Entre infini et au-delà [Série tv : Pokémon]

Vous écrivez une fan fiction et vous voulez la partager avec la communauté Booknode? Faire vivre à vos personnages favoris des aventures inédites?
Alors postez vos textes ici afin qu'ils soient bien différenciés des essais classiques tout droit sortis de l'imaginaire d'autres booknautes.
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Cyrlight

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Entre infini et au-delà [Série tv : Pokémon]

Message par Cyrlight »

Bonjour, bonsoir,

J'écris des fanfictions depuis déjà un bon bout de temps, mais je suis actuellement en pleine réécriture de mon oeuvre maîtresse (plus d'un milier de pages, débutée il y a trois ans), et j'essaye de la diffuser au maximum.
Elle est basée sur l'univers pokémon, cependant il s'agit d'une histoire très sombre, avec des passages parfois violents et des sujets sensibles, voire tabous, qui y sont abordés (meurtre, homosexualité, inceste, religion...). Il s'agit également d'un crossover avec de nombreux mythes et légendes de notre monde, même si ceux-ci font une apparition assez tardive.

Voilà, tout ça pour dire que j'espère vraiment que cette fiction vous plaira. Si vous souhaitez être avertis de la parution des chapitres, n'hésitez pas à le demander. Je me ferai une joie de vous prévenir.


ENTRE INFINI ET AU-DELÀ


Kathy n'a que douze ans lorsque ses parents et son frère disparaissent dans des circonstances effroyables, ne laissant derrière eux qu'une scène de crime à glacer le sang. Accompagnée de son seul Ponyta, elle endosse l'identité de Cassy et se met en tête de résoudre le mystère qui entoure ce drame, en dépit de l'atroce vérité susceptible de la guetter au bout de ses pérégrinations.

Au cours de sa quête, elle va rencontrer des amis qui vont l'aider à progresser, tels que Cynthia, Maître de Sinnoh, Régis Chen, petit-fils du célèbre professeur, ou encore Sandra, Championne d'Ebénelle, mais également des ennemis qui vont se dresser en travers de sa route.

Tout va cependant être chamboulé lorsque d'étranges glyphes, vraisemblablement liés à la tragique histoire de Cassy, vont apparaître, ainsi qu'une femme tout aussi incongrue qui communique avec la jeune fille dans son sommeil.

Dans sa soif de connaissance, elle va découvrir une affaire qui la dépasse complètement et qui va l'emporter bien au-delà de tout ce qu'elle était en mesure d'imaginer.


SOMMAIRE

Chapitre 1 : C'est une belle journée
Chapitre 2 : Abandoned
Chapitre 3 : Walking on water
Chapitre 4 : Après tout ça
Dernière modification par Cyrlight le jeu. 28 avr., 2016 1:51 pm, modifié 5 fois.
Cyrlight

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Re: Entre infini et au-delà [Pokémon]

Message par Cyrlight »

CHAPITRE 1 : C'EST UNE BELLE JOURNÉE


Il y avait des champs à perte de vue, entre lesquels s'écoulait une rivière à Magicarpe sinueuse au courant fort. Des bois bordaient ces plaines labourées, aux arbres jeunes et la faune abondante. C'était dans ce petit coin de nature paradisiaque que Kathy vivait avec ses parents, propriétaires de la ferme et des terrains alentours.

En fin de matinée, alors que le soleil était quasiment à son zénith, assise en amazone sur son Ponyta, que sa famille lui avait offert deux ans auparavant lors de son dixième anniversaire, elle partit se balader en forêt. Elle aurait souhaité que son frère aîné l'accompagne, un scientifique dans l'âme, mais il avait décliné son invitation en précisant qu'il tenait à poursuivre ses recherches fraîchement entamées.

Avec grâce et fierté, elle tenait ses rênes dans une petite main gantée, l'autre gardant sa cravache contre l'épaule du pokémon. Une pression de mollets contre le ventre du Ponyta suffit à le faire partir au trot. Elle atteignit une clairière au bout de quelques minutes, où elle mit pied à terre dans le but de cueillir des fleurs des champs pour les offrir à sa mère. Elles iraient magnifiquement bien dans le vase en cristal de la salle à manger.

Des roses sauvages poussaient un peu plus loin sur le sentier. Elle alla en couper quelques-unes, car elle les trouvait splendides : rouges aux reflets noirs. Il était fort rare de croiser des spécimens d'une telle couleur. Une épine transperça son gant en dentelle blanche, qui fut bientôt taché de sang. Elle suça la plaie comme on le lui avait appris afin d'éviter qu'elle ne s'infecte, et s'apprêtait à tourner les talons, ses fleurs sur le bras, lorsqu'elle entendit un bruit qui l'intrigua.

Un jeune Cerfrousse apparut entre deux buissons. Il était si mignon ! Kathy posa avec précaution son bouquet sur le sol puis avança dans sa direction, lentement, pour ne pas l'effrayer, la main tendue. Le pokémon prit peur malgré toutes ses précautions et recula de quelques pas. Elle fit une nouvelle tentative, mais il s'éloigna aussi vite que le lui permettait ses fragiles pattes longilignes.

La fillette siffla son Ponyta, qui trottina dans sa direction. En toute hâte, elle jeta les fleurs dans la sacoche qu'elle avait accrochée à un quartier de sa selle avant de se hisser sur le dos de la créature avec l'aide d'une vieille souche couverte de mousse. Amusée, elle poursuivit le Cerfrousse à travers bois.

Il l'entraîna de plus en plus profondément au coeur de la forêt, là où les arbres se faisaient plus anciens, mais aussi plus denses. La lumière avait moins de facilité à filtrer entre leurs branches. Finalement, Kathy perdit le pokémon de vue, mais ce ne fut pas la seule chose. Elle aurait été incapable de dire où elle se trouvait exactement.

- Oh, flûte ! couina-t-elle de sa petite voix aiguë. Moi qui avais promis à Maman d'être rentrée avant le déjeuner. Elle va être fâchée, maintenant. Ponyta, mon ami, dis-moi, sais-tu de quel côté est la maison ?

Comme elle le craignait, sa monture hocha la tête en signe de dénégation. Honteuse, la fillette lui mit un léger coup de talon dans les flancs pour qu'il avance. Il resta au petit pas, ce qui lui permit d'observer les alentours dans l'espoir d'identifier un détail qui lui permettrait de se souvenir du chemin qu'ils venaient d'emprunter.

