux du coin en émettant un simple sifflet, ça me donnait toujours mal au cœur. Alex était d’ailleurs venu me voir, le vendredi. Il était grand, pour douze ans, et avait une tignasse brune qui lui cacher presque les yeux. Il m’avait coincé après mon cours de littérature et m’avait demandé si le moineau m’avait aidé. Je n’avais rien répondu sous l’effet de la surprise, mais il m’avait sourit en disant qu’un moineau était venu le voir, quelque heures après mon altercation avec l’homme flippant aux yeux vert et lui avait dit qu’une fille de Gaia avait été attaqué par une créature d’Hélios. Il l’avait aussitôt rapporté à Danny (qui jouissait également d’une grande popularité chez les jeunes), qui avait appelé Léna, qui était dans la région, pour la prévenir. D’où l’insistance de Léna pour que je vienne à Sappho. Ça expliquait pas mal de chose, mais ça me donnait encore froid dans le dos.

Depuis mon essaie pour contrôler mon don dans ma chambre, qui m’avais un brin effrayé, je n’avais plus eu le courage de tester. Finalement, le 3A arriva le vendredi, et il se trouvait qu’à l’heure actuelle, j’étais la seule étudiante de ma classe à en avoir besoin. La moitié contrôlait déjà leur don, l’autre n’en avait jamais eu besoin. Léna m’avait souri et m’avait à nouveau rassuré en me promettant que le contrôle de mon aptitude m’aiderait à éviter les incidents. Car évidemment, il eut des incidents. Je retrouvais un livre appartenant à Lucas au moment où je voulais revoir mes dérivées en math, et Hugo vint me trouver au foyer en me rendant mon IPod qui était apparu dans sa chambre. Chaque fois, j’avais rougi, j’avais ragé, j’avais eu envie de claquer l’IPod ou le cahier contre le mur sous le coup de la frustration. Et après, je sortais. Je rageais contre mon père et mon don. Et je rentrais. Pas super, le quotidien. Et s’il y avait quelque chose qui me pesait, c’était cela. Alors j’avais accepté avec Léna de réessayer mon aptitude. Je remarquais rapidement que plus objet était volumineux, plus la distance qui me séparer de lui était grande, plus le résultat était aléatoire, voir catastrophique. Je réussis à faire apparaître un livre qui se trouvait à cinq mètre sur sa tête. Douée.

A présent, au lendemain de cette séance avec Léna, je m’entrainais avec de petits objets derrière le stand de tir. C’était samedi matin, je m’étais levée tôt et n’avait pris qu’une pomme au petit déjeuner que je n’avais pas encore touchée. J’étais assise au pied d’un marronnier et tenter de faire téléporter les fruits, mais ils passaient plus de temps à tomber sur la tête qu’à apparaitre sur ma paume. Je leur lançai un regard agacé.

-Saloperies, jurai-je en tendant à nouveau la paume. Allez, ne vous faite pas prier.

Je visai celui qui se trouvait le plus près, immédiatement au-dessus de moi. Il se téléporta brusquement et réapparut miraculeusement … à mes pieds. Bon, il y avait encore des problèmes de précision, mais ce n’était pas sur ma tête, cette fois. C’était déjà un grand progrès. Un bruissement me fit soudainement sursauté. Je fis malencontreusement téléporter un autre fruit, qui tomba cette fois sur la tête de celui qui venait d’apparaître.

-Ouille !

Des yeux bruns clairs me fusillèrent un instant du regard, agacés. Je reconnus Danny en soupirant.

-Tu m’as foutu la frousse, lui reprochai-je en repliant mes jambes contre ma poitrine. La prochaine fois, signale ta présence, ou je te mets une clochette !
-C’est pour ça que tu m’as attaqué ? bougonna-t-il en posant son sac emplit de flèche à dix mètre de l’une des cibles. Navré, mais je ne suis pas habitué à voir du monde ici, surtout pas le samedi matin. Tu es sur mon territoire, Léonie. C’est donc là que tu te caches ?
-Je ne me cache pas, protestai-je en attrapant un marron que j’avais fait tomber.

Danny eut un sourire de coin en coulant un regard vers moi. Oh, je voyais tout à fait ce que Callie avait pu lui trouver, à celui-là. De même que toutes les filles pouvaient lui trouver (il fallait voir le regard d’Anaëlle quand il passait devant elle ! Callie avec Hugo, c’était de la douce drague, mais elle, c’était une allumeuse !).

-Menteuse.

Salaud. Les détecteurs de mensonges, c’était de l’injustice complète.

-De toute façon qu’est ce que ça change ? répliquai-je en levant la paume, fixant un nouveau marron.

Cette fois encore, il se téléporta à mes pieds au lieu de ma main. Super. Je pestai en le fixant à nouveau, et cette fois, il consentit à apparaître au creux de ma paume. Je m’autorisai un sourire satisfait.

-Beaucoup mieux, appréciai-je en jetant le marron au loin. Tu veux que je m’en aille ? m’enquis-je au près de Danny, qui, ignorant ma dernière question, avait sorti une espèce de fin bâton de son sac.
-Non, répondit-t-il tranquillement sans me regarder. Je comprends que tu aimes bien cet endroit, c’est sans doute le plus calme qui existe à Sappho. Très honnêtement, je préfère que ce soit toi que Callie. Elle parle tout le temps, elle me déconcentre. Vas y, bosse. Au moins, la prochaine fois, je n’aurais aucun marron qui m’attaquera.
-Si tu avais une clochette autour du cou, ça n’arriverait pas, marmonnai-je, bien que le regard mi- agacé, mi-amusé de Danny me fit comprendre qu’il avait parfaitement entendu.

Il avait déplié son bâton, et l’avait détendu. C’était un arc, très fin, mais qui paraissait très solide. En encocha une première flèche, qui atteignit sa cible droit dans le mille. Pff, frimeur. Je retournai à mon activité du jour. Au bout de trois tentatives, un marron apparut directement dans ma paume. Encouragée, je continuais toute la mâtinée, finissant par me lever pour trouver des objets plus volumineux, comme des cailloux ou autre. Je réussis même à téléporter un escargot (qui atterrit sur mon épaule. Bizarre, comme endroit pour atterrir). Danny resta lui aussi toute la mâtinée, décrochant flèche après flèches, reculant à chaque fois un peu plus, testant sur des cibles de plus en plus petites. Il ne la ratait jamais, évidemment. Il faisait clair malgré les nuages, et avec une bonne écharpe, on n’avait pas trop froid. Il finit finalement par ranger son matériel au moment où le soleil était à son zénith.

-Tu viens ? me demanda-t-il en passant son sac sur son épaule. C’est l’heure du déjeuner.

Je fis volte face en fronçant les sourcils. Je venais de réussir à téléporter une pierre, que je n’aurais moi-même à peine pu porter, d’un point à un autre avec une faible marge d’erreur, ce qui était à l’heure actuelle un exploit.

-Je n’ai pas très faim, merci.
-Attend, c’est ça ton petit-déjeuner ? s’étonna-t-il en désignant la pomme posée sur mes affaires, que je n’avais toujours pas touchée.

Je regardai la pomme un instant, et tendis la main. Elle réapparut docilement sur ma paume, à ma plus grande joie. Je m’autorisai un sourire, mordit une bouchée et avalais.

-C’est bon comme ça ? raillai-je en montrant ma paume entamée.
-Tu fais comme tu veux, répliqua Danny en levant les yeux au ciel. Bon appétit.
-Toi aussi.

Il repartit en direction du château en sifflotant et je retournai à mes exercices en croquant ma pomme. Mine de rien, commencer à manger m’avait donné faim. Je songeai que le jour où je réussirais vraiment à contrôler cette satanée aptitude, je pourrais voler des victuailles à la cantine sans me déplacer. Mais ça, ce serait quand je serais entrainée. Parce que les cuisines étaient loin, et que pour l’instant, je m’en sortais à peine sur quelque mètre. Des pas se firent entendre de loin. Deux personnes au moins. Finalement, Lucas et Callie sortirent des arbres en frissonnant. Aujourd’hui, elle avait les cheveux blonds platine et les yeux d’un bleu irréel.

-Après la pluie, le froid… je déteste l’hivers, grommela-t-elle avant de me faire un sourire. Hey, on ne t’a pas vu au déjeuner.
-Ni à celui d’hier, renchérit Lucas en regardant la pierre que j’avais déplacée. Cette chose n’est pas à sa place.
Je me retournai et haussai les épaules. Je tentai de me reconcentrer et réussis à rendre au roc sa place s’origine.
-C’est mieux ? m’enquis-je auprès de Lucas.
-Tu fais des progrès, sourit-t-il. Tu vois, on te l’avait dit que tu allais t’habituer.

En réalité, c’était plus de la résignation que de l’habitude, mais je ne fis aucun commentaire, me contentant de faire un vague mouvement d’épaule.

-C’est impressionnant, admit Lucas en montrant la pierre. Je me demande encore si tu peux te téléporter toi même.
-Mouais, bien je vais déjà tenter de téléporter des marrons et des pierres, on verra pour moi après, maugréai-je avant d’esquisser un sourire. Mais j’avance.

Les lèvres parfaites de Callie esquissèrent une moue.

-Téléporter des pierres, répéta-t-elle, apparemment dépitée. Bon sang, un peu d’ambition, ma belle !

Elle retira le bonnet en laine qu’elle avait enfilé et sa veste pour être en pull et se désigna.

-Observe et apprend.

Elle soupira, ferma les yeux et … disparut. Comme ça, sans préavis. Je reculai, surprise, puis remarquai les contours encore tracés de son corps. Elle n’avait disparu, elle s’était fondue dans le décor. Elle réapparut finalement sous le regard désapprobateur de Lucas.

-Oh, ça va, râla-t-elle en se revêtant. Ce n’est pas en téléportant des marrons qu’elle va progresser, un peu d’audace ! Ce n’est pas en changeant la couleur de mes ongles que j’ai appris à me camoufler !

Danny trouvait ça très dangereux, les marrons. Mais dans un sens, je comprenais ce que Callie voulait dire. Il ne fallait pas que je m’asseye sur mes lauriers. Dés que j’acquérais un truc, il fallait que je passe instantanément à la vitesse supérieure. Radicale comme méthode, mais Léna m’avait dit quelque chose de semblable, hier. Je soupirai en promettant à Callie que je serais plus ambitieuse, et elle eut un sourire d’autosatisfaction.

-Bon, sinon, les choses sérieuses : pourquoi tu ne viens pas déjeuner ?
-Pas faim.
-Et hier ? rétorqua Lucas.
-Idem.
-Autre chose sérieuse, poursuivit Callie en levant les mains pour signifier que cet aparté était clos, ce soir, squatte de pas mal de gens dans l’écurie de Lo – Tu sais, Salomé Rosier ? Tu peux venir, si tu veux. Ça te changera les idées que tes exercices d’aptitude ou de tes cours. Tu ne fais que ça depuis que tu es arrivée. Et puis, tu parleras avec d’autre gens. Salomé est cool, Hugo aussi. Tu pourrais te faire des amis.

J’haussai les sourcils. Je détestai la façon dont Callie me parler : « aller, viens, tu vas te faire des copains-copines ». La belle blague. Depuis qu’Hugo avait retrouvé mon IPod dans sa chambre, il passait la plupart du temps à me regarder de travers.

-Mouais… enfin les soirées étudiantes, ce n’est pas trop pour moi, grommelai-je en me trémoussant. Je préfère…
-Rester dans ton coin ? compléta Callie d’un ton ironique. Oh, je t’en pris, tu t’ennuis à mourir ! Aller, Léo, fais un effort !
-Mais qu’est ce que ça peut te faire ? râlai-je finalement en me tournant brusquement vers elle.

C’était vrai, elle passait les deux premiers jours à jouer les guides parfaites, puis une semaine à presque m’ignorer et maintenant elle revenait à la charge ? Callie resta impassible, de glace (froideur qui était soulignée par son apparence physique) mais son regard s’adoucit.

-Ecoute, tu es la première que « j’initie », entonna-t-elle tranquillement. J’ai un devoir de responsabilité envers toi, que tu le veuille, ou non. Même si je suis plus jeune, et même si je t’agace, il va falloir faire avec : c’est mon rôle de veiller à ce que tu t’intègre bien. Je suis une sorte de marraine, si tu veux.
-Elle n’a pas tout à fait tord, intervint timidement Lucas en passant une main dans ses cheveux. Et puis, ce n’est qu’une fois. Après, on t’embête plus. Mais si moi j’arrive à supporter, du devrais y arriver. Moi non plus je ne supporte pas trop le monde. Au moins je ne serais pas seul.

Je réprimai un sourire. Chaque fois que quelqu’un venait voir Lucas pour avoir des notes, ou juste pour lui parler, celui-ci rougissait comme une tomate et se cachait derrière Danny ou son jumeau (qui avait beaucoup plus d’assurance que lui. Des jumeaux aussi différents, on faisait difficilement). Ce mec était vraiment un gosse avec un gros QI qui avait grandi trop vite.

-D’accord, cédai-je devant le regard presque suppliant de Lucas. Ok, on fait ça.
-Cool, s’enthousiasma Callie en me tendant la main.

Je tapai dedans de mauvaise grâce et elle m’ordonna la suivre pour que je lui montre ce que je savais faire. Quand je lui demandais pourquoi pas ici, elle grimaça en disant que le stand de tir à l’arc n’était pas son coin préféré. Lucas me dit en aparté un peu après qu’en fait, ça l’avait agacé d’être en concurrence avec cet endroit quand elle était avec Danny. Callie le frappa derrière la tête et il leva les yeux au ciel avec un petit sourire. Nous nous arrêtâmes sur un banc, dans la cour, et je téléportai un caillou qu’il y avait devant nous. Callie eut une moue dubitative, enleva son écharpe, et s’éloigna de moi. Elle m’ordonna de téléporter son écharpe. Je passais donc les dix dernières minutes à téléporter les vêtement de Callie, elle-même se déplaçant de plus en plus loin dans la cour, me prévenant que si ses affaires atterrissaient dans la boue, elle me le ferais payer. A chaque fois, je la gratifiai d’un regard agacé, mais aucunes de ses affaires ne fut salie. Lucas, qui avait ouvert un livre sur le banc, donnait deux ou trois conseils de temps à autre sans relever la tête. Callie et moi finîmes par échanger un regard exaspéré et je levai la main. Lucas sursauta quand son livre disparut de ses mains pour atterrir dans les mienne et Callie éclata de rire.

-J’adore ! s’esclaffa-t-elle en s’approchant de moi pour prendre le livre. Cinq leçons sur la psychanalyse de Freud. Il n’y que toi pour lire ça. Ah non, il est à Danny, découvrit-elle en ouvrant la première page. Autant pour moi, il n’y a que Danny et toi pour lire ça.

Elle continua son babillage en disant que du temps où elle était avec Danny, celui-ci avait deux maitresses : ses bouquins et le tir à l’arc. D’où son aversion pour ses deux choses. Lucas récupéra son livre en grommelant et nous prîmes la direction du château. Callie et moi remontâmes dans notre chambre alors que Lucas s’engouffrait dans la bibliothèque pour rejoindre Danny. Je remarquai qu’il n’était que dix-sept heures, mais Callie voulait choisir sa tenue pour ce soir.

-Est ce que légalement on a le droit de faire ça ? demandai-je en m’asseyant sur son lit. Je veux dire, squatter l’écurie le soir ?
-Légalement, non, pas le soir, répondit Callie en toute quiétude en sortant une robe bleue et légère de sa penderie. Trop été ?
-Oui, beaucoup trop, confirmai-je en frissonnant. Mais vous le faites quand même ?
-Oh, tu sais, on a un couvre-feu plus tardif, le week-end, se justifia-t-elle en haussant les épaules. L’écurie est fermée vers vingt-heure, mais Lo a toujours les clefs – elle a une affinité avec les chevaux, tu vois ? - donc on peut s’y introduire un peu facilement. Ne t’en fais pas, on fait souvent ça.

Je ne répondis pas, me contenant de la regarder vider son armoire d’un air méfiant. Je n’aimais pas beaucoup son plan, mais puisque j’avais donné ma parole… Callie finit par s’arrêter au bout de deux heures sur une jupe noire et un débardeur rose en dentelle. Elle mit ses cheveux en un blond plus foncé et la peau autour de ses yeux devint charbonneuse, comme si elle avait mis du maquillage. Elle enfila sa veste en cuire avant de se tourner vers moi, satisfaite. Je me tordis la bouche, et je pus m’empêcher de remarquer :

-On dirait Barbie qui se serait déguisée en gothique.

Elle me gratifia d’un regard profondément désespéré.

-Peut être, mais moi je fais un effort. A ton tour, la Rousse au bois dormant !

Je protestai de mon mieux, mais Callie m’amena de force dans ma chambre pour vider mon placard.

-Ça non, ça non plus. Encore moins, grommela-t-elle en balançant mes affaires une à une. Bon sang, mais qui met encore ça de nos jours ? Je rêve, ou c’est un col roulé ? Léo, Gaia toute puissante, tu connais les mots « jupe » « robe », ou tout bonnement « sexy » ?
-Non, répondis-je en ramassant mes affaires. Non, et je ne veux pas les connaître. Range mes fringues, Callie !

Elle regarda d’un air profondément snob et continua de fouiller mes affaires. Quelqu’un toqua depuis sa chambre.

-Indisponible ! cria-t-elle en me lançant une chemise sans manche et un pantalon noir. Tiens, prend ça, accessoirisé, on devrait réussir à te faire ressembler à quelque chose.

Je posai les affaires avec la ferme intention de ne pas les mettre et Callie se mit à bouillir littéralement de rage (quand je dis littéralement, ça voulait dire que ses cheveux étaient vraiment devenir rouge, ainsi que sa peau. C’était assez impressionnant comme phénomène). Nous eûmes un débat pendant une minute, jusqu'à que les têtes de Danny et Lucas apparaissent dans l’embrassure de la porte de la salle de bain.

-Tu vois, aucune des deux n’est en mode cadavre, remarqua Danny en donnant un coup dans l’épaule de Lucas.
-On ne sait jamais, se défendit celui-ci en haussant les sourcils.
-Dites moi, les gars, je vous ai autorisé à entrer ? fulmina Callie en croisant les bras sur sa poitrine.

Ses cheveux reprenaient petit à petit la couleur noire qu’elle leur avait donné peu de temps auparavant.

-Non, admit Danny en haussant les épaules. Mais quand tu as hurlé « indisponible » avec autant de hargne, Lucas s’est mis à avoir peur pour la vie de Léonie.
-Pff ! J’essaie juste de la faire ressembler à une fille, marmonna Callie.

Je grondai doucement. J’en avais vraiment assez de me taper l’affiche. Pour cela, je me débrouillais très bien toute seule, je n’avais pas besoin de Callie pour en remettre une couche.

-C’est bon, maman, grommelai-je. Je sais comment choisir mes affaires.
-Hé, crois-moi, tu ne sais pas ce qu’est une mère tant que tu n’as pas trainer un minimum de temps avec Gretel ! ronchonna Callie en s’asseyant sur mon lit. Pas vrai, petit génie ?

Lucas grommela quelque chose d’incompréhensible en passant une main dans ses cheveux. Danny, quand à lui, leva les yeux au ciel, nonchalamment appuyé contre l’encadrement de la porte.

-Tu viens, ce soir ? demanda Callie en changeant ses ongles de couleur avant de se tourner vers moi. Noir, ça fait trop Barbie gothique ?
-Gothique tout court, répliquai-je en pliant deux jeans qu’elle avait balancé hors de ma penderie.
-Flûte, regretta-t-elle en laissant ses ongles naturels. Donc, Dan ? Tu viens ?

Danny, qui était occupé à contempler une de mes photos les sourcils froncés, grimaça.

-Je ne pense pas, éluda-t-il rapidement, sans quitter ma photo des yeux.
-Pourquoi ? s’étonnèrent Lucas et Callie.

Lucas s’était assis (après avoir demander ma permission) sur ma chaise de bureau et regardait mes livres distraitement.

-Hé, tu viens souvent, d’habitude, lui rappela Callie, les yeux écarquillés.
-Oui, mais là, je …
-« ne le sens pas », achevèrent ses deux amis, l’une avec lassitude, l’autre machinalement, les sourcils froncés.
-Ouais, avoua Danny en haussant les épaules. Désolé, je ne préfère pas.

Callie entreprit alors de le convaincre de venir alors que je rangeais mes affaires. Ça me faisait bizarre d’avoir autant de gens dans ma chambre, après avoir passer une semaine seule dans cette pièce. Lucas me proposa de m’aider à ranger, ce que j’acceptai avec un sourire. Quand chaque affaire eut reprit sa place dans mon armoire, Callie se tourna vers nous avec un grand sourire. Danny, lui, avait disparu de la circulation au moment où la jeune fille avait commencé à élever la voix.

-Parfait, vous allez pouvoir m’aider à ranger ma chambre !

Je la toisai un instant, et elle comprit qu’elle ne pourrait pas compter sur mon aide. Lucas, en revanche, était beaucoup trop gentil pour être d’une pareil dureté et fila dans la pièce d’à coté pour aider Callie. Je m’enfermai dans la salle de bain, et, à contrecœur, enfilai les vêtement préparés par Callie (oui, je sais, c’est lâche, mais si je pouvais éviter une crise, c’était mieux.), attachai mes cheveux, qui retombèrent en une longue queue-de-cheval dans mon dos, et rajustai mon maquillage. Mon reflet se mordit la lèvre. Je détestais voir mes yeux dans le miroir. Ils me rappelaient trop ceux de papa. Quelques coups timides furent portés à la porte. Je rouvris la porte et Lucas retourna de mon coté de la chambre avec un soupir.

-Elle est atroce, grimaça-t-il avant de me sourire. Tu es jolie, comme ça.

Je pense que mes joues devaient être de la même couleur que mes cheveux, car le sourire de Lucas se fit gêné, et il fila dans ma chambre pour récupérer son sac qu’il avait laissé avant de partir dans le couloir avec un signe de main.

-Il a raison, tu sais, fit Callie en apparaissant derrière moi avec un sourire. Tu es mignonne, quand tu t’y mets. Alors, moi, je reste en poupée gothique ?
-Met autre chose que du rose, et peut être que ta malencontreuse ressemblance avec Barbie disparaitra, proposa-je en rangeant mes affaires.

Callie partie mettre un débardeur blanc crème à la place de son haut rose, suivant à ma grande surprise mon conseil. Là-dessus, elle me prit la main et me conduit jusque l’écurie. Elle avait enfilé des escarpins et moi ma veste en jean. Nous croisâmes quelques gens de la classe en route, qui firent à Callie des clins d’œil complices. L’écurie était éclairée. Je n’y étais jamais rentrée, me contentant de rester derrière pour éviter les autres élèves. Callie me poussa devant elle pour que j’entre. L’écurie était plus spacieuse que je ne l’avais pensé. En réalité, il n’y avait que deux boxes pour deux chevaux, un noir de jais, et un autre couleur caramel. Un troisième boxe, à l’écart des deux autre, était vide.

-Grispoil est de sortie, remarqua Callie d’une voix joyeuse.
-Qui ça ? m’enquis-je en fronçant les sourcils.

Callie trépigna, gênée et ne répondit pas. Je décidai de laisser couler. Le reste de la place était occupé par des ballots de pailles sur lesquels certains étaient avachis, des chaises, et ses tables. Des boissons non alcoolisées (du moins officiellement, supposai-je) étaient réparties sur les tables et mises à disposition des élèves. Dans un coin, Antoine était occupé avec Hugo à brancher la sono. Je n’entendais rien d’ici, mais je voyais clairement qu’ils se disputaient. Finalement, Antoine partit pour rejoindre Gretel, qui parlait avec Lucas. Il enlaça sa taille et posa son menton sur son épaule, et l’infirmière caressa sa joue avec tendresse sans cesser de parler à jumeau, qui ne se paraissait pas de formaliser de ces traces d’affection. Je compris alors ce que Callie entendait quand elle disait « relation ambigüe ». Ils ressemblaient à s’y méprendre à un couple. Salomé, une fille métissée aux cheveux et aux yeux noirs, nous accueillit avec un sourire, dansant au milieu des ballots de pailles avec un garçon de la classe, son copain Timothée, me semblait-il. Callie me sourit et partit « aider » Hugo à la sono, et je me rapprochais de Lucas. Gretel me repéra la première et me sourit. Antoine n’avait pas disparu et joué maintenant avec ses doigts.

-Hey, Léonie, me salua-t-elle. Ta pommette va mieux ?
-Oui, articulai-je difficilement. Merci, c’est gentil.
-Sûre ? insista-t-elle en avançant la main pour me prendre le menton et tourner ma joue vers elle. Hum… le bleu commence à s’estomper donc je suppose, oui.

Elle laissa retomber sa main et je reculai d’un pas pour être hors de sa portée. Elle avait l’air gentille, comme infirmière, mais je ne comprenais pas vraiment ce qu’elle faisait là. Elle n’était pas censée être un membre de l’administration ? Elle parut lire ma question dans mes yeux, car elle me sourit à nouveau.

-J’ai un statut spéciale, expliqua-t-elle. J’ai quitté le lycée seulement l’an dernier, je n’ai même pas dix-neuf ans. Je me sens encore étudiante dans l’âme. Et puis, je vais pas laisser Tonio s’ennuyait sans moi.
-Je ne m’ennuierais pas, protesta Antoine en relevant la tête. Callie à embêter, Lucky à surveiller, comment est-ce que je pourrais m’ennuyer ?
-Le quel des deux surveille l’autre ? répliqua Lucas en balançant un sourire à son jumeau. Désolé, mais dans ce genre de situation, c’est moi qui veille sur toi et non l’inverse.
-C’est ce qu’on verra.

Les jumeaux continuèrent de se taquiner un instant pour savoir le quel avait le plus d’influence sur l’autre et Gretel soupira. Elle se détacha d’Antoine pour se rapprocher de moi.

-En réalité, Lucas a raison, me glissa-t-elle sur le ton de la confidence. S’il n’était pas là pour le cadrer, Tonio tournerait mal.

J’eu un sourire gêné et elle pouffa doucement. Elle commença à me demander comment c’était passé ma première semaine. Nous discutâmes un moment de ma semaine et elle m’expliqua quelque trucs que Callie avait omis, comme le fait que cette soirée était plus ou moins acceptée par l’établissement, si et seulement s’il n’y avait pas d’alcool ou autre produit illicite, si la musique n’était pas trop forte, et si seuls étaient présents les élèves les plus âgés. Elle m’expliqua aussi que même si Gaia et Hélios étaient des entités que l’on pouvaient considérées comme divine, nous n’avions pas besoin d’y vouer une culte (« les voitures nous vouent-t-elles un culte parce que nous les construisons ? m’interrogea-t-elle pour justifier ses dires) et que c’était en ça qu’ils n’étaient pas considéré comme des dieux au sens stricte du terme. Gretel avait peut être des allures d’infirmière sexy, mais elle semblait être très callée en ce qui concerner la théologie et la morale, et je pris beaucoup de plaisir à discuter avec elle. Hugo et Callie finirent par s’en sortir avec la sono et à présent, de la musique résonnait dans l’écurie. Aucun membre de l’administration ne vint nous chercher, même passé vingt-et-une heure et je m’autorisai donc à me détendre un peu. Je restais avec Antoine, Lucas et Gretel alors que Callie flirtait avec Hugo sur la piste de danse improvisée entre les ballots de paille.

-Ça fait plus soirée que squatte, fis-je remarquer à Lucas.

Nous étions assis sur la porte du boxe vide. Gretel avait fini par prendre Antoine par la main pour danser et je devais admettre que j’étais verte de jalousie devant la grâce de Gretel et l’aisance d’Antoine sur la piste.

-Quand est ce qu’ils sortent ensemble ? m’enquis-je moqueusement du coté de Lucas.
-Jamais, répliqua-t-il après une longue gorgée de coca. Pour citer Danny (Dieu tout puissant, ce pouvait-t-il qu’on dise ou fasse quelque chose sans évoquer ce type ?), leur relation est la preuve même qu’une amitié fille-garçon est réalisable. Qu’ils sortent ensemble, ça casserait le mythe. Pas question.

