Je ne savais pas exactement si c’est parce que j’étais restée les bras ballants sans lui rendre son étreinte ou due à Spock qui se débattait dans mes bras… mais toujours est-il que Ruby recula de plusieurs pas pour me jeter un regard suspicieux. Bien… c’est le moment de dire quelque chose d’intelligent. De réfléchis. Pas d’impulsif.
- Je… suis désolée, soufflai-je.
Que quelqu’un me frappe. C’était quoi cette réponse inutilement laide et stupéfiante de médiocrité? Non, mais par Merlin! J’aurais pu trouver mieux. À voir les yeux écarquillés de Ruby, elle pensait la même chose. Je poussai un soupir, me massai le front et me reprit en la voyant arquer un sourcil :
- Je suis vraiment désolée… C’est seulement que… je n’étais pas certaine que le transfert aurait lieu. Que… ça fonctionnerait.
- Je vois… lâcha-t-elle sur un ton soupçonneux. Et ton chien? Ce n’est pas celui que tu as chez toi. Et on n’a pas le droit d’en avoir ici…
Réfléchis, réfléchis…
- Je l’ai pris dans un refuge, une journée avant de venir. Mes… Mes parents ont accepté et j’ai réussi à avoir une permission spéciale de la directrice.
- Vraiment? Tu es sûre que tu n’es pas malade, plutôt? Tu agis… bizarrement.
- Fatiguée, c’est tout.
J’essayais à grande peine de retenir les larmes qui avaient voulu me monter aux yeux en mentionnant mes parents. J’aurais eu envie de lui dire la vérité, pour ne pas qu’elle se fasse de fausses idées et pour ne pas risquer de perdre toute crédibilité au plus mauvais moment. À quoi McGonagall pensait-elle en voulant me faire jouer le rôle de la moi d’ici? Pour ce que j’en savais, on devait être deux personnes complètement et irrévocablement différentes.
- Au fait… Pourquoi il n’y a que toi qui fais un transfert? s’enquit-elle à nouveau. Ton frère, lui?
Bonne question.
- Il ne tenait pas particulièrement à m’avoir sur le dos maintenant qu’il avait le choix. Et puis… c’est sa dernière année, ça ne lui apporterait rien.
- Sauf que tu ne devais pas faire tes B.U.S.E. ou en tout cas leur équivalent cette année?
Touchée, pensai-je en moi-même. Comment expliquer ça? J’étais effectivement au courant que les élèves de Beauxbâtons devaient normalement faire leurs équivalents d’examens de B.U.S.E en sixième année d’études… Mais moi je les avais déjà faits. Et c’était vrai que pour faire un transfert à ce stade-ci de mes études de Beauxbâtons, si on suivait la logique de McGonagall, n’avait aucun sens. À moins d’être moi. Sauf comment savoir si mon moi d’ici était particulièrement studieuse?
- Ça fait un moment que je pense à faire un transfert, en fait, avouai-je en regardant mes pieds. Mais ma mère tenait absolument à ce que je fasse au moins cinq ans à Beauxbâtons. Enfin, c’est surtout aussi que lorsque j’ai eu l’idée plus en tête, il était trop tard pour demander un transfert. Alors on a décidé de faire la demande pour ma sixième année. Ce qui impliquait de prendre des arrangements avec la direction de l’école pour que je puisse étudier davantage et passer mes examens avec les sixièmes années.
- Vraiment? s’étonna-t-elle.
- Oui.
Et ce n’était pas vraiment un mensonge. J’avais effectivement appris bien des choses que je ne devais voir que cette année… Ce qui risquait, d’un certain côté, de m’attirer quelques ennuis avec mes camarades. Mais le plus gros du problème était le fait que ceux qui me connaissaient… je ne les connaissais pas ici. J’ignorais quels souvenirs nous devions avoir en commun. J’ignorais les possibles techniques d’échanges silencieux mis en place… Je repartais à zéro avec des personnes qui me connaissaient déjà. Je me sentis faiblir un instant.
C’était comme si j’avais perdu la mémoire.
Était-ce ce que l’on ressentait après avoir subi un choc et perdu l’intégralité de sa mémoire? Quand on ne reconnaissait ni amis ni parents? Je déglutis difficilement et marmonnai d’un ton légèrement faible :
- Je crois qu’il faut que je m’asseye…
- Tu es sûre que ça va? s’inquiéta Ruby.
- Oui… Beaucoup de fatigue… c’est tout.
- Tu as encore fait des nuits blanches pour lire, c’est ça?
- Exactement, admis-je.
Elle m’indiqua rapidement un lit supplémentaire. Oh, Merlin. Elles étaient quatre normalement. Maintenant… elles étaient cinq. À cause de moi. J’aurais pu me retrouver dans n’importe quel dortoir d’élèves de sixièmes années Serpentard, pourquoi avait-il fallu que ce soit celui où se trouvait une personne qui me connaissait de visage? Davantage, même. C’était… incompréhensible. Ou peut-être que tous les autres avaient déjà cinq élèves dans leur dortoir. C’était plausible.
Je m’installai rapidement sur le lit et déposai Spock à mes côtés. Je me mis à triturer distraitement la cravate de mon uniforme, gémissant intérieurement de la voir verte et argent. C’était ma cravate. Une cravate de Gryffondor. Et McGonagall l’avait… elle l’avait… changée. Je retins un grondement et alors que je m’apprêtais à dire à Ruby que je voulais dormir pour pouvoir me morfondre en paix, autre chose me vint à l’esprit.
- Est-ce qu’il y a de la place dans l’équipe de Quidditch? M’enquis-je.
- Il y a une place de Batteur et de Poursuiveur qui s’est libérée. C’était les deux septièmes années, me répondit-elle.
- Qui est le Capitaine?
- Joshua Flint. Sa cousine Eleanor Aylin lui a cédé la place, c’était elle la Poursuiveuse de septième.
Je frémis intérieurement en l’entendant prononcer le nom en entier. Qu’est-ce que c’était censé vouloir dire, au juste? N’étaient-ils pas amis? Et pourquoi Scorpius disait-il que personne chez les filles ne leur parlait? Amy et Ruby ne le faisaient-ils pas? Pourquoi les choses devaient-elles être à ce point différent? Je ne connaissais le nom d’Eleanor que parce que son frère faisait partie de mon année. Kieran Aylin. Il avait essayé de faire partie de l’équipe de Quidditch, sans succès. Mais de ce que je savais de sa sœur… c’était qu’elle était à Serdaigle. Pas à Serpentard. Je me sentis à nouveau blêmir.
- Tu veux faire partie de l’équipe? s’enquit Ruby avec une étincelle de joie dans les yeux.
- Oui, affirmai-je.
- Essaie le poste de Poursuiveuse, comme ça on pourra vraiment jouer ensemble!
- En fait… je voulais passer les essais pour Batteur, dis-je piteusement.
- Rah… toujours aussi violente, pas vraie, Alli? soupira-t-elle.
Je lui offris un sourire contrit en retenant une mimique étrange. Ruby était l’une des seules personnes, normalement, parmi mes amis proches à m’appeler par mon prénom au lieu de mon surnom. La voir le faire à présent me laissait un goût de cendre dans la bouche. Elle me tapota l’épaule gentiment avec un sourire sincère et dénué de la suspicion qui semblait l’avoir habité auparavant, puis elle lâcha :
- Bon, je te laisse te reposer, prendre tes aises avec ton nouveau chien. Moi je dois rejoindre James.
- James? m’étonnai-je.
- Je t’en ai parlé par lettre l’année dernière, Alli! James Potter! Je croyais que toi, contrairement à mes parents, comprendrais qui il était. Je n’arrive toujours pas à comprendre comment c’est arrivé… Enfin, tu le sais bien, non? En tout cas, sortir avec lui m’a montré qu’il n’était pas seulement un farceur et je ne regrette pas ma décision, même si j’ai passé près de perdre mon poste au Quidditch. Sauf que Joshua avait bien trop besoin de mes talents pour me virer! ricana-t-elle.