Soudain, son pokémon s'arrêta brutalement. Une lignée de buissons épineux faisait barrière devant eux. Kathy songea un instant à lancer une attaque Flammèche pour les réduire en cendre et poursuivre ainsi leur route, mais il n'avait pas plu depuis des jours et le bois autour d'eux était sec. Elle risquait de déclencher un feu de forêt qui mettrait en danger tous les pokémon qui vivaient dans cet endroit. En tout cas, ces buissons confirmaient le fait qu'elle était bel et bien perdue : jamais elle ne les avait vus auparavant.

Elle passa sa jambe par-dessus le cuir qui la maintenait en amazone et sauta sur le sol. Ses bottes épaisses amortirent un peu le choc, mais cela ne l'empêcha pas de se faire mal aux chevilles et au dos. Passant les rênes de sa monture par-dessus sa crinière incandescente, elle ouvrit la marche, Ponyta dans son sillage.

Kathy ramassa une branche d'apparence solide sur le sol et s'en servit pour écarter les ronces qui leur barraient la route. Même si cela lui permit de leur frayer un chemin, elle ne s'en sortit pas sans égratignure, au contraire. Sa robe au velours bleu roi, ainsi que ses collants fins, avaient été déchirés par les épines acérées. Sa peau était également touchée, mais elle saignait peu. Les blessures étaient toutes superficielles.

Ce fut avec soulagement qu'elle passa la barricade que représentaient les buissons. Elle aurait aimé se remettre en selle, mais les branches des arbres étaient très basses. Sur le dos de son Ponyta, elle aurait risqué de se cogner la tête. D'ailleurs, malgré toutes ses précautions pour les éviter, plusieurs morceaux de bois s'accrochèrent dans ses cheveux. Elle en arracha beaucoup en croyant de se libérer de leur prise et, bientôt, ses anglaises soignées ne furent plus qu'un tas de noeuds crépus.

- Arceus Tout-Puissant, où sommes-nous ? supplia-t-elle, les yeux levés en direction du ciel qu'elle apercevait à peine entre les feuilles touffues. Si Vous m'entendez, aidez-nous, je Vous en conjure.

Elle sortit un chapelet de sa poche qu'elle égraina tout en prononçant à voix très basse une prière destinée à l'Alpha. Elle était très pieuse, et L'avait toujours respecté. Elle croyait sincèrement qu'Il la reconduirait sur le bon chemin.

Elle continua à errer un long moment au hasard, avant que l'agencement des lieux ne redevienne favorable à sa montée en selle. Certaine de ne plus risquer d'être éborgnée ou griffée par des branches noueuses, elle se rassit sur le dos de son Ponyta. D'ailleurs, cet élément lui permit de constater que les arbres étaient différents. Plus jeunes. Elle ne devait plus être très loin de l'orée de la forêt.

Lançant son pokémon au galop, tenant les rênes à deux mains car elle avait perdu sa cravache depuis un bon moment, elle continua d'avancer en ligne droite. Arceus avait entendu sa prière, elle savait qu'Il était grand et pur. Jamais Il ne l'aurait laissée seule, perdue dans les bois alors qu'elle était si près de chez elle.

Bientôt, elle reconnut avec soulagement le vieux rocher couvert de mousse et de champignons sur lequel son frère et elle montaient parfois, puis l'arbre tordu qui avait sûrement dû être frappé par la foudre avant leur arrivée dans la région, car elle l'avait toujours connu ainsi. Poussant un soupir rassuré, Kathy sauta par-dessus un petit buisson avant de jaillir en pleine lumière, hors de la forêt.

Elle éclata de rire. Sa peur lui semblait soudain bien lointaine. Elle avait retrouvé son chemin, même si cela lui avait pris beaucoup de temps. Il avait simplement fallu qu'elle garde son calme et qu'elle évite de paniquer, au risque de se perdre davantage, ce qui n'avait pas été une chose facile.

Euphorique, elle dirigea ses rênes pour que Ponyta emprunte le pont qui la séparait des terres familiales. Jamais elle n'avait été aussi contente de revoir la grande roue à aubes qui, grâce à la puissance du torrent, aidait le moulin à fonctionner lorsqu'il n'y avait pas de vent. Elle descendit allègrement de sa monture pour regarder son reflet dans l'eau agitée de la rivière.

Elle qui avait l'habitude de voir une belle enfant au teint de porcelaine et à la chevelure noire toujours impeccable, elle ne fut pas déçue : elle était encore plus laide que les épouvantails installés dans les champs par son père pour faire fuir les Cornèbre et les Roucool. Ses cheveux étaient emmêlés, des feuilles y étaient suspendues par endroits, et sa peau claire avait été encrassée par la poussière. Sa robe était en lambeaux, tout comme ses bras marqués par les griffures des ronces.

- Papa et maman doivent déjà être inquiets, je n'ose même pas imaginer ce qu'ils vont penser lorsqu'ils vont me voir arriver dans un tel état.

Kathy plongea ses mains dans l'eau fraîche pour se nettoyer le visage, puis tenta de dompter ses cheveux à l'allure sauvageonne en les plaquant contre son crâne après en avoir ôté toute la végétation.

Elle conduisit ensuite son Ponyta à l'écurie où elle lui donna une auge entière d'avoine, qu'il avait amplement méritée, avant de rentrer chez elle. Sa maison, qui ressemblait plus à une grande chaumière, était le bâtiment qui se situait le plus à l'ouest, juste après l'étable et l'enclos où paissaient tranquillement les Wattouat et les Tauros en parfaite harmonie.

- Me voici ! s'écria-t-elle gaiement en poussant la porte d'entrée qui n'était pas fermée. Je suis désolée, je me suis égarée dans les bois en suivant un Cerfrousse et j'ai été obligée de traverser des ronces pour revenir jusqu'ici.

Elle n'eut aucune réponse. Peut-être ses parents, angoissés, étaient-ils partis à sa recherche ? Pourtant, elle trouvait étrange que l'un d'entre eux, ou même son frère, ne soit resté pas à la maison au cas où elle rentrerait, ce qui d'ailleurs était le cas.

- Eh oh ? Vous m'entendez ? Il y a quelqu'un ?

Elle n'obtint aucune réponse. C'était elle qui commençait à être anxieuse désormais. L'atmosphère était plus angoissante encore que lorsqu'elle s'était crue perdue dans les bois. Ce n'était pas le genre de ses parents de disparaître de la sorte, et encore moins de son frère, un garçon d'intérieur diaboliquement intelligent qui préférait passer ses journées à lire ses livres ou à s'adonner à diverses expériences scientifiques.

- Si vous me faites une plaisanterie, elle n'est vraiment pas amusante. Dites-moi où vous êtes, maintenant, exigea l'enfant dont la voix était presque nouée par l'anxiété.