Je grimaçai. J’avais tenté l’amitié fille-garçon sur des bases saines et sereines avec Sylvain, et on savait ce que ça avait donné. J’aurais pu répondre que j’étais sceptique sur le principe, mais dans ces cas-là, ça aurait été hypocrite de ma part de rester assise à coté de Lucas, qui était sans doute la seule personne à Sappho que j’étais sûre d’apprécier.

-Ça ne va pas ? s’inquiéta Lucas en voyant ma grimace.
-Si, le rassurai-je en haussant les épaules. Ou est ce que tu as eu ton coca ? Je suis en manque de caféine.
-Pique dans le mien, proposa-t-il en me tendant la bouteille. Si ça ne te dérange pas de partager.

Je bus une longue gorgée en regardant les gens se trémousser sur la piste improvisée. Ils passaient à présent un slow. Antoine avait enlacé Gretel, et Callie passait ses bras autour du cou d’Hugo avec un sourire enjôleur.

-J’ai toujours détesté les slow, m’apprit distraitement Lucas, plus pour lui-même que pour moi. Je ne vois pas l’intérêt.
-Peut être, convins-je en regardant mélancoliquement quelques couples tournoyer sur place, certains les yeux dans les yeux. Je crois que je ne vais pas tarder à partir. Il commence à y avoir une ambiance un peu trop propice aux amoureux à mon goût.
-Je te suis.

Je sautai à terre, Lucas à ma suite. Il récupéra son sac à dos – qui, j’avais fini pas le remarquer, ne le quitter presque jamais - et Salomé nous fit signe quand nous sortions de l’écurie. L’air c’était considérablement rafraîchit et ma montre indiquer qu’il était environ vingt-trois heures.

-Waho… C’est passé plutôt vite, remarquai-je en frottant mes bras pour les réchauffer.
-Tu vois, ce n’était pas si terrible ? me taquina-t-il avant de s’arrêter brusquement en me prenant le bras. Attend.

Je m’immobilisai, tous mes sens en alerte. Mais mis à part le vent dans les arbres, la musique provenant de l’écurie et la respiration saccadée de Lucas, je n’entendais absolument rien.

-Qu’est ce qu’il y a ? chuchotai-je alors que ses yeux fixé la pénombre.

Il pointa un endroit, en haut d’un arbre. Je plissai des yeux au maximum pour distinguer ce qu’il voyait. Une masse sombre, très volumineuse, peut être un nid, y était perché entre les branches.

-Il n’y était pas ce matin, murmura Lucas, plus pour lui même. Allons nous-en, je n’aime pas ça.
-Lucas, ce n’est qu’un nid, remarquai-je alors qu’il s’avançait vers le château. Hé ! Tu ne serais pas un peu paranoïaque sur les bords ?
-Ecoute, la règle numéro un de Sappho, c’est toujours écouter Danny, et quand Danny ne sens pas quelque chose, on devient obligatoirement paranoïaque. Maintenant viens !

Je ne bougeai pas, les bras croisés sur ma poitrine. Lucas ne voyait peut être pas l’intérêt des slow, mais moi je ne voyais pas l’intérêt d’être effrayer par un nid d’oiseau.

-C’est ridicule, sifflai-je, immobile. Tout ce que Danny dit n’est pas paroles d’évangile, tout de même ?

Les yeux de Lucas s’écarquillèrent et il leva les bras au ciel, l’air au bord du désespoir.

-Dis, on pourrait pas avoir cette conversation à l’intérieur ? plaida-t-il avec un soupir. Je ne préfèrerais pas trainer… Léonie, couche-toi !!

Mais avant que je n’aie pu même enregistrer ce que Lucas venait de me hurler, quelqu’un se jeta sur moi pour m’étendre à terre. Paniquée, je lançai mon pied à l’aveuglette et atteignis le tibias de mon assaillant, qui gémit.

-Bon sang, Léonie, arrête !
-Danny ?! C’est pas vrai, encore toi ! geignis-je en me rendant compte que ça faisait la seconde fois dans la journée que je l’attaquais. Je te préviens, la prochaine fois je te mets une clochette !
-Comme tu veux, grimaça-t-il avec une espèce de demi-sourire. Mais en attendant, ne bouge pas !

Quelque chose frôla nos tête et Danny me força à me rallonger face contre terre. Du coin de l’œil, je vis Lucas ramper jusqu’à nous, lui aussi à plat ventre. J’entendais vaguement des bruits d’ailes et un rire de femme. Danny gronda doucement à mon oreille.

-Des Sirènes, évalua-t-il à voix basse en relevant un peu la tête. Mais qu’est ce qu’elles foutent ici… ?

J’appuyais ma main sur sa tête pour qu’il replonge, ayant vu quelque chose fondre sur nous du coin de l’œil. Il fallait croire que j’avais un bon instinct, car une créature ailée fonçait droit sur lui. La créature éclata d’un rire cristallin de petite fille en donnant un grand coup d’aile. Je levai prudemment les yeux, mais il était impossible de bien la distinguer dans la pénombre. Tout ce que je voyais, c’était qu’elle avait l’air plus ou moins humaine… mais avait d’immenses ailes de part et autre de sa colonne vertébrale.

-Tremblez, enfants de Gaia, tremblez ! s’exclama-t-elle joyeusement. Les oiseaux ont fait leur nid ! Bouh !
-Leur nid ? répéta Lucas, qui nous avait rejoins. Attend, comment… ?

Il ne put finir sa phrase, une autre créature passant à deux doigts de sa tête. Celle-ci éclata d’un rire sonore. Je m’étonnai que ceux de l’écurie ne l’entendait pas, tellement le son se propager facilement et efficacement dans les arbres. Danny s’agita à coté de moi et se retourna brusquement sur dos. Une flèche fendit l’air et heurta la seconde créature en pleine gorge. Elle émit un gazouillis écœurant et tomba de l’arbre sur lequel elle était assise avec un bruit sourd. L’autre créature poussa un hurlement d’horreur qui glaça mon sang en s’élevant dans les airs. Elle se mit à tournoyer autour de nous en gémissant et maugréant.

-Léorna ! Léorna ! Enfant de Gaia tu vas le payer ! Pas s’attaquer aux oisillons !
-Cause toujours, grommela Danny en encochant une autre flèche, le plus discrètement que possible.

Cependant, il ne la tira pas, les sourcils froncés, le regard rivé vers le nid d’oiseau que Lucas avait repéré peu avant. Timidement, je suivis son regard. J’avais enfuis ma tête dans mes bras depuis quelques minutes, après que Danny ait abattu la première créature – Créature d’Hélios - effrayée par le tournant qu’avait prit la situation. Je ne m’étais pas rendu compte que je tremblais comme une feuille avant que Lucas ne me prenne la main pour me rassurer.

-Léonie, respire, me conseilla-t-il avant de se tourner vers Danny. Il y a des œufs là dedans ?

Danny hocha lentement la tête.

-Elle les protège, chuchota-t-il précipitamment le plus bas que possible. Elle et au moins deux autres. Elles ne nous ferons aucun mal si on n’attaque pas le nid. Si j’attaque le nid, ou un des autres gardiens, elle nous fondera dessus.

En effet, une autre créature ailée, plus petite, s’était mise à tournoyer avec. Une autre masse était apparue près du nid. Je ne savais pas pourquoi elles attendaient pour attaquer, mais c’était tant mieux. La première créature passa à nouveau à raz de nos têtes et Danny appuya sur mon chef pour me maintenir au sol dans un geste protecteur. Pour une fois, je n’allais pas protester.

-Si on veut s’en sortir diplomatiquement, il faut que le nid disparaisse, supposa-t-il d’un air entendu qui me fit horreur.

Ignorant sa main qui me maintenait clouée au sol, je relevai brusquement la tête, ayant clairement entendu l’insinuation sur le mot « disparaisse ».

-Pas question ! Je suis à peine capable de faire disparaître une pierre, alors un nid d’oiseau bizarre !
-Les oiseaux bizarres sont des Sirènes, m’apprit Danny avec une pointe d’impatience. Et ces bestioles là provoquent la peur et la panique, ce sont ces sentiments qui permettent la croissance et l’éclosion de leurs œufs. Leurs œufs, c’est ce qu’elles ont de plus précieux. S’ils disparaissent, on aura pas besoin de craindre de blesser d’autre gens, elles iront les retrouver automatiquement – ou au moins la mère. Léonie, il y a plein de gens dans l’écurie qu’elles peuvent blesser si on ne trouve pas le moyen de les éloigner d’ici !

L’art et la manière de me faire culpabiliser. Je ne savais pas quelle était la véritable nature de ces Sirènes, mais si j’en croyais Danny, j’étais la seule personne qui pouvait faire en sorte que personne n’en sorte blessé. Sauf que je n’étais pas sûre de réussir un tel exploit. J’étais terrifiée, tremblante, et je n’avais qu’une seule envie, c’était de me cacher. Lucas serra ma main et Danny caressa mes cheveux. Ils devaient tout les deux sentir mes tremblements.

-Léonie, on sait que c’est dur, convint Danny d’une voix plus douce. Mais tu as les capacités de le faire.

Finalement, je ne sais pas quelle folie s’éprit de moi, mais j’hochai la tête. Danny soupira en murmurant un « très bien » et prévint Lucas de se tenir prêt. J’enfuis ma tête dans le creux de mon coude pour me concentrer, puis fixai le nid avec insistance. File de là, le suppliai-je. Pars, loin d’ici. Très loin. Mes doigts se mirent à pianoter nerveusement dans la terre sans que je ne lâche le nid du regard. Je sentais Danny et Lucas retenir leur souffle à coté de moi. Au final, un cri d’agonie déchira ce silence pensant quand le nid disparut soudain des branches de l’arbre. Danny m’obligea à rester au sol alors qu’il décrochait sa flèche, la deuxième créature fonçant sur lui avec un hurlement perçant. Elle tomba de l’autre coté de Danny avec un bruit sourd et immonde. Lucas lâcha brusquement ma main et se leva. Un déchirement se fit entendre et quelque chose roula juste à coté de moi, m’éclaboussant le visage.

-Je déteste faire ça, maugréa Lucas d’une voix étouffée, quelque part au-dessus de moi.
-Moi aussi, avoua Danny en se redressant. Léonie ? Ça va ?

Non, ça n’allait absolument pas. Mais vraiment pas du tout. Prudemment, j’ouvris les yeux et me figeai. Juste à coté de moi, la tête d’une femme, blonde et jolie, me regardait avec des yeux vides horrifiés. La tête était détachée du corps et l’odeur de sang vint m’assaillir et me labourer les entrailles. Le liquide coulait, âpre et répugnant, sur le sol, et s’infiltrait dans la terre, comme si celle-ci se nourrissait de ce sang que l’on avait sacrifié pour elle.
Un sacrifice humain pour Gaia.
Je sentis mon estomac se retourner et la bille remonter dans ma gorge. Je me redressai rapidement et recrachai le maigre contenu de mon estomac sur le sol. Lucas lâcha ce qu’il avait dans les mains et me tint les épaules pour m’éviter de tomber en avant.

-Ça va mieux ? s’enquit-t-il quand je relevai enfin la tête.

Je secouai la tête. Non, ça n’allait pas mieux. J’essuyai mes joues et remarquai que mes mains s’étaient colorées de rouge. De rouge sang.
Oh dieu tout puissant.
J’aurais bien aimé me remettre à vomir. Ou même éclater de sanglot incontrôlés. Mais je restai figée d’horreur, à contempler mes mains bouche bée, le cerveau éteint dans un désagréable mode « off ».

-D’accord, répondit doucement Lucas à mon mutisme. On va nettoyer tout ça à l’infirmerie. Viens.

Il m’aida à me relever avec l’aide de Danny. Une fois debout, j’aurais pu voir l’étendue du carnage, mais Danny me mit les mains sur les yeux avant que je ne puisse les poser où que ce soit.

-Non, il ne vaut mieux pas. Luc’ ? Tu l’emmènes à l’infirmerie ? Moi je vais prévenir les autres que la petite fête est finie. Il pourrait y avoir d’autre débordement.
-Hé, Dan ! cria Lucas alors qu’il s’éloignait. Qu’est ce que foutaient des Sirènes ici ?
-Aucune idée. File.




Je suis désolée de couper au plein coeur comme ça, mais a priori, c'est vraiment trop long --'
Dernière modification par Perripuce le mar. 15 mars, 2016 5:21 pm, modifié 2 fois.
Perripuce

Profil sur Booknode

Messages : 1271
Inscription : lun. 11 mars, 2013 7:13 pm

Les enfants de Gaia - chapitre 5 (2/2) . (Fantastique/Fantaisie).

Message par Perripuce »

Voilà la suite ! C'est bon, j'arrête enfin de vous embêtez !
Bonne lecture !

PS : Elle est la continuité immédiate du message au-dessus, encore une fois, désolée d'avoir désolidariser les deux passage.


Chapitre 5 (2/2) : Des Sirènes dans l'écurie. Sans blague.

Lucas ne se fit pas prier et m’escorta jusque l’infirmerie où il me força à m’asseoir sur un lit. Je m’écroulai dessus, les jambes tremblantes. Je n’osai pas regarder mes mains. Et je n’osai pas regarder Lucas non plus, qui s’était précipité vers un robinet avec du savon. Je l’entrapercevais, frottant la moindre parcelle de sang restant sur sa peau, et compris qu’il ne plaisantait pas, en disant qu’il n’aimait pas « ça ». Il avait décapité quelqu’un. Un monstre, peut-être. Qu’il voulait probablement le tuer. Mais je devinais que lorsqu’on était aussi intègre que lui, chaque vie prise devait peser sur la conscience. Je me sentis coupable et me levai pour poser ma main saine sur l’épaule de Lucas. Je percevais son visage à travers le miroir collé au dessus du lavabo : il était grave, et volontairement impassible, même si ses yeux respiraient la détresse.

-Merci, murmurai-je, incapable de produire un son plus audible.
-De rien, répondit-t-il sans me regarder. C’est toujours choquant, les premiers morts. Mais on n’a pas le choix pour ça. C’est eux ou nous. Une sorte de vision un peu darwinienne de la survie. Vas–y, lave toi. J’ai fini.

Toujours sans me regarder, il s’éloigna du lavabo pour me laisser la place. Je me retournai pour le voir s’écrouler sur un lit, les coudes sur les genoux, la tête entre les mains. Je me demandai un instant s’il pleurait, puis décidai de lui laisser de l’intimité. J’ouvris le robinet et croisai mon regard dans le miroir. Je fis un bond en arrière. Mon bleu à la pommette était recouvert du sang de la « Sirène » décapitée, étalée par ma main. Ma queue de cheval était de travers et mes lèvres commençaient à se gercer. Je frottai mes mains avec le savon le plus vigoureusement que possible, puis nettoyai avec une serviette celui que j’avais sur la joue. Mes mains tremblaient. Je ne savais pas vraiment si c’était sous le choc, ni si c’était de peur, ou si c’était parce que mon énergie nerveuse, qui était pourtant restée plutôt calme durant cette première semaine de cours, était revenue en force. Je rinçai également ma bouche et me détachai les cheveux. Le sang colorait à présent l’évier et m’entreprit de le nettoyer. Des pas précipités entrèrent dans l’infirmerie et quelqu’un me prit le bras pour me faire reculer de l’évier. Je reconnus les yeux bleus de Gretel, qui me scrutèrent avec inquiétude avant qu’elle ne soupire en me prenant dans ses bras.

-Gaia soit louée, tu n’as rien, se rassura-t-elle en me relâchant. Viens t’assoir, petite, tu es frigorifiée.

Elle m’accompagna jusqu'à une chaise ou elle m’obligea à m’asseoir malgré mes protestations. Tout ce que j’avais besoin, c’était de marcher, courir, me dépenser. Mais Gretel me poussait dés que j’osais quitter ma chaise et je finis par capituler avec un soupir, plus par épuisement que par lâcheté. En face de moi, Lucas était toujours avachi sur le lit, mais son frère se tenait à coté de lui, une main sur l’épaule, les yeux dans le vague. Sa mâchoire était contractée, comme s’il tentait par tous les moyens de maintenir un flot de paroles indigentes, mais il avait l’air dépité, un air constatant effroyablement avec celui habituellement désinvolte, presque arrogant, qu’il abordait d’habitude. Danny était assis en tailleur sur un autre lit, le sac à dos de Lucas à ses pieds, et une épée (sans doute celle de Lucas. Oh mon dieu) étendue à ses cotés. Gretel s’assit à coté de lui avec un soupir :

-Callie est partie chercher Léna, et Hugo a ramené tout ce beau monde dans les dortoirs, énuméra-t-elle en se tournant vers Danny. Bon, qu’est ce qui s’est passé ?

Danny leva les yeux vers elle, hésitant, puis raconta l’attaque des femmes-oiseau, précisant qu’il était resté trainer dans les alentours de l’écurie au cas où quelque chose se passerait mal.

-Quand Léonie a fait disparaître le nid, la mère a volé le retrouver, et les gardiennes nous ont foncés dessus, acheva-t-il. Lucas en a eu une et moi l’autre.
-Comment des Sirènes ont-elles pu entrer dans l’enceinte du domaine ? s’enquit Antoine d’une voix sourde, en nous regardant, Danny et moi, tour à tour.

Apparemment, il ne pouvait pas se taire plus longtemps. Son regard brulait, et son expression suspicieuse m’hérissa les poils et délia ma langue.

-Ne me regarda pas comme ça, je ne sais même pas ce que sont des Sirènes, grondai-je en resserrant la couverture que Gretel m’avait donné sur les épaules.
-Elle a raison, intervint celle-ci en levant les mains en signe d’apaisement, avant de se tourner vers moi. Les Sirènes sont une branche particulière des créatures d’Hélios. On ne sait jamais si ce sont des oiseaux qui sont touché, ou des humains, et c’est la seule espèce qui paraît agir en communauté. Elles obéissent à des instincts primitif : pondre des œufs, et les protéger. Elles ne sont pas vraiment meurtrières. Leur objectif est de causer la peur et le désordre autour d’elles, c’est ce qui alimente leurs œufs et leurs oisillons. Elles se contentent donc de nous effrayer, notre peur étant bien plus prolifique que celle du commun des mortels. Si tu t’attaques à leur progéniture, là, et seulement là, elles deviendront dangereuses. Les serres d’une mère sont venimeuses tant que ces œufs n’ont pas éclos. C’est pour cela que vous avez eut un bon reflexe en faisait disparaître le nid. L’instinct maternel de la Sirène la pousse à d’abord et avant tout retrouver ses œufs, donc vous avez éloigné de vous l’adversaire la plus dangereuse. Les gardiennes sont généralement d’autres filles de la mère, inexpérimentée, et plus facile à éliminer.
-Mais ça n’explique pas ce qu’elle faisait là ! fit remarquer Antoine, pas rassasié pour deux sous, les sourcils froncés
.
Des accents d’angoisse avaient percés sa voix, et Gretel s’était précipitée vers lui pour lui prendre la main. Il se dégagea, et se mis à faire les cent pas en ajoutant à voix basse, presque pour lui-même :

-Je ne comprend pas …, continua-t-il à voix basse, presque pour lui-même. Je croyais que le Sceau de Drouet empêchait la moindre créature de franchir l’enceinte ?

Devant mon regard interrogatif, Gretel se sentit obliger de continuer ses explications, lançant un regard d’avertissement à son ami, lequel l’ignorait et continuait de marcher en rond.

-Le Sceau de Drouet, commença-t-elle, est une pierre, présente depuis la fondation de l’école dans les années 1700 dans le bureau de la principale. David Drouet, qui dirigeait l’école à ce moment là, avait pour aptitude d’être un bouclier physique naturel anti-créature d’Hélios. A sa mort, il a réussi à transmettre cette aptitude à une pierre afin que l’école soit toujours physiquement protégée des créatures. Ainsi, aucunes créatures d’Hélios ne peut passer physiquement la protection, le « Mur », comme on l’appelle, qui a un diamètre plutôt étendu.
-Sauf que là, les Sirènes ont passé le Mur, insista Antoine, faisant fi du regard de Gretel.

Il venait d’arrêter de faire les cents pas, et n’arrêtait pas de se passer les mains sur le visage.

-Oui, admit Danny avec agacement. Mais on ne sait pas comment !
-Tu devrais le savoir, tu sais toujours tout, persifla Antoine, les yeux lançant des éclairs.

Danny ouvrit la bouche pour répliquer quelque chose, mais deux personnes entrèrent dans l’infirmerie avant qu’il n’ait pu dire le moindre mot. Callie, qui se précipita de l’autre coté de Lucas et Léna. Sa vue me rassura étrangement. Depuis ma séance de 3A avec elle, où elle m’avait enseigné patiemment, malgré ma mauvaise humeur, à user de mon aptitude, mon estime à son égard avait été revue à la hausse. Celle-ci soupira et nous jaugea tous un moment sans rien dire. Son visage était fermé, anxieux. Il eut un instant de silence, un silence pesant, lourd. On aurait dit qu’on attendait avec angoisse qu’une bombe nous tombe sur la tête. Mais quand Léna parla, sa voix était cordiale, professionnelle.

-La directrice a été mise au courant de ce qui s’est passé, nous apprit-elle d’une voix neutre. J’ignore comment il a été possible que des Sirènes aient pu franchir le Sceau, mais nous le découvriront. En attendant, toute sortie nocturne sera strictement interdite, mais une annonce officielle sera faite. Il y a eu des blessés ?

Elle se tourna vers Gretel, qui secoua la tête. Je remarquai que l’infirmière avait du mal à la regarder dans les yeux.

-En revanche, je pense que des somnifères peut être utile, proposa-t-elle.
-Permission accordée, mais sous ta surveillance, trancha-t-elle d’une voix blanche. Danny ? La principale voudrait te parler pour avoir ta version des faits. Callie, tu ferais mieux de remonter dans ta chambre, ma grande, Antoine va s’occuper de Lucas. Léonie ? Je peux te voir une petite seconde ?

Toutes les têtes se tournèrent vers moi. Je me sentis rougir, mais Léna m’offrait la possibilité de pouvoir marcher, et je n’allais pas m’en priver. Je la suivis donc en dehors de l’infirmerie, malgré le froid qui régnait.

-Je suppose que ça a du te paraître dur, voir cruel, non ? me demanda-t-elle doucement alors que nous faisions le tour du bâtiment.

Je haussai les épaules. Evidemment que ça m’avait paru brusque et barbare. Le sang, les armes, les cris, tout cela m’avait dégouté, donné envie de vomir et de pleurer. Je détestais également l’état dans lequel avait été plongé Lucas depuis l’exécution des Sirènes, et sa façon froide de dire « c’est nous ou eux ». Léna dut lire tout cela dans mon silence, car elle soupira et m’obligea à m’arrêter pour lui faire face. Sauf que je ne voulais pas m’arrêter. Je voulais continuer de marcher, de respirer l’air nocturne jusqu’à que le moindre arôme de sang ait disparu de mes narines. Elle me dévisagea. Ses traits étaient crispés, son regard légèrement voilé.

-Notre vie est dure et cruelle, martela-t-elle en plantant son regard dans le mien. Ces créatures n’ont pas d’âmes. Elles sont moins que des animaux, elles sont dangereuses, pour nous et l’humanité. Nous n’avons pas à avoir de pitié pour elle.
-C’est une façon un peu manichéenne de voir les chose, remarquai-je d’une petite voix. Tout ce qu’elles veulent, c’est protégé leurs œufs…
-En semant la panique chez nous, Léonie ! me rappela Léna en me prenant le bras, une lueur féroce dans le regard. En effrayant de pauvre petite fille, en terrifiant de jeunes enfants, les traumatisant à vie. Nous ne pouvons pas tolérer ça, et Gaia non plus. C’est pour cela qu’elle nous a crée, tu te souviens ? Léonie… (Sa voix se radoucit). Je sais que tout cela est très nouveau pour toi, et qu’il faut que tu t’adaptes, mais il faut que tu comprennes que ces créatures n’éprouvent pas la pitié que tu ressens pour elles. Je comprends ce que tu ressens, on le comprend tous. Regarde Lucas. Il le fait, ça le répugne, mais il y est forcé, sinon c’était lui qui y passait. C’est cruel, malheureux, douloureux, mais nous n’avons pas le choix.

L’expression de son visage était difficile à lire, mais il me semblait entrapercevoir de la peine et de la résignation, comme si la situation de Lucas faisait pour elle écho à un lointain souvenir, triste et épineux. Comprenant qu’elle ne voulait pas se montrer brusque et impitoyable, mais juste objective, je me détendis.

-Elles avaient l’air tellement humaines, m’étranglai-je en sentant les larmes me monter aux yeux.
-Oh, chérie, souffla-t-elle en me caressant les cheveux d’un geste maternel. Ils ont tous l’air humain. Ils ont tous l’air d’avoir des sentiments, et c’est pour cela que notre condition est si dure. Mais il faut l’accepter. Ce n’est qu’en l’acceptant que nous pourrons survivre.

Je sentis une larme couler sur ma joue, lentement. Je n’étais pas tout à fait sure de réussir à l’accepter. Je ne me sentais pas capable d’exécuter quelqu’un ainsi, sans préavis, ni jugement, même si c’était pour ma propre survie. Mais j’hochai tout de même la tête en direction de Léna, lui indiquant que j’avais compris la leçon. Léna me sourit et essuya la larme sur ma joue avec douceur.

-Maintenant, tu vas rentrer et te reposer, d’accord ? Gretel te donnera des somnifères, il est plus prudent que tu restes à l’infirmerie pour la nuit. Elle restera avec toi, d’accord ?

Je reniflai, et hochais la tête. Léna sourit encore et me reconduit dans l’infirmerie en me frottant le dos d’un air rassurant. Danny et Callie sortaient de l’infirmerie. Ils me firent un signe de main en me souhaitant bonne nuit, et repartirent en direction du château. Léna prit la main de Danny au passage, et la serra. Celui-ci sourit, lui rendit sa pression et continua sa route. Je vis Callie passer son bras sous celui de Danny et appuyer sa joue sur son épaule, l’air épuisée. Léna me poussa vers l’infirmerie. Gretel préparait des pilules bleues, les mêmes que j’avais piqué à Antoine. Celui-ci l’aider alors que Lucas était allongé sur le flan dans un lit, les yeux rivés sur le mur. Je voulus le rejoindre, ne serais-ce que pour savoir s’il allait bien, mais Antoine me retint par le bras en secouant la tête. Je lançais un regard éperdu à la main par laquelle il me tenait. Je n’aimais vraiment pas qu’on me touche ainsi.

-Laisse-le, demain ça ira mieux, me fit-t-il en m’emmenant dans un autre bout de l’infirmerie, sans prendre compte de la grimace que je venais de faire. Il a toujours ces petites périodes de déprime après ce genre de situation. Ça va passer. Jusqu’au prochain.

La voix d’Antoine s’était faite plus amère. Il s’inquiétait pour son frère, et pas qu’un peu. Il avait fini par me lâcher, et j’eus un petit sourire gêné. Je comprenais qu’il veuille qu’on laisse son frère en paix, alors j’hochai la tête.

-Je comprends tout-à-fait, consentis-je d’une voix encore rauque. Si je peux faire quelque chose.

Antoine eut un sourire un peu tordu (mais tous ses sourires étaient tordus, d’une manière ou d’une autre. Il fallait se méfier quand Antoine souriait, ce n’était jamais bon).

-Remet-toi toi-même, après on verra, éluda-t-il en haussant les épaules. Léna a dit que tu dormais ici, et Gretel propose que tu prennes sa chambre pour que tu sois tranquille. Tu veux ?
-Non, refusai-je. Je vais dormir ici, pas de problème. Gretel va surement vouloir sa chambre.
-Faux, rétorqua Antoine avec un sourire un peu plus sarcastique, qui lui ressemblait déjà plus. Si je dors ici avec Lucas, elle va vouloir dormir avec moi, comme d’hab.
-J’ai entendu, intervint Gretel en tapant dans l’épaule d’Antoine avant de l’embrasser sur la joue avec douceur. Arrête de l’embêter, tu vas lui donner des fausses idées. Tu veux un somnifère, Léonie ? Je viens d’en donner à Lucas, il est en train de doucement s’endormir. Très efficace, comme truc.