- Désolée, c’est simplement que je n’arrive pas à croire que tu sors avec James Potter! Le fils d’Harry Potter. C’est simplement incroyable…
Tellement incroyable que ça aurait dû être impossible. Elle le détestait, non? Sauf que c’était lié à la mort de sa mère qui, si je me fiais à ce qu’elle avait dit, n’avait pas eu lieu ici. Comme le fait que la mort de la mère de Scorpius n’avait pas eu lieu dans ma réalité à moi. Par Merlin, tout ça devenait beaucoup trop compliqué.
- Tu devrais commencer à t’habituer, Alli. Ça fait déjà six mois, maintenant, et on en a tellement parlé cet été que j’aurais cru que… Bon, enfin, ce n’est pas important. Tu n’as qu’à essayer d’attraper Albus Potter, même si… enfin, peu importe.
Je rougis violemment ce qui la poussa à sourire malicieusement à mon encontre et je n’aimais pas du tout ce sourire. J’avais le mauvais pressentiment qu’elle avait une idée derrière la tête. Et cette idée, je n’avais pas l’impression qu’elle allait me plaire… Surtout s’il était question de jouer les entremetteuses. Chose dont je n’avais aucune envie, car j’avais déjà un Albus. Le mien. Le seul qui comptait vraiment. Non, pas que celui d’ici était à négliger, mais… je ne pourrais pas être plus qu’une amie. Sinon, j’aurais l’impression de me trahir moi-même et de trahir la confiance qu’Al m’avait donnée.
En la voyant s’éloigner, je songeai que dès demain, j’allais devoir avoir une petite discussion avec la directrice. Ça ne fonctionnerait pas. Je ne pouvais pas me faire passer pour mon autre moi si une personne qui me connaissait, d’une certaine manière, ignorait la vérité. Ce n’était pas correct vis-à-vis de Ruby ni envers ma santé mentale. J’allais devenir dingue si je devais jouer la comédie sans aucune carte en main. Elle pensait quoi, McGonagall, au juste? Que j’étais brillante au point de réussir à me débrouiller sans rien? Ou peut-être que son but c’était de me discréditer? Ou encore… elle ne me croyait toujours pas. Ce qui expliquerait pourquoi elle voulait que je joue le rôle de ma moi d’ici. Puisqu’elle pensait que j’étais elle.
À moins que je doive aller à la pêche aux infos moi-même.
Ce qui, à la réflexion, serait la chose la plus judicieuse à faire. Restait à savoir comment le faire maintenant… L’idéal serait sans doute d’aller voir des gens susceptibles de me connaître. Mais comment faire pour obtenir des informations sans risquer de… tout foutre en l’air? En allant voir des personnes qui connaissaient mon histoire. Et me croyaient. Un soupir s’échappa de ma bouche à cette pensée. Ça me ramenait à Albus et Scorpius. Rose… je n’arriverais jamais à tenir une conversation sans risquer de perdre les pédales dangereusement. La voir aussi… chiante, ne me donnait que l’envie de revoir celle que je connaissais davantage. D’être de nouveau parmi mes amis.
Je pris une grande inspiration et comme je m’étais momentanément absentée dans mon esprit, je remarquai avec étonnement que les autres filles étaient parties. Je n’avais même pas pensé à vérifier si Amy était là, elle aussi. Ou en tout cas, je n’avais pas eu le temps de le faire. Tant pis. Maintenant, il fallait que je ravale les émotions qui manquaient de m’étouffer à tout moment et de me lâcher dans cette réalité pour voir à quel point elle était différente de la mienne.
Mon regard s’attarda sur mon lit lorsque j’y déposai Spock. J’avais très envie de me laisser tomber complètement dessus et de m’endormir. Ou d’en profiter pour pleurer tandis que personne n’était là pour le voir. Sauf que je refusais… je refusais de me laisser abattre autant par les évènements. J’allais surmonter ça. Comme j’avais surmonté les obstacles de ma dernière année. J’allais retrouver mes amis, qu’importe ce qu’il m’en coûterait.
Je me relevai d’un bond du lit, assignai Spock à rester sur celui-ci et sortis d’un bon pas du dortoir. Ma mission de la soirée : trouver des informations. J’espérais simplement que le tout ne s’allongerait pas sur une mission de cinq ans. Je n’avais pas cinq ans à perdre ici. Une boule se forma dans ma gorge alors que le souvenir d’avoir vu les Star Trek en compagnie de mes amis me revenait en tête. Après l’avoir vu, ils n’avaient toujours pas compris pourquoi j’avais nommé mon chien Spock, malgré qu’ils aient aimé le personnage. Le souvenir flotta un instant derrière mes paupières malgré que je continuais à avancer vers la Salle Commune des Serpentards, qui, soit dit en passant, n’était en aucun cas différente de celle que je connaissais.
Je me tenais sur l’un des fauteuils de cinéma dans ma maison, assise comme à l’habitude à côté d’Albus tandis que Rose et Scorpius étaient de l’autre côté de l’allée. À peine les écritures de fin commençaient-elles et que je mettais le tout sur pause qu’ils se tournèrent tous vers moi avec un regard interrogatif. Y compris Albus, malgré que ce soit son deuxième visionnage du premier film.
- Donc… tu as appelé ton premier chien Spock… d’après ce personnage? Lâcha Rose.
Je poussai un soupir de dépit fasse à la question de ma meilleure amie. Pourquoi tant de remise en question? Je n’avais que sept ans à l’époque, par Merlin! Et elle avait bien appelé son chat Nuage, non? Était-ce vraiment plus original? Je ne pensais pas.
- Oui, je l’ai nommé d’après ce personnage. Je te saurais gré de ne pas me juger sur ça. J’avais sept ans, rétorquai-je.
- Oui, mais… je ne comprends pas.
- Ça, vois-tu, j’ai pu le constater, grommelai-je.
- Moi non plus je ne comprends pas, avoua Scorpius.
J’eus de nouveau envie de pousser un soupir tonitruant, mais je me résignai à ne pas le faire. Il ne fallait pas autant prendre à cœur ce genre de chose. Du moins…
- Merlin, ce n’est pas sorcier pourtant.
- Ce n’est pas quoi? s’étonna Al.
- C’est une expression, grommelai-je. Écoutez, ça aurait pu être pire. Certaines personnes vont jusqu’à nommer leurs enfants à partir de films ou de série. Vous ne savez pas à quel point les trucs qui sortent de l’ordinaire peuvent obséder les Moldus, expliquai-je. Une partie en tout cas, ajoutai-je en voyant l’air dubitatif d’Al. Un jour je vous ferai écouter une série magistrale qui a enflammé ceux qui l’ont vu. Le Trône de Fer… c’est tout qu’un phénomène.
- Le… commença Rose avant de s’interrompre.
- Oh… oubliez ça, marmonnai-je en me détournant.
Je me levai avec raideur et m’éloignai sans leur adresser un regard. Non, mais… ils viennent seulement de découvrir ce que c’est que des films, comment pourrait-il comprendre l’engouement? Oh, évidemment Al l’a plutôt bien compris, même si sans le savoir apparemment, avec le Seigneur des Anneaux.
- Tu boudes Alli? S’enquit Rose et je devinais son sourire.
- Vous êtes des ignorants qui ne méritent pas mon attention immédiate, répliquai-je.
- Voyons, Alli, tu ne prends pas ça au sérieux à ce…
- Et le Quidditch? Vous prenez ça au sérieux? Et les chocogrenouilles? Soyez donc ouverts d’esprit…
- Je suis très ouverte! Argua Rose d’un ton légèrement outré.
- Ah bon? m’étonnai-je. Il faudrait que tu arrêtes de juger mon choix de nom pour mon chien, alors Miss-Je-Nomme-Mon-Chat-Nuage.