Elle pénétra dans la cuisine qui faisait également office de salle à manger. La table n'était pas dressée, le four était éteint et les marmites ne contenaient rien. Personne n'avait préparé le repas. Elle regarda l'horloge murale, suspendue au-dessus du plan de travail. Il était plus de midi.

Elle avait longtemps vagabondé dans les bois, pourtant aucun repas n'avait été préparé dans cette pièce, alors que sa mère avait eu largement le temps de le faire depuis son départ. L'évier était sec, preuve que personne n'avait utilisé le robinet. Que se passait-il dans cette maison ?

Le coeur serré, Kathy se dirigea vers le salon, de l'autre côté de la maison. Elle avait un mauvais pressentiment, et ses doigts hésitèrent longuement avant de se poser sur la poignée en acier, qu'elle ne tourna pas immédiatement, comme si elle craignait ce qu'elle pourrait trouver de l'autre côté. Au mieux, il n'y aurait personne. Au pire, elle s'interdit d'y penser. C'était impossible. Il ne pouvait rien être arrivé à sa famille.

Enfin, sa petite paume délicate fit pression sur le métal et la porte s'ouvrit. En voyant le salon et le spectacle qui se dévoilait sous ses yeux, elle poussa un hurlement. Le regard bientôt obscurci par les larmes, elle dût se tenir à l'encadrement pour ne pas s'évanouir. Pendant un instant, elle crut que son coeur allait cesser de battre, tandis que la terreur l'envahissait totalement.
Cyrlight

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CHAPITRE 2 : ABANDONED


Kathy releva le bas de sa robe et courut jusqu'à l'écurie, les traits défigurés par l'effroi. Elle regrettait déjà d'avoir dessellé son Ponyta et prit juste le temps de lui remettre son filet. Attrapant le tissu onéreux de son vêtement entre ses petites mains, elle en déchira les coutures avant de monter sur le poney de feu, à cru, alors qu'il se trouvait encore dans son box.

Ils sortirent du bâtiment au galop. Elle lui donna l'ordre de couper à travers champ, et ce fut en piétinant une partie des semences de son père que l'enfant s'éloigna de la scène qui lui avait causé un tel choc. D'un bref claquement de langue, elle encouragea sa monture à sauter par-dessus la barrière qui délimitait la propriété familiale. Elle dut se tenir fermement à l'encolure pour ne pas tomber, car elle n'avait pas trop l'habitude de monter à Ponyta sans selle.

Elle eut peur que le pokémon n'arrive pas à tenir la cadence jusqu'au village de Mérolia, à plusieurs miles de là, mais il était moins fragile que ne pouvait le laisser penser sa frêle apparence et son jeune âge. Il résista jusqu'à ce qu'elle lui demande de s'arrêter, enfin, devant le commissariat de police, où elle mit pied à terre, échevelée.

Les portes coulissèrent pour la laisser pénétrer à l'intérieur. Quatre paires d'yeux la dévisagèrent : deux adjoints en uniforme aux nuances de bleu, qui sirotaient une tasse de café devant le distributeur, une secrétaire à lunettes, assise derrière l'accueil, et l'agent Jenny elle-même, qui sortait juste de son bureau.

Kathy s'avança, tremblante, les nerfs à vif. La policière se précipita vers elle au moment où, emportée par ses émotions, elle tourna de l'oeil. Elle la rattrapa avant qu'elle ne heurte le sol, puis ses collèges vinrent l'aider à l'allonger sur la banquette la plus proche, prenant bien soin de ne pas la cogner contre la table basse où étaient éparpillés quelques prospectus.

- Oh ! s'écria l'agent Jenny au moment où elle voulut prendre son pouls. Regardez ses gants. Arceus Tout-Puissant, mais c'est du sang ! D'où vient donc cette fillette ? Margot, s'il vous plaît, allez vite chercher l'infirmière Joëlle, dites-lui qu'elle doit venir immédiatement ici. Cette pauvre petite va sûrement avoir besoin de soins. Et vous, allez faire des compresses d'eau fraîche. Prenez ce que vous voulez, serviettes, mouchoirs, mais dépêchez-vous !

Les adjoints se précipitèrent vers l'arrière du commissariat, tandis que la secrétaire sortait dans la rue. L'effervescence avait permis à Kathy de revenir progressivement à elle. Quand elle entrouvrit les yeux, après une minute qui avait semblé interminable à la femme qui lui avait porté secours, sa vision était troublée. Des larmes perlèrent dans ses cils lorsque ce qu'elle avait vu plus tôt lui revint en mémoire.

- Bonjour, dit simplement la policière d'une voix très douce pour ne pas l'effrayer, et encore moins la brusquer alors qu'elle reprenait à peine conscience. Je m'appelle Allison Jenny. Fais un geste si tu me comprends.

La fillette ne se sentait pas en état de faire le moindre mouvement, aussi se contenta-t-elle de cligner fermement des paupières, tandis que des pleurs roulaient le long de sa joue jusqu'au creux de son oreille, puisqu'elle était étendue.

- Ne bouge pas, je reviens dans une seconde, d'accord ? Ne t'inquiète pas, et surtout ne t'agite pas.

La femme se leva pour atteindre le distributeur adossé au mur derrière elle. Elle inséra quelques piécettes dans la fente prévue à cet effet, puis une bouteille d'eau fraîche en tomba. Elle la déboucha avant d'aller en verser quelques gouttes dans la bouche de l'enfant. Ce ne fut qu'au moment où le liquide toucha ses lèvres que Kathy se rendit compte à quel point elle avait soif.

L'agent Jenny l'aida à se redresser car elle toussota plusieurs fois, ayant du mal à avaler en position allongée. Ses mains se refermèrent sur la bouteille et elle en but une longue gorgée qui lui fit le plus grand bien. Ce fut à cet instant que les adjoints revinrent dans la salle d'accueil, un linge blanc détrempé entre les mains.

- Elle va mieux, à ce que je vois, constata le plus grand des deux, en tendant tout de même le chiffon humide à sa supérieure.
- Je crois qu'elle est en état de choc. Messieurs, l'infirmière Joëlle va arriver d'un instant à l'autre pour ausculter cette enfant. Vous comprenez que la décence m'oblige à vous demander de patienter dans votre bureau pendant que la petite reçoit ses soins.
- Bien sûr, agent Jenny, affirma le second, plus trapu, en se mettant au garde-à-vous. Nous attendrons. Avertissez-nous quand vous en saurez davantage.