Je souris, et Gretel me mit la petite pilule dans la main avec un verre d’eau. Elle m’installa dans le lit à coté de celui de Lucas, qui paraissait dormir profondément. Gretel passa une main dans ses cheveux avec un air maternel. Je pris le cachet fébrilement. Ma dernière pensée en me glissant dans les draps fut la terreur de l’idée d’être dans le même état que Lucas, à chaque fois que je me retrouverais devant une Créature qui voudrait ma peau.

***


Le vent souffle fort dehors. Un éclair déchire le ciel. Mais je suis à l’abri, dans la voiture. Papa est à coté. Il me regarde en souriant.

-Le Ciel est en colère, mais ne t’en fais pas, Léo, ce n’est pas contre toi. Tu es prête ?

J’hoche la tête et papa tourne la clef pour mettre le contact.


J’ouvrai les yeux brusquement, comme si quelqu’un venait d’appuyer sur l’interrupteur « open », la respiration saccadée. Le soleil perçait à travers les rideaux de l’infirmerie, et le murmure lointain des oiseaux me parvenait aux oreilles. Je me redressai en me massant les tempes. Waho, ça faisait des années que je n’avais pas fait ce genre rêve… des espèces de fragments de mes derniers moments avec mon père. C’était toujours atrocement désagréable, car j’espérais toujours le voir sourire à coté de moi en me réveillant. Je secouai la tête pour chasser ses images sombres de mon esprit et regardai autour de moi. A coté de moi, Lucas était tourné de mon coté, toujours profondément endormi. Gretel dormait elle aussi encore à poings fermés, la tête sur les genoux d’Antoine. Celui-ci jouait tranquillement à la PSP. Il me lança un regard pendant une demi-seconde avant de se retourner sur son écran.

-Bien dormi ? demanda-t-il sans me regarder. Perso, la nuit était épouvantable. Gret’ n’a pas arrêté de ronfler.

Il était toujours aussi désinvolte, ce gars ? Son frère s’était fait attaqué, et il était tranquillement assis à jouer à la PSP.

-La ferme, marmonna Gretel d’une voix ensommeillée en remuant. C’est toi qui ronfles.

Antoine leva les yeux au ciel et caressa la tête de Gretel pour qu’elle se rendorme, sans cesser de pianoter sur sa PSP. Je souris avec un mélange de tendresse et d’appréhension. Mes yeux me brulaient, signe que je n’avais pas assez dormi. Malgré tout, l’odeur de sang, et l’horrible sentiment d’impuissance quand à ma situation d’enfant de Gaia novice s’étaient quelque peu estompées, mais j’avais toujours la désagréable impression que la déesse (pardon, l’entité) de la terre et celle du Soleil se moquaient de moi à tour de rôle. Des pas se firent entendre et la porte s’ouvrit sur Danny, qui portait un sac de viennoiserie et des gobelets. Je me redressais précipitamment, comme un chien qui sentait le gibier.

-C’est du café, ça ? m’enquis-je en me levant jusque lui avec convoitise.

Les sourcils de Danny disparurent sous ses cheveux et il me tendit un gobelet. Je l’attrapai et l’humai avec délice.

-Ah, du vrai café, soupirai-je doucement. Où tu l’as eu ? Celui de l’école est infect.
-Café du village d’à coté, j’y vais souvent pour avoir un petit-déjeuner digne de ce nom, m’apprit-t-il en en donnant un à Antoine, qui abandonna sa PSP avec une grimace. Tu vas arrêter de m’agresser à chaque fois que tu me vois ?
-Je ne sais pas, le taquinai-je après une gorgée bienfaisante. Tu as mis une clochette ?
-La ferme, me coupa Danny en posant un doigt sur ses lèvres. Il y en a qui dorment encore et si tu réveilles Lucas…
-Ouais, Danny a raison, intervint Antoine sans nous regarder. La ferme.

Je capitulai derrière mon gobelet de café et retournai m’asseoir sur mon lit en remontant mes couvertures sur les genoux. Il ne devait pas être plus de six heures du matin, et je m’étonnai d’avoir dormi aussi peu. Quoiqu’il en soit, le café me réveillait de façon efficace et évaporait les dernières effluves de sang qui persistaient dans mes narines, ainsi que les dernières images de mon rêve morbide. Mes mains avaient arrêté de trembler, mais ma jambe faisait encore des bonds nerveux. Il fallait que j’aille courir dans les plus brefs délais si je ne voulais pas me transformer en Callie d’ici quelque minutes. J’entendis Danny prendre des nouvelles de Lucas auprès d’Antoine, qui se contenta d’un simple « comme d’hab. » avant de reprendre sur un sujet qui lui tenait apparemment plus à cœur.

-Bon, pour les Sirènes qui sont entrée sans l’autorisation de Devyldère dans l’enceinte ? demanda Antoine avec une ironie dégoulinante. A moins que ce soit Devyldère elle-même qui les aient invités ?

Ça, c’était Antoine. Désinvolture, ironie, petite remarques glissées, pas toujours très agréables. Je comprenais pourquoi Callie ne pouvait pas le voir en peinture.

-Antoine, gronda Danny, la mâchoire contractée. Les théories du complot, ça suffit. Alors tais-toi, maintenant.

Le jumeau de Lucas voulut répondre quelque chose d’apparemment bien cinglant, le feu dans les yeux, mais Gretel remua sur ses genoux et il renonça pour rassurer son amie en fusillant Danny du regard. Celui-ci ne se priva pas de lui rendre la pareille en sirotant son café. Je restai recroquevillée dans mon coin à les observer tout les deux à tour de rôle, incapable de comprendre entre les lignes. Je rêvai, ou Antoine venait d’insinuer que la directrice aurait sciemment laissé entrer des Créatures d’Hélios ? Gretel finit par se redresser et à regarder autour d’elle, l’air de vouloir retourner se coucher immédiatement et consulta sa montre d’air air absent.

-Six heure et demi, constata-t-elle en piquant du café à Antoine. Trop tôt pour un dimanche matin. Merci pour les cafés, Dan. Tu gères. S’il y avait eu les croissants avec, ça aurait été …

Danny lui lança le sac de viennoiserie et l’odeur des pâtisseries fraiches acheva de réveiller Gretel, qui se redressa brusquement en ouvrant le paquet.

-Toi, mon grand, tu es mon nouveau meilleur ami, claironna-t-elle, avant de se reprendre devant le regard outré d’Antoine. Mais après toi, bien sûr, Tonio, tu sais très bien que tu seras toujours le premier homme de ma vie.
-Jusqu'à ton prochain mec, répliqua Antoine en piochant dans le sac. Pas de petits pains ?

Danny se passa judicieusement de commentaire alors que le jumeau de Lucas m’envoyait les viennoiseries. J’en pris une au hasard et les rendis à Danny, qui s’était assis prudemment au pied de mon lit, tout en surveillant Antoine du coin de l’œil. Je m’approchai de lui, ne supportant plus la tension qui s’était installée.

-Euh, il y a un truc qui ne va pas ? demandai-je à voix basse alors qu’Antoine et Gretel se chamaillait gentiment. C’est quoi cette théorie du complot ?
-Chut, me coupa-t-il en posant un doigt sur ses lèvres. Tu vas réveiller Lucas. J’y vais, tu lui donneras ça ?
-Lâcheur, grommelai-je alors qu’il prenait la porte, me laissant les croissants et le dernier gobelet de café. Mais à qui il croit parler ?

Gretel avait finit par laisser Antoine à sa PSP (apparemment, celui-ci n’avait pas dormi de la nuit, se contentant de jouer à ses jeux, inlassablement) et me proposa de prendre ma douche dans sa chambre, à l’arrière de l’infirmerie. J’acceptai avec plaisir, et après avoir fini mon café, je filai dans sa salle de bain. Faute d’avoir accès à mes affaires, j’avais dormi dans mes vêtements, qui étaient chiffonnés et couvert de boue. Je grimaçai, les abandonnai sur le sol pour me glisser dans la douche. Je tentai de remettre toutes mes idées en place en posant mon front sur le carrelage froid. D’accord. Résumons : nous nous étions fait attaquer par des Sirènes qui avaient fait leur nid dans l’enceinte de l’école, ce qui était strictement impossible compte tenu du fait que le Sceau de … Comment s’appelait-t-il déjà ? Peu importe ! Un certain Sceau empêchait toutes Créatures d’Hélios d’entrer ici. Antoine pensait que la directrice (que je n’avais toujours pas vue. C’était une légende, cette dame ?) était peut-être responsable de tout ça. Pourquoi, je n’en savais rien, mais Danny trouvait ça aberrant. Que pensaient ces deux-là, aucune idée. Le quel avait raison ? Encore moins ! Tout ce que je savais, c’était que ma malchance perpétuait, puisque des choses inhabituelles se passaient alors que je venais d’arriver ici. La plaie ! Je passai fébrilement une main dans mes cheveux. Dans l’absolu, ce n’était pas mes affaires. Dans l’absolu, c’était à l’administration de s’occuper de ça. Moi, tout ce que j’avais à faire, c’était étudier et me barrer d’ici après l’obtention de mon bac pour vivre plus ou moins normalement. Ce problème de Sirène clandestines ne me concernait pas. Mais malgré tout, l’angoisse me tenait en haleine : si elles avaient pu rentrer, d’autres Créatures d’Hélios pourraient en faire de même, non ? Pitié, deux fous, et un pervers flippant, ce n’était pas assez, il fallait inviter les oiseaux ! (Je n’avais jamais eu vraiment peur du film d’Hitchcock, mais là, il m’apparaissait comme une œuvre prémonitoire) A quand les autres monstres ? L’odeur du sang réapparu brusquement dans l’air, et je fis un gros effort pour contenir ma nausée. Je pris ma douche rapidement, frottant chaque parcelle de mon corps ayant été en contact avec le sang des créatures, et lavant fébrilement mes cheveux, ne serait-ce que pour mettre en mouvement. Quand je sortis de la salle de bain de Gretel (que j’avais tout embuée), je vis Antoine rôder autour du lit de Lucas alors que celui-ci buvait son café en le gratifiant de remarque qu’il voulait sans doute rassurante :

-Ça va, Tony, je vais bien. Tu vas arrêter de t’agiter comme ça ?

Antoine grommela quelque chose d’incompréhensible, sans cesser de faire les cents pas, provoquant un soupir de la part de Lucas. En effet, il avait meilleure mine qu’hier, et paraissait pouvoir sourire sans y être forcé. Mais je comprenais l’inquiétude d’Antoine : elle était légitime. Elle était carrément légitime. La culpabilité me noua a nouveau la gorge, et je me contentais de faire un signe de main à Lucas et Gretel avant de m’élancer vers l’extérieur. Je respirai l’air frais avec délice. Il n’était pas encore sept heures, tous les élèves dormaient encore. C’était parfait.
Parce que cette fois, j’en avais absolument besoin : il fallait que je cours.
Mes jambes se délièrent naturellement, sans que mon cerveau n’ait à commander quoique ce soit. Je me retrouvai dans le parc, puis traverser l’arène ouverte en montant, puis descendant les gradins et continuer en longeant les bois qui se trouvaient autour du domaine. Tout était parfait, j’avais perdu la notion du temps, avait complétement cesser de réfléchir… jusqu’à que mes jambes me ramènent devant l’arbre ou les Sirènes avaient établis leur nid hier soir. Je me stoppai net, tétanisée, les yeux rivés sur les branches. Elles se balançaient doucement, agitées par le vent d’automne. Le nid avait disparu, mais il régnait encore ici une ambiance lourde et malsaine. Le sang avait été nettoyer, et les corps des Sirènes incinéré, vu l’odeur âpre qui subsistait. La Terre – notre chère protectrice - devait être gorgée du sang des créatures tuées. Quelle ironie cruelle. La bille me remonta à nouveau à la gorge, mais cette fois, je m’abstins de vomir. Ces créatures avaient failli avoir ma peau, hier, et je ne devais mon salut qu’à la perspicacité de Danny. Ça m’agaçait d’avoir une dette envers un gars que j’avais dénigré juste avant qu’il ne me sauve la mise. Mais ce qui m’agaçait encore plus, c’était de ne pas savoir pourquoi son intervention avait dû être utile. Léna m’avait promis la tranquillité à Sappho. Et j’étais bien décidée à avoir cette tranquillité. Ça avait été tranquille, jusqu’à que des oiseaux bizarres se mettent à l’abri dans un des arbres du domaine.
Oh, stop. Rembobinage.
A l’abri ?
Une fois de plus, le souvenir de mon père me revint en mémoire. Je fis les cents pas devant l’arbre, l’évaluant du coin de l’œil, le cerveau en surchauffe. Il faut que j’en ai le cœur net, décidai-je, résolue. Je m’approchai de l’arbre et me mis à grimper. Ce ne fut pas très compliqué. J’avais passé mon enfance à grimper aux arbres, avec mon père. Une fois sur la cime, il m’avait toujours demandé de me souvenir de l’écorce de l’arbre, de repérer la moindre parcelle de vie sur son tronc et ses branches. L’arbre était le gardien de ces vies, comme la Terre était gardienne des notre. L’arbre était gardien de chaque vie qu’il abrite et à chaque fois que je grimpais sur lui et que je me réfugiais au cœur de son feuillage, il devenait mon gardien.
Et oui, mon père m’avait dit énormément de choses étranges.
A présent, je me demandais s’il ne l’avait pas apprise à Sappho.
Papa avait dit : l’arbre est gardien des créatures qu’ils l’abritent. Or, cet arbre avait abrité les Sirènes – Créatures d’hélios. Ces créatures ne sont-elles pas une menace naturelle des créations de Gaia que sont les arbres et ses espèces protégés ? Il aurait dû protéger ses habitants contre les Sirènes (ne me demandez pas comment, c’était un raisonnement purement théorique). Or, elles avaient pu s’y développée. Donc, soit mon père m’avait menti quand j’étais petite (ce qui était fort probable, quand on voyait le nombre de chose qu’il m’avait caché), soit l’arbre avait considéré que les Sirènes n’étaient pas une menace. Et dans ce cas là…
En fait, j’ignorais ce qui se passerait, dans ce cas là.
D’accord, je savais que c’était irréfléchi de baser un raisonnement sur ce que vous racontait votre père quand vous étiez petite. C’était immature de monter sur cet arbre pour vérifier cette même théorie absurde. Mais c’était plus fort que moi, il fallait que je le fasse. C’était comme ça que mon père m’avait élevé, et je n’avais pas tout-à-fait tout perdu de son enseignement. Quelque traces restaient, marques indélébiles de son passage dans ma vie. Et de sa présence dans mes gènes.
J’atteignis finalement la branche dans laquelle les créatures avaient établi leur nid. Plus rien ne subsistait de celui-ci. Les poils sur mes bras s’hérissèrent. Je ne devrais pas être ici. Pourquoi, je n’en savais strictement rien. C’était comme un rappel instinctif, inné. Je m’ébrouai pour faire disparaître cette désagréable impression, et examinai la branche et celles alentour. Leurs feuilles étaient flétries et sèches, et il n’y avait pas âmes qui vivent dans cette partie de l’arbre. Et c’était justement ça qui m’inquiétait. J’avais escaladé assez d’arbre pour savoir qu’ils grouillaient de vie diverse. Fourmies, insectes, oiseaux, écureuils, parfois. Mais là, c’était le calme plat, comme si les Sirènes avaient ravi toutes énergie à l’arbre. La constatation était pour moi assourdissante. Je m’élevai pour appuyer mon pied sur la branche afin de m’hisser sur les cimes. Comme me l’avait enseigner mon père, je mémorisai le motif de l’écorce de l’arbre et ce fut en parcourant le tronc des yeux que je vis le sigle, gravé profondément dans le bois, nettement. Je grommelai en voyant les lignes continues qui semblaient formé vaguement des lettres archaïques. Je levai la main et commençai passait mes doigts sur ses lettres quand j’entendis un craquement sinistre sous moi. Je lançai un regard paniqué à la branche qui me soutenait et réalisai avec horreur que le craquement venait de là. Elle était en train de céder sous mon poids.

-Pitié, non, suppliai-je en m’agrippant à une autre branche, au dessus de moi, cette fois. Ne me lâche pas, ne me fais pas ça…

J’évaluai fébrilement la distance qui me séparait du sol. Pas de quoi me tuer, apparemment, mais si je pouvais éviter la chute, c’était bien aussi. Peut être que je pouvais bouger et descendre avant le bois ne cède. Mais la branche craqua à nouveau et fut précipité dans le vide. Je m’accrochai de toutes mes forces à la branche du dessus, mon cœur battant à la chamade. Mes mains s’écorchaient douloureusement. Elles étaient moites, et le sang provoqué par les écorchures ne les rendait qu’encore plus glissantes. Je ravalait un cri de terreur et expédiai tout l’air de mes poumons pour me détendre. La conjecture de Lucas me revint comme un flash en mémoire. « Je me demande si elle peut se téléporter elle-même ». Oh, ce serait tellement parfait, pitié, priai-je avec désespoir. Je fermai les yeux et tentai désespérément de faire disparaître la douleur qui traversait mes paumes. En vain. Avec un cri de douleur, je finis par lâcher mon perchoir, en priant de toutes mes forces pour que Lucas ait raison.
Dernière modification par Perripuce le mer. 16 mars, 2016 5:46 pm, modifié 2 fois.
delph212000

Profil sur Booknode

Messages : 233
Inscription : mar. 01 avr., 2014 10:54 am

Re: Les enfants de Gaia. (Fantastique/Fantaisie).

Message par delph212000 »

Super ces chapitres ,effectivement ils sont long mais ça ne me gêne pas. Les descriptions sont bonnes aussi bien des lieux que des sentiments. La scène d'action est bien décrite.On comprend bien que Léonie est perdue partout ces changements et qu'elle a un peu de mal à s'adapter, ça m'étonne quand que personne a part les 3 du départ ne viennent lui parler pour savoir qui elle est et d'où elle vient.
J'aime bien Lucas il a l'air gentil et j'aime bien son frère aussi meme si j'ai du mal à comprendre sa relation avec Gretel. Callière j'ai un peu du mal à la cerner et Hugo je comprend pourquoi il lui en voudrais que son IPod ai atterri dans sa chambre.
Dani j'ai du mal au départ il avait l'air sympa ensuite il l'ignore et après il râle des qu'elle s'approche de lui.
Par contre je comprend pas normalement ils ne font rien si dani dit" je le sens pas" et justement pour la fête il dit qu'il ne le sent pas donc les autres devrait annuler la fête.
D'ailleurs pour la fête au début tu parle de " squatte" soit c'est un terme jeune pour dire une fête que j'ai pas compris soit ta phrase est mal faite.
Il y a quelques erreurs de temps et de fautes d'orthographes dans la deuxième partie du chapitre 5 j'ai rien vu dans les autres je te relèverai plus tard si tu veux.
A part ça ton histoire est bien construite tu sais tu va et on a envie de connaître la suite continué comme ça et vivement la suite.
Perripuce

Profil sur Booknode

Messages : 1271
Inscription : lun. 11 mars, 2013 7:13 pm

Re: Les enfants de Gaia. (Fantastique/Fantaisie).

Message par Perripuce »

Pour cette fois je répond directement sur la page, parce que je pense qu'il faut expliciter peut-être x)
C'est vrai que je n'avais pas penser au problème de la "nouveauté", mais j'avais aussi peur d'introduire beaucoup de personnage d'un coup, déjà que là je trouve que je suis limite limite …
Antoine et Gretel c'est une relation un peu spéciale, qui sera plus explicitée dans la suite. Genre de relation d'amour purement platonique, de fraternité, proximité mentale et physique … C'est ambiguë aux yeux de tout le monde, sauf des leurs, en fait :) (je pars peut-être un peu loin?)
Pour Hugo et l'IPod, c'est surtout parce que Léonie a un pouvoir assez puissant, c'est pas vraiment qu'il lui en veut, c'est de la suspicions, méfiance.
Danny va prendre plus d'épaisseur après, et l'ambiguité se lèvera petit à petit :) S'ils n'annulent pas la fête, c'est surtout parce que Danny peut sentir des petite choses comme des plus grosse, individuelles comme collectives; ils ne savent pas de quelle nature est la menace, si ça se trouve, ça ne concerne que Danny … Bref, la prudence sera de mise, mais pas jusque annuler la fête. Mais c'est vrai que je devrais expliciter ce fait !
Peut-être que j'ai mal orthographié, mais "squatte", sans être un synonyme de "fête", c'est relativement la même idée dans ce contexte, même si c'est pas le sens premier. C'est plus posé, plus désorganisé, on va dire :)

Bref, merci pour le commentaire ! :) C'est gentil de prendre le temps de lire ! :)
Dernière modification par Perripuce le mer. 16 mars, 2016 5:47 pm, modifié 1 fois.
delph212000

Profil sur Booknode

Messages : 233
Inscription : mar. 01 avr., 2014 10:54 am

Re: Les enfants de Gaia. (Fantastique/Fantaisie).

Message par delph212000 »

Elle arrive dans une nouvelle école c'est normal qu'elle rencontre renouvelles personnes et ça il n'y a pas beaucoup de personnages a suivre :D
Après si tune décris parce qu'ils n'ont pas d'intérêt c'est normal je trouve juste bizarre que l'amibe hé ou la fille des chevaux et quelques autres sans intérêt ne viennent pas lui parler. Dans un pensionnat et encore plus où ils ont des pouvoirs ( ca me fait penser l'école de Charles Xavier dans Xmen) les élèves ont sûrement tendances à se comparer à savoir qui le plus gros pouvoirs meme si c'est pas encouragé par les profs les gamins sont comme ça. Donc je trouve un peu bizarre que personne ne viennent lui demander comment elle est arrivée la, quel est sont pouvoirs et que la pioche ce n'essaye pas de la recruter dans sa cour. Et si la seule amie de Callière c'est la fille aux chevaux c'est qu'elle ne la présente pas a Léonie. En fait meme si les autres ne sont que des figurants ils donnent corps à l'histoire.
Regarde dans Harry Potter il n'y a pas que Harry, Ron et Hermione et meme si dans le premier livre ils sont quasiment pas présent on rencontre les autres élèves tels que Neville ou Luna c'est juste pour l'ambiance en fait.
Perripuce

Profil sur Booknode

Messages : 1271
Inscription : lun. 11 mars, 2013 7:13 pm

Re: Les enfants de Gaia. (Fantastique/Fantaisie).

Message par Perripuce »

Oui je sais, mais c'est aussi des choses qui se font petit à petit :) Evidemment que il y aura des personnages (très) secondaire qui meubleront le récit, et j'en ai déjà posé les graines (Alex, Salomé, etc …) Après je les approfondis pas trop pour un problème de longueur : Je trouve que je traine un petit peu à la base, et si je rajoute les persos comme ça dans les dialogues et tout … J'ai peur d'être vraiment trop longue :)
delph212000

Profil sur Booknode

Messages : 233
Inscription : mar. 01 avr., 2014 10:54 am

Re: Les enfants de Gaia. (Fantastique/Fantaisie).

Message par delph212000 »

C'est des choses que tu verra a la relecture quand tu aura fini l'histoire.
Ton texte est déjà bien structuré les détails tu verra après et la longueur des chapitres n'est pas importante dans certains livres les chapitres sont trés longs cela dépend des auteurs il y a meme livre ( je crois que c'est" la route" de Jack Kerouac) qui est écrit d'un seul bloc sans aucuns chapitres.
Marie-A

Profil sur Booknode

Messages : 206
Inscription : sam. 03 janv., 2015 4:54 pm

Re: Les enfants de Gaia. (Fantastique/Fantaisie).

Message par Marie-A »

Bonsoir.

Voilà, j'ai lu le 2ème chapitre et aussi le 3ème. Franchement c'est super bien !
J'adore ce début d'histoire et je pense que la suite me plaira également. Attention tout de même à quelques mots inversés, des lettres qui en remplace d'autres et parfois à la conjugaison des verbes. Et dans le chapitres 3, on dit un vassal/des vassaux. ;-)
Mais sincèrement, tu m'embarque dans ton histoire !
Perripuce

Profil sur Booknode

Messages : 1271
Inscription : lun. 11 mars, 2013 7:13 pm

Les enfants de Gaia - Chapitre 6. (Fantastique/Fantaisie).

Message par Perripuce »

Bonjour !
Voilà le chapitre 6 !
J'ai espacé un peu pour la mise en page, j'espère que ce sera plus facile pour vous de le lire :)
Cette fois, le chapitre est en trois parties, mais ça risque d'être tout le temps comme ça ! (mes chapitres sont d'une incroyable longueur --') Toute mes excuses ! Idem pour les fautes x)
Bonne lecture, n'hésitez surtout pas pour les commentaires !


Chapitre 6 (1/3) : Suspicions.

1) Lucas n’avait pas raison.
2) Mon père était en menteur.

Parce qu’évidemment, j’étais tombée et m’étais écrasée à terre. Donc, non seulement je ne pouvais pas me téléporter moi-même, mais en plus, l’arbre n’était pas « gardien de tout ce qui était en lui ». Donc non seulement, il ne veillait pas sur les organismes vivants qui s’épanouissaient ordinairement en son sein, mais en plus, il me faisait tomber. Par conséquent, quand je verrais mon père dans l’au-delà, je lui conseillerais vivement d’éviter, lors de sa prochaine réincarnation, de raconter des conneries à ses enfants afin que ceux-ci évitent de le croire et de finir comme moi, à tomber ridiculement du haut d’un arbre. De plus, c’était extrêmement douloureux. J’avais senti les os de mon poignet céder quand j’eus tenté d’amortir ma chute, et ma cheville devait avoir quelque chose, car j’avais l’impression qu’elle allait se décrocher du reste de ma jambe. Salomé m’avait entendu crier alors qu’elle allait nourrir les chevaux et m’avait immédiatement amené à Gretel, tant bien que mal. Finalement, ce n’était pas trop grave. Luxation à la cheville et au poignet (je m’étais étonnée de ne pas l’avoir cassée, parce que j’avais vraiment entendu un craquement, sec et répugnant.) Plusieurs égratignures au visage et au bras, et mes mains étaient à vif. Gretel n’avait pas cessé de répéter que j’étais la personne la plus chanceuse qu’elle n’avait jamais eu dans son infirmerie. Salomé, qui apparemment, en plus d’être la fille d’écurie, était la commère de service, s’était empressée de raconter l’accident dans le foyer, et dix minutes après que Gretel en eut fini avec moi, Callie débarqua, les yeux rouge (vraiment, rouge. Blanc comme iris) de fureur.

-Gaia toute puissante, on peut savoir ce qui t’es passé par la tête ? s’exclama-t-elle en s’asseyant au bout de mon lit.

Le blanc de ses yeux était finalement redevenu blanc, mais ses iris étaient restées écarlates. Je grimaçai. Gretel avait atténué la douleur à mes blessures, mais les mots de Callie semblaient la raviver. Sans compter qu’elle n’avait pas fini.

-J’ai eu la trouille quand Salomé est venu dire que tu étais tombé du haut d’un arbre ! Au début, je ne l’ai pas cru – qu’est ce que tu es allé faire là, sérieusement ?! Tout le monde se demandait la même chose, au début, on pensait tous que tu étais morte ! Tu es au courant que tu as une chance de … mais pourquoi tu secoues la tête comme ça d’un air désespéré ? Dis que je te soule aussi ! Bien toi aussi tu m’as soulé ! Je te rappelle que j’ai une responsabilité envers toi ! D’une manière ou d’une autre, je suis responsable de tes actes ! Il est donc de mon devoir d’empêcher que tu fasses des actes saugrenus – comment monter à des arbres sans raison ! – afin que ta réputation – et la mienne – n’en prennent pas un coup.
-Tu as fini ? soupira Lucas, qui lisait sur le lit d’en face. C’est déjà assez pénible de tomber d’un arbre et de se balader en béquilles pendant les deux prochaines semaines : elle est déjà punie. Tu ne vas pas lui faire payer en plus, non ? Elle a compris.

Callie parut prendre l’argument en considération un instant, puis marmonna qu’en effet, j’étais assez punie, et se referma dans un mutisme reposant pour mes pauvre oreilles, qui en pâtissait depuis dix longues minutes. Nous étions tout les trois à l’infirmerie, ce dimanche après-midi. Gretel m’avait laissé à leurs bons soins alors qu’elle était partie faire un rapport à Léna, Antoine sur ses talons (qui n’avaient cessé de me lancer des piques pendant plus d’une heure, plus ou moins désagréable.) et m’avait donné des antidouleurs avant de partir. Mon bras et ma cheville étaient en attelle et mes mains bandées. La douleur était sourde, lointaine, mais je commençais à avoir mal à la tête après la discourt de Callie. J’articulai un « merci » silencieux pour Lucas, qui me sourit en retour.