Je me retournai avec un sourire aux coins des lèvres et je l’aperçus me jeter un regard mauvais. Elle mima avec ses lèvres :
- Tu es terrible.
- Pas plus que toi, lui dis-je en usant de la même méthode.
- Il vient de se passer quoi, au juste? demanda Al, les sourcils froncés.
- Aucune idée, affirma Scorp. Mais c’est insultant de se faire ainsi mettre à l’écart.
Rose et moi on leva les yeux au ciel. Ce qu’ils pouvaient être ridicules, parfois. Je me retournai vers le lecteur Blu-ray et y insérai rapidement le deuxième film en remplacement du premier. J’allais les rendre accros. J’allais leur faire comprendre mon point de vue, que ce soit en usant de la manière douce ou forte. Ils finiraient bien par comprendre mon engouement.
- Arrête-toi! m’ordonna une voix arrogante et autoritaire.
Ce brusque rappel à la réalité fit disparaître les dernières traces brumeuses de mon souvenir d’un seul coup et je me retrouvai devant une personne qui… me donna horreur. Son sourire auparavant resplendissant était remplacé par un rictus dédaigneux et plein de suffisance. Ses doux yeux bruns, parfois illuminés par un éclair de malice, n’étaient plus que deux billes froides, calculatrices et dominantes. Seule la carrure n'avait pas changé et c’est par ce fait que je me rendis compte qu’il était imposant, quand même.
Oui, Joshua Flint était imposant.
Il n’avait peut-être qu’un centimètre de plus que moi, mais il était assez bien bâti. Je ne l’avais jamais vraiment remarqué, car tout ce que je voyais c’était son sourire, son tempérament calme et bon vivant. Une personne qui aimait la vie et tentait d’en tirer le maximum pour améliorer celles de ses amis. Ce qui semblait loin d’être les intérêts de la version que j’avais devant moi. Celui-là semblait plutôt du genre à pouvoir vendre ses amis aux plus offrants, balancer sa mère dans un gouffre et planifier l’assassinat de son père pour hériter de la fortune familiale. D’accord, j’exagérais sans doute un peu. Juste un peu.
Je le regardai droit dans les yeux, prenant sans doute la pire attitude à adopter dans ce genre de situation, soit avec de l’insolence. De l’arrogance. Autant qu’il en avait. Je n’avais aucun doute que si je devais trouver ma place ici, à Serpentard, c’était en prouvant que je ne me laisserais pas marcher sur les pieds, que j’étais digne d’être ici. Et comme la majorité des Serpentards que je connaissais possédaient une touche de suffisance…
- Tu me veux quoi? grommelai-je.
Les yeux d’un brun chocolat normalement sympathique de Joshua se plissèrent sous, je le supposais seulement, un orgueil endommagé. Il ne devait pas être habitué à se faire parler sur ce ton. Malgré que la prudence soit maîtresse de sureté… je n’avais aucune envie de lui donner ce qu’il voulait. Et prudence et moi, ça n’allait pas bien ensemble.
- Tu es sa fille.
Je fronçai les sourcils. Qu’est-ce que cela sous-entendait, au juste? Je n’en avais pas la moindre idée, mais apparemment ce n’était pas une bonne chose à ses yeux. Maintenant… était-il judicieux d’entrer encore plus dans le jeu sans savoir ce qu’il en retournait? Ou devais-je esquiver la question? Autant esquiver pour le moment, pensai-je.
- Tu me veux quoi? répétai-je sur un ton plus blasé. J’ai d’autres chats à fouetter que toi.
J’aurais bien ajouté un Flint ou un qui que tu sois, mais… je ne savais pas si nous nous connaissions. Et si oui, jusqu’à quel point. Alors autant rester neutre.
- Alors tu es sa fille, répéta-t-il à son tour, mais d’un ton infiniment plus dur.
Si je devais me prononcer, maintenant, je pencherais pour l’inimitié. Combien de personnes, exactement, dans cette réalité me détestaient, au juste? Parmi ceux qui, normalement, m’appréciaient? Le summum de la stupidité serait de croiser Rebecca et qu’elle soit gentille envers moi. Ça… ça, je n’arriverais pas à le supporter. Ça m’embêterait beaucoup, mais vraiment beaucoup. Je remarquai rapidement Albus et Scorpius qui s’avançaient dans ma direction et j’eus soudainement très envie d’en finir avec cette rencontre déplaisante. Je crachai rapidement :
- Et alors? Tu pourrais préciser. Des parents, j’en ai deux. Ils déplaisent à monsieur, peut-être? Qu’est-ce que ça peut me faire? Dis-moi? Tu veux me cracher au visage les insultes que tu ne peux pas leur dire, c’est ça? Alors, viens. Dis-les. Ne te gêne pas…
Il sembla si choqué, que malgré que je pris soin de ne rien dire pendant plusieurs secondes, il ne trouva rien à répliquer. Était-il si redouté par tout le monde? Merlin, c’était incroyable. Pour la première fois, j’avais l’impression que je servirais réellement à quelque chose ici. J’ajoutai en prenant la liberté de lui tapoter l’épaule :
- Tu sais, ce n’est pas grave d’avoir le bec cloué. Mais… je n’ai pas que ça à faire, attendre après toi, mon petit bonhomme. J’ai d’autres chats à fouetter. Alors tu es aussi bien de garder ta langue fourchue derrière tes dents!
Je vis sa mâchoire se contracter et je dus retenir un petit rire, en songeant d’où me venait ma dernière répartie. Mais tandis que j’amorçais un mouvement pour le contourner, et ainsi rejoindre mes deux seuls semblants d’amis à Serpentard, il me retint par le bras pour souffler d’un ton plutôt furieux :
- Tu es sa fille. À lui. À ce sale con de pr…
- Tu vas arrêter de geindre, Flint? S’exclama soudain Scorpius. Ou ça t’ennuie que pour une fois quelqu’un te réponde?
Je manquai m’étrangler de rire en voyant l’air de Joshua et je parierais sans doute tout l’argent que j’avais à Gringotts que jamais, au grand jamais, Scorpius l’avait interrompu. Apparemment, j’avais déjà une mauvaise influence sur lui… Était-ce vraiment ce genre d’héritage que j’avais offert à mon meilleur ami? C’était presque… triste. Si ce n’était que ça. Sauf que… c’était une partie de ce qu’avait dit Joshua qui m’empêcha de rire, le forçant à rester coincé dans ma gorge.
- Est-ce que tu es en train d’insulter mon père? Grondai-je en sentant le sang chauffer dans mes veines.
Je n’avais pas connu mon père. Ou très peu. Mais s’il y avait bien une chose que je savais, c’était que ce n’était pas un sale con.
- Ça t’énerve, Beauxbâtons? Tu devrais peut-être rentrer chez toi, dans ce cas.
- Tu veux que je rentre chez moi? Tu veux vraiment que je rentre chez moi? Sifflai-je. Bah, je suis désolée, mais ça n’arrivera pas. Je fais ce que je veux, quand je veux, où je veux et comme je veux. Ce n’est pas un petit avorton imbécile d’idiotie qui me fera partir. Je suis sûre que d’un claquement de doigts je te mets à mes pieds, Flint.
En voyant la veine palpiter à sa tempe, je songeai avec un très léger sentiment de « Ah, bah merde, j’ai fait une gaffe » que j’étais potentiellement allée trop loin. Mais… je ne regrettais rien. Sauf peut-être d’être impulsive. Ça n’avait jamais que du bon, ce genre de truc. Plutôt le contraire. Malheureusement, j’étais sans doute trop inconsciente pour m’en préoccuper réellement.
- Tu ferais mieux d’apprendre à fermer ta gueule et à rester à ta place, Beauxbâtons, gronda-t-il d’un ton sec.
- Oh, tu trouves que j’ai une grande gueule? Lâchai-je, avec suffisance. Et où est ma place, exactement, Flint?