Kathy posa la bouteille d'eau vide sur la table basse, puis se recroquevilla, accolant ses cuisses contre son buste, avant de les encercler de ses bras. La policière acheta une autre boisson, plus sucrée, qu'elle lui donna. L'enfant s'en empara entre ses gants ensanglantés.

- Tu ne veux pas me dire ce qu'il t'est arrivé ?

Elle aurait voulu parler, mais sa gorge nouée l'empêchait d'émettre le moindre son. Elle hocha la tête en signe de dénégation. Comme son regard s'embuait de nouveau, la femme l'invita à prendre une gorgée de soda.

- Et ton nom, peux-tu me le donner ?
- Je... K-Kathy, bredouilla l'intéressée en tremblant nerveusement.
- Tu es très jeune, Kathy. Quel âge as-tu ? Treize ans ? Douze ?

Elle répondit par l'affirmative d'un petit couinement apeuré. L'agent Jenny aurait voulu faire quelque chose pour elle, mais cette enfant venait visiblement de subir un traumatisme psychologique, et l'infirmière serait mieux à même qu'elle de lui venir en aide. Elle se contenta de prendre ses petites mains entre les siennes pour ôter ses gants.

Son instinct de policière lui indiquait que le sang n'était pas à la fillette. Elle regarda ses paumes, avant de les comparer aux taches qui parsemaient la dentelle. Elle ne souffrait que d'une petite égratignure au niveau de l'index, qui semblait avoir déjà coagulée depuis un moment. En dehors de cela, il n'y avait aucune blessure qui justifiait une telle abondance d'hémoglobine sur le tissu.

- Que t'es-tu fait ? s'enquit l'agent Jenny en lui montrant la plaie au bout de son doigt.
- J-Je... Ce-c'est un rosier qui m-m'a piquée. J-Je me suis p-perdue en f-forêt.
- C'est pour ça que tu es dans un tel état ?

Kathy acquiesça d'un signe de tête au moment où les portes coulissantes s'ouvraient sur l'infirmière Joëlle qui arrivait enfin, escortée par la secrétaire. Sa trousse sous le bras, son stéthoscope autour du cou, elle accourut vers sa jeune patiente.

- Que se passe-t-il ? demanda-t-elle tout bas à la policière avant de commencer son examen.
- Je ne sais pas, elle est arrivée ici avec une allure de sauvageonne et elle s'est presque aussitôt évanouie.
- À dos de Ponyta, je suppose. Margot et moi-même en avons vu un juste devant l'entrée de votre commissariat. Il avait un filet, preuve qu'il appartient à quelqu'un. Si vous voulez mon avis, vous feriez bien d'aller l'attacher avant qu'il ne s'échappe.

Tandis que l'agent Jenny s'exécutait, l'infirmière sortit son nécessaire de sa trousse, tout en priant Kathy d'ôter sa robe. Quand elle ne fut plus qu'en sous-vêtements, elle remarqua les marques d'éraflure sur ses membres.

- Que t'est-il arrivé pour que tu aies toutes ces blessures ?
- J-Je... R-Rien. C-Ce sont les buissons.

La femme comprit qu'elle n'arriverait à rien avec la fillette tant qu'elle serait dans un tel état. Dans un verre d'eau qu'elle alla chercher au robinet, elle lui dilua un calmant. C'était un médicament pour adulte, aussi ne lui en donna-t-elle qu'une faible dose, nécessaire pour apaiser ses nerfs qui semblaient à bout.

Il fit bientôt effet. L'infirmière Joëlle, alors qu'elle appliquait une forte couche d'Anti-Brûle sur les jambes frêles de l'enfant qui avaient souffert du contact avec la robe ardente du Ponyta, constata avec soulagement que ses tremblements commençaient à s'atténuer.

- Tu n'aurais pas dû monter à cru, tu sais. Heureusement qu'il ne s'agissait pas d'un Galopa, car les dégâts auraient été plus importants. Il faut toujours une couche protectrice entre le corps de ces pokémon et ta peau. Un simple pantalon tout ce qu'il y a de plus banal aurait suffi.
- Je sais, murmura Kathy d'une voix plus reposée, probablement à cause du calmant, mais néanmoins toujours hésitante. Je n'avais pas le temps. Je... Je devais venir.
- Comment ça, pas le temps ? Ah, Allison ! Vous revenez au bon moment. Pourriez-vous, s'il vous plaît, me couper un morceau de bande stérilisée pendant que je désinfecte ces égratignures ?
- Avez-vous eu l'occasion de voir ses gants ? s'enquit la policière, les sourcils froncés, tout en tendant à la soignante ce qu'elle lui avait réclamé.
- Non, qu'ont-ils ? Oh !

L'infirmière ouvrit des yeux ronds et manqua de lâcher le coton alcoolisé avec lequel elle nettoyait les griffures que les ronces avaient infligées à Kathy. Elle avait suivi le regard de son interlocutrice jusqu'à l'objet en question.

- Par Arceus, tes blessures sont toutes superficielles. Comment se fait-il que tes gants soient couverts de tout ce sang alors que tu n'as qu'une minuscule entaille au doigt ?
- Ce n'est pas le mien, articula lentement l'enfant, dont l'esprit devenait de plus en plus confus suite au médicament dont elle n'avait pas l'habitude. C'est ma faute.
- Qu'est-ce qui est ta faute ? insista l'agent Jenny en venant s'agenouiller face à elle.
- Je ne devais pas m'absenter longtemps, or j'ai voulu suivre un Cerfrousse à cause duquel je me suis égarée. Je suis arrivée à la maison avec plus de deux heures de retard et là... là... Si seulement je ne m'étais pas perdue !
- Où habites-tu ?
- À environ trois miles après la sortie du village. Au milieu des champs, il y a une ferme qui appartient à mes parents.
- Je vais envoyer immédiatement mes adjoints sur place, mais il faut que tu me donnes plus de précision au sujet de ce que tu as découvert, afin qu'ils sachent quoi chercher.
- Il n'y a rien, affirma Kathy contre toute attente. Juste du sang, beaucoup de sang. Mais rien d'autre. Les murs du salon ont été éclaboussés, ainsi que les meubles. Si j'en ai par mes gants, c'est parce que je me suis appuyée sur le battant de la porte, qui lui aussi en était plein.
- Tu n'as rien à te reprocher. Au contraire, tu as été courageuse de venir jusqu'ici nous avertir. Quant à ce qui s'est passé dans la forêt, je crois au contraire que ça t'a été bénéfique. Si tu étais rentrée à l'heure prévue, je doute que tu aurais pu faire quoi que ce soit pour aider ta famille et tu aurais disparu en même temps qu'eux. Là, grâce à ton intervention, nous avons une chance de les retrouver.
- Je doute qu'avec tout le sang que j'ai vu, il y ait la moindre chance qu'ils soient encore vivants au moment où nous parlons, affirma la fillette en pleurs avec un éclair de lucidité. Et maintenant, sans mon frère et mes parents, je suis toute seule.
- Allison, allez sans tarder sur les lieux. Vos adjoints ne suffiront pas, vous êtes la plus qualifiée pour mener cette enquête. Ne vous tracassez pas pour la petite, je vais m'en occuper.
- S'il y a la moindre chance, le plus petit espoir, je te jure que je te ramènerai ta famille, Kathy. Mais surtout, ne quitte pas la surveillance de l'infirmière Joëlle pour l'instant. Je vous la confie, mon amie. Et les monstres qui ont fait ça finiront leur vie en prison, je peux vous l'assurer.