-Mais elle a raison, tout de même, enchérit-t-il. Pourquoi tu as grimpé dans cet arbre ?

Il était adorable, mais curieux. J’aurais préféré ne pas avoir à me justifier, mais puisque je devais le faire…

-Oh, pour rien, je faisais souvent ça quand j’étais petite, prétextai-je le plus naturellement que possible. Quand je suis énervée, j’ai besoin de bouger le plus que possible, alors je cours, je grimpe …

Ce n’était pas vraiment un mensonge, puisqu’en effet, il m’arrivait parfois de monter aux arbres. Mais ce n’était pas tout-à-fait pour cette raison que j’étais montée là-haut… D’accord, il ne fallait que je serve cette excuse là à Danny (quoique, puisque ce n’était pas vraiment un mensonge, peut-être que ça passerait ?) mais elle parut satisfaire Lucas, qui eut un sourire triste à mon égard.

-J’avoue que tu as de quoi être énervée, admit-il. Ton arrivée à Orléans n’était déjà pas facile, mais ton premier week-end ici, c’est presque pire. On est désolé, d’habitude, ce n’est pas aussi fou, ici.

Callie leva les yeux au ciel et je retins un gémissement quand je compris qu’elle avait eu ses cinq minutes de silence quotidien.

-Si, d’habitude c’est plus fou, rectifia-t-elle. Mais ce n’est pas fou dans le même sens. Là c’est fou négativement parlant. On sait pourquoi les Sirènes ont pu rentrer, en fait ? Le Sceau est en défaillance ?
-Au bout de deux siècles, ça ne m’étonnerait pas tant que ça, avança prudemment Lucas. Rien n’est éternel, un jour ou l’autre, le Sceau perdra son pouvoir. Enfin, je pense.

Il parlait d’une voix posée, doctorale, mais d’une prudence extrême, comme si la question du Sceau était un sujet épineux. Callie tripota ma couverture. Ses yeux avaient pris une plus naturelle couleur marron, et ses cheveux étaient restés d’un roux soutenu, presque rouge. Un peu plus, et on la prenait pour ma sœur. La blague.

-Ce n’est pas la théorie de ton frère, insista-t-elle avec une timidité qui ne lui était pas coutumière.

Pourtant, et ce malgré la prudence, son ton était profondément dubitatif. Je tiquai en fronçant les sourcils.

-La fameuse théorie du complot ? m’enquis-je en me souvenant de ce que Danny avait dit ce matin.

Lucas me lança un regard agacé, signe qu’il ne voulait clairement pas s’aventurer sur ce sujet, mais Callie hocha la tête, une moue de dépit aux lèvres.

-Oui. Danny déteste qu’on en parle – et il semble avoir converti Lucas -, mais … (elle coula un regard sur Lucas, qui avait résolument mis son nez dans son livre pour ne pas participer à la conversation.) Pas que j’y croie. Non, je trouve ça complétement tiré par les cheveux. Cependant, je trouve qu’Antoine a raison sur certains points. On peut croire que le Sceau n’a plus son pouvoir… ou que quelqu’un le lui enlève.

Je m’efforçai de ne pas laisser paraître mon étonnement. Depuis quand Antoine et Callie étaient d’accord ?

-La directrice ? m’étonnai-je en haussant les sourcils. Et comment ferait-t-elle ça ?
-Moi ma question, c’est pourquoi, intervint Lucas, visiblement contre son gré. Elle n’a aucun intérêt à nous mettre en danger.

Callie se trémoussa, mal à l’aise. Ses yeux étaient passés à une couleur gris orage, tumultueuse et incertaine.

-Pas si …, commença-t-elle avant de s’interrompre d’elle même, indécise.

Lucas lui lança un regard étrange au dessus de son livre.

-Si quoi ? la poussa-t-il, toujours avec prudence. Si c’est une Créature d’Hélios ? Callie, d’un point de vue objectif, c’est absurde. Une créature d’Hélios humaine a perdu toute raison, elle ne serait pas capable de gérer un établissement !
-Il est possible qu’elles aient évolué, rétorqua Callie, qui soudainement semblait reprendre confiance en elle. Tu l’as dit toi même, rien n’est éternel.

Lucas s’apprêtait à répliquer, mais je le devançai en soufflant dans le sifflet de Callie. Le son strident les fit taire tout les deux, à mon plus grand soulagement. Callie porta la main à sa poche, et je souris. Je l’avais téléporté. Je n’avais pas eu envie d’élever la voix (ils faisaient ça très bien tout seuls), mais simplement envie de les réduire au silence, le temps d’y voir plus clair dans tout ce qu’ils disaient
.
-Merci beaucoup. Maintenant, vous pouvez m’expliquer ce qui pousse Antoine à penser que la principale est une créature d’Hélios ?

Callie me lança un regard boudeur et je lui rendis son sifflet avec un soupir. Lucas, lui, me fixa une minute, le visage fermé, puis souffla profondément, l’air résigné.

-Pas mal de chose, avoua-t-il en se laissant aller contre le mur. Mais ce n’est pas lui qui a inventé cette théorie, ça fait plusieurs années qu’elle existe. On peut dire ce qu’on veut de mon frère, mais lui, au moins, il connaît les arguments qui vont dans ce sens, contrairement à d’autre. Le fait qu’on ne la voit jamais, par exemple. Certaine créatures humaines craignent la lumière – tu as surement déjà entendu parler des fameux vampires ? Quand on la voit, elle est toujours impassible, elle nous regarde de haut, nous parle sèchement, comme si elle ne supportait pas les élèves – mais vraiment, on dirait presque que c’est personnel. Et puis, il y a toute l’aura qu’elle a autour d’elle : on ne sait pas quels sont précisément ses pouvoirs, mais elle sait tout. Vraiment, elle est omniprésente, et j’avoue que cet aspect là de Devyldère est effrayant. Mais surtout, depuis qu’elle est devenue directrice, à la mort de l’ancien directeur, il y a une dizaine d’année, on a recelé pas mal … d’incidents, liés à des fuites de créatures. Ça n’a jamais vraiment trop inquiété les élèves ou l’administration… jusqu’à…

Il s’interrompit, indécis. Callie renifla et lui lança un regard torve.

-Geoffrey.

Lucas hocha la tête. Mes yeux firent la navette entre le regard triste, voir torturé de Callie et le visage fermé de Lucas. J’attendis patiemment, et quand il se rendit compte que j’attendais les explications, il poussa un soupir.

-Ça a entrainé la mort d’un groupe d’élève, il y a sept ans, poursuivit Lucas d’une voix éteinte. Dont le grand frère de Danny, Geoffrey.
-Danny avait un frère ? murmurai-je, surprise.

Lucas hocha tristement la tête.

-Oui, mais … Geoffrey était un cas particulier, chez nous. Il n’était pas un enfant de Gaia, mais il avait été admis tout de même à l’école parce que c’était un petit génie. (Il sourit tristement) un vrai, pour le coup. Evidemment, il n’allait jamais aux entrainement, ou au 3A. Mais comme sa mère travaillait comme prof ici, que son potentiel lui permettait de suivre convenablement les cours, et que derrière, il y avait eu Danny, qui lui était en enfant de Gaia… Ils ont accepté qu’il étudie ici. Avec nous. C’était vraiment un type génial, tout le monde l’adorait. Lui, sa copine et trois autres amis étaient à l’arène quand des Créatures d’Hélios humaines sont apparues. Des vampires, tant qu’on en parle. Ils n’étaient pas assez pour tous les combattre, et les secours sont arrivés trop tard. Il n’y qu’une personne qui ait survécu. Tu la connais, ajouta-t-il avec un sourire affligé. C’est Léna.

Je sursautai, interdite. Callie eut aussi un sourire chagriné en haussant les épaules, blasée.

-Elle sortait avec Geoffrey, expliqua-t-elle. D’après Gretel, c’était vraiment le couple emblématique de Sappho. Geoffrey Hautroi et Léna Duriez. Ils avaient déjà prévu de s’installer ensemble à Orléans pour aller à l’université. Mais ça ne c’est pas passer comme ça…
-Léna a survécu de justesse, continua Lucas d’une voix blanche. J’étais déjà là, à l’époque, contrairement à Callie, et crois-moi, je me souviens encore du cri qu’elle a poussé quand elle s’est rendue compte que son copain n’avait pas survécu. Elle est allée en dépression et tout, mais au final, elle s’est plutôt bien remise.
-Même si on dirait que depuis, elle est entrée dans les ordres, se sentit obliger d’ajouter Callie d’un ton malicieux.
-Cal ! la réprimanda Lucas, l’air scandalisé. Si tu voyais ton copain mourir sous tes yeux, tu aurais envie de retenter l’expérience ? De toute façon, on s’en fiche. Toujours est-il que les Créatures n’auraient jamais dû traverser le Sceau ce jour là. Devyldère n’a jamais donné d’explication à cette fuite, et ça a donné lieu à de nombreuses spéculations – dont la théorie du complot. Mais depuis cet incident, il n’y a plus de fuite, ou du moins, aucune meurtrière… jusqu’hier.
-Celle d’hier n’était pas meurtrière, c’est juste ton petit cœur qui en a prit un coup, le taquina la jeune fille avec un sourire.
-Cal, arrête !

Les yeux de Callie roulèrent dans leurs orbites et Lucas soupira d’un air désespéré, comme s’il se disait « Callie restera toujours Callie ». Moi, je gardais un instant le silence, troublée. Ça m’expliquait partiellement pourquoi Antoine pensait que la directrice était une Créature d’Hélios, certes, mais ça m’expliquait aussi quelque peu le comportement de Léna, autant qu’il me rendait perplexe. Si les Créatures avaient pu s’aventurer dans l’enceinte et tuer son copain… alors pourquoi elle m’avait vanté la sécurité de Sappho ? Peut-être qu’entre temps, elle avait su d’où venait la faille. Que celle ci s’était « rebouchée » et qu’à présent, on était effectivement en sécurité. Lucas avait dit qu’il n’y avait plus eu d’incident depuis la mort de Geoffrey Hautroi. Jusqu’à aujourd’hui. Qu’est ce qui était passé dans la tête de Léna, quand Callie était venue la voir en catastrophe pour lui annoncer que des Créatures nous avaient attaqué – sachant que dans le lot, il y avait Danny, soit, le petit frère de son petit ami tué ? Je sentis mon cœur se serrait à la pensée de la terreur qu’avait dû ressentir Léna. C’était comme une bis repetita de sa propre situation. « Elles sont moins que des animaux, elles sont dangereuses, pour nous et l’humanité. » m’avait-t-elle dit d’un ton dur et catégorique à propos des créatures d’Hélios. Ça m’avait parut brusque, mais à présent je comprenais. Comme aurais-je réagis si j’avais vu des monstres assassiner mes amis ? Si Lucas, ou même Danny, étaient mort dans l’attaque et que moi j’avais survécu, quels auraient été mes sentiments vis-à-vis de ces Créatures ? J’aurais voulu les voir mourir, réalisai-je, comprenant ainsi la dureté de Léna. Je soupirai pour évacuer tout la mélancolie et la tristesse qui s’était emparée de moi. Lucas et Callie ne paraissaient pas se battre pour parler non plus. Ça aurait dû me réjouir que Callie se taise, mais ça m’embarrassait. Ce n’était pas vraiment naturel, une Callie qui ne parlait pas. Je savais que je me tirais une balle dans le pied, mais je ne pus m’en empêcher et engager la conversation avec elle :

-Si tu veux me copier, fais un roux un peu plus foncé, pas rouge, la taquinai-je en prenant une mèche de cheveux entre mes doigts valides.

Elle me lança un regard étrange, puis eut un sourire espiègle. Elle secoua la tête et ses cheveux perdirent une teinte pour devenir roux foncé, et ses yeux s’assombrirent pour prendre la couleur chocolat liquide qu’était la mienne. Je souris, amusée, et éclatai de rire quand elle se tourna vers moi avec un grand sourire satisfait. Lucas s’esclaffa aussi et voulut prendre une photo, car d’après lui, on ressemblait presque à des sœurs jumelles. Callie se cacha dans mes couettes pour y échapper, mais Lucas eut finalement sa photo quand elle ressortit, pensant qu’il avait rangé son téléphone. Ils restèrent avec moi jusque tard le soir. Gretel revint avec Antoine, sandwich à la main et Callie leur sauta carrément dessus parce qu’elle crevait la dalle. Antoine passa la soirée à tenter de prendre Callie en photo, après que Lucas eut raconté le mal qu’il avait eu, et Gretel changea mes pansements aux mains.

-Waho, les plaies sont belles, remarqua-t-elle en tapotant avec une compresse de désinfectant. Presque cicatrisée. T’es vraiment une petite veinarde.

Elle examina ensuite mes attelles et effleura ma cheville. Décidément, d’après elle, j’avais les os durs. J’aurais dû avoir quelque fractures, au vue de la hauteur à la quelle j’étais tombée. J’aurais cru aussi, mais il fallait croire que j’avais l’ossature solide. Gretel continua de m’examiner un instant, les sourcils froncés.

-Dis donc, tu es une vraie casse-cou, toi, me fit-t-elle remarquer en touchant ma jambe droite. Fracture du tibia droit, du radium gauche, pas mal de luxation à l’épaule et l’omoplate… (Elle me regarda avec un sourire moqueur). Tu passais donc ton temps à te prendre aux arbres ?
-La fracture de la jambe, ce n’était pas à un arbre, c’était une chute de ski, précisai-je en trépignant. J’avais neuf ans, donc la guérison est allée vite. Et les luxations, c’était du temps où je faisais de la gym.

Très longtemps. J’avais arrêté à treize ans. Trop structuré et trop rigoureux pour moi. Un peu comme Callie avec la danse classique, je supposais.

-Mais comment tu sais tout ça ?
-Je le lis, répondit-t-elle simplement en rangeant son matériel. Je lis à l’intérieur de ton anatomie, comme une radio, mais en plus précis. Ça a été très vite, la ressoude des os. Impressionnant, tu as dû avoir un très bon médecin. Tu me fileras son nom, pour que je sache comment il a fait ? Bref, vu comment tu vas, tu pourras aller en cours demain sans aucun problème. Mais tu dors ici ce soir et tu viens me voir le midi. Je t’ai à l’œil, petit oiseau.

Le surnom dont m’avait affublé Eglantine, l’entraineuse d’arme légère, dés mon arrivée semblait avoir gagné pas mal de monde. C’était plus élégant et raffiné que tout les autres surnoms que l’on m’avait donné (ne citons pas « la rousse aux bois dormants » de Callie), mais ça donnait une impression de légèreté de d’élégance qui m’embarrassait un petit peu – qui n’était pas moi. Gretel me sourit et partie séparer Antoine et Callie, car celle-ci, n’y tenant plus, s’était jetée sur lui pour lui arracher son portable. Simplement, ce qu’elle ne savait pas, c’est que Lucas prenait des photos en douce. Il me fit signe de me taire et je ris sous cape. Finalement, vers vingt-et-une heure, Gretel les vira tout les trois de son infirmerie. Seul Antoine eut le droit à dix minutes de rabe, pendant lesquelles il aida son amie à ranger l’infirmerie et le désordre qu’il avait mis avec Callie. Finalement après avoir négocier pendant quelque minutes avec Gretel pour dormir ici, elle finit par le mettre à la porte avec un soupir.

-Ah les mecs, je vous jure, se lamenta-t-elle, néanmoins un sourire aux lèvres.
-Tu n’es jamais sortie avec Antoine ? lui demandai-je avant de me mordre la lèvre.
Espèce de curieuse finie ! Mais Gretel sourit doucement en haussant les épaules.
-Non, jamais. Et je pense que je ne penserais jamais à le faire et lui non plus. C’est particulier. Un mélange de relation fraternelle, amicale, et amoureuse, de façon purement platonique, je veux dire. J’ai des copains, Antoine des copines. Même si celle-ci ne me supporte rarement. Enfin bref, je dois travailler un peu. Je prends des cours sur internet pour avoir un bagage post-bac au cas où je quitte Sappho un jour. Ça ne te dérange pas si je te laisse ?

Je secouai la tête et elle me souhaita bonne nuit en se glissant dans son bureau. J’attendis un peu et pris mon portable pour appeler ma mère. J’avais au moins cinq appels manqués. Car évidemment, l’administration l’avait mise au courant de mes blessures. Elle réagit comme Callie et Gretel : qu’est ce que fichait dans un arbre et j’étais une fille incroyablement et indécemment chanceuse. Elle voulut que je fasse ma convalescence à la maison, et je sentis qu’elle culpabilisait d’être aussi loin. Je la rassurait de mon mieux en certifiant que je me sentais déjà mieux et que l’infirmière était très compétente (je passais donc sous silence le fait que c’était une jeune fille de dix-huit ans qui venait à peine de sortir du lycée et qui n’avais pas fait d’étude). Quand je raccrochais, j’avais le cœur gros. J’ignorais comment je devais réagir vis-à-vis de ma mère. Lui dire que j’étais une fille de Gaia était suicidaire. Toute tolérante qu’elle était, elle ferait tout de même un infarctus, ou cèderais à Christophe et m’enverrai dans un centre spécialisé. Mais je détestais mentir à celle qui m’avait toujours apporté un soutient indéfectible, sans remettre ma parole en question. Qui me faisait confiance. Chose que je ne lui rendais pas. Je ne pouvais pas lui rendre. Mes doigts tapotèrent nerveusement mon lit et je frappai mon portable contre ma cuisse. Le pire dans tout ça, c’est que je ne pourrais plus courir durant les deux prochaines semaines. J’espère que Callie avait profité de sa semaine de tranquillité, par ce que là, c’était elle qui aller en pâtir.

***

Je sortis de l’infirmerie le lendemain après deux examens de la part de Gretel. Elle me fit promettre de venir la voir ce midi avant d’aller manger afin qu’elle puisse m’examiner à nouveau, et me laissa partir à mon premier cours (de la science éco. J’avais supplié Gretel de pouvoir louper la première heure, mais pour une raison qui m’échappait, elle avait refusé, et avait missionné Antoine pour me surveiller). Arrivée dans la salle, Callie me rejoignit à ma table au premier rang, à ma plus grande surprise, ainsi qu’à celle de Lucas et de Danny, juste derrière (c’était si jouissif de surprendre Danny !)

-Callie au premier rang, constata Lucas, hébété. Alors là, rien ne va plus.
-C’est pour empêcher que l’oiseau qui ne sait pas voler tombe à terre, plaisanta-t-elle en me lançant un regard malicieux. Je te l’ai dit, je suis responsable de tes actes. Ta réputation – et la mienne – est en jeu. Maintenant, tu vas m’avoir sur le dos tous les jours !
-Très drôle, grinçai-je en sortant mes affaires. Mais c’est gentil, je n’ai pas besoin de baby-sitter.

L’arrivée de Madame Halaire, la prof de science éco l’empêcha de répondre. Elle me suivit toute la journée, jacassant, riant, râlant. L’avantage, c’était qu’elle me tenait les portes quand je passais (en béquille, on ne pouvait pas faire grand chose seule). A la fin de la mâtinée, je pensais commencer m’être habituée à ses bavardages incessants. Je commençais même à apprécier son sens de la répartie, quand elle me défendis contre une fille de la classe qui me demandait si j’avais vraiment une cervelle de « moineau » pour être monter à un arbre (même à Sappho, ils avaient leur lots de gamines immatures. Soupir). Hugo vint nous trouver, Callie, Lucas, et moi, à midi et me taquina pendant tout le repas. Sa présence ne parut pas embarrasser particulièrement Callie, mais ces piques incessantes étaient intenables, à force. Au bout du quatrième jeu de mot qu’il fit sur mon nom et mon accident, je me levai, prétextant devoir aller avoir Gretel. Lucas proposa de m’accompagner, laissant Callie avec Hugo.

-Tu pouvais rester, remarquai-je à mi-chemin de la porte.
-Nan, bougonna-t-il en haussant les épaules. Il faut quelqu’un pour te tenir les portes. Et puis Callie et son numéro de charme avec Hugo, c’est marrant au début, mais ça devient lassant.

J’opinai, tout-à-fait d’accord. J’aurais aimé que Callie rembarre Hugo comme elle avait rembarré la fille de la classe, mais elle s’était contentée de pouffer et de me lancer un regard contrit. Pathétique. Callie était très gentille. Agaçante, mais gentille. Attachante, presque. Mais j’avais la désagréable impression qu’elle jouait un rôle, qu’elle se camouflait avec tout le monde comme elle se fondait dans le décor avec son don. Et c’était flagrant avec Hugo. Lucas m’accompagna jusqu'à l’infirmerie, où Gretel me fit passer une batterie d’examen, avant de me relâcher pour que je retourne en cours. En français, Callie parut presque s’endormir sur sa table, si Danny n’avais pas tapé dans sa chaise à chaque fois qu’il sentait qu’elle piquait du nez. L’heure d’après, en espagnol, fut la seule où elle fut sérieuse et me laissa en paix. Quand je remontai (difficilement) au foyer avec elle, Lucas, et Danny (oui, Danny, parce qu’il lui arrivait de ne pas disparaître), juste avant qu’ils aillent tout les trois à l’entrainement, elle avait malheureusement retrouver sa langue.

-Tu devrais essayer de te téléporter, proposa-t-elle en me voyant grimacer au troisième escalier.
-Si tu crois que je n’ai pas essayé quand j’étais dans l’arbre, grommelai-je en levant les yeux au ciel. Un peu difficile, je trouve, et très peu efficace.
-Peut être que tu as réussi, genre de quelques centimètres, et que c’est pour ça que tu t’en es remarquablement bien sorti, supposa Callie. C’est injuste, d’avoir une chance pareille. Je veux la même.
-Bien sûr. La prochaine fois, je te laisse les Sirènes, les psychopathes dans le train et les pervers dans les bois.

Elle me tira la langue, et j’en conclus qu’à ce prix là, elle me laissait bien ma chance. Elle se précipita vers le canapé libre le plus proche, et s’y allongea à soupirant. Je la fis partir à coup de béquille, avançant que j’avais la priorité.

-Pff ! Moi je dis que l’aide aux handicapés, c’est discriminatoire ! râla-t-elle en s’asseyant à terre.
-Pour dire ça, tais-toi, Cal, la tança Lucas en s’installant à coté de moi.

Danny s’était assis à coté de Callie, qui avait mis sa tête sur son épaule les yeux fermés, prête à s’endormir. Elle marmonna qu’elle avait la flemme d’aller à l’entrainement, provoquant le sourire amusé de Danny. Certaine personnes du foyer, notamment les gens de la classe, leur lançaient des regards équivoques, l’air de parier pour la prochaine fois qu’ils sortiraient ensemble. Lucas m’avait dit qu’il y avait en effet des paris qui étaient en route, mais lui pensait qu’ils avaient fini cette période de leur relation. En les voyant ainsi, j’étais indécise. Ils étaient plus proches que la plupart des gens, mais je ne les voyais pas ensembles. Callie était trop extravagante et Danny… était Danny. Je leur jetai un regard du coin de l’œil, mais cessai vite. J’avouais avoir du mal à regarder Danny dans les yeux depuis que je savais ce qui était arrivé à son frère. J’étais bien placée pour savoir quel était l’effet de la perte de quelqu’un de proche. Finalement ils partirent tout les trois à l’entrainement, entrainement dont j’étais dispensé, puisque j’étais blessée. J’attendis que le foyer se vide un peu, puis me trainais jusqu’à ma chambre. Je croisai plusieurs filles plus jeunes, qui elles n’avaient pas cours, et deux fillettes jouaient à cache-cache dans les couloirs. Je me glissai dans ma chambre et m’assis à mon bureau avec un soupir. Mon ordinateur était ouvert face à moi, l’écran noir. En réalité, je savais très bien ce que j’allais faire, mais j’étais trop nerveuse. Mes doigts pianotèrent au hasard sur le clavier, trahissant ma nervosité. Il fallait que je me détende avant. Supprimer des photos, par exemple. Celle de Sylvain en tête de liste. Ça ne me dépensait pas autant que les courses, mais c’était mieux que de lancer des fléchettes sur son portrait. Puis, après m’être défoulée pendant une petite heure (je n’avais jamais imaginé avoir autant de photos de Sylvain sur mon ordinateur), je cliquai fébrilement sur l’icône « famille ». Je vagabondai sur plusieurs dossiers, redécouvrant des photos de vacances familiales, avec moi quand j’avais huit ans, des couettes et des trous dans la dentition.

-Si Callie tombe là-dessus, grommela-je en passant.

Les suivantes représentaient mon père jouant avec moi à la plage, mais il était en T-shirt. Je grognai et continuai ma recherche sur tout les album de famille (et Dieu savait qu’il y en avait. Ma mère adorait prendre des photos). Finalement, je finis par en trouver une où mon père avait à peu près le torse dénudé. Mon cœur se mit à battre à la chamade. Je cliquai sur le zoom pour mieux voir la poitrine nue de mon père. Son épaule droite, en fait. Malheureusement, la pixellisation était immonde et j’avais du mal à avoir une image nette. L’ombre sur son épaule pouvait aussi bien être une tâche de naissance qu’un défaut d’image. Je me mis alors en quête d’autres photos, plus proches et finis par en trouver une dans un dossier de vacance d’été. J’avais onze ans et nous étions partis en Bretagne. Celle-ci représentait mes parents, sur le canapé de l’appartement de location, dans les bras l’un de l’autre. L’épaule droite de mon père était tout à fait visible. Je sentis ma mâchoire se décrocher. Ça n’aurait pas dû m’étonner. Je le soupçonnais depuis un bout de temps. Après tout, on ne devenait pas enfant de Gaia par hasard. Il devait forcément y avoir une base génétique. Et après ma chute d’hier, cette idée m’avait obsédée. Il fallait que j’en aie le cœur net. Mais voir ce gamma sur sa peau, sous mes yeux… Ça relevait presque de la science-fiction. Je me demandai soudainement pourquoi je ne l’avais pas remarquée plus tôt, puis me rendis compte que somme toute, mon père s’était rarement mis torse nu. Il avait toujours prétexté ne plaisantant qu’il n’aimait pas afficher ses kilos en trop. Les rares fois où je l’avais vu torse nu, la petite fille que j’étais à l’époque n’allait pas chercher un gamma identique au sien. Je me laissais aller contre ma chaise en soupirant, et poussai un cri de surprise en sursautant, en voyant quelqu’un pousser ma porte entrouverte. J’en fis tomber le cadre photo sur mon bureau.

-Danny, grondai-je en ramassant mon cadre. Je vais vraiment te mettre une clochette au cou !

Le jeune homme était apparu à ma porte, silencieusement et sans toquer. Ses cheveux mouillés indiquaient qu’il venait de prendre sa douche.

-Désolé, s’excusa-t-il en faisant un pas dans la pièce. Il n’y a pas de casse ?
-Non, répondis-je en replaçant mon cadre photo indemne sur mon bureau. Qu’est ce que tu fais ici ? L’entrainement est déjà terminé ?
-Oui, depuis une demi-heure, au moins. Callie n’est pas là ? Elle devait venir se changer et j’ai oublié de lui rendre sa lame.

Il fit tourner un morceau de bois entre ses doigts et je reconnus l’arme que Callie m’avait montrée la semaine dernière. Je me retournai pour apercevoir la salle de bain et vit que celle-ci était fermée. Le bruit sourd de la douche parvenait jusque mes oreilles. Je passai une main dans mes cheveux, gênée.

-Apparemment, elle se douche, observai-je en pianotant nerveusement sur mon ordi. Tu peux l’attendre ici, si tu veux, ajoutai-je dans un élan de bonté, avant de marmonner pour moi même : Je ne l’ai même pas entendue rentrée, tiens …
Danny eut un sourire de coin.
-Je penses que concentrée comme tu l’étais, tu n’aurais rien entendu, même si elle avait eut une clochette, plaisanta-t-il en regardant au dessus de mon épaule. C’est ton père, ça ?