Cette fois je vis sa mâchoire se contracter, ce qui n’annonçait rien de bon. Pour moi, du moins. Je voyais du coin de l’œil Scorpius secouer la tête, tentant de me convaincre d’abandonner et de partir, mais il ne me connaissait pas. Il ne savait pas, contrairement à mon meilleur ami, à mes meilleurs amis… qu’il ne fallait pas essayer de me convaincre, mais plutôt m’obliger à partir. Par la force. Le peu de contrôle que j’avais réussi à obtenir ces dernières années venait de disparaître. En même temps que mon monde d’origine. Tout ce que je voulais, c’était être chez moi. Avec ma famille, mes amis. Pas leur simulacre. Je ne voulais pas de mensonges.
Je ne m’intéressai donc plus à Scorpius et Albus pour me concentrer totalement sur Joshua, chose qui me permit au moins de prévoir ce qu’il avait en tête. Il voulait me remettre à ma place. J’étais en train de remettre en question l’autorité qu’il avait acquise depuis… sans doute un bon moment. Mais pourquoi m’en préoccuperais-je?
Lorsque ses bras se tendirent vers moi avec une force que je n’aurais pas soupçonnée, je m’étais préparée. Du moins un peu. Je reculai de plusieurs pas en arrière, mais je ne me retrouvai pas sur le derrière, comme il en avait certainement eu l’intention. Je m’époussetai négligemment les épaules, là où il m’avait touché, en y mettant toute l’arrogance et la défiance que je pouvais. Je pouvais jouer longtemps à ce genre de jeux. Je pouvais me montrer vicieuse dans ce genre de jeux. Il cracha d’un ton énervé :
- Tu ne mérites pas ta place, ici, Beauxbâtons.
- Oh, tu crois? Répliquai-je en m’approchant de lui avec un début de fureur.
Je m’approchai si près que je constatai avec un certain étonnement qu’il était légèrement plus grand que je ne l’avais cru. Et plus costaud aussi. Je ne me laissai toutefois pas démonter par ce détail, j’avais combattu des brutes bien pires que lui. Sauf que ça faisait mal… Tellement mal… Joshua n’était pas une brute. Comment en était-il arrivé là? Pourquoi? Qu’y avaient-ils de différent entre ici et d’où je venais?
- Oui, je le crois, fulmina-t-il. Aucune vermine dans ton genre ne devrait être à Serpentard.
- Oh, vraiment? Dis-je d’un ton doucereux et sans qu’il ne s’en aperçoive je sortis ma baguette de ma poche et la lui enfonçai dans les côtes.
Je lui adressai un magnifique sourire malicieux empli de défi et de provocation. Il n’y avait plus personne pour m’arrêter, alors pourquoi le faire en si bon chemin. D’ailleurs, si je devais intégrer l’équipe il me fallait monter dans son estime. Et me recroqueviller devant lui ne m’amènerait pas bien loin. Enfin, c’était ma théorie qui collait le mieux avec mon tempérament. J’avais toujours eu quelques difficultés avec les figures d’autorités…
- Écoute-moi bien, Flint. Tout peut bien se terminer si tu me fous la paix. Je viens peut-être de Beauxbâtons, mais je suis certaine que je suis plus forte que toi. Et en ce moment, tu n’es pas en position de me dicter quoi faire. Je n’aurais même pas à remuer les lèvres pour te saucissonner. Ou pour te faire dormir. Veux-tu rester maître de toi ou perdre la face devant tout le monde? C’est à toi de voir.
Je le sentais bouillir de fureur, mais je voyais très clairement dans ses yeux qu’il savait qu’il était en mauvaise posture. Qu’il n’était plus aux commandes. Dans les deux scénarios, il perdrait la face que ce soit en abandonnant l’idée de me faire mordre la poussière sous sa soi-disant supériorité ou en se prenant l’un de mes sortilèges en plein ventre. Aucun des deux scénarios n’était valable pour lui. Après tout, il semblait affectionner le fait de commander par ici. Et moi, j’étais une nouvelle qui le défiait. Il ne pouvait pas se permettre de capituler, pas devant autant de témoins. Enfin, cela s’il tenait à sa réputation…
Sauf que s’il me demandait mon avis, sa réputation venait déjà d’en prendre un sacré coup. Alors il devrait s’épargner une plus grande humiliation. Sinon, ça risquait d’être très affligeant pour lui dans les prochains jours… prochaines semaines… mois? J’espérais sincèrement que ça n’irait pas plus loin. Je ne voulais pas rester des années coincées dans cet endroit. Ce n’était pas chez moi. Ce n’était pas ici que j’avais ma place.
D’autant plus qu’il y en avait déjà une. Une Allison.
Ils n’étaient pas prêts à en avoir deux.
En partant du principe que nous nous ressemblions…
- T’as du culot, Beauxbâtons. Et de la répartie. Mais ça ne te sauvera pas toujours, grommela Joshua en levant les mains et reculant d’un pas.
Ses mouvements étaient raides, preuve qui lui était difficile de se retirer. Je lui adressai à nouveau mon sourire malicieux et ajoutai :
- Ça m’a toujours réussi jusqu’ici, Flint. Et sache que je veux faire partie de l’équipe de Quidditch.
- Hors de question, siffla-t-il.
J’arquai un sourcil et lâchai d’un ton nonchalant :
- J’étais l’une des meilleures Batteuses de mon équipe, Flint. Te priver de mes talents serait une erreur… d’autant plus que je peux me montrer très… rancunière et vicieuse lorsque vient l’heure de me venger.
Il sembla réfléchir un instant à mes menaces voilées et marmonna en levant les yeux au ciel :
- Si tu le dis, Beauxbâtons. Peut-être que le Choixpeau n’est pas complètement détraqué, tout compte fait. Viens aux essais la semaine prochaine et on verra bien ce que tu vaux.
- Tu peux compter sur moi! Lui lançai-je alors qu’il s’éloignait déjà.
Tout compte fait, ça s’était plutôt bien déroulé comme altercation… Mieux que je l’aurais cru au départ. Après tout, je ne l’avais pas frappé, n’est-ce pas?
- Est-ce que tu es complètement dingue? Lâcha Scorpius sur un ton ahuri en m’attrapant vivement par le bras pour m’entraîner plus loin.
- Non… Pourquoi? grommelai-je en lui jetant un regard suspicieux.
- Tu n’aurais pas dû répliquer, maintenant il risque d’encore plus te prêter attention et vouloir t’écraser, plusieurs fois, au passage, répondit Albus.
- Je crois plutôt que cette fois-ci, j’ai gagné son respect. Et je n’arrive jamais à m’écraser devant des brutes épaisses.
- Je suis d’accord que c’est une brute, avança Scorpius. Mais il est loin d’être idiot.
- Je suis au courant, affirmai-je, ce qui me valut le regard surpris de mes deux compatriotes. Vous oubliez que je viens d’un autre Poudlard?
Les derniers mots avaient été prononcés dans un chuchotement pour éviter que je me fasse entendre des personnes à proximité.
- D’accord… mais pourquoi tu le traites de brute épaisse? S’enquit Albus.
Je poussai un soupir de découragement avant de répondre :
- Parce que c’est un moyen comme un autre de désamorcer l’impact négatif des brutes. Et parce que non-idiot ou pas, je reste la meilleure.
Avec un sourire ironique, j’envoyai valser mes cheveux vers l’arrière, affichant l’air de la petite bonne femme qui se prend pour une autre. C’était tout simplement trop drôle de jouer la comédie comme ça.
- Tu es… je ne sais pas ce qui correspond le plus entre étrange et stupéfiante, lâcha Scorpius.
- Va pour les deux! Lançai-je en souriant.