Le regard déterminé, la policière appela ses collègues tandis que Kathy se rhabillait, et ils quittèrent les lieux en toute hâte pour se rendre sur la scène de crime. L'enfant aurait aimé se bercer d'illusions : restait-il la plus infime lueur ? Se pouvaient-ils que ses parents ne soient pas morts, de même que son frère, malgré une scène d'une telle violence ? Avait-elle le droit d'espérer, au risque d'être ensuite abattue par la réalité ?
Cyrlight

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CHAPITRE 3 : WALKING ON WATER


Cela faisait déjà un long moment que les agents de police étaient partis. Kathy était parvenue à se détendre et pensait désormais avec un peu plus de clairvoyance. Elle réfléchissait à la situation, tâchant de relier tous les évènements entre eux, même si cela était complexe.

- Infirmière Joëlle ! s'exclama le plus grand des adjoints en pénétrant dans le commissariat tel un courant d'air. Allison m'envoie chercher l'enfant. Je dois lui poser davantage de questions au sujet de cette affaire, si vous la croyez en état de répondre, et si possible la ramener sur les lieux du crime.
- Ce n'est pas à moi qu'il faut demander ça. Elle seule peut savoir si elle est en mesure de le faire. Kathy, te sens-tu capable de coopérer avec la police ou veux-tu rester encore un peu tranquille ?
- Non, je dois les aider. Il en va de l'avenir de ma famille. J'accepte également de vous accompagner, à une condition : s'il vous plaît, ne me forcez pas à retourner dans le salon.
- Je te le promets. Nous avons fouillé toutes les pièces de la maison, et je me suis dit que tu aurais peut-être besoin de ça. Il me semble que c'est à toi, non ?

L'adjoint lui tendit une robe en dentelle jaune pastel qu'il avait dû prendre dans son armoire. Elle regarda la sienne, en lambeaux, et le remercia d'un signe de tête d'avoir eu cette intention. Il la conduisit, sous le regard bienveillant de l'infirmière Joëlle, dans le bureau de l'agent Jenny où elle put se changer à l'abri des regards.

Quand elle en ressortit une poignée de minutes plus tard, elle était en apparence présentable, à l'exception de ses cheveux qui n'étaient toujours pas coiffés. La soigneuse lui adressa quelques encouragements auxquels elle ne répondit pas, puis suivit le policier jusqu'à sa moto qui était garée devant le bâtiment.

Avec précautions, il l'aida à s'installer dans le sit-car où il lui boucla sa ceinture, avant de lui donner un casque qu'elle attacha sous son menton. Fin prêts, ils partirent pour la ferme familiale, désormais devenue une scène de crime.

L'agent Jenny était venue les attendre à l'extrémité du grand pont qui surplombait la rivière, entre deux champs. Le chemin de terre qui suivait ce tracé menait directement à l'habitation. L'adjoint coupa le moteur tandis que la femme assistait Kathy, aux prises avec son harnachement.

- Tu es une fillette très courageuse, la complimenta-t-elle. Je vais te poser les questions nécessaires à l'enquête tout de suite, au cas où ta présence ici devienne trop difficile pour toi, tu veux bien ?

L'enfant acquiesça brièvement et Allison Jenny posa une main sur son épaule pour l'obliger à faire quelques pas. Elle garda le silence un moment, afin de la laisser se préparer mentalement. Kathy observait les alentours : dire qu'elle avait quitté sa maison le matin même, alors que tout allait bien, et qu'après s'être égarée dans les bois, elle revenait affronter une situation de crise.

Elle frissonna, songeant à la brutalité de l'évènement qui s'était produit sans crier gare. Elle ne pouvait même pas se souvenir des dernières paroles qu'elle avait échangées avec chacun des membres de sa famille avant son départ.

- Tes parents avaient-ils des ennemis ? Des gens qui leur en auraient voulu pour une raison ou une autre ?
- Non, je ne crois pas. Nous ne connaissions pas beaucoup de monde, pour tout dire. Ils faisaient souvent du commerce avec les gens du village, et des échanges avec les fermes alentours, mais je n'ai pas souvenance que cela se soit un jour mal passé.
- Et ton frère, tu peux me parler de lui ? Quel âge a-t-il ?
- Il s'appelle Eric et il a quinze ans. C'est un véritable génie, mais il n'est pas très loquace. Il lit énormément, c'est pour cela qu'il connait autant de chose. Il fait aussi beaucoup d'expériences. Je ne lui connais aucun ami en dehors de son microscope.
- Bien, ta famille est donc plutôt d'un genre discret, pas de celle qui s'attire des ennuis. Hum... Voilà qui complique la chose. Et tu ne te rappelles pas d'un détail qui aurait attiré ton attention comme... Je ne sais pas, un fait inhabituel, un comportement étrange ou des personnes inconnues ?
- Pas que je sache. Tout était normal, je crois.
- Et maintenant, est-ce que tu remarques quoi que ce soit de différent, ici ? Un élément en plus ou en moins dans le décor, ou qui aurait bougé ?
- Rien de tout cela. Je ne vois pas ce que je pourrais ajouter d'autre, agent Jenny. Je vous ai dit tout ce que je croyais pouvoir vous être utile. Cela vous a-t-il aidé ?
- D'une certaine manière, oui. Si tu veux, Yann va te ramener au Centre Pokémon, tu pourras rester là-bas aussi longtemps que tu le souhaites.
- Merci, mais pour l'instant, j'aimerais passer encore un peu de temps ici. Je pourrais peut-être encore vous servir.