Je le jugeai d’un air suspicieux. Je n’étais pas vraiment habituée à ce que Danny fasse de l’humour, ni qu’il me pose des questions sur ma famille.

-Oui, répondis-je prudemment. Je voulais vérifier… quelque chose.

Danny continua de fixer la photo, les sourcils froncés. Il me demanda la permission de s’approcher pour voir et j’haussai les épaules. De toute façon, j’avais moi-même déjà fais un pas dans son intimité, en découvrant ce qui était arrivé à son frère. Il pouvait bien regarder une photo de mon père.

-C’est bizarre, remarqua-t-il en zoomant sur son épaules droite. On dirait qu’il a la marque.

Je faillis rétorquer « il l’a ! » d’un ton agacé. Enfin quoi, je devais bien la tenir de quelqu’un, cette marque ? Pourquoi ça serait « bizarre » ? Mais je me souvins de l’avertissement de ma grand-mère : ne rien dire sur le fait que mon père avait été à Sappho. Je me mordis donc la langue à la dernière minute et haussai les épaules. J’ignorai pourquoi je devais garder le secret, mais puisqu’elle m’avait demandé… Danny fronça les sourcils, suspicieux.

-Comment on devient enfant de Gaia, au fait ? lui demandai-je en passant, le plus naturellement possible.

Je me doutais que c’était génétique – qu’est ce qui ne l’était pas ? – mais je voulais en avoir le cœur net. Et puisqu’il était là et qu’il était sans doute le mieux placé pour me répondre. Il me regarda un instant avec suspicion, puis dit :

-Aucune idée. Gaia nous marque, on devient spéciale. Point.
-C’est génétique ? insistai-je.

Cette question m’obsédait et sa façon de répondre ne me rassurait pas le moins du monde. Mais les yeux bruns de Danny s’écarquillèrent et me firent envisager le pire.

-Léonie, être un enfant de Gaia, ça n’a rien de génétique, m’apprit-t-il en fronçant les sourcils. Vraiment rien. C’est aléatoire, complétement. Gaia nous choisit alors que nous sommes embryon, alors que nous n’existons pas encore. Elle choisis un embryon, le marque, sans regarder qui sont ses parents ou ses ancêtres. Il arrive qu’elle choisisse deux embryons dans la même famille, mais c’est très rare, tellement rare que c’est répertorié, et il y a souvent une dizaine générations d’écart.

Je m’efforçai de masquer mon trouble de mon mieux. Je n’en menais pas large. J’avais toujours supposé que le fait d’être un enfant de Gaia avait quelque chose de génétique, qu’il y avait un gène « être un enfant de Gaia » sur l’un de nos chromosomes et que mon père me l’avait transmis. Je n’aurais jamais pu deviner qu’en réalité, elle nous choisissait au hasard.
Et après, Callie trouvait que j’avais de la chance ?

-Mais, Antoine et Lucas ? m’enquis-je en masquant mon trouble de mon mieux. Ils sont frère, non ?
-Ils sont jumeaux, rectifia Danny en s’asseyant sur mon lit. Jumeaux monozygotes. Gaia ne pouvait pas marquer l’un sans marquer l’autre. C’est un cas particulier, mais … Attend Léonie, pourquoi tu me demandes ça ? Ça va ? On dirait que je t’ai obligé à avaler du sel.

Puisqu’il n’y avait aucune note d’humour dans la voix de Danny, j’en conclus que je devais faire une drôle de tête. De fait, j’étais bouleversée. C’était déjà assez choquant que mon père m’ait caché des choses, mais en plus que ces choses soient anormales… Je voulus glisser, m’en sortir par une galipette pour éviter d’être à nouveau affichée, mais je me rendis compte qu’avec Danny, c’était vain. Il sentirait si je mentais et je ne voulais pas souffrir ses regards méfiants. Je sortis la chaine que je portais à mon cou depuis mon arrivée ici et la passai au dessus de ma tête pour la lui donner. Il examina la breloque, incrédule.

-Ça viens de Sappho, souffla-t-il en relevant la tête, interdit. Je suis sûr que ça vient de Sappho.
-Evidemment que ça vient de Sappho, rétorquai-je sans conviction. Ma grand-mère me l’a confirmé.
-Ta grand-mère est … Je veux, dire… Léonie, ta grand-mère est venue à Sappho ?

Je m’apprêtai à rétorquer un « non » cinglant, mais la question me mit le doute. Si mon arrière-grand-père et mon père en étaient, pourquoi ma grand-mère aurait y échappé ? Je déglutis péniblement. Le regard de Danny faisait rapidement le trajet entre moi, le pendentif et la photo de mon père sur mon ordinateur. Gênée, je fermai celui-ci.

-Non, pas ma grand-mère.
J’hésitai encore puis dit d’une voix ferme et résolue :
-Son père à elle. C’était à lui que ça appartenait.
J’haussai les épaules comme si ce n’était rien.
-C’est peut être un hasard, après tout. Gaia a marqué mon arrière-grand père, et moi. Une Coïncidence.
-Non, martela Danny d’une voix étouffée. Non, ce n’est pas une coïncidence. C’est la première fois que … Je ressens ça, comme si c’était normal

Il paraissait parler plus pour lui même que pour moi. Son regard était voilé, lointain. Je le dévisageai, surprise de sa perplexité.

-Normal ?
-Oui, que tu sois enfant de Gaia parce qu’un de tes ancêtres l’était, explicita Danny en se mordillant la lèvre. Sauf que ce n’est pas normal. C’est même loin d’être normal. Je … je ne comprends pas.

Il tourna la chaine autour de ses doigts, l’air distrait. La douche cessa de couler de l’autre coté de la cloison. Il sauta sur ses pieds et me rendit mon pendentif.

-Tu fais comme tu veux, mais je pense qu’il serait préférable que tu ne parles de ça à personne, me conseilla Danny, une certaine urgence dans la voix.
-Aucuns risques, affirmai-je, la bouche sèche. Pas envie de passer encore plus pour un extra-terrestre.

Un faible sourire s’étendit sur les lèvres de Danny, mais il préféra ne pas répondre. Sans doute passai-je déjà pour un extra-terrestre, à ses yeux. Il me demanda de rendre son arme à Callie et repartit dans le couloir, non sans m’adressait un dernier regard perplexe. D’accord. Un peu plus tôt, j’avais dit que c’était jouissif de surprendre Danny. Je retirais. C’était effrayant de le surprendre ainsi. Ce gars, c’était pire qu’une épée de Damoclès. J’entendis la poignée de la porte de la salle de bain tournée et Callie s’avança dans ma chambre, uniquement vêtue d’une serviette.

-J’ai cru entendre Danny, s’étonna-t-elle.
-Oui, il est venu te rendre ça, mais tu te douchais.

Je lui tendis son arme et elle la prit avec une moue. Ses cheveux avaient une teinte légèrement verdâtre, et elle partit se rhabiller dans sa chambre en me faisant un signe de main. Je me forçai à sourire, puis me retournai sur mon ordinateur, à l’écran noir et vide. J’aurais aimé que mon cerveau soit ainsi, mais il surchauffait. Après avoir découvert que mon père et son grand-père étaient des enfants de Gaia, j’avais toujours supposé que le fait d’en être un venait de la génétique. Que c’était parce qu’ils en étaient que je l’étais, et que mon père n’avait pas voulu m’en parler parce que j’étais peut-être trop jeune. Mais que la continuité, que le lignage était normal, que toutes les familles étaient ainsi.
Sauf que j’étais la seule.
Je cliquai sur une touche de mon ordinateur pour le rallumer, et scrutai le visage jovial de mon père.

-Qu’est ce que tu m’as encore caché, papa ? demandai-je vainement. Qu’est ce que tu ne m’as pas encore dit ?

Evidemment, la photo de mon père resta obstinément silencieuse. Mes yeux glissèrent jusqu’au visage de ma mère, lui aussi souriant et épanoui. Avait-elle était au courant de tout cela ? Devais-je l’en instruire ? L’air de bonheur pur et plein qu’il abordait m’en dissuada. Elle avait été heureuse pendant toutes ses années. Elle en gardait peut être les meilleurs souvenirs. Pas question qu’elle ressente le même sentiment de trahison que moi. Pas question que ces images soient gâchées. J’avais l’atroce impression que pendant des années, mon père avait mené une double vie. Mari et père de famille. Enfant de Gaia par lignage. Je réalisai avec effroi que je faisais exactement la même chose. J’eu l’impression qu’un liquide froid s’immisçai doucement dans mes veines, ankylosant mes muscles. Je me retrouvai incapable de bouger, en proie d’un grand mal de crâne. J’allais devoir faire le stock de doliprane et/ou de somnifère, parce que là, j’avais peur de fermer les yeux. Finalement, je trouvai le courage de prendre mes béquilles et partit trouver l’un des jumeaux Meynier. Je tombai finalement sur Antoine en premier. Son air de surprise profonde quand je lui demandai un somnifère faillit me faire perdre mon courage, mais il consentit à m’en passer un. Il ne demanda pas comment je savais qu’il en avait, et j’en fus rassuré. Ça m’aurait embarrassé de devoir dénoncer son frère. J’aurais pu téléporter un cachet sans lui demander la permission, mais je ne voulais pas fonctionner ainsi. C’était presque immoral.

-Merci, soupira-je quand il me rejoignit dans le foyer pour me filer une petite pilule bleue.
-Ne le prend pas trop tard, sinon tu ne vas pas te réveiller demain matin, m’avertit-t-il en s’asseyant dans un fauteuil à coté. Pourquoi ce besoin de dormir ?
-C’est compliqué, élaguai-je en rangeant précieusement le médicament. Et toi, pourquoi tu en as besoin ?
-Insomnies chroniques, m’expliqua-t-il en haussant les épaules. Espèces de contrecoups de mon Aptitude. Apparemment, ça embête Gaia que je puisse modifier ses œuvres, alors elle m’empêche de dormir.

Mon air perplexe le fit sourire et il m’apprit qu’il pouvait modifié la composition chimique de certaines molécule, de manière sensible, mais assez pour transformer une espèce chimique en une autre. Avec le temps, il avait apprit à manipuler toutes les particules avec plus d’aisance. Au moins, ça expliquait pourquoi il séchait la chimie. Il me fit un schéma de molécule pour m’expliquer comment son don marchait. Je le laissais parler, et ne put m’empêcher de remarquer que toute désinvolture disparaissait quand il parlait de chimie. C’était beaucoup mieux ainsi, mais ça m’effrayait : c’était le genre de personne impossible à cerner. Il commençait à s’attaquer à une partie du programme que nous n’avions pas faite, et je me retrouvais complétement larguée, quand Léna et Eglantine entrèrent dans le foyer. Elles passèrent juste derrière nous et Antoine héla Léna en lui faisant signe d’approcher. Je fis de mon mieux pour paraître naturelle, mais je ressentais un certain malaise. Je m’en voulant d’avoir trouvé Léna bizarre, maintenant que je savais ce qu’elle avait traversée.

-On sait comment les Sirènes sont entrées dans le domaine, samedi ? s’enquit-t-il.
Je le contemplai, interloquée. Son air arrogant était revenu aussi vite qu’il avait disparu. Il était vraiment obsédé par cette idée, bon sang ! Léna le jaugea du regard un instant, puis échangea un coup d’œil avec Eglantine.
-Non, répondit-t-elle d’un ton neutre. Non et peut être qu’on ne le saura jamais. Il y a des choses qui nous échappent.
-Comme la dernière fois ? bougonna-t-il, l’air sarcastique.
-Antoine ! sifflai-je en lui foutant un coup dans l’épaule, devinant que « la dernière fois » remontait à la mort de Geoffrey Hautroi.

Techniquement ça aurait peut être été mal poli de faire ça ainsi, alors que nous nous connaissions à peine, mais ce qu’il venait de dire était à la limite de l’immoralité, compte tenu du rôle que Léna avait joué « la dernière fois ». Le visage de Léna s’était crispé un instant et Eglantine lui avait lancé un regard inquiet, comme si elle avait peur qu’elle n’éclate. Mais ce fut une d’une voix très calme qu’elle prit finalement la parole pour parler à Antoine.

-En effet. On n’a pas su ce qui c’était passé la dernière fois. Rien ne dit qu’on en saura plus ici. Je sais que tu t’inquiètes pour Lucas, c’est naturel. Mais il semble s’être remis, non ? Il faut qu’il s’y habitue.

Antoine parut vouloir répliquer quelque chose de bien cinglant et de bien douloureux pour Léna, mais je l’en empêchai en prenant la paroles la première.

-On comprend. Mais si vous avez des nouvelles, vous pourriez nous prévenir, s’il vous plait ? demandai-je avant de me tourner vers Antoine. Tu peux m’emmener chez Gretel ? Je dois aller la voir pour mes attelles.

Eglantine hocha la tête en ma direction d’un air approbateur mais Léna leva sèchement la main.

-Ne t’en fais pas, Léonie, on te préviendra si on a du nouveau. C’est la moindre des choses, je comprends ton envie de comprendre ce qui c’est passé. Eglantine va t’accompagner chez Gretel, j’ai deux mots à dire à Antoine.

Le visage de celui-ci demeura impassible, si on exceptait son habituel sourire sarcastique et satisfait, comme s’il était arrivé exactement à ce qu’il voulait. J’eus un haut le cœur. Ce qu’il faisait était à la limite de la cruauté. L’entraineuse voulut protester, mais le ton de Léna était sans appel. Finalement, je ressortis du foyer avec une Eglantine fulminante. Elle proposa plusieurs endroits de l’anatomie d’Antoine où elle pourrait planter son poignard pour le faire taire. J’hésitai entre être amusée par l’agacement de l’entraineuse, ou choquée. Après tout, Antoine était censé être son élève, tout comme moi. Elle n’était pas censé parler de lui comme ça devant moi… si ?

-Qu’est ce que vous étiez venu faire ici ? enchéris-je quand son flot ininterrompu d’injure se fut estomper.
-On fait souvent une ronde de temps à autres pour aller parler aux élèves. Comme tu l’as remarqué, nous ne sommes pas une école ordinaire. La barrière entre les élèves et l’administration est plus fine.
-Oui, j’avais remarqué, glissai-je d’un ton entendu.

Elle eut un bref sourire d’excuse et m’ouvrit la porte de l’infirmerie. Elle me confia à Gretel et lui demanda également de coudre la bouche d’Antoine la prochaine fois qu’il l’ouvrait. L’infirmière me lança un regard désappointé et je lui relatai l’incident qui avait eut lieu entre Léna et Antoine. Ce fut au tour de Gretel de pester contre son ami pendant qu’elle prenait soin de mes blessures.

-Je vais le vermifuger, grommela-t-elle en m’enlevant mon attelle au poignet.
-On fera un lot de deux avec Callie, proposai-je. Il est toujours aussi brusque ?
Gretel hésita deux secondes, puis décida de vider prudemment son sac :
-Oh que oui. Surtout avec Léna, en fait. Mais depuis le début de l’année … (Son regard se voila et elle secoua la tête). Je ne sais pas, ça s’est intensifié. Je pense qu’il lui en veut de ne pas me donner l’autorisation de lui donner légalement des somnifères. Il en a besoin, mais vraiment. Ça l’a rendu fou. Les insomnies d’Antoine sont dures pour lui : il a envie de se reposer, mais il ne peut pas. Ça le crève, littéralement. Une semaine sans somnifère, et il devient un zombie. Mais ce n’est pas une raison d’être aussi impitoyable envers Léna. C’est injuste. Je ne comprends pas vraiment pourquoi il est comme ça.

Elle me remit mes attelles en me disant que j’avais vraiment une faculté de guérison incroyable, puis me laissa rentrer au château, la mine soucieuse. Callie, qui parlait avec Lucas et Hugo, assis sur les marches du château, vint me trouver à ma rencontre, l’air affolée.

-Qu’est ce qui se passe ? m’enquis-je alors qu’elle reprenait son souffle après sa course effrénée jusque moi.
-Quoi ? Ah, c’est juste qu’on ne savait pas où tu étais passé. La prochaine fois, tu préviens.
-D’accord, maman, soupirai-je en me remettant en marche. Là, je comptais aller manger. Qu’est-ce que tu en dis ?
-Je dis d’accord, approuva Callie en hochant la tête. Je crève la dalle.
-Tu crève toujours la dalle, remarqua Lucas quand nous nous rapprochâmes. Mais là, je te suis, dés que j’aurais mis la main au collet de mon frère.

Ah. Apparemment, en dix minutes, l’altercation entre Antoine et Léna semblait avoir fait le tour de l’école. Chose étonnante, Callie ne releva pas, et m’emmena manger. Le repas se déroula en silence, malgré le fait que Callie était à coté d’Hugo et malgré la présence exceptionnelle de Danny à table. Il semblait faire un point d’honore à rester impassible, mais je ne pus m’empêcher de lui lancer des regards nerveux. Nous remontâmes rapidement au foyer, ou nous croisâmes Lucas et Antoine, assis dans un coin, l’air de se disputer. Callie s’assis en tailleur à terre, loin d’eux, et je la suivis volontiers.

-J’ai envie de tuer Antoine, marmonna-t-elle. Ce n’est pas la première fois qu’il fait ce genre de pique à Léna, mais là comme ça…
-Pourquoi c’est si grave ? demandai-je en fronçant les sourcils. D’accord, ce n’est pas délicat ni rien, mais ce n’est pas une affaire d’état, si ?
-Ça ne le serais pas, admit Callie en se tordant les mains. Si ce n’était pas Antoine. C’est le premier à évoquer la « théorie de complot » ou à critiquer Léna, alors qu’il n’y a vraiment pas de raison. Et c’est pire depuis le début de l’année. C’est pour ça que ça paraît si grave. On en a juste assez des a priori d’Antoine, maintenant il faut qu’il se calme.

Je restai silencieuse. Je ne connaissais pas très bien Antoine, ni Léna. Je ne préférais pas juger pour l’instant, et laisser couler l’incident. Callie ouvrit un magasine de mode sur le canapé, Danny et Hugo parlaient à voix basse en face de nous. Je regardai l’heure, et allai me coucher. Antoine m’avait conseillé de ne pas prendre le somnifère trop tard. Et de toute manière, j’étais vannée. Trop de choses en trop peu de jour.

***




La suite de ce pas :)
Dernière modification par Perripuce le ven. 27 nov., 2015 10:11 pm, modifié 1 fois.
Perripuce

Profil sur Booknode

Messages : 1271
Inscription : lun. 11 mars, 2013 7:13 pm

Les enfants de Gaia - chapitre 6 (2/3). (Fantastique/Fantaisie).

Message par Perripuce »

Voilà la suite :) désolée encore pour les longueurs !
3 parties, c'est vraiment trop mais j'ai pas le choix …

Chapitre 6 (2/3) : Suspicion.


La semaine qui suivit furent plutôt calme. J’avais trouvé un bon rythme : j’étais réveillée tous les jours en fanfare par Callie, j’allais en cours, le midi chez Gretel pour la visite médicale, retournais en cours, squattais le stand de tir à l’arc pour m’exercer à mon don, allais parfois à la bibliothèque avec Lucas, retournais à l’infirmerie voir Gretel, puis passais une heure à parler avec Callie, le soir, quand je n’avais plus rien en tête. Pas de Sirène, ni de dispute, ni de constatation bizarre. Je n’avais d’ailleurs pas eu l’occasion de parler à Antoine, ni à Danny. Je croisai bien celui-ci de temps en temps au stand de tir à l’arc, mais il restait dans son coin, et nous n’échangions pas un mot (si on exceptait ma demande de lui mettre une clochette autour du cou, que je réitérais à chaque fois). Conclusion, je ne savais toujours pas s’il y avait une explication à ce « lignage d’enfant de Gaia » dont j’étais issu, et Danny ne paraissait pas pressé de me donner une réponse.
Mais moi, j’étais pressé d’en avoir une.

Je ne voulais pas être dépendante de Danny, et je ne voulais pas en parler à qui que ce soit. Alors je passai mes heures seule dans la salle informatique, au dessus de la bibliothèque, à taper dans le moteur de recherche les noms « Tristan Moineau », mon père, et « Marceau Perrault », mon arrière-grand-père. Je ne trouvai rien sur mon père, mais en revanche, une certaine Antoinette Perrault avait donné une bonne somme d’argent pour restaurer l’école, après la seconde guerre mondiale. Je trouvai un article de presse, indiquant que cette Antoinette était une élève de l’école, et qu’elle avait eut « la reconnaissance éternelle de Sappho ». Mon pendentif avait alors pesé lourd à mon cou. « D’après Raymond, c’est un pendentif que l’on donne à un élève spécial. Une sorte de reconnaissance de l’élite » m’avait dit Lucas quand j’avais remarqué le collier, dans la vitrine de la bibliothèque. Ce pourrait-il que cette Antoinette Perrault ait un lien avec mon arrière grand père ? Que le pendentif vienne d’elle, parce qu’elle avait fait une généreuse donation à l’école ? Perrault était un nom plutôt fréquent, il était presque impossible d’être certaine qu’elle soit bien de ma famille. Tout de même, la coïncidence était troublante. Mais c’était le seul indice que j’avais trouvé, et ce n’était pas faute d’avoir chercher. J’avais tenté de joindre grand-mère Moineau, mais elle était partie voir des cousins en Alsace, et comme toute bonne vieille qui se respectait, elle n’avait pas de téléphone portable. Ma mère, évidemment, ne savait rien de la généalogie de mon père, et mes questions éveillaient plus ces soupçons qu’autre chose. Par conséquent, je me retrouvais … avec pas grand-chose, en fait. J’avais passé des heures à maudire l’accident de voiture qui avait couté la vie à mon père. J’aurais bien eu besoin qu’il m’explique. Qu’il me donne un indice. J’avais maudis pas mal de fois Gaia, également. J’avais encore du mal à croire qu’une entité dormait sous nos pieds, mais ça faisait du bien d’avoir quelqu’un à qui attribuait tout nos problèmes et à pouvoir blâmer. Je comprenais maintenant pourquoi les hommes avaient inventé la religion : avoir un dieu sur qui rejeter toute les fautes, c’était tellement plus simple.

A présent, j’étais installé à la bibliothèque avec Lucas, en train de peiner à finir une dissertation de français (et oui, même à Sappho on n’échappait pas aux dissertations), alors que lui lisait tranquillement en face de moi. Il avait évidemment fini ce devoir depuis plus d’une semaine. Intello.

-Marivaux, c’est XVIIème ? demandai-je en recopiant mon introduction au propre.
D’accord, je l’avouais volontiers, c’était pratique d’avoir une encyclopédie vivante sous la main pendant les dissert’.
-XVIII, rectifia Lucas sans me regarder. Gretel t’enlève quand, tes attelles ?
-La semaine prochaine, si tout va bien, ronronnai-je avec un sourire. Et comme j’ai « des capacités de guérison exceptionnelles », je pourrais marcher normalement la semaine prochaine !

J’avais tellement envie d’envoyer valser les béquilles et de me remettre à courir ! Car au fil de la semaine, ma nervosité c’était accumulé dans mes muscles : j’étais plus hyperactive que jamais. Je ne tenais pas en place. Pour la première fois, Callie c’était plainte de moi (et non moi de ces bavardages incessants) et Lucas commençait à appliquer la maudite méthode de la censure du café (idée de Danny. Cette balance avait cafté que j’y été accro).

-Je suis sure que Callie a hâte que ce jour arrive, ajoutai-je avec un soupir. Dommage, ça commençait à me plaire de lui rendre la monnaie de sa pièce.
-Je comprend, mais je t’avoue que je ne suis pas mécontent que ça se termine, avoua Lucas en me regardant, l’air gêné. Désolé, mais tu es stressante, au bout d’un moment. Tant qu’on en parle, tu peux arrêter de bouger ta jambe, s’il te plait ?

Mon genou avait recommencé à faire des bonds nerveux de plus en plus rapide et je mis une main pour arrêter les soubresauts.

-De toute façon, je ne vais pas tarder à y aller, avançai-je en haussant les épaules. On est vendredi, j’ai 3A.
-D’accord. Tu t’en sors mieux avec ton aptitude ?
-Yep, confirmai-je en rangeant mes affaires. Pas d’accident depuis l’IPod chez Hugo. Par contre je m’entraine sur les fringues de Callie, et ça, elle n’apprécie pas vraiment.
-Ça lui fais du bien, se moqua Lucas avec un sourire amusé. Tu as besoin de quelqu’un pour tenir les portes ?

Je secouai la tête, le remerciai, et repartit en direction du fond de la bibliothèque, mes béquilles faisant de bruyant « clac clac » sur le sol. Je montai difficilement l’escalier pour arriver à l’étage des salles de cours. Léna faisait sortir un groupe d’enfant âgé de douze à quatorze ans quand j’arrivai devant sa classe. Elle me sourit en mettant le dernier élève dehors.

-Voilà donc notre cascadeuse, plaisanta-t-elle. Allez, entre, Léonie, on va voir si tu as progressé depuis la semaine dernière.

La salle de Léna n’était pas conventionnelle : les tables et les chaises étaient pour la plus part collé contre les murs, et le reste était disposé en cercle. Elle avait très peu d’élève dans sa discipline, le 3A étant un peu une matière « à la carte », dans laquelle on allait dés qu’on en avait besoin, quelque soit notre niveau. Pas forcément pour les aptitudes particulières comme les miennes. Certains venaient juste pour avoir des conseils, ou pour avoir plus de renseignement sur les Créatures d’Hélios. Léna faisait donc office d’instructrice, de Conseillère, et de psychologue. Gros boulot pour une fille qui n’avait même pas vingt-cinq ans. Elle finit par taper énergiquement dans ses mains et nous commençâmes la séance. En effet, j’avais progressé, en une semaine. Alors que la dernière fois que l’on c’était vu, je peinais à téléporter un livre, et le faisait, qui plus est, tombé sur sa tête, j’arrivais maintenant à déplacer des tables d’un ou deux mètre sans trop avoir mal à la tête. Elle se mit dans les salles vides adjacentes et je devais y téléporter les chaises à des endroits précis. Elle alla même jusqu’à mettre une salle d’écart entre le point de départ, et celui d’arrivée.

-Hé bien ça va très vite, remarqua Léna à la fin de l’heure en ramenant la chaise que j’avais téléporté avec succès. Je te félicite. J’aimerais que tous les élèves progressent aussi vite que toi. J’ai une gamine de six ans qui peut traverser modifier la densité de son corps, à un tel point qu’elle peut traverser des objets, mais elle pleure dés que je lui demande de le faire.
-Elle est petite, aussi, la défendis-je timidement. C’est impressionnant, comme don, je comprend qu’elle …
-Mais c’est quand on est petit qu’on apprend le mieux, martela Léna avant de sourire. Tu veux aller prendre un café à la salle à manger ? Il paraît que tu es purgée et je n’ai rien à faire tout de suite.

Je la regardai avec des yeux ronds et elle éclata de rire. Cette proximité entre le corps enseignant et les étudiants me mettait encore mal à l’aise, mais si je pouvais avoir si je pouvais échappé à la censure de Lucas, ça m’allait aussi. Je la suivis donc jusque la salle à manger et m’assis sur une table. Elle me rejoignis avec deux tasse fumantes à la main et m’en tendis une.

-Comment est ce que vous avez su ? m’enquis-je après une longue gorgée. Que j’étais purgée ?
-Je ne dévoile pas mes sources comme ça, jeune fille, chantonna-t-elle doucement. Tu te remets de tes blessures ?

J’hochai la tête, trop occupé à déguster mon café pour parler (certes, celui d’ici était immonde, mais ça restait une bonne dose de caféine). Puis elle enchérit ensuite sur l’épisode des Sirènes et je faillis m’étrangler.

-Ça va, haletai-je en reposant ma tasse. J’évite d’y penser.
Je sentis Léna me dévisager un instant, mais j’avais le regard rivé sur le liquide noir qui emplissait la tasse.
-Ça m’étonne que tu ne me demandes pas comment les Sirènes ont pu passer le sceau, se consterna-t-elle. Presque toute l’école s’est précipitée vers moi après l’accident, mais toi, tu n’as pas cherché à savoir.

Ma jambe se remit à faire des bonds agités et mes doigts pianotèrent la table.