D’un sourire faux. Terriblement faux. C’était le genre de commentaire que n’aurait jamais prononcé l’autre Scorp. Nous nous connaissions tous trop bien pour être surpris par les agissements de l’un et l’autre. Enfin, sauf ceux d’Albus par moment, lui… lui il était un phénomène sans même chercher à l’être. Après, certains pourraient dire la même chose de moi. Toujours est-il, qu’aucun des deux normalement ne m’aurait questionné sur le choix de mes mots pour décrire une brute. Un nouveau soupir se fraya un chemin dans ma gorge jusqu’à ma bouche, mais je le réfrénai.
- Toi et toi. J’ai besoin de vous.
En prononçant les deux toi, j’agrippai les deux garçons par le bras et les entraînai vers la sortie sous les regards à la fois curieux et outragés des autres Serpentards. Je ne prêtai pas attention aux vaines tentatives pour se libérer des deux Serpentards que j’enlevais, possiblement contre leur gré. Je me contentais simplement de tirer plus fortement en resserrant ma prise.
Bon, maintenant… où aller?
Je me maudis intérieurement face à la première idée qui me vint à l’esprit en arrivant dans le couloir des cachots. Merlin, je n’allais pas vraiment utiliser cet endroit que je commençais à profondément mépriser?
Apparemment que si, pensai-je, en forçant les deux êtres récalcitrants à s’enfermer dans un placard à balai avec moi.
- Euh… pourquoi tu nous as amenés dans un placard à balai? Demanda Albus avec ce qui me semblait un ton très… confus.
- J’ai besoin d’informations pour ne pas que quiconque se demande pourquoi je ne suis pas l’autre Allison, expliquai-je en chuchotant. Et on ne pouvait pas rester dans la Salle Commune.
- Pas faux, approuva Scorpius. Et la seule manière pour toi d’obtenir des informations sans te dévoiler, c’est avec nous. Puisqu’on sait qui tu es.
- Exactement, acquiesçai-je.
- Que veux-tu savoir? Participa Albus, semblant beaucoup plus à l’aise maintenant.
Je m’empressai de créer de la lumière avec un Lumos silencieux et comme le placard le permettait, je me glissai au sol pour m’asseoir. Les deux autres Serpentards en firent autant. Je pris ensuite une grande inspiration pour me donner du courage et je lâchai :
- Je veux tout savoir. Ce qu’il s’est passé dans les dernières années à Poudlard depuis que vous êtes là, les histoires que vous savez à propos de tout le monde sur qui vous pouvez me renseigner et… enfin. Tout. Absolument tout ce que vous pouvez me dire.
Ils se jetèrent un regard qui semblait en dire très long.
- Il y a seulement un problème dans ce que tu demandes… marmonna Scorpius.
- Lequel?
- On est les parias de l’école, répondit Albus.
- Et alors? Vous avez certainement prêté attention à des trucs… Non?
Ils poussèrent un soupir qui me donna envie de grogner. Merlin, pourquoi possédaient-ils si peu de foi? C’en était désolant.
- Écoute, Allison… Je crois que le mieux, c’est que tu nous demandes ce qui est vrai ou pas selon ce que tu sais à propos de certains individus. Et quant aux évènements de l’école, ça on peut t’être utile quand même, proposa Scorpius.
C’était mieux que rien, songeai-je. Pourtant… j’aurais préféré obtenir plus… tellement plus. Tout reposait sur ma capacité à bien m’intégrer ici. Et je n’avais jamais été une as de l’intégration. Le fait que j’aie réussi à le faire là d’où je venais résultait de mon arrivée en première année alors que tout le monde pouvait encore avoir espoir que la jeune écervelée que j’étais se calme. Chose qui n’était pas arrivée. Et maintenant… j’étais en sixième. Personne ne s’attendra à ce que je change de comportement. Alors m’accepter n’en sera qu’encore plus ardu.
- Très bien, alors je vais poser des questions… soupirai-je.
Mais avant de poser les questions, je devais réfléchir à ce dont j’avais réellement besoin. Tout d’abord, toutes les informations concernant la troupe Weasley/Potter. Ensuite, les professeurs de l’école. Après… Après… Malia. Teena. Amy. Kieran. Liam? Dylan? Ruby. Quoi d’autre? Joshua.
Une fois certaine d’avoir accumulé toutes les questions qui me seraient nécessaires pour avoir un tant soit peu de chance de réussir ici, je plongeai mon regard dans celui des deux gars qui se trouvaient assis avec moi dans un placard à balai. Sans plus de préoccupations, je les bombardai tous les deux de questions et les réponses furent… quelque peu surprenantes.
Poudlard n’avait en soi aucune différence d’avec celui que je connaissais, si ce n’était leur aventure à eux en quatrième année. Deux choses qui différenciaient quand même mon Poudlard du leur, c’était en premier lieu certain des professeurs qui n’étaient pas les mêmes, comprenant le professeur de Divination qui n’était pas Trelawney. Puis ensuite c’était le fait qu’il n’y avait pas de Tournoi de duel. Ni rien dans le genre de mélanger les cours optionnels. Cette nouvelle me donna envie de soupirer, moi qui croyais que j’allais enfin pouvoir apprendre certaines choses concernant les runes dont Rose me parlait! Ou encore les complications de l’arithmétique! Mais non. Rien de tout ça. Fabuleux. Vraiment, il n’y avait pas d’autres mots pour décrire cette situation.
Après quoi j’eus la joie d’apprendre que Malia McDonald et Teena Bones existaient bel et bien. Que la dernière était l’une des filles qui avaient connu le plus de gars dans toute l’école et que la première ne semblait plus être la même depuis l’année dernière. Apparemment, Malia était l’une des seules filles à leur adresser la parole gentiment. Elle et Teena étaient amies, mais depuis un incident l’année dernière, elles ne parlaient plus à Rose qui était pourtant une excellente amie. Selon Albus, ça remontait à Noël. Cette nouvelle me donna un goût de cendre dans la bouche et quelques sueurs froides. J’avais un très étrange pressentiment concernant la raison de la dispute et le pourquoi Malia avait changé. Et ça se résumait en quelques lettres.
P.P.A.M.
Problème de Pilosité Abusive Mensuelle. Loup-garou.
Et elle était toute seule…
Une boule se forma dans ma gorge et je déglutis avec difficulté. Je pourrais l’aider… Mais elle ne me connaissait pas. Et je ne connaissais pas cette version d’elle. Je ne pouvais pas être certaine qu’elle garderait le secret à mon propos. Après… rien ne m’empêchait de me faufiler dehors lors des Pleines Lunes pour la rejoindre et lui permettre de passer un moment plus agréable. Oui, c’était ce que j’allais faire!
La suite ne me parut pas particulièrement sympathique non plus, au vu des résultats que ça avait donnés. Joshua Flint n’avait pas perdu ses parents, il était effectivement ami avec un Kieran Bletchey et ce dernier n’était pas particulièrement plus sympathique, même s’il était le moindre des deux maux. Concernant Ruby, ses parents allaient effectivement bien tous les deux et malgré qu’elle ne les rabaisse pas, elle ne les appréciait pas particulièrement non plus. Pendant presque cinq ans, James et elle avaient eu plusieurs altercations très… proches de la drague ouverte avant de finalement aboutir.
Sinon, la seule chose qui était différente de mon chez-moi, c’était le fait qu’Hermione était Ministre de la Magie. Tous les autres membres de la famille occupaient les mêmes postes que ceux de chez moi.
- Sinon, il y a aussi une chose que tu devrais savoir… commença Albus.
- Laqu…
- Ce n’est pas important, voyons, Al! S’emporta Scorpius en foudroyant son ami du regard.
- Qu’est-ce qui…
- Bien sûr que c’est important! S’empourpra le premier en renvoyant un regard mauvais.
- Je peux sav…
- Non, ce ne l’est pas! S’écria le Serpentard pure souche.
- Mais elle va bien…
- Je peux savoir ce qu’il y a, à la fin! Hurlai-je en interrompant volontairement Albus.