La policière acquiesça d'un signe de tête avant de se diriger vers ses collègues. Kathy trouvait cela étrange qu'elle ne lui ait pas dit un mot sur la progression de l'enquête. Si elle cherchait à la préserver, elle avait tort. Certes, elle avait peur qu'on lui annonce le pire, mais elle ne voulait pas pour autant être ménagée. La vérité finirait bien par être découverte et elle aurait désiré des précisions pour savoir à quoi s'en tenir. C'était tout de même sa famille qui s'était volatilisée en ne laissant derrière qu'une mare sanguinolente.

Discrètement, elle s'approcha du petit groupe de policiers jusqu'à être suffisamment près pour entendre leur conversation. Ils parlaient tous à voix très basse, ce qui confirmait son idée qu'ils ne voulaient rien qu'elle découvre.

- A-t-on bouclé le périmètre ?
- Je l'ai fait sitôt après notre arrivée, pendant que vous preniez la scène de crime en photo. Entre nous, je n'avais encore jamais rien vu de tel auparavant. Je sais que ce sont surtout les éclaboussures qui donnent cette impression, mais il y a quand même beaucoup de sang.
- J'en ai prélevé quelques échantillons que je ferai parvenir au laboratoire dès que nous serons rentrés.
- Et vous, Allison, avez-vous appris quelque chose avec l'enfant ?
- Apparemment, ses parents étaient en bons termes avec tout le monde. D'après ce que j'ai compris, ils n'étaient pas du genre à sympathiser facilement, mais leurs relations avec leurs fréquentations étaient parfaitement correctes. Selon la fillette, il n'y avait personne susceptible de leur en vouloir.
- Ce n'est pas bon signe, tout ça. Une famille discrète, sans ennuis... Généralement, quand il y a enlèvement, c'est dans un but bien précis : vengeance, demande de rançon... Or ils étaient fermiers, ils ne devaient pas gagner des millions. Cependant, si cela avait été l'oeuvre d'un tueur fou, pourquoi avoir fait disparaître les corps ? Dans les deux cas, ça ne colle pas.

Cinq paires d'yeux se tournèrent vers Kathy, qui avait cessé de faire comme si de rien n'était pour les fixer. Elle n'avait pas perdu un mot de la conversation, qui lui indiquait clairement qu'elle avait probablement très peu de chances de revoir sa famille.

- Vous ne les retrouvez jamais, n'est-ce pas ? interrogea-t-elle, les lèvres tremblotantes.

L'agent Jenny s'agenouilla pour être à sa hauteur et posa une main sur son épaule qu'elle pressa légèrement, en signe de soutien. Son regard plongé dans le sien, embué, elle lui affirma d'une voix douce :

- Le modus operandi ne ressemble à aucun autre. Il y a de fortes chances que ta famille soit encore vivante à l'heure qu'il est. Nous n'avons pas trouvé de corps, ce qui est plutôt bon signe. Rien n'empêche de toujours croire à un enlèvement. Si tel est le cas, les ravisseurs devraient prendre contact avec nous d'ici la fin de la journée.
- Pourquoi des kidnappeurs enlèveraient-ils ma famille pour demander quelque chose en échange ? Nous ne possédons rien que quelqu'un puisse vouloir.
- Tu sais, parfois, il y a des choses auxquelles on ne pense pas au premier abord : une peinture valant des millions que vous preniez pour une croûte, un objet rare que vous avez oublié au grenier, ou plein d'autres choses. Écoute, je pense sincèrement que tu ferais mieux d'aller au Centre Pokémon. Tu dois être épuisée par les évènements récents qui se succèdent à une telle vitesse. J'enverrai un Roucool te prévenir dès que j'aurai du nouveau. Je te l'ai dit, nous retrouverons ta famille.
- J'espère que vous dites vrai. J'attendrai votre message avec impatience. Par contre, est-ce qu'avant de partir, je pourrais aller chercher la selle de mon Ponyta ? Je l'ai laissée à l'écurie.
- D'accord, mais fais vite. Je vais dire à Yann de t'attendre devant le sit-car, tu le rejoindras directement.

Kathy approuva d'un signe de tête puis se hâta d'aller chercher ce dont elle avait besoin. L'adjoint, en la voyant marcher dans sa direction avec le siège en cuir deux fois plus large qu'elle dans les bras, se dépêcha d'aller le lui prendre. Quand elle se fut assise dans le sit-car, il déposa délicatement la selle sur ses genoux. Il allait démarrer lorsqu'une femme arriva par le chemin au milieu duquel Yann avait garé la moto.

Elle portait une tenue de plongée noire et moulante, avec une bouteille d'oxygène fixée dans son dos. Quatre Mustébouée et un Musteflot l'accompagnaient : ils se tenaient derrière elle, le dos droit. La nouvelle venue se mit au garde-à-vous devant le policier qui était en faction sur le pont, afin de s'assurer que personne ne viendrait interférer dans le bon déroulement de l'enquête. Rapidement, elle lui montra un badge que Kathy n'eut pas le temps d'entrevoir.

- Escouade aquatique, lieutenant. L'agent Jenny m'a demandé de venir aussi vite que possible. Je suis ici pour sonder la rivière avec mes pokémon à l'entraînement spécialisé dans le but de retrouver de potentiels cadavres.

Le visage de Yann se figea alors qu'il s'apprêtait à enfiler son casque. La fillette leva les yeux vers lui, le regard sombre. Soudain, il se sentit terriblement gêné. Elle serra les dents, furieuse, le corps à nouveau parcouru de tremblements nerveux. Plusieurs nausées l'obligèrent à se pencher sur le bord du sit-car, car ce qu'elle venait d'entendre lui avait noué le ventre.

Pourquoi l'agent Jenny, ainsi que le reste de la police, s'échinaient-ils tous à lui mentir de la sorte ? Ce n'était pas sa famille vivante qu'ils recherchaient, mais bel et bien des corps. Pourquoi donc ne cessait-on pas de lui répéter que les choses allaient s'arranger, qu'elle n'avait pas de raison de s'inquiéter ?

Ils la prenaient tous pour une enfant, mais malgré son apparente fragilité lorsqu'elle était arrivée au commissariat, elle était beaucoup plus forte qu'ils ne semblaient le croire. Elle voulait entendre la vérité, mais apparemment, eux n'y tenaient pas plus que cela. Elle était certaine qu'ils agissaient de la sorte pour son propre bien, mais être tenue à l'écart lui faisait plus de mal.