-On m’a déjà donné des … théories, sur ses fuites, prétextai-je nerveusement.
-Des théories scabreuses, je suppose, soupira Léna avant de prendre du gorgée de café. La directrice qui laisse entrer les créature, bla-bla …

Je fis un effort pour la regarder en face. Son visage était très sérieux, sans être grave pour autant. On aurait dit qu’elle parlait des banalités du matin.

-Oui, confirmai-je, confuse. Enfin, je sais rien que c’est scabreux … mais …
-C’est plus que scabreux, c’est absurde, m’interrompit tranquillement Léna. Mais nous passerons. Toujours est-il que nous n’avons aucune idée de comment les créatures ont traversé le sceau, et je voulais être sure que tu as bien toute les possibilité en tête pour ne pas finir …

Elle n’acheva pas sa phrase, se contentant de prendre une gorge de café, mais je sentis le « comme Antoine » flotté entre nous. Je laissai couler, ne voulant pas particulièrement m’avancer là dessus.

-Lucas pense que le sceau perd son pouvoir avec le temps, me souvins-je. Une espèce de sortilège qui s’use, ce serait normal, non ?
-Effectivement, c’est possible, mais presque invérifiable. On ne va pas tenter le diable et amener des créatures dans l’enceinte de l’établissement ? Mais c’est la théorie la plus probable, et la plus inquiétante. Il aurait été préférable que notre directrice soit une créature d’Hélios. On vire la directrice et fin des problèmes. Le sceau qui s’effrite ? Un peu plus difficile à réparer.
-Alors qu’est ce qu’on peut faire ? déplorai-je en repoussant ma tasse vide.

La bouche de Léna se tordit.

-Pas grand-chose, avoua-t-elle en haussant les épaules. Attendre la prochaine fuite, peut-être, en espérant qu’elle nous donne plus d’indice. (Elle planta son regard dans le mien). C’est pour ça que je vais te demander de me raconter comment c’était passé cette soirée, sans n’omettre aucun détail : la soirée, la découverte du nid, l’attaque. Essaie d’être la plus précise possible.

Je déglutis difficilement, mais consentis à lui conter cette soirée. Elle me laissa parler, sans m’interrompre, ni me lâcher du regard. A quelque reprise, elle hocha la tête, ou fronça les sourcils, dans l’ensemble, elle resta impassible.

-Bien, conclut-t-elle quand j’eu fini. Ta version est exactement la même que celle de Danny. Lucas a peut être vu quelque chose e de plus – avec son aptitude, ce ne serais pas étonnant…
-Vous êtes obligé de vous en occupez ? Demandai-je timidement, alors qu’elle s’était levée pour ranger les tasses.
-Qui d’autre ? s’étonna Léna , se retournant en fronçant les sourcils.

Je trépignai et préférais me taire, mais elle parut comprendre ce que sous entendais mon silence, car elle soupira profondément :

-Ah, je vois. Les mauvaises langues sont passées…

Elle se retourna sur l’évier. La vaisselle s’entrechoqua quand elle la posa. Ma jambe se mit à faire des soubresauts. Je n’avais pas voulu lui rappeler ça, mais le fait qu’elle me pose des questions de manière aussi cartésienne, aussi nette, sur un problème qui la concernait de droit, m’avait glacée. Ça devait être trop douloureux, quelqu’un pouvait mener l’enquête à sa place, non ? Léna se retourna vers moi et eut un sourire crispé.

-On t’a raconté ce qui s’était passé il y a sept ans, pas vrai ? s’assura-t-elle.

J’hésitai, puis hochai timidement la tête. Je n’avais pas vraiment la force de parler : j’avais l’impression de m’immiscer dans son intimité. Elle s’avança vers la table, et appuya ses mains sur sa chaise, le regard dans le vide.

-Je comprends ta question. Je suis trop impliquée pour enquêter. Peut-être. Mais si tu avais vu des gens se faire tuer, si tu avais vu la mort de si près qu’elle aurait pu t’engloutir toute entière, tu n’aurais pas chercher à avoir des réponses ? A savoir ce qui était à l’origine de ton malheur, de savoir qu’est ce qui t’a pris le gars que tu aimes ? J’ai essayé d’avoir des réponses : je ne les ai pas eues. Ce n’est que maintenant que je pourrais les avoir. Hypothétiquement.

Elle avait parlé très franchement, nettement, sans note de hargne, ni de ressentiment dans la voix. La voir énoncer aussi crument ses sentiments me mettait mal à l’aise : j’avais l’impression d’écouter au portes, de savoir des choses que jamais je n’aurais dû savoir. Elle s’en rendit compte, car son sourire s’adoucit.

-Oh, je ne dis pas ça pour te faire pitié, ou te mettre mal, me rassura-t-elle en se rasseyant. Je met juste les choses au clair : je ne mène pas l’enquête parce qu’on m’y oblige, je mène l’enquête parce que j’en ai besoin.

J’hochai la tête en me détendant. Je comprenais tout à fait ce qu’elle ressentait. A la mort de mon père, j’avais harcelé ma mère pour savoir ce qu’il l’avait tué dans l’accident de voiture, et j’avais passé des heures à rechercher sur internet comment la collision aurait pu être évitée. Je ne savais pas si ça m’avait aidé, mais j’avais su que si je ne faisais pas ses recherches, je n’aurais jamais pu m’arrêter de pleurer la nuit (et ouais, ça avait vraiment été une période atroce. Que voulez vous.).

-C’est pour ça que vous êtes revenue à Sappho après ? réalisai-je. Pour trouver des réponses ?

Léna eut un sourire triste.

-Effectivement. Et puis, c’est le seul endroit où je ne me sois jamais sentit chez moi. Je suis arrivée ici très jeune, à cinq ans. Geoffrey et moi on se connaissait depuis presque toujours – il vivait ici avec sa mère. J’ai même connu Danny tout bébé.
Elle sourit à l’évocation de ce souvenir, rêveuse. Je ne pus m’empêcher d’avoir un pincement au cœur. La pauvre, elle avait tant perdu…
-J’ai passé mes meilleurs moments avec lui, à Sappho, souffla-t-elle. Maintenant, je n’ai plus Geoffrey … mais j’ai toujours l’école. C’est mieux que rien.
-Et Danny, non ?

Léna rejeta la tête en arrière et éclata de rire.

-Certes, confirma-t-elle néanmoins. Il ne faut pas oublier que j’ai failli être sa belle-sœur, le pauvre.

Léna rejeta la tête en arrière et éclata de rire.

-Certes, confirma-t-elle néanmoins. Il ne faut pas oublier que j’ai failli être sa belle-sœur, le pauvre.

La conversation prit alors un ton plus léger. Elle me raconta des anecdotes sur Sappho, les aptitudes les plus saugrenues qu’elle avait vu, et me montra des photos de sa Bretagne natale sur son téléphone. Elle dut me quitter, car les élèves commençaient à affluer pour manger. Elle partit en direction de la salle des profs en saluant des élèves au passage. Je pris moi-même ma nourriture et fut vite rejointe par Lucas.

-Alors, ça a été ? s’enquit-t-il en mordant dans son pain.
-On ne parle pas la bouche pleine, le taquinai-je. Mais ça été, je te remercie.
Callie arriva ensuite en posant brutalement son plateau devant nous en soupirant bruyamment.
-Ma vie contre le meurtre d’Anaëlle, pria-t-elle en joignant ses mains au niveau de son cœur. Pitié, je ne la supporte plus, elle vient encore de me demander si j’avais fait de la chirurgie esthétique pour m’enlever des seins. Je sais qu’ils sont petits, mais bon, personne ne s’en est jamais plaint…

Lucas faillit s’étrangler dans son verre et je pouffai silencieusement. Callie s’installa alors bruyamment. Sans s’en rendre vraiment compte, nous nous retrouvions souvent à trois – Lucas, Callie et moi. Ça ne me dérangeait pas plus que ça. J’aimais beaucoup Lucas, et je m’habituais de plus en plus aux bavardages incessants de Callie. J’espérai juste que je ne me faisais pas d’illusion en pensant que nous étions en train de crée de vrai lien (par opposition avec de que j’avais créé avec Sylvain). Un plateau vint s’abattre lourdement à coté de Callie. Je relevai les yeux sur Hugo. Il n’était pas toujours avec nous, mais comme il appréciait Callie (comment ? nuls ne le savait), il nous honorait parfois de sa présence.

-Je crois que je vais aller profaner la tombe de Marivaux, annonça-t-il en référence à la dissertation sur L’île des esclaves de Marivaux que nous avions à faire. Qui vient ?
-Moi, accepta immédiatement Callie (mais pour une fois, ce n’était pas pour faire plaisir à Hugo : je l’avais vraiment vu marmonner toute seule dans sa chambre en pestant contre cette foutue pièce de théâtre). Mais j’ai une meilleure idée. (Elle se tourna vers Lucas avec son plus beau sourire) Lulu…
-Non, refusa-t-il en rivant son regard sur son assiette. Je ne te donnerais pas ma dissert’.

Callie et Hugo s’y mirent à deux pour le convaincre de les aider (ce qui se traduisait par : « file ta dissertation que je la recopie »). J’intervins de temps à autre en faveur de Lucas, mais restais pour l’ensemble à l’écart du débat, préférant jouer avec ce qu’il y avait dans mon assiette. Lucas finit par achever son assiette à vitesse grand V pour pouvoir partir et échapper à Hugo et Callie, et je le suivis dans sa fuite.

-Tu ne veux pas prendre ma place ? s’implora-t-il alors que nous montions l’escalier.
-Je t’assure que tu ne veux pas de la mienne non plus, soupirai-je. Je suis une éclopée, je te rappelle.
-Je crois que je préfère. On échange ?
-Non, décidai-je après d’avoir fait mine de réfléchir. Je ne supporterais pas d’être aussi proche de Callie, navrée.

Il soupira en levant les yeux au ciel et j’éclatai de rire. Arrivée au foyer, je m’assis sur un canapé en allongeant ma jambe blessée devant moi, le pied sur un coussin.

-Tu te met à l’aise, remarqua Lucas en s’installant sur un fauteuil à coté. Apparemment, il y a des avantages à être éclopée. Tu es sure de ne pas vouloir échanger ?
-Nan. Tu me files mon sac ? Il faut que je relise ma dissert avant que Callie ne revienne et ne me tanne pour me la piquer.
-Lâcheuse, jura Lucas en m’envoyant mon sac. Tu n’es pas charitable avec moi.

Je lui lançai un stylo pour le faire taire et il piqua dans ma trousse pour me rendre la pareille. Quand elle fut vidée, il fit un avion en papier avec mes brouillons de français pour les envoyer tandis que je téléportais mes affaires. Ce fut finalement Antoine qui nous interrompit dans nos gamineries pour soudoyer son frère sur la dissertation de français. Ils débattaient encore quand Callie et Hugo remontèrent de la salle à manger, la mine étrangement soucieuse, parlant à voix basse.

-Quelque chose ne va pas ? m’inquiétai-je en voyant le visage crispé de Callie.
Elle ne répondit pas tout de suite, se contentant d’échanger un regard anxieux avec Hugo.
-Une rumeur, me dit-t-elle finalement à voix basse.

J’hochai la tête. Les jumeaux à coté de moi avaient cessé les hostilités et attendaient comme moi que Callie crache le morceau. Elle s’assit sur le sol, le regard vague.

-On a retrouvé un nid, apparemment, encore dans le domaine, au pied d’un arbre, nous apprit Hugo, puisqu’elle tardait à se tenir au fait. C’est Timothée, de notre classe, qui a vu Aguiard et Eglantine débarrasser un nid, derrière l’arsenal. Un nid de Sirène, d’après lui.

Un frisson me parcourut l’échine alors que les jumeaux se tendaient devant moi, avec un air identique de stupeur qui frisait l’effroi.

-Encore un ? s’étonna Lucas.
-Mais on n’est pas sûr que ce soit un autre nid? douta Antoine en fronçant les sourcils. Léonie en a téléporter un il y a une semaine, elle a pu l’envoyer n’importe où… ça peut être le même.

Tous les regards se portèrent vers moi. Je les contemplai, interloquée, perplexe, avant de comprendre ce qu’ils me demandaient silencieusement.

-Je ne sais pas où je l’ai téléporté, avouai-je. Juste … le plus loin possible, sans avoir d’endroit précis en tête. Antoine a peut-être raison. Je n’en sais rien.

Callie leva lentement les yeux sur moi, puis les porta sur Lucas. Ses yeux brillaient, mais l’espièglerie avait laissé place à de l’anxiété dans son regard.

-Mais si c’est un autre…, commença-t-elle d’une voix légèrement tremblante. Ça voudrait dire …
-On n’en sait rien, l’interrompit Antoine à la place de son frère en se levant. Je vais voir si Gretel sait quelque chose.

Il nous laissa là, et disparut dans la cage d’escalier. Tout autour, les murmures allaient de bon train. Un murmure inquiet.

-Il a raison, fit finalement Lucas. On ne sait même pas si c’était un nid de Sirène, et encore moins s’il est différent de celui de la semaine dernière. Il faut qu’on arrête de psychoter.

Il se leva lentement et me rendit mes stylos que nous avions éparpillés dans notre bataille amicale. Il rangea aussi ses propres affaires, et Callie se réveilla en sursaut de sa torpeur.

-Ou est ce que tu vas ? demanda-t-elle avec affolement.
-Trouver Danny. Tu veux venir ?

Callie accepta aussitôt. Ils me proposèrent de me joindre à eux. Je m’avouai que j’aurais bien voulu. Danny était peut être la seule personne ici capable de nous dire quel était la nature de ce nid. C’était peut être une épée de Damoclès, mais il fallait admettre qu’il permettait de débloquer pas mal de situation. Cependant, étant donné que personne ne savait où était Danny, j’aurais dû descendre touts les étages, puis les remonter. Et en béquille, c’était intenable. De plus, j’aurais peut-être dû accompagner Antoine à l’infirmerie pour avoir des doliprane. Ma tête commençait à tourner, et je ne savais pas si c’était à cause de ce que Callie et Lucas venaient de dire, ou si c’était parce que la semaine avait été rude. Je déclinai finalement leur invitation en précisant que l’éclopée devait se ménager et ils partirent. Hugo s’était rapproché d’un groupe de notre classe qui chuchotait avec animation dans un coin du foyer. Je restai dans le canapé, à tenter de lire désespérément ma dissertation, mais j’avais du mal à me concentrer. Même si j’étais assez d’accord avec Antoine dans le fait que c’était surement le nid que j’avais téléporté, dans ce cas, où était passé la mère et les œufs ? étaient-ils partit ? Ou avaient-ils été abattu avant la descente du nid ? J’aurais voulu arrêter d’y penser, mais seul la revenue d’Antoine me sortie de mes songes angoissants. Gretel ne savait rien, et le désert dans son infirmerie indiquait que personne n’était blessé. Je devais faire une drôle de tête, car il me proposa un somnifère, que j’acceptai volontiers.

-Fais gaffe, tu vas devenir accros, me prévint-t-il en me donnant la pilule. Ces mauvais, ces trucs là, légalement, je n’ai même pas le droit d’en prendre.
-C’est juste pour cette nuit, assurai-je. Mais si je prends rien, je vais y penser toute la nuit.
-Ne te rend pas malade à cause de ça. C’est peut être rien.

J’haussai un sourcils, surprise. De ce que j’avais entendu sur Antoine, il aurait dû en profiter pour crier au scandale. Mais apparemment, sa dernière dispute avec Léna avait dû le calmer. Finalement, je le remerciai et me remis sur pied pour aller me coucher. Je venais à peine de mettre mon pyjama quand Callie entra dans ma chambre par la salle de bain, l’air boudeur.

-Danny ne savait rien, bougonna-t-elle en s’asseyant avec moi sur mon lit. Et ce qu’il sent est confus. Impossible de savoir. On demandera à Léna demain.
-Ce n’est peut être rien, Callie, la rassurai-je, reprenant les mots d’Antoine.
Les lèvres esquissèrent une moue adorable.
-Ce n’est jamais rien, marmonna-t-elle. Mais le jour ou quelqu’un sera tué, ce sera rien aussi ?
-Pourquoi quelqu’un serait tué ?

Elle pinça les lèvres en regardant obstinément le mur.

-Parce que ça c’est déjà vu, répliqua-t-elle. Et je n’ai pas envie de perdre quelqu’un comme Léna a perdu Geoffrey. Je n’étais pas là lors du drame, mais j’étais là quand Léna est revenue à l’école : c’était horrible, tout le monde ne parlait plus que d’elle, elle qui avait survécut miraculeusement à l’attaque. Les grands nous faisaient psychoter en disant que si on ne leur donnait pas notre déjeuner, les créatures allaient venir nous manger comme elles avaient mangé Geoffrey Hautroi. (Elle renifla, méprisante) Ils ont même fait ce coup devant Danny. Ce n’était pas déjà assez pénible de perdre son frère dans des circonstances aussi flottantes, il faut encore faire des blagues là dessus ? Enfin bref, cette idée a toujours hanté ceux qui ont vécut l’après-accident. On a toujours su que ça arriverait un jour ou l’autre. Que quelqu’un d’autre serait un jour tué.

Sa lèvre se mit à trembloter. Je m’approchai d’elle et passai un bras sur ses épaules. Elle se laissa aller contre moi. Elle était tellement petite… on aurait dit une enfant qui venait de faire un cauchemar. Toute sa belle assurance qui la caractérisait semblait l’avoir quitté. Je ne dis rien. je ne savais pas quoi dire. Callie semblait être quelqu’un dont la pire crainte se produisait, sous ses yeux. Elle tourna finalement ses grand yeux, noirs pour l’occasion, vers moi.

-Ça va te paraitre bizarre, m’annonça-t-elle avec un petit sourire. Et tu as le droit de refuser. Mais est ce que je peux dormir avec toi ? Avec tout ça, j’ai peur de dormir toute seule.

Effectivement, la proposition était étrange et me prenais au dépourvu. Callie m’avait toujours semblait être l’incarnation de l’indépendance et de la fierté. La voir en mode « petite fille effrayée » était choquant en soit, mais qu’elle vous demande derrière si elle pouvait dormir avec vous, comme en manque de réconfort… Ça sortait d’un autre monde.
Mais je ne pouvais pas décemment la laisser comme ça.

-C’est bizarre, admis-je en me forçant à sourire. Mais tu peux. Allez, viens, gamine.
-Gamine ? s’indigna-t-elle avec un fougue qui lui ressemblait déjà plus. Non mais ! Je n’ai qu’un an de moins que toi, la rousse aux bois dormant !
-Cal, tais-toi.

Callie resta un instant de marbre, mais lentement, son habituel sourire espiègle vint se peindre sur ses lèvres.

-Tiens, tu ne l’avais jamais dit, ce fameux « tais-toi, Cal », me taquina-t-elle. On avance, Léo, on avance. Soirée pyj’, nous voilà !
Je gémis alors qu’elle allait chercher ses affaires. Finalement, je trouvais ma générosité un peu trop rapide…

***

Le reste de suite :
Dernière modification par Perripuce le ven. 27 nov., 2015 10:12 pm, modifié 1 fois.
Perripuce

Profil sur Booknode

Messages : 1271
Inscription : lun. 11 mars, 2013 7:13 pm

Les enfants de Gaia (3/3). (Fantastique/Fantaisie).

Message par Perripuce »

OUUUUF ! Finish :)
Bonne lecture !

Chapitre 6 (3/3) : Suspicions.

La « rumeur » du nid de Sirène fit le tour de l’école en une nuit. Léna et les autres membre de l’administration confirmèrent la théorie de Lucas, selon laquelle c’était le même nid que celui que j’avais téléporté, et que la mère, après l’éclosion des œufs, c’était enfuie. Mais les murmures de désemplirent pas dans les couloirs. Devant chaque classe, les élèves chuchotaient avec animation, évoquant toute les théories possible et imaginable – et il y en avais des pires que celle de la « théorie du complot ». Je fus particulièrement sollicité par les élèves, et il me fallut l’aide de Callie pour échapper aux « Où est ce que tu as téléporter le nid ? » ou alors « pourquoi tu l’as laissé dans l’enceinte ?! ». Il y avait même un théorie qui disait que j’avais fait exprès de le laisser dans l’école. Quand Callie avait entendu ça, elle c’était tellement insurgée que l’intégralité de sa peau avait pris une couleur rouge vif (ça avait beaucoup impressionné les enfants qui étaient devant nous à ce moment là). Entendre ça m’avait complétement glacé. C’était tellement absurde. Cette théorie, qui était la plus croustillante, s’était rependue très rapidement. Touts les élèves me regardaient de travers et j’avais dû passé mon week-end enfermé dans l’infirmerie avec Gretel, les jumeaux Meynier et Callie. Danny passait de temps à autre également. Lui aussi était assaillit de toute part, d’après Lucas. Non seulement les élèves voulaient savoir ce qui c’était passé samedi dernier, mais aussi il y a sept ans, lors de la mort de son frère. Je trouvais ça cruel de l’agresser ainsi. Vivre une fois la mort de son frère était déjà assez douloureux, la racontait encore et encore pour satisfaire la foule, c’était de la torture. Et je savais de quoi je parlais, croyez moi.

Les rumeurs calmèrent la semaine suivante et je puis reprendre un rythme normal. La « soirée pyj » nous avait rapproché, Callie et moi. J’avais découvert qu’il y avait autre chose derrière l’agaçante Callie (une petite fille toute effrayée, en fait) et ça me rassurait quelque peu. Ce samedi, Lucas avait passé l’après-midi entière à nous expliquer la trigonométrie, à Callie, Antoine et moi, que nous étions en train de commencer. D’accord, ça s’était fini en bataille de stabylo, mais au moins, j’avais compris l’ensemble. Et j’avais une jolie photo de Callie, affublée d’un joli «π » vert sur le front, et d’un cœur bleu (avec un grand « H » au milieu, évidemment) sur la joue droite, en train de colorier le nez d’Antoine en rose (ça lui allait mieux qu’on ne le penserait) et une autre Lucas, où on avait noté toute les formules de trigo sur son visage, ses bras, et même ses vêtements, pour lui prouver qu’on s’en rappelait. Et oui, nous étions immensément intelligents et matures, dans cette école. Gretel avait éclaté de rire quand nous lui avions montré les photos, mais pour une raison qui nous échappait, Callie avait refusé qu’on les montre à Hugo. Après ce cours très instructif, je m’étais en route pour le stand de tir à l’arc, seule, pour m’exercer sur mon don, le sac plein de pomme que je semais sur le chemin pour les téléporter ensuite là-bas. Je m’attendais à voir Danny s’entrainer (il venait souvent le samedi soir), mais le stand paraissait vide. Le soleil était presque entièrement couché et je dus m’éclairer avec l’option « torche » de mon portable. Une odeur de tabacs flottait dans l’air. Des élèves devaient être venu ici. C’était vrai que c’était la meilleure cachette, mais généralement, les fumeurs préféraient y aller en groupe derrière l’écurie. Je me tournai pour aller m’assoir sous l’arbre où j’étais d’habitude, et poussai un cri de surprise en remarquant une petite pointe s’enflammer juste à cet endroit.

-Léonie, je te préviens que si je reçois le moindre marron, ça ne va pas aller.
-Tu préfères une pomme ? glapis-je en braquant ma lampe sur Danny. Qu’est ce que tu fous à ma place ?

Il plissa les yeux et leva une main pour se protéger du projecteur. Il était assis nonchalamment au pied de mon arbre, une jambe repliée pour qu’il puisse y poser son coude, son arc étendu à coté de lui. Image plutôt banale, ordinaire, à ceci près qu’il tenait une cigarette allumée et consumée à un tiers entre les doigts.

-Je veux bien te l’expliquer si tu m’éteins ce truc, gronda-t-il. Et non merci pour les pommes, c’est gentil.

J’éteignis ma lampe de mauvaise grâce et m’approchai lentement. Je m’assis à une distance respectable, mais toujours sous mon arbre (il ne fallait pas déconner, non plus). Ainsi, Danny Hautroi fumait. Ça expliquait au moins ces absences chroniques.

-Joli cercle trigonométrique, remarqua Danny en désignant mon visage du menton. Tu révisais la trigo ?

Je fronçai du nez en tentant inutilement d’effacer le cercle que Callie m’avait fait sur la joue droite. Je n’y avais pas pensé, mais c’est vrai que c’était ridicule.

-Effectivement, bougonnai-je avant d’ajouter d’un ton railleur : Tout les gens qui t’idolâtrent savent que tu fumes ?
-Personne ne m’idolâtre, protesta-t-il en prenant une bouffée. Et très peu de gens le savent, alors tiens ta langue.
-Tu veux préserver ton image ou quoi ?

Danny me lança un regard de coin et je battis en retraite. Je téléportais deux autres pommes avant de lâcher du bout des lèvres :

-Tu sûr que tu n’en veux pas une ? C’est meilleur pour la santé.
-Pour les remarques anti-tabagisme, j’ai Lucas, c’est gentil, Léonie, soupira-t-il en recrachant un nuage odorant de fumée. Je fume depuis presque trois ans, on n’arrête pas comme ça.
-Des patchs, ça existe, proposai-je en perçant une pomme avec mes ongles. L’hypnose a de bons résultats aussi.

Danny tourna la tête et me souffla sa fumée au visage pour me faire taire. Je secouai la main devant moi en toussant. Pas cool, le gars.

-Espèce de salaud, toussotai-je. Si tu veux que je me taise, il faut que tu me traites plus gentiment.

Il me lança un autre regard de coin et je remarquai dans la pénombre qu’il souriait doucement. Je consentis à me taire et téléportai beaucoup d’objet (dont des marrons. C’était bien, les marrons, ils étaient devenus très dociles en deux semaines). Une petite mélodie familière retentit doucement. Je me retourner vers Danny, qui chantonnait effectivement à coté de moi, distraitement. Reconnaissant l’air de La main verte de Tryo (chanson particulièrement de circonstance, je trouvais.), je me mis à chantonner machinalement.

-Alors c’est bon – bam, boum ! - j’ai la solution ! Des tonnes de graines et des hectares de plantation. Faites fleurir les jardins, décorez les balcons et expliquez à vos voisins que fumer vous coute du pognon ! Je veux fumer de l’herbe de qualité, bouché l’trou d’la Sécu en fumant mon tarpé, ne plus transpirer à chaque contrôle d’identité, qu’on arrête de m’considérer comme un drogué. Alors c’est bon – Bam boum !- j’ai la solution, des tonnes de graines et des hectares de plantation ! De mars à octobre, c’est la bonne saison, y’a plus qu’a espérer qu’on arrache pas tout pieds – lot !

Le sourire de Danny s’élargit.

-Je pensais pas que tu écoutais du Tryo, avoua-t-il, amusé.

Je lui lançai un regard de coin. Il regardait au loin, sa cigarette entre les doigts, le sourire aux lèvres.

-Bien si, affirmai-je finalement. Celle-là est super. Serre-moi aussi.
-Je préfère L’Hymne de nos campagnes.
-La base, c’est la plus connue, fis-je remarquer.

Je ne pensais pas avoir un point commun avec Danny (encore moins maintenant que je savais qu’il fumait. Mon père était écologiste (qui l’aurait cru ?) et m’avait dégouté du tabac dés ma plus tendre enfance. Un enfant de Gaia qui fumait, c’était l’ironie la plus complète). Puis, je me rendis compte qu’en réalité, c’était notre deuxième point commun, même si le premier était beaucoup moi plaisant. Ce rappel me refroidit d’un coup et je m’ébrouai pour me réchauffer.

-Toi aussi on t’a emmerdé tout le week-end ? soufflai-je à brule-pourpoint. A propos du nid ?

Danny hocha sombrement la tête. Son sourire s’était éclipsé.

-Oh que oui. Pourquoi ?
-Pour savoir, éludai-je rapidement. Perso, j’ai dû me plaquer dans l’infirmerie.
-Je sais (il tourna la tête vers moi). Les gens pensent n’importe quoi. Dire que tu as fait exprès de le laisser dans l’enceinte, ça relève de la bêtise. Même Antoine n’irait pas aussi loin.

J’acquiesçai doucement. Oui, c’était de la folie. Et effectivement, Antoine avait été le premier à plaisanter de cette théorie scabreuse, prouvant qu’il la trouvait absurde. Ces bestioles m’avaient effrayée, je ne voyais pas pourquoi je aurais eu envie de les garder ici. Un autre silence s’installa, le temps que Danny finisse sa cigarette. Il finit par tirer sa dernière bouffée et écrasa son mégot sur une racine de l’arbre.