Les deux tournèrent un regard à la fois estomaqué et effrayé dans ma direction avant d’ouvrir la bouche, dans l’intention claire de dire quelque chose. Malheureusement, ils n’en eurent pas l’opportunité, car à ce même moment la porte s’ouvrit sur l’air revêche de Rusard. Il arborait un sourire triomphant qui ne me plaisait pas. Du tout.
- Enfin! S’écria-t-il. Des élèves qui outrepassent le couvre-feu!
J’eus envie de disparaître dans la plancher. J’avais complètement oublié le couvre-feu (quoique, en y réfléchissant, je n’y avais que très rarement prêté attention…). Nous avions parlé beaucoup plus longtemps que prévu… Merlin.
- Ce n’est pas de ma faute! M’offusquai-je vivement alors que je me trouvais dans la Salle des Trophées en compagnie de Scorpius et Albus.
Et on astiquait avec force soupirs tous les trophées et autres qui étaient contenus dans la salle. Du moins, c’était ce que l’on faisait jusqu’à ce qu’ils m’accusent de nous avoir coincés là. Ce qui n’était pas l’exacte vérité, s’ils voulaient mon avis.
- Bien sûr que si! Protesta Albus. C’est toi qui as commencé à hurler!
- Peut-être. Mais c’est qui exactement qui cherchait à me cacher des trucs? Vous deux!
- C’est Scorpius qui veut te cacher des trucs! Rétorqua le seul Potter Serpentard depuis des générations.
- Hé! J’ai mes raisons! S’indigna l’intéressé.
Ça faisait plus mal que ça ne le devrait. Ils n’étaient pas mes amis. Pourquoi est-ce que ma tête s’entêtait-elle à croire le contraire? Après c’était mon cœur qui en souffrait et j’en avais marre de ces émotions douloureuses à la noix. J’en avais marre qu’on me piétine le cœur, qu’on me martèle les côtes à coup de pioche… Tout ce que je voulais…
C’était rentrer chez moi.
Retrouver ma famille inexistante et mes amis.
Retrouver ce qui faisait de moi… moi.
Retrouver ceux en qui j’avais confiance et ce à quoi je tenais.
Merlin, être ici c’était tellement…
Une plaie.
Je me détournai d’eux pour éviter qu’ils voient mes yeux s’embuer. Je me sentais comme une gamine qu’on avait laissée chez une tante pour une semaine. Qu’on avait abandonné. Mais c’était stupide, un sentiment stupide. D’autant plus que personne n’avait contrôlé ce changement de réalité. Si ce n’était mon don, en tout cas.
- Allison? S’enquit Scorpius.
Ils devaient avoir constaté que je m’étais détournée. Je soupesai l’idée de l’ignorer, mais comme ce n’était pas particulièrement dans mes habitudes (contrairement à certaines personnes que je connaissais) j’entrepris de soupirer longuement et de marmonner :
- Je n’ai pas envie de parler, d’accord? Est-ce que vous avez idée à quel point c’est difficile?
- Qu’est-ce qui est difficile? S’étonna Albus. L’astiquage? Si oui, je suis d’accord.
- Non. Le fait d’être ici. Dans… dans votre réalité. Je ne suis pas chez moi. Tout me le rappelle.
- Comment ça? Me questionna Scorpius et je sentais presque de la compassion derrière ces mots.
- Vous. Rose. Vous n’êtes pas ceux que je connais. Je n’ai pas ma place ici. Je le vois. Je le sens. Mais je suis ici. Il faut que je m’adapte. Mais vous ressemblez à ceux que je connais. Alors…
- Tu n’arrêtes pas de nous confondre, c’est ça? Devina Scorpius.
Je hochai de la tête et le silence s’installa. Je ne savais pas si c’était dans le but de respecter ma volonté de ne pas parler ou si c’était dû au fait qu’ils réfléchissaient à ce j’avais dit… Comme j’étais dans l’incapacité de lire les pensées d’autrui, je ne saurais probablement jamais ce qu’il en était. D’autant plus que cinq minutes plus tard, Rusard venait annoncer aux gars qu’ils pouvaient rentrer à la Salle Commune. Je m’apprêtais à les suivre, croyant que c’était simplement un oubli du concierge, mais il cracha à mon intention :
- Pas toi.
- Pourquoi? m’étonnai-je en ouvrant grand les yeux.
- Tu es nouvelle.
- Justement, je ne connaissais pas les règles… correctement!
Le plus gros mensonge de ma vie. Enfin, pas le plus gros, mais presque.
- Ce n’est pas une excuse! Persifla-t-il. Maintenant, continue à astiquer! Je reviendrai dans une heure!
Dès qu’il me tourna le dos, je lui envoyai un rictus hargneux. Il y avait quelque chose qui ne fonctionnait pas avec son comportement. Certes, Rusard n’était jamais sympathique, mais il ne se montrait pas autant… injuste envers une personne. Je manquai échapper mon chiffon lorsque je le surpris marmonner, quelques mètres plus loin :
- Maintenant, je peux enfin rendre la pareille à ce satané Williams.
Ma gorge se serra à un tel point que si quelqu’un me voyait en ce moment, j’étais certaine qu’il me trouverait plus blême que d’habitude. Mon père… Il parlait de mon père. Comment était-il possible qu’il se souvienne de lui? Bon, en même temps, mon père avait côtoyé Harry Potter, donc peut-être que par association… Mais pourquoi aurait-il une dent contre lui?
Je poussai un soupir rageur devant l’exactitude qu’il me serait impossible de trouver la réponse. À moins de la demander à l’un des deux concernés de l’affaire. Ce qui était… très, très déconseillé. Je pourrais sans doute fouiller et essayer de glaner des informations ici et là, mais si, comme je le soupçonnais, cela remontait à l’époque où mon père avait fréquenté l’école… les seules personnes susceptibles de me répondre seraient les professeurs. Chose qui ne me semblait pas particulièrement adéquate.
Un jour, peut-être, j’arrêterais d’avoir des questions qui ne peuvent pas avoir de réponse.
Un jour.
Ou jamais.
Avec ma merveilleuse chance, je pariais plus sur la dernière option.
Je me remis sans grand enthousiasme au nettoyage des trophées et autres babioles. Tout en me tuant à la tâche ingrate que l’on m’avait donnée, je me perdis dans mes souvenirs, en rêvant partiellement que ceux à qui je tenais étaient là. Je voyais presque l’air à la fois amusé et énervé de James à mes côtés, Rose s’appliquant réellement à rendre les trophées plus jolis. Scorp qui tentait de faire de même, mais en grommelant entre ses dents. Et Al… Al qui fait tout de travers en jetant des regards rageurs à son frère quand ce dernier lui jette son chiffon à la figure. Je voyais tout.
Mais il n’y avait rien.
J’avais l’impression que mon cœur s’effritait dans ma poitrine.
Et ce fut précisément à ce moment que débarqua de manière totalement fracassante Peeves.
Je sursautai violemment et échappai mon chiffon par terre. Le rire énervant de Peeves résonna dans l’air et je lui retournai un regard rageur ce qui ne le fit que rire davantage.
- Allison… c’est les trophées que tu dois astiquer, pas le plancher! Se moqua-t-il.
- Ta gueule, Peeves, répliquai-je sèchement par pur réflexe.
Mais je n’étais pas censé le connaître. Ou en tout cas, pas censé le reconnaître aussi rapidement.
- Tu es une bien vilaine joueuse, Allison Lévesque.
- Attends… quoi? m’écriai-je.
- Allison la Perdue. Allison la Perturbatrice. Où vas-tu? Que fais-tu? me nargua-t-il.
- Tu me connais! L’accusai-je. Tu sais qui je suis et d’où je viens!
- Peut-être que oui? Peut-être que non? Comment savoir?
- Tu le sais! insistai-je.
- Bien, bien, comme tu veux. Je sais qui tu es et d’où tu viens.