Yann ne lui laissa pas le temps de poser la moindre question sur la situation. Il fit rugir le moteur de son véhicule et elle regarda la scène de crime s'éloigner derrière elle, en même temps que presque tous ses espoirs de retrouver ses proches sains et saufs. Désormais, il ne lui restait plus qu'à attendre, attendre que quelqu'un daigne lui parler franchement, plutôt que de la prendre pour la fillette qu'elle n'était plus. Elle le comprenait seulement là : elle avait cessé d'être une enfant à l'instant même, fatal, où elle avait poussé la porte du salon.
Cyrlight

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Re: Entre infini et au-delà [Série tv : Pokémon]

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CHAPITRE 4 : APRÈS TOUT ÇA


Les journées s'écoulèrent, les unes après les autres, interminables. Kathy pouvait à peine quitter sa chambre au Centre Pokémon, car des policiers la surveillaient constamment. Pour la protéger, disaient-ils, encore une fois. Les agresseurs en avaient peut-être aussi après la fillette et risquaient de venir s'en prendre à elle n'importe quand.

L'intéressée elle-même n'y croyait guère. Tout ce qu'elle voulait, c'était revoir sa famille. Malheureusement, les espoirs qu'elle avait étaient passés de très minces à inexistants. Si ses parents et son frère étaient vivants, même rien que l'un d'entre eux, l'agent Jenny et ses collègues les auraient déjà retrouvés.

Elle avait cessé de relire les messages que la policière lui avait envoyés par Roucool afin d'y déceler la moindre raison de penser que les choses pouvaient s'arranger. Aucun élément nouveau ne se profilait à l'horizon de l'enquête. Ils n'avaient pas le moindre indice, pas le moindre suspect. Allison Jenny avait interrogé les voisins qui traitaient avec la famille de Kathy, et ceux-ci avaient confirmé les dires de l'enfant : ses parents étaient des gens tranquilles, sympathiques et serviables, quoique peu bavards.

Un matin, trois semaines après le drame, alors que l'affaire était quasiment au point mort, la fillette fut réveillée par les premières lueurs de l'aube. L'infirmière Joëlle, au début du son service matinal, avait dû venir lui déposer son petit-déjeuner sans qu'elle ne l'entende, car un plateau appétissant se trouvait sur la table à roulettes.

Aussi délicieuses que la pile de crêpes au sirop d'érable et les tartines de pain avaient l'air de l'être, accompagnées par un grand verre de jus de baies frais, Kathy n'avait pas faim. Elle descendit du lit, posant ses pieds nus sur le carrelage froid. Elle ignora ses pantoufles molletonnées qui gisaient un peu plus loin et se dirigea directement vers la fenêtre qu'elle entrouvrit.

Elle pouvait presque apercevoir la rue principale de là où elle était, toujours très animée, alors même qu'il était très tôt. Elle n'était pas sortie de cette chambre depuis des jours, dans laquelle la police ne cessait de passer pour lui poser de nouvelles questions qui tournaient toutes plus ou moins en rond ou simplement lui demander comment elle allait, comportement fort idiot étant donné qu'elle se retrouvait seule, perdue et désespérée.

Sur la pointe des pieds, elle ouvrit silencieusement la petite armoire murale d'où elle sortit une robe noire au col et aux manches en dentelle, qu'elle enfila à la place de son pyjama. Ses bottes, couvertes de boue, se trouvaient dans la petite salle de bain. Depuis son arrivée, elle devait les nettoyer, mais entre ses réflexions personnelles et les interruptions incessantes des agents, elle n'avait eu ni le temps ni l'envie de le faire.

Toujours sans bruit, elle entrebâilla la porte du couloir. À l'exception de l'infirmière Joëlle qui devait effectuer sa première ronde, tout le monde semblait être endormi, y compris le policier charger d'assurer sa protection, profondément assoupi sur une chaise en métal inconfortable.

Kathy s'assura que la voie était libre avant de filer à toute allure le long du corridor jusqu'à la salle d'accueil. Elle se plaqua derrière le comptoir, fort soulagée que l'infirmière ne s'y trouve pas, puis, après avoir jeté un dernier coup d'oeil de chaque côté, se précipita hors du Centre Pokémon.

Elle rejoignit son Ponyta qu'ils avaient installé dans le jardinet, qui se situait juste derrière le bâtiment au toit rouge. Ce dernier dodelina de la tête en la voyant arriver, heureux de revoir sa maîtresse. Gantée, elle caressa son encolure flamboyante avant de se lancer à la recherche de sa selle. Elle était stockée dans un petit cagibi, dans l'angle que formait la barrière qui cernait le morceau de terrain. Elle la sangla sur le dos de son pokémon avant de s'y installer en amazone.

- Allons faire un tour, mon grand. J'ai besoin d'air, et ici, j'étouffe.

Un léger coup de talons dans les flancs du poney de feu suffit à le faire partir au petit trot. Elle ne savait pas vraiment où elle avait l'intention d'aller : elle voulait simplement fuir, quitter ce Centre Pokémon dans lequel elle était captive depuis déjà trop longtemps. Elle devait réfléchir, mais pour cela, il fallait avant tout qu'elle soit seule.

Ils descendirent la grand-rue jusqu'à la sortie de la ville, sous les regards des passants qui la dévisageaient. Elle fut surprise par ce comportement : à croire qu'ils n'avaient jamais vu personne à dos de Ponyta, alors qu'il s'agissait pourtant du moyen de transport le plus rapide lorsqu'on ne voulait pas marcher.

Elle erra un bon moment, sans but ni destination, avant de s'arrêter à proximité d'un ravin. Il était si profond que le bas était plongé dans l'obscurité. Kathy y jeta un caillou qui résonna au bout d'une demi-minute. Survivre à une chute pareille était inimaginable, pourtant, en dépit du risque, elle s'avança encore, comme fascinée.

Agenouillée au ras du précipice, elle resta sereine un instant, les yeux fermés, écoutant les bruits de la nature autour d'elle, avant de s'apercevoir que tout ceci lui rappelait la ferme, sa famille. Jamais plus elle ne les reverrait, et elle savait qu'elle n'aurait pas non plus le courage suffisant pour rentrer chez elle après ce qui s'y était produit.

Ses yeux s'emplirent de larmes qu'elle ne put maîtriser. Elle revoyait son frère, à la nuit tombante, allongé devant la cheminée, un livre posé sur le tapis devant lui. Elle pensait à sa mère, tricotant dans l'un des fauteuils désormais ensanglantés du salon un pull ou une écharpe, en vue des rudes hivers qu'ils traversaient à la ferme. Son père, lui, fumait la pipe en somnolant, après une dure journée de labeur, le vieux Chaffreux couché à ses pieds.

Elle n'avait pas souvenir d'avoir vu le pokémon lorsqu'elle était revenue de la forêt. Sans doute s'était-il enfui dans la panique, si panique il y avait eu, à moins qu'il n'ait été enlevé par les agresseurs, tout comme sa famille, ou plus vraisemblablement leur corps. Personne n'aurait cependant été s'embêter d'une créature comme lui, âgée et paresseuse, aussi première explication restait la plus valable.