-J’ai repensé à ton problème, entonna-t-il alors à ma plus grande surprise. Le fait que ton arrière grand-père soit un enfant de Gaia et que tu ais ce pendentif.

J’haussai les sourcils, étonnée qu’il ait songé à cela. Ça ne le concernait pas vraiment, et il n’avait jamais donné l’impression de s’y être intéressé.

-J’ai demandé à Raymond, en fait, m’apprit-t-il avec un sourire penaud. Si quelqu’un qui s’appelait Moineau n’était pas passé dans l’établissement. Raymond est là depuis presque quarante ans, si quelqu’un le sait, c’est bien lui. Au début, il a nié, mais en insistant un peu, il a finit par me dire qu’en effet, il y a quelque année, un certain Tristan Moineau avait parcouru nos couloirs, mais je n’ai rien pu tirer de plus, parce qu’il m’a menacé de me mettre à la vaisselle pendant toute les vacances. C’est ton père ?

Je tournai brusquement la tête vers lui. Il ne me regardait pas, mais son visage était sérieux. Mon cœur se mit à battre fort dans ma cage thoracique. Maintenant, c’était officiel, mon père avait été ici. Danny venait de m’en fournir la preuve.

-Effectivement.
-Tu n’as pas l’air étonné, remarqua-t-il.
-Je le soupçonnais.
Danny eut un petit ricanement en secouant la tête.
-Ça t’aurait tué de me faire part de tes soupçons ? Au cas où tu ne l’aurais pas remarqué, le fait que ton père soit un enfant de Gaia est encore plus troublant. Trois sur quatre générations. Je n’ai jamais vu ça de ma vie. Donc sur la photo que tu regardais, il avait vraiment la marque ?
-J’ai fait des recherches aussi, enchéris-je en haussant les épaules, refusant de me justifier. Sur mon père et son grand père. Je n’ai rien trouvé sur eux, mais sur une dame qui porte le même nom de famille que mon arrière-grand-père.

Je lui décris l’article sur Antoinette Perrault, et en quoi elle pouvait éventuellement être reliée à Marceau Perrault. Il m’écouta patiemment en hochant la tête.

-Ça me semble fondé, approuva-t-il. C’est cohérant. Même si Perrault est un nom courant, la probabilité que deux soit venu à Sappho dans la même génération sans être de la famille est très faible. Tu devrais demander à ta famille…
-Déjà fait. Ma grand-mère est injoignable, et ma mère ne sait absolument rien.
-Et ton père ? S’étonna-t-il.

Je le fixai en clignant des yeux. Là, j’avouais que je l’aurais bien giflé. Il avait un sixième sens. Son instinct ne pouvait lui dire qu’en me concernant, le mot « père » était associé à « prendre avec des pincettes » ? Non, évidemment, Léonie devait le faire elle-même, c’était tellement plus marrant.

-Tu connais quelqu’un qui réveille les morts ? ironisai-je de manière un peu abrupte. Comme ça je pourrais lui demander.

Danny tourna brusquement la tête vers moi, les yeux écarquillés. Je soutins son regard un instant sans rien dire.

-Oh, désolé, s’excusa-t-il, l’air sincère. Je …

Il s’interrompit, troublé. Son embarras me toucha quelque peu (après tout, il avait dû vivre le même style de situation) et je décidai de laisser couler.

-Ne t’en fais pas, ça va, le rassurai-je doucement en me laissant aller contre le tronc du marronnier. Je suis habituée.

Je sentis Danny me scruter dans la pénombre, mais moi, je détournais le regard. Ça faisait bizarre d’avoir l’ascendant sur lui. Ça procurait un sentiment de puissance qui serait agréable, si le sujet n’était pas aussi morbide.

-Je suis désolé pour ton père, souffla Danny en s’adossant lui aussi au tronc, la voix légèrement cassée. Crois-moi si tu veux, mais je sais ce que c’est.
-Ton frère, compris-je, provoquant un froncement de sourcils de sa part. Lucas m’a dit, après l’attaque des Sirènes… Désolée.

Danny se tut un moment en me regardant, l’air de me juger – un peu comment nous avait regardé Léna la première fois que je l’avais vu. J’ai eu du mal à savoir s’il m’avait entendu ou non, tellement son regard était vide. Il finit par battre des paupières, comme surpris que j’aie connaissance de cette information.

-Ouais. Ouais, effectivement.

C’était la première fois que je voyais Danny aussi troublé. Je le laissais reprendre constance, un peu honteuse et coupable. J’étais bien placée pour savoir que c’était un sujet douloureux et épineux. Finalement, il repris lentement la parole, d’une voix légèrement voilée, mais résolument plus calme.

-Ouais, Ça ne m’étonne pas trop qu’on t’est parlé de ça. Il faut dire que les accident et Geoffrey, c’est souvent associé.
-Je suis désolée, répétai-je, sachant pourtant que c’était la chose qui était insupportable à entendre dans ce genre de situation, mais que l’on disait quand même. Lucas m’a raconté, c’est atroce.

Danny haussa les épaules. Il avait l’air dans ces pensées, et je n’avais pas vraiment l’impression que mes paroles l’atteignaient. C’était pourquoi j’étais étonnée qu’il me réponde :

-J’avais onze ans, j’étais gosse, tu sais. L’atrocité, tu t’en pas trop compte. On te le dit, que l’accident est tragique, dans la catégorie gore, même. Mais pour toi, tout ce qui compte, c’est que t’a perdu ton frangin.
-Vous étiez proches ?

Je me mordis la lèvre. Pas de doute, j’étais une curieuse finie. Mais contre toute attente, Danny sortit de sa torpeur et sourit doucement. Un sourire à la fois triste, mélancolique et entendu, comme s’il se souvenait d’une vieille blague. Finalement, il sortit quelque chose de sa poche.

-Ce genre de question, ça coute une clope, petit oiseau, m’annonça-t-il en mettant sa cigarette dans sa bouche.

Je lui lançai un regard aigu, mais il sourit, sortit un briquet dans sa poche et alluma tranquillement sa clope. Je me mordis la lèvre. J’aurais aimé dire « tu n’es pas obligé de répondre », être charitable, mais les mots ne voulaient pas sortir de ma gorge. Super, Léo. Danny tira une première bouffée et recracha son nuage de fumée avant de commencer :

-Ce n’est pas franchement qu’on était proche. On avait trop d’écart pour cela – sept en fait. Mais Jo était le genre de type parfait à qui tout le monde veut ressembler – un gars charmant, avenant, sympa, drôle, poli… Tout le monde l’adorait. Il y avait Geoffrey Hautroi et le monde qui gravitait autour. Alors quand c’est ton grand frère, c’est pire que ça. C’était un peu mon modèle.

Il laissa tomber des cendres sur le sol, les yeux dans le vague. J’avais doucement souri à la description qu’il avait fait de son frère, parce qu’elle lui ressemblait comme deux gouttes d’eau. Un mec que tout le monde adorait ? Au dessus des autres ? C’était exactement le rôle que lui même avait à présent.

-Tu as plutôt bien copié, alors, je trouve, me moquai-je gentiment.
-Je l’admet, je m’en tire pas mal, plaisanta-t-il avec un sourire de coin. Mais mon frère il avait trouvé Léna en plus, et ça, j’ai pas encore su.
-Tu avais Callie, remarquai-je.

Il eut une réaction qui le laissa penaude : il éclata de rire. Je ne l’avais jamais entendu rire. Ça faisait vraiment bizarre. Un peu comme voir l’hivers devenir été d’un coup, sans préambule. C’était presque effrayant.

-Certes, admit-t-il avec un sourire. Mais Callie n’a pas franchement la même classe que Léna. Même si je l’adore, bien sûr.

Je décidai je ne pas relever le « je l’adore » en lui demandant à quand la prochaine fois qu’ils sortaient ensemble. J’avais était assez indiscrète comme ça. Il y avait juste une dernière chose que j’aimerais savoir…

-Et ta mère, elle enseigne encore ici ? m’enquis-je prudemment.

J’avais raison d’être prudente, car le visage de Danny se ferma. Oups, sujet glissant. Mais je n’avais pas pu m’en empêcher. Ils m’avaient tous dit que sa mère était prof ici, et que c’est pour ça que Danny et son frère avaient toujours connu Sappho. Cependant, pour avoir vu à peu près touts les profs, même ceux des enfants, je n’avais jamais vu une femme qui ressemble de près ou de loin à Danny Hautroi.

-Non, finit-t-il par lâcher du bout des lèvres. Ne le prend pas mal, mais je n’ai franchement envie d’en parler. Pour faire simple, elle a un peu… pété les plombs, après la mort de mon frère.
-Oh, compris-je en rougissant de gène. D’accord, désolée. Je ne voulais pas être indiscrète.

Danny haussa les épaules en tirant une bouffée.

-T’inquiète, je suis habitué, me rassura-t-il avant d’avoir un sourire de coin. Mais laisse moi te rendre la pareille : il est mort comment ton père ?

Il avait dit ça de façon superbement détachée. Je souris malgré moi. Certes, ce n’était pas une question qui prêtait à sourire, mais je ne pus m’en empêcher.

-Accident de voiture, répondis-je. J’avais douze ans.
-Et tu étais dans la voiture.

Je tournai brusquement la tête vers lui, choquée. Il ne me regardait pas, se contentant de fixer un point au loin. Ce n’était une question, c’était une affirmation. Il savait. Je rêvais, ou son sixième sens omettait le fait que j’étais orpheline de père, mais précisait volontiers que j’avais assisté à sa mort ?

-Effectivement, confirmai-je avec méfiance. Enfin, c’est ce qu’on m’a dit. Je ne me souviens pas de l’accident.

C’était la stricte vérité. Je me souvenais être montée dans la voiture, juste à coté de ton père. Je me souvenais l’avoir vu démarrer. Avoir rouler. Avoir atteint l’autoroute.
Et plus rien. Le vide complet. Le noir.
Et les séances de psy ou d’hypnose ne m’avaient pas aidé à retrouver la mémoire. La première chose dont je me souvenais après l’accident, c’était l’ambulance qui m’avait amené à l’hôpital pour vérifier que je n’avais rien. Mais pour ce qui était de l’accident en lui-même… Nada.

-Et tu étais blessée ? continua doucement Danny. Je veux dire, à douze ans, tu devais être à la place passager, non ? Donc tu étais aussi exposée que ton père, et si lui a perdu la vie…

Je lui lançais un regard acéré pour le faire taire. Il venait justement de mettre le doigt sur le mystère de l’accident. C’était un poids lourd qui nous avait percuté de plein fouet. Effectivement, je me souvenais être montée à l’avant. Papa avait été tué sous le choc et moi j’étais sortie de là… indemne. Sans une égratignure, c’était un véritable miracle. Personne ne savait comme ça avait été possible. Et mon trou noir ne les avait pas aidé à comprendre. Mon silence dû paraître éloquent à Danny, car un silence gêné s’installa entre nous. Cette conversation me paraissait complétement irréelle. Parler d’un sujet morbide avec un gars que je n’étais même pas tout à fait sure d’apprécier, ça semblait sortir d’un autre monde. Il repris finalement la parole, comme si ce vide lui était insupportable :

-D’accord, alors résumons ta situation : tu es une enfant de Gaia à l’aptitude plutôt puissante, qui a survécut miraculeusement à un grave accident de voiture, et dont le père et l’arrière-grand-père étaient des fils de Gaia. J’oublis quelque chose ?
Le résumé de Danny était éloquent. Effectivement, vu comme ça, c’était un véritable extra-terrestre.
-Je me suis fais attaqué par des Sirènes. Et je suis tombée d’un arbre, rappelai-je avec l’ébauche d’un sourire.
-Et tu as une malchance significative, convint Danny en souriant aussi. En même temps, quelle idée d’aller monter à un arbre…
-Je fais ça tout le temps. Une habitude

Je vis Danny haussait les sourcils, l’air dubitatif en soufflant un nuage de fumée. Je lui lançai un regard agacé en jurant dans ma barbe. Lui et son don allaient me rendre folle. Aucune intimité possible. J’avais supposé qu’étant donné ce n’était pas un vrai mensonge, il ne verrait rien, mais son don paraissait plus aiguisé que je ne le croyais. « LOL ».

-Danny ?
-Oui ?
-Je te déteste.
-Menteuse, se moqua-t-il. Allez, balance, pourquoi tu es montée à un arbre ?

Je soupirai en relevant les yeux au ciel. Je n’avais pas envie de me justifier, mais puisqu’il le demandait si gentiment…

-Un vieux truc que m’avait dit mon père, amorçai-je en me tortillant mes cheveux. Il m’a toujours appris que l’arbre veillait sur toutes les créatures qui habitaient entre ses branches. Alors je me suis dit que, s’il avait raison, c’était bizarre qu’une créature de Gaia ait laissé un nid de Sirène se faire entre ses branches. Alors je suis montée à cet arbre.

Danny ne m’avait pas interrompu. Il avait le visage tourné vers moi, mais dans la pénombre, je ne pouvais pas voir son expression.

-Ouais, je sais, c’est débile, lâchai-je en haussant les épaules. Mais …
-C’est pas débile, me coupa brusquement Danny. Ton père avait raison, les arbres sont ce qu’on appelle des Gardiens – des créatures de Gaia qui protège ses créations. En temps normal… Je n’avais pas pensé à ça comme ça, je n’avais même pas capté que … Bon sang, Léonie, tu as raison, un nid de Sirène n’aurait jamais pu s’établir dans un arbre !

Il sauta sur ses pieds, la cigarette coincée au coin des lèvres, l’air pensif. Il se mit à faires les cents pas devant moi. Je le suivis des yeux, interloquée.

-Non mais comment elle font les Sirènes, si habituellement elles ne peuvent pas s’établir dans les arbres ? m’étonnai-je.
-Toit de maison, caverne, montagne escarpée, énuméra Danny sans me regarder. Pas les arbres – ils les chassent. Sauf que là, c’est toi que l’arbre a chassé.

Nous nous tendîmes en même temps, prenant lentement conscience de ce qu’il venait de dire. il se tourna lentement vers moi.

-Effectivement, il m’a chassé moi, renchéris-je en fronçant les sourcils. Comme s’il protégeait autre chose … de moi.
-Ça fait un peu ça, acquiesça-t-il avant de reprendre devant mon regard agacé avec un soupir : D’accord, c’est ça. ça voudrait dire… non, je ne veux même pas imaginer ce que ça voudrait dire. Un Gardien qui blesse une fille de Gaia ? Qu’est ce qui peut être plus important aux yeux de Gaia que ses propres enfants ?

J’haussai les épaules. C’était lui, le spécialiste, moi j’étais la novice. Danny resta silencieux un instant, se contentant de terminer sa cigarette avant de l’écraser soigneusement sous son pied.

-Et tu as remarqué quelque chose ? me demanda-t-il finalement. Dans l’arbre ?
-Rien, répondis-je. Je veux dire, il n’y avait pas de vie - pas de bêtes ni rien… et un drôle de truc, aussi, une sorte de sigle gravée dans le tronc.
-Un sigle ? répéta Danny, les yeux en alerte. Tu saurais le reproduire ?

Je fouillais ma mémoire et hochai lentement la tête. Ce n’est pas pour rien que mon père m’avait appris à mémoriser tout ce qu’il y avait sur l’arbre. Je pris un bâton sur le sol, et me mit à dessiner de mémoire le symbole que j’avais remarqué dans l’arbre. Danny se rapprocha et se pencha au dessus de mon épaule. Je fronçai du nez.

-Tu pus la clope, remarquai-je, provoquant un soupir désespéré de la part de Danny. Hey, j’y peux rien si ce truc est aussi répugnant à l’odeur !
-La ferme, petit oiseau, et dessine.

Je me retournai pour le pousser. Il retomba sur ses fesses dans la terre avec « hé ! » de surprise. Je m’autorisai un sourire satisfait, qui disparut vite quand il m’envoya une poigné de terre sèche à la figure.

-Salaud, toussotai-je. T’es vraiment pas cool, comme gars.
-Menteuse.

Je lui lançai un regard acéré et il me gratifia de son fameux sourire de coin. Je me refusai finalement à toute représailles et le laissai approcher, lui et son atroce odeur de tabac.

-Ne t’inquiète pas, je me brosse les dents, après, plaisanta Danny en me regardant reproduire le symbole sur le sol.
-C’est de l’humour, ça ? ironisai-je.
-Ouais, tu ne sembles pas connaître beaucoup, apparemment.

Je levai les yeux au ciel, désespéré. J’aimerais beaucoup que toute l’école le voie avec mes yeux. On verrait s’il serait aussi populaire après ça.

-Ferme là, Hautroi, laisse-moi bosser.

Je sentis Danny sourire plus que je ne le vis. Mais au moins, il me laissa finir mon œuvre (hum hum) tranquillement (si on excepté l’odeur de tabac qui persistait. La prochaine fois, en plus d’une clochette, j’apportais le parfum). Je finis par me redresser avec une moue de dépit. Ça ressemblait plus à un amas de lignes qu’un gosse aurait dessiné qu’à un symbole.

-Quel réalisme, remarqua Danny.
-Hey, j’ai fait de mon mieux, mais pas évident de se concentrer avec un mec qui te jette de la terre au visage, répliquai-je âprement. Bon ça te dit quelque chose ?

Il s’avança un peu pour examiner mon dessin, les sourcils froncés.

-On dirait vaguement de l’arabe, observa-t-il au bout d’un moment, avant d’ajouter, voyant que j’ouvrai la bouche pour m’insurger : non, mais vraiment, on dirait de l’arabe ! Ou peut être de l’alphabet phénicien. Je ne dis pas ça pour me moquer, t’inquiète.

Mouais mouais. Maintenant que je savais qu’il était capable de faire de l’humour, je me méfiai de ce genre de réflexion venant de sa part. Apparemment, fumer paraissait le détendre, et lui délier un peu la langue. Ça se voyait qu’il ne fumait pas pendant les cours.

-Alphabet phénicien ? répétai-je de la manière la plus neutre possible (ce n’était pas évident, je vous l’assure). Genre, ce n’est pas un peu l’alphabet un peu archaïque ?
-Carrément archaïque, confirma Danny en hochant la tête. C’est parfois considéré comme le premier véritable alphabet. Qu’est ce que ça fout sur cet arbre, je l’ignore, mais…

Il s’interrompit un instant, fixant mon gribouillis. Il finit par sortir quelque chose de sa poche. J’eus peur que ce soit encore une clope, mais c’était son portable.

-Je sens que ça a un rapport avec notre affaire, murmura-t-il en prenant le dessin en photo, avant de froncer du nez. Ça ne rend pas super, tu ne pourrais pas le refaire sur une feuille ? En mieux ?
-Loin de toi et de ton odeur de clope, ça ne devrait pas être trop compliqué, acceptai-je avec un sourire crispé. Mais pourquoi qu’est ce que foutrais des lettre phénicienne ici ?
-On a bien un gamma tatouer sur l’épaule, me rappela Danny en regardant son portable. Oulà ! J’avais pas capté qu’il était cette heure, moi. C’est bientôt l’heure du diner.

Il se releva, et pianota sur son portable pour répondre à un texto. Moi, je fixai encore mon dessin en penchant la tête sur le coté. Effectivement, dans le noir et la terre, ça ne rendait pas grand-chose, mais je l’avais en tête. Si je faisais un découpage sommaire, ça faisait trois lettres archaïques. Je ne savais pas en quoi ça nous aiderait à comprendre pourquoi l’arbre avait laissé ces Sirènes s’installer, mais si Danny le sentais… j’étais bien obligée de lui faire confiance. Après tout, la mécanique astrale m’avait bien expliqué pourquoi deux psychopathes s’étaient attaqués à moi, dans le train. Je me levai finalement, ramassant en clopinant mes pommes et les autre objets sur lesquels je venais de m’entrainer (j’avais même réussis à téléporter mon classeur de mathématique. Si c’était pas beau.).

-Tu ferais mieux d’effacer ton cercle trigonométrique, me conseilla Danny sans lever les yeux de son portable. Ça fait vraiment…
-Ridicule ? proposai-je essuyant vigoureusement la joue. Ouais, va dire ça à ton ex.

Il me lança un étrange regard, puis reporta son attention sur son portable. Je levai les yeux au ciel. Tout était calme. On voyait quelque étoile, entre deux nuages. Un frisson me parcourut l’échine quand je me dis que c’était exactement sous se même ciel que je m’étais fait attaquer par des femmes à ailes.

-Danny ?
-Oui ? répondit-t-il en levant momentanément les yeux de son texto.
-Le nid qu’Aguiard a trouvé… C’était celui que j’ai téléporté ?

Il ne répondit pas tout de suite, me fixant dans la pénombre. Ses doigts jouèrent nerveusement sur le clavier de son portable.

-C’est dur à déterminer, finit-t-il par dire, lentement et prudemment. Même pour moi. C’est un nid de Sirène, certainement. Pour plus de précision…

Il se tut, rivant son regard sur l’écran de son portable. Je déduis des « tic tic » rageurs qui me parvenaient qu’il ne savait effectivement rien de la nature du nid, et qu’il était le premier que ça agacé. Je frissonnai en songeant que ça pouvait alors être un autre nid de Sirène, auquel cas on avait vraiment intérêt à s’inquiéter.
Euh… Comment je faisais, moi, si je me retrouvais face à une Sirène, toute seule ?
J’avais eu deux séances d’entrainement, mon don était encore loin d’être parfait et j’étais blessée. Un frisson parcourut ma colonne vertébrale. J’aurais dû éviter d’aller dehors pendant ma convalescence et j’éprouvai à présent un besoin urgent de rentrer au château, à l’abri.
Et à ma plus grande honte, j’avais peur d’y aller seule dans le noir.
En même temps, comprenez-moi, la dernière fois que je m’étais aventurée dans le parc le soir, je m’étais fait attaqué par des monstres ! je me mis à me balancer d’avant en arrière avec mes béquilles, attendant nerveusement que Danny ne daigne de finir son texto. Il finit par lever les yeux sur moi, esquissai un drôle de sourire, comme s’il avait deviné pourquoi j’attendais (ce qui était surement le cas), et acheva son message, à mon plus grand soulagement.

-Allez, en avant, petit oiseau.

Avant de partir, il effaça mon œuvre sur le sol d’un coup de pied. Je m’insurgeai devant aussi peu de respect de mon travail et il dut supporter ma mauvaise humeur jusqu’à notre entrée au château.

-Tu viens manger ? raillai-je, sachant très bien qu’il préférait souvent passer le repas à la bibliothèque qu’à la cantine.
-Je dirais bien que je vais faire une overdose de ta présence, mais le fait est que je crève la dalle, avoua Danny en m’ouvrant la porte (il ne fallait pas oublié que j’avais des béquilles, encore).

« Overdose de ta présence », rageai-je intérieurement. Lequel des deux ? Si quelqu’un devait faire une overdose de la présence de l’autre, c’était moi. Surtout avec son odeur de tabac, qui m’était de plus en plus insupportable.

-Tu n’avais qu’à accepter mes pommes, tu crèverais moins la dalle, rétorquai-je à arrivant à la fin du self. Tu peux porter mon plateau ? Il paraît que je suis éclopée.

Danny soupira profondément, l’air passablement désespéré.

-Et dire que je ne pensais pas trouver pire que Callie, marmonna-t-il en prenant mon plateau de mauvaise grâce. Vivement que tu retrouve tes jambes.
-Qui est pire que moi ? intervint Callie, assise étrangement seule sur une table que nous venions d’atteindre.

Elle avait nettoyé son cœur et son pi, et avait changé la couleur de ses cheveux, qui étaient maintenant blonds-roux. Danny sourit sans répondre, et posa mon plateau à coté de Callie et s’installa en face d’elle.

-Qu’est ce que tu fais toute seule ? m’étonnai-je en me glissant à ma place.

Callie était toujours accompagnée – de Lucas, d’Hugo, ou de Salomé, mais de quelqu’un. Une Callie seule, c’était un peu comme Danny qui riait : très peu probable. Elle haussa les épaules d’un air indifférent.

-Lucas et Antoine sont allés voir Gretel. Et moi j’avais faim, donc je suis venue.

Danny la fixa un instant, l’air dubitatif, mais ne fit aucun commentaire. Hé, c’était injuste ! à elle, il n’exigeait pas la vérité ! Je piquai dans mes pommes de terre dans un coup rageur. Callie nous demanda ce que nous faisions à deux, et je laissai Danny expliquer que je squattai son stand pour m’entrainer à mon don. Je lui fus reconnaissante de ne mentionner ni la conversation morbide que nous avions eu, ni notre enquête – si nous pouvions appeler ça ainsi – sur le nid de Sirène, ou sur mon père. J’avais bien deviné que c’était quelque chose que nous devions garder pour nous. Au final, ni Antoine, ni Lucas ne se montrèrent durant le dîner, et e quittai prématurément la table pour aller les rejoindre auprès de Gretel. Je savais qu’un peu avant j’avais eu la trouille d’aller seule dans le noir, mais l’infirmerie n’était pas trop loin, et le chemin était éclairé, contrairement au stand. Et j’avouai faire une overdose de Danny Hautroi, pour reprendre ses mots. De plus, Callie et lui assemblés avait me mettait toujours mal à l’aise : j’avais l’impression d’être de trop. Je les laissai donc à deux, et clopin-clopant, je pris la direction de l’infirmerie. Certains élèves aimables, jeunes pour la plupart, m’ouvrirent les portes, mais les plus âgés continuaient de me regarder de coin. Je n’avais jamais adressé la parole à l’immense majorité d’entre eux, mais apparemment, j’étais déjà fiché, et cette stupide rumeur sur le nid de Sirène n’arrangeait rien.
Géniale. Pour reprendre les mots du début de l’aventure, le lycée, c’était du sport.
Je traversai le parc, sombre et désert, le plus rapidement possible pour atteindre l’infirmerie. Je toquai brièvement avec mes béquilles et ce fut un des jumeaux – dans le noir, j’étais incapable de dire lequel - qui m’ouvrit.

-Hey, me salua-t-il d’une voix goguenarde (ça devait être Antoine). Tu t’es remise de la trigo ?
-Très bien, souris-je en me faufilant dans la pièce. Merci. Et toi, tu as effacé ton nez rose ?

Il tira la langue en me pinçant les cotes, comme pour me chatouiller. Sauf qu’en effet, j’étais très chatouilleuse. Je fis un bond en arrière.

-Bas les pattes, sinon je publies la photo de toi sur Facebook ! glapis-je en me glissant à l’intérieur de l’infirmerie.
-Moi aussi j’ai une belle photo de toi, Léo ! me taquina Gretel, assise sur un lit avec Lucas.

Ils avaient tout les deux une bouteille de coca-cola à la main, et je les rejoignis pour me joindre à la fête. Lucas me prêta sa boisson et Gretel vérifia sommairement mes attelles avant de me passer le paquet de chips.
Ça, c’était cool, comme soirée.
Antoine était déjà en train de négocier pour dormir ici, et Lucas m’appris qu’ils avaient eu la flemme de bouger après avoir les chips, et que son jumeau avait estimé que c’était un bien meilleur repas que celui de la cantine (ce que je confirmai). Je ris, et me penchai pour prendre la bouteille de Lucas. Celui ci s’approcha alors de moi, et huma mes cheveux au passage. Je me figeai, avant de reculer précipitamment en lissant une mèche entre mes doigts, gênée. C’était quoi, ce geste ? mais Lucas avait les sourcils froncés, et il se pencha vers moi.

-C’est normale que tu sente le tabac ? s’enquit-t-il à voix basse.

Je retins un soupir, soulagée. Un mec qui hume les cheveux d’une fille, ça aurait pu paraître ambigu. Mais j’avais oublié que le mec en question était Lucas.

-C’est Danny, lui murmurai-je. Je suis allé au stand de tir pour m’entrainer à mon don, et il était déjà là en train de fumer.
-Combien de cigarette ? me demanda-t-il, avant d’ajouter d’un air las. Peu importe, en fait. Je suis désolé, mais j’essaie de lui faire arrêter depuis qu’il a commencé, mais ce n’est pas simple de faire craquer Danny. Je vais finir par jeter l’éponge.