Je dévisageai avec étonnement ses petits yeux noirs et méchants. Sa bouche large s’étirait en un sourire à la fois moqueur et méchant. Je n’avais jamais eu de réels problèmes avec Peeves, encore plus depuis mon coup d’éclat contre James et sa période de mutisme. Et aussi par ma propension à… perturber les choses et ne pas respecter le règlement.
- Comment?
- Comment? Répéta-t-il.
- Peeves!
- Tu es un chaos ambulant, Allison. Je me souviens du chaos. Je suis le chaos. Maintenant, si tu veux bien m’excuser, je dois aller perturber le professeur W…
Le visage de Peeves changea soudainement du tout au tout, prenant un aspect solennel que je ne connaissais pas. Que je n’avais jamais vu. Il flottait toujours dans les airs, mais son dos était maintenant droit, son regard lointain comme s’il écoutait des paroles que lui seul pouvait entendre.
Peeves.
Solennel.
Un Peeves solennel.
Non! Non, ça n’avait rien de cohérent! Je me secouai la tête et me pinçai le bras pour être certaine que je ne rêvais pas.
Je ne rêvais pas.
Il était toujours là, avec un air attentif et solennel. Merlin! C’était quoi le délire? Soudain, il se redressa encore un peu et posa à nouveau son regard froid et méchant sur moi. Un frisson me parcourut de la tête aux pieds, car… quelque chose dans ses yeux… était différent. Il était sérieux. Il lâcha abruptement, faisant accélérer considérablement mon rythme cardiaque :
- Allison, j’ai un message pour toi.
Puis, sa voix changea du tout au tout. C’était maintenant la voix d’une femme autoritaire et douce à la fois qui poursuivit :
- Là où toutes choses se trouvent, tu devras chercher. Dans les méandres de l’instrument trompeur, tu me trouveras. Dis mon nom et je viendrai à toi. Ignore mon appel et jamais les tiens tu ne rejoindras. Ils sont si près… et si loin. Leur parler tu as besoin. Si tu échoues, la mort t’attendra.
- Qui êtes-vous? Soufflai-je, ne tenant pas compte de ce qu’elle m’avait dit.
- Tu me connais. Je suis toi. Tu es moi. Réponds à mon appel, Allison Lévesque. Réponds-y, ou échoue et sois vouée à disparaître parmi les ombres.
- Je ne comprends pas… marmonnai-je.
Peeves-qui-n’agissait-pas-comme-Peeves secoua la tête légèrement et répéta ce qu’il avait déjà dit avant de paraître se vider d’une essence vitale étrange. Il reprit aussitôt son air habituel et me gratifia d’un salut plein de bonhomie avant de partir d’un coup sec, laissant l’écho de son rire derrière lui.
Merlin.
C’était tout ce que je trouvais à dire dans l’instant. Je ne comprenais absolument rien à ce qui venait de se passer. J’ignorais tout de la femme qui avait pris la parole à travers la bouche de Peeves. Et encore moins comment c’était même possible. Je croyais que les esprits frappeurs apparaissaient comme ça et qu’il ne répondait à rien ni personne. Ils faisaient partie des non-être. Alors pourquoi mon instinct me hurlait-il qu’il obéissait à la voix de la femme? Enfin, pas la voix, mais la femme, point. Qui qu’elle fût.
Et qu’est-ce que je devais en déduire au juste? De ce qu’elle avait dit. Je n’arrivais pas à réfléchir logiquement, là. Je pris la peine de respirer longuement, avant de songer que j’y réfléchirais plus tard, dans mon lit. Avec Spock. Là, valait mieux que je me remette au travail si je ne voulais pas que Rusard, à son retour, me trouve fainéante et décide de me laisser ici encore une heure. Merlin, il était déjà vingt-trois heures passé… Il voulait me faire astiquer jusqu’à minuit? Espérons que non, j’avais besoin de dormir. Et si je devais passer la moitié de ce qui me restait de nuit à me creuser la cervelle pour comprendre ce que cette stupide mise en garde voulait dire… autant aller à mon lit aussi vite que possible!
Quand Rusard revint finalement me trouver, il me dit rapidement que je pouvais y aller. Je m’empressai de le faire sans réclamer mon reste et une fois dans les couloirs je me mis à avancer de plus en plus rapidement. Je n’avais plus qu’une hâte et c’était de rejoindre mon lit qui n’était pas mon lit, puis dormir. Ou réfléchir et ensuite dormir. Enfin, je verrai bien selon ce qui arrivera en premier. De toute manière, je ne risque pas d’oublier les paroles de la femme…J’avais l’impression qu’elle me les avait écrites de manière indélébile dans la tête.
Je n’avais tourné qu’un ou deux couloirs lorsque je sentis que l’on m’attrapait brusquement par la main pour m’entraîner… dans un placard à balai. Encore?! Je lâchai un grondement outré et fatigué, ce qui ne m’attira pour réponse qu’un rire. Un rire que je reconnus aussitôt et je fus conforté dans mon idée concernant l’identité de mon ravisseur puisque je ne pouvais pas le voir. Et il y avait une seule personne qui avait ce rire et la possibilité d’être invisible.
- Allison Lévesque-Williams. On s’attire déjà des ennuis? Et on entraîne mon frère et son ami dans le coup… Vilaine, me nargua le pas seul et pas unique James Sirius Potter.
J’avais encore plus envie de grogner, soudainement. Je n’avais pas de temps à perdre, non d’un Merlin enrhumé! Pourquoi fallait-il qu’on me tombe dessus au plus mauvais moment?
- Qu’est-ce que tu veux? Grommelai-je.
- Mais quel ton familier! Rigola-t-il. Tu prends tes marques rapidement, pas vrai?
- Qu’est-ce que tu me veux? Répétai-je d’un ton plus dur.
- Pas grand-chose, avoua-t-il. Je cherche seulement à apprendre à connaître la fille qui se retrouve déjà en retenue la première journée de cours. Surtout que, je ne l’apprends que maintenant, tu es la meilleure amie de Ruby.
- Vous êtes vraiment ensemble?
J’avais toujours le plus grand mal à y croire.
- Oui, tu ne crois pas ton amie?
- Bien sûr! Seulement je ne croyais pas que ça pourrait fonctionner entre vous, répliquai-je.
- Et pourquoi ça? M’interrogea-t-il.
Mon cœur rata un battement et ce ne fut que par un miracle miraculeux que je lâchai spontanément :
- J’ai entendu des rumeurs à ton propos, James Sirius Potter.
- Ah oui?
Je pouvais entendre son sourire dans sa voix. Et je me doutais qu’elle serait la prochaine question. Je poussai un soupir léger et discret en attente du coup de grâce.
- Quel genre de rumeurs? S’enquit-il rapidement, confirmant mes soupçons.
Je me mordis les lèvres, regardai le plafond du placard à balai sans le voir et me questionnai sur ce qu’il convenait de répondre. Sans avoir l’air de le connaître par cœur. Exagérons les traits, pensai-je.
- Que tu es immature, ambivalent. Tu ne sais jamais sur quel pied danser et tout ce à quoi tu penses, c’est ton prochain gros coup. Oh, et apparemment tu serais un bourreau des cœurs.
Le dernier point était plus ou moins vrai. Il avait bel et bien brisé bien des cœurs si je me fiais à ce que disait les filles d’où je venais, mais c’était principalement dû au fait qu’il ne prêtait réellement attention à aucune et les éconduisait toutes. Dans un sens, il était un bourreau des cœurs de manière involontaire. Après, je ne voyais pas vraiment ce qu’elles lui trouvaient toutes. Si j’avais dû finir avec James, l’un de nous deux aurait fini par péter un câble. On était trop semblable sur plusieurs points et aucun de nous n’était du genre à vouloir arrêter l’autre s’il dépassait les limites.
C’était pour ça que j’aimais Albus.
Il était plus… calme que moi. Et il me permettait de réduire mon niveau d’impulsivité. Il me permettait d’agir de manière moins stupide et violente. Il était mon Ancre à bien des niveaux. Et maintenant…
Maintenant il n’était plus là.