Kathy songeait également aux troupeaux. Les voisins venaient les nourrir régulièrement, selon l'agent Jenny, mais qu'adviendrait-il d'eux si personne ne revenait jamais à la ferme ? Il faudrait les vendre, et la fillette perdrait ainsi tout ce qui faisait la fierté de son père : ses Tauros, avec lesquels il avait remporté plusieurs fois le concours de pokémon bovin de Mérolia, ses Ecremeuh, qui donnaient le meilleur lait des environs, et les Wattouat, dont la laine leur avait offert des vêtements si chauds.

Et après ? Était-ce là la seule issue ? Tout ceci allait donc être dispersé aux quatre vents ? Bientôt, il ne resterait plus rien de sa famille, que des souvenirs qu'elle avait peut-être rêvés, car certes, il y avait eu des bons moments passés avec eux, mais aussi d'autres, moins plaisants, cependant elle n'arrivait actuellement qu'à se rappeler des instants heureux.

Que lui restait-il, désormais ? L'espoir envolé, sa famille disparue, l'incapacité à retourner vivre dans la ferme où elle était née, où elle avait grandi, qu'allait-elle devenir ? C'était la seule vie qu'elle avait jamais connue, et le sol sur lequel elle avait si longtemps marché venait de s'effondrer sous ses pieds. Elle n'avait plus rien, rien pour se raccrocher, personne pour la retenir.

Elle s'allongea sur la terre sèche, en chien de fusil, en la frappant du poing au même rythme que coulaient ses pleurs. Tout avait perdu son sens, la vie elle-même n'avait plus de raison d'être vécue. Elle aurait voulu que ses parents soient là, ils l'auraient guidée sur la voie à suivre, or elle était seule, désormais. À jamais seule. Tout ce qu'elle aimait, tout ce qu'elle avait s'était enfui. Il ne restait rien, à part ses larmes qui semblaient ne plus pouvoir se tarir.

Elle aurait voulu entendre leur voix, leur parler. Qu'ils lui prodiguent une dernière fois amour et conseils, alors qu'elle en avait tant besoin. Évidemment, rien ne se produisit. Jamais plus elle ne les reverrait, elle devrait apprendre à vivre sans eux, sans personne. Elle était si jeune, elle ne connaissait rien. Elle n'était pas son frère qui avait tout lu dans les livres, bien que son savoir ne l'ait pas épargné non plus. Son avenir était flou, sombre. En avait-elle un, d'abord ?

Si seulement elle ne s'était pas égarée dans cette maudite forêt ! Elle serait rentrée à l'heure prévue. Elle aurait été avec les siens en ce fatal instant, qu'importe ce qui avait pu se passer, d'ailleurs. Elle aurait préféré subir le même sort qu'eux, aussi atroce qu'il pouvait l'être, plutôt que de se retrouver ici, vivante, mais seule, et profondément marquée par le traumatisme. Le remord la dévorait de l'intérieur : si sa famille était belle et bien morte, comme tout semblait le laisser croire, quelle était la raison de sa survie ? Pourquoi le hasard l'avait-il protégé d'un sort auquel tous auraient probablement dû être destiné ?

Elle ne devait sa vie qu'à la désobéissance. En effet, depuis qu'elle était enfant, elle avait promis, à l'instar de son frère, de ne jamais s'éloigner de l'orée de la forêt, et encore moins du sentier. Elle ne méritait pas la chance qu'elle avait eue, elle ne l'avait même pas obtenue de manière honnête. Si elle avait écouté les recommandations de ses parents au lieu de n'en faire qu'à sa tête pour se lancer à la poursuite de ce Cerfrousse, elle serait avec eux, où qu'ils soient, à l'heure actuelle.

Pourtant, il n'était peut-être pas trop tard. Kathy se redressa, les yeux rougis et la peau de son visage irritée par les larmes. Elle posa son regard rendu trouble par les pleurs sur le ravin, juste devant elle. Sa famille n'était peut-être pas perdue, finalement. Elle n'avait qu'un pas, un tout petit pas à faire, minuscule, et elle pourrait les rejoindre. Ainsi, ils seraient de nouveau ensemble, comme si rien ne s'était passé. Elle arrêterait de souffrir. Une fois auprès d'eux, sa culpabilité s'envolerait. Sa mère lui pardonnerait sûrement d'avoir désobéi, si elle les retrouvait.

Elle se releva. Ses jambes étaient lourdes, comme si elles étaient faites de plomb et non de chair. Elle en souleva une, puis l'autre, mais cela lui demanda un effort considérable, en dépit du vide, à un mètre d'elle, qui l'appelait inexorablement. Elle pouvait le faire. Elle devait le faire. Et après ? Une fois qu'elle se serait écrasée au bas du précipice ?

Après, elle serait libre, enfin, de tout le poids qui l'oppressait. Elle le partagerait à nouveau avec ses parents, son frère, et son fardeau serait bien loin. Après, elle serait de retour auprès des siens, qu'elle n'aurait même jamais dû quitter. Pour cela, il n'y avait plus qu'une seule chose à faire.

Kathy fit encore un pas en avant, le dernier. Elle aurait juré entendre quelqu'un crier, dans son dos, mais il s'agissait probablement d'un effet de son imagination, ou le bruit du vent à ses oreilles. Elle n'entendrait bientôt plus rien. Ses pieds quittèrent le sol pour sentir le vide au-dessous d'eux, puis ce fut la chute. Elle ferma les yeux, attendant que la mort vienne la prendre pour la ramener auprès des siens disparus.

Une violente douleur la saisit cependant au poignet, puis un peu plus bas, sur son avant-bras. Le trépas ne pouvait pas être si douloureux. La fillette entrouvrit les paupières, pour se voir figée dans les airs, immobiles. Sa chute avait été stoppée. Elle leva les yeux vers le haut du ravin, pour voir une silhouette floue, celle-là même qui retenait son bras. Elle sentait les ongles qui s'enfonçaient dans sa chair, la brûlure de la peau de l'autre qui la serrait si fort que cela lui faisait mal.

N'avait-on pas compris ? Si elle avait sauté du haut de ce précipice, c'était bien parce qu'elle ne tenait pas à ce qu'on la sauve. La personne qui la tenait la tira néanmoins fermement vers le haut et, à contrecoeur, Kathy prit appui sur l'à-pic avec ses pieds afin de remonter, pour ne pas entraîner celui ou celle qui avait cru la sauver dans une chute.
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