Je souris devant son air désespéré et le rassurer en disant qu’il était sans doute l’unique personne à pouvoir craquer Danny. Ce que je pensais. Callie l’agaçait, moi aussi, mais Danny paraissait vraiment prendre en compte l’avis de Lucas. Je continuai de discuter tranquillement avec lui, alors que Gretel et Antoine s’improvisaient un slow en plein milieu de l’infirmerie, chantonnant eux même Ti amo. Lucas reçut un texto et je me permis de le lire par dessus son épaule.

-Curieuse, me taquina-t-il sans m’en empêcher.

C’était que ça ne le déranger pas, alors. C’était un texto de son père, qui lui demandait s’ils avaient besoin de provision ici. Ah, ça m’indiquait d’où venaient le coca et les chips. Le message était suivit d’une photo d’une gamine de quatorze ans aux cheveux blonds bouclés et au visage d’ange, tenant fièrement assise au piano de la maison avec comme légende « elle veut faire mieux que toi ! ».

-C’est ta sœur ? demandai-je en souriant. Et tu joues du piano ?
Lucas grimaça.
-Je suis un petit génie, je te rappel. Et oui, c’est ma sœur, Chloé.

Il m’expliqua qu’au début ses parents n’avaient voulu qu’un seul enfant, aussi la première paire de jumeau fut une surprise. Puis leur mère avait décrété que c’était fini avec les enfants, alors que la paternité avait plu à leur père, qui lui en aurait bien refait. Finalement, la pression du mari combiné à celle de ses fils, qui réclamaient un petit frère, avait fait céder leur mère. Mais au lieu du petit frère attendu… ils avaient eu la petite sœur. Je m’esclaffai quand Lucas m’appris que les deuxièmes noms de Chloé étaient Lucie et Antoinette – les versions féminines des prénoms de ses frères. Je passai donc ma soirée, la tête sur l’épaule de Lucas (c’était agréable de se permettre ce genre de geste sans que cela paraisse ambigu !) à regarder des photos de sa sœur, à l’écouter parler de sa famille. Apparemment, les Meynier étaient très unis : leurs parents c’étaient mariés à l’université, les trois enfants s’entendaient très bien : les grands frères veillaient sur la petite sœur, même de loin, et la petite sœur était très affectueuse avec les grand frère. Chloé avait apparemment peur du tonnerre et passait les nuits d’orage dans le lit d’Antoine. Et elle rêvait de faire de la musique aussi bien que son grand frère et Lucas lui avait apprit les rudiments du solfège depuis son plus jeune âge. Au fur et à mesure des anecdotes, la mélancolie s’était mise à m’étreindre. La famille de Lucas était celle que je ne pourrais jamais espéré d’avoir : parent unis, frère et sœur qui veille les uns sur les autres, qui ont une complicité. La mort avait séparé mes parents, et la seule complicité que j’avais avec ce qui ressemblait le plus à un frère pour moi, c’est-à-dire Greg, c’était les séries américaines dans le canapé le samedi. Plutôt pitoyable quand on y pensait. Lucas finit par remarquer mon air nostalgique, et je ne pus m’empêcher de lui faire part de mes pensées. Il referma son portable, penaud, l’air coupable de comprendre que sa famille parfaite me rendait triste.

-Désolé, s’excusa-t-il en caressant candidement le dos de ma main. J’ai toujours l’impression que me famille est normale alors que maintenant, la plupart sont des familles orpheline et/ou recomposées.
-Mouais, bah la tienne le devrait être plus fréquente, observai-je avec un sourire. Ça doit être super. Profite.
-Mais je profite, affirma-t-il. Je connais bien ma chance. (Il eut à son tour un sourire en me regardant). Mais si t’a besoin d’un frère, je peux te servir de substitut. Je ne promets que je ne te ferais jamais regarder de série américaine le samedi.
-Mais j’adorais Esprit Criminel ! protestai-je avant de sourire d’un air attendris. T’es vraiment adorable, comme gars. No problem, je t’adopte !
-Plutôt l’inverse, remarqua Lucas en prenant un gorge de coca. Je ne quitte pas ma famille.
-On peut prendre ma mère ? réclamai-je. Elle est cool, ma mère.

Lucas eut un sourire. Au final, se fut lui qui posa sa tête sur mon épaules, à ma plus grande surprise. Comme un gosse qui se blottit contre sa grande sœur. Je le laissai faire timidement, et lançai un regard de coin à Antoine et Gretel, qui ne paraissaient pas trouver cela choquant. Je baissai les yeux sur Lucas, qui répondait au texto de son père par une photo d’Antoine dansant avec Gretel. Finalement, j’appuyai ma joue sur ses cheveux en fermant les yeux. Je n’en revenais pas : ça faisait à peine trois semaines que je ne connaissais, mais il m’avait accepté, aidé, et m’avait « adopté ». J’éprouvai un sentiment de plénitude et de sécurité que je n’avais jamais ressentis – jamais depuis la mort de mon père. Comme si les morceaux éparpillés de ma famille étaient lentement en train de se recomposer, mais dans un arrangement différent. Une autre famille. Cette pensée me fit l’effet d’un haut-le cœur. Je n’aurais jamais pensé pourvoir trouver une famille ici. Encore moins en la personne d’un petit génie qui avait la maladie de Peter Pan. Antoine vint gâcher cet instant de quiétude en sautant sur le lit.

-Hey, ne vous endormez pas, la soirée n’est pas finie !

Lucas poussa un grognement qui me fit comprendre qu’en effet, il était à deux doigts de sombrer dans les doux bras de Morphée. Gretel vint nous rejoindre sur le lit et posa sa tête sur les genoux de Lucas.

-Hey ! protesta Antoine, assis au bout du lit l’air boudeur. Debout !

Il chatouilla gentiment son amie et son frère pour les forcer à se réveiller. Il se retrouva au final allongé sur le ventre de Gretel et avait sortit sa PSP. Se fut ainsi que Danny et Callie nous trouvèrent, emmêlé en une chaine un peu bizarre, en revenant du repas.

-Bah voilà, elle est là ! fit Danny à Callie, qui paraissait faire une crise de nerf.
-Léonie Moineau, t’es priée de prévenir quand tu pars, persifla-t-elle en croisant les bras sur sa poitrine. Je t’avais plus dans le visuel, j’ai eu la frousse de ma vie !
-Encore une fois, marmonna Antoine sans quitter la PSP des yeux.
-J’ai entendu ! La ferme, Meynier !

Je consultai le portable de Lucas pour savoir l’heure. Ça faisait plus de deux heures que j’étais sortie de table et c’était maintenant qu’elle s’inquiétait ? Ils s’étaient bécotés pendant ce temps là, ou quoi ? Gretel semblait penser la même chose, car elle s’était relevée brusquement, obligeant Antoine à bouger, les yeux faisant la navette entre les deux.

-Vous deux, si ça reprend, je vous jure que j’en prends un pour taper l’autre !

Les cheveux de Callie passèrent du blond-roux au rose vif et (non, je ne rêvais pas ?!) les joues de Danny s’empourprèrent. Oh, ils s’étaient vraiment bécotés ?! Lucas releva la tête de mon épaules, parfaitement éveillé. Il ouvrit la bouche pour dire quelque chose, mais Danny leva la main brusquement pour l’interrompre. Je pensais sérieusement à prendre une photo, parce que Danny qui rougissait autant, ça ne devait pas arriver touts les jours.

-Non, Gret’, tu es à coté de la plaque ! coupa Danny en levant les yeux au ciel. Non, on ne recommence pas, y’a juste Callie qui a psychoter quand elle a perdu le … Léonie.

Je le soupçonnai d’avoir voulu m’appeler « petit oiseau » et je le fusillai du regard. Que Gretel ou Eglantine m’appelle ainsi, d’accord, mais pour lui, ça passait limite. Callie marmonna quelque chose d’incompréhensible, et j’entendis vaguement quelque chose comme « pas bécoter » ou encore « stupide moineau » - Je la tuais maintenant, ou comment ça se passait ? Elle s’avança sur nous et s’assis en tailleur au bout du lit.

-Vous avez loupé des trucs, nous apprit-t-elle, son blablatage reprenant le dessus sur sa mauvaise humeur. Madame la Directrice nous a honoré de sa présence !

Lucas et Antoine se redressèrent en concert (plus jumeau, tu meurs), aux aguets. Danny lança un regard acéré à Callie. Apparemment, il n’aurait pas voulu abordait ce sujet.

-Ouais, marmonna-t-il. On l’a vu passé avec Léna. Elle revenait de recrutement. Un gamin de neuf ans trouvé. C’est tout pour ce semestre.
-Deux personnes, conclut Lucas. Bon ratio, je trouve. Et à Nîmes et Angoulême ? Des news ?

Danny secoua la tête. Antoine restait attentif, mais sagement. Gretel, après avoir vérifier auprès de Callie qu’elle ne c’était pas remise avec son ex, c’était endormie sur les genoux de son ami.

-Je suis un oreiller, grimaça Antoine, caressant néanmoins la tête de Gretel avec douceur. Donc, la directrice est de retour. Très bien. Parfait. Bonne nouvelle. L’enquête sur les Sirène va reprendre, alors ?

Gretel ne devait pas dormir tant que ça, car elle lui flanqua un coup sur la cuisse, avant que quiconque ne puisse réagir. Antoine grimaça pour de bon, cette fois.

-Merci, Gret’, soupira Lucas en lança un regard désespéré en direction de frère. Je pense qu’on va s’arrêter là sur la directrice. On y va, les gens ? Il est tard, on va dépasser le couvre-feu.

Le reste de sa phrase resta en suspens, mais je sentis son inquiétude. La dernière fois que nous avions dépassez le couvre-feu, nous nous étions fait attaqué par des Sirènes. Je m’ébrouai, et rajustai nerveusement un scratch sur mon attelle.

-Ouais, je suis d’accord. On y va ?

Antoine grommela, avant de bondir ses pieds en jurant.

-Merde, j’ai de la physique à finir, c’est vrai !

Et il détala sans nous attendre, non sans avoir embrasser rapidement Gretel sur la joue, sous le regard amusé de Lucas, et celui peu amène de Callie. Nous dîmes en revoir à Gretel pendant quelque minutes et reprîmes la route. La nuit était noire, et il faisait si froid que Lucas se sentit obligé de prêter sa veste à la petite Callie (ce n’était pas à son « ex »-copain de faire ça ?), qui tremblait. Elle pesta contre le froid pendant toute la route, et la seule chose qui lui répondit fut le « clac clac » de mes béquilles. Le vent soufflait dans le parc et je m’arrêtai quelque seconde par-ci par-là. Tout mes sens étaient en alerte et j’avais l’impression d’entendre autre chose que du vent. Une sorte de gémissement, de froissement un peu flippant qui me rappelait trop la fois où j’étais tombée sur le pervers aux yeux verts. Un oiseau finit par émerger des arbres et à virevolter autour de moi en piaffant avec insistance. Frissonnant, je finis par accélérer la cadence de mes béquilles pour rejoindre les autres, le cœur battant la chamade. C’était dingue comment on pouvait filer à la paranoïa, dans cette vie. Je remarquai que Danny était aussi à la traine et regardait nerveusement dans la même direction que moi, vers le parc, alors que Lucas et Callie discutaient tranquillement avec une bonne avance. Un autre bruissement me fit sursauter et je m’arrêtai à nouveau, malgré ma peur, l’oreille tendue. Je scrutai les arbres, mais à part le vent, rien d’anormale ne se fit entendre. J’entendis des pas, mais je vis du coin de l’œil que c’était Danny qui me rejoignait.

-Toi aussi, tu entends quelque chose ? chuchota-t-il.
-Pas sûre, avouai-je en me remettant en marche. Peut être de la paranoïa, je pense. Avec tout ce qui s’est passé…

Il eut une moue dubitative en observant les arbres, les sourcils froncés, mais me suivit tout de même. Mais je me stoppais à nouveau, et il faillit me rentrer dedans. Je me retournais lentement vers lui, et le vis froncés les sourcils, troublée.

-Qu’est ce que tu entends ? me demanda-t-il prudemment.
-Je ne sais pas, répondis-je en trépignant. On aurait dit un gémissement. C’est flippant, là, je veux rentrer.

Je disais vraiment n’importe quoi, quand j’étais nerveuse. Mais mon cœur battait tellement fort que j’avais l’impression qu’il allait sortir de ma poitrine. Danny posa une main sur mon épaules, l’air de me dire de ne pas bouger et s’avança hors du chemin à grandes enjambées, silencieusement.

-Danny ! sifflai-je.

Je regardai du coté de Lucas et Callie, mais ils avaient déjà atteint la porte, apparemment sans se soucier de nous avoir perdu. J’étais seule. Et terrifiée, il fallait le dire. Après avoir réfléchi à toutes mes options, je rejoignis Danny, aussi rapidement que me le permettait mes béquilles.

-Trouillarde, me fit Danny quand j’arrivai à sa hauteur.

Il s’était arrêté en remarquant que je le suivais, et m’attendait à coté d’un arbre.

-Ferme-la, va, grondai-je doucement alors qu’il se remettait en marche. Danny, peut-être que j’hallucine. Tu entends quelque chose, toi ?
-Un peu, avoua-t-il, les sourcils froncés. Mais j’ai l’impression que … je ne sais pas, c’est étrange, je ne devrait pas…
-Chut !

Il s’interrompit, et je tendis l’oreille. Un gémissement, cette fois j’en été sûre. Finalement, je n’hallucinais pas tant que ça. C’était plus proche qu’avant, et c’était rendue spectrale par le vent qui le couvrait. Un frisson me parcourut l’échine. Je pointai une direction avec ma béquille. Danny me dévisagea, bouche bée.

-Léonie, ce n’est vraiment pas normal, souffla-t-il, le regard vide. Ce que je ressens… C’est contradictoire.
-Peut être que ton sixième sens est un peu émoussé, répliquai-je, satisfaite que ma voix ne tremble pas.

Danny ne dit rien et hocha la tête lentement. Il sortit quelque chose de l’intérieur de sa veste – son arc, qu’il déplia avec deux flèches. Je tentai de faire le moins de bruit possible avec mes béquilles en le suivant. Le gémissement se firent plus insistant et se rapprochèrent, jusqu’à ne plus s’interrompre. Danny se retourna vers moi, toujours perplexe.

-Qu’est ce que c’est, à ton avis ? m’enquis-je tout bas.

Mo cœur battait à la chamade. J’aurais peut être dû rejoindre Callie et Lucas. En béquille, si quelque chose arrivait, je ne serais d’aucune utilité. Pourtant, revenir seule dans le noir me terrifiée plus que la perceptive d’être devant une créature d’Hélios avec Danny (c’était Danny, certes, mais au moins je n’étais pas seule).

-Aucune idée, me répondit-t-il sur le même mode. Ça peut être rien, comme ça peut être…
Il ne finit pas sa phrase, mais je compris le sous-entendu.
-On devrait peut être aller chercher quelqu’un, proposai-je en frissonnant.

Danny secoua la tête en répétant un « c’est peut-être rien » qui se perdit dans de nouveau gémissement, plus fort, cette fois. C’était des gémissements d’agonie, humains. Quelqu’un était blessé. Danny posa un doigt sur ses lèvres me proposa silencieusement de rester en arrière. Je refusai d’un coup de tête. Hors de question que je reste seule ainsi, j’en ferais une crise cardiaque. Nous reprîmes notre course et un oiseau sortit des branchages, couinant et gazouillant comme si nous l’avions déranger. Danny leva son doigt et il s’y réfugia sans peur, avant de s’envoler et de disparaître vers les arbres. Il le suivit sans hésiter. Super. A présent, on pourchassait un oiseau. Mais bon, puisque la règle numéro 1 était de « toujours écouter Danny »… Je le suivis donc avec prudence, et je faillis lui rentrer dedans à mon tour quand il se stoppa net entre deux arbres. Les gémissements étaient tellement nets que je compris aisément que nous étions arrivés à leur source et je n’eus pas besoin de Danny pour me baisser précipitamment. Une de ses flèches étaient déjà encochée. Je tentai d’apercevoir la source de ses bruits. Une masse était allongée sur le sol, inerte. Deux oiseaux – pas des Sirènes, vraiment des oiseaux - volaient autour, comme des vautours. Soudainement, l’odeur de sang me frappa de plein fouet, en même temps qu’un long gémissement d’agonie. Danny se tendis, et je le sentis prêt à tirer, mais je posai une main sur son bras pour le forcer à baisser les armes.

-C’est humain, soufflai-je avec insistance.
-Léonie, même les créatures d’Hélios sont considérées comme humaines, rétorqua-t-il à voix basse. Et certaine peuvent faire semblant d’être humaine et blessée pour… non, Léonie !

Mais je ne l’écoutais plus. Qui que ce soit, c’était sur le point de mourir. Ça ne représentait aucun danger. Je m’étais élancé, sans béquilles vers ce corps. D’ici, j’entendais sa respiration : il était en vie. Puis, un autre gémissement s’éleva. C’était clair, jeune. Une voix féminine. Je claudiquais jusque lui rapidement et m’agenouillai. Aussitôt, mon jean s’humidifia. Surprise et tremblante, je touchai fébrilement le sol et portai mes doigts à mes narines.

-Oh mon dieu…

C’était du sang. En abondance sur le sol. Je levai les yeux vers le corps. Un humaine. Jeune femme. Des cheveux blonds couvraient son visage, et dans la pénombre, je ne la reconnaissais pas. Mais je remarquai que ses yeux étaient mi-clos, et qu’elle respirait avec difficulté. Malgré mon dégout, je pris mon portable et éclairait son visage. Mes yeux s’agrandirent d’horreur quand je la reconnue.
C’était Léna.
Et elle avait une plaie béante au cou.

-Danny !

Je ne reconnus pas la voix hystérique qui sortit de mes lèvres. Je l’entendis me rejoindre à grande enjambée et s’accroupir près de moi.

-Je suis là, me répondit-t-il doucement, avant de prendre conscience de ce qu’il avait sous les yeux. Oh Gaia toute puissante…

Le sang s’écoulait en abondance de son cou, et Danny y mis rapidement une main pour stopper l’hémorragie. De mon coté, j’enlevai ma veste, puis mon pull, et lui donnait celui-ci pour faire office de compresse.

-Continue d’appuyer, me demanda-t-il avec urgence en guidant mes mains jusque la plaie.

Sa voix était froide, mais son visage avait considérablement blêmi quand il avait découvert Léna. Je l’entendis vaguement soupirer et passer une main dans ses cheveux, l’air de réfléchir à grande vitesse sans arriver à une quelconque décision.

-Léonie, entonna-t-il d’une voix rauque, mais ferme, je suis désolé, mais je vais devoir te laisser toute seule pour aller chercher les secourt. J’irai plus vite que toi. Ça va aller ?

Non ! eussé-je envie d’hurler, tétanisée par le la couleur rouge soutenue que prenais mon pull au fil des secondes. Mais, malgré mon cerveau bloqué, je compris qu’il avait raison : si je voulais qu’elle vive, il fallait aller chercher Gretel de toute urgence. J’acquiesçai donc faiblement, en pressant de toutes mes forces mon pull sur le cou de Léna. Danny posa une main sur mon épaule pour me donner courage et s’en alla. Une fois seule, je contemplai le visage de la jeune femme. Sa peau était presque translucide, tachée de sang, et sa respiration était si faible qu’elle soulevait à peine ses cheveux. Finalement, ses paupières papillonnèrent doucement, et je lui pris la main.

-Ho, Léna, réveille-toi, l’apostrophai-je d’une voix tremblante, serrant ses doigts de toute mes forces. Léna, si tu m’entend, serre ma main, s’il te plait, serre ma main…

Elle posa sur moi un regard vide, mais serra ma main. Je poussai un soupir de soulagement. Elle n’avait pas perdu du sang au point d’être inconscient. Je continuai de presser la plaie, sa main dans la mienne, le cœur battant. Les secondes parurent s’étirer à l’infini, pendant lesquelles je ne cessai de répéter à Léna que tout aller bien, qu’elle allait s’en sortir, sans savoir si elle m’entendait. Des seconde pendant lesquelles je me reprochais mon manque initiale de confiance en Léna, toutes les médisances que j’avais dites au début. Et des secondes pendant lesquelles je me surpris à prier, moi qui avait toujours méprisé ceux qui remettait leur sort en les mains de divinité hypothétique et sans aucun sens. Mais là, je n’avais pas d’autre solution pas d’autre moyen de le maintenir en vie que de prier pour qu’il vive, supplier n’importe quelle force d’en haut de la sauver. Même Gaia. Même cette entité à laquelle je n’étais même pas sure de croire. Celle à qui je devais cette condition « d’enfant de Gaia » que je ne voulais pas. Le pire dans tout ça ? C’est que c’était tout ce que je pouvais faire. Je voyais Léna mourir sous mes yeux et j’étais totalement impuissante à cela.

Prier et attendre. Attendre désespérément que Danny et les secours reviennent.
delph212000

Profil sur Booknode

Messages : 233
Inscription : mar. 01 avr., 2014 10:54 am

Re: Les enfants de Gaia. (Fantastique/Fantaisie).

Message par delph212000 »

Super tout ça j'ai pas remarquée de faute manifeste juste dans la 2ème partie du chapitre tu a une répétition de 2 phrases.
Sur l'histoire en elle-même ça avance bien on apprend de nouveaux éléments sur le pere de Léonie,sur les enfants de gaia et sur le passé de Léna et Dany. J'aime bien leurs relations entre eux Lucas, Calli et Antoine avec Léonie.
J'ai toujours du mal à cerner Dany mais j'aime bien ce côté un peu sombre et rebelle que tu lui donne dans la 3ème partie jusque là il etait trop lisse.
C'est comme Lucas je le trouve trés mignon mais il beaucoup trop gentil et moralisateur.
Par contre c'est pas sympa de finir sur un tel suspens comment je fait moi a attendre une semaine pour savoir ce qui va arriver :evil:
Perripuce

Profil sur Booknode

Messages : 1271
Inscription : lun. 11 mars, 2013 7:13 pm

Re: Les enfants de Gaia. (Fantastique/Fantaisie).

Message par Perripuce »

C'est trop gentil les commentaires, je suis heureuse que ça vous plaise !!

Kira, la mère de Danny n'est pas une enfant de Gaia (je pense l'avoir dit dans le chapitre 3 ou 4, mais je ne suis plus sûre : les profs a Sappho sont des gens "normaux" qui ont parfois eu des proches enfants de Gaia, c'est le cas pour la mère de Danny :) Léonie est le seul cas de "lignage" (du moins pour l'instant ! x) )
Marie-A

Profil sur Booknode

Messages : 206
Inscription : sam. 03 janv., 2015 4:54 pm

Re: Les enfants de Gaia. (Fantastique/Fantaisie).

Message par Marie-A »

Très bonne première partie pour ton chapitre 4. Personnellement, je ne trouve pas que ça traîne. C'est normal de poser le décor et d'installer tes personnages à l'intérieur. J'aime beaucoup le personnage de Lucas. Callie est aussi très intéressante dans son genre (pas mal l'idée du camaléon !).
Cazolie

Profil sur Booknode

Messages : 3889
Inscription : mer. 21 nov., 2012 3:03 pm

Re: Les enfants de Gaia. (Fantastique/Fantaisie).

Message par Cazolie »

Justice est faite, j'ai moi aussi lâché mon boulot pour lire ton histoire !

Aloooors !
Je ne dirai rien sur les quelques fautes, je me relis jamais --

Hmm par où commencer ... Sylvain tiens ! Je l'aimais trop au début ! Sérieux mais marrant, sympa.. Mais non, c'est juste un connard. Peuh.
Heureusement Lucas est là :D je l'aime trop.lui ! Mais mon coté guimauve espère que ça va pas rester platonique entre Léonie et lui ahah (je sais pas pourquoi je dis "mon.coté", je suis une guimauve à part entière) nan.sérieux Lucas est génial
Et Antoine est cool, à sa manière. Comme c'est le.jumeau de Lucas, j'ai du mal à imaginer qu'il soit vraiment méchant.
Callie ensuite! Je comprends quelle.puisse être agacante, mais je l'aime bien :D et qa relation avec Danny est trop cool ahah
Tiens Danny, parlons en. Il est trop trop.cool ! Pas du tout dans le même genre que Lucas, mais trop cool ! Petit génie un peu mystérieux avec son.arc, tout ça tout ça
Ah puis Léonie quand.même hein ! Eh beeen c'est un drôle de personnage (je trouve rarement les gens relous du coup ça me.fait bizarre qu'elle ait tellement de mal à apprécié les gens, mais ça c'est juste moi) Enfin j'aime bien son caractère, solitaire hyperactive qui a quand même de l'humour et des réactions tout à fait humaines, c'est fort appréciable ! En fait j'ai du mal à dire ce que j'en pense parce que tu nous plonges tellement sans sa tête que j'arrive pas à prendre assez de recul !! Bravo à toi !

Après pour.l'histoire. : Cest trop bien ! On a enfin notre Percy français, cest trop génial :mrgreen: Jaime trop l'école, le fait que ce soit tous des petits génies (chais pas, ca change des enfants à problèmes scolaires). Et cest marrant de tomber sur des trucs aussi normaux que des dissertations sur Marivaux dans tout ce bordel ahah (tu fais Marivaux aussi en lettres cette année? Pas sûre qu'on.ait le même programme)
Cette histoire de Sceau et tout cest trop bien, très bien pensé, et d'ailleurs : Mais.où diable est la.suite ?! (hmm je suis très mal placée pour dire un truc pareil)
Oh d'ailleurs j'ai oublié Léna: Son histoire est trop horrible bouhouhou (voilà cest tout ahah)

Cest l'heure des hypothèses ! Une seule en fait ahah : L'aptitude du papa de Léonie lui a permis de protéger sa fille dans l'accident :mrgreen:

Voilà, préviens moi pour la suite surtout, je me languis aaaah
Dernière modification par Cazolie le mar. 01 déc., 2015 9:13 pm, modifié 1 fois.
Marie-A

Profil sur Booknode

Messages : 206
Inscription : sam. 03 janv., 2015 4:54 pm

Re: Les enfants de Gaia. (Fantastique/Fantaisie).

Message par Marie-A »

Chapitres 4 et 5 vraiment très bien !
J'ai hâte de savoir si elle se téléporte elle-même (je sais, la suite est en ligne mais je n'aurais pas le temps de la lire ce soir).
Tu as une écriture fluide et c'est agréable de te lire mais je pense qu'avant de posté, il faudrait que tu te relise pour enlever les fautes d'inattention ou faites lorsqu'on tape vite. Il y a des mots qui se transforme et du coup, parfois ce n'est pratique dans la lecture.

Mais sinon, super !!

Bonne soirée ;-)
chatchat14

Profil sur Booknode

Messages : 194
Inscription : sam. 10 janv., 2015 5:46 pm

Re: Les enfants de Gaia. (Fantastique/Fantaisie).

Message par chatchat14 »

Salut !!!*

Ca fait quelques jours que je lis cette histoire, tes chapitres sont long !! Mais ce n'est pas un inconvénients, c'est plutôt un avantage, c'est super ce genre de chapitre !!!
J'ai hâte de lire la suite ! Léna va t-elle mourir ? Tin tin tin tin !!!! * chante * Oui je suis folle :lol:

Bref, salut et à bientôt !!!
Marie-A

Profil sur Booknode

Messages : 206
Inscription : sam. 03 janv., 2015 4:54 pm

Re: Les enfants de Gaia. (Fantastique/Fantaisie).

Message par Marie-A »

Bonsoir.

Sérieux mais pourquoi tu n'as pas encore mis la suite ??!! Ah la la mais comment j'adore ton histoire. Dès que j'ai un moment, je lis un passage même si ce n'est pas un chapitre entier parce que je suis accro aux personnages (surtout Lucas, parce qu'il est vraiment trop mignon !). Lol.
J'espère que Léna va s'en sortir !

Bonne fin d'après-midi.
Cazolie

Profil sur Booknode

Messages : 3889
Inscription : mer. 21 nov., 2012 3:03 pm

Re: Les enfants de Gaia. (Fantastique/Fantaisie).

Message par Cazolie »

Je suis triiiiste, la suite est pas lààà !
Répondre

Revenir à « Essais et créations en plusieurs parties »