Je retins un sanglot non désiré pour éviter d’attirer l’attention de James, ce dernier étant étrangement muet. Je compris pourquoi lorsqu’il marmonna :
- Je n’avais aucune idée que des rumeurs de cette sorte faisaient rage à mon propos. Et qu’elles allaient jusqu’à Beauxbâtons.
Je me sentis blêmir et je remerciai le placard à balai d’être aussi sombre. James ajouta rapidement :
- Dis-moi, Allison… Tu ne me cacherais pas quelque chose?
- Absolument pas! Rétorquai-je rapidement. Maintenant, si tu veux bien m’excuser… j’ai sommeil! Continuai-je sur un ton hargneux et je le bousculai pour sortir.
Je refermai rapidement la porte derrière moi pour avoir quelques secondes d’avance sur lui. Je me mis toutefois à courir lorsque je l’entendis hurler :
- ALLISON!
J’accélérai la cadence pour tourner à un coin lorsqu’en jetant un coup d’œil je le vis sortir sa baguette pour me lancer un sort. Ledit sort passa à un cheveu de mon épaule et me força à accélérer encore plus. Je me félicitai intérieurement pour toutes ses années d’entraînement physique qui me permettait maintenant de maintenir la cadence.
Pendant une seconde et quart, je soupesai la possibilité de prendre ma forme d’Animagus, mais je laissai tomber en me rappelant que James allait sans doute utiliser la Carte du Maraudeur pour me retrouver. Et qu’à ce moment… il découvrirait le pot aux roses s’il voyait mon nom apparaître à l’endroit où se trouvait un loup.
Ouais, assurément, il comprendrait assez rapidement.
Je risquais aussi de me faire d’autant plus soupçonner qu’il ne le faisait déjà si j’utilisais des passages secrets. Cela dit… c’était moins risqué que d’avoir une conversation avec lui sur l’origine des rumeurs. D’autant plus avec mon état de fatigue actuel. Enfin, physiquement. Mentalement pour l’instant, mes pensées tournaient dans tous les sens. Et ce à cause d’une seule petite raison…
La Carte du Maraudeur.
La Carte des Marcheurs d’Ombre.
La femme avait mentionné des ombres. Je ne pensais pas que ça avait un lien, mais là aussi ça aurait pu faire tilt. J’avais un moyen de communiquer avec mes amis. À condition que ça fonctionne toujours. Il le fallait. Je sentis mon cœur se gonfler d’un espoir de fou. Merlin… me revoilà à faire dans la citation du Seigneur des Anneaux.
Une bouffée de nostalgie me prit à la gorge. J’avais les films. Je pourrais les revoir. Sauf que j’avais eu l’intention de les visionner avec mes meilleurs amis et quelques autres lors d’une soirée absolument interdite par les règles de l’école puisqu’elle n’aurait pas lieu dans notre Salle Commune et, très fort probablement, après le couvre-feu.
Lorsque je m’engouffrai finalement dans ma Salle Commune, j’avais presque envie de pleurer et mon oral était au plus bas. Je n’avais donc aucune envie de parler à qui que ce soit. Malheureusement pour moi, ceux qui étaient la copie conforme de mes meilleurs amis devaient s’être donné le mot, car Albus et Scorpius m’attendaient assis sur le divan du salon. Dès que je pénétrai dans la pièce, ils se tournèrent derechef vers moi et la première chose que qui sortit de leurs lèvres fut :
- Pourquoi Rusard t’a retenu?
- Aucune idée.
- Essaie encore, proposa Scorpius en m’adressant un regard avec un peu de reproches.
- Parce que je suis celle qu’il a entendu hurler.
Je n’aimais pas du tout où mes pensées me conduisaient maintenant…
- Je ne te crois pas, affirma Albus.
Je poussai un soupir déchirant avant de répondre :
- Il a dit que c’était… enfin, c’était de manière détournée… mais il a dit que c’était à cause de mon père. Ce qui est absurde, car mon père n’a pas mis les pieds ici depuis la fin de sa scolarité, pas vrai?
Ils se jetèrent un regard qui me semblait beaucoup trop… entendu. De ce genre de regard qui insinue qu’ils ne me disaient pas quelque chose.
- Vous recommencez avec votre rétention d’information? Grommelai-je.
- Ce n’est pas… commença Scorpius, mais je le coupai.
- Je suis trop crevée pour gérer vos cachotteries, assénai-je. Quand vous penserez que je suis digne d’avoir cette information, je vais être tout ouïe. Maintenant, je vais me coucher. À demain.
- Allison… tenta Albus, mais je m’éloignais déjà à grands pas.
Mais c’était beaucoup plus dur qu’escompter. Sa voix… sa voix lui ressemblait tellement. Je déglutis avec difficulté et m’incrustai sans un bruit dans mon dortoir. Les lumières étaient toutes éteintes, mais je réussis à me retrouver sans foncer dans quoi que ce soit. J’entendis les discrets mouvements de mon chien et le rejoignis sans attendre sur mon lit. Il glissa son museau dans mon cou en se blottissant contre moi et ce fut à moment que je craquai.
Des larmes se mirent à glisser le long de mes joues sans que je ne puisse les retenir. Ça ne faisait qu’une soirée. Une seule soirée que j’étais ici et j’étais déjà complètement… perdue. Peut-être que demain serait mieux, peut-être. Mais j’avais d’énormes doutes à ce sujet. Les choses ne commenceraient sans doute à se calmer qu’après la première semaine et avant que tout soit relativement normal, ça n’irait pas avant un mois.
Un soupir à moitié étranglé par mes sanglots silencieux s’échappa de ma bouche et Spocky me couvrit instantanément le visage, sans m’étouffer, bien sûr. Sa présence me rassurait. Je me promis instantanément d’aller voir Ember dès demain pour m’assurer que tout allait bien pour elle à la Volière. Je prendrai soin d’eux deux. Ils étaient tout ce qu’il me restait de mon chez-moi. De la réalité d’où je venais.
Je gratouillai rapidement mon chien derrière les oreilles en ravalant mes larmes et m’enfouis rapidement sous les couvertures. Je sortis ensuite à la fois ma Carte des Marcheurs d’Ombre et ma baguette avec laquelle je créai rapidement l’orbe magique me permettant d’y voir plus clair. Des larmes se formèrent à nouveau dans mes yeux lorsque la page de présentation de la Carte commença à apparaître à ma demande…
Que cette Carte puisse t’être utile à toi qui lis ces mots, voici les messages des premiers Marcheurs d’Ombres :
Par la Furtivité du Loup, jamais découvert, tu seras! Te dit Icyeyes.
Par le Camouflage du Tigre, dans les Ombres, tu seras! Ajoute Cruelfangs.
Par la Vue Perçante du Faucon, loin des pièges, tu seras! Renchérit Bloodyclaws.
Et par la Ruse du Renard, la calamité de tes ennemis, tu seras! Conclut Darkhaze.
Maintenant, va accomplir le dessein qui t’a poussé à ouvrir cette carte!
Ma respiration s’accéléra d’elle-même tandis que je posais l’extrémité de ma baguette sur le carré vide de la Carte qui permettait de discuter. Je prononçai mentalement le mot de passe et rapidement par la suite je vis s’afficher :
Mon cœur se serra davantage en voyant les secondes s’écouler sans qu’aucune réponse ne me parvienne. L’absence de mots de leur part m’en disait long aussi. Normalement… s’ils se souvenaient de moi… ils y auraient tout de suite pensé. Là…
N’y tenant plus, je recommençai :
Cinq minutes plus tard…
Dix minutes…
Un nouveau sanglot me secoua les épaules et je me forçai à refermer la Carte. Il était clair maintenant qu’ils ne répondraient pas. Je la glissai toutefois comme à l’habitude sous mon oreiller. Comme nous l’avions tous toujours fait depuis sa création. Peut-être… peut-être aurais-je une réponse demain matin?